To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Debates of the Legislative Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksDebates of the Legislative Assembly

Version finale

27th Legislature, 2nd Session
(August 21, 1963 au August 23, 1963)

Wednesday, August 21, 1963 - N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Trois heures de l'après-midi)

M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be opened.

Faites entrer le messager. Let the messenger in.

M. l'Huissier de la verge noire: M. le Président, c'est le désir de Son Excellence le lieutenant-gouverneur que les honorables membres de cette Chambre se rendent immédiatement à la salle du Conseil législatif. The Honourable the Lieutenant-Governor desires the immediate attendance of the members of this Honourable House in the Legislative Council Chamber.

(M. le Président, accompagné des députés de la Chambre, se rend à la salle du Conseil législatif pour entendre la lecture du discours du trône. À leur retour, M. le Président appelle les affaires du jour.)

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Affaires du jour.

M. Lesage: No 3.

Bill no 1 Première lecture

M. le Président: M. Laporte propose la première lecture d'une loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Johnson: Adopté.

M. le Président: Première lecture adoptée.

M. le Greffier adjoint: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. le Président: Deuxième lecture à la prochaine séance?

M. Lesage: Non, à la présente séance.

J'ai causé avec le chef de l'Opposition de la possibilité d'étudier en deuxième lecture ce projet de loi cet après-midi et, à cette fin, le lui ai fait parvenir vendredi les épreuves iu projet de loi et, lundi matin, plusieurs copies du projet de loi.

M. Johnson: M. le Président, vous innaissez les règlements, vous savez bien que l'Opposition aurait pu exiger qu'ils soient observés et que nous attendions à demain pour la deuxième lecture du bill no 1. Il est exact que le premier ministre a eu la délicatesse de me faire parvenir vendredi dernier des copies des épreuves ainsi que lundi dernier, comme il l'a dit, quelques copies du bill lui-même. Je le remercie pour ce geste qui permet en somme que l'Opposition collabore pour que le travail de cette session, qui coûte énormément cher à la population, aux contribuables et qui n'était pas nécessaire - nous aurons l'occasion d'en reparler - soit facilité et rendu très expéditif, sans toutefois négliger le sérieux du problème qui nous est soumis par le bill no 1.

Il est vrai que j'en ai reçu quelques copies, mais plusieurs de mes collègues, comme sans doute plusieurs députés de la droite, aimeraient bien avoir l'occasion d'examiner le bill le plus sérieusement possible. Nous consentirons à la deuxième lecture, mais je demanderais, dès cette séance, au premier ministre s'il veut bien, après l'allocution du parrain ou le discours du parrain du bill et le discours du chef de l'Opposition, qui lui n'a pas de prétexte pour retarder le discours du premier ministre, que la deuxième lecture soit reportée à ce soir pour permettre la continuation du débat...

M. Lesage: Il y a de grosses chances que nous soyons rendus à ce soir.

M. Johnson: ... pour que les collègues aient le temps d'examiner le projet. Il reste que les collègues ne connaissent pas le contenu du bill et c'est la première fois qu'un bill provincial nous oblige à nous référer à un bill fédéral, ce qui est évidemment une nouvelle mesure d'autonomie.

M. Lesage: M. le Président, je crois que le chef de l'Opposition est en train de discuter du bill et, en ce faisant, il vient de dire une chose qui est fausse. Ce n'est pas la première fois qu'on doit se référer à une loi fédérale pour étudier un bill provincial, parce que lui-même, alors qu'il était ministre, a voté dans cette Chambre pour un bill, pour un projet de loi présenté par son ancien chef, M. Duplessis, et, pour le comprendre, il fallait se référer à une loi fédérale. Et nous y reviendrons.

Mais, M. le Président...

M. le Président: À l'ordre, messieurs:

Une voix: Le chef de l'Opposition avait la parole.

M. le Président: À l'ordre, messieurs:

M. Lesage: M. le Président, je ne sais pa3 qui vient de parler, mais il pourrait se lever lorsqu'il a affaire à parler.

M. Lafontaine: Le chef de l'Opposition avait la parole.

M. Lesage: M. le Président, il me semble qu'il n'appartient pas au député de Labelle...

M. Lafontaine: Pas plus qu'au premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, j'avais donc la parole...

M. Lesage: Cela n'a pas marché ce matin à votre caucus, ç'a l'air.

M. Johnson: M. le Président, j'avais donc la parole malgré l'intervention du premier ministre et j'étais en train de dire que nous voulions coopérer avec le gouvernement pour l'expédition des affaires en vue desquelles la session a été convoquée, mais que j'y mettais quelques restrictions, entre autres, celle de donner aux membres de l'Opposition, quitte aux membres au pouvoir qui ne sont pas intéressés à renoncer à ce droit et à voter aveuglément, l'occasion d'étudier non seulement la loi provinciale, mais d'essayer de comprendre le bill C-76 rédigé dans une langue qui ferait certainement la gloire du ministre des Affaires culturelles de la province de Québec.

Donc, M. le Président, nous collaborerons avec le gouvernement pour l'expédition de ces affaires, mais sans rien sacrifier cependant au temps que nous devons consacrer à l'étude d'un problème aussi sérieux.

M. Lesage: M. le Président, pour ce qui est de la suite du débat en deuxième lecture, le chef de l'Opposition a dit qu'il avait l'intention de répondre au ministre des Affaires municipales qui, je le sais, a une intervention assez longue; le chef de l'Opposition sera assez long, comme à l'habitude, d'autant plus qu'il semble...

Une voix: Comme à l'habitude.

M. Lesage: Je tenterai d'être aussi bref que possible.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lesage: Je tenterai d'être aussi bref que possible et, par la suite, il y a certainement des députés de l'autre côté qui ont pris connaissance de la loi qui était le bill C-76 à Ottawa et du bill no 1, puisque j'en ai fait parvenir plusieurs copies, dès lundi matin, au chef de l'Opposition. Sur quoi nous pouvons procéder...

M. Johnson: Est-ce qu'elle est en vigueur la loi à Ottawa?

M. Lesage: Pardon?

M. Johnson: Est-ce qu'elle est en vigueur?

M. Lesage: Elle est sanctionnée.

M. Johnson: Mais elle n'est pas en vigueur.

M. Lesage: Elle est en vigueur, elle est sanctionnée. Mais elle n'a pas été proclamée, parce que les membres de l'office n'ont pas été nommés.

M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.

M. Lesage: Non, elle n'a pas été proclamée. Je crois qu'elle vient en vigueur par proclamation.

M. Bertrand (Missisquoi): Il parle d'une proclamation et elle ne l'a pas été.

M. Lesage: À une date fixée par proclamation. Elle n'est pas en vigueur, mais je n'ai pas le droit de retarder de crainte que les municipalités ne souffrent d'un retard de la Législature provinciale.

M. le Présidant: Est-ce que je comprends qu'il y a un consentement unanime pour que la deuxième lecture du bill 1 procède aujourd'hui?

M. Johnson: M. le Président, vous avez bien compris.

M. le Président: Adopté. M. Lesage: No 4.

M. le Président: M. Laporte propose qu'à cette même séance, la Chambre se forme en comité plénier pour étudier les résolutions relatives au bill no 1. Adopté?

Une voix: Adopté. M. Lesage: No 5.

Le discours du trône

M. le Président: J'ai l'honneur de faire rapport que, lorsque cette Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de l'honorable lieutenant-gouverneur dans la salle des séances du Conseil législatif, il a plu à l'honorable lieutenant-gouverneur de lire un discours à l'adresse des deux Chambres de la

Législature de cette province et, pour prévenir toute erreur, j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre. "Honorables messieurs du Conseil législatif, Madame et messieurs de l'Assemblée législative, "Vous avez été convoqués en session spéciale aux fins de prendre en considération un projet de loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux. "Vous serez aussi invités à adopter une résolution décrétant qu'il y a lieu pour la Législature de la province de Québec de voter, le plus tôt possible, une loi instituant une caisse de retraite publique et universelle. "Je demande à la Divine Providence de bénir vos travaux au cours de cette session et de vous guider dans vos délibérations."

Décès de MM. J.-P. Castonguay et Emile Lesage

M. Lesage: M. le Président, avant de faire la motion prévue à l'article 6 sur le feuilleton du jour, je voudrais dire quelques mots au sujet d'un événement qui a attristé tous les membres de cette Chambre depuis la fin de la dernière session régulière.

En fait, nous avons eu à déplorer la mort de l'un de nos collègues. Tous les députés voudront sans doute se joindre à moi pour rendre hommage à ce valeureux serviteur de la province et pour offrir de nouveau à sa famille nos condoléances les plus sincères.

Nous sommes fiers de souligner que M. Castonguay a fait honneur à ses commettants en les représentant dignement à l'Assemblée législative. Le comté de Matane se souviendra longtemps de lui.

Nous qui l'avons vu à l'oeuvre étions en mesure d'apprécier son dévouement à l'égard de tous ceux qui avaient recours à ses services et son inlassable énergie à défendre les intérêts de son comté.

Diplômé de l'École d'agriculture de Rimouski, M. Castonguay était bien préparé à travailler à la solution des problèmes des cultivateurs. Il s'est donné d'ailleurs à cette tâche avec un zèle qui l'honore. Son opinion sur plusieurs questions agricoles a été fort utile au gouvernement.

Son absence se fera grandement sentir à l'Assemblée législative qui a pu profiter à maintes occasions depuis trois ans de ses solides connaissances en matière agricole ainsi que de son expérience dans le domaine des affaires municipales.

Esprit ouvert et très compréhensif, M. Castonguay accueillait en bon père de famille les demandes nombreuses que lui présentaient ses électeurs et il ne ménageait ni son temps ni son dévouement pour trouver les solutions les meilleures et tenter d'obtenir justice pour tous.

À Mme Castonguay et à tous les membres de sa famille, je renouvelle l'expression de nos profondes condoléances.

M. Johnson: M. le Président, vous ;, comprendrez que je considère de mon devoir d'associer ma voix et celle de l'Opposition aux regrets et aux sympathies que le premier ministre a exprimés à l'occasion du décès récent de l'un des membres de cette Assemblée législative, l'honorable député de Matane, qui a siégé pendant de trop courtes années.

M. le Président, lorsque nous nous retrouvons, même inopinément, en session après à peine un mois et quinze jours de la fin d'une précédente session qui a duré longtemps, lorsque nous nous retrouvons ici et que nous constatons qu'il manque l'un des membres, non pas pour une absence temporaire, une absence justifiée par la maladie comme c'est le cas de plusieurs de nos collègues tant d'un côté que de l'autre, mais lorsque nous constatons qu'il en manque un parce qu'il a été appelé devant le Juge éternel, je ressens, moi, l'un des doyens de cette Chambre, une douleur qu'il n'est pas facile d'exprimer, même quand il s'agit de collègues de la droite, puisque, devant la mort, cette grande niveleuse, c'est l'aspect humain qui nous frappe beaucoup plus que l'aspect politique ou l'aspect partisan.

Je ne connaissais pas personnellement M. Castonguay, mais je savais qu'il avait été, dans sa carrière, l'un des cultivateurs professionnels les plus actifs, qu'il avait consacré beaucoup de son temps aux associations agricoles, entre autres à l'UCC dont il avait présidé les destinées pour le diocèse de Rimouski. J'avais même exprimé dans le temps le regret que le gouvernement n'ait pas jugé à propos d'appeler dans son cabinet un véritable cultivateur et j'avais nommément désigné, ce que le premier ministre n'a pas cru, le député de Matane.

Je crois, par les renseignements que m'ont fournis nos organisateurs dans ce comté, par les contacts que j'ai eus avec ses amis intimes et par quelques contacts que je regrette avoir été trop peu nombreux dans le temps, que M. Castonguay, sous un couvert agressif, avait quand même été l'un de ces coeurs qui nous font estimer nos concitoyens.

M. Castonguay a fait son possible pour son comté. Il s'est usé à la tâche. Je voudrais offrir à sa famille les sympathies bien senties de tous les membres de l'Opposition et mes sympathies personnelles.

M. le Président, vous me permettrez aussi de rendre hommage cet après-midi et d'offrir des sympathies tout à fait spéciales à une famille qui a été éprouvée depuis la fin de la dernière session, la famille de l'honorable conseiller législatif Lesage, ancien député d'Abitibi-Ouest, député de 1936 à

1939 et de 1944 à 1952. M. Emile Lesage, que la plupart d'entre nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons connu intimement, était l'un de ces pionniers de l'Abitibi, l'un de ces immigrés en Abitibi, comme, d'ailleurs, le député actuel d'Abitibi-Ouest qui avait tout de suite adopté pour son pays d'adoption une attitude agressive, je dirais, vis-à-vis de la politique. Très jeune, il se fit élire, peut-être en 1935, la mémoire me fait défaut, mais certainement en 1936, comme député d'Abitibi-Ouest. Il fut reconnu à juste titre comme le père du comté d'Abitibi-Ouest puisqu'il y consacra tous les immenses talents dont la Providence l'avait doté et une de ces énergies dont je cherche encore le secret et la source.

L'honorable Emile Lesage, qui connut la défaite en 1952, a pu continuer à servir la province lorsque, par l'autorité du premier ministre du temps, qui était l'un de ses amis intimes, l'honorable Maurice Duplessis, il fut appelé au Conseil législatif. Et là encore, jusqu'à ce que la maladie le frappe, l'honorable Emile Lesage fut très actif dans l'intérêt de son comté et sur le plan plus général de la province.

Vous me permettrez d'offrir à son épouse et à ses enfants distingués, à son épouse éplorée nos sympathies les plus senties en même temps que le témoignage de l'affection que nous garderons longtemps pour l'ancien député d'Abitibi-Ouest.

M. Lesage: M. le Président, je n'ai eu l'occasion de rencontrer l'ancien conseiller législatif Lesage que très brièvement à quelques reprises, malgré que, m'a-t-il dit une fois, nous descendions de la même source. Mais je ne sais pas quel était le degré de parenté. Lorsque j'ai rencontré M. Lesage, j'ai pu constater qu'il était d'une grande affabilité. J'ai fait, entre autres, une fois, une partie du trajet sur le train de Québec à l'Abitibi et c'est cette fois-là que j'ai eu le plus longtemps l'occasion de causer avec lui.

J'ai eu l'occasion, lors de son décès, de présenter les sympathies du gouvernement et mes condoléances personnelles à la famille et je me joins au chef de l'Opposition aujourd'hui pour les renouveler.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Correspondance du premier

ministre au sujet des

pensions de retraite et

des travaux municipaux

Maintenant, M. le Président, avec le consentement de la Chambre, je voudrais déposer sur la table copie d'une lettre qui m'a été adressée par le premier ministre du Canada, le 3 août, et copie de ma réponse datée du 16 août sur le sujet des pensions de retraite.

Également, avec le consentement de la Chambre, je voudrais déposer sur la table copie d'une lettre reçue du ministre fédéral des Finances, lettre datée du 8 août 1963, et copie de ma réponse datée du 9 août 1963 au sujet du projet de loi que nous étudierons cet après-midi.

M. le Président: Consentement de la Chambre pour déposer ces documents. Adopté.

Prise en considération du discours du trône

M. Lesage: M. le Président, je propose, secondé par le ministre des Affaires culturelles, que la prise en considération du discours du trône ait lieu immédiatement. M. le député de Kamouraska.

M. le Président: La motion est-elle adoptée? Adopté.

Adresse au lieutenant-gouverneur

M. Dallaire: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer, secondé par M. O'Reilly, que l'adresse suivante soit votée et présentée à l'honorable lieutenant-gouverneur. "À l'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec, nous, les membres de l'Assemblée législative du Québec, réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il vous a plu de prononcer afin de faire connaître les motifs de la convocation des Chambres."

M. O'Reilly: I have the honor and privilege to second the honorable Member for Kamouraska and I think it is an example set by him and I for the rest to follow in the new session.

M. Johnson: M. le Président, nous en sommes rendus au débat sur l'adresse en réponse au discours du trône et, même si j'ai promis, au nom de mes collègues que j'ai consultés ce matin, de faciliter l'expédition des affaires de la province, je ne puis pas manquer à l'élémentaire règle de politesse et féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du trône. Le sympathique député de Kamouraska, maire, évidemment, avait un droit acquis à cette fonction extrêmement importante et traditionnellement réservée à ceux qu'on espère faire entrer au cabinet ou que l'on veut consoler de n'être pas entrés au cabinet. Je félicite le député de Kamouraska pour la mesure dont il a fait preuve cet après-midi. C'est un homme de peu de

paroles, c'est un homme très au point et Sa Majesté sera très heureuse de savoir qu'il n'a trouvé aucun sujet de critique contre l'administration du gouvernement de Sa Majesté depuis la dernière session.

Quant au député de Verdun, M. le Président, je crois que c'est à lui que s'applique davantage ce deuxième point de mon aphorisme que le poste de secondeur à l'adresse qu'on voudrait faire en réponse au discours du trône revient à ceux que l'on veut consoler de n'avoir pas accédé au cabinet des ministres.

I am sure, Mr. Speaker, that the Member for Verdun deserved this honor of being the seconder of this motion, and this is one of the greatest, if not the only "booby prize" that can be awarded to a man who could have expected to enter the Cabinet to represent the Irish Canadians.

M. le Président, je félicite donc...

M. O'Reilly: Mr. Speaker, on a point of privilege, I think the Leader of the Opposition has a little of the Irish blood running in him whether he likes it or not; it is alright for him to say that the representative in this House of the Irish people has the honor to second the Speech from the Throne, but I would like him to withdraw the "booby prize". I am a booby to nobody.

M. Johnson: Mr. Chairman, I will take the honorable Member's word and I will note that being a booby to the Prime Minister and to Mr Kierans is being a booby to nobody.

M. le Président...

M. O'Reilly: Mr. Speaker, may I ask the honorable Member to withdraw the word "booby"? Another Cabinet Member whose name has been mentioned... I do not think I can put words in the Opposition Leader's mouth, but I think the word "booby" is not proper and is not respectful in this House.

M. Johnson: M. le Président, vous m'excuserez de n'avoir peut-être pas l'expression juste en anglais, mais je voulais dire un prix de consolation. M. le Président, je félicite donc le député de Kamouraska et le député de Verdun et je serai très heureux d'aller dans le comté de Kamouraska dire que leur député a fait l'un de ses meilleurs discours cet après-midi. Quant à l'Opposition, malgré le droit que lui accordent le règlement, la constitution et la tradition du régime parlementaire britannique, elle a décidé de renoncer à son droit de parole et de réserver toutes ses énergies pour parler du bill no 1.

Adopté.

M. Lesage: M. le Président, si le chef de l'Opposition a décidé de réserver toutes ses énergies pour le bill no 1, ça lui a pris beaucoup de salive pour ne rien dire pendant plusieurs minutes.

M. Johnson: Je m'excuse d'avoir parié de deux députés libéraux!

M. Lesage: Il est évident que le député de Kamouraska et le député de Verdun sont des hommes sages, contrairement au chef de l'Opposition, évidemment. Et le chef de l'Opposition, dans ses commentaires cauteleux, a réussi à insulter tout le monde, selon son habitude.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Croyez-vous, M. le Président, que ce soit de la part du premier ministre une manière polie de m'accuser injustement d'avoir insulté tout le monde? Si c'est une insulte de parler des mérites du député de Verdun qui n'ont pas été reconnus par le premier ministre, je le regrette. Je trouve que le député de Verdun aurait fait un excellent ministre pour représenter les Canadiens de langue anglaise. Si c'est une insulte au premier ministre de discuter de son jugement, je dirai au premier ministre que je ne suis pas le seul à discuter du bien-fondé de sa décision.

M. Lesage: M. le Président, il appartient au premier ministre de reconnaître les mérites de ses députés, suivant le jugement qu'il exerce. Et la seule façon de le faire, ce n'est pas de nommer un député ministre. Évidemment, le chef de l'Opposition a été habitué à vivre sous la férule de fer d'un de mes prédécesseurs. Cela lui a pris, lui, douze ans à être reconnu et il n'y a aucun doute que c'est sa proore expérience personnelle qui a motivé ses paroles. Il a dû, au cours de sa carrière, proposer ou seconder l'adresse en réponse au discours du trône; à ce moment-là, il a senti qu'il se faisait donner un prix de consolation et il s'imagine que c'est vrai pour tout le monde.

M. Johnson: C'était vrai à part celai

M. Lesage: Je suis satisfait de l'admission du chef de l'Opposition et je lui dis que, dans le Parti libéral, dans le parti que je dirige, ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Les raisons pour lesquelles mon choix s'est arrêté sur le député de Kamouraska et sur le député de Verdun sont bien simples, et même, j'ai donné ces raisons à chacun d'eux. C'est que tous les deux sont maires de municipalités et que la session a été convoquée spécialement pour étudier un projet de loi qui a trait à un problème sérieux pour ces municipalités.

Je les remercie tous les deux d'avoir

accepté de répondre affirmativement à ma demande et je les félicite également de leur concision et de leur précision. Je souhaite que le chef de l'Opposition suive leur exemple.

M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Travaux de la Chambre

M. Lesage: M. le Président, avant que j'appelle la deuxième lecture du bill no 1, j'ai pensé que nous pourrions peut-être dire un mot des heures de séance. Le chef de l'Opposition m'a exprimé au téléphone l'avis qu'il y aurait lieu de siéger le matin. Quant à moi, je suis disposé à le faire à 10 h 30, sauf demain matin; s'il y avait moyen que ce soit à 11 heures seulement, parce que nous devons avoir une séance du Conseil des ministres à 9 heures. Mais, évidemment, nous sommes, le chef de l'Opposition et moi, entre les mains des députés et, si les députés veulent exprimer leur opinion, je pense que nous serions heureux de la connaître.

M. Johnson: M. le Président, conformément à ce que j'ai dit, nous voulons hâter le travail sans précipitation et nous serions heureux de consentir à siéger demain matin, à 11 heures, si ça convient mieux au premier ministre, plutôt qu'à 10 heures et demie. Cependant, je voudrais répéter au premier ministre qu'après la courte allocution du ministre des Affaires municipales, la très courte intervention que je ferai au nom de l'Opposition et peut-être la minime et négligeable intervention au point de vue du temps que fera le premier ministre de la part du gouvernement, nous aimerions avoir l'ajournement, quelle que soit l'heure, afin de permettre à d'autres collèques qui n'en ont pas eu le temps d'étudier le problème, qui n'ont pas eu les facilités de le faire de se préparer. Mieux ils seront préparés, plus nous serons brefs, c'est le cas de le dire.

M. Lesage: Plusieurs copies du bill sont entre vos mains depuis lundi matin.

M. Johnson: M. le Président, oui, mais plusieurs collègues étaient très éloignés et plusieurs collègues ont tenté d'en obtenir des copies. L'un de nos collègues a écrit, il y a dix jours, au greffier de l'Assemblée législative pour demander une copie du bill, mais il n'a pas eu de réponse encore. Ce matin, quelques collègues se sont adressés, je crois, à la distribution et d'autres au greffier et ont demandé des copies du bill et on leur a répondu: Appelez le premier ministre. M. le Président, nous ne savions pas que c'est le premier ministre qui menait le service de l'orateur; si vous ne le saviez pas, je vous en informe. Il arrive que les collègues préféreraient, après l'allocution du premier ministre, qui sera sans doute remplie d'arguments qui méritent d'être étudiés, pesés, avoir l'ajournement. À cette condition-là, nous serons prêts à collaborer.

M. Lesage: Cela va, M. le Président, mais le chef de l'Opposition sait fort bien que le greffier ou le bureau de distribution n'a pas le droit de donner des projets de loi à qui que ce soit quand le projet de loi n'a pas été lu en première lecture. Et, M. le Président, c'est pour aider l'Opposition que, vendredi, j'ai fait parvenir non seulement des copies du bill, mais deux épreuves, des épreuves; je n'avais même pas encore le projet de loi imprimé. Lundi matin, par exemple, j'ai fait parvenir plusieurs copies du bill, quatre; il doit y avoir au moins trois députés qui sont prêts à parler. Enfin, nous suspendrons le débat parce que je connais le chef de l'Opposition et, à six heures, je n'aurai peut-être pas fini de parler moi-même.

M. le Président: Deuxième lecture du bill no 1.

Bill no 1 Deuxième lecture M. Pierre Laporte

M. Laporte: M. le Président, puisque quelques semaines à peine nous séparent de la fin de la session régulière et que nous voilà de nouveau réunis, en session spéciale cette fois, je pense qu'il y a lieu de nous demander d'abord pour quelle raison il a fallu réunir la Législature et pour quelle raison la réunir maintenant. La raison essentielle, c'est que, pour donner suite à notre projet d'effectuer des prêts aux municipalités tel que prévu par le bill no 1, il nous fallait une autorité législative qui n'existe dans aucune loi de la province de Québec actuellement, ni dans la loi de la Commission municipale, qui sert pourtant à de si nombreuses fins aux administrations municipales; ni dans la loi pour favoriser et garantir certains prêts fédéraux aux municipalités; ni dans la loi concernant certains travaux municipaux; ni même dans la loi de 1958, votée par l'Union Nationale, modifiée et abrogée par le Parti libéral, loi concernant les emprunts municipaux en matière de chômage.

M. le Président, nous avions besoin d'une autorité législative. Quant à signer une entente avec le gouvernement fédéral pour donner suite aux pourparlers qui ont eu lieu il y a quelques semaines, nous aurions pu le faire directement sans consulter les Chambres. Nous n'avons pas voulu le faire,

nous avons préréfé, comme il était normal, consulter les représentants des citoyens. On a dit tout à l'heure que la loi n'était pas encore proclamée à Ottawa, c'est vrai. Mais il reste que, dans ce bill, la limite pour une province pour donner son adhésion, pour demander d'avoir l'administration du système, c'est le 31 octobre 1963. On doit donc présumer que la loi sera proclamée très bientôt et nous avions le devoir d'être prêts.

Nous avons fait une session pour la raison essentielle que nous voulons que toutes les municipalités de la province de Québec soient en mesure de profiter de cette loi le plus rapidement possible. Nous savons tous, et j'en profite pour féliciter les deux maires qui ont été les proposeur et secondeur de l'adresse en réponse au discours du trône, eux savent particulièrement que la procédure en matière municipale est généralement assez lente et qu'il faut agir immédiatement afin que nous ayons, dès l'hiver qui vient, une arme nouvelle pour combattre le chômage dans la province de Québec.

M. le Président, le seul désir de hâter les choses eût été suffisant pour justifier la présente session, mais il y a une raison bien plus impérieuse encore. La décision prise par le gouvernement fédéral d'assumer sa responsabilité en matière de chômage en offrant des prêts aux municipalités nous oblige à prendre sans délai des mesures qui sauvegarderont les droits du gouvernement de la province de Québec.

M. le Président, les actes posés par le gouvernement fédéral étant en bonne partie à l'origine de la session spéciale que nous tenons actuellement, on peut se demander comment le gouvernement d'Ottawa en est venu à la décision d'offrir des prêts et des subventions aux municipalités.

Je pense que nous poser la question n'est pas simple curiosité. On pourra ainsi peut-être trouver le moyen d'éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets à l'avenir.

J'affirme qu'à l'origine du problème que nous avons à résoudre aujourd'hui, il y a un corps intermédiaire, un "pressure group": la Fédération canadienne des maires et des municipalités.

Ce n'est pas la première fois que je parle de cet organisme et je veux apprendre à cette Chambre que, depuis neuf ans, d'année en année, la Fédération canadienne des maires et des municipalités s'est adressée aux autorités fédérales pour réclamer ces prêts aux municipalités qui font l'objet de la présente session.

Elle y est revenue régulièrement tous les ans dans ses mémoires et elle a persisté à présenter ses demandes au gouvernement fédéral.

La tentation était forte pour Ottawa, où l'on a peut-être eu l'impression que la Fédération canadienne des maires était le porte-parole de toutes les municipalités du Canada et que les prêts fédéraux seraient acceptés avec enthousiasme et unanimité dans toutes les provinces.

Les deux grands partis politiques canadiens se sont finalement compromis et se sont engagés à offrir ces prêts aux municipalités.

La fédération avait gagné son point: au lieu de chercher auprès des gouvernements provinciaux la solution aux problèmes municipaux, elle avait convaincu Ottawa de violer la constitution.

Son président actuel, le maire J.W. Akerley de Darmouth, a tenté de brouiller les cartes et de mettre de côté, du revers de la main, la constitution du Canada lorsqu'il écrivait, et je cite: "Il n'est pas réaliste de scinder le développement national en plusieurs champs de juridiction, ou d'établir des distinctions absolues entre les diverses autorités quant aux finances."

Mais il est une chose, M. le Président, en dépit de tous les mémoires de la Fédération canadienne des maires et des municipalités, en dépit des lettres de son président, en dépit des éditoriaux que nous avons lus dans certains quotidiens du Canada, toutes ces choses n'ont rien changé et ne changent rien à la constitution du Canada.

L'article 92 est clair: "Dans chaque province, la Législature a le droit exclusif de légiférer sur des matières qui entrent dans les catégories et sujets ci-après énumérés." Et au 8e paragraphe, on lit: "Les institutions municipales dans la province".

Voilà la lettre de la constitution.

Quant à son esprit, on pourrait se référer principalement à deux jugements du Conseil privé.

Dans Hodge vs the Queen, 1883, le Conseil privé a confirmé l'autorité de la province à l'intérieur des cadres de sa juridiction, dit le Conseil privé; la Législature provinciale exerce une autorité suprême et dispose d'un pouvoir semblable à celui que le Parlement impérial ou encore le Parlement du Dominion pourrait avoir si le cas se présentait d'habiliter par loi une institution municipale ou une autre de ces créatures à réglementer et régir en domaines précis.

Dans une autre cause, celle de Ladore vs Bennett, de 1939 celle-là, le Conseil privé a déclaré, conformément à l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que la province dispose d'un pouvoir exclusif en matière de législation municipale; souveraine dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels, la province est donc chargée de l'organisation locale de ses citoyens sous forme d'institution municipale.

Il est donc clair, M. le Président, qu'en matière de droit municipal, l'autorité appartient exclusivement aux gouvernements provinciaux.

Dans le passé, à plusieurs reprises, on a invoqué deux autres arguments pour justifier une intrusion du gouvernement fédéral dans ce domaine; le premier, c'est la "dimension nationale". Dès qu'un problème dépasse les limites d'une province, dès qu'un problème intéresse quelques provinces, il y aurait "dimension nationale" et le gouvernement d'Ottawa serait justifié d'intervenir.

Et le deuxième argument, on a parlé de la "responsabilité du gouvernement fédéral en matière de lutte contre le chômage," responsabilité qui lui permettrait de pénétrer dans un domaine qui ne relève pas de lui en vertu de la constitution.

Ces deux arguments ne tiennent pas davantage, M. le Président. Défendre la théorie de la "dimension nationale", c'est nier le fédéralisme lui-même par les assises juridictionnelles des deux autorités au Canada; l'autorité fédérale et l'autorité provinciale reposent essentiellement sur les articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Les rubriques de ces deux articles partagent les pouvoirs législatifs entre les deux gouvernements et attribuent à chacun une sphère d'activités déterminée et une juridiction exclusive.

C'est un des caractères fondamentaux du fédéralisme.

Dans un livre récent: "Récent developments in Canadian Federalism", M. D. R. Rowat écrivait, en 1952: "Le régime fédératif doit posséder une constitution écrite qui partage les pouvoirs des gouvernements entre les deux ordres, attribue des pouvoirs exclusifs à un des deux ordres, au moins, et exerce sa suprématie et son contrôle sur les deux, de façon qu'aucun ne puisse s'approprier des pouvoirs unilatéralement."

Et Whear, dans "Federal Government" de 1951, écrivait: "By federal principle, I mean the method of dividing powers so that the general and regional governments are each within a sphere, coordinate and independent."

Rompre avec ce principe du partage des pouvoirs entre les deux autorités, c'est rejeter le fédéralisme.

D'ailleurs, M. le Président, là encore, le Conseil privé s'est exprimé.

Dans les premières années de la Confédération, des décisions de 1882 et 1896, par exemple, dans les causes de Russel vs the Queen et the Attorney Genera! for Ontario vs the Attorney General for Canada, le Conseil privé s'est prononcé à l'époque en faveur d'une large interprétation des pouvoirs fédéraux.

En 1925, l'argument de la dimension nationale fut complètement rejeté par le Conseil privé dans la cause de Toronto Electric Commissioners vs Snider. Le Conseil privé a écrit: "Au jugement de Leurs Seigneuries, il n'est pas encore admis qu'il faille considérer la cause Russel vs the Queen comme établissant la doctrine générale à l'effet que la seule raison qu'une loi fédérale concourt à l'avantage général du Canada, ou est de nature à répondre à un simple besoin ressenti dans tout le Dominion, la rend valide, si on ne peut la faire entrer dans les rubriques énumérées expressément à l'article 91. Au contraire, si le sujet tombe sous l'une des rubriques énumérées à l'article 92, ladite législation relèvera exclusivement de la juridiction provinciale."

La théorie de la dimension nationale sera reprise aussi longtemps que vivra la constitution du Canada.

Il faut espérer que les provinces et aussi les pouvoirs judiciaires feront bonne garde pour maintenir cette théorie à l'intérieur des prescriptions de la constitution du Canada.

Quant au chômage, M. le Président, il est clair qu'il existe au Canada un problème de chômage.

Il est clair que la solution de ce problème est partiellement une responsabilité du gouvernement fédéral. Est-ce à dire que, pour s'en acquitter, le gouvernement central puisse s'ingérer dans des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence? Non.

Là aussi, c'est le fédéralisme qui est en jeu.

Si une seule autorité s'empare de tous les revenus ou d'une portion indue des revenus, c'en est fait du fédéralisme. Ce serait là la résurrection de la théorie voulant qu'Ottawa puisse percevoir des fonds pour des fins qui relèvent d'une autre autorité.

Là aussi, le Conseil privé s'est prononcé. Il reconnaît implicitement l'existence du fédéralisme dans le domaine fiscal et nie au Parlement central un pouvoir absolu et illimité. Il va même jusqu'à esquisser le principe qui doit gouverner l'utilisation des pouvoirs fiscaux et je cite: "Le Parlement du Canada ne peut utiliser son droit de taxation de façon à détruire le pouvoir des autorités légalement constituées par les provinces." C'est une cause de 1924.

Et le Conseil privé précise: "Il n'y a aucun doute en ce qui concerne le pouvoir de taxation du Parlement du Dominion. Mais si la taxe telle qu'imposée est reliée à un objet illégal, ladite taxe ne peut subsister."

Dans la cause de Attorney Genera! for Canada vs Attorney General for Ontario, 1937, le Conseil privés s'est directement attaqué à la thèse voulant qu'Ottawa puisse percevoir des fonds pour toutes fins.

Il déclare: "Mais en supposant que le Dominion ait constitué un fonds au moyen d'un impôt, il

ne s'ensuit guère qu'une loi qui en dispose soit nécessairement du ressort de la juridiction fédérale. Cette loi peut encore viser les catégories de sujets énumérés à l'article 92, et alors elle dépasserait la compétence du Parlement. En d'autres termes, la législation fédérale, même si elle s'applique à la propriété fédérale, peut encore être conçue de manière à empiéter sur les droits civils dans la province ou sur les catégories de sujets réservés à la juridiction provinciale. Il n'est pas nécessaire, dit le Conseil privé, que ce soit pour une raison plausible ou sous un prétexte. La loi est invalide si, d'après son intention véritable, on constate qu'en réalité, par sa nature même, elle empiète sur des droits civils dans la province ou sur d'autres catégories de sujets du domaine provincial. Une décision contraire permettrait au Dominion d'empiéter facilement sur le domaine provincial."

Par ces mots, M. le Président, le Conseil privé établit clairement que le fédéral ne peut s'immiscer dans des domaines réservés aux provinces même pour combattre le chômage.

C'est d'ailleurs là une autre condition essentielle du fédéralisme.

Et telles sont donc d'abord la loi: l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique; et la doctrine qui rejette et la "dimension nationale" et le prétexte du chômage pour intervenir dans un domaine provincial.

Il est donc clair que la lettre et l'esprit de la constitution s'opposent à l'entrée du gouvernement fédéral dans un domaine de juridiction provinciale, mais il est quand même des gens pour invoquer un autre argument, prétendant qu'Ottawa serait justifié quand même d'intervenir lorsque les provinces refusent ou négligent d'occuper un secteur de leur juridiction.

Cette théorie me paraît indéfendable, mais même ses avocats les plus éloquents conviendraient qu'elle ne s'applique pas au cas qui nous réunit aujourd'hui.

Dans le domaine du droit municipal, en effet, la province de Québec a occupé sa juridiction avec célérité et avec compétence.

Déjà, sous le régime anglais, le système municipal a commencé à s'implanter chez nous. Soixante-quinze ans après la cession du Canada à l'Angleterre, Lord Durham, dans son célèbre rapport de 1838, mentionnait les institutions municipales du Bas-Canada.

Le rapport recommandait, entre autres choses, la mise sur pied de gouvernements municipaux forts. Est-ce à la suite de ces recommandations? Peut-être, mais, après sa parution, on a vu le système municipal s'implanter progressivement dans la province de Québec.

En 1855, on a adopté notre première loi organique municipale appelé Acte des municipalités et chemins du Bas-Canada.

En 1870, ce fut l'adoption du Code municipal suivi six ans plus tard de la Loi des clauses générales des corporations qui devait devenir notre Loi des cités et villes.

Notre organisation municipale, pour résumer, M. le Président, est donc bien structurée. Dans ce domaine, la province a occupé avec célérité et efficacité tout le terrain que lui confiait expressément la constitution. Nos municipalités reçoivent d'année en année, soit par des amendements aux lois générales en cette Chambre, soit par des projets, des bills privés qui sont étudiés devant les comités de la Chambre, nos municipalités reçoivent sans trop de difficulté le moyen de s'adapter aux changements provoqués par le développement extraordinaire dont notre pays est actuellement le théâtre.

Récemment encore, l'administration libérale qui dirige actuellement la province de Québec répondait d'avance à deux demandes formulées dans le mémoire que présentait récemment la Fédération canadienne des maires et des municipalités à la Conférence des premiers ministres réunis à Halifax, demandes qui portaient sur l'étude des finances municipales et l'établissement de relations plus suivies entre les gouvernements provinciaux et les municipalités. En effet, le premier ministre du Québec annonçait récemment la tenue d'une enquête royale sur la fiscalité provinciale et municipale, enquête qui est actuellement en cours. Il y a quelques mois, j'annonçais la création d'un comité consultatif municipal formé de représentants de l'Union des municipalités de la province de Québec, de l'Union des conseils de comté et des principales associations d'administrateurs municipaux. Ce comité a déjà tenu plusieurs séances et l'on peut dire que c'est un trait d'union permanent entre le ministère des Affaires municipales et les municipalités du Québec.

Nous avons donc accepté tout le terrain qui était le nôtre. La constitution déclare que les municipalités relèvent des provinces, mais, devant les pressions qu'exerçait en particulier la Fédération canadienne des maires sur le gouvernement fédéral, nous avons quand même craint qu'il ne décide d'intervenir dans le domaine des municipalités. Et, au nom du gouvernement de la province de Québec, après avoir consulté mes collègues du cabinet, le premier ministre en tête, j'ai donc cru de mon devoir de mettre le gouvernement d'Ottawa en garde contre cette intrusion.

Le 26 mars 1963, devant la Chambre de commerce de Montréal, je posais le problème du respect intégral du pouvoir exclusif que possèdent les provinces de légiférer en matière de droit municipal. Je soulignais les craintes que faisaient naître

dans la province les promesses électorales des deux grands partis politiques qui proposaient de consacrer des sommes d'argent à la solution de problèmes municipaux. Je déclarais ce qui suit: "Si le gouvernement fédéral, quel qu'il soit, a de l'argent à consacrer à l'étude ou à la solution de problèmes municipaux, cet argent appartient de plein droit à l'autorité provinciale, car elle seule est autorisée à s'occuper de ces problèmes. Les provinces devraient prendre des mesures pour récupérer ces sources de taxation qui sont ultra vires des pouvoirs fédéraux et dont elles ont grand besoin." "Le gouvernement de la province de Québec, pour sa part, résistera à toute ingérence fédérale dans les matières qui sont du ressort des municipalités et il insistera pour mettre lui-même à la disposition des gouvernements municipaux les sommes d'argent qu'Ottawa leur destine et qui devront être rétrocédées au gouvernement provincial."

M. le Président, nos craintes étaient malheureusement fondées car, quelques semaines plus tard, précisément devant le congrès annuel de la Fédération canadienne des maires et des municipalités, le premier ministre du Canada, à Toronto, annonçait un projet de prêts fédéraux aux municipalités.

Le gouvernement québécois a réagi sans délai. Le 5 juin, le premier ministre du Québec écrivait à M. Pearson pour lui demander d'ajourner l'étude de ce projet de loi. Il déclarait dans sa lettre, et je cite: "C'est l'opinion du gouvernement de la province de Québec qu'il serait impérieux de nous laisser suffisamment de temps pour prendre connaissance du projet de loi, l'étudier et vous faire tenir nos commentaires." "La suggestion du gouvernement de l'État du Québec est la suivante: la conférence des premiers ministres des provinces doit se réunir à Halifax dans la première semaine du mois d'août. M. Laporte a l'intention, à l'occasion de cette réunion, de convoquer les ministres des Affaires municipales des autres provinces pour étudier toutes les implications du projet de loi que vous vous proposez de soumettre aux Chambres. Nous serions ensuite en mesure de faire valoir notre point de vue." "Auriez-vous l'obligeance, pour que cette consultation soit possible et utile, d'ajourner l'étude du projet de loi jusqu'après la conférence des premiers ministres des provinces."

Le bill fut quand même déposé à la Chambre des communes et on en connaît l'essentiel avant qu'il ne soit amendé; intitulé Loi sur le développement et les prêts municipaux, il prévoyait la création d'un office de développement municipal et des prêts municipaux, office qui serait autorisé à consentir directement des prêts aux municipalités pour l'exécution de travaux d'équipement.

Le projet de loi limitait non seulement la nature des travaux à être exécutés, mais précisait que l'on devait fournir la preuve que, sans le prêt fédéral, ces travaux n'auraient pas été exécutés.

La province n'intervenait pas du tout, sauf pour approuver les démarches de la municipalité et transmettre le dossier à Ottawa.

Si les travaux étaient terminés avant le 31 mars 1966, le gouvernement fédéral renonçait à 25% du capital prêté, ce qui constituait une subvention directe du gouvernement fédéral aux municipalités.

En somme, la transaction se faisait sans intermédiaire entre le gouvernement fédéral et les municipalités, la province n'ayant qu'à opiner du bonnet au passage.

C'était inacceptable et la province décida immédiatement de ne pas l'accepter. Le bill fut étudié à la Chambre des communes.

On parla pour la première fois d'une rencontre fédérale-provinciale. M. Walter Gordon, ministre chargé de défendre la loi et l'exécuter ensuite, déclara que les droits des provinces seraient parfaitement protégés.

Le 17 juin, le projet de loi subissait l'épreuve de sa première étape importante à la Chambre des communes.

Le 26 juin, l'Assemblée législative intervenait et adoptait à l'unanimité une résolution déclarant que le projet de loi fédéral constituait "une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province en matière d'institutions municipales".

Le lendemain, 27 juin, on apprenait qu'Ottawa maintenait son attitude, que le projet serait adopté rapidement sans consulter les provinces.

Le 11 juillet, le premier ministre de la province de Québec intervenait de nouveau sous forme de lettre auprès de M. Pearson. Cette lettre siqnale l'adoption de la résolution par l'Assemblée législative et ajoute que tous ses membres, je cite, "considéraient comme un manquement à votre engagement de gouverner dans le respect absolu des droits des provinces le fait de procéder à constituer unilatéralement un fonds de prêts aux municipalités".

Quelques jours plus tard, Se gouvernement d'Ottawa annonçait sa décision de convoquer une conférence fédérale-provinciale pour discuter de la chose.

M. le Président, grâce à l'attitude ferme de l'Assemblée législative, grâce à l'attitude très ferme du premier ministre de la province de Québec, nous avions dès lors gagné la première manche.

M. le Président, deux journaux, entre autres, un de Montréal, le Devoir, et un de

Winnipeg, le Manitoba Cooperative, ont exprimé l'avis que le gouvernement fédéral avait agi sagement en convoquant une conférence.

C'était sans doute l'opinion de tous les gens qui jugeaient que les problèmes du chômage et ceux des municipalités n'étaient pas à ce point aigus ou urgents qu'il faille, pour tenter de les résoudre, risquer d'embrouiller encore davantage les problèmes constitutionnels et risquer de compromettre l'avenir même de la Confédération canadienne.

L'intrusion d'Ottawa dans le domaine municipal nous paraissait intolérable et nous n'étions pas les seuls à le penser. La Chambre de commerce de la province de Québec a adopté une résolution et a écrit une lettre au premier ministre pour appuyer ses efforts.

La ville de Montréal, non seulement s'est retirée de la Fédération canadienne des maires et des municipalités, jugeant sa présence dans cet organisme centralisateur absolument inacceptable, mais elle a déclaré qu'elle n'accepterait pas de prêts du gouvernement d'Ottawa; enfin la ville de Beauport, entre autres, a elle-même adopté une résolution pour appuyer les efforts du gouvernement de la province de Québec.

Puis, ce fut la conférence intergouvernementale. Rappelons, M. le Président, dans quelle atmosphère la délégation de la province de Québec est arrivée à Ottawa. Son attitude, non seulement soulevait la curiosité, voire les inquiétudes, mais certains croyaient que cette attitude soulèverait l'hostilité du reste du Canada.

Un journaliste de l'Action catholique avait coiffé un de ses articles du titre suivant: Le Québec fera cavalier seul.

Un autre journal d'Ontario, le Windsor Star, invitait le gouvernemnet fédéral à passer outre aux objections des provinces et à assumer toute la responsabilité de la loi qu'il venait de proposer. Un autre journal, des Maritimes celui-là, suppliait presque - où est l'atmosphère? - les autres provinces de ne pas se liguer contre Québec.

La Fédération canadienne des maires, M. le Président - on voit ses doigts à toutes les faces de ce problème - alors même que nous étions réunis à Ottawa pour discuter d'un problème qui était grandement de sa responsabilité, la Fédération canadienne insistait pour que le gouvernement fédéral procède avec célérité.

Dans une lettre à M. Pearson, elle écrivait que les municipalités étaient très désireuses de voir la loi votée sans retard.

Un maire d'une ville du Québec, ex-président de la même fédération canadienne, déclarait ce jour-là que cette rengaine de la sauvegarde de l'autonomie est devenue vieux jeux. Il ajoutait: En principe, les municipalités sont des créatures, cela règle le cas.

Deux fois, le candidat a dit qu'il avait été deux fois candidat libéral. Cela règle le cas.

M. Gabias: Il avait été à la bonne école, il avait été à la bonne école.

M. Laporte: Que le député se rendorme donc. Tout le monde sait que ce qu'il a de plus profond, c'est son sommeil.

M. Gabias: Cela ne répond pas à la question.

M. Laporte: Repartez donc en tournée dans la province avec votre petite chandelle qu'il y avait dans la caricature.

M. Gabias: Certainement.

M. Laporte: On va étudier sérieusement ce projet de loi.

M. Johnson: Est-ce que le ministre de la Jeunesse a fait assez impression pour que ce soit nécessaire?

M. Laporte: La petite chandelle.

M. Johnson: Oui, oui, la petite chandelle du ministre.

M. Laporte: Si vous avez vu le même journal, c'était une chandelle assez puissante.

M. Johnson: C'était quasiment un bâton.

M. Laporte: M. le Président, le député de Trois-Rivières étant venu, comme d'habitude semer la confusion, nous allons reprendre, si vous me le permettez, l'étude d'une question évidemment trop sérieuse pour sa compréhension. M. le Président, je dis que ce maire d'une municipalité du Québec...

Des voix: À l'ordre, à l'ordre!

M. Gabias: Un point de règlement. Je comprends que vous connaissez mieux les règlements que le député de Chambly; je pense, je crois que les termes qu'il a employés sont sûrement antiparlementaires et il n'a pas le droit d'exprimer, même s'il le croit, une opinion qui peut être blessante pour un collègue.

M. Laporte: C'est vrai cela. M. le Président, je réitère mes paroles et je les change par les suivantes: Le sujet est assez important pour que le député essaie de comprendre.

M. Gabias: C'est parfait. Avec un bon professeur, je vais comprendre, mais pas

avec lui.

M. Laporte: Ce maire, qui semble bien près du coeur du député de Trois-Rivières, ajoutait: "En principe, les municipalités sont des créatures des provinces et doivent négocier directement avec elles." Du moment qu'on a donné un coup de chapeau au principe, après cela, on ajoute: "Mais, en pratique, on ne devrait pas priver les villes de recevoir des revenus qui leur permettraient de poursuivre leur progrès." Cela, c'est la réconciliation que ce maire fait entre le principe et la pratique. En résumé, M. le Président, telle était l'atmosphère à l'ouverture de la conférence fédérale-provinciale, inquiétude, hostilité, disaient certains gens. La province de Québec est allée à la conférence. Elle a pris une attitude ferme, mais non intransigeante.

Le premier ministre du Québec a déclaré: "Les autres provinces feront les ententes qu'elles voudront pour l'application de certains programmes d'origine fédérale, mais le Québec, lui, demande simplement de pouvoir procéder comme il l'entend dans tous les domaines de juridiction provinciale et cela, afin de lui permettre de tenir compte de la situation particulière du Québec en temps qu'expression politique du Canada français par rapport aux autres provinces. "Le Québec, disait le premier ministre, et c'est fort important, n'a nullement l'intention, par ses prises de position et ses attitudes, de retarder ou d'empêcher de quelque manière que ce soit l'application de certains programmes d'origine fédérale dans les provinces du Canada qui désirent la mise en oeuvre intégrale de ces programmes. Tout ce que le Québec demande, c'est que, dans les domaines qui relèvent de la juridiction provinciale, il puisse procéder comme il l'entend, en tenant compte de la situation particulière du Québec, expression politique du Canada français par rapport aux autres provinces."

M. le Président, avec une immense satisfaction, au cours de cette conférence, nous avons constaté que non seulement les autres provinces ne faisaient preuve d'aucune hostilité à l'endroit des demandes de la province de Québec, loin de se liguer contre la province, certains autres gouvernements provinciaux ont emboîté le pas derrière nos demandes et s'en sont fait les puissants appuyeurs. C'est ce qui faisait dire à ce même journaliste qui écrivait que Québec ferait cavalier seul, deux jours plus tard: "Notre province et son premier ministre étaient devenus des chefs de file dans le Canada."

M. le Président, contrairement à ce qu'on a vu pendant des années aux conférences fédérales-provinciales, on a vu la province de Québec y aller, cette fois-ci, avec des demandes précises. Pour occuper les loisirs du député de Chicoutimi, je lui demanderais de vérifier son vote sur la loi de 1958, qui permettait au gouvernement fédéral...

Une voix: Il était absent de la Chambre.

M. Laporte: ... de donner directement des subventions aux municipalités. Ils ont voté cela avec un enthousiasme extraordinaire.

M. Talbot: On en reparlera... M. le Président: À l'ordre!

M. Laporte: M. le Président, la province de Québec est arrivée à Ottawa avec des demandes précises, qui sont essentiellement les suivantes...

M. Lesage: C'était une loi des "bleus", en 1958.

M. Laporte: Oui, oui. C'était la grande réconciliation des "bleus".

M. Bellemare: On verra cela.

M. Laporte: On ne le verra pas, on l'a vu.

M. Talbot: On a vu la grande soumission des "rouges".

M. Laporte: Il y a une chose très intéressante, M. le Président, c'est que le premier ministre de l'époque avait exigé le vote sur les deuxième et troisième lectures, pensant attraper les libéraux. Mais là, on voit tous les votes des gens de l'Union Nationale sur cette loi centralisatrice comme on n'en a jamais vu.

M. Bellemare: On verra cela. On lira la lettre au lieu de la loi.

Une voix: Il n'a même pas compris cela.

M. Laporte: M. le Président, la province de Québec a demandé quatre choses en particulier: 1.- Que la province seule accorde des prêts aux municipalités; 2.- Que la province seule accorde des subventions aux municipalités; 3.- Que la province seule décide quels travaux seront admissibles pour le prêt provincial; 4.- Que le province soit assurée de recevoir sa part entière, soit environ $120,000,000 des $400,000,000 prévus pour tout le Canada.

Avec satisfaction, M. le Président, nous

avons constaté que d'autres gouvernements provinciaux appuyaient notre point de vue, particulièrement l'Ontario, le Manitoba et la Saskatchewan. Nous avons constaté avec satisfaction que le gouvernement fédéral faisait preuve d'une évidente bonne volonté et qu'il voulait trouver le moyen de donner satisfaction à la province de Québec. En résumé, les autorités fédérales ont accepté toutes ces demandes, demandes qui nous permettent de sauver l'essentiel.

Après l'ajournement de la conférence, le premier ministre du Québec a dit sa satisfaction et a ajouté que c'était peut-être le début d'une nouvelle ère dans le fédéralisme canadien. Il a déclaré: "L'Assemblée législative, par sa motion votée unanimement le 26 juin 1963, avait prié le gouvernement du Québec de défendre l'autonomie municipale en cette matière. Le projet amendé la respecte entièrement tout en permettant d'atteindre les buts visés. "Nous avons donc la conviction de nous être pleinement acquittés du mandat important qui nous a été confié par la Législature. La province de Québec, dans l'exercice de sa souveraineté constitutionnelle, disait le premier ministre, administrera en toute liberté les sommes d'argent qui lui sont destinées. Elle s'est assurée d'en recevoir sa juste part, compte tenu de sa population. C'est elle qui déterminera quels travaux municipaux bénéficieront du système de prêts. "Le gouvernement du Québec, disait M. Lesage, ne peut que souligner avec satisfaction l'esprit de coopération du gouvernement fédéral et la compréhension des diverses délégations provinciales."

M. le Président, une douzaine de journalistes et de journaux au moins à travers le pays ont exprimé en général le même avis. Dans la Presse, par exemple: "La Conférence historique qui s'est terminée samedi a jeté les bases d'un fédéralisme nouveau." Dans le Soleil: "... l'excellent climat de la conférence marque le début d'une détente entre les rapports d'Ottawa et les provinces, c'est indéniable." L'Événement: "À la suite de cet accord, on comprend bien que le premier ministre Lesage ait parlé d'une ère nouvelle dans la Confédération." l'Action catholique: "Les résultats de la conférence fédérale-provinciale permettent de croire à l'avènement d'une nouvelle ère dans les relations entre les provinces et le gouvernement central." Quebec Chronicle Telegraph: "The meeting has set a pattern for the future confrontations and we hope that when such a time comes the provinces and the central authority will be able to resume the dialogue with as much ease and absence of friction."

M. Johnson: Jean-Marc Léger aussi.

M. Laporte: The Gazette... Je vais citer Jean-Marc Léger bientôt. M. lé Président, la Gazette: "If last week's conference means that the precedents have been established for more regular consultation and greater flexibility, it may become one of the most important in the long series of meetings that have taken place over the years. The new attitude should have lasting meaning, application and value."

Grâce à l'attitude du Québec, M. le Président, avant la conférence, lettres du premier ministre, par la motion adoptée par l'Assemblée législative; grâce à l'attitude du gouvernement du Québec pendant la conférence, son attitude ferme et ses demandes précises, il est probable en effet qu'un nouveau fédéralisme soit né, ou au moins on peut espérer qu'il naisse, se développe et conditionne les relations intergouvernementales de l'avenir. Ce nouveau fédéralisme nous vaudra un plus grand respect de l'attitude des provinces, un désir plus généralisé de la part des provinces de voir l'autonomie respectée; plusieurs provinces, M. le Président, nous en avons maintenant la certitude, se prévaudront de l'offre d'administrer elles-mêmes les fonds de prêts aux municipalités. Il est bien probable - et c'est partie du nouveau fédéralisme -qu'Ottawa ne voudra plus et ne pourra plus agir unilatéralement dans des domaines qui seront analogues à celui qui nous réunit aujourd'hui. Et enfin, la formule d'option, "the contracting out", a été élargie. Dans le programme du Parti libéral, losqu'on a dit que les provinces qui le voudront pourront obtenir d'administrer elles-mêmes les plans conjoints actuellement en vigueur, nous avons obtenu, la province de Québec, que cette formule d'option s'applique dans tous les plans conjoints, quels qu'ils soient, entre le gouvernement fédéral et la province. Nous pouvons affirmer que c'est là une victoire majeure, car nous avons trouvé la formule permanente pour régler les problèmes de cette nature entre la province et le gouvernement fédéral, ce qui faisait écrire à M. Paul Sauriol dans le Devoir: "L'adresse de M. Pearson a été d'étendre et d'élargir la formule d'option, de telle sorte que la province qui veut y recourir peut échapper en pratique à l'ingérence fédérale." Adresse de M. Pearson, sans doute, M. le Président, collaboration de M. Pearson, et c'est Québec, son premier ministre qui a exigé cette condition et qui a obtenu gain de cause.

M. le Président, il est intervenu un accord a Ottawa et nous pouvons nous demander, pendant que nous étudions ce projet de loi en deuxième lecture, quel jugement nous pouvons porter sur l'entente intervenue à Ottawa.

Pour répondre, il faut nous demander

ce que Québec allait faire à Ottawa, ce que notre province pouvait obtenir et ce qu'en fait elle a obtenu.

Posons d'abord en principe - je ne fais que répéter ce qu'a écrit un député fédéral -que, dans les conférences fédérales-provinciales, l'objectif n'est pas la querelle, mais l'entente. Nous n'allons pas à Ottawa pour nous quereller, mais dans le but de prendre les moyens d'en venir à des ententes.

M. Lorenzo Paré, dans l'Action catholique, a résumé la situation quand il a écrit: "Le premier ministre se rend à Ottawa non pas uniquement pour contrecarrer l'entreprise fédérale, mais pour trouver les moyens de rétablir l'ordre constitutionnel au sein de la Confédération."

Il eût été facile de dire simplement non. Il eût été facile de revenir ensuite à Ottawa et de crier dans toute la province de Québec que nous venions une fois de plus de sauver la Confédération. Mais cette réponse négative n'aurait rien réglé, M. le Président, ni le problème constitutionnel, ni le problème des municipalités, ni surtout l'atmosphère pour les importantes discussions fiscales qui vont avoir lieu cet automne.

Dire non, c'est parfois nécessaire, mais Québec doit l'éviter chaque fois que c'est possible ou alors la province de Québec n'a plus qu'à sortir de la Confédération.

M. Paul Sauriol, dans le Devoir du 31 juillet, a résumé ce qui me paraît être la pensée juste à ce sujet quand il écrivait: "Notre situation dans la Confédération n'a jamais été satisfaisante, mais il semble que nous disposions aujourd'hui de meilleures ressources humaines et autres pour faire valoir nos droits. La bataille ne sera pas facile et devra être livrée sur plusieurs terrains, mais la lutte est une loi de la vie-Quel que soit notre avenir, il ne serait pas superflu de nous aguerrir d'abord au sein de la Confédération avant de nous lancer dans la jungle internationale."

Quelques semaines plus tôt, dans un editorial intitulé: Bientôt: la minute de vérité, M. André Laurendeau écrivait à peu près la même chose: "Avant qu'on ait trouvé le principe clair d'un nouveau partage des ressources et des initiatives, la négociation s'impose. C'est de près que de pareils problèmes se discutent et qu'on mesure la position de l'autre. Il faut trouver ensemble le moyen grâce auquel le Québec pourra vivre et s'exprimer..."

M. le Président, j'affirme que la province de Québec doit exiger un régime qui lui convienne, mais il est impensable de croire ou d'affirmer qu'elle puisse en même temps défendre au gouvernement fédéral d'accorder aux autres provinces ce qu'elles désirent. Ce serait, là aussi, la fin de la Confédération.

Le principe de l'entente que nous venons de négocier à Ottawa n'est d'ailleurs pas nouveau. Il est inscrit à maints endroits des relations fédérales-provinciales. La santé est un domaine provincial et pourtant la province recevra $13,500,000 cette année à ce titre: l'assurance-hospitalisation $107,000,000 bien-être social $ 67,000,000 le sport amateur $ 203,000 construction de routes $ 21,000,000 les travaux d'hiver $ 12,000,000

Au total $255 millions environ pour l'année 1963-1964. L'entente que nous venons de changer à Ottawa est de même nature. Est-ce que c'est une entente parfaite, M. le Président? Pas du tout.

Il eût été indiscutablement préférable qu'Ottawa ne pénètre pas dans le domaine municipal. C'est même notre devoir de travailler inlassablement à l'en faire sortir.

Mais les autres provinces étant d'accord pour qu'il y entre, nous avions le devoir de protéger au maximum les intérêts du Québec, sans priver les autres provinces de ce qu'elles désiraient.

Nous n'avions pas le droit, en prêchant une autonomie négative que nous avons dénoncée, de dire tout simplement non et de voir des millions de dollars distribués dans les autres provinces, sans bénéfice pour nos municipalités et sans que l'autonomie ne soit le moindrement protégée.

Dire non, M. le Président, n'eût pas empêché la loi fédérale d'être votée, mais nous aurait privés de ce qui est notre part dans la Confédération.

Dire non n'aurait pas empêché que des pressions très fortes ne s'exercent sur nous pour que nous cédions, comme ce fut le cas pour l'aide fédérale aux universités.

Il valait mieux négocier, sauver l'essentiel et continuer ensuite la lutte. M. le Président, je suis prêt personnellement à défendre la théorie suivante: Chaque fois que le gouvernement fédéral voudra pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale et chaque fois qu'une majorité de provinces sera favorable à cette violation de la constitution, ce sera le devoir des administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste du Canada.

Mais chaque fois que le gouvernement fédéral recourra à un tel procédé, l'équilibre de la Confédération en sera de plus en plus faussé, avec le risque qu'un jour, ça ne craque.

Comme le Vase connu de Sully Prudhomme, la meurtrissure mordra un peu chaque jour le cristal, elle en fera lentement le tour d'une marche invisible et sûre et un jour on constatera que le suc, que la vie même auront fui. L'arbre de la Confédération se sera desséché.

À Ottawa, M. le Président, nous

avons...

M. Johnson: Est-ce que c'est Sully Prudhomme pour toute la phrase?

M. Laporte: Non, il ne serait pas nommé ministre.

M. Johnson: Non.

M. Laporte: A Ottawa, M. le Président, nous avons gagné beaucoup de terrain. Et je donne quelques exemples: tout l'appareil administratif sera entre les mains de la province; - c'est la province elle-même qui consentira les prêts aux municipalités, par le truchement d'un organisme bien provincial: la Commission municipale de Québec; - c'est la province de Québec qui consentira aux municipalités la subvention de 25% du capital prêté; - nous avons la certitude d'avoir notre part des $400 millions que le gouvernement fédéral prévoit pour l'exécution de sa loi, c'est-à-dire à peu près $120 millions.

Pourquoi, M. le Président, comme certains l'ont suggéré, n'avons-nous pas demandé un impôt à la place de ce prêt? Parce que cela était tout simplement impossible.

Il ne s'agit pas, dans le cas actuel, de nous procurer des revenus nouveaux à l'aide d'un impôt, mais d'emprunter de l'argent pour le reprêter ensuite aux municipalités.

Il y a bien plus que cela: il s'agit d'un programme que l'on dit temporaire. Je sais par expérience combien ces programmes temporaires ont tendance à devenir permanents. Mais, même en le sachant, si nous avions accepté un impôt à la place d'une entente, cela eût été implicitement reconnaître, accepter d'avance le caractère permanent de la loi fédérale et donc le caractère permanent de l'ingérence d'Ottawa. Nous ne l'avons pas voulu. Une conférence fiscale doit avoir lieu à Ottawa cet automne. C'est là que doivent être discutés les problèmes fiscaux d'une nature permanente.

M. le Président, quel jugement ont porté les journaux sur le voyage à Ottawa? En général, ils ont été d'accord avec ce que je viens de dire, c'est-à dire que, dans les circonstances, l'entente est acceptable, qu'elle comporte certains dangers, mais qu'elle marque un grand progrès.

M. Paul Sauriol, dans le Devoir: "L'entente marque un progrès appréciable dans la reconnaissance des droits du Québec par Ottawa... Québec obtient... une formule d'exception plus souple que ce qui s'est fait jusqu'ici... En obtenant ainsi un régime d'exception, le Québec devient graduellement, au sein du régime fédéral, une province différente des autres..."

La Voix de l'Est: "Sans doute n'est-ce pas une victoire complète, mais Ottawa baisse pavillon. Le projet de loi sur les prêts aux municipalités semble apporter plusieurs amendements susceptibles d'assurer le respect de l'autonomie provinciale."

M. Jean-Marc Léger, dans le Devoir, qui fait des commentaires à peu près de la nature de ceux que je fais: "Entente qui comporte certains dangers écrits. Peut-être, en l'absence d'une solution immédiate de rechange, ne pouvait-on faire davantage."

Le Globe and Mail: "In general, the changes agreed upon for the municipal loan legislation recognize the proper authority of the provinces over the municipalities".

Avons-nous gagné la partie à Ottawa? La majorité des journaux, comme je viens de le relater, expriment l'avis que nous avons obtenu gain de cause, compte tenu des circonstances.

Pour une certaine presse, M. le Président, alors que certaines gens nous accusent d'avoir perdu la bataille, Ottawa a complètement capitulé devant Québec.

Je cite trois journaux:

Le Halifax Mail Star écrivait le 3 août: "If the "option formula" accepted last weekend as the price for Quebec's participation in the federal government's municipal development and loan fund is, as Premier Lesage seems to feel, a valid precedent for future fiscal relations between Ottawa and Quebec, Nova Scotia has reason to be disturbed about the direction federal-provincial relations may take in the next few years."

À l'autre bout du pays, le Regina Leader Post écrivait le 30 juillet: "Unfortunately, the strong anticentralist movement with separationist overtones developed in Quebec to coincide with the weakening of the federal administration in the post-war period which has culminated in minority governments from 1957 to 1958 and the present minority government. Ottawa has been weak at a time when strength has been needed to resist the fragmentation of Canada into two nations."

Et enfin, M. le Président, un journal de Charlottetown écrit: "It is true that the federal-provincial conference on the municipal loan fund has ended on a note of "optimism". But would that note of "optimism" have been so widely expressed had Mr. Pearson not agreed to practically every concession asked by Mr. Lesage?"

En somme, les commentaires, sauf exception, vont de l'accord satisfaisant à la capitulation d'Ottawa devant Québec. N'insistons pas, sauf pour déclarer que nous avons raison d'être satisfaits.

M. le Président, le compromis que nous avons négocié avec le gouvernement fédéral et les autres provinces nous paraît acceptable parce qu'il écarte l'invasion directe du domaine provincial par le

gouvernement fédéral. Il nous paraît acceptable parce que la formule d'option est élargie, ce qui est une victoire majeure; et il nous paraît acceptable parce qu'il permet un modus vivendi entre le gouvernement fédéral et les autres provinces du Canada d'une part, et la province de Québec, d'autre part.

L.es corollaires ou les sous-produits de la conférence sont tout aussi importants. Je vais les résumer comme suit:

Premièrement, de plus en plus, le gouvernement fédéra! et les autres provinces reconnaissent que Québec n'est pas une province comme les autres. Deuxièmement, la preuve est faite que l'on peut satisfaire les aspirations du Québec sans priver les autres provinces de ce qu'elles désirent. Et, troisièmement, il est devenu clair que le gouvernement fédéral n'agira plus unilatéralement dans des cas analogues à celui qui nous intéresse.

L'une des conséquences les plus heureuses de l'attitude prise par la province de Québec sera la création prochaine d'un secrétariat fédéral-provincial, idée prônée par le chef actuel du gouvernement du Québec dès 1960.

M. Bellemare: Quand est-ce qu'il a parlé de ça?

M. Laporte: L'idée, si le député de Champlain aime l'histoire...

M. Bellemare: Non...

M. Laporte: ...je lui rappellerai que, la première fois que la chose a été mentionnée, c'est dans le rapport Rowell-Sirois...

M. Bellemare: M. Lapalme.

M. Laporte: ...que cela a été repris ensuite dans le rapport Tremblay...

M. Bellemare: Tremblay.

M. Laporte: ...que M. Lapalme en a parlé, que cela a été mis dans le programme du Parti libéral et que l'homme qui l'a demandé à Ottawa à la conférence fédérale-provinciale de juillet 1960, c'est le chef actuel du gouvernement.

M. Gabias: Encore un petit coup. C'est beau.

M. Laporte: M. le Président, cinquièmement, le climat, et ceci me paraît fort important pour les discussions qui vont avoir lieu cet automne, le climat créé au cours de la conférence de juillet est un heureux présage pour la rencontre infiniment plus importante qui aura lieu à l'automne et qui portera celle-là sur les problèmes fiscaux.

M. le Président, qu'arrivera-t-il dans l'avenir? Nous devrons continuer à combattre l'intrusion fédérale, même amoindrie, dans le domaine municipal. Le cheval de Troie dont a parlé à juste titre le chef du gouvernement devra être progressivement chassé de notre territoire.

Nous devrons obtenir du gouvernement fédéral, pour certaines autres lois, en particulier pour la loi pour aider à la construction d'usines d'épuration, un traitement au moins analogue à celui que l'on vient d'accepter pour les prêts aux municipalités, car, dans cette loi, il y a des prêts directs, des subventions directes du gouvernement fédéral aux municipalités.

La province de Québec devra également se faire un devoir, comme c'est actuellement le cas, d'occuper complètement et efficacement tout le domaine qui lui est concédé par la constitution.

C'est ainsi, M. le Président, que nous devrons faire tout notre possible pour créer un organisme de crédit municipal qui mettra à la disposition des municipalités et aussi des commissions scolaires l'argent dont elles ont besoin, aux meilleures conditions possible.

Le premier ministre a déclaré à la télévision, il y a quelques jours, que nous allions procéder avec célérité dans ce domaine; c'est bien notre intention.

Dès hier, nous annoncions la création d'un comité d'études composé d'experts authentiques afin de nous faire rapport sur la possibilité de créer ce fonds municipal et scolaire et la première séance de ce comité doit avoir lieu dès demain matin.

M. le Président, il serait imprudent pour le moment de déclarer qu'il est désirable ou possible de créer un tel organisme dans le Québec, mais nous affirmons que les études préliminaires seront menées avec rapidité et compétence.

Il faudrait également que les municipalités de la province de Québec soient groupées dans un organisme provincial puissant, comme, par exemple, l'Union des municipalités de la province de Québec. C'est de ce groupement ou de groupements analogues que devraient venir les demandes des municipalités.

Je considère la Fédération canadienne des maires et des municipalités, en dépit des services qu'elle a pu rendre et auxquels faisait allusion un quotidien de langue anglaise dans un éditorial ces jours derniers, comme un organisme centralisateur. C'est partiellement pour cette raison que la cité de Montréal s'est retirée de cet organisme et je ne peux que l'approuver. Il est impensable en effet que, d'une part, nous combattions les intrusions du gouvernement fédéral dans le domaine provincial et que, d'autre part, nous continuions à patronner l'organisme qui est la cause, même lointaine,

de cette intrusion.

M. le Président, on me permettra, en terminant, de citer quelles sont, à mon avis, les causes du succès que nous avons pu remporter à Ottawa.

Il y a d'abord, et c'est important qu'on le souligne, l'unanimité dont a fait preuve l'Assemblée législative sur cette question. Nous partions avec la conviction d'être les porte-parole de toute la province de Québec.

Il faut également mentionner, chose fort importante, l'existence de la conférence des premiers ministres provinciaux, organisme créé à l'instigation du chef du gouvernement actuel, et qui tenait sa quatrième ou cinquième session annuelle à Halifax il y a quelques jours.

M. Bellemare: Cela existait avant.

M. Laporte: Ottawa savait... Cela a déjà existé avant, mais c'était mort depuis au moins 35 ans.

M. Bellemare: Oui, on verra ça. Je ne sais pas si...

M. Laporte: M. le Président, on savait à Ottawa qu'une réunion de cet organisme aurait lieu à Halifax au mois d'août et Ottawa a préféré agir avant que les provinces ne se réunissent.

Il faut également, avec plaisir, souligner la bonne volonté des autorités fédérales qui ont compris la position du Québec et qui ont créé une atmosphère de détente et de compréhension à la conférence.

Et enfin, M. le Président, on me permettra de souligner toute l'importance que j'attache à l'attitude ferme prise par le premier ministre de la province de Québec.

Si nous vivions à une époque encore récente, M. le Président, on entendrait dans cette Chambre déverser des flots de compliments à son endroit. Mais, comme les tâches ont changé, que je n'ai nullement le goût de le faire, à défaut de l'encensoir, on me permettra seulement de dire en terminant qu'il s'est acquitté avec efficacité de la tâche qu'on lui avait confiée et que, plus que jamais, on a raison de le tenir pour le chef de l'État du Québec.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président vous me permettrez, au début de cette session tout à fait inattendue, d'exprimer un regret; c'est que cette session, entre autres choses, aura servi à enterrer la réputation d'un autre autonomiste...

M. Laporte: Lequel? M. Duplessis?

M. Johnson: ... M. le Président, la réputation de celui qui, dans un journal bien connu, qu'on prétend influent, avait pendant des années combattu en faveur de l'autonomie des provinces. M. le Président, il est triste de voir comme la politique libérale peut servir de tombeau à un homme dont la réputation d'autonomiste était jusqu'ici sans tache, même si elle était entachée de partisanerie. Je parle évidemment du ministre des Affaires municipales.

M. le Président, nous avons assisté, cet après-midi, à ce spectacle attristant d'un autonomiste qui se fait hara-kiri...

M. Laporte: Vous avez bien l'air souriant pour dire tout cela...

M. Johnson: Cela en est tellement triste qu'il faut en rire. Quand on vient d'entendre un discours d'une heure et demie où le ministre a à la fois condamné M. Pearson, mais invité M. Pearson à continuer à faire la même chose. L'attitude qu'il a prise cet après-midi...

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de règlement. Le chef de l'Opposition vient de battre tous ses records en moins de deux minutes; il a commencé à déformer les paroles du préopinant. M. le Président, je n'ai jamais, ni directement, ni indirectement, invité M. Pearson à continuer ce qu'il a fait. Si le chef de l'Opposition, à qui j'ai précisément envoyé une copie de mon texte pour être bien certain qu'il ne déformerait pas ma pensée, s'il n'a rien compris, je ne lui demande même pas de retirer ses paroles.

M. Johnson: M. le Président, c'est le député lui-même qui, à la page 28 de ses notes, lance d'une façon implicite et claire une invitation à M. Pearson à récidiver dans ce domaine: les infractions à l'autonomie provinciale. M. le Président, le député y est allé tout de même d'une façon habile. Partout où il fallait donner une opinion sur l'attitude du premier ministre de la province de Québec avant la conférence, pendant la conférence et après la conférence, partout où il fallait émettre un jugement sur la qualité de la solution à laquelle on en est arrivé, le député ex-autonomiste s'est défilé. Il a appelé à son secours les citations en nombre incalculable, mais qui sera calculé, je n'en doute pas, il a appelé à son secours les citations de divers journaux afin de s'éviter, lui, M. le Président, de prendre à son compte et dans se3 termes un jugement sur l'attitude du premier ministre ainsi que sur l'attitude et sur le bien-fondé ou le mal-fondé de la solution à laquelle on en est arrivé.

Je reconnais là, M. le Président, l'adresse dont on taxe facilement le député de Chambly, surtout en fonction des ambitions tout à fait légitimes qu'il caresse.

M. le Président, le député de Chambly, cet après-midi, a dû se servir d'un langage qui n'était pas le sien dans le passé. Il s'est servi d'expressions que jamais, sous sa signature, on aurait trouvées autrefois. Et je songe particulièrement...

M. Laporte: Je voudrais faire une mise au point, M. le Président; c'était exactement mon langage autrefois, lorsque je dénonçais l'autonomie négative de l'Union Nationale.

M. Johnson: M. le Président, ce n'était pas le langage qu'il tenait dans son journal. Et nous l'en remerciions dans le temps, lorsqu'il nous approuvait d'avoir le courage de résister, d'imposer une taxe et de faire reculer le gouvernement d'Ottawa. Et après avoir écouté le ministre, on ne peut pas s'empêcher de songer aux paroles que prononçait M. Pearson le 26 juillet, lorsqu'il disait, parlant de la conférence à laquelle il allait assister, la conférence fédérale et des provinces: "J'en sortirai portant mon bouclier ou couché sur lui."

M. Laporte: Qu'est-ce que ça veut dire ça?

M. Johnson: Ce sont les paroles de M. Pearson. Tous ceux qui voient clair savent que M. Pearson est sorti avec son bouclier, mais que Québec et son premier ministre se sont couchés devant Ottawa. Ce sont d'ailleurs des attitudes qui sont coutumières aux libéraux et qui ont été dénoncées par le député de Chambly du temps de sa soi-disant indépendance. Il y a eu dans cette province un autre premier ministre qui s'est couché devant Ottawa.

M. Laporte: Est-ce depuis 1958?

M. Johnson: M. le Président, il y a eu le chef du premier ministre actuel, premier ministre de la province de 1939 à 1944, qui s'est couché lui aussi et, comme le faisait remarquer l'un de mes électeurs, M. Godbout et le premier ministre actuel se couchent tous les deux de la même façon devant un gouvernement libéral à Ottawa, à la différence cependant qu'il y en a un qui crie un peu plus fort avant de se coucher devant son maître outaouais.

M. Laporte: On aurait aimé ça vous entendre crier en 1958, par exemple.

M. Johnson: Le premier ministre a déjà commencé à faire sa lutte, une lutte toute négative. Le député de Chambly a pris une attitude négative, M. le Président, qui n'est tellement pas conforme...

M. Laporte: Expliquez-nous ça, expliquez-nous ça.

M. Johnson: ... à celle qu'il voudrait tenir, lui qui a déjà prêché dans la province, et efficacement, un nationalisme de fierté et non pas un nationalisme de "couchant" devant le pouvoir fédéral. M. le Président, si nous avons une session à l'heure qu'il est, si le président de la Chambre a été dérangé dans ses projets de voyages dans l'Ouest...

M. Laporte: S'il ne le disait pas si souvent, on le prendrait au sérieux.

M. Johnson: ... si plusieurs d'entre nous, d'un côté comme de l'autre, ont dû interrompre des plans de vacances avec leur famille, c'est parce que nous avons à Ottawa un gouvernement qui n'a aucun respect pour l'autonomie des provinces, un gouvernement qui a été mis en place avec la collaboration des gens d'en face, par le premier ministre de la province de Québec et plusieurs de ses ministres qui s'en vantent; encore hier, le ministre du Tourisme le faisait, M. le Président, devant les hebdomadaires de la province. Si nous avons une session, si nous devons dépenser de l'argent des contribuables, c'est parce que le gouvernement que nous avons devant nous n'a pas prévu à temps ce qui devait être prévu et, deuxièmement c'est parce qu'il n'a pas suivi, parce qu'il ne s'est pas conformé à un ordre, à un désir - et, dans un tel cas, les désirs sont des ordres - à un désir unanime de l'Assemblée législative.

M. le Président, on sait la genèse de cette question, on la connaît. Dès le 4 avril, dans cette Chambre, le premier ministre nous avait supplié de voter en faveur de M. Pearson afin d'avoir un gouvernement stable, disait-il. Le premier ministre a eu à répondre à une question que j'avais l'honneur de lui poser la veille, le 3 avril. M. Pearson, parlant à Montréal, avait fait grand état d'une promesse vedette de son programme, promesse qui consistait à venir en aide aux municipalités pour la construction de travaux d'équipement, entre autres de travaux d'égouts et des travaux de même nature. J'ai demandé au premier ministre: Si je votais pour M. Pearson, est-ce que ça ne veut pas dire que j'approuverais son programme? Le premier ministre a dit: Ne nous inquiétons pas de ça, ça ne me fait rien, je n'ai pas lu les journaux, mais il faut voter pour M. Pearson. M. le Président, le premier ministre, aiguillonné par l'Opposition et par les journaux, à un moment donné, s'est décidé d'écrire à Ottawa le 7 juin. Croyez-vous que c'était pour condamner le projet dont il connaissait les grandes lignes, dont les grandes lignes étaient connues du public?

Non, M. le Président, ce n'était pas pour condamner les principes du projet, ce n'était pas pour condamner l'intrusion du fédéral dans un domaine qui est clairement de juridiction provinciale; et si quelqu'un

avait des doutes, le solide plaidoyer du ministre des Affaires municipales a dû en disposer. Pensez-vous, M. le Président, que c'était pour protester contre une attitude anti-constitutionnelle? Non, c'était pour demander à M. Pearson, s'il vous plaît, de remettre l'étude du bill. On connaît la suite. On était rendu au 16 juin et M. Pearson déclarait en Chambre è Ottawa, au début de la séance: Je ne me souviens pas, je ne crois pas avoir reçu de communication de quelque premier ministre que ce soit. C'était neuf jours après la lettre du premier ministre, neuf jours après une lettre du premier ministre demandant d'ajourner jusqu'après la conférence des premiers ministres du Canada l'étude de ce projet de loi, le premier ministre de la province de Québec. Mais, plus tard dans la journée, il s'est ravisé et il a, on s'en souvient, dit qu'en effet, il avait reçu une lettre du premier ministre.

Nous avons demandé à chaque jour au premier ministre de la province s'il avait reçu une réponse du premier ministre d'Ottawa et la réponse était toujours la même, non. Voyant que la situation se détériorait, voyant que le premier ministre de la province ne pouvait pas obtenir une réponse ou un accusé de réception à une lettre qu'il adressait au premier ministre du Canada, l'Opposition, à l'instigation du député de Saint-Jacques, ancien ministre des Affaires municipales, présentait une motion en amenant la motion pour aller en subsides. M. le Président, on sait que ce genre de motion comporte, selon la tradition parlementaire, une motion de non-confiance et si elle avait été votée, elle aurait comporté également la défaite du gouvernement. Mais, ayant inscrit des motions sur d'autres sujets à l'ordre du jour, motions qui risquaient de mourir à l'ordre du jour avant la fin de la session à l'occasion de la fin de la session, ne voyant aucune chance d'apporter le problème devant l'attention de cette Chambre autrement que par une motion de non-confiance, le député de Saint-Jacques présenta donc, le 25 juin, la motion que vous connaissez, M. le Président, et que vous avez lue aux procès-verbaux, pages 598 et 599.

Cette motion se lisait comme suit, M. le Président: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après "que" par les suivants: La Chambre, tout en étant prête à voter à Sa Majesté les subsides nécessaires à l'administration de la province, est d'avis que le gouvernement devrait étudier la possibilité d'établir sans retard un système provincial de crédit municipal permettant aux municipalités de s'acquitter de leurs obligations et sauvegardant ainsi la compétence exclusive de la province en matière d'institution municipale."

M. le Président, cette motion était basée non seulement sur ce que pensait l'Union Nationale, mais sur ce qu'avait promis, avant 1960, le Parti libéral, comme d'autres collègues auront l'occasion de l'expliquer plus longuement. Mais, on s'en souvient, en résumé, en 1960, le Parti libéral avait promis une péréquation et tellement détaillée qu'on en donnait même des chiffres dans le temps. L'Union Nationale, à son congrès de 1961, avait adopté une résolution demandant l'institution d'un crédit aux municipalités et, lors des élections, nous en avions fait un article vedette de notre programme.

Nous en étions donc, M. le Président, au mois de juin 1963, après trois ans de pouvoir, après trois ans de pouvoir par les libéraux, nous en étions au moment où Ottawa voulait adopter cette loi dont nous aurons à discuter en détail tantôt, en comité plénier, et le gouvernement n'avait pas encore agi.

Sur cette motion du député de Saint-Jacques, le député de Saint-Maurice, le député de Sherbrooke, le député de Champlain, le député de Trois-Rivières et moi-même avons, avec le député de Saint-Jacques, exprimé des vues que je n'ai pas ici à répéter pour abréger mon intervention.

M. le Président, il est une intervention cependant que la province n'est pas près d'oublier, c'est l'intervention du premier ministre qui, à ce moment-là, a accusé l'Opposition de vouloir faire de la petite politique. Il s'est lancé à fond de train contre le chef de l'Opposition en disant: "Le chef de l'Opposition sait bien que nous sommes en faveur des principes énoncés dans cette motion, mais il apporte cette motion sous une forme telle qu'il le sait, nous serons battus si nous votons pour elle. Or, mon gouvernement mérite la confiance de la population." Et les autres députés de l'autre côté d'entonner le même refrain.

M. le Président, à ce moment-là, l'Opposition, créant un précédent, mais fidèle à son intention de toujours mettre l'autonomie de la province au-dessus de l'esprit de parti, qu'il soit au niveau fédéral ou provincial, a consenti à retirer cette motion de blâme, à en faire une motion de fond pour laquelle les députés libéraux et les députés de l'Union Nationale ont pu voter en toute tranquilité, sans s'exposer à une défaite pour les libéraux et sans s'exposer, pour l'Union Nationale, à assumer de plus lourdes responsabilités.

Cette motion présentée comme motion de fond par le député de Saint-Jacques l'a été après entente et consultation entre le député de Saint-Jacques, le premier ministre et celui qui vous parle. M. le Président, cette motion n'est pas de la nature d'un voeu tout à fait théorique, cette motion constitue un droit parlementaire sous une forme polie, un ordre au gouvernement, un

désir unanime des représentants du peuple, un désir envers un groupe d'entre eux qu'on appelle les ministres et le premier ministre formant le cabinet. Cette motion unanime dit ceci, M. le Président, et vous la trouverez aux pages 608 et 609 des procès-verbaux de la dernière session. Je cite: "M. Dozois propose, secondé par M. Ducharme, que la Chambre est d'avis que le projet de loi portant le no 0-76, Loi sur le développement et les prêts municipaux, soumis à la Chambre des Communes par le ministre des Finances du Canada, constitue une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en matière d'institution municipale et prie le gouvernement de la province d'étudier la possibilité d'établir un système provincial de crédit municipal susceptible de faciliter les emprunts municipaux. La motion a été adoptée à l'unanimité." Fin de la citation, puisée aux pages 608 et 609 des journaux de l'Assemblée législative.

Donc, M. le Président, le mandat qu'avaient le premier ministre et ceux qui l'ont accompagné à Ottawa, c'était de résister et non pas de plier; c'était de se tenir debout et non pas de se coucher; c'était d'établir un crédit municipal provincial et de faire reculer Ottawa en pouvoirs fiscaux ou autrement.

M. le Président...

M. Lesage: Avec quoi? Avec un fusil à "cap"?

M. Johnson: Quels que soient les précédents, en 1963, dans la province de Québec, quand un gouvernement a une résolution unanime de l'Assemblée législative, ce n'est pas un recours à un précédent complet ou incomplet qui va justifier la reculade du chef libéral de Québec devant le chef libéral d'Ottawa.

M. le Président...

M. Lesage: M. le Président, c'est de l'inconscience.

M. Johnson: M. le Président, la consanguinité politique libérale a certains des mêmes effets qu'on rencontre ailleurs quand on regarde le bill no 1, qui est un monstre au point de vue politique, sous l'angle de l'autonomie provinciale.

M. Lesage: Vous voyez rien que bleu.

M. Johnson: M. le Président, je ne vois pas rien que bleu...

M. Lesage: Vous l'avez prouvé en 1958.

M. Johnson: ... mais j'affirme de mon siège que le premier ministre de la province de Québec, chef du Parti libéral, a comploté avec M. le chef du parti fédéral et que cela a été une mise en scène complète pour une fois de ne plus élever un écran de fumée, de parler autonomiste et d'agir en somme d'accusateur.

D'ailleurs, M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, mais c'est un libéral qui nous en a avertis au mois de juin. C'est M. Pearson d'abord qui a dit: "C'est drôle, M. Lesage connaissait le projet de loi."

M. le Président, non seulement le premier ministre le connaissait, mais avant qu'il ne soit déposé en Chambre, il y a fait faire des amendements que le gouvernement libéral a acceptés.

M. Lesage: M. le Président, j'affirme de mon siège que je n'ai pris connaissance du projet de loi C-76 à Ottawa que lors de sa première lecture. Je l'affirme sur mon honneur. Je ne le connaissais pas. Je n'en connaissais pas la teneur. Je ne savais même pas, avant de recevoir ce bill, qu'il y avait une remise de 25%, qu'il était question d'une remise de 25% du prêt. Ce n'est que lorsque j'ai reçu...

M. Johnson: Je prends la parole du premier ministre.

M. Lesage: Et j'en donne ma parole d'honneur, M. le Président. Le chef de l'Opposition a encore une fois parlé sans rien savoir.

M. Johnson: M. le Président, je prends la parole du premier ministre. Il n'avait pas vu le projet, le bill C-76...

M. Lesage: Je ne le connaissais pas.

M. Johnson: ...mais il y a eu des avant-projets discutés avec lui...

M. Lesage: M. le Président, je regrette, c'est faux. J'affirme la fausseté de ce que vient de dire le chef de l'Opposition.

M. Johnson: M. Pearson, M. le Président, le 10 juillet, je prends la parole du premier ministre. "Quant à M. Lesage", a dit M. Pearson - c'est le journal Le Devoir -"il savait que nous devions proposer l'adoption d'un tel projet de loi...

M. Lesage: Oui, évidemment.

M. Johnson: ... et, jusqu'à ces derniers temps, il a toujours paru d'accord sur son contenu."

M. Lesage: M. le Président, je regrette, M. Pearson a commis une erreur. Je ne pouvais pas être au courant et je n'étais pas au courant.

M. Johnson: M. le Président, vous voyez...

M. Lesage: Tout ce que j'en savais, c'est ce que M. Pearson a dit à Toronto.

M. Johnson: ...vous voyez un député pris dans une position qui n'est pas du tout confortable s'il veut être parlementaire; je dois traiter de menteur ou le premier ministre de la province de Québec ou le premier ministre du Canada.

M. Lesage: M. le Président, on n'a personne à traiter de menteur. J'ai dit que M. Pearson a fait erreur.

M. Johnson: M. le Président,...

M. Lesage: Tout ce que je connaissais du projet, c'est ce qu'un de ses ministres m'en avait dit et j'affirme de mon siège que j'ignorais complètement qu'il y avait un élément de subsides jusqu'au moment... D'ailleurs, M. Pearson, si ma mémoire me sert bien, lui-même, à Toronto, n'a pas parlé de l'élément de subsides dans le projet de loi. Je ne l'ai su que lorsque j'ai vu le projet.

M. Johnson: M. le Président, comme si, dans ce projet de loi, il n'y avait qu'un point qui le rende suspect, pour ne pas dire complètement inconstitutionnel, celui des subsides. Alors que c'est le premier ministre lui-même qui, dans son intervention en Chambre...

M. Lesage: M. le Président, je regrette...

M. Johnson: ...a énurnéré au moins cinq points sur lesquels il trouvait que ce projet de loi était inconstitutionnel...

M. Lesage: M. le Président, je n'étais au courant d'aucun de ces cinq points tant que je n'ai pas vu le projet de loi après sa première lecture à Ottawa. J'en donne ma parole.

M. Johnson: M. le Président, vous voyez qu'il faut maintenant que je dirige mes attaques vers M. Pearson...

M. Lesage: Pas du tout.

M. Johnson: ...qui a fait une erreur dans ses relations avec le premier ministre en disant que le premier ministre de Québec en connaissait le contenu.

M. Lesage: Je ne pouvais pas en connaître le contenu, il a été distribué seulement - je ne me rappelle pas quelle date - lors de sa première lecture à Ottawa.

Et c'est seulement dans les jours qui ont suivi que j'ai pu en prendre connaissance. Je ne pouvais pas avoir pris connaissance du contenu d'un bill qui n'était pas prêt. D'après ce qui a été dit...

M. Johnson: M. le Président, moi, je ne suis pas, mes collègues n'étaient pas au courant du bill no 1 tant qu'ils n'ont pas eu de bill no 1. Mais moi, j'étais au courant du bill no 1, grâce au premier ministre, de son contenu, parce que j'en ai reçu des épreuves pour lesquelles je le remercie. Et il y a des avant-projets à des bills et, entre membres de la même famille libérale, on s'était échangé les avant-projets, M. le Président.

M. Lesage: M. le Président, je regrette, ce que vient d'affirmer le chef de l'Opposition est absolument faux. Je n'ai vu aucun avant-projet, je n'ai rien vu d'écrit. La seule discussion que j'ai eue, c'est avec un ministre fédéral qui m'a parlé du projet dans ses grandes lignes. J'ai exprimé de très grandes réserves à ce moment-là, mais je n'ai vu le projet de loi qu'après sa première lecture et je n'ai vu aucun avant-projet. Pas plus, M. le Président, que, normalement, je puis distribuer en dehors de la Chambre, à des personnes non autorisées, une copie d'un projet de loi que j'ai l'intention de présenter, de la même façon, le gouvernement fédérai ou aucun de ses ministres n'avait le droit constitutionnellement de me faire parvenir à moi, avant que les députés de la Chambre ne le voient, un projet ou un avant-projet de bill à Ottawa.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre a raison. Constitutionnellement, on ne peut pas le faire.

M. Lesage: Constitutionnellement...

M. Johnson: Mais un programme de Parti libéral, ça circule bien entre Québec et Ottawa, M. le Président, et cela a circulé entre Québec et Ottawa. Je sais bien que, si le député de Terrebonne était présent, il défendrait M. Pearson. Je vais le défendre, moi. M. Pearson a raison de dire...

Une voix: Ils ne comprennent pas...

M. Johnson: "Quant à M. Lesage, a-t-il dit, il savait que nous devions proposer l'adoption d'un tel projet de loi et, jusqu'à ces derniers temps, il a toujours paru d'accord sur son contenu." M. le Président, c'est clair.

M. Laporte: C'est le seul élément de preuve que le chef de l'Opposition a. Le mot contenu dans un journal.

M. Johnson: J'en ai une autre, M. le

Président.

M. Laporte: Le seul élément de preuve.

M. Johnson: J'en ai une autre. Même si c'est le Devoir, ça doit commencer, ça doit constituer un commencement de preuve...

M. Laporte: M. le Président, ce n'est pas parce que c'est même le Devoir, c'est un mot cité dans une phrase, on ne connaît pas le texte, on ne connaît pas l'auteur, on ne connaît pas la preuve, c'est tout.

M. Johnson: M. le Président, voulez-vous une confirmation de ça? Il y a un député libéral qui s'appelle Patrick Asselin, député de Richmond-Wolfe, d'après la Tribune du 9 juillet, qui disait ceci: "Projet bien reçu" en parlant du projet. M. Patrick Asselin, député libéral de Richmond-Wolfe au fédéral, évidemment, précise que ce projet se trouvait inscrit dans le programme de M. Pearson au cours de la campagne électorale et qu'il en avait reçu des éloges dans toutes les provinces.

M. Asselin croit que le vent de l'autonomie qui souffle sur Québec depuis 1960 et la récupération des droits réclamés par nombre d'organisations forcent M. Lesage à prendre position, mais l'on parviendra à abattre les obstacles car il ne doute pas, M. Asselin, de l'intelligence et de la diplomatie de M. Lesage.

M. le Président...

M. Laporte: Qu'est-ce que ça prouve?

M. Johnson: Cela prouve ceci. Écran de fumée organisé, programme libéral contenant cette loi dans ses principaux éléments, approbation du programme libéral par les libéraux, mise au service des libéraux fédéraux de l'influence et de la caisse des provinciaux, travail acharné de tous les membres de la Fédération libérale provinciale, du trésorier en montant, travail assidu de tous les libéraux provinciaux pour faire élire un gouvernement dont on savait déjà qu'il adopterait une loi pour entrer dans le domaine des municipalités.

M. le Président, M. Asselin l'a dit: "Ne vous inquiétez pas, on va faire un écran de fumée, M. le premier ministre du Québec est assez habile que, malgré les pressions...

M. Laporte: Il n'a pas dit ça. Où est-ce que M. Asselin a dit qu'on ferait un écran de fumée?

M. Johnson: M. le Président, voici un homme qui met en question mes citations de journaux et qui me demande de lui en donner d'autres.

M. Laporte: Non. Je dis: Où, dans le texte que le chef de l'Opposition viant de lire, M. Asselin déclare-t-il qu'on a fait un écran de fumée?

M. Johnson: Ailleurs.

M. Laporte: Ailleurs. Ah bon. Alors, allez donc le chercher ailleurs.

M. Johnson: M. le Président, je suis assez occupé en cette Chambre pour ne pas courir après les fédéraux. Moi, je ne leur dois rien. Mais le fédéral doit beaucoup au provincial. Je croyais du moins, jusqu'à ces derniers temps, que c'était le cas, mais je m'aperçois que c'est maintenant le provincial qui court devant le fédéral.

M. le Président, cette loi qu'on nous apporte aujourd'hui est, à mon sens, une abdication législative. En présentant le bill no 1, le gouvernement libéral du Québec demande à la Législature et à la province de Québec d'approuver le geste du Parlement fédéral qui, pour la première fois depuis 1867, ose légiférer directement par son bill C-76 dans le domaine des institutions municipales, domaine qui relève clairement de la compétence exclusive des provinces en vertu du paragraphe 8 de l'article 92 de la Constitution.

Une voix: Des travaux d'hiver...

M. Johnson: J'entends le ministre qui dit: "Des travaux d'hiver". Le ministre devrait le savoir; il n'y a pas de loi.

M. Laporte: Il n'y en a pas. Il n'y en a plus.

M. Johnson: Non, non. Au fédéral, il n'y a pas de législation, M. le Président, il n'y a pas de législation pour ces travaux d'hiver et c'est le propagandiste du bill no 60 qui... Les subventions accordées...

M. Gérin-Lajoie: Il devrait savoir qu'il n'a pas d'argent qui est versé sans loi...

M. Johnson: ... pour les travaux d'hiver...

M. Gérin-Lajoie: Du moins, une loi des subsides...

M. Johnson: ...l'ont été en vertu d'une loi de 1936 sur le chômage et non sur les affaires municipales.

M. Gérin-Lajoie: Il y a une loi.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Johnson: Les subventions offertes aux municipalités pour l'épuration des eaux l'ont été par un amendement à la Loi

nationale de l'habitation et, dans les deux cas, il y avait violation de l'esprit de la constitution, mais Ottawa manifestait quand même des scrupules. Il passait par une porte d'à côté. Il ne légiférait pas directement dans le domaine municipal. Le Bill C-76...

M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait juste une question? Il prétend que c'est en vertu d'une loi de 1936 que le programme des travaux d'hiver a été établi. D'après les informations que j'ai, et j'en ai, le programme des travaux d'hiver est établi chaque année par un article budgétaire purement et simplement à Ottawa. Absolument. Écoutez, je m'en suis enquis parce que j'ai étudié à fond toute l'origine du programme des travaux d'hiver et c'est un article budgétaire; parce que l'on sait qu'un article budgétaire fait partie de la Loi des subsides et c'est là qu'est l'autorisation législative. C'est pour cela, c'est simplement par curiosité...

M. Johnson: Les renseignements que j'ai, c'est que les travaux de chômage de 1930 à 1936, étaient faits en vertu d'une loi de 1930 qui est devenue périmée lorsque la loi de 1936 a été adoptée et c'est en se basant sur la loi de 1936 qu'on a pu apporter un article budgétaire pour les travaux d'hiver...

M. Lesage: Mais ce n'est pas basé sur la loi de 1936, pas du tout...

M. Johnson: Mais c'est parce qu'on a autorité à verser, à dépenser...

M. Lesage: Non, non, non.

M. Johnson: ... de l'argent pour des fins spécifiées dans l'article un.

M. Lesage: C'est l'article budgétaire...

M. Johnson: Tel qu'était le premier ministre, nous aurons l'occasion... Je lui dis d'en discuter plus longuement. C'est un point sur lequel nous sommes très heureux d'avoir des lumières du premier ministre, s'il en est...

M. Lesage: Je vais vous les donner...

M. Johnson: Le bill C-76, M. le Président, dont te nom officiel est Loi sur le développement et les prêts municipaux, constitue la première invasion directe, flagrante et sans détour de l'autorité exclusive des provinces en matière municipale; il constitue un chambardement complet de l'esprit et de la lettre même de la constitution. C'est un renversement complet du partage des pouvoirs tel qu'établi en 1867 et Ottawa se comporte comme si la constitution avait été changée ou abolie. Une armée d'inspecteurs, de vérificateurs et autres fonctionnaires sera mise sur pied pour surveiller l'application de la loi, fouiller les budgets et les plans des municipalités, voir à ce que les taxes imposées aux contribuables soient suffisamment élevées pour garantir le remboursement des prêts.

M. Lesage: Pas vrai, pas du tout.

M. Johnson: Logiquement, il faudra aussi établir des règlements et des cadres pour aider le cas des municipalités en défaut; je parle de la loi en général, M. le Président, à Ottawa. Les services fédéraux s'accroîtront et proliféreront d'année en année jusqu'à ce que, à un moment donné, sous prétexte de mettre de l'ordre, de la cohésion et de l'unité dans tout cela, Ottawa se donne un ministère des Affaires municipales comme il s'en est donné dans d'autres domaines que les membres de cette Chambre connaissent.

Par le bill no 1, M. le Président, le premier ministre demande au Parlement de Québec de donner son acquiescement à cette insitutionnalisation de l'ingérence d'Ottawa dans le domaine municipal et, si le premier ministre veut se référer au compte rendu de son discours, le 25 juin 1968, dans cette Chambre, il verra, chez lui, qu'il nous a dit, et nous l'avons approuvé, que ce qu'il y avait de plus grave que tous les précédents, travaux de chômage de 1958-1959, 1960-1961, 1962-1963, c'est que, d'après les propres paroles du premier ministre, M. Pearson était en train d'institutionnaliser l'intervention d'Ottawa dans un domaine exclusif aux provinces, les affaires municipales.

M. le Président, en plus d'être une application administrative, c'est une abdication financière. En présentant le bill no 1, le gouvernement demande à la Législature et à la province, non seulement de renoncer aux droits fiscaux qui leur sont exclusifs, mais de dire complaisamment à Ottawa: L'argent que vous nous avez volé, suivant l'expression du sénateur libéral, Jacob Nicol, nous allons vous en emprunter une partie, vu que nos propres dépendants et les municipalités sont dans une pénurie extrême, mais ne craignez rien, nous allons vous payer, sur cet argent volé qui nous appartient, l'intérêt fixé par vous, nous allons vous en garantir le remboursement et, soyez bien tranquille, nous en ferons l'usage que vous voudrez bien nous dicter.

M. le Président, en vertu de la constitution, ai-je besoin de le dire, la Législature provinciale a le pouvoir exclusif de lever dans la province les impôts directs pour des fins provinciales. Son pouvoir exclusif s'étend, par conséquent, à toute la gamme des compétences provinciales énumérées à l'article 92, y compris cette

compétence exclusive en matière d'institutions municipales dont il est question au paragraphe 8.

Si les mots ont un sens, cela veut dire que l'État du Québec a le droit exclusif d'imposer des taxes directes pour aider les municipalités.

M. le Président, par ce bill, le gouvernement libéral de Québec veut que la Chambre efface les seuls traits, tout cela et il permet au gouvernement libéral d'Ottawa de percevoir des impôts directs comme sa nouvelle taxe sur les matériaux de construction, par exemple, qui s'applique même aux municipalités, 11%, pour organiser un système de prêts et de subventions à ces mêmes municipalités, ce qui relève clairement de la compétence exclusive des provinces. Si Ottawa a les moyens d'établir des organismes, de payer des fonctionnaires et de donner des subventions pour aider les municipalités qui sont la créature des provinces, c'est qu'en plus de l'imposition indirecte dont il possède l'exclusivité en vertu de la constitution, il perçoit plus que sa juste part des taxes directes. Le remède à ce désordre constitutionnel, c'est de rendre aux provinces leurs droits de taxation, c'est de rendre l'instrument fiscal à celui qui a le pouvoir exclusif de légiférer et non pas de céder le pouvoir de légiférer à celui qui a déjà accaparé l'instrument fiscal, M. le Président.

Mais le premier ministre ne veut pas que nous parlions de droits exclusifs ou prioritaires des provinces en matière de taxation, il ne veut parler que de besoins prioritaires, il prétend que c'est plus fort, plus dynamique d'invoquer nos besoins que de proclamer nos droits. Le résultat, c'est que nous en sommes rendus à emprunter d'Ottawa notre propre butin en promettant de rembourser avec un intérêt dont le taux sera fixé évidemment par Ottawa. Nous quémandons, nous mendions comme tous ceux qui ont des besoins, mais qui n'ont pas de droits; on ne nous donne pas, mais on nous prête, pour accentuer davantage notre servitude de colonisés envers Ottawa. C'est le genre de concessions qu'un gouvernement libéral à Québec obtient d'un gouvernement libéral à Ottawa; c'est le genre d'abdication qu'un gouvernement rouge à Ottawa impose à un gouvernement rouge à Québec. Et le premier ministre veut que la Chambre approuve tout ça par le bill no 1. C'est sa conception à lui de l'autonomie provinciale, des libertés du Québec et d'une politique de grandeur.

M. Lesage: Vous, vous êtes honnête.

M. Johnson: C'est sa façon à lui de nous émanciper, de nous rendre maîtres chez nous, une façon de roi nègre. M. le Président, cette formule d'option que le premier ministre prétend avoir obtenue à la conférence provinciale et que le ministre des Affaires municipales ne vend pas autrement qu'en se servant de citations de journaux qu'il ne prend même pas à son compte, cette formule d'option est loin d'être une victoire pour le Québec; elle marque, au contraire, dans mon opinion, un formidable recul sur la formule Fleming-Barrette qui a mis fin, sous l'Union Nationale, à l'ingérence d'Ottawa dans l'enseignement universitaire du Québec. En vertu de cette formule, les subventions fédérales aux universités n'étaient pas remplacées par des subventions à la province et encore moins par des prêts, mais par une augmentation des pouvoirs fiscaux de l'État du Québec. Au lieu de taxer les contribuables du Québec pour subventionner les universités québécoises, Ottawa, par la formule Fleming-Barrette, consentait à percevoir 1% de moins de l'impôt sur les corporations et à laisser au Québec 1% de plus, pour lui permettre de. subvenir, par ses propres moyens, aux besoins de ses propres universités. Nous reprenions donc à la fois notre liberté législative et notre liberté fiscale. En vertu de la formule qui sera connue sous le nom, je n'en doute pas, de Lesage-Pearson, Ottawa continuera de lever dans le Québec, pour les prêts et subventions aux municipalités, les mêmes impôts que dans les autres provinces. La seule différence, c'est qu'au lieu de prêter directement aux municipalités, il prêtera à la province qui, directement, à son tour, prêtera aux municipalités, mais suivant les conditions et modalités établies par la loi fédérale. Ottawa ne diminue pas d'un sou sa taxation dans le Québec pour des fins provinciales; Québec ne voit pas augmenter d'un sou sa propre taxation. Tout ce qu'il y a de changé, c'est qu'entre le contribuable québécois qui paie l'impôt et la municipalité québécoise qui reçoit le prêt ou la subvention, il y a un intermédiaire de plus, la province, qui s'ajoute à tous les services fédéraux chargés de percevoir les taxes, de les répartir suivant les dispositions de la loi fédérale et d'en surveiller la dépense. Le dollar fiscal fait un détour additionnel et n'arrivera que plus aminci encore à la fin de sa course.

Avec la formule Lesage-Pearson, nous ne gagnons rien en fait de liberté fiscale et nous ne gagnons rien non plus en fait de liberté législative puisque, malgré l'opposition offerte, suivant le paragraphe 2 de l'article 7 du bill - je m'y réfère parce que là repose tout le principe - tout devra quand même se faire selon les modalités et aux conditions applicables à des prêts accordés par l'office à des municipalités. M. Gordon le dit d'ailleurs en toutes lettres dans cette lettre qu'il a écrite le 8 août au premier ministre et dont copie a été déposée aujourd'hui même, quand il écrit que, pour bénéficier de

l'option, la province devra s'engager - et je cite - "à avancer les fonds à ses municipalités à des conditions et pour des entreprises conformes", conditions et entreprises conformes à la loi, c'est-à-dire à la loi fédérale. La formule d'option Barrette-Fleming, M. le Président...

M. Lesage: Non, non, sous le certificat de la province qui est accepté; on public de mentionner ça, évidemment.

M. Johnson: Sous le certificat de la province, en ce sens que ces travaux sont conformes à la loi fédérale.

Une voix: C'est clair.

M. Johnson: M. le Président, doit-on présumer que la province va faire un faux et donner un faux certificat? Je n'ai pas le droit de le faire, M. le Président.

M. Lesage: Non, non, on vous laisse ça.

M. Johnson: M. le Président, ce n'est pas le gouvernement qui fait des faux, c'est le Parti libéral qui fait des faux certificats. C'est une autre affaire.

M. le Président, les travaux devront être faits, les prêts devront être faits conformément à toutes les conditions énumérées, non seulement dans la loi, mais dans les règlements qui seront adoptés par Ottawa, quand il s'agit de prêter notre propre argent aux municipalités de la province de Québec sur qui nous avons juridiction.

M. Lesage: Il n'a jamais rien compris...

M. Johnson: Vous savez, M. le Président, la formule d'option Barrette-Fleming ne nécessitait pas d'entente entre Québec et Ottawa. En effet, il n'y en a eu aucune. Chacun a légiféré de son côté, la Législature provinciale précédant même la législation fédérale.

La province n'a eu aucun engagement à prendre, aucune garantie à donner, aucune courbette à faire devant quelque parti fédéral que ce soit, M. le Président. Elle a tout simplment voté deux lois: l'une donnant aux universités du Québec des subventions qui étaient même supérieures aux subventions faites par Ottawa, l'autre augmentant de 1% l'impôt provincial sur les corporations.

Puis Ottawa, comme on le sait, a légiféré à son tour en disant: Cet impôt provincial additionnel de 1% imposé sur les compagnies serait déductible de l'impôt fédéral dans les provinces, donnant elles-mêmes des subventions équivalentes aux subventions fédérales.

M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition...

M. Johnson: Il n'y a aucun lien direct entre les deux législations.

M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question? Est-ce qu'il a bien lu le texte de la loi fédérale qui décrit ce qu'est une province désignée? C'est une province qui s'engage à verser tant par tête d'étudiant. C'est évident, voyons donc.

M. Johnson: M. le Président, la province de Québec ne s'est jamais engagée, sous la formule Barrette-Fleming, à verser quoi que ce soit. La Législature du Québec a adopté une loi avant la loi fédérale et, s'il a plu à certains légistes, s'il a plu aux légistes du gouvernemnt fédéral dont on connaît les couleurs politiques, même du temps des conservateurs, de faire une rédaction semblable, c'est leur problème, ce n'est certainement pas ma responsabilité et celle de l'Union Nationale, M. le Président.

M. Laporte: Est-ce que je peux poser une question au chef de l'Opposition?

M. Johnson: Il n'y a eu aucun lien direct entre les deux législations.

M. Laporte: Il aime moins ça, les questions.

M. Johnson: Aucune subordination de la législation provinciale à la législation fédérale. Le premier ministre actuel n'en a pas moins dénoncé cet arrangement dans le temps. Oui, le premier ministre de la province de Québec, celui que nous avons devant nous aujourd'hui, appelait cette formule le pire accroc, un accroc sans précédent, dis-je, à l'autonomie provinciale.

Imaginez, M. le Président, jusqu'où on peut aller en fait de cynisme politique dans le Parti libéral. C'est lui, le ministre à Ottawa, qui avait été le complice et l'un des principaux facteurs de l'invasion d'Ottawa dans le domaine de l'éducation.

M. le Président, c'est lui qui, la veille de la convention de M. Pearson, était allé devant les étudiants de la Fédération libérale à l'Université d'Ottawa et leur avait dit: "Il y a moyen d'entrer dans le domaine de l'éducation, il y a moyen de donner des bourses sans enfreindre l'autonomie provinciale". Je pense que c'est même lui l'auteur de cette formule.

M. le Président, on va être de bon compte. Oui.

M. Lesage: Oui, vous me citerez.

M. Johnson: L'arrangement Fleming-Barrette n'était pas encore la formule parfaite, mais c'était un grand pas de

franchi dans la bonne voie.

M. Laporte: Le nôtre aussi.

M. Johnson: Mais non, c'est un pas en arrière, M. le Président. C'était la reconnaissance du fait que Québec n'était pas une province comme les autres, qui avait besoin d'une plus grande liberté.

M. Laporte: Est-ce que je peux la poser, ma question?

M. Johnson: C'était donc un précédent formidable, il fallait se hâter de consolider et d'élargir. Or, au lieu de consolider et d'élargir ce précédent, le gouvernement actuel recule.

M. Laporte: Est-ce que je peux poser une question?

M. Johnson: Oui, le député peut la poser.

M. Laporte: Je voulais tout simplement demander au chef de l'Opposition la question suivante: Si, par hasard, la subvention provinciale avait été inférieure à la subvention fédérale pour les universités, est-ce qu'il pense que l'entente Barrette-Fleming aurait été possible? Absolument pas. Vous avez accepté les conditions fédérales comme dans le cas actuel. Vous étiez obligé d'avoir des subventions au moins égales.

M. Johnson: M. le Président, le ministre publie-t-il qui avait causé le précédent d'entrer dans le domaine du financement des universités?

M. Laporte: Ce n'est pas ma question. J'ai dit, j'ai demandé au chef de l'Opposition...

M. Johnson: Un gouvernement que le député du temps, qui était libre...

M. Laporte: Ah là, il va parler fort.

M. Johnson: ... indépendant plus ou moins, mais libre tout de même, a condamné, M. le Président. Je voudrais avoir la plume et le talent du député de Chambly...

M. Laporte: C'est vrai, vous étiez silencieux à ce moment-là.

M. Johnson: ...pour descendre les libéraux comme il les a descendus dans ce domaine-là, dans le domaine de l'autonomie provinciale. Et c'est là que se trouve le premier ministre habile, et dire que c'est lui qui va servir de paravent pour esssayer de faire passer le pire accroc à l'autonomie que nous avons.

M. Lestage: J'espère, M. le Président, que vous avez remarqué que le chef de l'Opposition n'a pas été capable de dire ça sans rire.

M. Johnson: C'est le premier ministre qui riait. On s'est compris tous les deux.

M. Laporte: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, que c'est là la réponse à ma question?

M. Johnson: Oui, oui.

Le premier ministre et moi, nous nous sommes compris quand il a immolé sur l'autel du Parti libéral le plus autonomiste de ses ministres, celui qui avait la réputation d'être le plus autonomiste...

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Johnson: ...une victime agréable à M. Pearson.

M. Laporte: Asseyez-vous, la victime, pour quelques secondes. M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Johnson: Ah bon!

M. Laporte: Je prétends qu'il est faux de prétendre, de laisser supposer ou de laisser entendre qu'il y a eu des victimes immolées sur l'autel de l'autonomie. Je réaffirme que nous avons fait simplement ce que vous avez fait pour l'entente Fleming-Barrette: vous avez accepté avec regret des conditions fédérales afin de ne pas tout perdre.

M. Bellemare: Jamais! Jamais!

M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de victime au sens propre...

M. Lesage: C'est au statut fédéral, ça.

M. Laporte: C'est dans le texte de votre chef.

M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de victime au sens propre du mot, tout le monde s'est compris. Le corps du député est encore en Chambre, mais son âme autonomiste a expiré...

M. Laporte: Votre tête, je me demande où elle est rendue.

M. Johnson: Le député autonomiste, celui qui jadis fut autonomiste n'est pas à l'aise aujourd'hui, mais il y a de ces

sacrifices qu'impose le chef du gouvernement pour prouver sa loyauté à la cause libérale. Et plus on a pris de temps à entrer dans le Parti libéral, plus la pénitence est grave et plus il faut faire un effort considérable pour prouver sa loyauté. Le ministre a presque réussi cet après-midi, sauf qu'il ne fait aucun compliment ni à la formule, ni à l'attitude du premier ministre autrement qu'en se servant d'articles de journaux qu'il n'a pas encore pris à son compte.

M. le Président, après bien des acrobaties verbales qui ont pu donner le change pendant un certain temps, le premier ministre...

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de règlement. Le chef de l'Opposition a prétendu que je me suis servi d'articles de journaux. J'ai terminé mon discours en disant que j'insistais sur un point en particulier, que ce que nous avons pu gagner à Ottawa, c'est dû à plusieurs causes dont une est l'attitude ferme du chef du gouvernement qui, plus que jamais, doit être considéré comme chef de l'État du Québec.

M. Lesage: M. le Président, parlant sur un point de règlement...

M. Johnson: Ce n'est pas un point de règlement.

M. Lesage: Non!

M. Johnson: C'est une mise au point.

M. Lesage: Non, non, c'est un point de règlement. Puis-je faire remarquer juste un mot au chef de l'Opposition? Ayant lu le texte du ministre des Affaires municipales, je suis sorti pour la fin du discours.

Une voix: Je ne suis que cendre et poussière.

M. Johnson: Le ministre a cité des paroles qu'il aurait dites à la fin de son discours, je m'excuse. Que le premier ministre, il avait admiré...

M. Laporte: Le chef de l'Opposition est sans excuse, il ne...

M. Johnson: Je ne vous ai pas lu, je m'en excuse, mais...

M. Laporte: Vous auriez pu au moins écouter. Il n'a pas écouté. Il n'a pas lu. Et il n'a pas compris.

M. Johnson: M. le Président, on me permettra seulement de dire que le premier ministre s'est acquitté avec efficacité de la...

M. Laporte: Allez jusqu'au bout.

M. Johnson: ...tâche qu'on lui avait confiée...

M. Laporte: Vous avez oublié une phrase avant ça. Juste la phrase avant...

M. Johnson: ...et plus que jamais, on a raison de le tenir pour le chef de l'État du Québec.

M. le Président, ça ne prouve qu'une chose. C'est qu'en matière d'autonomie, le député de Chambly est beaucoup moins difficile qu'il ne l'était lorsqu'il était rédacteur au journal Le Devoir. Il se contente de beaucoup moins.

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de règlement, pour établir le contraire.

M. le Président: Je crois que le député de Chambly va utiliser son droit de réplique avant même...

M. Laporte: Le député de Chambly va rester assis jusqu'à six heures, M. le Président.

M. Johnson: ... qui ont pu donner le change pendant un certain temps, le premier ministre qui parle d'autonomie depuis 1960, qui parle, qui dénonce les plans conjoints, alors que son ministre, le secrétaire provincial, dit: "Amenez-en des plans conjoints, on aime cela." M. le Président, le premier ministre qui parle d'autonomie à toute occasion pour donner le change à l'élément nationaliste et particulièrement à la jeunesse, le premier ministre est allé à Canossa. Et voici qu'il nous demande maintenant de féliciter et de ratifier ses abdications par un vote de la Chambre. Eh bien, j'ai une nouvelle pour le premier ministre: jamais l'Union Nationale ne sera complice d'une pareille trahison.

M. le Président, le ministre admettra avec moi que ce que le premier ministre se glorifie d'avoir obtenu de ses amis fédéraux, que ce que le premier ministre se glorifie d'avoir obtenu n'aboutit qu'à consacrer, à perpétuer la servitude de la province...

Une voix: C'est effrayant.

M. Johnson: ...car elle fait de l'État du Québec l'agent non pas du gouvernement fédéral, mais d'un office du gouvernement fédéral...

M. Lesage: C'est la Commission municipale...

M. Johnson: Non, M. le Président, on devient... Oui, elle n'est pas subtile, M. le

Président. C'est moins humiliant, même si c'est anticonstitutionnel, pour le ministre des Affaires municipales du Québec de faire affaires avec un ministre à Ottawa. Lui, il fera affaires avec des bureaucrates à Ottawa.

M. Laporte: Mais vous avez dit le contraire tantôt.

M. Johnson: ...il sera obligé de passer sous leur diktat, il sera obligé de leur faire rapport sur les sommes qu'il a prêtées, sur le taux qu'il a demandé aux municipalités. Il devra expliquer a ces bureaucrates...

M. Lesage: Le chef de l'Opposition commence à... C'est le temps d'arrêter.

M. Johnson: Voici un ministre, M. le Président, qui va aller s'agenouiller non pas seulement devant un ministre à Ottawa, mais devant des bureaucrates. C'est la limite et là, nous ne jugeons pas le gouvernement actuel...

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Je trouve déplacé dans cette Chambre que l'on dise que le ministre va aller s'agenouiller à Ottawa, d'autant plus que c'est faux, et je voudrais bien que le chef de l'Opposition...

Des voix: Ce n'est pas un point de règlement.

M. Laporte: ...ne fasse pas trop de contradictions.

Des voix: Ce n'est pas un point de règlement.

M. le Président: Je pense qu'on pourrait dire qu'il est six heures.

M. Lesage: On va donner une chance au chef de l'Opposition de respirer, de se refroidir les sens un petit peu. Cela va lui faire du bien et, en même temps, c'est bien ce que j'avais dit, c'est-à-dire qu'il parlerait tellement longtemps que je n'avais aucune inquiétude pour ce qui était de ses collègues, qu'ils auraient le temps d'examiner le bill...

M. le Président: La séance est suspendue jusqu'à huit heures.

M. Lesage: ... disons, mieux que lui-même.

M. le Président: Huit heures?

M. Johnson: Du moment qu'on pourra ajourner après le discours du premier ministre, s'il doit parler ce soir. Le premier ministre ne parle pas ce soir.

M. Lesage: Non, c'était entendu.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est de huit à dix.

M. Lesage: Excusez-moi, M. le Président, j'avais compris que nous suspendrions la séance cet après-midi, même si j'avais terminé, jusqu'à huit heures ce soir. C'était la proposition du chef de l'Opposition. Alors, il n'y a pas de raison d'arrêter. Le chef de l'Opposition se souvient très bien que j'ai dit: "Je n'ai aucune inquiétude, je sais qu'il va parler longtemps."

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre mettrait-il ça à 8 h 15?

M. Lesage: 8 heures.

M. Johnson: J'ai objection. À 8 h 15.

M. Lesage: Je ne comprends pas. Je ne vous vois pas aller les lèvres.

M. Johnson: Huit heures et quinze minutes.

M. Lesage: Oui, entendu.

M. Johnson: 8 h 15 au lieu de 8 heures.

M. Lesage: Oui, 8 h 15.

M. Johnson: D'accord. Merci.

M. le Président: Adopté. La séance est suspendue jusqu'à 8 h 15.

(Reprise de la séance à 8 h 17 du soir)

M. Johnson: À la veille d'avoir le quorum, M. le Président, je voudrais continuer beaucoup ' plus brièvement que cet après-midi.

Une voix: Très bien.

M. Johnson: M. le Président, quand nous étions de l'autre côté et que nous en mangions une, nous avions la même réaction que celle que les députés viennent d'avoir.

M. Lesage: Vous allez l'avoir tantôt...

M. Johnson: Mais cela n'arrivait pas souvent, et cela n'est jamais arrivé au sujet de l'autonomie.

M. Lesage: Ce n'est pas comme cela que vous allez prendre moins de temps.

M. Johnson: ... au sujet de l'autonomie provinciale, car l'Union Nationale peut se vanter d'avoir, dans ce domaine, suivi une

politique logique, une politique qui n'a pas été à 100% parfaite, mais pour des raisons que cette Chambre apprécie, puisque, dans le temps, nous avions une Opposition qui nous nuisait au lieu de nous aider dans le domaine de l'autonomie provinciale. Nous avons vu...

M. Hamel (Saint-Maurice): Vous nous disiez: Ne nous dérangez pas dans les tentations.

M. Johnson: Nous avions dans ce temps, M. le Président, un chef intérimaire, par exemple, qui, à la tête de ses troupes, est sorti plutôt que d'approuver un bill récupérant pour la province 10% de l'impôt sur le revenu des individus.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ce n'est pas cela, M. le Président.

M. Johnson: Il a fui la bataille...

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je soulève un point de règlement. Je n'ai jamais fui la bataille, premièrement; deuxièmement, quand nous sommes sortis, c'est parce qu'à ce moment, depuis plusieurs semaines, le rapport Tremblay avait été publié et un certain nombre de copies avait été distribué aux journalistes; le gouvernement l'avait mis à l'index quant aux députés de l'Assemblée législative.

M. Johnson: M. le Président, en résumé, avant de décider s'il devait voter autonomiste, le député avait besoin d'un volume pour le lui dire. Nous n'avons pas besoin de volume pour nous guider dans notre politique autonomiste, une politique, M. le Président, quand on est fier et quand on et sincère dans ce qu'on prêche, une politique qui vient tout droit du coeur; mais je regrette d'avoir à dire cet après-midi que le premier ministre et son équipe ont beaucoup plus suivi la doctrine exposée notamment par le député de Matapédia que celles des articles signés du ministre actuel des Affaires municipales quand il écrivait dans le Devoir. D'autres de mes collègues auront l'occasion d'exposer les contradictions, les volte-face du gouvernement d'en face sur cette question de l'autonomie provinciale. L'option, M. le Président, que le premier ministre se glorifie d'avoir obtenue, j'avais commencé à le dire cet après-midi, n'aboutit en somme qu'à consacrer et à perpétuer la servitude de la province, car elle fait de l'État du Québec l'agent non pas du gouvernement fédéral, comme je le disais, mais d'une créature d'Ottawa, d'un Office du développement municipal et des prêts aux municipalités qui est créé par le bill C-76 en violation flagrante de la constitution. Et, si vous aviez besoin d'une raison additionnelle pour croire ce que je viens d'avancer, vous n'avez qu'à vous référer à ce qu'a dit le premier ministre cet après-midi. Le bill à Ottawa n'est même pas encore en vigueur, et la raison pour laquelle il n'est pas en vigueur, c'est qu'il n'y a pas encore d'office, mais, dès qu'il y aura un office, à partir de ce moment, l'autonomie de la province évidemment pourra jouer à plein, puisque le ministre des Affaires municipales ou la Commission municipale deviendra l'agent d'un bureaucrate, l'agent d'un homme qui n'est pas élu mais nommé par un gouvernement, le gouvernement d'Ottawa. Cet agent devra se conformer, la province devra se conformer, non seulement aux conditions et aux modalités fixées par la loi fédérale, mais encore aux instructions que pourra lui donner l'office.

Il est dit, comme je l'ai souligné cet après-midi, au paragraphe e), au sous-paragraphe e) du paragraphe 2 de l'article 7, que le gouvernement de la province doit présenter à Ottawa, à l'office, aux dates dont il peut être convenu, un rapport sur la marche des travaux relatifs aux entreprises municipales sises dans la province, sur le volume d'emplois supplémentaires ainsi créés, sur les montants des obligations municipales acquises à cet égard et sur les autres questions que l'office peut juger indispensable de connaître.

La province est donc soumise à tous les desiderata, à tous les caprices de l'office fédéral, dans un domaine qui est clairement de sa compétence exclusive en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Bien plus, en vertu du sous-pagraphe c) du paragraphe 2 du même article, la province sera pleinement responsable des sommes qu'elle empruntera de l'office fédéral pour les reprêter aux municipalités. Elle devra émettre elle-même ou garantir les obligations ou autres titres qui constateront sa dette vis-à-vis de l'office fédéral.

La province n'agira que sous les directives de l'office, mais tous les risques financiers seront assumés par elle et par ses contribuables évidemment. Ottawa prendra le mérite et Québec recueillera les pertes.

Sans compter que, pour prêter plus de $5 millions à la même municipalité, Québec devra obtenir en plus l'assentiment du gouverneur général en conseil. Voilà que nous n'avons même plus la maîtrise de nos relations avec nos propres municipalités.

Le 26 juin 1963, comme je l'ai dit cet après-midi, grâce à la vigilance de l'Union Nationale, la Chambre a adopté unanimement la motion suivante, proposée par l'honorable député de Saint-Jacques, appuyée par le député de Laviolette. Cette motion avait d'abord été présentée sous la forme d'une motion de blâme, on s'en souvient, et, à la demande du gouvernement, le député de Saint-Jacques a consenti à la modifier pour en faire une motion de fond, de façon que la

Chambre puisse l'approuver à l'unanimité. Le texte final en a été arrêté, on s'en souvient, à la suite Je consultations entre la premier ministre, le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques.

Le 26 juin 1963, la Chambre était donc unanimement d'avis que le bill C-76 constituait une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province en matière d'institution municipale. Depuis, on a quelque peu modifié le bill pour y inclure la clause d'option dont j'ai parlé tantôt. Cette modification de surface ne change rien à la réalité des choses et l'atteinte reste la plus grave, la plus humiliante qui ait été portée à la souveraineté du Québec depuis nombre d'années.

Or, dans le bill no 1 que le gouvernement voudrait faire approuver par la Chambre, il n'y a pas un mot de blâme à l'adresse du gouvernement d'Ottawa, pas même dans le préambule, à l'adresse de ce gouvernement qui envahit sans vergogne un champ aussi important de la compétence provinciale. Au contraire, le bill no 1 accepte, approuve et ratifie cette invasion. Le bill no 1 est donc contraire à la résolution unanime votée par la Chambre le 26 juin 1963.

Le bill no 1 est encore contraire à la résolution de la Chambre en ce qu'il omet de créer un système provincial de crédit municipal. En fait, il n'apporte aucune initiative de la province en ce qui concerne les municipalités. Et c'est l'une des caractéristiques les plus graves que cette inaction provinciale en face de l'invasion fédérale.

Comme nous l'avons proclamé bien des fois de ce côté de la Chambre, le meilleur moyen de conserver nos droits, c'est de les exercer pleinement. Les municipalités ont un besoin impérieux de nouvelles sources de revenus et de nouvelles sources de crédit.

Si la province avait comblé elle-même ce besoin, conformément aux promesses formelles du Parti libéral en 1960, il lui serait infiniment plus facile aujourd'hui de conserver sa pleine souveraineté en matière d'institution municipale. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté notre motion de blâme plus tard convertie en motion de fond, mais le gouvernement ne s'est pas occupé du vote unanime de la Chambre. Devant l'inaction de leur protecteur naturel, c'est-à-dire le gouvernement provincial, les municipalités du Québec ont frappé à d'autres portes. Les enfants du volé ont demandé assistance et protection au voleur et, comme d'habitude, le voleur s'est laissé faire une douce violence. L'occasion était trop belle pour lui d'envahir un autre champ de la compétence provinciale et, au lieu de réparer ses erreurs, voici que le gouvernement provincial acquiesce à l'usurpation de ses droits.

Le projet de loi qu'il nous propose n'a pas pour but de créer un système provincial de prêts aux municipalités, mais, comme le dit la note explicative, "d'autoriser le gouvernement du Québec à conclure avec l'Office fédéral du développement municipal et des prêts aux municipalités une entente". Voici donc un projet de loi qui n'a pas du tout pour effet d'occuper le terrain confié aux provinces en vertu de la constitution, il n'offre aucune mesure provinciale pour résoudre les problèmes des municipalités, il ne vise qu'à s'accommoder de l'usurpation fédérale, qu'à s'arranger avec l'usurpateur, qu'à conclure des ententes avec la puissance d'occupation. Ce n'est pas un bill de libération, ni un bill de résistance, ni même un bill de protestation; c'est un bill de collaboration avec l'occupant. Ce projet de loi n'a même pas d'existence propre; plus, en lui-même, il ne veut rien dire, il ne vaut que par référence à une loi fédérale. Envoyez le bill à n'importe quel maire, à n'importe quel échevin du Québec; fût-il le plus intelligent et le plus perspicace de nos administrateurs, il ne saura pas ce que la loi provinciale veut dire, à moins que n'y soit annexé le bill C-76 du Parlement d'Ottawa. C'est dans la loi fédérale seulement que les municipalités pourront trouver la mesure de leurs droits.

De plus, le bill no 1 ne vise que la répartition dans la province, suivant les conditions et modalités établies par Ottawa, de l'argent voté par un autre Parlement. La province n'ajoute pas un sou à ce qui sera donné ou prêté par le gouvernement fédéral. On dit pourtant que c'est un bill pour régler le chômage. Dans ses annonces électorales de juin 1960, le Parti libéral promettait de "faire du chômage une responsabilité provinciale". Tout cela est oublié. La province ne donne pas un sou de son cru. Elle n'est qu'un service de distribution des faveurs payées à même notre argent. Voilà l'esprit de cette loi. Le bill no 1 n'est en somme qu'une étiquette que l'on colle au bill C-76 d'Ottawa et sur laquelle on peut lire: "Inspecté et approuvé pour usage suivant les instructions du fabricant". En d'autres termes, c'est une loi de capitulation qui se greffe à une loi d'usurpation. D'un gouvernement provincial qui a un budget de $1,200 millions, soit deux fois le plus gros budget de l'Union Nationale, les municipalités auraient pu s'attendre à davantage. On aurait pu espérer un système provincial de crédit municipal, avec un fonds d'au moins $500 millions à distribuer parmi les villes et villages du Québec au cours des cinq prochaines années. Mais le gouvernement libéral actuel est plus pauvre avec un budget de $1,200 millions que ne l'était l'Union Nationale en 1936 avec un budget de $40 millions. Car, avec ses $40 millions représentant le trentième du budget actuel,

l'Union Nationale a réussi à instituer le crédit agricole provincial. Et comment cette usurpation fédérale pourrait-elle régler les difficultés financières de nos municipalités, je vous le demande? La subvention offerte ne représente que 25% du montant prêté, qui est limité lui-même à 66 2/3% du coût de l'entreprise, moins les subventions.

Ce qu'on donne ne représente donc que 16 2/3% du coût. C'est une goutte d'eau en regard des besoins des municipalités. Sur les $120 millions qui devraient normalement être prêtés dans le Québec dans trois ans, si la présente loi est votée, c'est un maximum de $30 millions à être donnés en subventions.

Quand les villes de Montréal et de Québec auront été servies, que restera-t-il à partager entre les quelque 1,600 autres municipalités du Québec? Ce n'est pas avec de pareilles miettes, M. le Président, qu'on réglera le problème du chômage ni le problème municipal. Il appartiendrait à l'Etat provincial de régler véritablement le problème par des prêts et des subventions beaucoup plus généreuses. Mais le gouvernement actuel ne veut même pas ajouter ses petits 16% aux petits 16% d'Ottawa. Il ne fait que passer la gamelle.

Le rapport Tremblay signale (volume 1, page 111) que "la plupart des municipalités du Québec ont été acculées au bord de la faillite", lors de la crise économique d'avant-guerre, parce qu'elles avaient dû supporter un fardeau beaucoup trop lourd en matière de travaux de chômage. Même la ville de Montréal, on s'en souvient, s'est révélée incapable de faire honneur à ses obligations et a été mise en tutelle sous l'administration Godbout-Bouchard.

Or, à cette époque, les municipalités ne payaient elles-même que 50% ou 33 1/3% du coût des travaux, le reste étant assumé à parts égales par l'autorité fédérale et l'autorité provinciale. Voilà qu'on les oblige maintenant à payer 84% du coût total des travaux de chômage. Les administrations les plus démunies en fait de sources de revenus doivent porter à elles seules plus des quatre cinquièmes du fardeau. Et Québec se comporte comme s'il n'avait aucune responsabilité en matière de chômage, il n'ajoute pas un sou à la subvention déjà très chiche d'Ottawa.

Dire que le Parti libéral s'était pourtant engagé à faire du chômage, comme je le disais tantôt, une responsabilité provinciale et à "exécuter, sans délai et partout, des travaux publics à la mesure des besoins". Il se vantait d'apporter au Québec un changement de vie; mais il est incapable de donner autre chose que des changements d'avis.

M. le Président, si le Parti libéral avait tenu ses promesses de péréquation et de travaux, la loi d'Ottawa, on n'en aurait même pas besoin et le gouvernement ne serait pas, selon son propre aveu, coincé comme il l'est entre les demandes des municipalités et la centralisation des libéraux d'Ottawa.

Le chômage, on le sait, est le prétexte qu'invoque l'autorité fédérale pour envahir le champ municipal et qu'invoque à son tour, évidemment, l'autorité municipale pour demander à la Chambre d'acquiescer à l'invasion. Or, c'est là un précédent extrêmement dangereux. Car si, par le bill no 1, la Chambre reconnaît que la nécessité de créer de nouveaux emplois est un motif valable pour justifier l'occupation du champ municipal par Ottawa, le même motif pourra être invoqué désormais pour multiplier les ingérences dans n'importe quelle autre sphère de compétence provinciale.

Et d'ailleurs, c'est le ministre des Affaires municipales qui, cet après-midi, invite Ottawa à continuer son envahissement dans d'autres domaines, puisqu'il annonce d'avance à Ottawa que, chaque fois, il collaborera en sauvant ce qu'il peut sauver, M. le Président.

Qu'est-ce qui empêchera désormais Ottawa de bâtir des écoles dans le Québec? Est-ce que ces travaux ne contribueraient pas à donner de l'emploi? En fait, le texte original du bill C-76 que cette Chambre a unanimement condamné...

M. Hamel (Saint-Maurice): Cela existe depuis aussi longtemps que Bilodeau-Rogers en 1936.

M. Johnson: ... excluait les constructions d'écoles.

M. Hamel (Saint-Maurice): Bilodeau-Roqers?

M. Johnson: Le premier projet du bill C-76. Cependant, le nouveau texte adopté par la Chambre des communes à la suite de la conférence fédérale-provinciale ne contient plus cette restriction. Ottawa pourra même subventionner la construction d'écoles.

M. Lesage: Pas dans le Québec.

M. Johnson: Est-ce là le bénéfice que le premier ministre a obtenu à la conférence fédérale-provinciale? Est-ce là sa façon de sauvegarder l'autonomie du Québec?

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Bagot ne peut pas donner une fausse interprétation du bill C-76. Dans le Québec, il ne peut être question de se servir de cette loi pour construire des écoles, parce que les municipalités n'administrent pas d'écoles.

M. Johnson: M. le Président, voilà d'abord des choses que le premier ministre

aurait pu dire en réplique. Et, deuxièmement, le premier ministre sait bien que je discute du bill totus in toto. Il sait bien par expérience, lui qui a siégé à Ottawa, que, lorsque Ottawa aura pendant des années, sous le couvert du bill C-76, subventionné, dans neuf des dix provinces, la construction d'écoles, il se trouvera dans le Québec des gens pour demander qu'on ne perde pas le bénéfice d'une telle législation et qu'on puisse l'avoir au Québec.

M. Lesage: M. le Président, je regrette infiniment, mais le chef de l'Opposition se trompe grandement, parce qu'il appartient au gouvernement du Québec de déterminer la distribution des montants et non pas à Ottawa.

M. Johnson: M. le Président, on pourrait évidemment me taxer de faire de l'interprétation libre...

M. Lesage: Évidemment.

M. Johnson: ... si je n'avais le texte même du ministre qui a déclaré, à la page 28: "Chaque fois que le gouvernement fédéral voudra pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale et chaque fois qu'une majorité de provinces sera favorable à cette violation de la constitution, ce sera le devoir des administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste du Canada."

M. Lesage: D'ailleurs, je vais vous dire ce que vous avez fait vous autres.

M. Johnson: C'est ainsi, M. le Président, que celui qui me fait un reproche, le premier ministre de cette province, c'est ainsi que de son temps, avec sa collaboration et à sa suggestion, le gouvernement fédéral, à la demande des autres provinces, est entré dans le domaine de la santé et c'est lui, lui-même, le chef du Parti libéral, qui a fait cette campagne dans toute la province en nous disant: Vous avez tort, l'Union Nationale, de ne pas profiter des taxes qui servent à payer dans les autres provinces des services aux autres contribuables.

M. le Président, le député de Chambly a cependant dit au deuxième paragraphe, et je dois à la vérité de le citer à ce moment-ci...

M. Lesage: Mais vous tronquez le texte.

M. Johnson: "...mais chaque fois que le gouvernement fédéral recourra à un tel procédé, j'allais dire à un pareil chantage, l'équilibre de la Confédération en sera de plus en plus faussé...

M. Lesage: C'est ça.

M. Johnson: ... avec le risque qu'un jour ça ne craque."

M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez que j'ai dit à Ottawa?

M. Johnson: M. le Président, après avoir élu, contribué à faire élire un premier ministre qui n'a aucun respect des juridictions provinciales...

M. Lesage: M. le Président, de quel premier ministre le chef de l'Opposition veut-il parler?

M. Johnson: Du premier ministre d'un gouvernement soi-disant stable...

M. Lesage: Du premier ministre du Canada?

M. Johnson: Oui, M. le Président.

M. Lesage: Je vous répondrai là-dessus. Si ça avait été moi, je vous aurais demandé de retirer vos paroles.

M. Johnson: M. le Président, il y en a un qui ne respecte pas les juridictions provinciales et il y en a un autre qui fait semblant de les respecter en aidant l'autre à les violer.

M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition vient de me traiter indirectement d'être un hypocrite. J'ai le droit de lui demander de retirer ses paroles.

Des voix: Bien, voyons donc.

M. Lafontaine: Tout le monde sait ça.

M. Johnson: Je serais justifié de retirer mes paroles...

M. Lesage: M. le Président...

M. Johnson: ... si le premier ministre veut retirer le bill.

M. le Président: À l'ordre, messieurs:

M. Lesage: Un instant! Je viens d'entendre un certain député qui a déclaré: "Tout le monde sait ça."

M. Lafontaine: Tout le monde sait ça, M. le Président, ce que le chef de l'Opposition vient de dire. Tout le monde sait ça dans la province.

M. Lesage: Non, vous avez dit: "Tout le monde sait ça" quand j'ai dit qu'on m'avait traité d'hypocrite.

M. Lafontaine: Non, c'est sur ce que le chef de l'Opposition a dit.

M. Lesage: ... à ceux qui parlent assis. M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: M. le Président, pour que je retire mes paroles, il faudra qu'il retire son bill.

M. Lesage: Une épinette penchée.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! J'avais espéré que, ce soir, on pourrait continuer l'étude du bill dans une atmosphère meilleure que celle de cet après-midi et sans entrer dans les personnalités. Je crois que je pourrais demander à tous les députés d'essayer de discuter de la motion de deuxième lecture du bill qui est devant la Chambre et il n'est aucunement question des personnalités des membres de cette Chambre ni des membres d'autres gouvernements. Je crois qu'on pourrait discuter d'un bill sans entrer dans les personnalités, parce que, chaque fois que ça commence, ça entraîne toujours un débat qui ne donne rien à la province, qui ne donne rien à la Législature, qui ne peut faire autre chose que de nuire à la réputation de tout le monde.

M. Gabias: Même ceux qui sont morts.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: M. le Président, des personnalités, je voudrais éviter d'en faire. Me serait-il permis, à ce stade-ci, M. le Président, de dire que je comprends comment un gouvernement fédéral, quel qu'il soit, en vient à devoir adopter certaines lois qui nous paraissent, à nous du Québec, parce que nous sommes une province différente, violer et violent en fait, comme l'a démontré le ministre des Affaires municipales cet après-midi, la compétence provinciale? Je le comprends, mais ce que je reproche au premier ministre du Canada, ce que je reproche au premier ministre de la province de Québec, c'est de faire croire à la jeunesse du Québec qu'on est autonomiste, alors qu'on manigance précisément pour faire un Canada unique, un moule unique, l'intégration lucide de Maurice Lamontagne.

Le député de Chambly, absent ce soir, avait raison de dire cet après-midi: "Chaque fois que le gouvernement fédéral recourra à un tel procédé, j'allais dire à un pareil chantage - les mots sont forts - l'équilibre de la Confédération en sera de plus en plus faussé avec le risque qu'un jour ça ne craque."

M. Lesage: Et puis.

M. Johnson: Le député de Chambly a raison, mais, quand on est autonomiste, on se tient debout avant que ça craque; autrement, le gouvernement actuel que j'ai devant moi sautera lorque ça craquera, M. le Président.

M. Lesage: M. le Président, je voudrais purement et simplement inviter le chef de l'Opposition à présenter un candidat dans Notre-Dame-de-Grâce, s'il pense que le gouvernement...

M. Johnson: D'abord, M. le Président, je voudrais dire au premier ministre que je suis en négociation avec le député de Verdun. Deuxièmement, le premier ministre, vous voyez sa mentalité - je viens de parler de cette question d'autonomie, de ce désir de la jeunesse de vivre réellement en Canadien français dans la province - imite Maurice Lamontagne, deux fois battu dans Québec-Est, qui va se faire élire dans Outremont. Et quand on veut un test sur l'autonomie de la province, on me propose Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président.

M. Lesage: M. le Président, il ne s'agit pas d'un test sur l'autonomie de la province. C'est le chef de l'Opposition qui a dit que le gouvernement craquait, vous allez voir...

M. Johnson: M. le Président... M. le Président: A l'ordre!

M. Johnson: M. le Président, pour faire un véritable test, une véritable épreuve sur l'autonomie, on aurait peut-être pu suggérer Outremont.

M. Lesage: Une élection générale encore. Vous n'en avez pas eu assez.

M. Hamel (Saint-Maurice): En voulez-vous une autre?

M. Johnson: M. le Président, une élection générale aiderait le premier ministre à laver son cabinet, on s'en chargerait.

Des voix: Ah oui! ah oui!

M. Lesage: Avec autant de succès que la première fois...

M. Johnson: M. le Président, je sais que le premier ministre m'en veut parce qu'on n'a pas battu certains de ses ministres, mais j'ai fait mon possible. S'il m'avait seulement averti trois mois d'avance.

Une voix: On vous avertit trois ans d'avance.

M. Johnson: M. le Président, vous voyez que ce n'est pas dans mon texte, les

références à M. Kierans, mais ça vient toujours des interruptions.

M. Bellemare: Il y a trop d'absents ce soir.

M. le Président: Cela n'a rien à voir avec le bill.

M. Johnson: M. Kierans, ah non, ah non! Si jamais il vient en Chambre, on en parlera.

M. Lesage: Cela commence: nous avons vu tantôt que le bill no 1 ne signifie rien par lui-même.

M. Johnson: M. le Président, il arrive peut-être pour la première fois que, pour savoir ce que nous avons à sanctionner dans cette Chambre, il faille recourir à un bill d'Ottawa, parce qu'on sait que le bill no 1 -je n'entrerai pas dans les détails - est incompréhensible sans qu'on lise un autre bill qui n'est peut-être pas tellement compréhensible. Cette loi qu'on nous demande, en somme, d'approuver est pratiquement incompréhensible, comme on le sait, dans sa traduction française, surtout pour un esprit imbu de logique et de clarté; ça ne s'applique pas au Procureur général encore. Ce n'est pas de l'anglais évidemment puisque les mots sont français; ce n'est pas du français non plus puisque l'ordonnance des mots et des phrases, les méandres de la pensée, le rythme, la couleur, la disposition des paragraphes, le génie de la langue et les conceptions juridiques, tout cela est dans la plus belle veine anglo-saxonne. Ah, quelle merveille de biculturalisme, M. le Président: Il paraît que nous avons dix ministres canadiens français au sein du cabinet fédéral. Quelle est la mesure de leur influence dans les affaires du pays? S'il faut en juger par ce texte comme par tous les autres qui nous viennent de la même source, elle est infinitésimale pour ne pas dire inexistante.

Tout cela montre une fois de plus l'importance pour notre population d'être gouvernée par Québec plutôt que par Ottawa...

M. Hamel (Saint-Maurice): Très bien.

M. Johnson: ... surtout, et c'est un minimum, dans les choses qui nous touchent de plus près comme les institutions municipales. M. le Président, est-il nécessaire de vous référer à un article, tout simplement à titre d'exemple? Il y en a un ici qui est de trente lignes de long sans un seul signe de ponctuation. C'est d'une clarté fulgurante.

M. Laporte: Quelle largeur?

M. Johnson: M. le Président, je suis certain que le député de Duplessis pourrait nous expliquer le paragraphe 2 qui constitue, paraît-il, la grande victoire de notre délégation à Ottawa. Le paragraphe 2 est d'une clarté telle qu'il mérite que je vous le lise, en partie seulement et en prenant mon souffle, avec l'espoir de ne pas étouffer avant la fin de la première phrase. "Avec l'approbation du gouverneur en conseil..."

M. Couturier: Gardez le peu qui vous reste.

M. Johnson: "Avec l'approbation du gouverneur en conseil, l'office peut au plus tard le 31 octobre 1963 conclure avec le gouvernement d'une province quelconque une entente relative aux prêts à consentir au gouvernement de cette province ou à tout autre organisme désigné de celle-ci...

Une voix: Virgule...

M. Johnson: ... virgule... n'excédant pas au total le montant qui peut être approuvé sous le régime du paragraphe 2 de l'article 13 ou des entreprises municipales situées dans cette province, - virgule - en vue de permettre au gouvernement de la province ou à son organisme - pas de virgule - de consentir des prêts aux municipalités - pas de virgule - sises dans la province relativement à des entreprises municipales selon les modalités et aux conditions applicables à des prêts accordés par l'Office des municipalités; - point virgule- ladite entente doit stipuler: "a) Que les prêts faits sous son régime doivent être consentis par l'office aux dates et de la manière qui permettront au gouvernement de la province ou à son organisme de consentir à l'occasion à des municipalités des prêts pour des entreprises municipales; "b) Qu'en vue de faire des prêts sous son régime - je ne sais pas ce que cela veut dire - l'office doit accepter un certificat délivré par le gouvernement de la province de Québec attestant premièrement que l'entreprise municipale concernant laguelle le prêt est consenti est une entreprise municipale au sens où l'entend la présente loi; deuxièmement, qu'il a été satisfait aux exigences de l'alinéa a) ou b) du paragraphe un, en ce qui concerne l'entreprise municipale pour laquelle le prêt doit être consenti, et troisièmement qu'il a été satisfait aux autres exigences de la présente loi, applicable aux prêts visés par ladite loi et consentis à des municipalités; "c) Que les prêts accordés par l'office sous le régime de l'entente - et c'est là qu'on touche à l'autonomie encore - doivent être remboursables selon les modalités, aux conditions et au taux d'intérêt applicables à un prêt consenti par l'office à une

municipalité aux termes du paragraphe un et à être constaté par des obligations ou autres titres émis par le gouvernement de la province ou émis par son organisme et garantis par ledit gouvernement en conformité des stipulations que prévoit l'entente."

M. le Président, il y en a encore pour trois quarts de page avant de terminer cet article. Je l'ai cité tout simplement à titre d'un exemple tout à fait incomplet du charabia que nous trouvons dans cette loi qui constituera, pour nos municipalités, la source de leurs droits. M. le Président, le ministre pourra évidemment, et j'espère qu'il le fera, émettre des circulaires qui expliqueront la loi et faciliteront la compréhension de certains articles à nos administrateurs municipaux.

M. le Président, que les provinces de majorité anglaise tiennent moins que la nôtre à leur autonomie, cela se comprend. Qu'une loi vienne de la capitale fédérale ou de la capitale provinciale, où est la différence pour nos compatriotes ou la plupart de nos compatriotes dans les autres provinces? En d'autres langues, c'est toujours le même esprit, la même mentalité, le même climat, le même langage dans un cas comme dans l'autre. Mais, pour les Canadiens français du Québec, les textes outaouais même traduits auront toujours une assonance étrangère, ce qui est vrai du langage l'est encore davantage de l'esprit. C'est pourquoi une communauté culturelle qui veut survivre et rayonner voudra toujours se gouverner elle-même, dans toute la mesure du possible. C'est là un phénomène tout aussi naturel que celui de l'unification progressive de la communauté canadienne-anglaise au Canada. Si l'on croit au biculturalisme dont on parle tant, si l'on croit à l'égalité des deux cultures, il ne faut pas que l'une soit subordonnée à l'autre, que l'une ne soit qu'une mauvaise traduction de l'autre. Il faut que chacune puisse s'épanouir librement, suivant son esprit propre. Or, la liberté culturelle ne peut pas se concilier avec la servitude politique dans les domaines qui touchent à la vie quotidienne, à la vie intime d'un peuple. Et le domaine des institutions municipales est de ceux-là. C'est pourquoi il avait été clairement réservé à l'autorité provinciale dans le pacte de 1867.

Par le bill no 1, le gouvernement libéral du Québec nous demande, M. le Président, de consentir à une nouvelle violation du pacte. Il nous demande de consentir à une unification qui peut être normale et naturelle pour la majorité de nos concitoyens des autres provinces, mais qui, dans notre cas, est contre nature parce qu'elle nous conduit tout droit à l'assimilation et au suicide national. Ce que le gouvernement de l'État du Québec devrait exiger et obtenir d'Ottawa, ce ne sont pas des rapiéçages ni des traductions plus ou moins littérales de ce qu'on pense ou ce que l'on fait ailleurs. C'est une constitution nouvelle, fondée sur l'alliance des deux nations, car la dualité culturelle ne peut trouver son expression véritable que dans la dualité nationale qui doit elle-même modeler les institutions politiques. En cherchant comme il le fait des accommodements et des retouches purement superficiels à des mesures fédérales dont l'ensemble constitue sans aucun doute la plus grande offensive centralisatrice qui a été déclenchée au Canada depuis la dernière guerre, le gouvernement actuel du Québec nous éloigne de cette constitution nouvelle au lieu de nous en rapprocher. Il cherche à créer dans le Québec des illusions de liberté qui sont en fait autant d'entraves à la véritable liberté. L'autonomie dont il se gausse est purement verbale et caricaturale. La solidarité du rouge à Québec et du rouge à Ottawa ne nous a d'ailleurs jamais apporté autre chose, M. le Président.

Bref, le projet de loi ne règle rien du tout; il ne règle en aucune façon le problème du chômage; il ne règle pas du tout les problèmes financiers des municipalités; il règle encore moins le grand problème de l'heure qui est le problème constitutionnel; il ne fait que nous enfoncer davantage dans la subordination et la servitude. L'Union Nationale, parti libre pour un Québec libre, ne peut que repousser, avec la communauté québécoise, cette façon malheureusement si caractéristique du parti au pouvoir de troquer notre droit d'aînesse pour un plat de lentilles. M. le Président, ce sont là des mots...

M. Lesage: Surtout.

M. Laporte: Cela a été son meilleur bout.

M. Johnson: Ce sont là des mots, M. le Président, qui paraissent cruels et durs pour un gouvernement qui voudrait se donner la réputation d'autonomiste. M. le Président, je n'ai qu'à regarder certains membres de ce cabinet devant moi pour me rendre compte que c'est là une tâche impossible; il y a trop de ces gens devant nous qui espèrent quelque chose d'Ottawa; il y en a trop qui aspirent à la sérénité d'un siège au Sénat.

M. Lesage: J'ai l'impression que le chef de l'Opposition rêve tout haut pour lui-même.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre voudrait-il des précisions? Le premier ministre de la province de Québec, avec les fonds des contribuables, paie un dîner à un congrès et l'orateur invité, c'est M. Pearson. Celui qui le présente, c'est un ministre du cabinet qui en profite...

M. Lesage: C'est possible.

M. Johnson: ... pour faire un plaidoyer presque à genoux pour qu'on se souvienne de ses services au Parti libéral. Il y a devant moi ce groupe d'hommes qui espèrent un jour être récompensés par les libéraux fédéraux. Cela, ça prend soin d'une partie du cabinet provincial. Et il y a cet autre groupe, à la tête duquel se trouve le premier ministre de la province de Québec, qui non seulement est prisonnier de son passé, mais prisonnier de ses ambitions fédérales, M. le Président. Jamais nous n'aurons eu dans la province, même en le comparant au régime Godbout, un gouvernement aussi peu libre, aussi peu en état de représenter véritablement les véritables intérêts des Canadiens de la province de Québec et particulièrement des Canadiens français. Jamais nous n'aurons eu un gouvernement aussi faible devant un gouvernement d'Ottawa. M. le Président, l'amour en rouge à Québec et à Ottawa, c'est plus fort que l'intérêt de la province dans les actes, sinon dans les paroles, du premier ministre et de son équipe.

M. Jean Lesage

M. Lesage: M. le Président, je n'ai pas l'intention de suivre le chef de l'Opposition dans son alignement de mots creux dont j'ai pu retracer la source dans l'éditorial de Montréal-Matin de ce matin. J'y ai découvert le même style que le style du discours du chef de l'Opposition. Je ne sais pas si c'est le signataire de l'article de Montréal-Matin de l'article éditorial de ce matin qui a écrit le discours du chef de l'Opposition. Le style se ressemble étrangement, des mots creux, vides de sens et qui ne se rattachent aucunement à la réalité. Il est curieux que tous les gens d'expérience qui connaissent bien la situation entre Ottawa et Québec, tel que l'a exposée d'ailleurs brillamment cet après-midi le ministre des Affaires municipales, à une exception près, celle que je viens de mentionner, celle du chef de l'Opposition, ont, à des degrés divers, soutenu que je ne m'étais pas couché à Ottawa. Je n'ai pas l'intention non plus de parler de couchette, ni d'amour; j'ai l'intention de parler du bill no 1. 17 fois, pour montrer la grande variété de son style, le chef de l'Opposition, 17 fois, je les ai bien comptées, m'a accusé d'être couché; il a toujours fallu que je me relève 16 fois.

M. le Président, quand je suis allé à Ottawa avec mes collègues, nous avions obtenu un mandat de l'Assemblée législative. Ce mandat, c'était celui de la motion proposée par M. Dozois, secondée par M. Ducharme et qui avait été adoptée unanimement, c'est-à-dire que la Chambre établit que le projet de loi portant le no C-76, qui n'est pas évidemment du tout le même que celui-ci, que le texte de la loi adoptée, loi sur le développement et les prêts municipaux, soumis à la Chambre des communes par le ministre des Finances du Canada, constitue une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en matière d'institutions municipales et prie le gouvernement de la province d'étudier la possibilité d'établir un système provincial de crédit municipal susceptible de faciliter les emprunts municipaux. La motion est adoptée à l'unanimité. Pour ce qui est de la deuxième partie de la motion, je pense que le ministre des Affaires municipales y a répondu cet après-midi, puisque nous allons former un comité de gens extrêmement compétents qui justement seront chargés d'étudier la possibilité d'établir un office provincial de crédit municipal.

Nous avons donc rempli notre mandat en autant que la deuxième partie est concernée. Pour ce qui est de la première partie, j'ai la conscience d'avoir rempli tout mon devoir, d'avoir fait tout ce que je pouvais dans les réclamations que j'ai exprimées à Ottawa pour que le projet de loi soit changé, amendé, de telle façon que ce soit la province qui prête aux municipalités et aux conditions que la province détermine, dans les cadres, évidemment, du but poursuivi par la loi fédérale puisque la province recevra des prêts du fédéral. Il n'y aura aucune relation directe entre le gouvernement fédéral et les municipalités.

M. Gabias: Ce n'est pas exact.

M. Lesage: Je regrette. Le député de Trois-Rivières, quand il dit que ce n'est pas exact, ne sait pas ce qu'il dit, n'a pas lu la loi et je l'attends, qu'il me prouve le contraire. Nous étions accompagnés de nos meilleurs conseillers juridiques et c'est justement le point sur lequel nous avons veillé. Nous avons vu à ce qu'il n'y ait aucune possibilité de relation directe entre le gouvernement fédéral et les municipalités de la province de Québec en vertu du bill C-76.

M. Gabias: Vous vous êtes endormis.

M. Lesage: M. le Président, je regrette, le dormeur en Chambre, ce n'est pas moi, c'est celui qui m'interrompt. Il peut être assuré, M. le Président, que, quand je vais aux conférences fédérales-provinciales, il n'a qu'à demander à ceux qui m'accompagnent si je dors ou si je suis éveillé, ou si je guette ce qui se passe afin de m'assurer que l'autonomie de la province est préservée, autonomie à laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux.

Le chef de l'Opposition a enligné des mots, s'est répété, a dit des choses inexactes cet après-midi; il m'a traité d'avoir été à

cette occasion, je ne me rappelle pas exactement du terme employé, le plus grand violateur de l'autonomie provinciale ou quelque chose de semblable.

Cela me rappelle l'histoire de cette mère de famille...

M. Johnson: Les fossoyeurs.

M. Lesage: Cela me rappelle l'histoire de cette mère de famille qui, voyant passer en parade son fils militaire, s'écrie: "Il n'y a que lui qui a le pas."

M. Johnson: Elle n'est pas nouvelle.

M. Lesage: À travers tous les commentaires que nous avons eus, il est seul à avoir le pas et, M. le Président, c'est parce qu'il est probablement le seul, avec quelques-uns qui l'entourent, à n'avoir rien compris.

D'abord, le chef de l'Opposition a affirmé que le titre officiel de la loi, c'est la Loi sur le développement et les prêts municipaux, pour vous laisser entendre qu'il n'est pas question de chômage. Or, le titre de la loi, j'en ai une copie dans les mains, telle qu'adoptée, c'est Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada grâce à une assistance financière sous forme de prêts aux municipalités, afin de permettre d'accroître ou d'accélérer leurs programmes de travaux d'équipement.

Alors, c'est sur la même base que les lois adoptées chaque année par le Parlement d'Ottawa depuis 1957, je crois, pour les travaux d'hiver.

M. Johnson: Le premier ministre aurait pu lire aussi l'article 1.

M. Lesage: Pardon? Bien oui, mais c'est le nom en bref.

M. Johnson: Alors, comme je citais la loi, j'ai pris l'article 1.

M. Lesage: D'accord, M. le Président, je n'ai pas accusé le chef de l'Opposition d'avoir été de mauvaise foi. Je lui indique le titre, le véritable titre de la loi et non pas les titres abrégés.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Le chef du Parti libéral, le premier ministre, a dit: Le chef de l'Opposition a cité la loi...

M. Lesage: L'abrégé, oui.

M. Johnson: ... et l'abrégé du titre afin d'indiquer que ça n'avait rien à faire avec le chômage. Ce n'est pas exact. L'article 1 dit qu'on peut citer la loi sous le titre de Loi sur le développement et les prêts municipaux. Comme je citais la loi, je la citais sous le titre que l'article 1 me permet d'utiliser. Voilà le premier ministre qui me reproche d'utiliser une permission qui n'enfreint pas, j'espère, l'autonomie provinciale, celle donnée dans l'article 1 de la loi.

M. Lesage: D'accord. M. le Président, c'est parce que le chef de l'Opposition, j'ai son texte devant moi, a dit: Le bill 76, dont le nom officiel est la Loi sur le développement et les prêts municipaux, constitue la première invasion directe, flagrante et sans détour de l'autorité exclusive des provinces en matière municipale. Il a dit: lorsqu'il s'agissait de travaux de chômage.

Eh bien, ces travaux de chômage, la participation d'Ottawa non pas par des prêts, mais par des subventions, quand il s'agit de travaux de chômage, il s'agissait de chômage et c'est basé sur une vieille loi de 1936.

M. le Président, j'ai ici la preuve que ce n'est pas basé sur une loi de 1936. L'arrêté en conseil du 4 mars 1963, concernant les travaux d'hiver, contient, à la page 4, l'arrêté ministériel fédéral... Je parle de la loi fédérale de 1936 et je dis que ce n'est pas exact que les subsides votés par Ottawa pour les travaux d'hiver le sont en vertu d'une législation de 1936. "The committee therefore - the committee of the Privy Council - on the recommendation of the minister of Labor, advised that your Excellency pursuant to any enactment of the Parliament of Canada for defraying the several charges of the public service that provides for payments for the cost of labor incurred under the municipal winter works incentive program during the 1962-1963 and 1963-1964 fiscal years may be pleased to approve."

Alors l'autorité législative, c'est la Loi des subsides, c'est le budget.

M. Johnson: Pour toutes les dépenses, sauf...

M. Lesage: Bien oui, mais je dis qu'il n'y a pas d'autre autorité législative d'année en année. Pardon?

M. Johnson: Ce que le premier ministre cite, ça ne prouve pas ce qu'il vient d'avancer.

M. Lesage: Bien oui, je vais le prouver tout de suite. J'ai ici le texte de l'article no 590, Loi des subsides no 7 de 1960, et c'est la même chose tous les ans; je n'ai pas fait copier tout: Versements, en conformité des modalités et conditions prescrites par le gouverneur en conseil, aux provinces, à l'égard des bandes indiennes en vertu des programmes d'encouragement aux travaux

municipaux d'hiver au cours des années financières 1960-1961 et 1961-1962, de sommes n'excédant pas la moitié des frais de main-d'oeuvre occasionnés au cours de la période écoulée entre le quinzième jour d'octobre 1960 et tel jour de l'année financière 1961-1962 que pourra déterminer le gouverneur en conseil, $30,000,000.

L'autorité et la seule autorité législative, c'est celle-là. C'était la même chose en 1957; même chose en 1958; même chose en 1959, 1960, 1961, 1962 et 1963. Donc, lorsque...

M. Johnson: Alors, le premier ministre va me permettre une question. Je pense qu'il veut éclaircir ça. Je n'admets pas sa théorie, mais ça, c'est une autre affaire...

M. Lesage: Ce n'est pas une théorie, ce sont des faits, M. le Président.

M. Johnson: Non, non. Mais, si on admet ce que dit le premier ministre, que la seule autorité législative pour dépenser l'argent dans les travaux de chômage vient d'un bill annuel, le premier ministre admettra que, du temps où nous étions là, ce n'était qu'une chose temporaire et pour un an...

M. Lesage: Oui, j'y viens, à cela.

M. Johnson: Alors le bill actuel est pour trois ans, le bill C-76. C'est déjà une grande différence.

M. Lesage: Bien oui, j'arrive; si on veut bien me suivre, M. le Président, je pense qu'on va s'entendre.

Caractère temporaire dans les deux cas, en autant que le fédéral est concerné. Chômage, invoqué dans les deux cas. Quelle a été l'attitude de l'Union Nationale en 1958 alors que le chef de l'Union Nationale était celui qui était supposé être le grand sauveur de l'autonomie du Québec, M. Duplessis?

M. Bellemare: Il l'a été.

M. Lesage: Oui, mais attendez. Voici le bill no... J'ai ici, M. le Président, le chapitre 8 Elizabeth Il, sanctionné le 18 décembre 19...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lesage: Je ne comprends pas le député de Champlain. Je vais prouver tantôt qu'il a voté pour la loi.

M. Bellemare: Je vous comprends et je vous connais.

M. Lesage: Je vais prouver tantôt qu'il a voté pour la loi que je vais citer. "Nonobstant - c'est la loi proposée par M. Duplessis - toute disposition législative inconciliable avec la présente - ça, évidemment, c'était sacré, ça c'est bien du Duplessis - toute corporation municipale qui désire faire exécuter dans la municipalité sur laquelle s'exerce sa juridiction des travaux pour remédier au chômage et pour lesquels le gouvernement du Canada a subventionné cette corporation peut à ces fins, par résolution du conseil: a) accepter une subvention du gouvernement fédéral pour l'exécution de ces travaux et conclure toute entente qui s'y rapporte.

Et alors que nous, M. le Président, nous avons pris toutes les précautions possibles pour qu'il n'y ait pas de relations directes entre le gouvernement fédéral et les municipalités, créatures des provinces, voici ce qui a été adopté par l'Assemblée législative. Et je pensais que mes amis d'en face, qui sont les survivants du régime, avaient voté contre. Mais non, la motion, a la page 152, 11 décembre 1958, des journaux de l'Assemblée législative... D'abord, il y a eu de nombreuses motions d'amendements par M. Hamel et là, évidemment, il y avait 17 libéraux contre 64 de l'Union Nationale. En toute circonstance ont voté pour M. Bellemare...

Des voix: Ah, ah.

M. Lesage: MM. Bertrand, Dozois et Johnson. C'est complet, M. le Président. Et ce sont ces gens qui, aujourd'hui, prétendent que nous violons l'autonomie provinciale alors que nous prenons tous les moyens à notre disposition, que nous nous sommes tenus debout et fièrement.

M. Hamel (Saint-Maurice): Qui est-ce qui voulait aller à Ottawa, à ce moment-là?

M. Bellemare: Qui est-ce qui a voté contre l'impôt sur le revenu?

Une voix: Pour.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Lesage: M. le Président, programme temporaire en vue de remédier au chômage; c'était l'excuse. Mais, pour nous, ce n'est même pas une excuse pour laisser le gouvernement fédéral avoir des relations directes avec les municipalités. Et on vient nous donner des leçons d'autonomie provinciale!

Une voix: Voyons, ce n'est pas ça.

M. Lesage: C'est inconcevable. Je garderai précieusement le texte du discours que m'a fait parvenir le chef de l'Opposition comme le plus bel exemple de tissu de

contradictions, de reniements d'un passé trop honteux.

M. le Président, en 1958, la loi disait, je le dis bien franchement, à l'article 5: "les pouvoirs conférés aux corporations municipales par la présente loi peuvent être exercés à compter du 5 décembre 1958 jusqu'au 2 mai 1959"; strictement temporaire. Mais, par exemple, en 1959, nouveau projet de loi amendant le premier, sanctionné un an plus tard, jour pour jour, le 18 décembre 1959. M. Duplessis était disparu. C'était M. Sauvé qui était le premier ministre. Et là, on a amendé l'article 5 qui limitait l'autorisation donnée aux corporations municipales dans le temps pour dire ceci: "les pouvoirs conférés aux corporations municipales par la présente loi peuvent être exercés en tout temps pour l'exécution de travaux destinés à remédier au chômage et que le gouvernement du Canada consent à subventionner." Ce n'était plus temporaire.

Des voix: Ah, ah.

M. Lesage: Là, pour les corporations municipales, c'était désormais...

M. Hamel (Saint-Maurice): Désormais. M. Lesage: Désormais, c'était... Une voix: Désormais.

M. Lesage: L'ingérence d'Ottawa avec les municipalités, désormais c'était... Mais, M. le Président, savez-vous... Si, en 1960, nous n'avions pas abrogé les lois 58 et 59, savez-vous, M. le Président, que nous n'aurions pas eu besoin de réunir la Législature? Que les municipalités auraient pu contracter des emprunts à Ottawa, accepter des subventions en vertu de ces deux lois...

Une voix: On était couché dans...

M. Lesage: ... qui se complètent. On était couché dans le lit, absolument.

M. Johnson: ... parle encore de lit.

M. Lesage: Et, grâce à Dieu, M. le Président, la province a vu clair en 1960. On m'a accusé d'hypocrisie dans mon autonomie...

M. Johnson: Qui a dit ça?

M. Lesage: Et bien, nous allons voir jusqu'à quel point cela peut être vrai.

M. Johnson: Jamais.

M. Lesage: Nous avons proposé à la Législature...

M. Johnson: Qu'elle est inexistante, qu'elle n'est pas hypocrite.

M. Lesage: ... nous avons proposé à la Législature l'adoption d'un bill 16, à la session régulière qui a commencé en novembre 1960, qui est devenu 9-10, Elizabeth Il, chapitre 82, par lequel nous avons abrogé les deux lois que je viens de citer et nous avons remplacé le principe par le suivant. Le ministre des Affaires municipales peut également approuver de la même manière et avec le même effet une simple résolution d'une corporation municipale adoptée aux fins ci-dessus avant le 31 décembre 1960. Le gouvernement verse à toute corporation municipale qui exécute des travaux d'hiver les sommes suivantes, savoir a) la subvention reçue du gouvernement fédéral...

Une voix: C'est nous autres mêmes qui...

M. Lesage: ... et un montant additionnel égal aux quatre cinquièmes d'une telle subvention. Alors, M. le Président, ce que nous avons fait par cette loi, c'est que nous avons décidé de participer à 40% du coût de la main-d'oeuvre, mais qu'en plus, nous avons décidé qu'il n'y aurait pas de relations directes entre les municipalités et le gouvernement fédéral au sujet du paiement de subventions.

M. le Président, c'est une distinction. C'est le parti que je dirige qui a proposé cette loi en 1960 pour corriger les accrocs à l'autonomie.

M. Bellemare: Quelle saintetél

M. Lesage: Oui, mais c'est la vérité, M. le Président. Il n'y a pas une personne intelligente en cette enceinte qui ne vient pas de comprendre la simplicité de ce raisonnement. Il y a seulement le député de Champlain qui a l'esprit tellement brouillé qu'il ne peut pas comprendre.

M. Bellemare: Vous avez entendu le premier ministre dans sa dernière phrase.

M. Lesage: Je vais changer les mots "l'esprit tranquille" pour dire "l'esprit si peu limpide".

M. Gabias: Le député de Laurier, s'il veut parler, qu'il prenne sa place. S'il veut parler...

M. le Président: A l'ordre!

M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition, cet après-midi, a prétendu qu'une armée d'inspecteurs, de vérificateurs et autres fonctionnaires sera mise sur pied

par cet office de développement municipal pour surveiller l'application de la loi, fouiller les budgets et les bilans des municipalités, voir à ce que les taxes imposées aux contribuables soient suffisamment élevées pour garantir le remboursement des prêts; logiquement, il faudra aussi établir des règlements et des cadres pour régler le cas des municipalités en défaut. M. le Président, c'est la province qui va être obligé c'est la Commission municipale qui va s'occuper du cas des municipalités en défaut; c'est la province qui va prêter, ce n'est pas le gouvernement fédéral, ce n'est pas l'office; l'office va prêter au gouvernement provincial et le gouvernement provincial va prêter aux municipalités. Et nous avons fait inscrire cette clause extrêmement importante: que le certificat du gouvernement provincial ou du ministre provincial concerné, je parle de mémoire, sera accepté, par Ottawa, selon lequel les travaux sont bien, se qualifient bien en vertu de la loi. Il n'y aura pas une armée d'inspecteurs; d'ailleurs, si on en veut la preuve, il aurait suffi au chef de l'Opposition de lire la lettre que j'ai reçue de M. Gordon et qui me dit: "Vous remarquerez que la loi prévoit deux méthodes d'administrer le fonds des prêts. L'Office du développement municipal et des prêts aux municipalités peut avancer des fonds aux municipalités aux fins d'ouvrages de capital admissibles ou bien une province peut conclure avec l'office une entente selon laquelle l'office avancera les fonds à la province, celle-ci s'engageant à avancer les fonds à ces municipalités à des conditions et pour des entreprises conformes à la loi." C'est normal. Et il continue: "L'organisation de l'office et de son personnel sera influencée pour une bonne part par le nombre de provinces qui désirent laisser à l'office l'attribution des fonds à leurs municipalités et par le nombre de provinces qui veulent se charger elles-mêmes de cette responsabilité. C'est pourquoi il m'intéresserait de savoir si votre province désire ou non conclure une entente ainsi que le prévoit l'article 7-2 de la loi. D'ailleurs, cela a tout été discuté lors de la conférence. Il est entendu que le travail... Si toutes les provinces choisissent de recevoir l'argent directement d'Ottawa, l'office fédéral n'aura rien à faire, contrairement...

M. Bertrand (Missisquoi): À quelle date la lettre de M. Gordon?

M. Lesage: Le 8 août, j'ai répondu immédiatement le 9, pour faire l'option.

M. Gabias: Vous êtes plus vite que le ministre de la Jeunesse.

M. Lesage: Non, il me tarde, moi, il me tarde que l'office soit créé, que le mécanisme soit établi, que cette loi provinciale soit adoptée, afin que nos municipalités puissent préparer leurs plans dès maintenant pour palier le chômage cet hiver. Ici, je voudrais informer la Chambre d'une lettre que j'ai reçue, au sujet des travaux d'hiver, de l'Auditeur de la province, et datée du 7 août. "M. le premier ministre, il me fait plaisir de vous informer que, depuis la première séance du comité des comptes publics où je me suis permis de faire des remarques assez cinglantes en ce qui concerne la vérification des déboursés pour l'assistance-chômage de la part du gouvernement fédéral, leur comportement a changé du tout au tout (changement de gouvernement aussi) nous avons maintenant du détail, le détail de chaque diminution de déclaration qui nous permet assez souvent de revenir à la charge et de justifier la réclamation au total."

Changement d'attitude, et d'ailleurs, dans ce cas-ci, comme je viens de l'expliquer, pas d'inspecteur, c'est la responsabilité du gouvernement de la province, de la Commission municipale de la province de Québec. Maintenant, le chef de l'Opposition dit: En présentant le bilan, le gouvernement Lesage demande à la Législature et à la province non seulement de renoncer aux droits fiscaux qui leur sont exclusifs en vertu de la constitution, mais de dire complaisamment à Ottawa: l'argent que vous avez volé, de l'aveu même du sénateur Nicol, nous allons vous en emprunter une partie.

M. le Président, lorsque les deux chefs successifs de l'Union Nationale ont fait adopter leurs projets de loi de 1958 et 1959, ils n'ont pas demandé la récupération, et il s'agissait de subventions. Ici, il s'agit de prêts et n'oublions pas que le crédit et la monnaie sont une responsabilité fédérale en vertu de la constitution et que, dès 1960, lors de la première conférence fédérale-provinciale, la conférence fiscale, je reprochais justement au gouvernement fédéral de ne pas permettre à la Banque du Canada de se servir des dispositions qui sont dans la Loi de la Banque du Canada et qui lui permettraient d'aider au financement des provinces et des municipalités à bien meilleur compte. Alors, sur la question des prêts, il faut tout de même penser au fait qu'on ouvre aux municipalités une source de capital, non pas une source de revenus, une source de capital et c'est totalement différent des subventions de 1958. C'est vrai qu'il y a un élément de subvention, et j'ai dit que je n'aimais pas ça, et je l'ai dit à Ottawa aussi, mais, d'un autre côté, je ne cherche pas à me consoler. Je veux dire que la subvention répartie sur quinze ou vingt ans, qui est la longueur normale de l'emprunt, peut être considérée comme constituant une diminution du taux d'intérêt.

Si cela avait été versé sous forme d'une subvention, sous forme d'une diminution du taux d'intérêt, cela aurait été beaucoup plus facile. J'en ai parlé, mais il était impossible de le faire, parce qu'on ne sait pas quels travaux qui seront faits en vertu des emprunts pourront être terminés le 31 mars 1966, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra déterminer le montant de la subvention, 16 2/3% du total du coût, 25% du total de l'emprunt; c'est seulement à ce moment-là. Il n'aurait pas été possible de déterminer un taux inférieur au moment de l'emprunt. La réponse était bien logique.

M. Gabias: C'est sur les estimations.

M. Lesage: La partie subvention, c'est sur les travaux. Si l'on veut bien lire C-76, la loi et le bilan, on verra que c'est sur les travaux exécutés et non pas sur les estimations, les travaux terminés avant le 31 mars 1966, ou cette partie des travaux qui a été terminée à ce moment-là. Mais, M. le Président, est-ce que je pourrais demander au député de Trois-Rivières, s'il a un discours à faire, de lire d'abord le bill et ensuite d'attendre son tour? Au moins, je connais le bill par coeur.

M. le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Lesage: Le chef de l'Opposition dit ceci: On aurait pu espérer un système provincial de crédit municipal avec un fonds d'au moins $500,000,000 à distribuer parmi les villes et les villages du Québec au cours des cinq prochaines années. C'est le député de Saint-Jacques qui reproche constamment au ministre des Finances d'augmenter le passif de la province. $500,000,000: Lequel des deux dois-je croire? Et à quel taux d'intérêt aurions-nous pu prêter, à quel coût aux contribuables de la province? Est-ce que l'Opposition est prête à nous reprocher de n'avoir pas maintenu l'attitude négative de l'Union Nationale dans le domaine des relations fédérales-provinciales? Est-ce qu'on veut nous reprocher... Et je voudrais bien que le chef de l'Opposition ou quelqu'un qui l'entoure donne la réponse aux municipalités de la province. Est-ce qu'on veut nous reprocher de leur obtenir, d'obtenir pour elles, c'est la province qui obtient, des prêts à des taux d'intérêt sensiblement inférieurs à ceux qu'ils sont obligés de payer pour emprunter sur le marché, est-ce que c'est cela? Est-ce qu'on aurait voulu, M. le Président, que nous ne trouvions pas les moyens, tout en sauvegardant l'autonomie de la province, de trouver une source de crédit, non pas une subvention, une source de crédit de $120,000,000 pour les municipalités de la province de Québec? Qu'on ose le dire.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre pose des questions; est-ce qu'il attend une réponse?

M. Lesage: Pardon?

M. Johnson: Est-ce qu'il attend une réponse?

M. Lesage: Non, non, j'ai dit: le chef de l'Opposition le dira aux municipalités. Ce n'est pas une réponse que je veux.

M. Johnson: Le premier ministre me permettra une chose. Je sais qu'il ne veut pas induire la province en erreur...

M. Lesage: Je n'ai pas de texte, moi!

M. Johnson: Mais le député de Trois-Rivières a dit tantôt que le coût doit être établi, que le coût doit être celui qui est établi par l'office, et le premier ministre a accusé le député de Trois-Rivières de ne pas savoir de quoi il parlait. Or, l'article 9 dit clairement que le montant de tout prêt consenti ne doit pas dépasser les deux tiers du coût de l'entreprise, tel que l'a établi l'office. Le député de Trois-Rivières avait raison. C'est le premier ministre qui ne connaît pas sa loi.

M. Lesage: Lisez donc 11, ça va être bien plus simple.

M. Johnson: Le premier ministre va me permettre une question, ça va lui permettre de retrouver ses notes.

M. Lesage: L'article 11 dit ceci: "Si l'entreprise municipale à l'égard de laquelle un prêt est consenti selon la présente loi est complétée à la satisfaction de l'office le ou avant le 31 mars 1966, ce dernier doit renoncer au paiement par la municipalité de 25% du principal du prêt."

M. Johnson: Mais le prêt est basé sur le coût estimé par l'office et non pas sur le coût réel.

M. Lesage: Non, établi par l'office.

M. Johnson: Établi.

M. Lesage: Oui, mais c'est toujours comme ça dans toutes nos lois, voyons!

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre va me permettre...

M. Lesage: L'établissement du coût.

M. Johnson: Le premier ministre va me permettre une question très simple. A-t-il demandé à Ottawa de procéder autrement pour aider les municipalités? Entre autres, a-

t-il demandé si Ottawa, par la Banque du Canada, n'achèterait pas des obligations d'un crédit provincial aux municipalités à long terme et à meilleur marché? Est-ce qu'il a demandé ça?

M. Lesage: M. le Président, comme le gouvernement qui nous avait précédé...

M. Johnson: Deuxièmement, est-ce qu'il a demandé...

M. Lesage: Est-ce que je puis répondre?

M. Johnson: Oui, mais j'ai deux questions. Cela va m'éviter de me lever de nouveau. Deuxièmement, a-t-il suggéré au gouvernement fédéral, s'il veut aider les municipalités d'une façon efficace et constitutionnelle, de déclarer, de décréter que les revenus des valeurs municipales, des obligations municipales soient, comme aux États-Unis, exemptés d'impôt sur le revenu, ce qui aurait pour effet de baisser d'au moins un tiers et peut-être 40% le coût des emprunts des municipalités?

M. Lesage: M. le Président, je suis absolument opposé à cette politique américaine, personnellement. Je n'étais certainement pas pour le demander à Ottawa alors que, personnellement, je suis convaincu que c'est extrêmement mauvais en soi.

M. Johnson: Pourquoi?

M. Lesage: C'est extrêmement mauvais parce que vous favorisez les riches aux dépens des pauvres. Ce sont les gens qui ont des placements dans des obligations sûres et plus on a de placements, moins ça nous coûte cher d'impôt. En outre, ça amène...

M. Johnson: Cela coûte moins cher aux municipalités.

M. Lesage: Oui, mais ça amène une plus grande partie de l'argent des particuliers riches dans le domaine des obligations pour s'exempter d'impôt parce qu'alors, c'est plus favorable que la diminution de 20% qui est accordée dans les actions de compagnies canadiennes lorsqu'il s'agit de capital de risque. Il faut penser un peu à ces choses-là avant de se lancer.

M. Bertrand (Missisquoi): La Banque du Canada?

M. Lesage: Pour ce qui est de la Banque du Canada, je l'ai suggéré en 1960 pour les provinces et pour les municipalités et j'ai toujours eu de la part de la Banque du Canada une réponse négative. J'ai rencontré... Je ne puis pas. C'est une conversation personnelle.

M. Bertrand (Missisquoi): Quelle raison donne-t-on?

M. Lesage: Bien, je ne suis pas libre... Ce n'est pas une conversation que j'ai eue avec des élus du peuple, mais avec un très haut fonctionnaire et je ne suis pas libre de dévoiler la réponse qu'on m'a donnée, alors que j'étais à la pêche au saumon.

M. Bertrand (Missisquoi): Mais le gouvernement d'Ottawa a amendé la Loi de la Banque du Canada.

M. Lesage: Elle n'a pas besoin de le faire. La loi permet déjà à la Banque du Canada de faire ce que le chef de l'Opposition suggère. J'ai reproché justement, en 1960, publiquement cette fois-là, le fait qu'on ne le faisait pas pour aider non seulement les municipalités, mais les provinces.

M. Bertrand (Missisquoi): En avez-vous reparlé à l'occasion de la rencontre?

M. Lesage: Non, pas à celle-là, parce que j'avais eu la conversation antérieure et je savais que c'était inutile.

M. Johnson: Comme le dit M. Pearson, le premier ministre avait vu et approuvé le...

M. Lesage: Non, non, non. À ce moment-là, je l'avais vu. C'était après la session. La conversation dont je parle a eu lieu le 15 ou le 16 juillet. J'avais le bill à ce moment-là. Même, la motion Dozois avait été adoptée. La session était prorogée. Le chef de l'Opposition a voulu faire une comparaison entre l'entente Fleminq-Barrette et ce qu'il a appelé l'entente Pearson-Lesage, dans le cas des subventions aux universités, et le projet de loi actuel. Le chef de l'Opposition a dit ceci: La province n'a eu aucun engagement à prendre. Il parle de l'entente Fleming-Barrette. Aucune garantie à donner. Elle a tout simplement voté deux lois: l'une donnant aux universités des subventions qui étaient même supérieures aux subventions offertes par Ottawa, l'autre augmentant de 1% l'impôt provincial sur les corporations. Il a prétendu qu'il n'y avait aucune relation entre les deux, qu'Ottawa n'avait aucun pouvoir, qu'il ne fait aucune réserve. Évidemment, le chef de l'Opposition a la mémoire courte. J'ai ici le texte de la loi fédérale. C'est 8-9 Élizabeth Il, chapitre 13, sanctionnée le 27 mai 1960. En passant, je lui ferais remarquer que, lorsque la loi provinciale a été présentée en Chambre, le chef de l'Opposition actuel a oublié de parler du charabia que je vais vous lire. Quand ça vient de nous autres, c'est du charabia; mais ce que je vais vous lire, c'est proche du charabia, Écoutez bien.

Il y a au moins quarante lignes sans point. Mais, dans ce temps-là, le chef de l'Opposition ne l'a pas dit, évidemment.

C'était son ami, M. Diefenbaker, et M. Fleming.

Une voix: C'était bien.

M. Lesage: C'était bien. C'était compréhensible, clairement. C'étaient des bleus. L'amour, l'amour.

M. Gabias: Ce n'est pas sérieux.

M. Lesage: Oui, mais je me réfère à la loi. Province désignée. J'ai dit cet après-midi au chef de l'Opposition que je lui lirais la définition de "province désignée" et on va voir les conditions qui sont imposées à la province. "Province désignée" signifie une province déterminée par un règlement établi sur la recommandation du ministre pour une année financière débutant le premier jour d'avril 1960 ou après ledit jour comme étant une province - petit "i" - qui n'a conclu aucune convention..."

Une voix: Pas de point?

M. Lesage: Pas de virgule... "qui n'a conclu aucune convention sur l'allocation des domaines fiscaux selon laquelle la province accepte de s'abstenir de prélever des impôts sur le revenu des corporations à l'égard de l'année civile expirant à ladite année financière ou qui a conclu un accord changeant une convention sur l'allocation de domaines fiscaux de manière à prévoir - un trait - en ce qui concerne l'année civile en question - un trait - que la catégorie d'impôts spécifiés à l'alinéa b) du paragraphe 1) de l'article 6 sont retranchés des catégories d'impôts et de droits que la province a consenti à ne pas prélever et -deux petits "i" - où - avec un accent, c'est dans la province - pour l'année financière en question - là, c'est un problème -...

Une voix: C'est assez clair.

M. Lesage: ... il existe des arrangements..." Je demande qu'on écoute bien. "... il existe des arrangements satisfaisants suivant l'opinion du ministre -et le ministre, c'est le ministre fédéral, c'est une loi fédérale - pour que la province verse directement aux institutions de haut savoir y situées, en conformité sous réserve de conditions et modalités non incompatibles avec celles d'une convention conclue suivant le paragraphe 2 c'est-à-dire quand c'est directement..."

Une voix: C'est la même phrase?

M. Lesage: Ah! Toujours. "... des montants sous forme de subventions en sus de toutes subventions octroyées à ces institutions par la province comme partie de ses dépenses ordinaires", etc.

M. Hamel (Saint-Maurice): Très clair.

M. Lesage: Ce n'est pas clair. C'est assez clair pour qu'on puisse comprendre que c'est le ministre fédéral qui décide si la province paie assez à ses universités pour pouvoir invoquer ça.

M. Johnson: M. le Président, vous avez permis, à plusieurs reprises cet après-midi, au premier ministre de faire des mises au point au cours de mon discours et je ne doute pas que vous allez me permettre d'en faire une tout de suite. Cela va nous permettre d'ailleurs de nous reposer. Il est essouflé après avoir lu ça. Cela a l'air que plus ça change à Ottawa, plus c'est pareil quant à la rédaction des lois.

M. le Président, le premier ministre est en train de dire que c'est le ministre fédéral, en somme, qui intervenait dans le domaine des arrangements concernant les universités. Le premier ministre devrait dire - il le sait, j'espère - que la loi qu'il est en train de nous lire est une loi qui modifie la Loi sur les arrangements entre le Canada et les provinces relativement au partage de l'impôt.

M. Lesage: Oui.

M. Johnson: C'est-à-dire que le ministre, avant d'accorder à une compagnie déterminée ou dans une province déterminée l'exemption ou la déductibilité de 1% additionnel, devait, lui, ministre à Ottawa, se convaincre que, dans son opinion à lui, M. le Président, ça n'avait rien à faire avec l'application de la loi provinciale, le pourcentage que nous avions droit, que nous prélevions dans le temps des compagnies sans permission d'Ottawa. C'était 1% de plus, mais c'est Ottawa qui accordait ou n'accordait pas la déduction. C'est un problème qui ne regarde pas la province et, si le premier ministre actuel avait eu le courage de faire ça, peut-être qu'Ottawa aurait reculé et aurait fait la même chose au sujet du bill sur les municipalités.

M. Lesage: Bon! On va arriver à ça. M. le Président, le chef de l'Opposition a déclaré qu'en vertu de cette loi des subventions universitaires, de cet arrangement qui était survenu, la province avait récupéré 1%. S'il y a double taxation, il n'y a pas de récupération.

M. Johnson: C'est vrai.

M. Lesage: C'est vrai aussi parce que nous, depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons augmenté l'impôt sur les corporations de 1%.

M. Johnson: 2%.

M. Lesage: 1%.

M. Johnson: 2% de double taxation.

M. Lesage: Non, non. Bien oui, il l'avait déjà.

M. Johnson: Bien oui.

M. Lesage: 1%.

M. Johnson: Non, non, 2%.

M. Lesage: 1%, il y avait déjà 1%.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, ministre des Finances, peut avoir une absence de mémoire, mais il y a une double taxation, 2%.

M. Lesage: Bien oui, il y a double taxation de 2%. Bon, d'accord. Admis qu'il y a double taxation de 2%. Bon, mais c'est de la double taxation, ce n'est pas de la récupération...

M. Johnson: C'est vrai.

M. Lesage: Et puis, ce que le chef de l'Opposition a déclaré, c'est qu'on avait récupéré, mais on récupère, c'est-à-dire que c'est déductible aux conditions imposées par la loi fédérale et à condition que le ministre fédéral soit satisfait. C'est ça. Tandis que, dans notre cas, c'est le certificat du ministre provincial qui compte. C'est ça la différence.

Moi, je trouve que l'accroc à l'autonomie est grave, je le répète encore, dans l'entente Barrette-Fleming, mais nous avons évité tous les écueils ici. Je ne dis pas que c'est parfait. J'aimerais mieux autre chose. Je l'ai dit à Ottawa. Je le répète ici à la province, mais nous en sommes arrivés à une solution raisonnable sur un problème que je considère temporaire et nous avons sauvegardé l'autonomie provinciale. C'était ça le mandat que nous avions reçu de la Chambre. Et nous l'avons sauvegardé mieux que l'Union Nationale ne l'a jamais fait sur les travaux d'hiver. Nous l'avons sauvegardé non pas d'une façon négative en disant "niet" et en faisant perdre des millions et des centaines de millions aux citoyens de la province de Québec.

Cela aurait été bien facile pour moi d'aller dire non à Ottawa et puis de m'organiser un retour triomphal à la gare du Palais avec une fanfare. Mais, M. le Président, je suis allé...

M. Gabias: Un petit premier ministre.

M. Lesage: ...à Ottawa pour que la province de Québec ait sa part dans le respect de son autonomie. Et je considère, M. le Président, que j'ai le droit, en revenant en cette Chambre et en lisant à nouveau la résolution du député de Saint-Jacques, de dire à tous mes collègues de la Chambre: mission accomplie.

M. Dozois: M. le Président, c'est beaucoup d'applaudissements...

Une voix: Des deux côtés.

M. Dozois: ... pour la proposition que je veux faire. Etant donné l'heure tardive, je propose l'ajournement du débat.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! La motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. Lesage: M. le Président, demain, nous nous réunirons à 11 heures tel que convenu ce matin ou cet après-midi. C'est-à-dire que je ne le sais pas, nous serions prêts à procéder avec le bill no 2. Le chef de l'Opposition pourra me le dire dans le temps, après avoir fini celui-ci.

M. Johnson: Après quoi?

M. Lesage: Pardon? Après avoir terminé l'étude de celui-ci.

M. Johnson: D'accord.

M. Lesage: C'est parce que les résolutions que nous avons ne vont pas au conseil; alors, pendant que le conseil étudiera nos bills, nous pourrons étudier les résolutions.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre m'a fait parvenir le plus tôt possible le bill no 2, mais mes collègues ne l'ont pas.

M. Lesage: Oui, mais...

M. Johnson: Et ce qui m'inquiète dans cette histoire du bill no 2, c'est d'abord que la session n'a pas été convoquée pour cette fin-là. Le premier ministre le sait. Deuxièmement, je me demande si le public aura eu assez d'avis quant à ce bill. Je voudrais consulter mes collègues encore. Nous l'avons étudié ce matin, le mieux possible; j'espère, demain, pouvoir consentir à ce qu'on l'étudié en deuxième lecture, quand on aura fini le bill no 1. Mais est-ce qu'on pourra avoir des copies avant? Est-ce qu'on pourrait faire... Ce serait tellement mieux si

on les avait.

M. Lesage: Ah oui, elles sont prêtes, je les ai vues.

M. Johnson: Si on avait des copies... M. Lesage: On peut en avoir.

M. Gérin-Lajoie: On fera la première lecture a l'ouverture demain.

M. Dozois: Vers 9 heures, 9 h 30.

M. Bertrand (Missisquoi): Vers 9 heures, qu'ils les envoient...

M. Lesage: Elles seront rendues à 9 heures. Maintenant, je veux être bien compris. J'avais dit que nous nous réunirions pour deux choses.

M. Johnson: Une d'abord.

M. Lesage: Une d'abord, oui, mais je me suis bien expliqué dans mon appel téléphonique au chef de l'Opposition; la première fois que j'en ai parlé publiquement, j'ai dit deux. Lorsque le ministre de la Jeunesse et son sous-ministre m'ont exposé le règlement possible d'un problème épineux, qui est la division de la taxe des compagnies entre commissaires d'écoles et syndics d'écoles, ils m'ont convaincu de l'urgence du problème. C'est alors que j'ai communiqué tout de suite avec le chef de l'Opposition pour le lui dire. Il est entendu que je vous ai dit qu'il y en aurait deux; je ne manquerai pas à ma parole, à moins que vous ne soyez vous-mêmes convaincus, comme je le suis, de l'urgence de la chose. Il me semble que c'est juste et je pense que le chef de l'Opposition va admettre que je me suis comporté vis-à-vis de lui...

M. Johnson: Oui, oui.

M. Lesage: ... suivant l'entente.

M. Johnson: Il m'a averti chaque fois qu'il a changé d'idée ou chaque fois qu'il a allongé l'ordre du jour et il s'est comporté de façon à avoir une coopération de l'Opposition; je la lui assure. Mais cela a commencé avec le bill no 1 et ensuite la résolution sur les pensions. Vous avez le bill no 2. Est-ce qu'on peut s'attendre que vendredi ou samedi on aura le bill no 60?

Une voix: Non, le bill no 4.

M. Johnson: Est-ce que le ministre de la Jeunesse a l'intention de faire un coup de force et de nous apporter ça? On a donné jusqu'au 1er septembre.

M. Gerin-Lajoie: Jusqu'au 2.

M. Johnson: Alors, demain, nous continuerons de coopérer et nous tâcherons de passer en deuxième lecture, s'il y a lieu.

M. le Président: La motion d'ajournement est adoptée. La Chambre est ajournée à demain matin, 11 heures.

Document(s) related to the sitting