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Version finale

28th Legislature, 3rd Session
(February 20, 1968 au December 18, 1968)

Friday, December 13, 1968 - Vol. 7 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures treize minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre lespor-tes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. BELLEMARE: A.

Bill 295

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi concernant la ville de Montréal.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. LUSSIER: Ce projet de loi apour but d'autoriser la ville de Montréal à effectuer certains travaux pour les fins de Terre des hommes. Elle ratifie son pouvoir d'acquérir le moyen de transport connu sous le nom d'Expo-Express. La loi permettra à la ville d'adopter un budget spécial aux fins de combler un déficit en tout temps, et non plus uniquement entre le 1er janvier et le 1er mars. Cette loi permettra, de plus, à la ville d'imposer et de prélever dans l'ancienne cité de Saint-Michel, du 1er janvier 1969 au 30 avril prochain, les taxes générales ou spéciales prévues au budget de cette ancienne cité pour 1968, ce qui est la quote-part de cette ancienne cité, qui n'a pas été prélevée en 1967 pour le métro, ainsi que les taxes scolaires. Enfin, le projet de loi autorise la ville de Montréal à décider, avant le 22 janvier prochain, soit de remplacer ses contributions aux caisses de retraite de ses employés, pour l'exercice financier en cours et le prochain, par des obligations qu'elle pourra y déposer, soit de changer la fin de son exercice financier, de façon qu'il se termine désormais le 31 mars au lieu du 30 avril.

M. LESAGE: Est-ce que le projet de loi est imprimé et prêt pour distribution?

M. LUSSIER: Le projet de loi est imprimé et prêt pour distribution.

M. LESAGE: Très bien. Hier soir, j'ai reçu les épreuves du projet de loi. Je l'ai étudié et j'ai continué cette étude ce matin avec le député de Mercier. Parlant en notre nom, à nous deux, puisque nous sommes les deux seuls, à ma con- naissance, à l'avoir étudié, nous serions disposés à procéder à l'étude en deuxième lecture aussitôt que le bill sera distribué.

M. LE PRESIDENT: La deuxième lecture aura lieu à la même séance.

M. LESAGE: Au sujet des bills publics, est-ce que l'autre projet de loi qui apparaît, en appendice, au nom du ministre des Affaires municipales — concernant la possibilité d'homologation des terrains qui, éventuellemant, constitueront le site du nouvel aéroport international dans la grande région de Montréal — est imprimé?

M. BELLEMARE: Oui, il est imprimé. Si on avait l'unanimité, on pourrait peut-être, vu qu'il est donné comme avis, le lire en première lecture, quitte à le discuter...

M. LESAGE: Quand nous aurons eu le temps d'en prendre connaissance.

M. BELLEMARE: ... quand vous déciderez que c'est le temps opportun.

M. LESAGE: Le leader de la Chambre est d'une amabilité, ce matin, dont je lui sais infiniment gré.

M. BELLEMARE: C'est parce que je viens de vivre une séance orageuse.

M. LESAGE: Ah bon! Est-ce que cela veut dire qu'à l'avenir, si l'on veut voir le ministre de l'excellente humeur qui est la sienne, il faudra auparavant lui procurer des séances orageuses?

M. BELLEMARE: Vous me servez de miroir, souvent.

M. LESAGE: Merci du compliment, au moins pour ce matin.

Eh bien, aussitôt que le billaura été distribué, je l'examinerai avec les députés qui sont plus particulièrement intéressés...

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: ... et, je ferai signe au ministre qui, de toute façon, lui, doit continuer le travail en comité ad hoc sur le bill 290. Alors, première lecture.

Bill 296

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement unanime de la Chambre, l'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lectu-

re de la loi favorisant l'aménagement des environs du nouvel aéroport international de la région de Montréal.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. LUSSIER: Ce bill a pour objet d'interdire, d'ici le 15 juin 1969, la construction ou l'amélioration des constructions sur un territoire d'une superficie maximale de 60 milles carrés. Le gouvernement du Québec a le devoir de faire en sorte que le développement économique et l'aménagement des environs de cet aéroport se fassent de façon harmonieuse et rationnelle pour profiter le plus possible à l'ensemble des citoyens du Québec.

Il appartiendra au lieutenant-gouverneur en conseil de délimiter le territoire en question. L'arrêté en conseil délimitant le territoire devra être publié sans délai dans la Gazette officielle de Québec.

M. LE PRESIDENT: La première lecture est adoptée. De consentement unanime, la deuxième lecture à la même séance ou à une séance subséquente.

L'honorable ministre d'Etat à l'Education.

Manifestation du 5 décembre

M. MORIN: M. le Président, je voudrais faire rapport à cette Chambre sur la manifestation du 5 décembre devant l'édifice principal du Parlement. Le ministère de l'Education a fait enquête sur la manifestation qui s'est déroulée jeudi dernier, le 5 décembre, devant l'édldlce principal du Parlement. Ainsi que l'a annoncé, dès vendredi dernier, l'honorable premier ministre, cette enquête devait permettre de répondre en particulier aux questions suivantes: 1- Quelles sont les écoles qui ont été impliquées dans la manifestation? 2- Quels sont les élèves qui y ont participé? 3- Quel est le niveau d'enseignement des écoles qui ont été touchées? 4- De quelles commissions scolaires relèvent ces écoles? 5- Sur l'incitation de qui les élèves sont-ils venus manifester au Parlement?

L'enquête a été faite avec la collaboration de la Commission des écoles catholiques de Québec. C'est principalement à partir des rapports transmis par elle et provenant des res- ponsables de" chacune de ces écoles secondaires que les réponses aux questions posées ont été préparées.

Question 1 - Quelles sont les écoles qui ont été impliquées dans la manifestation?

Question 4 - De quelles commissions scolaires relèvent ces écoles?

Selon les informations recueillies, voici les écoles et les commissions scolaires de la région du Québec métropolitain impliquées dans la manifestation. a) Sur les quinze écoles secondaires appartenant à la CECQ, six n'ont pas participé, neuf ont participé. b) Aucune école de Ville-Vanier et de Sillery ne participait. c) Aucune école appartenant aux régionales suivantes n'a participé: Orléans, Jean-Talon, Chauveau, Tilly, Tardivel et Louis-Fréchette.

Question 2 - Quels sont les élèves qui y ont participé?

Question 3 - Quel est le niveau d'enseignement des écoles qui ont été touchées? a) Environ 5,000 élèves ont quitté l'école, en principe pour manifester. De ce nombre, on sait que plusieurs n'ont participé ni à la marche, ni à la manifestation mais ont gagné leur domicile. On évalue à 3,000 élèves au maximum le nombre de participants à la manifestation. b) De quelques écoles, il y a eu des participants venant du secondaire 1 et du secondaire 2, mais en général les participants étaient des élèves des secondaires 3, 4 et 5. On notait aussi la présence de petits groupes venant de CEGEP et de l'université Laval. c) On sait, par ailleurs, que l'âge moyen, en secondaire un, est de treize et quatorze ans, et, en secondaire cinq, il est de 17 et 18 ans.

Question 5 - Sur l'incitation de qui les élèves sont-ils venus manifester au parlement? La réponse à cette question implique des jugements de valeur qu'il appartiendra à chacun de porter à partir de l'exposé du déroulement des événements et des gestes posés par les divers catégories de personnes en cause. a) Dans les jours qui ont précédé la manifestation, des tracts ont circulé dans l'ensemble des écoles secondaires, dans

les CEGEP, dans les centres commerciaux et ont même été distribués de porte à porte, invitant les gens à manifester.

Deux tracts d'origine inconnue furent distribués, tandis qu'un autre fut distribué par le conseil étudiant dans certaines écoles,,

Le mercredi 4 décembre, réunion des exécutifs étudiants des écoles secondaires de Québec à l'école Cardinal-Roy, de deux heures de l'après-midi jusqu'à onze heures du soir.

L'autorisation de tenir cette réunion a été donnée par le directeur des écoles secondaires, à la suite de pourparlers entre lui-même, le président des étudiants et le directeur de l'école Cardinal-Roy, pour les considérations suivantes: « Occasion pour la fédération des étudiants de réfléchir avant de poser les gestes du 5 décembre. Mieux vaut prévenir les dégâts plutôt que de les subir et connaître au plus tôt leurs réactions. »

Au cours de la réunion, on discute de l'opportunité d'une marche sur le Parlement pour protester contre le projet de loi et pour réaffirmer la priorité du français. Le vote fut pris. Dix écoles votèrent pour la manifestation et cinq contre. Ce vote correspond, à une exceptionprès, au nombre d'écoles qui ont manifesté. Après la prise du vote, on procède à l'organisation de la manifestation: Trajet, service d'ordre, tracts, etc.

Au cours de la même réunion, le président des étudiants tente de rejoindre les autorités de la CECQ pour les informer du vote et demander que les cours soient suspendus pour la matinée du jeudi, les cours devant reprendre normalement à une heure trente l'après-midi. La personne rejointe à la CECQ adopte la position suivante, selon le rapport qu'elle a elle-même fait: « Le mercredi 4 décembre, vers sept heures trente de l'après-midi, le président de la fédération des conseils étudiants de nos écoles m'a téléphoné pour me demander l'autorisation de la Commission scolaire de Québec pour organiser une manifestation de protestation contre le bill garantissant les droits linguistiques des minorités dans la province. Il prétendait qu'au moins 75 organisations à travers toute la province devaient participer à cette manifestation.

Je lui ai répondu que je ne pouvais me rendre à sa demande; a) Parce que je ne connaissais pas la teneur de ce prétendu bill, b) Parce que je n'avais aucune autorité pour parler au nom de la CECQ et, environ dix minutes plus tard, le directeur de l'école Cardinal-Roy me demandait quelle attitude les directeurs des écoles devaient adopter devant ce projet de manifestation.

Je lui ai répondu; a) Qu'il devait y avoir classes comme d'habitude et que les professeurs de- vaient être en classe pour donner leurs cours, b) Qu'advenant le départ d'élèves pour cette manifestation, on ne devrait pas se servir de la force pour les retenir, c) J'ai ajouté que, si tout se passait dans l'ordre et que si les élèves revenaient en classe à une heure trente, je croyais qu'on devait être compréhensif et qu'on ne devait pas appliquer de sanctions et de représailles trop sévères.

Le directeur de l'école Cardinal-Roy m'a demandé l'autorisation de transmettre ce message à ses collègues qui communiqueraient avec lui. Je lui ai accordé cette permission. »

Le directeur de l'école Cardinal-Roy raconte, dans les termes qui suivent, son intervention auprès de l'assemblée des exécutifs étudiants: « L'assemblée me donne droit de parole. J'attire l'attention des étudiants sur les risques qu'ils vont prendre. Je dis qu'il revient à chaque président de vendre son idée à sa direction locale. Je leur permets de citer mon nom en référence ».

C'est dans cette perspective que les exécutifs étudiants semblent avoir pris contact, soit dans la soirée du 4, soit le matin du 5 décembre, avec la direction de leurs écoles respectives pour la réalisation de leur projet. Le 5 décembre, à partir de huit heures trente, le directeur de l'école Cardinal-Roy répond brièvement aux appels des autres directeurs. Je cite le directeur de l'école Cardinal-Roy: « a) Nos étudiants ont besoin d'une manifestation de groupe — on la leur refusait depuis septembre — b) Ils la feront avec nous ou contre nous; c) Ils ne sont pas tellement préparés et les risques sont sérieux; d) Cependant, le motif est louable et la confiance des étudiants en leur comité d'ordre est grande; e) S'ils échouent, nous en tirerons les leçons ».

Voici quelques exemples des délibérations auxquelles a donné lieu chez les directeurs des écoles la position qu'ils avaient à prendre. « II fallait prendre une décision immédiatement avant neuf heures quinze. Informations détaillées demandées au président et au vice-président sur les raisons, les moyens, les buts poursuivis, les autorisations de la CECQ. La réunion s'étant terminée la veille vers onze heures, d'autre part, le mouvement FESQ, la Fédération des étudiants, ayant été encouragé par la CECQ — évidemment, je cite toujours les rapports des directeurs des écoles — la décision des élèves portait en elle-même une ratification officielle. En effet, il est inconcevable que la CECQ encourage aveuglément un organisme ayant une telle puissance. C'est effectivement ce qu'elle ferait si elle n'avait pas un observateur ou un moyen de contrôle quelconque sur ses activités.

Et si la CECQ déconseillait l'application d'une décision, elle devait en informer qui de droit, et immédiatement. A neuf heures, jeudi, nous n'avions eu aucune nouvelle. « Par le directeur des écoles secondaires, ou la veille, j'avais appris que le directeur des écoles secondaires serait à l'extérieur de la ville, pas de renseignements possibles — c'est toujours des citations des directeurs d'écoles — son remplaçant n'avait pas été indiqué. Il faut souligner qu'il ne semblait y avoir personne de la CECQ responsable et disponible en ce moment. L'histoire illustre qu'en de telles circonstances, les subalternes sont pris pour prendre des décisions très exposées à la controverse et l'histoire illustre aussi que ce sont ces subalternes qui écopent des coups. « Le président des élèves m'informe que le directeur de Cardinal-Roy avait les réponses à mes hésitations, dit un autre directeur d'école. Après l'appel, j'ai examiné la thèse sur laquelle les élèves avaient pris position,, Cette thèse: opposition au projet de loi sur les droits des minorités, étant déjà très controversée dans les milieux patriotiques, sociaux et autres, je considérais que les élèves s'étaient formé une opinion personnelle que je devais respecter, même si personnellement je pouvais différer ».

Le but était correct. Le moyen; marche au parlement, procédé que je condamnais en soi, mais, dans les circonstances, ils voulaient faire connaître leur opinion et le projet de loi avait été prévu, par la radio, comme pouvant être soumis à la Législature le jour même. Leur attitude devait être connue le jour même, d'où la marche.

Légalité. Ils demandaient des autorisations. Si nous refusions, les conséquences pouvaient être aussi graves qu'elles pouvaient être impondérables. Raison d'ordre éducationnel. Des jeunes de 14 ans à 19 ans qui prennent conscience de tels problèmes méritent qu'on les guide. Les commissions scolaires, les parents, les ministères ont répété à la jeunesse qu'ils devaient s'intéresser aux problèmes qui les concernaient. « Si ces mêmes organismes veulent être conséquents, ils ne doivent pas se dérober devant les conséquences ou les rejeter sur des éléments inférieurs. En somme, CECQ absente, FESQ organe avec la CECQ. But poursuivi: raisonnable. Légalité: j'approuve la marche. »

Dans une autre déclaration de directeur d'école: « Ma position a été d'abord nettement ré-fractaire. Le président me servit l'argument qu'il ne s'agissait pas pour la direction de prendre position, mais qu'il désirait tout simplement avoir la possibilité de prendre la parole au « télévox » pour donner des directives aux étudiants afin que la marche se déroule dans le meilleur ordre possible. Encore, il me répéta qu'il s'agissait d'une marche pacifique et que tous les moyens avaient été prévus pour empêcher tout acte répréhensible et qu'il pouvait compter sur un groupe d'étudiants qui pouvaient surveiller étroitement les manifestants. « Alors, je lui ai répliqué que leur passer le « télévox », c'était implicitement prendre position. Les échanges se continuèrent quelque peu. Je tiens à signaler qu'ils se faisaient à huis clos. Il était déjà neuf heures trente-cinq. Aucune permission n'était autorisée. Le président me demanda de se retirer quelques minutes pour aller consulter son exécutif étudiant. Je lui ai dit que, de mon côté, je ferais quelques consultations, et reviendrais dans cinq minutes. Après consultation, pour éviter le pire, nous avons cru bon d'autoriser la démarche en posant certaines conditions. Parmi ces conditions, j'ai signalé que tout devait se passer dans l'ordre, que les étudiants qui désiraient recevoir des cours pouvaient demeurer en classe et qu'ils devaient être de retour à une heure vingt-cinq sans faute et sans retard. Le départ des étudiants se fit par petits groupes, à partir de dix heures deux minutes. » Fin de ces citations des directeurs d'écoles.

Jeudi matin, à neuf quinze, l'exécutif étudiant de chaque école expose, soit par « l'intercom » de l'école, soit par tracts, le but de la manifestation et demande aux étudiants de se grouper à la sortie de l'école pour neuf heures trente. Selon les mêmes sources, la plupart des professeurs n'ont appris que le matin même du 5 décembre, qu'il y avait manifestation devant le parlement. Il semble bien que les professeurs n'ont pas participé à la manifestation, du moins, en tant que groupe. Ce qui n'exclut pas la participation à titre individuel de quelques professeurs. C'est ainsi qu'un des rapports reçus relate l'anecdote suivante: « Une fois les étudiantes parties, l'inquiétude de ce qui pourrait se passer a incité des professeurs à aller voir ce qui se passait. Une voiture est donc partie et a fait une réunion pédagogique en cours de route. »

M. LEFEBVRE: Ils ont fait quoi? UNE VOIX: Une réunion pédagogique.

M. MORIN: La règle suivante semble avoir été appliquée au sujet de la poursuite de l'enseignement au cours de la matinée du 5 décembre: les professeurs ont donné des cours quand 50% des élèves étaient dans la classe, selon une demande de la direction. Dans une école, une réunion pédagogique a été tenue. Dans les écoles où aucun élève n'a participé à la marche, les pro-

fesseurs ont donné leurs cours comme à l'ordinaire. Les étudiants se sont rendus de leurs écoles respectives au parlement selon l'itinéraire prévu lors de la réunion du mercredi. Un service d'ordre étudiant encadrait la manifestation. Un des principaux leaders des étudiants explique, de la façon suivante, l'incident des balles de neige. Un caméraman de la télévision serait monté sur le porche de l'entrée centrale et aurait demandé aux étudiants de lui lancer des balles de neige afin de présenter...

M. LAFRANCE: Un vrai roman. Je les ai vus.

M. MORIN: ... à la télévision un effet vivant. Il aurait même demandé de viser son objectif. C'est ainsi qua les étudiants ont commencé à lancer des balles de neige. Toujours selon le témoignage du mémo leader étudiant, la participation des étudiants à la manifestation n'a pas donné les résultats voulus. Les étudiants sont déçus et ont tiré une leçon de cette expérience. Il semble que les étudiants connaissant les conséquences d'une telle action y penseront deux fois avant de s'y engager une seconde fois.

Comme je l'ai déjà mentionné, les réponses aux questions posées, de même que la relation des événements reproduisent aussi fidèlement que possible, les données et les témoignages recueillis au cours de l'enquête du ministère de l'Education, en collaboration avec la CECQ. Ces données et ces témoignages apparaissent dans les documents que j'ai ici en main et dont je suis disposé à remettre un exemplaire au chef de l'Opposition. Je sais que le Solliciteur général aurait quelque précision à apporter.

M. LE PRESIDENT: L'honorable solliciteur général.

M. Armand Maltais

M. MALTAIS (Limoilou): Voici, M. le Président, une brève déclaration en marge d'une enquête préliminaire qui est parvenue au ministère de la Justice. Jeudi le 5 décembre 1968, dans la matinée, de nombreuses personnes se sont attroupées aux abords de l'édifice principal du parlement de Québec et se sont livrées à des manifestations. Vers la fin de la matinée, ils étaient environ 1,800 qui criaient, injuriaient et lançaient des roches, des boules de neige, des bouteilles vides de bière, des bouteilles d'encre, etc.

Plusieurs étaient porteurs de pancartes et d'autres de drapeaux rouges. Cette manifestation s'est poursuivie...

UNE VOIX: Un drapeau quoi? M. MALTAIS (Limoilou): Rouge.

M. LESAGE: Cardinal ou rouge Guevara, plutôt?

M. ROY; Mais ils attendaient Boisvert.

M. MALTAIS (Limoilou): Cette manifestation s'est poursuivie dans l'après-midi et à cause de l'inconduite remarquable de certains manifestants, quinze d'entre eux ont dû être arrêtés par des agents de la Sûreté du Québec, dont deux professeurs, l'un de Sillery et l'autre de Sainte-Foy.

Les autres étaient des étudiants de Québec et de la région et dans deux cas les individus arrêtés, domiciliés à Montréal, se sont dit chômeurs. Deux étudiants d'âge mineur furent subséquemment remis sous la garde de leurs parents, quitte à les traduire éventuellement par voie de sommation devant la cour du Bien-Etre social. Les autres ont fait l'objet d'une dénonciation devant un juge de la cour des Sessions de la paix à Québec. La sûreté nous a fait parvenir copie de circulaires distribuées parmi les étudiants la veille de cette démonstration. Quatre copies de ces circulaires sont disponibles pour production. A notre demande la Sûreté poursuit son enquête afin d'établir premièrement les circonstances de la distribution de semblables circulaires à l'adresse des étudiants, le degré de participation des maisons d'enseignement de la région de Québec ainsi que, de toute personne en autorité, à l'incitation faite aux étudiants pour qu'ils participent à cette manifestation, la preuve de la présence en nombre important de jeunes enfants d'âge scolaire c'est-à-dire de 10 à 16 ans à cette manifestation.

M. le Président, j'ai ici en main quatre exemplaires de quatre circulaires qui ont été distribuées dans les circonstances qui font l'objet de la déclaration que je viens de faire et, avec votre permission, je suis prêt à déposer ces quatre exemplaires dont le titre pour chacune de ces circulaires est le suivant : Le premier : Québécois réagissons; le deuxième: Menace de trahison; le troisième: Au Québec, l'anglais langue officielle? Le français langue folklorique? Jamais plus et le quatrième: Etudiants.

M. LESAGE: Ces circulaires ont-elles été distribuées au cours de la manifestation ou avant la manifestation, soit le matin, soit la veille, aux étudiants des écoles secondaires de la Commission des écoles catholiques de Québec en particulier?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MALTAIS (Limoilou): D'après les renseignements obtenus jusqu'ici, que j'admets être incomplets, ces circulaires auraient été distribuées la veille. Maintenant, à quel endroit? Je ne peux préciser davantage.

M. LESAGE: L'enquête se poursuit? M. MALTAIS (Limoilou): C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Est-ce le voeu de la Chambre que ces circulaires soient déposées?

De consentement unanime, les circulaires seront déposées.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre d'Etat à l'Education considère que l'usage du « télévox » par des élèves dans une école alors que, par ce système, ils peuvent atteindre tous leurs confrères ou leurs consoeurs de l'école, est une procédure que l'on peut considérer comme normale dans les circonstances qui prévalaient, le matin du 5 décembre?

M. MORIN: Je pense que la question du chef de l'Opposition demanderait surtout que je porte un jugement, que je donne une opinion personnelle, et je me dois de ne pas le faire ici en cette Chambre.

M. LESAGE: Indépendamment de l'opinion du ministre d'Etat à l'Education, est-ce qu'il a l'intention de discuter de ce point particulier, comme de la possibilité de la distribution des circulaires mentionnées par le Solliciteur général, avec les plus hautes autorités de la Commission des écoles catholiques de Québec?

M. MORIN: II est de notre intention, au ministère de l'Education, et nous en avons même causé, le ministre de l'Education et moi, de le faire. Evidemment, nous poursuivons les démarches, afin que de telles manifestations ne se reproduisent plus ou, dans tous les cas, que certaines personnes prennent davantage leurs responsabilités.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. LAFRANCE: Je voudrais un renseignement additionnel de la part du ministre d'Etat à l'Education. Est-ce que le ministre a recueilli la version des étudiants eux-mêmes, non pas des leaders? Personnellement, et d'autres personnes ont fait la même expérience, j'ai inter- rogé des jeunes, qui m'ont affirmé que ce sont des professeurs qui leur ont dit de venir manifester. Comment expliquent-ils ça?

M. MORIN: Voici. Il nous a été fourni une foule de renseignements qui semblaient venir d'étudiants. Mais, d'un étudiant à l'autre, parfois, les versions étaient très contradictoires. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu en faire mention, dans ce long rapport, que j'ai soumis tout à l'heure à la Chambre. Il était en effet très difficile, à l'intérieur d'une même école, et même à l'intérieur d'une même classe, de faire corroborer par des confrères ce qu'un de leurs confrères venait de nous dire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. DOZOIS: Etant donné que le ministre d'Etat à l'Education a lu un long rapport, qui sera évidemment reproduit dans le journal des Débats, que le ministre intérimaire de la Justice fait un rapport, j'estime qu'on devrait imprimer en appendice, au journal des Débats, le contenu des circulaires qui ont été déposées, de façon que le dossier soit complet. C'est une suggestion que je fais.

M. GERIN-LAJOIE: Les circulaires elles-mêmes?

M. DOZOIS: Oui, de façon que le dossier soit complet.

M. LESAGE: En appendice au journal des Débats, quant à moi, d'accord.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté. (Voir annexe)

L'honorable ministre des Richesses naturelles.

Questions et réponses

Mises à la retraite à l'Hydro-Québec

M. ALLARD: Faisant suite à la question que m'a posée l'honorable député de Saguenay et qu'a commentée le chef de l'Opposition, à savoir si le gouvernement approuve la politique de l'Hydro-Québec de mettre à pied les employés manuels à 60 ans, alors qu'ils n'ont droit à aucune pension, je dois dire aux hono-

rabies députés que, règle générale, l'Hydro-Québec ne met pas à pied les employés manuels permanents qui ont atteint l'âge de 60 ans. Cependant, sur les chantiers de construction, elle met à pied certains employés temporaires qui ont atteint l'âge de 60 ans, lorsqu'ils occupent des postes exposés, soit pour leur propre sécurité, ou celle de leurs compagnons. Les autres employés temporaires sont gardés jusqu'à l'âge de 65 ans.

D'après les renseignements que m'a fournis la direction de l'Hydro-Québec, sur les chantiers de Manic et Outardes en avril dernier, lors du rappel des employés au printemps, 84 employés avaient atteint l'âge de 60 ans. Cinquante-neuf n'ont pas été rappelés en vertu de ce règlement relatif au poste exposé et les 25 autres, qui occupaient auparavant des postes non exposés, ont été placés sur une liste de rappel qui, me dit-on, sera utilisée après la liste normale de rappel de la convention collective.

M. LESAGE: Je retiens, de ce que vient de dire le ministre, que sur les 84 employés — ce qui correspond assez bien aux renseignements qu'avait obtenus et transmis le député de Saguenay — 84 employés ont été, en définitive, remerciés de leurs services, parce que, dit-on, ils occupaient des postes comportant des activités qui pourraient mettre en danger leur personne ou celle de leurs compagnons. Sur ces 84 employés, 25 auraient été rappelés dans d'autres fonctions... c'est ça?... qui ne comportaient pas les mêmes dangers.

M. ALLARD: Us ont été placés sur la liste de rappel.

M. LESAGE: Les vingt-cinq n'ont pas été rappelés?

M. ALLARD: ... vingt-cinq autres occupant auparavant des postes non exposés ont été placés sur une liste de rappel.

M. LESAGE: Et les 59 autres ne sont pas sur la liste?

M. ALLARD: En vertu de ce règlement, ils ne sont pas placés sur la liste de rappel.

M. LESAGE: Cela veut donc dire que 84 personnes ayant atteint l'âge de 60 ans, dont plusieurs étaient à l'emploi de l'Hydro-Québec depuis dix ou douze ans, même depuis le début de la Bersimis, se trouvent mises à pied. Il y a là des pères de famille. Est-ce que le ministre n'entend pas prendre avec l'Hydro-

Québec les dispositions nécessaires pour voir à ce que ces gens-là puissent gagner leur vie? Leur situation est absolument intolérable.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai cru, au début de l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition, qu'il voulait faire un court préambule à une question supplémentaire, mais je vois qu'on s'engagerait dans un débat si je le laissais poser d'autres questions du même genre.

M. LESAGE: Le député de Saguenay a quand même une question.

M. MALTAIS (Saguenay): Le ministre me permettra certainement, vu qu'il s'agit de quelque chose qui peut se répéter un peu partout dans d'autres chantiers, l'Hydro étant un peu partout dans la province, de lui poser une question supplémentaire.

Est-ce que le ministre considère qu'on lui a donné, avec la liste qui lui a été fournie, des raisons autres que celle que ces gens auraient atteint l'âge de 60 ans, ou si c'est le seul motif de leur mise à pied?

M. ALLARD: J'ai transmis à la Chambre les détails et les informations qui m'ont été fournis par l'Hydro-Québec, responsable de l'embauchage de ces employés.

M. MALTAIS (Saguenay): Eh bien, je fournirai moi-même une liste au ministre, des mardi prochain, de tout ce qui s'est passé à l'Hydro-Québec.

M. ALLARD: Il me fera plaisir de recevoir les informations additionnelles du député de Saguenay et je les transmettrai immédiatement à l'Hydro.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

Bill 56

M. LAFRANCE: Ma question s'adresse au leader parlementaire. Est-ce que c'est son intention de soumettre en première lecture le bill 56, comme le gouvernement s'y est engagé depuis quelques jours?

M. BELLEMARE: Je crois que des épreuves ont été remises ce matin à l'honorable chef de l'Opposition, qui en a fait parvenir le texte à certains de ses députés...

M. LESAGE: En entrant en Chambre, j'avais trois épreuves du bill 56. J'en ai remis une à l'ancien ministre de l'Education et j'ai remis l'autre au député de Richmond. J'en ai gardé une au cas où j'aurais quelques minutes pour la regarder.

M. BELLEMARE: C'est pour ça que dès que nous avons reçu les épreuves, nous en avons remis trois à l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Est-ce que le leader du gouvernement a une idée du moment où le bill pourrait être distribué? Cela ne devrait pas être très long, n'est-ce pas?

M. BELLEMARE: Je pense que, dans le courant de la journée, après le dîner, ou après le déjeuner, comme on dit, nous pourrons peut-être avoir suffisamment de copies.

M. LESAGE: Oui.

M. LAFRANCE: En tenant compte d'autres précédents, est-ce qu'on ne pourrait pas le passer en première lecture immédiatement?

M. LESAGE: Pour ce qui est de la procédure, je dois faire remarquer qu'un rapport de comité sur les bills 56 et 61 apparaît au feuilleton.

La procédure à suivre, à ce moment-là, c'est de revenir en Chambre avec le nouveau bill, non pas en première lecture, mais comme étant le fruit du rapport du comité.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LAFRANCE: M. le Président, je regrette d'insister. Ai-je l'assurance du leader qu'il sera présenté en première lecture demain?

M. BELLEMARE: Ah, bien, c'est sûr!

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, pourrais-je avoir une copie de ces documents qui ont été transmis au chef de l'Opposition officielle, concernant le bill 56?

M. BELLEMARE: Comme vous êtes un membre de cette honorable Chambre, oui.

M. TREMBLAY (Montmorency): Je n'ai pas compris la réponse.

M. MALTAIS (Saguenay): Pourriez-vous en envoyer une à tous les chefs de parti? S'il y en a d'autres qui démissionnent, pourriez-vous leur en faire parvenir également?

M. BELLEMARE: Je suis bien heureux de considérer l'intervention de l'honorable député de Saguenay en faveur de son grand ami, le député de Laurier.

M. LESAGE: Au sujet des copies, ce matin, étant donné que je ne puis m'absenter de la Chambre, je vais demander au personnel de mon bureau de bien vouloir faire des photocopies pour les députés de ce côté-ci de la Chambre. Nous allons nous servir de notre Xerox.

M. BELLEMARE: Nous allons nous occuper des honorables chefs indépendants.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Mercier.

Taxis Murray Hill

M. BOURASSA: M. le Président, une question au ministre des Transports. Pourrait-il donner les conclusions des rencontres qu'il a eues récemment avec les représentants des chauffeurs de taxi de la compagnie Murray Hill? Le ministre est sans doute au courant que certains groupes de chauffeurs de taxi ont menacé de faire des manifestations au cours de la semaine prochaine, et il se souvient certainement des manifestations qui ont eu lieu, il y a quelques semaines. Alors, la question, je pense, est d'urgence.

M. LIZOTTE: M. le Président, j'ai reçu, il y a quinze jours, le président de la Fraternité des taxis de la ville de Montréal, M. Vincent» J'ai reçu également les représentants de la compagnie Murray Hill. Je n'ai pas reçu de demande de la part de ce mouvement pour l'indépendance des taxis de Montréal, qui apparemment groupe un petit nombre de ceux qui voudraient tout briser, comme vient de le dire le député de Mercier.

J'ai demandé aux officiers du ministère des Transports d'étudier les ordonnances de la régie relativement aux permis accordés à certaines compagnies de transport privées, Murray Hill, par exemple. Lorsque j'aurai le rapport des officiers du ministère des Transports et des Communications relativement à la violation de certains articles de ces pouvoirs accordés, à ce moment-là, nous prendrons les dispositions pour que la paix revienne en ce qui concerne les taxis de Montréal.

M. BOURASSA: Question supplémentaire. Est-ce que le ministre admet qu'il faudra probablement un amendement à la charte de la ville de Montréal pour empêcher la sollicitation, et serait-il d'accord avec cet amendement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, je ne peux permettre cette question parce qu'elle demande, en plus d'une opinion personnelle, une opinion juridique au ministre.

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que la question est importante.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GABIAS: La bête prend du poil.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne doute pas que la question puisse être importante... A l'ordre!

M. GABIAS: Un autre chef de l'Opposition. Tiens, il est revenu en Chambre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse bien sincèrement de troubler certains dialogues, mais je dois répéter à l'honorable député de Mercier que, malheureusement, je ne peux permettre cette question parce qu'elle demande une opinion. Les règlements, et non pas moi personnellement, défendent ce genre de questions.

M. BOURASSA: M. le Président, ma question ne demande pas une opinion si je la pose ainsi...

DES VOIX: A l'ordre!

DES VOIX: C'est une autre question.

M. LE PRESIDENT: Malheureusement, ma décision est rendue.

M. GABIAS: II « bourasse » ce matin; il a passé une mauvaise nuit.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je dois rappeler aux honorables députés que j'ai quand même, je pense, le privilège et surtout le devoir d'entendre les honorables opinants, ce qui m'est très difficile depuis quelques minutes?

L'honorable député de Drummond.

M. PINARD: M. le Président, avec votre permission, est-ce que ce serait légal si le député de Mercier posait la question suivante au ministre des Transports: Est-ce l'intention du ministre des Transports de proposer un amendement à la charte de Montréal pour régler le problème des taxis?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette question serait légale.

M. BOURASSA: Je n'ai pas à répéter la question que vient de reprendre le député de Drummond, je veux simplement signaler l'importance du problème. Il y a eu des manifestations, de la violence, c'est incontestable. Le ministre peut-il répondre à cette question?

M. LE PRESIDENT: La question formulée par l'honorable député de Drummond était régulière et légale, mais je répète que celle qui est actuellement présentée par l'honorable député de Mercier ne l'est pas.

M. PINARD: M. le Président, comme ma question est dans l'ordre, pourrais-je avoir une réponse du ministre des Transports?

UNE VOIX: En temps et lieu.

M. LIZOTTE: Pourriez-vous répéter votre question? Vous avez tellement parlé entre vous autres par les yeux.

M. PINARD: M. le Président, avec votre permission, je répète ma question au ministre des Transports: A-t-il l'intention de proposer un amendement à la charte de la ville de Montréal pour régler le problème qui vient d'être soulevé par le député de Mercier, relativement aux chauffeurs de taxis?

M. LIZOTTE: Si la ville de Montréal a des amendements à proposer, elle les proposera elle-même, par ses officiers.

UNE VOIX: C'est ça.

M. BELLEMARE: Deuxième lecture du bill 295.

Régionale de Lignery

M. LESAGE: J'ai posé une question, hier, au ministre d'Etat à l'Education, au sujet de la régionale Lignery. Le ministre d'Etat à l'Education est-il en mesure de répondre?

M. MORIN: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre, parce que je n'ai qu'une réponse fragmentaire. J'attendais d'une minute à l'autre des renseignements supplémentaires. Aussitôt que je les aurai, je les fournirai au chef de l'Opposition,

Message du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! On me permettra de transmettre à cette Chambre un communiqué reçu du Conseil législatif. « Conseil législatif, le 13 décembre 1968.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement les bills suivants:

Bill numéro 293, intitulé Loi modifiant la loi des associations coopératives;

Bill numéro 294 intitulé Loi modifiant la loi des caisses d'épargne et de crédit.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

Bill 295 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture de la Loi concernant la ville de Montréal.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. BELLEMARE: Si l'honorable ministre veut me le permettre, je voudrais donner avis que le comité ad hoc sur le bill 290 continuera de siéger, du consentement unanime de la Chambre.

M. LESAGE: Pendant que le leader du gouvernement est en Chambre, pourrions-nous prendre entente au sujet de ce qui va se dérouler en Chambre, après que nous en aurons terminé avec l'étude du bill de la ville de Montréal? Il est fort probable que ce sera cet après-midi seulement. A ce moment-là, nous aurons peut-être reçu...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... le texte de l'autre bill, concernant l'aéroport international. Si nous avions quelque temps pour nous réunir en caucus, même restreint, de ce côté-ci de la Chambre, nous pourrions peut-être aviser le ministre que nous serons prêts à procéder. Alors, il y aurait peut-être lieu, à ce moment-là, et je veux m'entendre avec lui dès maintenant, de suggérer une suspension des travaux de la Chambre jusqu'à rappel signalé par le son des cloches.

M. BELLEMARE: Pour le bill...

M. LESAGE: Pour le bill et pour le budget supplémentaire qui doit être déposé par...

M. BELLEMARE: Si je comprends bien...

M. LESAGE: C'est-à-dire qu'exactement la même procédure s'appliquerait dans le cas du budget supplémentaire qui doit être déposé par le ministre des Finances.

M. BELLEMARE: Aucune objection,

M. LESAGE: J'essaie de collaborer, dans la mesure...

M. BELLEMARE: Aucune objection à cet ordre dans les travaux. Si, à ce moment-là, nous en avons fini, en bas, avec le comité de la construction, le bill 290, nous vous en ferons rapport.

M. LE PRESIDENT: Dois-je comprendre qu'il y a motion de l'honorable chef de l'Opposition pour suspendre les travaux à loisir?

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: Je discutais avec le leader de la Chambre. Je pense qu'il était temps de le faire, pendant qu'il était encore ici, au sujet de la procédure que nous suivrons.

M. GABIAS: Un petit club privé.

M. LESAGE: Je ne pensais pas que... Oh non, M. le Président, je ne commencerai pas...

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, l'ordre des travaux de la Chambre, c'est que...

M. LESAGE: Vous admettrez que j'ai résisté à la tentation.

M. BELLEMARE: ... actuellement, c'est la deuxième lecture du bill 295...

M. LESAGE: Elle était forte.

M. BELLEMARE: ... quand la deuxième lecture du bill 295 sera terminée, que le comité aura siégé, que le rapport sera fait, que la deuxième lecture sera adoptée, ce qui sera peut-être dans le courant de l'après-midi, il est possible qu'à cause du budget supplémen-

taire, les notes qui ont été remises à l'honorable chef de l'Opposition, et aussi le bill qui a été introduit ce matin, au sujet de l'aéroport de Drummondville, soient transmis pour étudier...

M. PINARD: Enfin, on sait qui est le « boss »

M. BELLEMARE: ... pour donner plus de latitude aux honorables députés de l'Opposition d'étudier plus à fond ces deux bills très importants, il y aura suspension des travaux et nous reviendrons à la Chambre à l'appel des cloches.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais poser une question à propos du bill de Montréal.

M. LE PRESIDENT: C'est parce que je dois signaler quand même que la deuxième lecture est maintenant appelée et que l'honorable ministre des Affaires municipales avait déjà la parole. A ce moment-là, je suggérerais que l'honorable député de Laurier pose sa question à l'honorable ministre après son intervention, à moins que ce soit sur une question de procédure.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est une simple question de procédure pour essayer de voir clair dans l'histoire. C'est parce que régulièrement on allait plutôt en comité entendre les parties. Si on commence ici, est-ce qu'on va quand même descendre au comité pour entendre les gens de la ville tout de suite après la deuxième lecture?

M. BELLEMARE: Le comité, c'est ici, le comité plénier.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui. Autrement dit, est-ce que les gens de la ville de Montréal, enfin le président de l'exécutif, comme d'habitude, et les officiers vont être entendus ou non?

M. BELLEMARE: Non, non, c'est un bill public que nous présentons.

M. LEVESQUE (Laurier); Ah bon!

M. BELLEMARE: Et c'est un bill qui va être discuté ici en comité plénier et reporté en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. Robert Lussier

M. LUSSIER: M. le Président, la ville de Montréal nous a fait valoir qu'elle avait besoin de pouvoirs spéciaux pour faire face à la situation qui la confronte actuellement. Ces pouvoirs spéciaux visent principalement à permettre à la ville...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait attendre quelques instants que les conversations privées soient terminées afin que nous puissions suivre ses propos que j'anticipe comme étant fort intéressants?

M.LUSSIER: Restez dans les mêmes dispositions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. LUSSIER: Ces pouvoirs spéciaux visent principalement à permettre à la ville de maintenir l'équilibre de son budget, à répartir sur une plus longue période des investissements affectés à des travaux de nature capitale sur le site de Terre des hommes et à prévoir l'imposition de taxes dans les territoires de l'ancienne cité de Saint-Michel entre la fin de l'exercice financier normal de cette cité, soit le 31 décembre 1968 et le début de la période d'imposition des taxes prévues par le règlement d'annexion, soit le 1er mai 1969.

Ces mesures concernant Terre des hommes font l'objet du premier article du projet de loi. L'équilibre du budget et les moyens d'y parvenir font l'objet des articles 2 à 5 et 9 du projet de loi. Les mesures permises par ces articles permettent à la ville de Montréal d'adopter un budget spécial en tout temps pour suppléer à l'insuffisance des revenus et lui accordent en outre l'option entre deux méthodes pour réduire son déficit.

Jusqu'à maintenant la ville ne pouvait adopter un budget spécial qu'entre le 1er janvier et le 1er mars de chaque année. De plus, seuls les propriétaires fonciers devaient supporter les augmentations de taxes imposées à l'occasion du budget spécial. Dorénavant, un budget spécial pourra être adopté en tout temps au cours de l'exercice financier et le conseil pourra se procurer les revenus supplémentaires dont il a besoin, des mêmes sources que celles où il peut puiser lors de l'adoption de son budget annuel, c'est-à-dire des taxes de toute nature, les permis et les licences.

L'enregistrement et le transfert des obligations présentent pour la ville de Montréal des situations que ne rencontrent pas les autres municipalités. C'est pourquoi le présent projet de loi prévoit, pour cette ville, une situation particulière. Lors de l'annexion de la ville de Saint-Michel, la loi a prévu que cette annexion se ferait aux conditions prévues dans le règlement d'annexion de la ville de Montréal. Or, le règlement d'annexion prévoyait des taux de taxes préférentiels pour les contribuables de la ville de Saint-Michel, à compter du 1er mai 1969, et cela pour une période de trois ans.

Comme l'annexion est entrée en vigueur au cours de la présente année, le projet de loi que nous avons devant nous permet à la ville de Montréal de fixer le taux des taxes dans la ville de Saint-Michel entre le 1er janvier 1969 et le 1er mai 1969, date à laquelle entrera en vigueur le taux des taxes prévu par le règlement d'annexion. Des mesures alternatives facilitant l'équilibre du budget sont traitées à l'article 9. Comme il s'agit là de mesures quipeuvent avoir une importante répercussion sur les finances de la province, comme il s'agit de mécanismes financiers et que mon collègue, le ministre des Finances, est plus versé que moi dans ce domaine, je l'invite à expliquer cet article du bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Paul Dozois

M. DOZOIS: M. le Président, ce que j'ai à dire sur le bill de Montréal est, à mon avis, de la plus haute importance. Les commentaires que je désire faire sont peut-être aussi importants que ceux que je ferais lors d'un discours sur le budget. Je demande la bonne attention de la Chambre. J'espère que, si je dévie quelque peu de l'observance stricte des règlements, on me permettra de le faire, d'autant plus que j'estime que, sur une question comme celle-là, le débat doit être le plus large possible. La forme de débat que l'on acceptera je la reconnais à n'importe quel autre membre de la Chambre.

M. LESAGE: Nous aurons sans doute besoin nous-mêmes du même degré de liberté.

M. DOZOIS: Oui, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Si on me permet, immédiatement. L'honorable ministre vient de me souligner qu'il y aura un manquement au règlement. Il semble y avoir consentement unanime de la Chambre.

M. LESAGE: Non, ce n'est pas directement un manquement au règlement, mais, simplement, il va falloir faire des considérations d'une nature assez générale face aux difficultés que la ville de Montréal doit surmonter à l'heure actuelle.

M. DOZOIS: C'est cela. Exactement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. DOZOIS: Je remercie mes collègues de cette Chambre, tant ceux de l'Opposition que ceux du gouvernement. Je pense que nous attachons tous de l'importance au problème qui se pose actuellement à la métropole du pays. A ce sujet, j'invite également les journalistes, même s'ils sont peu nombreux au moment où j'adresse cette supplique — je reconnais qu'il n'y en a qu'un pour le moment — à relire les épreuves de ces commentaires que je ferai, à tête reposée. Je leur demande de témoigner beaucoup de compréhension devant ce problème qui, à mon avis, est d'une extrême gravité.

M. HANLAY: Qui est responsable de l'extrême gravité?

M. DOZOIS: Bien, si le député de Sainte-Anne me le permet, je ferai mon exposé tel que je l'ai conçu. J'ai des notes suffisantes, je crois, pour couvrir l'ensemble du problème qui se pose actuellement à l'administration municipale. Quant à placer des responsabilités sur l'administration de Montréal, il y a un conseil où les membres peuvent faire valoir leurs idées.

De plus, le député de Sainte-Anne, qui est membre des deux organismes, a le droit de parole dans cette Chambre. Je l'invite à ajouter à ces commentaires ou à ceux que je ferai. Il y a aussi, au-dessus de l'Assemblée législative et du conseil de ville, de Montréal un organisme qui est souverain et qui pourra juger éventuellement les administrateurs de la ville de Montréal, c'est le corps électoral.

Les électeurs de la ville de Montréal porteront éventuellement un jugement sur la situation que nous connaissons actuellement. M. le Président, je pense que, pour bien comprendre ce problème, il faut s'attacher au fait que Montréal est la métropole du Canada. Je pense que nous sommes fiers que cette métropole du Canada soit dans notre province. On peut discuter sur la façon dont cette métropole a été bâtie, a été organisée, est administrée, mais, quant à moi, qui suis Montréalais de naissance qui ai pris une part active

à l'administration de la ville de Montréal jusqu'en 1956, et qui ai fait partie du comité exécutif pendant neuf ans, je dois dire que je suis fier de ma ville.

Je pense que les administrations qui se sont succédé ont voulu faire de la ville de Montréal une grande ville et lui conserver ce titre de métropole. L'administration qui est actuellement en place, je ne veux pas porter de jugement sur elle, son administration. Mais je dois dire que, comme citoyen de Montréal, j'ai été fier de l'Expo, que je suis fier du Métro, et que je suis fier d'une foule d'améliorations qui ont été apportées. Evidemment, ces améliorations se sont faites à coups de millions.

Il y en a, je le sais, qui prétendent que la ville de Montréal a trop dépensé et que, maintenant, les citoyens doivent en payer la note. Il ne m'appartient pas, je le répète, de porter un jugement sur l'administration de Montréal comme telle mais, à titre de ministre des Finances, je fais face actuellement à ce problème qui a été soumis tout d'abord à mon collègue du ministère des Affaires municipales. Je viendrai plus tard à différents aspects de ce problème, mais je voudrais dire immédiatement à cette Chambre comment il se fait que Montréal soit dans une pareille situation.

Comme vous le savez, M. le Président, il y a d'abord un écart d'environ $10 millions dans l'estimation de la taxe de vente, dans le dernier budget de la ville de Montréal. Cet écart, M. le Président, et je préviens, puisque je suis à la veille de faire une remarque que certains pourraient croire teintée de partisa-nerie, que cette remarque, je la fais en toute objectivité, je n'accuse personne. Je pense que cette situation a été créée de bonne foi, purement et simplement.

Lorsqu'il y a eu un changement, en 1965, dans la méthode de répartition de la taxe de vente, le gouvernement du temps a dit en cette Chambre en a informé les autorités de la ville de Montréal que cette nouvelle base procurerait $11 millions de plus, en revenu de la taxe de vente, que les revenus prévus de l'année précédente, ceci veut dire qu'en 1964, lors de la première formule de partage, la ville de Montréal avait reçu $29.6 millions. Du moins, c'est ce qu'on avait affirmé en cette Chambre. L'année suivante, à la suite du rapport de la commission Bélanger, qui a suggéré la formule actuellement en vigueur, le premier ministre du temps avait dit, ici, de son fauteuil, et je pourrais lui citer la page du journal des Débats, que ça apporterait à ville de Montréal $11 millions de plus, donc $40 millions.

M. LESAGE: C'était au rapport Bélanger.

M. DOZOIS: Oui, mais peut-être pas quant au montant.

M. LESAGE: Peut-être pas quant au montant, mais...

M. DOZOIS: Je le dis, je n'impute de motifs à personne. Je ne porte pas de jugement. Je pense que la chose a été faite de bonne foi et que le premier ministre du temps, qui a fait cette affirmation, s'est basé sur des renseignements que les fonctionnaires de son ministère ou du ministère du Revenu lui ont fournis.

M. LESAGE: C'est-â-dire sur le rapport Bélanger et sur les calculs faits par les experts du ministère des Finances et du ministère du Revenu, sur la foi du rapport Bélanger.

M. DOZOIS: Je pense que tout le monde était de bonne foi, et la ville de Montréal a mis à son budget $40 millions de revenus. Or, les revenus réels, à la fin de l'année, se sont élevés, pour ce poste, à $33,464,000. Donc, dès la première année, il y a un déficit de $6,536,000 dans ce revenu. Et la ville de Montréal a bâti son budget d'année en année sur cette base de $40 millions. ' Mettons-nous à la place des administrateurs de la ville de Montréal. S'ils avaient voulu ramener d'un seul coup cette estimation à un chiffre plus réel, il aurait fallu qu'ils augmentent les taxes de $6 millions l'année suivante. Or, la ville de Montréal a continué de faire des estimations de cet ordre, espérant probablement que ces chiffres se rétabliraient et qu'elle pourrait peut-être enfin recevoir ce montant. Malheureusement, le montant de la taxe de vente qui revient à Montréal, s'est maintenu à environ ce chiffre, sauf pour l'année 1966-67. La ville de Montréal a alors ajouté à son revenu le montant qu'elle recevra cette année, c'est-à-dire la division de l'accumulation du surplus de trois ans. Elle l'a escompté dans ses revenus et elle l'a considéré comme un compte à recevoir. Cette année-là, elle a prévu plus de $38 millions de revenus. Mais dès l'année suivante, les revenus de la taxe de vente sont de nouveau tombés à $34 millions ou $33 millions. Cette année, la ville a budgété $43 millions et les revenus de la taxe de vente s'élèveront probablement aux environs de $33 millions. Donc, il y a au départ un déficit de $10 millions à ce poste.

Les administrateurs de Montréal, vous le

savez, ont lancé une taxe volontaire et ont prévu dans leur budget un revenu de $32 millions. Inutile de raconter les péripéties de cette taxe volontaire, tout le inonde les connaît. Il arrive cependant que la ville ne peut en espérer qu'environ $10 millions au maximum. Il y a donc $22 millions de déficit à ce poste également, ce qui fera, au total, $32 millions. Le déficit réel...

M. LESAGE: II y avait aussi, je pense bien, une surestimation de la croissance économique de la région.

M. DOZOIS: La croissance économique? C'est fort possible. Je n'ai pas analysé la chose. Les administrateurs de la ville de Montréal ne m'ont pas fourni une étude poste par poste afin de déterminer d'une façon sûre et certaine qui serait le déficit approximatif réel, mais ces deux postes apportent un déficit de $32 millions, à n'en pas douter. Y aura-t-il des économies dans les dépenses? Y aura-t-il des revenus plus substantiels à certains postes? Peut-être. Je l'ignore. De toute façon, lorsque l'année se terminera, le déficit global pourra se situer peut-être à $18 millions, $20 millions, $22 millions, $25 millions, $30 millions. Je ne le sais pas, mais il sera sûrement de cet ordre.

M. LESAGE: J'ai été dérangé par quelqu'un. Le ministre attribue combien à la surestimation des revenus de la taxe de vente pour cette année?

M. DOZOIS: C'est $10 millions pour la taxe de vente. La taxe volontaire?

M. LESAGE: A quoi attribue-t-il. C'est bien, merci.

M. DOZOIS: A la taxe volontaire, $22 millions.

M. LESAGE: J'ai compris.

M. DOZOIS: Or, vous le savez la charte qui régit la ville de Montréal prévoit que le budget doit être équilibré.

Il y a l'article 678 qui dit que lorsque le conseil constate, sur rapport du comité exécutif, que les revenus ne seront pas suffisants pour payer les dépenses prévues au cours de l'année, il doit augmenter, sur rapport du directeur des finances, la taxe foncière. Mais cette augmentation de taxe ne doit pas dépasser $0,15 par $100 d'évaluation, ce qui apporterait, dans les conditions actuelles, une taxe d'environ $8 millions ou $9 millions.

M. LESAGE: C'est ça,$6 millions par $0.10...

M. DOZOIS: Le rôle étant d'environ $6 milliards.

M. LESAGE: Oui, à peu près $6 millions par $0.10? A peu près...

M. DOZOIS: Oui, c'est vrai, le rôle est de $6 milliards.

M. LESAGE: Je pense que le calcul est plus facile comme ça.

M. DOZOIS: Oui, c'est plus facile. La situation, pour être corrigée, demande des amendements à la charte de Montréal. La ville de Montréal se trouve dans la situation où le directeur des finances ne peut pas émettre de certificat, tant pour la votation ou l'approbation d'un règlement d'emprunt que pour des emprunts que la ville de Montréal pourrait ou voudrait faire sur le marché. Or, augmenter la taxe pour combler un tel déficit représenterait une augmentation assez considérable que les citoyens de Montréal acquitteraient. Je comprends les administrateurs de la ville de Montréal d'hésiter à augmenter la taxe foncière dans cette proportion car il faut l'admettre, la taxe foncière à Montréal, si on considère la taxe pour fins municipales et pour fins scolaires, est déjà relativement élevée. Les administrateurs ne veulent pas placer la ville de Montréal en concurrence désavantageuse avec d'autres villes de son importance ou peut-être même d'autres villes de la banlieue. Mettons-nous à la place des industriels ou de ceux qui veulent s'établir dans une municipalité. Si le taux des taxes locales est tellement élevé que cela représente pour eux des économies appréciables de s'installer dans une ville voisine ou même dans une ville d'une autre province, il y a un danger de ralentir l'économie de cette ville et, par ricochet, de ralentir toute l'économie de la province. Je l'admets.

J'ai déjà dit en d'autres circonstances que la prospérité de Montréal se reflétait sur l'ensemble de la province, comme je soutiens également que la prospérité d'une ville de la Gaspésie, du Lac Saint-Jean ou de l'Abitibi se reflète sur Montréal.

Je pense que tout le monde admettra ce principe. Alors, tout naturellement, les administrateurs de la ville de Montréal se sont tournés vers Québec, de même que de nombreux citoyens, pour demander de l'aide...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre des Finances me permet juste une question d'information? On parlait de taxe foncière. Est-ce qu'il y a actuellement un gros décalage en ce qui concerne les entreprises par rapport aux villes de banlieue, justement, entre Montréal et les banlieues?

M. DOZOIS: II y a sûrement un décalage...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre aurait un exemple?

M. DOZOIS: II y a actuellement une équipe de spécialistes, de fonctionnaires triés sur le volet qui étudient tout ce problème. Je peux citer un cas que je n'ai pas vérifié; la taxe foncière à Montréal est $1.30 et on dit qu'à Hampstead, elle est de $0.70. Evidemment, là on compare une petite ville...

M. LEVESQUE (Laurier): II n'y a pas beaucoup d'industries...

M. DOZOIS: ... où il n'y a pas d'industries, mais où il y a des résidences assez cossues. Je pense que la ville de Hampstead a le plus haut revenu moyen de toutes les villes du Canada. Ce qui permet d'avoir, pour les services que cette municipalité est appelée à donner à ses citoyens, un service de police réduit au minimum. Il en est de même pour le service d'incendie, etc.

Je pense qu'il y a quand même là un danger. Les administrateurs de la ville de Montréal sont conscients de ce danger et ils ne veulent pas augmenter de façon exagérée la taxe foncière. Je ne les blâme pas. Comme je le disais il y a un instant, ils se tournent donc vers nous, avec de nombreux citoyens, pour dire: Que Québec nous aide!

Je les comprends, et je dois dire qu'il m'est pénible de ne pouvoir me rendre à cette demande. Je le répète, je suis un Montréalais, un ancien membre du comité exécutif, j'ai vécu ces problèmes, je les ai vus poindre à l'horizon, et il m'est pénible d'être dans la situation de ne pouvoir accéder à cette demande. Montréal, je le répète, doit continuer à prospérer, et on doit lui fournir tous les outils nécessaires pour connaître une plus grande prospérité, qui se réflétera inévitablement sur la prospérité de l'ensemble de notre province.

Je sais que plusieurs, y compris les membres de l'Opposition, qui l'ont fait en d'autres circonstances, suggèrent que Québec partage avec les villes certains impôts, qu'on verse aux municipalités, entre autres à Montréal, une plus grande part de la taxe de vente. Je sais qu'on a dit, par exemple, qu'on n'aurait pas dû changer les dispositions de la taxe de vente et en laisser un tiers aux municipalités, plutôt qu'un quart.

On sait qu'un tiers représentait 2% de lataxe de vente perçue par la province, alors qu'un quart représente encore 2%. On a laissé entendre que si on avait maintenu ce tiers, cela aurait donné plus d'argent aux municipalités. C'est évident, cela leur aurait donné $40 millions de plus, mais $40 millions de moins dans les coffres de la province. Je reviendrai sur cet aspect.

On a suggéré de partager ou d'inclure, si l'on veut, la taxe des repas et la taxe des chambres d'hôtel à la taxe de vente, de façon que les municipalités participent également au partage de cette taxe, comme les municipalités participent au partage de la taxe de vente. Sur la même base, cela donnerait $13 millions de plus aux municipalités mais coûterait $13 millions au trésor provincial.

Si on appliquait le même partage quant à la taxe sur l'essence, cela coûterait $90 millions à la province, et cela donnerait $90 millions de plus aux municipalités. Je sais que plusieurs ont défendu cette thèse à l'effet que les villes devraient participer au partage de la taxe sur la gazoline, parce que cette taxe a été appliquée tout d'abord pour aider à la construction de routes et qu'une ville comme Montréal entretient un réseau routier considérable et a des véhicules qui ne sortent jamais des limites de la ville. Il serait peut-être justifié de répartir une partie de cette taxe, je l'admets. C'est même une thèse que j'ai déjà défendue personnellement.

D'autres suggèrent qu'on partage l'impôt sur le revenu. On nous a demandé, entre autres, de permettre que certaines villes prélèvent un impôt sur le revenu ou encore de partager les ressources fiscales de la province en donnant un subside aux municipalités, un subside de $10 par tête, comme on me l'a suggéré dans certains milieux. C'est encore $60 millions que cela nécessiterait, que la province n'aurait plus, mais qui serait au service des municipalités.

Il y a ceci, cependant. C'est que si Québec débourse aux municipalités $10 millions, $20 millions, $30 millions, $50 millions ou $100 millions, Québec doit se procurer cet argent. Malheureusement, je n'en imprime pas. Je le regrette, j'aimerais peut-être avoir un tel pouvoir, ça réglerait une foule de problèmes et je vous dis que je m'endormirais peut-être beaucoup plus tôt, le soir, lorsque je me couche.

M. LESAGE: Vous avez tort, prenez des pilules, dormez bien.

M. DOZOIS: Oui, la meilleure pilule, cela serait que je trouve l'argent pour administrer la province et répondre à toutes les demandes que nous recevons.

M. LESAGE: Oui, mais à défaut de ça, avez-vous pensé à Caouette?

M. DOZOIS: Oui, je vois que le chef de l'Opposition y pense peut-être plus que moi. Disons que lui, il y pense et moi, je ne l'oublie pas.

Je dis que, quel que soit le montant, dans les circonstances actuelles, que ce ne soit que $10 millions, si je le prends dans le trésor provincial, comme ministre des Finances, pour le donner aux municipalités, je dois me procurer cette somme. Que voulez-vous, comme ministre des Finances, je ne dispose que des ressources fiscales et des emprunts.

Dois-je augmenter les impôts de la province pour les remettre aux municipalités? Ce serait peut-être une solution. Mais, puis-je, comme ministre des Finances, augmenter davantage la taxe de vente de 8%? Je reconnais que c'est un des taux les plus élevés en Amérique. Je le reconnais. Puis-je élever cette taxe de 8% sur les repas et les hôtelleries? On connaît les récriminations que ces taxes causent.

L'impôt sur le revenu? Nous avons ajouté, sur une base temporaire, au dernier budget, une surtaxe de 6%.

L'impôt sur les corporations? Il y a peut-être des possibilités, mais ce ne serait pas objectif de la part du gouvernement ou de n'importe quel gouvernement d'augmenter cet impôt à moins qu'il y ait une entente avec les autres provinces. Chose que je n'écarte pas comme possibilité, M. le Président, mais pour le moment, je ne peux recourir à une telle augmentation de taxe.

La taxe sur la gazoline? Nous maintenons un différentiel de un cent avec l'Ontario. On nous a prévenu qu'un différentiel plus considérable occasionnerait une perte de revenus pour la province, parce que les camionneurs s'approvisionneraient en Ontario avant de traverser les frontières du Québec, qu'un différentiel d'un cent, ne présente pas ce danger, mais que deux cents le présenterait.

M. le Président, il faut être prudent. Le raisonnement que je faisais tout à l'heure pour la ville de Montréal à l'effet qu'elle ne peut pas se placer dans une situation concurrentielle inférieure à ses concurrentes, vaut pour nous aussi, comme province, car nous ne pouvons pas nous placer dans une situation concurrentielle inférieure. Je sais que des projets d'installations industrielles au Québec se font souvent en calculant les impôts qu'auront à payer ces gens, et nous pourrions être dans un cercle vicieux si nos taxes sont tellement élevées que nous ralentissons l'économie de la province et en ralentissant l'économie de la province, le retour des taxes est moins considérable, et, le retour des taxes étant moins considérable, nous ne pourrions faire face non seulement aux nouvelles obligations que nous devons assumer mais aux obligations que nous assumons présentement.

M. le Président, on a suggéré — et je dois vous dire que j'y ai pensé souvent — qu'on doit repenser notre système fiscal. On a dit que le rapport Bélanger devrait être appliqué dans son intégrité. Je dois dire qu'il reste peu de choses à prendre dans les recommandations du rapport Bélanger. C'est-à-dire qu'une foule d'entre elles ont été appliquées par nous ou par l'ancien gouvernement.

Ce qui reste à faire pour appliquer certaines recommandations du rapport Bélanger, devrait être fait en collaboration avec d'autres provinces ou avec le fédéral.

Il y a, par exemple, dans ce rapport, une recommandation d'appliquer la taxe sur les gains de capital. C'est évident que la province de Québec ne peut pas appliquer une telle réforme fiscale sans le faire de concert avec les autres provinces ou avec le fédéral. Autrement, on verrait une fuite de capitaux du Québec et même des gens possédant de tels capitaux fuir la province de Québec. Non seulement, nous mettrions une barrière qui empêcherait d'en attirer d'autres, mais nous ferions fuir du Québec les gens qui possèdent des capitaux.

Ces améliorations contenues dans le rapport Bélanger pourront être faites, mais en coopération avec les autres provinces et avec le gouvernement fédéral.

M. le Président, je pourrai en parler en d'autres occasions, car j'ai en main un rapport qui m'a été remis récemment — ce serait trop long de le commenter ce matin — sur les recommandations du rapport Bélanger. On y parle de ce qui a été fait; de ce qui n'a pas été fait et, quand ça n'a pas été fait, on dit pourquoi.

Je ne voudrais pas laisser croire, cependant, que tout ce qui n'a pas été fait, c'est parce que ce n'était pas possible de le faire. J'admets que certaines recommandations du rapport Bélanger ne rencontraient pas les vues du gouvernement ou la politique fiscale que nous préconisons.

Nous n'avons pas voulu — et nous avons étudié cette question — étendre la taxe de vente aux services. Je ne dis pas que c'est une décision ferme, pas plus que je ne veux laisser croire

aujourd'hui que cette modification sera incluse dans le prochain budget. Je dis que, jusqu'à présent, nous avons étudié cet aspect de la taxe de vente et que nous n'avons pas voulu aller plus loin que cet article du rapport Bélanger, qui recommandait d'augmenter le taux de la taxe de vente.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est quasiment le début du discours du budget, c'est vrai,

M. DOZOIS: J'ai dit, au début de mes remarques, que le discours que je faisais ce matin était presque aussi important qu'un discours que je ferais à l'occasion du budget. C'est pour cela que j'ai demandé l'attention des membres de cette Chambre, de même que la bonne compréhension des représentants de la presse.

J'aurai sûrement l'occasion, M. le Président, de reprendre ces commentaires sur l'application du rapport Bélanger. Je suis prêt à recevoir des suggestions à ce sujet, car je suis conscient de ce problème et je voudrais, dans la mesure où c'est possible, le résoudre à l'avantage de tous. Je le répète, je ne veux pas régler un problème uniquement pour procurer des avantages à un parti politique. Je pense qu'on peut s'élever, dans une question aussi cruciale que celle-là, au-dessus des considérations partisanes, car c'est toute l'économie de notre province qui est en jeu.

Alors, c'étaient les commentaires que je voulais faire sur la politique fiscale. J'ai parlé également des emprunts. Or, les emprunts, on le sait, doivent couvrir la marge établie par l'insuffisance de revenus pour faire face aux dépenses ordinaires et aux dépenses en immobilisation. Lors du discours du budget, j'ai annoncé pour la province un programme d'emprunt de $240 millions. Or, actuellement, au moment où je vous parle, nous avons emprunté $299 millions. J'ai donc dépassé ce programme de $59 millions. On dira que c'est beaucoup. Bien sûr, c'est beaucoup, mais il m'en faudrait davantage comme ministre des Finances.

Et, encore une fois, je ne veux blâmer qui que ce soit. Il est probable que, dans des circonstances semblables, j'aurais agi comme on a agi dans le passé. Je dois, cependant vous rappeler que, lors du débat sur l'adresse en réponse au discours du trône, en 1966, j'avais décrit dans quelle situation se trouvait le fonds de roulement, à cette époque. Vu qu'on faisait face à un marché qui était probablement ascendant à cette époque. On avait emprunté $449 millions, alors que le programme prévoyait $600 millions. Je ne prétends pas qu'on aurait dû emprunter ces $150 millions au total. Les $449 millions qui avaient été empruntés n'étaient pas suffisants pour couvrir les déboursés du gouvernement du temps: dépenses ordinaires en immobilisation et dépenses extrabudgétaires. Si bien que le fonds de roulement a été réduit. Nous avons recommencé au mois de septembre 1965 à utiliser les bons du trésor, pratique que je ne peux pas blâmer, mais qui dénote, cependant, que le fonds de roulement était moins plantureux qu'auparavant.

M. LESAGE: Evidemment, quand le ministre parle d'un programme d'emprunts de $240 millions et d'emprunts, jusqu'à aujourd'hui, de $299 millions, il ne parle pas des bons du trésor?

M. DOZOIS: Non.

M. LESAGE: Il n'inclut pas les bons du trésor?

M. DOZOIS: Non, pas du tout.

M. LESAGE: Bon. Ce sont des emprunts à long ou moyen termes.

M. DOZOIS: A long terme ou à moyen termes.

M. LESAGE: C'est cela.

M. LEVESQUE (Laurier): Là-dedans, dans les $240 millions...

M. LESAGE: C'est ce qu'on appelle le programme d'emprunt, qui n'a rien à faire avec l'émission de bons du trésor.

M. DOZOIS: Pas du tout. Mais cela a créé une situation telle, lorsque nous avons pris le pouvoir, que nous avons tenté de modifier le budget parce que les conditions du marché d'emprunt devenaient de plus en plus difficiles. Nous avons, je l'ai dit en d'autres circonstances, à même ce programme d'emprunt de $600 millions, quand même réussi à emprunter $525 millions. C'était un effort suffisant, satisfaisant, dans les circonstances, tenant compte des conditions du marché, car, une seule fois - je l'ai dit dans le discours du budget — au cours des six années précédentes, on avait dépassé ce montant. On avait emprunté $529 millions. Dans cette première année, nous avons réussi, malgré des conditions excessivement difficiles, à emprunter $525 millions.

M. LEVESQUE (Laurier): Evidemment, l'Hydro est inclus.

M. DOZOIS: Les $525 millions comprennent l'Hydro.

M. LEVESQUE (Laurier): Combien l'Hydro ajoute-t-elle, cette année, pour que nous puissions comparer le total?

M. DOZOIS: Cette année, le programme de l'Hydro était de $210 millions. Nous avons tout lieu de croire que l'Hydro pourra atteindre ce niveau d'emprunt.

M. LEVESQUE (Laurier): Il n'est pas question de le dépasser, mais de l'atteindre.

M. DOZOIS: Non, elle a besoin de ces $210 millions pour son programme d'expansion.

M. LESAGE: Pendant que le ministre fait une pause, parce que je ne veux pas le déranger lorsqu'il suit le cours normal de son exposé, pourrais-je lui demander si cette obligation de dépasser le programme d'emprunt, jusqu'à aujourd'hui, d'une somme de $59 millions, a été principalement causée par une diminution des revenus par rapport à l'estimation des revenus, ou principalement par une augmentation des dépenses par rapport à l'estimation des dépenses?

M. DOZOIS: M. le Président, je suis très heureux qu'on me pose la question. Les revenus sont légèrement supérieurs à ceux que nous avions prévus. Cependant, les dépenses sontplus considérables.

M. LESAGE: Le budget supplémentaire nous indiquera-t-il les postes?

M. DOZOIS: Nous avons déjà eu un budget supplémentaire d'une trentaine de millions...

M. LESAGE: Oui.

M. DOZOIS: ... avant l'ajournement de la session. J'apporterai demain un budget supplémentaire...

M. LESAGE: Demain ou cet après-midi?

M. DOZOIS: Demain ou cet après-midi, mais j'espère que ce sera cet après-midi.

M. BOURASSA: De quel ordre? Est-ce que c'est trop prématuré?

M. DOZOIS: J'allais le dire. J'apporterai un budget supplémentaire d'environ $35 ou $40 millions. Je vous préviens. Ce budget supplémentaire, seulement au poste du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, réclame $31 millions de plus.

M. LEVESQUE (Laurier): Pour l'assistance? M. DOZOIS: Pour l'assistance sociale. M. LESAGE: C'est clair. M. BOURASSA: Nous en parlerons bientôt.

M. DOZOIS: Oui. Pour l'assistance sociale, $31 millions de plus. Nous prévoyons peut-être même un dépassement de $39 millions. Mais, comme les Chambres se réuniront de nouveau avant la fin de l'année financière, nous adopterons un autre budget supplémentaire, s'il y a lieu.

Je reviendrai sur cet aspect des finances de la province, mais pour l'instant, je veux revenir à cette question des emprunts. Je dépasse actuellement les emprunts de $59 millions. J'avertis immédiatement la Chambre que j'espère les dépasser davantage, précisément pour remplumer le fonds de roulement, car il faut bien concevoir que les sorties de la caisse ne correspondent pas nécessairement aux entrées de fonds.

M. LESAGE: Pas le même jour.

M. DOZOIS: Cela n'arrive pas le même jour. Souvent, cela n'arrive même pas le même mois.

M. LESAGE: J'ai dit le même jour. J'ai donné ça comme image.

M. DOZOIS: Oui, oui. Il y a des mois, M. le Président, où mon sous-ministre et mon comptable s'arrachent les cheveux; moi, je ne me les arrache pas, parce que je n'en ai plus. Et je dois confesser en toute candeur que nous sommes parfois obligés de retarder des paiements. Je pense qu'on ne m'accusera pas, quand je fais un tel aveu, de mauvaise administration. Que voulez-vous, le fonds de roulement est trop petit, malgré que nous ayons réussi à augmenter notre marge bancaire de bons du trésor.

M. LESAGE: De combien est-elle maintenant?

M. DOZOIS: Elle est de $100 millions. M. LESAGE: Elle est de $100 millions.

M. DOZOIS: Oui, alors qu'elle était de $50 millions...

M. LESAGE: Je le sais.

M. DOZOIS: ... elle est de $100 millions. Malgré tout ça, lorsque nous recevons une avalanche de demandes de paiement pour les subventions aux commissions scolaires, les pensions, etc., à certains moments nous sommes obligés, parce que cette marge bancaire est épuisée, de retarder de quelques jours les paiements. M. le Président, j'estime que ce n'est pas sain et qu'il me faudrait encore $50 millions ou $60 millions. Je comprends que je fais des aveux qu'on qualifiera peut-être d'imprudents, qu'on qualifiera peut-être de propos susceptibles d'effrayer les financiers. Je pense cependant qu'on comprendra la situation. On ne peut pas administrer un organisme aussi important que la province de Québec avec un fonds de roulement qui était peut-être suffisant il y a cinq ans ou dix ans, mais qui, devant l'ampleur des transactions financières que je suis appelé à faire comme ministre des Finances, est nettement insuffisant. Pour ce qui est de l'augmentation des emprunts sur le programme prévu, tenant compte des conditions actuelles, tenant compte des ouvertures dont nous avons su bénéficier sur les marchés européens, si je peux dépasser davantage ce chiffre d'emprunt, je le ferai, précisément, M. le Président, pour remplumer le fonds de roulement de la province.

M. LESAGE: Cela va être difficile parce qu'il y a déjà $30 millions de budget supplémentaire, un autre montant de $40 millions aujourd'hui ou demain, et le ministre en prévoit un autre avant la fin de l'année financière.

M. DOZOIS: Peut-être, oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que l'augmentation des revenus est un peu importante par rapport aux prévisions?

M. DOZOIS: Pardon?

M. LEVESQUE (Laurier): L'augmentation des revenus par rapport aux prévisions, est-ce qu'elle couvre quelque chose, d'après vous?

M. DOZOIS: Non, non...

M. LESAGE: Le ministre a dit: Légère augmentation.

M. DOZOIS: Oui.

M. BOURASSA: Un ou deux pour cent?

M. DOZOIS: Je ne le sais pas en pourcentage, disons que c'est une augmentation, mais que l'augmentation est légère.

M. BOURASSA: L'an dernier, elle avait été de 2% ou 3%.

M. DOZOIS: Devant cette situation, je sais qu'on me parlera de gaspillage dans l'administration.

J'estime qu'en très grande majorité, les fonctionnaires sont honnêtes, dévoués et loyaux. Du gaspillage, il y en a sûrement. Je n'ai pas la candeur d'affirmer dans cette Chambre qu'il n'y a pas de gaspillage, lorsqu'un organisme comme le nôtre a, à son service, 40,000 ou 50,000 employés et que son administration est disséminée aux quatre coins de la province. Je ferais rire de moi si j'affirmais en cette Chambre qu'il n'y a pas de gaspillage. Dans toutes les grandes organisations, sans mentionner de nom, qu'on prenne les grandes banques, les chemins de fer, ou des organismes de cette envergure comme la ville de Montréal qui a quinze ou vingt mille employés, il y a inévitablement du gaspillage.

Cependant, nous nous efforçons de rendre les contrôles plus sévères par le Conseil de la trésorerie qui a été créé par l'ancienne administration. Nous avons conservé les mêmes méthodes et, les arrêtés ministériels qui avaient été passés et qui avaient institué précisément ces contrôles, n'ont pas été aboli. Au contraire, nous en avons passés d'autres. Nous avons, avec l'expérience qui nous est fournie quotidiennement par des employés du contrôleur, établi des contrôles plus sévères.

Au fur et à mesure que nous nous rendons compte qu'il peut y avoir des abus, du gaspillage ou un manque de contrôle budgétaire, nous resserrons constamment tous ces contrôles. Je dois dire que je suis très bien servi, j'ai une collaboration de première classe de tous les hauts fonctionnaires du Conseil de la trésorerie et je dois vous dire que je n'en ai aucun nouveau, depuis que je suis là. C'étaient tous des employés qui étaient chez le contrôleur avant le 5 juin 1966. Ce sont d'excellents employés et je les félicite, je les remercie de leur collaboration. Je peux compter sur eux entièrement et complètement.

A part du gaspillage, M. le Président, je pense qu'il appartient à une administration comme la nôtre de tenter d'améliorer l'ordre administratif, de mettre plus d'efficacité. L'ancien gouvernement l'a fait, et nous avons continué à le faire depuis avril 1967. Plus de 20 groupes d'experts ou de conseillers en administration ont travaillé

sur place et ont fait des améliorations, ont suggéré des améliorations. Un groupe a été engagé récemment pour mécaniser tout le contrôle du ministère du Revenu. Que voulez-vous, jusqu'à maintenant, ça avait été fait, ce qu'on appelle à la mitaine, alors que dans d'autres juridictions, on l'avait mécanisé. Le ministère du Revenu n'était pas encore prêt. Cette année, on nous a demandé les crédits nécessaires et nous avons retenu une firme qui nous était recommandée par M. Després, et nous lui avons confié le mandat. Nous espérons que, d'ici un an ou un an et demi, la mécanisation sera installée à ce ministère et le contrôle des revenus se fera d'une façon beaucoup plus efficace.

Nous faisons notre possible dans ce domaine. Je pense qu'il est de notre devoir de faire tout ce que nous pouvons, premièrement, pour éviter le gaspillage car nous administrons les fonds publics, les taxes des citoyens et aussi pour tenter d'améliorer les méthodes administratives.

Je vous préviens que nous étudions présentement l'engagement d'autres groupes pour améliorer d'autres secteurs de l'administration. Nous ne reculons devant rien. Nous avons été satisfaits, jusqu'à présent, des firmes qui ont été engagées sous l'ancien gouvernement et nous les avons gardées. Nous avons reçu des rapports qui nous ont aidés grandement à améliorer nos méthodes d'administration, et c'est dans cette voie que nous nous dirigeons.

En dépit de tous ces efforts de contrôle du salaire et de l'application de meilleures méthodes, les dépenses gouvernementales montent en flèche. Dans les trois domaines prioritaires: l'éducation, le bien-être social et la santé, nous sommes en face de hausses constantes des coûts.

A l'éducation, M. le Président...

M. LESAGE: Est-ce que je pourrais attirer l'attention du ministre sur un point? Il est près d'une heure et il veut commencer un chapitre. Si nous suspendions la séance immédiatement, il ne serait pas obligé de couper son intervention dans le milieu d'un chapitre.

M. DOZOIS: Très bien. Alors, je demande la suspension du débat, M. le Président. Je remercie le chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: Jusqu'à quelle heure ? M. DOZOIS: Jusqu'à 2 h 30 ou 3 heures? M. LESAGE: Trois heures?

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois heures.

Reprise de la séance à 15 h 5

M. LEBEL (président): Al'ordre, messieurs! L'honorable ministre des Finances.

M. DOZOIS: M. le Président, avant de reprendre mes commentaires où je les avais laissés à l'ajournement, je voudrais faire une remarque — je la fais en bonne part et j'espère qu'on l'acceptera avec l'esprit dans lequel je la fais — à l'effet que je suis informé, à tort ou à raison — je n'ai pu vérifier —qu'unou des journalistes — je n'accuse personne en particulier — s'apprêteraient à faire un titre flamboyant des propos que j'ai tenus ce matin pour dire que la situation financière de la province de Québec serait dans un état épouvantable.

M. LESAGE: Votre description n'était pas teintée d'un rose flamboyant.

M. DOZOIS: Non, je l'admets. Tout ce que je demande — je n'ai pas l'intention de diriger l'information à laquelle le public a droit — c'est qu'avant de tirer des conclusions et de titrer les nouvelles, on entende la fin de mon exposé. C'est raisonnable, je crois.

Je soutiens que la situation financière de la province de Québec est peut-être difficile, qu'elle fait peut-être passer au ministre des Finances des heures pénibles, mais je ne veux pas qu'on nous qualifie, en somme, d'insolvables. Ce n'est pas vrai.

Nous pouvons être gênés momentanément parce que l'argent n'entre pas à flots comme nous voudrions qu'il entre, mais j'estime que, dans les circonstances, il faut être prudent et ne pas faire à la province une réputation qu'elle ne mérite pas. J'estime que la province de Québec est capable de faire face à ses obligations, qu'elle fera toujours face aux emprunts qu'elle contracte, que la population saura toujours faire les sacrifices qu'elle doit faire pour maintenir le progrès, le progrès à tous les points de vue, le progrès économique. Surtout, je pense qu'on peut avoir confiance en la population.

Je suis sûr que les gouvernements qui se succéderont sauront faire face aux situations qui se présenteront, comme ceux qui ont dirigé les affaires de cette province dans le passé.

Après cette remarque, je voudrais reprendre mes commentaires de ce matin. Si je me rappelle bien, je disais: En dépit de tous les efforts, de contrôles plus sévères et de l'application de meilleurs méthodes, les dépenses gouvernementales montent en flèche.

Je vous signalais que, dans les trois domaines prioritaires: l'éducation, le bien-être social

et la santé, nous étions en face de hausses constantes des coûts.

Je voudrais, M. le Président, vous référer à un document qui a été distribué en cette Chambre, au mois de janvier 1964. Il s'intitule: « Etudes et documents » et porte la date de janvier 1964. Le ministre de l'Education du temps, le député de Vaudreuil-Soulanges, nous avait distribué cette étude qui nous donnait une projection des coûts de l'enseignement au Québec, à compter de 56/57 jusqu'en 66/67. Nous étions, à cette époque, en 1964. Je pense qu'il y a tout lieu de croire que, lorsque ce document a été préparé, c'était, au moins, dans les trois ou quatre derniers mois de l'année 1963.

On constate qu'en 63/64 le coût total prévu était de $823 millions. Je précise que ce document portait sur l'ensemble de l'éducation, tant pour les commissions scolaires et les écoles du gouvernement que pour les institutions privées et les universités. Il ne s'agit pas seulement du secteur strictement public.

Or, le document fait une projection quant aux coûts. On prévoyait $823 millions, en 63/64, et on estimait que l'éducation coûterait, en 66/67, soit trois ans plus tard, $1,203,000,000. J'ai demandé au ministère de l'Education, en prenant ce document comme base, de tenter d'établir comment cette projection s'est réalisée dans le temps. En 63/64, le coût s'est finalement établi à $819 millions au lieu de $823 millions. En 66/67, cela a coûté $1,226,000,000, alors que la projection qu'on faisait trois ans plus tôt prévoyait $1,203,000,000. Une erreur de $23 millions.

M. LESAGE: Sur une somme de $1,226,000,000, ce n'est pas énorme.

M. DOZOIS: Oui. C'est pour dire que ces projections étaient assez justes. Cela dénote cependant à quel rythme...

M. LESAGE: Oui, oui.

M. DOZOIS: ... le coût de l'éducation augmente dans la province de Québec. Et depuis...

M. LESAGE: C'était quand même prévu.

M. DOZOIS: Oui.

M. LESAGE: Assez justement.

M. DOZOIS: Assez justement. Et, depuis ce temps, la progression a continué et, pour 68/69, l'on prévoit que, sur la même base, le coût de l'éducation s'établira à $1,545,000,000.

M. LEVESQUE (Laurier): Quelle est la projection pour cette année-là, juste pour voir si ça se tenait?

M. DOZOIS: Non, non. Le document faisait une projection jusqu'en 66/67.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah, c'est très bien.

M. DOZOIS: Or, M. le Président, enpassant, je dois vous signaler que, d'une façon constante, depuis 62/63, la proportion des salaires, dans le coût de l'éducation, s'établit à 70%. En 62/63, les salaires représentaient $499 millions, sur une dépense totale de $713 millions, soit 70%. Et cette année, 68/69, les salaires s'élèveront à $1,081,000,000, soit 70% de $1,545,000,000.

M. LEVESQUE (Laurier): Un milliard quoi?

M. DOZOIS: $1,081,000,000. C'est donc dire que cela dénote que le coût de ces services augmente beaucoup plus rapidement que l'économie de la province. Quant au bien-être social, M. le Président, je ne veuxpas, au sein de cette Chambre, faire une revue complète, mais prenons comme exemple l'assistance-chômage, qui est un des postes peut-être les plus coûteux de ce ministère.

En 60/61, on déboursait $28 millions pour 27,000 bénéficiaires. En 65/66, ce coût était monté à $72 millions. Vous voyez la progression: $28 millions à $72 millions, et le nombre de bénéficiaires 27,000 à 65,000. Depuis 65/66, cette augmentation se continue pour 68/69, et c'est une estimation, il en coûtera $158 millions pour 121,000 assistés.

M. BOURASSA: Cela a doublé depuis deux ans?

M. DOZOIS: Cela a doublé depuis deux ans.

M. LAFRANCE: Est-ce que cela comprend les allocations familiales?

M. DOZOIS: Cela a doublé depuis deux ans. Non, cela n'est pas compris.

M. LAFRANCE: Non.

M. DOZOIS: Seulement l'assistance-chômage.

M. BOURASSA: C'est le chômage que vous avez réduit, ça?

M. DOZOIS: Nous voyons que cela part de

$28 millions pour monter à $72 millions et de $72 millions à $158 millions, c'est-à-dire plus de deux fois et demie en cinq ans et le double, au bout de trois années de fonctionnement Quant à la santé, le coût s'élevait à $23,594,000 dans les hôpitaux psychiatriques, en 1962-1963; en 1965-1966, $52 millions; en 1968-1969, $87 millions. Je pourrais vous donner le nombre de lits, de même que le nombre de patients en pension. Cela n'a pas changé tellement. De 20,075 lits, en 1962-1963, c'est maintenant 23,000 sujets si l'on compte le nombre de lits et le nombre de patients en pension.

Quant à l'assurance-hospitalisation, en 1962, elle a coûté $170 millions. En 1966, $344 millions; en 1968, $432 millions. On voit la montée en flèche de ces coûts. Je pourrais faire...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que je pourrais avoir les chiffres de 1962-1963, pour l'hospitalisation seulement?

M. DOZOIS: Pour l'hospitalisation, en 1962, $170,356,000. En 1966, est-ce que le député de Laurier l'a?

M. LEVESQUE (Laurier): Oui.

M. DOZOIS: Je pourrais faire le tour de tous les ministères et vous faire part d'augmentations proportionnellement tout aussi spectaculaires. Nous réduisons souvent des demandes de crédits très légitimes pour ne pas alourdir davantage notre budget. Nous ne pouvons malheureusement pas accepter toutes les demandes et toutes les exigences de la population, même si elles sont des plus légitimes. Prenez, entre autres, la pollution des eaux. Je pense que c'est un problème qui préoccupe tous les citoyens de cette province. C'est un problème grave. A mon avis, on est en train de détruire une richesse naturelle.

Alors que j'étais ministre des Affaires municipales, j'avais demandé à la Régie des eaux de faire un plan pour régler — ou, du moins, une amorce de règlement — cette question qui est très grave. L'on m'a fait un plan pour lutter contre la pollution des eaux. De 1967 à 1981 — c'est-à-dire pour une période de 14 ans — le coût estimé était d'un milliard de dollars. Il faudrait donc dépenser quelque chose comme $70 millions de dollars par année, pendant 14 ans, pour régler le problème de la pollution, avec les connaissances que nous avons du problème dans le moment. C'est une demande légitime de la part du ministère des Affaires municipales et de la Régie des eaux.

Je le dis et je le répète, nous sommes tous conscients que c'est là un problème très grave, mais $1 milliard ça ne se trouve pas n'importe où et n'importe quand, M. le Président.

Je me rappelle qu'au mois de février dernier, la Chambre de commerce de la province de Québec, dans son mémoire annuel, nous demandait toutes sortes de réformes dans l'administration de la province. Il y avait des suggestions fort heureuses, mais la demande principale que nous faisait la Chambre de commerce, c'était un programme de voirie. Un programme de voirie, non pas projeté pour 15 ou 20 ans, mais pour très bientôt, très prochainement, et qu'une estimation très conservatrice a fixé à $1 milliard. C'est évident, des routes, c'est nécessaire et ça assure le développement économique de la province de Québec. Je suis entièrement favorable à un tel programme, mais débourser $1 milliard dans l'espace de quelques années pour améliorer notre système routier, exige quand même que le ministre des Finances se procure les fonds nécessaires, soit par des taxes, soit par des emprunts.

M. le Président, je pourrais vous citer d'autres demandes qui nous viennent de tous les secteurs de la population. Et je sais qu'il y a de la place pour toutes sortes d'améliorations. Ce sont toujours des demandes très justifiées, mais je pense quand même qu'il va falloir garder de la mesure, car, inutile de se leurrer, Québec n'a pas les moyens de se payer les plus belles routes du monde. Elle n'a pas les moyens de se payer les plus beaux théâtres. Elle n'a pas les moyens de se payer les meilleurs orchestres symphoniques du monde. Elle n'a pas les moyens de se payer les plus belles écoles. Je ne parle pas du nombre d'écoles, ni de la grandeur de nos écoles pour accommoder tous les enfants qui doivent les fréquenter, mais je dis que nous n'avons pas les moyens de nous payer les plus belles écoles du monde, pas plus que nous n'avons les moyens de nous payer les plus beaux campus universitaires, ni de payer les meilleurs salaires au monde.

Je le répète, sachons garder de la masure. M. le Président, récemment, l'Orchestre symphonique de Montréal a fait un appel assez pathétique au public. Les dirigeants de l'Orchestre symphonique ont dit: Si la population ne nous aide pas, l'Orchestre symphonique disparaîtra.

On a bien mentionné que les gouvernements aidaient l'Orchestre symphonique, mais je ne me rappelle pas avoir vu dans les journaux que l'on disait dans quelle mesure cet organisme était aidé par les gouvernements.

Remarquez, M. le Président, je ne suis pas

contre, au contraire ! J'ai toujours personnellement encouragé et aidé l'Orchestre symphonique.

Je pense que c'est nécessaire, dans une ville comme Montréal, que nous ayons un orchestre symphonique qui ajoute du lustre à la métropole du pays, qui procure à un secteur important de la population une distraction qui lui convient. Tout le monde ne peut pas aimer que le hockey ou le baseball. Les amateurs de musique ont droit, eux aussi, aux loisirs de leur choix.

Mais je veux tout de même vous signaler qu'en 1961, l'Orchestre symphonique de Montréal recevait du Conseil des arts du Canada$30,000, de Québec $15,000, et du Conseil des arts de Montréal, $45,000, soit un total de $90,000. L'on recevait, de plus $56,000, de dons du public, et l'orchestre bouclait son exercice. En 1962, cela monte à $110,000. En 63/64, à $120,000; en 64/65, à $154,000; en 65/66, à $265,000; en 66/67, à $380,000; en 67/68, à $490,000; en 68/69, à $515,000. C'est-à-dire $265,000 du Canada, $130,000 de la province, $120,000 du Conseil des arts de Montréal, pour un total de $515,000. Or, on nous a annoncé qu'il y aurait, malgré ces subventions substantielles, un déficit de $200,000.

Je me suis demandé ce qui ne marchait pas, car j'avais reçu une demande au conseil de la trésorerie, en tant que président de ce conseil.

Il faudrait garantir le déficit en question, sinon l'orchestre disparaîtrait. Je me suis enquis de ce qui existait à Toronto.

En 65/66, à Toronto, on recevait du Canada $100,000, de la province $42,500, du municipal $43,500, soit un total de $186,000, comparé pour la même année à $265,000 pour Montréal. En 68/69, chez nous, $515,000, à Toronto, $410,000, c'est-à-dire à Toronto $250,000 du fédéral, et à

Montréal, $265,000 de la province d'Ontario, $100,000 et de la province de Québec, $130,000. Du municipal; $60,000 de la ville de Toronto, $120,000 de la ville de Montréal.

Je ne sais pas, je n'apporte pas de réponse, je ne veux pas critiquer les administrateurs. Je sais que ces gens servent bénévolement, mais il reste quand même, dans l'espace de quelques années, que les subventions à cet organisme montréalais sont passées de $120,000, il y a à peine cinq ans, à $515,000, et malgré ces $515,000, il y a un déficit de $200,000. Je vous le cite, non pas pour critiquer ces gens. Je le répète, je suis favorable à un orchestre symphonique, mais uniquement pour vous montrer l'augmentation des coûts et à quelle sorte de dépenses nous faisons face.

Je sais que mon collègue des Affaires Culturelles encourage fortement et recommande souvent des subventions, à toutes sortes de groupes artistiques, qui me surprennent et me font même sursauter.

Il veut encourager les arts mais il se produit que dans ce domaine, nous sommes en concurrence avec le gouvernement d'Ottawa, qui, lui, ne manque pas d'argent, et qui veut...

M. LESAGE: Ce n'est pas ce qu'il dit.

M. DOZOIS: Oui, mais apparemment, il n'en manque pas pour s'ingérer dans des juridictions que, nous, nous prétendons être nôtres. Il prend cet argent et offre des subventions telles que si nous ne le suivons pas sur ce terrain, c'est le fédéral qui l'occupera, ce terrain. C'est un exemple du gouvernement fédéral qui empiète sur des domaines que nous voulons conserver et qui nous force souvent à faire des dépenses que nous pourrions peut-être limiter un peu plus. Mais nous faisons face à la concurrence du gouvernement d'Ottawa qui veut à tout prix prendre notre place dans ce domaine vital de la culture. Je félicite notre collègue de faire face à cette tendance et de tenter de la combattre.

Il y a un autre domaine qu'il est peut-être délicat de toucher présentement, mais j'ai dit tout à l'heure que nous ne pouvions pas, ou n'avions pas les moyens de nous payer tout ce qu'il y a de plus beau. Il faut quand même nous regarder et essayer d'apprécier quelle est notre capacité de payer, quelle est notre mesure.

Il y a le domaine des salaires. Je ne dis pas cela parce qu'il y a actuellement des négociations en cours. Si on attendait qu'il n'y ait pas de négociations en cours, on ne pourrait jamais parler de cette question parce qu'il y en a tout le temps. La ville de Montréal fait face présentement à des demandes d'augmentations spectaculaires. Je répète que nous n'avons pas les moyens de payer les meilleurs salaires au monde. C'est ce qui se produit dans bien des domaines.

Prenons le domaine des enseignants, précisément. On me contredira peut-être, mais je ne prétends pas que les chiffres que je donnerai sont valables pour toutes les échelles des professeurs. Je vous cite quelques échelles. D'autres échelles sont peut-être inférieures, mais cela indique cependant que d'une façon générale, les salaires que nous offrons se comparent avantageusement avec cent des autres villes du Canada et même des Etats-Unis.

Prenons un professeur qui a quinze ans de scolarité et un an d'expérience. Actuellement, à la table des négociations, nous offrons $5,570 par année. A Ottawa, pour le même échelon, c'est $5,000. A Toronto, $5,200; à Vancouver, $5,400.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes dans la négociation provinciale?

M. DOZOIS: La négociation provinciale. M. HYDE: L'échelle n'est pas acceptée.

M. DOZOIS: Non, c'est ce qui est offert et qu'on ne trouve pas suffisant. Pour seize ans de scolarité et un an d'expérience, Québec offre $6,130, Ottawa, $5,400; Toronto, $5,600, Vancouver, $5,930.

Pour quinze ans de scolarité et sept ans d'expérience: Québec, $6,985; Ottawa, $7,100; Toronto, $7,400; Vancouver, $7,185. C'est un exemple qu'à certains niveaux ça peut être inférieur. Pour sept ans d'expérience et seize ans de scolarité: Québec, $7,665; $7,500, à Ottawa; $7,800, à Toronto; $7,974, à Vancouver. Pour quinze ans de scolarité et quinze ans d'expérience: $9,230, à Québec; $7,700, à Ottawa; $8,200, à Toronto; $7,950, à Vancouver. Pour seize ans de scolarité et quinze ans d'expérience: $10,070, à Québec; $8,700, à Ottawa; $9,500, à Toronto; $9,430, à Vancouver.

Si l'on fait des comparaisons pour cette dernière catégorie avec Los Angeles et New York, on constate que, dans le Québec, l'offre est de $10,070; à Los Angeles, $9,420 et, à New York, $11,150. Je vous signale, pour New York et Los Angeles, qu'il faut tenir compte que le coût de la vie est de beaucoup supérieur aux Etats-Unis qu'au Québec.

On a dit également qu'il y avait des difficultés dans cette négociation quant à la charge d'enseignement de ces professeurs. Or, 3 l'élémentaire, au Québec, c'est un maître pour 27 élèves; en Ontario, un pour 28; en Colombie-Britannique, un pour 30; au Nouveau-Brunswick, un pour 30; au Manitoba, un pour 28. Au secondaire, Québec, un pour 17 élèves; Ontario, un pour 20; Colombie-Britannique, un pour 21, Nouveau-Bruns-wick, un pour 19; Manitoba, un pour 20.

Il est évident que si, dans le Québec, nous sommes obligés de fournir des professeurs pour enseigner à 17 élèves au lieu de 20 ou de 21, cela prend un plus grand nombre de professeurs et cela rend le coût de l'enseignement beaucoup plus élevé dans le Québec qu'ailleurs. Je le répète, je ne suis pas contre le fait de payer des salaires décents. J'espère qu'un jour toute notre population pourra gagner suffisamment non seulement pour faire face aux augmentations du coût de la vie, mais pour pouvoir vivre décemment. Mais prenons garde! Nous sommes en train de vicier notre économie. Si nous ne prenons pas garde, notre économie va être dans un tel état que non seulement on ne pourra pas payer des salaires semblables, mais qu'il faudra faire face à une situation qui nous obligera à réduire ces salaires qu'on nous force à donner présentement.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre des Finances pourrait donner une évaluation, probablement unitaire, de ce qu'ajoute la différence d'un élève par professeur?

M. DOZOIS: $5 millions et demi.

M. LEVESQUE (Laurier): Un élève vaut $5 millions et demi sur cette base!

M. DOZOIS: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure); Le ministre permet-il une autre question pendant que nous sommes arrêtés un instant?

M. DOZOIS: Certainement.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Le ministre vient de donner un tableau comparatif des salaires payés à certaines catégories de citoyens au Québec par rapport à certaines catégories tant au fédéral que dans les autres provinces canadiennes.

Le ministre aurait-il un tableau comparatif du fardeau fiscal pour chaque catégorie de citoyens au Québec par rapport aux mêmes catégories de citoyens dans les autres provinces du Canada?

M. DOZOIS: Non, Je ne peux pas répondre au député de Bonaventure. Je pense qu'il pose là une question très intéressante. Je pourrai la relire attentivement.

M. LEVESQUE (Bonaventure): En d'autres mots, le citoyen québécois, qui doit payer des taxes tant au municipal qu'au provincial et au fédéral, est dans une situation relative plus ou moins bonne vis-à-vis des autres citoyens du Canada, qui ont, eux aussi, à faire face à des responsabilités semblables aux niveaux municipal, provincial et fédéral.

Ce qui m'intéresserait, ce serait un tableau qui donnerait, justement comme on l'a fait dans le domaine des salaires, la comparaison qu'il y a entre le fardeau fiscal actuel du citoyen québécois et le fardeau fiscal des autres citoyens du Canada.

UNE VOIX: Oui,... peut-être une réponse. M. MASSE: Si vous le permettez, M. le

Président, c'est une question que nous nous sommes posée dans le cours de l'année. Nous avons demandé des études pour tenter de répondre à une grande partie de cette question-là, à savoir si le coût des services publics au Québec est plus élevé per capita que dans les autres provinces.

Il semble que, jusqu'à maintenant, la réponse soit affirmative et que, per capita, les services publics au Québec, traitements, administration, subventions, etc., coûteraient plus cher qu'ailleurs. Mais, je le dis sous toutes réserves, l'étude est loin d'être terminée, parce que c'est assez difficile à réaliser, mais il semble que c'est oui.

Deuxièmement, pour le coût des enseignants, par professeur, c'est un peu plus que $5 millions, ça joue entre $8.5 millions et $9.5 millions, selon que c'est à l'élémentaire ou au secondaire.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas pondéré, je veux dire... ça joue entre 8 et quoi?

M. MASSE: Entre $8.5 millions et $9.5 millions, selon que c'est à l'élémentaire ou au secondaire.

M. LEVESQUE (Laurier): par élève? M. MASSE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Chaque élève qu'on enlève de la classe ou qu'on ajoute à la classe fait une différence de...

M. MASSE: C'est exactement ça. Passé de 1-27 à 1-28 et de 1-17 à 1-16, ça roule entre $8.5 millions et $9.5 millions.

M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, à la place du chiffre approximatif de 5.5...

M. MASSE: Oui, et cela ne tient pas compte de l'augmentation des coûts d'équipement. Parce qu'il est évident que s'il y a moins d'étudiants par classe, il y a plus de classes. Mais, ce montant ne tient pas compte des coûts d'équipement.

M. DOZOIS: M. le Président, il y a un autre secteur. Puisqu'il en est question présentement, je veux couper court à cette nomenclature qui peut être fastidieuse mais, nous sommes actuellement en négociations avec le secteur hospitalier. J'ai lu, ces jours derniers, que l'on prétendait que, dans la province de Québec, on payait des salaires de famine comparés à d'au- tres provinces. Rapidement, car je ne vous donnerai pas tous les chiffres que j'ai ici, j'en ai des pages et des pages, laissez-moi tout simplement vous signaler qu'au Québec la convention actuelle prévoit, pour une infirmière licenciée, un salaire hebdomadaire de $90 à $114, alors qu'à la B.C. Hospital Association, il est de $90 à $114, soit le même. Le « pay research » du bureau du Canada établit une moyenne, pour le Canada, de $90 à $109. Dans la fonction publique, l'échelle actuelle est, pour la classe 2, de $91 à $115, et pour la classe 1, de $109 à $132. Je pense que les salaires que nous payons actuellement au Québec se comparent avantageusement à ce qui se paie ailleurs.

Les techniciens de laboratoire au Québec: Echelle actuelle — je ne parle pas de ce qui est offert à la table de négociations, je l'ignore -mais l'échelle actuelle est de $90 à $105 par semaine. Elle est à la B.C. Hospital Association de $84 à $111, soit un minimum inférieur et un maximum supérieur. Quant à la fonction publique à l'heure actuelle, c'est de $89 à $114.

Pour les préposés à l'entretien ménager, je donnerai ces comparaisons pour un salaire horaire: Québec, convention actuelle:$1.52 à$1.65. B.C. Hospital Association: $1.33 à $1.62. Dans la fonction publique, l'échelle actuelle est de $1.86.

Et voici pour les cuisiniers des hôpitaux: L'échelle actuelle du salaire horaire est de $2.27 à $2.43, A la Saskatchewan Hospital Association, elle est de $0.95 à $2.62 comparé à $2.27 et $2.43. Dans la fonction publique, l'échelle actuelle est pour le niveau quatre de $2.30 et pour le niveau trois de $2.90.

Je pourrais continuer à fournir ainsi des comparaisons mais, je le répète encore uns fois, je serais le premier à me réjouir que le Québec paie les plus gros salaires, offre à ses citoyens des services de toute première qualité, qui dépasseraient tout ce qu'on peut obtenir dans les états les plus riches de nos voisins les Etats-Unis.

Mais, je dis: Revenons sur terre et tentons de nous faire un habit à notre mesure.

M. le Président, devant l'augmentation de ces coûts, et je ne le reproche pas, je pense qu'on a mis en marche des rouages qu'on peut difficilement arrêter, des dépenses qu'on peut difficilement comprimer. J'ai dit que je présenterai un budget supplémentaire, sur lequel je n'élaborerai pas. A l'occasion de ce budget, mon collègue, ministre de la Famille et du Bien-Etre social pourra donner des explications, mais il y a une augmentation, une projection de coûts de $39 millions au ministère de la Famille et du Bien-Etre social pour l'assistance-chômage.

Nous avions également une demande d'augmentation de crédits de $27 millions au ministère de l'Education pour la construction d'écoles parce que le programme a été accéléré pour pouvoir terminer à temps les constructions d'écoles pour les élèves qui entreront au mois de septembre prochain. Et ce programme qui avait été tracé depuis plusieurs années faisait partie d'un programme de deux ou trois ans, si bien que l'an prochain, le programme tracé était pour 123 écoles et s'élevait à $170 millions.

Je ne dis pas que ce programma a été accepté d'une façon définitive, mais nous l'avions accepté pour l'année en cours et nous avions mis en chantier 102 projets d'écoles en nous basant sur le fait que peut-être nous pouvions récupérer d'Ottawa $57,800,000, si je me rappelle bien. Or, j'ai reçu ces jours derniers une lettre de M. Benson m'informant que le montant qui était mis à la disposition de la province de Québec et qui, normalement, aurait dû s'élever à $80 millions l'an prochain, est réduit à $34 millions.

Ce qui veut dire que si nous voulions maintenir ce programme de construction, tenant compte des constructions qui sont actuellement en chantier et qui seront terminées au cours du prochain exercice, nous pourrions le faire, mais ça nécessiterait de la part du Québec un déboursé additionnel d'environ $50 millions. Il faudrait le débourser et le considérer comme compte à recevoir et si on nous limite à $34 millions par année, c'est dire que ce montant nous le récupérerons au complet dans deux ans et demi. Pendant ce temps-là, c'est le Québec qui devra le financer.

C'est pour cela, M. le Président, que dans le budget supplémentaire qui sera déposé probablement ce soir ou demain au plus tard, il n'y aura aucun versement additionnel de prévu pour la construction d'écoles, car j'ai dit aux fonctionnaires tant du ministère de l'Education que du ministère des Finances que dans les circonstances et vu cette lettre que j'ai reçue il y a deux jours à peine de M. Benson, il fallait reviser complètement tout ce programme de construction de nos écoles.

Il ne s'agit pas, encore une fois, de priver les enfants de locaux essentiels pour poursuivre leurs études, mais il faut quand même, si nous nous arrêtons à un programme de construction, que nous puissions faire face à ces dépenses.

M. le Président, j'ai peut-être été long, mais j'estimais qu'il était essentiel et nécessaire que je fasse cet exposé devant tous les collègues de cette assemblée et devant les représentants de la presse afin que tous soient saisis du sérieux de ce problème et qu'on réalise que ce n'est pas par fantaisie que le bill que nous étudions pré- sentement comporte les dispositions que vous savez.

C'est donc dans ce contexte que j'ai accueilli les demandes de la ville de Montréal. Tout d'abord à l'occasion d'une causerie que prononçait M. Saulnier au Board of Trade, il y a une couple de mois, je crois, il a fait un exposé de la situation et a laissé deviner qu'il viendrait frapper à notre porte. Vous me permettrez — et je le cite beaucoup plus pour m'amuser, M. le Président, que pour autre chose — quand M. Saulnier, à cette occasion, a rappelé qu'en 1966 il m'avait demandé, comme ministre des Finances, de lui abandonner 1% de la taxe de vente.

Je lui avais volé son idée et l'avais utilisée en appliquant une augmentation de 2%. Je vous dirai que cela m'a amusé. Cela a apparemment amusé d'autres personnes, puisqu'on a même fait des caricatures I ce sujet. Depuis, j'ai dit à M. Saulnier — je pense que mes collègues doivent le savoir — que lorsqu'il m'avait téléphoné au mois de décembre 1966, j'étais déjà plongé dans l'étude du budget de la province. Devant les besoins de la province à cette époque, j'avais discuté avec le premier ministre du temps, M. Johnson, de l'augmentation de la taxe de vente. Nous ne savions pas exactement à cette époque si elle serait de 1% ou 2%.

Tout ce que je pouvais dire à M. Saulnier, c'est la réponse que je lui ai faite à l'époque, car vous savez que je ne suis pas dans la même situation que lui qui peut parler de ses taxes douze mois par année. Moi, si je laissais deviner la moindre chose, ou si je donnais une Information à un moment où je ne suis pas sensé la donner, je serais requis de donner ma démission pour indiscrétion sur les dispositions budgétaires.

M. LESAGE: Le ministre admettra que cela ne l'empêche pas de donner des préavis d'augmentation de taxes. C'est ce qu'il a fait depuis le matin.

M. DOZOIS: Non, au contraire. J'ai précisément dit que les augmentations de taxes étalent impossibles.

M. LESAGE: C'est bien ce que je pense.

M. DOZOIS: Je pense que le chef de l'Opposition n'a pas saisi la portée de mon argumentation. J'ai même mentionné des taux; j'ai dit que la taxe de vente était la plus élevée d'Amérique.

M. LESAGE: J'ai compris cela.

M. DOZOIS: J'ai dit aussi qu'à mon avis,

nous étions rendus à un maximum. Il faudra donc prendre d'autres moyens. Je vais en énumérer quelques uns avant de reprendre mon siège. Il y aura évidemment des économies, et peut-être des économies qui feront mal. Mais j'estime que des augmentations de taxes ne sont pas possibles.

Je voulais tout simplement raconter cette anecdote pour vous expliquer que si on m'a caricaturé au sujet de ce 1%, je savais que Je me dirigeais dans cette voie. Mais la discrétion ministérielle et le serment que j'ai prêté d'être discret sur ce qui se passe au cabinet m'empêchaient de dire à M. Saulnier: « Votre 1% ne comptez pas dessus puisque je l'utiliserai moi-même ». Mais ce n'est pas lui qui y avait pensé le premier.

M. le Président, un peu plus tard — je crois que c'était le 12 novembre — mon collègue ministre des Affaires municipales a reçu un mémorandum de M. Saulnier. Dans ce mémorandum, M. Saulnier expose la situation et propose des moyens pour redresser la situation financière de Montréal. Ces moyens étaient de deux ordres: à court et à long termes. Premièrement, à court terme, il nous demandait de ramener son année financière au 31 mars pour la faire coïncider avec l'année financière de la province. On sait que l'année financière de Montréal se termine actuellement le 30 avril. Si la ville de Montréal avait les revenus de douze mois et les dépenses de onze mois, cela lui rapporterait environ $12 millions pour l'exercice en cours. M. Saulnier aurait comblé la différence de son déficit budgétaire par une taxe additionnelle. Il nous demandait donc de changer cette disposition de l'article 678. Il demandait également au gouvernement d'accorder une subvention de $10 millions pour couvrir l'écart entre l'estimation de la taxe de vente à $43 millions et le revenu anticipé de $33 millions.

Comme solution S long terme, il nous proposait de remettre aux municipalités qui subventionnent leur service de transport public l'équivalent de 1% de la taxe de vente perçue selon la formule actuelle.

Et il ajoutait: « Ces subventions ne seront versées, toutefois, qu'aux seules municipalités dont l'effort fiscal municipal atteint celui de Montréal, compte tenu de l'évaluation municipale et des taux des différentes taxes imposées dans chacune ».

Vous comprendrez que 1% de la taxe de vente dans Montréal représente $16 millions au minimum par année. Evidemment, si le gouvernement acceptait un tel principe, d'autres municipalités pourraient peut-être se qualifier au même titre que Montréal et demander le même genre de subvention. Pour l'exercice en cours, la province aurait dû verser pour la taxe de vente $10 millions — et $10 millions pour le prochain exercice parce que le même écart aurait subsisté — et $16 millions, soit le 1% de la taxe de vente, pour un total de $26 millions.

Or, M. le Président, je ne suis pas pour répéter tout ce que j'ai dit jusqu'à présent. Je vous ai dit que, dans la situation actuelle, comme ministre des Finances, je ne pouvais pas recommander à mes collègues de verser $10 millions ou $20 millions à la ville de Montréal.

Voilà pourquoi, M. le Président, je voulais vous mettre au courant de cette situation. Il faut, cependant, faire quelque chose. Nous étudions. Je sais que l'on dira: Encore des études! Mais, ce n'est pas un problème facile à régler. J'ai confiance que finalement nous trouverons des solutions à ce problème, car il faut aider Montréal et il faut aider une ville comme Québec. Même si je suis Montréalais, je crois qu'il faut songer à une ville comme Québec.

Il faut songer à d'autres villes de la province.

Québec, notre capitale, voit ses finances connaître de mauvaises années depuis longtemps, parce que toute une partie de la ville a un cachet historique. La ville doit dépenser des sommes considérables pour conserver ce cachet historique et pour maintenir des installations qui ne lui rapportent pas autant que si tout était rasé. Des terrains de cette valeur pourraient être rebâtis pour des fins qui apporteraient des augmentations de taxes beaucoup plus considérables.

Il faut sûrement trouver des solutions à ce problème. Pour ma part, je n'aurai de repos — je sais que mon collègue des Affaires municipales pense de même — que lorsque nous aurons trouvé une solution pour procurer aux municipalités des revenus qui leur permettent de s'acquitter de leurs devoirs vis-à-vis de leurs contribuables.

Mais, pour revenir au problème de Montréal, M. Saulnier a pensé que cette solution de changer l'année financière pourrait lui causer quelques embêtements sur les marchés financiers. Il nous a suggéré d'exempter la ville de Montréal du paiement de ses contributions aux diverses caisses de retraite. Ce qui représenterait pour Montréal une économie d'environ $10,500,000. Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de la Loi des régimes supplémentaires de retraite...

M. LESAGE: $10,500,000 par année.

M. DOZOIS: Par année, oui. Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de la Loi des ré-

gimes supplémentaires de retraite, lorsqu'on donne l'explication du mot régime assuré: «C'est un régime supplémentaire dont les rentes et autres prestations sont totalement assurées ou garanties soit par le gouvernement du Canada ou d'une province, soit par une compagnie ou société d'assurance enregistrée dans la province ».

Or, la ville de Montréal n'étant pas un gouvernement d'une province ni du Canada et n'ayant pas un régime de retraite assuré par des sociétés ou des compagnies d'assurances est un régime non assuré et la loi prévoit ou les règlements plutôt édictés selon cette loi prévoient que ce fonds doit être sur des bases actuarielles. Or il a été établi que le fonds de Montréal actuellement est déficitaire, un déficit actuariel de l'ordre de $170 millions environ. Et, M. Saulnier prétend que son gouvernement est responsable et offre autant de garanties que d'autres gouvernements de province, puisque nous, dans la province de Québec, nous considérons qu'avec un régime assuré, disons au Nouveau-Brunswick, à l'Ile-du-Prince-Edouard ou en Saskatchewan, même s'il n'est pas sur une base actuarielle, nous acceptons de faire des échanges avec ces gens et c'est un régime assuré au sens de notre loi. M. Saulnier prétend que son gouvernement offre autant de garanties qu'une province ou que le gouvernement du Canada et qu'éventuellement, dans vingt, vingt-cinq ou trente ans, lorsque les revenus de ces fonds de retraite ne seront pas suffisants pour payer les rentes, la ville ajoutera dans son budget les fonds nécessaires pour faire face à cette dépense.

M. LEVESQUE (Laurier): Le déficit actuariel rejoindrait dans quoi? Vingt ans à peu près.

M. DOZOIS: On ne fait rien dans le moment pour combler ce déficit actuariel. Les contributions de $10.5 millions dont je parlais tout à l'heure, c'est tout simplement le pourcentage établi pour la ville, pour les contributions régulières de tous les jours.

M. LESAGE: Les contributions qui sont dues dans l'année.

M. DOZOIS: C'est ça, dans l'année. M. LESAGE: De la part de la ville.

M. LEVESQUE (Laurier): La progression du déficit, est-ce qu'elle est enrayée actuellement par ces contributions?

M. DOZOIS: Non. Pour enrayer le déficit, les règlements avaient prévu que ça pourrait être remboursé, les $171 millions, sur une période de vingt-cinq ans; on n'apas exigé le remboursement du capital, mais on a demandé cependant que la ville paye l'intérêt sur ce déficit de façon qu'il ne s'accroisse pas.

M. LESAGE: Est-ce qu'avec les paiements qui se font par la ville de Montréal ça empêche le déficit actuariel de s'accroître?

M. DOZOIS: Non.

M. LESAGE: La réponse que vient de donner le ministre serait affirmative. Est-ce que ça empêche le déficit actuariel de s'accroître?

M. DOZOIS: Non, puisqu'on ne paye pas d'Intérêt sur ce déficit.

M. LESAGE: On ne paye pas d'intérêt?

M. DOZOIS: Non. Ainsi que la ville de Québec, ils ont été exemptés par un amendement aux règlements de payer l'intérêt sur les déficits actuariels.

M. LESAGE: Il est clair que ça s'accroît alors.

M. DOZOIS: Mais, actuellement, si la ville devait payer ces contributions sur les salaires actuels, contributions courantes, payer l'intérêt sur le déficit actuariel et amortir le déficit actuariel, la ville devrait débourser $23 millions par année. M. Saulnier prétend que ce n'est pas nécessaire et que ces fonds de retraite devraient être sur la même base que celui de la province. Vous savez que dans la province, nous avons le système désigné sous le nom de « pay as you go », c'est-à-dire que le gouvernement dans chaque budget, met les montants nécessaires pour payer les pensions qui seront payées au cours de l'année. Or, la situation des fonds de pension à

Montréal, pour l'année 1968, les contributions des employés s'élèvent à $6,770,000 alors que les pensions à payer s'élèvent à$8,800,000 mais comme il y a de l'argent dans ces fonds de retraite, il y a des revenus de placement que j'ignore mais je sais que c'est au-delà de $100 millions et mettez-les au minimum, si on a fait des placements moins fructueux, il y a quelques années, mettez un minimum de 5%, ils reçoivent au moins $5 millions de revenus de placement.

Ils ont, au cours d'un an, $6,770,000 de revenus des employés, plus $5 millions au minimum de revenus de placements, ce qui leur fait environ $11 millions ou $12 millions de revenus pour faire face à des déboursés de $8,800,000.

M. LEVESQUE (Laurier): ... $8 millions, les pensions courantes, cela coûte à peu près $9 millions, $8,800,000...

M. DOZOIS: C'est cela.

M. LEVESQUE (Laurier): Les $23 millions dont parlait tout à l'heure le ministre des Finances, quand il disait, si la ville payait tout, est-ce que cela inclut les déboursés courants pour les pensions ou est-ce simplement par rapport au déficit et aux contributions?

M. DOZOIS: Les $23 millions consisteraient en des versements que la ville ferait pour couvrir...

M. LEVESQUE (Laurier): Un terrain.

M. DOZOIS: ... premièrement, sa contribution courante de l'année. Deuxièmement, l'intérêt sur le déficit actuariel et, troisièmement, un amortissement du déficit actuariel. Les fonds de pension recevraient, au cours de l'année, $23 millions de cette source et $6 millions de la part de leurs membres, pour faire un total de près de $30 millions. Ils auraient, à ce moment-là, $8,800,000 de rentes à payer à ces pensionnés et le fonds s'accumulerait à ce rythme-là, si bien que, dans vingt-cinq ans, il n'y aurait plus de déficit acturiel. Ce serait une situation, je crois idéale.

M. LEVESQUE (Laurier): Vos calculs sont-ils basés sur vingt-cinq ans pour amortir le déficit?

M. DOZOIS: Oui. Quand je parle de $23 millions, l'amortissement est basé — je cite cela de mémoire, cependant — sur un remboursement de vingt-cinq ans.

Je n'ai pas voulu me rendre 2 une telle demande avant qu'une étude soit faite de cette question. J'ai consulté M. De Coster, qui m'a dit: Moi, je suis chargé, de par la loi, d'administrer cette loi. Si le Parlement décide d'amender cet article, qui dirait, entre autres, qu'un régime assuré — je l'ai décrit tout à l'heure — est un régime dont les rentes et prestations sont totalement assurées ou garanties par le gouvernement soit du Canada, soit d'une province — on pourrait ajouter, soit d'une municipalité ou de Montréal, si on veut limiter cela à Montréal — M. De Coster m'a dit, je le souligne: Si vous changez la loi, j'obéirai et j'appliquerai la loi. Actuellement, je l'applique telle qu'elle est rédigée. J'ai cependant cru qu'il était difficile de nous rendre à pareille demande avant qu'une étu- de soit faite. Est-ce que nous devons faire une modification aussi profonde, passer de la méthode actuarielle à la méthode du « pay as you go », avant de faire une étude? Je me suis posé la question et peut-être faudrait-il en venir là. Peut-être que ce serait raisonnable. Je ne suis pas en mesure de répondre. J'estime que la ville de Montréal est probablement capable et suffisamment solvable pour faire face éventuellement au paiement des pensions qui sont exigées, même si ses fonds ne sont pas suffisants pour faire face à cette dépense. Alors, j'ai cru, dans les circonstances... oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre, avant que l'on quitte le sujet des $10,500,000 de contributions — on parle de la Régie des rentes, de la loi, etc., — est-ce que cela comprend ce que doit payer la ville de Montréal, comme employeur, à la Régie des rentes? Est-ce que c'est une des...?

M. DOZOIS: Non, non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est additionnel?

M. DOZOIS: Oui. Elle verse, je crois, $1.5 million S la Régie des rentes pour la rente du Québec. C'est strictement une contribution pour le régime de retraite des employés. Il y a quatre fonds: pour les policiers, les pompiers, les manuels, les cols blancs. La contribution de la ville de Montréal se totalise à environ $10,500,000.

M. LESAGE: Est-ce que les associations ont été pressenties?

M. DOZOIS: Pardon?

M. LESAGE: Est-ce que ces associations d'employés ont été pressenties?

M. DOZOIS: Non. Je ne sais pas si M. Saulnier les a pressenties. Mol, je ne les ai pas pressenties. C'est pourquoi nous avons discuté cette question au cabinet, et nous avons prévu la disposition que vous retrouvez dans le projet de bill qui est présentement devant la Chambre. Nous avons dit: voici un versement que la ville effectue, $10,500,000, non pas pour payer des rentes au cours de l'année actuelle, mais probablement dans vingt ans, vingt-cinq ans ou trente ans.

Or, nous avons assimilé ça à une dette de la ville. Nous avons fait le raisonnement suivant: pourquoi obliger la ville de Montréal àprendre

de l'argent qui provient des taxes pour le transporter aux fonds de retraite où les administrateurs du fonds de retraite achèteront peut-être des obligations de la ville de Montréal, de la ville de Valleyfield, du Lac Saint-Jean ou de n'importe où?

Je comprends que ce serait peut-être là brimer l'autonomie des administrateurs de ces fonds de retraite; mais, comme mesure temporaire, en attendant que nous fassions cette étude, nous avons pensé que ce serait une solution au problème immédiat de la ville de Montréal de procéder ainsi, ce qui ne l'obligerait pas à verser $10 millions en argent provenant des taxes, mais plutôt à déposer des obligations portant intérêt à un taux qui serait courant. C'est pour ça qu'on retrouve dans le bill cette disposition à l'effet que le taux d'intérêt serait fixé par le comité exécutif, mais approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M» LESAGE: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je comprends que c'est une opinion que je demande, mais il est difficile pour moi de procéder autrement. Comment, d'après le ministre, pourrait être affecté le crédit de la ville de Montréal aux yeux des prêteurs si nous l'obligions à une émission d'obligations, forcée après tout?

M. DOZOIS: J'ai pensé à ce problème, mais je ne vois pas — c'est une opinion, peut-être d'autres ne la partagent-ils pas — quelle différence il peut y avoir entre l'obligation de la ville de Montréal qui s'en acquitte, parce que c'est une obligation qui deviendra échue dans dix ou quinze ans... Actuellement, la ville de Montréal verse sa contribution pour des gens qui, éventuellement, prendront leur retraite et les fonds sont suffisants pour payer les retraites courantes. Or, c'est un engagement pour l'avenir. Je me suis fait le raisonnement suivant: Obligeons la ville de Montréal à déposer cet argent qui sera utilisé en temps utile. En somme, nous disons de même à la ville de Montréal pour des dépenses d'immobilisations:Vous faites un pavage qui durera vingt ou trente ans, alors vous empruntez et vous paierez ce pavage dans vingt ans, c'est-à-dire que la génération qui utilisera ce pavage le paiera au fur et à mesure qu'elle l'utilisera. J'ai assimilé ça un peu à ce raisonnement. Peut-être cela fera-t-il du tort au crédit de Montréal — je l'avoue, c'est une question d'opinion — comme ça peut lui faire du tort de reculer son année financière.

Je tiens cependant à dire à cette Chambre que si je sentais que c'est le désir unanime des membres de cette Chambre d'exempter temporairement la ville de Montréal de toute contribution au fonds de pension pour un temps limité en attendant que nous fassions cette étude, je pourrais considérer une modification au projet de loi. Avec l'entente, cependant, que lorsque cette étude serait terminée, s'il était évident — et si le rapport était convaincant pour ceux qui seront en place à cette époque — qu'on doive maintenir la base actuarielle, la ville devra s'acquitter de cette obligation, c'est-à-dire que si ça dure deux ans, il y aura un remboursement de l'ordre de $20 millions ou $21 millions selon le cas. Peut-être à cette époque pourra-t-on exiger que cela soit fait sous forme d'obligations de la ville de Montréal. Je suis prêt à le considérer si c'est le désir unanime de la Chambre.

M. LESAGE: M. le Président, je m'excuse, mais étant donné que nous sommes dans le vif au sujet du bill, il n'y a pas d'erreur, je pense bien que le ministre...

M. DOZOIS: Oui, mais il est plus important de régler un problème que de suivre la procédure.

M. LESAGE: Je pense que oui, s'il y a moyen de régler le problème. Du moment qu'on dispense la ville de payer au moment où c'est dû, qu'on lui permette de verser un billet à ordre. C'est ça?

M. DOZOIS: C'est ça, et qui porte intérêt.

M. LESAGE: Que fait-on? On remplace une promesse de payer par des rentes — ce qui serait le cas, s'il y avait dispense de paiement — par une promesse de payer un montant d'argent. N'est-ce pas ça?

M. DOZOIS: Je pense, quand même, qu'il y a une différence. Elle est peut-être légère.

M. LESAGE: On remplace une obligation de payer plus tard par une autre.

M. DOZOIS: Je pense qu'avant de prendre une décision de cette nature il faut étaler tous les aspects du problème.

M. LESAGE: Oui, il faut penser à Québec et aux autres villes.

M. DOZOIS: Le jour où l'on mettra tous les fonds de pension sur une base de « pay as you go », il faut songer qu'il y aura peut-être des

municipalités qui, devant des négociations de conventions collectives, plutôt que de donner $0.10 d'augmentation, diront peut-être: Bien, ça ne me coûte rien si je donne telle amélioration dans le fonds de pension; ce sont les autres qui paieront dans vingt ans. Ces municipalités seront peut-être tentées, pour épargner $0.10, $0.15 ou $0.25 d'augmentation l'heure, pour l'année en cours et pour éviter certains ennuis à leurs administrateurs, de donner des avantages qui seraient très coûteux pour leur avenir.

Il y a peut-être moyen de contourner cette difficulté, en donnant au régime des rentes le pouvoir de contrôler les modifications des régimes des rentes des municipalités, qui seraient sur des bases de « pay as you go », pour que ça n'augmente pas de façon inconsidérée. Je dois vous faire remarquer que le déficit actuariel des fonds de pension de la ville de Montréal était, à venir jusqu'à l'an dernier, je pense, d'environ $150 millions. Cela a fait un saut à $171 millions, lorsqu'on a consenti des augmentations de conditions aux policiers. Avant, la pension des policiers était basée sur le nombre d'années de services, multiplié par 2%. On a consenti à 2.5%. Alors, d'après les actuaires, le déficit actuariel a monté à $171 millions.

La différence qu'il y a, cependant — comme l'affirmait le chef de l'Opposition — entre ne pas verser de contributions et les verser sous forme d'obligations, c'est que, si la ville de Montréal ne verse rien, dans deux ans, le déficit actuariel se sera accru de $21 millions, plus l'intérêt de cette somme de $21 millions.

M. LESAGE: C'est dû aux augmentations de salaire.

M. DOZOIS: Le versement d'obligations qui porteraient intérêts a au moins cette différence qu'il y aurait des intérêts de payés à chaque année sur la somme de $21 millions. C'est peut-être une différence très mince, mais c'en est une.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est comme une sorte de fonds d'amortissement.

M. DOZOIS: Oui. C'est ça. Alors, M. le Président, c'est un problème difficile, je l'admets. Je le répète, car je veux bien qu'on me comprenne: Si je sens que c'est le désir unanime des membres de cette Chambre d'accéder à la demande de la ville, je serai prêt à considérer une modification au projet de loi, pourvu que cette exemption soit limitée à une courte période. Si le rapport d'un comité nous convainc qu'il faut revenir à la basse actuarielle, la ville devra déposer, à ce moment, des obligations, plus l'intérêt pour combler ce vide.

M. LEVESQUE (Laurier): Je l'ai peut-être manqué par distraction, mais le ministre des Finances parle d'un comité d'étude sur le régime actuariel ou de « pay as you go » pendant cette période. Est-ce que ça existe ou si c'est un projet?

M. DOZOIS: Cela n'existe pas, mais, vu que M. Saulnier ne demande pas cet amendement uniquement pour régler un problème temporaire, mais qu'il prétend que, d'une façon permanente, la ville de Montréal devrait être considérée au même niveau qu'un gouvernement provincial...

M. LESAGE: Pour faire cela, M. Saulnier devrait prétendre que nous pourrons faire la même chose pour les autres municipalités. Si nous le faisons pour Montréal, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas pour Québec.

M. DOZOIS: Oui, je crois. Mais devons-nous le faire pour Montréal et Québec et nous arrêter là? Pourquoi pas Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières?

M. LESAGE: C'est la question que je pose: Où nous arrêtons-nous?

M. DOZOIS: Alors, c'est pour cela que..»

M. LEVESQUE (Laurier): On s'arrête à l'an 2000.

M. DOZOIS: ... que j'ai songé à former un comité. Est-ce que ça prendrait deux mois à un comité d'experts pour faire rapport sur uns question comme celle-là, ou six mois, ou un an? Je l'ignore, je ne suis pas actuaire. Je sais que le chef de l'Opposition a déjà eu des velléités d'actuaire...

M. LESAGE: Malheureusement, je n'ai pas fait les études.

M. DOZOIS: Mais j'estime qu'une formule comme celle-ci — j'en ai parlé à M. Saulnier — peut-être que nous pourrions, nous ou le régime des rentes, nommer un actuaire. La ville de Montréal pourrait nommer un autre actuaire et les deux nommeraient un président et ils seraient chargés d'étudier cette question, d'entendre peut-être les objections venant de ceux qui sont concernés, les employés de la ville, les administrateurs de ces fonds de pension et nous faire un rapport.

M. LESAGE: Ces études ne devraient pas être faites seulement pour la ville de Montréal, il faudrait qu'elles soient faites pour les autres municipalités de la province.

M. DOZOIS: Peut-être. Non, alors là ça devrait...

M. LESAGE: C'est assez difficile de justifier...

M. LEVESQUE (Laurier): Bien, il y a une différence d'espèce.

M. DOZOIS: J'ai l'intention de recommander à mes collègues du cabinet que dès que ce problème...

M. LESAGE: Bien une différence d'espèce entre Montréal et Québec. C'est sûr que Montréal est beaucoup plus gros, mais il ne faudrait tout de même pas penser que l'on va convaincre les citoyens de Québec, à partir de son maire, que Québec n'a pas le droit, à cause de ses obligations spéciales, au même traitement que la ville de Montréal.

M. DOZOIS: En tout cas, M. le Président, je dis que c'est ma ferme intention, vu la demande sérieuse ds M. Saulnier qui me demande de l'exempter d'une façon permanente et définitive de cette obligation de verser les $10,500,000 par année qui peut s'accroître et qui l'oblige, lui, à percevoir $0.15 de taxe ou l'équivalent, je suis prêt, moi, à l'étudier.

Maintenant, qu'est-ce qui existe ailleurs? Je ma suis enquis, M. le Présidant, et aux Etats-Unis il y a un? loi qui régit les fonds de retraite des municipalités, dans l'Etat du Massachusetts et ils ne sont pas sur une base actuarielle. Ce n'est ni une base d'actuarielle, ni une base de « pay as you go ». A Chicago, ce n'est pas une base actuarielle, mais la ville doit quand même verser une contribution qui prend la forme d'une taxa. A Chicago, il y a une taxe calculée chaque année pour le fonds de retraite. Elle est imposée dans ce but-là, et le produit de cette taxe va directement dans le fonds de retraite. Il y a toutes ces formules. Au Canada, c'est assez varié, mais la plupart des municipalités ont des fonds de retraite sur une base actuarielle.

Alors, M. le Président, je ne propose pas d'amendement, et je répète l'offre faite en vus de régler ce problème. S'il y en avait qui étaient de cet avis, je suis très disposé en comité à étudier une proposition dans ce sens-là.

M. LESAGE : Je ne veux être ni malin ni méchant, mais est-ce que le conseil des ministres est d'accord?

M. DOZOIS: Le conseil des ministras? M. LESAGE: Oui.

M. DOZOIS: Sûrement. J'ai pris sur moi de consulter quelques collègues sur cette modification, étant donné que la ville s'engagerait moralement, parce que j'ai discuté d'un amendement possible avec des légistes. On ne voit pas comment on pourrait mettre dans un article...

M. LESAGE: Au régime des rentes, non.

M. DOZOIS: ... que, dans deux ans, ils pourraient ou ne pourraient pas verser telle ou telle chose. Alors je pense que, s'il y avait amendement, ce serait que la ville soit exemptée pour une période de deux ans ou d'un an, par exemple, de verser cette contribution.

M. LESAGE: Quelle est l'opinion du ministre, un an ou deux ans?

M. DOZOIS: Bien, je pense que, dans les circonstances, il faut que ce soit deux ans parce qu'il y a l'année en cours et que tout de suite, dans un mois, nous aurions le problème puisque la ville de Montréal doit étudier incessamment son budget et savoir à quoi s'en tenir. Alors il faudrait que ce soit pour les années 68/69 et 69/70. Et à la fin de 1969, je pense, lorsque la ville préparera son budget pour l'exercice 70/71, je pense que là, le comité, que j'ai l'intention de demander à mes collègues de créer, aura produit son rapport et le-gouvernement qui sera au pouvoir à ce moment prendra une décision à la lumière de ce rapport.

Si j'étais là et qu'on me recommandait de remettre le fonds sur une base acturielle, j'exigerais que la ville verse des obligations pour combler ces $21 millions qu'elle n'aurait pas versés et portant intérêt au taux qu'on déterminerait.

M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre permet-il, pour qu'on comprenne les implications, puis pour voir si je me trompe? Si on le faisait pour cette année, ça doublerait pour les deux ans. Si on faisait verser à la ville les obligations prévues, cette espèce d'emprunt forcé ou de fonds d'amortissement, et qu'on les faisait amortir vraiment, normalement, ces intérêts fixés, cela voudrait dire, à peu près,

je crois, une somme, intérêts et capital, sur 20 ans, si je ne me trompe, d'à peu près $1 million ou $1 million et quart ou et demi, quelque chose comme cela?

M. DOZOIS: Plus que cela.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas tellement la somme qui peut créer la difficulté pour Montréal, c'est la question d'opinion. Je veux dire qu'elle sauverait quand même $9 millions. Ce ne serait pas nécessairement la somme; ce serait plutôt l'opinion qu'on peut avoir sur ce qui affecte ou n'affecte pas le crédit

M. DOZOIS: Non. Je pense qu'il y a peut-être une question de principe en jeu. Doit-on le permettre aux municipalités? Le chef de l'Opposition a soulevé l'objection: Si on le permet à Montréal, ne faudrait-il pas le permettre aux autres municipalités? C'est là le problème. J'ai suggéré qu'il y ait au comité des représentants de Montréal et peut-être des représentants de l'Union des municipalités, à un comité comme celui-là, y compris la ville de Montréal. Le comité n'est pas formé. Dans les prochains jours — dès que ce problème sera réglé temporairement, f estime que c'est une solution absolument temporaire que nous apportons — nous allons y consacrer toute notre attention.

M. le Président, je continue. En comité, lorsque nous étudierons l'article 9 en particulier, peut-être pourrons-nous y revenir après que tous les membres qui s'intéressent à cette question auront réfléchi sur la portée d'une telle modification. Je voudrais tout simplement faire quelques commentaires avant de reprendre mon siège. Je veux dire que ce bill permettra premièrement à la ville de Montréal, par les amendements à l'article 678, de prélever une taxe supérieure à $0.15 du $100 d'évaluation pour effacer le déficit budgétaire qu'elle a présentement. Elle choisira, avant le 22 janvier, une des deux formules qui sont dans le bill, soit ramener son année financière et la faire coïncider avec celle de la province, au 31 mars, ou passer le règlement qui lui permettrait de verser sa contribution au fonds de pension pendant ces deux années-là, sous forme d'obligations, comme on l'a expliqué tout à l'heure.

Vous avez remarqué que, dans le bill, il y a une disposition qui tient compte du fait que la ville a versé, depuis le 1er mai jusqu'à aujourd'hui, des contributions à ces fonds de pension. Evidemment, dans la première rédaction que nous avions eue, les fonds de pension étaient obligés, dès que le bill était sanctionné, de remettre à la ville les contributions ainsi faites. Nous avons pensé que ce remboursement à la ville pourrait se faire sur une période d'un an et demi, je crois, de façon à donner le temps aux fonds de pension de recevoir d'autres revenus, de se remplumer et peut-être de disposer des actifs que ces fonds de pension ont dans le moment. Les fonds qu'ils ont reçus sont peut-être placés. Les forcer à les rembourser immédiatement à la ville de Montréal pourrait encourir des pertes sur des ventes qu'ils seraient obligés de faire, sur un marché peut-être pas favorable au genre d'obligations qu'ils détiendraient.

M. LESAGE: M. le Président, à la suite de ce que vient de dire le ministre, je voudrais être bien sûr que j'interprète bien l'article 9. Je m'excuse. C'est bien une alternative qu'on offre à la ville de Montréal?

M. DOZOIS: Oui.

M. LESAGE: C'est bien l'un ou l'autre?

M. DOZOIS: L'un ou l'autre.

M. LESAGE: En vertu de A, c'est un soulagement pour deux ans, tandis que l'application de B constituerait un soulagement pour une année.

M. DOZOIS: Pour une année. M. LESAGE: C'est ça.

M. DOZOIS: En somme, comme nous ne pouvions pas nous rendre à la demande du président du comité exécutif, M. Saulnier, à l'effet de l'exempter des versements, nous nous sommes fait le raisonnement suivant.

Nous pouvons faire trois choses: augmenter les taxes pour couvrir la totalité du déficit, utiliser la première formule que lui-même nous avait demandée dans un mémoire qu'il a soumis au ministre des Affaires municipales de changer son année financière ou, l'autre option — ce n'est pas lui qui nous l'a suggérée, mais elle découle, si vous voulez, d'une suggestion qu'il nous avait faite — que la ville soit exemptée.

M. LESAGE: Option à laquelle le ministre est revenu lui-même, il y a quelques instants. La suggestion de monsieur Saulnier. Il a dit...

M. DOZOIS: Oui, oui, j'ai dit qu'évidem- ment...

M. LESAGE: ... si j'ai bien compris, que si les députés étalent d'accord, les...

M. DOZOIS: M. Saulnier, m'a fait sentir qu'il n'utiliserait ni l'une ni l'autre de ces formules. Il tenait beaucoup — je lui ai promis de le faire — à ce que je soumette a la Chambre cette opinion que je serais prêt, si c'était le désir unanime de la Chambre, d'accéder à son désir.

M. LESAGE: Et je comprends que le ministre se soit ainsi...

M. DOZOIS: Ce n'est pas un engagement qui va au-delà de ça.

M. LESAGE: Le ministre parle au nom du gouvernement?

M. DOZOIS: Ou. M. le Président, je réalise pleinement que, par ce bill, nous avons recours à des expédients. Il n'y a pas d'autres qualificatifs. Ce sont vraiment des expédients, et il est malheureux que nous soyons obligés d'avoir recours à ces expédients. C'est sûrement une situation qui ne peut pas se perpétuer. Le Québec, comme les autres provinces, a juridiction en certains domaines et doit avoir les ressources fiscales suffisantes pour s'acquitter de ses obligations.

M. le Président, je dois assister la semaine prochaine à la conférence des ministres des Finances à Ottawa. Malheureusement, le gouvernement fédéral a pris une position ferme et rigide, mais j'espère que les membres du gouvernement d'Ottawa — Je sais qu'ils sont aussi occupés que nous — prendront le temps de lire ces quelques réflexions que j'ai faites cet après-midi et qui exposent la situation financière de la province de Québec. Je tiens cependant à préciser que je n'ai pas fait cet exposé uniquement dans ce but. Je dis « uniquement, » parce qu'il est évident que J'espère, en leur faisant un tel exposé, ne pas avoir à le répéter à la conférence des ministres des Finances la semaine prochaine à Ottawa. J'espère qu'on aura le temps de lire ces quelques réflexions et de constater dans quelle situation se trouvent les villes et les provinces.

Ce n'est pas là. un problème particulier I la province de Québec. Toutes les provinces sont dans la même situation. Tout ce que nous demandons, c'est qu'enfin le gouvernement fédéral respecte le pacte de la Confédération, se mêle de choses qui sont strictement de sa juridiction et ne nous embarque pas dans des do- maines qui ne le concernent pas. Nous ne voulons pas qu'il détermine à notre place des priorités que nous voulons établir nous-mêmes. C'est là le fond du problème.

J'ai entendu et j'ai lu depuis quelques mois plusieurs ministres du gouvernement fédéral qui veulent se lancer dans le développement urbain. J'ai même lu des articles qui préconisaient un ministère du développement urbain. M. le Président, je leur demande de se mêler de leurs affaires. Cela concerne les provinces. Si le gouvernement fédéral s'embarque dans ce domaine du développement urbain, je dis que ce n'est pas de sa juridiction. On va dépenser de l'argent pour assurer le développement urbain? Nous leur disons: Donnez-nous cet argent avant d'assurer un plus grand développement urbain...

M. LESAGE: Est-ce que le ministre n'aimerait pas mieux dire: Faites-nous la place pour que nous allions le chercher nous-mêmes?

M. DOZOIS: Bien, Je dis...

M. LESAGE: Au lieu de dire: Donnez-nous cet argent.

M. DOZOIS: J'y arrive. M. LESAGE: Oui.

M. DOZOIS: Je dis, M. le Président, que plutôt que le fédéral s'occupe de développement urbain, il faut que nous ayons les moyens financiers, les ressources financières pour maintenir, au moins, ce qui se fait comme développement urbain. Nous n'avons pas besoin qu'Ottawa s'en mêle, qu'on nous remette... C'est préférable, « remettre » à « nous donner »?

Qu'on fasse de la place ou qu'on nous remette les droits de taxation. Que le gouvernement d'Ottawa cesse de dépenser de l'argent pour des fins qui ne sont pas fédérales et qu'on nous fasse un transfert net de ressources, et nous allons nous occuper de nos affaires. C'est simple, et je pense que le meilleur moyen de sauver la confédération, pour ceux qui croient à un système fédéral, c'est de laisser aux provinces leur propre juridiction. Le meilleur moyen de détruire la confédération, c'est de continuer cette politique de vouloir s'immiscer dans les domaines qui sont de la juridiction des provinces ou d'inciter les provinces à assumer des obligations qui, selon elles, ne font pas partie de programmes prioritaires.

Je ne veux pas m'embarquer dans toute la

kyrielle des programmes que préconise Ottawa et qui ne les regardent pas, mais je pense que j'en dis suffisamment.

M. LESAGE: Vous compléterez la semaine prochaine,,

M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes tous appelés à passer à la télévision; n'oubliez pas qu'il vous faut votre...

M. DOZOIS: Je suis prêt à leur répéter ça la semaine prochaine et à en ajouter. Je n'ai pas objection, comme ministre des Finances participant à cette conférence, qu'elle soit télévisée, radiodiffusée et que les journalistes y assistent.

M. LEVESQUE (Laurier): N'oubliez pas votre coeur.

M. DOZOIS: J'espère qu'on pourra discuter au grand jour et que le peuple du Canada sera témoin des demandes des provinces. Je sais que toutes les provinces, quelle que soit la couleur de leur gouvernement, réclament du gouvernement d'Ottawa — c'est un voeu unanime qui a été émis en maintes circonstances — qu'il leur remette des ressources fiscales suffisantes pour leur permettre de s'acquitter de leurs devoirs. Je ne peux croire que l'on voudrait étouffer les provinces ou les faire mettre à genoux pour accaparer des pouvoirs qui leur appartiennent actuellement. J'espère que ce ne sont pas les intentions de ceux qui font partie du gouvernement fédéral: J'espère qu'ils comprendront, s'ils veulent vraiment sauver la confédération, qu'ils doivent permettre aux provinces d'être en mesure de faire face à leurs obligations. Je demande que ce bill soit adopté. Je sais que ce n'est peut-être pas la réponse idéale à laquelle non seulement l'administration, mais tous les citoyens de Montréal pouvaient s'attendre. J'espère que, très bientôt, nous pourrons apporter des solutions qui pourront réjouir davantage les contribuables de Montréal.

M. LESAGE: Je n'interviens pas dans le débat, à ce moment-ci. J'ai attendu à la fin pour poser une question au ministre des Finances. C'est au sujet de la lettre qu'il a reçue de M. Benson. Si j'ai bien compris, M. Benson lui a dit que la contribution fédérale au programme de construction d'écoles passait de $80 millions à $34 millions. Est-ce pour l'année courante ou pour l'année prochaine? Je vais poser toute ma question d'un bout, parce que je ne pourrai pas la poser en comité, d'après notre règlement. Est-ce que M. Benson a donné les raisons de cette décision qu'il a annoncée au ministre des Finances?

M. DOZOIS: C'est une longue lettre de quatre pages que j'ai reçue avant-hier, alors que j'étais plongé dans tous ces problèmes.

M. LESAGE: C'était pour aider, ça.

M. DOZOIS: Oui, cela a été la cerise sur le gâteau. J'ai reçu cette lettre et je l'ai lue très rapidement. Il y avait un tableau qui l'accompagnait et j'ai cru comprendre qu'il s'agissait du programme d'austérité.

M. LESAGE: J'y ai pensé.

M. DOZOIS: Alors, nous étions censés recevoir des projections. Je pense que cela s'élevait à $80 millions; c'était réduit à 43% de ce montant, ce qui représente $34 millions.

M. LESAGE: C'était reporté?

M. DOZOIS: Pour l'an prochain.

On nous a averti que, pour l'an prochain...

M. LESAGE: ... pour l'an prochain c'est parce que l'on prolongeait l'exécution du programme, je suppose.

M. DOZOIS: J'en ai discuté avec les fonctionnaires de mon ministère, à qui j'ai remis des copies, et j'ai demandé de m'analyser cela le plus rapidement possible.

M. LESAGE: Oui.

M. DOZOIS: Dans une courte discussion que j'ai eue avec eux, j'ai compris que nous pourrions, l'an prochain, construire pour $200 millions d'écoles et avoir droit à une ristourne de $80 millions ou de $90 millions, si l'on veut, mais que l'an prochain, nous ne pourrions pas recevoir plus que $34 millions. Si bien que...

M. LESAGE: Le reste viendrait par la suite.

M. DOZOIS: Le reste viendrait, si on maintient la même restriction l'année suivante, je recevrais une autre somme de $34 millions, ce qui ferait $68 millions. L'année suivante, je recevrais $22 millions, si le programme me réservait $90 millions de...

M. LESAGE: Dans le fond, le gouvernement

fédéral fait la même chose au ministre des Finances que le ministre des Finances voulait faire aux municipalités pour la taxe de vente qui était due alors qu'il répartissait sur deux ans et demi, trois ans...

M. DOZOIS: Bien, je ne sais pas. M. LESAGE: Cela y ressemble.

M. DOZOIS: C'était pour d'autres considérations.

M. LESAGE: Peut-être.

M. DOZOIS: On peut bien en discuter.

M. LESAGE: Ah, non! Ah, non!

M. DOZOIS: ... cet après-midi mais je crois que le problème a été réglé.

M. LESAGE: Ne gâtons pas le climat.

M. DOZOIS: Je pense que ce problème a été réglé cependant. Il y a eu un amendement à la loi.

M. LESAGE: C'est ce que l'on appelle l'austérité appliquée à dose successive.

M. DOZOIS: Peut-être.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mercier.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: II est clair que l'exposé que vient de faire le ministre des Finances peut être interprété comme la première tranche de son discours du budget. Je pense que vous n'aurez pas d'objection, M. le président, étant donné que le ministre des Finances a demandé une interprétation assez large des règlements pour discuter de toutes ces questions, à ce que pour ma part également, je puisse discuter des questions qu'il a traitées.

M. DOZOIS: Je l'avais demandé aussi.

M. BOURASSA: Merci. Pour le ministre des Finances, si on peut résumer son exposé dans une phrase, a voulu affirmer, je crois, que le Québec actuellement vit au-dessus de ses moyens. Je suis d'accord avec cette interprétation. Je suis d'autant plus d'accord qu'il y a quelques semaines, j'avais signalé dans une causerie devant la chambre de commerce des problèmes financiers considérables auxquels le Québec devait faire face. D'ailleurs, j'ai retrouvé dans l'exposé du ministre des Finances des réponses ou des commentaires à plusieurs affirmations ou raisonnements que j'avais faits dans cette causerie.

La minute de vérité financière paraît bien être arrivée au Québec actuellement Si, pour le vérifier, nous examinons simplement, très rapidement, le taux de croissance des dépenses et des revenus de la province, il est très facile de conclure sur cette affirmation. Des finances saines sont absolument essentielles à tout gouvernement, et peut-être davantage à celui du Québec, puisqu'il y a une interaction croissante entre le politique et l'économique. Si nos finances ne sont pas saines ou si en d'autres termes, nous sommes dans une situation de dépendance financière vis-à-vis des organismes ou des institutions, il est clair que le pouvoir de négociation du Québec pour appliquer toutes ses politiques — et j'inclus la politique linguistique — peut subir une entrave sérieuse. Ainsi, parce que nous sommes un groupe francophone majoritaire, parce qu'il est essentiel — comme c'est la politique de mon parti d'avoir le français comme langue prioritaire — de modifier une situation, où 80% ou 85% de ceux qui dans le secteur privé des affaires administrent au niveau supérieur ou moyen — ce que l'on peut appeler en anglais le « middle et 1'upper management » — ne sont pas francophones, je veux signaler à cette Chambre qu'il y a une relation étroite entre des finances saines et le pouvoir du gouvernement québécois d'appliquer aussi vigoureusement que possible une politique conforme aux véritables intérêts du Québec.

Si nous cherchons à définir très rapidement l'impasse financière, un chiffre peut suffire à la mettre en relief. C'est que les dépenses du Québec augmentent depuis cinq ans, pour prendre une période qui exclut la parti-sanerie, d'environ l8%, et ceci est dû...

M. DOZOIS: Par année?

M. BOURASSA: Par année, pardon, je m'excuse. Ceci est dû au fait que les trois secteurs principaux, soit les secteurs qui se trouvent à constituer les deux tiers du budget, au titre des dépenses totales, et presque les trois quarts, au titre des dépenses ordinaires, augmentent à un rythme tel qu'il y a un écart continu entre le rythme d'augmentation des revenus et le rythme d'augmentation des dépenses, puisque le rythme d'augmentation des revenus se situe, en période normale, à environ 8%.

Le ministre des Finances, dans son exposé, a fait certaines admissions ou certains aveux que je n'ai pas à répéter ici, mais qui démontrent d'une façon aussi claire, aussi évidente, et peut-être aussi dramatique que possible, les problèmes financiers extrêmement épineux du Québec.

Quels sont les moyens de résoudre ce problème? À la fin de son exposé, le ministre des Finances a mentionné qu'il gardait beaucoup d'espoir ou, du moins, qu'il voulait garder beaucoup d'espoir dans la prochaine conférence fiscale fédérale-provinciale. Nous avons prouvé, lorsque nous étions au pouvoir, que sur ce plan-là, nous n'avions de leçons à recevoir de personne ni sur la façon avec laquelle nous avons négocié, ni sur les résultats que nous avons obtenus.

Encore ici, pour illustrer, sans multiplier les chiffres, mais pour illustrer seulement par un chiffre l'attitude et les succès que nous avons obtenus, rappelons-nous qu'en 1962, les paiements de péréquation au Québec, c'est-à-dire les paiements qui sont donnés inconditionnellement au Québec en raison de son niveau de revenu inférieur ou de sa relative faiblesse économique, rappelons-nous, dis-je, que ces paiements en 1962 ou 1963, s'ils sont restés stables durant quelques années, ces paiements étaient d'environ $70 millions en 1963, alors que, pour le présent exercice, les paiements de péréquation, si on y ajoute la péréquation spéciale, se chiffreront à pris de $400 millions.

Il faut donc tout de même admettre qu'il y a eu progrès considérable pour le Québec de ce côté. Mais nous sommes entièrement d'accord avec le ministre des Finances pour considérer et pour affirmer qu'il est inadmissible que le gouvernement fédéral s'introduise dans des champs ou des compétences de juridiction provinciale et empêche ainsi la province, dans une certaine mesure, et les autres provinces également, parce que, sur ce plan, nous ne sommes pas isolés, empêche les provinces, dis-je, d'organiser leur budget ou leurs dépenses selon leurs propres priorités.

Il est clair que, pour le Québec, à cause de ses caractéristiques particulières, le fait, dans son cas, de ne pas avoir toute cette liberté dans l'organisation de ses priorités, peut entraîner les effets les plus nocifs.

Je n'ai pas l'intention d'entreprendre de discuter, à l'occasion de ce débat, quels pourraient être les résultats de solutions beaucoup plus radicales qui ont été proposées. J'aurai certainement l'occasion d'en discuter en d'autres lieux ou à l'occasion d'autres débats. Mais je pense qu'il est nettement prématuré de dire que le Québec pourrait obtenir un gain fiscal net, s'il avait la totalité de ses champs de taxation par rapport à la totalité des priorités à assumer.

On n'a qu'à signaler, à cet égard, qu'avec un niveau de revenu inférieur, par exemple, de 30% à celui de notre voisin, les rentrées fiscales du Québec sont nécessairement inférieures à la moyenne nationale.

Qu'on pense seulement qu'un point de l'impôt sur le revenu des particuliers rapporte ici 50% de moins qu'en Ontario et on réalisera qu'il est un peu illusoire de penser que nous pourrions faire des gains fiscaux nets en ayant la totalité, et des revenus, et des dépenses.

Si l'on considère l'autre possibilité qui a été suggérée par le ministre des Finances, c'est-à-dire le recours aux emprunts, je pense qu'on ne peut pas blâmer le ministre des Finances d'avoir emprunté comme il l'a fait et même d'avoir excédé le montant d'emprunt qui était prévu. Mais, on peut lui signaler qu'il est, quand même, dangereux de multiplier les emprunts à moyen terme, surtout si c'est pour financer des investissements à long terme et si ces emprunts sont faits dans des pays où les taux de change sont susceptibles de varier.

Le ministre comprendra que je veux référer ici aux emprunts qui ont été faits en Allemagne. Avec les rumeurs d'une réévaluation du mark — rumeurs qui se renforcissent de temps à autre et qui, évidemment, se trouvent à accélérer, à certaines périodes, la pression sur cette monnaie — il comprendra, comme la chose paraît prévisible, sinon certaine, que ceci pourrait augmenter le coût des emprunts du Québec d'une façon substantielle.

M. DOZOIS: Je peux dire au député de Mercier que je suis parfaitement conscient de cette éventualité et que je me suis réjoui lorsque c'est venu seulement tout près d'être réévalué. Je touche du bois pour que ce ne le soit pas.

M. BOURASSA: Tout dépendra, évidemment, du montant de la réévaluation. Si nous avions une réévaluation de 5%, avec les taux d'intérêt que la province a payé, je ne pense pas qu'elle serait perdante, mais si la réévaluation était supérieure au montant de 5%, je pense que, là, ça pourrait aggraver les remboursements, et en capital, et en intérêts, évidemment, que le Québec doit faire à ce pays.

M. DOZOIS: Disons que c'est un risque calculé.

M. BOURASSA: D'accord. Donc, concessions fiscales du gouvernement central et emprunts. Ces deux sources répondent plus ou moins difficilement aux exigences de la situation actuelle. Il reste les revenus.

Le ministre des Finances a mentionné qu'il était impossible, actuellement, d'accroître les impôts au Québec. J'ai déjà fait cette affirmation. Il a démontré, à l'aide de plusieurs impôts, qu'il était, à toutes fins pratiques, impossible de le faire parce que la loi — sans prendre exactement son expresion, mais je pense que c'est ce qu'il voulait dire — des rendements décroissants pourrait se mettre à fonctionner, étant donné que, si nous augmentons trop le taux d'impôt, nous risquons que le volume des achats — je pense aux taxes à la consommation — soit réduit et, donc, d'annuler toute augmentation du rendement qui pourrait résulter de la hausse des taux.

Ce n'est pas, M. le Président, à un député de l'Opposition de suggérer des augmentations de taxes. Vous me permettrez, quand même, de signaler au ministre qu'au cours de finances publiques que je donne à l'université de Montréal, dans l'examen que j'ai fait passer à mes étudiants, la semaine dernière, j'avais une question qui était la suivante: Si vous étiez ministre des Finances en mars 1969 et qu'il vous faille accroître les impôts de $100 millions — on dit partout qu'il faut les accroître de $100 millions — quels seraient les impôts que vous augmenteriez et à quel taux?

M. DOZOIS: J'ai passé mon examen cet après-midi.

M. BOURASSA: Je me permettrai, si le ministre m'y autorise, de lui faire parvenir les meilleures copies d'examen qui m'ont été remises, au cas où il serait obligé de manquer à sa promesse de ne pas augmenter les impôts. D'ailleurs, il lui est déjà arrivé de promettre de ne pas augmenter les impôts et d'être forcé, par la suite, de le faire.

M. LAVOIE (Laval): II y a cinq étudiants qui ont proposé de changer de gouvernement

UNE VOIX: Ce sont les plus brillants.

UNE VOIX: Est-ce que le député de Laval pourrait répéter?

M. LAVOIE (Laval): Il y a cinq étudiants qui ont proposé de changer de gouvernement.

M. DOZOIS: Ah bon! rien que cinq? Quatre-vingt-quinze ne veulent pas changer?

M. LAVOIE (Laval): Les cinq premiers de classe.

UNE VOIX: Ce sont les plus brillants.

UNE VOIX: Cinq veulent changer et quatre-vingt-quinze ne veulent pas changer.

UNE VOIX: Est-ce que c'est à Ottawa?

UNE VOIX: A Montréal.

M. DOZOIS: C'est un bon pourcentage, 5%.

UNE VOIX: A Ottawa, il n'y a rien de surprenant.

M. BOURASSA: M. le Président, il est clair qu'il y a une saturation des impôts, quand on voit les effets de ces impôts dans la région de Hull où le commerce et l'économie en sont sérieusement affectés. Il faut éviter que ce qui existe actuellement dans les régions limitrophes s'étende de plus en plus à l'intérieur de la province.

Si on ne peut pas augmenter les impôts, on doit, au moins pour ceux qu'on vient d'augmenter, le faire avec autant d'équité que possible. Je voudrais, à l'occasion de cette discussion sur la fiscalité québécoise, m'élever contre la façon dont on a augmenté les droits sur les plaques d'immatriculation il y a quelques semaines.

Alors que j'étais à la commission Bélanger, nous avions enquêté sur cette question. Le ministre m'a dit, l'année dernière à l'occasion de la discussion des crédits sur les finances, qu'une étude fouillée était faite au ministère des Finances, pour appliquer les recommandations qui concluaient pour un taux progressif plutôt que pour une augmentation touchant les propriétaires de voitures modestes. J'ai été très étonné et très déçu de constater que l'augmentation qui a été faite a touché — indirectement, il est vrai, parce que la taxe frappe un bien de consommation — davantage les petits contribuables que les' gros contribuables.

M. le Président, lorsqu'il est obligé d'augmenter les impôts comme il l'a fait depuis deux ans, lorsqu'il augmente les impôts de $350 millions, soit autant que toutes les autres provinces réunies, le gouvernement doit faire des efforts aussi grands et aussi intenses que possible pour que ces augmentations d'impôt soient équitables. Or, la dernière qu'il a faite, il y a quelques semaines, révèle un désintéressement frappant vis-à-vis de l'équité ou de la justice fiscale. Et à ce titre, il doit être sérieusement blâmé.

Il y a évidemment une autre source de reve-

nus qui pourrait — quoique là je ne peux avoir tous les renseignements requis puisque ceci relève de l'administration — à mon sens, rapporter des revenus additionnels au gouvernement, c'est la lutte contre l'évasion fiscale.

Nous avons déjà suggéré — et je l'ai fait en Chambre — des moyens administratifs pour augmenter les pouvoirs du ministère du Revenu vis-à-vis de l'évasion fiscale. J'ai constaté, depuis les deux derniers budgets, que le gouvernement avait effectivement suggéré certains amendements qui renforçaient les pouvoirs du ministère du Revenu. Je pense que ces amendements sont insuffisants, qu'il y a encore des lois qui ne permettent pas, par exemple, ce qu'on appelle dans le milieu juridique, les jugements expé-ditifs, jugements qui empêchent efficacement la fraude fiscale pouvant se faire rapidement.

Il n'y a donc aucune raison, encore une fois, lorsqu'on augmente les impôts à un tel rythme, pour que le gouvernement ne prenne pas tous les pouvoirs nécessaires pour réduire l'évasion. Je viens de lui donner un exemple. Je peux également lui donner l'exemple des pouvoirs d'enquête et de vérification qui pourraient être renforcés et qui pourraient être au moins égaux à ceux qui existent ailleurs au Canada, permettant ainsi au ministère du Revenu et au gouvernement de réduire la fraude et d'accroître ses rentrées fiscales.

Le ministre des Finances a parlé du rapport Bélanger. Evidemment, je ne m'attendais pas ce matin à ce discours du budget, ou à cette première partie du discours du budget du ministre des Finances.

J'ai donc dû improviser une partie de ma réplique. Mais le ministre des Finances a dit ce matin qu'il restait très peu de recommandations du rapport Bélanger à appliquer. Or, j'ai été étonné de cette affirmation. Pour ma part, durant l'heure du « lunch », j'ai vérifié les quelque 166 recommandations du rapport Bélanger. Je dois le contredire sur ce point, parce que j'ai trouvé très peu de recommandations qui étaient, en fait, appliquées. Evidemment, je sais que certaines recommandations peuvent être appliquées par arrêté en conseil. Par exemple, je me demande si les dividendes perçus des sociétés étrangères sont taxés au Québec, si l'exemption — inadmissible à mon sens — qui existait pour les dividendes des sociétés étrangères demeure encore.

Il y a toute une série de recommandations que je n'ai pas l'intention d'énumérer ici, mais qui m'apparaissent valables, applicables à court terme et aptes à améliorer l'équité du régime fiscal. Je pense aux crédits d'impôt, à la taxation des religieux, admise par eux-mêmes, pour ce qui a trait aux reçus de charité, à toutes les recommandations touchant aux successions. Il y en a un très grand nombre qui ont simplement pour but d'humaniser davantage la loi de l'impôt et non de réduire les rentrées fiscales. Je pense aux recommandations touchant la machinerie industrielle aux fins d'augmenter ou de favoriser davantage la productivité de nos entreprises, à toutes les recommandations de la fiscalité municipale que le ministre avait déclarées - alors qu'il était dans l'Opposition - être parmi les meilleures du rapport. J'en ai vu très peu qui sont appliquées, de même que dans les autres secteurs. Alors, je suis forcé de contredire le ministre, lorsqu'il dit qu'il en reste très peu à appliquer. Je pense que cette discussion ou ce sujet pourra être repris éventuellement, puisque le ministre a fait mention d'un rapport dont il disposait à cet égard sur le nombre de recommandations appliquées et celles qui restent à appliquer.

M. DOZOIS: Le député de Mercier me permettrait-il une question?

M. BOURASSA: Oui.

M. DOZOIS: Je sais qu'il a parlé du changement de notre loi de l'impôt sur le revenu, quant aux dividendes. J'ai dit que j'avais un document qu'il aurait été trop long de passer en revue cet après-midi, mais je puis lui lire ceci: « Par arrêté en conseil no 661 du 20 mars 1968 concernant la déduction des dividendes sur la même base que ce qui est prévu à l'article correspondant à la loi fédérale. »

M. BOURASSA: Oui.

M. DOZOIS: On a passé cela. Maintenant, il y en a toute une série comme cela. Je pourrai rencontrer le député de Mercier. Je pourrais même lui remettre une copie de ce rapport, éventuellement. Il va constater qu'il y a une foule de choses qui ont été faites par arrêté en conseil, parce que la loi nous permettait de le faire. Je dis qu'il y a peu de choses dans les premières recommandations du rapport Bélanger, qui n'ont pas été appliquées. Le député de Mercier sera surpris.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dû vérifier rapidement, parce que le ministre est arrivé avec ce problème ce matin. Cela fait quand même trois ou quatre ans que j'ai terminé mon travail. Mais, j'en ai vu, par exemple dans la fiscalité municipale, pour ce qui a trait à l'évaluation, à la définition de la machinerie indus-

trielle, pour ce qui a trait aux crédits d'impôts, pour ce qui a trait au niveau des exemptions, j'ai trouvé nombre de recommandations qui, puisqu'elles exigent des changements législatifs, ne sont pas encore appliquées.

D'ailleurs, pour ce qui a trait à la fiscalité, comme, de façon générale, sauf exception, il faut des amendements de nature législative, je ne vois pas comment on a pu tellement appliquer ces recommandations par des arrêtés en conseil qui ne nous sont pas connus. Donc, si nous examinons, comme nous venons de le faire, emprunts, revenus, concessions fiscales, la limite ou la marge de manoeuvre du gouvernement est très mince. Il reste les dépenses. Le gouvernement pourrait-il être plus efficace? Le gouvernement pourrait-il être plus rationnel dans l'organisation ou la gestion de ses dépenses? J'ai ici quelques exemples qui parlent par eux-mêmes.

Nous avons au Québec les coûts de services hospitaliers les plus élevés du Canada. Ce n'est pas uniquement à cause du niveau des salaires, mais à cause du fait que nous avons par exemple 30% de plus de personnel par jour-patient au Québec qu'en Alberta, pour prendre un exemple, ou que nous avons 15% de plus de personnel par jour-patient au Québec qu'en Ontario. Ceci se trouve à mettre en relief des faiblesses administratives. Le ministre des Finances a mentionné tantôt que le Québec payait des salaires extrêmement ou relativement élevés par rapport aux autres provinces. Il a donné des cas concrets assez impressionnants par eux-mêmes.

Mon parti est pour une politique salariale, le chef du parti l'a en effet énoncée à plusieurs reprises. D'ailleurs, l'élaboration de cette politique salariale a commencé sous le gouvernement du chef de l'Opposition. Mais il faut quand même, et ça, c'est la responsabilité du gouvernement, que le gouvernement voie à augmenter la productivité de ses employés. C'est la fonction des syndicats d'obtenir des salaires qui satisfassent leurs membres. On ne peut les blâmer de demander des salaires tels qu'ils répondent aux pressions qui leur sont faites, mais c'est la responsabilité du gouvernement, outre d'établir une politique salariale, de voir à ce qu'il y ait autant de productivité que possible chez les employés de l'Etat.

Or, je donne dans le cas des services hospitaliers des exemples qui démontrent que nous sommes en net recul au Canada sous ce rapport. Pour donner un exemple bien concret, il est difficile de voir comment nous pouvons financièrement régler nos problèmes dans le secteur des services hospitaliers, si, par exemple, ce sont des infirmières diplômées qui servent le café aux malades. Il y a une responsabilité directe, certaine, de la part du ministère de la Santé, de voir à ce que tous ses employés ne soient pas improductifs ou ne constituent pas une perte de ressources pour l'Etat ou le ministère de la Santé

Qu'on regarde également, M. le Président, le taux de croissance. Pourquoi le Québec a-t-il le taux de croissance le plus élevé de toutes les provinces dans le coût des services hospitaliers? Qu'on constate ce qui arrive dans l'assistance...

M. GABIAS: Ah oui!

M. BOURASSA: ... sociale. Comment le gouvernement peut-il expliquer que, même lorsqu'il y avait des baisses de chômage, il y avait augmentation des paiements de l'assistance-chômage?

M. GABIAS: Augmentation des services.

M. BOURASSA: Comment le gouvernement peut-il expliquer que, même avec une baisse...

M. GABIAS: Augmentation des services.

M. BOURASSA: ... de chômage, il y avait augmentation des paiements de l'assistance-chômage? Je parle des paiements de l'assistance-chômage.

M. GABIAS: C'est l'augmentation des services.

M. BOURASSA: Comment peut-il — s'il vous plaît — commentpeut-il expliquer autrement que par une administration inefficace...

M. GABIAS: Ah non! ah non! voyons donc, on est sérieux.

M. BOURASSA: ... M. le Président,...

M. DOZOIS: M. le Président, si le député de Mercier le permet. S'il veut discuter sur ce ton, je peux lui dire que c'est dû à la faute de son gouvernement, qui n'a pas mis en place les mécanismes nécessaires pour contrôler cette effusion des fonds du gouvernement. Si vous voulez changer de ton, je suis prêt à changer de ton.

M. LACROIX: Vous n'avez pas été élu en 1966?

M. DOZOIS: Non, mais vous l'avez été pendant six ans, vous avez tout gâté.

M. LACROIX: Vous l'avez été 16 ans... M. GABIAS: Parlez donc à votre siège.

M. DOZOIS: Si c'est le ton qu'on veut donner au débat, je suis prêt à vous suivre n'importe quand.

M. BOURASSA: M. le Président, je répondrai au ministre des Finances par les chiffres eux-mêmes qu'il a donnés tout à l'heure.

M. DOZOIS: Oui.

M. BOURASSA: ... il a dit que, depuis deux ans, le nombre des assistés sociaux avait doublé, alors que, de 1962 à 1967, il avait également doublé...

M. DOZOIS: Non, c'estfaux, précisément, ç'a augmenté de $27 millions à$72 millions. Si le député de Mercier sait compter...

M. BOURASSA: Non, non, je parle du nombre.

M. DOZOIS: ... ça veut dire que ç'a triplé.

M. BOURASSA: Non, mais s'il vous plaît, M. le Président, si le ministre veut garder son calme...

M. DOZOIS: Oui, je veux le garder.

M. BOURASSA: Je parle du nombre, je ne parle pas du montant.

M. DOZOIS: Oui, je vais le garder. Je vais le garder si vous restez raisonnable.

M. BOURASSA: Je ne parle pas du montant, je parle du nombre des assistés sociaux. Est-ce que le ministre a dit 34,000 en 1961 ou 1962?

M. DOZOIS: En 60/61, 27,000; ç'a monté en 61/62. Je vais les donner année par année. En 61/62, 51,000, là, ç'a doublé dans un an; 51,000, 52,000, 55,000, 59,000, 65,000, 76,000, 99,000, 121,000.

M. BOURASSA: Donc, si on prend les chiffres mêmes du ministre, on voit que de 1962 à 1966, il y a eu un peu plus qu'une augmentation du simple au double. Alors que de 1966 à...

M. DOZOIS: De 1961 à 1965, ça fait plus que le double.

M. BOURASSA: C'est ce que je viens de dire.

M. DOZOIS: Et de 65,000 à 121,000, ça fait un peu moins que le double.

M. BOURASSA: Oui. Il reste que c'est pour une période de deux ans.

M. DOZOIS: De trois ans, pardon.

M. BOURASSA: De 1966, nous sommes en 1968.

M. DOZOIS: Cela part de 65,000, 76,000, 99,000, 121,000. Cela fait quatre chiffres différents.

M. BOURASSA: En quel mois? Décembre 1965?

M. DOZOIS: En 65/66, donc, au 31 mars.

M. BOURASSA: Il reste quand même qu'il y a eu une augmentation considérable depuis deux ans dans le nombre des assistés sociaux et qu'il y a une augmentation également extrêmement importante dans le nombre des montants qui sont affectés à l'assistance sociale. Or, si l'on considère que durant la grève des postes, sur les chèques qui ont été envoyés à tous les assistés sociaux, il y a eu un fort pourcentage de retours, démontrant par le fait même qu'il y a des sommes extrêmement importantes sous ce titre, qui ne profitent pas réellement à ceux qui en ont besoin...

M. GABIAS: Comment, des retours? Non mais qu'est-ce que sont ces retours?

M. BOURASSA: Je veux signaler au ministre l'importance de prendre toutes les mesures administratives efficaces pour empêcher des abus comme ceux que je viens de signaler.

M. GABIAS: Lesquels?

M. DOZOIS: Cela fait plus d'un an qu'Ils sont en train d'installer la mécanisation des opérations au ministère en question. Si l'ancien gouvernement avait été prévoyant, ça fait longtemps qu'il l'aurait installée.

M. BOURASSA: Je ne parle pas au passé. Je parle au présent. J'admets que nous n'ayons pas nécessairement une virginité absolue sous le rapport de la gestion des dépenses dans tous les ministères, mais nous sommes présentement

en décembre 1968, en face d'une impasse financière comme je pense jamais le Québec n'en a connue, et c'est pour cela qu'il faut faire d'autant plus d'efforts dans la gestion efficace des dépenses. Or, je donne des cas, dans le domaine hospitalier, dans le domaine de l'assistance sociale. Je pourrais en donner également dans l'éducation, au niveau du personnel de direction dans un grand nombre de commissions scolaires régionales. Je donne des cas dans ces trois secteurs qui constituent près des trois quarts des dépenses du gouvernement. Je donne des cas où, selon les chiffres que je soumets, il y a certainement une gestion des dépenses au moins douteuse et qui pourrait être très sérieusement améliorée.

M. GABIAS: Est-ce que le député reconnaît que les services ont été augmentés? Le nombre de services a été augmenté.

M. BOURASSA: Je donne...

M. GABIAS: A l'intérieur, par exemple, du service hospitalier.

M. BOURASSA: Le ministre, malheureusement, ne comprend pas ce que je dis.

M. GABIAS: C'est donc facile d'insulter son semblable! C'est donc facile! Lui qu'on voulait reconnaître comme un bon critique financier.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GABIAS: On pensait que c'était un bon critique financier.

M. LACROIX: II ne connaît rien dans les chiffres.

M. BOURASSA: Le ministre était absent ou n'écoutait pas. J'ai simplement fait des comparaisons pour jour/patient entre différentes provinces et j'ai dit que, dans certains cas, il y avait 30% de plus de personnel par jour/patient pour les mêmes services.

M. GABIAS: Ah! non, non, non, non!

M. BOURASSA: Voyons! Consultez les études qui ont été faites là-dessus.

M. GABIAS: Oui...! Qu'il y a deux ans, et les mêmes services qu'aujourd'hui.

M. MAILLOUX: $1,200,000,000 de plus!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Lorsque l'honorable député de Mercier aura fini son intervention, je tiens à signaler que tous les députés auront le privilège d'intervenir.

M. BOURASSA: J'ai donné des exemples. Je pourrais en donner d'autres.

M. GABIAS: ... exemple hier.

M. BOURASSA: Je pourrais en donner d'autres. Par exemple, dans le cas où on fait du drainage de façon abusive, nuisant ainsi aux sources d'approvisionnement des municipalités. Ce manque d'action concertée entre les différents ministères aboutit, dans le cas que je vous signale, à des dépenses de la part d'un ministère pour du drainage qui est fait d'une façon abusive, et à des dépenses d'un autre ministère pour corriger ce qui a été fait par le premier. On pourra en discuter à l'occasion des crédits. Je pourrais signaler également combien, dans plusieurs cas, le ministère des Travaux publics, en construisant des ponts, obstrue ou obture des cours d'eau que le ministère des Richesses naturelles est obligé par la suite de canaliser de nouveau. Encore là...

M. GABIAS: Donnez donc des exemples.

M. BOURASSA: Encore là, en raison d'un manque...

M. GABIAS: Il y a toujours une limite!

M. BOURASSA: ... de coordination entre les différents ministères.

M. GABIAS: Ce sont des affirmations gratuites.

M.BOURASSA: Je ne vais pas énumérer tous les exemples qui pourraient être donnés..»

M. GABIAS: Donnez-en quelques-uns toujours.

M. BOURASSA: ... du gaspillage qui est fait par l'administration présente. Je pense que ceux que j'ai donnés sont suffisamment probants.

M. GABIAS: Quelques-uns, quelques-uns.

M. BOURASSA: Je ne parle pas des cas particuliers, mais le ministre des Finances a admis ce matin qu'il y avait du gaspillage. Je m'étonne que le député de Trois-Rivières s'oppose au fait que le...

M. DOZOIS: Je pense que la façon dont le député de Mercier relate les propos que j'ai tenus ce matin peut être interprétée bien injustement à mon égard. Il dit que j'ai affirmé qu'il y avait du gaspillage»

M. BOURASSA: Vaguement.

M. DOZOIS: De la façon qu'il le dit. c'est comma si j'avais affirmé ce matin que j'étais conscient qu'il y avait du gaspillage, que je connaissais ce gaspillage et que je ne faisais rien pour le corriger,, C'est l'interprétation qu'on pourrait donner à ses paroles. J'ai dit que je tenais pour acquis que, dans un organisme aussi considérable que le nôtre, je serais mal venu de prétendre qu'il n'y en apas. C'est complètement différent des paroles que me met dans la bouche le député de Mercier.

M. GABIAS: C'est pour cela qu'on lui demande des exemples. Il n'est pas capable d'en donner.

M. BOURASSA: Je ne veux pas...

M. DOZOIS: Heureusement que mon fils a fini ses études; il va vous enseigner... Il ne suit pas vos cours.

M. BOURASSA: II n'a pas subi l'examen, encore?

M. DOZOIS: Oui, il a été admis au Barreau. Il n'a pas suivi vos cours; vous n'y étiez pas dans ce temps-là. Heureusement!

M. HOUDE: Cela va manquer à sa formation.

M. GABIAS: Il n'était pas professeur d'université, toujours?

M. BOURASSA: Je ne veux pas ici en faire une débat contre le ministre des Finances personnellement. Je blâme l'administration comme telle; je blâme les différents ministères qui contribuent à l'acuité des problèmes financiers actuels du Québec. Mais je pense que j'ai suffisamment prouvé que...

M. GABIAS: Pas un seul exemple!

M. MAILLOUX: Que le député de Trois-Rivières se présente à la « chefferie » 1

M. HOUDE: Les preuves sont tellement évidentes!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Je pense que j'ai suffisamment prouvé que c'est surtout dans les principaux secteurs du gouvernement qu'il y a encore énormément à faire pour opérer des économies et que le gaspillage a, dans le cadre actuel, atteint des proportions inacceptables, inadmissibles et injustifiées.

M. GABIAS: Des affirmations gratuites!

M. MAILLOUX: Ecoutez, écoutez!

M. GABIAS: Prenez donc votre siège.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Sans être professeur de droit parlementaire, puis-je suggérer aux membres de la Chambre de se rappeler l'article 285, s'ils veulent passer leurs examens? L'honorable député de Mercier.

M. BOURASSA: Le ministre des Finances ce matin, a fait l'éloge des fonctionnaires de son ministère, notamment de ceux du Conseil de la trésorerie et de ses autres fonctionnaires. Je ne sais pas s'il a perçu, dans le discours que j'ai prononcé devant la chambre de commerce, des attaques indirectes contre ses fonctionnaires, mais je voudrais faire une mise au point là-dessus.

Tout ce que j'ai mentionné, ce sont des faiblesses administratives. Je n'ai voulu d'aucune façon et d'aucune manière attaquer ses propres fonctionnaires et surtout attaquer la bonne volonté dont ils font preuve pour faire face à cette situation.

N'ayant pas été au gouvernement, je ne connais pas leur compétence; je leur fais confiance, mais je constate des faiblesses administratives qui ne sont pas dues aux fonctionnaires eux-mêmes, mais, évidemment, aux mécanismes qui existent présentement.

M. GABIAS: Donnez donc des exemples.

M. BOURASSA: Donc, il faut transformer radicalement la gestion des dépenses. Il faut faire des analyses de rentabilité, qui ne se font pas actuellement. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir, par exemple, des analyses de rentabilité pour les soins à domicile, pour les services des cliniques externes, de telle sorte qu'on ne serait pas obligé, chaque année, de mettre « X » dizaines de millions additionnels, sans savoir si ces services qui sont donnés sont encore rentables?

En d'autres termes, il faut que le gouvernement mette l'accent sur la productivité. Des réformes budgétaires ont été apportées. Je pense notamment aux réformes qu'a apportées M. McNamara, alors qu'il était secrétaire! la défense aux Etats-Unis. Il a adopté un plan qu'on peut résumer en anglais, si vous me le permettez, par P.P.B.S., « Planning, programming, budgeting system », qui a donné des résultats très efficaces, puisque M. McNamara a réussi à réduire le taux de croissance des dépenses d'un ministère de quelque $80 milliards je crois, dont on connaît l'importance et dont on connaît les besoins aux Etats-Unis.

D'ailleurs, cette formule est également considérée actuellement par le gouvernement central et par le gouvernement de l'Ontario. Elle suppose des analyses de coûts et de bénéfices, de façon à évaluer constamment les effets des programmes gouvernementaux. Il est clair que cela entraînerait, sur le plan administratif, un regroupement des services et des ministères selon des critères fonctionnels, l'affectation des dépenses plutôt par programme que par ministère et un contrôle plus rigoureux, et surtout plus rationnel, du ministère des Finances, d'après des normes justificatives de productivité.

Or, si nous examinons les différents rapports annuels qui sont faits, nous ne voyons aucune trace de ces analyses de rentabilité ou de ces analyses de coûts et de bénéfices. C'est pourquoi on peut certainement être justifié de condamner l'inaction du gouvernement actuel vis-à-vis des réformes à apporter à la gestion de ces dépenses. Il pourrait, par ce moyen, montrer qu'il a la volonté d'établir une gestion des dépenses plus efficace. Il faut bien distinguer, quand on parle de réduction des dépenses. Il ne s'agit pas de réduire des dépenses qui sont nécessaires et conformes aux besoins des Québécois, mais il s'agit de les réduire par une administration plus efficace.

M. GABIAS: $200 millions à $2 milliards.

M. BOURASSA: Si nous considérons, pour faire suite justement à la remarque du ministre des Institutions financières, qu'il y a vingt ans le budget était de $200 millions et qu'il touchera les $3 milliards au cours du prochain exercice financier, nous ne pouvons que réclamer avec autant de force que possible, lorsqu'on est rendu avec un budget de cette nature, que des efforts soient faits et que ces efforts soient beaucoup plus vigoureux que ceux qu'on nous a énoncés ce matin et que ceux qui se pratiquent actuellement.

M. le Président, ceci se trouvait à constituer la première partie de mon exposé. Je veux conclure cette première partie avant de discuter de la question de Montréal proprement dite dans la deuxième partie de mon exposé, en raison du projet de loi qui est devant nous. Mais je veux signaler, en terminant, sur cette question, qu'il est essentiel d'opérer ces réformes, si nous voulons inspirer confiance en l'Etat du Québec. Nous sommes, dans ce parti, pour un rôle aussi efficace et étendu que possible de l'Etat comme instrument social, économique et politique, en tenant compte des exigences du contexte nord-américain.

Nous croyons qu'il est nécessaire, si nous voulons inspirer cette confiance, si nous voulons susciter ce dynamisme de l'Etat du Québec, que l'Etat, en tout premier lieu, donne l'exemple. Je pense qu'actuellement, à cette époque précise, le meilleur secteur où il peut donner un exemple de dynamisme, c'est bien celui de la réforme administrative ou celui de la gestion de ses dépenses.

Or, on vient de démontrer, je pense, comment, sous ce rapport, il apparaît singulièrement faible.

Pour ce qui a trait à la ville de Montréal, M. le Président, il est facile, je crois, de trouver ou de donner plusieurs raisons qui peuvent justifier, de la part du gouvernement, une attention spéciale à la situation actuelle de Montréal.

Qu'on considère, en premier lieu, l'importance du déficit. On prévoit actuellement, pour Montréal, un déficit de l'ordre de $25 millions à $30 millions. Ceci veut dire un déficit d'environ 10% du budget. Alors, il ne s'agit évidemment pas d'une somme minime. L'importance de la somme met elle-même en relief le sérieux de la situation.

Par ailleurs, si nous examinons le niveau des taxes, à Montréal, en incluant la taxe d'eau et la taxe d'affaires, en considérant également que Montréal est imposé à 86.5%, en moyenne, de la valeur marchande, ce qui veut dire que, dans certains cas, la valeur estimée peut être supérieure à la valeur marchande réelle, donc, si nous considérons tous ces facteurs, je pense que nous sommes justifiés de dire que Montréal est l'une des villes les plus taxées de la province.

En outre, si nous considérons la région métropolitaine elle-même, nous constaterons que Montréal, même si cette ville n'a que 50% de la valeur foncière de la région métropolitaine, c'est-â-dire l'Ile Jésus, l'Ile de Montréal et le comté de Chambly, que Montréal, même s'il a 50% de la valeur foncière, c'est-à-dire $5 milliards, par rapport à $10 milliards, perçoit

65% des revenus. Ceci démontre donc pour la région, l'effort fiscal de la ville de Montréal.

Troisièmement, si nous examinons le service de la dette de la ville de Montréal, elle était, au dernier budget, de 16%. Le service de la dette de la province est d'environ 5%. On doit donc conclure que, comparativement à un très grand nombre d'autres villes, et comparativement à la province, Montréal a un fardeau de la dette qui est sensiblement plus important.

Examinons maintenant la situation sur le plan des emprunts. Montréal a fait des dépenses, au titre du Métro et de l'Expo, qui ont été considérables, au cours des dernières années et sa dette a augmenté en conséquence.

Pour, quand même, faire voir que Montréal s'est imposée une discipline financière, on doit signaler qu'elle s'est abstenue d'avoir recours au marché des emprunts depuis le 1er février dernier. On peut donc blâmer difficilement l'extravagance de Montréal, puisqu'elle s'est imposée une discipline financière aussi serrée.

Examinons maintenant la situation des taxes à Montréal pour voir jusqu'à quel point elle peuvent être accrues. Au niveau de la taxe sur les entreprises, vous avez une taxe scolaire de $2.45 et vous avez une taxe municipale de $1.30. Outre cela, vous avez une surtaxe — et Montréal est la seule ville qui ait cette surtaxe — qui frappe les immeubles qui ont une valeur supérieure à $100,000. C'est une surtaxe de $0.30 par $100 d'évaluation.

Donc, que ce soit comparativement aux autres villes ou que ce soit dans la nature même de ses impôts, on constate que Montréal fait un effort fiscal considérable. IL est important de ne pas forcer Montréal à accroître ses impôts d'une façon trop radicale, puisque ceci peut mettre en danger le développement immobilier de la ville et entraîner un ralentissement économique dans la construction.

Aussi, que ce soit au niveau des emprunts ou au niveau des taxes, on ne peut pas dire qu'on peut avoir tellement plus que dans la situation actuelle. Il reste donc certains expédients que Montréal a déjà utilisés. On sait que Montréal, depuis sept ans, je crois, recourt, pour équilibrer son budget, à la vente de certains immeubles de son actif. Mais, la vertu d'un tel procédé s'amenuise ou diminue avec le temps, dans la même mesure, clairement, où les immeubles sont vendus. Ceci a donc un intérêt décroissant pour la ville de Montréal et, après avoir utilisé pendant sept ans ce procédé, on ne peut certainement pas prévoir que la ville de Montréal pourra y recourir encore pour faire face à sa situation financière. On peut admettre également qu'agir de la sorte n'est pas une façon de favoriser une comptabilité orthodoxe.

Si l'on examine maintenant la nature des sources de revenus de Montréal ou des municipalités, on s'aperçoit que ces sources de revenus sont parmi celles qui ont le taux de croissance le plus faible. Ainsi, l'impôt foncier, qui est la principale source de revenus des municipalités, et notamment de Montréal, a un taux de croissance — ou une élasticité, si vous me permettez cette expression — qui est inférieur au taux de croissance du produit national brut.

Si, par exemple, le produit national brut augmente de 10%, on admet que l'impôt foncier augmentera de 9%, alors que les impôts provinciaux ou les impôts fédéraux, notamment l'impôt sur le revenu, ont un taux de croissance qui est supérieur à celui du produit national brut. Si, par exemple, le produit national augmente de 10%, l'impôt sur le revenu des particuliers ou les rentrées fiscales provenant de cet impôt pourront augmenter de 14%.

Or, bien que les municipalités ou Montréal aient un taux de croissance dans leurs dépenses aussi important, aussi exigeant que les provinces et que le gouvernement fédéral, elles ont des sources de revenus dont l'élasticité est sensiblement inférieure à celle des gouvernements supérieurs.

Le ministre des Finances a parlé ce matin de la formule de la taxe de vente qui avait été adoptée par l'ancien gouvernement. M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion de développer cette question, mais je veux signaler comment, là aussi, nous avons du gaspillage en raison des imperfections de la formule qui se sont révélées avec le temps.

Une période de transition a été établie qui a permis de plafonner, dans une certaine mesure, ou de réduire les cas abusifs. Mais, actuellement, maintenant que la période de transition est terminée, il est clair que, pour un grand nombre de municipalités, les paiements de taxe de vente mènent au gaspillage. Le ministre des Finances avait promis, au cours du dernier budget, de réformer cette formule. Il y a des façons de réformer cette formule. On peut imposer des plafonds aux taux de croissance; cela existe dans le cas de la taxe d'affaires où, je pense, un amendement a été adopté, au cours de cette session, et qui faisait suite à une recommandation de la commission Bélanger, qui stipulait que la taxe d'affaires ne devait pas constituer plus de 25% des revenus des municipalités. Alors, pour empêcher que des sommes considérables soient ainsi distribuées à des municipalités, l'ancien premier ministre donnait des exemples à cet

égard, où des municipalités pouvaient se dispenser de percevoir des impôts fonciers tout simplement parce qu'elles recevaient suffisamment, en paiements de la taxe de vente.

Alors, vous avez là des sommes — quand on sait que $125 millions sont distribués sous cette forme — où vous pouvez avoir des économies considérables avec une réforme de la formule de la taxe de vente, une réforme qui est pressante. Si on retarde trop cette réforme, il sera d'autant plus difficile d'appliquer des mesures qui réduiront les sommes distribuées, parce que les municipalités se seront habituées à recevoir ces sommes. Alors, il faut espérer qu'au prochain budget, nous trouvions des dispositions qui permettent de corriger cette formule de taxe de vente.

M. GABIAS: Trop d'argent pour les villes. M. BOURASSA: Pardon?

M. GABIAS: Trop d'argent pour les municipalités.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne veux blesser ni insulter le député des Trois-Rivières ou le ministre des Institutions financières, mais je me demande s'il comprend la raison d'être de ma proposition.

M. GABIAS: Oui, oui. Vous voulez réduire la taxe de vente, alors, moins d'argent pour les municipalités, ce n'est pas compliqué.

M. BOURASSA: M. le Président, en espérant convaincre le député des Trois-Rivières, j'ai cité l'ancien premier ministre, M. Johnson, qui disait lui-même — je ne sais pas si le premier ministre l'a fait en présence du député de Trois-Rivières ou si le député ne s'en souvient plus — qui disait, si ma mémoire est bonne, qu'il était inadmissible que des municipalités puissent être dispensées d'imposer des taxes foncières parce qu'elles reçoivent des sommes, de la taxe de vente, qui dépassent leur budget précédent. Le député de Trois-Rivières est-il d'accord avec cela?

M. FRASER: Il n'est pas au courant.

M. BOURASSA: Le député de Trois-Rivières est subitement silencieux.

M. LACROIX: Il ne s'est pas consulté encore.

M. GABIAS: Non, je ferai valoir mon opi- nion quand ce sera le temps. Je dis que le député veut dépouiller les municipalités de revenus et le député change son fusil d'épaule. Que veut-il, le député, au juste?

M. LESAGE: Il veut la paix.

M. GABIAS: II veut la paix. Ah bon! C'est parce qu'il donne quelquefois le mauvais exemple. C'est pour cela que nous lui donnons le même traitement; c'est tout.

M. HOUDE: S'il l'a dit, c'est vrai.

M. BOURASSA: La formule qui a été adoptée il y a quelques années a valu des augmentations de revenus considérables.

D'accord, la croissance pour le cas de Montréal a été à peu près annulée depuis deux ou trois ans, mais de 1964 à 1966, il y a eu une augmentation de $23 millions à quelque $32 millions. Cette formule, tout en étant imparfaite, évidemment, a permis d'éliminer l'évasion géographique qui se pratiquait et d'apporter au gouvernement et aux municipalités des revenus additionnels considérables. Mais s'il faut réformer cette formule, ce n'est pas uniquement à cause du fait qu'il y a actuellement gaspillage inouï et inacceptable de fonds publics; c'est aussi parce qu'il y a eu des modifications dans l'administration ou dans la perception de cet impôt, qui font qu'actuellement, Montréal en est particulièrement victime.

En effet, il y a eu des changements dans la facturation des entreprises. Alors qu'auparavant, les entreprises pouvaient facturer leurs services par exemple à Montréal, elles facturent de plus en plus à l'échelle de la province. Donc, lorsque les fonctionnaires du ministère du Revenu ont calculé les rentrées fiscales pour les différentes municipalités, ils les ont calculées en fonction des normes qui existaient alors, normes qui ont changé depuis. Voilà donc deux raisons, M. le Président, qui justifient la réforme de la formule de la taxe de vente. Considérons en outre l'importance économique et fiscale de Montréal, puisque seulement au titre de l'impôt sur les corporations, Montréal perçoit 53% de l'impôt sur le revenu des corporations, 53% de toute la province, alors qu'elle constitue environ 23% à 24% de la population.

Considérons également l'importance économique comme telle; pourquoi avons-nous subi, depuis un an, une hausse du chômage égale à 33%? Nous avons tous constaté ce matin, en lisant le journal, qu'en novembre 1968, il y avait au Québec 134,000 chômeurs, alors qu'en novembre 1967, il y en avait 101,000. Ceci équivaut

donc à une augmentation de 33% depuis un an. L'une des raisons qui peuvent expliquer en partie cette hausse du chômage est la hausse que Montréal connaît précisément, hausse qui est due au ralentissement économique dans le domaine de la construction. Quels que soient les chiffres que nous considérons, quelles que soient les comparaisons que nous voulons faire entre Montréal et les municipalités d'égale importance, même de moindre importance, nous constatons facilement que, depuis quelque temps, il y a un sérieux ralentissement économique à Montréal.

Pour conclure, M. le Président, je viens de donner là une dizaine de raisons qui justifient qu'on accorde une attention spéciale à Montréal, ou qui justifie qu'on considère Montréal comme une ville pas comme les autres. Comme le disait si bien ce matin le ministre des Finances, la prospérité de Montréal profite à toute la province. Et le ralentissement économique de Montréal, comme je viens de le démontrer avec quelques chiffres, va également se faire sentir dans toute la province.

Or, qu'est-ce qu'on propose pour aider Montréal? Quelques changements administratifs, par exemple, de l'année financière qui serait raccourcie au 31 mars, au lieu du 30 avril. On propose également certaines dispositions nouvelles touchant le fonds de pension des employés, ce que nous aurons l'occasion de discuter en comité plénier. Mais on peut immédiatement se demander si la formule qui est proposée dans le projet de loi par le ministre des Finances— c'est mon opinion — ne sera pas de nature à nuire très sérieusement au crédit de la province.

J'ai pour ma part consulté...

M. LESAGE: Au crédit de la ville.

M. BOURASSA: Au crédit de la ville, je m'excuse. J'ai, pour ma part, consulté certains experts dans ce domaine. Evidemment, il y a un facteur psychologique important, mais la conclusion très nette que j'en ai tirée, si l'on tient compte des marchés financiers de Montréal, Toronto ou de New-York, en discutant de cette question, c'est que ça peut nuire sérieusement au crédit de la ville de Montréal. Donc, toutes les mesures proposées dans le projet de loi n'apportent que des remèdes tout à fait temporaires à la situation financière de Montréal. Il faut nécessairement conclure que l'aide du gouvernement à cet égard est tout à fait décevante.

Je regrette que le ministre des Finances se soit absenté, alors que nous avions tantôt une discussion. Je voudrais lui signaler, s'il m'entend, que dans l'exposé que j'ai fait devant la

Chambre de commerce, j'ai donné comme l'une des raisons qui devaient justifier ou inciter le gouvernement à réformer son administration et la gestion de ses dépenses, que la situation telle qu'elle existe actuellement constituait un fardeau presque insupportable pour ceux qui assument l'autorité et, dans le cas présent, évidemment, au moment même où on compile les différents budgets des ministères, particulièrement le ministre des Finances. Nous sommes conscients de l'acuité des problèmes.

Nous faisons des suggestions pour réformer la gestion des dépenses. Nous devons forcément justifier ces suggestions en donnant des exemples. Que le gouvernement ou que le ministre des Finances interprète cela comme de la par-tisanerie, c'est son affaire, c'est son point de vue. Mais c'est notre strict devoir, si nous voulons exercer nos fonctions, si nous voulons que le gouvernement agisse, si nous voulons que l'opinion publique réalise le sérieux de la situation, de mettre ces exemples en relief, sans nier qu'il soit le fait d'un seul gouvernement ou d'une seule administration, mais de les mettre en relief.

Dans le cas présent, en décembre 1968, pour que des mesures soient prises, ou qu'on puisse envisager une solution parce que, ce ne sont pas des choses qui peuvent se faire très rapidement, il faut commencer d'une façon plus vigoureuse qu'on l'a fait jusqu'à maintenant, à s'atteler à un problème qui a non seulement des implications financières pour le Québec, mais qui, s'il persiste, s'il place le Québec dans une position de dépendance financière vis-à-vis d'intérêts étrangers quelle que soit la forme qu'ils prennent, c'est une situation financière qui risque d'avoir non seulement de sérieuses implications financières, économiques, sociales, mais également politiques.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, je veux signaler à l'honorable député un détail qui va peut-être lui paraître insignifiant mais, comme nous ne sommes pas en comité, je lui demanderais de parler de son fauteuil.

M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! oui! vous m'avez déménagé, mais je ne suis pas encore habitué. Je m'excuse. Je voudrais dire au début, très simplement, que, comme tout le monde ici, j'ai beaucoup d'estime personnelle pour le ministre des Finances et qu'après l'exposé qu'il a fait aujourd'hui, dans la discussion concernant

la ville de Montréal, cette estime a grandi à cause de la franchise, et surtout de l'espèce d'angoisse très réelle, de sincérité qui avait quelque chose de poignant, à certains moments, et avec lesquelles il a fait le tableau de la situation telle qu'il la voit. On a eu l'impression qu'il y avait une sorte de soulagement chez le ministre des Finances, celle d'un homme qui a décidé de dire, pas tout, parce qu'un ministre des Finances ne peut pas tout dire, mais presque tout, et surtout de dire certaines choses qui, en général, sont considérées comme pas « disables ». Il y avait en particulier certains propos sur le gaspillage que, moi, j'ai trouvé extrêmement bien calibrés. Cela ne veut pas dire que, si on se mettait à chercher, on n'en trouverait pas. Il y en a, c'est sûr. Il y en a toujours eu. Je crois que des efforts sont faits. Moi, je crois qu'ils sont insuffisants mais je ne connais pas d'endroit dans le monde ou, actuellement, dans le monde occidental — en tout cas, celui qu'on connaît le mieux — ils sont suffisants, en ce moment, pour enrayer cette espèce d'escalade, galère universelle des appétits, et cette espèce de difficulté terrible qu'on a à ajuster des budgets qui ont presque partout — non seulement ici — souvent décuplé en moins de vingt ans, d'ajuster cela à des méthodes de gestion qui, très souvent, sont restées 3. la mitaine, comme le disait le ministre des Finances.

Je crois que c'est une bonne idée, à ce point de vue-là. En ce moment, on sait très bien que c'est pour des motifs stratégiques qu'il a tracé ce portrait éloquent de la situation. Mais je crois que ce serait une bonne idée de le faire ainsi, régulièrement, périodiquement, pas seulement une fois comme c'est l'habitude, une fois statutairement au moment du discours officiel du budget. Ce serait une bonne idée, peut-être quelques fois par année, de faire ce genre de tableau brutal, aussi franc que la discrétion obligatoire de son ministère le lui permet, un tableau brutal de la situation fiscale et financière du Québec. Parce que tout le reste, finalement, il ne faut pas dire que l'économie domine tout encore moins la fiscalité ou les finances seules, mais tout le reste est quand même relié à cette espèce de moteur de la vie collective qu'est l'économie. C'est seulement en se situant par rapport aux possibilités de l'économie, à sa capacité à financer la réponse aux besoins, aux appétits ou aux aspirations, qu'on peut vraiment établir des priorités ou finir par planifier convenablement le développement d'une société. Le cas de Montréal, qui est l'objet principal de la discussion en cours, fait partie de ce même tableau. Montréal se relie de toutes les façons possibles et imaginables, et ses difficultés, ses problèmes aussi bien que ses succès, sont reliés à cet ensemble qu'est la vie économique et dont sort forcément la capacité fiscale ou la capacité financière par rapport à laquelle le ministre nous a décrit, avec une éloquence absolument renversante — en tout cas, que j'ai trouvée à peu près sans précédent — les difficultés qu'il traverse et qu'il doit situer à l'arrière-plan de sa réponse aux demandes de Montréal.

Je crois que ce tableau a surtout démontré des choses comme celles-ci: la nécessité absolue de s'imposer des contraintes dans une société qui veut, à la fois, réaliser même ses ambitions les plus vastes, mais ne pas chavirer en cours de route; la nécessité de limiter et de réprimer impitoyablement le coulage et l'excès des appétits. Cela, ce sera toujours vrai, mais on est toujours porté à l'oublier. Selon que l'on présente tel ou tel secteur, on a toujours l'impression que l'on est la priorité la plus absolue de la société. On est vite porté, au moment où il y a des pressions qui s'imposent, à oublier qu'il y a d'autres priorités et que, dans les autres secteurs, il y a des gens tout aussi convaincus d'être, eux aussi, le centre du monde.

Je dirais que cette nécessité de contrainte, de calcul précis et de toujours se rappeler qu'il y a des limites, hélas, vite atteintes, à la capacité d'ensemble de la société à faire les frais de l'ensemble des politiques. C'est particulièrement vrai sous le régime politique actuel. Quand je dis: le régime politique, je veux dire le régime des institutions politiques dans lequel nous vivons, aussi bien les institutions constitutionnelles que fiscales et tout ce qu'on voudra. Le régime dans lequel nous vivons — et je crois qu'on peut tirer cela aussi bien du discours du ministre des Finances que de certains propos du député de Mercier — en est un ùl des choses aussi importantes que des priorités pour une société sont impossibles à fixer sérieusement pour le Québec. C'en est un qui menace continuellement de paralysie permanente le développement dont nous avons besoin.

Surtout — le ministre des Finances en a donné des exemples — c'est un régime qui entretient, pour ne pas dire qui encourage quotidiennement, l'Irresponsabilité des dirigeants, institutionnalisée à deux niveaux, aussi bien au fédéral qu'au provincial. Quand le ministre des Finances évoquait, par exemple, les rivalités absolument invraisemblables — dont il n'a pas donné la description, mais on verra ça un autre jour, dans d'autres débats — auxquelles le ministère des Affaires culturelles peut être obligé de se prêter pour, si on veut, résister aux empiètements —de plus en plus évidents, après certaines con-

férences du secrétaire d'Etat fédéral, directeur de Radio-Canada et d'autres instruments culturels — d'un autre gouvernement qui se sert de l'argent des citoyens, aussi bien du Québec que d'ailleurs, qui payent pour le fédéral — ayant des disponibilités que l'austérité, pour l'instant, n'empêche pas de faire miroiter, en tout cas — pour envahir des domaines que le Québec ne peut pas se permettre de laisser occuper sans, à toutes fins pratiques, s'anéantir lui-même. Enfin, le peuple que nous représentons, nous et tous les autres, parce que nous sommes tous citoyens du Québec, et qui a son foyer — pour employer l'expression facile que tout le monde admet, parce que cela permet d'éviter les autres — ici, dans le Québec.

Aussi bien, cette lettre de M. Benson représente un régime d'austérité que le fédéral, unilatéralement, a décidé de faire payer en grande partie par les provinces.

Entre autres par le Québec. Il n'y a pas eu, je crois, grand consultations parce que, si j'ai bien compris, le ministre des Finances a reçu ça comme on reçoit un pavé dans les gencives, tout à coup de $80 millions à $34 millions. On financera, nous-mêmes entre temps, mais un engagement du fédéral est réduit en autant que j'ai bien compris comme si le gouvernement du Québec, pouvait s'y attendre. Il y avait $80 millions qui devaient venir pendant la prochaine année financière mais ce sera $34 millions.

Il y aura probablement la récupération au bout de deux ans, trois ans, quand le fédéral aura décidé qu'il doit être moins austère, peut-être au moment où il aura décidé qu'il doit moins prouver aux provinces, dont particulièrement le Québec, qui est mal pris, parce qu'il les aura ligotées de nouveau dans quelque accord qui empêchera le Québec de se développer convenablement et, à ce moment-là, tout à coup, on sera désaustérisé à Ottawa mais, en attendant, on est austère pour prouver à quel point nous sommes mal pris là bas.

Je voudrais tout à l'heure faire quelques évocations d'un certain comité du régime fiscal qui avait dit tout ça d'une façon extrêmement éloquente et qui avait dit dans quelle direction on s'en allait dès 1966 et qui était le comité du régime fiscal que je connais un peu, d'autant mieux que ses opérations se sont déroulées en très grande partie pendant le gouvernement précédent, dont ceux de ce côté-ci de la Chambre, pour la plupart, ont fait partie.

Alors, ce régime d'irresponsabilité, institutionalise encore une fois, tel que c'est actuelle ment, à deux niveaux, cet ensemble fiscal, financier, structurel, politique, dans lequel le Québec est enserré, est à l'arrière-plan de ce tableau qu'a détaillé le ministre des Finances et qu'a commenté à certains moments à sa façon, avec des chiffres que je n'ai pas à discuter, le député de Mercier. Le député de Mercier est très fort en chiffres et, à certains moments, il tire des conclusions. Comme on dit des fois qu'un homme est un fort en thème. Le député de Mercier est un fort en chiffres. Il en tire, à l'occasion, des conclusions. Mais, ce sont des conclusions plutôt passives. Je crois que nous pouvons analyser un peu les mêmes faits, et je voudrais en apporter quelques-uns dans le débat parce qu'à l'occasion, on devient un peut « tannés », c'est normal, de certaines petites phrases qui passent gentiment; Si le Québec avait la totalité de ses impôts, on fait certains petits travaux... ça peut être normal sur l'opinion des autres mais, à un moment donné, il faut faire un ensemble, proposer des faits qui montrent que les chiffres, il faut les respecter, il faut respecter les chiffres qui reflètent la réalité, mais la réalité est faite pour être changée par une société ou par des hommes qui ont la volonté de ne pas toujours rester à la même place.

Les chiffres en soi sont un reflet. Ce ne sont pas des entités qui ont une mobilité ou une personnalité qui fait qu'on doive les regarder comme des adversaires et même s'abîmer devant eux en disant: Ce sont des personnages. Les chiffres sont des reflets. Essentiellement, on peut être prisonnier des chiffres, comme s'ils étalent des chaînes, ou on peut s'en servir aussi avec un minimum d'imagination et de volonté, comme s'ils étaient un tremplin, comme s'ils reflétaient une réalité qu'il faut changer.

A ce point de vue là, l'ensemble des tableaux qui ont été tracés aujourd'hui doit, quant à moi, être commenté en fonction de l'optique que je veux défendre ici. Au point de vue des villes, ce tableau est essentiellement simple. Je parle de villes au pluriel, mais je devrais dire à propos de la ville de Montréal.

En admettant tous les chiffres qui ont été donnés de part et d'autre, aussi bien ceux du ministre des Finances que ceux du député de Mercier, à ce point de vue-là, ce qui est clair, c'est que dramatiquement, au point de vue financier et fiscal, Montréal, comme grande ville, est en train d'étouffer d'une façon qu'on voit progressivement s'accentuer, d'ailleurs, depuis quelques années.

A maintes reprises, ceux qui étaient ici, en cette Chambre, depuis quelques années, ont entendu les autorités de la ville de Montréal, en particulier le président du comité exécutif, ici, aussi bien que sur d'autres tribunes, décrire, avec une espèce d'éloquence lamentable, les expédients auxquels il était condamné, littéra-

lement condamné pour administrer sa ville et respecter en même temps la charte qui fait qu'il n'a pas le droit de se permettre des déficits.

Cette progression dramatique, progression à l'envers au point de vue fiscal et financier, c'est-â-dire progression vers des difficultés toujours plus grandes et qui deviennent littéralement d'année en année plus insolubles, tous ceux d'entre nous qui sont de Montréal ou de la région de Montréal, nous l'avons vue se dessiner avec une inquiétude sans cesse croissante à chacun de ces comités auxquels nous avons assisté, à chacun de ces échos que les autorités de la ville de Montréal ont projetés par toutes les tribunes qui leur étaient disponibles, de façon à éveiller l'opinion publique et les gouvernements qui se sont succédé à ce problème que l'on traite toujours — et cette année encore, admettons-le — avec des cataplasmes en se disant: Peut-être que dans deux cas... Mais, pendant ce temps-là, ça empire et on n'est pas capable de trouver de solutions permanentes. Pourquoi? Essentiellement, et le tableau du ministre des Finances, s'il n'apas été fait pour ça, je ne sais pas pourquoi il a été fait, à propos de ce bill, pourquoi on n'est jamais capable d'aller plus loin que les cataplasmes?

Pourquoi, par exemple, le premier ministre du Québec du temps, M. Johnson — je ne me souviens pas, c'est il y a deux ou trois ans — promettait, évidemment très sincèrement, que ce sabotage, littéralement de la partie municipale de l'impôt foncier qui est fait par l'impôt scolaire... Ce sabotage n'implique pas un blâme aux autorités scolaires, ils sont tous les deux à la même mangeoire. Nous savons à quel point les besoins scolaires augmentent d'une façon qui, dans l'opinion publique, dans les nécessités les plus fondamentales de notre société, doit avoir sa réponse. Il reste que, de toute façon, si l'on tient compte de la progression des budgets respectifs, c'est la ville, dans le domaine municipal, qui voit littéralement s'émietter sous ses yeux, d'année en année, cet impôt foncier qui, naguère encore, était vraiment son empire à peu près total.

Alors, quand M. Johnson promettait cela, il disait: « Si possible, je crois, l'an prochain... etc., on mettra en vigueur un système, on va l'étudier entretemps, qui permettrait à la province de se substituer aux contribuables fonciers pour le financement actuellement assuré par les commissions scolaires, dans le cas de Montréal comme ailleurs. » Ce serait une des façons, un peu plus permanentes, de donner un « respir » — si on me permet l'expression — au budget des municipalités. Mais, quand Montréal vient dire cela à Québec où se trouve le dernier mot, comme disent les Américains: « The buck stops here », pour Montréal, aussitôt, Québec est obligé de se retourner et de dire: Si je veux avoir les moyens, il faut que j'aille à Ottawa, parce que: « The buck stops there » et pas ici. M. le Président, il est six heures.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrompre l'honorable député de Laurier, il est six heures et la Chambre...

M. LESAGE: J'ai eu une entente avec le leader du gouvernement en Chambre, à l'effet que nous siégeons à huit heures et quart.

M. LE PRESIDENT: ... suspend ses travaux jusqu'à huit heures et quart ce soir.

Reprise de la séance à 20 h 17

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, je disais donc, M. le Président, avant la suspension de la séance, en parlant de ces difficultés quasi inextricables, en fait, on peut dire cette véritable impasse budgétaire, où se trouva Montréal et que reflète le bill 295, je disais que la métropole vient nous voir parce que, forcément, c'est elle qui se trouve à gémir, par la voix du gouvernement, dans ce projet de loi. La métropole vient nous voir dans la même attitude, en pratique, en tout cas, vis-â-vis de Québec, c'est-à-dire que, pour elle, comme je le disais, à l'américaine, « the buck stops here », dans la même attitude où le Québec se trouve en pratique vis-à-vis d'Ottawa. La différence, c'est que, évidemment, là, c'est « the buck stops there » parce que c'est un résumé du discours du ministre des Finances. Excepté qu'il y a tout de même une différence énorme, une véritable différence de nature, entre les deux situations. Je voudrais bien le souligner assez pour que ce soit clair, la façon dont je le vois dans mon esprit. Vis-à-vis de Québec, Montréal est dans une situation politiquement normale. Ce sont les chiffres qui rendent cette situation dramatiquement anormale, au point de vue financier.

Quand je dis que c'est une situation anormale, je veux dire que c'est la situation de n'importe quelle grande ville, devant l'Etat dont cette grande ville est une émanation. En fait, c'est la situation d'une créature, cela peut être une créature puissante, on sait que c'est le cas de Montréal, qui est grouillante, qui peut même être redoutable à l'occasion, mais c'est quand même une créature et, à moins de se dénaturer, cette créature reconnaît toujours qu'en dernière analyse, elle est et qu'elle doit demeurer sous la dépendance de son Etat.

Mais tel n'est pas, du moins si je comprends bien le bon sens le plus élémentaire, au point de vue politique et culturel, et aussi bien, je crois, le bon sens fiscal et économique, tel n'est pas, et, le plus tôt possible, tel ne devrait plus être le cas du Québec par rapport à Ottawa. Même si, en pratique, « the buck stops there » - hélas, c'est le cas, en ce moment. Le ministre des Finances nous en a fait la démonstration. Cela ne doit pas être le cas, parce que le Québec, c'est-à-dire la société québécoise, c'est-à-dire, majoritairement, ce peuple ou cette nation, qu'on emploie le mot qu'on voudra, qui ne sera jamais chez lui ou chez elle, nulle part ailleurs que dans le Québec.

Ce Quêbec-là n'est pas et n'a jamais été une créature ou une émanation d'Ottawa. Une doit jamais devenir une dépendance des princes qui nous gouvernent de loin, à Ottawa. Même s'ils sont portés à l'oublier, comme tous ceux, d'ailleurs, qui détiennent un pouvoir, c'est eux, les hommes du régime fédéral, qui, en dernière analyse, sont une créature — d'ailleurs, une créature qui ressemble de plus en plus à une espèce de Frankenstein — que se sont fabriquée, jadis, sans trop consulter la population, les dirigeants québécois, ontariens et maritimes, à une époque tellement lointaine, à cause des bouleversements du siècle qui a passé, qu'on croirait presque que c'est de la préhistoire.

C'est bien beau la théorie, mais, en pratique, c'est bien une dépendance que nous a à peu près décrite le ministre des Finances. S'ils étaient francs, eh bien! c'est vraiment une créature que les gens d'Ottawa aimeraient faire du Québec, comme d'ailleurs, aussi des autres provinces. Mais, pour toutes les raisons que nous connaissons, ce qui, pour les autres, ne serait qu'un changement politique ou administratif ou les deux, pour le Québec, ce serait lafin.La réponse négative que le Québec se voit forcé, sauf erreur, de faire aux demandes d'une grande ville comme Montréal, qui est aux abois; les cataplasmes — et nous en sommes tous conscients — qu'on doit substituer par le bill 295 aux véritables solutions, tout ça nous indique que cette dépendance pratique — après quoi, s'il fallait que ça s'éternise, on tomberait dans la dépendance politique, psychologique et culturelle fatalement — est déjà très avancée pour le Québec par rapport à Ottawa.

Ce qui est frappant, c'est qu'on l'a voulue cette dépendance, au niveau fédéral. On a sciemment — on pourrait même dire scientifiquement — causé et laissé s'accentuer cette marche vers l'impasse où Montréal trouve Québec au fond du même cul-de-sac. Ce travail de sape, à toutes fins pratiques, on le fait encore et sans arrêt, autant par des pressions incessantes sur tous les fronts — une semaine, c'est la culture; la semaine suivante, c'est les eaux côtières et les droits miniers sous-marins; la semaine d'après, ce sera le « pavé » de M. Benson en quatre pages — que par cet exercice permanent d'une espèce de droit léonin qui se révèle surtout en permanence dans l'arrogance.

J'emploie le terme propre du premier ministre actuel du Québec, avec laquelle on poursuit sans cesse en lâchant un pouce, mais uniquement avec l'espoir de reprendre un pied à la première occasion. On poursuit sans cesse l'occupation du domaine fiscal en sachant très bien aussi que celui qui tient la fiscalité tient le pouvoir et, finalement, contrôle en

réalité la vie même d'une société. Et tout cela pendant que le Québec est forcé visiblement de ralentir de plus en plus que cela fait mal et que cela contribue encore à lui rendre la vie plus difficile. On sait pertinemment, depuis 1966, c'est-à-dire depuis les études du comité du régime fiscal, où des experts de tous les niveaux de gouvernement ont siégé, y compris ceux du Québec et ceux d'Ottawa, après des années d'études intensives et de projections que tout le monde admettait, on sait depuis le rapport du comité du régime fiscal de 1966 qu'inéluctablement, le régime actuel et la tendance qu'il a prise conduiront les provinces, et derrière elles leurs villes, à des difficultés insurmontables. C'était écrit dans ces chiffres et ces projections, à moins qu'on ait accepté de changer fondamentalement la tendance du régime.

Evidemment, devant le dramatique des chiffres et des tableaux de 1966, on a lâché un peu de lest à l'automne de la même année. On en a lâché le moins possible. On l'a lâché le plus tardivement possible. On l'a lâché après que, littéralement, le ministre fédéral des Finances du temps ait été forcé, par des pressions venant de tous les côtés, de déposer les chiffres du comité du régime fiscal, qu'il voulait garder secrets, si ma mémoire est bonne. On a lâché du lest, mais aussitôt, on s'est empressé aussi de multiplier les programmes fédéraux, de nouveaux ministères fédéraux et surtout de continuer la noyade des priorités véritables dans la joyeuse et coûteuse débandade de gouvernements minoritaires de plus en plus irresponsables, pendant tout le temps qui a passé depuis.

Cet automne, encore une fois, on a claqué la porte. A toutes fins pratiques, on s'est fait dire, du côté québécois, si j'ai bien lu les comptes rendus: Vous en voulez, de l'argent? Eh bien! si vous en voulez, faites comme nous, allez vous en chercher. Faire comme eux, cela voudrait dire — on ne le dit pas — pratiquer plus ou moins « le tien, c'est le mien » pendant des années. Il faudrait aussi pouvoir exercer à Québec les pouvoirs léonins que s'est donnés le gouvernement fédéral pour arriver là où on en est. C'est alors que le Québec se retourne vers Montréal, comme vers tant d'autres secteurs qui attendent et qu'a évoqués le ministre des Finances pour leur dire: Vous attendez des solutions au lieu de cataplasmes depuis des années déjà dans bien des cas.

Vous attendez devant des priorités qui empoisonnent littéralement dans l'impuissance le développement du Québec, mais attendez encore parce qu'on va retourner à Ottawa parce qu'entretemps il n'y a pour le Québec - et le ministre des Finances en a fait des démonstrations assez dramatiques entretemps - il n'y a pour le Québec dans l'Etat où il se trouve que ses actuels pouvoirs de taxation et d'emprunt.

Or, dans le contexte actuel les uns aussi bien que les autres ont bien l'air d'être étirés à peu près au maximum,, Du côté des emprunts le ministre des Finances nous dit que les $240 millions de prévision sont déjà rendus à $299 millions pour l'année courante et il nous dit en plus que, s'il peut aller en chercher davantage à des conditions qui ne soient pas complètement catastrophiques, vu que l'augmentation des revenus par rapport aux prévisions est relativement très modeste comme il nous l'a dit par ailleurs, il y a à boucher les trous qui s'ouvrent à cause de l'augmentation du chômage et forcément de l'assistance sociale, comme on le verra dans le budget supplémentaire qu'il nous a annoncé, et s'il en reste encore et s'il y en a encore de disponible, vu l'état squelettique du fonds de roulement du gouvernement, qu'il le mettrait plutôt là, s'il peut en trouver, parce que l'état squelettique de ce fonds de roulement fait souffrir régulièrement des créanciers aussi peu capables d'attendre indéfiniment que nos commissions scolaires et que leurs enseignants, par exemple.

Du côté de la taxation, il me semble que ce n'est pas tout à fait vrai de dire — et on le sait très bien — il faut le dire mais ce n'est pas tout à fait vrai et je ne sais pas pourquoi il faut le dire, d'ailleurs — qu'on ne peut plus taxer la population. On sait très bien qu'il y a toujours dans quelque coin ou quelque paroi du citron que représente le contribuable, encore toujours, quand c'est absolument nécessaire, du jus à aller chercher. S'il le faut, je suis bien sur qu'on le fera. Mais ce qui est'in-discutable — je crois que le ministre des Finances sera peut-être d'accord là-dessus de même que les critiques de l'Opposition — et ce qui serait proprement scandaleux, c'est de ne pas tenir compte de ce qu'a confirmé indirectement le ministre d'Etat à la Fonction publique quand il a dit que le coût général des services dans le Québec est plus élevé que n'importe ou ailleurs, ou en tout cas que dans le reste du pays, ce qui est une confirmation indirecte parce qu'on paye notre part par ailleurs et toute notre part des dépenses fédérales, ce qui est une confirmation indirecte de ce que tout le monde sait, c'est que le citoyen actuellement le plus taxé du Canada, c'est le Québécois, c'est-à-dire la réponse à la question que formulait le député de Bonaventure.

Donc, je crois tout à fait juste de dire qu'il est impossible de hausser les taxes, mais il serait juste de dire que ce serait effarant d'in-

justice dans le contexte canadien actuel de taxer encore substantiellement ce citoyen qui n'est pas le plus riche mais qui est déjà le plus surchargé de tout le pays. Et tout cet étouffement fiscal et financier, cet étouffement qui progresse bêtement depuis quelques années comme celui d'un homme qu'on serait en train de pendre avec un tourniquet, avec un tour de plus à chaque année qui passe. Cet étouffe ment découle d'abord et avant tout du régime même dans lequel le Québec se débat, du régime lui-même et non pas des abus visibles qu'on en fait et dont certains ont été décrits par le ministre des Finances, sans compter les abus invisibles qu'on ne voit pas parce que ces abus, ces gestes et ces pratiques dominateurs ou arrogants — pour reprendre les termes du premier ministre du Québec — sont dans les structures mêmes des institutions et de « l'establishment », pour employer l'expression courante, qui y est incrusté depuis des générations, avec la tentation permanente, à laquelle on cède à chaque fois qu'on en a l'occasion, d'abuser.

Moi, je veux bien écouter avec respect des gens comme le ministre des Finances, quand ils sont sincères — je sais que le ministre l'est, lui — qui nous disent des choses comme celles-ci: Que le fédéral se mêle donc de sa juridiction. Qu'il respecte donc le pacte que nous avons conclu. Qu'il nous laisse nos priorités. Qu'il se mêle de ses affaires et qu'il nous remette notre argent pour nos priorités à nous. Qu'il se contente de dépenser à des fins fédérales. Je veux bien croire très sincères — et je crois que le ministre des Finances l'est — ceux qui nous disent: Nous croyons à la Confédération, et non seulement nous y croyons, mais nous faisons appel au fédéral et à tous ceux qui croiraient sainement à la Confédération pour réparer ces dégâts qu'on nous a si longuement décrits.

Je veux dire simplement, en profitant de la même liberté que la présidence a accordée à ceux qui ont parlé du régime avant moi, que moi, je n'y crois pas. Contrairement à ceux qui, comme le député de Mercier, par exemple, sans doute sincèrement eux aussi, mais avec une passivité qui, à mon avis, finit par être déprimante, contrairement à ceux qui tiennent à nous enfermer dans un chiffrage savant, un chiffrage qui, naturellement, est établi en fonction de leurs options, je ne crois pas du tout que les difficultés présentes exigent d'attendre aujourd'hui puis demain, puis indéfiniment, parce qu'il y aura toujours des difficultés. Je refuse d'accepter qu'on ne voie dans nos difficultés que le chiffrage qui mène à une sorte de résignation, ou encore — et ce n'est pas mieux — à une version contemporaine, si vous voulez, de ces vieux appels à la longue préparation du Canadien français et à la promotion patiente et très polie, en s'excusant presque d'être chez lui, du brave petit castor québécois et francophone qui ronge avec ferveur le pied des arbres que les autres emportent et monnaient trop souvent.

M. LAFRANCE: Le bill de la ville de Montréal...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LAFRANCE: M. le Président, je soulève un point d'ordre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Richmond, sur un point d'ordre.

M. LAFRANCE: M. le Président, je pense que le député est en train de se faire une plateforme électorale de ce bill qui est très important. Je pense qu'il y a des limites à la tolérance en cette Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur le point d'ordre, a-t-on encore le droit de parole en cette Chambre, permettant de répondre, dans les limites que vous avez vous-même permises, à un débat? Le ministre des Finances a fait appel à ceux qui croient à la Confédération. Le député de Mercier — et je ne crois pas qu'il ait été interrompu — a parlé du fait que la totalité de ces impôts entre les mains du Québec ne changerait pas la situation. Ce qui était une façon de commenter, sur la lancée du ministre des Finances, toutes ces difficultés qui font l'objet de ce débat.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais dire un mot. Je pense que l'honorable député de Richmond a parfaitement raison. Je n'ai pas eu aujourd'hui l'occasion d'entendre tous les autres discours, mais j'ai bien pris la précaution d'entendre l'honorable député durant le quart d'heure qui vient de s'écouler, pour voir s'il nous parlerait de Montréal un peu. Je pense que...

UNS VOIX: Le comté de Laurier.

M. BELLEMARE: ... tout son discours est fait sur une autre trajectoire qui n'est pas...

M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre me permet, il n'était pas ici.

M. BELLEMARE: Je comprends.

M. LEVESQUE (Laurier): Le député de Mercier a parlé deux heures non pas de Montréal, mais de l'ensemble québécois canadien.

M. BELLEMARE: Ecoutez bien, là. M. le Président, nos travaux en profiteraient énormément plus, puisqu'il est question d'une grande métropole, qu'il est question d'impératifs bien définis, s'il y avait moyen que l'honorable député, au lieu de faire le discours de la Saint-Jean-Baptiste qu'il nous fait là, c'est sûr et certain...

Je crois que, si c'est pour épater la galerie... Je voudrais simplement terminer, M. le Président, si vous me le permettez. Je vous vois debout, et ça me gêne de continuer de parler. Je vous remercie d'avoir été patient. Je sais que vous serez indulgent pour le député de Champlain, mais que vous ne serez pas sévère pour le député de Laurier. Vous lui demanderez, cependant, de revenir au règlement pour que nous puissions continuer nos travaux. Qu'il cesse donc de parler pour la galerie. Il vient si peu souvent en Chambre!

M. LE PRESIDENT: Je vais tenter d'être le plus large possible pour tout le monde, mais en rappelant que l'honorable ministre du Travail, s'il avait été en Chambre, aurait sûrement changé un peu son intervention sur le point d'ordre, pour les raisons suivantes.

Ce matin, lorsque le débat s'est engagé sur le bill actuellement à l'étude, l'honorable ministre des Finances a prévenu la Chambre que le débat serait quelque peu élargi pour aborder toute la question de la politique financière du gouvernement. Son expression a été même que ça ressemblerait presque à un discours du budget.

A ce moment-là, je ne vous cache pas que j'ai eu de inquiétudes et des scrupules, mais j'ai étudié sérieusement l'article 556, qui est un article de base pour le débat de deuxième lecture, et je me suis convaincu honnêtement que l'à-propos du bill pouvait justifier une étude approfondie de la question financière et économique. La question financière et économique —tout le monde en conviendra — peut être quelque peu modifiée par les questions de politique fédérale-provinciale ou les questions constitutionnelles.

Dans cette optique, j'ai accordé le même droit de parole à l'honorable député de Mercier, en me servant de la même mesure. Je l'ai fait, à ce moment-là, avec le consentement de la Chambre qui a fini, en plus de ça, de m'enlever tout scrupule, parce que, ce matin, il y avait en Chambre plusieurs députés et ils ont laissé l'honorable mi- nistre des Finances et l'honorable député de Mercier opiner très largement dans ce sens.

Pour ces raisons, je dois maintenant permettre à l'honorable député de Laurier de continuer son intervention, dans le temps qui lui est alloué.

M. LEVESQUE (Laurier): Et que je n'épuiserai pas, d'ailleurs, M. le Président. Si on me permet de finir, sur la lancée qui a été ouverte par d'autres, ce qui est peut-être un discours de la Saint-Jean-Baptiste, mais que j'essaie d'étoffer de façon moderne, mieux que certains discours du 1er juillet.

M. BELLEMARE: Le 1er juillet?

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas encore le jour de la Confédération?

M. BELLEMARE: Où cela va-t-il vous mener?

M. LEVESQUE (Laurier): Peut-être bien plus loin que vous ne l'avez jamais imaginé.

M. BELLEMARE: Bien, je vais vous faire une petite gageure.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, est-ce que je pourrais demander la permission...

M. BELLEMARE: Oui, oui. Ce n'est pas moi, M. le Président, c'est lui qui me provoque»

M. LE PRESIDENT: Pourvu qu'on ne me demande pas d'être le dépositaire des petites gageures, je demanderais à l'honorable député de Laurier de bien vouloir continuer son intervention.

M. LEVESQUE (Laurier): On va vous passer nos dépôts.

Alors, si on veut me laisser profiter du temps qui me reste, je suis sûr que le député de Champlain, maintenant qu'il connaît les faits, avec l'équité qu'on lui reconnaît tous à l'occasion, ne m'interrompra plus.

Maintenant, je voudrais simplement sans en faire une question...

M. BELLEMARE: A part ça, ça va bien?

M. LEVESQUE (Laurier): Je voudrais simplement, sans en faire une question de privilège, relever cette remarque que même un nouveau député libéral s'est permis de faire à la radio ou à la télévision l'autre jour, à propos de mes présences en Chambre. Je la relève aussi simple-

ment que ceci, M. le Président. Etant seul ici de mon espèce — qu'on la conteste tant qu'on voudra — je demanderais, ce soir, comme à d'autres séances, aux deux formations qui sont ici de comparer leur moyenne à la nôtre, au point de vue de leur présence.

M. LAFRANCE : Au moins, on a un mandat, nous! Il n'a pas de mandat, le député de Laurier. Il a été élu avec le programme libéral, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LAFRANCE : S'il est si honnête que ça, qu'il se fasse élire.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est même moi qui en ai fait une partie de la rédaction.

M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Quant à moi, j'ai un mandat assez clair, c'est d'essayer de faire respecter le règlement, et je voudrais bien qu'on en revienne strictement au bill de la ville de Montréal.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, M. le Président, je ne sais pas comment je vais récupérer, parce que le temps passe et que je l'ai perdu au détour d'une phrase.

Donc, ce brave petit castor québécois qui, dans l'optique du député de Mercier et de quelques autres, une optique de passivité ou d'activité supertempérée, si l'on veut, comme le clavecin de la musique, risque de finir sa digue québécoise bien après que les flots de l'évolution et des problèmes l'auront emportée. Par exemple, on se sert des chiffres de la péréquation et on les arrondit confortablement. Je crois que le député de Mercier a donné $400 millions de péréquation générale et spéciale cet après-midi. Autant que je sache, le chiffre courant est de $350 millions au maximum. Je comprends que cela arrondit les chiffres; en plus, on s'en sert...

M. BOURASSA: M. le Président, si ma mémoire est bonne, c'est $374 millions. Je ne sais pas si le ministre des Finances pourait confirmer. J'ai dit près de $400 millions.

M. LEVESQUE (Laurier): Disons que le chiffre de $350 millions est celui qu'on m'a fourni; $374 millions, c'est peut-être celui du député de Mercier. Cela prouve à quel point on peut travailler les chiffres. De toute façon, cela finit par faire un beau $400 millions tout rond.

M. LACROIX: Deux et deux, cela fait bien quatre.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, ces chiffres de la péréquation qu'on s'en serve, par exemple. Evidemment, on invoque en même temps le rendement inférieur des impôts du Québec, parce que c'est ce que cela reflète en regard des impôts de l'Ontario. Qu'on se serve de ce chiffre, pour dire ensuite, de façon absolue, si vous voulez, avec une voix d'autorité, que si le Québec avait en main la totalité de ses impôts, il ne serait pas en meilleure posture qu'il ne l'est aujourd'hui, c'est mon droit de dire que cette affirmation est fausse. Il s'agit là d'un argument d'autorité, d'un argument que je qualifierais de gentiment professoral. Il vaudrait — peut-être l'a-t-on remarqué, cela crève les yeux — tout aussi bien et même bien davantage pour le Canada, face aux Etats-Unis, puisque le rendement général des Impôts canadiens — sauf erreur — est terriblement inférieur à celui des Etats-Unis.

Alors, qu'attend-il, le Canada, pour cesser d'exister comme entité distincte? Je dis donc simplement, d'abord qu'il y a des raisons, et que la seule raison est la raison des chiffres, surtout passifs, qui est une raison pas mal piteuse, quand on s'y emprisonne comme dans un carcan. Il y a des raisons que cette raison des chiffres ne suffit pas à expliquer, et je voudrais en dire davantage. Tout aussi sincèrement que d'autres croient le contraire, je crois que le Québec se tirerait des difficultés, entre autres celles qu'a décrites le ministre des Finances. Il pourrait, s'il le veut, s'en tirer infiniment mieux, s'il avait justement en main la totalité de ses impôts, et les instruments et les pouvoirs qui vont avec. En m'ins-pirant des rapports de M. Benson, car il faut s'inspirer, ces statistiques-là n'existent pas, on s'arrange pour qu'elles n'existent pas, en m'inspirant, dis-je, des rapports de M. Benson, dans l'exposé budgétaire des revenus courants de toutes sources du pays, au niveau fédéral, on arrive à une participation québécoise courante de toutes sources, sauf erreur, en appliquant la règle, qui, je crois, est une règle acceptée, du 25% québécois de participation à ces revenus. On arrive à une participation québécoise de $3,030,000,000. Je dis simplement — ce n'est pas mon opinion à moi seul.

M. BOURASSA: Je suppose que le député de Laurier comprend les contributions aux différentes caisses dans ces $3 milliards?

M. LEVESQUE (Laurier): C'est cela. J'ai bien dit: Revenus de toutes sources, couramment, de toutes sources de revenus qui s'établissent, je crois, à $12,120,000,000 ou quel-

que chose comme cela. Je dis, ce n'est pas mon opinion à moi seul. C'est aussi celle d'experts, d'économistes, parmi les mieux renseignés et les moins partisans qui soient au Québec. Leur loyauté — parce que, souvent, ils travaillent pour l'Etat à divers niveaux, et pas seulement celui-ci — les empêche souvent de se nommer. Mais leur loyauté ne leur interdit pas d'avoir des opinions.

Donc, c'est leur opinion à eux aussi, à certains et même à un bon nombre d'entre eux, que la récupération totale de ces ressources fiscales, c'est-à-dire un vrai 100-100-100 et puis 100 et 100 encore, est la seule chose qui permettra jamais au Québec de sortir de l'impasse permanente qui s'accentue continuellement, comme l'a décrite le ministre des Finances, et de permettre au Québec de se développer normalement. Seule cette récupération totale, ou alors, qu'on indique au ministère des Finances ou ailleurs comment et en quelle année ça se fera autrement.

Seule cette récupération fiscale permettra que cessent ces doublages baroques et épuisants que sont par exemple les écoles brusquement bloquées par monsieur Benson, mais en même temps pour des raisons de prestige ou pour contrecarrer le Québec, qu'on galope à toute vitesse sur les satellites, galopades bien connues et souvent erratiques de M. Kierans et qu'on procède en même temps, tardivement mais fébrilement, à l'aménagement de la tour de Radio-Canada, tant mieux pour l'Est de Montréal, si ça peut être vrai — à moins que ces messieurs à Ottawa ne cessent d'avoir peur ou interrompent une fois de plus les travaux — de toute façon qu'on paye ainsi pour la tour et pour les satellites et pour Radio-Canada.

En même temps et de plus en plus il faudra continuer à payer si on ne veut pas s'abfmer dans l'inexistence culturelle, dans le domaine des grands moyens de communication pour Radio-Canada, qu'on construit parallèlement et qu'il faudra sûrement loger de plus en plus convenablement, n'est-ce pas. Bon, c'est un exemple seulement parmi les plus courants de ce doublage qui fatalement s'accélère à mesure que se poursuit la modernisation, cette véritable renaissance à laquelle le Québec n'a pas le droit de renoncer, qui est à peine amorcée.

Parce que c'est elle, cette modernisation, qui amène ces efforts gigantesques qu'on fait et qui amène en même temps pour des raisons de tous genres, prestige, rivalité, élections qui s'en viennent, élections qui viennent de passer, qui amènent ce doublage continuel entre Québec et Ottawa et toutes ces histoires de fou qui de l'Est de Montréal jusqu'au Gabon quand ce n'est pas jusqu'à Niainey, et là il va falloir chercher sur la carte pour savoir où est-ce que c'est celui-là. Et de la main-d'oeuvre jusqu'à l'immigration et si on veut se détendre un peu de la réception de M. Paul Beaulieu à Paris ces jours-ci jusqu'à celle de M. Bertrand le mois prochain au même endroit.

Partout, on multiplie dans tous les secteurs l'émiettement des ressources et plus encore des énergies dont le Québec a tellement besolr dans la récupération totale et non pas grapillée miette par miette de la fiscalité, à moins qu'on m'indique en quelle année et par quelle manoeuvre magique on y arrivera autrement.

Comment cessera cet exercice polyvalent, cet exercice fourré partout du droit léonin que s'est donné le gouvernement fédéral et qui illustre par exemple le règlement, élégamment face à claque, que le premier ministre Trudeau a proposé au Québec à propos des droits miniers sous-marins tout récemment: Ma cour Suprême m'a tout donné, mais si vous acceptez vite et que vous ne faites pas de problème et que ce n'est pas trop tard, je vous ferai quand même cadeau de la moitié des revenus, et parce que, autrement, en plus on se marcherait sur les pieds jusque dans l'embouchure des rivières et dans la moindre petite île côtière, bien je vous céderai même gentiment 10% du territoire, si un jour que ce soit dans la baie d'Hudson ou ailleurs comme ça vient d'arriver en Alaska — et les compagnies fouillent depuis des années dans les territoires nordiques — si un jour avant longtemps on trouve du pétrole que ce soit au bout de la Gaspésie ou le ministre d'Etat à la Justice — le ministre intérimaire de la Justice s'en souvient, on est Gas-pésien tous les deux — on en parlait même quand on était petits gars, de la possibilité du pétrole, puis maintenant on fouille puis on cherche dans tous les coins puis il y a des promesses qui avec les moyens techniques d'aujourd'hui sont plus que lointaines. Puis c'est la même chose jusque dans les zones nordiques. Si un jour on trouve du pétrole avec cette formule de fou, on aura peut-être 50% des revenus après s'être déchirés parce qu'il n'y a pas de formule de répartition. C'est un jungle au point de vue de la répartition et ça fait partie des ressources fiscales plus que possible du Québec celles après lesquelles voudrait bien courir — puis on sait à quel point c'est vrai — le ministre des Finances.

Il faut...

M. LESAGE: Est-ce que le député pense

que la séparation faciliterait la récupération que nous avions commencée des droits miniers sous-marins dans la baie d'Hudson et dans le golfe Saint-Laurent?

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait de garder sa question en réserve parce qu'avec toutes les interruptions qu'il y a eu il me reste seulement dix minutes?

M. LESAGE: Oui, mais ma question était sérieuse.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, je crois que oui, ma réponse c'est oui. Il faut, à mon humble avis, la récupération totale de la fiscalité, encore une fois, à moins qu'on m'indique en quelle année et par quelle manoeuvre magique on y arriverait autrement. Si on veut, dans certains secteurs, cesser de payer de trop-perçu continuel — sauf erreur, c'est encore $40 millions je crois du côté des pensions de vieillesse, même avec l'augmentation récente de la pension de vieillesse à $107 ou quelque part par là par mois — alors que dans d'autres secteurs où c'est, au contraire, les besoins de la population jeune du Québec qui pèsent comme un fardeau, notre part est toute désorganisée, toute dévalorisée, souvent gaspillée par une autorité qui est divisée à deux niveaux par des politiques désuètes et contradictoires.

Ce n'est certainement pas le ministre du Bien-Etre social et de la Famille qui va me contredire. Il a évoqué l'autre jour — et il doit le faire en détail plus tard - les allocations familiales et l'état dans lequel se trouvent des dizaines de millions qui sont mal employés par rapport à une politique de vrai développement social.

M. LESAGE: Les $40 millions.

M. LEVESQUE (Laurier): Autant que je me souvienne, il y a encore un trop-perçu du côté de la sécurité de la vieillesse dans le Québec, même après l'augmentation. Mais, là, je voudrais être bien sûr. Peut-être que c'est baissé maintenant à $27 millions, quelque part par là, mais il y a un trop-perçu qui était, je crois, d'au-delà de $40 millions.

M. LESAGE: C'est le résidu des allocations familiales.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le chef de l'Opposition me permet de ne pas le répéter, je viens justement de parler sur l'autre aspect des allocations familiales. Sans cette récupération, je dirais, surtout, sans la responsabilité qui va avec — autrement dit, si finalement « the buck of Quebec stop here », comment se convaincre que, dans tous les secteurs de la population - à moins de manquer totalement de psychologie collective — on écoutera des hommes, si sincères soient-ils, comme le ministre des Finances, qui prêchent de se retrousser les manches, enfin, autant que j'ai pu comprendre, de vivre selon ses moyens et d'éviter certains de ces excès somptuaires dont il a parlé cet après-midi?

Comment peut-on s'en convaincre jusqu'au fond d'une société, quand toutes ces déformations: l'excès somptuaire, le fait de vivre au-dessus de ses moyens, de ne pas se retrousser vraiment les manches comme des gens responsables, c'est justement et typiquement le fait des individus ou des groupements, n'importe où dans le monde, à qui échappent des pouvoirs de décision véritables et de véritable construction économique et sociale, c'est-à-dire la responsabilité? Comment, autrement que de la façon dont j'essaie de le décrire de mon mieux dans le peu de temps qui me reste, pourra-t-on réduire, si vous voulez, sauf au compte-gouttes, le chômage et sa séquelle grandissante d'assistance sociale? Je veux parler de la dégradation économique et sociale des régions et même de certains secteurs des populations des grandes villes.

Comment pourra-t-on y arriver sans des politiques réelles de développement, c'est-à-dire sans un plan dans ces domaines? Or, le régime actuel les rend inconcevables ou, alors, on nous fournit des plans tronqués qui deviennent aussitôt des nids à chicane, comme c'est en train de se produire avec le BAEQ dans le Bas-du-Fleuve. Du côté fédéral, je crois qu'on a même engagé des gens dont la mission principale est de rappeler à la population que le fédéral est également là, n'est-ce pas, et qu'il a donné son argent depuis les dernières élections, son argent qui est le nôtre.

Comment établir et financer vraiment les priorités: éducation, politique sociale, santé, dont a parlé le ministre et auxquelles j'ajouterais le logement? Il le sait, car il a contribué puissamment à amorcer un règlement du problème du logement, mais c'est resté une amorce, depuis ce temps-là, à Montréal. Comment s'occuper du développement régional, de la création des emplois qui nous manquent, pour lesquels le gouvernement n'a pas d'argent — $5 millions en deux ans pour la Société générale de financement — et de la recherche?

Comment régler ces priorités quand, à deux niveaux, nous sommes dans un maquis de priorités contradictoires, de priorités de prestige ou de rivalité ou encore en face de cet énorme gaspillage de routine que représente notre contribution de $450 millions par année à la Défense nationale?

Quant aux outils, aux leviers politiques et administratifs qui sont financés par cette fiscalité toute déchirée, quand est-ce qu'ils pourront servir comme il faut dans le régime où on s'enfonce de plus en plus? Par exemple, nos deux ministères de la Santé, un à l'autre place et l'autre ici; c'est pour ça que les 2% - prétendument pour le progrès social, marotte de M. Benson, plafonné à $120 — viennent d'être imposés. Cela coûtera $110 millions par année aux contribuables québécois. $110 millions de cet argent que cherche désespérément le ministre des Finances et, derrière lui, la ville de Montréal. Mais avec tout ça, on n'aura pas, jusqu'à nouvel ordre, de plan d'assurance-maladie et on viendra, quand même, chercher l'argent.

Ottawa dit que c'est pour autre chose, quand tout le monde sait que c'est pour ça essentiellement. Et, en plus, il dit que cet impôt n'est pas négociable, aussitôt que Québec dit qu'il veut le récupérer. Par-dessus le marché, il finit par dire: Ce sera tout liquidé dans cinq ans, c'est-à-dire qu'on finira par le récupérer quand Ottawa en sortira. Que, sans note et sans consulter des experts, un député ou un citoyen se lève pour essayer d'expliquer rien que ce maquis-là, de façon que les citoyens comprennent ce qui leur arrive dans ce domaine! C'est devenu impossible. Il n'y a pas moyen d'avoir des citoyens responsables quand ils ne peuvent plus comprendre ce qui leur arrive. C'est un cas où les outils sont tout dégradés, déchirés. Santé à une place, santé à l'autre, impôts mêlés à ça, rivalité avec les deux, pas d'assurance-maladie. On pale $110 millions, et on ne l'a pas, quand même. Personne n'est capable d'expliquer exactement comment on va s'en tirer.

C'est un exemple seulement de cette espèce de maquis infernal dans lequel sont jetés les instruments administratifs et politiques de développement de notre société.

On dit par exemple: nécessairement, le ministre des Finances sera d'accord. La capacité fiscale dont j'ai besoin est aussi, en dernière analyse, fonction de la croissance économique générale de la société. Plus on s'accroît, plus ça rend aussi du côté des impôts. C'est d'ailleurs une équation que le député de Mercier a faite mieux que je ne pourrais la faire. En même temps, dans quel marasme, et un marasme qui est en train de devenir tragique, sous une administration déracinée et, à toutes fins pratiques, irresponsable structurellement, en tout cas, celle des comités fédéraux d'administration des ports, dans quel maquis invraisemblable de dégradation s'enfonce depuis des années le port de Montréal, justement un des principaux engins économiques de cette ville dont nous discutons les difficultés qui forment notre arrière-plan!

Bref, le Québec est mal pris, au point qu'il a payé, sauf erreur, depuis trois ans, $600 millions de plus d'impôt, c'est-à-dire qu'il paye actuellement $600 millions de plus d'impôt qu'il y a trois ans. $100 de plus par homme, femme et enfant du Québec. Et cela pour se ramasser plus que jamais dans des culs-de-sac qui paraissent inextricables. Ces sacrifices, parce qu'on aime donc cela évoquer le mot de sacrifice, quand il s'agit d'option politique qu'on ne partage pas, et quand il s'agit des autres, on parle de payer des impôts, mais cela s'appelle des sacrifices, et cela devient tragique, quand on parle des autres options. Ces sacrifices, dis-je, de $600 millions, que la population québécoise a été amenée à consentir, depuis trois ans seulement, est-ce que cela a amélioré sa situation en proportion dans le régime actuel? Cela s'évalue mal, ces choses-là, sauf qu'il y a des choses qui crèvent les yeux. Il n'y a rien de réglé, pas plus les problèmes de Montréal que ceux de Québec, au point de vue fiscal et financier. Le chômage est devenu plus astronomique que jamais, toute proportion gardée, pire que jamais. Nous avons dépassé les provinces Maritimes. Le budget provisoire du ministre va nous le prouver demain.

Quant au niveau de vie, on a fini de se gargariser avec le deuxième niveau de vie du monde. Le Canada, cette année, est tombé pendant ce temps-là au quatrième rang parmi les pays occidentaux. Le Québec, comme on le sait, continue d'être sous la moyenne. Les francophones, sur lesquels nous aimons tous nous pencher, parce que c'est nous autres, verbalement, souvent, de haut en bas, même dans le Québec, sont proches de la queue de la parade. Je veux bien que l'on croie à la Confédération, qu'on dise qu'elle doit être refaite et qu'on aille avec d'autres à Ottawa comme à une espèce de mur des lamentations pour se faire dire, à ce moment-là: S'ils se sentent forts, là-bas: Arrangez-vous et faites comme nous, allez chercher de l'argent. Si, tout à coup, ils ont peur, parce que le Québec est méchant, alors, ils vont peut-être boucher des trous, ce qui ne va rien régler mais ce qui va être encore des cata-

plasmes, exactement comme le cas de Montréal vis-à-vis de Québec.

Moi, je veux bien. Si le tableau du ministre des Finances, qui avait des intentions qu'on comprend, y contribue, si même le modeste soutien qu'à travers des difficultés d'ailleurs légères j'ai pu lui apporter par la bande, lui est utile, et puis, si l'Opposition, je pense bien, le soutient vis-à-vis d'Ottawa, si tout le monde peut faire cracher le fédéral, eh bien, comme Québécois d'aujourd'hui et comme contribuable Montréalais, je suis obligé de dire: Tant mieux. C'est toujours cela de pris en attendant. Mais je dis qu'il ne faudrait pas que ce soit toujours en attendant. Seuls seront sûrs, non pas des paradis instantanés, ni des luxes qu'on parachuterait, ni les plus belles écoles, ni les beaux orchestres, mais, par exemple, les choses qui nous manquent. Seul sera sûr le fait de sortir des éternels cataplasmes et de trouver librement ces solutions, mais des solutions. Seul sera sûr, encore une fois, aussi — on l'a dit souvent dans cette Chambre, mais on cherche des avenues qui débouchent sur des culs-de-sac — seul sera sûr le fait d'employer au maximum ces milliers de jeunes compétences dont le régime actuel risque de transformer les présentes contestations en frustrations permanentes. Et seul sera sûr de faire cela, un Québec qui aura d'abord en main la totalité de ses impôts, c'est-à-dire un Québec souverain.

Si en terminant, ayant fini, comme le disait le député de Mercier, cette partie de mon intervention, qui n'en est que l'arrière-plan, nous revenons à Montréal, qui est terriblement mal pris, qui nous le démontre, Montréal arrive à Québec pour se faire dire: « the buck stops here », mais: « the buck is not here ».

Il faut un cataplasme et tout le monde l'admet. Il y a cette alternative dans le bill 295. Montréal aurait le choix entre un rétrécissement de son année financière, c'est un choix qui peut être délicat, dangereux, mais ce n'est pas à nous — les deux d'ailleurs sont pénibles — ou alors de cesser ou d'interrompre momentanément pendant deux ans ses paiements aux diverses caisses de pension de ses employés.

A ce point de vue-là, le ministre des Finances a évoqué un amendement possible dans le cas de la deuxième branche de l'alternative en disant: Evidemment, il faudrait que la Chambre ait réfléchi et qu'il y ait consentement unanime, c'est-à-dire que ces deux ans d'exemption pourraient, surtout si dans l'opinion réfléchie il y avait une question de crédit — parce que cela se discute ces choses-là - et de la qualité du crédit, mais qu'on puisse ne pas imposer cet emprunt forcé que représente le versement d'obligations équivalentes...

S'il y a cette limite absolue de deux ans qui reste dans le bill et si l'étude que le ministre a évoquée par un comité d'experts doit garantir qu'on aboutira avant ce temps-là à un choix définitif entre un plan actuariel comme celui qui existe et un « pay as you go » comme fort possiblement Montréal pourrait s'en offrir un, étant aussi massive que l'est la métropole, je ne vois pas trop pourquoi — je le dis de mon humble coin — je refuserais ma toute petite part de ce consentement unanime dont a parlé le ministre.

Etant bien entendu — je suppose que c'est vrai parce que le bill semble le dire et que ça ne changera pas — que la ville garde sa responsabilité ultime, qui est une responsabilité absolue, d'honorer en tout temps les pensions de ses employés. Si on tient compte — il faut bien en tenir compte — que le contribuable dans les circonstances présentes, ainsi soulagé d'un tiers au moins du déficit énorme qui s'annonce, verrait venir avec un peu moins de crainte justifiable le prochain budget de l'exécutif de la ville.

Je voterai donc, pour ce bill en deuxième lecture, et j'espère que nous pourrons voir en comité la formulation de l'amendement, s'il vient, évoqué par le ministre de Finances.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.

M. Jean-Noel Lavoie

M. LAVOIE (Laval): M. le Président, je dois vous dire que j'ai apprécié beaucoup plus le discours du ministre des Finances que la bouillabaisse que nous a servie le député de Laurier. Heureusement, je crois...

UNE VOIX: Le ministre des Affaires culturelles l'a applaudi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne me suis pas gêné pour applaudir le député de Laurier. Peu importe qu'on soit d'accord ou pas d'accord avec lui. Il a dit au sujet de la jungle d'Ottawa des choses extrêmement vraies, et parce qu'il a dit la vérité, cela méritait qu'on l'applaudisse sans partisanerle.

M. BINETTE: Pendant combien d'années le ministre a-t-il été député à Ottawa?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense qu'on pourrait garder ces commentaires...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député des Deux-Montagnes conclut bien vite.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BINETTE: Vous, vous avez peur de le dire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai la qualité d'admettre la vérité quand elle est là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les inventeurs de la formule Fulton-Favreau, on sait qui c'était.

M. BINETTE: Je n'ai pas honte de mes opinions, je les exprime. Vous, vous ne les exprimez pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je les ai exprimées 15.

M. CADIEUX: La Chicoutimi, parlez donc...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le batracien, Je ne comprends pas ce langage-là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. CADIEUX: Qu'elle se levé!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai Jamais étudié les moeurs des crapauds.

M. CADIEUX: Grande folle!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que les honorables députés me permettraient d'indiquer que pour certains dialogues il y a des salons aménagés à l'arrière de la salle?

L'honorable député de Laval.

M. LAVOIE (Laval): Je me rends compte, M. le Président, qu'il se crée de nouveaux alignements de partis. De toute façon Je dois vous dire, revenant au discours du ministre des Finances, que rarement en cette Chambre pendant les huit ou neuf ans que J'ai le bonheur d'y être, J'ai entendu un discours qui contenait autant de franchise et autant d'honnêteté.

En somme, même si le portrait, la situation économique du Québec aujourd'hui, de la manière que le ministre des Finances l'a expliquée, ne nous réserve pas les Jours les plus heureux, il a eu, cependant, la franchise d'établir, à la face du Québec, notre situation.

Il est facile de reconnaître que, pour administrer la chose publique, à quelque niveau de gouvernement que ce soit, aujourd'hui — le niveau fédéral, le niveau national, le niveau provincial, le niveau local ou même le niveau scolaire — il faut pratiquement faire des tours de force.

On se rend compte que, depuis quelques années au Québec, les revenus — il s'agit d'une généralité à tous les niveaux, non seulement au Canada, mais dans plusieurs pays — sont à la baisse. Les dépenses, à la suite des exigences de la population, sont à la hausse, d'une manière quasi disproportionnée, surtout au Québec ici. Après une période de recyclage ou de réadaptation, après les années 1959, 1960 et les suivantes, le coût de l'éducation, le coût de l'assurance-hospitalisation et le coût des assistés sociaux, pour des raisons que je voudrais développer un peu plus tard dans mon discours, ont pris des proportions énormes. Lorsqu'on s'en rend compte, c'est quand même effarant, M. le Président. Entre les années 1965 et 1968, à peine trois ans, le budget, uniquement au poste des assistés sociaux, est passé de $72 millions à $158 millions et le nombre de ces mêmes assistés est passé de 65,000 à 161,000, dans le court espace de trois ans. Il y a l'autre côté de la médaille ou le parallèle de l'aide sociale, qu'on doit procurer à la population, soit le rythme du chômage qui monte dans une proportion alarmante.

Un autre portrait de la situation du Québec et de toutes les municipalités: cette sursaturation des taxes que nous tenons de la bouche même du ministre des Finances; je lui reconnais cette franchise. On reconnaît qu'aujourd'hui, au Canada, le Québec est sans aucun doute la province la plus taxée. On n'a qu'à voir le pourcentage de la taxe de vente, de la taxe sur les repas, de l'hôtellerie, de 8% après une surtaxe récente de 6% sur l'impôt sur le revenu et les taxes des corporations qu'on ne peut plus se permettre de hausser, si on veut entrer en concurrence avec les autres provinces canadiennes. A la suite de ça, les municipalités sont dans le marasme.

Le discours du ministre des Finances est d'autant plus réaliste qu'il est pessimiste. Quand même, il a reconnu — avec je crois, la majorité de cette Chambre, ici — que le Québec, malheureusement, vit peut-être au-delà de ses moyens. Lorsque je vois, lors de certaines négociations patronales-ouvrières — c'est le droit, sans doute, des ouvriers de se battre pour obtenir de meilleures conditions de travail, d'avoir le maximum; c'est normal, mais je crois que c'est notre devoir, à nous, en tant que parlementaires, d'octroyer à la population le maximum de bien-être — des chauffeurs d'autobus ou des professeurs qui veulent obtenir la même échelle de salaire ici,

au Québec, que les professeurs ou les chaufeurd'autobus de Chicago ou de Los Angeles, eh bien, M. le Président, moi, je ne marche pas, parce qu'on ne peut pas marcher au même rythme que la société américaine qui est notre voisine.

La même chose s'applique pour les professeurs, peut-être, ou les « employés civils » de l'Espagne, qui ne peuvent pas espérer la même chose qu'en Allemagne, qui est, quand même, à quelques centaines de kilomètres de là. Même si tout le monde désire, ici, procurer à la population le maximum, je crois qu'il faut, quand même, y aller suivant nos moyens.

Qu'est-ce que le ministre des Finances apporte à ça? Quelques réformes. On veut amorcer des réformes.

Mais, quand même, Je crois qu'on n'y va pas avec le dos de la cuillère. Ce sont des réformes au grain de sel, Je dirais. On dit qu'il y a des études qui se font, qu'il y a des comités de formés pour essayer de changer l'assiette fiscale ou le champ de taxation.

Je crois que c'est trop peu. Il y manque, M. le Président, je dirais des « guide lines ». Aujourd'hui, pour administrer la chose publique, que ce soit en Amérique du Nord, aux Etats-Unis, en Afrique, ou même en Russie ou en arrière du rideau de fer ou au Canada, il faut vraiment se creuser ce que nous avons en haut des épaules pour trouver des formules nouvelles. Il faut faire un peu comme l'industrie, comme les universités américaines, qui dépensent des sommes immenses en recherches de toutes sortes. Il faut, aujourd'hui, quand même, trouver des formules nouvelles.

Je ne voudrais pas être méchant ou violent envers l'Opposition. Je crois que le discours que nous a servi le chef de l'Opposition, le ministre des Finances, mais depuis quelque temps..

UNE VOIX: Le chef de l'Opposition.

M. LAVOIE (Laval): ... quand même c'est assez mélangé, dans cette Chambre, que l'on peut se permettre des...

M. MALTAIS (Saguenay): Des apartés.

M. LAVOIE (Laval): ... lapsus, comme dirait le député de je ne sais plus quel comté.

UNE VOIX: De Bonaventure.

M. LAVOIE (Laval): J'ai cru remarquer, M. le Président, dans le discours du ministre des Finances, ça me surprend, et je vis un peu ce qui se passe depuis quelques mois, et les épreuves qu'a subies l'Opposition...

UNE VOIX: Le gouvernement.

M. LAVOIE (Laval): ... il y a déjà quelques mois et quelques années, et surtout le gouvernement, depuis quelques mois, eh bien, j'ai senti, dans ce discours du ministre des Finances, peut-être un manque d'unité ou un manque de leadership dans le gouvernement actuel.

M. GOSSELIN: Ah, mon Dieu Seigneur!

M. LAVOIE (Laval): Par contre, à la suite du discours du ministre des Finances, nous avons quand même senti un vent frais ou un vent nouveau, lorsque le député du comté de Mercier a voulu injecter dans le débat des réformes nouvelles. Il a voulu apporter au gouvernement des mesures pour réprimer les évasions fiscales ou la revision du partage, dans le cas de la taxe de vente ou du champ de taxation, et surtout dans le contrôle des dépenses des différents ministères du gouvernement.

Je crois qu'il existe peut-être actuellement un manque de planification, au point de vue administratif, au point de vue planification, au point de vue de la taxation. Mais après avoir entendu, malheureusement, les plaintes du député de Laurier, qui a voulu d'une manière frivole, si vous voulez, ou blessante, attaquer le député de Mercier pour lui dire: Mais il est fort en chiffres, comme on dit de quelqu'un qu'il est fort en thème, je préfère quand même, surtout dans la jungle fiscale actuelle, quelqu'un qui est fort en chiffres plutôt qu'un autre qui peut être très fort en démagogie, M. le Président.

Ou se trouve l'origine du malaise actuel, du malaise économique que nous vivons depuis quelques années au Québec? Le peuple du Québec est-il moins intelligent? Non. Le peuple du Québec est-il moins brillant, moins entreprenant? Non. Nous n'avons qu'à retourner dix ou vingt ans en arrière et à faire des comparaisons avec la valeur des Québécois qui sont dans l'entreprise ou dans les échelles universitaires ou autres. Je crois que nous avons fait des pas énormes dans cette courte vie de vingt ans, de trente ans ou de cinquante ans du peuple du Québec.

On a voulu apporter des mesures qu'on a qualifiées de salvatrices, le flirt avec la mère-patrie, avec la France, les investissements français. Eh bien, M. le Président, on les cherche toujours, ces investissements français. Il y a eu des mesures...

M. MALTAIS (Saguenay): Ils investissent de l'air.

M. LAVOIE (Laval): Il y a eu d'autres me-

sures qui s'avéraient des plus prometteuses il y a quelques années, même proposées par le député de Laurier. Entre autres, la nationalisation des ressources électriques, ici au Québec. On peut même se poser des questions sur cette mesure qui fut le cheval de bataille d'une certaine élection en 1962, mesure qui fut proposée et patronée par le député de Laurier. Je ne voudrais pas m'aventurer sur cette question, mais peut-être aujourd'hui n'y a-t-il que les imbéciles qui ne font pas le point à certains moments.

M. le Président, il y a eu d'autres mesures, comme l'établissement d'un régime de rentes ou la Caisse de dépôt. Sur celle-ci, il n'y a pas tellement de questions à se poser, parce que si cette mesure n'avait pas été créée, établie, je me demande où serait le Québec aujourd'hui dans son financement, lorsqu'on sait qu'au moins 50% ou 60% des émissions de l'Hydro ou de la province sont financées par la Caisse de dépôt. Je crois qu'elle a été la mesure salvatrice du Québec et je tiens à féliciter le chef de l'Opposition qui avait apporté cette mesure en 1965.

Quant au député de Laurier, on se demande ce qu'il désire ou vise dans la campagne qu'il a entreprise depuis une couple d'années. On se demande si vraiment il a à coeur la survie ou le prétendu amour qu'il a pour le peuple du Québec. On dirait qu'il se délecte du malaise économique qui existe actuellement. Il s'est dit des plus heureux d'entendre la franchise de l'exposé du ministre des Finances. Il se délecte tellement qu'il lui a dit qu'il devrait le répéter trois ou quatre fois par année, ce discours, et non pas attendre le discours sacramentel du budget. Dans son exposé, il lui a dit que cela lui faisait chaud au coeur et qu'il aimerait entendre plus souvent cette franchise du ministre des Finances. Quelles sont les raisons de ce malaise? Tout le monde reconnaît qu'aujourd'hui, dans la plupart des pays du monde, le contexte économique d'un pays est intimement lié au contexte politique.

On se demande s'il n'existe pas un complot latent, et même des plus actifs de certains éléments, qui profitent justement de la subversion. Ce n'est pas la peine d'aller loin dans l'histoire; les groupements révolutionnaires et autres, nous savons quels moyens ils ont pris pour atteindre leurs fins personnelles. On se demande s'il n'existe pas un complot de certains éléments du Québec qui veulent encourager, exploiter les malaises économiques que nous connaissons et en profiter. Il y a cette fameuse société très active, beaucoup plus nombreuse en paroles qu'en membres, société sans doute honnête, mais qu'on exploite à certaines fins. Certains éléments Saint-Jean baptistards, le député de Laurier, certains mouvements comme le MIS et d'autres, le député de Chicoutimi qui nous a quittés il n'y a pas tellement longtemps, certains éléments reconnus et identifiés du gouvernement actuel, par leurpro-pre collègue...

M. GRENIER: C'est effayant!

M. LAVOIE (Laval): ... peut-être certains hauts fonctionnaires du gouvernement, peut-être le nouveau premier ministre par intérim, le nouveau député de Bagot qui, même après l'engagement de son prédécesseur, le premier ministre actuel, quand même, justement à propos du bill 85, le fait retraiter une deuxième fois...

M. MALTAIS (Limoilou): A l'ordre!

M. LAVOIE (Laval): ... l'entourage du premier ministre par intérim. On se pose des questions et la population du Québec a le droit de se poser des questions, M. le Président, devant le complot qui se trame actuellement. On joue à cache-cache. On promet la semaine dernière un bill pour la sauvegarde, pour la protection des langues au Québec...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que le débat a été suffisamment élargi en permettant au député de s'exprimer sur toute la question financière et même sur la question constitutionnelle, sans aborder d'autres problèmes, et surtout un bill dont la première lecture a déjà été introduite en cette Chambre.

M. LESAGE: M. le Président, sur le point d'ordre, si vous le permettez, vous avez permis, avec le consentement de tout le monde, y compris le m?.en, que le débat puisse être élargi pour englober, si vous voulez, les questions économiques, les questions financières et même les questions constitutionnelles pour autant qu'elles influent sur les sources de revenu, sur la taxation et sur le revenu des taxes. Or, il est certain et c'est d'ailleurs l'argumentation que vient de faire le député, que... Oui, il vient de le dire; il a dit que ce qui influençait énormément le climat économique et par conséquent l'ampleur des revenus fiscaux, c'était le climat politique. Je soumets, M. le Président, qu'il a certainement le droit d'expliquer et d'exposer jusqu'à quel point l'instabilité politique actuelle dans le Québec, due aux causes qu'il est à énumérer, influe sur la pauvre entrée des revenus de la taxation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: Sur le point d'ordre soulevé par le chef de l'Opposition, il ne faudrait pas oublier les règles bien précises qui régissent la marche normale des travaux prévus en cette Chambre et je voudrais, M. le Président, vous rappeler les dispositions de l'article 285, onzièmement, où il est dit qu'on ne peut se référer à une affaire inscrite au feuilleton ou annoncée dans le feuilleton, à moins que cette affaire et celle qui est en discussion ne soient fondées sur le même principe. Il n'y a aucun doute que les principes visés par le bill présentement à l'étude et celui qui est à la base du bill 85 sont tout à fait différents. L'honorable député de Laval aura sûrement l'occasion d'exprimer ses vues lorsque la Chambre sera saisie...

M. BIENVENUE: Quand?

M. PAUL: ... d'ici la fin de la session...

UNE VOIX: Un petit changement.

M. PAUL: ... de certaines motions ou bills qui figurent au feuilleton. Je crois que l'honorable député a trop d'expérience pour s'éloigner je dirai bien poliment d'une façon aussi scandaleuse, du principe du bill présentement à l'étude.

M. DOZOIS: Je voudrais dire à cette Chambre que je me suis bien gardé cet après-midi de parler du bill 85 et du bill de l'aéroport international. Je les ai évités complètement, parce qu'ils sont au feuilleton.

M. LESAGE : Le député n'a fait qu'une mention du bill 85, son exposé est un peu plus large que ça.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Laval doit argumenter sur le point d'ordre?

M. LAVOIE (Laval): Non, non.

M. MALTAIS (Saguenay): Je voudrais dire un mot sur le point d'ordre. J'ai, avec énormément d'attention, écouté les propos qui ont été tenus par le député de Laurier. Je remarque que, tout le long de son discours, il a parlé de choses qui regardaient le fédéral, notamment de castors et que, pourtant, jamais, il n'a été rappelé à l'ordre. Je ne vois pas pourquoi le député de Laval...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Que l'honorable député de Saguenay me reproche mon attitude concernant le député de Laurier...

M. MALTAIS (Saguenay): Non, je parlais d'autres.

M. LE PRESIDENT: Je ne me prends pas pour un autre, je me sens visé. Je dois dire à l'honorable député de Saguenay que je pense, de la façon la plus impartiale possible, aujourd'hui, avoir traité, selon la même mesure, l'honorable ministre du Travail, l'honorable député de Mercier et l'honorable député de Laurier. Je suis bien disposé à me servir de la même mesure, il va sans dire, pour l'honorable député de Laval. Cependant, l'article 285, onzièmement, est formel et je ne pourrais sûrement pas — même si on prétendait, comme quelqu'un l'a laissé entendre, que l'étude d'un autre projet de loi pourrait être retardée — permettre d'ores et déjà qu'on aborde presque la deuxième lecture d'un bill qui est déjà au feuilleton, à l'occasion de l'étude d'un autre bill. Je pense que tout le monde conviendra qu'à ce moment-là nous placerions la charrue devant les boeufs.

M. MALTAIS (Saguenay): Alors, M. le Président, si vous le permettez, je voudrais ici blâmer le député des Iles-de-la-Madeleine qui m'a fait remarquer, tout à l'heure, que, lorsque vous m'interrompiez, il fallait faire semblant de ne pas vous voir pour pouvoir continuer. Je n'ai pas aimé ce procédé, je vous l'avoue.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.

M. LAVOIE (Laval): Permettez-moi de laisser tomber le bill 85, comme tout probablement le gouvernement le laissera tomber demain, sans aller plus loin dans cette discussion. Je disais donc qu'il existe actuellement une espèce d'alliance secrète d'un ensemble d'éléments, des plus actifs dans le gouvernement, même s'ils ne sont pas tellement nombreux. Je partage le malaise que peuvent ressentir, quand même, des gens d'équilibre et de bon sens comme le ministre des Finances, le ministre du Transport, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre du Travail et le ministre des Affaires municipales. Je voudrais partager le malaise qu'ils ont eux-mêmes de se sentir miner à la base par certains membres des plus actifs de leur parti. Je ne me gêne pas de nommer le député de Chicoutimi, le député de Saint-Jean, le député de Saint-Hyacinthe, et certains autres.

M. LE PRESIDENT: Mlaheureusement, je me dois d'interrompre l'honorable député de Laval, car il veut, malgré moi, m'entraînmer dans un

caucus et dans des questions partisanes. Je ne peux sûrement pas tolérer, à l'occasion de l'étude d'un bill, qu'on aborde des problèmes comme ceux-là: problèmes de partis, problèmes de personnalité et problème de motifs. Alors, je demande à l'honorable député de Laval de revenir au bill de la ville de Montréal.

M. LAVOIE (Laval): M. le Président, je me sentirais très mal à l'aise, à votre place, de faire partie du caucus et de rendre des décisions de cette nature. Quand même...

DES VOIX; A l'ordre! Vous ne savez pas ce qui se passe au caucus.

M. LAVOIE (Laval): Evidemment les exposés que le député de Laurier fait dans toute la province, ça peut prendre très facilement, ça se sème facilement dans des oreilles de jeunes de 14, 15, 16 et 17 ans, mais je dois vous dire que, ce soir, en Chambre, il a été loin de m'impressionner. Comme le député de Richmond, je l'inviterais et j'inviterais même le gouvernement, qui est rempli en majorité de gens de très bonne volonté — je me demande si on ne devrait pas — je n'ai pas le terme juste — faire face à la réalité.

Il y a un terme anglais qui dit un « showdown » — même si cela peut amener le réalignement de certains partis politiques et vraiment prouver, à la face du Québec et à la face du Canada, que ce groupe de fauteurs de troubles n'est pas aussi nombreux qu'ils le laissent voir. Ils profitent peut-être de l'hésitation du gouvernement ou de l'hésitation des hommes publics à provoquer un affrontement ou à provoquer cette minute de vérité, quitte, s'il faut prendre les grands moyens pour sauver le Québec et le Canada, quitte à amener un réalignement des partis. Il faudrait pratiquement provoquer une élection et les inviter à faire face à la population. Celui qui, peut-être, ce soir, usurpait cette tribune n'aura plus l'occasion de s'en servir.

Nous vivons dans une fédération. Tous les pays qui ont un tel système politique connaissent des difficultés, surtout lorsque ce système politique est agrémenté de langues différentes. On sait qu'en Suisse, en Belgique et ailleurs, il se crée de temps à autre, des affrontements.

M. BOUSQUET: C'est instructif.

M. LAVOIE (Laval): Même aux Etats-Unis, où il y a un système de fédération, il y a constamment des conflits entre l'Etat central et les cinquante états américains, dans les juridic- tions de pouvoir, dans les champs de taxation et autres. Nous vivons quand même, nous sommes un peuple majeur. Nous avons besoin au Québec, et surtout le Québec, d'une politique de bons sens, d'équilibre, de jugement. Bataillons-nous pour accorder et obtenir pour le français le rôle qui lui revient? Mais que cela ne soit pas au détriment de l'économie, du mieux-être et de l'épanouissement de notre peuple. Arrêtons de brailler, de chiâler et de nous plaindre, tels des constipés et des frustrés continuels remplis de complexes d'infériorité. Retroussons nos manches et faisons face à la réalité. Attardons-nous à la table des négociations avec les frères des autres provinces. Qu'on arrête de porter les étendards, qu'ils soient allemand, juif, polonais, anglais ou autres. Qu'on travaille sur une nouvelle constitution, d'accord. Qu'on détermine les champs de taxation, d'accord.

Ottawa, c'est toujours Ottawa. C'est là qu'est le cancer, c'est là qu'est le bobo, à entendre parler le député de Laurier. Par contre, si on jette un coup d'oeil sur les revenus des différents paliers gouvernementaux, on découvre certains chiffres. Je veux revenir ici, peut-être au bill de Montréal et des municipalités. Comparons les revenus des municipalités du Québec en 1960 et 1964, à quatre ans de distance. Les revenus en 1960 sont de $336 millions. En 1964, ils sont de $499 millions, une augmentation de 50% durant ces quatre années-là. Au gouvernement provincial, le total des revenus en 1960 était de $637 millions et en 1964 de $1,228,000,000. Donc une augmentation de 100% des revenus provinciaux durant ces quatre années. A Ottawa, le vampire ou la sangsue, le total des revenus du gouvernement fédéral était en 1960 de $5,290,000,000 et, en 1964, de $6,253,000,000, une augmentation de 20% seulement, alors que l'augmentation des municipalités est de 50% et du gouvernement provincial de 100%.

Tout le monde sait que, dans l'augmentation de 100% du provincial, il y en a un joli paquet qui est taxé quand même à Ottawa et qui nous est remis sous forme de paiements de péréquation.

Lorsque j'entendais dans l'exposé du député de Laurier que si ça va mal à Montréal, que si Montréal est dans la purée, c'est à cause indirectement d'Ottawa parce que Montréal, étant une créature comme toutes les municipalités du gouvernement provincial, vient ici pour obtenir des revenus nouveaux et que le ministre des Finances, dans la situation actuelle, lui dit: Eh bien, c'est à cause d'Ottawa, on ne peut pas vous en donner. Tout le champ de taxation est pour Ottawa. Je lui demanderais au député de Laurier, si ça va mal à New-York, si à New-York il y a des déficits énormes au point de vue du trans-

port en commun, si la ville de New York est obligée d'imposer l'impôt sur le revenu dans la ville de New York, si c'est à cause d'Ottawa?

M. LEVESQUE (Laurier): Etait-ce une question?

M. LAVOIE (Laval): II ne me reste pas tellement de temps.

M. MALTAIS (Saguenay): Vous n'avez pas de permission à demander au chef de MSA, MSI là.

M. LEVESQUE (Laurier): A la prochaine élection, vous saurez le vrai nom.

M. MALTAIS (Saguenay): Venez dans mon comté, je vais démissionner tout de suite. Venez donc essayer demain.

M. LE PRESIDENT; A l'ordre!

M. MALTAIS (Saguenay): Et je ne retirerai pas mon salaire comme indépendantiste. Si je suis élu comme libéral, je démissionnerai purement et simplement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne suis pas sûr que la lutte serait à un niveau qui avancerait le Québec.

M. MALTAIS (Saguenay): Levez-vous donc pour parler, comme tout le monde. La position assise vous convient d'ailleurs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MALTAIS (Saguenay): Pardon M. le Président. Là, je ne vous avais pas vu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.

M. LAVOIE (Laval): M. le Président, il existe également actuellement un malaise assez prononcé même dans l'Ontario au point de vue municipal. Il y a des études depuis deux ou trois ans ou quatre ans en ce qui concerne le palier municipal dans les villes d'Ontario. Les municipalités se plaignent des limites de leur champ de taxation, de la limite de leurs pouvoirs et encore la semaine dernière, il y a à peine une dizaine de jours, le premier ministre Robarts, à la suite d'une commission d'enquête, pensait ou envisageait de créer des gouvernements régionaux et non pas des gouvernements supramuni- cipaux, mais des gouvernements régionaux pour les municipalités à l'échelle d'un comté, par exemple. C'est peut-être là une des formules que le gouvernement actuel devrait envisager pour Montréal même si le ministre des Finances actuel, ancien ministre des Affaires municipales, déclarait il y a quelques années, qu'il fallait résoudre une fois pour toutes le problème des municipalités sur l'île de Montréal. Eh bien quelle est la politique du gouvernement actuel au point de vue municipal? A Montréal, on attend devant le portrait ou devant lajungle municipale qui existe sur l'île de Montréal, on attend que les municipalités soient en faillite ou encore qu'il y ait du coulage de $5 millions ou $10 millions dans les municipalités pour les greffer ou les fusionner à Montréal.

Rivière-des-Prairies, faillite, fusion permise. Ville de Saint-Michel, coulage de $5 millions ou $10 millions, je ne sais pas, là la fusion est bonne. Pointe-aux-Trembles une autre, ce doit être la suivante si ce n'est pas fait, où il y a encore une faillite et même de la déconfiture et des scandales, c'est certainement la suivante qui sera greffée à Montréal. Peut-être Sainte-Geneviève sera-t-elle la suivante? C'est peut-être une lenteur administrative coûteuse pour la ville de Montréal, c'est peut-être une solution.

En conclusion, je crois que le gouvernement devra...

M. TREMBLAY (Bourassa): Pas Montréal-Nord.

M. LAVOIE (Laval): ... s'Injecter des idées nouvelles, et les récriminations de Montréal et des autres municipalités dans la province sont peut-être plus valables que les récriminations du Québee vis-t-vis du gouvernement central, si on considère le total des revenus depuis cinq, dix ou quinze ans. Pratiquement toutes les municipalités du Québec sont dans la soupe actuellement, à commencer par Montréal qui a profité, depuis les cinq ou dix dernières années, des plus gros investissements immobiliers que le Canada et même l'Amérique ont connus, si on considère la place Ville-Marie, la place Victoria, la place Bonaventure, la place Westmount, l'Expo, le Métro, et tout. Montréal a profité, au Québec, sans aucun doute, de tout, entre autres de 50% des investissements immobiliers, ce qui est la première source de revenus des municipalités, et même malgré ça, Montréal est dans la purée.

Imaginez-vous comment doivent être les autres municipalités! Je crois que le gouvernement devrait être réaliste, et j'invite le ministre des Affaires municipales à reviser, de con-

cert avec le ministre des Finances, son champ de taxation.

On parle de l'empiètement du gouvernement fédéral dans certains domaines. C'est vrai, et c'est à tort que c'est fait, mais on voit aujourd'hui, par contre, que le gouvernement d'en face ne se plaint pas lorsqu'il s'agit, par l'entremise de la Société d'habitation du Québec, d'aller chercher des centaines de millions de dollars à Ottawa. C'est financé à 90% ou 95%, si ce n'est pas 100%, et pour bâtir quoi, M. le Président? Alors que le problème, actuellement, au point de vue habitation, c'est de bâtir des maisons à loyer modique pour la population qui n'a pas les moyens, et qui ne trouve pas sur le marché des loyers de $100, $110 ou $120 par mois. On ne se plaint pas des fonds du fédéral lorsqu'il s'agit d'aller chercher $100 millions ou $150 millions par l'entremise de la Société d'habitation du Québec pour bâtir quoi? Uniquement des résidences pour personnes âgées. On a découvert ça il y a six mois. Belle petite formule de patronage! Cela pousse dans toutes les villes du Québec et l'Office d'information et de publicité nous alimente régulièrement de projets dans toutes les municipalités du Québec...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAVOIE (Laval): ... où on peut acheter des terrains, où on peut nommer des architectes, des Ingénieurs. Ce n'est pas d'une fontaine de Jouvence que nous aurons besoin dans le Québec. Nous avons une population jeune, mais il faudra piquer les gens pour qu'ils vieillissent plus vite pour habiter toutes ces maisons pour personnes âgées.

M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Je comprends que, d'une certaine façon, on avait assimilé les interventions de ce jour à un discours sur le budget, mais il ne faudrait tout de même pas toucher toutes les questions de la politique provinciale dans le même discours.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, laissez-moi une chance. Vous avez été bon pour le ministre des finances, pour le député de Laurier et pour le député de Mercier.

Je termine, d'ailleurs, en invitant le gouvernement, dans le contexte actuel, qui n'est pas rose pour le Québec... Je comprends la bonne volonté, les efforts et l'honnêteté du ministre des Finances et de la majorité de l'équipe qui est en face de nous, mais nous ne sommes pas en vacances lorsque nous administrons la chose publique.

On s'en rend compte, devant cette aspirine qu'on donne à la ville de Montréal aujourd'hui, par un moyen des plus tirés par les cheveux, pour lui permettre d'équilibrer son budget, celui de mettre des obligations dans un fonds de pension. En somme, c'est un peu comme si quelqu'un a une hypothèque sur sa maison et doit rembourser sous forme d'amortissement sur vingt ans. Au lieu de payer les $500 de capital qu'il doit acquitter chaque année, il donne un billet à ordre pour bâtir un fonds d'amortissement.

M. le Président, je vais vous empêcher de vous lever, je termine en disant que nous devrons voter...

M. LESAGE: C'est le bill.

M. LAVOIE (Laval): C'est le bill, mais je voyais le président qui,,..

M. LESAGE: C'est le bill, c'est exactement le bill.

M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression que c'est un bien gros bill, en effet, parce qu'on a couvert énormément...

M. LESAGE: C'est le sujet du bill. M. BELLEMARE: Oui?

M. LE PRESIDENT: Ce n'est tout de même pas, je pense, une question financière qui est vraiment visée par le bill. Si on parle, comme on l'a fait jusqu'à présent, depuis cinq minutes, de problèmes de maisons de vieillards, de patronages, etc, je pense qu'on va admettre que ça dépasse un peu tout de même le bill à l'étude.

M. TREMBLAY (Bourassa): Ce n'est pas mauvais d'en parler.

M. LESAGE: M. le Président, le député de Laval était justement à parler d'une des solutions...

M. BELLEMARE: La décision est rendue.

M. LESAGE: S'il vous plaît!

M. BELLEMARE: Bien oui, merci.

M. LESAGE: Nous avons écouté religieusement, pendant deux heures et demie, le ministre des Finances.

M. ROY: Il était bon, n'est-ce pas?

M. LESAGE: Il a fait un excellent discours, je le dirai plus tard dans le débat, demain.

M. BELLEMARE: Demain soir.

M. LESAGE: Ah, demain soir ou lundi matin.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: CommeleleaderdelaChambre le voudra.

M. BELLEMARE: Pas selon le leader, selon les règlements de la Chambre.

M. LESAGE: Oui, c'est là-dessus que j'ai l'intention de dire un mot. Dans le projet de loi à l'étude, une solution est proposée pour aider la situation financière de la ville de Montréal: c'est de dispenser la ville de Montréal de verser $10,500,000 cette année, $10,500,000 l'année prochaine, dans les fonds de pension de ses employés, et de déposer justement un billet à ordre à la place de sa contribution comptant.

Cet après-midi, nous en avons discuté, le ministre des Finances et moi. Or, c'est une des questions que le ministre des Finances a posées.

Il a dit: Si la Chambre était d'accord, je serais prêt à accepter...

M. DOZOIS: Si je sentais unanimement les membres...

M. LESAGE: Oui, très bien. De toute façon, c'est sur un point d'ordre.

M. DOZOIS: C'est très bien.

M. LESAGE: Le ministre des Finances a dit: Si je sentais que la Chambre était d'accord pour dispenser la ville de Montréal pendant deux ans de ce paiement, j'accepterais un amendement au bill.

Alors, il me semble qu'à ce moment-là le ministre des Finances invitait les députés de cette Chambre à se prononcer sur ce point-là. Or, c'est justement sur ce point que le député de Laval est à se prononcer. Si on empêche le député de Laval, on m'empêchera moi-même, tout à l'heure ou demain matin, de répondre au ministre des Finances. J'ai envie, comme chef de l'Opposition, de lui répondre. C'est une question qu'il nous a posée. Elle est ad rem, c'est le fond du bill.

M. LE PRESIDENT: Je reconnais, en effet, qu'avec les discussions d'aujourd'hui j'avais oublié quelques points du bill.

J'invite donc l'honorable député de Laval à continuer, en retenant la dernière partie, là où il m'a dit qu'il devait terminer son intervention.

M. LAVOIE (Laval): M. le Président, après ces multiples interruptions, il est toujours difficile pour un orateur de trouver une sortie élégante pour terminer un discours. Comme ce n'est pas toujours facile et qu'il est plus facile de s'embourber, je termine mon intervention en vous remerciant, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Paul-Emile Sauvageau

M. SAUVAGEAU: M. le Président, à titre de député de la ville de Montréal, je me dois de demander aux députés de cette Chambre de voter en faveur du bill pour la bonne raison que je crois que les demandes du président du comité de l'exécutif ne sont pas exagérées. Ayant fait partie du conseil municipal pendant neuf ans, je dois vous dire que, très souvent, on était porté à dire que Montréal dépensait trop. Je vous dirai que Montréal était en retard d'à peu près 50 ans dans ses dépenses et ses améliorations.

Nous avons joué pendant à peu près 50 ans avec les finances de la ville sans rien faire. A un moment donné, tout était à refaire. Souvent, on est porté à dire: Montréal a trop dépensé, qu'il s'arrange tout seul. Je peux vous dire que, connaissant le président du comité exécutif comme je le connais, et ayant eu le plaisir de travailler avec lui pendant neuf ans, il a fouillé un peu partout pour s'empêcher de venir demander à Québec des pouvoirs pour ne pas trop augmenter la taxe foncière. Si, ces derniers six ans, à Montréal, on a connu un tel essor, c'est parce qu'on y a fait dans six ans ce qui aurait dû être fait pendant 50 ans. Aujourd'hui, on nous demande quelque chose qui ne coûte rien à la province de Québec et qui soulagera d'autant les contribuables. Si nous refusons le bill ou les amendements qui seront suggérés tout à l'heure, je crois que le petit contribuable de Montréal verra augmenter sa taxe foncière de beaucoup. C'est pour ces raisons que j'inviterais les deux côtés de la Chambre à adopter le bill avec les amendements qui seront suggérés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, le ministre des Finances, cet après-midi, nous a fait un exposé détaillé de la situation financière et budgétaire du gouvernement du Québec à l'heure actuelle. Il l'a fait sans passion. Il est allé dans des détails extrêmement intéressants.

Il a démontré ce que nous savions déjà, en nous fournissant des informations que nous n'avions pas, des précisions que nous ne pouvions en réalité connaître que de sa bouche. Il nous a démontré, dis-je, que cette situation financière sans être évidemment celle du désastre ou de la déroute était comme la situation financière de la plupart des gouvernements dans le monde entier à l'heure actuelle difficile, très difficile.

Il n'a pas tant décrit les causes de ces difficultés en autant que le Québec est concerné, plus spécialement, qu'il a tenté de nous peindre la situation. Le tableau n'était pas rose, comma je l'ai dit cet après-midi. Le tableau qu'il a brossé est passablement sombre et il a - d'une façon indirecte qui, à plusieurs moments, devenait une voie très directe — prêché l'austérité. Ce n'est pas facile cette tâche de tous les gouvernements de faire ou de dresser un ordre de priorité dans les dépenses qui s'imposent. Partout les sources de revenu d'impôts donnés, rapportent des montants qui s'accroissent moins vite que les dépenses en vertu des programmes existants. Autrement dit, avec une structure fiscale donnée qui normalement rapporte plus de revenus avec l'augmentation de la population et l'augmentation ou la croissance de l'économie et de la productivité, l'accroissement de ces revenus ne peut jamais être assez rapide pour suffire à combler ou à payer l'accroissement des programmes existants et encore nous permettre d'établir de nouveaux programmes.

Il est clair que le moyen de remédier à cette situation, il ne peut se trouver dans une augmentation constante des impôts parce qu'il y a un bout, une saturation, qu'on a atteints, a dit lui-même le ministre des Finances cet après-midi. Il faut donc prendre à ce moment-là tous les moyens possibles pour augmenter la production et la productivité. Pour augmenter production et productivité, il faudra peut-être, quant à certains programmes de dépenses dites sociales, faire montre d'un peu plus d'austérité pour être capable d'investir dans des entreprises de l'ordre économique des montants considérables qui serviront directement à nous créer une base industrielle plus importante au Québec, ou indirectement à entraîner chez nous des capitaux étrangers. Ceux-ci commenceront alors à revenir chez nous, parce qu'hélas! depuis deux ans, deux ans et demi, l'afflux des capitaux étrangers d'investissements dans l'industrie au Québec a été de beaucoup moindre importance que ce que nous espérions. Les causes de cette carence d'investissements, le député de Laval y a touché tantôt, je l'en félicite. Une des principales, c'est l'instabilité politique qui règne au Québec. Cette instabilité politique est due non seulement aux prédications du député de Laurier, mais également à l'instabilité et àl'incohérence du gouvernement actuel.

Comment voulez-vous que les investisseurs aient confiance dans une région donnée ou dans un pays donné quand son gouvernement se dédit et se contredit constamment d'une semaine à l'autre, quand ce n'est pas d'une journée à l'autre? Comment voulez-vous qu'on ait confiance dans une région ou dans un pays donné quand le gouvernement n'a pas l'autorité avec un grand A, le leadership nécessaire pour maintenir, à l'intérieur de ses frontières, l'ordre et lapaix?

Je suis d'accord que nous allions à Ottawa récupérer des champs de taxation. Je suis d'accord et je l'ai prouvé tout au long de ma carrière. Je suis d'accord pour dire à Ottawa: Mêlez-vous de vos affaires, comme l'a dit le ministre des Finances cet après-midi.

UNE VOIX: Il n'y a pas longtemps.

M. LESAGE: Il y a très longtemps. Bien avant qu'un député de l'autre côté en parle, alors que j'étais député au fédéral, j'ai réclamé pour les provinces les droits miniers sous-marins; c'était en 1957. J'étais dans l'Opposition.

M. LIZOTTE: C'était la queue du chat, dans ce temps-là,

M. LESAGE: En 1957, c'est celui qui vous parle qui, le premier, a réclamé pour les provinces les droits miniers sous-marins. Ce n'étaient pas les grands autonomistes de l'autre côté; c'était un député fédéral, le député de Montmagny-L'Islet, On a raison de demander à Ottawa de s'occuper de ses affaires et de ne pas se mêler d'affaires culturelles. D'accord, mais, d'un autre côté, il ne suffit pas de réclamer. Il faut rétablir le climat de confiance qui a existé ici de 1960 à 1966, alors que les investissements étrangers et canadiens affluaient au Québec et que le chômage diminuait. M. le Président, il est dix heures.

M. GRENIER: Le grand théâtre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion d'ajournement du débat est adoptée? Adopté. L'honorable ministre du Travail.

M. BELLEMARE: J'ai l'honneur de demander...

Message du Conseil législatif « Conseil législatif, le 13 décembre 1968.

M. LE PRESIDENT: On me permettra de communiquer à la Chambre un message reçu du Conseil législatif.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement les bills suivants:

Bill no 285 intitulé: Loi modifiant de nouveau la loi des cités et villes;

Bill no 286 intitulé: Loi modifiant de nouveau le code municipal;

Bill no 289 intitulé: Loi modifiant la loi des établissements industriels et commerciaux.

Bill no 292 intitulé: Loi de l'Office de la prévention et du traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies. »

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés?

M. BELLEMARE: II y a trois modifications. D'abord à l'article 2, dans le bill original, dans le bill qui avait été soumis ici à la Chambre basse, les députés...

M. LE SAGE: II y a eu une erreur, c'est très simple. On a mis...

M. BELLEMARE: Un instant, vous avez votre droit de parole, j'ai le mien.

M. LESAGE: Il est dix heures. On pourrait bien arrêter.

M. BELLEMARE: Les articles disaient: 5 et 18 tandis que c'est 5 à 18. L'autre, c'est aussi une autre chose très importante. On dit, à la cinquième ligne du même paragraphe, que l'article 41 a été modifié. C'est qu'on fait sauter le mot « respective ».

L'alinéa suivant est ajouté à la fin de l'article 94 où il est question de pension: « Les prestations prévues au présent article tiennent lieu des pensions auxquelles les conseillers peuvent avoir droit en conformité de dispositions de la loi de la Législature modifiées ou abrogées par la présente loi et de toute indemnité pour renonciation à leur nomination à vie ou, selon le cas, jusqu'à l'âge de 75 ans ou aux droits acquis découlant d'une telle nomination. » Je vous propose, M. le Président, d'accepter ces modifications.

M. LE PRESIDENT: Ces amendements seront-ils agréés? Agréés,

M. LESAGE: M. le Président, je veux faire plaisir au leader du gouvernement.

M. BELLEMARE: Me faire plaisir? J'en suis très heureux.

M. LESAGE: Le leader du gouvernement aime toujours voir nettoyer le feuilleton.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LESAGE: Alors, étant donné que le Conseil législatif a maintenant adopté le bill 90, je désire obtenir le consentement unanime de la Chambre pour retirer le bill 99, ce qui aura pour effet de faire tomber les articles 7 et 8 du feuilleton de ce jour.

M. BELLEMARE: Comme je suis très sensible à cette grande délicatesse de l'honorable chef de l'Opposition, nous nous rendrons avec plaisir à sa demande. J'avais pensé le proposer dès demain matin, mais nous l'acceptons.

Nous pourrions peut-être aussi accepter, vu les bonnes dispositions du chef de l'Opposition la motion du rapport du comité de l'éducation pour nous permettre d'introduire maintenant le bill 56.

M. LESAGE: Le bill est-il imprimé?

M. BELLEMARE: Il est sûrement imprimé.

M. LESAGE: Nous l'aurons demain matin à onze heures?

M. CARDINAL: Demain matin.

M. BELLEMARE: Nous pourrions faire...

M. LESAGE: Il y a une procédure un peu complexe, alors J'aimerais bien à ce qu'on fasse ça demain matin, je voudrais regarder les règlements.

M. BELLEMARE: Le règlement est très simple,

M. LESAGE: Nous le regarderons. M. BELLEMARE: Nous l'avons regardé. M. LESAGE: Oui mais, Je le regarderai. M. BELLEMARE: Vous l'avez oublié?

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, ajournement de la Chambre à onze heures demain matin.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin onze heures.

(22 h 5)

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