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Version finale

29th Legislature, 2nd Session
(February 23, 1971 au December 24, 1971)

Monday, December 6, 1971 - Vol. 11 N° 100

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Quinze heures six minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 1).

Projet de loi no 270 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture de la Loi des acousticiens en prothèses auditives.

M. CASTONGUAY: Ce projet de loi a pour principal objet de constituer la Corporation professionnelle des acousticiens en prothèses auditives du Québec et d'établir des règles concernant l'exercice de la profession, en tenant compte des dispositions du projet de code des professions. Entre autre choses, à la section IV, on décrit l'exercice de la profession comme "tout acte qui a pour objet d'exécuter une ordonnance d'un médecin, d'un orthophoniste ou d'un audiologiste en vendant, fournissant, posant, ajustant ou remplaçant des prothèses auditives", et on réserve le droit de poser ces actes aux acousticiens en prothèses auditives.

Egalement, aux notes explicatives, le projet de loi précise que "la Loi des acousticiens en prothèses auditives n'aura pas pour objet de prohiber le commerce en gros des prothèses auditives, ni d'autoriser la Corporation professionnelle des acousticiens en prothèses auditives à réglementer ou contrôler les prix des prothèses auditives, non plus que les conditions de paiement".

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: Référence à la commission parlementaire qui étudie le code des professions.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. LEVESQUE: Article n).

Projet de loi no 276

Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi favorisant le regroupement des municipalités.

M. TESSIER: M. le Président, ce projet de loi autorise le ministre des Affaires municipales à établir des unités de regroupement pouvant comprendre des municipalités tant urbaines que rurales. A la demande de la moitié des conseils municipaux des municipalités de l'unité, représentant 50 p.c. de la population globale de l'unité, le gouvernement pourra approuver la fusion des municipalités de l'unité.

Les municipalités qui désirent se fusionner et qui ne sont pas comprises dans une unité de regroupement pourront le faire également. Des procédures prévues au cas de fusion de municipalités comprises dans une unité de regroupement s'appliqueront.

La requête des municipalités désirant la fusion sera publiée dans la Gazette officielle du Québec et dans un journal circulant dans le territoire. De plus, elle sera déposée au bureau de chacune des municipalités de l'unité, de façon que les propriétaires et les locataires puissent en prendre connaissance et soient avisés de la façon dont ils peuvent, en cas d'opposition de leur part aux principes et aux modalités de la fusion, en aviser la Commission municipale.

Celle-ci tiendra une enquête publique, si des oppositions y ont été adressées ou si le ministre le requiert. Lorsque la commission a terminé son enquête, elle fait rapport au ministre et transmet ses recommandations au conseil des municipalités. Elle pourra aussi recommander au ministre d'ordonner que les municipalités soumettent le projet de fusion aux propriétaires et aux locataires, et d'ordonner également qu'il soit procédé à une étude sur tout le sujet qui devrait faire l'objet d'examen.

Si le ministre des Affaires municipales estime que l'intérêt public le justifie, il peut ordonner à toutes les municipalités comprises dans une unité de regroupement de procéder ou de faire procéder, dans un délai qu'il fixe, à une étude conjointe sur l'opportunité pour ces municipalités de se fusionner. En un tel cas, le rapport de l'étude devra être transmis au ministre et aux municipalités. Une fois en possession du rapport et si ce dernier conclut qu'une fusion serait souhaitable, le ministre pourra demander à la commission de tenir une enquête publique au cours de laquelle les propriétaires et les locataires pourront faire connaître leur opinion et il pourra, sur la recommandation de la commission, ordonner la tenue, dans toutes les municipalités intéressées ou dans certaines d'entre

elles, une consultation des propriétaires et des locataires, c'est-à-dire un référendum.

Le gouvernement pourra modifier, sur la recommandation de la Commission municipale, les conditions de fusion qui avaient été envisagées. Si le gouvernement approuve la fusion, avis en sera donné dans la Gazette officielle du Québec et la fusion sera effective à compter de la date de la publication ou de toute autre date ultérieure mentionnée dans l'avis. Advenant une fusion, les anciennes municipalités disparaissent et c'est la nouvelle qui leur succède dans leurs droits et obligations, et les fonctionnaires et employés de ces anciennes municipalités passent au service de la nouvelle.

Le projet prévoit que, pendant que se déroulent les procédures préalables à une fusion, la Commission municipale exerce une surveillance sur les opérations financières des municipalités susceptibles d'être fusionnées.

Le projet prévoit également que le ministre des Affaires municipales pourra accorder, à toutes les municipalités qui seront fusionnées après l'entrée en vigueur de la loi, une subvention pouvant atteindre $15 per capita. La subvention qui sera accordée sera payable en cinq versements annuels et consécutifs. Le projet remplace la Loi de la fusion volontaire des municipalités; cependant, les procédures entreprises en vertu de la loi de la fusion, avant l'entrée en vigueur du présent projet, seront, en tout état de cause, continuées suivant les dispositions du projet.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Questions des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

L'assurance-chômage

M. PAUL: M. le Président, j'ai une question de caractère omnibus puisqu'elle peut affecter plusieurs ministères dont, entre autres, celui de la Fonction publique, celui de la Justice, ceux des Affaires sociales, de l'Education et du Travail.

En l'absence de l'honorable premier ministre, je voudrais poser ma question à l'honorable leader du gouvernement. Le 14 juin dernier, le gouvernement fédéral a adopté une loi, le bill

C-229, aux fins d'amender la Loi sur l'assurance-chômage. Le 14 juillet 1971, l'Assemblée nationale a adopté une loi aux fins de modifier la Loi de la fonction publique. Or, en vertu de cet article de la loi, il est bien dit que le champ d'application de l'assurance-chômage sera soustrait de la compétence du gouvernement fédéral lorsque le gouvernement est l'une des parties à la négociation de conventions collectives pouvant régir les employés de cet organisme qui sont des salariés au sens du code du travail.

Le leader du gouvernement voudrait-il prendre avis d'une certaine directive émise par le ministère du Revenu national aux fins d'imposer aux employeurs la retenue, en vertu du bill C-229, Loi modifiant la loi sur l'assurance-chômage, à l'endroit des employés d'hôpitaux, des employés des institutions de charité, des employés à titre d'enseignants.

Le premier ministre pourrait-il nous dire quelles sont les mesures qu'il entend prendre pour que les autorités fédérales respectent l'autonomie législative du Québec en la matière, par voie de conséquence le projet de loi no 82? Quelles sont les représentations que lui-même ou qu'un ministre désigné aurait faites auprès des autorités fédérales pour s'assurer du respect du bill no 82? En dernier ressort, le gouvernement a-t-il l'intention de donner des directives aux commissions scolaires, c'est-à-dire aux secrétaires-trésoriers aux fins de ne pas s'occuper des directives fédérales qui viennent d'être émises au sujet de la participation des enseignants au fonds de la Commission d'assurance-chômage?

M. LEVESQUE: M. le Président, je prends avis de la question. C'est le ministre de la Fonction publique qui y répondra probablement.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président.

J'avais déjà posé la même question la semaine dernière au ministre des Affaires sociales qui avait en effet répondu qu'il en saisissait le ministre de la Fonction publique, mais je voudrais ajouter une autre question à celle du député de Maskinongé. Le ministre de l'Education est-il au courant que des inspecteurs fédéraux parcourent actuellement les écoles en demandant aux administrateurs et aux trésoriers de préparer les formules de cotisation pour la mise en vigueur de la loi dès le 1er janvier? Est-ce que les divers ministres intéressés, le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Education peuvent promettre à cette Assemblée nationale qu'une décision sera prise dans un avenir extrêmement rapproché afin de faire cesser le malaise dans nos institutions et de voir à ce que la loi québécoise soit respectée sur le territoire?

M. SAINT-PIERRE: Le ministre de l'Education, M. le Président, est conscient de cela.

Compte tenu de la réponse qui a été donnée à la première question, nous allons tenter dans les plus brefs délais de donner, par directives, aux commissions scolaires les renseignements pertinents touchant ce point précis.

M. PAUL: Question additionnelle, M. le Président. Pourrais-je demander au leader du gouvernement de noter que les directives fédérales doivent trouver champ d'application à compter du 2 janvier, ce qui, dans les circonstances, présente un certain caractère d'urgence?

M. LEVESQUE: Nous en sommes pleinement conscients.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Allocations familiales

M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais poser une question à l'honorable ministre des Affaires sociales. Le premier ministre aurait déclaré, samedi dernier, qu'il y aurait une formule de rechange québécoise touchant les allocations familiales. Le ministre des Affaires sociales pourrait-il, à ce moment-ci, nous faire le point des négociations que son ministère entretient avec Ottawa concernant justement cette question des allocations familiales?

M. CASTONGUAY: Essentiellement, M. le Président, ce qu'a dit le premier ministre et ce que j'ai dit également dans une autre émission.

Si les négociations avec le gouvernement du Canada, au sujet des allocations familiales, ne donnaient pas lieu à un accord à ce moment, un projet de loi serait déposé en Chambre avant l'ajournement des travaux comportant les dispositions d'un régime québécois d'allocations familiales qui ne serait pas pleinement coordonné et intégré pour ne faire qu'un seul régime d'allocations familiales au Québec.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut nous confirmer à savoir que si le gouvernement d'Ottawa veut maintenir son service de distribution, ce que le Québec désire surtout, c'est de qualifier lui-même ou de désigner les récipiendaires? Est-ce que le ministre peut nous commenter cette déclaration? C'est une déclaration faite par le premier ministre, samedi.

M. CASTONGUAY: Je ne vois pas tout à fait l'objet de la question.

M. SAMSON: Bien, peut-être que cela permettrait au ministre de me donner une meilleure réponse si je pouvais lire l'article du journal, mais le règlement ne nous le permet pas. Il a été dit tout simplement que ce qui intéresse surtout le Québec, c'est de pouvoir désigner les récipiendaires. Alors, si Ottawa veut conserver la politique des allocations familiales, s'il veut conserver, si vous voulez, la juridiction en cette matière, le Québec, lui, serait prêt à accepter, à la condition qu'il désigne lui-même les récipiendaires des allocations familiales.

M. CASTONGUAY: Cet aspect fait partie des négociations que nous avons eues avec le gouvernement du Canada. Un des objets de ces négociations c'est la désignation des bénéficiaires, et également, la définition des montants de prestations à verser à ces bénéficiaires. C'était, au plan très concret, ce que signifiait la primauté législative dont nous avons parlé, en définitive.

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le Québec exige de désigner lui-même les récipiendaires pour pouvoir appliquer la Loi des allocations familiales, l'argent du gouvernement fédéral dans les prestations d'assistance sociale surtout en ce qui regarde à l'heure actuelle les mères nécessiteuses, les veuves ou encore les familles nombreuses? Autrement dit, est-ce que le gouvernement veut légiférer lui-même sur la qualification ou la désignation des récipiendaires pour pouvoir intégrer le système d'allocations familiales à l'intérieur des prestations sociales actuelles?

M. CASTONGUAY: Non. L'objet est de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul régime d'allocations familiales intégré.

Ceci est la dimension de la question qui a été négociée avec le gouvernement du Canada. Ce qui sera fait dans le domaine des allocations familiales aura une incidence sur ce qui a trait aux allocations sociales ou à l'assistance sociale et des ajustements aux règlements devront être faits par la suite, mais cette question ne fait pas l'objet des négociations avec le gouvernement du Canada, pour le moment.

M. ROY (Beauce): Une autre question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que les délais qu'entrafne la poursuite des négociations ne risquent pas de retarder l'application de cette loi fédérale qui est attendue depuis longtemps par la population?

M. CASTONGUAY: Bien...

M. LE PRESIDENT: Je crois que le ministre a déjà donné un délai, disant que, s'il n'y avait pas entente, avant la fin de la session il y aurait un projet de loi. Je pense bien que cela couvre la question que le député de Beauce pose actuellement.

M. ROY (Beauce): Si le Québec exige continuellement des délais additionnels pour les négociations, cela ne risque-t-il pas de retarder l'application de ce projet de loi du gouvernement fédéral?

M. CASTONGUAY: M. le Président, nous n'avons pas exigé de délais additionnels. Nous avons dit, il y a un certain nombre de semaines, que nous entendions, dans le domaine des allocations familiales, légiférer de telle sorte qu'au printemps 1972 le régime d'allocations familiales soit modifié. Justement, ce que vous-même, M. le Président, venez de rappeler, c'est que nous avons dit que, s'il n'y avait pas entente, nous déposerions un projet de loi avant la fin de la session. C'est précisément afin qu'il n'y ait pas de délai indu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Hôpital à Saint-Henri

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Est-ce que le ministre entend prendre position, dans un avenir rapproché, sur les deux thèses qui s'affrontent en ce qui concerne l'équipement sanitaire de Saint-Henri, l'une proposée par une corporation composée de notables et l'autre, par un conseil composé plutôt de représentants des groupements populaires, quant au terrain qui sera choisi, quant aux types de projets qui seront réalisés ou acceptés par le ministre, dans un cas, un foyer et, dans l'autre, un hôpital de 120 lits?

UNE VOIX: C'est urgent, M. le Président?

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que l'on va permettre ce genre de questions? Nous n'en finirons pas.

M. LAURIN: M. le Président, je soumets que le problème a fait l'objet de plusieurs reportages et même d'éditoriaux. Comme il touche des zones défavorisées et que le but principal poursuivi est l'accessibilité aux soins, il me semble que c'est très important que la population soit informée.

M. LEVESQUE: Le règlement n'est pas basé sur de telles considérations.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes prêt à répondre?

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Bien...

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne suis pas d'accord. Non.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Manifestation à l'édifice Delta

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne sais trop à qui poser ma question. A tout hasard, je la poserai au leader parlementaire du gouvernement. Pourrait-il nous dire ce qui se passe à l'édifice Delta, qui provoque l'attroupement des policiers et empêche les employés du ministère du Travail de pénétrer dans les bureaux de ce ministère à l'édifice Delta? Le gouvernement a-t-il pris des décisions à ce sujet? Le ministre de la Fonction publique ou le ministre du Travail a-t-il pris des décisions au sujet de cette histoire du stationnement, à l'édifice Delta?

M. CHARRON: Cela, c'est d'intérêt public.

M. LEVESQUE: Quant à moi, M. le Président, je ne suis pas au courant.

M. CARDINAL: Ah tiens!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question additionnelle. Le ministre n'étant pas au courant, vous me permettrez de la préfacer. Cela se rattache aux négociations que poursuit actuellement le ministre de la Fonction publique avec les employés de l'Etat et qui provoquent actuellement un blocus de l'édifice Delta, non plus par les employés mais par les policiers de la Sûreté du Québec. Est-ce qu'un membre responsable du gouvernement pourrait nous faire, d'ici à ce que la situation se règle, un rapport sur la question?

M. PINARD: M. le Président, comme j'ai l'ingrate responsabilité de faire respecter la politique du stationnement sur la colline parlementaire et partout où il se trouve des édifices qui regroupent les services gouvernementaux, je fais l'enquête sur la question que vient de poser le député de Chicoutimi et demain, si j'ai le rapport, il me fera plaisir d'en faire état devant la Chambre.

Pour le moment, M. le Président, j'ignore ce qui peut se passer à l'édifice Delta, sauf qu'un autre conflit de travail affecte les travaux qui se poursuivaient au complexe G et met en cause les ouvriers qui se livraient à des travaux de burinage et de plâtrage. Comme les travaux de burinage sont terminés dans l'édifice G, que cela affecte 40 ou 50 ouvriers spécialisés dans ce métier et que ces ouvriers ne veulent pas quitter les chantiers, après en avoir reçu l'avis conformément aux règlements et à la loi, après que cet avis eut été signifié aux représentants syndicaux de la FTQ et de la CSN, il s'ensuivit un blocage des travaux au complexe, à partir de jeudi mais surtout vendredi, blocage qui se continue aujourd'hui.

Voyant donc, M. le Président, que la situation risquait de se gâter, comme toutes les précautions avaient été prises au plan de l'application des règlements et de la loi, nous avons demandé aux représentants du ministère du Travail de bien vouloir convoquer une réunion des parties.

Il s'agit du maître-d'oeuvre, du représentant du ministère des Travaux publics, des représentants de l'entrepreneur général et du sous-

traitant, de la compagnie Wallcrete, ainsi que les représentants des centrales syndicales, de façon à savoir s'il y a vraiment une motivation à l'arrêt des travaux et au conflit qui sévit en ce moment.

On m'a informé tantôt — avant que je n'arrive à la Chambre — que les négociations se faisaient en ce moment au ministère du Travail. Je ne sais pas s'il peut y avoir une relation directe ou indirecte avec les événements dont a parlé tantôt le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle. Je remercie le ministre de ces renseignements. Toutefois, je me demande s'il n'a pas confondu le problème du complexe et le problème de l'édifice Delta. Le problème de l'édifice Delta est relié aux négociations collectives avec les employés du secteur public.

Est-ce qu'il s'agit du même problème là-bas? Je l'ignore. J'imagine que le ministre voudra bien demain nous faire rapport sur les deux situations et leur relation possible, afin que se termine le blocus qui existe actuellement à l'édifice Delta.

M. PAUL: Question additionnelle. Est-ce que le ministre des Travaux publics aurait l'intention de consulter son collègue le ministre de la Justice aux fins de connaître la motivation de la présence d'aussi nombreux agents de la Sûreté du Québec près de l'édifice Delta?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

Institutions d'hébergement

M. BOIS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Concernant la politique d'administration des institutions d'hébergement pour enfants retardés, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il prêterait l'oreille à tout un groupe de parents qui demandent une enquête impartiale sur une institution en particulier?

M. CASTONGUAY: S'il s'agit de la même question que celle que le député de Rouyn-Noranda me posait vendredi, je crois que j'ai donné la réponse à cette question vendredi matin.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Saint-Sauveur pourrait préciser sa question?

M. SAMSON: Question supplémentaire. Puis-je demander au ministre s'il a reçu une invitation pour assister ce soir à une assemblée publique concernant cette question du pavillon Claude, de Gatineau?

M. CASTONGUAY: Il est peut-être arrivé une invitation à mon bureau, mais je n'en suis pas au courant.

M. CHARRON: M. le Président, c'est la même question que celle du député de Bourget.

M. LEVESQUE: En effet, je suis d'accord avec le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Si vous êtes si prompt quand elles viennent de ce côté-ci, soyez-le donc aussi quand elles viennent de là.

M. LE PRESIDENT: Question refusée. L'honorable député de Sainte-Marie.

Nomination de M. Robert Boyd

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'aurais aimé poser ma question au premier ministre. En son absence, je la poserai au ministre des Richesses naturelles.

Est-ce que le ministre peut confirmer ou infirmer les nouvelles à l'effet que la recommandation qui a été faite par le président de l'Hydro-Québec de nommer M. Robert Boyd au poste de président de la filiale hydro-électrique de la Société de développement de la baie James aurait été refusée par le premier ministre et, si oui, quelles en sont les raisons?

M. LEVESQUE: Est-ce que le député se réfère à un article de Québec-Presse?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. LEVESQUE: Alors, je crois que cette question est irrégulière, parce qu'il vient d'affirmer que c'est puisé là et je ne crois pas que cela puisse faire l'objet d'une question sérieuse.

M. CHARRON: M. le Président, le règlement nous interdit de citer un journal, mais il ne nous interdit pas de puiser une question à partir d'un journal, sans le citer, je pense.

M. LE PRESIDENT: Je ne rendrai pas ma décision sur cette question, mais je crois que l'engagement d'une personne en particulier, dans une fonction particulière, n'est pas une question d'intérêt public.

M. CHARRON: Comparé au parking là... M. LE PRESIDENT: J'ai rendu ma décision.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président,...

M. JORON: Le parking de la Delta, ça c'est important !

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que je suis dans l'ordre, pour une question supplémentaire?

M. LE PRESIDENT: Si la question principale est refusée, avez-vous une autre question?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai une autre question.

M. LE PRESIDENT: Allez.

Contrat à une compagnie américaine

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'adresse encore au ministre des Richesses naturelles. A la suite de l'attribution de contrats pour la route de Matagami à la baie James à une compagnie américaine, une entreprise qui s'appelle KIEWIT, du Nebraska, est-ce que le ministre a l'intention de prendre des mesures pour que les contrats futurs aillent en priorité à des sociétés québécoises?

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'ai demandé des renseignements sur cette nouvelle qui est parue en fin de semaine, mais je n'ai aucune déclaration à faire maintenant.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le ministre nous fera une déclaration en temps et lieu lorsqu'il aura des informations?

M. MASSE (Arthabaska): Je dois dire que ces contrats...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que vous prenez avis de la question?

M. MASSE (Arthabaska): Je prends avis de la question, mais je dois dire que ces contrats qui sont donnés le sont par la Société de développement de la baie James et non par le gouvernement du Québec.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qui n'est pas responsable devant aucun ministère.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

Examens imposés aux garagistes

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre du Travail, mais en son absence je vais demander au leader du gouvernement de lui transmettre la question.

Est-ce que le gouvernement a l'intention de prendre des dispositions pour abolir le décret sur les garages qui oblige à l'heure actuelle les propriétaires de petits garages à passer des examens pour obtenir une carte de compétence, les propriétaires eux-mêmes, même s'ils n'ont aucun employé. Parce que nous recevons, M. le Président, énormément de protestations de part et d'autre, de la part de milliers de propriétaires de petits garages dans tout le Québec qui, à l'heure actuelle, sont lésés dans leurs droits qui sont tout de même des droits acquis.

M. LEVESQUE: Très bien.

Projet de loi no 90

M. PAUL: M. le Président, une question au ministre des Richesses naturelles, pour rester dans le même genre d'affaires. Est-il vrai que le ministre des Richesses naturelles a l'intention de retirer son projet de loi no 90 pour nous en donner une autre version qui contiendra, cette fois, de véritables articles de la loi?

M. LEVESQUE: Cette question me semble hors du sujet. Il y a au feuilleton une loi qui est présentement discutée. Nous ne parlons pas à ce moment-ci des travaux de la Chambre et je ne vois pas pourquoi on attacherait plus d'importance qu'il le faut à la motion du député de Missisquoi.

M. PAUL: M. le Président, dans le cadre des travaux parlementaires en vertu de l'article 114, j'ai tout simplement posé une question anodine au ministre des Richesses naturelles.

M. LE PRESIDENT: Il a eu une réponse anodine.

Le député de Rouyn-Noranda.

Exploration dans le Nord-Ouest québécois

M. SAMSON: J'aimerais poser une question également au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre pourrait nous annoncer, à ce moment-ci, une bonne nouvelle à savoir où en sont rendues les démarches concernant le programme de $25 millions avec TARDA, l'exploration minière dans la région du Nord-Ouest québécois?

M. MASSE (Arthabaska): Concernant ce programme de TARDA dans le Nord-Ouest québécois, effectivement, comme je l'ai déclaré il y a quelques semaines, les programmes inclus dans ce projet de cinq ans de TARDA n'étaient pas conformes, à mon avis, aux besoins du Nord-Ouest québécois.

Je dois vous dire qu'il y a actuellement des examens très sérieux de ce projet qui se font au ministère des Richesses naturelles, surtout quant à la portée de ce projet sur le développement économique et quant au nombre d'emplois que cela pourrait créer dans le Nord-Ouest québécois. Il est fort possible que les programmes qui m'avaient été soumis il y a quelques semaines soient transformés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Travaux de la baie James

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question, je ne sais plus trop à qui, mais je vais l'adresser, encore une fois, à mon excellent ami, le député de Bonaventure.

Premièrement, est-il exact qu'on a commencé à embaucher des gens pour les travaux d'aménagement de la baie James? Deuxièmement — je demande au ministre de faire enquête

et de nous donner une réponse — est-il exact que ces employés seraient embauchés sans que l'on passe ni par le Centre de main-d'oeuvre du Québec, ni par le Centre de main-d'oeuvre du Canada? Je lui donne avis de cette question afin qu'il la transmette à qui de droit, à celui qui se découvrira une responsabilité dans le gouvernement.

M. LEVESQUE: Très bien. M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Projet de loi 28. Article 7.

Projet de loi no 28

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, celui qui m'a précédé vendredi dernier, le député de Montmorency, lors de l'étude de ce projet de loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, a tenu, à l'endroit des députés de notre groupement politique, des propos stupides, insignifiants, voire inqualifiables, en employant des termes permis par notre règlement.

Je n'ai pas l'intention de relever ses propos et ses affirmations gratuites parce qu'il n'est pas libre de ses propos, ni de ses affirmations. Il est lié par la ligne du Parti libéral. Il pense en fonction du parti et il agit par lui. Il vote selon les directives reçues, peu importe ce que pensent ses électeurs.

Pour le bénéfice de tous les membres de l'Assemblée nationale, du côté ministériel comme du côté de l'Opposition, je vous dirai que ce projet de loi a des implications qui concernent tous les Québécois d'une façon particulière. En voici les raisons. Ce projet de loi, concernant la restructuration scolaire de l'île de Montréal, s'étendra, dans un avenir très rapproché, dans tout le territoire du Québec ou bien nous nous retrouverons avec deux systèmes dans le Québec, soit un pour l'île de Montréal et un autre pour Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et le reste du territoire.

Deuxièmement, d'une manière ou d'une autre, ce projet de loi comprend des dispositions qui concernent tous les citoyens du Québec, peu importe la région où ils demeurent. Ce projet de loi aura des répercussions sur l'avenir de la langue française, sur notre foi, sur notre culture, et sur l'avenir même du peuple canadien-français. On ne peut donc rester indifférent devant ce projet de loi. Ce serait manquer à notre devoir d'élus du peuple de ne pas faire connaître notre point de vue avec le plus de vigueur possible.

Au nom de l'efficacité administrative — terme bien connu et répété à satiété, mais nous pourrions appeler cela, à bon droit, de l'efficacité administrative inefficace — le gouvernement nous propose le projet de loi no 28 pour restructurer les commissions scolaires de l'île de Montréal. Ce projet de loi a pour objet de remplacer les municipalités et les commissions scolaires de l'île de Montréal par onze nouvelles municipalités scolaires et commissions scolaires.

Toutefois, dans une déclaration pieuse, qu'il a qualifiée de déclaration ministérielle, le ministre nous a annoncé qu'il pourrait les réduire à sept, selon son bon vouloir. Nous sommes justement à étudier, le projet de loi no 28 en deuxième lecture et nous devrions l'avoir en main au complet. Nous savons; parce que le ministre l'a annoncé, que d'importants amendements seront apportés à ce projet de loi. Contrairement à la règle de procédure parlementaire établie, nous discutons du principe du projet de loi no 28 sans en connaître toutes les modalités, sans avoir pris connaissance de tous les articles et des modifications que le gouvernement a l'intention d'y apporter.

Ce gouvernement se veut tellement efficace, il est tellement pressé dans sa législation qu'il n'a même pas le temps de préparer ses projets de loi comme il devrait le faire et les présenter aux membres de cette Chambre pour que nous puissions discuter.

Le gouvernement brûle les étapes, il nous présente un projet de loi incomplet. Suite aux séances de la commission parlementaire, il a annoncé son intention de le modifier, nous a fait une déclaration ministérielle qui pourrait être appelée une déclaration pieuse pour dire que des amendements seraient apportés; mais nous attendons encore ces amendements et pourtant chaque député élu en cette Chambre devra se déclarer en deuxième lecture pour ou contre ce projet de loi.

C'est tout de même anormal que le gouvernement procède de cette façon, et j'espère qu'il ne créera pas un précédent pour agir de cette façon à l'avenir; il est tout de même inadmissible, inacceptable, pour un gouvernement qui se gargarise de démocratie, qui parle de démocratisation à coeur de jour, de procéder de cette façon.

Il y a place pour le doute entre les intentions du gouvernements et ses paroles.

Ce projet de loi a aussi pour objet de fixer à quinze le nombre de commissaires qui seront élus conformément aux différents articles 95 à 183 de la Loi de l'instruction publique. Nous tenons à souligner que cette disposition constituera une grande amélioration sur le passé et nous tenons à le reconnaître.

Dans la section IIl de la loi, il y a la formation des comités confessionnels, j'y reviendrai tout à l'heure. Il y a aussi des dispositions concernant la constitution et la composition des conseils scolaires ainsi que d'un comité exécutif.

Les trois dernières sections de ce projet de

loi concernent la taxation, l'évaluation et les taxes scolaires. Nous savons qu'au niveau de la taxation il y avait des améliorations à apporter, des injustices à corriger. Nous le reconnaissons et cette facette du projet de loi constituera une nette amélioration de façon à répartir équitablement la taxe scolaire sur l'île de Montréal.

Mais, point n'était nécessaire de chambarder toutes les structures administratives pour équilibrer le système de taxation dans l'île de Montréal. C'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord, non plus que sur l'esprit qui a présidé qui a inspiré le gouvernement dans l'élaboration de toutes les clauses aussi complexes que possible de son projet de loi no 28.

Comme nous pouvons le constater, il s'agit d'un projet de loi qui touche directement près de 2 millions de Québécois. Nous manquerions à notre devoir en ne faisant pas connaître notre point de vue, en n'exigeant pas des amendements d'intérêt général, en ne dénonçant pas certaines intentions camouflées ou inconscientes et en n'alertant pas l'opinion publique sur les conséquences à long terme de son application.

Si certains aspects de ce projet de loi sont une nette amélioration sur le passé, par contre il y en a d'autres qui constituent, à notre avis, un recul, surtout en ce qui a trait à la langue française et à la confessionnalité. La lutte que nous menons seuls sur ce point précis n'est pas nouvelle et nous comprenons mal l'attitude des trois autres partis en cette Chambre.

Cette bataille n'est pas nouvelle; elle dure depuis près de deux siècles, mais aujourd'hui nous devons constater que ce sont les nôtres qui refusent de continuer la lutte, de préciser leur position et, plus, le danger vient de notre propre gouvernement à grande majorité francophone. C'est à n'y rien comprendre. Pendant que l'on réclame partout le français comme langue de travail, pendant que l'on fait des manifestations en faveur des droits du français, pendant que l'on multiplie les échanges avec la France et les pays francophones, pendant ce même temps notre gouvernement provincial s'apprête à faire adopter le bill 28 sans opposition, si ce n'était des députés du Ralliement créditiste...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque la question de privilège...

M. ROY (Beauce): Mais que s'est-il donc passé pour justifier cette trahison?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, le député de Chicoutimi, sur une question de privilège.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que c'est de mon devoir de le faire tout de suite, dès que des paroles répréhensibles ont été prononcées. Le député de Beauce s'attribue beaucoup de mérite en disant que seul son parti a posé les problèmes fondamentaux, que le gouvernement d'ailleurs lui-même a exposés, au sujet de la question linguistique et de la question religieuse. Les députés du Parti québécois et les députés d'Unité-Québec de même qu'un grand nombre de parlementaires du gouvernement libéral ont exprimé leur avis à ce sujet.

Je crois que c'est tenter d'induire la Chambre en erreur que d'avoir de telles prétentions. M. le Président, nous nous chargerons d'établir de façon très précise que, si les députés du Ralliement des bérêts blancs ont des opinions aujourd'hui, c'est la première fois qu'ils les expriment parce qu'ils ont été absents constamment des réunions de la commission parlementaire.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je pourrais invoquer le règlement pour rectifier les faits et les propos du député de Chicoutimi, parce qu'en voulant rectifier les faits, il commet lui-même des infractions à notre règlement. Mais cela ne change en rien ce que j'ai dit et je n'ai pas l'intention d'en modifier un seul mot. Ce que vient de dire le député de Chicoutimi nous prouve exactement ce que je venais d'énoncer à l'effet qu'ils sont pour en paroles et qu'ils sont contre en pratique. Alors, une patte de chaque côté de la clôture, cela se résume à peu près à cela. Nous savons quelle a été l'attitude de l'ancien gouvernement de l'Union Nationale face aux problèmes de l'éducation dans la province de Québec.

M. le Président, que s'est-il donc passé au Québec pour justifier cette trahison — et je dis bien trahison, quoi qu'en pense le député de Chicoutimi — envers un peuple qui a lutté pendant près de deux siècles de façon héroïque, avec des moyens de fortune pour conserver sa foi, sa langue et sa culture?

En tant que représentant des Beaucerons, M. le Président, je n'ai pas le droit de laisser ce gouvernement adopter ce projet de loi dans sa teneur actuelle sans protester avec toute mon énergie. Les Beaucerons ont toujours été et sont encore des nationalistes convaincus. L'exemple qu'ils ont donné aux Québécois nous fait honneur et nous prouve qu'il est possible, avec du courage, de la ténacité, de nous donner des institutions bien à nous, pour nous, afin de conserver notre héritage culturel en cette terre d'Amérique.

Il me fait plaisir de citer le docteur Raoul Poulin, député fédéral de la Beauce, qui a lutté farouchement et seul à Ottawa pendant de nombreuses années, pour faire reconnaître les droits des Canadiens français. En 1962, ce sont encore les Créditistes qui ont repris le combat. Nous pouvons dire qu'ils ont de grandes victoires à leur crédit. Aujourd'hui, ce sont encore les Créditistes qui s'opposent seuls à ce projet de loi qui constitue une menace à notre avenir culturel.

Je le dis et je répète que ce projet de loi est une menace directe à notre avenir culturel, une menace à notre foi chrétienne et à notre langue.

Ne nous laissons pas compter d'histoires par n'importe qui. Notre foi et notre langue sont partie dominante de notre culture. Il ne faudrait pas non plus être assez naifs pour ne pas voir le jeu de nos adversaires qui veulent à tout prix inclure les pensées de Mao dans notre culture, remplacer l'évolution harmonieuse par la révolution violente. Devant ces dangers, l'attitude du gouvernement est incompréhensible. Le gouvernement se fait rouler de la plus belle façon par une clique de séparatistes — comme le disait le député de Rouyn-Noranda, et je fais miens ses propos — ayant des postes de commande au ministère de l'Education et qui attendent l'occasion idéale pour mettre en branle un mouvement de contestation d'envergure provinciale afin de renverser le régime actuel.

Cela, je le prédis. Où sont donc nos nationalistes dans cette Chambre, qui veulent imposer le français chez General Motors et qui ne se lèvent même pas pour l'exiger prioritairement dans nos écoles? Où sont donc ces nationalistes qui nous ont cassé les oreilles pendant un an sur l'étiquetage bilingue? Où sont donc ces nationalistes qui participent à des manifestations bruyantes en faveur du français et qui ne se lèvent même pas pour souligner le danger qu'il y a dans le bill 28 et le dénoncer? Serait-ce qu'au lieu d'être des nationalistes, ils seraient tout simplement des "nationalouches"? C'est à se poser la question. Serait-ce qu'ils sont à préparer une stratégie pour contester et faire descendre nos enfants dans la rue à la première occasion, une fois qu'on tentera d'appliquer le projet de loi no 28? Pour sauver notre culture et notre langue et pour conserver notre foi chrétienne que professent 90 p.c. de la population, il n'y a qu'un moyen. C'est de conserver les droits des parents qui sont les premiers responsables de l'éducation. Ce rôle n'appartient pas à l'Etat. Le rôle de l'Etat, c'est de leur en faciliter la tâche en mettant des moyens à leur disposition. Le rôle de l'Etat est donc supplétif.

Il incombe aux parents de décider en premier lieu de l'éducation de leurs enfants. Pourquoi? Parce que c'est tout simplement un droit naturel. Un gouvernement qui se gargarise de démocratisation, comme le gouvernement actuel, devrait le savoir d'abord et le respecter ensuite. Dans un mémoire présenté par la Société Saint-Jean-Baptiste à la commission d'enquête sur la langue française sur les droits linguistiques au Québec, en mai 1970, on disait, pour parler de la situation du français. "La Socitété Saint-Jean-Baptiste de Montréal, dans ses récents mémoires, notamment dans ceux présentés à la commission parlementaire de la Constitution du gouvernement au Québec et à la commission fédérale d'enquête sur le bilinguisme et sur le biculturalisme ont fait un historique du statut de la langue fraçaise au Canada.

Rappelons que si le Traité de Paris de 1763, l'Acte de Québec de 1774 et l'Acte constitutionnel del791 ne reconnaissaient pas de droits juridiques écrits à la langue française, la situation de la langue française comme langue de travail n'en est pas moins, pour cela, sortie de la coutume selon les traditions propres aux droits britanniques. La tentative d'établir l'anglais comme langue des tribunaux par la proclamation royale de 1764 ayant échoué, le français s'est progressivement affirmé comme étant la langue du pays à la fois par la restauration des droits civils français dans l'Acte du Québec de 1774 et par les motifs qui ont inspiré la séparation de 1791."

Le mémoire continue: "En 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique établissait, par l'article 133, l'usage des deux langues dans les Chambres du parlement du Canada et de la Législature du Québec, devant tout le tribunal fédéral du Canada et devant tout tribunal du Québec. Les registres et les procès-verbaux dans les Chambres du parlement du Canada et de la Législature du Québec ainsi que les lois du parlement du Canada et de la Législature du Québec doivent être libellés, rédigés et publiés dans les deux langues."

Alors, nous avons gagné du terrain, M. le Président, pendant de nombreuses décennies. Maintenant, si nous regardons, dans le même mémoire, les statistiques — les chiffres parlent et le gouvernement aime se gargariser de statistiques de temps à autre — publiées par la Société Saint-Jean-Baptiste, on dit ceci: "D'après les statistiques du recensement fédéral de 1961, le français est parlé, au Québec, par 87.35 p.c. de la population et est ignoré par seulement 12.65 p.c. Il constitue donc la langue du pays selon le régime coutumier qu'ont établi nos constitutions avec, pour l'anglais, les privilèges que lui confère l'article 133." Ces statistiques établissaient ainsi la proportion de la population des diverses régions qui parlent le français. Voici ce que l'on dit: "Dans la région du bas Saint-Laurent et de la Gaspésie, 95 p.c; Saguenay-Lac-Saint-Jean, 98 p.c. Québec, 98 p.c; dans la région de Trois-Rivières, 98 p.c; dans la région de l'Estrie, 90 p.c; dans la région de Montréal, deuxième ville française du monde, 80 p.c, . le plus faible pourcentage; dans le Nord-Ouest québécois et dans l'Outaouais, respectivement 91 p.c. et 85 p.c ainsi que 84 p.c sur la Côte-Nord et au Nouveau-Québec."

Ainsi, on dit: "Dans tout le Québec, la minorité qui ignore le français doit raisonnablement l'apprendre plutôt que de demander à la grande majorité de pratiquer le bilinguisme unilatéral." C'est ce que disait le mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste. Aujourd'hui, nous nous trouvons devant un gouvernement qui propose de tout chambarder dans l'île de Montréal au niveau scolaire sans préciser sa position en ce qui a trait à l'enseignement du français prioritairement dans nos écoles. Les

politiques ne sont même pas précisées et le gouvernement s'oriente vers deux systèmes d'éducation. Des droits égaux pour la minorité comme pour la majorité, mais sous prétexte de sauver les droits de la minorité, on est en train, actuellement, de sacrifier les droits de la majorité parce que bientôt, puisque nous vivons en Amérique du Nord, il y a risque que la majorité canadienne française devienne une minorité chez nous, à l'intérieur du Québec.

Or, il n'y a rien, absolument rien dans le bill 28 qui puisse garantir les droits des Canadiens français, les droits de la langue française dans la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Le gouvernement s'aventure dans le projet de loi no 28 à l'aveuglette sous prétexte qu'il doit équilibrer la taxation foncière des taxes scolaires.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet...

M. ROY (Beauce): Or, c'est là qu'est le problème, M. le Président,...

M. SAINT-PIERRE: ...une question? Est-ce que le député me permet une question?

M. ROY (Beauce): Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député pourrait me dire quel article, dans le projet de loi no 28, brime les droits de la majorité? De quelle façon la majorité canadienne française n'a plus son droit à l'école française, n'a plus son droit à l'épanouissement de son dynamisme propre par le projet de loi no 28?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je pense que le ministre m'a mal compris tout à l'heure. Je n'ai pas dit qu'il y avait des articles, dans le projet de loi no 28, qui brimaient les droits des Canadiens français. J'ai dit qu'il n'y avait aucun article dans le projet de loi qui les garantissait. Ce n'est pas la même chose.

M. SAINT— PIERRE: Est-ce que le député est également d'accord avec Mgr Grégoire? J'aime citer cela parce que je crois à cette formule-là qu'au-delà de la nature des structures, il y a quelque chose de plus important qui s'appelle l'engagement des personnes. Autant que ceci s'applique dans le plan de la confessionnalité, autant, je pense, ceci s'applique sur le plan linguistique. Est-ce que le député est d'accord avec cette proposition-là?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je pensais...

M. SAINT-PIERRE: Il pourra peut-être, après cela, cesser de nous parler de...

M. ROY (Beauce): ...que le ministre voulait me poser une question.

M. SAINT-PIERRE: ...structures et de parler d'engagements.

M. ROY (Beauce): Je pensais que le ministre voulait me poser une question. M. le Président,...

M. SAINT-PIERRE: Je vous ai posé une question: Etes-vous d'accord...

M. ROY (Beauce): ...au 30 septembre 1970...

M. SAINT-PIERRE: ...avec cela?

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas à répondre à cette question, vous ne m'avez pas posé une question. C'est une affirmation que vous avez faite.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le Président.

M. ROY (Beauce): C'est une affirmation gratuite.

M. SAINT-PIERRE: Le député est-il d'accord avec l'affirmation de Mgr Grégoire à l'effet que l'engagement des personnes est plus important que la nature des structures?

M. ROY (Beauce): M. le Président, l'engagement des personnes, dans votre projet de loi, vous en parlez comme d'un voeu. Mais il n'y a rien, dans le projet de loi, qui garantit les droits de ces mêmes personnes, Comment voulez-vous analyser l'engagement de ces personnes?

M. le Président, le 30 septembre 1970...

M. SAINT-PIERRE: Je démissionne!

M. HARVEY (Chauveau): Laissez-le aller, oui. Laissez-le aller!

M. ROY (Beauce): ... à Montréal — cela fait un contraste assez important avec les statistiques de 1961 et le ministre pourra se rendre compte jusqu'à quel point nous avons raison de nous interroger et de nous inquiéter — il y avait 255,300 enfants dans les écoles francophones, soit 64 p.c. — tout à l'heure, on parlait de 80 p.c. en 1961 — et il y en avait 143,425 dans les écoles anglophones, soit 36 p.c. Si le ministre veut justement garantir les droits des francophones, les droits des Canadiens français, dans les écoles de Montréal, qu'il nous publie donc des statistiques sur la tendance à venir. Je peux vous garantir que, si le ministre ose le faire, il ne pourra pas faire autrement qu'admettre que la majorité francophone perd du terrain chaque année au bénéfice de la minorité anglophone.

Je ne voudrais pas qu'on croie, à ce moment-ci, M. le Président, que j'en ai contre la minorité anglophone de l'île de Montréal. Au contraire, nous avons d'excellents amis de ce côté et nous voulons respecter les droits de ces personnes.

M. SAINT-PIERRE: En avez-vous contre la pilule?

M. ROY (Beauce): Mais, M. le Président, il s'agit, pour le projet de loi no 28, de garantir les droits et de préciser la politique en matière d'enseignement du français dans les écoles de l'île de Montréal. Or, M. le Président, vers quoi le gouvernement se dirige-t-il?

M. TETLEY: Est-ce que le député me permet une question? Je remercie l'honorable député de Beauce. Vous avez parlé des anglophones et des francophones dans les écoles de Montréal. Les chiffres sont importants et vous avez raison de souligner le fait, mais vous me permettrez de vous demander ceci: Savez-vous que, parmi les anglophones protestants, il y en a un nombre élevé — je n'ai pas ce chiffre: le ministre ne l'a pas et nous ne l'avons pas reçu du Protestant School Board of Greater Montreal — qui quittent le système anglophone protestant pour le système francophone protestant? C'est un chiffre qui est, je l'espère, élevé d'enfants qui, depuis trois ans, suivent leurs études en français. Ce chiffre doit être — ce n'est pas votre faute, je ne vous critique pas — compris parmi les autres chiffres que nous avons et qui sont, je l'admets, désagréables.

M. ROY (Beauce): M. le Président, pour répondre à l'honorable ministre, je lui dirai tout simplement que je ne me suis pas basé sur certains groupes d'individus pour citer ces chiffres. J'ai cité les chiffres globaux qui nous étaient fournis justement dans le mémoire que nous a remis Mgr Grégoire, auquel le ministre semble vouloir faire référence souventefois. Lorsque nous regardons ces chiffres, nous ne pouvons que constater, à l'heure actuelle, que la majorité francophone perd du terrain. Je maintiens donc ce que j'ai dit.

M. le Président, si le gouvernement veut être logique dans sa politique concernant le français, c'est-à-dire dans ses déclarations... J'ai ici "Opinion du premier ministre du Québec", dans le Journal de Québec du 30 juin 1970: "Le français langue de travail au Québec". Voici ce qu'il dit: "Hier, à Montréal, nous avons rencontré un groupe de présidents de compagnies possédant des installations au Québec. Ces compagnies représentent les plus gros employeurs de travailleurs québécois. L'objet de cette rencontre était de permettre au gouvernement de décrire à ces hommes d'affaires les moyens que nous entendons mettre à leur disposition afin que le français devienne, partout au Québec, la langue de travail". On veut donc que le français devienne la langue de travail. "Comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer à maintes reprises, ces derniers temps, l'un des objectifs prioritaires du gouvernement est précisément de faire du français la langue de travail au Québec. Nous avons décidé de mettre à contribution tous les ministères concernés, no- tamment ceux du Travail, de l'Immigration, de l'Industrie et du Commerce, des Affaires culturelles et de l'Education. Aussi, nous avons mis au point un projet à cet effet et nous nous sommes empressés de demander la collaboration des entreprises établies au Québec, afin que se concrétise d'une façon aussi efficace que rapide l'implantation du français comme langue de travail".

Or, cela se résume à ceci: le gouvernement fait des déclarations pieuses, il veut faire la promotion du français, mais ce n'est qu'au niveau des déclarations; il ne fait absolument rien de concret pour préciser, garantir les droits des Canadiens français, les droits de la langue française, pas seulement garantir des droits à des individus, par rapport à la participation — comme le ministre le disait — mais leur donner des droits juridiques.

C'est le point que je voulais soulever à l'occasion de ce débat, pour dire que non seulement le projet de loi a des incidences en matière de confessionnalité, mais il en a également au niveau de la langue. Comme la confessionnalité et la langue ont des implications directes dans la culture, c'est toute la culture des Canadiens français, des Québécois, qui risque de se trouver mal en point une fois que ce projet de loi sera mis en application.

C'est tellement vrai que j'ai noté ceci — et je ne suis pas le seul à le dire — dans 1'éditorial de samedi du rédacteur du journal l'Action-Québec, M. Bruneau: "Il est à remarquer ici que la majorité des individus et des groupes qui se sont prononcés sur le bill28 ont considéré sous des aspects totalement différents la question linguistique et confessionnelle. Nous croyons personnellement que ces deux éléments subissent également de furieuses attaques d'ennemis inavoués. Les deux éléments sont réclamés par la majorité et rejetés par la minorité. La langue et la religion jouent un rôle très important dans la culture et le mode de vie d'un peuple comme le nôtre. Le pluralisme ne saurait être une raison pour faire disparaître l'une ou l'autre. En d'autres termes, ce que l'on dit pour la protection de la langue dans nos coles, on pourrait également le dire pour la protection de la confessionnalité et vice versa."

Nous exigeons que le gouvernement prenne ses responsabilités et accepte de préciser le statut de la langue française en éducation. On ne peut plus laisser résoudre ce problème à la bonne franquette. Si nous ne réagissons pas, dans 20 ans la majorité de Montréal sera anglicisée; nous ne devons jamais oublier que nous vivons dans le continent nord-américain et que nous sommes entourés de 250 millions d'anglophones.

La question qui se pose est la suivante: Voulons-nous sauver la culture des Québécois, oui ou non? Si nous voulons la sauver, il va falloir qu'on ne fasse pas qu'en parler, il va falloir que nous posions des actes positifs, que des décisions soient prises.

Si le gouvernement refuse de prendre posi-

tion, s'il refuse de s'engager de façon précise, s'il ne veut pas donner des garanties juridiques pour sauver notre langue, notre culture et notre foi, qu'on cesse d'en parler une fois pour toutes.

Le gouvernement est en face d'un choix, nous sommes à la croisée des chemins; il devra prendre une orientation, mais, peu importe celle qu'il prendra, il devra s'engager et préciser sa position, s'il veut être logique.

Comme je viens de le dire, le même problème concernant la langue se pose aussi pour la confessionnalité. Dans les statistiques qu'on nous a remises en date du 30 septembre 1970 concernant les inscriptions des élèves dans les écoles de Montréal, 81.5 p.c. des élèves étaient inscrits dans des écoles catholiques et 18.5 p.c. dans des écoles protestantes ou autres. C'est donc dire qu'à 81.5 p.c. il y a lieu de nous interroger et d'exiger du gouvernement des garanties juridiques en matière de confessionnalité.

Nous avons raison de nous interroger sur les dangers qu'il y a dans nos grosses écoles, dans nos superstructures et dans ce que le peuple appelle les grosses patentes scolaires imposées par l'Etat. Déjà notre langue, notre culture sont en danger. On dit ici dans un article qui a paru dans le journal Le Devoir du 23 juin 1970, écrit par M. Gilles Prévost: "Les structures actuelles des écoles polyvalentes de la CECM, notamment Edouard-Montpetit, mettent en danger la confessionnalité de ces grosses écoles. Dans ces polyvalentes, l'aumônier, au lieu de relever directement du directeur, serait considéré comme un service aux étudiants parmi d'autres, sans fonctions officielles au sein de la direction."

M. le Président, ce n'est pas un peu la même chose, la même tendance, la même orientation que dans le projet de loi no 28?

C'est ce qu'ont dit l'aumônier et une animatrice de pastorale de la polyvalente Edouard-Montpetit, le père Guy Blais et madame Rufiange qui prétendent avoir été renvoyés parce qu'ils cherchaient à réaliser une véritable confessionnalité dans cette école. Ils étaient accompagnés de l'abbé Yvon Marcoux qui a annoncé son intention de refuser le poste d'aumônier à la future polyvalente de Pointe-Saint-Charles, à moins que les structures d'autorité ne soient modifiées.

M. le Président, ce sont les bons voeux pieux du gouvernement, du ministère actuel de l'Education, de l'ancien ministère de l'Education dans l'ancien gouvernement qui l'a précédé comme de celui qui l'avait précédé auparavant, et c'est là le danger que nous courons. Alors le service de pastorale de la polyvalente Edouard-Montpetit, pour sa part, affirme que le fait de considérer la pastorale comme un simple service aux étudiants rend l'aumônier tout à fait incapable d'influencer l'ensemble de la vie de l'école et d'élaborer des politiques d'ensemble avec la direction dont il ne fait plus partie.

M. le Président, dans le projet de loi, à la section no 3, nous avons examiné avec attention les articles concernant les comités confessionnels, et nous n'avons trouvé aucune garantie juridique en matière de confessionnalité. Et pourtant, si on regarde, au chapitre des devoirs des comités catholiques et protestants, dans la loi du Conseil supérieur de l'Education, on peut lire, à l'article 22, que les comités sont chargés de faire des règlements pour reconnaître les institutions d'enseignement confessionnel comme catholiques ou protestants, selon le cas, et pour assurer le caractère confessionnel. b) De reconnaître' comme catholique ou protestant, selon le cas, des institutions d'enseignement confessionnel et de révoquer au besoin cette reconnaissance, de faire des règlements concernant l'éducation chrétienne, l'enseignement religieux et moral, les services religieux dans les institutions d'enseignement reconnues comme catholiques ou protestantes, selon le cas. Et il y a une série de règlements, dans cet article 22, qui donne quand même des pouvoirs au comité catholique et au comité protestant, alors que les comités confessionnels, dans le projet de loi no 28, n'ont aucun pouvoir.

On leur a accordé quelques responsabilités, d'accord, mais des responsabilités sans pouvoir, M. le Président, ça constitue tout simplement une impossibilité pratique de remplir son mandat et ça constitue pour le gouvernement un bon moyen d'offrir une belle confessionnalité de façade à l'île de Montréal en la refusant dans les faits puisqu'on rend l'application des règlements à peu près impossible.

Alors, M. le Président, si nous insistons tant sur ces deux points, c'est que nous avons raison de déplorer, à l'heure actuelle, bien des lacunes, bien des erreurs et une certaine philosophie de base qui a guidé le ministère de l'Education dans l'élaboration de ses politiques, et, justement, le projet de loi no 28 fait partie de ces politiques.

Pourquoi répéter au Québec les erreurs désastreuses de l'éducation américaine? On a eu le fameux bill 62, le rapport Parent et les erreurs de l'éducation à l'américaine. Comment expliquer que nos législateurs, sur la colline parlementaire, veuillent tenter de répéter l'expérience américaine? Ou bien, M. le Président, ils sont ignorants des désastres intellectuels et moraux accumulés par l'éducation matérialiste et athée chez nos voisins américains, ou bien ils en sont conscients, et ils sont poussés à cela par des forces laïcisantes et athées qui s'infiltrent partout et font des assauts constants et se forgent des lois.

Alors, M. le Président, ceux qui se veulent les grands modernistes et qui ont proposé ces grandes réformes... M. le Président me fait signe qu'il me reste une minute. Est-ce que M. le Président a tenu compte des interruptions? J'ai eu au moins quatre à cinq minutes d'interruption, M. le Président, si vous voulez me permettre...

M. LE PRESIDENT (Brown): Nous en avons tenu compte. M. le député de Beauce, et c'est terminé à quatre heures et dix.

M. ROY (Beauce): J'avais commencé à moins vingt, M. le Président, et j'ai eu des interruptions.

M. LEVESQUE: Deux questions.

M. ROY (Beauce): Si vous me permettez, deux ou trois minutes. Je disais donc, M. le Président, que ceux qui se gargarisent de modernisme devraient aller voir ce qui s'est fait ailleurs. On a dépensé des sommes d'argent au Québec pour faire des voyages en Europe, on s'est même permis d'aller en Russie, pour aller trouver de l'inspiration. Et pourtant ce système d'éducation que le Québec tente d'imposer à l'heure actuelle dans ses structures, les Soviets l'ont répudié complètement en 1932, après douze ans d'expérimentation. Pourquoi? Parce que, d'après la Pravda, le système américain était en train de peupler le pays, la Russie, d'une génération d'ignorants et de dépravés.

La révolte actuelle aux Etats-Unis contre le père de l'éducation américaine — j'ai pris ça dans une petite brochure — contre son athéisme, John Dewey, s'est cristallisée, en Californie, par l'élection du Dr Rafferty pour remettre Dieu dans les manuels scolaires.

La révolte contre son sociologisme est générale et l'on peut dire que les livres les plus lus aux Etats-Unis sont ceux d'Eric Stromm, le farouche individualiste.

Je pense que l'occasion se prête très bien, à ce moment-ci, pour demander au gouvernement non seulement de nous parler de démocratisation, mais d'élaborer une véritable démocratisation; non seulement de donner des droits aux parents, mais de leur donner des garanties juridiques pour qu'ils puissent exercer leurs droits, pour qu'ils puissent réellement avoir une participation dans le système de démocratisation, chose qui n'existe pas dans les faits. On sait que le mot "démocratisation" dont on se sert à l'heure actuelle ne veut pas dire grand-chose.

Je termine en donnant un exemple. Le gouvernement décide au niveau de la taxation, le gouvernement contrôle les commissions scolaires, le gouvernement établit lui-même les programmes, le gouvernement impose des structures, le gouvernement négocie le salaire des enseignants, le gouvernement décide de la construction des écoles, le gouvernement décide de l'école obligatoire, le gouvernement accepte ou refuse les bourses aux étudiants. Le gouvernement vient ensuite nous parler de démocratisation. Ce que nous voulons, ce n'est pas une démocratisation dans les mots, mais une démocratisation dans les faits. Nous voulons que cette démocratie soit assurée par des garanties juridiques. Je termine mes observations là-dessus.

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT ( Brown ): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: ... du consentement unanime de la Chambre. On vient d'apprendre que le député de Mégantic, leader parlementaire de notre parti, vient d'être victime d'un accident d'automobile assez grave et qu'il est présentement hospitalisé à l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska. Je voudrais, au nom de nos collègues, lui souhaiter un prompt rétablissement.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous sommes très affectés par cette nouvelle et nous nous empressons de nous joindre au chef du Ralliement créditiste pour souhaiter un prompt rétablissement à son leader parlementaire.

M. PAUL: M. le Président, comme la députation forme une grande famille, il nous est impossible de rester indifférents à l'annonce que vient de nous faire le député de Rouyn-Noranda. C'est pourquoi nous formulons des voeux pour que l'honorable député de Mégantic retourne au plus tôt chez lui. Nous formulons des voeux de prompt rétablissement et souhaitons que cet accident ne reste, en définitive, qu'un incident, bien qu'il soit malheureux.

M. CHARRON: M. le Président, comme mes autres collègues, j'espère que les blessures subies par le député de Mégantic ne sont pas si graves que cela et que nous le reverrons très bientôt avec nous en Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. CARON: M. le Président, le projet de loi présentement devant nous, concernant la restructuration scolaire sur l'île de Montréal, a été l'objet de plus d'un mémoire. Je voudrais, dans mon intervention, signaler d'une façon particulière l'avis du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation sur ce projet de loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

Dans un document remis au ministre de l'Education, sous la signature de M. l'abbé André Naud, prêtre de Saint-Sulpice, cet avis soulignait que le comité catholique est évidemment conscient de la nécessité et même de l'urgence d'une restructuration de l'administration scolaire sur l'île de Montréal. Il va plus loin. Il faut établir, dit-il, les bases d'une plus grande démocratisation de l'administration scolaire, ce qui rendra plus efficace et plus réelle une participation des parents à l'école.

Nul doute, selon le comité catholique, qu'il y a opportunité d'instituer des commissions scolaires unifiées.

Dans ces commissions scolaires, l'avenir des écoles catholiques est assuré, et ce depuis les derniers amendements qui ont été élaborés de façon convaincante pour entraîner une adhésion confiante.

Désormais, à la lueur des amendements, et sans contredire ses avis antérieurs qui furent donnés en des circonstances différentes, le comité catholique peut recommander une création immédiate et généralisé des commissions scolaires unifiées dans les termes prévus par le projet de loi no 28. Il apparaît au comité catholique que la meilleure manière de montrer que l'on prend au sérieux les problèmes qui sont soulevés est d'établir cette expérience avec certains échanges, ce à quoi s'est engagé le ministre de l'Education en échelonnant la restructuration jusqu'en 1975.

Je m'en voudrais de ne pas signaler d'une façon particulière les recommandations concernant les comités catholiques, lesquelles recommandations ont été accordées d'emblée par le bill 28. Il s'agit d'assurer une meilleure représentativité et une meilleure coordination des tâches à l'intérieur des cadres des commissions scolaires, le responsable des questions religieuses étant d'office membre adjoint sans droit de vote. Ce droit, à l'école, est accordé par les derniers amendements du ministre de l'Education.

Afin d'assurer plus de continuité dans le travail des comités catholiques, la durée du mandat de leurs membres est un droit reconnu par le ministre de l'Education qui est totalement d'accord avec ce principe. Enfin, la loi verra à l'application des règlements du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation pour que ses membres soient consultés dans le choix des directeurs des écoles catholiques.

C'est une des charges spécifiques du comité de veiller à la promotion de l'éducation catholique. Je m'empresse d'ajouter que ce dernier point a été largement couvert par les amendements.

Quant aux recommandations du comité concernant les responsabilités des questions religieuses, vu l'importance de la fonction du responsable de ces mêmes questions religieuses pour les catholiques, le choix devra se faire après consultation du comité catholique visé à l'article 593. Ce avec quoi le ministre de l'Education est d'accord.

La tâche du responsable des questions religieuses pour le comité catholique devra être définie ou approuvée par le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Ce avec quoi le ministre de l'Education est toujours d'accord.

J'ai suivi de très près les séances de la commission permanente de l'Education sur le bill 28, et ma présence à ces séances m'a convaincu du travail immense et de la belle besogne accomplis. D'ailleurs, les amendements apportés par le ministre de l'Education prouvent hors de tout doute la vérité de mes dires.

Le bill 28 donne aux catholiques plus de garanties que les lois actuelles. Pour le prouver, je cite le ministre de l'Education. Lorsqu'il annonce les amendements au projet de loi, il dit notamment qu'il y aura "comité d'implantation sur chaque territoire des futures commissions scolaires permettant aux responsables actuels de l'éducation, tant catholiques que protestants, de chacun de ces territoires de préparer concrètement l'implantation des nouvelles commissions scolaires au 1er juillet 1975."

De plus, les comités confessionnels sont instaurés au niveau de la commission scolaire et ils doivent veiller à la promotion de l'éducation catholique ou protestante, selon le cas. De plus, le mandaté des questions religieuses aura la responsabilité de l'orientation et de l'animation religieuses.

Il est vrai que le régime de taxation n'a pas toujours été adéquat. L'amendement du ministre sur les étapes de la mise en oeuvre de la loi corrige cette anomalie.

I would like to say a few words in English to show my cooperation to the English community. I can assure, Mr. Speaker, that with this bill the English-speaking people will be well served and for the first time the parents will have a word to say about education.

For the first time, equally, the Protestant people will be assured that their religion is respected in this by-law.

There is a guarantee in the bill 28 that they never had before. Two observers will be selected on the boards where, for example, the protestant people will be on minority.

M. le Président, pour la minorité, il s'agit d'un droit fondamental, celui de la participation des parents à l'école. Il ne faut pas perdre de vue que le directeur général adjoint sera assisté de personnes compétentes touchant les domaines les plus variés, tels le service du personnel, le service des études et le service linguistique.

N'oublions pas que le comité des parents, comité consultatif, a sa raison d'être précisément à cause du rôle prépondérant de ces derniers.

Les élections par quartiers témoignent d'une liberté rare que jamais projet de loi n'avait jusqu'à maintenant accordée. Bref, le bill 28 est un bill d'avant-garde qui met le Québec en tête de liste dans le domaine éducatif, ce, non seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde entier.

Je félicite et remercie le ministre de l'Education d'avoir été à l'écoute de la population du Québec, car ce bill est non seulement le sien mais celui d'une génération.

Pour toutes ces raisons, je serai fier de voter pour le bill 28, convaincu de rendre un service d'envergure à ma province, à mon comté et aux générations futures. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous avons examiné très longuement le projet de loi qui est devant nous. J'entendais tout à l'heure l'un de nos collègues parler du danger énorme que courent la langue et la culture françaises au Québec. Je suis tout à fait de son avis, puisqu'il en administrait en même temps une preuve péremptoire.

Mais, M. le Président, je tiens à vous dire tout de suite que je ne me sens quand même pas solidaire de cette langue en formation que j'ai entendue tout à l'heure et qui, d'ici quelques générations, deviendra peut-être le patois, le dialecte ou le moyen de communication de certains secteurs, de certains groupes de citoyens que je ne reconnaîtrai pas comme des ambassadeurs de la langue et de la culture que nous prétendons défendre.

Et je me disais, écoutant ce que j'entendais ou ce que je croyais entendre, qu'il est grand temps qu'on cesse de parler de la langue ici et qu'enfin on la parle. Cette réflexion, je me l'étais déjà faite alors que je siégeais à Ottawa, alors que j'entendais des députés de diverses formations politiques demander que l'on respecte la langue et la culture. Je ne me suis jamais senti solidaire de ceux qui parlaient alors au nom de ce qu'ils appelaient "leur peuple", "leur nation", "leur famille culturelle et linguistique".

Il est toutefois important d'attirer l'attention des parlementaires sur certains aspects du projet de loi qui nous paraissent, encore aujourd'hui, obscurs sinon ténébreux. Le député de Verdun disait tout à l'heure qu'à la lueur des amendements qu'il avait perçue, il avait été convaincu et qu'il se proposait de donner son accord à ce projet de loi. Il s'agit, en effet, de lueurs d'amendements. Jamais je n'ai entendu, en Chambre, un terme employé à si bon escient puisque ce que le ministre nous a déclaré, ce qu'il a déposé comme document concernant les amendements éventuels qu'il se propose de soumettre, ce sont vraiment des lueurs d'amendements puisque nous attendons encore le texte qui nous permettra de porter un jugement de valeur sur le projet de loi qu'il propose à notre adoption.

Nous avons tenu de nombreuses séances de la commission parlementaire. Nous avons entendu de nombreux témoins. Nous avons examiné les mémoires qui nous étaient soumis. Nous avons questionné les personnes qui sont venues devant nous. Si l'on faisait la somme de toutes les propositions qui nous ont été faites, M. le Président, il serait extrêmement difficile de dire exactement, de façon précise, ce que veulent les citoyens et ce que les citoyens ne veulent pas. Cela, dans deux domaines particuliers auxquels je me suis intéressé: celui de la langue et celui de la religion.

A propos de la religion, M. le Président, le ministre n'a pas été explicite. Que le ministre ne s'inquiète pas, le temps des croisades est terminé et je ne vais pas emboucher la trompette héroïque pour lui demander de sauver la langue, la foi, la religion, etc. Je veux tout simplement lui demander de réfléchir à l'avertissement que nous a soumis — qui est un exposé de doctrine — l'archevêque de Montréal au sujet des propositions du projet de loi no 28 et qui, selon Son Excellence Mgr Grégoire, comporteraient quelques dangers pour le maintien, la préservation et l'expansion de l'enseignement religieux sur l'île de Montréal dans ce cadre qui sera défini par le projet de loi que nous étudions.

Alors que comparaissaient devant nous les représentants de l'archevêché de Montréal, je leur ai fait un reproche, reproche dont certains journaux ont fait état. Je leur ai fait le reproche suivant: De parler bien tard et de parler bien mal parce que, même si la position de doctrine de Son Excellence Mgr Grégoire était excellente et fort rassurante en ce qui concerne les dogmes, il reste que les propositions concrètes qui devraient normalement suivre cet exposé de doctrine ne nous ont été présentées que sous forme de questions.

On nous a interrogés ou l'on s'est interrogé en disant: Qu'est-ce qu'il adviendra de ceci? Qu'est-ce qu'il adviendra de cela?

Comme catholique, M. le Président —je ne fais pas mystère de mes croyances — j'avoue que j'ai certaines inquiétudes en ce qui concerne les garanties que le projet de loi donne aux diverses confessions religieuses. Mais je reconnais toutefois que dans la société pluraliste qui est la nôtre — c'est un mot qui n'a aucun rapport avec celui que l'on employait à tort, tout à l'heure, soit le mot modernisme — compte tenu du pluralisme qui existe à l'heure actuelle, M. le Président, il est assez difficile de retourner à ces propositions que l'on faisait au milieu du XIXe siècle, à la fin du XIXe et même jusqu'à l'époque de 1930, au Québec, quand, associant langue et religion, l'on défendait les écoles catholiques et l'on voulait que l'Etat reconnût uniquement les écoles dites confessionnelles.

Depuis lors, il faut le constater et surtout l'admettre, la société a évolué. La pensée mondiale a évolué. La rigueur doctrinale s'est assouplie, adoucie ou peut-être ramollie. Mais il reste le fait que nous ne sommes plus en présence, sur le plan religieux, de blocs monolithiques et que nous devons faire face à cette réalité internationale, universelle du pluralisme religieux.

Il est à propos de rappeler ce que mon collègue, le député de Bagot, disait en commission parlementaire, ce que le ministre a repris ici en Chambre, que le dynamisme personnel, l'engagement personnel sont peut-être aujourd'hui de meilleures garanties que les textes juridiques, ce qui ne veut pas dire toutefois — que l'on ne m'interprète pas faussement — que l'Etat n'a pas le devoir d'inscrire, dans des

textes juridiques, des garanties qui permettent à des majorités importantes de voir leurs droits respectés, particulièrement dans ce domaine des croyances religieuses.

Mais personnellement, M. le Président, ayant suivi ou ayant essayé de suivre, dans le mesure de mes moyens, l'évolution de l'Eglise catholique romaine, qui est la mienne, je me dis qu'il y a quand même eu, depuis un certain nombre d'années, des étapes extrêmement significatives. Il y a eu ce mouvement de l'oecuménisme, il y a eu Vatican Il, il y a eu encore, tout récemment, le Synode des évêques catholiques romains. Tous ces hommes, qui sont quand même des gens de doctrine, des gens de pensée, qui n'ont pas besoin de citer des textes qu'ils ne comprennent pas pour appuyer leurs avancés, ont quand même indiqué aux fidèles catholiques quelle était l'orientation générale de l'église, quelle pouvait et devait être l'orientation du chrétien qui se sent engagé dans une religion et relié intimement à une foi, à un credo qu'il professe.

Je demande donc au ministre — dans sa réplique, il nous fournira sans doute des renseignements, des éclaircissements — d'expliquer les mécanismes qui permettront au comité catholique, au comité protestant d'assurer, à l'intérieur de l'école — qu'on la prenne comme entité morale, qu'on la prenne comme entité physique — des garanties à tous ceux qui veulent que subsiste dans l'école un enseignement confessionnel conforme aux différentes religions qui s'y trouvent représentées.

Je ne veux pas insister beaucoup sur cette question de la religion, sauf — comme je viens de l'indiquer — pour demander au ministre de nous fournir tous renseignements utiles sur les mécanismes. Je voudrais faire observer en même temps — je pense que c'est une réalité que l'on oublie — que nous vivons en régime démocratique, que les structures scolaires qui sont proposées pour l'île de Montréal seront quand même des structures démocratiques et que la démocratie, à ce palier comme à tout autre niveau, sera vécue, exercée par des gens qui seront des maîtres, des parents, des catholiques, des protestants, des juifs, des neutres, par conséquent des gens qui ont tous intérêt à ce que ce qu'ils considèrent comme des valeurs fondamentales soit respecté.

Je trouve que c'est parler sans raison que de dire: Bien, on crée une structure gigantesque. Certes, j'ai peur des structures gigantesques et j'ai peur de cette structure que l'on va créer pour l'île de Montréal, à cause des mécanismes nombreux qu'elle comportera et de la lourdeur de ces mécanismes.

Mais je crois que lorsqu'on parle de structure gigantesque et que l'on compare cela à la pratique de la démocratie, l'on oublie que ce sont des hommes qui mettent en pratique les principes qui inspirent la démocratie. Par conséquent, si ce sont des maîtres, si ce sont des parents, des gens qui, comme vous et comme moi, sont intéressés à ce qu'il y ait à l'école tel type d'enseignement, ces gens, usant des moyens démocratiques qui sont mis à leur disposition par la loi no 28, voudront s'assurer que les valeurs qu'ils défendent seront défendues. Par qui? Par eux-mêmes. Et cela, s'il le faut, contre le gouvernement et contre certaines personnes qui seront mises en place lorsque l'on aura procédé à la création des diverses structures et des divers mécanismes que propose le projet de loi no 28.

Je crois donc que c'est fausser le problème que de dire: Il n'y a pas de démocratie, on ne consulte personne, on bâtit une structure gigantesque, les parents n'auront plus rien à voir à l'enseignement. Mais ce sont des parents, ce sont des maîtres qui vont être dans les structures et ce sont eux qui vont les bâtir, puisque ce sont eux qui auront le droit de voter lorsqu'il s'agira de choisir les personnes qu'ils croiront capables de les représenter et de défendre les valeurs dont on parle, sans trop jamais les définir.

Par conséquent, je rappelle au ministre qu'il a l'obligation de nous rassurer, de nous montrer comment vont se manifester dans les textes législatifs les garanties dont il a parlé lors du discours de présentation de son projet de loi, ces garanties dont il a parlé d'ailleurs à maintes reprises au cours des auditions devant la commission parlementaire.

Il y a un autre problème qui me préoccupe, c'est le problème de la langue. Sujet délicat, sujet explosif, sujet dont tout le monde nous rebat les oreilles à tout instant du jour: la langue française. La langue française parlée par une communauté qui est ici en majorité de langue et de culture françaises, mais parlée Dieu sait comment!

Ici même en ce Parlement, les défenseurs de la langue française, quand les avez-vous entendus parler français?

C'est la question que je me pose lorsque j'écoute ces discours émouvants, ce que j'en comprends qui peut m'émouvoir. Il y a dans le projet de loi no 28, des garanties en ce qui concerne la langue. Je me pose toutefois la question — et je me la pose en toute honnêteté — par-devers moi. Est-ce que le ministre, même si ce projet de loi n'a pas pour but de régler la question linguistique, ne risque pas de provoquer inutilement des conflits violents en légiférant, par le projet de loi no 28, en matière de langue, sans qu'auparavant son gouvernement nous ait fourni des indications sur la politique qu'il entend suivre?

Nous avons vu devant la commission parlementaire minorité et majorité linguistiques s'affronter et de façon violente. On avait critiqué le projet de loi déposé par mon collègue, le député de Bagot, le projet de loi no 62. On est venu nous dire qu'à cet égard, au sujet de la langue, le projet de loi no 28 marque un net recul.

Nous avons, encore une fois devant cette commission parlementaire, vu défiler des gens

qui nous ont ballottés entre deux formes d'extrémisme. Et des formes d'extrémisme assez difficiles à percevoir, appréhender au sens philosophique du terme, puisqu'il est venu devant nous des gens qui nous demandaient, demandaient au gouvernement de décréter l'unilinguisme français au Québec, de décréter que tout l'enseignement serait donné en français dans les écoles de Montréal y compris dans les écoles de langue anglaise, l'anglais devenant une langue seconde, et ces mêmes gens, du même souffle, déclaraient qu'ils voulaient protéger les droits de la minorité anglophone.

En face de propositions comme celles-là, M. le Président, en toute honnêteté intellectuelle, en toute honnêteté morale et au regard de ce que l'on appelle les droits fondamentaux, je me demandais: Mais comment puis-je me résoudre moi, législateur, à prendre une attitude définie, rigoureuse, qui respecte à la fois ces exigences que l'on formulait et, d'autre part, les droits dont on nous disait qu'ils devaient être défendus?

A propos de ce projet de loi, M. le Président, toujours dans le domaine de langue, on a parlé de la langue de l'administration de cette future grande commission scolaire, de ce futur grand organisme scolaire de l'île de Montréal. On a proposé que, pour cette grande structure, la langue de communication soit le français. Je n'aurais pas personnellement objection à cela, sous toute réserve que l'on veuille bien nous indiquer de quelle façon cela pourrait être mis en pratique, de quelle façon cela pourrait, si vous voulez, permettre des relations faciles, efficaces.

Mais, je vous le dis, personnellement je n'objecterais rien en principe à une proposition de cette nature. On nous a demandé de créer des écoles rigoureusement françaises et cela partout, même dans les écoles anglophones, où l'anglais deviendrait la langue seconde. Comment concilier cette proposition avec ce que l'on appelait le respect des monorités?

Naturellement, vous le pensez bien, M. le Président, on a parlé de la loi no 63, dont on a dit qu'elle avait été le point de départ d'un recul épouvantable sur le plan de la qualité du français, du nombre de gens qui s'inscrivent dans les écoles et qui parlent couramment le français, sans toutefois pouvoir nous donner des chiffres, sans nous fournir des statistiques valables. Je ne parle pas des statistiques récentes que l'on a interprétées dans les journaux de toutes sortes de façons, de façon insidieuse et fausse.

Sont, quand même, venus devant nous des gens responsables qui n'ont pas été capables de nous dire quels avaient pu être les effets de la loi 63 dans l'ensemble de la structure scolaire de l'île de Montréal et dans la population scolaire de l'île de Montréal.

M. le Président, je vais vous dire une chose qui va peut-être en surprendre plusieurs. Je demanderais au gouvernement de rappeler la loi 63. Qu'il la rappelle, qu'il la change, qu'il en propose une autre, mais que sa démarche soit précédée de l'exposé d'une politique globale de la langue, qui rejoigne les grands objectifs dont on nous a parlé tant et plus, en commissions parlementaires ou ailleurs et qu'exposait le premier ministre: le français, langue de travail dans le Québec.

Je suis prêt à demander au gouvernement de rappeler la loi 63 et de proposer un projet de loi-cadre ou un ensemble de projets de loi qui permette à deux communautés linguistiques et culturelles de vivre en paix et de s'épanouir conformément aux exigences de leur culture respective, de leur histoire, de leur psychologie. J'ai, depuis des années, parlé de la langue. J'ai travaillé dans le domaine de la langue. J'ai enseigné la langue française, et c'est un problème qui m'a toujours préoccupé au premier chef.

J'ai suivi, dans ce domaine, une sorte d'itinéraire. Ma démarche aujourd'hui en est à ce point que je me pose la question suivante: Est-ce que, par le moyen d'un décret — j'entends un décret portant sur la langue — le gouvernement provoquerait ce dynamisme dont nous avons besoin pour poursuivre cette lutte ardue que nous avons menée pendant des années et des années — et nos devanciers bien avant nous — afin de conserver l'héritage culturel français? Est-ce qu'une loi viendrait y changer quelque chose? Est-ce qu'une loi viendrait accroître ce dynamisme? Je me pose sérieusement et honnêtement la question.

En me posant la question, cela ne signifie pas que je me refuse à l'idée d'une loi qui irait dans ce sens-là, mais je voudrais voir quel cas les citoyens en feraient. Est-ce que, demain, si par hypothèse on imposait le français comme langue obligatoire dans le Québec, à tous les paliers, dans tous les domaines, la population s'en trouverait pour autant plus forte? Est-ce que son dynamisme s'en trouverait accru et est-ce que la qualité de la langue se manifesterait à un point tel que l'on dirait: C'est cela que nous attendions, c'était là la mesure salvatrice?

J'ai des doutes, j'ai de sérieux doutes, même si, personnellement, compte tenu des circonstances, compte tenu d'une conjoncture favorable, compte tenu d'un accord entre les composantes humaines de notre collectivité, on adoptait une loi comme celle-là, je n'aurais pas d'objection et je n'aurais pas d'objection à la proposer moi-même. Mais, ayant entendu ce que j'ai entendu à la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi no 28 comme j'avais entendu les personnes qui s'étaient présentées devant nous lors de l'étude du projet de loi no 62, comme nous avions entendu les gens qui avaient discuté avec nous le projet de loi no 85, je suis encore aujourd'hui dans l'incertitude absolue et surtout dans une sorte de gêne. J'éprouve une sorte de gêne, de malaise en me disant: Est-ce que cette démarche satisferait les gens qui nous demandent de la faire, est-ce que ce geste contenterait les gens qui nous deman-

dent de le poser et, surtout — c'est là le plus important — est-ce que ce geste apporterait quelque chose qui soit de nature, à brève échéance et de façon efficace, dynamique, à améliorer la qualité de la langue qui nous sert de moyen d'expression?

En étudiant le projet de loi no 28, ici en Chambre comme en commission parlementaire, je me pose toujours cette question: Comment concilier les exigences que personne ne nie... Quand j'entendais tout à l'heure un député nous dire qu'il était le premier à en parler en cette Chambre, vous vous imaginez bien que j'en ai ri. Je l'ai d'ailleurs fait observer, M. le Président, naturellement sous toutes réserves de ce que j'avais pu comprendre parce que je ne croyais pas que ce député s'exprimait en français. Mais quand j'entendais ça tout à l'heure, je me disais que ce n'est quand même pas nouveau que l'on parle de la langue ici. Nous en avons parlé depuis des années, des années et des années, et après toutes ces heures d'audition, après toutes ces heures de travail en commission parlementaire, ayant entendu les voix de toutes sortes d'organismes, nous ne sommes pas plus avancés que nous ne l'étions.

On nous dit: Vous manquez de courage, vous avez trahi la nation, vous manquez de force. M. le Président, je m'excuse de rappeler ce terme en Chambre, on nous a même dit: Tous les députés, tous les parlementaires d'hier et d'aujourd'hui sont des prostitués parce qu'ils n'ont pas défendu la langue. Je me dis que les premiers prostitués que je connaisse sont ceux qui ne savent pas s'exprimer en français lorsqu'ils viennent nous parler de la langue française en commission parlementaire.

Alors, aujourd'hui, je vous avoue que je suis encore très perplexe, très hésitant. Je me pose une question, qui est une question sérieuse et je la pose au ministre: N'eût-il pas mieux valu, avant que de toucher à cette question de la langue dans le cadre du projet de loi no 28, nous dire exactement ce que le gouvernement du Québec entend faire? Et je vais donner tout de suite la réponse au ministre. Le gouvernement du Québec ne fera pas plus qu'aucun autre gouvernement n'a fait avant, sinon d'apporter des correctifs, des mesures qui vont progressivement améliorer la situation dans le domaine, par exemple, de l'affichage, dans le domaine des raisons sociales, dans le domaine de la révision de la codification des lois, dans le domaine scolaire pour permettre un enseignement plus dynamique du français, pour exiger des anglophones qu'ils apprennent davantage le français. La seule chose, je crois — et nous en avons fait l'expérience avec la loi no 63 — qui pourrait être immédiatement corrigée, c'est le cas des immigrants, et encore là cela pose le problème des droits fondamentaux. J'ai dit en commission parlementaire que je n'aurais aucune sorte d'objection à ce — à condition de bien définir ce qu'est, en 1971, un immigrant — que l'immigrant soit obligé de s'inscrire à l'école française.

Mais le reste sera des mesures qu'il nous faudra prendre progressivement, afin d'y habituer les citoyens, afin de les engager dans un mécanisme qui mette en valeur, une fois pour toutes, leur dynamisme latent. Parce que, quoi que fasse l'Etat — et l'histoire est là pour le prouver — les langues, depuis des siècles, se font et se défont, et cela en raison du dynamisme interne des populations qui les parlent. C'est une loi constante des civilisations.

Que sera la langue française parlée en France, dans 50 ans? Que sera la langue française parlée en Amérique du Nord, dans 50 ans? Je ne le sais pas. Pas plus qu'on ne savait, à la fin de la grande époque du latin à Rome et dans les provinces romaines, que cette langue était déjà sur le point de disparaître pour faire face, en ce qui nous concerne, au roman, qui est devenu finalement la langue française que nous parlons encore aujourd'hui.

Plusieurs témoins qui ont comparu devant la commission parlementaire et des gens de langue française représentant des organismes canadiens-français nous ont demandé de mettre dans les programmes d'enseignement beaucoup plus d'anglais, afin que les étudiants fussent préparés à faire face à la situation qui sera la leur, celle d'une intégration dans le milieu nord-américain qui sera non seulement leur milieu de vie mais leur milieu de travail.

Toutes ces exigences qui, à bien des égards, sont contradictoires me laissent, comme je vous le disais tout à l'heure, perplexe. Je demande au ministre de nous indiquer, de façon plus précise, quel est le cas que le ministère de l'Education entend faire de la langue française par l'application du projet de loi no 28. Quels sont les programmes d'enseignement du français qui seront mis de l'avant à la suite de l'application du projet de loi no 28? Est-ce qu'il y a des choses nouvelles qui s'amorcent dans ce domaine? Est-ce que le ministre peut nous dire maintenant quelles seront, à plus ou moins brève échéance, les grandes étapes que devra marquer le gouvernement pour faire du français la langue de travail au Québec?

Vous savez, dégageant toute la question de son contenu émotif, et vous me permettrez, M. le Président, de terminer là-dessus, dégageant tout ce problème de son contenu émotif, il faut se dire que le problème de la langue restera, pour une collectivité numériquement aussi peu importante que la nôtre — je dis numériquement — et cela, d'une façon constante, permanente, le grand défi qui sera toujours le nôtre. Notre devoir à nous, c'est, par un dynamisme personnel, de manifester que nous voulons, en dépit d'un environnement anglophone nord-américain, manifester notre identité, notre personnalité.

L'Etat a, à cet égard, des devoirs, des responsabilités, mais ce sont les citoyens qui sont les premiers responsables de cette manifestation de ce qu'ils sont essentiellement comme êtres humains et comme personnes.

M. le Président, en terminant, je vous dis que

le projet de loi no 28, nous l'avons étudié très longuement. Nous attendons les amendements du ministre de l'Education. Quant à moi, à ce stade-ci des débats et au moment où je vous parle, je ne suis pas encore en mesure de vous dire si, en dépit de certains principes que j'approuve, je donnerai mon agrément au projet de loi en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, aujourd'hui, nous avons, en cette Chambre, à parler du bill 28 concernant la restructuration des commissions scolaires de l'île de Montréal. Or, il est entendu que, nous du Ralliement créditiste, nous acceptons cette idée première qu'il y a un besoin de restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

Cependant, je dois vous dire qu'entre ce besoin de restructuration et la restructuration pour le plaisir de faire des structures, eh bien, il y a toute une différence. En somme, par le bill 28, ne se dessine, à notre sens, qu'une chose: on restructure pour restructurer, un point c'est tout.

Or, à ce moment-ci, pour que les parents de l'île de Montréal puissent avoir la possibilité de donner à leurs enfants un enseignement adéquat, est-ce que l'on ne doit pas regarder plus profondément à l'intérieur de ce qu'est le bill 28? L'aspect administratif semble être le but premier de la restructuration, les besoins réels des enfants devant passer en deuxième ou en troisième lieu. On sacrifie des valeurs de fond pour arriver au but qui semble être de créer un climat d'enseignement qui transformera nos enfants, plus précisément sur l'île de Montréal, en robots sans but, sans idéal, sans esprit d'initiative. En effet, selon un des principes mêmes du bill, l'initiative à être inculquée à nos enfants semble être une partie taboue, dépassée. Nous devons en déduire que l'Etat veut créer un climat pour que nos enfants désirent plutôt n'être que des jouets sans défense de l'Etat.

Les valeurs de fond, donc, sont foulées aux pieds. Le gouvernement Bourassa, par le ministre de l'Education, veut réduire à néant toutes les valeurs morales qui, à notre sens, sont les valeurs premières dans toute éducation.

En mettant les valeurs morales de côté, on fausse les éléments premiers de l'ordre naturel de la vie. Un enfant ne peut devenir un véritable être humain, dans le vrai sens du mot, s'il ne reçoit pas un enseignement moral confessionnel. C'est évident. L'Etat ne peut remplacer les parents. L'Etat ne peut remplacer l'enseignant conscient de ses responsabilités par des agnostiques aux idées et aux tendances dangereuses pour la survie de notre peuple. Le pire, c'est que ces gens emploient des tactiques très subtiles qui ne laissent pas présager les conséquences véritables de leurs actes.

Faire ressortir tous les principes qui se dégagent du bill 28 n'est certainement pas facile, car c'est un fouillis qui se cache sous l'idée d'un besoin de restructuration. Qu'il y ait une certaine restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal — je l'ai dit tantôt — j'en suis. Il y a un besoin de changement pour que l'enseignement et les formules administratives soient plus adaptés aux besoins de cette population. Cela, c'est bien. Mais pas n'importe comment. On ne doit pas fouler aux pieds, et même écraser avec un rouleau compresseur, toute possibilité d'un enseignement confessionnel pour cette région ou pour les autres régions de la province, compte tenu du fait que les parents le veulent confessionnel.

Après un certain relevé statistique, environ 98 p.c. de la population désirent un enseignement confessionnel comme système. Pourquoi le ministre ou ses adjoints veulent-ils doter la province d'un système d'enseignement quasi totalement neutre, s'il n'y a que 2 p.c. de neutres parmi cette même population?

En commission parlementaire, Mgr Grégoire a fait ressortir certaines nécessités d'adaptation de notre système en tenant compte de l'émancipation de notre société. Il disait drôlement vrai. Il y a un besoin de certains changements, oui, mais pas n'importe lesquels.

Les Chevaliers de Colomb du Québec ont fait valoir certaines nécessités absolues en matière d'enseignement. Si le bill était adopté tel que présenté, quelle serait la part de décision que pourraient apporter les parents? C'est sur cela que les Chevaliers de Colomb du Québec s'interrogent.

A ce moment-ci, M. le Président, je me permettrai de lire un télégramme qui a été adressé par l'honorable Maurice Perron, député d'Etat, Chevaliers de Colomb du Québec, à beaucoup de membres de cette Chambre. Il disait, entre autres: "Les 65,000 membres unis des Chevaliers de Colomb du Québec vous demandent de tenir sérieusement compte du mémoire adressé à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale par Son Excellence Mgr Paul Grégoire, archevêque de Montréal. "Ce mémoire sur le projet de loi restructuration scolaire de l'île de Montréal a été appuyé sans réserve par tous les évêques du Québec. Il propose: "1. Une restructuration scolaire progressive. "2. La mise en place d'un conseil scolaire au niveau de l'île de Montréal".

Je pourrais continuer à énumérer comme cela. Toutefois, je me limiterai à la toute fin de son télégramme, lorsqu'il dit: "J'espère que vous voterez en toute conscience non pas pour imiter les autres banquettes mais en toute conscience sur ce projet de loi important, pour la paix et le progrès de la liberté religieuse de tous les citoyens du Québec, dans le domaine de l'éducation". Lorsqu'il parlait de liberté religieuse, cela prévaut pour n'importe laquelle confessionnalité, qu'elle soit catholique, protes-

tante, juive ou autre. Or, M. le Président, l'Etat doit-il dicter aux individus la faction religieuse que ceux-ci doivent embrasser ou si le système doit être adapté en fonction des voeux des différentes formations confessionnelles? Le ministre ignorera-t-il les 65,000 personnes qui ont des principes de vie sains, qui ont des principes de vie humains, des principes de charité et de fraternité inébranlables?

Si l'on ne change pas lés principes de base dans le bill, sera-t-on obligé de penser que le ministre prétend que ces 65,000 chevaliers de Colomb du Québec, aux pensées honnêtes, sont des imbéciles?

M. le Président, ce bill 28, à notre sens, n'est que source de conflits passionnels, il n'est que source de désordre futur. Même le comité protestant de Montréal, dans un éditorial qui a paru récemment, dit qu'il rejette le projet d'intégration tel que proposé. Les communautés juives nous ont également envoyé de la documentation dans ce sens.

M. SAINT-PIERRE: Me permettez-vous une question? C'est que jusqu'ici, venant de votre secteur, on était très intéressé par l'aspect de la confessionnalité, non pas par les protestants et les juifs, mais par la religion Catholique — avec un grand C — et la langue française. Pourriez-vous peut-être citer, sur le plan du principe même du projet de loi — c'est-à-dire la commission scolaire unifiée — les appuis qui sont venus de groupes que je considère, qui représentent sûrement autant de voix que les Chevaliers de Colomb et qui, eux, ont endossé le principe de la commission scolaire unifiée comme étant un mécanisme permettant d'atteindre les objectifs que vous partagez et qui, d'autre part, donnent dans le texte de loi des mécanismes pour assurer des garanties constitutionnelles?

Vous nous parlez de la religion catholique et de la langue française, mais vous me citez les juifs et les protestants. Cela ne m'impressionne pas.

M. BELAND: M. le Président, je ne sais à qui fait allusion le ministre, dans ses allégations. Par contre, nous n'avons jamais tenu qu'aux catholiques. Nous avons regardé, dans l'étude que nous avons faite du bill 28, toute autre confessionnalité comme celle des catholiques, toute autre confessionnalité. A ce moment-là, cela les comprend toutes, non pas une d'entre elles.

Je crois que l'honorable ministre devrait relire son bill. Reporter l'application administrative totale de la tour de Babel — parce que j'appelle tour de Babel le bill 28 tel que rédigé — au 1er juillet 1975...

M. SAINT-PIERRE: Le ministère de l'Education, c'est quoi, si le bill 28 est une tour de Babel?

M. ROY (Beauce): C'est la plus grosse.

M. SAINT-PIERRE: Il n'y a qu'une tour de Babel dans l'histoire.

M. SAMSON: C'est la tour de contrôle des tours de Babel.

M. BELAND: C'est d'ailleurs celle qui s'apprête à être le plus haut sommet de la ville de Québec.

D'ailleurs...

M. SAINT-PIERRE: C'est le phare qui va éclairer toute la population.

M. BELAND: ...taxer à partir du 1er juillet 1973, taxer tout le temps. Des taxes pour le financement ou par le financement ou sur le financement. On a essayé de redorer le blason, si blason il y a.

Dans l'énumération au niveau des principes, on parle, par exemple, de minorités linguistiques. On dit qu'il y aura deux personnes seulement comme observateurs. Ils doivent être forts, ceux-là.

On dit que le responsable des questions religieuses, catholiques ou protestantes, sera sous l'autorité de la commission scolaire neutre. En canadien-français, ça veut dire quoi exactement? Cela veut dire jusqu'à quelle ampleur? On ne le sait pas. La participation des parents est trop fictive pour être acceptable.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que M. le député me permet une question? C'est parce que c'est très intéressant ce qu'il soulève.

Mgr Lafontaine — vous le connaissez — qui représente l'Office de catéchèse du diocèse de Montréal à la commission parlementaire, lorsqu'il est venu témoigner — j'ai beaucoup de respect pour son point de vue, je sais qu'il s'est penché avec attention sur le problème — disait ceci, à la page b)...

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai posé une question, on m'a accordé le droit de parole, le député est assis.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAMSON: M. le Président, en vertu de notre règlement, l'honorable ministre doit demander à notre député s'il peut lui poser une question.

M. SAINT-PIERRE: C'est ce que j'ai fait.

M. SAMSON: Mais nous constatons que, depuis le début de ses interventions, l'honorable ministre ne pose pas de questions, il fait des affirmations. Alors, si ce sont des affirmations qu'il veut faire, qu'il les fasse lors de sa réplique et nous l'écouterons avec beaucoup de plaisir.

M. BOIS: Deux heures, trois heures, si vous voulez.

M. SAINT-PIERRE: M. le député, est-ce que — c'est bien une question ça — vous êtes d'accord avec Mgr Lafontaine qui dit: "Au moins si vous appeliez le directeur de l'enseignement catholique, il y aurait une responsabilité au niveau des cadres." Et dans l'amendement nous disons: "Le responsable des questions religieuses est un conseiller auprès du directeur général."

Est-ce que vous êtes d'accord que c'est satisfaire une des demandes que formulait Mgr Lafontaine sur le plan de la confessionnalité? Et que, réellement, le placer au niveau du directeur général, c'est le placer au niveau des cadres de la commission scolaire.

M. BELAND: M. le ministre, je dois vous répondre que nous sommes en faveur qu'il y ait suffisamment de garanties juridiques, et nous avons des comptes à rendre strictement aux électeurs de la province de Québec.

Et je continue dans ce sens-ci. Le Parti libéral n'avait pas à son programme la neutralisation de notre système d'enseignement au Québec. Et je me demande comment il se fait qu'on apporte cette neutralisation d'une façon intégrale, d'une façon complète à l'ensemble de la province dans le bill présent? Non, peut-être, mais ce sera dans un an ou deux ans que cela sera appliqué au reste de la province.

Nous ne pouvons certainement pas accepter des choses semblables. Par conséquent, le gouvernement reporte l'odieux de la mise en application de tout le système en 1975, parce qu'il sait à l'avance qu'après l'établissement intégral de ce dit système, il va se faire battre à la prochaine élection.

Les anglophones menacent de porter le bill 28 devant les tribunaux.

M. VEILLEUX: Pas par vous autres. Vous avez de l'ouvrage à faire.

M. BELAND: Nous avons vu cela également. Que veulent les neutres? Ici, je crois que l'honorable ministre devrait se déboucher les oreilles. 1- la dépersonnification et la déshumanisation de nos enfants, également la destruction du développement du dynamisme personnel. 2- Le remplacement de la logique appuyée sur la morale confessionnelle par le goût de l'absurde, imaginez! 3- Une mainmise de l'Etat par l'intermédiaire de règlements dictés par des neutres et acceptés, pour ne pas dire bénis, par le ministre de l'Education. En d'autres mots, la création d'un Etat éducateur neutre qui impose ses quatre volontés au peuple tout en prenant bien soin d'effacer petit à petit tout enseignement par des religieux ou religieuses, cela dit dans une phraséologie qui ne laisse à peu près rien soupçonner au même peuple; 4- Au lieu d'un éventail de pouvoirs de décision aux parents, il ne restera que de très petits paliers pour eux et simplement à titre soi-disant consultatifs; 5- L'enfant, devenant petit à petit sans morale confessionnelle et en même temps, à cause de la soi-disant évolution — certains autres députés ont parlé tantôt de la soi-disant évolution; ce n'est pas que nous sommes contre l'évolution, au contraire, mais une évolution dans le bon sens — l'enfant, dis-je, peut de moins en moins dialoguer avec son professeur, lui-même devant changer de local d'enseignement après chaque période de cours. Celui-ci, et je parle de l'enfant, deviendra perdu dans cette gigantesque marée. N'ayant personne avec qui communier, dialoguer continuellement, il perdra fatalement l'équilibre et s'adjoindra à des gangs de hippies, de prêts à tout faire. Donc il sera vite un candidat possible à la "felquisterie" ou à d'autres mouvements analogues, après quoi cela justifiera le ministre de la Justice et ses adjoints d'intervenir et de le fouter en prison.

C'est vers cette avenue de révolution sanglante que nos bons ministres du gouvernement Bourassa veulent diriger les jeunes de Montréal et, dans deux ou trois ans, les jeunes du reste de la province. Et le ministre de l'Education affiche la mine d'une personne toute scandalisée du fait que nous n'appuyons pas ce bill. La population qui nous a élus, nous du Ralliement créditiste du Québec, est une population honnête et réaliste, qui veut le bien réel de la jeune génération. Donc, l'Etat contribue à désorienter notre jeunesse, et cela justifie le ministre de la Justice, et le ministre de l'Education dans l'engagement de quantités d'orientateurs et par le fait même contribue aux 100,000 emplois, difficile amalgame.

La confessionnalité, maintenant. En ce qui concerne justement un autre aspect de ce qui est traité à l'intérieur du bill no 28, la confessionnalité est-elle un handicap ou a-t-elle été un handicap à la formation professionnelle dans le passé? Moi, je dis non, et très loin de là. Nous avons de multitudes d'exemples au niveau de médecins très consciencieux au Québec, au niveau, par exemple, d'ingénieurs. Qu'on se rappelle un tout petit exemple, qui est quand même un exemple formidable, celui des cinq ingénieurs qui ont tracé les plans du barrage de la Manicouagan et qui l'ont exécuté. Ce n'étaient quand même pas des fous, ces gars-là et ils ont été instruits...

M. SAINT-PIERRE: Cinq?

M. BELAND: ... éduqués à l'intérieur de cadres confessionnels. Il y a également à l'intérieur de la province de Québec...

M. VEILLEUX: Est-ce qu'ils ont mis une croix sur le barrage?

M. BELAND: ... d'éminents avocats, peut-être pas en cette Chambre, mais à l'extérieur de

la Chambre. Il y a également d'éminents historiens, d'éminents sculpteurs. Leur esprit a tout été bâti à l'intérieur du système d'enseignement qui existait. Il vaudrait mieux, je crois, M. le Président, tendre à améliorer ce que l'on a plutôt que de tout fouter par terre et essayer d'inventorier quelque chose qui n'a été mis en pratique que sous des régimes totalitaires ou autres.

Il vaut mieux prévenir que guérir. Ah, me direz-vous, elle est vieille, celle-là! Oui, c'est un vieux cliché, mais qui a toujours sa vérité. Et je termine par là, M. le Président, mes observations, car je ne veux pas m'aventurer dans d'autres domaines. Je serais trop long, peut-être pour le ministre; ce serait trop dur pour ses oreilles.

Motion de report à six mois

M. BELAND: En terminant, je me base sur les articles 557 et 558 de notre règlement, selon la formule 60, pour apporter une motion devant la Chambre. J'ai l'honneur de proposer, appuyé par le député de Saint-Sauveur, que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots "après que" par les suivants: La Chambre est d'avis que le bill 28, intitulé Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, ne soit pas lu maintenant, mais reporté à six mois.

M. VEILLEUX: On l'attendait, celle-là. On l'attendait. Vous voulez faire perdre le temps des membres de l'Assemblée nationale. Là, on vous reconnaît !

M. BOIS: Non, on veut empêcher vos enfants de perdre leur temps, plus tard.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il des députés qui veulent parler sur la motion?

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. TETLEY: M. le Président, tout simplement sur la recevabilité. Je ne discute pas votre opinion, mais, si tout bill est mort au 31 décembre — je vois une erreur de forme dans la motion — comment peut-on remettre le bill à six mois? C'est aujourd'hui le 6 décembre, on peut remettre le bill pour 25 jours peut-être, mais tout bill sera mort au 31 décembre.

M. LE PRESIDENT: Le règlement ne tient pas compte de la prorogation de la Chambre. Le règlement donne le droit de remettre un bill à deux, trois ou six mois. C'est la coutume habituelle.

M.TETLEY: C'est peut-être la coutume, mais le règlement ne peut pas contredire la loi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Peut-être, avec le changement du règlement cette section sera-t-elle changée, mais, pour le moment, le règlement donne droit à cette motion.

M. TETLEY: J'accepte votre décision, mais tout règlement doit suivre la loi.

M. Camille Samson

M. SAMSON: Merci, M. le Président. La motion que nous avons devant nous est, évidemment, très importante, à notre point de vue. Pourquoi demandons-nous de reporter à plus tard l'étude du bill? Evidemment, nous avons des raisons; nous ne demanderions sûrement pas de reporter à plus tard l'étude du bill uniquement pour retarder les travaux de cette Chambre. Loin de là notre pensée.

M. VEILLEUX: C'est ce que vous faites.

M. SAMSON: Nous croyons tout d'abord, et ce en partant...

M. PAUL: Sur un rappel au règlement, M. le Président, en présentant mes excuses à l'honorable député de Rouyn-Noranda. Dois-je comprendre que vous avez reçu la motion?

M. LE PRESIDENT: Oui, j'ai même reçu la motion avant le discours du député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est seulement par courtoisie que je l'ai laissé parler.

M. SAMSON: Merci, M. le Président. Ce qui nous a incités à présenter la motion pour retarder la deuxième lecture du bill, c'est que nous voulions permettre au gouvernement de faire certaines démarches. Je me base sur des nouvelles parues ce matin, dans le journal Montréal-Matin. On peut y lire ce qui suit et c'est assez important pour que nous soyons amenés à présenter cette motion: "Le bill 28 contesté en cour. Des groupements anglophones et francophones, protestants et catholiques, se préparent à contester conjointement, par des actions en justice, le bill 28 après son adoption. Lors d'une réunion générale spéciale de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, tenue samedi, le président, M. B.F. Coolon, a fait rapport de ce fait nouveau aux délégués venus de tous les coins de la province. La réunion spéciale avait été convoquée pour discuter et décider du moment où serait entreprise l'action judiciaire proposée, telle que recommandée par les conseillers juridiques, à la lumière de l'actualité. "Participaient à la réunion, les quatre membres du comité juridique spécial: le professeur Frank Scott, Me Jean Marineau, Me T.P. Howard, Peter Laing, ainsi que Me Robert Stark, conseiller juridique de l'ACSPQ. "Par un vote quasi unanime de plus de 100 délégués présents, l'association a résolu que la ou les actions en justice prévues par cette

organisation, relativement au projet de loi no 63, au règlement no 6 et au projet de loi no 28, soient instituées à une date et dans un ordre à déterminer par les administrateurs et, si possible, en consultation avec les membres du comité exécutif. "Une action — et ce passage de l'article du journal est assez important — du même genre fut approuvée, par résolution distincte, quant aux articles du projet de loi no 28 réorganisant les commissions scolaires de l'île de Montréal qui sont considérés anticonstitutionnels. Les délégués ont été informés d'objections au projet de loi no 28 du côté catholique et des tentatives effectuées par des représentants catholiques en vue d'en arriver à une action commune. Les délégués représentant des commissions scolaires de plusieurs régions de la province ont fait état des relations harmonieuses existant entre les organismes scolaires anglophones et francophones dans leur localité et de la profonde inquiétude que ressentent nombre de francophones quant à la protection des droits des Québécois anglophones en matière d'éducation. Le point de vue des personnes présentes à la réunion fut exprimé par l'un des conseillers juridiques qui déclara: "Compter sur la bonne volonté, non, ce qui compte c'est la loi."

Evidemment, nous nous attendions à une telle prise de position. Déjà aux commissions parlementaires nous avions senti que des groupes se préparaient à contester la constitution-nalité du bill 28. C'est pourquoi nous demandons aujourd'hui, par la motion que nous proposons devant cette Chambre, de reporter à plus tard la deuxième lecture de ce bill afin de permettre au gouvernement de le soumettre à la cour Suprême, de demander des avis avant que nous ne soyons devant le fait accompli, avant que des associations, des groupes de personnes ou des individus qui ont déjà fait connaître leur intention d'attaquer la constitutionnalité du bill 28 ne le fassent.

Evidemment il y a aussi le fait que le gouvernement n'a pas suffisamment démontré, dans les amendements ou les thèmes d'amendements qui nous ont été suggérés, l'urgence de lire maintenant en deuxième lecture le bill 28 puisque nous retrouvons, dans des voeux pieux, qu'il y aurait possibilité d'application progressive du bill 28 une fois qu'il aura été adopté en cette Chambre. Cela veut dire, application progressive, que le bill ne sera peut-être pas appliqué avant 1975 et l'aspect de la taxation a été largement exploité, je pense. On parle d'appliquer la nouvelle taxation, suivant les principes du bill 28, en 1973 seulement; cela voudrait dire, à toutes fins pratiques, que même si le bill 28 était adopté immédiatement son application intégrale ne se ferait pas, suivant les voeux que nous avons cru comprendre, avant 1975 et que l'application de la nouvelle formule de taxation ne se ferait pas, elle avant 1973.

Donc il n'y a pas urgence.

M. VEILLEUX: Il n'a pas encore compris.

M. SAMSON: Il n'y a pas urgence en nous basant sur ce qui nous a été dit, parce que nous n'avons pas, devant cette Chambre, les amendements tels que le ministre les a suggérés. On nous a, bien sûr, fait part de thèmes d'amendements, on nous a fait part de certains principes d'amendements mais ceux-ci ne sont pas là. Le ministre attend le comité plénier pour nous les faire connaître. Mais, comme nous ne sommes pas actuellement tellement certains de ce qui s'en vient comme amendements, comme nous ne sommes pas tellement certains s'ils vont changer réellement les principes de base du bill 28, nous demandons au gouvernement d'accepter cette motion de reporter la deuxième lecture de ce bill à six mois. Cela lui permettrait de réétudier toute cette question et peut-être de faire part — sûrement, si nous avons un peu de temps devant nous — de tous ces amendements avant la deuxième lecture.

Qui sait, si nous connaissons l'ensemble des textes des amendements qui sont à soumettre en cette Chambre, peut-être aurons-nous à réétudier nous aussi, d'une tout autre façon, ce bill 28, dans une optique peut-être différente.

Pour le moment, nous sommes obligés de nous baser sur ce que nous avons devant nous. Nous sommes obligés de prendre position sur le bill 28 tel qu'il existe, tel qu'il a été présenté et sur les renseignements que nous en avons. Mais il y a ce grand point d'interrogation que le ministre se réserve. Je reconnais que le ministre a évidemment le droit de réserver et de déposer ses amendements seulement après la deuxième lecture, mais, quand même, il y a que les députés de cette Chambre ont le droit de savoir, parce que nous, nous avons à discuter sur un bill qui est de la plus haute importance. Ce que nous avons à décider aujourd'hui, si on passe immédiatement à la deuxième lecture, cela pourra être grave de conséquences, selon le cas, pour des années et des années à venir.

Cela veut dire que, dans 30 ans ou dans 50 ans d'ici, les gens qui auront à appliquer cette loi et qui devront oeuvrer dans les cadres de cette loi no 28, évidemment, pourront ou bien nous faire des reproches ou bien nous dire que nous avions fait tout notre devoir.

Ce que nous voulons, nous, c'est ne pas nous tromper. Nous voudrions que, justement, la loi no 28 soit une loi qui représente bien les aspirations légitimes de tous les citoyens de la province de Québec et qu'une fois adoptée nous n'ayons pas à nous faire de reproche.

Devant tous ces faits, je considère et nous considérons, dans notre groupe, que le gouvernement devrait retarder, devrait accepter même de voter pour cette motion, afin de permettre davantage la consultation, encore une fois. Je conçois que le ministre a bien voulu, à l'occasion de commissions parlementaires, écouter les groupes qui se sont présentés devant cette commission parlementaire, mais encore faudrait-il penser que les commissions parlementaires ne permettent pas tellement et pas facilement aux individus de se présenter parce que,

quand même, il faut une certaine organisation pour présenter des mémoires à ces commissions parlementaires. Cent mémoires, deux cents exemplaires de mémoires abrégés, si vous voulez, cela prend une certaine organisation, et les individus ne peuvent pas facilement se présenter et donner leurs points de vue. Ce qui veut dire que si on veut réellement une vraie consultation et si on ne veut pas se tromper — parce que je suis persuadé que le ministre lui-même est le premier à ne pas vouloir se tromper — il y a ce genre de consultation à la base qu'il faudrait faire.

Cela permettrait au gouvernement, avec les six mois de délai que nous réclamons, de faire davantage cette consultation. Cela permettrait aussi de demander cet avis à la cour Suprême du Canada et de donner suffisamment de temps pour que nous ayons le résultat de ces avis. Cela ne retarderait pas, si on reporte le bill à six mois, l'application qui est prévue pour 1975. Cela ne retarderait pas non plus l'application de la nouvelle formule de taxation qui est prévue pour 1973. Tout ce que cela pourrait donner serait d'être davantage certains du bien-fondé du bill 28. Cela permettrait davantage d'être certains que des groupes ne se prévaudront pas de l'article 93 de la Constitution canadienne de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique pour attaquer le bill 28 constitutionnellement.

C'est évidemment en toute bonne foi que nous suggérons cet amendement aujourd'hui et que nous demandons au gouvernement de l'accepter. Je suis persuadé que, si le gouvernement l'accepte, il trouvera, chez les députés de cette Chambre, les autres partis et nous aussi, des gens qui veulent bien collaborer, si vous voulez, à l'avancement de l'éducation dans notre province de Québec.

Encore une fois, en terminant, loin de nous l'idée de présenter cette motion uniquement pour retarder les travaux de la Chambre. L'idée de base et le principe de cette motion, quant à nous, sont de permettre davantage au gouvernement d'épargner du temps, d'avoir un délai qui lui permettra d'être certain que ce bill ne sera pas attaqué constitutionnellement.

M. VEILLEUX: Vote! Vote! Vote!

M. Guy Saint-PierreM. SAINT-PIERRE: M. le Président... M. LE PRESIDENT: Sur la motion?

M. SAINT-PIERRE: Oui, sur la motion.

On me donnera quelques minutes pour répondre à cette motion de remettre à six mois l'analyse, en deuxième lecture, du projet de loi no 28.

L'urgence? On a prétendu qu'il n'y a pas d'urgence. Je pense, au contraire, que l'urgence de voter le projet de loi no 28 est établie d'une façon, il me semble, très claire et très pertinen- te. Dois-je rappeler au député de Rouyn-Noranda que la commission Parent — je l'ai mentionné dans mon texte de deuxième lecture — en 1965, il y a six ans de cela, en parlant du problème de la restructuration scolaire de l'île de Montréal, utilisait d'une façon abondante les mots "réforme urgente", "réforme immédiate". Six ans se sont passés, M. le Président. Doit-on reprendre les débats de deuxième lecture? Doit-on reprendre l'historique qu'a fait le député de Bagot, mentionner tous les comités d'étude qui l'ont analysé à l'échelle de l'île de Montréal, par le biais des consultations de groupes de travail particuliers, l'analyse de documents, l'analyse de mémoires, le projet de loi no 62, le projet de loi no 28, déposé le 6 juillet? Nous n'avions aucune intention d'adopter rapidement un projet de loi, de prendre les gens à la gorge. Nous avons eu les séances qu'il a fallu. Aucun groupe au Québec ne peut prétendre qu'il n'a pu venir à la commission parlementaire dire ce qu'il avait à dire.

Il y a des gens qui pouvaient représenter peut-être dix personnes et qui ont accaparé le travail de la commission pendant une heure pour nous dire qu'ils avaient à dire. Nous les avons écoutés. On enregistre tous les travaux. Cela représente des pages et des pages. A cela, lorsqu'on parle de consultation, il faudrait ajouter tous les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi no 62 de l'ancien gouvernement qui se penchait sur le même problème. Après cela, on vient nous dire. Ce n'est pas urgent. Après cela, on vient nous dire: Il n'y a pas eu suffisamment de consultation. Après cela, on vient nous dire: Il y a des groupes qui, comme l'Association des commissions scolaires protestantes, prétendent que votre projet de loi est anticonstitutionnel. Il faudrait attendre et soumettre cela à la cour Suprême du Canada. J'ai mon voyage!

UNE VOIX: Très bien.

M. SAINT-PIERRE: En légiférant sur le projet de loi no 28, le gouvernement légifère sur une juridiction qui est exclusivement provinciale. Dieu sait que le député, à l'occasion, est capable de nous rappeler les gestes d'Ottawa. Nous sommes dans un domaine — il n'y en a peut-être pas beaucoup — à 100 p.c. québécois. Nous entendons le conserver. Est-ce que l'on va, parce qu'il y a un groupe dans la province de Québec qui prétend que sur le plan constitutionnel il y a peut-être quelque chose qui ne fonctionne pas, arrêter une réforme que plusieurs groupes — je vais les énumérer tantôt — nous décrivent comme urgente afin d'aller à la cour Suprême et demander si c'est correct, notre affaire? Est-ce que l'on peut avancer d'un pas pour corriger les injustices qui se produisent à Montréal dans le domaine scolaire et dont tous les groupes qui sont venus ici nous ont parlé? A cela, M. le Président, je dis qu'il y a des gens sur la terre qui ont comme devise, pour

ne pas se faire d'ennemis, de toujours dire: Remettons à plus tard ce qu'on peut faire maintenant.

UNE VOIX: Très bien.

M. SAINT-PIERRE: Mais ce n'est pas la devise de ce gouvernement-ci. Ce gouvernement-ci, même si à l'occasion il peut froisser des anglophones, des protestants ou d'autres groupes, les exigences du bien commun lui commandent de ne pas reporter ceci à six mois. Nous allons le faire maintenant.

UNE VOIX: Très bien.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, s'il fallait reprendre les propos des différents organismes qui sont venus devant nous, s'il fallait réexaminer... Je les ai cherchés et je ne les ai pas trouvés. J'ai beaucoup de respect pour le Parlement, je vais même commencer par ceux qui représentent le peuple ici. Est-ce qu'il y a quelqu'un parmi les 72 députés du côté de l'équipe ministérielle qui a dit que ce n'était pas un projet urgent? Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'Unité-Québec? Je tentais de trouver la formule, je l'ai ici à la page 4609 de nos Débats où le député de Bagot me disait, m'en faisant peut-être un reproche, que nous avions perdu 18 mois, que nous aurions peut-être dû le faire avant. Il ne me faisait pas un reproche, mais il trouvait, et je suis d'accord avec lui, que c'était un problème très urgent et qui méritait d'être résolu. "L'usage des mots"urgent et immédiat" est abondant dans cette section du rapport Parent". Les objectifs fondamentaux qu'il mentionnait... Lorsqu'on analyse, M. le Président, les différents mémoires — je n'ai pas eu le temps de le faire en détail, mais nous pourrions en citer — c'est vrai que d'un côté vont se retrouver l'Association des parents catholiques, la Commission des écoles protestantes de Montréal et l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec. Mais, de l'autre côté, on va retrouver l'Alliance des professeurs de Montréal, l'Association des cadres de la CECM, l'Association des commissions scolaires de la région de Montréal, les éducateurs de l'ouest, les étudiants adultes, les principaux de Montréal, l'Association de mathématiques, l'Association des Catholic Principals of Montreal, le Comité consultatif de la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, la Commission scolaire de Baldwin-Cartier, la Confédération des syndicats nationaux, le Congrès juif canadien, la Corporation des enseignants du Québec et j'en passe.

J'en passe, parce que 1'énumération serait trop longue. Tous ces groupes sont venus nous dire ici : Vous avez un devoir urgent de régler ce problème. Vous vous êtes attaqués à six ou sept objectifs dans ce projet de loi, et nous les faisons nôtres. Il n'y a personne qui n'est pas d'accord sur l'objectif. Je l'ai moi-même dit en deuxième lecture: S'il y a un point sur lequel nous sommes d'accord, c'est sur l'urgence des réformes et sur le fait que nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre six mois.

M. le Président, je suis un peu surpris de voir que des gens qui ont tenté de mettre en doute l'aspect constitutionnel du projet de loi no 28 aient trouvé soudainement des alliés un peu curieux chez les créditistes qui, là, trouveront des prétextes pour attendre six mois.

Je sais que pour un gouvernement, qui a toujours cette tâche extrêmement ingrate de tenter de satisfaire tout le monde et son père, c'est toujours délicat. Il y a toujours une tentation qui est de croire qu'en ne faisant rien on ne se crée pas d'ennemis, mais cela n'a jamais été la vocation de ce gouvernement-ci. Nous entendons, comme je l'ai mentionné tantôt, ayant à l'esprit les exigences du bien commun, poser des gestes et avoir le courage de les poser. Nous n'entendons pas reporter indéfiniment le problème.

Même à cela, j'ai été surpris, dans les journaux de fin de semaine, qu'on nous ait accusés de faire preuve de faiblesse, parce que nous reportions l'implantation complète du projet de loi à 1975. Nous ne le faisons pas parce que nous avons peur de faire face à nos responsabilités. Nous ne le faisons pas parce que nous avons peur de défendre l'urgence de ce projet vis-à-vis de la population montréalaise. Nous le faisons par souci de démocratie. Après avoir entendu 50 organismes, on nous a personnellement, tous les membres du parti ministériel, convaincus — je reprends ici encore l'exemple de Mgr Grégoire — de l'urgence de prendre peut-être un peu plus de temps pour faire l'implantation de ce projet.

Le député de Rouyn dit que, puisqu'on parle de 1973 pour le financement, on a encore deux ans et qu'on peut donc perdre six mois. Mais on oublie, M. le Président, que, dès le 15 janvier 1972, il y a des commissions scolaires qui doivent désigner des membres au conseil provisoire, que dès le 15 février 1972 — c'est assez proche — ce conseil provisoire doit se pencher sur l'épineux problème de la carte scolaire, de la division et des frontières. Là aussi, c'est un problème et on a dit: Peut-être qu'on pourrait le régler. Mais, dans le projet de loi, on n'en reporte pas indéfiniment la solution. On la confie à un organisme.

Ce même organisme, M. le Président, en novembre 1972, doit être capable de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'intégration. C'est dire qu'entre 1971 et 1973 on ne vit pas dans le néant. On a des responsabilités.

Il est toujours curieux de voir, d'une part, des gens — particulièrement les députés créditistes — reprocher à ce gouvernement-ci et à celui qui l'a précédé, en matière d'éducation, d'avoir bousculé les gens, de ne pas avoir pris leur temps pour les CEGEP et pour l'Université du Québec. Lorsque nous touchons à la restructuration scolaire, après en avoir parlé pendant six

ans — dans le projet de loi, nous donnons une autre période de trois ans pour compléter les structures — on voudrait nous faire perdre six mois simplement pour regarder ce qu'en pense la cour Suprême.

Je dis, M. le Président, qu'en matière d'éducation il y a autre chose à faire que de demander à la cour Suprême ce qu'elle pense de la constitutionnalité d'un projet de loi en éducation, un champ qui relève complètement de la juridiction du gouvernement du Québec. Nous nous appuyons particulièrement, M. le Président, sur les opinions — je les déposerai demain — que nous avons obtenues de l'Institut de droit public de l'Université de Montréal où trois professeurs ont fait une étude détaillée non pas sur l'article 93, mais sur le projet de loi no 28. Je déposerai ces rapports demain en cette Chambre. En même temps, j'annoncerai la décision du gouvernement pour pallier, peut-être, ce qui pourrait être une interprétation restrictive de la constitution. Il s'agira de voir ce qu'on peut faire pour le droit à la dissidence. Il ne s'agit pas de changer l'essence du projet de loi, mais peut-être, par une modification très mineure, de nous donner un dossier vierge sur le plan de la constitutionnalité et un dossier qui ne nous ferait pas perdre six mois à attendre.

En résumé, je pense qu'il y a plusieurs projets de loi — il y en a en éducation entre autres — où on peut se permettre de perdre six mois. Mais s'il y a une chose dans la province de Québec pour laquelle on ne peut pas se permettre de prendre six mois, c'est de dire aux francophones de l'île de Montréal, aux catholiques, même aux anglophones qui ont réclamé l'urgence de réforme, que nous ne sommes pas prêts. Cela fait six ans qu'on étudie, cela fait des centaines d'heures que nous écoutons ce que les gens ont à dire. Les media d'information en parlent depuis trois ou quatre mois, il n'y a pas un journal qui est publié sans qu'il ne mentionne quelque chose sur le projet de loi no 28. Nous ne pouvons pas dire que nous ne sommes pas prêts, qu'il faut prendre encore six m ois pour se pencher sur le problème.

Le gouvernement est prêt, le gouvernement va agir. C'est ça notre devise.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, je viens d'écouter l'honorable ministre de l'Education dans sa réplique...

M. COITEUX: Démagogue.

M. ROY (Beauce): ... à l'endroit de la motion qui a été présentée par le député de Rouyn-Noranda, pour notre groupe. Et j'ai été surpris de ses propos. Dans le discours qu'il a prononcé en cette Chambre lors de la deuxième lecture de ce projet de loi et dans un document qu'il nous a lu en cette Chambre — document qu'il a qualifié de déclaration ministérielle — il a dit qu'il allait établir les étapes de la mise en oeuvre de la loi: "Nous nous proposons de reporter au 1er juillet 1975 l'application intégrale de la loi, les commissions scolaires nouvelles et le conseil scolaire exerçant, à partir de cette dernière date, les devoirs et pouvoirs prévus. Entretemps le conseil provisoire, dont la formation devrait être complétée avant le 15 février 1972, aurait en plus des devoirs qui lui sont dévolus dans le projet de loi no 28, tel que présenté en première lecture, les responsabilités suivantes: "Proposer au lieutenant-gouverneur en conseil, avant le 15 novembre 1972, une répartition définitive des territoires des commissions scolaires, tout en respectant le nombre minimum de sept et le nombre maximum de onze commissions scolaires et en visant le meilleur équilibre démographique possible."

Et on dit plus loin: "Appliquer à partir du 1er juillet 1973 des sections de la loi portant sur la taxation et le financement." Le ministre nous dit qu'il ne peut pas attendre six mois pour présenter son projet de loi, alors que nous ne connaissons même pas encore les amendements qu'il entend apporter.

Est-ce que la déclaration qu'il a faite est réelle? Est-ce qu'on peut s'y fier? Ou le ministre nous a-t-il tendu tout simplement un appât pour nous faire voter en deuxième lecture pour le projet de loi, alors que les amendements, tels qu'ils seront rédigés, ne seront pas complètement en accord avec les principes qu'il a énoncés dans sa déclaration ministérielle?

Je pense que nous avons le droit de nous poser de sérieuses questions. Si ça presse tant, pourquoi retarder? Et si ça ne presse pas, pourquoi ne pas attendre? C'est aussi simple que ça, il me semble. Le gouvernement dit qu'il ne peut pas attendre, parce qu'il est pressé, mais il va attendre une fois que le projet de loi sera adopté. Qu'est-ce que le gouvernement veut en matière d'éducation? En matière de restructuration scolaire de l'île de Montréal? Est-ce qu'on veut tout simplement se moquer des membres de la Chambre? Est-ce qu'on est sérieux? Nous sommes en droit de nous poser ces questions.

Une question que nous sommes en train de nous poser — et je pense que c'est celle-là qui pourrait susciter à peu près notre façon de voir les choses, qui pourrait démontrer ce qui se passe, qu'il y a en réalité.

Le ministre subit actuellement des pressions très fortes à l'intérieur de son ministère, des pressions très fortes venant de ses technocrates, de ses technocrates qui ont hâte d'engager le Québec, dans un débat constitutionnel. Nous l'avons vu pour les autres projets de loi et nous allons le voir ici également.

Le ministre nous a dit, aux commissions parlementaires, qu'il allait avoir des consulta-

tions et que la Chambre serait informée de la consultation concernant la constitutionnalité du projet de loi. Il nous l'a dit en Chambre lors des séances de la commission parlementaire, mais nous ne sommes pas au courant, M. le Président, des consultations que le ministre a eues et nous ne sommes pas au courant des rapports qui ont été faits.

Le ministre vient de nous dire qu'il y a des professeurs qui ont fait des études de la loi et qui l'ont mis au courant de certains aspects de la constitutionnalité. Nous aimerions les connaître, les rapports. Nous aimerions nous aussi prendre connaissance de ces rapports, M. le Président, parce que nous n'accepterons pas, — nous le disons et nous le répétons — de faire le jeu d'une clique de séparatistes au Québec, bien infiltrés dans votre ministère, qui, à l'heure actuelle, veulent orienter le Québec vers le débat constitutionnel.

C'est facile à voir, M. le Président, que c'est ce qui se passe derrière toute cette procédure. C'est facile à voir. Le ministre dit qu'il va falloir évidemment le faire, par rapport à l'urgence, suite aux recommandations qui avaient été faites dans le rapport Parent. Quand est-ce que le rapport Parent a été une loi? Quand est-ce que le rapport Parent a été soumis à la Chambre? Quand est-ce que le rapport Parent a été soumis à la population? Quand est-ce que la population a accepté le rapport Parent? Pourquoi le gouvernement marche-t-il uniquement en fonction du rapport Parent pour faire toutes les réformes à l'éducation? Ce qui a causé la perte du Parti libéral, du gouvernement Lesage en 1966, c'est l'éducation.

Ce qui a causé la perte de l'Union Nationale en 1970 — et ils le savent, eux — c'est encore l'éducation. Votre fameux rapport Parent, c'est une faillite totale dans la province de Québec, c'est ce que vous avez appliqué.

M. le Président, il ne faut tout de même pas accepter des vessies pour des lanternes. Le rapport Parent n'est pas une loi qui a été sanctionnée, c'est tout simplement un rapport, et un rapport, selon les dires du ministre, qui a émis des recommandations, mais en prenant bien soin, par exemple, d'ignorer plusieurs représentations qui avaient été faites lors des séances de la commission Parent et ça, ç'a été dit.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais la collaboration du député de Beauce, pour qu'il revienne à la motion de son collègue de gauche.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Demandez-lui de parler français aussi.

M. LE PRESIDENT: Il doit strictement invoquer les raisons pour lesquelles le projet de loi ne doit pas être lu aujourd'hui, mais dans six mois. Cela doit se limiter à ça.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai tout simplement répondu aux allégations du ministre. Ce n'était pas mon intention de parler du rapport Parent, mais le ministre s'est référé au rapport Parent, pour prouver qu'il était urgent de refuser la motion du député de Rouyn-Noranda.

M. COITEUX: Pourquoi en parler, vous ne l'avez pas lu?

M. ROY (Beauce): C'est la raison pour laquelle, M. le Président, j'ai fait référence au rapport Parent, pour mettre les choses au clair...

M. VEILLEUX: Ce n'est pas le député de Rouyn-Noranda qui a fait la motion, c'est le député de Lotbinière.

M. ROY (Beauce): ...pour dire nous aussi ce que nous en pensons du rapport Parent. Nous voulons donc que le gouvernement reporte ce projet de loi à six mois, pour qu'il ait le temps de préciser ses intentions. Nous voulons savoir ce à quoi le gouvernement va s'engager sur la question constitutionnelle. Nous voulons connaître les rapports des experts que le gouvernement entend consulter avant que nous nous engagions dans un débat qui peut nous conduire où.

Le gouvernement ne connaît même pas l'issue du débat sur lequel cela peut nous engager. Dans le débat constitutionnel — je tiens à préciser ceci — il ne s'agit pas, pour nous, de nous cacher derrière la constitution de 1867 pour sauvegarder les droits des minorités des autres provinces. Le ministre a dit tout à l'heure que l'éducation est un domaine où la province a l'entière juridiction. C'est vrai, mais nous nous référons à la Constitution pour garantir les droits de la majorité au Québec. C'est pour cela que nous nous référons à là Constitution.

A l'heure actuelle, ce sont les droits de la majorité au Québec qui sont en danger. La Constitution, sur ce point, donne des garanties dont nous pourrons nous prévaloir si cela devient nécessaire. Pour éclairer les lanternes de ceux qui parlent en arrière et qui n'ont pas l'air de savoir quoi dire...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allumez votre cierge, vous.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je comprends que le député de Chicoutimi s'inquiète énormément pour l'éducation de ses enfants. Que voulez-vous? On le comprend.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'est la coutume catholique.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je comprends que cela fait mal à l'ancien gouverne-

ment. Nous le comprenons très bien et c'est légitime.

Article 93: "Pour chaque province, la Législature peut exclusivement édicter des lois sur l'enseignement, sous réserve et en conformité des dispositions suivantes. C'est clair. Premièrement: Rien, dans une telle législation, ne doit porter préjudice à un droit ou privilège que la loi, lors de l'union, attribue dans la province à une classe particulière de personnes quant aux écoles confessionnelles." C'est clair.

Nous avons parlé de la confessionnalité; nous n'avons pas parlé de la catholicité, comme l'a dit le député de Chicoutimi, nous avons parlé de la confessionnalité pour respecter et garantir les droits de la majorité au Québec. C'est cela que nous avons dit. Paragraphe 2: "Tous les pouvoirs, privilèges et devoirs conférés ou imposés par la loi aux écoles séparées et aux commissaires d'écoles des sujets catholiques romains de la reine, dans le Haut-Canada lors de l'union, doivent être et sont, par les présentes, étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et catholiques romains de la reine dans la province de Québec."

C'est justement là qu'il y a litige. Nous voulons savoir, avant d'accepter le projet de loi no 28, où cela nous conduit. Nous voulons savoir quelle sera l'issue de la consultation qui pourra être faite.

On l'a dit dans les journaux de ce matin et le député de Rouyn-Noranda le disait tout à l'heure: Il y a déjà des groupes, à l'heure actuelle, qui ont l'intention d'attaquer la constitutionnalité du projet de loi.

Si le ministre nous faisait connaître ses amendements, s'il était plus clair, plus précis dans sa loi, s'il nous avait fait connaître les droits de la majorité francophone au Québec, ce qu'il entend faire en matière d'enseignement du français, n'en déplaise au député de Chicoutimi, quelle législation il entend adopter en ce sens, il est probablement certain que personne ne songerait à attaquer la constitutionnalité du projet de loi.

Mais, étant donné l'ambiguïté, l'indécision qui caractérise le gouvernement, l'imprécision surtout, il est évident que la porte est ouverte à la contestation, pour attaquer le projet de loi devant les tribunaux. C'est pourquoi nous estimons qu'il est de notre devoir d'exiger — et le gouvernement devrait l'accepter — cet amendement visant à reporter l'étude du projet de loi à six mois.

DES VOIX: Vote!

M. SAMSON: Ils sont "nerveuses".

M. CADIEUX: Nous ne comprenons rien de ce qu'il dit.

M. ROY (Beauce): Dites donc à vos collègues de se taire et vous allez comprendre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. CADIEUX: J'entends, mais je ne comprends rien.

M. ROY (Beauce): On disait, dans un autre journal, ce matin: Si le bill 28 est adopté, ses auteurs seront poursuivis; des actions en justice seront prises conjointement par des groupements anglais et français, protestants et catholiques, contre le bill 28 dès son adoption. C'est ce qu'a annoncé le président de l'Association des commissions scolaires protestantes, M. Coolan...

M. LACROIX: Ne soyez pas inquiet; ce n'est pas vous qui allez payer.

M. ROY (Beauce): ... aux délégués venus de tous les coins de la province...

M. CADIEUX: Est-ce Coca-Cola?

M. ROY (Beauce): ... pour assister à une réunion générale spéciale, tenue à la fin de la semaine dernière. L'assemblée avait été convoquée afin de discuter du moment où l'action judiciaire serait instruite. En outre, les délégués de plusieurs régions de la province...

DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. ROY (Beauce): ...ont rapporté que des relations des plus harmonieuses existaient entre les organismes francophones et anglophones, ajoutant que de nombreuses familles françaises s'inquiétaient quant à la protection des droits des Anglais en matières d'éducation.

Le projet de loi no 28 suscite des inquiétudes partout. On ne connaît pas les amendements que le gouvernement entend proposer. Le gouvernement ne nous a pas informés des rapports des experts qu'il a consulté à ce sujet. C'est pourquoi nous allons maintenir l'amendement que nous venons de déposer en cette Chambre à l'effet de reporter l'étude de ce projet de loi à six mois.

DES VOIX: Vote, vote!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, sur la motion du député de Lotbinière, est-ce que je peux vous signaler qu'il est presque six heures et vous demander de considérer qu'il est six heures?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est d'accord?

DES VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: Suspension du débat.

M. CHARRON: Suspension du débat.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

DES VOIX: Jusqu'à vingt heures quinze.

M. LE PRESIDENT: ...jusqu'à vingt heures quinze. (Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 18

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, ma première intention était de ne pas intervenir dans le débat sur cette motion parce que, comme la plupart des députés de la Chambre, je souhaite une adoption rapide, quoique bien étudiée, du projet de loi no 28 en deuxième lecture. Il reste quand même que depuis déjà quelques minutes, quelques heures, les députés d'un des partis d'Opposition se livrent à ce qu'ils considèrent...

UNE VOIX: Nommez-le.

M. CHARRON: ... une opposition systématique au projet de loi. C'est un vieux moyen du bord que, lorsqu'on se livre à une opposition systématique sur un projet de loi, la traditionnelle motion, présentée par le député de Lotbinière, apparaisse tôt ou tard.

C'est une motion qui figure dans notre règlement et qui est fondée; elle a son droit d'existence. A un moment ou l'autre, d'ailleurs, les députés du Parti québécois l'ont utilisée, et même dernièrement le député de Missisquoi, au nom de son parti, l'utilisait sur un projet de loi. Mais ce genre de motion est toujours utilisé quand il y a des modalités de la loi qui nous semblent inacceptables et qu'on juge important que le gouvernement reprenne sa loi pour y travailler pendant quelque temps, ou alors on l'utilise comme dans le cas du bill 90, je crois, celui du pétrole, où la loi est complètement mal rédigée, mal conçue et n'a aucun intérêt à être étudiée par les députés de la Chambre. A ce moment-là, la motion est utilisable.

Mais lorsqu'on utilise cette motion de renvoi à six mois parce que, d'une manière ou d'une autre, c'est au principe du projet de loi, au principe de restructuration scolaire qu'on en veut, c'est un moyen détourné et inutile. J'aurais voulu répondre — mais cela aurait été reprendre mon discours de deuxième lecture — au député de Lotbinière et lui expliquer pourquoi je m'oppose à sa motion de renvoi en reprenant la défense que j'ai voulu la plus honnête possible du principe, je dis bien du principe et non pas des modalités parce que ça, ce n'est pas encore venu, mais du principe du projet de loi présenté par le gouvernement actuel.

Or, j'ai essayé de comprendre ce qui tient lieu de logique aux députés du Ralliement créditiste depuis qu'ils ont apporté leur opposition.

J'ai tout entendu. J'ai même accepté, lorsque le temps d'un des députés était expiré, de le laisser poursuivre pour qu'il ait le temps de mettre le "crémage" sur le gâteau qu'il avait lui-même conçu.

Il y a 19 mois que j'occupe la fonction de porte-parole en matière d'éducation pour mon parti. Il y a 19 mois que je participe à tous les travaux de la commission parlementaire de l'Education et à tous les débats qui ont traité de l'éducation en cette Chambre. Je pense qu'il y a un moment où on doit mettre fin à ce genre d'interventions qui non seulement retardent les travaux de la Chambre — si, au moins, ce n'était que ça — mais retardent l'évolution du Québec purement et simplement. Pour une raison ou pour une autre, que l'on ait parlé de n'importe quoi en Chambre, sur n'importe quel sujet, que ce soit le bill 27, le bill 28, le bill 30 du CEGEP de Saint-Laurent, le conflit de la classification des enseignants qui nous avait occupé pendant quelques semaines, pour n'importe quelle raison, on revient avec le problème des autobus scolaires, de la drogue, du sexe, de tout ce que vous voudrez à l'intérieur des discours. Il y a toujours bien une limite à essayer de s'opposer à des phénomènes que tous les membres de la Chambre, à tour de rôle, ont voulu expliquer comme peut-être condamnables parfois, mais quand même existants et avec lesquels une société doit compter.

M. le Président, si la motion ne visait à s'attaquer qu'au principe du projet de loi, je dirais que c'est un moyen de combattre le principe et, en bataille parlementaire, pour un parti d'Opposition tous les moyens sont bons. Mais ce n'est pas au principe du projet de loi qu'on en a, c'est au principe même de l'éducation. C'est au principe même du nouveau. Qu'est-ce que ça donnerait de retarder à six mois une confrontation sur ces problèmes? En effet, je vous parierais ma chemise que, dans six mois, les députés du Ralliement créditiste, sur ces questions, n'auront pas évolué d'une miette plus qu'actuellement. Je vous parierais ma chemise que, dans six mois, quels que soient les résultats et le comportement de la société à ce moment-là, on s'attachera encore à des principes dépassés, démentis, contredits, dévalués et on s'acharnera à défendre ici des lambeaux de XIXe siècle, quand tout le monde...

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement, article 285 dix-neuvièmement. Je pense que le député de Saint-Jacques n'a pas le droit d'interpréter nos intentions et de déformer les propos que nous avons tenus.

Nous avons été très clairs, nous avons exigé des garanties juridiques sur deux objets précis et c'est sur ces points que nous avons bataillé.

Le député de Saint-Jacques est rendu dans le sexe, dans la drogue; s'il veut aller dans ce domaine, qu'il y aille, mais qu'il y aille seul. Nous, nous ne le suivrons pas sur ce terrain.

M. CHARRON: M. le Président, vous aurez noté comme moi que cette question était hors d'ordre et ne reposait sur aucun article du règlement.

Mais je rappellerai quand même — parce que je l'ai entendu — l'intervention du député de

Beauce, je lui ferai relire ses propres crises d'épilepsie mentale de cet après-midi. Je lui ferai relire ses attaques sur le rapport Parent, sur le système d'éducation public.

M. ROY (Beauce): Cela fait mal, hein?

M. CHARRON: C'est lui qui a dit ça, je ne fais que le citer. Il était loin du principe du projet de loi et à plusieurs occasions, si vous aviez été rigoureux, M. le Président, vous auriez pu rappeler au député de Beauce qu'il parlait non pas du projet de loi no 28, de la restructuration scolaire de Montréal, mais simplement de la civilisation moderne à laquelle il n'a rien compris. Vous ne l'avez pas fait, parce que vous respectez ce que représente en cette Chambre le député de Beauce et vous avez bien fait.

Mais là où on respecterait trop, là où on s'enfoncerait et là où on retarderait l'évolution du Québec — et il y a déjà suffisamment d'occasions où on la retarde en cette Chambre — c'est lorsqu'on accepterait la motion qui est présentement débattue.

Cette réforme urgente, déjà retardée de façon inacceptable par le gouvernement jusqu'en 1975, que tout le monde a réclamée, que tous les témoins à la commission parlementaire sont venus demander — tous les témoins sans exception, y compris les anglophones et Mgr Grégoire — si on retardait à six mois le débat sur ce projet de loi, quel serait, pensez-vous, l'attitude de chacun des partis de cette Chambre?

Le gouvernement, lui, aurait eu le temps de céder encore plus aux anglophones. La loi serait un petit peu plus modifiée et encore plus tiède qu'elle ne l'est actuellement.

Les députés du Parti québécois seraient encore plus désireux de voir arriver cette réforme et la voudrait encore plus radicale, parce que le retard ne ferait que l'exiger.

Les députés d'Unité-Québec auraient eu pendant ce temps-là leur congrès et auraient probablement pris position.

Mais les députés du Ralliement créditiste, quelle attitude croyez-vous qu'ils prendraient? Exactement la même.

M. BELAND: Au moins nous en aurions une, tandis que vous vous n'en auriez pas.

M. CHARRON: Je les ai entendus faire ces remarques lors du premier débat que nous avons eu ici en cette Chambre en matière d'éducation.

Les autobus scolaires, les boîtes à lunch, les douches des polyvalentes, j'ai tout entendu, M. le Président, à chacune des occasions. Et, aujourd'hui, on traite d'un problème qui doit répondre à des urgences, des nécessités sociales, économiques et politiques à Montréal, puis nous voilà rembarqués dans les autobus, dans les bottes à lunch, encore une fois.

En aucun temps, en 19 mois, leur idéologie, leur compréhension de ce qui se passe au

Québec et de l'évolution du Québec n'a évolué d'un sacré pouce et on voudrait maintenant leur accorder six mois supplémentaires, probablement pour reculer encore plus loin. Non, M. le Président, les membres de la Chambre ne doivent pas accepter ce genre de motion absolument inutile qui ne vise qu'à retarder l'arrivée d'un projet de loi dont tout le monde s'accorde à voir la nécessité.

M. le Président, si la motion ne visait qu'à retarder l'adhésion d'une structure qu'on ne juge pas suffisamment démocratique et qu'alors on voudrait que le gouvernement reprenne et étudie sa loi encore plus profondément; si la motion disait: On juge que les correctifs aux inégalités sociales dans Montréal ne sont pas profondément inclus dans la loi et le gouvernement devrait la reprendre. Si on disait que le principe de la taxation foncière dans le projet de loi est inacceptable et qu'on doit évaluer la possibilité de financer l'éducation par l'impôt progressif sur le revenu, je dirais: Soit. C'est une position que même nous aurions pu prendre parce que ce sont là les positions que nous défendons. Mais nous croyons telle l'urgence de la réforme que nous sommes prêts à nous battre et fermement en comité plénier pour obtenir ces gains mais en aucun temps pour vouloir retarder l'application de la loi.

Au contraire, M. le Président, vous savez déjà — je vous l'ai dit en deuxième lecture — notre intention d'apporter un amendement pour avancer l'application du projet de loi. Mais ce n'est pas ça; le principe contre lequel on se bat, c'est simplement le principe d'un Québec de 1971. Quand même on retarderait de six mois le principe du Québec de 1972, M. le Président, je vous parierais encore une fois tout ce que j'ai de plus cher pour vous dire — j'aimerais ça au fond, ce n'est pas ma chemise, M. le Président que j'ai de plus cher — que nous aurons l'occasion d'avoir d'autres débats en éducation dans six mois.

Venez assister, M. le Président, au débat que nous aurons sur les crédits du ministère de l'Education lorsqu'ils seront présentés au mois de mai ou de juin de l'année prochaine. Venez voir quelle sera l'idéologie que défendront les députés du Ralliement créditiste à ce moment-là.

Vous verrez alors que votre Chambre aura eu raison de refuser la motion du député de Lotbinière parce qu'elle n'aurait servi absolument à rien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

M. Armand Bois

M. BOIS: M. le Président, avant de parler sur la motion d'amendement présentée par l'honorable député de Lotbinière, j'aimerais faire une mise au point à mon prédécesseur. Dans cette mise au point, je voudrais être extrêmement pratique. Je pense bien que tous les représen-

tants de cette Assemblée nationale vont comprendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas sûr.

M. BOIS: Si c'est avec votre français, je pense bien qu'il n'y en a pas beaucoup qui vont comprendre. Nous n'avons pas de leçon d'étiquette parlementaire à recevoir des représentants du Parti québécois et voici pourquoi. Si on prend le bill no 50... Je pense que le premier ministre connaît très bien le projet de loi no 50, celui du développement de la baie James.

M. BOURASSA: C'est un des meilleurs!

M. BOIS: Les membres du Parti québécois nous ont tramés du 7 au 14 juillet, c'est-à-dire de la page 3123 à la page 3859 des Débats, soit un joli total de 736 pages. Je crois vraiment que le premier ministre se le rappelle de même que plusieurs autres ministres dans cette Chambre.

M. LESSARD: Le Crédit social...

M. BOIS: Vous êtes très sages, mes chers amis, nous allons continuer.

Dans l'amendement qui nous concerne, voici pourquoi nous demandons de reporter l'étude du projet de loi à six mois. C'est parce que ce projet de loi est un peu du style omelette, qu'on trouve depuis quelques années dans la province de Québec. C'est justement pourquoi nous ne voudrions pas aujourd'hui que le gouvernement replonge encore dans une autre erreur, où il va heurter exactement lés mêmes écueils.

Un projet de loi où il est question de structures administratives, de langue, de religion, de pédagogie, de revenu par taxation et éventuellement de construction de nouveaux locaux, nous croyons que si ce n'est pas une omelette au fromage ou aux champignons, c'est certainement un projet de loi qui comprend beaucoup trop de choses du même coup, qu'on offre et qu'on veut faire digérer dans une même occasion.

Si les députés qui sont à notre droite, M. le Président, étaient assez polis pour savoir écouter, je pense que ce serait peut-être plus agréable de les entendre eux aussi.

Il y a une mention que je voudrais faire ici au tout début, c'est l'allusion au français dont a parlé un député, cet après-midi, quand il disait que nous devrions parler le français et non pas parler du français. C'est extrêmement bien mais je crois que les allusions qui sont faites souven-tefois sous cet angle sont beaucoup plus vicieuses qu'autre chose. Je crois que les allusions du représentant qui les fait en cette Assemblée nationale visent à rire de ses électeurs qui sont beaucoup plus près du Ralliement créditiste que de la méthode du langage de l'honorable député qui a fait cette mention.

UNE VOIX: ...qui vous ont élu.

M. BOIS: M. le Président, depuis des années, les partis ici en cette Chambre, bleu ou rouge, ont trop souvent négligé la question d'éducation pour aujourd'hui en venir à parler des structures administratives. Un député mentionnait, cet après-midi, que l'archevêque de Montréal n'avait fait aucune suggestion, que ce n'étaient que des questions. Je voudrais le référer au mémoire de l'archevêque de Montréal, page 10, paragraphes 2, 3 et 4 où il est fait des suggestions au gouvernement, et c'est justement là-dessus que nous allons nous baser pour étayer la défense de notre amendement par lequel nous visons à reporter ce projet de loi à six mois d'ici. L'archevêque de Montréal a fait des suggestions.

Un autre point : l'allusion aux minorités. J'ai lu un article, ce printemps, dans un journal de Montréal, où quelqu'un mentionnait qu'il serait tellement heureux d'aller à l'école française si elle était non confessionnelle. Ici, je n'attaque personne parce que, dans notre mouvement, nous tenons à respecter la langue des autres...

M. LE PRESIDENT (Blank): Je voudrais attirer l'attention du député sur le fait que nous discutons maintenant la motion pour reporter le bill et non le fond ou le principe du bill.

M. BOIS: Très bien, je vais y revenir, M. le Président.

Alors la raison pour laquelle nous voulons justement retarder ce projet de loi de six mois est que l'on précipite les choses pour venir imposer à la population de Montréal une chose que la majorité française regrettera dans un avenir extrêmement rapproché, non seulement elle mais aussi la plus grande partie des Anglo-Saxons de l'île de Montréal.

Même s'ils n'osent pas le dire en cette Chambre, cela se révélera la vérité d'ici quelque temps.

C'est une des raisons fondamentales qui nous amènent justement à demander ce délai, parce qu'au point de vue de la non-confessionnalité ou de la confessionnalité je crois que les Québécois n'ont pas d'exemple à recevoir non plus.

Si on se reporte à 1930, on pourra voir encore les lois qui ont été adoptées. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet.

Un autre point: la question de religion. On nous accuse d'être strictement religieux pour dire que nous voulons retarder le projet de loi afin d'avoir un organigramme, si vous voulez, et des écoles qui soient strictement confessionnelles. C'est la raison pour laquelle nous insistons pour que l'amendement suggéré cet après-midi soit définitivement approuvé.

Si on a supporté des choses pendant dix ans, quinze ans et vingt ans sous les anciens gouvernements... Le député qui rit présentement là-bas, je crois, devrait cesser de faire des gorges chaudes, parce qu'en réalité il serait peut-être le

premier à qui on pourrait reprocher son inactivisme au point de vue du français appliqué dans la province de Québec.

Au point de vue pédagogique comme au point de vue de la taxation, c'est encore la même chose. On a oublié, depuis des années, de penser à la question de la taxation. On y pense seulement aujourd'hui et on voudrait que le projet de loi soit immédiatement sanctionné. Non. Nous croyons fermement qu'à l'heure actuelle le gouvernement ne se nuira pas du tout en retardant ce projet de loi, parce qu'à toute éventualité même le projet de loi no 48, qui concerne la taxation et l'évaluation foncière municipale, donnera suffisamment de temps pour que cette chose-là soit mise en application, mais d'une façon correcte, dès l'an prochain.

Ce sont les principales remarques que je voulais apporter. J'en aurai sûrement d'autres lorsque l'on reprendra le débat sur le projet de loi lui-même. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. LACROIX: M. le Président, est-ce que le député de Bagot me le permettrait?

M. CARDINAL: Bien, cela dépend de quoi?

M. LACROIX: Quelques observations, mais, si vous voulez, je reprendrai après vous.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: Ce sera tellement bref.

Je ne sais pas si je dois exprimer ma surprise ou non devant cette motion présentée par un parti qui est à notre gauche...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les bérets blancs.

M. CARDINAL: ...et qui n'a en rien participé au travail de la commission parlementaire —il vous suffit de lire le journal des Débats — qui brillait par son absence, n'ayant été là qu'à une seule occasion et complètement en dehors de la question.

Je ne prendrai certainement pas une demi-heure pour rappeler ce que le ministre a lui-même rappelé cet après-midi en citant le journal des Débats. Voilà déjà non pas six ans —je me permets de corriger le ministre — mais sept ans, le quatrième rapport de la commission Parent étant paru en 1964, que l'on discute de cette question. Contrairement à ce qu'on a dit cet après-midi, le rapport Parent a été publié, distribué en cette Chambre en grands volumes, en petits volumes, en moyens volumes. Au ministère de l'Education, il a été étudié de fond en comble et il est question en cette Chambre de ces choses depuis des années.

Mon prédécesseur, le député de Missisquoi, le sait; celui qui m'a succédé le sait aussi et celui qui n'est plus en cette Chambre, mais qui a été le premier à ce ministère, le savait aussi. Par conséquent, je ne puis absolument pas accepter une motion semblable qui, comme l'a dit un autre député qui siège à ma droite, n'est pas une motion sur la forme, mais une motion déguisée sur le fond. On veut reprendre à l'occasion d'une motion le débat de deuxième lecture en recommençant les mêmes litanies.

M. le Président, je ne puis certainement pas accepter, au nom du parti que je représente, que l'on perde le temps précieux de cette Assemblée nationale à la date où nous sommes rendus, à ce jour du 6 décembre 1971, alors que voilà déjà plus de deux ans que l'on discute en cette assemblée de ce projet de loi, de son père, le projet de loi no 62 ou de son fils, le projet de loi no 28...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un tout petit garçon.

M. CARDINAL: ...son premier petit-fils. Par conséquent, je ne prendrai pas plus de temps de cette assemblée, laissant aux députés ministériels le soin de défendre leur ministre. Mon but n'est ni d'attaquer un parti ni d'aider le gouvernement, mais simplement de rappeler aux membres de cette assemblée qu'il faut être sérieux et que c'était à la commission parlementaire qu'il était temps de parler, pas sur une motion.

M. LE PRESIDENT: Le député des Iles-de-la-Madeleine.

M. Louis-Philippe Lacroix

M. LACROIX: M. le Président, mon intervention sera très brève. La raison première qui m'a amené à faire de la politique active a été justement le déblocage de la politique d'éducation que je voulais en 1958, en 1960, en 1962 comme je la veux en 1971.

Comme député des Iles-de-la-Madeleine, je n'ai pas l'intention d'aller imposer aux citoyens de la petite île de Montréal les moyens pacifiques et réalistes de résoudre leurs problèmes. Mais il reste que depuis de nombreuses années à Montréal nous connaissons des problèmes extraordinaires dans le domaine de l'éducation, des problèmes quasi insolubles. Les gouvernements qui nous ont précédés ont fait un effort considérable.

Je vois le député de Missisquoi qui a connu le problème qu'avait vécu avant lui le député de Vaudreuil-Soulanges et, aujourd'hui, grâce à leur travail mais grâce aussi à la vaillance et à la ténacité de notre ministre de l'Education, nous faisons quelque chose de valable pour résoudre le problème de l'éducation dans l'île de Montréal.

M. le Président, mes quelques remarques porteront uniquement sur une formation politique où je compte de nombreux amis, des gens fort sympathiques. Mais je voudrais bien savoir.

par exemple, quelles sont les autorités religieuses, quels sont ces gens qui ont donné aux 12 apôtres le droit de défendre seuls la religion catholique, religion que je partage avec autant d'efficacité, peut-être avec moins d'hypocrisie que le député de Lotbinière, ou le député de Beauce ou le député de Rouyn-Noranda, mais j'essaie de pratiquer ma religion à ma façon. J'essaie de défendre la confessionnalité et surtout la liberté parce que c'est fondamental pour tout citoyen. J'ai des enfants qui ont 21, 19 et 18 ans et je ne puis pas leur imposer la confessionnalité que moi je professe, mais je puis, par exemple...

M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement, M. le Président. Le député des Iles-de-la-Madeleine n'est pas du tout sur le principe de la motion, il discute du fond du projet de loi.

M. LACROIX: M. le Président, je m'excuse, on veut reporter à six mois l'étude d'un projet de loi en parlant de la confessionnalité, en parlant de toute la responsabilité de tout le monde mais sans parler de notre propre responsabilité. La responsabilité de la confessionnalité, la responsabilité de la religion, du principe religieux que nos enfants auront demain, il appartient non pas au gouvernement de la leur imposer, il appartient aux parents de donner l'exemple et de démontrer à leurs enfants que la religion qu'ils pratiquent est celle qui pourra faire en sorte que nous vivrons dans une société meilleure. Ce n'est pas par hypocrisie, ce n'est pas en se prétendant, pour des fins strictement politiques, les défenseurs de la foi, de la confessionnalité, de la religion et de la culture que nous avancerons dans la province de Québec, mais c'est en étant conscients de nos responsabilités, en étant conscients qu'il appartient à tous et à chacun d'entre nous, comme citoyens du Québec, de faire en sorte...

M. BOIS: Est-ce que je pourrais poser une question à l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine?

M. LACROIX: ... d'élever nos enfants de façon qu'ils obtiennent la meilleure éducation possible.

Quant à l'instruction, M. le député de Saint-Sauveur, avec le salaire qui vous est payé par le gouvernement du Québec, par le peuple du Québec comme député créditiste, comme député libéral, comme député de l'Union Nationale ou du Parti québécois, avec nos salaires, M. le Président, nous sommes capables de donner à nos enfants la meilleure instruction possible, mais l'éducation, il appartient à tous et à chacun d'entre nous, les parents, de l'assurer à nos enfants et c'est aux parents qu'il appartient d'assurer l'éducation aux enfants.

Le bill no 28 permet de doter la ville de Montréal du meilleur système scolaire possible dans les conditions actuelles. Demain, après- demain, dans dix ans, si les lois ne sont pas suffisantes, nos successeurs y verront. Mais, aujourd'hui, on voudrait que l'on règle les problèmes pour cent ans à venir, alors que les gars du Ralliement créditiste vivent cinquante ans dans le passé, que les gars d'Unité-Québec vivent cinq ans dans le passé et que les gars du PQ vivent cent ans dans l'avenir, et ils ne seront même pas un pour défendre ce qu'ils disent.

M. CHARRON: Nous ne serons pas un, nous serons soixante.

M. LACROIX: Mais nous, du Parti libéral, nous sommes conscients de nos responsabilités; nous avons la responsabilité de l'administration de la chose publique et grâce à notre chef, grâce à notre gouvernement nous allons l'assumer pleinement et entièrement.

L'Opposition, la minorité a le droit de se faire entendre dans la province de Québec. La minorité, la majorité ont pu se faire entendre à la commission parlementaire, ça ne s'est jamais connu au Québec, ça. Mais, à l'heure actuelle, il est temps que des décisions soient prises et les Oppositions irresponsables porteront devant nos enfants la responsabilité du retard qu'elles veulent nous imposer par leur motion irresponsable.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. Léo Pearson

M. PEARSON: M. le Président, la Constitution canadienne, c'est un drôle de manteau pour les créditistes. Ils le revêtent ou l'enlèvent selon les besoins. Aujourd'hui ils l'ont revêtu pour contester le bill no 28. Tant de soumission constitutionnelle de leur part surprend, surtout après avoir lu les déclarations antérieures de leur chef et particulièrement leur manifeste.

S'ils veulent aller jusqu'au bout de leur pensée et paraître au moins logiques...

UNE VOIX: Cela ne fera pas un grand voyage!

M. PEARSON: ... ils devraient s'aligner derrière les meilleurs apôtres du statu quo. Si jamais la Constitution, qui est la base de leur argumentation, empêchait par une décision de la cour Suprême le Québec de vivre — même dans un domaine reconnu par tous depuis toujours, même par les plus conservateurs, du domaine provincial — ne croyez-vous pas qu'ils auraient alors un travail gigantesque à effectuer pour empêcher la population de la faire simplement sauter?

Pour réussir ça, je leur suggérerais de dépeupler le Québec pour remplacer la population actuelle par une autre composée uniquement de nouilles, d'imbéciles ou de morons.

Cela ne fait pas sérieux, M. le Président. Le simple fait d'apporter de tels arguments sans

même rire me porte à dire que quelques-uns ont manqué leur vocation. Ils ne devraient pas être députés, mais comédiens.

Je ne veux pas être méchant, M. le Président, mais je suis d'avis qu'ils ont déjà fait de meilleurs discours, de meilleures luttes. En faisant comme ils le font, je suis assuré qu'ils ne feront pas élire un député de plus dans la région de Montréal et je me demande comment ils pourraient améliorer leur sort chez eux.

Ils sont contre le bill, d'accord, mais, en même temps, ils semblent se dire que, pour contrecarrer le projet, tous les moyens sont bons, même la démagogie. Ils risquent même leur réputation puisqu'ils deviennent les seuls défenseurs au Québec de statu quo constitutionnel. Ils ont le droit de se distinguer, mais non pas de se ridiculiser. Ou bien ils sont drôlement plus politiciens que je ne le pensais, puisque, même à l'intérieur du bill no 28, ils réussissent à se proclamer les champions du statu quo constitutionnel. Je leur souhaite bonne chance, mais leurs électeurs et leurs parents seront amenés à dire qu'ils sont les seuls à avoir le pas contre la majorité.

M. SAMSON: M le Président, j'invoque le règlement, en vertu de l'article 270 pour rectifier des propos. Le député qui vient de parler a mentionné que nous nous cachions derrière la Constitution pour faire retarder de six mois la deuxième lecture du bill 28; c'est complètement faux, M. le Président.

Ce que nous avons invoqué, c'est justement le fait que certains groupes — c'est ça que je veux absolument que le député comprenne, s'il est capable de le faire — s'apprêtent présentement à contester constitutionnellement le bill 28. Nous avons demandé de retarder à six mois l'étude du projet de loi pour demander un avis de la cour Suprême, afin d'éviter au gouvernement ces problèmes qui l'attendent avec ces groupes qui veulent le contester constitutionnellement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer?

DES VOIX: Vote.

M. BELAND: M. le Président... Je n'ai pas parlé sur la motion. Alors, est-ce que vous me donnez le droit de parole?

M. LE PRESIDENT: Qui a fait la motion? DES VOIX: C'est lui.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il s'est levé pour faire la motion? A l'ordre!

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Il ne s'en souvient pas, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je n'étais pas au fauteuil à ce moment. Qui a fait la motion?

UNE VOIX: C'est lui. Il a parlé pendant 45 minutes.

M. BELAND: M. le Président, simplement une explication. J'ai parlé en deuxième lecture sur le principe du bill, à la fin de quoi j'ai présenté une motion.

M. LE PRESIDENT: A la fin de quoi vous avez présenté la motion.

M. BELAND: J'ai présenté la motion.

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez vérifier le règlement, celui qui fait la motion n'a pas le droit de parler deux fois. Vous avez épuisé votre droit de parole et, en l'occurrence, vous n'avez pas le droit de réplique non plus. Ce n'est pas une motion de fond.

UNE VOIX: Vous lui rendez service.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer?

M. SAMSON: M. le Président, on voudrait le vote enregistré, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: Vote enregistré? Qu'on appelle les députés!

Vote sur l'amendement

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Lotbinière veuillent bien se lever, s'il vous plait.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Béland, Bois, Roy (Lévis), Audet.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Pinard, Garneau, Tessier, Parent, Harvey (Jonquière), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Lacroix, Massé (Arthabaska), Mailloux, Cadieux, Coiteux, Bienvenue, Perreault, Brown, Blank, Saint-Germain, Picard, Pearson, Fortier, Bacon, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Loubier, Paul, Cardinal, Tremblay (Chicoutimi), Boivin, Lavoie, Bertrand, Demers, Laurin, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

M. LE SECRETAIRE : Pour: 6. Contre: 58.

M. LE PRESIDENT: La motion me semble rejetée.

Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur la motion principale?

DES VOIX: Vote!

Reprise du débat de deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières.

M. William Tetley

M. TETLEY: M. le Président, le bill 28 est d'une importance primordiale affectant les droits de tout citoyen de l'île de Montréal. Comme député du comté de Notre-Dame-de-Grâce, comté entièrement situé sur l'île de Montréal, il est juste que je présente mon point de vue.

Lorsqu'on lit le texte du bill proposé, on est frappé par le soin qu'a apporté le ministre de l'Education à protéger les droits des minorités, tant des points de vue religieux que linguistique. L'importance de ce bill et les droits en cause justifient pleinement cette attention particulière.

En raison de l'influence qu'exercera le bill 28 sur le futur système d'éducation dans l'île de Montréal, la commission parlementaire de l'Education a tenu des réunions publiques au cours desquelles elle a reçu environ 40 recommandations. J'ai assisté à la plupart de ces réunions et j'ai pris connaissance de toutes ces recommandations. Je dois admettre que j'ai été impressionné par l'intérêt public. Il est très encourageant de constater que la démocratie fonctionne d'une façon aussi constructive. Je dis constructive parce que plusieurs des recommandations formulaient des critiques constructives et stimulantes. Voilà qui est encourageant, et Dieu fasse que le jour ne vienne pas où le public ne pourrait ou ne voudrait pas participer librement à la procédure démocratique.

La commission a reçu quelques recommandations de groupes extrémistes. Le gouvernement est aussi sujet à des pressions d'éléments extrémistes dans ce domaine comme dans d'autres domaines. Il est important toutefois que le gouvernement prenne aussi la défense de la majorité. C'est l'historien Thomas Carlyle qui a émis l'avertissement suivant: "La soumission la plus tyrannique peut bien être celle de la minorité à l'endroit de la majorité."

Le présent gouvernement et la présente Assemblée, en vérité tous les citoyens doivent se préserver des pressions antidémocratiques des éléments extrémistes de part et d'autre. Notre gouvernement ne ferait pas le jeu des extrémistes dans leurs techniques ou leurs croyances. Je ne me réfère pas seulement aux éléments extrémistes tels que le FLQ ou l'incitation occasionnelle à la violence de la part de certains chefs syndicaux.

Non, je me réfère aussi à certains de mes concitoyens Anglo-Saxons qui entretiennent des points de vue extrémistes. Lorsqu'on invoque la victoire des Plaines d'Abraham en 1759 pour adopter un certain régime constitutionnel aujourd'hui, on appuie aussi indirectement la thèse du FLQ selon laquelle il a le droit de créer un Etat québécois séparé par la violence et la force. Les gens du FLQ ont fait éclater des bombes qui ont tué d'innocentes victimes, puis ils ont assassiné Pierre Laporte. Les gens sont de plus en plus contre les guerres et la violence comme solution aux problèmes constitutionnels; c'est également mon impression en ce qui concerne le Québec et le Canada.

Cette incursion de la violence, des procédés non démocratiques et de la violence verbale doit se heurter à la résistance de tous les éléments de notre société, du gouvernement et des individus. La menace des éléments extrémistes retarde la croissance de notre province, ce qui nous touche tous. Je le sais dans mon ministère. Il est bien évident que nous devons résister, mais nous devons le faire par des moyens démocratiques. Je sais que le gouvernement actuel a le courage de poursuivre cette voie et je crois également que la grande majorité des individus a le même courage.

Après avoir abordé l'aspect philosophique du problème, permettez-moi de discuter d'une façon plus précise les termes du présent bill. Comme vous le savez, le comté de Notre-Dame-de-Grâce est composé d'environ 80 p.c. d'Anglo-Canadiens ou de Canadiens d'expression anglaise et de 20 p.c. de Canadiens d'expression française.

J'ai reçu 70 lettres de divers groupes et groupements et j'ai passé mes fins de semaine à rencontrer personnellement les gens chez eux et à connaître leurs points de vue. Je suis donc au courant de leurs sentiments sur cette question.

En général, mes électeurs canadiens-français sont en faveur du bill. Lorsqu'ils m'ont parlé de cette loi, ils ont profité de l'occasion pour me faire remarquer que les enfants des Canadiens anglais avaient beaucoup de chance d'être bilingues. Ils ont souligné que mes enfants auront de meilleures chances d'obtenir un emploi que les enfants unilingues français. Je crois sincèrement, après les études que j'ai faites dans mon comité et ailleurs, que la grande majorité des Canadiens français veulent que leurs enfants soient bilingues tout en protégeant, en même temps, la langue française.

Il y a trois points principaux qui rendent mes électeurs de langue anglaise inquiets au sujet du bill 28.

First: English-speaking Quebecers are concerned with the future of Quebec and their future in Quebec. This is always raised as their first apprehension when they discuss bill 28 with me. It is not the bill that worries them, but the general climate, political and linguistic, in our province. This is the major worry of English-speaking Quebecers in N.D.G. riding and I suspect elsewhere because I have received many letters from outside the riding. In fact,

one third of my letters are from outside the riding.

Secondly: The English-speaking population in respect to bill 28 is concerned that the educational standards of the Protestant system and the English Catholic system might be diminished under the new organization.

Thirdly: The right of the English Catholic Teachers (PACT) and English Protestant Teachers (PAPT) to negotiate as separate bodies, side by side, with the French Catholic Teachers (CEQ) is to them in doubt or a possible loss of rights under the bill.

Voici les trois soucis des anglophones, du moins les anglophones que j'ai rencontrés et avec qui j'ai parlé.

Let me deal first with their first "souci". If Quebec is to flourish, all Quebecers must learn to work together in harmony. I am confident in the future in Quebec and in Canada because it is an established fact that Quebecers have the right to speak French or English in Parliament and in the Courts. Article 133 of the B.N.A. Act ensures this, no other province gives this right. This is not to say, however, that we must not be vigilant and concerned for the future.

Si nous ne croyons pas à l'existence d'un Québec séparé du Canada, nous ne pouvons pas plus croire à une séparation des communautés anglophone et francophone sur la question des commissions scolaires. C'est pourquoi j'appuie fortement le bill 28.

Les Québécois anglophones et les Québécois francophones doivent s'entendre sur ce qui touche l'administration de leurs écoles comme ils doivent le faire à l'échelle du Québec et du Canada tout entier. Je crois personnellement que le bill 28, qui unit les commissions scolaires, mais non les écoles, constitue une législation saine et progressive. Je crois également que le bill 28 prévoit une protection pour les minorités linguistiques et religieuses.

Le fait de travailler ensemble au Québec et ensemble au Canada implique des sacrifices mutuels. C'est un défi et notre peuple s'est formé en acceptant les défis, en surmontant les difficultés et en travaillant ensemble dans l'harmonie. Nous devons — et j'ai confiance que nous y arriverons — faire en sorte que la nouvelle administration scolaire profite à toute la population du Québec pour faire un Québec uni à l'intérieur d'un Canada uni.

Le deuxième souci des anglophones. Que dire du deuxième point qui vise à garder au système scolaire anglais son efficacité? Sur le plan historique, il a toujours été reconnu que le système scolaire protestant jouissait d'une bonne administration et qu'il donnait de bons résultats. Je vous donne tout simplement un exemple de la bonne administration. La Commission scolaire protestante de Montréal, the Protestant School Board of Greater Montreal, procède depuis 30 ou 40 ans à des études démographiques de la population de Montréal.

Ces études leur ont permis d'anticiper l'accroissement de la population scolaire et d'acheter du terrain à un prix minime (2 cents ou 3 cents le pied carré) bien avant d'en avoir besoin. Dans une municipalité que je connais très bien, une commission scolaire protestante a acheté, il y a de cela des années, de vastes superficies de terrain assez grandes pour y construire des écoles et des terrains de jeu, alors que dans cette même municipalité — vous la connaissez, je crois, M. le Président — la commission scolaire catholique, par manque de prévoyance, n'a fait aucun achat et prélevait des taxes représentant un septième de celles imposées par la commission protestante, en dépit du fait que les contribuables catholiques de cet endroit, de cette municipalité, étaient des gens à l'aise. Il résulte, aujourd'hui, M. le Président, que cette municipalité n'a aucune école secondaire catholique pour les garçons, celle des filles est insuffisante et le terrain de jeu est inadéquat. Cette commission catholique est maintenant aux prises avec le besoin d'acheter du terrain à $4.00 et $5.00 le pied carré sur lequel sont construites des maisons de $50,000 à $60,000, ce qui porte le prix réel de ce terrain à $10 et $20 le pied carré.

Voilà l'efficacité dans le passé de l'administration protestante. C'est cette administration efficace que les protestants ont peur de perdre. J'ai déjà parlé au ministre de l'Education et j'espère et il croit aussi que nous allons garder cette administration efficace.

Avant d'être accusé d'être trop partial, laissez-moi vous indiquer que, jusqu'à récemment, le système des écoles protestantes avait une faiblesse dans un certain domaine, une faiblesse très regrettable. Cette faiblesse se rapporte à l'enseignement de la langue française. Au cours des dernières années, certaines mesures ont été prises afin de rectifier cette situation, mais le travail est loin d'être terminé. Un exemple de cette amélioration: des écoles du système protestant donnent l'enseignement complètement en français. Les enfants qui fréquentent ces écoles sont l'espoir de demain. Cette nouvelle génération sera apte à participer pleinement à la vie et à la culture particulière du Québec. Je suis conscient des problèmes des unilingues anglophones de 40 à 50 ans qui craignent d'avoir beaucoup de difficulté à apprendre le français et gagner leur vie. Cependant, soyons très clairs, ce n'est pas le but visé par ce bill 28. Ce bill, en effet, a pour but d'améliorer l'administration générale du système de l'éducation de l'île de Montréal, d'assurer une distribution équitable de la taxe scolaire et de perfectionner la qualité de l'enseignement dans ce système. Il y a une crainte générale que la qualité de l'éducation dans certaines écoles ou dans certaines régions soit réalisée aux dépens des autres écoles.

Permettez-moi de vous lire un télégramme que j'ai reçu dernièrement, c'est-à-dire vendredi

passé, exprimant une telle crainte. Ce télégramme nous venait de la Fédération des enseignants catholiques de langue anglaise et est signé: Ross Corbett. "La Fédération des enseignants catholiques de langue anglaise appuie le principe d'unification — le principe du bill du ministre et du gouvernement — mais à la condition que les étudiants anglophones catholiques soient assurés de recevoir un enseignement de qualité égale ou supérieure à celui qu'ils reçoivent présentement. Nous n'accepterons pas l'unification si elle divise notre population étudiante dans le but d'apaiser la majorité. Espérant que vous pourrez transmettre nos vues au ministre de l'Education..." C'est signé Ross Corbett.

J'ai transmis ces voeux au ministre et je crois qu'il n'y a pas de vrai problème.

May I say that the Bill is not intended to reduce educational standards while fragmentation of students is not really possible because school boards, not schools, are united. It must be noted as well that the provisional council, not the Government, will fix the number of school boards and thus democratically decide the question of fragmentation.

Il serait peut-être bon de souligner que nous ne devons pas être trop pessimistes au sujet de l'habileté des francophones et des anglophones à travailler ensemble. La Commission scolaire catholique de Montréal est responsable depuis nombre d'années de l'éducation des francophones et des anglophones catholiques.

Ce dernier groupe, même s'il était un groupe minoritaire, a toujours été traité d'une façon juste. C'est pourquoi j'ai lu le télégramme d'un groupe catholique anglophone ce soir. En effet, les différentes organisations qui représentent ce groupe n'ont cessé d'insister sur ce fait dans la présentation de leur mémoire devant la commission.

D'autres excellents exemples de bonnes relations existent entre la CECM et la Commission scolaire de Baldwin-Cartier.

Le troisième souci des anglophones concerne les négociations par leurs associations d'enseignants. Les enseignants anglophones, catholiques et protestants craignent de perdre leur droit de négocier séparément en tant que PAPT (Provincial Association of Protestant Teachers) et PACT (Provincial Association of Catholic Teachers) avec la CEQ (Corporation des enseignants du Québec).

Le ministre, cet après-midi, a affirmé et soutenu que, compte tenu de la jurisprudence récente, les droits individuels du PACT et du PAPT demeureront intacts. Je remercie, encore une fois, le ministre de la position qu'il a prise.

Mes conclusions, M. le Président, Ainsi donc, l'avenir s'annonce difficile, mais encourageant. Nous devons tous, en tant que Québécois, relever le défi. Il nous faut repousser les pressions des éléments extrémistes avec une fermeté non dénuée de compassion.

Je dis fermeté non dénuée de compassion, parce que les cris des éléments unilingues, même extrémistes, d'une part comme de l'autre, sont souvent des cris de désespoir, de frustration et même des appels à l'aide. Nous devons tous tenir compte des raisons qui sont derrière ces cris.

Pour notre part, nous les anglophones, nous devons reconnaître la qualité et la beauté de la langue française, la fierté du francophone pour son pays, les racines profondes de cet héritage et de cette culture et les dangers auxquels la langue fait face aujourd'hui.

Les Canadiens français, pour leur part, doivent reconnaître les soucis des anglophones. Serait-il trop présomptueux — ou serais-je trop naif — d'espérer que le bill 28 sera, avec le recul du temps, interprété comme la première mesure législative qui ait permis aux enfants du Québec, francophones et anglophones, de grandir et de se développer dans une province où ils avaient toute liberté de communiquer entre eux, d'apprécier et de profiter de leur héritage commun et de construire ensemble un nouveau Québec à l'intérieur d'un nouveau Canada.

C'est mon désir. J'espère que le bill no 28 va aider notre province et l'unité du Québec. Tout le monde parle pour ou contre l'unité du Canada, mais on oublie souvent l'unité de notre province, l'unité du Québec. Je crois que le bill no 28 va aider notre unité, ici au Québec, autant qu'au Canada. C'est pourquoi, en dernier lieu, j'appuie totalement le bill no 28. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, le bill 28 devrait poursuivre le but de démocratiser le système scolaire et atteindre cinq buts bien particuliers: 1- donner une chance égale à l'éducation à tous les citoyens; 2- remettre le contrôle du système scolaire aux citoyens; 3- répartir également le fardeau financier; 4- reconnaître le pluralisme religieux; 5- construire un système scolaire dans l'intérêt de la majorité francophone dans le respect des minorités ethniques.

M. le Président, concernant le premier point, quand on parle de chances égales à l'éducation pour tous les citoyens, si on regarde actuellement la situation sur l'île de Montréal, on s'aperçoit qu'il y a des régions défavorisées à un point tel que des études ont démontré que dans les régions défavorisées du sud et de l'ouest de Montréal, il y avait plus d'étudiants qui doublaient leur année que dans les régions favorisées, qu'il y avait plus de gens qui étaient promus dans les régions favorisées que dans les régions défavorisées.

Deuxièmement, les statistiques nous ont appris que les résultats scolaires étaient encore plus faibles en général dans les milieux défavorisés que dans les endroits où le revenu des

parents était supérieur. On s'est aperçu aussi, M. le Président, que dans le domaine des — on m'excusera l'expression — "dropout", dans le domaine du départ des écoles... C'est un terme qui devient pratiquement français le "dropout", c'est tellement courant...

UNE VOIX: Non, non, on veut l'avoir dans notre langue.

M. LEGER: Dans ce domaine, on s'est aperçu que les régions les plus défavorisées étaient celles où les statistiques démontraient que la plus grande quantité d'élèves quittaient l'école prématurément. D'un autre côté, M. le Président, on s'est aperçu que dans les régions défavorisées, les professeurs plus jeunes étaient plus nombreux que dans les régions favorisées.

Les professeurs avec moins d'expérience étaient dirigés dans les régions où le milieu économique était inférieur à celui d'autres milieux et les professeurs plus expérimentés, plus âgés étaient dirigés dans les endroits favorisés.

On s'est aperçu...

M. CADIEUX: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député, s'il le permet? Selon quelles statistiques? Cela fait au moins cinq ou six fois que j'entends "selon les statistiques"... "selon les statistiques."

M. LEGER: Ce sont les statistiques de la Commission des écoles catholiques de Montréal pour 1968-1969...

M. CADIEUX: Que les moins bons professeurs viennent d'un certain...

M. LEGER: Non, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'on envoyait les professeurs qui commençaient, avec moins d'expérience, plus jeunes dans les milieux défavorisés et que les professeurs plus expérimentés avaient le choix d'aller dans les milieux plus favorisés. Cela, ce sont les statistiques de la Commission des écoles catholiques de Montréal, que le député pourra vérifier lui-même.

Finalement, M. le Président, il y a l'âge des écoles. On s'est aperçu aussi que les écoles plus vieilles, se retrouvaient spécialement dans les régions défavorisées. On peut même dire que l'école défavorisait certains enfants.

L'égalité des chances pour tous en ce qui concerne l'éducation est un mythe qui ne résiste pas aux faits. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, le bill no 28, en ce qui nous concerne, est le bienvenu, parce que l'objectif premier d'une restructuration scolaire sur l'île de Montréal doit être le rattrapage de ces régions défavorisées de façon à égaliser les chances de succès scolaire.

M. le Président, une autre chose dont on s'est aperçu, c'est le besoin d'une participation des citoyens, si on veut résoudre ce problème.

Une des causes possibles des injustices dans la répartition des ressources humaines et matérielles sur l'île de Montréal est peut-être attribuable, actuellement à l'absence de participation des citoyens sur le plan scolaire.

On sait que ce n'est pas facile de réunir des comités de parents suffisamment nombreux pour s'intéresser à des écoles. Jusqu'à dernièrement, à la Commission des écoles catholiques de Montréal, les commissaires n'étaient pas élus par la population, mais nommés: trois par l'archevêché de Montréal et quatre par le gouvernement. Plus tard, on s'est aperçu, dans les derniers temps du cardinal Léger, que le cardinal s'était départi de ce désir de nomination.

Dans les commissions où ils sont élus, il semble que les citoyens se laissent parfois mener par des gens qui défendent peu leurs intérêts. D'autre part, la participation des parents et des citoyens en général n'est pas institutionnalisée. C'est la raison pour laquelle nous croyons que, dans le bill 28, on devrait donner davantage de pouvoirs aux parents pour permettre à la majorité des citoyens de se rendre compte que c'est possible de réaliser quelque chose en participant à des comités de parents parce qu'actuellement ils n'avaient pas de pouvoirs.

Il y a bien un certain nombre de comités consultatifs d'école mais ces comités servent surtout de canaux d'information des administrateurs aux parents et n'ont aucun pouvoir de décision. Il faut remettre le système scolaire de l'île entre les mains de la population d'une façon intégrale, tant par l'élection démocratique des commissaires et la création d'organismes de participation au niveau de l'école et des commissions que par les pouvoirs confiés aux commissaires et aux membres de ces organismes.

Le deuxième point que je voulais toucher ce soir c'est de remettre le contrôle du système scolaire aux citoyens par la participation. Nous sommes d'accord que l'élection, pour tous les commissaires de l'île, soit faite et qu'il n'y ait pas de nomination par le gouvernement. Nous sommes d'accord aussi pour donner plus de pouvoirs au conseil de l'île. Actuellement le conseil de l'île n'a pas suffisamment de pouvoirs. Nous sommes d'accord pour donner plus de pouvoirs aux comités de parents, soit à l'école, soit dans des comités confessionnels.

M. ROY (Beauce); M. le Président, j'invoque le règlement. En vertu de l'article 87 nous n'avons pas quorum en cette Chambre. Il n'y a pas un seul député d'Unité-Québec.

M. LE PRESIDENT: Trente et un. L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Merci, M. le Président. Le troisième point que je voulais soulever, c'est la possibilité qu'offre le bill 28, de répartir égale-

ment le fardeau financier. Si on regarde la situation actuelle, on s'aperçoit que la taxe foncière est la source de revenu principale de la Commission des écoles catholiques de Montréal, malgré qu'on soit obligé de recueillir des subventions gouvernementales pour contrebalancer la différence dans les ressources entre la Commission des écoles catholiques de Montréal et The Protestant School Board Of Greater Montreal.

Selon les statistiques de 1968-1969, 25 p.c. des ressources financières nécessaires à la Commission des écoles catholiques de Montréal proviennent de l'impôt foncier des catholiques, alors que 60 p.c. de l'impôt foncier des protestants proviennent justement de l'impôt foncier perçu à la base de l'impôt foncier des protestants. La Commission des écoles catholiques de Montréal doit reprendre, de la taxe des neutres, 46 p.c. pour équilibrer son budget, tandis que le Protestant School Board n'a besoin que de 18 p.c.

Tout de suite, on décèle que les sources de revenu sont supérieures et que l'on doit, par un mécanisme d'équilibre, remplacer par les subventions provinciales et par la taxe des neutres les revenus des commissions scolaires catholiques comparativement à la commission scolaire protestante. Si on regarde actuellement le nombre d'anglophones catholiques et le nombre de francophones catholiques, aux derniers chiffres de 1969, il y avait 73,075 étudiants catholiques anglophones contre 69,875 protestants anglophones sur l'île de Montréal.

Cela faisait un total de 142,000 anglophones, en comparaison de 251,275 catholiques francophones, pour 2,694 protestants francophones. C'est donc dire qu'il y a, du côté catholique, une majorité, mais une grande différence entre les protestants anglophones et les protestants francophones. Ce qu'il est important de remarquer, c'est le fait que les deux organismes se financent surtout par l'impôt foncier. Or, l'impôt foncier contribue plus au budget du Protestant School Board of Greater Montreal qu'à celui de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Cette situation est normale puisque les propriétaires catholiques contribuent à la Commission des écoles catholiques de Montréal, alors que les protestants contribuent à la Protestant School Board et que les corporations contribuent à la taxe des neutres, qui, en 1968, était distribuée à peu près au prorata du nombre d'élèves.

Donc, ce qu'il est important de noter, c'est qu'un locataire catholique francophone contribue indirectement, par son loyer, au budget de la Protestant School Board of Greater Montreal s'il a un propriétaire protestant. On sait qu'il y a beaucoup plus de propriétaires protestants que catholiques. Ce système de taxation qu'il faut changer permettait aux protestants de dépenser en 1968, $709 par étudiant, alors que les catholiques devaient se contenter de dépenser $603 par étudiant.

M. TETLEY: Le député me permetrait-il une question? En quelle année?

M. LEGER: C'est en 69/70.

M. TETLEY: Je pourrais peut-être rétablir les faits, sans vous contredire.

M. LEGER: Si le député me le permet, il pourra rétablir les faits à la fin de mon discours.

M. TETLEY: Pardon.

M. LEGER: M. le Président, une telle injustice répartie sur des décennies peut expliquer, en bonne partie, le système de qualité dont se vante le Protestant School Board of Greater Montreal. Le système de taxation suivant la confessionnalité défavorise, au départ, les catholiques par rapport aux protestants. Seules des subventions massives du gouvernement, que tous paient, pourraient contrebalancer les effets de ce type d'impôt foncier.

On s'aperçoit encore, par les statistiques de la Commission des écoles catholiques de Montréal, qu'au niveau de la taxation provenant de l'impôt foncier, plus le revenu de la personne est bas, plus grosse est la portion de son revenu qui contribue à l'éducation et, plus haut est son revenu, plus bas est le pourcentage de sa participation au niveau de l'éducation par l'impôt foncier. C'est la raison pour laquelle, depuis toujours, le Parti québécois propose que le système d'éducation soit financé par un impôt sur le revenu et non par un impôt foncier.

Ce phénomène s'ajoute au phénomène canadien exprimé dans les chiffres suivants: la moyenne des gens gagnant $2,000 par année — c'est le revenu des défavorisés — dépensaient 8 p.c. de leur revenu en impôt foncier, alors que ceux qui gagnant $10,000 et plus dépensaient 4.1 p.c. En chiffres absolus, ils dépensaient plus, c'est sûr, parce que celui qui gagnait $2,000 versait, d'après les statistiques, $137 sur $2,000, ce qui faisait quand même une proportion de 8 p.c. tandis que celui qui gagnait $10,000 et plus versait près de $500, ce qui équivalait, cependant, à 4 p.c. de son revenu.

Ces chiffres montrent que, bien que ce soient les pauvres qui consacrent une part plus grande, proportionnellement, de leur revenu à l'impôt foncier, ce sont eux qui reçoivent le moins pour l'éducation. Par conséquent, M. le Président, l'éducation sert à effectuer un transfert des richesses des citoyens les plus pauvres vers les plus riches. Le bill 28 peut amener, quand même, une véritable restructuration scolaire permettant à un conseil scolaire, muni de pouvoirs suffisants, d'injecter des sommes plus importantes là où les besoins sont les plus grands, soit dans les zones défavorisées. C'est la raison pour laquelle nous avons été heureux d'apprendre que le ministre avait l'intention de faire du rattrapage pour les zones défavorisées.

J'aimerais apporter un quatrième point con-

cernant la confessionnalité. Trop souvent, on mêle la foi et la pratique religieuse. On l'a vu dernièrement dans la région de Montréal-Hochelaga et de Maisonneuve.

Les statistiques de l'Archevêché de Montréal montraient qu'il y avait une proportion de 25 p.c. de pratique religieuse dans cette région. Mais, des enquêtes ont été faites pour demander aux habitants de cette région s'ils préféraient une école catholique, confessionnelle. A la surprise peut-être de plusieurs, beaucoup de personnes, si ce n'est une majorité, parmi les gens qui ne pratiquaient pas et qui avaient quand même la foi désiraient une école confessionnelle.

Je pense qu'il faut faire une différence marquée entre la foi et la pratique religieuse. Une école chrétienne n'est pas simplement une école où l'on donne à côté des matières profanes un enseignement proprement religieux ou encore où l'on consacre des moments à la prière ou au culte. Une école chrétienne embrasse l'ensemble de la vie humaine à la lumière des valeurs auxquelles on croit et qui doivent transcender l'enseignement même des matières profanes à travers même le personnel qui l'enseigne.

Derrière le professeur, il y a l'homme avec ce qu'il témoigne comme individu à travers les valeurs auxquelles lui-même croit. On mélange tellement souvent la foi et la pratique qu'on est porté à croire que des gens qui ne pratiquent pas n'auraient pas la foi. C'est le contraire. Mais, d'un autre côté, à travers l'éducation qu'on veut donner dans nos écoles, il faut réaliser qu'un vrai chrétien ce n'est pas celui qui parle uniquement de religion, mais c'est d'abord un témoin, un témoin de la foi qu'il professe, non uniquement ce qu'il dit, mais ce qu'il est.

Aussi on parle de confessionnalité dans les écoles et on en a parlé depuis quelque temps à l'Assemblée nationale. Le christianisme embrasse l'ensemble de la vie humaine et donne une inspiration et un éclairage particulier à toute l'activité de l'homme. Cette vision globale des choses s'applique même à des matières profanes comme la langue maternelle par exemple. Il ne suffit pas que les élèves aient un cours de français quotidiennement. Il est aussi nécessaire que la langue écrite et orale, même dans les autres matières comme l'histoire et la géographie, soit correcte, pour tous les cours. Je pense qu'il en va de même pour les valeurs chrétiennes qu'il faut retrouver à travers l'enseignement des matières profanes.

Pour assurer sa neutralité, l'Etat doit respecter les différences de foi dans sa réforme de l'éducation. C'est au niveau de l'école et non de la commission scolaire qu'il faut assurer la confessionnalité selon le choix des parents. Jusqu'à aujourd'hui, on a vu des gens des deux extrêmes, des gens qui veulent enlever complètement la religion dans les écoles alors que d'autres veulent y ramener des structures du XVIIle siècle au niveau de la confessionnalité.

Le problème, c'est que les parents n'ont jamais eu un choix précis pour envoyer leurs enfants à l'école. Ceux qui étaient catholiques et ceux qui ne l'étaient pas ne pouvaient choisir une école précise selon leurs aspirations. C'est seulement quand les parents pourront avoir le choix d'une école neutre, d'une école catholique et d'une école protestante, avec un sondage ou un recensement fait au préalable, qu'il pourra y avoir cette liberté du choix de l'école de leur confessionnalité.

Alors, on évitera d'imposer dans les écoles catholiques, à des gens qui ne le sont pas, des structures qui leur déplaisent et qui ne leur conviennent pas. Quand les parents auront un choix pour dire: "Mes enfants, je veux les envoyer dans une école neutre, ceux qui les enverront dans une école catholique pourront établir les critères voulus pour donner à cette école l'enseignement catholique qu'ils auront choisi.

Contrairement à ce que mes amis créditistes ont évoqué tantôt, je pense que c'est au niveau de l'école et non au niveau de la structure des commissions scolaires ou du conseil de l'île qu'il faut voir à installer la confessionnalité des écoles. La même chose au niveau de la langue. C'est à l'école que, du choix des parents, soit anglais ou français, la langue d'enseignement doit exister. Quant à la commission scolaire, la langue de travail doit être celle de la majorité. Au niveau de l'école, cela devrait être une école anglaise parce que les parents veulent une école anglaise. Cela ne veut pas dire que la commission scolaire devrait être une commission scolaire avec des structures anglaises.

C'est au niveau de l'école, comme au niveau de la confessionnalité qui doit être au niveau de l'école, qu'on doit transmettre l'enseignement soit dans une confessionnalité de son choix, soit dans une langue de son choix. Mais au niveau de la structure, ce n'est la place ni de la confessionnalité, ni d'une langue qui n'est pas celle de la majorité.

Cependant, même si ce n'est pas au niveau de la commission scolaire que nous voulons qu'on établisse des structures confessionnelles, il ne faut pas oublier non plus que l'administration doit poursuivre les mêmes buts et les mêmes objectifs que les écoles qu'elle veut servir. Aussi, c'est au niveau de l'école qu'il faut s'attaquer et trouver une solution au problème de la confessionnalité de l'école.

L'école chrétienne est un milieu de vie qui contribue grandement à l'éducation de la foi des parents qui l'ont choisie et cela d'une manière spécifique et irremplaçable. Une société peut être pluraliste, mais un individu ne l'est pas. Il doit faire son choix. Il ne peut pas dire: Je suis pluraliste. C'est une société qui peut l'être. Il serait un être amorphe s'il n'avait pas fait son choix. Ce serait un être sans épine dorsale, sans conviction et il serait vite rejeté par notre société qui est à la recherche d'authenticité.

L'école chrétienne est un moyen de former des chrétiens éclairés et convaincus qui soient capables de porter leur message dans le respect des autres et dans le respect de la vérité qui est à la base même de l'oecuménisme. Les parents qui auraient choisi et déterminé que l'école de leurs enfants serait catholique parce qu'ils ont eu le choix de le faire et ceux qui, ne le voulant pas, auraient le choix d'envoyer leurs enfants à l'école neutre ou protestante devraient avoir maintenant les moyens de rendre cette école soit catholique soit protestante soit neutre. Seule la possibilité d'une école neutre permettra, sans frustrer personne, d'exiger que l'école catholique ou protestante fonctionne selon les critères d'une école catholique ou protestante.

Mais le bill no 28 m'amène actuellement à me poser plusieurs questions, même si dans l'ensemble nous appuyons le principe. Est-ce que le comité des parents, malgré les amendements que le ministre veut nous apporter, ne sera qu'un comité de vigilance sans aucune assurance que l'on donne suite à ses recommandations? Comment assurer — et là, c'est une question que je me pose; peut-être que lorsque les amendements du ministre arriveront, je serai convaincu — une permanence dans l'esprit d'une école chrétienne que je viens de définir? Si un comité est élu d'une façon annuelle, comment voulez-vous que ce comité soit efficace, compétent, stable et permanent? Nous verrons d'après les amendements que le ministre nous apportera. Trop souvent, ceux qui sont élus à un comité de parents, jusqu'à aujourd'hui, n'étaient pas nécessairement ceux qui étaient les plus compétents, mais ceux qui parlaient le plus fort, ceux qui avaient le tour de se mettre en évidence. Dans une question aussi importante que la confessionnalité d'une école, est-ce qu'on doit se fier uniquement à une élection démocratique ou s'il ne devrait pas y avoir des mécanismes quelconques qui assureraient une permanence à l'intérieur de l'école? En tout cas, c'est une question que je me pose.

Il y a d'autres questions que je me pose: En cas de conflit avec la commission scolaire, ces comités de parents auront-ils des mécanismes de recours possibles et efficaces? Est-ce que ces comités ne seront que consultatifs? Nous avons proposé en d'autres circonstances — le député de Saint-Jacques en a parlé — des amendements que nous espérons voir étudiés par le ministre en comité plénier. La consultation pour la nomination des directeurs d'école est-elle suffisante? Est-ce suffisant de consulter ce comité des parents, le comité confessionnel, avant la nomination des directeurs d'école quand on sait qu'une école aujourd'hui, une école secondaire surtout, c'est maintenant une école qui est dirigée par une équipe? Ce n'est pas uniquement le principal qui parle, qui dicte, mais il travaille en équipe. Quand on veut faire transposer des valeurs à travers un personnel enseignant, seulement un rôle de consultation pour la nomination du principal, je pense que c'est utopique si on veut réellement réaliser dans les faits ce que le bill veut proposer.

Une autre question: Que veut dire "question religieuse"? Est-ce l'enseignement religieux? Est-ce seulement la pastorale? Est-ce que c'est toute une étude d'un comportement à l'intérieur d'une école? Nous avons des craintes parce que nous savons que beaucoup de gens au niveau de la pratique religieuse ont décroché depuis dix ans, huit ans, sept ans. Ils ont décroché de l'Eglise et ce sont ceux-là mêmes souvent aui veulent des écoles confessionnelles.

Mais je fais quand même confiance aux parents, à un comité démocratique qui aurait la fonction précise de déterminer le comité confessionnel de son école. Ce dernier devrait avoir cependant le pouvoir de nommer les responsables des questions religieuses au niveau des commissions scolaires.

Mais, M. le Président, jusqu'à ce jour, le bill nous présente des pouvoirs trop limités pour le comité des parents.

Quel rôle jouera ce responsable des questions religieuses dans la sélection, l'affectation du personnel pour les écoles catholiques? Quel lien existera entre le responsable des questions religieuses et le comité confessionnel? Est-ce qu'il sera nommé? Quelle garantie juridique avons-nous que les parents auront le pouvoir de réaliser dans les faits ce que nous souhaitons aujourd'hui? De toute façon, nous pensons qu'au niveau des écoles catholiques, protestantes et neutres un recensement devrait être fait avant que ce bill devienne en vigueur et qu'on établisse des écoles dans les commissions scolaires.

Le cinquième point que je voudrais toucher c'est qu'il faut construire un système scolaire dans l'intérêt de la majorité francophone et dans le respect de la minorité ethnique.

Une façon de régler ce besoin, de construire un système scolaire dans l'intérêt de la majorité francophone c'est, premièrement, au niveau du conseil de l'île ne pas permettre la nomination par le gouvernement des quatre personnes mentionnées sur quinze. Je pense que toutes les personnes devraient être élues au niveau du conseil de l'île.

Deuxièmement, le conseil de l'île n'a pas suffisamment de pouvoirs actuellement. Nous proposerons, en particulier, des amendements en ce sens à l'occasion du comité plénier.

Troisièmement, nous ne sommes pas d'accord qu'il y ait continuellement une double nomination aux différents postes de directeur des services pédagogiques, directeur du service du personnel, service des étudiants. Cette nomination en double d'une personne selon la langue de la minorité, nous pensons qu'il ne faut pas la faire parce que ça institutionnaliserait le bilinguisme au Québec, chose contre laquelle nous sommes complètement puisque c'est seulement au Québec qu'existe le bilinguisme dans les faits. Il ne faut pas le faire dans la loi.

M. le Président, il faut agir en majorité en installant un nouveau système scolaire; c'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faudrait que la langue de travail, la langue de communication entre les structures, c'est-à-dire à l'intérieur du conseil de l'île, soit le français, un unilinguisme français intelligent. La langue de travail entre le conseil de l'île et les commissions scolaires devrait être le français pour les onze commissions scolaires constituées. La langue française devrait être la langue de travail entre les commissions scolaires et les écoles. Cependant, au niveau des écoles, nous sommes d'accord que les écoles qui réclament l'enseignement anglais devraient avoir comme langue de travail, c'est sûr, l'anglais. Mais, dans les relations entre les différents paliers de cette structure scolaire, uniquement la langue française devrait être utilisée dans les contacts.

Finalement, M. le Président, nous félicitons le gouvernement d'avoir enlevé le système de votation par rotation parce que cela aurait réellement dilué le pouvoir des électeurs qui auraient voulu changer les commissaires d'écoles qui auraient agi, durant leur mandat, contrairement aux voeux de la majorité. En ne les changeant que par rotation, on n'aurait pas pu changer la politique des commissions scolaires.

Je termine, M. le Président, en demandant que les commissions scolaires dans l'île de Montréal soient de langue française parce qu'actuellement, sur les onze commissions scolaires proposées, sept sont à majorité francophone où, je pense, il y aurait beaucoup moins de difficulté à assimiler les immigrants à la langue française mais il y aurait beaucoup plus de difficultés à intégrer la minorité des immigrants dans les commissions scolaires anglophones. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut absolument choisir le français comme la langue de travail et des communications. Si on ne rend pas légalement obligatoire l'utilisation du français au Québec, c'est se leurrer de penser qu'on aura une politique de la langue française au Québec. On ne l'aura pas plus au travail que dans aucun autre lieu.

Pour terminer, M. le Président, pour réaliser toutes ces choses, il faut absolument que le gouvernement ait le courage d'abolir le bill 63 pour que nous puissions recommencer à neuf dans la restructuration scolaire sur l'île de Montréal.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, je me fais un devoir d'apporter, moi aussi, quelques commentaires sur ce projet de loi no 28 concernant la restructuration du système scolaire sur le territoire de l'île de Montréal.

Je suis très conscient que ce projet d'envergure présente beaucoup de complexité et que nous devons reconnaître tout le travail, l'étude et les recherches qu'ont dû effectuer toutes les personnes responsables.

Je voudrais tenter de faire le point. Cette société de 1971 se veut moderne, mais on ne doit pas oublier que c'est de la pluralité des idées et de la diversité des organismes que cette province sera forte et inspirera un idéal à tous nos jeunes, tout en respectant les valeurs fondamentales d'un passé qui a produit une nation relativement forte.

Je voudrais d'abord définir ici les buts de l'éducation qui sont, à mon sens: former la personne humaine et développer la personnalité de chacun pour en faire des citoyens compétents et libres et des chrétiens éclairés. Ce dernier aspect vaut dans la mesure où la majorité sociologique est concernée.

Qu'il soit bien compris, au départ, que j'admets la liberté des non-chrétiens à recevoir l'éducation qui leur convient. Le christianisme étant un choix libre, cette conception élevée doit se retrouver dans toute la vie de l'école, dans son ordonnance, dans la philosophie de l'éducation et dans ses conceptions pédagogiques.

Quelques structures administratives que puisse impliquer ce projet de loi, nous pouvons avancer, tout au moins, que ces structures doivent et devront respecter les principes de vie et de démocratie, si on veut que nos lois soient respectueuses des droits des personnes et de leur liberté de choix.

Un de ces droits incontestables qui revient à la famille, aux parents, comme l'a si bien dit tout à l'heure le député des Iles-de-la-Madeleine, et qui devrait continuer à être reconnu, c'est bien celui de choisir la langue et la foi dans lesquelles leurs enfants doivent être éduqués. Ce droit fondamental des parents est reconnu par tous et je dirais que cette reconnaissance a même été manifestée par le député de Saint-Jacques dans une volte-face qui a faite par rapport à ce qu'il avait jusqu'alors soutenu.

M. CHARRON: M. le Président, sur une question de privilège. J'ai déjà expliqué — mais, pour les créditistes, il faut expliquer au moins douze fois — que ce n'était pas une volte-face; il s'agissait simplement de préciser une position que nous avions acceptée. J'espère, M. le Président — il en reste encore quatre ou cinq qui n'ont pas parlé — que je n'aurai pas besoin de le dire quatre ou cinq autres fois.

M. BOIS: Non, nous avons compris.

M. SAMSON: C'est une volte-face quand même.

M. AUDET: Donc, si on veut bien reconnaître ce droit de choix en matière d'éducation, pour les parents envers leurs enfants, il faudra aussi donner aux parents les pouvoirs de décision et non seulement le droit d'être consultés.

Il me semble que ce droit des parents d'être consultés, plutôt que d'avoir le droit de choisir et de décider en matière de langue et de confessionnalité dans l'enseignement, devrait nous ouvrir les yeux. Que nous a valu, dans le passé, ce droit de consultation reconnu aux parents dans la formation des fameux ateliers pédagogiques?

Qu'est-ce, au juste, que ces ateliers pédagogiques ont eu à décider dans le passé? Qu'est-ce que ces parents, faisant partie de comités, ont eu à choisir au sujet de l'éducation, si ce n'est de recevoir des informations sur les décisions du gouvernement au sujet de cette neutralité qui s'amplifie de plus en plus?

Si le ministre de l'Education croit réellement que ce droit de regard et de décision des parents en matière d'éducation a été respecté, qu'il nous prouve cette participation effective de leur part et qu'il évalue quelque peu les résultats obtenus de cette prise en main globale par le gouvernement de la destinée de notre éducation au Québec.

Est-ce que le ministre est satisfait du climat religieux qui existe chez notre gent étudiante en 1971, depuis l'existence de cet esprit neutralisant au Québec.

Ce bill no 28, M. le Président, est inacceptable, parce qu'il donne à l'Etat beaucoup trop de pouvoirs qui devraient être et demeurer entre les mains des parents, surtout en ce qui concerne le choix de l'enseignement de leur langue et de leur foi.

M. VEILLEUX: Il n'a rien compris.

M. AUDET: Le député de Lafontaine reconnaît la nécessité du libre choix des parents. Nous nous accordons là-dessus très bien, mais nous maintenons que l'école contrôlée par une commission scolaire neutre, qui prend ses directives d'un Etat neutre, ne peut pas garantir la confessionnalité à des parents...

M. VEILLEUX: Voyons donc!

M. AUDET: ...à un comité consultatif.

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député d'Abitibi me permet une question?

M. AUDET: Parfait.

M. VEILLEUX: A vous écouter, est-ce que vous avez lu le projet de loi no 28 avant de vous exprimer ce soir?

M. SAMSON: Est-il assez innocent celui-là!

M. AUDET: Les parents feront partie d'un comité consultatif et on les consultera seulement. Ils n'auront aucun regard, aucun pouvoir de décision dans l'éducation, n'est-ce pas?

M. VEILLEUX: Ils l'ont via les commissaires.

M. AUDET: ...et cette attitude que prend le gouvernement vis-à-vis des parents en leur assurant la consultation n'est aucunement une garantie pour le respect de la confessionnalité d'enseignement au Québec. Et pour cette raison nous ne pouvons appuyer ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier. M. André Marchand

M. MARCHAND: M. le Président, depuis six mois exactement aujourd'hui, le bill 28 était déposé en cette Chambre. Tous les membres de cette assemblée ont pu en prendre connaissance ainsi que plus de 40 groupements quels qu'ils soient, majoritaires ou minoritaires. Tous les membres de cette assemblée ainsi que les associations ont pu disséquer article par article et étudier ce bill sous toutes ses formes, y apporter les suggestions et amendements qu'ils croyaient nécessaires, afin de clarifier si possible ou d'améliorer ce projet de loi pour le plus grand bien de la population du Québec.

Aussi, le ministre, avec la compétence que tous nous lui reconnaissons, a pris bonne note de ces suggestions, les a étudiées, et le mercredi, 1er novembre, il nous donnait l'essence de ces amendements. Aussi j'appuierai ce bill no 28, parce qu'après plusieurs rencontres avec les gens de mon comté, avant et après ces amendements qui respectent la confessionnalité et les droits des minorités linguistiques, après avoir assisté aux commissions traitant du projet de loi no 28, après avoir été présent à l'Assemblée nationale, à toutes les sessions sur le bill, comme je le suis toujours sur les autres projets de loi, je me prononce en faveur du projet de loi no 28.

And now, Mr. President, may I say that all the ethnic groups are ready to learn French, but they do not want to lose their culture and they do want to be bilingual.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, n'ayez aucune crainte, je ne serai long pour la simple raison que je ne possède pas la volubilité de l'ensemble des députés du Ralliement créditiste pour pouvoir vous entretenir longuement. Cependant, j'ai attendu que les honorables membres de ce parti s'expriment afin d'être mieux éclairé et peut-être réussir à comprendre le ou les points de vue qu'ils essayaient de nous donner depuis qu'ils ont commencé à discuter. Cependant, je ne suis pas plus avancé que lorsque le premier député du Ralliement créditiste s'est exprimé. J'ai constaté une chose: Ils n'ont absolument rien compris.

J'ai eu l'occasion d'assister à presque toutes les séances de la commission parlementaire de l'Education. Si j'analyse les mémoires qui nous ont été présentés, je constate que les gens qui

sont venus s'exprimer devant les commissions parlementaires, notamment celle de l'Education, avaient des points de vue diamétralement opposés; tellement opposés qu'il y a même un de mes électeurs qui m'a dit : Votre projet de loi doit être "pas trop pire" puisque d'un côté vous avez les tenants de la francophonie qui disent qu'avec le projet de loi no 28 on voulait faire disparaître le français sur l'île de Montréal et d'un autre côté les tenants du parler anglais qui disaient qu'on voulait faire disparaître l'anglais sur l'île de Montréal. Si deux groupes ayant des idées aussi opposées viennent dire que le projet de loi veut faire disparaître et le français et l'anglais, il est probable que le projet de loi protège, à sa façon, ces deux choses.

La même idée peut surgir si nous analysons le côté religieux. Je ne reprendrais pas ici toutes les discussions qui ont eu lieu devant l'Assemblée nationale relativement à la protection ou la non-protection de la religion catholique ou protestante. Mon collègue de Saint-Henri, décoré douze fois de médailles religieuses, a su défendre...

M. SAMSON: Nommez-les.

M. VEILLEUX: Je dirai au député de Rouyn-Noranda que mon collègue de Saint-Henri est notamment chevalier de l'Ordre de

Malte.

M. SAMSON: Nommez les décorations.

M. VEILLEUX: Il a su, avec la verve qu'on lui connaît, prouver aux membres de l'Assemblée nationale que le projet de loi no 28 protégeait la confessionnalité et ce sans équivoque. Mon collègue de Saint-Henri a eu l'occasion de discuter de ce point de vue avec les électeurs de son comté, puisqu'il a eu l'occasion d'en visiter les onze paroisses. Il a eu aussi l'occasion d'en discuter longuement avec l'archevêque de Montréal. A la vue des amendements apportés par le ministre de l'Education, M. Saint-Pierre, l'archevêque de Montréal ne pouvait qu'avouer, après toutes les séances de la commission parlementaire et les amendements apportés par le ministre, qu'effectivement la confessionnalité était protégée.

J'ai eu l'occasion, moi aussi, d'aller rencontrer différents groupes de parents sur l'île de Montréal. Je me rendais notamment, la semaine passée, dans le comté de Sainte-Marie où je rencontrais un groupe de parents. Nous avons discuté du projet de loi. Le premier problème soulevé était un problème que les gens du Ralliement créditiste ont qualifié de neutralité, problème qu'on remarque dans le projet de loi.

Je dis que le projet de loi, loin d'être neutre, reconnaît pour la première fois sur l'île de Montréal la multiconfessionnalité parce que pour la première fois sur l'île de Montréal les gens de religions différentes pourront recevoir un enseignement religieux valable.

Le point sur lequel les parents ont surtout discuté ce soir-là parce que dans trois heures de discussion il y a eu au moins deux heures où la discussion portait uniquement sur le comité consultatif de parents. Ils avaient peur de ce comité consultatif disant que parfois le parent qui prendrait ses responsabilités, le parent siégeant à ce comité consultatif qui prendrait ses responsabilités pourrait subir ou son enfant pourrait subir de la part des enseignants de l'école certaines pressions si le ou les parents ne sont pas sur la même longueur d'ondes que les enseignants de l'école.

Il est entendu, M. le Président que, si tous les parents sont animés de cet esprit, le comité consultatif de parents est voué à l'échec dès le départ. Il s'agit pour les parents de prendre réellement leurs responsabilités. Pour la première fois, sur l'île de Montréal, on reconnaît juridiquement un droit de parole, un droit de regard aux parents à l'intérieur non seulement des commissions scolaires mais à l'intérieur aussi de chacune des écoles.

Le député de Lotbinière disait, cet après-midi, que le projet de loi no 28 déshumanise les enfants. D'abord, on ne peut pas déshumaniser des enfants parce qu'alors on se retrouve à l'ère des robots. On peut déshumaniser ou humaniser une école. Et qui fera que l'école sera plus ou moins humaine? Ce sont d'abord les parents, au niveau des comités consultatifs des écoles, ce sont aussi les enfants à l'intérieur de l'école, aussi les enseignants et la direction. Moi, je suis prêt à faire confiance à tous ces groupes qui vivront et qui oeuvreront au niveau de chacune des écoles afin de rendre nos écoles plus humaines.

Lorsque l'on demande au gouvernement d'humaniser les écoles, je dirais aux représentants du Ralliement créditiste de lire quelque peu, par exemple, Saint-Exupéry qui disait qu'on retrouve deux catégories de gens: des gens qui vivent pour construire, d'autres qui vivent pour humaniser.

Moi, je dis que le projet de loi no 28 fait que le ministère de l'Education, que les différentes commissions scolaires sont là pour construire mais que le rôle d'humaniser revient d'abord aux parents, en deuxième lieu aux directeurs d'écoles et aux enseignants, et en troisième lieu aux enfants eux-mêmes.

Un dernier point, tout simplement ici pour remercier le ministre de l'Education d'avoir retardé de quelque deux ans le début du fonctionnement des nouvelles commissions scolaires, c'est-à-dire d'avoir reporté le délai du 1er juillet 1973 au 1er juillet 1975. Le fait pour le ministre de prendre cette décision permettra à tous les gens vivant sur l'île de Montréal, qu'ils soient catholiques, protestants ou professant une autre religion, qu'ils soient de langue française ou de langue anglaise, d'apprendre à vivre ensemble pour construire un système scolaire cohérent sur l'île de Montréal.

A l'instar de mon collègue de D'Arcy-

McGee, je dis qu'il est temps que la population de Montréal accepte de vivre dans la même maison, et probablement que, si nous permettons aux enfants de différentes croyances et de différentes langues de se côtoyer dès l'école, lorsqu'ils seront arrivés à l'âge adulte, ces gens-là pourront vivre au Québec dans un état d'esprit beaucoup plus sain que celui que nous connaissons aujourd'hui.

De plus, ce délai permettra aux syndicats d'enseignants de régler un problème extrêmement délicat, issu de ce projet de loi. Des représentants de la CEQ, de la PACT et de la PAPT m'ont demandé ce qui arriverait à leur reconnaissance syndicale étant donné qu'on retrouverait un régime scolaire unifié sur l'île de Montréal.

Il y a, si vous voulez, dans le code du travail une certaine ambiguïté, mais ce délai permettra aux parties en cause — d'abord, les trois centrales syndicales que j'ai mentionnées, et aussi les autres personnes intéressées qui seront éventuellement les futurs employeurs — d'en discuter et de trouver un terrain d'entente.

M. le Président, comme le disait mon collègue de Saint-Jacques, cet après-midi, il est temps d'arrêter de parler, il est temps de faire l'annexion, il est temps de voter le plus rapidement possible ce projet de loi no 28 qui permettra au système scolaire de l'île de Montréal de prendre un élan nouveau. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de L'Assomption.

M. Jean Perreault

M. PERREAULT: M. le Président, le projet de loi no 28 constitue une épreuve majeure pour la survie harmonieuse du ménage montréalais. Le mariage de raison entre les deux solitudes, qui constitue la caractéristique la plus fondamentale de la communauté montréalaise, est ici sérieusement remis en question.

Il s'est dit et écrit sur le projet de restructuration scolaire de l'île de Montréal les meilleures et les pires choses. On pourrait en faire un sottisier, une anthologie.

Ceci n'étant guère utile, je ne le ferai pas. Je laisserai ce soin aux spécialistes de la petite histoire. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la société du Québec remet en cause ses structures et son développement. Dans les domaines municipaux et scolaires, plusieurs commissions d'enquête diverses et des comités d'étude ont souligné l'urgente nécessité d'une réforme politique et administrative.

La réforme municipale s'est faite sur l'île de Montréal par la création de la Communauté urbaine de Montréal. La naissance et les premiers pas de cette communauté ont été très difficiles et douloureux. On peut, cependant, entrevoir aujourd'hui que la Communauté urbaine de Montréal résoudra ses problèmes par la suppression de l'esprit de clocher qui caractérisait les différentes municipalités de l'île.

Cette communauté urbaine fait présentement ses muscles et nous pourrons, dans très peu d'années, constater le dynamisme de cette communauté qui permettra de garder le grand Montréal comme métropole du Canada.

Le deuxième volet de cette réforme, la réforme scolaire, est tout aussi important que la réforme municipale. Ces deux réformes sont complémentaires. L'une ne va pas sans l'autre. Le projet de loi no 28, intitulé Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, est justement cette réforme scolaire tant attendue.

A l'heure où les municipalités auront à négocier avec l'organisation scolaire l'usage en commun des biens physiques appartenant au système scolaire, il importe que Montréal ait une voix à l'échelle de l'île, tant dans le domaine scolaire que municipal.

Le projet de loi no 28 est d'abord et avant tout une réforme administrative et a trois objectifs fondamentaux. Le premier: améliorer la rationalité de l'administration scolaire à Montréal ou des commissions scolaires de dimensions extrêmement variées pour répondre à une vaste clientèle.

Deuxième objectif: favoriser la distribution équitable des ressources entre les diverses régions de Montréal. Il s'agit essentiellement d'introduire dans le système scolaire de Montréal un organisme, le conseil scolaire, qui aura pour mission principale de distribuer des fonds supplémentaires affectés par le ministère de l'Education ou recueillis par la taxation scolaire et mettre sur pied des services particuliers ou de l'équipement supérieur dans les milieux défavorisés.

Troisième objectif: démocratiser les structures scolaires en accroissant le rôle des parents institutionnalisé dans les comités d'écoles, comités confessionnels ou conseils des parents, et favoriser la démocratie par la libre élection des commissaires au suffrage universel selon des critères d'éligibilité minimum.

Pour réaliser ces objectifs, le projet de loi no 28 créera entre sept et onze commissions scolaires unifiées et coiffera ces organismes régionaux d'un conseil scolaire dont la création est essentielle et reconnue. Ce conseil scolaire, qui équivaut à un gouvernement régional scolaire, sera le porte-parole de la communauté montréalaise auprès du gouvernement du Québec. Il décrétera les taux de taxation scolaire municipale et distribuera les excédents en subventions spéciales en fonction des besoins spéciaux de certaines zones.

Plusieurs ont exprimé des craintes sur le plan confessionnel. Le bill 28, tout en créant des structures administratives neutres, favorisera le développement religieux des écoles confessionnelles du fait de l'existence de l'école neutre où des parents agnostiques pourront envoyer leurs

enfants. La responsabilité de l'enseignement religieux revient aux comités catholiques et protestants du Conseil supérieur de l'éducation qui possède au Québec des droits clairs et précis à cet effet.

Au niveau de chaque commission scolaire unifiée, on retrouvera des responsables jouissant des pouvoirs qui découlent directement des pouvoirs des comités catholiques et protestants. La décentralisation des tâches religieuses, des prérogatives laissées aux comités d'école quant au choix des principaux d'école confessionnelle, le droit de regard permanent des membres de comités confessionnels sur les activités religieuses de l'école offrent des garanties suffisantes qui améliorent grandement la situation actuelle.

Faisant suite à l'évolution de la société montréalaise, deux constatations se dégagent avec clarté. La première est que le facteur linguistique est devenu plus déterminant à Montréal d'un point de vue sociologique et politique que le facteur confessionnel. Deuxième facteur: les francophones et anglophones forment, dans la région montréalaise, non pas une seule mais deux communautés. On peut considérer qu'il s'agit là d'un mal tragique et être tenté en conséquence de chercher par tous les moyens sinon à l'éliminer, du moins à en atténuer les effets.

On peut estimer au contraire que cette dualité est non seulement un fait, mais une richesse et qu'il faut plutôt en favoriser le développement dans le respect des exigences supérieures du bien commun et de la démocratie. Ces commissions scolaires unifiées, recommandées par le rapport Parent et le Conseil supérieur de l'éducation, nous vaudront une économie de plusieurs millions de dollars si elles sont sagement administrées et que la planification y joue son rôle véritable.

Si on y met l'intelligence et le jugement voulus, c'est aussi une occasion rêvée d'établir un équilibre véritable entre les communautés francophone et anglophone de Montréal. Retranchés jusqu'ici dans nos solitudes respectives, nous avons mal joué nos rôles. La seule façon de garantir pour l'avenir une coexistence harmonieuse de nos deux communautés, c'est que la majorité ne recule plus devant ses responsabilités en tant que groupe majoritaire et que la minorité ait sa sécurité linguistique et culturelle garantie.

C'est le voeu de la majorité des citoyens anglophones et francophones du Québec. Nous avons tendance à croire le contraire, mais nous oublions toujours que la majorité silencieuse et pondérée n'a pas la même résonance dans les média de communication que le petit groupe des sectaires et des passionnés qu'on retrouve tantôt à l'extrême gauche, tantôt à l'extrême droite et ce, dans les deux groupes ethniques.

En terminant je veux témoigner toute mon admiration à l'endroit du ministre de l'Education, M. Guy Saint-Pierre. Comme ingénieur, je suis à même de comprendre les difficultés qu'il a dû affronter et la patience dont il a fait preuve pendant les longues heures de consultation tant au niveau de l'Assemblée nationale qu'au niveau des différents groupes ethniques.

UNE VOIX: Il n'a pas dormi des nuits entières.

M. LESSARD: Le ministre n'était même pas là, recommencez!

UNE VOIX: Il est arrivé. Envoyez-lui votre texte.

M. PERREAULT: Je veux rappeler le souhait qu'exprimait le ministre lors de son discours de deuxième lecture et je cite...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On vient d'apprendre que vous êtes un bon ministre.

M. PERREAULT: ... "Ce que je souhaite pour ce bill c'est qu'en entreprenant de rapprocher à la même table les Québécois de Montréal, en leur suggérant des mécanismes communs et démocratiques nous parvenions à une harmonie plus grande entre les composants de ce peuple du Québec pour qui nous voulons travailler comme gouvernants, sans tenir compte des états de religion, de langue, de fortune ou de parti de chacun." J'affirme que les générations futures reconnaîtront Guy Saint-Pierre comme un grand patriote.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier

M. Noël Saint-Germain

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne voudrais pas répéter tout ce qui a été dit relativement au bill 28 durant ces longs mois, on pourrait même dire ces longues années de discussions. Seulement, appartenant à un de ces comtés où le système scolaire sera profondément modifié par ce bill, j'ai cru qu'il était de l'intérêt de mes concitoyens que je puisse émettre mes opinions concernant ce projet de loi.

H me semble, M. le Président, que ce projet de loi va modifier d'une façon profonde le système traditionnel que nous avons eu dans l'île de Montréal, et ceci déjà depuis de très nombreuses années. Ces modifications vont modifier premièrement l'éducation jusqu'à un certain point, l'éducation religieuse, et aussi va modifier certains points concernant les deux cultures qui caractérisent l'île de Montréal.

Dans le passé, il n'est jamais arrivé que les protestants et les catholiques soient soumis à une seule autorité, à une seule commission scolaire.

A ce point de vue, il faut toujours — lorsqu'on tente de modifier des facteurs religieux ou culturels — être d'une extrême prudence car il est très facile de passionner les gens avec des lois qui peuvent modifier ce qu'ils ont de plus humain et ce qui les caractérise le plus profondément au point de vue de la culture — comme je l'ai dit — et de la religion.

Au point de vue culturel, la modification sera certainement moins profonde, parce que là il y a des antécédents. Il y a déjà des années que des enfants de culture anglaise et des enfants de culture française étudient ensemble avec une autorité unique. Comme cette façon d'agir a relativement bien fonctionné, on peut espérer qu'il continuera d'en être ainsi, même si dorénavant les protestants de culture anglaise seront fondus dans un tout.

Il y a deux commissions scolaires importantes qui disparaîtront par cette loi, c'est le Protestant School Board of Greater Montreal et la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Comme vous le savez, la commission scolaire protestante traditionnellement, a toujours joui à Montréal d'un large degré d'autonomie et elle a vécu — du moins jusqu'à l'établissement du ministère de l'Education — d'une façon pratiquement autonome. Depuis l'établissement de ce ministère, il va sans dire que l'autonomie de la commission scolaire protestante a été quelque peu modifiée, mais c'est avec ce bill qu'elle subira les transformations les plus profondes.

Personnellement, il m'est facile d'admettre que les protestants de langue anglaise de Montréal soient quelque peu anxieux, surtout ceux qui oeuvrent comme employés, ou les commissaires mêmes. Les employés voient leur employeur disparaître sans savoir nécessairement quel sera leur nouveau patron.

Alors, que les protestants de l'île de Montréal voient ce bill sans enthousiasme, il ne faut pas, à l'échelle humaine, en être décontenancé. Lorsqu'on peut oeuvrer dans notre maison, seul, en toute indépendance, on n'est jamais nécessairement heureux d'y voir entrer des tiers.

Mais d'un autre côté, si on croit que cette entière liberté laissée à la commission scolaire protestante est une garantie d'avenir, je pense que l'on fait fausse route.

Je crois que, dans le contexte actuel du Québec, dans son contexte politique, croire que garder le statu quo est encore la meilleure garantie pour ce qui regarde la culture anglaise et les protestants, est de ne pas concevoir les modifications profondes qui ont marqué le Québec de ces dernières années. Je dirais même que vouloir garder le statu quo pour la commission scolaire est quelque peu utopique.

A Montréal, les protestants de langue anglaise ont toujours, au point de vue culturel, vécu un peu en marge de la majorité, surtout à cause de la grande indépendance, de la grande liberté qui leur était laissée. Je vois personnelle- ment plus de garanties pour les anglo-protestants de Montréal dans le fait que dorénavant ils devront oeuvrer à l'intérieur même du système au lieu d'oeuvrer en marge de ce même système. Je crois que pour y faire passer leur façon de voir, ce qu'ils considèrent leur échelle de valeurs, ils auront là pour l'avenir de meilleures garanties que leurs droits seront sauvegardés.

Il y a aussi un autre point de vue qui inquiète les protestants de langue anglaise: c'est le point de vue administratif. Il faut tout de même admettre, M. le Président, que les protestants de langue anglaise ont su se donner à Montréal un système efficace bien administré, avec une pédagogie adaptée au temps moderne et aux besoins modernes.

En ce qui regarde le côté de langue française, nous savons tous qu'il y a quelques années, c'étaient les collègues privés qui avaient la crème des professeurs et la crème des administrateurs scolaires dans la province de Québec. Même au point de vue économique, le gros des dépenses était fait au niveau des institutions privées. Ce qui a fait que, dans le passé, il a existé un décalage considérable entre les services scolaires protestants et catholiques. Mais il faut tout de même admettre que depuis ces dernières années ce décalage a diminué en importance, à tel point que je ne crois pas que la fusion des deux commissions — scolaires veuille dire qu'il y aura, pour un groupe ou pour l'autre, une baisse dans la qualité des services qui seront rendus.

Il ne faut pas oublier un autre facteur. J'entends souvent certains administrateurs de langue anglaise affirmer que le rendement des écoles ou des classes protestantes sera diminué. Il faut penser tout de même, M. le Président, que ces valeurs acquises, que ces expériences acquises parmi les administrateurs de langue anglaise, au point de vue pédagogique ou au point de vue administratif, ne seront pas nécessairement perdues, car tous ces gens resteront à l'emploi des différentes commissions scolaires. Elles seront simplement étendues à tout le système de Montréal et ces gens seront un actif valable.

Leur activité permettra de relever le rendement de l'administration scolaire dans l'ensemble de l'île. Leur expérience et leur valeur ne sont certainement pas perdues. Cela reste un actif énorme sur lequel les nouveaux commissaires sauront bien compter.

En ce qui regarde la commission scolaire catholique de Montréal, je suis toujours un peu surpris — je le suis davantage à ce stade-ci de nos travaux — que l'on dise qu'avec les nouvelles structures il y aura certainement un abaissement de protection pour les parents qui veulent que leurs enfants soient éduqués dans des écoles catholiques. J'ai assisté, comme de nombreux députés, à tous les travaux de la commission parlementaire. Nous avons tous entendu des mémoires et les représentants des professeurs

des écoles catholiques de Montréal nous ont donné leur point de vue sur cette législation.

Nous avons tous remarqué que plusieurs de ces porte-parole se disaient catholiques, mais semblaient, par leur comportement et leurs déclarations, être antireligieux et anticatholiques. Je me pose de sérieuses questions sur la valeur de l'éducation catholique qui peut se donner dans les écoles de la Commission des écoles catholiques de Montréal, considérant que plusieurs responsables de classes se déclarent ouvertement non catholiques eux-mêmes.

Dans ces conditions, il faut admettre que, comme ce projet de loi établit des classes neutres et que les personnes qui enseigneront dans ces classes — je parle surtout de celles de langue française — viendront des milieux qui se disent actuellement, officiellement du moins, catholiques, elle permettra certainement aux différentes commissions scolaires de débarrasser — je dis bien débarrasser, en prenant comme point de vue la question religieuse — les catholiques de ces professeurs qui ne peuvent pas transmettre ou créer dans leur classe une atmosphère catholique.

J'espère bien que les parents catholiques, comme ceux qui dans le milieu de Montréal sont responsables de l'éducation religieuse catholique, verront à se servir efficacement de cette chance qu'ils ont avec le bill 28 d'avoir des écoles et des classes où les titulaires qui se disent catholiques seront aussi des catholiques éprouvés dans leur vie.

M. CHARRON: Est-ce que le député de Jacques-Cartier me permet de lui poser une question?

M. SAINT-GERMAIN: Certainement.

M. CHARRON: Effectivement, M. le Président, le député de Jacques-Cartier a assisté à toutes les séances de la commission parlementaire. Les interrogations qu'il vient d'émettre m'incitent à lui poser la question suivante: Est-ce qu'il serait prêt à accepter un amendement au projet de loi qui donnerait des pouvoirs de décision aux parents en ce qui touche toutes les modalités affectant la confessionnalité à l'intérieur des écoles?

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, avec le bill qui existe présentement et surtout avec les modifications qui ont été apportées dernièrement par le ministre, je crois qu'en fait les parents auront assez d'influence, pourront voir à ce que leurs professeurs et leur directeur soient catholiques, et je leur dis: surtout à cause de la structure même du bill.

Les commissaires d'écoles qui seront élus seront responsables de leur administration directement aux parents. Les commissaires d'écoles, si les parents sont assez vigilants, sensibilisés aux problèmes — parce que le bill leur fait confiance — nécessairement devront en fait tenir compte des avis des parents catholiques au niveau des classes comme au niveau des écoles. Je vois difficilement — et j'ai été commissaire d'écoles dans le passé — comment un commissaire responsable aux parents pourrait se moquer d'eux ou prendre à la légère leur façon de voir lorsqu'il est directement responsable à eux. Je ne crois pas d'ailleurs que les grandes garanties de chaque citoyen soient dans les lois, bien spécifiques, comme telles. Il faut faire confiance à la population, aux parents. Si les parents sont sensibilisés, comme je le disais tout à l'heure, à ces problèmes, leur volonté passera; mais, s'ils jouent un rôle passif, aurions-nous la meilleure loi au monde,...

M. AUDET: Le député me permettrait-il une question?

M. SAINT-GERMAIN: ... leur opinion ne pourrait pas passer. Allez-y.

M. AUDET: Dans le passé, dans les commissions scolaires confessionnelles, vous avez admis vous-même qu'il existait des professeurs qui étaient contre le catholicisme ou l'enseignement de la religion dans les écoles; c'est ce que vous disiez tout à l'heure?

M. SAINT-GERMAIN: Oui.

M. AUDET: Comment prétendez-vous qu'avec des commissions scolaires neutres vous aurez plus d'attention aux avis des parents?

M. SAINT-GERMAIN: Ce qui arrive, M. le Président, c'est que, je ne sais pas si c'est nouveau pour le député, mais il y a des contrats de travail. Il est très difficile pour un employeur, surtout lorsque les gens sont syndiqués, de demander à un professeur s'il est catholique ou protestant, s'il pratique la religion ou pas. C'est une question qui, dans notre contexte, ne se pose pas.

Il y a des gens qui, aujourd'hui, dans les écoles catholiques de Montréal, ne sont pas catholiques mais il n'y a pas d'écoles neutres. Alors, s'ils n'enseignent pas en français dans les écoles de Montréal, où enseigneront-ils?

C'est une perte d'emploi. Ils ne sont même pas capables d'exercer leur profession. Ils sont protégés par leur syndicat et à bon droit. Les employeurs catholiques, les commissaires catholiques de Montréal ne peuvent pas, avec le statu quo, sélectionner leurs professeurs. Bien plus, ils ne peuvent même pas refuser un nouveau professeur, qu'il soit catholique ou non, parce que, si le type veut travailler, il n'a pas à se déclarer protestant ou athée. Il sait qu'en ce faisant il va être refusé. On ne peut toujours pas se permettre, à titre de commissaire, de faire des enquêtes sur les principes religieux des individus.

Mais, avec ce projet de loi, il y aura certainement un nombre considérable de pro-

fesseurs qui ne pratiquent plus de religion qui seront heureux d'enseigner dans des écoles neutres. Je crois que les employeurs et les parents pourront faire les pressions voulues pour que ces soi-disant professeurs ne soient pas responsables d'enfants de foi catholique.

M. le Président, je dois, avant de terminer, féliciter le ministre pour les modifications au projet de loi qu'il a apportées la semaine dernière. C'est le résultat des nombreuses journées que nous avons passées à la commission parlementaire. Ces modifications sont à point. Nous avons dit, au tout début des travaux, que si on voulait à tout prix conserver l'unification, les commissions scolaires uniques, nous étions prêts à apporter toutes les modifications possibles de façon que les droits des minorités dans ces commissions scolaires soient protégés. C'est ce que nous avons fait. Ces modifications, comme je l'ai dit, sont extrêmement importantes, à point, bien adaptées aux nécessités du moment. Je l'en félicite.

Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais aussi développer en quelques mots un autre point de vue. Je crois que les garanties qu'on peut donner par une loi aux droits culturels ou religieux des individus sont valables.

Mais ces droits qu'on leur accorde par législation — même si cela reste important — ne sont pas nécessairement la garantie ultime que ces droits seront respectés. Je crois que la grande garantie qui existe dans Montréal, actuellement, relativement aux droits des minorités, est la mentalité, la façon de vivre, la philosophie, je dirais cette philosophie démocratique, cette tolérance des citoyens de Montréal.

Je ne crois pas que les citoyens de Montréal, quelle que soit leur langue ou leur religion, permettraient que les droits des minorités ne soient pas respectés. Et je crois que c'est là la garantie ultime.

Quelle que soit la perfection de ce bill, si les gens qui sont appelés à travailler à l'intérieur de cette loi ne veulent pas s'entendre, ne veulent pas collaborer les uns avec les autres ou ne veulent pas se faire confiance mutuellement, le système ne fonctionnera pas. Et, aurions-nous une législation boiteuse, si les gens qui seront obligés de travailler ensemble veulent travailler avec coopération, avec une confiance mutuelle, le système fonctionnera. Je dois vous dire tout de même que je suis sensible aux risques que le gouvernement prend actuellement en proposant cette loi. Mais il faut bien que le problème soit résolu. Nous avons remarqué qu'entre les extrémistes d'un groupe et les extrémistes du côté opposé, le gouvernement s'est toujours trouvé au milieu de cet éventail d'opinions qui nous ont été émises.

J'espère, dans l'intérêt de la province de Québec et du pays, que cette loi apportera les bienfaits que nous en espérons, parce qu'elle sera la preuve que les Québécois sont prêts à vivre ensemble, veulent vivre ensemble afin de construire un Québec meilleur, un Québec plus civilisé, où l'échelle des valeurs humaines sera respectée.

C'est l'espoir que je formule parce qu'autrement, pour tout le Québec, cela pourra avoir un résultat extrêmement fâcheux.

M. VEILLEUX: M. le Président, sur une question de privilège, avant que le député de Bourget demande l'ajournement. C'est pour répondre à la question du député de Rouyn-Noranda tout à l'heure. Une demi-minute, M. le Président.

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement...

M. SAMSON: ... j'invoque le règlement. Je n'ai pas posé de question au député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Vous m'avez posé une question pendant mon intervention, et je voudrais...

M. SAMSON: Aucunement. M. le Président, j'invoque le règlement. Je n'ai pas posé de question. H n'y a pas de question de privilège à poser là-dessus.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Etant donné l'heure, M. le Président, je demanderais l'ajournement du débat.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, demain matin, il y aura, à dix heures, au salon rouge, réunion de la commission parlementaire de la Justice. Contrairement à ce qui apparaît en appendice, la commission parlementaire des Affaires municipales, chargée de l'étude du bill 84, Loi constituant la Commission de transport de la rive sud de Montréal, se réunira, non pas à dix heures demain matin, mais à seize heures en la salle 81-A.

M. PAUL: Si le leader me le permet, même si ce n'est pas sous forme de motion, je peux vous dire que nous appuyons la motion que fera le leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Je remercie le député de Maskinongé.

M. LEGER: Moi aussi.

M. LEVESQUE: Ensuite, M. le Président,

demain, nous pourrons continuer l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 28 et nous pourrons aborder, par la suite, l'étude des projets de loi suivants: 86 et 90. Ces deux projets de loi seront probablement appelés, mais pas nécessairement, car nous allons tâcher de libérer le feuilleton des projets de loi suivants: 78, 274, 277, 275 et 93.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au leader?

M. LEVESQUE: Oui.

M. CARDINAL: J'essaie de le suivre avec beaucoup d'attention. Vous avez dit que, si le projet de loi no 28 est terminé, les nos 86 et 90 pourraient venir. Mais est-ce que j'ai compris que, par préférence, les autres viendraient avant?

M. LEVESQUE: C'est que peut-être le ministre des Affaires municipales ne sera pas en Chambre, parce qu'il devra participer à l'étude du projet de loi no 84. Lorsqu'il reviendra en Chambre, nous pourrons revenir à ces lois; tout dépendra du progrès que nous aurons fait dans l'un ou l'autre des nos 86 et 90.

M. CARDINAL: Comptez sur ma collaboration pour le no 86.

M. LEVESQUE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion du leader parlementaire à l'effet que les commissions siègent pendant que l'Assemblée siège est adoptée?

UNE VOIX: En vrac.

M. CHARRON: Une dernière question au leader parlementaire sur l'ordre des travaux. Après l'adoption en deuxième lecture du projet de loi no 28 — ce qui devrait se faire demain — est-ce que le comité plénier va commencer mercredi, jeudi ou vendredi? Quand?

M. LEVESQUE: Il est possible que nous déférions le projet de loi pour étude article par article en commission parlementaire de l'Education.

M. CHARRON: C'est inutile, parce que nous allons reprendre le débat en comité plénier ici.

M. LEVESQUE: Enfin. Nous prendrons nos responsabilités.

M. CHARRON: Vous le savez d'avance, un projet de cette importance-là, ne faites pas le naif. Nous sommes allés dix fois en commission parlementaire de l'Education, le reste du débat va se faire en Chambre. Nous pouvons bien aller tramer en bas, les règlements nous permettent de reprendre le débat en haut.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que le jeune député manque un peu d'expérience.

M. CHARRON: J'en ai suffisamment pour connaître le règlement.

M. LEVESQUE: Je crois qu'il devrait faire attention à l'opinion publique, parce que nous avons un devoir à faire ici. Nous tâchons de le faire avec tout le sérieux, la diligence, la célérité qui s'imposent, mais également avec l'efficacité qui doit être la devise de tout le monde. Si on veut répéter les débats, qu'on le fasse et on sera jugé.

M. CHARRON: Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain quinze heures.

(Fin de la séance à 23 h 1)

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