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Version finale

25th Legislature, 2nd Session
(November 13, 1957 au February 21, 1958)

Thursday, February 20, 1958

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Première séance du jeudi 20 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 11 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Questions et réponses:

Marché du lait à Montréal

M. Brown (Brome): 1. Quelle a été en 1957 la moyenne quotidienne de gallons de lait livrés sur le marché de Montréal, en provenance de la province de l'Ontario?

2. Quelle a été en 1957 la moyenne quotidienne de gallons de lait déclarés comme surplus de lait par les laiteries montréalaises?

L’honorable M. Barré (Rouville): 1. 8,021 gallons (basée sur onze mois, d'après les informations fournies au ministère de l'Agriculture).

2. 16,504 gallons (la seule laiterie montréalaise recevant du lait de surplus est la Coopérative des producteurs de lait de Montréal).

 

Projets de loi:

Liquidation des compagnies privées

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 53 concernant la liquidation des compagnies privées.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Code de procédure civile, assignation pour interrogation

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 54 modifiant le Code de procédure civile.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Commissions scolaires au Lac-Saint-Jean

M. Ducharme (Laviolette) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 97 modifiant la loi concernant les commissions scolaires de Saint-Joseph-d’Alma, de Naudville, de Riverbend et d’Isle-Maligne soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

M. Ducharme (Laviolette) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 97 sans l’amender.

M. Ducharme (Laviolette) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)1

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas deux millions quatre cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service civil (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas douze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de voyage (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas vingt et un mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de bureau (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Bureaux d'enregistrement (dépenses appliquées contre le revenu) (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Parent (Hull) suggère que l'on agrandisse le territoire du bureau d'enregistrement de Hull. À l'heure actuelle, dit-il, nombre de citoyens de Hull et des environs immédiats doivent se rendre au bureau d'enregistrement de Maniwaki, ce qui suscite des complications et des dépenses inutiles.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) promet d'étudier le problème. Je prévois cependant des difficultés, déclare-t-il, du fait que le régistrateur de Maniwaki est à commission et que ses revenus s'en trouveraient diminués.

Changer la juridiction d'un bureau d'enregistrement n'est pas chose facile. C'est comme si l'on voulait réunir l'Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick.

M. Parent (Hull): Il n'y a plus, depuis la fin de 1946, de bureau de la circulation provincial à Hull.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y en a un au palais de justice.

M. Parent (Hull): Il n'y en a plus. On est obligé d'appeler à Buckingham ou à Aylmer pour faire venir un membre de la police de la route.

M. Desjardins (Gatineau): La cité de Hull est sous la juridiction de la police municipale. Aylmer n'est située qu'à quelques milles de Hull et les policiers peuvent se rendre sur les lieux d'un accident aussi vite que s'ils étaient à Hull. Les membres de la police de la route font un magnifique travail dans mon comté et je suis heureux de les féliciter publiquement.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La police de la route n'intervient jamais dans une cité, à moins qu'on ne le lui demande.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 5. Qu'un crédit n'excédant pas six millions huit cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Sûreté provinciale (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Brown (Brome): Quel est le pourcentage des employés permanents et temporaires de la Sûreté provinciale?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Quatre-vingts pour cent dans le premier cas, et 20 % dans le second. Le chef de toute la police provinciale est M. Hilaire Beauregard, et le lieutenant-colonel Lambert a la responsabilité de la section de Québec.

M. Brown (Brome): Quels sont les salaires payés aux officiers et aux agents de la Sûreté?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ils varient d’un minimum de $3,800 à $2,400, avec augmentation de $200 par année, jusqu’à un maximum de $4,000 à $3,200, pour la police judiciaire.

Dans la section de la gendarmerie, les salaires varient d’un minimum de $3,400 à $2,100, jusqu’à un maximum de $4,200 à $2,000. Il y a environ 500 policiers de la route, dont le salaire minimum varie de $3,500 à $2,200, avec augmentation de $200 par année, jusqu’à un maximum de $4,300 à $3,000.

M. Brown (Brome): Certains des salaires ne sont pas suffisants.

M. Lafrance (Richmond) exprime le même avis.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pas un gouvernement n’a autant augmenté les salaires de la Sûreté provinciale. Depuis le retour au pouvoir de l’Union nationale en 1944, les salaires des membres de l’effectif de la Sûreté provinciale ont été augmentés dans une proportion de 175 %.

M. Lafrance (Richmond): Combien de policiers ont été envoyés à Murdochville2?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): À la demande des autorités municipales de Murdochville, nous avons envoyé à cet endroit 100 policiers pour rétablir l’ordre, mettre fin au sabotage et aux crimes, et protéger les grévistes et leurs chefs, en les empêchant de se faire blesser.

M. Lafrance (Richmond): On connaît cette histoire-là! Les agents qui ont été envoyés là étaient-ils tous de la police-gendarmerie ou s’il y avait des policiers de la route?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il fallait assurer la circulation là comme ailleurs.

M. Lafrance (Richmond): Combien de temps les policiers sont-ils restés à Murdochville?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le temps nécessaire.

M. Lafrance (Richmond): En reste-il encore là-bas?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La police provinciale couvre tous les coins de la province.

M. Lafrance (Richmond): Combien en coûte-t-il à la province pour protéger les briseurs de grève des compagnies par l’envoi de ces 100 policiers?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous n’avez qu’à regarder les Comptes publics.

M. Lafrance (Richmond): On a là un autre exemple des informations que les députés peuvent obtenir du gouvernement.

Combien d’agents s’occupent de l’observance de la loi des liqueurs?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Quelques centaines!

M. Lafrance (Richmond): Je ne me contenterai pas de réponse comme celle-là.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Que le député de Richmond (M. Lafrance) s’en contente ou non, je ne donnerai pas d’autre réponse que celle-là, soit quelques centaines. La police des liqueurs est une police secrète.

M. Lafrance (Richmond): Je pose de nouveau ma question. Les députés ont droit de savoir ce que je demande. Plus tôt dans la session, le premier ministre a promis qu’il laisserait l’opposition discuter des opérations de la Commission des liqueurs, pendant l’étude du budget du département du procureur général.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne me laisserai pas intimider et je ne me laisserai pas changer d’avis par les menaces du député de Richmond.

M. Lafrance (Richmond): Je ne fais pas de menace. Je remplis mon devoir de représentant du peuple. Je ne parle pas en mon propre nom, mais au nom de mes électeurs. J’ai droit d’obtenir ces renseignements.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) soulève un point d’ordre. La police des liqueurs, note-t-il, ne relève pas de l’item en question.

M. le président: Le député de Richmond pourrait poser sa question, lorsque la Chambre en sera rendue à l’item 63, qui concerne les poursuites au criminel.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) demande au premier ministre de préciser quelle est la nature du point d’ordre qu’il a soulevé à l’encontre de la question du député de Richmond.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Mon point d’ordre est basé sur le fait qu'en vertu des budgets de dépense pour la police provinciale, pas un sou n’est affecté à la police des liqueurs. La police provinciale ne comprend pas la police des liqueurs. Elle a ses propres forces. Elle paie ses agents à même les revenus de la vente des boissons provenant des entrepôts du gouvernement. Les revenus de la Commission vont au département des Finances.

Je n’ai aucune objection à ce que certaines personnes ouvrent des débats sur diverses questions, même si les règles de la Chambre n’autorisent pas une telle latitude. Mais il y a certaines autres personnes auxquelles je ne permettrai de discuter que des questions autorisées par les règlements.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je ne peux accepter le raisonnement du premier ministre à l’effet qu’une personne ait droit à un privilège et qu’on le refuse à une autre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C’est une question de règlements, et je m’en tiendrai à cela.

M. Lafrance (Richmond): Si j’ai bien compris le président du comité, nous pourrons poser cette question à l’item 6?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous verrons cela à ce moment-là!

L’étude de la résolution est suspendue.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill       40    concernant la Corporation d’Oka;

- bill       44    modifiant la loi pour prévoir une exploitation rationnelle de certains territoires forestiers.

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 39 modifiant la loi des cités et villes, avec l’amendement suivant qu’il la prie d’agréer:

Ce qui suit est ajouté après l'article 14 comme article 15:

"15. L'article 593 de ladite loi, tel que remplacé, pour les fins de la loi 24 George V, chapitre 94, par l'article 7 de la loi 1-2 Elizabeth II, chapitre 70, est modifié:

a.   en remplaçant, dans la première ligne du deuxième alinéa, le mot "Dix" par le mot "Quarante";

b.   en remplaçant, dans la première ligne du quatrième alinéa, le mot "dix" par le mot "quarante";

Et l'article 15 devient l'article 16.

 

Projets de loi:

Loi des cités et villes

La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 39 modifiant la loi des cités et villes.

L’amendement est lu et accepté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.

 

Ajournement

M. l’Orateur prononce l’ajournement.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 20 février 1958

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Loi des véhicules automobiles

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 45 modifiant la loi des véhicules automobiles soit maintenant lu une deuxième fois.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a quelques années, on avait donné aux corporations municipales le droit de réglementer la vitesse et de percevoir des amendes. Certaines en ont abusé. Nous avons d'abord songé à enlever ce droit aux municipalités de moins de 25,000 âmes. Une telle loi ne rendait pas justice aux villes qui appliquent la loi avec modération et justice. En procédant de cette façon, on aurait tout simplement puni les bons pour les méchants. La loi générale annoncée la semaine dernière disparaîtra.

Pour mettre fin à des abus, en vertu du bill 45, lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil considère que certaines corporations municipales abusent de leur droit de réglementer la vitesse des véhicules et d’encaisser les amendes, il pourra passer un arrêté ministériel pour enlever à telle ou telle ville, coupable de s’être livrée à de tels abus, le droit de percevoir et d’encaisser pareilles amendes.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ça ne s’appliquera pas à n’importe quelle municipalité?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Si, à n’importe quelle municipalité... Certaines municipalités - c’est le petit nombre heureusement - ont multiplié les tracasseries auprès des automobilistes, au point que des citoyens extrêmement respectables ont été conduits auposte de police et soumis à des avanies. C’est le cas d’une minorité cependant. Mais des abus de ce genre ne peuvent être tolérés. Et je puis dire que l’annonce de notre projet de loi a été bien accueillie d’une façon générale.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Il y a eu bien des choses écrites dans les journaux, au sujet des abus dont parle le premier ministre. Mais il est difficile de se faire une idée du nombre des municipalités qui ont abusé de la loi des véhicules automobiles. Est-ce que le nombre des municipalités qui ont ainsi agi est tel qu’il justifie le passage d’une loi spéciale comme celle-ci?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il n’y a pas d’autre moyen de régler le problème. Dans sa version première, le projet de loi aurait comporté des sanctions injustes pour les petites municipalités qui se conduisent bien. Voilà pourquoi le projet de loi apparaît dans une nouvelle version.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Combien de municipalités peuvent être visées?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cinq ou six4.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): En vertu de cette loi, c’est le lieutenant-gouverneur en conseil qui va décider si une municipalité use de méthodes oppressives. Ça me semble extraordinaire.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Est-ce que le chef de l’opposition a des suggestions à nous faire?

M. Rochon (Montréal-Saint-Louis): Dans une municipalité de la région de Montréal, on changeait les poteaux indicateurs de place, sans avertir la population, pour pouvoir percevoir plus d’amendes.

Il suggère que le gouvernement, quand il reçoit des plaintes, prenne deux hommes de police en civil et les envoie sur les lieux dans une automobile portant une plaque des États-Unis.

Adopté, après division. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

Le comité étudie l’article 1 qui se lit comme suit:

"1. L’article 55 de la loi des véhicules automobiles (Statuts refondus, 1941, chapitre 142), modifié par l’article 1 de la loi 11 George VI, chapitre 48, par l’article 6 de la loi 14-15 George VI, chapitre 33, par l’article 1 de la loi 15-16 George VI, chapitre 45, par l’article 31 de la loi 1-2 Elizabeth II, chapitre 16, et par l’article 7 de la loi 2-3 Elizabeth II, chapitre 9, est de nouveau modifié en ajoutant au paragraphe 7, l’alinéa suivant:

"Nonobstant les dispositions du présent paragraphe, le lieutenant-gouverneur en conseil peut décréter que l’amende pour infraction à l’article 41 cessera d’appartenir à telle corporation municipale qu’il désigne et appartiendra à la couronne aux droits de la province, à compter de telle date qu’il spécifie, lorsqu’il juge que la corporation municipale exerce d’une façon abusive ou oppressive pour le public les pouvoirs qui lui résultent du présent article."

M. Lapalme (Montréal-Outremont): À l’article 1 du bill no 45, je lis: "lorsqu’il (le lieutenant-gouverneur) juge que la corporation municipale exerce d’une façon abusive ou oppressive pour le public..." Est-ce que ce n’est pas là attribuer au lieutenant-gouverneur en conseil des pouvoirs qui appartiennent aux tribunaux? On ne devrait pas attribuer au lieutenant-gouverneur de telles prérogatives.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Lorsque les choses vont en cour, elles sont susceptibles de traîner en longueur avec les appels et le reste; et pendant ce temps, les abus vont continuer. Si la loi s’avère inopportune, nous serons encore là l’an prochain pour la modifier.

L’article 1 est adopté.

Les articles 2 et 3 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 45 sans l’amender.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté, après division.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Dossiers d’entreprises d’affaires

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 51 concernant les dossiers d’entreprises d’affaires dans la province soit maintenant lu une deuxième fois.

Une loi similaire, dit-il, a été passée dans la province de l’Ontario il y a quelques années. Certaines personnes aux États-Unis prennent plaisir à tracasser les compagnies canadiennes5 et s’arrogent des droits qui doivent être réservés aux tribunaux de la province de Québec. Il y a lieu de mettre fin à ces tracasseries. D’ailleurs, l’Ontario possède déjà une loi similaire. Personne n’aura le droit de faire transporter les dossiers hors de la province, sauf avec une permission.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je me demande si, à l’heure actuelle, il y a quelques faits particuliers qui poussent le gouvernement à faire adopter cette loi par l’Assemblée législative. Est-ce que la loi est présentée dans un but préventif? Ou est-ce qu’à l’heure actuelle, il y a des cas particuliers qui peuvent amener certaines compagnies du Québec à produire leurs dossiers?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il s’agit d’une loi préventive, ne visant aucun cas en particulier. Les Américains ont de belles qualités, mais trop d’entre eux semblent s’imaginer que U.S.A. signifie US always. La loi est sûrement opportune, car il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui s’arrogent des droits pour tracasser les compagnies canadiennes, peut-être dans l’espoir de les emmener aux États-Unis.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 51 sans l’amender.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. Lafrance (Richmond): Le problème de l'alcoolisme n'est pas nouveau, mais il tend à s'aggraver. Une des causes de l'abus de l'alcool, c'est la violation de la loi des liqueurs. Je crois qu'il est de mon devoir de dénoncer cette situation tant qu'elle subsistera. Je sais que, de l'autre côté de la Chambre, on va dire que c'était pire au temps des libéraux. Mais je puis démontrer au contraire que la situation s'est aggravée dans la proportion de 300 %, 400 % et même 500 %. Quant aux régimes d'autrefois, ils ont été jugés.

On va aussi me citer des statistiques sur le nombre des poursuites; mais ces chiffres démontreront simplement que, malgré les poursuites, la loi continue d'être violée. Malgré ses promesses de se montrer plus sévère, le gouvernement retombe toujours dans ses faiblesses passées. Et jusqu'à présent, il ne semble pas avoir épuisé tous les moyens possibles pour améliorer les choses. Il est inutile de donner des exemples. Il est reconnu par tout le monde que la loi est violée dans la province.

Il donne lecture d'une lettre des évêques de l'archidiocèse de Sherbrooke qui a été lue dans toutes les églises6. Il y est dit: "Si notre peuple boit à l'excès, il faut reconnaître que c'est dû en grande partie à la violation de la loi des liqueurs". On viole, dit-il, les articles concernant l'observance du dimanche, l'interdiction de vendre de l'alcool aux jeunes, les heures de fermeture des établissements, la défense de fournir de la boisson aux personnes déjà en état d'ébriété, etc.

Je me suis rendu près de la frontière de l’Ontario. Les hôteliers du Québec installés près de là m’ont affirmé que, pour eux, le meilleur jour, c’est le dimanche. Dans leurs établissements, on voyait des pères de famille en train de boire avec leurs enfants. De l’autre côté de la frontière, il ne se vendait pas de boisson dans les restaurants et les hôtels.

Il cite un passage de la lettre des évêques dans laquelle on dit que les autorités sont même de connivence dans certains cas avec les tenanciers et leur accordent protection.

En 1941, dit-il, il s'est vendu pour $18,677,000 de bière dans la province; en 1952, pour $77,000,000, soit 427 % de plus... sans compter les spiritueux. Actuellement, il se consomme pour environ $400,000,000 de boissons alcooliques par année dans la province. En 1935-1936, il s'est consommé 15,000,000 de gallons de bière dans la province; et en 1956, la consommation de la bière a atteint 63,000,000 de gallons, soit 14 gallons par personne, y compris les enfants au biberon. La situation s'aggrave de jour en jour.

On dit que si le gouvernement n'avait pas les revenus de la Commission des liqueurs, il ne pourrait pas soutenir certaines œuvres. C'est immoral de faire cette affirmation, si on considère ce que la violation de la loi des liqueurs coûte à la province de Québec. Les juges expriment souvent l'avis que la cause principale de la criminalité et de la délinquance juvénile chez nous est la boisson. La consommation de boissons alcooliques affecte la santé physique et morale de la population. Le juge Samson, de Sherbrooke, a déjà dit que si l'alcool disparaissait pendant 100 ans, les maladies mentales disparaîtraient dans une proportion de 75 %. Ce juge ajoutait que la loi n'est bonne que si on la fait bien observer.

En réprimant les abus, on pourrait réaliser une économie d’une dizaine de millions par année, en éliminant cette cause de crimes de toutes sortes. La cause principale des maladies mentales est l’abus des boissons alcooliques. On dit que le même mal existe dans la province d’Ontario, mais cela ne guérit pas le mal. C’est pour cela que les citoyens bien pensants veulent savoir si, enfin, le gouvernement va prendre des mesures pour enrayer le mal.

Certains semblent voir, dans la loi des liqueurs, une loi qui procure des revenus pour la province, avant d’y voir une législation qui devrait favoriser la tempérance. Nous ne demandons pas que la province soit mise sous la règle d'une prohibition totale; nous demandons seulement que la loi actuelle soit bien observée, de façon à éviter une foule d'abus.

Que le gouvernement fasse observer intégralement la loi des liqueurs et qu'il cesse de se proclamer incapable de faire plus, car de telles déclarations constituent un encouragement aux violateurs de la loi. Si la loi n’est pas assez bonne pour être appliquée, alors il est temps de la changer.

Qu’il augmente le nombre et la qualité des agents de la police des liqueurs dans la province de Québec. Dans mon comté, les agents qui font leurs enquêtes subissent de l’influence. Je ne veux pas dire par là que tous les agents sont mauvais. Qu’on commence par les mieux payer, de façon à ce qu’ils ne soient pas tentés d’accepter certains pourboires.

Il faudrait faire une campagne d'éducation, car on ne fait pas des gens vertueux à coups de lois. Je ne comprends pas que le seul gouvernement catholique de l'Amérique du Nord n'ait pas songé à faire la lutte à l'alcoolisme, comme les autres autorités.

Dans les écoles, on devrait faire une campagne d'éducation, pour mettre les enfants en garde contre ce formidable danger. Une partie des revenus de la Commission des liqueurs pourrait servir à défrayer le coût de cette campagne d'éducation.

Il suggère d’instituer une chaire d’université, afin de faire avancer l’éducation contre l’alcoolisme.

Il faudrait modifier la loi de la Commission des liqueurs actuelle et réformer la Commission elle-même, en remplaçant le gérant par une commission de cinq membres absolument indépendants du pouvoir public; actuellement, il y a trop de favoritisme.

Il faudrait imposer des sanctions plus sévères au lieu des amendes. L'emprisonnement vaut mieux qu'une amende, et le meilleur remède est la révocation des permis.

Le gouvernement devrait restreindre le nombre des permis, car l'occasion fait le larron. Plus il y a d'occasions, plus il y a d'abus.

Le gouvernement devrait faire observer intégralement la loi relative à la publicité des liqueurs alcooliques.

Que le gouvernement instigue enfin une enquête royale, comme il en a fait la promesse dans le petit catéchisme des électeurs7. Si nous pouvons avoir des enquêtes sur la pollution des eaux, il est certainement possible d’en obtenir sur la pollution des esprits par les liqueurs alcooliques.

Aussi longtemps que le gouvernement refusera de s'amender, ce sera le devoir de l'opposition de protester.

À cause de cela, j’ai l’honneur de proposer, appuyé par le représentant de Hull (M. Parent), que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après le mot "que" par les suivants: "cette Chambre, tout en étant prête à voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, blâme le gouvernement de laisser violer ouvertement la loi des liqueurs alcooliques"

L’honorable M. Leclerc (Charlevoix): Je félicite le député de Richmond du ton de son discours. Plusieurs des propositions qu'il nous a faites semblent acceptables, et il a montré dans ses remarques un esprit de conciliation auquel il ne nous avait guère habitués.

Je suis membre des cercles Lacordaire, tout comme le député de Richmond8, et je ne bois pas d’alcool. C'est un titre dont je suis fier, un titre que je préfère même, en certaines circonstances, à celui de député. Les membres de ces organismes sont appréciés différemment, mais ils croient rendre service. Il ne s'ensuit pas toutefois que nous voulions imposer l'abstinence à tout le monde. Essayons de voir les choses telles qu'elles sont et de bien établir les responsabilités.

Tout le monde admettra, je pense, qu'il est impossible de faire disparaître l'alcool de la surface du globe. On boit en France, et Mendès-France9, avec son verre de lait, a perdu le pouvoir. Un missionnaire me disait dernièrement qu'on boit même au plus profond de la brousse. J'ai eu l'honneur, l'an dernier, de représenter la province de Québec à un congrès antialcoolique tenu en Turquie. Le Coran défend aux Musulmans de boire. On boit quand même en Turquie et là, ce n'est pas l'Union nationale qui est au pouvoir.

Si la religion catholique ne défend pas de boire, elle défend toutefois de faire des abus. Pourtant, on voit des étudiants d’universités catholiques annoncer certaines fêtes dans leurs journaux, en mentionnant qu’un bar bien approvisionné sera ouvert aux invités à la suite d’une réception. On voit aussi des personnages très en vue se laisser photographier avec un verre à la main. C’est dire que l’exemple part de haut. Ces exemples sont excessivement mauvais.

C’est donc un problème qui n’est pas particulier à la province de Québec, qui est mondial sans doute, mais il n’en est pas moins grave pour cela. C’est un problème qui angoisse tout le monde, le gouvernement comme les autres. Et ce qui le rend encore plus difficile à régler, c'est qu'on a créé chez nous une singulière mais croissante mentalité, qui tend à rejeter toutes les responsabilités sur le gouvernement pour tout ce qui va mal partout. L’individu oublie sa propre part de responsabilité au chapitre du respect de la loi. Lorsque des violations à la loi sont rapportées et qu’une action appropriée est entreprise contre le contrevenant, très souvent la personne qui est la première à rapporter l’incident est aussi la première à intervenir.

La maladie m'a frappé cet automne et j'ai dû m'absenter de mon comté pendant quelques mois. À mon retour dans le comté, j’ai constaté qu’il s’y vendait plus de boisson qu’auparavant10. On vient parfois nous dire: il se vend de la boisson depuis six mois à tel endroit. J’ai consulté les autorités, toutes les autorités, qui me donnaient ces informations. Elles m’ont dit qu’elles avaient la même impression que moi. Je leur ai demandé: "Alors, avez-vous porté des plaintes?" On m'a répondu: "Non, nous ne voulons pas mettre notre nom là-dedans."

Voilà une partie du mal, l’une de ses grandes causes. Personne n'ose prendre l'initiative d’agir. Les autorités, les dénonciateurs eux-mêmes refusent le plus souvent de signer les plaintes. Personne n’a le courage de le faire. Comment est-il possible d’appliquer la loi, lorsque l’individu ne prend pas ses responsabilités?

On enseigne trop à nos gens la lâcheté, le manque de courage. On ne prêche pas assez le sens de la responsabilité. Quand il s’agit de dénoncer un débit clandestin, un club où la loi est violée, personne ne veut se mettre au blanc11. Les témoins dont on aurait besoin se sauvent. On en est rendu à un point où c'est le député qui doit se faire officier des liqueurs. C’est un état d'esprit qui n'est pas venu tout seul. Il a été créé et préparé.

Dans mon comté de Charlevoix, les opinions sur le problème de l'alcool et l'octroi des licences sont partagées, même parmi les autorités religieuses. Je suis allé voir à l’hôpital un prêtre qui avait fait avec moi une lutte à mort à l’alcoolisme et qui avait même publié un pamphlet condamnant la tolérance. Je lui ai demandé s’il ne serait pas préférable de donner quelques licences d’hôtels plutôt que d’être pris avec ce problème. Et il m’a répondu: "Je ne veux pas que tu donnes des licences. J'aime mieux que tu laisses ces gens vendre un peu. S'il y a des abus, on te le dira." Eh bien, si ce n'est pas là de la tolérance, je me demande ce que c'est.

Je ne donne pas ces faits pour trouver une excuse, mais pour montrer dans quelles conditions le député travaille. Un jour, je reçois une lettre disant: "Il se vend de la boisson à tel endroit; je vous prie d’y envoyer la police, mais ne mentionnez pas mon nom." La police fait une descente, prend le délinquant sur le fait. Au bout d’un mois ou deux, il m’arrive une lettre où l’on m’enguirlande de la belle façon, où l’on menace même de me dénoncer du haut de la chaire, si la justice ne suivait pas son cours. Je suis monté au département du procureur général pour m’enquérir des faits et voir ce qui ne marchait pas. On m'a alors montré une autre lettre d'une autre autorité de la paroisse voisine suppliant le gouvernement de ne pas intervenir.

Une autre fois, encore, j'ai fait emprisonner un de mes amis pour vente illégale d’alcool. Et ce sont les autorités de l'endroit qui sont intervenues pour le libérer avant qu’il ait fini de purger sa peine. J’ai même vu certains députés libéraux faire atténuer une sanction.

Tout cela, afin de montrer la complexité du problème! On dira que j’ai rapetissé la question à ce qui se passe dans Charlevoix, mais à la suite des conversations que j’ai eues avec un grand nombre de mes collègues, je suis convaincu que, dans 99 % des cas, le problème est chez eux le même que chez nous. Les autorités en question ont souvent des motifs valables pour intervenir. Mais alors, pourquoi ne pourrions-nous pas intervenir nous aussi, pour des raisons d'humanité?

Nous sommes donc en face d'un désordre général. Certes, il y a des remèdes. Le député de Richmond en a mentionnés quelques-uns. L'une de ses suggestions m'a particulièrement fait plaisir, puisque je suis à étudier la possibilité, avec le premier ministre Duplessis et le Département provincial de la Santé, la possibilité d'établir une chaire antialcoolique à l'Université12. Sa simple création serait de nature à jeter l'alarme dans le public et aurait une grande répercussion. Mais je crois avant tout que le remède fondamental, c'est l’éducation, la formation des individus. Il y a des gens qui entrent dans une taverne et ne sont jamais capables d'en sortir à temps.

Je remercie le cardinal Léger, Leurs Excellences Nos Seigneurs Mgr Cabana et Mgr Martin de leurs interventions. J'ai vu dans leurs lettres un secours formidable et une aide précieuse pour la population du Québec concernant la situation actuelle, en ce qui concerne la boisson. D'autres y ont vu surtout la condamnation du gouvernement, mais ceux-là ne sont pas des antialcooliques sincères. Des gens seraient très malheureux si la loi était suivie à la lettre, parce qu'ils perdraient ainsi un cheval de bataille. Quant à moi, je remercie les autorités qui viennent à notre secours. Comme me le disait quelqu'un: ces lettres vont réveiller bien du monde, y compris certains députés qui ne sont peut-être pas assez rigides et à qui je fais appel et demande leur coopération.

Mais c'est un problème qui ne relève pas seulement des députés. Ce problème concerne également les autorités municipales, les contribuables, les parents. Eux aussi ont besoin d'être réveillés pour qu’ils constatent qu’en cette matière, la discipline n’a pas flanché. C’est la responsabilité de tous les corps publics de participer à appliquer la loi. Je demande aux parents d’ouvrir les yeux et de voir clair, de ne pas donner à leurs enfants une liberté dont ils ne sont pas encore capables de se servir. Si des jeunes filles fréquentent des endroits louches à des heures indues, c'est d'abord aux parents d'y voir. Qu'ils ne rejettent pas leurs responsabilités sur les épaules des autres.

Les députés ont leurs responsabilités, c'est entendu. J'ai fait vider, pour ma part, 16 hôtels sans licence, il y a quelque temps. Il y a eu toutes sortes d'interventions, mais je n'ai pas bronché. Qu'on comprenne bien, toutefois, que le député ne peut pas tout voir ni tout savoir.

Eh bien! Il est temps que chacun mette le doigt sur le problème et la main à la pâte. Ne nous laissez pas seuls pour faire la lutte, car nous n’aboutirons à rien, si les autres refusent de prendre leurs responsabilités. Nous avons besoin d'être aidés. Il n'est pas juste de laisser un député seul avec un problème comme celui-là. Les députés ne peuvent pas tout faire.

Je crois donc que la motion du député de Richmond (M. Lafrance) devrait être corrigée pour qu’il ne s’agisse non plus d’un blâme, mais d’un urgent appel à la bonne volonté de tous, autorités civiles et religieuses, ainsi qu'aux parents, aux contribuables, et à tous ceux qui peuvent et doivent s'intéresser à la lutte antialcoolique, parce que seuls nous sommes incapables de faire face à la situation. La motion du Parti libéral devrait être envoyée aux autorités religieuses de la province et aux parents des jeunes qui sont les clients des débits de boissons.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La Chambre constatera qu'il est facile, en suivant les règlements, de parler de la loi des liqueurs. Je ne suis pas un Lacordaire, mais il y a 16 ans que je n'ai pas pris une goutte de boisson alcoolique. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que la boisson fait des ravages. Mais on admettra facilement que ces ravages ne sont pas le monopole de la province de Québec. Ils sont la conséquence d'un fléau mondial.

En accusant le gouvernement de permettre qu’on viole la loi, elle accuse les députés de se faire volontairement complices de la tolérance. Par conséquent, il ne peut être question pour les ministériels de l'accepter.

Le député de Richmond a discuté la question d'une façon partisane. Il a dit des vérités, mais il s'est aussi permis beaucoup d'exagérations.

La province de Québec est immense comme un empire, mais elle reste, de toutes les provinces de la Confédération, celle où les abus de la consommation de l’alcool sont les moins considérables. Je ne critique pas les autres provinces. Je ne fais que constater des faits. On cite souvent la province d'Ontario en exemple, et pourtant, le taux de l'alcoolisme est plus élevé en Ontario que dans le Québec. Même chose pour la Colombie-Britannique. Je ne dis pas ces choses pour justifier les abus commis, mais pour faire voir la situation existante13.

Le problème de l’alcoolisme n’est pas limité à la seule province de Québec ou au Canada. Il se présente sous une forme plus aiguë dans d’autres provinces et surtout dans certains pays européens.

L’alcoolisme c’est, comme le cancer, les maladies du cœur, les accidents de la circulation, la criminalité juvénile, l’un des grands problèmes que confrontent les nations. Ce sont là des maux dont est affligé le genre humain de nos jours. Ils ne sont particuliers à aucun pays.

Mais parce que c’est l’apanage de celui qui administre la chose publique d’avoir des soucis, c’est un sophisme de dire que c’est lui qui se les crée.

On parle de la violation de la loi des liqueurs dans la province? Est-ce que le Code criminel n’est pas violé tous les jours de façon plus flagrante? Sont-ce les législateurs qui violent la loi ou le grand public? Quelle est la cause de la croissance de la criminalité juvénile dans le monde entier? Faut-il la situer chez les administrateurs de la chose publique?

Il est incontestable que les abus relevés dans le Québec sont moins considérables que les abus relevés dans d'autres provinces et aux États-Unis. Sans doute, il y a encore lieu à des réformes, mais la principale réforme doit être celle de l'individu. Même avec la meilleure police au monde, si l'individu n'est pas réformé, il y aura toujours des abus. Aucune puissance au monde n'est capable d'empêcher un individu de se trouver de la boisson alcoolique.

Pour ce qui est de la loi des liqueurs dans la province, faudrait-il la rendre encore plus sévère? Il rappelle les mauvais jours de la prohibition alors que, affirme-t-il, j’ai vu des gens qui jamais dans leur vie n’avaient bu de boisson commencer à boire parce que c’était défendu. Le gouvernement doit être sévère, mais il doit éviter aussi les extrêmes, car chaque fois que les gouvernements ont voulu être trop sévères, ils ont provoqué la naissance de "blinds pigs14" et des endroits où l'on vend de la mauvaise boisson, tant au Canada qu’aux États-Unis15.

Le nombre des clubs licenciés et tavernes, aujourd’hui, est moins considérable, proportionnellement à la population, qu’il ne l’était sous les régimes libéraux qui ont précédé celui de l’Union nationale. C’est encore le gouvernement actuel qui a défendu la vente des liqueurs alcooliques et de la bière le Jour de Noël et le Jour de l’An dans les clubs de nuit et restaurants. Jamais la loi n’a été mieux observée que sous le présent gouvernement.

Encore au cours de la dernière session, une nouvelle loi du gouvernement rend passible d’amende quiconque est pris en flagrant délit de consommer de la bière ou des liqueurs alcooliques en automobile, que le véhicule soit en marche ou en stationnement sur un chemin public ou près d’un chemin public.

Je remercie Leurs Excellences les archevêques et évêques d’avoir attiré l'attention du Québec sur les dangers de l'alcoolisme et les réformes qui s'imposent. Nous sommes heureux de constater que les dirigeants ecclésiastiques soient allés de l'avant dans ce domaine, mais je regrette qu'on ait tiré de leurs interventions des conclusions qui ne sont pas justes pour les autorités religieuses elles-mêmes.

Le député de Charlevoix (l’honorable M. Leclerc) a mentionné que l'intervention, pas celle du gouvernement, était un gros obstacle à l'application de la loi des liqueurs. Et, tout cela, dans un bon but. Dans la plupart des cas, ceux qui avaient à se plaindre me demandaient de me mettre au blanc et de ne pas révéler leur nom. Le travail de la police et du procureur général serait bien facilité sans les interventions de l’extérieur.

Il cite un cas où un homme a vendu de la boisson sans permis, a été arrêté et s’est vu infliger une peine d’emprisonnement, suivant les informations d’un individu qui s’est par la suite présenté à lui et a réclamé qu’on le libère. J’ai refusé, dit-il.

Dans certains cas, les autorités religieuses sont les premières à intervenir, quand le gouvernement sévit contre les contrevenants. Je comprends qu’elles interviennent pour des raisons humanitaires, mais c’est ainsi que ça se passe.

La motion du député de Richmond (M. Lafrance) est une motion de blâme. Il ne peut être question que nous l'acceptions. Je regrette qu'on l'ait discutée de façon partisane. On remarquera que je n'ai pas dit un mot de ce qui se passait avant l'arrivée au pouvoir de l'Union nationale. Je défie les membres de l'opposition, un par un, d'oser dire que le gérant et l'assistant-gérant de la Commission des liqueurs ne sont pas des hommes intègres.

Que pouvons-nous faire de plus? Nous ne pouvons surveiller partout, sur un territoire aussi grand que celui de la province de Québec. Nous avons augmenté le nombre des officiers de la police des liqueurs, nous avons augmenté le nombre des officiers du service secret.

Je ne crains pas de dire qu'à l'heure actuelle, le nombre des permis de vente, par mille de population, est moins considérable qu’il ne l’était il y a quelques années de cela.

Il y a une augmentation du nombre des épiciers licenciés, mais, dans les conditions actuelles, les permis de vente de bière par épiciers sont une nécessité. Les épiciers ne peuvent faire concurrence aux magasins à chaîne. Nous en avons besoin parce qu'ils font du crédit. Si nous leur refusons le droit de vendre de la bière, un grand nombre devront fermer leurs portes.

Mais on remarquera que nous refusons le droit de vendre de la bière aux magasins à chaîne. Il y a des réformes à faire et nous entendons les faire, mais, encore une fois, il faut commencer par réformer l'individu. C'est pour cela que je vais voter contre la motion injuste et partisane du député de Richmond (M. Lafrance).

M. Rochette (Québec): Je félicite le député de Charlevoix (l’honorable M. Leclerc) de son intervention. Je suis heureux que le député de Richmond ait fourni à la Chambre l’occasion de discuter le problème. Je tiens à prendre la parole dans la discussion d'une question aussi importante que celle de l'application de la loi.

J’ai eu à prendre mes responsabilités, tout comme le député de Richmond (M. Lafrance), et je n'ai pas failli à la tâche. Depuis le début de mon mandat, chaque fois qu'on m'a signalé des abus, je me suis rendu au département du procureur général et l'on est aussitôt intervenu pour réprimer ces abus.

Il cite plusieurs cas et fait écho aux déclarations de Son Excellence Mgr l'Archevêque de Québec, Mgr Maurice Roy, au cours d'une conférence au Club Richelieu. Il y a, dit-il, des malfaiteurs publics, des êtres malpropres, qui cherchent des moyens d'éviter les prescriptions du Code criminel, et cherchent l'impunité. La province de Québec ne peut malheureusement pas amender le Code criminel, mais si chacun, suivant le mot de Mgr Roy, sortait des catacombes et prenait ses responsabilités, nous pourrions remédier plus facilement aux ravages de la boisson et de la littérature malsaine et obscène. On doit chercher tous les moyens de réprimer les abus et tout particulièrement de sévir contre la littérature obscène.

Je combats l’immoralité depuis plus de 20 ans. Malgré l'augmentation de la population, le nombre des délits était plus considérable en 1944 qu'aujourd'hui.

Je fais appel à tous les pères de famille et à tous ceux qui peuvent contribuer à remédier aux ravages de la boisson et de l'immoralité.

M. Parent (Hull) regrette que le premier ministre ait placé le débat sur le plan de la partisanerie politique. Ceux qui sont les premiers responsables du fléau de l’alcoolisme, affirme-t-il, sont ceux qui ont le devoir de faire respecter la loi des liqueurs et qui la laissent ouvertement violer. Et il reste que les députés de Charlevoix et de Québec n'ont pas démenti ce qu'a dit le député de Richmond. Si les évêques de la province sont intervenus dans cette lutte entreprise contre la vente des boissons, c'est que cette question est au-dessus de la politique.

Il regrette l'existence d'une tolérance dans la province et il rappelle la lettre des Ligues du Sacré-Cœur16 de Hull qui, le 12 avril 1957, demandaient au gouvernement de faire observer la loi. La situation dénoncée dans cette lettre continue d'exister, déclare-t-il.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Après les déclarations des députés de Richmond (M. Lafrance) et de Charlevoix, le débat avait été près de se terminer. Pour ma part, j’aurais été prêt à demander à mes amis de la gauche de ne plus intervenir, car les deux députés avaient placé la question sur un plan élevé, sans faire de partisanerie.

Le député de Charlevoix a eu des mots d’une franchise courageuse, mais, immédiatement après, le premier ministre est intervenu dans le débat. J'ai cru qu'il resterait sur le même plan que les deux autres, mais il a choisi plutôt d'attaquer le député de Richmond.

Si cette motion en amendement à la motion pour aller en subsides a été présentée par l'opposition, c'est que le premier ministre n'a pas voulu promettre que nous pourrions discuter cette question sur les crédits du procureur général.

Où en sommes-nous? Sur la nécessité d'une réforme individuelle, tout le monde est d'accord, tout comme sur la difficulté du problème. Mais il y a autre chose que je ne puis pas taire maintenant que le premier ministre a placé ce débat sur le plan politique. Il est bien beau de dire que c'est un problème difficile dont la solution est encore plus difficile, mais c'est un problème à l'étendue de la province. Et si nous l'avions soulevé, alors qu'il y aurait eu silence complet dans la province à ce sujet, le gouvernement aurait pu nous accuser de faire de la politique.

Ce qui a été dénoncé par les plus hautes autorités de la province, c'est la violation continue de la loi des liqueurs. Et quand le premier ministre se permet d'attaquer injustement le député de Richmond, je me permets de lui faire remarquer qu'il y a cinq ou six ans, il prononçait les mêmes paroles. Je me permettrai de lui rappeler qu'il y a eu déjà une requête qui lui a été remise et qui portait les signatures de 800,000 citoyens de la province de Québec. Le premier ministre avait alors déclaré qu'il était heureux d'avoir la collaboration des évêques et des citoyens pour aider le gouvernement dans sa tâche.

Mais y a-t-il eu amélioration depuis? Les dernières dénonciations des évêques prouvent le contraire. La situation fut tellement mauvaise dans le passé qu'en 1953 des marchands autorisés à vendre des liqueurs ont décidé de faire une enquête dont les résultats ont été publiés en un volume.

Il en cite des passages. Le rapport des enquêteurs, déclare-t-il, dénonce la tolérance générale. Mais il reste que ces gens qui ont légalement le droit de vendre de la bière et des liqueurs ont dépensé cet argent, non pas pour protéger nos enfants, mais pour se protéger eux-mêmes.

Il y a donc eu, en plus de cette requête de 800,000 noms, cette enquête des vendeurs autorisés qui dénonce un mal qui exige que le gouvernement utilise maintenant toutes les armes qu'il a à sa disposition pour combattre ce mal.

Une vaste campagne d'éducation s'impose sans aucun doute. On a parlé de chaire universitaire et c'est une suggestion heureuse. L'argent que le gouvernement pourrait dépenser pour appuyer semblable campagne serait de l'argent bien dépensé. Les députés et toutes les personnes en autorité devraient faire leur part. Seule une action concertée pourra amener des résultats.

L’opposition, pour sa part, a soulevé le problème à maintes reprises. On pourrait la taxer d’y chercher des avantages politiques, mais c’est maintenant la hiérarchie qui intervient. Elle parle de violations ouvertes de la loi. C’est une grave dénonciation, car la violation amène automatiquement le mépris de la loi. Comme le disait le président Roosevelt17, quand les lois sont ouvertement violées, les violateurs deviennent des héros, ceux qui les respectent, des imbéciles.

La loi est ouvertement violée quand on permet, comme cela se fait, que la boisson soit servie à des mineurs, que de la boisson soit servie dans la journée du dimanche. Ce sont les évêques qui signalent ces violations. Il faut espérer que le gouvernement ne verra pas en eux des dénigreurs de leur province.

Il y aura toujours évidemment des individus qui feront des excès. Le gouvernement ne peut empêcher un individu qui achète de la boisson alcoolique de s’enivrer en se livrant à des abus dans son domicile. Mais beaucoup d’excès se produisent parce que la loi n’est pas observée.

Ou bien la loi est bonne ou elle ne l'est pas. Si elle est bonne, et la preuve du contraire n'a pas été faite, les autorités n'ont pas d'autre alternative que de la faire appliquer.

Le premier ministre a prétendu que la province est extrêmement vaste, qu'elle a les proportions d'un empire. Mais, si le département du procureur général voulait s'en donner la peine, beaucoup de causes pourraient être faites sans trop de difficultés.

Il y a, par exemple, ces procès qui se déroulent devant nos cours et où les témoins viennent décrire les randonnées de l'accusé, à toute heure du jour ou de la nuit, dans des grills, cafés ou débits clandestins. Les noms de ces établissements apparaissent dans les journaux. Le procureur général ne peut ignorer cela.

D'ailleurs, si le premier ministre le voulait, nous pourrions partir ensemble, un bon dimanche après-midi, et visiter les grills et les cafés, disons ceux situés près de Québec. Nous n'aurions qu'à entrer rapidement dans ces établissements pour trouver les faits à étayer plusieurs causes. Il y a même des endroits où l'on annonce: "Vente de bière américaine seulement".

En face de ceci, je trouve que la position que prend le premier ministre n'est pas la bonne. Qu'aurait-il dû faire devant tant de dénonciations? Il aurait dû admettre qu'il y a un état de choses intolérable et prendre les moyens de faire cesser cela. De l'aveu de tout l'Épiscopat...

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les évêques qui ont élevé la voix ne parlaient que pour leur diocèse respectif. Je peux citer des lettres d'évêques me félicitant.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Nous ne parlons pas de lettres privées. Je parle de ceux qu n'ont pas eu peur d'élever la voix devant l'omnipotence du gouvernement.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est archi-faux!

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je soulève un point d'ordre. Je demande au premier ministre de retirer ses paroles!

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a Mgr Cabana, Mgr Douville, le cardinal Léger et Mgr Roy qui ont parlé.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Cela fait déjà les quatre cinquièmes de la province.

Il insiste pour que le premier ministre retire ses paroles.

M. l’Orateur: Le point d'ordre du chef de l’opposition est mal fondé.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je ne perdrai pas mon temps à cela.

D'année en année, le nombre des permis a augmenté. Ce qui est grave, c'est le nombre des établissements sans permis qui a augmenté également.

C'est cela qui est dénoncé. Ceux qui ont apporté des dénonciations doivent-ils être considérés comme des dénigreurs de la province de Québec? N'ayant pas fait de tournée spéciale dans ces endroits, j'avouerai que je suis dans une situation inférieure pour dénoncer les établissements sans permis. C'est public et c'est imprimé dans les journaux de la province. On n'a pas le droit de se voiler la face devant cela et de dire à la bonne population du Québec: tâche donc de te défaire de tes mauvaises habitudes, tu as un bon gouvernement et des évêques.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il est 6 heures.

Le débat est suspendu.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 h 15

 

Projets de loi:

Charte de Québec

M. Boudreau (Saint-Sauveur) propose que les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 153 modifiant la charte de la cité de Québec soient maintenant acceptés.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose qu'un message soit envoyé au Conseil législatif pour l'informer que l'Assemblée législative agrée les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 153 modifiant la charte de la cité de Québec, mais en les amendant comme suit:

a.   l'amendement no 1 du Conseil législatif, commençant par les mots "Ce qui suit est ajouté après l'article 8 comme article 9", est retranché18;

L’amendement aurait dû être proposé d’abord aux députés, lors de l’étude du projet de loi par le comité des bills privés de l’Assemblée législative, où les intéressés auraient pu se faire entendre. J’ai reçu des protestations de la Chambre de commerce de Québec et d’un grand nombre d’hommes d’affaires.

b.   le paragraphe 17 de l'amendement no 5 du Conseil législatif, commençant par les mots "La cité est autorisée à accorder, pour une période de cinq ans", est retranché.

Que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

Adopté, après division.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill       42    modifiant la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements;

- bill       50    concernant les allocations aux mères nécessiteuses et à leurs enfants;

- bill       97    modifiant la loi concernant les commissions scolaires de Saint-Joseph-d’Alma, de Naudville, de Riverbend et d’Isle-Maligne.

 

Subsides:

Budget des dépenses 1958-1959

La Chambre reprend le débat, suspendu précédemment sur l'amendement du représentant de Richmond (M. Lafrance) à la motion de l'honorable M. Bourque proposant que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): L'an dernier, il a paru dans les journaux un communiqué émanant du solliciteur général (l’honorable M. Rivard) et concernant le respect de la loi des liqueurs à Noël, au jour de l'An et à l'Épiphanie. On lisait dans ce communiqué la phrase suivante: "Il est clair que tous les endroits qui ne sont pas licenciés seront également soumis à une surveillance étroite..." C'était reconnaître officiellement que la boisson est vendue dans des établissements n'ayant pas de licence; c'était reconnaître une situation de fait que personne ne peut nier19.

Le député de Charlevoix (l’honorable M. Leclerc) a touché courageusement un sujet extrêmement délicat.

Il a parlé d’interventions de hautes autorités dans le cas d’octrois et d’enlèvements de permis. J’espère qu’on me comprendra bien. Je crois qu’il a voulu parler d’interventions d’autorités religieuses en faveur de certaines personnes qui n’étaient pas en règle avec la loi des liqueurs et qui ont fait dévier l'observance stricte de la loi.

Les difficultés que font surgir des cas comme cela, je les comprends d’autant plus que le plus haut clergé vient de s’élever contre la violation de cette loi. Si les cas en question se présentent souvent, comme j’ai cru le comprendre dans certaines conversations que j’ai eues avec des collègues de l’Assemblée législative, je trouve que la situation est souverainement injuste pour l’épiscopat et pour les députés.

Cela les met dans une fausse position. Je crois que le gouvernement devrait attirer l’attention de la plus haute autorité religieuse de la province sur le problème.

Tous les députés savent qu’on a empêché d'un coup la vente du cidre dans la province. Il me semble qu'on pourrait également arrêter la vente illégale et à ciel ouvert d'autres boissons.

Il insiste sur le tort que la multiplication des grills fait courir à la jeunesse et parle du problème que la vente généralisée de l’alcool pose aux pères de famille chargés de veiller à la santé morale de leurs enfants.

Nous ne disons pas que le gouvernement n'a rien fait de son devoir, affirme-t-il, mais qu'il y a un état de choses flagrant: on viole la loi des liqueurs. Beaucoup d’excès se produisent parce que la loi n’est pas observée. Il existe de la tolérance dans la province et il n’y a pas lieu de se cacher.

Les évêques ont décrit une situation qui doit être corrigée, et le gouvernement, même s’il doit faire appel à la coopération de tous, ne peut la laisser se continuer. Il pourrait faire sûrement davantage qu’il ne fait présentement. Il réclame une nouvelle loi, si la présente n’est pas la meilleure.

Il n'y aurait pas eu de motion si le premier ministre avait consenti à ce qu'on parle de toute la question pendant l'étude des crédits du procureur général, déclare-t-il. Maintenant qu'il y a une motion qui déplore la tolérance, que ceux qui sont pour la tolérance se lèvent et votent contre la motion!

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) se lève pour demander la parole20.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) soulève un point d'ordre. Le chef du gouvernement, dit-il, n'a pas droit de parler deux fois sur le même sujet.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) demande au chef de l’opposition de voir l'article 271 des règlements.

M. l’Orateur permet au premier ministre de parler. Un ministre, affirme-t-il, a toujours droit de rétablir les faits.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition ne s'est pas grandi par sa déclaration et par l’attitude qu’il vient de tenir. Il a manifesté une audace qui est une véritable insulte pour l’intelligence des membres de la Chambre et de la population de la province. Il a osé prétendre que le député de Richmond n'a pas fait de politique en présentant sa motion en amendement. Cet amendement du député de Richmond pour aller en subsides est non seulement une motion de non-confiance vis-à-vis le gouvernement, mais elle est diffamatoire, fausse et injurieuse pour lui.

C'est d'une audace inqualifiable, et, en dehors de la Chambre, si un homme faisait une déclaration semblable à celle qu’on retrouve dans cette motion, accusant le gouvernement de permettre qu’on enfreigne la loi, il s’exposerait à une action en dommages. C'est une motion de défiance, et, ce qu’il y a de pire encore, peut-être, c’est que le chef de l'opposition ose insinuer que ceux qui vont voter contre la motion, c’est-à-dire contre l’injure, contre la diffamation, se rangeront parmi les amis de la tolérance.

Le chef de l'opposition a tenté de faire croire que le gouvernement n'a pas fait son possible et qu'il est responsable des abus qui se commettent. Il faut avoir de l’audace pour venir prétendre en Chambre que le gouvernement actuel ne fait pas d’efforts, afin de faire observer la loi. Jamais un gouvernement ou un chef de gouvernement n'a fait autant pour faire respecter la loi des liqueurs que le gouvernement et le premier ministre actuels. J'affirme que, chaque fois que l’on s'est adressé à moi avec une plainte, j’ai envoyé la police et j'ai insisté pour obtenir des sentences sévères, malgré les interventions qui se sont exercées. En ma qualité de procureur général, j’ai refusé d’intervenir en faveur de certaines personnes condamnées pour avoir enfreint la loi. Je défie qui que ce soit de nier cela.

J’ai moi-même fait fermer six ou sept clubs puissants dans la ville de Montréal, des clubs maintenus par des amis de l'opposition, et que les organisateurs libéraux sont allés voir pour leur promettre leur appui et obtenir des fonds électoraux, à la veille des élections.

M. Hyde (Westmount-Saint-Georges) soulève un point d'ordre. Le premier ministre, dit-il, n’a pas le droit de prolonger ce discours. Il n'a pas le droit de défier l'opposition ou qui que ce soit en Chambre.

M. l’Orateur: L’article 271 ne justifie pas ce point d’ordre.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) reproche aux libéraux de citer des chiffres dans l’intention de faire croire que la province de Québec est l'endroit où il se vend le plus de boisson enivrante. L’opposition, soutient-il, n’a même pas l’esprit de justice et la décence de faire la différence, dans ses statistiques, entre la population du Québec et les étrangers et les touristes qui nous visitent. L'opposition n'a pas droit d'ignorer que, dans certaines provinces, en Ontario et en Colombie-Britannique, il se vend beaucoup plus de boisson que dans le Québec, et on a tort de tenter de faire passer Québec pour la pire des provinces.

Il remercie les évêques de la province d'avoir donné une direction générale, mais, dit-il, je suis convaincu que ni Mgr Cabana, ni Mgr Douville, ni Mgr Martin n'ont fait de la politique avec cette question et qu'ils ont traité ce problème sur un plan élevé. Ils seront humiliés de voir que l’opposition, à Québec, essaie de les entraîner comme des auxiliaires dans ce débat.

Au sujet d’une certaine partie de la déclaration du solliciteur général (l’honorable M. Rivard) ordonnant la fermeture des grills et des hôtels licenciés, à certaines heures, le jour de Noël, le jour de l'An et le jour de l'Épiphanie, dont le chef de l’opposition a fait état, il a montré là son souci de rapetisser le débat, de le placer sur le plan de la petite politique, au lieu de la traiter sans partisanerie. Jamais, avant l'Union nationale, les débits et les hôtels ont été fermés durant certaines heures de ces trois jours de fête.

Et quand le solliciteur général est venu me voir avec sa déclaration, c'est moi-même qui lui ai demandé de mettre cette phrase: "Il est clair que tous les endroits qui ne sont pas licenciés seront soumis à une surveillance étroite". J’ai ajouté cette phrase pour que l'opposition, avec l’esprit qui l’anime, ne nous accuse pas de protéger les vendeurs sans licence.

Cela voulait dire, tout simplement, que la loi couvre tous les cas, s’applique à tout le monde, et depuis que le gouvernement a pris cette initiative, jamais les villes de Montréal et de Québec n'ont donné si beau spectacle en ces grands jours de fête religieuse. Et avec la réglementation que nous imposons depuis quelques années, l’ordre et le calme n’ont jamais été si bien maintenus21.

Il parle des devoirs des parents. Ne sont-ils pas, dit-il, les premiers responsables de leurs enfants? Il n’y a que dans un État totalitaire où les gouvernants pourraient se charger de la bonne conduite des enfants. L’éducation première doit se trouver au foyer. La loi défend de servir de la boisson dans les endroits publics aux mineurs. S’il est vrai, comme on le prétend, que des jeunes gens et jeunes filles, âgés de moins de 21 ans, veillent des parties de nuits et consomment des liqueurs alcooliques, que font les parents devant une telle situation?

On prétend que la loi est ouvertement violée? Que font les corporations municipales pour faire appliquer la loi? Est-ce l’autorité qui manque aux chefs de police des municipalités pour fermer les débits clandestins ou pour faire fermer les débits licenciés aux heures réglementaires? Qui ne fait pas son devoir?

Je suis dans la vie politique depuis 31 ans et premier ministre de la province depuis 17 ans, et je défie qui que ce soit de m'enlever un cheveu de sur la tête. J'ai conscience d'avoir fait mon devoir et d'avoir donné à ma province le meilleur de moi-même. Je suis fier de ma race, de ma province, et tous les efforts que je pourrai déployer et les faibles talents que j’ai reçus de la Providence, la santé, je mets tout cela dans la balance au service des destinées des miens.

Il est injuste, injurieux, diffamatoire, libelleux, insultant, calomnieux, offensant, faux et inqualifiable d'affirmer dans une motion que le gouvernement laisse violer la loi des liqueurs et se commettre des abus.

L’attitude que je tiens, que j’ai toujours tenue à l'égard de la loi des liqueurs et de son observance, au contraire, est la plus sévère, la plus tenace, la plus efficace qui soit. À cause de cette sévérité, un lot d'abus ont cessé.

Je puis assurer la Chambre qu’à chaque instant du jour, je ne négligerai aucun effort pour que le Québec soit la province la plus sobre, la plus heureuse, une province libérée, en autant que faire se peut, de tous les abus.

M. Hamel (Saint-Maurice): La motion est l'une des plus importantes qui n'aient jamais été présentées à l'Assemblée législative. Il ne sert à rien de se voiler la face. Le premier ministre prétend qu'elle est diffamatoire? Elle ne fait pourtant que répéter ce qui a été dit du haut de la chaire.

Le gouvernement devrait faire respecter la loi. Il faut de toute nécessité que cesse la concurrence. En face de la loi des liqueurs, tout le monde devrait être sur le même pied. La loi est violée partout. Le gouvernement ne fait pas son devoir dans le domaine de l’observance de la loi des liqueurs.

M. Couturier (Gaspé-Nord) rappelle la situation qui existait dans la péninsule de Gaspé, du temps des libéraux. Il y avait, dit-il, des contrebandiers partout. D'aucuns avaient 40 automobiles à leur disposition. L’Union nationale les a chassés.

Quand l’Union nationale a pris le pouvoir, les gens buvaient beaucoup plus qu’aujourd’hui. Les gens buvaient en cachette partout. La boisson de contrebande se cachait surtout à Marsoui, entre deux montagnes, le long du boulevard Perron. Cette boisson se transportait jusqu'aux États-Unis.

M. Hanley (Montréal-Sainte-Anne): Moi-même dans mon comté, et le gouvernement, en général, dans la province, avons travaillé d'une façon indirecte, mais sûrement efficace, à enrayer le fléau de l'alcoolisme chez les jeunes, en leur aidant à organiser des loisirs sains.

En tenant les jeunes occupés, on les éloigne du même coup des salles de débits de boissons, des clubs et des grills.

La pire menace qui pèse aujourd’hui sur la jeunesse, ce n’est probablement pas la boisson, mais les narcotiques. La situation s’est beaucoup améliorée depuis 25 ans.

M. Lafrance (Richmond) se lève pour demander la parole22.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) soulève un point d'ordre. La motion Lafrance, dit-il, blâme le gouvernement de laisser violer ouvertement la loi des liqueurs alcooliques. C'est une motion libelleuse, calomniatrice à l'endroit du gouvernement. Or, l'article 285 dit qu'il est défendu de se servir d'expressions offensantes pour l'une ou l'autre des deux Chambres ou pour un de leurs membres.

M. Lafrance (Richmond): Nous avons cité les évêques...

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Richmond n'a pas droit de répéter ses propos diffamatoires...

M. Lafrance (Richmond): Les règlements de cette Chambre doivent valoir aussi bien pour le député de Trois-Rivières.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'ai soulevé un point d'ordre. Je soutiens que la motion du député de Richmond (M. Lafrance) est irrégulière...

M. l’Orateur: Il ne fait pas de doute que, devant une cour de justice, le texte de la motion du député de Richmond serait jugé comme libelleux, donc offensant pour la Chambre. Je déclare donc la motion du député hors d'ordre, puisque l'amendement est d'une nature libelleuse et qu'il contient des expressions diffamatoires et antiparlementaires.

Je le rejette comme venant en contravention des dispositions de l'article 285 du Règlement, sous-paragraphe 20o.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): J'en appelle de votre décision.

La question: "La décision de l’Orateur sera-t-elle maintenue?" est mise aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Auger, Barré, Beaulieu, Bellemare, Bernard, Bernatchez, Bertrand, Blanchard, Bourque, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Couturier (Gaspé-Nord), Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme, Duplessis, Élie, Fortin, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Richelieu), Gagnon (Matapédia), Gérin, Gosselin, Guillemette, Hanley, Hébert, Johnson, Johnston, Labbé, Laberge, Ladouceur, Langlais, Larouche, Lavallée, Leclerc, Lorrain, Maltais, Miquelon, Ouellet (Jonquière-Kénogami), Ouellet (Saguenay), Paquette, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot (Gaspé-Sud), Pouliot (Laval), Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Rochette, Rochon, Ross, Roy, Russell, Samson, Schmidt, Somerville, Spence, Talbot, Thibeault, Thuot, Tremblay, Vachon, 67.

Contre: MM. Brown, Courcy, Dionne, Earl, Galipeault, Hamel, Hyde, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Parent, Saint-Pierre, Théberge, Turpin, 14.

Ainsi, la décision de M. l’Orateur est, en conséquence, maintenue.

La motion principale est adoptée et la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides23.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas six millions huit cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Sûreté provinciale (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Brown (Brome): Quelles sont les qualifications requises pour faire partie de la force constabulaire à l’emploi de la province?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pour être membre de la Sûreté provinciale, il ne suffit pas de présenter un certificat d’études et de bonne éducation, il faut aussi faire preuve d’un bon jugement.

M. Brown (Brome) dénonce un agent de la Sûreté provinciale qui s’adonnait, en plus d’exercer son travail, à la pêche commerciale à Sainte-Anne-de-la-Pérade.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il n’y a aucune objection à ce qu’un policier soit pêcheur. Il n’y a absolument pas de mal là-dedans.

M. Courcy (Abitibi-Ouest) lit une lettre qui lui a été envoyée par un ami. Travaillant dans le comté de Portneuf, cet ami s’était informé auprès d’un agent de la circulation portant le numéro matricule 76, s’il n’y avait pas moyen de trouver un endroit où prendre du gin ou de la bière. "Il n’y a pas un restaurant de Portneuf où l’on ne peut pas avoir de gin ou de bière", lui aurait répondu l’agent, en ajoutant à l’adresse du visiteur qu’il ne devait pas parler contre le très honorable Maurice Duplessis.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Voilà un homme très intelligent.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): Est-ce là une qualification pour être un bon policier?

M. Chalifour (Portneuf): Les autorités gouvernementales, civiles et religieuses collaborent d’emblée dans mon comté pour tenter de solutionner le problème concernant les débits de boisson.

M. Rochette (Québec): Je sais moi-même pertinemment que le député de Portneuf travaille énormément pour trouver une solution à ce problème.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 2. Qu'un crédit n'excédant pas sept cent cinquante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Poursuites au criminel (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Rochon (Montréal-Saint-Louis) signale une épidémie de vols à main armée à Montréal. Les tribunaux, dit-il, devraient se montrer plus sévères et ne pas hésiter à donner le fouet et des peines plus sévères pour les criminels, chaque fois qu’il y a usage d’armes ou de violence.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 3. Qu'un crédit n'excédant pas soixante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Affaires judiciaires (matières civiles) (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

M. Saint-Pierre (Saint-Hyacinthe) porte à l'attention de la Chambre une déclaration récente du pape Pie XII à l’effet que les catholiques devraient trembler à la pensée qu’ils peuvent devenir des assassins de la voie publique.

Il attire l’attention du ministre des Transports et des Communications (l’honorable M. Rivard) sur le grand nombre des accidents qui ont eu lieu sur la route numéro 924, à cause, explique-t-il, de la grande vitesse que l’on y fait. C’est un problème inquiétant. Il y a des gens qui foncent à 100 milles à l'heure, et même davantage, et sont la cause d’accidents mortels. J’ai vu des camions-remorques se dépasser sur la route. C'est un véritable suicide par la vitesse. Il demande qu’on sévisse contre ceux qui font plus que 60 milles à l’heure.

Le gouvernement, poursuit-il, devrait augmenter le nombre des policiers de la route et en assigner deux pour chaque voiture, au lieu d’un seul, de façon qu'ils puissent plus facilement procéder à des arrestations, mieux les justifier, et faire une meilleure preuve des délits. De cette façon, les marchands de vitesse pourront plus difficilement éluder la justice.

Le malheur, c’est qu’on on se tue sur les routes non pas parce qu’on fait toujours de la vitesse soi-même, mais parce que d’autres en font ou conduisent mal. Ceux qui conduisent avec prudence sont souvent les victimes des démons de la vitesse. Il y a des chauffeurs qui conduisent tellement vite que jamais les agents ne pourront les rattraper. Soixante milles à l’heure, c’est suffisant!

Il félicite le gouvernement de sa récente décision de rendre l'assurance obligatoire pour les jeunes automobilistes25.

L’honorable M. Rivard (Montmagny): Le problème des excès de vitesse et des illégalités commises est très sérieux, mais c'est un problème auquel le gouvernement apporte une attention toute spéciale. Nous ne négligeons rien pour sévir contre les coupables. Au cours de l’année dernière, nous avons augmenté de 100 le nombre des agents de la route, et dans les 12 derniers mois seulement, 25,000 infractions aux lois de la circulation ont été rapportées.

Je crois que la campagne de sécurité routière que nous avons entreprise pour inciter le public à suivre les règles de la prudence est très importante. Elle a rapporté des fruits, et un succès raisonnable, et mérite d’être continuée plus vigoureusement que jamais cette année. Je fais appel à la collaboration de tous les députés. En passant, je félicite le député de Montréal-Saint-Louis (M. Rochon) de l'intérêt qu'il a toujours porté et qu’il continue de porter aux problèmes de circulation. Plusieurs de ses suggestions ont déjà été agréées par le gouvernement.

M. Saint-Pierre (Saint-Hyacinthe): Dans ce cas, je demande au député de Montréal-Saint-Louis de transmettre mes suggestions en haut lieu. Elles auront peut-être plus de chances d'être agréées.

M. Rochon (Montréal-Saint-Louis): Les députés sont en mesure de faire beaucoup pour aider la police de la route et servir la cause de la sécurité routière. Quand ils voient des infractions se commettre sous leurs yeux, ils devraient prendre le numéro de matricule de la voiture des violateurs de la loi et les rapporter immédiatement à la police de la route qui, à son tour, sera impatiente de remédier à toute situation et entreprendre les actions appropriées contre les violateurs.

Il y a quelque temps, je voyageais en automobile à une vitesse de 35 milles à l’heure, quand j’ai été doublé par un autobus filant à 65 milles à l’heure. J’ai signalé la chose au gouvernement et à la compagnie, et je crois que le chauffeur de l’autobus sera suspendu. Tous les députés pourraient en faire autant.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Si les démons de la route constituent une menace très grave à la sécurité des automobilistes, de façon inverse, les promeneurs du dimanche, des tortues de la route qui causent des embouteillages, s'emparent égoïstement du milieu de la route, sans se soucier de ceux qui les suivent, provoquent des crises de nerfs, des embouteillages et sont aussi cause de peut-être plus d’accidents qu’on ne le croit.

On nous dit que les routes sont pour tout le monde. C’est vrai. Mais, d’autre part, il y a M. X, qui sort avec son amie. Par en arrière, on ne voit qu’une seule tête. La voiture file à 10 milles à l’heure. Elle oblige une ligne interminable d’automobiles à filer au ralenti. On comprend que, dans ces conditions, l’automobiliste qui a déjà fait 100 milles de route, et en a encore 100 milles à faire pour se rendre chez lui, perde patience et laisse échapper des réflexions fort peu liturgiques. Il tente de dépasser et cela provoque de nombreux accidents.

L’excès de vitesse est une cause d’accident, mais les promeneurs du dimanche en sont une autre. Pourquoi ceux qui veulent admirer le paysage ou conter fleurette à leur blonde n’utiliseraient-ils pas les routes secondaires? Je ne sais pas s'il y a quelque chose dans la loi qui interdit cette façon de conduire, mais il me semble que les agents devraient au moins donner aux parasites de la route, aux amoureux qui se baladent le dimanche en obstruant la circulation, l'ordre de circuler normalement. Il doit y avoir moyen de mettre ces gens à la raison.

L’honorable M. Rivard (Montmagny): C’est ce que nous faisons. Si un officier de vitesse constate qu’une voiture devient un obstacle sur la route, il avertit immédiatement le conducteur. Mais nous ne pouvons pas tout de même poster une voiture de police de la route derrière chaque voiture de "sunday driver".

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Si j’étais à la place du solliciteur général (l’honorable M. Rivard), j’irais, un bon dimanche après-midi, m’installer à un endroit achalandé d’une de nos grandes routes, pour faire un relevé du nombre de ces conducteurs peu pressés et observer les dégâts qu’ils auront causés. On verrait qu’il y en a plus qu’on ne le pense.

M. Saint-Pierre (Saint-Hyacinthe) soulève le problème de la littérature immorale. Il y a là, dit-il, un mal qui fait un tort énorme à la jeunesse. Ces publications sont une école de vice et de criminalité. Elles détruisent le travail des éducateurs et tendent à saper tout sens moral, tout respect de l’autorité. Il y a des gens qui ont tellement peu le sens de leurs responsabilités qu’ils vendent ces livres ou ces journaux obscènes même à des enfants. Il demande une intensification de la lutte contre les publications pornographiques.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le gouvernement, même avec les faibles moyens dont il dispose, a déjà fait beaucoup pour combattre la littérature malsaine. Mais je crois que le travail est surtout du ressort de la police municipale.

M. Lapalme (Montréal-Outremont) pose des questions au sujet de la refonte des lois de la province. Le premier ministre, affirme-t-il, se contente de dire qu’elle26 fait du bon travail. On m’informe que la Commission siège chaque semaine.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le sénateur Méthot a remplacé le sénateur Hackett, décédé, à la présidence.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 4. Qu'un crédit n'excédant pas sept cent quatre-vingt-quinze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Administration des palais de justice et prisons, entretien des prisonniers (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

5. Qu'un crédit n'excédant pas cent cinquante-cinq mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Coroners (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

6. Qu'un crédit n'excédant pas trente-cinq mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Dépenses diverses et imprévues (procureur général)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1959.

Adopté.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté plusieurs résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Voies et moyens:

Budget des dépenses 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté. La Chambre se forme de nouveau en comité des voies et moyens.

 

En comité:

Présidence de M. Johnson (Bagot)27

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: Que, pour pourvoir au paiement des subsides qui ont été accordés à Sa Majesté pour la dépense de l'année financière se terminant le 31 mars 1959, il sera permis de tirer, du fonds consolidé du revenu de la province, une somme ne dépassant pas $299,445,400.

Adopté.

 

Rapport du comité des voies et moyens:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté une résolution et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Ladite résolution est lue et agréée.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des voies et moyens.

 

Projets de loi:

Loi des subsides No 2, 1958-1959

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 31 octroyant à Sa Majesté des deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l’année financière se terminant le 31 mars 1959, et pour d’autres fins.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Pension des députés

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le ministre des Finances (l’honorable M. Bourque) présentera à la séance de demain matin un projet de loi portant institution d’un programme de pension contributoire pour les députés et leurs veuves.

La loi québécoise sera basée surtout sur la loi de pension des députés fédéraux qui a été adoptée à la Chambre des communes. Elle sera contributoire, c’est-à-dire que les députés qui y auront droit, à cause de leur nombre d’années comme représentants du peuple devront payer un certain pourcentage de leur salaire de $7,000 par an. S’ils veulent assurer une demi-pension à leur veuve, ils devront payer 7.5 % de leur salaire, mais ce ne sera pas obligatoire. Cette loi couvre les députés actuels et ceux qui seront élus à l’avenir.

La loi pourra être passée rapidement demain midi et envoyée ensuite au Conseil législatif, en même temps que le bill des subsides. Il faudra l’unanimité, car si un seul député s’oppose à la loi, elle sera immédiatement retirée.

 

Ajournement

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la Chambre, lorsqu’elle s’ajournera, se trouve ajournée à demain à 11 h 45 du matin.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. Les sources ne confirment pas la présence de M. Johnson comme président du comité, mais nous supposons qu’il remplit cette fonction, puisqu’il préside tous les autres comités pléniers de la séance.

2. Le représentant de Richmond (M. Lafrance) fait référence à la participation des policiers de la Sûreté provinciale à la grève des mineurs de la Gaspe Cooper Mines de Murdochville. Pour plus de détails sur cette grève marquée par de nombreux incidents (causés entre autres par l’intervention des policiers), voir la séance du 18 février 1958, note 11.

3. Le deuxième item de la séance suivante du comité des subsides.

4. Le premier ministre n’a pas identifié ces municipalités mais La Presse du 21 février 1958, à la page 39, rapporte que, selon toute vraisemblance, "quelques-unes d’entre elles seraient situées dans la région de Montréal".

5. D’après L’Événement du 21 février 1958, à la page 7, le premier ministre pourrait faire allusion à l’invitation à témoigner adressée à certaines papetières du Québec par un comité du Sénat américain.

6. Publiée le 19 janvier 1958 par l’archevêque Georges Cabana (Sherbrooke) et les évêques Albertus Martin (Nicolet) et Arthur Douville (Saint-Hyacinthe), la lettre s’accompagne d’une série de prônes dont le dernier, lu en chaire le 2 février 1958, est publié dans plusieurs journaux, dont La Tribune du 3 février 1958, à la page 3.

7. Le député de Richmond (M. Lafrance) songe au Catéchisme des électeurs d’après l’ouvrage de A. Gérin-Lajoie, Montréal, J.-B. Thivierge & fils éditeurs, s.d., 128 pages, publié par l’Union nationale à l’occasion de la campagne électorale provinciale de 1936.

8. Et comme le chef de l’opposition, révèle Le Soleil du 21 février 1958, à la page 3. Les cercles Lacordaire effectuent, sous l’égide de l’Église catholique, la promotion de la tempérance. Leurs membres, tous masculins, s’engagent à demeurer sobres.

9. Premier ministre de France de juin 1954 à février 1955.

10. Le 21 février 1958, L’Action catholique, à la page 15, soutient plutôt que le ministre a été informé de ces faits et ne les a pas constatés lui-même. Le Montréal-Matin, à la page 7, L’Événement, à la page 7, et Le Nouvelliste, à la page 5, proposent une version semblable à celle de La Presse, notre source.

11. Se dévoiler, se compromettre. Le premier ministre cherchait peut-être à effectuer un jeu de mots, puisque le canadianisme blanc désigne aussi de l’alcool courant, un apéritif.

12. Le 21 février 1958, le Montréal-Matin, à la page 7, nous apprend que c’est l’Université Laval qui recevrait cette chaire. Aucun autre journal ne spécifie le nom de l’université concernée. The Gazette, à la page 38, et The Montreal Daily Star, à la page 4, écrivent d’ailleurs que le docteur Leclerc "did not specify any particular university".

13. Nous ne sommes pas convaincus que les paroles rapportées dans les quatre paragraphes suivants, publiées par Le Temps, aient effectivement été prononcées par le premier ministre ou si elles constituent plutôt un commentaire exprimé par le journaliste.

14. Terme utilisé pour désigner les débits clandestins.

15. Encore une fois, nous ne sommes pas convaincus que les paroles rapportées dans les deux paragraphes suivants, publiées par Le Temps, aient effectivement été prononcées par le premier ministre ou constituent plutôt un commentaire exprimé par le journaliste.

16. Mouvement d’action catholique réservé aux hommes.

17. Franklin Delano Roosevelt, président des États-Unis, du 4 mars 1933 au 12 avril 1945.

18. Nous croyons, en nous appuyant sur des articles tirés du Soleil, du 21 février 1958, à la page 3, de L’Action catholique du 21 février 1958, à la page 3, et L’Événement du 21 février 1958, à la page 7, que cet amendement dont nous n’avons pu retrouver la trace autorisait la ville de Québec à taxer de la machinerie.

19. Ce communiqué, publié par le solliciteur général en décembre 1957, a fait l’objet d’une discussion au cours de la séance du 4 décembre.

20. Il est alors environ 20 h 45, selon le Montréal-Matin du 21 février 1958, à la page 2.

21. Voir note 19.

22. M. Lafrance n’a pas le temps de prendre la parole, puisque le premier ministre se lève en même temps que lui pour déclarer sa motion hors d’ordre.

23. La Presse du 21 février 1958, à la page 1, précise que le débat sur la motion Lafrance s’est poursuivi pendant près de cinq heures. L’Événement, du 21 février 1958, à la page 7, le fait plutôt se prolonger pendant quatre heures et demie.

24. Route qui relie Montréal à Québec sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

25. Voir la discussion des crédits du ministère des Finances de la séance du 4 février 1958.

26. La commission chargée de cette opération.

27. Les sources ne confirment pas que M. Johnson remplit cette responsabilité, mais nous supposons qu’il remplit ce rôle, puisqu’il préside tous les autres comités pléniers de la journée.