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(Quatorze heures dix minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Mme le ministre des Travaux publics.
Déclaration ministérielle
Politique d'octroi de contrats gouvernementaux
Mme Jocelyne Ouellette
Mme Ouellette: M. le Président, j'ai le plaisir et
l'honneur de faire part aux membres de cette Assemblée et à la
population du Québec du changement que le gouvernement vient d'apporter
à la politique d'octroi des contrats gouvernementaux.
Les contrats en question touchent notamment l'engagement des firmes
d'ingénieurs-conseils, d'architectes et autres professionels
reliés au domaine de la construction, d'experts en gestion, d'agences de
sécurité, d'entreprises fournissant des services ménagers
et autres services auxiliaires, d'agences de publicité et de services
audiovisuels.
Ces nouvelles procédures ont été adoptées
dans la foulée des autres mesures mises en vigueur par le gouvernement
et qui visent à l'épuration des moeurs politiques au
Québec. Je veux faire allusion, par exemple, à l'adoption de la
loi 2, qui abolissait les caisses électorales occultes, au
règlement régissant la disposition des biens immeubles
excédentaires et à celui qui détermine la procédure
à suivre en matière de location des espaces requis pour les
différents ministères du gouvernement.
Or, il n'est un secret pour personne que l'octroi discrétionnaire
des contrats aux firmes d'ingénieurs-conseils ou aux agences de
publicité amies du régime politique en place, pour ne prendre que
ces quelques exemples classiques, constituait non seulement une occasion de
perpétuer ce qu'on appelait, dans le temps, "le bon patronage", mais
aussi une cause d'inefficacité souvent et de gaspillage des fonds
publics, sans parler des dangers constants de trafic d'influence, d'injustice
ou de corruption que ces pratiques entretenaient.
On sait aussi que ce favoritisme dans l'octroi des contrats constituait
un moyen usuel je pense que ce n'est un secret pour personne de
renflouer les caisses électorales des partis politiques
traditionnels.
Or, dès sa fondation, le Parti québécois institua
un mode de financement populaire et rendu public chaque année. Ainsi, il
resta libre de toute attache et de tout lien et, porté au pouvoir, il
pouvait aisément répondre mieux à son engagement
d'administrer sainement et efficacement les deniers publics.
Les nouvelles procédures de subventions de ces contrats visent
donc à éliminer le favoritisme et l'arbitraire dans l'engagement
des professionnels et des techniciens concernés, ou dans l'allocation de
certains biens en assurant à tous les fournisseurs compétents une
chance égale de fournir leurs services à l'Etat,
indépendamment de leurs bonnes ou de leurs mauvaises relations
politiques partisanes.
Outre cet objectif d'équité, cette réforme
administrative vise à rendre plus efficaces et moins onéreux les
services et les biens ainsi requis.
En effet, au lieu d'être fondées sur des motifs plus ou
moins obscurs et sans référence à des critères
rigoureux de sélection, les nouvelles méthodes d'octroi des
contrats mentionnés reposent sur un système de qualification
adéquate des fournisseurs, sur une concurrence entre les meilleurs
d'entre eux par la tenue de concours lorsqu'il y a lieu et par ceci est
très important l'évaluation de leur performance.
Finalement, comme troisième objectif, la réforme
adoptée vise à assurer une répartition régionale
adéquate des contrats, de même qu'une juste distribution entre les
fournisseurs de taille petite ou moyenne et les grandes entreprises dans
plusieurs domaines de l'activité, notamment en ce qui a trait au
génie conseil.
Maintenant, pour atteindre ces objectifs, nous avons demandé au
service général des achats du ministère des Travaux
publics et de l'Approvisionnement, compte tenu de son expérience et de
sa compétence, de mettre sur pied sept fichiers de fournisseurs
englobant tout l'éventail des services requis par l'Etat: services
d'ingénieurs, d'architectes, d'entretien de routes et des
édifices également, de déneigement de terrains et de
stationnement, de production audio-visuelle et d'art graphique de promotion
publicitaire, etc.
Toute firme intéressée à fournir ses services au
gouvernement doit s'inscrire au fichier central des fournisseurs. Cette firme
doit avoir une place d'affaires au Québec et offrir des garanties
minimales d'aptitude, d'expérience et de compétence.
Chaque réalisation, chaque exécution de contrat sera
d'ailleurs suivie d'un rapport d'évaluation de la qualité du
rendement de l'entreprise, notamment sur le respect du mandat, de
l'échéancier et du budget.
Le fichier a été aussi élaboré sur une base
régionale et dans la plupart des cas la préférence est
accordée aux fournisseurs d'une région donnée de
façon à favoriser le maintien et le développement
d'expertise locale et aussi d'encourager le développement
d'infrastructures et d'industries régionales.
Le choix d'une firme pour l'exécution d'un contrat donné
sera dorénavant fait par l'ordinateur qui triera au sort, parmi les noms
des firmes inscrites dans la catégorie recherchée, celle qui se
verra octroyer le mandat. Dans le cas des contrats plus
importants, exemple le centre des congrès de Montréal, un
régime de concours a été institué. Des firmes,
préalablement sélectionnées par l'ordinateur ou par appel
d'offres public, soumettent leur candidature à un comité de
sélection qui choisit les fournisseurs les plus susceptibles de mieux
remplir le mandat en utilisant une grille d'évaluation de leurs
qualifications, puis un jury indépendant déterminera le gagnant
du concours après un examen sérieux des propositions
reçues. Toutes les précautions raisonnables ont été
prises pour garantir la confidentialité, l'objectivité et
l'honnêteté du nouveau processus.
Le fait que le gouvernement ait confié la responsabilité
de ce fichier au ministère des Travaux publics, donc à la
Direction générale des achats, et que l'intervention
discrétionnaire du personnel politique ait été
éliminé, pour la première fois, du choix des fournisseurs
démontre bien notre résolution et constitue ainsi des garanties
supplémentaires à cet égard. En définitive, c'est
à l'épreuve de l'usage que se vérifiera
l'efficacité de la réforme. Compte tenu de son caractère,
je pense, inédit, il faudra sans doute y apporter des ajustements en
cours de route, mais avec la collaboration de tous cette réforme
permettra non seulement de mettre un terme définitif à des
pratiques anciennes au fond humiliantes mais constituera un
instrument de gestion fiable et équitable et un progrès
absolument irréversible.
La nouvelle procédure est officiellement en vigueur depuis le 16
octobre de cette année. Ainsi, chaque entrepreneur ou travailleur
autonome ou chaque entreprise, petite, moyenne ou grande, et cela dans toutes
les régions du Québec, a une chance égale d'obtenir un
contrat du gouvernement s'il s'inscrit au fichier central des fournisseurs.
Après 18 mois de travail, M. le Président, et
également, après 18 mois de consultation, nous pensons que le
défi est relevé. La saine efficacité administrative
recherchée par le gouvernement du Parti québécois pourra
enfin se concrétiser dans ce domaine fort important que constitue
l'octroi des contrats gouvernementaux. J'en suis profondément
convaincue, chacune des parties impliquées le gouvernement, les
différentes firmes, la population saura apprécier les
nouveaux bénéfices de cette nouvelle procédure. (14 h
20)
Une Voix: Très bien.
Le Président: M. le député de Laurier, vous
avez maintenant la parole.
M. André Marchand
M. Marchand: M. le Président, le ministre des Travaux
publics et de l'Approvisionnement vient de rendre publique une politique que le
ministre qualifie pompeusement de politique nouvelle concernant l'attribution
des contrats du gouvernement. Ce que le ministre vient d'annoncer ressemble
beaucoup plus à du tape-à-l'oeil. Aussi pures que puissent
être les intentions du ministre, il ne se trouvera pas un
Québécois pour croire que le beau, le bon, le bien et la vertu
sont la propriété et l'apanage exclusifs du Parti
québécois et des péquistes en particulier. Il ne faut tout
de même pas prendre les Québécois pour des naïfs. Le
monde n'a pas commencé d'exister avec l'arrivée au pouvoir du
Parti québécois. C'est le Parti libéral du Québec
qui a instauré le système des soumissions publiques et qui a
bâti la fonction publique québécoise. C'est le Parti
libéral du Québec qui a réformé le service des
achats dont le ministre dit vouloir aujourd'hui se servir. C'est le Parti
libéral du Québec qui a fait adopter la Loi de l'administration
financière et a créé le Conseil du trésor.
D'ailleurs, de 1960 à 1966, l'actuel premier ministre et, de 1976
à aujourd'hui, le gouvernement péquiste se sont, semble-t-il,
fort bien accommodés de la situation. C'est injuste de laisser entendre,
comme l'a fait le ministre, que tout ce qui s'est fait dans le passé
était mauvais.
Un simple exemple, la baie James. Avant les élections, le Parti
québécois dénonçait, dans les termes qu'emploie
aujourd'hui le ministre, le projet de la baie James. Après les
élections, le ministre péquiste de l'énergie a dit qu'il
s'agissait de la meilleure décision du gouvernement Bourassa.
Aujourd'hui, le Parti québécois n'a que des éloges pour la
baie James. Ce sont, Mme le ministre, les mêmes ingénieurs et les
mêmes firmes de construction qui y travaillent toujours. Comment
pouvez-vous laisser entendre maintenant que ces gens, parce que recrutés
par l'ancien gouvernement, étaient des incompétents?
D'ailleurs, comment se fait-il que cette déclaration du ministre
survienne aujourd'hui? Comment avez-vous procédé depuis deux ans
dans l'octroi des contrats? On sait déjà très bien comment
vous avez agi dans le domaine de la publicité. Chaque mois, à
chacun des contrats de publicité, à la commission des engagements
financiers, nous, de l'Opposition officielle, nous posons des séries de
questions. Les quelques réponses que nous avons reçues jusqu'ici
nous permettent de constater plusieurs phénomènes: 1) Les
mêmes membres d'un jury de sélection se retrouvent sur
différents jurys; 2) Les critères de sélection, toujours
très arbitraires; 3) Le fichier tire au sort presque toujours les
mêmes noms; 4) Les critères, objectifs dit-on, font que les
mêmes firmes sont toujours choisies pour les contrats importants et, les
autres firmes pour les petits contrats.
En un mot, nous pouvons affirmer que le slogan à saveur
péquiste soumis par une firme est à peu près le seul
critère valable pour obtenir un contrat de publicité. Le ministre
dit vouloir éliminer d'un trait le bon patronage. Comment expliquer que,
depuis deux ans, au moins une trentaine de personnalités
péquistes et des candidats péquistes défaits trouvent,
comme par hasard, des emplois dans les hautes sphères du gouvernement ?
En voici quelque trente exemples et plus, M. le Président. Tout n'est
pas découvert. Il y en a d'autres qui s'en viennent.
Que le ministre dise simplement, sans charriage partisan, ce qu'il veut
faire. Nous n'hésiterons pas à l'appuyer lorsqu'il aura raison.
L'excès de vertu du ministre d'aujourd'hui est déjà bien
trop suspect pour que l'Opposition officielle cesse d'exercer une surveillance
constante des gestes du présent gouvernement en matière de
contrats et d'engagements.
Si nobles que soient les intentions du ministre, il a donné
à sa déclaration une telle dose de partisanerie que,
jusqu'à preuve du contraire, nous mettrons sa déclaration
d'aujourd'hui au compte de la propagande référendaire.
Voilà.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Habituellement,
lorsqu'il y a une déclaration ministérielle, on s'affaire, on
court, on essaie de trouver des arguments pour aller à l'encontre de la
déclaration ministérielle, mais, cette fois-ci, M. le
Président, je dois vous avouer que nous n'avons pas été
pris au dépourvu du tout.
Depuis le 24 novembre 1977, le ministre des Travaux publics faisait
parvenir une lettre à tous les membres de l'Assemblée nationale
leur annonçant la formation d'un fichier central de fournisseurs. On
nous a fait parvenir ensuite la documentation.
Le 5 novembre 1977, le ministre de Belleval dit: L'ordinateur remplacera
le bon vouloir du prince. Un CT a été adopté, le 14
février 1978, donnant exactement les critères que le ministre
nous annonce aujourd'hui. Puisque le ministre prend la peine de faire une
déclaration ministérielle sur ce sujet, alors que cette politique
est censée être en application depuis le mois de février
1978, c'est déjà avouer à la face du public, à la
face de la population du Québec que cette politique n'a pas
fonctionné puisqu'il veut la relancer une deuxième fois.
Quand il dit que cette politique aura son effet à force d'usage,
je pense que, déjà, l'échec est constaté, à
moins que Mme le ministre veuille faire du "vedettariat" à la
télévision, devant la population du Québec; c'est autre
chose.
M. Jolivet: Cela te permet de parler.
M. Fontaine: On a déjà eu l'occasion de le dire
à plusieurs reprises, tout le monde est pour la vertu, tout le monde est
pour les mesures qui favoriseront une administration publique plus saine et
plus responsable. Mais la question qu'il faut se poser est la suivante: Outre
le verbiage politique et partisan et le "pétage" de bretelles, est-ce
que cette politique c'est difficile à dire dans votre cas...
Des Voix: "Pétage de jarretières".
M. Fontaine: ... "pétage de jarretières". Est-ce
que cette politique d'octroi de contrats gouver- nementaux nous offre
suffisamment de garanties d'objectivité et d'impartialité pour
nous convaincre que ces nouvelles structures ne se résument pas en
pratique à une façade de transparence? Je ne suis pas prêt
à accepter l'affirmation gratuite du ministre que ces nouvelles
structures élimineront du jour au lendemain ce qu'elle appelle le bon
patronage. Je vous donne encore une fois comme exemple les nombreux contrats de
publicité qui ont été accordés à la firme
Cossette et Associés, et surtout celui qui a été
accordé lors de la mise en vigueur de l'assurance-automobile. Je ne suis
pas prêt à accepter l'affirmation gratuite du ministre sur ces
nouvelles structures, qu'elles aboutiront assurément à une
meilleure administration de la part des gestionnaires de l'Etat et qu'elles
diminueront le gaspillage. Si l'on veut éliminer le gaspillage
j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à la
commission des engagements financiers où le vice-président du
Conseil du trésor siège est-ce que la première
réforme qui s'impose n'est pas d'abord de mieux utiliser le personnel
professionnel et de soutien à l'emploi du gouvernement, à l'heure
actuelle, avant de recourir à des gens de l'extérieur?
Combien de fois le gouvernement péquiste, alors qu'il
était dans l'Opposition, a-t-il réclamé de la part du
gouvernement du temps un engagement ferme et précis dans ce sens? Or, on
ne retrouve rien de cela dans la déclaration du ministre qui nous
indique une volonté claire de réduire au minimum le recours
à des gens de l'extérieur de la fonction publique, qui aurait
pour but, non seulement d'en arriver à une utilisation plus rationnelle
du personnel déjà en place, mais aussi qui contribuerait
grandement à revaloriser aux yeux de la population et au sein même
de la fonction publique le rôle des fonctionnaires eux-mêmes. (14 h
30)
M. le Président, le ministre déclare que la réforme
adoptée vise à assurer une juste distribution entre fournisseurs
de taille petite ou moyenne et les grandes entreprises dans plusieurs domaines
d'activité, notamment en ce qui a trait aux génies-conseils.
Comment cette juste distribution peut-elle être faite par un ordinateur?
En parlant d'ordinateur, je pense qu'on peut affirmer qu'il s'agit là de
la marque de commerce du Parti québécois depuis qu'il est
arrivé au pouvoir: la déshumanisation de notre administration.
C'est cela, le gouvernement péquiste actuel.
On peut vous donner comme exemple, M. le Président le
ministre du Travail pourrait peut-être se lever et le dire lui aussi
combien on a vu d'étudiants non placés ou mal
placés lors du placement étudiant de l'été dernier,
combien les étudiants ont eu à souffrir cette
déshumanisation d'un ordinateur. C'est la même chose dans le cas
du placement dans l'industrie de la construction. C'est également un
ordinateur qui travaille dans ce domaine. Or, M. le Président, comment
un ordinateur peut-il faire ce que les humains font normalement?
Le ministre nous dit que chaque réalisation, chaque
exécution de contrat sera suivie d'un rapport d'évaluation de la
qualité de rendement de
l'entreprise, notamment sur le plan du respect du mandat, des
échéanciers et du budget. Les questions qu'il faut poser au
ministre sur cette affirmation sont: Qui va faire l'évaluation de
l'exécution de ces travaux?
M. Bellemare: Le PQ...
M. Fontaine: Le personnel politique va-t-il être exclu de
cette évaluation? Le ministre n'en a pas parlé.
Mme Ouellette: Oui, je l'ai dit.
M. Fontaine: Est-ce que ces évaluations vont être
rendues publiques ou gardées secrètes? C'est là qu'on va
voir la transparence du gouvernement. On parle également de donner des
contrats, le plus possible, dans les régions. Les régions, M. le
Président, qu'est-ce que c'est? Est-ce que c'est la région
administrative? Est-ce que ce sont les régions qui sont définies
par le règlement de placement dans la construction? Si c'est ça,
il va y avoir des pleurs et des grincements de dents un peu partout, comme il y
en a actuellement sur le règlement de placement dans la
construction.
Ce sont toutes des questions, M. le Président, qu'il faut poser
au ministre et auxquelles, j'espère, elle saura répondre.
En guise de conclusion, M. le Président, je voudrais vous dire
ceci: Même si le gouvernement établit des critères, qu'il
les respecte, mais qu'une fois que le contrat est octroyé, il change
continuellement les plans, comme ça se fait actuellement... On a des
gens qui manifestent ici, en avant du Parlement, parce qu'à Sorel, au
CEGEP Bourgchemin, ça fait trois fois qu'on change les plans. On a
payé $500 000 aux architectes pour faire ces plans. Si le gouvernement
change continuellement ses plans, comme ça se fait actuellement, pour
faire souffrir des enfants, des professeurs et des parents, je pense, M. le
Président, que même si le gouvernement veut appliquer une
politique telle que celle qu'il nous annonce aujourd'hui, ça ne changera
absolument rien dans le domaine de la meilleure administration. Si le
gouvernement pouvait accepter de mieux administrer au lieu de faire de la
petite politique, je pense que les Québécois seraient beaucoup
mieux servis qu'actuellement.
Une Voix: Très bien.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: J'aurais quelques commentaires si j'ai le consentement de
la Chambre, M. le Président.
Evidemment, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt la déclaration de l'honorable ministre qui nous a
fait un énoncé en vue d'épurer les moeurs politiques afin
de rétablir les chances égales et de mettre un terme au
favoritisme, en quelque sorte au patronage.
Je pense qu'il ne faut quand même pas être naïf. Il ne
faudrait pas rêver en couleur. Dans le domaine des soumissions, c'est une
chose, mais, lorsqu'il s'agit de faire affaires avec des firmes, avec des
organismes dont les tarifs sont établis à l'avance, cela devient
de plus en plus difficile.
On parle d'établir des normes. On parle d'établir un
système de fichier central auquel les ingénieurs, les conseillers
spéciaux, les firmes de publicité pourront s'inscrire. Par la
suite, parce qu'il faudra, évidemment, que quelqu'un choisisse, on nous
dit que c'est l'ordinateur qui choisira. C'est du nouveau. C'est du nouveau,
mais je voudrais me référer un peu, parce que j'endosse les
propos de mon collègue, le député de Nicolet-Yamaska,
à une expérience malheureuse qu'on a vue dans le domaine du
placement étudiant. Ce sont les ordinateurs qui ont choisi. Alors, cela
m'inquiète un peu et je crains que ce ne soit tout simplement une belle
couverture, bien qu'on soit évidemment animé par des beaux
principes, des principes à la recherche d'idéaux, de façon
à ne plus jamais avoir de reproches. Mais il ne faut pas oublier, non
plus, que le gouvernement a le mandat de gouverner et gouverner, cela veut dire
également qu'il faut choisir à un certain moment. Il faut prendre
ses responsabilités et la population a à juger ce gouvernement
à l'occasion de campagnes électorales.
Alors, j'ai tendance à interpréter ce geste comme une
démission. On se cache derrière des structures et on se cache
derrière des ordinateurs. Je dirais, en terminant: Comme ce sont les
ordinateurs qui vont décider, il faudra peut-être permettre aux
ordinateurs de se présenter aux prochaines élections et de se
faire élire.
Le Président: Mme le ministre des Travaux publics, pour
exercer votre droit de réplique.
Mme Jocelyne Ouellette
Mme Ouellette: II est bien évident, M. le
Président, que je ne m'attendais pas que l'Opposition allait comprendre
d'un seul coup. Ecoutez. Il est évident que c'est un tout nouveau
système. Il est évident que les pratiques, les moeurs qu'on a
connues au Québec... Je pense que plus d'un Québécois sait
ce dont je parle et vous autres aussi, dans le fond, vous savez ce dont je
parle. Il fallait quand même en arriver à réglementer
plutôt que de donner de façon discrétionnaire des contrats
à qui bon nous semble et je l'ai souligné tantôt
sans critères, sans normes rigoureuses.
Nous avons choisi, M. le député de Beauce-Sud, d'allouer
les contrats et c'est notre choix de façon
équitable plutôt que de façon arbitraire. Je ne vous dis
pas que la formule est une formule magique. Je ne vous dis pas que c'est
parfait et complet, je vous dit que c'est la première fois qu'un
gouvernement au Québec, parce qu'il est libre... Nous sommes
arrivés au pouvoir libres de toute attache. Je comprends qu'il est
difficile... Je pense que cela fait mal.
M. Mailloux: Je vous comprends.
Mme Ouellette: Je comprends que vous ne puissiez pas comprendre
qu'un parti politique arrive au pouvoir libre de toute attache parce que des
militants, pendant des années, se sont arraché le coeur à
aller solliciter, lors de campagnes de financement propres, des militants et
des sympathisants, et cela à travers tout le Québec, pour garder
leur parti, qui maintenant est au pouvoir, libre de toute attache. C'est
nouveau, je comprends que vous ne puissiez pas saisir cela tout à fait
d'un seul coup, mais c'est le cas. Je n'en veux pas non plus au
député de Laurier. Avec l'expérience qu'il a eue des
campagnes et du pouvoir dans le temps, je pense que cela se passe de
commentaire.
M. Marchand: Du temps de votre premier ministre?
Mme Ouellette: Je vous soulignerai...
M. Lavoie: Une question de privilège, M. le
Président. Au nom du député de Laurier, je crois que le
ministre est juste, parce que le député de Laurier a
été l'organisateur politique du premier ministre.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
à l'ordre, s'il vous plaît! Mme le ministre, vous pouvez
poursuivre.
M. Marchand: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Laurier, à l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! Mme le ministre si vous voulez poursuivre.
Mme Ouellette: Si j'étais à la place de
l'Opposition, contrairement à leur attitude, je me réjouirais
parce que, indépendamment de la couleur politique des architectes, des
ingénieurs, des gens qui veulent offrir leurs services au gouvernement,
ils peuvent passer par le fichier central, s'inscrire. L'accent est mis sur la
compétence, sur la facilité...
M. Blank: Oui, mais qu'est-ce qui va arriver après?
Mme Ouellette:... à remplir une commande. Ce sont
là, finalement, les critères. J'ai bon espoir qu'un bon jour, et
avant longtemps, vous comprendrez. Cela va venir avec le temps. (14 h 40)
Quant au député de Nicolet-Yamaska, je vous remercie
d'avoir fait la nomenclature des nombreux documents que j'ai fait parvenir aux
députés de l'Assemblée nationale. C'éait un
état des rapports que je vous ai transmis. Je dois dire que plusieurs
fichiers, notamment au niveau de la publicité, sont en service depuis
mai dernier, et cela va très bien, merci. Au 16 octobre, les autres
fichiers sont en service.
Alors, ce que je voulais simplement souligner aujourd'hui, c'est que
c'était vraiment, à mon avis, une mission accomplie. Je vous
soulignerai également que bon nombre de fonctionnaires font des travaux
dits en régie. Mais, quand le gouverne- ment alloue entre $300 millions
et $400 millions pour à peu près 5 millions de contrats, je pense
qu'il est assez difficile de grossir la fonction publique et de demander que
tous ces contrats soient produits en régie. Le ministère des
Travaux publics, à lui seul, alloue 860 contrats annuellement pour un
montant de $15 millions et on n'a pas les fonctionnaires nécessaires
on en a suffisamment dans le moment pour tout faire en
régie et aller ailleurs également sur les chantiers de
construction pour tout construire.
Le Président: Je vous demanderais de tirer les
conclusions, s'il vous plaît.
Mme Ouellette: Egalement, le ministre de l'Education
pourra poursuivre on parlait du placement étudiant; c'est bien
différent. On informe et on invite les professionnels ils ne sont
pas obligés ceux qui veulent faire affaires avec le gouvernement.
Je me suis fait dire à plus d'une reprise, lors de rencontres avec ces
dits professionnels que dans le passé ce n'est un secret pour
personne, passez-moi l'expression souvent les firmes ou les
professionnels c'est ce qu'ils m'ont dit étaient
obligés de se prostituer devant un député ou un ministre
pour avoir un contrat. C'est fini, ce temps-là. On va allouer les
contrats, maintenant de façon équitable.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, en vertu de l'article 96 de
notre règlement, je voudrais tout simplement rétablir un fait. Je
n'ai jamais dit que le gouvernement devrait grossir la fonction publique, mais,
bien au contraire, utiliser au maximum le potentiel des fonctionnaires en
place.
Mme Ouellette: C'est ce qu'on fait. Le Président: A
l'ordre, s'il vous plaît!
Dépôt de documents.
M. le ministre d'Etat délégué à
l'énergie.
Nous en sommes au dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport de la Régie de
l'électricité et du gaz
M. Joron: M. le Président, j'ai le plaisir de
déposer le rapport annuel 1976/77 de la Régie de
l'électricité et du gaz.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
des Transports.
Rapport de la Société des traversiers du
Québec
M. Lessard: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport annuel de la Société des traversiers du
Québec pour l'exercice terminé le 31 mars 1978.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
Rapport de la commission ayant entendu
les mémoires concernant le projet de
règlements relatifs aux exploitations
de production animale
M. Gendron: M. le Président, conformément aux
dispositions de notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le
rapport de la Commission élue permanente de la protection de
l'environnement qui a siégé les 17, 18 et 19 octobre 1978, aux
fins d'entendre les mémoires concernant le projet de règlements
relatifs aux exploitations de production animale.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Projet de loi no 83
Première
lecture
M. Charron: M. le Président, je voudrais solliciter de la
part de mes collègues de l'Opposition leur consentement à ce
qu'un projet de loi qui est aujourd'hui en appendice puisse être
déposé dès aujourd'hui en première lecture. A mon
nom.
Le Président: De quel projet de loi s'agit-il, M. le
leader parlementaire?
M. Charron: Du projet de loi 83 qui est en appendice, le tout
premier en appendice aujourd'hui, M. le Président.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au
dépôt de ce projet de loi?
M. Lavoie: Oui, M. le Président, nous offrons notre
collaboration habituelle.
M. Bellemare: Comme toujours, M. le Président, nous
acquiesçons à vos désirs.
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement
propose la première lecture de la Loi modifiant la Loi constituant la
Régie des installations olympiques.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, le projet de loi 83 a
principalement pour objet d'attribuer à la Régie des
installations olympiques la propriété du centre
Paul-Sauvé, à Montréal, et de lui conférer le
pouvoir d'exploiter les installations qui y sont situées. Il autorise de
plus la régie à fournir des services reliés à son
savoir-faire dans les domaines reliés à ses activités.
Enfin, le projet complète et modifie certaines dispositions relatives
à l'organisation interne et au personnel de la régie.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Lavoie: Adopté, M. le Président. Le
Président: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Je voudrais simplement apporter une
correction. Par inadvertance, j'ai mentionné que c'était une
présentation du leader parlementaire du gouvernement, alors que j'aurais
dû dire qu'il s'agit du ministre délégué au
Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports.
Deuxième lecture, prochaine séance ou séance
subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales. M. le député de
Portneuf.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Relations de travail et climat social
M. Pagé: M. le Président, ma question d'aujourd'hui
est relative au climat dans les relations de travail et au climat social en
général au Québec. Le premier ministre en sait
certainement quelque chose, à la façon dont il a
été chahuté en fin de semaine, à
Montréal.
Ma question: Au cours de la dernière campagne, le Parti
québécois s'était engagé...
Le Président: M. le député de Portneuf, vous
avez une longue expérience parlementaire, vous savez quelle doit
être la formulation utilisée pour les questions. Je vous demande
de ne pas élargir le débat. Vous provoquez des remous inutiles
à ce moment-là. M. le député de Portneuf, on vous
entend. La question, s'il vous plaît!
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'en étais
à dire qu'au cours de la dernière campagne électorale le
gouvernement s'était engagé à améliorer le climat
des relations de travail au Québec. Or, il y a de très nombreux
conflits de travail qui ont été marqués par de la violence
et ce récemment. Qu'il nous suffise d'énumérer la
Commonwealth Plywood où il y a eu un incendie et des centaines de
milliers de dollars de dommages, le conflit de la Kenworth, qui est
heureusement réglé maintenant, où on a eu pour $120 000 et
plus de dommages, la compagnie Murdock à Mistassini où on a eu un
incendie...
M. Tremblay: Ah! C'est un discours que vous voulez faire.
M. Pagé: J'arrive à ma question, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Portneuf, vous
abusez un peu de ma générosité. La semaine
dernière, je vous ai laissé vous étendre et refaire tout
le procès des relations de travail au Québec. Je vous demande de
vous limiter un peu dans votre question.
M. Pagé: D'accord, M. le Président.
J'apprécie quand même votre générosité. M. le
Président, j'en étais à dire, avant de poser ma question,
qu'il y avait, entre autres, un conflit aussi chez Steinberg, récemment,
où il y a eu des coups de feu. J'aimerais demander au ministre de la
Justice où en sont les enquêtes suite à ces incidents
violents. Y a-t-il eu des plaintes de portées et est-ce que des
condamnations ont résulté de ces plaintes?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, concernant la
Commonwealth Plywood, effectivement, dès que les conciliateurs ont eu
terminé leur rapport, ce rapport a été remis à la
Sûreté du Québec qui effectue, à l'heure actuelle,
une enquête concernant deux choses dont une, entre autres, qu'a
mentionnée le député de Portneuf, à savoir la
possibilité de crime d'incendiat. Il y avait aussi une enquête
concernant la possibilité d'utilisation de fausses cartes, et cette
enquête se continue normalement. Si cette enquête aboutit à
l'obligation de porter des plaintes, elles seront portées, comme nous le
faisons dans tous les dossiers.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je me dois
d'interpréter la réponse du ministre comme voulant dire qu'aucune
plainte n'a été portée jusqu'à maintenant dans les
conflits auxquels j'ai fait allusion dans le préambule...
M. Bédard: Ce n'est pas dur à
interpréter.
M. Pagé: ... qui était justifié pour bien
éclairer la question. J'aimerais demander, en additionnelle, au ministre
de la Justice et j'aimerais vraiment qu'il réponde à la
question; je ne voudrais pas revenir au conflit, mais c'est vrai qu'il y a des
conflits au Québec, c'est vrai qu'il y a des problèmes sociaux et
c'est vrai qu'il y a de la violence. Ces éléments en
témoignent ... (14 h 50)
M. Charron: Question.
M. Pagé: Que le leader du gouvernement soit calme et
serein.
Le Président: M. le député de Portneuf, s'il
vous plaît!
M. Pagé: ... j'aimerais demander au ministre s'il a
reçu le rapport de l'enquête de la commission de police sur les
agissements de la police dans le conflit de la Commonwealth Plywood, et s'il
entend le déposer.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Je n'ai pas reçu ce rapport. Evidemment,
c'est avec plaisir que nous le déposerons lorsque nous l'aurons
reçu. Je pourrais peut-être ajouter, pour répondre à
la question du député de Portneuf, que dans le cas de
Commonwealth Plywood, il est clair que des plaintes n'ont pas été
portées puisque l'enquête n'est pas terminée. Il me semble
que c'est facile à comprendre. Dans le cas de la compagnie Kenworth, les
enquêtes sont terminées et si le député suivait un
peu l'actualité, il serait à même de constater que non
seulement le conflit est réglé ce qu'il a mentionné
d'ailleurs mais que les plaintes également ont été
portées en conséquence. Je lui rappellerais peut-être,
lorsqu'il parle du climat dans les relations de travail, non pas une
déclaration d'un membre de ce gouvernement, mais une déclaration
faite en fin de semaine ou au cours de la semaine passée par le
président même de la FTQ, M. Louis Laberge, disant que le climat
s'était grandement amélioré dans les relations de travail,
mais que et c'est normal, on en est conscient il y a toujours
place pour l'amélioration, ce à quoi nous employons nos
efforts.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Enquête sur la crise d'octobre
M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de la Justice aussi et concerne l'enquête interne qu'il a
annoncée il y a plus d'un an et demi sur la crise d'octobre. Cette
enquête dure depuis un an et demi. J'aimerais savoir si la personne
à qui elle a été confiée d'après les
rapports que nous avons, Me Duchaine, je crois a été
investie de pouvoirs d'enquête comme, par exemple, des pouvoirs
découlant de la Loi des commissions d'enquête, et qui, avec lui,
participe à cette enquête interne.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Effectivement, Me Duchaine, qui était
chargé de cette enquête, a été investi des pouvoirs
qui peuvent être dévolus par le biais de la Loi des commissions
d'enquête. Une partie de son rapport, comprenant environ 1400 pages, a
été remise entre les mains des principaux officiers du
ministère de la Justice. Ce rapport relate, entre autres, les
démarches qu'il a effectuées auprès de différents
corps policiers, entre autres le corps de police de la CUM, la
Sûreté du Québec et d'autres policiers ou d'autres
personnes qu'il a cru bon d'interroger pour remplir son mandat. Ce rapport est
maintenant au ministère de la Justice. Mainte-
nant, il y a toute une partie de cette enquête, quand on parle de
la crise d'octobre, qui nécessite nécessairement des
réponses de la part des autorités fédérales, qui,
comme vous le savez, ont eu un grand rôle à jouer à
l'occasion de la crise d'octobre. Me Duchaine a eu l'assurance, de la part d'un
haut fonctionnaire qui était attaché au Solliciteur
général du temps, M. Francis Fox, que les autorités
fédérales nous feraient parvenir, assez rapidement, les
informations que nous sommes en droit de demander et que nous croyons
nécessaires pour que nous puissions au moins dire, dans un premier
temps, que l'enquête a amplement couvert tous les angles qu'il
était nécessaire de couvrir. Après ça, il y aura
nécessité de faire une analyse de l'ensemble de ce document avant
de procéder, disons, peut-être à une communication publique
de l'essentiel du rapport en question sur la crise d'octobre.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Etant donné que Me Duchaine était
investi des pouvoirs de commissaire-enquêteur en vertu de la Loi des
commissions d'enquête, comment cela se fait-il qu'il n'a pas cru bon,
étant donné qu'il était investi des pouvoirs de
commissaire-enquêteur, d'après ce que je comprends de la
réponse, de tenir des audiences publiques et informer la population sur
le déroulement de son travail? Comment cela se fait-il que,
jusqu'à maintenant, cette enquête a pris l'allure d'une
enquête interne, dirigée directement par le ministre, qui fait
rapport par des communiqués laconiques, comme on dit dans la presse, sur
le déroulement et le progrès de ces travaux? Le ministre ne
croit-il pas qu'il serait bon que la transparence la plus complète
s'installe dans cette enquête?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: La transparence est notre intention et elle
viendra en temps et lieu. Dans un premier temps, et conformément
à ce que nous avions dit, il y avait nécessité de
procéder à une enquête interne. La raison en est
très simple. C'est que je crois que le ministre de la Justice ne doit
pas, simplement pour le plaisir de faire du spectacle ou quoi que ce soit,
ordonner des commissions d'enquête sur n'importe quel sujet. Une
commission d'enquête est quelque chose de très important. Ce n'est
pas un moyen pour aller à la pêche pour avoir des preuves ou faire
un spectacle. C'est avant tout un moyen qu'on emploie lorsqu'il y a
suffisamment d'éléments qui pourraient nous convaincre qu'il y a
nécessité de tenir une commission d'enquête sur les
événements de la crise d'octobre. C'est dans ce sens que j'avais
écrit au premier ministre du pays, M. Trudeau, lui demandant de nous
fournir sa collaboration, qu'il nous avait promise, à savoir de nous
fournir toutes les informations que nous croirions bon de demander afin de
pouvoir, après cela, prendre la décision à l'effet de
savoir si, dans l'intérêt public, il y a lieu de tenir une
commission d'enquête publique sur l'ensemble des événements
de la crise d'octobre.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai une question additionnelle qui serait
évitée si l'enquête était publique. J'en aurais
plusieurs autres, mais je vais poser celle-ci. M. Jacques Rose, dans une
entrevue publiée il y a une semaine ou deux, a dit qu'il y avait 19
membres du FLQ. L'enquêteur a-t-il rencontré qui de droit pour
s'informer de l'identité de ces 19 membres, parce qu'il me semble qu'il
y en a un plus petit nombre qui a été connu lors des
événements d'octobre?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: L'enquêteur, Me Duchaine, a fait un
travail très en profondeur concernant toutes les personnes à qui
il croyait de son devoir de poser des questions et je puis vous dire qu'en
temps et lieu, nous ferons part à la population, s'il y a lieu, de
l'ensemble des résultats de l'enquête qu'il a poursuivie. Je ne
croirais vraiment pas être correct comme ministre de la Justice si je
devais prendre les 1400 pages de rapport qui m'ont été fournies
par Me Duchaine et les porter immédiatement à l'attention du
public sans qu'auparavant il y ait une analyse en conséquence qui ait
été faite. Vous ne vous attendez sûrement pas à
cela.
Elle sera faite à partir non seulement des renseignements qui
nous ont été fournis par Me Duchaine, mais également, je
l'espère, des renseignements qui nous seront fournis par les
autorités fédérales pour ensuite informer la population et
peut-être en arriver à la production d'un rapport public pour
l'ensemble de la population.
M. Lalonde: Une dernière courte question.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quand le ministre a-t-il reçu ce rapport de Me
Duchaine? D'après les journaux, c'est au cours de l'été.
Quand s'attend-il être en mesure de déposer ou de rendre public un
certain rapport, parce que jusqu'ici, il faut l'avouer, nous sommes dans
l'obscurité la plus totale?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: J'ai effectivement reçu vers la fin de
l'été cette première partie du rapport dont je faisais
état tout à l'heure. Je puis vous dire que nous serons
prêts, et avec rapidité, à passer à la
deuxième étape, soit l'analyse du dossier, lorsque nous aurons
reçu les renseignements que doivent nous faire parvenir les
autorités fédérales afin de pouvoir faire la
lumière sur l'ensemble des événements de la crise
d'octobre. Le pire que nous
pourrions faire à ce moment-ci, serait de présenter une
moitié de rapport. Ce n'est pas une moitié de rapport, pardon,
que nous voulons présenter, mais un rapport complet et le tout est
conditionné par la vitesse des autorités fédérales
à nous faire parvenir les renseignements que nous étions en droit
de leur demander.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
Législation sur le zonage agricole
M. Biron: M. le Président, jeudi dernier, j'ai
demandé au premier ministre si la future loi sur le zonage agricole sera
présentée exclusivement sur le zonage agricole ou si ce projet
fera partie d'un plan global d'aménagement du territoire. Je me permets
de citer l'essentiel de la réponse du premier ministre qui disait: "Le
seul élément de réponse que je me sens autorisé
à donner au chef de l'Union Nationale, dans l'état actuel de nos
travaux, c'est qu'il vient justement d'évoquer une des
difficultés auxquelles on s'est heurté et qu'il fallait concilier
deux objectifs." Un objectif, c'est d'arriver à quelque chose de
cohérent dans le secteur de l'aménagement et de l'urbanisme;
l'autre, c'est "d'être sûr que cela peut s'harmoniser en même
temps avec la politique de protection du territoire agricole." Le premier
ministre terminait en disant: "Je suis sûr qu'avant la fin de la session
il y aura des nouvelles concrètes, mais pas reliées directement,
parce qu'il ne faut pas "contusionner" tout le monde (...) Mais il y aura des
premières étapes que, je pense, on peut s'engager à
fournir à l'Assemblée nationale du côté de
l'aménagement et de l'urbanisme, ces deux notions reliées, avant
la fin de la présente session." (15 heures)
Ma question au premier ministre est celle-ci: En ce qui concerne
l'aménagement du territoire, après plus d'un an d'attente et de
discussions sur ce sujet, quelles sont la nature et la portée de ces
nouvelles concrètes dont il nous a parlé jeudi dernier et de ces
premières étapes qui seront fournies à l'Assemblée
nationale avant la fin de la session? S'agira-t-il d'un projet de loi ou
devrons-nous nous attendre à un livre blanc ou à un document de
travail, de consultation ou autrement? A quel moment au juste la bonne nouvelle
qu'il nous a annoncée la semaine dernière d'un plan global
d'aménagement du territoire sera-t-elle officiellement
communiquée?
Le Président : M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): L'essentiel de la réponse
serait ceci, M. le Président. Les nouvelles concrètes dont je
parlais prendront fort probablement la forme d'un projet de loi ou, en tout
cas, au moins d'un avant-projet de loi à partir duquel,
forcément, il y aura une période de consultation, non seulement
ici au Parlement, mais il faut également attendre les réactions
qui vont venir de la population et de la discussion du sujet, parce que c'est
très vaste, il s'agit de tout le territoire et d'une perspective
d'aménagement si on reprend l'adjectif du chef de l'Union
Nationale global.
M. Biron: Question additionnelle au premier ministre.
Considérant que le ministre d'Etat à l'aménagement a
déjà dit que le gouvernement veut revaloriser le rôle des
conseils de comté, est-ce que, dans le projet qu'on va nous
présenter, le conseil de comté va avoir un pouvoir
décisionnel ou consultatif? Et quelle sera la relation ou la concordance
avec le concept d'une politique globale d'aménagement du territoire et
celui qu'on veut nous présenter, à l'heure actuelle, de
protection des sols agricoles? C'est-à-dire qu'on nous présente
une partie de l'aménagement global. Comment peut-on faire concorder tout
cela avec la volonté du gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que, d'ici très
bientôt, c'est mon collègue, le ministre d'Etat à
l'aménagement qui pourra éclairer la lanterne non seulement du
député de Lotbinière, mais de tous les membres de la
Chambre et, je l'espère bien, de l'opinion publique. Je l'ai dit l'autre
jour, il y avait des difficultés d'harmonisation entre les deux lois.
Quand on parle de zonage ou de protection du territoire agricole depuis
des années qu'on en parle il s'agit évidemment de
protéger cette partie du territoire qui constitue ce qui reste en ce
moment, après certains excès de construction c'est le
moins qu'on puisse dire et une bonne période de
spéculation, ce qui reste de nos meilleures terres arables, donc une
partie du territoire. Il faut que tout cela soit harmonisé avec une
politique générale d'aménagement du territoire. Alors, la
première étape concrète qui va venir devant la Chambre, le
plus tôt possible, sera accompagnée d'autres mesures plus ou moins
complémentaires, mais ce sera la protection du territoire agricole et ce
sera suivi d'une façon qui, on l'espère, s'harmonisera on
en est même sûr convenablement, comme perspective, avec
cette protection du territoire agricole. Ce sera suivi, ensuite, à un
moment donné, avant la fin de la session, d'un projet ou d'un
avant-projet, peu importe, mais très précis sur la politique
d'aménagement générale. Est-ce qu'à
l'intérieur de cela il y aura telle ou telle prévision en ce qui
concerne telle ou telle structure, comme, par exemple, les conseils de
comté? Je crois que vraiment il serait prématuré de
répondre; la réponse viendra en même temps que le
projet.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Ma dernière question additionnelle au ministre
d'Etat à l'aménagement puisque c'est lui qui a travaillé,
si j'ai bien compris le premier ministre, sur ce dossier. Est-ce que le
ministre peut nous parler, sans nous révéler ce que sera le
projet de loi ou l'avant-projet de loi, de cette autorité ou de ce que
lui voit pour les conseils de comté, en tenant compte de sa
déclaration vis-à-
vis de l'aménagement du territoire, lorsqu'il a rencontré
les conseils de comté en disant qu'il voulait revaloriser leur
rôle. Donc, quel va être le rôle, d'après lui, des
conseils de comté ou la suggestion qu'il s'attend de nous faire? Est-ce
que le conseil de comté sera véritablement partie dans
l'aménagement du territoire ou s'il sera tout simplement une fois
que la décision sera prise à Québec par le gouvernement
l'administrateur des décisions du gouvernement? Quelles sont les
étapes ou le calendrier que, lui, se fixe pour la présentation de
son plan global?
Le Président: M. le ministre d'Etat à
l'aménagement du territoire.
M. Léonard: J'ai effectivement fait des
déclarations à ce sujet en ce qui concerne l'aménagement
du territoire. J'ai dit depuis longtemps, depuis plusieurs mois que les
municipalités auraient un rôle à jouer dans
l'aménagement du territoire, en urbanisme en particulier, et qu'à
partir des conseils de comté, qui sont une structure que beaucoup de
gens connaissent dans le Québec et auxquels on joindrait les villes, on
pourrait arriver à obtenir une autorité en ce qui concerne la
confection des schémas d'aménagement du territoire. J'ai dit
aussi qu'il ne s'agissait pas de plan global, je l'ai dit à plusieurs
reprises, en ce sens qu'on ne peut pas s'attendre à un projet de loi qui
donne des contenus d'aménagement, mais qui fixe plutôt des
mécanismes de décision par rapport à l'aménagement
du territoire. Il n'est pas question que le gouvernement détermine des
affectations de territoire à l'intérieur d'un projet de loi, mais
plutôt qu'il spécifie les mécanismes, comment toutes ces
décisions vont s'agencer vis-à-vis des affectations de
territoire.
A l'heure actuelle, il y a une consultation qui est en cours avec
l'Union des municipalités du Québec et l'Union des conseils de
comté et nous entendons déposer le plus tôt possible un
projet de loi ou un avant-projet de loi, comme a dit le premier ministre, sur
lequel l'Assemblée nationale pourra se pencher en temps et lieu. Nous
espérons que les travaux iront très rapidement, parce que, compte
tenu du fait que nous voulons protéger les terres agricoles, il reste
que le plus tôt possible on aura des mécanismes valables pour
administrer des problèmes comme celui de la protection des terres
agricoles, le mieux cela sera. C'est dans ce sens que nous nous dirigeons.
Quant à savoir s'il y a un calendrier précis pour réaliser
tout cela, je pense que les événements vont le déterminer
ultérieurement.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Lavoie: Une autre question à l'adresse du premier
ministre. J'aurais besoin d'un éclaircissement additionnel. J'avais cru
comprendre, jeudi dernier, suite à une question du chef de l'Opposition
officielle, que le gouvernement avait l'inten- tion de déposer, de faire
adopter avant Noël le projet de loi sur la protection des terres
agricoles. Aujourd'hui j'ai cru comprendre que le premier ministre voulait
exprimer au nom du gouvernement son intention de présenter un
avant-projet de loi ou un projet de loi pour qu'il y ait consultation. Est-ce
que cet avant-projet de loi concerne l'aménagement du territoire? Est-ce
qu'il s'agit pour le gouvernement de présenter un projet de loi sur la
protection des terres agricoles dès cet automne pour adoption avant les
Fêtes?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La réponse est oui, M. le
Président. Pour l'essentiel, je répète ce que j'ai dit
l'autre jour: En comptant bien sur la coopération de l'Opposition
officielle et des Oppositions parce qu'il s'agit d'un projet qui fait
l'unanimité sur le fond; on pourra discuter beaucoup des
modalités cette question, cette politique de protection du
territoire agricole, qui va exiger de la législation, bien sûr, on
espère bien très concrètement qu'elle puisse être
votée avant les Fêtes. Je pense que tout le monde comprendra que,
pour introduire quelque chose d'assez complexe, quand même qui est
essentiel, mais dont les modalités vont nécessairement être
assez compliquées à mettre en place, c'est mieux de profiter de
la saison froide et c'est mieux de ne pas déboucher sur le printemps qui
est le temps de l'activité agricole maximale. Alors, pour toutes sortes
de raisons, y compris le fait que cela attend depuis des années et aussi
ce fait saisonnier qu'avant les Fêtes l'Assemblée nationale ait eu
la chance de se prononcer et que tout le monde sache où on s'en va,
j'espère bien en effet j'y compte bien et le gouvernement y
compte bien qu'on pourra terminer cette première grande
étape, la protection du territoire agricole, pendant cette
présente session. Le long du chemin, il est fort probable qu'arrivera
sous forme d'avant-projet ou de projet mais ouvert à pas mal plus
de discussions et pendant un bon bout de temps après la session, dans
l'intersession et probablement pendant la prochaine session le
deuxième projet de loi qui, lui, plus globalement, prévoit les
mécanismes que vient d'évoquer le ministre d'Etat à
l'aménagement en ce qui concerne l'ensemble du territoire.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
Négociations avec les dentistes
M. Grenier: M. le Président, j'aimerais d'abord que le
ministre des Affaires sociales qui a dû être informé
des activités qui se déroulent par rapport à l'Association
des chirurgiens dentistes au Québec lors de son retour nous fasse
le point et nous dise ce qui sépare actuellement l'Association des
chirurgiens dentistes de la régie de son ministère. J'aurai, bien
sûr, une couple de questions additionnelles immédiatement
après.
Le Président: Pas trop, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: M. le Président, je pense qu'effectivement
c'est une question de grand intérêt public. Il s'agit d'un
régime partiel qui s'applique aux enfants de moins de quatorze ans et
aux assistés sociaux, la gratuité s'appliquant à ces deux
clientèles. Les négociations avec l'Association des chirurgiens
dentistes, dès le départ je dois le dire bien clairement
continuent au rythme d'au moins deux séances par semaine. Il y a
une séance de négociations ce soir.
L'écart qui sépare les offres gouvernementales des
demandes syndicales des dentistes était de l'ordre de $5 millions
jusqu'à il y a un mois par rapport à une offre globale de $60
millions pour ce régime partiel. Cependant, en septembre, l'Association
des chirurgiens dentistes a décidé pour des motifs que
seule elle peut révéler de faire une troisième
demande qui augmente l'écart de façon très sensible
à $20 millions au lieu de $5 millions.
Je vous rappelle que toutes les clauses normatives ont été
paraphées il y a déjà plusieurs mois, soit en mai dernier.
Ce qui constitue l'essentiel du litige actuellement, c'est évidemment
une question d'argent. L'offre globale, qui est notre deuxième offre
depuis un an deuxième offre modifiée par rapport à
la première, à la hausse évidemment
représente donc une somme globale de $60 millions répartie sur un
total possible de 1500 dentistes, donc une moyenne de revenus possible de $40
000 pour chacun des dentistes qui participeraient au programme.
Je rappelle à cette Assemblée et au public qu'il s'agit
d'un régime très partiel touchant moins de 20% de la population,
soit des assistés sociaux, d'une part, et les enfants de moins de 14
ans. J'explique aussi que cette dernière offre de notre part
représente une majoration sur quatre années de 28,5% soit environ
7% d'augmentation par année, à l'exclusion, cependant, de trois
actes dits de prévention, soit l'application de fluor,
deuxièmement, le nettoyage des dents et, troisièmement,
l'enseignement de l'hygiène dentaire et buccale.
Nous avons décidé l'Association des dentistes
était d'accord avec nous dans un premier temps de réduire
les montants qui étaient accordés pour ces actes de $10 à
$5, ceci dans le but de favoriser la pratique de tels actes qui ne sont pas des
actes qui demandent une grande spécialisation en chirurgie dentaire. Ce
sont des actes qui peuvent être accomplis et qui sont accomplis par des
assistantes dentaires, des hygiénistes dentaires, qui sont actuellement
aussi accomplis dans des milieux autres que strictement dentaires,
c'est-à-dire dans des départements de santé communautaire
d'hôpitaux ou dans les CLSC. Vous voulez que je fasse le point?
M. Lavoie: M. le Président, je pense que c'est un peu
long. Quand même, la période de questions est limitée
à 45 minutes. Si le ministre nous accapare...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, je voudrais simplement souligner que la question était
très vaste et très étendue. C'est pourquoi je vous
demanderais, si vous ne voulez pas avoir de réponse trop vaste et trop
étendue, de réduire la portée de vos questions.
M. Charron: Si vous me permettez, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Comme unique commentaire, je rappellerai à
celui qui vient de soulever la question de règlement que, de son propre
parti, il y a eu une question très importante, la semaine
dernière, de Mme le député de L'Acadie, que le
député de Pointe-Claire a soulevé la question aussi la
semaine dernière, et qu'à nouveau, cette semaine, le
député de Mégantic-Compton le fait. Si on pose autant de
questions, il me semble qu'on doit permettre une réponse.
Le Président: Très bien. M. le ministre des
Affaires sociales, en vous demandant quand même à l'ordre,
s'il vous plaît! d'être le plus concis possible parce qu'il
y a beaucoup de demandes de questions, encore une fois, aujourd'hui.
M. Lazure: Avec plaisir, M. le Président. La
réponse serait terminée s'il n'y avait pas eu cette interruption.
On me dit, que durant mon absence, la question a été
soulevée à quelques reprises, et je pense que le public du moins,
si les partis de l'Opposition ne sont pas plus intéressés, le
public est sûrement intéressé à connaître
l'état de cette question fort importante. Je disais que la moyenne
d'augmentation et c'est ce qui est important à retenir, M. le
Président pour l'ensemble des actes tarifés, sauf ces
trois actes dits de prévention, est donc de 7% par année, et nous
pensons que ces 7% par année sont absolument équitables. Ils
correspondent, par exemple, aux conventions qui ont été
signées avec les optométristes depuis un an, avec les pharmaciens
depuis un an, avec les médecins résidents et internes depuis un
an et aussi, sous le gouvernement antérieur, avec la
Fédération des médecins spécialistes et
médecins omnipraticiens.
Je termine là-dessus, M. le Président, les
négociations continuent. Il est clair qu'il y a un mouvement d'escalade
chez les chirurgiens dentistes. Nous avons reçu les avis de
non-participation, ce qui veut dire qu'à partir de lundi prochain, la
plupart des dentistes, exactement 1400 sur 1600, ne participeraient plus au
régime gratuit de soins dentaires pour les enfants. Nous faisons
actuellement un appel de dernière heure, si vous voulez, à
l'Association des chirurgiens dentistes, lors de cette séance de
négociations ce soir, pour les implorer de ne pas discontinuer les
services à la population enfantine. Je rappelle à la population
et aux partis de l'Opposition que la dentition des Québécois est
à peu près une des pires au monde,
pour toutes sortes de raisons. Si on veut arriver un jour...
Le Président: M. le ministre, je crois que vous commencez
à vous éloigner un peu. M. le député de
Mégantic-Compton, une question additionnelle.
M. Grenier: Ma question...
M. Lazure: Je voudrais quand même expliquer la
non-participation. Jusqu'ici, le désengagement des dentistes signifiait
que les enfants pouvaient être traités, les parents payaient et
étaient remboursés. La non-participation signifierait que les
parents devraient payer et ne pas être remboursés. Alors,
évidemment, toute cette question va être discutée au
Conseil des ministres demain et on avisera en temps et lieu pour d'autres
réponses.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: On a eu beaucoup plus de réponses dans les
quinze dernières secondes durant lesquelles le ministre a parlé
que pendant les huit premières minutes. Le ministre nous a dit
être très positif et je voudrais bien que ce soit vrai
mais l'association des dentistes n'a pas l'air d'être du
même avis, à ce qu'on a su ce matin. Le ministre a dit tout
à l'heure que c'était une chose facile, que les parents
étaient payés par le gouvernement et remettaient l'argent au
dentiste, mais il faut admettre avec plusieurs de nos amis que ce
n'était pas une chose aussi facile que cela, tout le système. Je
l'ai vécu personnellement.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton, s'il vous plaît!
M. Grenier: Vous me permettez trente secondes? Il a pris huit
minutes pour répondre. Je voudrais savoir du ministre si c'est vrai que
cela va bien je suis heureux avec lui mais, si cela devait
accrocher, il arrivera quoi, le 30? Est-ce que le ministre a l'intention de se
servir du pouvoir que lui confère la loi de forcer par décret la
participation des chirurgiens dentistes?
Le Président: M. le ministre, brièvement, s'il vous
plaît.
M. Lazure: M. le Président, je pense que le
député de Mégantic-Compton n'écoutait pas lorsque
je répondais à sa question...
M. Grenier: J'ai très bien entendu.
M. Lazure: ... parce que je n'ai jamais dit que cela allait bien.
Au contraire, au contraire.
Une Voix: Cela va mal.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lazure: C'est sûr que cela va mal. M. le
Président, j'ai dit à la fin de ma réponse que toute cette
question allait être discutée demain, au Conseil des ministres. Le
député de Mégantic-Compton, comme l'ensemble de
l'Assemblée seront avisés à ce moment-là de la
décision du Conseil des ministres.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Marchand: Les solutions sont dans l'ordinateur.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Laurier, est-ce que vous pourriez laisser votre
collègue de droite formuler une question?
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Politique d'habitation
M. Scowen: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre des Affaires municipales. Pendant la fin de semaine, M. Ronald
Duhaime, le directeur du PAQ, une organisation qui regroupe à peu 250
000 citoyens du Québec qui habitent les vieux quartiers de nos villes, a
sévèrement critiqué la politique d'habitation du
gouvernement. Ma question est en deux volets, M. le Président. Pourquoi
le ministre refuse-t-il de donner suite aux propos du livre blanc qui a
été publié il y a un an et de répondre aux demandes
du PAQ, de M. Duhaime? Celui-ci disait, et je cite; que "les citoyens
québécois sont les victimes d'une politique permettant des
démolitions complètement inutiles, des augmentations de
coûts de loyer vertigineuses et la pénurie de logements à
bon marché".
Le ministre peut-il dire que la raison serait qu il y a d autres
priorités dans son ministère ou qu'il y a un conflit
ministériel? Quelles sont les vraies raisons?
La deuxième question est celle-ci: Quand allons-nous voir le
dépôt du projet de loi qui fera suite à ce livre blanc, qui
date déjà d'un an, sur une question très importante, qui
répondrait à ce livre blanc et aussi, je dois le mentionner, aux
promesses électorales du Parti québécois qui datent
déjà de deux ans?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Tardif: J'espère que l'Opposition réalisera qu
il y a au moins deux questions là-dedans et qu'elles sont très
vastes.
M. Picotte: II y a deux volets.
M. Tardif: En ce qui concerne le colloque qui a eu lieu et qui a
constitué une certaine condamnation des PAQ (Programmes
d'amélioration de quartier), je dois dire au député de
Notre-Dame-de-Grâce, au cas où il ne le saurait pas, que ces
programmes n'existent plus. Ils sont périmés depuis le 31 mars
1978 à la suite d une décision
unilatérale de la Société centrale
d'hypothèques et de logement et du gouvernement fédéral
qui a refusé de reconduire ces programmes...
Des Voix: Ah, ah!
M. Tardif: ... et qui, d'ailleurs, veut mettre un terme à
deux autres programmes d'aide aux municipalités...
Des Voix: Oh, oh!
M. Tardif: ... pour les fusionner dans un nouveau programme, mais
au sujet desquels on nous a dit qu'ils feraient partie des coupures qui ont
été annoncées, si bien qu'on ne sait pas exactement
l'argent qui sera disponible pour les fins d'amélioration de
l'habitation. (15 h 20)
Ceci dit, c'est vrai qu'il faut continuer la rénovation des
centre-ville. D'ailleurs, même au moment où les programmes PAQ
n'étaient pas discontinués, j'avais insisté auprès
des municipalités pour qu'elles ne démolissent pas
systématiquement, comme parfois on avait eu tendance à le faire
dans le passé, qu'elles ne rasent pas véritablement un quartier.
Pour le conserver, on devait justifier à chaque fois les
démolitions qu'on devait faire.
Dans la mesure où c'est vrai que les programmes dits de services
communautaires seront, je l'espère, réalisés encore
une fois, dans ce contexte des coupures, on ne le sait pas nous pourrons
affecter ces sommes soit à l'amélioration de quartiers, soit aux
égouts, aux aqueducs ou à tout autre équipement municipal
ou d'amélioration de l'habitat au niveau municipal.
Deuxième volet. En ce qui concerne une politique d'habitation
comme telle. Il nous a semblé, M. le Président, qu'au lieu de
s'enfermer dans des officines ou dans des bureaux du ministère et
d'essayer de pondre une telle politique il nous fallait agir là
où l'action était la plus urgente, surtout dans les centres
urbains, notamment dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce où
80% de la population pas nécessairement dans son comté,
mais en tout cas dans la ville de Montréal est locataire, et
commencer d'abord par régir et réglementer cette question des
relations locataires-locateurs. Un projet de loi sera évidemment
déposé dans les semaines qui viennent à ce sujet.
Egalement, la réalisation d'habitations sociales, M. le
Président, pour laquelle au-delà de 6000 logements additionnels
ont été autorisés par le Conseil des ministres et une
série d'autres mesures, comme, par exemple, les programmes...
Des Voix: A l'ordre!
M. Tardif: Non, je m'excuse, mais les questions étaient
longues, la réponse mérite également d'être longue,
à moins qu'on n'en veuille pas. Si on n'en veut pas, j'arrête
là, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, en vous demandant, si possible, de vous restreindre
à un volet parce que j'ai promis une question au député de
Richelieu et je voudrais remplir ma promesse.
M. Scowen: J'avais une question sur chacun des deux volets, mais
je vais simplement poser celle sur le deuxième volet.
Depuis quelques années ou du moins depuis quelques semaines, je
m'habitue à entendre que c'est la faute du fédéral pour
plusieurs des questions.
Des Voix: C'est vrai!
M. Scowen: Si un jour nous devenons indépendants, ce sera
sûrement la faute des Américains ou de l'ONU. Mais la question sur
le deuxième volet que je posais est: Quand les citoyens du Québec
peuvent-ils attendre un projet de loi pour faire suite aux recommandations du
livre blanc et à des promesses électorales?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales,
très brièvement.
M. Tardif: Le projet de loi devrait être
déposé d'ici deux à trois semaines sur les relations
locataires-locateurs.
Le Président: M. le député de Richelieu.
Construction du CEGEP de Sorel-Tracy
M. Martel: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Education, mais, en passant, étant donné que nous
avons commencé la séance en parlant de nouvelles façons
d'octroyer les contrats, j'aimerais dire au ministre des Travaux publics que
nous avons très hâte que l'ordinateur se...
Le Président: M. le député de Richelieu,
s'il vous plaît!
M. Martel: J'aimerais demander au ministre de l'Education s'il
est en mesure d'identifier les motifs, que tout le monde déplore, qui
font que la situation de cette construction attendue depuis bientôt neuf
ans pourrit dans notre région.
Le Président: M. le ministre de l'Education, en souhaitant
que vous puissiez être bref.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, effectivement,
il est grand temps que cette question du CEGEP de Sorel-Tracy soit
réglée. Le seul problème qu'il reste à
régler, c'est le chiffre exact de la clientèle. Devons-nous
construire pour 800, pour 700 ou pour 600 étudiants?
M. Caron: Quelle différence cela fait-il? Une Voix:
Quelques millions.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, est-ce que j'ai
la parole?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre, vous pouvez poursuivre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, les
constructions de bâtiments publics et, en particulier, les écoles,
les collèges, tout cela coûte très cher, c'est fait avec
les fonds publics; il faut donc qu'on s'assure qu'il y a suffisamment
d'étudiants pour justifier une bâtisse de telle ou telle
grandeur.
A l'heure actuelle, le ministère de l'Education estime que Sorel
doit être dotée d'un CEGEP neuf, mais nous sommes à
établir, avec le Conseil du trésor, le nombre exact
d'étudiants auquel on peut s'attendre dans quelques années de
façon à ne pas construire trop grand pour un nombre
d'étudiants trop restreint.
Le Président: Merci. M. le député de
Rouyn-Noranda.
Grève à la traverse
Matane-Baie-Comeau-Godbout
M. Samson: M. le Président ma question s'adresse au
ministre des Transports concernant la grève des traversiers entre
Matane, Baie-Comeau et Godbout. Le ministre, la semaine dernière, a
laissé entendre, selon une nouvelle parue, qu'à la
dernière limite, à l'extrême limite, s'il n'y avait pas de
possibilité de règlement de cette grève, il pourrait avoir
recours à une loi spéciale. Est-ce que le ministre peut nous
dire, d'abord, si telle a été l'essence de ses propos, et si oui,
quand et dans quels délais il s'attend de saisir la Chambre de ce genre
de loi.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Lessard: On m'a demandé, à la suite d'une
conférence que j'avais faite à la Chambre de commerce de
Baie-Comeau, quelles étaient les mesures que nous pourrions prendre si
nous en arrivions à l'impossibilité de régler ce conflit.
J'ai dit que nous envisagerions, à ce moment-là, certains moyens
qui pourraient être utilisés pour régler le conflit. Je
n'ai pas parlé d'une loi spéciale ici à l'Assemblée
nationale puisque ce sera discuté à l'intérieur du Conseil
des ministres. J'ai dit, la semaine dernière, qu'il devait y avoir des
séances de conciliation entre les représentants du
ministère du Travail et les représentants à la fois du
syndicat et aussi de la Société des traversiers du Québec
dans la semaine du 23 octobre. C'est jeudi et vendredi qu'il y aura des
séances de conciliation, et nous espérons pouvoir en arriver
à un résultat dans les plus brefs délais. Pour le moment,
j'attends le résultat des deux séances de conciliation qui auront
lieu jeudi et vendredi.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda,
une brève question.
M. Samson: Est-ce que le ministre pourra étant
donné que c'est vendredi, la dernière séance faire
connaître au public les résultats dans les plus brefs
délais, même si ce n'est pas la semaine prochaine, à la
Chambre? Est-ce qu'il est en mesure de nous affirmer puisqu'il n'a pas
parlé de loi spéciale qu'il n'y aura pas effectivement de
loi spéciale dans ce cas?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Lessard: M. le Président nous n'envisageons pas de loi
spéciale. Le ministre des Transports n'envisage pas de loi
spéciale. Dans ces cas, nous avons toujours affirmé ici à
l'Assemblée nationale que le droit de grève est un droit qui a
été reconnu au niveau du gouvernement et nous entendons le
respecter, M. le Président, tant et aussi longtemps que ce droit
existera et tant et aussi longtemps que la négociation continuera.
Cependant, il y a une autre étape qui pourra aussi être
envisagée, c'est la médiation. Lorsque je pariais d'autres
mesures, j'envisageais plutôt la médiation après la
conciliation. Ce sera à la suite d'une consultation avec le ministre du
Travail.
Le Président: M. le député de Rimouski.
M. Marcoux: Ma question s'adresse au ministre...
Le Président: M. le député de Rimouski, un
instant. Si j'en accorde deux en effet, c'est parce que j'estime que tous les
députés ont des droits en cette Chambre. D'autre part, je
voudrais vous faire remarquer que la question du député de
Richelieu a été si brève et la réponse aussi que je
pense qu'aujourd'hui je peux autoriser facilement deux questions.
M. le député de Rimouski.
Rapport du Conseil du statut de la femme
M. Marcoux: Ma question s'adresse au ministre responsable des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières et en
même temps, responsable du Conseil du statut de la femme. Hier, j'ai
assisté, comme plusieurs autres députés, à la
présentation du rapport du Conseil du statut de la femme. Une remarque
est apparue, c'est qu'après les études il fallait maintenant
passer à l'action. (15 h 30)
Je voudrais savoir de Mme le ministre quelles sont les étapes qui
sont prévues, qui pourront être franchies pour concrétiser
les recommandations de ce rapport. J'aurais une question additionnelle.
Le Président: Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, je suis reconnaissante au
député de ce côté-ci de la Chambre de me poser cette
question parce que j'ai l'impression qu'en face on a décidé de me
laisser...
Le Président: Mme le ministre, s'il vous plaît!
Mme Payette: ... tout simplement dans le silence le plus
total.
Une Voix: Comme au CEGEP à Montréal.
M. Blank: II y a plus de personnes ici qu'au CEGEP du Vieux
Montréal.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Une
Voix: Déposez la réponse. Le Président:Mme le ministre.
Mme Payette: L'échéance suivante est la
présentation par le ministre qui vous parle d'une politique en termes de
réalisation du contenu du document. L'engagement du premier ministre de
faire en sorte que le plus rapidement possible nous répondions à
ces recommandations 306, pour ceux que cela intéresse est
un engagement qui m'a paru formel. A la mi-novembre, j'aurai à soumettre
au Conseil des ministres les étapes qui suivent.
Le Président: Merci. M. le député de
Rimouski, une brève question, une dernière question.
M. Marcoux: Une question additionnelle, M. le Président.
Un des points qui est apparu, en tout cas à Rimouski, c'est qu'il y
avait maintenant nécessité pour le Conseil du statut de la femme
de régionaliser son action pour augmenter la pression sur le
gouvernement pour concrétiser ce rapport. J'aimerais savoir de Mme le
ministre si elle est disposée à mettre à la disposition du
Conseil du statut de la femme les disponibilités financières pour
que ce conseil puisse faire l'animation nécessaire pour faire les
pressions sur le gouvernement pour que ce rapport se concrétise dans les
plus brefs délais.
Le Président: Mme le ministre.
Mme Payette: J'ose espérer, M. le Président, que
cela ne servira pas exclusivement à faire des pressions sur le
gouvernement. J'espère que le gouvernement agira sans plus de pression
de la part des femmes. Effectivement, on a toujours demandé aux femmes
de faire des miracles avec rien et c'est presque le cas de ce rapport qui a
été conçu et présenté avec des moyens dont
les hommes, je pense, n'auraient jamais accepté les limites. Je dois
dire, cependant, qu'il est évident que le Conseil du statut de la femme,
qui aura des responsabilités nouvelles, devra avoir en main l'argent
nécessaire pour continuer son mandat.
M. Shaw: M. le Président...
Le Président: Fin de la période des questions.
Motion non annoncées.
M. le député de Portneuf, aux motions non
annoncées.
M. Pagé: Oui, M. le Président. J'aimerais que cette
Assemblée demande au gouvernement de modifier dans les meilleurs
délais le décret de la construction du Québec afin que les
travailleurs de la construction ne soient plus pénalisés par la
Commission d'assurance-chômage...
M. Charron: M. le Président, il n'y a pas de
consentement.
M. Pagé: ... pour la rémunération de
vacances qu'ils reçoivent en décembre.
M. Charron: II n'y a pas consentement.
M. Pagé: M. le Président, j'en fais une motion.
Une Voix: II n'y a pas consentement.
M. Charron: II n'y a pas consentement, M. le
Président.
M. Pagé: Quoi?
M. Lavoie: C'est une motion quand même.
Une Voix: Laissez-le lire sa motion.
M. Charron: Non.
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement,
j'ai déjà eu à rendre une décision là-dessus
et à moins qu'on modifie le règlement ce à quoi je
n'aurai pas d'objection, bien sûr il faut quand même lire la
motion. J'ai déjà rendu une décision en ce sens-là
d'ailleurs.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. C'est toute la
question du fait que des milliers de travailleurs au Québec perdent
actuellement $9 millions...
M. Charron: Motion, motion.
M. Pagé: ... en raison de l'application d'une norme...
M. Charron: Motion.
M. Pagé: ... par la Commission d'assurance-chômage
du Canada.
M. Charron: A l'ordre!
M. Pagé: M. le Président, je vais lire la motion.
Ecoutez et soyez calmes. Soyez patients.
Une Voix: Enfin.
M. Pagé: Que cette Assemblée...
M. Bérubé: ...
M. Pagé: M. le Président, est-ce que le
ministre...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: ... des Richesses naturelles a quelque chose
à dire?
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Qu'est-ce que vous avez à dire?
Le Président: M. le député de Portneuf, s'il
vous plaît!
M. Pagé: Que cette Assemblée demande au
gouvernement de modifier dans les meilleurs délais le décret de
la construction du Québec afin que les travailleurs de la construction
ne soient plus pénalisés par la Commission
d'assurance-chômage du Canada pour la rémunération de
vacances qu'ils reçoivent en décembre. Il suffirait, M. le
Président, d'une légère et d'une simple modification au
décret pour reporter le versement en juillet.
M. Charron: M. le Président, il n'y a...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Pagé: Cela serait réglé.
M. Charron: Non, M. le Président.
M. Pagé: Vous êtes contre cela? Merci.
Le Président: II n'y a pas consentement, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: II y en a qui ont des préjugés
favorables aux travailleurs. C'est vous qui aviez prévu...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!
Il n'y a pas consentement.
Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en
suspens.
Maintenant, aux avis à la Chambre. M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Picotte: M. le Président...
Le Président: En vertu de l'article 34, M. le
député de Maskinongé.
Travaux parlementaires
M. Picotte: Ma question s'adresse au leader du gouvernement.
Etant donné que le projet de loi 71, Loi modifiant la Loi de la
conservation de la faune, semble posséder des pouvoirs abusifs, est-ce
que le ministre a l'intention, avant d'appeler la deuxième lecture, de
déposer pour les députés et la population en
général, afin qu'ils en prennent connaissance, les
règlements de cette modification à la loi?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, j'ai informé de
façon privée le député, qui me l'a demandé
avant la séance je me fais un plaisir de le répéter
publiquement que j'ai l'intention d'appeler ce projet de loi en
deuxième lecture dans une dizaine de jours.
M. Picotte: Vous aviez l'intention de déposer la
réglementation pour consultation auparavant.
M. Charron: Si la réglementation est prête, ce sera
au ministre responsable du dossier de la déposer, mais mon intention,
à moi, c'est de l'appeler dans dix jours.
M. Picotte: Qu'est-ce qu'il en pense, le ministre
responsable?
Le Président: En vertu de l'article 34, M. le leader
parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Cet article prévoit qu'on peut poser des
questions sur les travaux de l'Assemblée au leader parlementaire du
gouvernement. Le premier ministre sollicitait à bon droit la
collaboration de l'Opposition quant à l'étude et à
l'adoption, d'ici à Noël, de la loi de la protection des sols
agricoles. On comprend, en vertu de nos règlements sessionnels, que ce
projet de loi, pour pouvoir être adopté avant les vacances des
Fêtes, doit être déposé en première lecture
avant le 1er décembre. C'est un projet de loi qui a des implications
énormes. Tout le monde se pose des questions, c'est à
l'échelle du Québec. Est-ce que le leader du gouvernement peut
nous donner l'assurance, pour obtenir la collaboration qu'on est prêt
à lui offrir, de ne pas déposer ce projet de loi uniquement
à la fin du mois de novembre? Quand prévoit-il que ce projet de
loi sera déposé en première lecture à
l'Assemblée?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je veux informer avec plaisir
l'Assemblée que non seulement je me rends au désir exprimé
par le leader de l'Opposition qu'il serait tout à fait anormal que ce
projet de loi soit déposé dans les tout derniers jours des heures
régulières de séance de l'Assemblée,
c'est-à-dire en novembre, mais encore que je pousse, je fais diligence.
Il s'agit d'un gros morceau, chacun peut en convenir. Je puis informer
l'Assemblée que la séance du Conseil des ministres de vendredi
dernier nous a donné l'occasion de faire l'accord non seulement sur
cette loi mais, comme le dirait mon collègue de l'Agriculture, sur le
"kit" de lois qui doit accompagner cette loi visant à la protection des
terres agricoles. Pour ceux qui sont familiers avec le cheminement
législatif, le projet de loi, après entente politique au niveau
ministériel, est donc acheminé, à l'heure actuelle, au
comité de législation pour rédaction finale. Dès
qu'il aura franchi cette étape, je n'ai aucun intérêt
à le retenir dans mon tiroir. Dès que cette étape de
rédaction législative de la décision politique du Con-
seil des ministres sera faite, je le déposerai. Je ne m'avance
pas sur une date car je ne voudrais pas que le leader de l'Opposition me
reproche, à un moment, d'avoir manqué à ma parole, mais
j'estime que d'ici à une quinzaine de jours la loi devrait être
déposée à l'Assemblée, à moins qu'il y ait
des embûches au niveau de rédaction juridique du texte, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Question additionnelle sur le même sujet, M. le
Président. Etant donné les implications que cette loi comportera
quant à son application, compte tenu des mécanismes qui devront
être mis sur pied, j'aimerais demander si c'est l'intention du
gouvernement de tenir une commission parlementaire afin qu'il y ait de la
consultation, une fois que le projet de loi et les intentions du gouvernements
seront connus. Je sais qu'il y a eu de la consultation préalablement
mais, une fois que la décision gouvernementale sera connue, sera-t-il
possible de permettre aux intéressés, à ceux qui sont les
plus impliqués sur cette question de pouvoir avoir une tribune,
c'est-à-dire par l'entremise d'une commission parlementaire?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, j'estime que la question du
député de Beauce-Sud est prématurée, le projet de
loi, dans sa version finale, n'ayant même pas encore été
accepté au niveau du Conseil des ministres. Je l'informerai toutefois de
ceci. Toute l'Assemblée est d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une
question très importante non seulement pour une catégorie de
citoyens comme les producteurs agricoles du Québec, mais, je pense, pour
l'ensemble des citoyens.
Je peux informer le député que, lors de la séance
de demain, mon collègue de l'Agriculture déposera, à
l'intention de chacun des membres qui le solliciteront de l'Assemblée,
le contenu intégral de toutes les représentations qu'il a
reçues lors de sa tournée de consultation. Ceci pour dire qu'en
attendant le dépôt du projet de loi que j'ai fixé dans
quelques jours les députés vivement intéressés
à la question auront quelque chose à se mettre sous la dent. Le
texte intégral de toutes les communications que mon collègue de
l'Agriculture a reçues lors de sa tournée sera remis à
chacun des membres de la commission parlementaire de l'Agriculture et à
chacun des députés, sur demande, mais je ne l'ai pas
autorisé à le faire imprimer à 110 copies, étant
donné qu'il s'agit d'une montagne de papier. Sur demande, chaque
député pourra le recevoir à compter de demain. C'est
demain aussi que le député de Maskinongé recevra sa
réponse quant à l'engagement d'un comédien professionnel
lors d'un salon de l'agriculture. (15 h 40)
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le chef parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): ... une précision
additionnelle. Le leader du gouvernement parle-t-il de documents, de
mémoires ou simplement de textes qui ont été
colligés ou résumés?
M. Charron: De mémoires intégralement. Les
mémoires qui ont été présentés au
ministre.
M. Levesque (Bonaventure): Comment ont-ils été
recueillis? Est-ce que ce sont des mémoires qui ont été
déposés ou est-ce un enregistrement de ce qui s'est dit lors de
ces séances?
M. Charron: M. le Président, vu que les questions
deviennent techniques et précises, je ne veux pas allonger. Il s'agit
des deux. Ce que demain le ministre de l'Agriculture déposera, ce seront
les mémoires tels qu'ils ont été écrits et
déposés devant le ministre au moment où il s'est
promené d'une région à l'autre du Québec et a
rencontré les gens intéressés. Il m'a assuré ce
matin, parce que j'étais en communication avec lui ce matin, qu'il
dispose également de tout l'enregistrement des échanges où
les citoyens lui expliquaient leurs mémoires et qu'il est prêt sur
demande également il est évident qu'on n'en fera pas faire
110 copies si ce n'est pas nécessaire à les déposer
et à informer les députés d'ici la fin de la semaine.
Le Président: Nous en sommes aux avis à la
Chambre.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je n'ai qu'un avis à donner, M. le
Président, et c'est pour me rendre à un désir de
l'Opposition que j'estime parfaitement souhaitable de combler. A la fin de la
session, en juin dernier, les membres de l'Opposition avaient demandé,
M. le Président, quand ils pourraient rencontrer Mme le Protecteur du
citoyen du Québec pour pouvoir échanger avec elle sur le contenu
de son rapport. J'informe donc la Chambre, M. le Président, que la
séance de la commission de l'Assemblée nationale portant sur le
dernier rapport annuel de Mme le Protecteur du citoyen aura lieu mardi
prochain, le 31 octobre, au salon rouge, à 10 heures.
Le Président: Les affaires du jour maintenant. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je voudrais souhaiter
même que l'on achève, lors de cette séance avant 18 heures,
la deuxième lecture du projet de loi no 77. Je vous prie donc d'appeler
l'article 2) de notre feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 77 Deuxième lecture
(suite)
Le président: J'appelle la deuxième lecture du
projet de loi no 77, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Immigration.
Je crois, si ma mémoire est fidèle, que c'était M. le
député de Papineau qui avait demandé l'ajournement du
débat.
M. le député de Papineau, vous avez maintenant la
parole.
M. Jean Alfred
M. Alfred: M. le Président, je ne pouvais pas, moi, en
tant que Québécois de nouvelle souche, ne pas prendre la parole
sur ce projet de loi ayant trait à l'immigration. Le Québec
avait, M. le Président, depuis longtemps besoin de cet outil pour
faciliter une intégration harmonieuse sur son territoire. Cet outil, il
faut en convenir, ne résoudra pas tous les problèmes
inhérents à l'immigration, Ottawa considérant le
Québec non pas comme une entité spécifique, mais comme une
région encore canadienne. Néanmoins, cet outil partiellement
acquis nous permettra au moins de prendre en main les intérêts de
ceux qui veulent venir vivre avec nous au Québec.
Ce projet de loi, M. le Président, vise prioritairement
l'intégration harmonieuse de tous les Québécois de
nouvelle souche à la société québécoise. Les
différentes communautés ethniques, y, compris la francophone,
doivent apprendre ensemble à mettre tout en commun. Ainsi, comme le
disait le slogan: C'est à condition de mettre tout en commun que demain
va nous appartenir. Pourquoi, M. le Président, le Québec ne
pouvait-il pas avoir une intégration harmonieuse des immigrants sur son
territoire? Je dois l'avouer, les agents canadiens à l'étranger
ne faisaient pas ressortir qu'au Canada il y avait deux nations ayant chacune
sa spécificité propre! L'une française avec tout ce que
cela comporte et l'autre, anglaise avec tout ce que cela comporte
également.
Deux nations ayant chacune sa façon de voir, sa façon de
se comporter et sa façon de percevoir et d'interpréter les
choses. Deux nations ayant chacune sa langue propre. Ces agents canadiens
à l'étranger parlaient uniquement de la réalité
canadienne, réalité supposément bilingue. Ils nous
disaient qu'il suffisait de posséder l'une des langues officielles pour
venir au Canada, ce qui signifiait que ceux qui nous recevaient devaient
être bilingues ou, au moins, l'immigrant devait s'attendre à
trouver des parlant de l'une et de l'autre langue à son arrivée
au bureau de l'immigration canadienne.
M. le Président, la réalité que j'ai vécue
est tout autre et je me permets de donner ici une expérience
vécue personnellement. Jean Alfred, unilingue français ou
bilingue, si on inclut le créole est arrivé à
Toronto et a été reçu par des agents unilingues anglais.
Vous comprenez que je me trouvais dans mes petits souliers, ne pouvant pas
comprendre celui qui devait m'accueillir pour entrer sur cette terre canadienne
qu'on disait accueillante. Heureusement, après deux heures d'attente, il
a fallu faire venir un interprète qui m'a, bien sûr, fait subir
l'interrogatoire d'usage.
Je pense que nombreux sont les francophones ne parlant que
français qui ont dû faire face à de telles
expériences. Pourtant, ils venaient au Canada, région
supposément bilingue. M. le Président, il faut dire que
j'étais à Toronto, capitale de I anglophonie canadienne.
Arrivé au Québec, j'ai eu affaire à des agents
d'immigration québécois et je vous assure que, eux,
étaient bilingues. Eux m'ont compris, eux m'ont orienté, et eux
m'ont donné le goût de vivre au Québec, même s'ils
étaient quand même à l'emploi du gouvernement d'Ottawa.
J'ai compris, M. le Président, dès ce moment-là,
qu'il y avait une réalité canadienne difficile à
comprendre, un bilinguisme qui était obligatoire pour les francophones,
et un bilinguisme qui n'était pas du ressort des parlant anglais. Le
fait que la différence entre la réalité
québécoise et la réalité canadienne n'ait pas
été clairement explicité à l'immigrant qui venait
au Québec a nui terriblement à l'immigration, à
l'intégration des immigrants qui venaient au Québec, même
à l'immigrant francophone qui venait ici. D'une part, il était
mal reçu à son arrivée et, d'autre part, I'immigrant
francophone, en arrivant ici, entendait certains hommes politiques
répéter: Pour être heureux, pour avoir de l'argent dans ses
poches, il faut parler l'anglais. Regardez, M. le Président, je ne suis
pas contre l'apprentissage de la langue anglaise comme langue de culture, mais
quand on présente cette langue à l'immigrant qui vient au
Québec comme une langue salvatrice, vous comprenez que le Québec
a des difficultés à faire comprendre à l'immigrant qui
vient au Québec que la réalité québécoise
est une réalité spécifique qui a sa façon propre
d'intégrer les immigrants à la réalité
québécoise. (15 h 50)
Donc, de la façon que les hommes politiques ont mené ce
dossier de l'immigration cela a nui terriblement à l'intégration
des immigrants à la collectivité québécoise. Ce
projet de loi va corriger toute cette fausse représentation, cette
façon qu'on avait de représenter le Québec, et Dieu merci!
Maintenant, le futur immigrant sera bien préparé à vivre
dans sa future patrie.
Puisque j'ai la parole et que je parle sur ce projet de loi fort
important pour le Québec et pour nous, j'en profite pour détruire
certains mythes qu'on véhicule sur le Québec et sur les
Québécois, certains mythes que même certains
députés ici en Chambre font véhiculer sur le Québec
et sur les Québécois. A entendre certains députés,
je me demande si c'est ce Québec qu'ils décrivent qui ma
accueilli, si c'est dans ce Québec qu ils décrivent que je vis.
Je n'ai pas à répéter les interventions de M. le
député de Pointe-Claire la semaine dernière, mais j'ai
frémi en lentendant parler.
Le Québec est un pays normal et le Québécois n'est
ni plus ni moins xénophobe qu'un gars d un autre pays. Certains prennent
l'habitude de traiter les Québécois de racistes. Je l'ai entendu
et j'ai ri quand j'ai entendu cela. Quand j entends des gens traiter les
Québécois de racistes, ou encore quand je lis certains journaux
où on traite les Québécois de racistes, je me pose
plusieurs questions. Je me demande: Est-ce que ceux qui écrivent
connaissent vraiment la définition du concept qu ils emploient?
Trouvez-moi un pays où, après sept ans, on a élu un
Québécois coloré, moi, Jean Alfred? Dans l'Outaouais
québécois, dans le com-
té de Papineau, comté ayant 50 000
Québécois, il y avait peut-être sept
Québécois colorés comme moi qui avaient le droit de vote.
Les Québécois ont élu un homme et quand on le traite de
raciste certains le traitent de raciste coloré j'ai mon
voyage!
Bien sûr, durant la campagne électorale et cela
entre dans le jeu, c'est de bonne guerre mes adversaires ont voulu
profiter de ma couleur pour gagner l'élection. Non seulement ils ont
été battu, mais les Québécois les ont
répudiés. Si un adversaire passait, lors du porte-à-porte,
avant moi et donnait comme argument "c'est un nègre", après, le
Québécois était très surpris de voir ce même
homme qui voulait être un législateur employer un tel langage. Non
seulement ce Québécois n'a pas accepté cette façon
de voir, mais il me l'a dit; d'où j'ai conclu que de temps en temps il y
a quelques faibles d'esprit que j'appelle des imbéciles; cela existe
partout au monde. Vous trouvez partout au monde quelques imbéciles. J'en
ai rencontrés quelques-uns qui m'ont dit: Un sale nègre. Je me
suis mis à rire et j'ai dit: Nègre, oui; sale, non; je prends mon
bain tous les jours.
Le Québec, M. le Président, est l'endroit le plus propice
et je le dis sincèrement à l'intégration des
immigrants, malgré tout ce qu'on peut dire. Je comprends que certains de
mes collègues veulent tellement faire pour les immigrants que je les
trouve même trop durs pour leurs frères indigènes ici. Je
suis allé partout, M. le Président, même dans mon propre
pays d'origine et je peux faire la comparaison. C'est l'endroit où on
veut tellement que l'immigrant soit bien qu'on oublie ceux qui sont
là.
M. le Président, le Québécois n'a jamais voulu que
je sois un être assimilé; le Québécois veut pourtant
que j'accepte de vivre, de partager avec lui. Il demande que je sois
intégré à cette société que nous sommes en
train de façonner ensemble. Jamais un Québécois ne m'a
demandé de laisser partir ce que j'ai en moi de propre. Cette
exubérance, c'est moi. Le Québécois apprécie mon
tamtam; c'est moi, viscéralement. Ce que je vous dis, par exemple, c'est
que je ne cherche pas Haïti au Québec. Je cherche le Québec
au Québec.
Je demanderais, étant donné l'ouverture d'esprit que je
vois que tous nos Québécois, tous nos représentants, ici,
ont pour favoriser une intégration harmonieuse, de tous les
Québécois de nouvelle souche à la collectivité
québécoise, je demanderais, dis-je, à tous les
Québécois de nouvelle souche de comprendre qu'ils doivent se
lancer d'emblée dans la construction de ce pays. Je leur demande de
faire leur part aussi; si nous, ici, nous faisons tout ce qui est en notre
possible pour favoriser leur intégration, ce travail ne doit pas
être à sens unique. Ils doivent aussi essayer de comprendre les
Québécois d'ici, car si nous essayons, par tous les moyens, de
mettre tout en oeuvre pour intégrer les Québécois de
nouvelle souche à la vie québécoise, il faut que ces
Québécois voient ce qu'on fait et aussi apprennent la
façon de vivre québécois. Il faut également qu'ils
comprennent ces Québécois, parce que, pour qu'il y ait une vie
commune, il faut qu'il y ait compréhension réciproque. Je ne
pense pas que les Québécois doivent tout faire et que l'autre qui
est venu doive rester passif.
Donc, par ce projet de loi, je suis sûr, étant donné
l'âme québécoise que je connais, cette âme
québécoise qui m'a accueilli, cette âme
québécoise qui non seulement m'a accueilli, mais m'a
associé à la réalisation de ce projet collectif que nous
faisons ensemble... Je demande à tous les Québécois de
nouvelle souche de comprendre la dynamique du peuple québécois,
ce peuple qui aime, ce peuple qui respecte tout le monde et qui ne demande
qu'une chose: être respecté aussi. Ce peuple qui partage n'est pas
nécessairement mouton, il voit clair. (16 heures)
A mes compatriotes d'origine haïtienne qui parlent français,
je peux le faire parce que M. Baghdjian a invité les groupes ethniques
à se lancer dans le camp libéral. Moi aussi, Jean Alfred, je
demande à mes compatriotes d'origine haïtienne de comprendre qu'il
faut qu'ils s'embarquent dans la construction de ce Québec de demain. Je
ne veux pas qu'ils soient absents dans la réalisation de ce projet
collectif, parce que, s'ils sont absents, demain les Québécois le
leur diront: Vous étiez absents! Je demande aussi à tous les
autres Québécois de bonne volonté, qui sont arrivés
au Québec, qui y ont été accueillis, de comprendre tout ce
que fait le gouvernement Lévesque pour favoriser leur intégration
dans leur patrie. Nous n'avons nullement besoin de chercher des raisons pour
trouver des défauts au comportement et aux attitudes des
Québécois. Si on le fait pour les Québécois, c'est
une étude qu'on doit faire pour tout peuple. Le Québécois
est un être normal, il a un comportement normal et nous n'avons pas
à chercher des moyens pour lui donner une fausse conscience de
pécher.
Je termine mon exposé, M. le Président, en citant les
paroles du ministre de l'Education lorsqu'il parlait des réfugiés
politiques. Il disait: Une société qui se veut ouverte,
fraternelle et humaine doit être une société qui mobilise
sa population, qui fait tous les efforts possibles et impossibles pour faire sa
part en ce monde pour accueillir ces réfugiés politiques. Le
Québec est une terre d'amitié, le Québec est une terre de
fraternité, le Québec est une terre de solidarité.
Ensemble bâtissons ce Québec. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, je demande si le
député de Papineau veut me permettre une brève
question.
Le Vice-Président: Si j'ai le consentement de
l'Assemblée, certainement, M. le député de Papineau,
est-ce que vous accepteriez une question de M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce?
M. Scowen: Je demande si M. le député veut accepter
une brève question.
M. Alfred: Mais, vous le pouvez M. le député, c'est
votre droit.
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, pendant son intervention, le
député de Papineau a dit que le Québec ne lui avait pas
demandé de s'assimiler, mais lui avait demandé de
s'intégrer. J'aimerais savoir je pose la question d'une
façon très sérieuse pour vous c'est quoi, la
différence, la distinction que vous faites entre les expressions
intégration et assimilation.
Le Vice-Président: M. le député de
Papineau.
M. Alfred: M. le Président, ces deux concepts sont
clairement définis dans tous les dictionnaires. Je me permets de
préciser d'abord intégration et ensuite assimilation. Etre
intégré, c'est être capable de partager et de comprendre
une culture dans laquelle nous sommes. Etre intégré, lorsqu'on
est un Québécois de nouvelle souche, ce n'est pas toujours
répéter: On n'a pas cela chez nous, ce n'est pas cela, ce n'est
pas cela. Par exemple, si je suis ici et que je cherche pois et riz
haïtien, que je cherche, bien sûr, les tam-tams tout le temps, que
j'ai comme l'impression de les voir tout le temps, ou que je vis dans mon petit
coin, tandis qu'un être assimilé c'est celui qui a perdu
totalement son identité, ce qu'il a de viscéral. Le
Québécois ne m'a jamais demandé de perdre ce que j'ai de
viscéral, de tripal. Il me demande d'être ouvert, d'apporter ma
contribution à cette belle culture qui m'a drôlement enrichi.
Donc, c'est toute la différence. Etre assimilé veut dire perdre
son être, son identité, ce qu'on est. Etre intégré,
c'est être ouvert, en gardant ce qu'on est, être ouvert à ce
qui nous est offert. Avec cela, construisons et enrichissons-nous.
Des Voix: Bravo!
Le Vice-Président: Merci, M. le député de
Papineau...
M. Marchand: M. le Président...
Le Vice-Président: ... de votre contribution au
dictionnaire.
M. le député de Laurier.
M. André Marchand
M. Marchand: M. le Président, l'occasion qui m'est
donnée de parler sur le projet de loi 77, Loi modifiant la Loi du
ministère de l'Immigration, me permet, au début de mes remarques,
de rendre un hommage tout particulier à ces citoyens canadiens autres
que ceux d'origine canadienne-française qui ont choisi notre pays, leur
pays d'aujourd'hui, comme lieu de résidence, contrée qu'ils ont
choisie en toute liberté, ce beau et grand pays rempli de richesses
naturelles et humaines qu'ils sont venus nous aider à améliorer,
à exploiter.
Permettez-moi, M. le Président, de féliciter un des leurs
en la personne du député de Mont-Royal qui est un exemple de bon
citoyen. A la suite des remarques des députés...
Une Voix: Et le député de Papineau.
M. Marchand: M. le Président, je dois vous faire remarquer
que je suis resté assis à mon siège, j'ai
écouté le député de Papineau religieusement, j'ai
écouté le député des Iles-de-la-Madeleine
religieusement, le ministre religieusement. Je demanderais aux "back-benchers"
du parti séparatiste de bien vouloir s'asseoir tranquilles. S'ils
veulent intervenir, ils interviendront.
Le Vice-Président: M. le député de Laurier,
revenez au sujet, s'il vous plaît!
M. Marchand: M. le Président, à la suite des
remarques et suggestions pertinentes des députés de l'Opposition
officielle qui m'ont précédé, j'essaierai à mon
tour, par mes critiques et mes suggestions objectives, de convaincre le
ministre d'améliorer et bonifier son projet de loi afin de le rendre
acceptable et pour l'Opposition et pour la population du Québec.
M. le Président, le ministre a voulu démontrer
l'importance de l'immigration, lors de son discours de présentation du
projet de loi en deuxième lecture. Naturellement, j'étais heureux
de l'entendre, mais je dois vous dire que cette constatation fut faite il y a
longtemps par plusieurs personnalités, à l'extérieur du
Parlement, des anciens gouvernements et par celui qui vous parle, qui a
démontré à plusieurs occasions...
M. Bellemare: M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Oui,
M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.
M. Bellemare: ... je voudrais simplement vous rappeler
qu'étant donné qu'aucune commission ne siège
présentement, en vertu de l'article du quorum, nous ne sommes pas
30.
Le Vice-Président: Justement je n'ai pas surveillé
continuellement, mais il est exact qu'il n'y a pas de commission parlementaire
et que, y compris le Président, nous devons être 30.
Des Voix: ...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Il y
a quorum, je le constate formellement. M. le député de
Laurier.
M. Marchand: M. le Président, je vous remercie de
constater le quorum après que les députés qui
étaient à l'extérieur de l'Assemblée nationale
soient entrés.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Marchand: M. le Président, c'est mon droit de
parole.
Le Vice-Président: Non, à l'ordre!
M. de Belleval: J'ai une question de privilège.
Le Vice-Président: Sur une question de
privilège.
M. de Belleval: Puis-je signaler à cette Chambre qu'il n'y
a que six parlementaires libéraux actuellement en Chambre?
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Non.
La présidence déclare qu'il y a quorum, que M. le
député de Laurier a la parole, et que la pertinence du
débat se rapporte à l'immigration.
M. le député de Laurier. (16 h 10)
M. Marchand: M. le Président, après la question de
privilège, je vais continuer tout en vous soulignant que le parti
ministériel a 71 députés et que c'est à eux de
faire le quorum, comme les six députés du Parti
québécois, lorsqu'ils siégeaient de ce
côté-ci, nous le répétaient. Les ministres me font
des signes. Le ministre de la Justice était un de ceux qui demandaient
le quorum et tous les autres, et nous n'en prenons pas préjudice.
M. Jolivet: Vous n'avez rien à dire sur le projet de
loi?
Une Voix: La pertinence.
Le Vice-Président: M. le député de
Laurier.
M. Marchand: M. le Président, à la suite des
remarques et des suggestions pertinentes des députés de
l'Opposition officielle qui m'ont précédé, j'essaierai,
à mon tour, par mes critiques et mes suggestions objectives, de
convaincre le ministre d'améliorer et bonifier son projet de loi afin de
le rendre acceptable pour l'Opposition et pour la population du Québec.
Au début de ses remarques, le ministre a voulu démontrer
l'importance de l'immigration. Naturellement, j'étais heureux de
l'entendre, mais je dois vous dire que cette constatation a été
faite il y a longtemps et par une quantité imposante de personnes
à l'extérieur du Parlement, par les anciens gouvernements et par
celui qui vous parle, qui a démontré à plusieurs occasions
l'apport économique et culturel des plus importants de ces
Néo-Canadiens.
Tous, nous sommes d'accord avec l'entente signée. Non seulement
nous sommes d'accord mais nous savons que c'est la continuité des
politiques prônées par l'ancien ministre libéral de
l'Immigration, M. Jean Bienvenue, ce qui confirme la marche ascendante des
relations Québec-Canada. Lorsque l'on y met de la bonne volonté,
il y a toujours lieu d'améliorer les bonnes relations.
Le principe du projet de loi 77 est de concrétiser l'entente
Cullen-Couture et, pourtant, je ne vois, dans le projet de loi, aucun endroit
où l'on ait fait mention de ladite entente. Dans ce projet de loi
basé sur la réglementation, on demande à
l'Assemblée nationale un pouvoir de réglementa- tion donné
aux ministres. Alors, comment concilier les deux choses, un projet de loi
basé sur la réglementation et un projet de loi que l'on nous
demande d'adopter avant de nous présenter la réglementation? Je
demande au ministre de nous présenter ses règlements afin de nous
faire connaître les véritables intentions du gouvernement, ses
véritables objectifs, ce qui l'amènerait par suite
conséquente à nous dire quels seront les critères
d'acceptation, puisque le fédéral a émis ses
critères d'acceptation quelques semaines après la signature de
l'entente, réglementation du 8 mars 1978.
Le 7 juin dernier, à la commission parlementaire de
l'immigration, le ministre déclarait, et je le cite: "Dès que
nous aurons défini les critères québécois de
sélection et que nous aurons sanctionné ces pouvoirs de
recommandation par une loi, nous mettrons tous nos efforts à raffiner
les critères québécois de sélection. Cette
étape constituera un premier pas dans la préparation à
plus long terme d'une véritable loi québécoise de
l'immigration. J'espère que vous aurez la joie de participer à
son élaboration et à sa critique". Alors, nous participons
à la critique de l'ébauche de cette loi. (16 h 15)
Naturellement, depuis la motion faite par le député de
L'Acadie, jeudi dernier, et débattue durant plusieurs heures cette
motion de report à quinze jours du projet de loi, cette motion
débattue a porté les fruits et les résultats que nous
attendions. Naturellement, des résultats partiels puisque c'est
reporté à quelques jours et peut-être à quelques
semaines. Toute de même, M. le Président, devant les
résultats de ce débat sur le report à quinze jours, en
dépit des discours du ministre et de quelques autres porte-parole du
Parti québécois qui s'opposaient avec véhémence, M.
le Président, à la motion de report de cette loi, et souvent en
des termes pas trop élogieux à l'endroit du député
de L'Acadie, exemple, le ministre de la Fonction publique, le
député de Drummond, qualifiait cette motion de dilatoire... eh
bien, pourtant, après un début de discours voulant
discréditer l'Opposition officielle pour son travail efficace sur cette
motion et conscient du rôle que l'Opposition officielle et les autres
Oppositions avaient à jouer pour défendre les
intérêts des anciens et des nouveaux Néo-Canadiens, le
leader parlementaire, député de Saint-Jacques, demandait à
son ministre d'accorder à l'Opposition ce qu'elle demandait.
C'est-à-dire le dépôt de la réglementation avant
l'étude du projet de loi article par article.
A la concession du ministre, ce qui avait été
qualifié de "filibuster", de perte de temps par les orateurs du Parti
québécois, était accepté par le ministre. Donc,
c'était une victoire du bon sens sur le manque de transparence de ce
gouvernement. M. le Président, le ministre nous demande d'adopter ce
projet de loi en nous donnant ses intentions les plus pures. Dans son
intervention, le ministre nous a parlé de ses objectifs, de certains
critères qu'il entend adopter. Alors, M. le Président, pour-
quoi ces objectifs, ces critères ne sont-ils pas dans la loi?
Comment pouvons-nous accepter la parole du ministre? On sait très bien
que le ministre n'est pas éternel. Le ministre sera-t-il là dans
un mois, six mois ou un an?
M. le Président, ce projet de loi, contrairement à la
transparence que nous avait promise à sa dernière campagne
électorale ce beau et bon gouvernement, donnait au ministre des pouvoirs
absolus, discrétionnaires, car le ministre pouvait, si ce projet de loi
avait été adopté tel que proposé,
réglementer, ce qui veut dire, M. le Président, que le ministre
pouvait légiférer sans passer par l'Assemblée nationale.
M. le Président, l'article 3b du projet de loi stipule ce qui suit: "Le
ministre délivre un certificat d'acceptation au ressortissant
étranger qui satisfait aux conditions déterminées par
règlement. "Malgré le deuxième alinéa, le ministre
peut, dans les cas prévus par règlement, exempter un
ressortissant étranger de l'application des conditions visées au
deuxième alinéa et lui délivrer un certificat
d'acceptation."
C'est la preuve qu'il y a un pouvoir discrétionnaire. La lecture
de cet article, de toute façon, M. le Président, démontre
bien les pouvoirs que s'accordait le ministre dans ce projet de loi. Et le seul
endroit où ce projet de loi est conséquent avec lui-même,
c'est dans le peu de considération qu'il a à l'endroit de
l'Assemblée nationale avec le peu de cas que ce gouvernement, que ce
parti avait inscrit dans son programme lors de la dernière
élection. (16 h 20)
Voici, M. le Président, ce que le programme du Parti
québécois disait lors de la dernière élection. Dans
son programme politique, le Parti québécois ne mentionne
absolument pas l'aspect immigration. En somme, dans le chapitre 3, on parle des
minorités qui sont les anglophones et les Indiens. Ce mot immigration
est utilisé seulement au paragraphe 2 où l'on déclare
qu'un gouvernement du Parti québécois s'engage à prendre
les mesures nécessaires pour favoriser l'immigration au Québec
des individus et des familles francophones établis au Canada. Dans le
Devoir du 14 décembre 1976, Georges Vimy affirme: "L'actuel gouvernement
a une approche nouvelle, mais pas une politique en matière
d'immigration."
Maintenant, c'est avec impatience et même avec une certaine
appréhension, M. le ministre, que nous attendons de vous, du
gouvernement, qu'il nous donne par écrit et dans le plus bref
délai possible, afin que nous ayons le temps de les étudier et de
les améliorer avec vous, si possible, la réglementation, les
critères et vos objectifs. M. le Président, je veux, en
terminant, souhaiter à toutes ces personnes qui veulent devenir de
nouveaux Canadiens, de nouveaux Québécois la plus cordiale des
bienvenues et à tous ceux qui ont déjà fait leur preuve de
bons citoyens un grand merci pour l'aide qu'ils ont apportée au
développement de notre beau pays, de notre belle province. Merci, M. le
Président.
M. Laberge: M. le Président... M. Raynauld: M. le
Président...
Le Vice-Président: Un instant! C'est toujours la
même chose. En vertu de l'article 92, je vais reconnaître M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Henri Laberge
M. Laberge: Merci, M. le Président. Mon intervention,
d'ailleurs, ne sera pas très longue et voulait se limiter à
l'aspect économique, à l'apport économique des immigrants
dans l'économie globale du Québec. Mais, cependant, lors de la
première journée de discussion de ce projet de loi en Chambre,
j'ai cru, suite à une lecture, reconnaître une petite erreur qui
s'est glissée et je voudrais apporter une correction. Le
député de Beauce-Sud, bien intentionné, j'en suis
sûr, a mentionné dans son allocution qu'il a fallu attendre 101
ans pour que le gouvernement du Québec se décide à
intervenir en matière d'immigration, alors que la constitution
canadienne l'autorisait à le faire depuis 1867. Eh bien, en lisant une
étude réalisée en février 1978, qui a
été commandée par le ministère de l'Immigration et
qui s'intitule "La migration au Québec, synthèse et bilan
bibliographique ", à la page 74, il y a des choses très
intéressantes qui sont mentionnées. Cela n'a pas
été fait par des politiciens. Cela a été fait par
des démographes du département de démographie de
l'Université de Montréal. Je crois que ces faits sont historiques
et vérifiables. On y dit ceci: "Jusqu'à tout récemment,
les activités du Québec étaient nulles en ce qui concerne
l'information et la présélection. Elles étaient
très limitées en ce qui concerne l'accueil ou
l'intégration, abandonnant ces domaines à l'Etat
fédéral ou aux organismes privés ". Jusque-là, je
serais porté à donner raison au député de
Beauce-Sud qui disait que le Québec n'était pas intervenu en
matière d'immigration avant 1968, si je ne pouvais vous faire lecture
des trois paragraphes qui suivent où on dit bien: "En 1869 virez
les chiffres à l'envers, cela veut dire 100 ans plus tôt le
Québec adopte une loi qui place l'immigration et l'émigration
sous le contrôle du département de l'Agriculture et des Travaux
publics, soit la même année où la première loi
fédérale sur l'immigration est votée.
A la fin du X1Xe siècle, le Québec possède ses
propres agents d'immigration en France et en Angleterre en vertu d'une entente
fédérale-provinciale. Entre 1869 et 1874, le Québec
participe à cinq conférences fédérales-provinciales
sur l'immigration. Ce n'est pas nouveau, il en existait il y a cent ans.
Cependant, à la dernière de ces cinq conférences, le
fédéral obtient un gain important, à savoir que le
Québec ne nomme plus ses propres agents d'immigration ou qu'il le fasse
en soumettant ses agents à la suprématie
fédérale.
En 1875, une loi est adoptée ayant pour objectif d'attirer les
Canadiens des Etats-Unis et les immigrants européens en leur offrant
des
terres à des conditions préférentielles. Une autre
loi, celle de 1899, oblige les sociétés qui veulent faire
immigrer des enfants au Québec écoutez bien, M. le
Président à faire la preuve que ce ne sont que des enfants
de "bonnes moeurs". Le paragraphe suivant dit ceci: De 1899 à 1945, il y
a une phase passive du Québec vis-à-vis de l'immigration
correspondant aux attitudes méfiantes des Québécois envers
la politique fédérale de l'immigration perçue comme un
danger vital contre l'hégémonie et même la survie du
groupe.
En 1941, une loi donne au ministre de la Colonisation le contrôle
et la gestion pour toute la province de tout ce qui se rattache à
l'immigration. Un autre paragraphe du texte que je cite raconte qu'à
partir de 1966 il y a un travail qui s'est fait. La direction
générale de l'immigration au Québec relève des
Affaires culturelles et on arrive en 1968 avec la création du
ministère de l'Immigration. i Si j'ai voulu faire un historique, c'est
pour une très bonne raison. Le Québec n'a pas commencé, en
1968, à agir en matière d'immigration, il avait commencé
cent ans auparavant. Ce sont des lois fédérales, deux en
particulier, celles de 1874 et de 1899, qui ont enlevé
unilatéralement au Québec le droit d'agir en matière
d'immigration. C'est ce qu'on essaie, depuis 1968, de rattraper graduellement.
L'entente Cullen-Couture, présentement, nous ramène à peu
près au niveau de ce qu'on avait en 1869. Si on a perdu une centaine
d'années au Québec en matière d'immigration et en
matière de sélection des immigrants au Québec, je ne pense
pas que ce soit par la paresse absolue du gouvernement québécois,
il y a peut-être eu l'intervention d'un autre ordre de gouvernement qui,
évidemment, a changé des choses. Il faudrait que les citoyens le
sachent. Peut-être que les députés de cette Chambre le
savaient, peut-être les membres de l'Opposition ont-ils lu les
mêmes documents que moi, mais ce n'était peut-être pas
très flatteur de démontrer l'action du gouvernement
fédéral dans ce domaine, alors, je me devais de le faire.
Dans mon comté, j'ai beaucoup de citoyens qui sont
Québécois de nouvelle souche ou des Québécois de
souche récente. Personne, dans mon comté j'en ai
rencontré encore une centaine samedi soir n'aime à se
faire appeler Néo-Québécois alors que cela fait 25, 26 ou
27 ans qu'il demeure ici. Qu'on trouve un terme pour dire qu'ils sont
Québécois de coeur et de décision plutôt que
d'origine, sans qu'ils soient intervenus librement. Quand on est né
Québécois, on n'a aucun mérite; celui qui a
décidé de devenir Québécois a plus de mérite
que moi. Il a décidé de vivre ici et je le respecte. Je tenais
à faire cette précision avant de parler d'économique.
Du côté économique, si j'avais eu plus de temps,
j'aurais fait faire dans mon comté un relevé de l'apport
économique des immigrants, spécifiquement pour le comté de
Jeanne-Mance. Je dirais peut-être en particulier, sans froisser personne
dans mon comté, dans la ville de Saint-Léonard. On me dit: Es-tu
le député de Saint-
Léonard ou le député de Jeanne-Mance? Je suis le
député d'un comté qui déborde des deux
côtés de la ville de Saint-Léonard. Evidemment, dans
Saint-Léonard il y a beaucoup d'immigrants, il y a beaucoup
d'italophones. Ces gens, je leur dois beaucoup de respect. Si la ville est
développée comme elle l'est aujourd'hui, ils y sont pour
beaucoup. (16 h 30)
Sans enlever quelque mérite que ce soit à mes concitoyens
francophones qui ont acheté des maisons, qui ont développé
la ville et qui ont fait beaucoup, eux aussi ont autant de mérite. Ils
ont mis beaucoup d'argent en jeu et ils ont fait confiance aux
Québécois et au Québec; on doit les apprécier pour
cela, je tiens à le leur répéter.
Il y a un vieil adage qui dit: Les Québécois viennent nous
enlever nos jobs! Je l'ai entendu il y a quinze ans, je l'ai entendu encore il
y a dix ans; heureusement je ne l'entends plus souvent.
Une Voix: Les immigrants!
M. Laberge: Les immigrants viennent nous enlever nos jobs. Les
Québécois devraient être ici pour conserver leur emploi.
Mais depuis une dizaine d'années il est vrai qu'on entend cet adage
moins souvent. D'autre part une étude réalisée ici, pour
le compte du ministère de l'Immigration, par un groupe sous la direction
de M. Mario Polèse dit bien: C'est faux, les immigrants ne viennent pas
nous enlever nos emplois ou nos jobs. Cette étude intitulée
"L'impact à court terme de l'immigration internationale sur la
production et l'emploi entre 1968 et 1975 au Québec" prouve tout
à fait le contraire. Les immigrants ont contribué, dans cette
période, à améliorer ou à augmenter le produit
national québécois de l'ordre de 2,5%. Quelques-uns diront: C'est
peu. Mais il faut dire que les véritables immigrants qui ne sont pas
nés au Canada, donc qui viennent de l'étranger, comptent, dans la
population du Québec, pour 8%, mais dans ce laps de temps ils ont quand
même contribué à augmenter le produit intérieur du
Québec, dans l'année 1975 seulement, de 2,5%. On dit ailleurs
que, pour un certain nombre d'années, cela a été
jusqu'à 22%.
A ce moment, ils ont contribué à améliorer le
standard de vie de tout le monde. On dit que chaque emploi qu'un immigrant
accepte au Québec crée un demi-emploi. Alors, si cet autre
demi-emploi n'est pas pris par un immigrant, il est créé pour un
Québécois d'origine; donc, personne n'y perd.
Je voulais aussi parler de l'importance des COFI, parce que si on dit
qu'on veut être accueillant pour nos immigrants... M. le ministre en a
parlé l'autre jour lorsqu'il a fait la présentation, il a dit
qu'il était important de conserver les COFI, il était important
d'adopter ce projet de loi de façon à pouvoir légalement
financer les COFI. On nous est arrivé, de l'autre côté de
la Chambre, en nous disant qu'il y a toutes sortes d'autres moyens, mais je
pense que le gouvernement du Québec, actuellement, est le gouvernement
le plus respec-
tueux des lois qu'on ait jamais vu qu'il aime à agir de
façon très légale, dans le respect des lois et dans le
respect de l'ordre établi.
Un autre point que je voulais relever est que l'argent apporté ou
investi par les immigrants quand on parle d'économique, non
seulement le travail, mais l'argent qu'ils apportent est un apport
réel dans l'économie québécoise. On dit, dans les
statistiques qui ont été relevées, que l'immigrant moyen
n'est pas totalement dépourvu d'argent lorsqu'il arrive au
Québec; la famille immigrante moyenne à $2028 en poche au moment
de son admission et compte en transférer $3552 additionnels de son pays
d'origine. Cet argent compense très largement les montants
envoyés à l'étranger, parce que, parfois, il y a des gens
qui nous disent: Les immigrants viennent ici, ils retirent des revenus et ils
envoient cela à l'étranger pour faire vivre leur famille. Mais
les statistiques ont établi que c'est, en moyenne, $250 par
année, par famille, alors que celui qui entre apporte près de
$5600. Donc cela prend du temps avant de faire une perte.
D'autre part, il y a des immigrants et beaucoup qui, au
moment où ils décident d'entrer au pays, demandent tout
simplement, comme on dit, qu'on les aide à se trouver un emploi ou qu'on
les admette dans la société comme travailleurs. Mais beaucoup, en
peu de temps, deviennent des entrepreneurs, et la moyenne de ces entrepreneurs
investit des fonds au montant de $77 000 chacun au moment où ils
débutent comme entrepreneurs. Et Dieu sait que dans le milieu où
je vis il y a beaucoup d'entrepreneurs! Beaucoup sont dans le domaine de la
construction, qu'ils soient plâtriers, menuisiers, ainsi que dans tous
les autres domaines de la construction. Si on a de la bonne construction dans
la région de Montréal, je suis prêt à dire que les
Italiens y sont pour beaucoup mes compatriotes d'origine italienne
parce qu'ils ont travaillé fort et qu'ils n'ont pas peur de se
salir les mains. Je leur rends hommage ici très honnêtement.
On dit que l'immigration exerce après quelques années un
impact positif sur les finances de l'Etat. Les immigrants versent
proportionnellement, sinon plus, de revenus à l'Etat que les anciens
résidents ou ceux qui sont nés ici. Dans le texte on disait "les
autochtones "; j'ai compris que c'était nous. Mais ils font
proportionnellement moins appel aux services dudit Etat. Que cela soit à
l'aide sociale, que cela soit à l'assurance-chômage ou à
tous les autres services de l'Etat, proportionnellement, ils font moins appel
aux services que les citoyens de vieille souche. Ce qui veut dire que pour
l'Etat ils sont aussi rentables. On ne doit pas tout simplement accueillir des
immigrants parce qu'ils sont rentables, mais on ne doit pas non plus passer ce
fait comme inconnu.
Ils paient des impôts comme tout le monde, et ils réclament
moins de l'Etat que les autres. Ce résultat reflète surtout la
structure démographique. Il y a des causes à cela. C'est que
l'immigration compte proportionnellement beaucoup moins de personnes
âgées et d'enfants d'âge scolaire que la moyenne
québécoise. Donc, la majorité des immigrants, lorsqu'ils
arrivent ici, sont sur le marché du travail, gagnent un revenu et paient
des impôts. Ils ne demandent pas grand-chose à l'Etat. M. le
Président, je voulais prouver par quelques citations le fait que les
nouveaux arrivants au Québec ne sont pas pour longtemps, s'ils le sont,
un poids pour l'Etat ou pour les concitoyens. Bien au contraire, ils sont un
apport positif, généralement. Nous n'avons pas à reprendre
leur scolarité, c'est déjà fait. Nous n'avons pas, non
plus, à les considérer comme vivant au crochet de l'Etat, je l'ai
expliqué. C'est bien la moindre des choses que nous leur permettions une
période d'adaptation à leur arrivée avant qu'ils se
lancent définitivement sur le marché du travail.
C'est la raison pour laquelle j'appuie le projet de loi et j'ai
appuyé le ministre, M. Couture, député de Saint-Henri,
lorsqu'il a dit qu'il était important que l'on maintienne les COFI en
fonction. Ces COFI qui ont été créés en 1969 en
collaboration avec le gouvernement fédéral et avec des transferts
d'argent à ce que je crois. Cependant, à cause des politiques du
gouvernement d'Ottawa d'alors et M. Trudeau était
déjà à ce moment premier ministre du Canada
à ce que je sache, le Québec, tout en collaborant avec Ottawa, a
permis l'intégration graduelle des immigrants en faisant le mieux
possible par les cours de langue et les cours d'adaptation dans ces mêmes
COFI. Cependant, ce que j'ai de la difficulté à accepter, c'est
qu'il est inconcevable que le gouvernement central ou le gouvernement d'Ottawa
décide maintenant, à cause de ses coupures budgétaires, de
couper les vivres aux plus récemment arrivés en discontinuant
unilatéralement le financement de ces mêmes COFI. C'est assez
inacceptable.
C'est pourquoi, M. le Président, il est très important que
la Loi qui modifie la Loi du ministère de l'Immigration soit
votée le plus tôt possible et qu'elle permette au ministre et au
gouvernement du Québec de prendre la relève d'un gouvernement
d'Ottawa qui ne prend pas ses responsabilités. Nous voulons accueillir
les immigrants amicalement, nous voulons leur permettre de pouvoir
s'intégrer harmonieusement dans la collectivité
québécoise. Il y a 100 ans nous avions des pouvoirs et nous les
avons perdus; nous les réintégrons et maintenant nous continuons
à avoir besoin des COFI depuis 1969. Il faut qu'on les fasse
fonctionner. Au point de vue de la loi et des COFI, il restera possiblement
certaines améliorations à apporter, mais il faut qu'ils
fonctionnent le plus tôt possible. (16 h 40)
Avant de conclure, M. le Président, je voudrais simplement
souligner qu'environ je l'ai peut-être mentionné 8%
de la population québécoise est née à
l'extérieur du Canada. Jusqu'à très récemment, le
Québec n'exerçait aucun contrôle sur l'admission et la
sélection des immigrants. Avant l'entente Lang-Cloutier, qui constituait
déjà un premier pas de retour dans la bonne voie,
l'Etat québécois n'était même pas
informé de l'arrivée des immigrants sur son territoire. L'entente
Lang-Cloutier, on se le rappelle, permettait au Québec d'envoyer des
agents à l'étranger, mais sans que ces agents puissent intervenir
dans le processus de sélection ou de recrutement. Pour continuer
l'histoire, l'entente Andras-Bienvenue améliore un peu les choses et
permet la participation du Québec à l'application du programme
fédéral. L'évaluation des plans se fait désormais
à la fois par les fonctionnaires québécois et canadiens.
Cependant, elle ne permet toutefois pas au Québec de définir une
politique distincte en matière de sélection. Cette
évaluation doit se faire à l'intérieur des normes
fixées par Ottawa. La nouvelle entente Cullen-Couture, signée
récemment, ouvre la porte, à l'intérieur de certaines
limites tout de même, à une politique québécoise
distincte de l'immigration conforme à ses besoins et à ses
aspirations les plus légitimes. L'adoption par cette Chambre du projet
de loi que nous discutons ne met pas fin automatiquement à toute
contrainte. Cependant, c'est encore une grande amélioration. C'est
pourquoi, M. le Président, je voterai en faveur du projet de loi.
Merci.
M. Raynauld: M. le Président, l'article 92.
Le Vice-Président: J'attendais cette situation-là,
pour expliquer justement à ceux qui sont dans les galeries ou ailleurs
ce qui se produit dans un moment semblable. Cela sera très bref; je ne
vous ferai pas perdre votre temps. J'ai cité tantôt l'article 92.
Il ne suffit pas que quelqu'un se lève le premier, ni que l'oeil de la
caméra l'ait vu le premier. Il faut, en vertu de l'article 92, que celui
qui désire opiner, qui désire s'exprimer, ait
désigné celui qui est à ce fauteuil par son titre. Il y a
d'autres règles au début d'un débat ou à la fin
d'un débat, comme les règles concernant la réplique ou le
fait que quelqu'un ait été attaqué et qu'il puisse
immédiatement se défendre.
Dans le cas présent, je puis vraiment dire qu'il m'est difficile
de savoir qui j'ai entendu le premier avec les applaudissements qui suivent le
discours d'un opinant. Je voudrais justement, pour rendre une espèce de
jugement à la Salomon, reconnaître un chef de parti même
s'il n'est pas de l'Opposition officielle, mais en disant immédiatement,
pour celui ou celle qui pourrait me remplacer, que M. le député
d'Outremont a suffisamment été patient et qu'il sera le prochain
opinant.
M. le chef de l'Union Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je veux remercier le
député d'Outremont, mon excellent ami, de sa patience et de sa
collaboration. Je voudrais parler sur ce projet de loi 77 et je voudrais
souligner ici un aspect tout à fait particulier de l'immigration au
Québec. Tout à l'heure, mon collègue, le
député de Jeanne-Mance, a passé rapidement sur un sujet
qui m'intéresse: c'est l'aspect économique de l'immigration.
Puisque ce projet de loi, avec toute sa législation
déléguée, m'en donne l'opportunité par ses
réglementations, je vais simplement souligner ce que je vois comme
côté positif de l'immigration au Québec.
D'abord, je veux dire que l'Union Nationale est certainement d'accord
sur les principes de ce projet de loi, puisque l'Union Nationale a
été le premier parti politique à s'occuper du dossier de
l'immigration et, en particulier, par l'ancien chef du parti, M. Gabriel
Loubier, qui, déjà en 1963, 1964 et 1966, parlait de
l'immigration au Québec. Lorsque l'Union Nationale a publié, en
1973, son programme politique, il était question d'immigration et on
disait ceci et c'est important de le noter en parlant de
l'état de la question de l'immigration: "L'immigration est un
phénomène qui produit des effets économiques,
démographiques et culturels dans le pays à
l'époque, on s'intéressait en premier lieu à
l'économie, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'Union Nationale
où s'établissent les noueaux citoyens. Tous ces effets peuvent
être bénéfiques pour le pays d'accueil si on sait mettre en
oeuvre des moyens réalistes et efficaces qui feront travailler
l'immigration pour soi, donc pour le pays qui reçoit et non contre ce
pays.
Or, les effets économiques de l'immigration, je pense qu'ils sont
nombreux, parce qu'on sait qu'un grand nombre d'immigrants qui arrivent au
Québec ne sont pas uniquement des consommateurs mais sont
véritablement des créateurs d'emplois parce qu'ils ont,
dès leur arrivée, la capacité financière et la
capacité morale et intellectuelle aussi de créer des entreprises.
Un effort plus systématique encore devrait être tenté en
vue de recruter davantage des immigrants qui seront des investisseurs pour le
Québec, des créateurs d'emplois pour le Québec.
Là-dessus, je crois que le ministère de l'Immigration, tel qu'on
le connaît aujourd'hui, n'a pas assez fait d'efforts à mon
point de vue, en tout cas, sans blâmer celui qui est là
aujourd'hui ou ceux qui étaient là avant lui
systématiques dans ce sens. On devrait avoir une meilleure collaboration
avec les ministères à vocation économique et le
ministère de l'Immigration. Je suis heureux de voir ici le ministre de
l'Industrie et du Commerce, et le ministre délégué
à l'énergie.
Je pense qu'on aurait davantage intérêt, pour l'avenir du
Québec, pour bâtir cette population que l'on veut tant, qu'il y
ait une collaboration accrue entre le ministère de l'Immigration et le
ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère de
l'Agriculture, le ministère de l'énergie et le ministère
des Terres et Forêts. Ce sera avec cette collaboration plus intense, plus
efficace qu'on pourra aider le ministère de l'Immigration à
remplir son véritable devoir.
Il y a aussi d'autres ministères qui peuvent aider le
ministère de l'Immigration et je songe au ministère des Affaires
sociales. Il faudrait peut-être que le service démographique du
ministère des Affaires sociales devienne autre chose qu'un simple
compteur de naissances et de décès, en plus ou en moins d'un
côté que de l'autre, et qu'on
indique où en est rendu le Québec sur le plan
démographique, où en sont rendues les régions du
Québec, les besoins dans les différentes régions du
Québec. Là, le ministre comprend certainement pourquoi je veux
intervenir sur ce côté. Dans certaines régions du
Québec, on a des besoins et on n'a pas les mêmes besoins dans
d'autres régions du Québec. Je pense à des agriculteurs ou
à des vignerons, on a besoin de cela au Québec et,
malheureusement, le Québec, jusqu'à maintenant, n'a pas encore
développé de ces sortes de gens tout simplement parce qu'on n'a
pas les connaissances techniques et qu'on n'a pas la tradition
nécessaires.
Alors, il y aurait peut-être lieu, pour le ministère de
l'Immigration, d'importer ces connaissances techniques et humaines dont on a
tant besoin pour développer le Québec dans toutes sortes de
domaines bien spécifiques. En plus, le député de
Jeanne-Mance a noté tout à l'heure avec justesse, qu'il y avait
$77 000 d'investis par entrepreneur immigrant au Québec. Et mes
statistiques me disent, à moi, que, lorsqu'arrive un immigrant au
Québec, que ce soit un homme, une femme ou un enfant, en moyenne, il
arrive avec $5000, $6000 ou $7000. Peut-être que le ministre pourra
confirmer ce chiffre ou, en tout cas, le corriger s'il n'est pas juste. Cette
personne qui arrive, c'est de l'argent étranger mais pas de l'argent
canadien; c'est de l'argent espagnol, français, italien,
américain ou je ne sais pas d'où. Alors, c'est de l'argent neuf.
La personne arrive avec cet argent neuf et il faut qu'elle vive, au
Québec. Donc, cela veut dire qu'il va falloir qu'elle commence à
manger, à s'acheter des cigarettes, de la nourriture, à acheter
des bottines pour les enfants ou un petit peu de vêtements, et ainsi de
suite, comme cela. C'est de l'argent qui va se dépenser au cours de
l'année, au cours des deux ou trois prochaines années.
Finalement, cela fait un générateur d'argent nouveau chez
nous. Cela, je pense que c'est une dimension importante. Pour atteindre
véritablement le but que je voudrais fixer au ministère de
l'Immigration et afin que cela devienne un ministère à vocation
économique, je pense qu'il faut donner au ministère de
l'Education de nouvelles ressources, de nouveaux mandats très
précis. Plus de ressources humaines, s'il le faut, plus de ressources
matérielles, mais qu'on en fasse véritablement un
ministère de la Main-d'Oeuvre, un ministère de la population, et
qu'on réponde à des besoins précis de la part des autres
ministères, qu'on ait une meilleure liaison avec les ministères
à vocation économique, les ministères à vocation
sociale et qu'on recense surtout au Québec les occasions d'implanter de
nouveaux immigrants, des immigrants entrepreneurs, des immigrants
commerçants, des immigrants travailleurs, des immigrants qui oeuvrent
dans différents secteurs économiques du Québec ou
différents secteurs géographiques du Québec. Il y a des
régions où on a 25% ou 30% de chômage, c'est bien difficile
de dire qu'on va commencer à augmenter cela. Il y a d'autres
régions, par exemple, où c'est possible d'avoir des immigrants
qui nous aident et qui nous aident rapidement à créer de nouveaux
emplois au
Québec.
(16 h 50)
Or, le ministère de l'Immigration, à ce point de vue en
particulier, a un défi extraordinaire. Donc, M. le Président, le
premier défi que je vois pour le ministère de l'Immigration,
c'est un défi économique. C'est peut-être surprenant, c'est
un défi économique qui pourrait faire en sorte que le
ministère de l'Immigration devienne un véritable ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la population qui fournira le nécessaire aux
autres ministères, aux entreprises à travers le Québec et
la main-d'oeuvre, la population nécessaire pour développer
harmonieusement notre province.
Un autre défi que je vois, une chose qu'on pourrait
améliorer grandement, c'est l'accueil, l'assistance et l'adaptation au
Québec de ces nouveaux immigrants. Bien sûr, on a des programmes
un peu partout. On nous a parlé des COFI et d'aide aux immigrants
à mieux s'adapter. Mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que
cela pour que l'immigrant, en arrivant, se sente beaucoup plus chez lui. Qu'on
fasse appel à la fois aux Québécois qui sont ici depuis
des générations et aux autres qui sont ici peut-être depuis
une génération, ou peut-être qui sont arrivés au
cours des dernières années, pour former de ces comités
d'accueil pour que l'immigrant se sente chez lui en débarquant ici au
Québec.
Le ministre ne l'ignore certainement pas, lorsque l'immigrant arrive de
3000, 4000, 5000 et 8000 milles d'ici, c'est passablement loin et cette
personne ou cette famille se sent un peu dépaysée, un peu
isolée. Il s'agirait d'avoir des structures d'accueil assez flexibles et
surtout assez hospitalières, assez fraternelles pour que ces gens qu'on
amène chez nous pour nous aider à développer notre
province puissent se sentir chez eux le plus rapidement possible. J'en ai
vécu l'expérience, souventefois dans le passé, j'ai fait
appel à certains immigrants pour travailler dans les entreprises que
nous avions, et j'ai vu que c'était difficile pour eux de
s'intégrer à la population de nos petites municipalités
où nous vivions à l'époque.
Il y a un effort d'éducation de la population à faire. Il
y a un effort aussi à faire vis-à-vis des autres immigrants qui
sont venus depuis peu longtemps pour qu'ensemble on puisse créer ces
structures d'accueil, ces structures d'assistance humaine et fraternelle, ces
structures d'adaptation le plus rapidement possible pour que ces gens se
sentent chez eux au Québec. Il ne faudrait pas que cela prenne une
génération pour que l'immigrant se sente Québécois
comme nous. C'est le plus rapidement que cette personne ou ces personnes
puissent vivre comme nous, respirer notre air et avoir le sentiment
d'appartenance à notre population. C'est, à mon point de vue, M.
le Président, le deuxième grand défi du ministère
de l'Immigration.
Il y a aussi un autre défi du ministère de l'Immigration.
C'est un petit problème, je pense, qui est devenu maintenant gros parce
qu'on n'a
pas voulu prendre de décision politique dans ce domaine en
particulier; c'est le problème de l'éducation en français
ou en anglais, et on se chicane tout le temps là-dessus. Si vous
demandez aux immigrants qui arrivent chez nous, au Québec, leur choix,
dans quel genre d'école ils vont aller, rapidement ils vont vous dire:
On veut aller à l'école anglaise. C'est parce qu'ils sont
flexibles, ils sont mobiles. Ils ont déjà fait 5000 milles et ils
arrêtent ici au Québec et ils disent: Si cela ne marche pas, dans
cinq ans, je m'en vais. Je m'en vais en Ontario. Je m'en vais à
Détroit. Je m'en vais à New York, quelque part, et c'est quoi
là-bas? Cela parle l'anglais. Automatiquement, sans pousser de la part
du gouvernement, je ne vise donc personne, ils sont tentés d'aller
à l'école anglaise parce qu'ils trouvent que c'est plus facile.
Si cela ne fait pas à une place, ils vont s'en aller à
l'autre.
Nos gens chez nous, nos vrais Québécois sont beaucoup plus
attachés, sont beaucoup moins mobiles que les immigrants. Il faudrait
faire en sorte quand même de les garder avec des structures d'accueil,
comme je disais tout à l'heure, avec un aspect économique
à la question de l'immigration. Mais il faudrait aussi, si on veut les
intégrer à la communauté francophone du Québec,
leur donner un service essentiel dont ils ont besoin je pense bien en
Amérique du Nord, c'est de pouvoir apprendre aussi l'anglais en plus
d'apprendre le français et de s'intégrer à la
communauté francophone. Là-dessus, ce n'est pas juste le
problème des immigrants. On en a parlé durant ce débat.
C'est le problème de tous les Québécois sans exception,
l'apprentissage d'une langue seconde de qualité et en quantité
nécessaire dans toutes nos écoles au Québec.
Là-dessus, je me souviens parce que j'entends encore comme si
c'était hier le ministre de l'Education me répondre en commission
parlementaire lorsque nous avons étudié la loi 101. Nous avions
soumis en amendement pour l'enseignement des deux langues, l'anglais dans
l'école française, comme langue seconde et le français
dans l'école anglaise. Il m'a dit: Vous avez totalement raison. Je suis
d'accord avec vous. La seule chose, on ne peut pas le mettre dans le projet de
loi, il y a des problèmes techniques, il y a des problèmes
politiques. Mais je m'engage, moi, à procéder le plus rapidement
possible. Cela fait deux ans de cela et à la fois les immigrants et
à la fois les Québécois nous attendons une décision
politique du ministre de l'Education.
Je pense bien que là-dessus, le ministre de l'Immigration
pourrait intervenir rapidement, avec tout son poids de ministre et ses
responsabilités de ministre, auprès de son collègue de
l'Education et lui dire: Ecoutez, il faudrait bien mettre un terme à
tout cela, faire en sorte que nos gens qui arrivent au Québec, nos
immigrants, puissent aller à l'école française bien
sûr, on est tous d'accord là-dessus mais puissent apprendre
à l'école française la langue seconde du Québec et
la langue première, je pense bien, de l'Amérique du Nord, qui est
la langue anglaise. En même temps, cela pourra bénéficier
à tous nos francophones et à tous nos anglophones du
Québec, à toute notre population du Québec. C'est un autre
défi pour le ministre de l'Education, s'il veut véritablement
faire un succès de son passage au poste de ministre de l'Education du
Québec.
M. le Président, avant de terminer ce bref exposé, je
voudrais dire au ministre de l'Immigration qu'il faudrait qu'il pousse
davantage et qu'il fasse davantage pression sur le gouvernement afin de
définir une véritable politique de la main-d'oeuvre. La politique
de l'immigration est dans la politique générale de la
main-d'oeuvre, un peu comme la politique du zonage agricole est dans la
politique générale d'aménagement du territoire. On nous
parle de zoner "agricole" les terres agricoles. C'est un projet très
important, mais qui va dans le plan d'ensemble de l'aménagement du
territoire. La politique de l'immigration va aussi dans le plan d'ensemble
d'une véritable politique de main-d'oeuvre de la population. Il faudrait
que le ministre, là-dessus, qui veut régler son problème
d'immigration, soit conscient que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas une
véritable politique de main-d'oeuvre au Québec, ce sera toujours
plus difficile de régler des problèmes au niveau de
l'immigration. M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure, je
voudrais voir ce plan d'ensemble et voir le ministère de l'Immigration
converti en véritable ministère de la population, des ressources
humaines. Toutes les étapes que le ministre pourra faire dans cette
direction seront appréciées de la part de la population du
Québec.
M. le Président, en terminant, je résume, à mon
point de vue, les grands défis puisque j'ai voulu apporter
quelque chose de positif à ce débat du ministre de
l'Immigration: améliorer son ministère; améliorer
l'immigration à Québec afin, premièrement, d'en avoir une
approche économique, puis d'avoir un véritable ministère
de la population et de la main-d'oeuvre; améliorer l'accueil,
l'assistance fraternelle à nos immigrants, l'adaptation à la
philosophie québécoise; améliorer l'enseignement des deux
langues dans nos écoles au Québec. Tout cela ensemble, je pense,
est un défi que le ministre peut relever. Je l'assure de notre
collaboration pour le relever.
M. Raynauld: M. le Président...
Le Vice-Président: Cette fois-ci, M. le
député d'Outremont, je vous ai vu et entendu, et nous allons vous
écouter.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Merci, M. le Président. La loi qui nous est
proposée aujourd'hui est une loi qui se situe dans le prolongement d'une
loi précédente qui existait au Québec depuis 1968 et qui
s'interprète à la lumière de la loi fédérale
C-24 qui a été votée l'année dernière, en
1977, et à la lumière de l'entente plus récente entre les
deux gouvernements. Le principe du projet de loi, dans la mesure où il
s'agit simplement d'exercer un champ de juri-
diction conjoint, qui est reconnu par la constitution, est tout à
fait acceptable à ce côté-ci de la Chambre. Cependant, je
voudrais relever dans le projet de loi quatre lacunes principales qui me
paraissent soulever des ambiguïtés, soulever des difficultés
d'interprétation ou même des difficultés de principe.
La première lacune que je décèle dans ce projet de
loi, c'est ce qui n'y existe pas. Par exemple, dans le projet de loi, il
n'existe rien sur les objectifs du gouvernement du Québec. On a
manqué là une belle occasion d'exprimer l'attitude fondamentale
du gouvernement et des Québécois, qui est favorable à
l'immigration. Je pense que le projet de loi aurait dû comporter une
reconnaissance et l'expression d'une attitude favorable à l'immigration.
Or, on ne la trouve pas. Bien plus, je pense qu'on aurait pu et qu'on aurait
dû insérer dans le projet de loi, quelque part, les principes de
fond qui vont inspirer le gouvernement dans l'application du projet de loi,
c'est-à-dire dans la sélection des immigrants. ( 17 heures)
Parmi ces principes, il y en a un qui est d'ailleurs mentionné
parmi les considérants de l'entente fédérale-provinciale
que j'aurais aimé, pour ma part, retrouver dans le projet de loi. Ce
considérant dit, somme toute, que cette entente devra contribuer
à consolider et à enrichir le patrimoine culturel et social du
Canada, par exemple. On mentionne dans l'entente également qu'on devra
s'abstenir de toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la
religion ou le sexe. Ce sont des principes fondamentaux qu'on ne retrouve pas
dans le projet de loi et qui, compte tenu des pouvoirs discrétionnaires
que ce projet de loi confère au ministre et dont je parlerai tout
à l'heure, auraient pu constituer une sauvegarde essentielle, me
semble-t-il, dans l'exercice de ces pouvoirs.
On mentionne également dans l'entente le caractère
désirable ou souhaitable d'assurer et de respecter le droit à la
mobilité de ces immigrants une fois rendus sur place. Je pense que le
gouvernement du Québec, qui a signé cette entente,
reconnaît le bien-fondé de ce principe, mais là non plus on
ne le retrouve pas dans le projet de loi et je pense que c'est regrettable.
En second lieu, je voudrais souligner le fait que ce que nous trouvons
à l'article 2 du projet de loi se rapporte au nombre d'immigrants qu'on
jugera admissibles et qu'on fixera année après année, si
je comprends bien. Ceci, évidemment, est identique à la loi
fédérale, d'une part, qui fait également obligation au
ministre de fixer le nombre maximum d'immigrants admissibles compte tenu des
contraintes et des occasions d'origine démographique, d'origine
économique ou d'origine socioculturelle. Donc, on va fixer un nombre
maximum d'immigrants et c'est à l'intérieur de ce nombre que vont
jouer les critères de sélection soit fédéraux, soit
québécois.
Je me pose une question à ce sujet: N'y a-t-il pas une
possibilité de conflit dans la fixation de ce nombre d'immigrants? Je
vais donner un exemple peut-être un peu simpliste où le
gouvernement fédéral fixerait ce nombre d'immigrants disons
à 50 000 pour une année donnée. Supposons que le
gouvernement du Québec fixe son nombre à 30 000 ou même 40
000 pour rendre l'exemple encore plus patent, qu'est-ce qui arrive à ce
moment-là? S'il y a suffisamment d'immigrants qui s'adressent au
Québec, compte tenu, encore une fois, de la priorité que le
Québec détient dans l'admission et dans la sélection des
immigrants, est-ce à dire que le Québec pourrait accepter 30 000
ou 40 000 immigrants de sorte qu'il n'en resterait que 10 000 ou 20 000 pour
tout l'ensemble du Canada? Je me pose donc la question puisqu'il semble clair,
suivant l'entente et le projet de loi, que les deux gouvernements ont
l'obligation de fixer un nombre maximum d'immigrants. Le gouvernement
fédéral peut fixer son nombre et le gouvernement provincial peut
également fixer son nombre en vertu de l'article 2 du projet de loi.
Je sais bien que dans l'entente on dit qu'on va harmoniser les
politiques, qu'on va se concerter, sauf que, dans la loi
fédérale, il est bien dit que le ministre fédéral a
l'obligation de fixer, de son côté, un nombre et le ministre du
gouvernement du Québec a également le même droit, la
même obligation ce n'est pas un droit, c'est une obligation
de fixer un nombre donné d'immigrants. Donc, je pose la question et
peut-être que le ministre pourrait nous éclairer sur ce sujet un
peu plus tard.
La deuxième grande lacune que je trouve dans le projet de loi, et
c'est vraiment l'essentiel, c'est la question des critères de
sélection. J'aurais deux points à souligner à ce sujet. Le
premier, c'est que je trouve absolument inadmissible que les critères et
leur poids dans la décision n'apparaissent pas dans la loi. Ici, nous
touchons à des droits fondamentaux de la personne.
Pourtant, lorsqu'il s'agit de l'argent, lorsqu'il s'agit des
impôts, on accepte comme pratique parlementaire, depuis toujours, que la
loi doit être aussi précise qu'il est concevable d'être
précis. On ne recourt pas à des règlements pour
décider combien d'impôt un contribuable devra verser au
gouvernement. Les taux d'impôt sont indiqués eux-mêmes dans
la loi. Même s'il faut changer la loi trois fois par année
parce que les ministres des Finances font maintenant des budgets plus
fréquemment on revient devant l'Assemblée pour faire
changer ces taux. Dans le cas de l'immigration, il s'agit de choses bien plus
fondamentales, il s'agit de droits de personnes qui peuvent être
lésés ou qui peuvent être favorisés, pourtant il n'y
a absolument rien dans la loi sur les critères. Lorsqu'on ajoute cette
absence de critères à l'absence d'objectifs, dont j'ai
parlé tout à l'heure, il me semble qu'il s'agit là d'une
combinaison de carences particulièrement grave dans un projet de
loi.
Même si le ministre l'a accepté, il n'est pas suffisant
même de discuter de ces critères en commission parlementaire et de
pouvoir examiner les règlements qui seront soumis à l'occasion de
cette étude. Je pense qu'il aurait fallu mettre dans
la loi elle-même et je pense qu'il est encore temps de
modifier la loi à cet effet des critères, des
règles que le ministre devra suivre dans la sélection de ces
immigrants.
Sur la sélection, je voudrais mentionner et c'est dans ce
sens que j'ai dit, tout à l'heure, que cette loi devait
s'interpréter à la lumière de l'entente
fédérale-provinciale que lorsqu'on lit l'entente
fédérale-provinciale, on y trouve des expressions, à
plusieurs reprises, comme: une collaboration permanente; il faudra harmoniser
et coordonner les politiques du gouvernement du Québec et du
gouvernement du Canada; et je cite ici "Que la sélection
se fera sur une base conjointe et paritaire"; une autre citation
"Que le processus décisionnel sera conjoint", et par la suite, il me
semble, on dit le contraire. On dit, en réalité, après
avoir dit que toutes ces décisions étaient conjointes, que, somme
toute, lorsqu'un immigrant remplit les conditions posées par la grille
de sélection du Québec, le gouvernement du Canada est tenu de lui
donner la permission d'entrer au Canada. Donc, lorsque les critères de
sélection du Québec sont respectés, il est admis
automatiquement.
Lorsque le candidat ne remplit pas les conditions de la grille de
sélection du Québec ou qu'il ne remplit pas les critères
de la grille de sélection canadienne, c'est la décision du
Québec qui prévaut. Donc, le Québec décide, de
façon unilatérale on peut bien appeler cela prioritaire si
on le veut et en toute indépendance, des critères de
sélection du gouvernement canadien. A ce moment, il me semble que c'est
jouer beaucoup sur les mots que de dire, d'un côté, qu'on institue
un processus de décision conjoint, paritaire et que, ensuite, on dise:
Lorsque le Québec dit oui, l'immigrant peut entrer; lorsque le
Québec dit non, il n'entre pas, quelles que soient les circonstances.
Bien sûr, je parle ici des immigrants indépendants. C'est, en
fait, la seule catégorie d'immigrants pour laquelle on doive prendre une
décision puisque les autres catégories d'immigrants
répondent à des critères humanitaires ou des circonstances
plus ou moins temporaires; de sorte que, s'il s'agit d'immigrants
indépendants c'est le Québec qui décide, de façon
prioritaire et unilatérale, de tous les immigrants qui entreront au
Québec.
Je ne veux pas, en mentionnant ces cas, nécessairement prendre
position sur le fond du problème, mais je trouve difficile de concilier
le projet de loi 77, l'entente que nous avons et ensuite les intentions qui ont
été exprimées par toutes les parties sur ce sujet. (17 h
10)
Et ceci m'amène à mon troisième point qui concerne
les pouvoirs discrétionnaires du ministre. Ici, encore, je pense bien
que le ministre s'attend à ce genre de critiques. Nous essayons, nous,
de notre côté, sur à peu près toutes les occasions
qui nous sont offertes, de forcer le gouvernement à définir dans
des lois les pratiques et les décisions que ce gouvernement va adopter.
Nous trouvons que c'est vraiment conforme à la tradition parlementaire,
c'est une exigence élé- mentaire d'un régime
démocratique que de régner par des lois et non de régner
par des décisions plus ou moins secrètes prises dans un Conseil
des ministres ou en vertu de règlements que le gouvernement est souvent
le seul à connaître, quand ce ne sont pas les fonctionnaires
eux-mêmes, à l'exclusion même des ministres.
Lorsqu'on lit ce projet de loi, on est vraiment atterré, non pas
qu'on puisse mettre en doute la bonne volonté ou
l'honnêteté du ministre en tant que tel, par la discrétion
qu'on lui confère dans un projet de loi comme celui-ci. Je pense, par
exemple, au paragraphe 3a, où, après avoir dit qu'il faut
vraiment que les immigrants soient acceptés par règlements, il y
a un paragraphe qui dit que lorsqu'il s'agit de situations particulières
de détresse il s'agit là, de réfugiés, au
sens des conventions internationales le ministre pourra passer outre au
règlement. Mais, ce n'est pas cela qui est le pire; dans la même
phrase on ne dit pas seulement dans des cas particuliers de détresse
mais on dit: De tout autre cas où le ministre juge que le
résultat ne reflète pas les possibilités de ce
ressortissant étranger de s'établir avec succès au
Québec. Cela veut dire que le ministre peut admettre qui il veut sur la
foi de sa signature et au-delà de tout règlement qui peut
exister, au-delà de toute entente qui peut exister avec le gouvernement
fédéral. Le ministre le peut dans tout autre cas, si à son
jugement à lui quelqu'un doit être admis au Québec; qu'il
remplisse ou qu'il ne remplisse pas les conditions, cela n'a aucune
espèce d'importance. Il a la liberté de le faire en vertu de cet
article.
Ensuite on en arrive à un deuxième cas, et ceci s'adresse
à des ressortissants qui désirent séjourner temporairement
au Québec, le paragraphe 3b. Là, il y a un dernier paragraphe qui
dit: "Malgré le deuxième alinéa on aurait pu dire
aussi malgré tout ce qui précède le ministre peut,
dans les cas prévus par règlement, exempter un ressortissant
étranger de l'application des conditions visées et lui
délivrer un certificat d'acceptation". Là encore, le ministre a
la discrétion d'accepter ou de refuser des immigrants en dépit
des règles établies au préalable. On mentionne à
cet égard l'existence d'un conseil consultatif de l'immigration. Je note
ici je ne sais pas si c'est une cachoterie du ministre, si c'est une
raison vraiment sérieuse qui l'a amené à changer la
désignation; on sait que dans l'ancienne loi il existait un
comité consultatif. Là, il semble que cela soit le seul mot
changé dans un très long article. On appelle maintenant ce
comité consultatif un conseil législatif. Pour le reste
à moins d'erreur je n'ai pas vu d'autres changements. Je me
demande quelle est la raison de le faire. Mais sur les pouvoirs de ce conseil,
comme le nom le dit, les pouvoirs sont très limités, il s'agit de
donner des conseils au ministre, mais j'aurais aimé quelques protections
là, également. Il me semble qu'on aurait pu dire à
quelques endroits que le ministre doit quand même suivre les
recommandations de ce conseil, au moins dans certains cas particuliers qui
pourraient être assez diffici-
lement réglés par le ministre où les gens
pourraient avoir des doutes sur la façon dont les décisions sont
prises dans des cas particulièrement difficiles. Mais ces
protections-là n'existent pas.
Il me semble qu'il aurait été de mise que le ministre
lui-même cherche à se donner une certaine garantie
d'objectivité par l'existence de ce conseil qui, de toute
manière, va fonctionner. On aurait indiqué dans le projet de loi
qu'il va souscrire aux recommandations du conseil, sûrement avec des
réserves, parce que je ne pense pas que le ministre devrait avoir les
mains liées par ce conseil, mais au moins il y aurait une indication
que, pour refuser une décision ou une recommandation qui aurait
été transmise par le conseil, le ministre devrait avoir de bonnes
raisons. Par exemple, on pourrait dire que c'est consultatif, mais que, si le
ministre ne suit pas une recommandation, il devrait peut-être donner une
explication à l'Assemblée nationale. Ce seraient des formules
mitoyennes qui donneraient une certaine garantie à la population en ce
sens que les décisions ne sont pas entièrement
discrétionnaires même si, encore une fois, la bonne foi du
ministre n'est pas mise en jeu dans cette discussion.
Mon dernier point, Mme le Président, porte sur des
considérations un peu plus générales. Je me pose la
question à savoir puisqu'on n'a pas d'indication, d'intention
dans ce projet de loi ce que le gouvernement essaie d'obtenir. Quelles
sortes de résultats veut-il? Veut-il plus d'immigration au Québec
ou en veut-il moins? On n'a pas de réponse à cette question.
Est-ce que les perspectives qui sont ouvertes par le genre de procédures
que l'on a mises en place, le genre de critères de sélection que
l'on va mettre en place, est-ce que ces procédures vont conduire
à une augmentation de l'immigration au Québec ou à une
diminution de l'immigration au Québec? Je pense que c'est une question
fondamentale qui n'est pas purement légale, qui ne se traduirait pas
nécessairement par des articles spéciaux, additionnels, mais qui
est essentielle. On n'a pas encore de la part de ce gouvernement cette
expression: Quelle est l'attitude du gouvernement vis-à-vis de
l'immigration? Maintenant qu'on a résolu le problème de la langue
en ce qui concerne l'immigration, qu'en d'autres termes on n'a plus à
craindre que l'immigration au Québec vienne changer l'équilibre
démographique de la société québécoise
à cause des mesures qui ont été prises par la loi 22
d'abord et par la loi 101 par la suite, est-ce que, pour une fois, on ne
pourrait pas, maintenant que cet obstacle séculaire à une
attitude positive de la part des Québécois a été
surmonté, avoir une attitude franche, ouverte et favorable à
l'immigration plutôt que de toujours essayer de se ménager des
portes de sortie, de faire des grandes déclarations de principe quand on
sait qu'en arrière de ces grandes déclarations de principe il y a
toutes sortes de réserves? Par exemple, on se demande: Est-ce que, parmi
les critères de sélection, on va attacher tellement d'importance
au caractère socioculturel qui va être mentionné parmi les
critè- res? Faudra-t-il que ce soient des francophones, par exemple? On
dit: Non, sûrement pas, ce ne seront pas seulement des francophones. Mais
quel poids cela va-t-il avoir, le fait que quelqu'un parle déjà
la langue française? C'est sûr que pour passer d'une attitude
objective, franche et positive à une attitude qui frise la
discrimination, les pas sont vite franchis; ils sont très vite
franchis.
A ce moment-là, on dit: Est-ce qu'on va appliquer la loi avec une
attitude, encore une fois, franche, d'ouverture vis-à-vis de
l'immigration ou s'il va y avoir encore toutes sortes de réserves?
Va-t-on encore se sentir tiraillé parce qu'on aura pensé que les
immigrants, comme c'est arrivé malheureusement dans le passé,
pouvaient jouer un rôle négatif sur le plan économique? Je
pense que le député de Jeanne-Mance a essayé de montrer
tout à l'heure qu'il n'en était rien. Je partage ce point de vue.
(17 h 20)
L'immigration apporte une contribution non seulement culturelle
ce qui est évident mais une contribution positive, d'ordre
économique dans une économie parce que, d'abord, lorsque cette
politique d'immigration est bien inspirée, elle va venir réduire
des fluctuations d'origine démographique, c'est une grande contribution
à la stabilisation d'une économie; ensuite, parce que
l'immigration non seulement apporte des travailleurs additionnels, mais, en
même temps, apporte aussi une consommation additionnelle, de sorte qu'il
est impossible, à mes yeux, qu'un immigrant prenne l'emploi d'un autre.
C'est absolument impossible, parce qu'en même temps qu'il apporte son
travail il apporte aussi sa propre consommation, il apporte sa propre demande
de biens et de services. Par conséquent, il crée l'emploi qu'il
occupe.
Mme le Vice-Président: M. le député d
Outremont, je me vois dans l'obligation de vous demander de conclure.
M. Raynauld: Merci, Mme le Président. Encore une petite
minute, si je le peux. Je voulais ajouter que l'immigration apporte aussi une
contribution très nette à l'augmentation de la
productivité d'une économie par l'effet que l'immigration exerce
sur l'innovation. Cela, c'est fondamental. L'innovation se crée et
naît dans des milieux diversifiés, dans des milieux avec des
expériences différentes, avec des valeurs différentes.
C'est le mélange de ces valeurs et de ces attitudes face au travail,
face à l'investissement qui donne lieu à des innovations et
à une productivité accrue.
Par conséquent, un apport positif de l'immigration sur le plan
économique. J'ai dit tout à l'heure qu'il allait de soi que
l'apport culturel était également positif et je pense qu'il n'y a
pas lieu d'insister là-dessus. Par conséquent, j'aurais
aimé qu'on trouve les moyens, à travers ce projet de loi, de
peut-être réaliser ce que nous voudrions tous, que le
Québec soit vraiment ce que le député de Papineau a dit
tout à l'heure, cette terre d'amitié, cette terre de
solidarité et cette terre d'ouverture vers le reste du monde.
M. Blank: Mme le Président...
Mme le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis, allez!
M. Blank: Mme le Président, je veux ajouter une petite
contribution à la discussion en deuxième lecture du projet de loi
77.
M. Paquette: Mme le Président, question de
règlement. Je m'excuse, il me semble que le député de Viau
s'était levé avant le député de Saint-Louis. Vous
n'avez pas statué. Il a dit: Mme le Président, mais il n'a pas
commencé à parler.
M. Bellemare: Mme le Président...
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: Je crois qu'il s'est établi une certaine
rotation et je dois dire, comme parlementaire depuis longtemps, qu'on a
respecté de part et d'autre cette tradition de faire la rotation des
différents partis. Le député de Saint-Louis, qui a
été vice-président de l'Assemblée nationale, c'est
sûr, comprend bien cette rotation qui a été établie
depuis très longtemps. Si vous n'avez pas vu le député,
c'est peut-être parce qu'il est un peu plus loin et que celui du
comté de Saint-Louis vous a peut-être plus frappé, mais
moi, personnellement, j'ai vu le député se lever avant. Je n'ai
pas à juger du cas, mais je dis que, selon la tradition parlementaire on
devrait lui céder la place.
Des Voix: Consentement.
Mme le Vice-Président: Bien sûr, j'ai vu les deux
députés se lever et j'ai entendu le député de
Saint-Louis. Je lui ai déjà donné la parole et à
moins qu'il ne consente à ce que l'autre député parle
avant lui, je me vois dans l'obligation de...
M. Blank: D'accord.
M. Bellemare: La tradition veut aussi que votre
vice-président m'ait enlevé mon droit de parole après
avoir lu quatre pages de mon discours. On m'a demandé de me
rasseoir.
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale,
je vous ai entendu et je pense que tout le monde est conscient du
problème qui se pose maintenant. J'ai déjà donné la
parole à M. le député de Saint-Louis.
M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Si le député de Viau insiste, je n'ai
aucune objection à ce qu'il parle avant moi, aucune objection.
Mme le Vice-Président: M. le député de Viau
et, ensuite, M. le député de Saint-Louis.
M. Charles Lefebvre
M. Lefebvre: Mme le Président, d'abord, je dois remercier
le député de Saint-Louis. Permet- tez-moi de vous parler un petit
peu de démographie. Je pense que personne n'en a beaucoup parlé.
La politique d'immigration, jusqu'à maintenant et principalement depuis
les dix dernières années, a été au
désavantage du Québec ou, plutôt, le Québec n'a pas
su profiter des avantages que procure l'immigration, avantages
démographiques, culturels, économiques et même de
créativité.
De fait, Statistique Canada nous dit dans son rapport que plus d'un
tiers des immigrants partent après trois ans, et qu'au bout de dix ans
il en reste à peine 50%. L'immigrant est un citoyen
québécois comme tous les autres Québécois, mais
jusqu'à présent, il a toujours été
considéré comme un citoyen de troisième classe. C'est
assez dur d'être immigrant sans, en plus, être
considéré comme un citoyen de troisième classe. Prenons,
par exemple les gens de l'air. Toutes proportions gardées, il y a moins
d'Italiens contrôleurs ou pilotes aériens qu'il y a de
Français, d'Anglais ou de toute autre nationalité.
Un autre exemple aussi, et cela je le sais parce que, dans mon
comté, il y a 36% d'Italiens, enfin de Québécois d'origine
italienne: pourquoi pensez-vous que ces gens veulent envoyer leurs enfants, ou
du moins voulaient envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises?
C'était tout simplement parce qu'ils pensaient que la seule façon
de sortir de cette situation d'infériorité, c'était
d'apprendre l'anglais. Mais de fait, ils étaient beaucoup plus proches
de nous, et beaucoup d'Italiens me l'ont dit. Ils se sont donc sentis
obligés de se regrouper pour se protéger contre cette
déclassification, et c'est ce que la politique de l'immigration a fait
jusqu'à présent.
C'est donc dire que la politique d'immigration a créé chez
l'immigrant une certaine mentalité d'insatisfaction et, par
conséquent, a créé un tremplin, un vestibule, ou enfin
prenez le terme que vous voulez, pour entrer ailleurs, principalement aux
Etats-Unis. Ce grand nombre de départs réflète une
mauvaise adéquation entre les aspirations des immigrants et les
conditions d'accueil et de travail pour un très grand nombre parmi eux.
Il n'en demeure pas moins qu'en 1971 une personne sur treize au Québec
était née à l'étranger, soit 8% de la population.
Rappelons aussi que 80% des immigrants du Québec, en 1971, ont
été admis après 1946 et plus principalement après
la dernière guerre, c'est-à-dire dans la période
1946-1952.
Ce caractère de massive immigration n'est pas sans avoir des
répercussions considérables sur la capacité d'adoption des
nouveaux arrivants au Québec, d'autant plus que les immigrants se sont
surtout établis dans la région métropolitaine de
Montréal où se trouvent, d'après les statistiques de 1971,
87% de la population née à l'étranger, soit 15% de toute
la population de Montréal, comparativement à 2% pour le reste du
Québec. Cet apport important de la population étrangère a
constitué sans aucun doute un fait marquant dans l'évolution de
la société québécoise par ses répercussions
non seulement sur la croissance, la composition et la répartition
territoriale de la population, mais également sur le marché de
l'emploi ou
plutôt a créé un déséquilibre qui est
très contesté. Ce déséquilibre est d'autant plus
accentué que plus de 55% étaient des immigrés
parrainés, dont 70% d'entre eux étaient sans travail. (17 h
30)
Bien sûr, Mme le Président, l'immigration n'est qu'un des
éléments de la croissance démographique. L'analyse de son
impact ne peut être étudiée isolément de celle des
autres composantes tels l'accroissement naturel et les différents
mouvements migratoires. Au cours des 30 dernières années, la
population du Québec a connu une très forte expansion, passant de
3 700 000 qu'elle était en 1946 à un peu plus de 6 200 000 en
1976, ce qui représente un taux de croissance annuel moyen de 1,8%.
L'immigration nette ne représente toutefois que 10% de cet
accroissement. Le Québec a connu depuis le début des
années soixante un très net ralentissement dans la croissance
démographique attribuable, principalement, à la
dénatalité. De fait, le taux de natalité au Québec
est passé de 30 naissances par 1000 habitants en 1957 à quatorze
naissances par 1000 habitants en 1975, niveau, d'ailleurs, le plus bas de
toutes les provinces canadiennes. Cette baisse de natalité a eu pour
effet de diminuer l'importance relative de l'accroissement naturel de la
population québécoise.
Mais, Mme le Président, le facteur le plus important dans
l'évolution de la démographie du Québec est, sans
contredit, le mouvement migratoire international où nous retrouvons 10%
des Québécois de nouvelle souche partis pour d'autres cieux en
raison d'une mauvaise adéquation entre leurs aspirations et les
conditions qu'ils y ont trouvées. En effet, tous les facteurs
démographiques nous amènent donc à une perte nette moyenne
de 9000 personnes par année pour les dix dernières années.
Ajoutons à cela, le problème du vieillissement de la population;
actuellement, 7% de la population ont plus de 65 ans et on estime qu'au
tournant du siècle ce pourcentage dépassera 12%, soit un
vieillissement de un quart de 1% de la population chaque année.
On arrive à la conclusion inquiétante que la force active
du Québec diminue, de fait, de 24 000 travailleurs par année,
9000 pour les changements et 15 000 strictement à cause du
vieillissement de la population. Il va donc falloir, Mme le Président,
une politique qui va, non seulement attirer les gens des autres pays à
venir s'établir au Québec, mais aussi une politique de
sélection, de choix de ces immigrants et, surtout, une politique
d'intégration de ces gens dans notre société
québécoise. Je crois que la loi qui a été
déposée en sera le principal outil.
En résumé, à cause, premièrement, d'une
mauvaise politique d'immigration, ou plutôt d'une absence de politique;
deuxièmement, à cause de la dénatalité
québécoise et, troisièmement, à cause du
vieillissement de la population, nous avons une perte nette de 24 000
travailleurs par année, qu'il faut combler. Je suis convaincu qu'avec
une politique adéquate le ministre a déjà fait ses
preuves et les règlements qui seront bientôt dé-
posés le prouveront davantage avec cette loi nous pourrons
honorablement, sans créer de chômage mais, au contraire, en
créant de l'emploi pour les autres Québécois, faire en
sorte que la situation de l'emploi en général soit
améliorée. Merci, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Comme je l'ai dit avant de céder mon droit de
parole à M. le député de Viau, je veux intervenir dans ce
débat parce que je trouve qu'à ce moment-ci il est important que
tous ceux qui ont un intérêt dans le problème ou la
question de l'immigration dans cette province se prononcent. J'ai essayé
de deviner durant le dernier discours, celui du député de Viau,
s'il était pour ou contre l'immigration au Québec. Je le trouve
un peu en contradiction avec le député de Jeanne-Mance. A la fin,
il a dit qu'on a besoin de gens au Québec et qu'avec les critères
qu'on retrouve dans cette loi ou dans les règlements, peut-être
pourrons-nous attirer des immigrants.
Je peux lui dire une chose, à lui, comme représentant du
Parti québécois, maintenant le gouvernement du Québec: A
moins que ce gouvernement ou ce parti ne change d'attitude, il n'y aura pas
d'immigrants.
M. Springate: C'est vrai.
M. Blank: Si vous regardez les chiffres, depuis l'arrivée
du Parti québécois au pouvoir, vous verrez qu'il y a une chute
directement liée à l'élection du Parti
québécois. Il y a une raison bien simple. Récemment, on
l'a trouvée. Les immigrants qui viennent ici au Canada ou au
Québec veulent avoir un peu de paix; ils viennent de pays où il y
a toutes sortes de problèmes, des problèmes politiques, des
problèmes économiques et sociaux. Ils veulent avoir la paix, ils
veulent avoir la liberté. Quand ils arrivent dans un pays, c'est ce
qu'ils veulent avoir. A Québec, il y a un problème. On a entendu
de grands discours ici disant: On a besoin des immigrants, on veut les avoir,
on veut les intégrer. Mais, en fait, qu'est-ce que vous faites?
Au dernier recensement, qui avez-vous choisi pour essayer de
créer des problèmes? Des immigrants.
M. Couture: Mme le Président, question de
règlement.
Mme le Vice-Président: Sur une question de
règlement, M. le ministre de l'Immigration.
M. Couture: Mme le Président, il est évident que ce
n'est pas pertinent au débat parce que nous pourrions dire trois fois
plus que ce que le député de Saint-Louis dit à propos du
recensement.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: J'ai un argument, là. J'ai le droit, comme
membre d'un parti politique, de critiquer les politiques de l'autre
côté de la Chambre; c'est mon devoir ici de critiquer. Si je
trouve des exemples pour démontrer le vrai visage du gouvernement, du
Parti québécois...
M. Springate: C'est vrai.
M. Blank: ... et s'il ne veut pas que je le dise, quel est mon
droit de parole, ici? Ai-je le droit de parole ici ou non?
Je peux dire, comme député d'un comté d'anciens
immigrants devenus citoyens, le comté de Saint-Louis, que lors des
élections de 1970, 1973 et 1976, le Parti québécois a fait
tous les efforts possibles pour rayer des gens qui avaient le droit de vote
parce qu'ils étaient de nouveaux arrivés.
M. Springate: C'est vrai.
M. Couture: Mme le Président, question de
règlement.
Mme le Vice-Président: M. le ministre.
M. Couture: Si le député de Saint-Louis veut
s'engager dans un débat sur les libertés individuelles, sur le
respect des droits des immigrants dans les opérations de
recensement...
Mme le Vice-Président: M. le ministre...
M. Couture: ... nous le ferons volontiers et il aura
peut-être... (17 h 40)
Mme le Vice-Président: M. le ministre.
M. Couture: ... honte de ce qu'ils nous diront, mais ce n'est pas
pertinent au débat actuellement.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre, vous avez un droit de réplique et vous pourrez faire les
interventions que vous faites maintenant à ce moment.
M. le député de Drummond, vous désirez intervenir
sur...
M. Clair: Mme le Président, j'invoque le
règlement.
Mme le Vice-Président: Sur la question de
règlement, M. le député de Drummond.
M. Clair: J'invoque le règlement relativement à la
pertinence du débat. Il n'est pas question pour nous de tenter de
limiter le droit de parole du député de Saint-Louis en aucune
façon. Cependant, comme député, Mme le Président,
je n'accepterai pas qu'on déborde sur autre chose que sur le projet de
loi et qu'on fasse toutes sortes d'accusations relativement à un projet
qui est tout à fait autre. Je vous demanderais de rappeler le
député de Saint-Louis à la pertinence du débat, Mme
le Président.
M. Bellemare: Mme le Président, parlant sur le point de
règlement...
Mme le Vice-Président: M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: ... je crois que le député de
Saint-Louis vient tout simplement de démontrer, par un exemple typique,
ce qui se produit, de temps à autre, contre le principe d'immigration.
Je pense que c'est simplement à titre d'exemple qu'il vient de citer un
cas particulier pour montrer qu'il peut y avoir de la discrimination et que
cela ne devrait pas exister dans l'immigration particulièrement. C'est
simplement un exemple qu'il a voulu donner. Je ne crois pas qu'on doive s'en
scandaliser. Même si l'exemple qui est donné nous fait mal, je ne
pense pas que ce soit contre la pertinence du débat.
Mme le Vice-Président: Je vous remercie, M. le leader
parlementaire de l'Union Nationale. Je pense que nous avons suffisamment
entendu d'interventions sur la question de règlement. M. le
député de Saint-Louis, nous verrons bien, par la suite de votre
intervention, si vous êtes vraiment pertinent au débat. Allez
donc.
M. Blank: Mme le Président, je trouve qu'une grande partie
de la discussion d'aujourd'hui porte sur le fait qu'on a besoin des immigrants,
qu'on veut des immigrants, qu'on veut créer un climat spécial
pour accueillir les immigrants et les intégrer. Seulement, je veux
donner des exemples pertinents montrant que, dans le passé et même
il y a deux semaines, le même gouvernement qui fait de grandes
déclarations d'accueil aux immigrants fait tout contre ce principe pour
essayer de priver ces gens d'un droit de vote. C'est seulement cela que j'ai
dit.
M. Alfred: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Papineau, en vous demandant de ne pas abuser des
questions de règlement.
M. Alfred: M. le Président, respecter le
règlement...
M. Bellemare: Quand il s'est présenté à
Shawinigan, le beau Grégoire, vous demanderez cela aux filles, quand il
a gagné à Shawinigan...
M. Alfred: ... n'est pas nuire aux immigrants.
Le Président: Je vous souligne, M. le député
de Papineau, qu'il ne s'agissait pas là d'une question de
règlement. M. le député de Saint-Louis, vous pouvez
poursuivre; j'espère que vous ne serez pas interrompu.
M. Alfred: Respectez la loi, respectez les règlements.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Saint-Louis, s'il vous plaît, poursuivez.
M. Blank: M. le Président, je veux dire que les immigrants
qui sont devenus des citoyens et même les immigrants ont toujours eu la
confiance des gens de ce côté de la Chambre. Si vous consultez les
chiffres, vous verrez que le plus grand nombre d'immigrants qui sont venus
l'ont toujours fait sous un régime libéral et, par hasard,
toujours sous un régime libéral à Ottawa.
M. Laplante: Parlez-nous du "cheap labour" des servantes.
M. Blank: C'est intéressant de voir le nombre d'immigrants
qui sont venus à Québec pendant notre régime, mais depuis
il y a eu une baisse d'au moins 50%.
Une Voix: C'est de la discrimination raciale. Le
Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blank: Peut-être que c'est cela; je ne le sais pas. La
raison pour laquelle les gens ne viennent pas ici est peut-être, comme le
député de Frontenac l'a dit, la discrimination raciale. Ce n'est
pas moi qui l'ai dit; c'est le député de Frontenac qui l'a
dit.
Le Président: M. le député de Saint-Louis,
je m'excuse de vous interrompre. Je vous demande, messieurs les
députés, de ne pas interrompre l'opinant.
M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Quand je parle d'immigration, peut-être suis-je
l'un de ceux qui, dans cette Chambre, savent ce dont ils parlent. Je
représente un comté qui comprend 75% d'anciens immigrants et des
immigrants nouvellement arrivés; je suis fils d'un immigrant, je suis la
première génération et j'ai une pratique du droit qui
touche, peut-être à 75%, des lois d'immigration ou des cas
d'immigration.
Je sais ce qui se passe dans le bureau de l'immigration d'Ottawa et de
Québec. Je parle en pleine connaissance de cause. C'est vrai qu'on parle
de cette loi, de l'autre côté, où l'on dit que c'est une
très bonne loi. Je reviendrai à cette loi dans un moment.
C'est certain que nous sommes d'accord sur le grand principe de cette
loi qui est d'ajouter à Québec des pouvoirs en immigration, comme
c'est dans notre constitution. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
ce n'est pas quelque chose où il n'y a rien. Notre droit d'immigration
est presque égal à celui du fédéral. Les
libéraux ont pris après la loi passée par l'Union
Nationale cette section de notre constitution en main. On a fait des
ententes avec Ottawa, et la dernière entente Cullen-Couture est
née sous M. Bienvenue, qui était ministre de l'Immigration. Je
pense que le ministre d'aujourd'hui doit donner le crédit de cette loi
à M. Bienvenue. On a aujourd'hui cette entente et la loi qui, on le
prétend, va suivre cette entente. Et voilà, sans la
séparation, sans la souveraineté-association, on a cela.
Je trouve ici quelque chose de très intéressant, une
contradiction entre le premier ministre et le ministre de l'Immigration. Le
premier ministre, dans son discours, il y a deux semaines, nous a décrit
la souveraineté-association, nous a parlé du libre mouvement des
personnes, et a dit qu'il n'y aurait pas de passeport. C'est exactement ce
qu'on a avec ce projet de loi, avec cette entente Cullen-Couture. Le ministre
nous dit qu'on n'a pas assez de droits et qu'on aura des droits quand on sera
souverain. Mais, si vous êtes souverain et que vous avez les autres
droits, vous fermez les frontières. Le premier ministre dit: Non, on ne
ferme pas les frontières. Cela veut dire que le ministre de
l'Immigration est un séparatiste, un indépendantiste et
souverainiste... je ne sais pas quoi! Il y a une contradiction parce que, selon
la déclaration du premier ministre, si un jour on peut avoir cette
fameuse souveraineté-association, on ne peut pas avoir plus que ce qu'on
a aujourd'hui, si on veut avoir un libre échange entre les
frontières Canada-Québec et si on n'a pas de passeport. C'est
cela l'entente Cullen-Couture. C'est exactement ce que le premier ministre a
décrit. Mais si le ministre de l'Immigration veut avoir d'autres
pouvoirs, s'il veut avoir la séparation absolue, je ne sais pas qui a
raison dans le cabinet, qui a raison dans le Parti québécois.
Vous pourrez me répondre quand vous aurez le droit de
réplique.
M. Couture: M. le Président, je pense que j'ai une
question de privilège. D'aucune façon, dans mon exposé et
dans les indications que j'ai données dans mon discours de
deuxième lecture, je n'ai soutenu ce que le député de
Saint-Louis dit. Mais je...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre de l'Immigration, je dois vous rappeler que votre intervention aurait
pu facilement être faite dans le cadre de l'article 96 de notre
règlement. M. le député de Saint-Louis, vous pouvez
poursuivre.
M. Blank: C'est très intéressant... Oui,
peut-être que le député de Rosemont est un autre
séparatiste. Je ne sais pas. Je n'ai pas encore entendu son
discours.
M. Chevrette: ...
M. Blank: Le député de Joliette s'amuse. Il est
intéressant de voir qu'aujourd'hui on vient avec cette loi de
l'immigration et on prétend que c'est quelque chose à quoi le
Parti québécois a toujours pensé. Il fait cela pour le
bénéfice de tout le monde. Il est intéressant de voir que
dans le programme il ne parle pas d'immigration. Dans le
programme, il parle des minorités, des anglophones, des Indiens,
mais pas de l'immigration. Aujourd'hui, ce projet de loi nous est
présenté comme étant une chose dont il nous a parlé
depuis longtemps. Mais la vraie raison pour laquelle il fait cela, c'est que
maintenant il parle du point de vue électoral. Il savait que ces
gens-là n'étaient pas appuyés par le programme du Parti
québécois. Maintenant, il essaie par tous les moyens de faire
passer un message, mais ces gens-là ne seront pas convaincus par des
procédés semblables. Pas du tout. (17 h 50)
Je trouve intéressant que le ministre dise que c'est une loi qui
donne suite à l'entente Cullen-Couture. A nulle part dans cette loi on
ne mentionne ou on ne fait référence à cette entente.
Même dans les clauses où I y a quelques ressemblances, il essaie
de les changer. On parle de la question des réfugiés. Dans
l'entente, il parle des réfugiés au sens de la Convention des
Nations Unies et la sélection des autres personnes qui se trouvent dans
une situation analogue se fera selon les modalités. Mais, quand on
revient à la loi, on trouve tout un paragraphe de sept ou huit
alinéas qui parle de toutes les autres personnes que le ministre peut
choisir. C'est important de faire le point à ce stade-ci. C'est
là, comme le député d'Outremont l'a dit, qu'on peut avoir
une grande discrimination.
Pour ce qui est de la question des réfugiés qui sont
dirigés par la Convention de Genève, si le ministre
fédéral ou le ministre québécois dit à une
personne: Vous, je ne trouve pas que vous êtes un réfugié
suivant cette convention, cette personne a le droit absolu d'appel devant la
Commission d'appel de l'immigration. C'est une commission qui n'a aucun lien
avec le ministre de l'Immigration québécois ou
fédéral. C'est une commission complètement
indépendante qui peut étudier pour voir s'il y a vraiment une
discrimination ou non et peut accorder le droit à un
réfugié d'être accepté ou refusé. Mais les
autres réfugiés qui sont à la merci du ministre de
l'Immigration du Québec qui, lui, a le pouvoir de décider si, oui
ou non, c'est un réfugié, cette personne n'a pas droit d'appel,
pas du tout, parce que la loi fédérale donne l'appel seulement
à des gens qui relèvent des critères de la convention de
Genève. Voilà! La porte est ouverte à une discrimination
absolue. C'est intéressant à voir. Quand on parle de
discrimination et de politique, dans le discours du ministre, quand il parle de
réfugiés, on trouve toujours une page sur les
réfugiés du Chili, sur les réfugiés de tel ou tel
pays, presque toujours des pays qu'on peut appeler des régimes de droite
où les réfugiés sont de gauche. Il y a une chose
très intéressante. On a beaucoup de réfugiés d'un
pays qui est maintenant de la gauche et les réfugiés, je
présume, sont de la droite. Je parle des Vietnamiens. Il y a beaucoup de
réfugiés vietnamiens partout dans le monde. Le gouvernement
fédéral a dit qu'il laisserait entrer au moins 50 familles par
mois, et on a de la difficulté à trouver ces 50. Que fait le
Québec pour essayer de l'aider à trouver ces 50 personnes? Ces
gens sont de culture française, à part cela. Leur langue seconde,
c'est le français, leur éducation est française. Est-ce
parce qu'ils s'échappent d'un régime gauchiste ou qu'ils sont des
gens de droite qu'on n'en veut pas ici? Je ne le sais pas. C'est là que
je trouve qu'on peut avoir une discrimination et c'est là le gros
problème avec la loi.
On doit voir dans la loi, comme dans la loi fédérale,
qu'il n'y a aucune discrimination. Au moins, qu'on ait quelque chose pour
plaider. Cela, c'est une des choses que je trouve qui manquent dans cette loi.
Dans la loi 77, on parle de toutes sortes de personnes ou de choses, mais il
n'y a aucune définition. Dans le même paragraphe, on trouve un
certificat de sélection, un certificat d'acceptation. C'est quoi, cela,
un certificat de sélection, un certificat d'acceptation? Y a-t-il une
définition? Je ne trouve aucune définition. La loi
fédérale a une définition d'au moins 50 choses; il y a des
personnes, des documents qui sont définis. On sait ce qu'on dit
là, on sait ce qu'est un officier d'immigration, on sait tout cela.
Il y a ici un paragraphe qui, peut-être, ouvre la porte à
toutes sortes de choses, sur les pouvoirs qu'on donne à
l'enquêteur. A une place, on parle d'un enquêteur, mais
l'enquêteur c'est peu défini parce qu'on dit que le ministre peut
nommer des personnes pour enquêter. J'espère que
l'enquêteur, dans le prochain paragraphe, est une de ces personnes. Dans
le deuxième alinéa du même paragraphe, on parle
d'investigateur. Qui cela, l'investigateur? Est-ce le même
enquêteur? Pourquoi deux mots différents? Y a-t-il une
définition différente? Pourquoi n'a-t-on pas défini, au
début de la loi, les termes qu'on utilise dans cette loi?
On trouve cela partout; même cet enquêteur a des droits
qu'on ne trouve pas dans la loi fédérale. La loi
fédérale donne à l'officier d'immigration certains droits.
Comme officiers de la paix, ils ont certains droits vis-à-vis de la Loi
de l'immigration, mais pas des pouvoirs aussi élargis que ceux qu'on
trouve au paragraphe 13b je n'ai pas le droit de mentionner le
paragraphe dans cette loi. On veut nous faire adopter une loi semblable
sans qu'on sache ce qu'il y a dans ces définitions, de quoi on parle.
Aussi, il y a dans cette loi des contradictions flagrantes avec l'entente. Je
vous donne un exemple: On dit dans la loi un étranger doit faire une
demande au ministère de Québec, mais dans l'entente, c'est le
contraire. Il peut la faire au fédéral ou au Québec.
Je trouve ces contradictions; je ne le sais pas, mais il semble que
cette loi a été faite en vitesse et que des erreurs se sont
glissées partout. Il y a tellement d'erreurs. J'espère que, quand
on étudiera cette loi en commission parlementaire article par article,
on fera des changements. Il y a nettement une petite chose sur la question des
règlements.
Le Président: M. le député de Saint-Louis,
puis-je vous demander de conclure?
M. Blank: Je suis très heureux que le ministre ait
décidé de donner des règlements avant la commission, mais
j'espère qu'il nous donnera le droit d'étudier ces
règlements en commission.
Le Président: Merci, M. le député de
Saint-Louis.
M. Springate: M. le Président, comme il est 18 heures,
puis-je demander la suspension du débat?
Le Président: M. le député de Westmount, la
suspension vous est accordée et vous aurez le droit de parole à
20 heures, au moment où l'Assemblée reprendra ses travaux.
Suspension, donc, jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 17 h 58
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs! Vous
pouvez vous asseoir.
Nous reprenons le débat de deuxième lecture sur le projet
de loi 77 de M. le ministre de l'Immigration, Loi modifiant la Loi du
ministère de l'Immigration. La parole était à M. le
député de Westmount.
M. George Springate
M. Springate: Merci, M. le Président. Ce projet de loi
fait suite à l'entente qui a été conclue entre le ministre
fédéral de l'Immigration, M. Cullen, et notre ministre de
l'Immigration, M. Couture. Autrement dit, c'est une entente
fédérale-québécoise. Je dois vous dire, M. le
Président, que je m'étonne que, dans le projet de loi, il n'y ait
aucune mention que ce projet de loi fait suite à l'entente des deux
ministres. Si le Québec désire donner suite aux décisions
qui ont été prises par les deux ministres, peut-être
devrions-nous voir, M. le Président, ces mots, ces compliments, ces
commentaires dans ce projet de loi. Ce qui m'étonne le plus dans ce
projet de loi est qu'en lisant les différents articles, cela donne
l'impression que le Québec est déjà séparé.
Cela m'étonne, parce que, si je ne me trompe pas, il y a une confusion
qui règne actuellement au sein du cabinet. (20 h 10)
Justement hier, M. le Président, le premier ministre de notre
province, qui parlait devant un groupe d'étudiants dans un CEGEP, disait
ceci, et je le trouve dans la Gazette de ce matin: "Lévesque puts down
hard line separatism" et il est dit ceci: "Premier René Lévesque
moved publicly yesterday to put some distance between himself and the hard line
Québec separatism". Et je continue: "I know some knights absolute
independent hard and pure. Such people, Lévesque said, are radically
independentists wandering in the woods, throwing tempered tandems."
M. le Président, aujourd'hui même, nous discutons un projet
de loi qui, selon toute apparence, nous porte au moins à penser
sérieusement, à nous interroger si le ministre de l'Immigration
n'est pas un de ces "knights", si je ne me trompe pas, M. le Président,
"knights absolute independent hard and pure".
Si vous voulez, M. le Président, je vous le lirai en
français. On trouve un extrait dans la Presse d'aujourd'hui. Avec votre
permission, M. le Président, je vais vous lire un extrait d'un article
signé par Pierre Gravel. "Les chevaliers de l'indépendance, "urbi
et orbi" du Québec sont sans doute des gens sincères mais aussi
un peu beaucoup partis pour la gloire. Ils sont totalement irréalistes
parce que, dans l'état actuel des choses, l'idée même d'une
souveraineté absolue, sans association avec le Canada, ne tient pas
debout." C'est le premier ministre de notre province qui parle.
On continue. "C'est en ces termes que le premier ministre
Lévesque a répondu hier aux indépendantistes de la
première heure, comme Pierre Bourgault et Marcel Chaput, qui ont
publiquement dénoncé comme un recul la position actuelle de son
gouvernement au sujet de la souveraineté-association." Hier,
c'était un recul. Aujourd'hui, regardant ce projet de loi, on se pose la
question suivante: Y aurait-il une scission au cabinet de ce gouvernement? Si
on invite des gens à venir chez nous le Québec, c'est chez
moi aussi on devrait les inviter à venir faire partie de notre
province afin qu'ils puissent jouir de tout ce que le Québec peut leur
offrir. Si on invite des gens, nous sommes dans l'obligation de leur dire si
réellement notre gouvernement est un gouvernement séparatiste, si
notre gouvernement est un gouvernement de souveraineté-association avec
un trait d'union, indivisible, apparemment, d'après Lysiane Gagnon, de
la Presse de samedi.
C'est vrai, je suis un anglophone et j'ai parfois de la
difficulté à comprendre le français, mais la
souveraineté-association, avec un trait d'union, indivisible, cela veut
dire quoi? Nous ne pouvons pas, selon le premier ministre de notre province,
être souverains sans que le reste du Canada accepte le fait que le
Québec soit associé avec les autres provinces. Est-ce que je me
trompe? Est-ce que mon raisonnement et ma logique sont pas mal à
point?
Une Voix: C'est pas mal clair!
M. Springate: C'est pas mal clair? Bon. Les séparatistes
viennent de nous dire que vous ne pouvez pas avoir la souveraineté sans
avoir une association. Un recul net. Cela fait seulement dix ans qu'ils
prônent la séparation, maintenant ils vont faire face à la
réalité?
Non, il ne faut pas s'aventurer dans un tel domaine parce que nous
savons que, si on pose une question claire, nette et précise, nous
allons perdre le référendum. C'est de cela que nous allons
discuter ce soir avec le projet de loi modifiant la Loi du ministère de
l'Immigration, parce que, M. le Président, dans cette loi, le ministre
va avoir toutes sortes de pouvoirs. Il aura les pouvoirs de faire les
règlements à son gré, dans son bureau, sans discussion ici
à l'Assemblée nationale. Et s'il prépare un tel
règlement et n'est pas satisfait, que fera-t-il à ce moment?
C'est facile, c'est très facile, il va le changer, sans avoir
discuté avec nous de l'Opposition. Même encore il pourra faire les
changements quand il voudra, à
son gré, dans ses heures de loisir, quand il se promènera
avec son chien sur la rue Notre-Dame, à Saint-Henri.
M. Chevrette: La pertinence.
M. Springate: M. le Président, des règlements
je le sais parce que nous avons gagné notre point, jeudi soir, en
Chambre; vous étiez ici au deuxième quart, lors du discours que
j'ai fait, parce qu'au premier quart, il y avait Mme le vice-président,
mais vous étiez là pour le deuxième quart et, pour la
dernière demie du match, on avait notre arbitre en chef, le
Président de la Chambre c'est vrai, vont être
déposés ici, mais est-ce que nous aurons le droit d'en discuter?
Non, et j'ai bien posé la question au ministre avant mon discours de ce
soir. La réponse que le ministre m'a donnée était ceci:
Premièrement, c'est vrai que les règlements vont être
déposés, mais ils vont être déposés pour
information seulement, non pas pour discussion, non pas pour avoir des
amendements. Rien, simplement pour notre information.
M. Caron: C'est de la dictature.
M. Springate: Je n'irai pas aussi loin que le
député de verdun, M. le Président, mais à Ottawa,
le siège de notre gouvernement fédéral, les
règlements ont été déposés en Chambre bien
avant les discussions en deuxième lecture. Tous les membres de la
commission de l'immigration avaient ces règlements pour leur information
et aussi pour les étudier.
Nous ne discuterons pas de ce qui arrive ou de ce qu'ils font à
Ottawa. Je ne trouve pas dans ce projet de loi le critère dont le
ministre de l'Immigration va se servir pour sélectionner nos immigrants.
Ce n'est pas mentionné dans la loi. Ce n'est pas là et ces
critères seront basés sur quoi? M. le Président, je me
demande comment et avec quoi le ministre va décider.
Mr Speaker, as you well know, Québec has seen an exodus of people
leaving this province since the Parti québécois took power in
november in 1976. These are Quebecers leaving and now we are going to go and
try and attract immigrants to come to Québec when we have uncertainty,
when the government wants to lead us into misadventure, when you have the
Premier of this province saying: Sovereignty Association, but they are
indivisible! We cannot have sovereignty without having association. And then
you have the minister of Immigration who presents us a bill like this which is
basically separatist. They are playing the same darn game they have always
played; a little gimmick to get us to vote in 1976 called the referendum. Now
that they are going to lose the referendum, they go into their bag of tricks
and pull up another gimmick and it is called: Let ask a phony question,
because, folks, that is exactly what it is. Let's ask a phony question a
non-question because they have not got the intellectual courage, they have not
got the honesty they have not got I will use a football term, which is
totally acceptable in this House here the guts to ask a straight answer.
A straight answer would be yes or no and they would be defeated soundly and
they know that.
M. le Président, est-ce que le ministre va nous dire dans sa
réplique comment et avec quoi ou quelles sont ses intentions pour
attirer les immigrants ici au Québec? Nos Québécois
quittent le Québec, parce que, si je ne me trompe pas, l'an
passé, il y a eu plus que 150 000 personnes qui sont arrivées ici
au Canada pour s'installer comme immigrants. Seulement 13 000 sont venues au
Québec. Nous avons perdu combien de Québécois, ceux qui
ont bâti le Québec? Finalement, ils ont décidé,
à cause de ce gouvernement, qu'il était temps de quitter le
Québec. We have lost 70 000. (20 h 20)
M. le Président, il n'y a pas seulement la question de la langue
ici. Il ne faut pas s'embarquer dans un tel détour, parce qu'il y a la
qualité de la vie. Qu'est-ce que la qualité de la vie ici au
Québec depuis que ces messieurs sont au pouvoir? La tension,
l'incertitude; c'est vrai, M. le Président, les gens vont dire les
mêmes mots que nous avons entendus en 1976, en 1977 et encore... mais
c'est vrai. C'est, M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre! M. le député
de Westmount, je ne voudrais pas que vous sollicitiez de "cheer-leaders". Je
voudrais que vous soyiez le seul à vous exprimer.
M. Springate: Merci, M. le sportif, M. le Président. Moi
aussi, je suis fier du Québec; moi aussi, je veux attirer les gens, les
inviter à venir s'installer ici chez nous. Mon père et ma
mère étaient des immigrants; ils sont venus ici en 1916. Mes
frères, mes soeurs et moi-même avons vu le jour ici au
Québec. Quant à moi, je suis un Québécois; si je me
trompe, dites-le moi. Quelqu'un m'a dit que je ne suis pas un
Québécois; autrement dit, quelqu'un qui est ici toute sa vie,
quelqu'un qui vous parle dans votre propre langue, dans votre langue
maternelle, qui a fait toutes ses études ici, qui a travaillé
ici, qui est député, n'est pas un Québécois!
D'après le député de Bourassa, je ne suis pas un
Québécois.
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Springate: Voulez-vous me dire ce qu'est un
Québécois? M. le Président, je vous pose la question:
Qu'est-ce que cela veut dire si moi, qui ai vu le jour ici, ne suis pas un
Québécois? Est-ce que c'est cela qu'on fait avec ce projet de
loi? C'est cela, M. le Président? C'est de l'inceste pur et simple et il
faut le dire. M. le Président...
Une Voix: ...
M. Springate: Oui, c'est une question de privilège pour
moi aussi.
Une Voix: Un clin d'oeil.
M. Springate: Non, il n'y a pas de clin d'oeil. Mr Speaker, I
close with this. If someone who was born in this province, whose parents came
here in 1916 and whose brothers and sisters were all born, educated in this
province, and I am a man who has worked all my life, speak both languages, try
to get along with everyone and now I am told I am not a Quebecer, then Mr
Speaker, would you please tell me what a Quebecer is? Thank you.
M. Couture: M. le Président, je demanderais une
directive.
Le Vice-Président: M. le ministre, sans tout recommencer,
je suppose que ce n'est pas votre droit de réplique.
M. Couture: Non, c'est une directive que je demanderais.
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Immigration, sur
une question de directive.
M. Couture: M. le Président, je ne sais pas si c'est une
question de règlement, le député de Westmount a dit
plusieurs fois que ces membres de ce côté-ci de la Chambre
auraient suggéré ou auraient insinué qu'il n'était
pas Québécois et moi j'étais ici, avec d'autres
collègues, on n'a d'aucune façon entendu ce genre d'insinuation.
Comme directive, je demandais comment intervenir pour rectifier les faits, en
ce qui concerne cette soi-disant insinuation.
M. Lavoie: M. le Président, il y aurait peut-être
une suggestion.
Le Vice-Président: Est-ce que je peux répondre
à M. le ministre?
M. Lavoie: Je voudrais intervenir sur cette même question
de directive.
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît! Ce
n'est pas une demande de directive, c'est en quelque sorte une question de
privilège mais, cependant, comme il y a l'Opposition à ma gauche,
avant de donner une réponse finale, j'aimerais entendre M. le leader
parlementaire de l'Opposition officielle.
M. le député de Laval.
M. Lavoie: Je crois que ce serait très simple pour le
ministre de l'Immigration. Il n'a qu'à dire que ce n'est pas lui, que ce
sont ses collègues d'en arrière.
M. Duhaime: Sur la question de règlement. Une Voix: II n'a
pas dit...
M. Chevrette: ... et, dès qu'on se lève, on a une
remarque!
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît!
M. le leader parlementaire adjoint, sur la même question, qui
n'est pas encore définie comme étant une question de
règlement ou de privilège.
M. Duhaime: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: D'accord.
M. Duhaime: Dans le but de rétablir les faits, il vient
d'être mentionné que des collègues de ce
côté-ci de la Chambre, pendant le très bon discours du
député de Westmount, auraient fait des insinuations. Si le
député de Westmount, de son siège, a entendu de tels
propos, de quelque banquette que ce soit, qu'il nous dise de qui cela vient.
Et, s'il y a une question de privilège, je pense qu'on pourra
éclaircir cela.
M. Springate: M. le Président, je pense que j'ai
mentionné, durant mon discours, de quel député il
s'agissait et je dirai encore que c'était le député de
Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, sur une question de
privilège.
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Bourassa, sur une question de privilège.
M. Laplante: Jusqu'à ce moment-ci, je n'ai pas osé
répondre aux insinuations du député de Westmount, parce
que, déjà, sa crédibilité n'est pas assez grande au
Québec. Maintenant, qu'il dise encore que j'ai parlé, c'est
absolument faux, et je mets mon siège en jeu aussi. Qu'on prouve...
M. Marchand: II y a l'enregistrement.
M. Laplante: ... que le député de Westmount ait pu
entendre un seul mot de ma part. Je vous demande, M. le Président, des
excuses de la part du député de Westmount.
Le Vice-Président: M. le député de
Westmount, dans les circonstances, je n'ai d'autre choix, que de vous accorder
la parole.
M. Springate: M. le Président, durant mon discours, le
député de Bourassa était à son siège et il
m'a fait... Quand je lui ai demandé si j'étais un
Québécois... Cela veut dire quoi?
Le Vice-Président: Bon, d'accord. Est-ce que...
M. Laplante: M. le Président, je ne puis accepter la
réponse du député de Westmount à ce moment-ci. S'il
n'a pas compris le geste que j'ai voulu faire, c'est qu'il n'est pas
intelligent. C'est parce que le député de Westmount a toujours
dit qu'il était canadien avant d'être québécois.
Qu'il ne commence pas à dire qu'il est québécois à
ce moment-ci en face d'une télévision. Qu'il se dise canadien,
c'est son affaire.
M. Lamontagne: Vous ne niez pas votre geste, là. Vous ne
niez plus votre geste.
Le Vice-Président: M. le député de
Westmount, une dernière chance parce que je mettrai fin à cela.
Vous n'avez rien à ajouter, d'accord. Ecoutez, personnellement, je ne
considère pas qu'un geste soit enregistré au journal des
Débats. A l'ordre, s'il vous plaît! Chacun ayant eu l'occasion de
s'exprimer sur cet incident, je le considère comme clos. Ecoutez, je
pense...
M. Laplante: Est-ce que votre décision de dire que c'est
un incident clos me prive de mon privilège de faire autre chose?
Le Vice-Président: Non. M. le député de
Bourassa, j'aurais pu l'ajouter. Je ne l'ai pas fait parce que ce n'est pas
à la présidence de suggérer aux membres de cette
Assemblée les moyens qui sont à leur disposition. Tous les autres
moyens que vous jugez à propos et qui seront acceptés par la
présidence ou cette Assemblée vous sont réservés.
J'ai reconnu M. le député de Mercier, si je ne me trompe.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, on entend, depuis que ce
débat est commencé, larmoyer l'Opposition sur le statut des
immigrants du Québec, des Néo-Québécois. Mais, pour
être dans un comté qui en compte 20%, M. le Président, je
suis en mesure de vous parler d'expérience de la vie des immigrants
québécois, de la vie des Néo-Québécois, de
la vie de ces citoyens, par conséquent, dont le gouvernement actuel veut
faire des citoyens à part entière. On a vu dans le passé
ce dont parlait tout à l'heure le député de
Westmount la tension et l'incertitude. Il en parle aujourd'hui. Mais qui
ne se souvient au Québec, M. le Président, de la tension et de
l'incertitude qui ont accompagné, par exemple, la loi 63, où j'ai
vu des travailleurs québécois se battre avec des travailleurs
immigrants au sujet de l'anglais, car ils ne savaient pas, en venant ici, que
le Québec n'était pas une province comme les autres? On ne leur
avait pas dit. Le sens de cette loi, c'est de leur dire, de façon que,
quand ils sont ici, en plus d'être des
Néo-Québécois, en plus d'avoir à porter le fardeau
de leur intégration, ils n'aient pas à porter le fardeau de la
minorité à l'égard de la majorité. (20 h 30)
Dans le passé, ils étaient souvent utilisés comme
des otages pour défendre des intérêts linguistiques
très précis qui recouvraient des intérêts
économiques non moins précis. L'avantage de cette loi et de la
loi 101 est de tirer les choses au clair. Quand les futurs
Néo-Québécois viendront au Québec, ils sauront de
quoi le Québec est fait au point de vue culturel. Ainsi, quand ils
choisiront de venir ici, il n'y aura pas de confusion dans leur esprit et, par
conséquent, de risque d'être, à leur insu, naïvement,
spontanément, des gens qui étaient vus par certains
Québécois comme une menace à leur avenir. Je reproche non
pas aux Néo-Québécois, mais à ceux qui ne leur ont
pas dit la vérité cette situation.
Il y a eu la loi 22, M. le Président. Les tests, on n'en parle
pas, de l'autre côté. On les a oubliés. Est-ce que les
Néo-Québécois les ont oubliés, les tests? Ils ne
les ont pas oubliés, les tests. Quand nous les rencontrons aujourd'hui,
en tant que membres de ce gouvernement qui a passé la loi 101 et qui a
fait disparaître les tests, ils savent reconnaître en nous des gens
qui les respectent et qui ne pratiquent pas la discrimination via des tests
odieux pour eux tous. Ils s'en sont plaints amèrement et cela a
peut-être coûté bien des sièges à nos amis
d'en face et cela a peut-être apporté certains sièges
à d'autres amis d'en face.
Telle était la réalité des
Néo-Québécois, M. le Président, jusqu'à
novembre 1976. Cette loi vise à ce que le Québec ait un mot
à dire à ceux qui choisissent le Québec comme leur terre
d'élection, comme leur patrie nouvelle. Ils sauront à quoi s'en
tenir, par conséquent, et ils ne seront plus les otages de personne.
On a vu des comtés, à Montréal,
redécoupés de façon à assurer, via les otages
néo-québécois, des majorités à certains
membres de l'ancien gouvernement. Les calculs n'ont pas tous fonctionné,
heureusement. C'est d'ailleurs grâce à de telles erreurs que je
suis ici aujourd'hui. Les Néo-Québécois cherchaient la
paix. Le député de Saint-Louis l'a dit, ils cherchaient la paix
et que trouvaient-ils ici? La crise. La crise linguistique, la crise nationale.
Ils étaient au front, ils étaient coincés entre le marteau
et l'enclume. Peu de gens, de l'autre côté, s'en
inquiétaient; on leur faisait passer des tests linguistiques.
Nous croyons, malgré les accusations, malgré les injures
de l'Opposition, depuis deux ans d'ailleurs, voulant que nous pratiquions la
discrimination, nous croyons aux immigrants, aux
Néo-Québécois, ceux qui sont de meilleurs
Québécois parce qu'ils ont choisi d'être
Québécois. Nous n'avons pas choisi d'être
Québécois alors qu'eux l'ont choisi; ils peuvent ainsi devenir de
meilleurs Québécois parce qu'il savent pourquoi ils sont venus
ici et pourquoi ils vont venir ici dans l'avenir. Les choses, je le
répète, sont éclaircies. Le député de
Saint-Louis l'a dit tout à l'heure, ils viennent ici pour avoir la paix.
Cette paix qu'ils recherchent ne nous fera pas renoncer à notre histoire
à nous. Nous ne renoncerons pas à devenir un pays parce que les
Néo-Québécois recherchent la paix et ne veulent pas de
crise et de conflit. Nous leur expliquerons pourquoi nous voulons un pays comme
à n'importe quel citoyen de cette province.
J'ai vu récemment, dans mon comté, un groupe de Portuguais
à qui j'ai dit: Je viendrai vous expliquer les raisons pour lesquelles
nous faisons un référendum et l'Opposition le fera certainement
aussi. Nous les considérons comme des citoyens à part
entière et non plus comme des otages qu'on déplace suivant les
besoins des comtés ou des ministres ou des députés
à réélire. Non. Nous leur parlons d'égal à
égal. Je peux vous dire
qu'ils relèvent la tête. J'ai vu, durant ma campagne
électorale c'est la première occasion que j'ai de parler
d'eux ici, à l'occasion de cette loi des
Néo-Québécois traqués parce qu'on leur avait dit,
même s'ils étaient des citoyens canadiens inscrits aux listes
électorales: Ne votez pas pour Godin, il va vous expulser du pays. On
leur avait dit cela.
Aujourd'hui, quand je les rencontre, ils me disent: On m'a menti, M.
Godin, je ne suis pas expulsé. La vérité, tôt ou
tard, apparaît et la fierté qui s'ensuit, de voir qu'on a
été roulé par quelqu'un et non pas par un autre. C'est
important de se rappeler ces choses, de constater ces choses quand on
écoute ce que les Néo-Québécois, les immigrants ont
à nous dire. La réalité vécue des
Néo-Québécois, personne n'en a parlé ici. Les
salaires minimum non respectés. Nos amis d'en face, qui se plaignent de
la discrimination, ont-ils fait quelque chose pour faire respecter cela
comparativement à ce que le ministère actuel fait,
c'est-à-dire la création du poste d'un fonctionnaire
délégué aux droits des travailleurs immigrants?
Voilà une mesure concrète que les travailleurs immigrants
apprécient à sa juste valeur et voilà les raisons pour
lesquelles ils se disent: Donc, vous n'étiez pas les monstres que vos
amis d'en face décrivaient! Je leur dis: Bien non; mais ils jugent
eux-mêmes, nous ne les prenons pas, nous, pour des gens qui n'ont pas de
jugement, nous les prenons pour des citoyens à part entière qui
peuvent se lever et dire ce qu'ils pensent. Ils peuvent devenir, par
conséquent, dans la société non seulement un actif au
point de vue économique on l'a abondamment dit mais
également un actif au point de vue civique, car ils ont, dans leur pays
respectif, vécu des expériences politiques, sociales et autres
dont les leçons peuvent nous être utiles. Par conséquent,
plus ils participeront à la vie réelle du Québec, meilleur
sera le Québec.
C'est la raison pour laquelle nous voterons pour cette loi, mais de plus
nous constaterons bientôt... Le député de Saint-Louis a
dit, un peu plus tôt, que si nous adoptons cette loi c'est pour aller
chercher des votes. Cela en dit plus sur ce qu'il pense que sur ce que nous
voulons; cela en dit plus sur ses calculs que sur la vérité des
raisons profondes pour lesquelles nous adoptons cette loi.
Les raisons profondes et je conclus là-dessus, M. le
Président c'est que nous voulons que le
Néo-Québécois puisse choisir le Québec, puisse
cesser d'être une pomme de discorde dans la société
québécoise, pris entre l'arbre et l'écorce des deux
communautés, choisissant, dans le passé, avant la loi 101, ce que
les Italiens appellent et mon collègue de Mont-Royal le sait
"la lingua del pane". La langue du pain et du beurre c'était
l'anglais, et c'est la raison pour laquelle les
Néo-Québécois choisissaient l'anglais. C'est la raison
pour laquelle ils étaient vus, par certains Québécois,
comme une menace à la réalité majoritaire
québécoise. Cette situation étant en voie de
rétablissement, les tests ayant été abolis, les
Néo-Québécois futurs, sachant de quoi il retourne au
Québec, seront d'autant plus heureux et ne seront plus des otages de ces
partis qui, aujourd'hui, nous donnent des leçons de morale et
d'éthique. Je les prends les leçons de morale, mais pas d'eux, M.
le Président, et les immigrants sont, là-dessus, mes seuls
conseillers. Ce sont eux que j'écoute, et non pas l'Opposition, quand je
veux savoir ce qu'il y a au fond de leur coeur; ils me le disent parce que moi
je ne leur fais pas peur avec des menaces d'expulsion, je ne leur dis pas
qu'ils seront expulsés s'ils votent pour un tel ou un tel. Quand ils
n'ont pas le salaire minimum, ils ont maintenant à qui s'adresser pour
voir leurs droits respectés, ce qu'ils n'avaient pas avant. Par
conséquent, il n'y a pas seulement des discours, mais des gestes
concrets et précis, des actions qui ont été faites et que
les immigrants sont les mieux placés pour évaluer. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, mes collègues ont fait
beaucoup mieux que je ne saurais le faire moi-même, l'exposé des
raisons qui, sur le plan de la facture même, du contenu même de ce
projet de loi, nous poussent à émettre les plus sérieuses
réserves. Je fais allusion à tout cet ensemble de pouvoirs
extrêmement complexes, qui vont extrêmement loin, que le ministre
ou le Conseil des ministres s'octroient eux-mêmes dans l'administration
de cette politique de l'immigration. Je n'ai pas l'intention de revenir sur ces
arguments, mais d'essayer de faire ressortir les aspects de ce projet de loi
qui sont, en quelque sorte, absents, les carences d'un projet de loi, un projet
de loi qui ne va pas assez loin, pour préciser un certain nombre de
solutions auxquelles le ministère de l'Immigration pourrait faire une
contribution significative, mais qu'il omet de faire, ou pour suggérer
des domaines où des précisions sont absolument nécessaires
de la part du ministre, de la part du gouvernement, de manière que le
sens de ce que l'on veut faire du côté gouvernemental soit plus
facile à percevoir.
Pour ce qui est des carences, on dira sans doute: Voilà, encore
l'Opposition, qui veut en ajouter, qui voudrait une loi parfaite. Pas du tout.
Il y a malgré tout dans les dossiers gouvernementaux des contributions
pleinement élaborées par les fonctionnaires du ministère
de l'Immigration, par d'autres fonctionnaires, et qui ont fait l'objet de
discussions il y a déjà au-delà de deux ans, solutions
à des problèmes concrets qu'ont vécus des
Québécois de naissance ou des immigrants et qui sont même
apparues dans des lois d'ailleurs c'est ce qui a fait leur malheur
probablement qui ont été déposées lors de la
session 1976 du gouvernement précédent, mais que le gouvernement
actuel, pour des motifs que l'on peut très bien saisir, s'efforce
d'oublier en faisant comme si ces solutions n'avaient jamais été
élaborées.
Je pense en particulier aux pouvoirs que ce projet d'amendement, qui n'a
jamais dépassé, malheureusement, le stade de la deuxième
lecture,
je crois, comportait relativement, par exemple, à l'implication
du ministère de l'Immigration dans la mise en route et le financement,
le fonctionnement des garderies et des maternelles destinées aux enfants
d'immigrants. On sait que ces maternelles pour les immigrants ont
été depuis les années, déjà assez
nombreuses, pendant lesquelles elles ont fonctionné une source
importante d'intégration dans la vie canadienne et
québécoise pour des familles nouvellement arrivées et
qu'à cet égard la population immigrante au Québec
bénéficie d'un régime largement plus ouvert que l'ensemble
des Québécois. Il est juste qu'il en soit ainsi.
Cependant, il serait normal que dans une loi on précise le
rôle du ministère de l'Immigration face aux juridictions que
réclament à juste titre, de façon
générale soit le ministère des Affaires sociales,
vis-à-vis des garderies, soit le ministère de l'Education, face
aux maternelles. Il y a là des difficultés qui doivent être
éclaircies, qui l'ont déjà été d'ailleurs
dans des textes qui ont été déposés devant cette
Assemblée. Il nous semble que de telles solutions auraient dû
retenir l'attention du ministre, parce que je suis sûr que des
problèmes subsistent encore dans ces domaines et qu'il est
nécessaire de consacrer, par des textes législatifs, l'intention
du Québec de privilégier, dans une politique d'insertion optimale
des immigrants au milieu québécois, des moyens tels que les
garderies et les maternelles pour les populations immigrantes.
Un autre problème, M. le Président, que certains
Québécois ont vécu d'une façon pénible,
même angoissante, est constitué par ces difficultés
nombreuses qu'ont vécues un certain nombre de parents au Québec
lors de procédures d'adoption internationale. Il y a eu dans la ville de
Québec même des cas célèbres où des parents
québécois sont devenus légalement les parents d'enfants
haïtiens, par exemple, mais n'ont jamais pu, dans des délais du
moins raisonnables, obtenir la livraison par Haïti dans ce
cas-là de permis de sortie pour ces enfants. Il y avait là
tout un contentieux intergouvernemental qu'il fallait clarifier, mais il y
avait aussi des services à mettre sur pied de manière à
s'assurer que, tant au Québec que dans les pays d'origine de ces
enfants, des agences peu scrupuleuses n'exigent des honoraires exorbitants pour
obtenir ces adoptions internationales et tout ceci en pure perte au grand
malheur des enfants eux-mêmes et pour l'angoisse prolongée de
familles qui cherchaient tout simplement à donner un foyer à un
enfant abandonné.
De ce côté-là aussi, il y a des
responsabilités que la loi doit préciser pour le ministère
de l'Immigration. De ce côté-là aussi, il y a eu en 1976
des solutions proposées à l'Assemblée nationale, mais, de
ce côté-là aussi, on retrouve, du côté
gouvernemental, une espèce de réticence peut-être
partisane, peut-être motivée par d'autres raisons que le ministre
n'a pas expliquées, qui fait que l'on ne retrouve plus ces solutions
concrètes à des problèmes vécus de façon si
intense.
Il y a également, dans le domaine de l'im- migration temporaire
ou de la résidence temporaire pour fins de travail et d'études,
des solutions que le gouvernement précédent avaient
imaginées, des responsabilités claires que le gouvernement
précédent avait voulu situer au ministère de l'Immigration
pour éviter que des agences de placement spécialisées dans
le recrutement de travailleurs saisonniers en dehors de nos frontières
ne se livrent à une exploitation regrettable à tout point de vue,
portant ainsi préjudice à énormément de gens tant
à l'extérieur du Québec qu'à l'intérieur du
Québec. Il y a des responsabilités claires qui devraient
s'exercer. Peut-être le ministre nous dira-t-il que tout sera
prévu dans ses règlements, mais cela n'est pas suffisant. Cela
n'est pas une réponse adéquate parce que les règlements ne
peuvent, malgré tout, pas changer d'autres lois, avoir un impact tel que
l'on puisse mettre de côté certaines juridictions qui sont en
conflit dans des situations comme celle-là, même des juridictions
propres au Québec. Il faut que le législateur intervienne pour
clarifier ces difficultés. Ce sont des problèmes vécus.
Tout le monde en a eu connaissance. Les journaux en ont parlé de temps
à autre et ont démontré qu'il fallait apporter à
ces problèmes concrets des solutions concrètes et affirmer une
responsabilité éminente du ministre de l'Education dans leur
solution.
En deuxième lieu, M. le Président, il y aura, dans les
critères et toutes les règles que l'on nous annonce et qui seront
incorporées dans la réglementation, des mesures qui, sans aucun
doute, auront un impact sur cette catégorie de personnes qui sont si
importantes dans une économie moderne parce qu'elles jouent un
rôle décisif soit au niveau des cadres d'une entreprise, soit au
niveau du personnel professionnel d'institutions vouées à la
recherche scientifique ou au développement technologique.
On sait que nous venons à peine de fermer un chapitre qui a
duré trop longtemps au Québec d'une incertitude prolongée
quant au statut, au rôle des sièges sociaux au Québec.
L'implication sur le fonctionnement des sièges sociaux et des instituts
de recherche de la loi 101 a à peine été clarifiée
de manière que ceux qui sont impliqués dans le fonctionnement de
ces organismes, de ces compagnies, de ces industries puissent savoir un peu
dans quel contexte légal ils vont devoir fonctionner. On sait combien
importante est la mobilité à travers les frontières
provinciales et internationales pour cette catégorie de personnes. (20 h
50)
Or, voici qu'une nouvelle loi vient ouvrir à nouveau tout ce
problème du statut et du fonctionnement des sièges sociaux et des
organismes de recherche scientifique ou de développement technologique.
Jusqu'à quel point pourra-t-on avoir, de la part du ministre, une
assurance que les règlements qu'il a en tête ne viennent pas
compliquer une fois de plus le fonctionnement de cette partie vitale de notre
économie québécoise de manière que les choses
puissent enfin poursuivre leur cours de façon normale? J'attends, de la
part du ministre, au cours de ce débat, des
précisions très claires là-dessus, autrement, on va
voir se rouvrir une controverse et, ma foi, je pense que nous sommes tous
convaincus que cette controverse a suffisamment duré.
Un troisième point est suggéré par le nouvel
article 13a de la Loi de l'immigration, tel qu'il est modifié par
l'article 5 de ce projet de loi qui est devant nous. J'en fais lecture, c'est
un article de trois lignes qui dit beaucoup de choses en peu de mots: "Dans
l'exercice des fonctions et pouvoirs qui lui sont accordés par la
présente loi ou les règlements, le ministre peut, par
lui-même ou une personne qu'il désigne, enquêter sur toute
matière de sa compétence ". Donc, par cet article, le ministre
aura le pouvoir de nommer des enquêteurs. On imagine très
facilement les spectres que l'on fait naître par une telle
référence à des inspecteurs. On a malheureusement connu
depuis quelque temps des inspecteurs de la langue, voici maintenant que nous
aurons des inspecteurs de la Loi de l'immigration. Il y aura des agents de
l'immigration mais il y aura aussi des inspecteurs.
Dans la loi, rien ne vient encadrer le rôle, les fonctions, les
modalités d'exercice de ces inspecteurs. De quelle façon
entreront-ils en communication avec des immigrants déjà au pays,
avec des travailleurs temporaires déjà au pays? Quelle est
l'envergure des pouvoirs qui sont les leurs? Est-ce que, dans le silence de la
loi, on doit présumer que tous les pouvoirs du ministre sont ipso facto
attribués à ces enquêteurs? Un enquêteur pourra-t-il,
sur-le-champ, ordonner l'expulsion d'un immigrant pour défaut de forme
dans telle ou telle procédure, pour une opinion qu'il se sera faite sur
des ouï-dire, Dieu sait comment, que tel ou tel règlement ou tel ou
tel sous-paragraphe n'a pas été respecté? Est-ce que l'on
sera dans une situation où chaque immigrant, chaque travailleur
temporaire se demandera tout le temps: Est-ce qu'on va voir apparaître
tout à coup un inspecteur? Est-ce qu'il faudra être
vis-à-vis de cet inspecteur dans une situation de dépendance
psychologique, de dépendance légale? Y aura-t-il des recours? Y
aura-t-il un appel possible des décisions de l'inspecteur? Y a-t-il un
tribunal administratif quelconque qui sera chargé d'entendre la preuve,
de la façon normale dont un tribunal administratif doit entendre la
preuve? Y aura-t-il un pouvoir d'évocation des actions de cet inspecteur
avant exécution de sa sentence ou de sa décision devant un
tribunal de droit commun? Autrement dit, est-ce que l'on dépouille
l'immigrant et le ressortissant étranger qui a un permis temporaire de
travail, est-ce qu'on le dépouille littéralement de ses droits
pour créer un régime spécial à exécution
forcée sans appel?
Ce sont là des précisions que, je suis sûr, tous les
immigrants et tous les travailleurs jouissant d'un permis de travail temporaire
ou d'un permis de séjour voudront avoir du ministre au cours de ce
débat. C'est tout de suite une carence dans ce projet de loi qui me
semble très grave et qui ne manquera pas, à moins que le ministre
n'y veille rapidement, qui ne manquera pas de soulever des inquiétudes
tout à fait normales et qu'il faut comprendre sur un plan humain. Tout
le monde a eu affaire à l'administration publique, tout le monde sait
très bien quel genre d'attitude le pouvoir ou la parcelle de pouvoir
dont dispose un fonctionnaire peut entraîner dans ses relations avec les
citoyens et les particuliers dans la population, en général, tout
le monde a eu cette expérience.
Je crois qu'il faudra que le ministre rassure tous ceux qui sont
visés que les modalités seront prévues et, au mieux, qu'il
introduise dans la loi des garanties qui en sont absentes dans le moment et qui
réussiraient, je pense, si elles étaient convenablement
formulées, à restaurer la quiétude chez ceux qui seront
certainement inquiétés autrement.
M. le Président, il y a un quatrième point. On remarque,
et des collègues l'ont souligné, que le ministre de l'Immigration
du Québec s'arroge un très grand nombre de pouvoirs. Il s'arroge
le pouvoir de déroger à ses propres règlements. C'est une
institution remarquable, M. le Président. Le ministre, qui a le pouvoir
de recommander à ses collègues du Conseil des ministres de
changer les règlements, se donne aussi le pouvoir de déroger.
Probablement qu'il ne le fera que dans les cas d'absolue
nécessité, dans les cas de la plus grande urgence. Après
tout, le Conseil des ministres se réunit toutes les semaines.
On se demande bien ce qui peut être si urgent pour qu'il ne puisse
en référer au Conseil des ministres. Je ne reviendrai pas sur ce
point, M. le Président. Mes collègues y ont insisté avant
moi. Cependant, il y a dans toutes les règles, quel que soit leur
raffinement, malgré tout des possibilités de les détourner
pour des fins qui soient peu souhaitables. Je crois que le ministre le
reconnaîtra. Il n'y a pas de limite aux possibilités et, quel que
soit le raffinement de ces règles, de ces critères d'admission,
il se glissera bien des occasions ou des candidatures à l'immigration
où un exercice raisonnable d'autorité ministérielle
pourrait l'amener à conclure qu'il s'agit d'une candidature
indésirable.
Je donne un exemple. Un immigrant qui vient d'un autre pays, qui est un
homme d'une quarantaine d'années, est divorcé depuis peu; il a eu
un enfant de ce mariage, il est astreint d'après les lois de son pays
à verser une pension alimentaire à son ex-épouse ou
à son enfant. Il y a un avantage certain, bien qu'on puisse obtenir
l'homologation des jugements des tribunaux étrangers, à
échapper à la justice civile de son pays en
déplaçant son domicile, en devenant un immigrant au
Québec. Dans un cas comme celui-là, si le ministre est saisi de
ce fait, n'y a-t-il pas là une raison de refuser même si, sur le
plan de la connaissance du français, des qualifications
professionnelles, de l'âge, des aptitudes, de la motivation, toutes les
conditions normales présumément prévues aux
règlements sont satisfaites? Il y a là, malgré tout, un
problème pour un ministre de refuser.
Il y a d'autres circonstances comme celle-là qui vont poser pour
le ministre un problème moral, un problème peut-être
politique aussi. On peut
être en face d'un réfugié qui n'est pas
nécessairement une victime, mais qui a été dans son pays
d'origine plutôt un oppresseur, un membre d'un gouvernement en fuite, qui
s'est enfui ailleurs avec une partie du trésor public. Dieu sait quoi!
Et cela s'est vu. Je n'ai pas besoin de citer de nom. Est-ce que le ministre a
le pouvoir de refuser? Et est-ce que cette sale besogne, le ministre
préfère la confier à son confrère d'Ottawa? Il
semble que le libellé du projet de loi lui permet d'être gentil,
lui permet d'être libéral et généreux quand cela va
l'avantager et de se réfugier derrière le paravent commode de son
collègue fédéral lorsqu'il y aura des questions un peu
moins agréables à traiter. Est-ce qu'il a le courage, le
ministre, d'affirmer dans la loi le pouvoir de refuser des indésirables
quand il y en aura qui se présenteront devant lui?
C'est une précision qu'on aimerait bien avoir de sa part; est-ce
qu'il aura ce courage? Est-ce qu'il aura le courage de préciser des
réponses aux autres questions que je lui ai posées, aux autres
questions qui sont peut-être moins politiques, qui ont certainement un
contenu humain, un contenu familial parfois beaucoup plus important? Il y a des
responsabilités qu'il devra assumer. Il doit préciser de
façon beaucoup plus poussée jusqu'où il ira dans chacun de
ces cas. Je les ai cités. Le problème des garderies. Le
problème des maternelles. Le problème de l'adoption
internationale. Le problème des résidents temporaires. Le
ministre de l'Education se livre actuellement à un exercice de relations
publiques dont on voit les signes dans les media, à savoir que nous
allons régler la question des étudiants étrangers par des
moyens fiscaux. (21 heures)
Quelle est l'attitude du ministre de l'Immigration vis-à-vis
d'une telle politique de son collègue de l'Education? Est-ce qu'il s'en
remet à des moyens purement fiscaux, la majoration des frais de
scolarité, ou s'il y a, vis-à-vis de cette question,
vis-à-vis des possibilités de rayonnement du Québec et des
universités québécoises dans le monde, une politique qui
est autre que simplement basée sur la préoccupation de
récupérer les sous que cela coûte de tous et chacun de ces
étudiants étrangers? Est-ce qu'il a une vision de ce
problème? Est-ce qu'il est prêt, dans sa loi, à incorporer
des pouvoirs qui lui permettront d'avoir un impact sur ces politiques?
Eh bien, M. le Président, nous aimerions bien le savoir lors de
la réplique du ministre.
Nous aimerions bien savoir également si, vis-à-vis des
sièges sociaux, vis-à-vis des centres de recherche scientifique,
il peut, dès aujourd'hui, préciser où son gouvernement se
loge. Est-ce qu'ils vont cesser, finalement, de créer des obstacles
à ce qui est, malgré tout, un volet vital, important, du
développement de l'économie québécoise ou si on va,
après avoir réglé un premier problème, multiplier
les obstacles dans une espèce de course à obstacles sans fin?
M. le Président, je termine en rappelant que la question des
enquêteurs est peut-être celle qui est la plus explosive, la plus
chargée, possiblement, d'émotivité. Je pense qu'il aurait
un grand avantage à assortir sa loi de balises très strictes
quant à l'utilisation par les inspecteurs de leurs pouvoirs, quant aux
possibilités d'un appel devant un tribunal administratif et devant les
cours de droit commun, lorsque les données élémentaires du
droit naturel sont violées. M. le Président, ce sont autant de
questions. C'est notre rôle de les poser. Je pense que ce sera
très certainement le rôle du gouvernement d'y apporter des
réponses très claires. Merci.
M. le Vice-Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Victor Goldbloom
M. Goldbloom: M. le Président, comme vous le savez bien
mais peut-être que ceux qui nous regardent ne le savent pas
le débat en deuxième lecture sur un projet de loi porte sur le
principe de celui-ci. Le principe du projet de loi que nous avons
présentement devant les yeux me paraît être le suivant: la
définition par le ministre de l'Immigration des objectifs du
Québec quant au nombre de ressortissants étrangers qui seraient
admissibles à cette province. Le projet de loi donnerait au ministre un
pouvoir de sélection quant à ces immigrants.
Mme le Président, tout cela est devenu d'une importance plus
grande que jamais dans notre histoire, à cause de deux facteurs.
Le premier nous affecte depuis au moins une décennie. Je parle de
la baisse de notre taux de natalité.
Le deuxième facteur est plus récent: en 1977, pour la
première fois depuis très longtemps, nous avons accusé une
baisse nette de notre population.
Or, Mme le Président, l'immigration sera pour nous, à
l'avenir, une façon majeure de façonner le Québec de
demain. C'est ainsi, Mme le Président que nous, de l'Opposition, avons
voulu poser des questions et exprimer des inquiétudes, des
hésitations, devant ce que propose le gouvernement par ce projet de
loi.
Quel sera le Québec de demain? Quelle sorte de Québec
aurons-nous?
Je prends un exemple, Mme le Président. Dans ce projet de loi, le
ministre aura des pouvoirs en ce qui concerne l'admission d'étudiants
à notre province. Mme le Président, je prends le niveau
universitaire, parce que c'est à ce niveau-là que, normalement,
les gens viennent de l'extérieur.
Je conçois facilement que le gouvernement veuille dire: Nos
universités ne peuvent pas être totalement ouvertes. Nous payons
une proportion importante du coût de l'éducation de chaque
étudiant, c'est donc un investissement que nous faisons dans
l'éducation et, donc, dans l'avenir et, si je peux utiliser un mot que
je ne voudrais pas péjoratif, je dirais dans le rendement de chaque
étudiant qui sortira de nos universités.
Puisque l'éducation est ainsi subventionnée, il est
convenable qu'un gouvernement dise: Nos
universités ne peuvent pas être totalement ouvertes. Mais,
pour ma part, pour notre part, de ce côté-ci de la Chambre, il
nous est également inconcevable qu'un gouvernement dise: Nos
universités seront totalement fermées.
Nous avons besoin de transfertilisation intellectuelle. Nous avons
besoin de contacts avec d'autres milieux et d'autres façons de penser et
cela est plus important, plus large que la question de recevoir de temps en
temps un professeur visiteur ou d'avoir un échange d'un groupe de
quelque 30 ou 40 étudiants. C'est plus que cela. Nous devons apprendre,
pendant cette période de notre jeunesse, à connaître
d'autres personnes d'autres origines, d'autres formations. Nous devons
apprendre à vivre avec ces personnes et nous devons pouvoir leur rendre
visite par la suite et bien représenter ce que nous sommes.
A un niveau plus bas, parce que plus jeune, de notre système
d'éducation, il y a également des problèmes qui sont
touchés par ce projet de loi et par les pouvoirs que l'on accorderait au
ministre. On sait qu'il y a des immigrants qui viennent et qu'il y a d'autres
personnes qui pourraient être des immigrants, qui ne viennent pas
présentement.
On peut invoquer toutes sortes de raisons; il y en a une qui saute aux
yeux. Des gens qui nous regardent de l'extérieur, qui envisagent une
immigration éventuelle au Québec, se méfient de la
qualité de l'enseignement des langues dans nos écoles. Je parle
des deux langues, de la langue maternelle et de la langue seconde. Ce fait
m'amène à dire à ce gouvernement qu'en proposant une loi
qui modifie et élargit les pouvoirs du ministre de l'Immigration, qui
vise donc un traitement que l'on accorderait aux futurs immigrants, il ne faut
pas, en même temps, oublier des gens qui sont déjà ici.
Je n'en prends que deux exemples. J'ai ici un article publié dans
le Devoir, le 10 octobre. Le titre: "Les infirmières immigrantes
réitèrent leur demande à l'Office de la langue." Je cite
seulement le premier alinéa: "Le Centre d'accueil des professionnels
immigrants est revenu hier à la charge afin d'obtenir de l'Office de la
langue française un assouplissement des règlements
régissant les tests linguistiques, particulièrement en ce qui a
trait aux infirmiers et infirmières immigrants." Je ne demande pas au
gouvernement de mettre de côté toutes ses lois et tous ses
règlements, mais je lui demande, à l'instar des infirmiers et
infirmières, de la souplesse. (21 h 10)
II y a un autre groupe pour lequel j'aimerais demander à ce
gouvernement de la souplesse. Il y a des jeunes qui sont au niveau
élémentaire, qui ont déjà commencé à
étudier, qui sont rendus en deuxième, troisième,
quatrième année et qui sont obligés, pour des raisons qui
ne semblent pas être de leur faute, de changer d'école. En leur
nom, je demanderai, comme ils demandent au gouvernement, une certaine
souplesse.
Madam President, there are people who are already here they came
as immigrants, but tney have been here long enough to be Canadian citizens, as
is every member of this Legislature and their children were admitted, in
good faith on their part, to schools; today, they are told that they must
change. That change creates a family situation which makes it difficult for
those parents to participate in their children's education. They are not even
asking that existing laws be changed, they are asking for flexibility in the
application of laws and regulations.
Madam President, if they had done something wrong, I would ask for
amnesty on their behalf. They have not done anything wrong. Since they have
not, let them be treated with fairness and with flexibility.
Mme le Président, je termine en disant ceci: C'est avec beaucoup
d'hésitation que nous, de l'Opposition officielle, nous tirons la
conclusion que nous devons, malgré tout, voter en faveur de la
deuxième lecture de ce projet de loi. Nous nous réservons le
droit c'est normal de le faire, ce droit existera de toute façon
de voter contre ce projet de loi en troisième lecture, parce que,
entre les deux, nous avons l'intention de proposer au ministre certaines
modifications. Mais, après tout, Mme le Président, il s'agit
d'une entente fédérale-provinciale que nous voudrions respecter
et ce respect est un élément important de cette décision
difficile que nous avons prise de voter en faveur de ce projet de loi en
deuxième lecture.
Finalement, Mme le Président, je dis ceci: Un ancien membre de
cette Chambre, qui était député de Chambly et ministre de
l'Industrie et du Commerce avant cela il avait été
ministre de l'Education M. Guy Saint-Pierre je le cite parce que
ce qu'il a dit m'a frappé; ce n'est pas la première fois que je
cite ses paroles a donné une définition de la
démocratie, il a dit: "La démocratie, c'est le jeu de convaincre
ou d'accepter d'être convaincu." Mme le Président, en ce qui
concerne l'immigration, en ce qui concerne le Québec de l'avenir que,
par cette immigration, nous bâtirons, je dirais que ce sera le jeu de
respecter les autres et de recevoir leur respect en retour. Nous allons,
à cette étape, faire cette mesure de confiance au ministre et
voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture.
M. Lavoie: Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de Laval
et leader de l'Opposition officielle.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: Avant de permettre au ministre de l'Immigration
d'exercer son droit de réplique, je veux bien faire une courte
intervention qui sera peut-être sous la forme interrogative. Pour ce
Québec que nous chérissons et que nos amis d'en face veulent
faire l'objet de surenchère, parce que, durant ce débat, autant
le ministre que le député de Mercier, tous les deux à la
recherche d'un pays c'est le terme qu'ils ont employé dans leur
intervention j'aimerais demander au ministre de
l'Immigration comment il se fait que, entre autres, dans le programme du
Parti québécois édition de 1975; il y en a eu
d'autres, mais quand même sur une question d'immigration...
M. Johnson: Cela a été modifié... Non, cela
a été revu entièrement au dernier congrès.
M. Chevrette: ... vous autres.
Une Voix: Vous avez viré capot.
Le Vice-Président: A l'ordre s'il vous plaît!
M. Johnson: On a évolué.
Le Vice-Président: A l'ordre! M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! A l'ordre, M. le
député de Laval!
M. Lavoie: Mme le Président, on traite d'à peu
près de tout dans ce programme, autant de changer le système
parlementaire en système présidentiel, on parle de la
visée ou de l'aspiration à l'indépendance du Québec
et à un pays nouveau. Comment se fait-il qu'il n'y a aucun chapitre,
aucun alinéa, aucun paragraphe qui traite vraiment d'une politique
d'immigration? On sait qu'ici en Amérique ce qui a fait,
peut-être, la richesse de nos grands voisins les Etats-unis cela a
été cette politique d'ouverture...
M. Johnson: ... le mauvais programme.
M. Lavoie:... d'échanges, d'hospitalité pour le
Canada. On sait bien que ce ne sont pas les 60 000 francophones de 1760 qui
auraient pu bâtir à eux seuls ce Canada et pas uniquement les 100
000 ou les 300 000 anglophones qui existaient à partir du début
du XIXe siècle. Comment se fait-il, surtout en terre d'Amérique,
qu'il n'y ait pas plus d'attention de portée que l'immigration sur une
question aussi capitale si on veut vraiment bâtir un Québec encore
jeune, mais qui est appelé à un avenir illimité? La seule
chose qu'il y a, les seuls commentaires qu'il y a dans votre programme de 53
pages...
M. Johnson: De 1975.
M. Lavoie: ... programme... Voici la seule
référence qu'il y a sur la politique d'immigration, ce sont les
lignes suivantes. Prendre les mesures nécessaires pour favoriser
l'immigration au Québec des individus et des familles francophones
établis au Canada. C'est limité à cela. Encore, vous
auriez pu ajouter les Franco-Américains, vous auriez pu aborder quand
même une frontière.
M. Paquette: Question de privilège, Mme le
Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Laval, s'il vous plaît! J'ai une question de privilège. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Mme le Président...
M. Lamontagne: Comment une question de privilège!
Mme le Vice-Président: Nous allons voir.
M. Paquette: Je pense que le député de Laval est en
train d'induire cette Chambre en erreur. Il semble s'intéresser au
programme du Parti québécois. Justement, c'est un programme qui
est...
M. Lavoie: Mme le Président, question de règlement!
J'inviterais le député de Rosemont à intervenir dans le
débat avant la réplique du ministre. Il n'y a pas de question de
privilège...
M. Paquette: Mme le Président...
Mme le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît!
M. le député de Rosemont, vous dites vous lever sur une question
de privilège, je vous écoute.
M. Paquette: C'est une question de privilège, parce que je
pense que le député de Laval est en train de dénaturer le
programme de notre parti...
M. Lavoie: Ce n'est pas une question de privilège...
M. Paquette: Voulez-vous que je vous lise un autre article qui
porte sur l'immigration?
M. Forget: Quelle sorte de privilège est-ce cela?
M. Paquette: Le programme dit ceci, le programme de 1975.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Rosemont. A l'ordre! J'allais vous dire que je pourrais... J'allais dire au
député de Rosemont que j'allais lui permettre son intervention
quand il me demanderait la parole, alors qu'il est déjà
intervenu. Sur une demande de directive, M. le député de
Joliette-Montcalm. Un moment, s'il vous plaît, un à la fois, s'il
vous plaît! M. le député de Joliette-Montcalm. Une demande
de directive. Nous verrons ensuite.
M. Chevrette: Ce que je voudrais savoir quand je me lève
en Chambre avec un document que j'identifie avec une date précise, quand
un député sait pertinemment qu'il y a eu deux congrès
après 1975, comment corriger... Je vais vous demander, Mme la
Présidente, à vous-même, pas à l'ancien
président ni à qui que ce soit, mais à vous-même qui
êtes présidente pour le moment, de me dire
précisément quelle chose il faut vous dire à vous pour
pouvoir corriger un fait et faire en sorte qu'on n'induise personne en erreur.
Je veux le savoir de votre bouche. (21 h 20)
M. Lalonde: Vous ferez un discours.
M. Lamontagne: Mme le Président...
M. Chevrette: M. Malouf s'occupera de vous.
M. Lamontagne: Une directive, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Roberval.
M. Lamontagne: Concernant le programme du Parti
québécois, nous ne savons plus de notre côté quelle
édition du Parti québécois est la bonne.
M. Chevrette: Mme le Président, j'en appelle au
règlement, s'il vous plaît!
M. Lamontagne: On ne sait même plus lequel des articles est
l'article 1.
M. Chevrette: J'en appelle au règlement, Mme le
Président.
M. Lamontagne: L'article 1, on ne sait même plus lequel
c'est.
Mme le Vice-Président: Quelle est votre demande de
directive, M. le député de Roberval?
M. Lamontagne: Mme le Président, on apporte des
directives, mais je pense que, quant à nous, on a le droit de savoir de
quel programme il s'agit. Nous choisissons cette édition-là quant
à nous. Elle peut être aussi bonne que celle que vous êtes
en train d'inventer actuellement.
M. Chevrette: Mme le Président...
Une Voix: Un programme, vous ne savez pas ce que c'est
d'abord.
M. Chevrette:... je vous ai posé une question, je
crois.
Mme le Vice-Président: Oui, M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je n'ai pas demandé au député
de Roberval de répondre à votre place. Je vous ai demandé
une directive et j'y tiens. Je veux savoir quel est le moyen pour corriger des
citations qui sont non fondées puisque le programme est
révisé. Je veux savoir quel est le moyen à prendre.
M. Lalonde: Vous reniez votre programme.
M. Lamontagne: Vous le reniez à tous les jours.
M. Lalonde: Vous reniez votre programme.
Mme le Vice-Président: S'il vous plaît! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai cru entendre M. le
député de Rosemont me dire qu'il avait l'impression que cette
Assemblée était induite en erreur. J'aimerais que M. le
député de Rosemont pose clairement sa question. M. le
député.
M. Paquette: Merci, Mme le Président. Je pense que la
Chambre est effectivement induite en erreur par le député de
Laval et cela n'est pas la première fois pour deux raisons
principales. Premièrement, le député de Laval se base sur
l'édition 1975 de notre programme qui a été modifié
démocratiquement...
M. Lavoie: Bon! Mme le Président...
M. Paquette: ... par les membres au congrès
subséquent, Mme le Président...
M. Lavoie: Écoutez! Mme le Président, vous allez
m'expliquer comment il s'agit d'une question de privilège...
M. Paquette: Je n'ai pas terminé mon intervention, Mme le
Président.
Mme le Vice-Président: M. le député...
M. Lavoie: Je cite le programme de l'année 1975 qui a
amené ce gouvernement-là au pouvoir. Cela a été le
contrat social qui a été offert à la population et qui a
donné un mandat au gouvernement actuel.
Des Voix: A l'ordre!
M. Lavoie: Je suis prêt à déposer ce
document. Le programme, l'action politique les statuts et règlements,
édition 1975 du Parti québécois à la page 26.
M. Paquette: Mme le Président, est-ce que je pourrais
continuer?
Mme le Vice-Président: M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: J'ai dit que j'avais deux raisons.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Rosemont, vous pouvez terminer.
M. Paquette: Mme le Président... M. Mailloux: ...
chose là-dedans lui.
M. Paquette: ... la deuxième raison pour laquelle cette
Chambre est induite en erreur, c'est que le député de Laval a lu
un article tout à l'heure et il a affirmé que c'était le
seul article qui parlait d'immigration dans le programme de 1975. J'ai ici le
programme de 1975 entre les mains.
Une Voix: Vous l'avez encore?
M. Paquette: II y a dans ce programme, entre autres articles,
celui-ci: On dit au chapitre 3 sur le régime politique:
"Reconnaître comme Québécois, au moment de la
déclaration de l'indépendance du Québec, tout citoyen
canadien habitant le Québec,
y compris tous les Néo-Canadiens". Les reconnaître comme
citoyens québécois.
Deuxièmement, "quant aux immigrants reçus, le processus
d'accession à la citoyenneté québécoise se
poursuivra normalement pour eux sous le régime québécois
dans le respect de leurs droits acquis au plan de l'immigration". Cela veut
dire, Mme le Président...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le
député.
M. Paquette: ... que les Néo-Québécois sont
des citoyens à part entière...
Mme le Vice-Président: Je ne vais quand même pas, M.
le député, vous laisser faire une intervention. M. le
député de Laval, c'est vous qui aviez la parole.
M. Lavoie: A quelle page, s'il vous plaît! Donnez-la-moi et
on va lire cela ensemble.
M. Paquette: A la page 6.
M. Lavoie: A la page 6. D'accord.
M. Chevrette: II est bien préparé, comme vous
voyez.
Une Voix: Cela n'est pas une politique d'immigration que vous
allez dire.
M. Chevrette: Très bien préparé.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Une politique de séparation.
M. Mailloux: Je pense que vous l'avez changée par la
suite.
M. Lavoie: Écoutez! Le député de Rosemont a
cité un document et je voudrais vraiment débattre cette question;
c'est très important. Dites-moi donc à quel endroit de la page 6?
Je l'ai avec vous. "Il nomme les ambassadeurs avec l'approbation des deux tiers
de l'Assemblée nationale". Est-ce que c'est cela en page 6? Si j'ai bien
compris, vous m'avez dit qu'après l'indépendance, il faudrait
justement changer cette édition-là à la suite des
déclarations du premier ministre.
M. Paquette: Article 4.
C'est à l'article 4. Voulez-vous la répéter, votre
référence? C'est très important, je crois.
M. Paquette: Certainement, Mme le Président. Alors, je
répète encore une fois que le député de Laval a
induit cette Chambre en erreur en disant qu'il n'y avait qu'un seul article qui
touchait l'immigration dans le programme du parti. Je lui en donne un autre; il
y en a probablement d'autres. Je n'ai pas eu le temps de tout le feuilleter
pendant son intervention. Celui que j'ai cité est l'article 4 du
chapitre III, le régime politique, page 6, édition 1975 du
programme qui dit ceci: "Reconnaître comme Québécois, au
moment de la déclaration de l'indépendance du Québec, tout
citoyen canadien habitant le Québec, y compris tous les
Néo-Canadiens. Quant aux immigrants reçus, le processus
d'accession à la citoyenneté québécoise se
poursuivra normalement pour eux sous le régime québécois
dans le respect de leurs droits acquis au plan de l'immigration." Cela permet
de corriger pas mal de faussetés que vous répandez, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Mme le Président, je vous remercie d'avoir
accepté cette question de privilège. Je vois qu'il y en a un
troisième qui cherche un nouveau pays dans cette Chambre.
"Reconnaître comme Québécois, au moment de la
déclaration de l'indépendance c'est la séparation
du Québec, vous voulez bien dire, l'indépendance du
Québec?
Une Voix: Où est l'association là-dedans?
M. Lavoie:... tout citoyen canadien habitant le Québec, y
compris les Néo-Canadiens."
Une Voix: En 1978, c'est exactement la même chose.
M. Lavoie: On me dit qu'en 1978, c'est exactement la même
chose. Voulez-vous dire ou insinuer que le ministre ne va pas assez loin dans
son projet de loi avec ses contraintes? Voudriez-vous lui donner le droit
d'exclure ceux qui sont ici? Ce que vous avez cité là, il n'y a
aucune politique d'immigration dans cela; vous parlez de ceux qui sont ici
actuellement. J'espère que vous allez encore les accepter,
ceux-là.
Une Voix: Oui, très généreux!
M. Lavoie: Vous êtes très généreux,
vous! C'est ce que vous citez.
M. Lalonde: Bravo!
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: Mme le Président, c'est le ministre qui aura un
droit de réplique. Je voudrais qu'il nous explique ceci. Dans tout et
même dans le programme 1978 où on me dit qu'on
répète exactement le programme de 1975, comment se fait-il qu'il
n'y ait pas au moins un paragraphe, un genre de chapitre où on trouve
une politique montrant qu'on veut établir chez nous une
société ouverte, une société hospitalière,
une société invitante pour inviter les francophones et
possiblement les non-francophones à venir participer à l'avenir
du Québec? J'aimerais que vous nous disiez tout cela dans votre
réplique. Notre réticence à voter pour ce projet de loi
vient de ce que,
dans l'esprit de la rédaction, dans le contexte, dans
l'atmosphère de ce projet de loi, nous retrouvons l'expérience
que nous vivons en cette Chambre depuis deux ans. C'est l'ordre nouveau d'une
société fermée que vous voulez au Québec; c'est une
continuité de la loi 101. Vous avez peur d'échanger, de
communiquer. Si vous voulez copier la France, vous devriez la copier davantage,
parce que la France a été une terre de liberté.
Aujourd'hui, si on faisait l'inventaire généalogique de Paris et
de la région parisienne, il y a peut-être plus de la moitié
des habitants qui ne sont pas d'origine française. C'est ce qui fait la
richesse d'une nation, l'échange, la communion, la communication entre
les communautés humaines. C'est ce qui fait la richesse des Etats-Unis.
L'impression que vous nous donnez, c'est que vous voulez créer au
Québec une société en vase clos. Vous nous donnez
l'impression d'être des peureux, des frustrés dans tout ce que
vous faites. Vous avez peur des autres!
Votre politique d'indépendance et de souveraineté est une
politique de fermeture.
Une Voix: C'est clair.
M. Lavoie: C'est clair! Vous l'entendez, Mme le Président,
il y a un député qui nous l'a dit, en arrière. Dans tout,
que ce soit les étudiants ou les infirmières, ouvrez donc vos
horizons, prenez donc les grandes qualités de nos ancêtres, de
ceux qui sont venus conquérir non pas une province, mais un continent,
un pays. Le Canada, il nous appartient. (21 h 30)
C'est l'impression que vous nous donnez dans toute la rédaction
de vos lois et c'est la raison pour laquelle nous avons
énormément de réticence. Nous sommes une terre
d'immigrants. Qu'est-ce que c'est qu'un peuple de 300 ans? Nous sommes tous des
immigrants à différents degrés, et je dirais que si vous
fermez trop, on n'aura pas la possibilité d'avoir peut-être
d'autres O'Neill, d'autres Burns, d'autres Johnson, d'autres Ciaccia, d'autres
Goldbloom, d'autres Scowen, d'autres Springate, et d'autres Alfred. Voulez-vous
qu'on retourne en arrière? C'est cela qu'on voudrait, cette
liberté. Vous êtes portés à trop rechercher les
droits collectifs. Laissez donc des droits individuels. Notre passé est
assez garant de l'avenir. On peut se défendre et on peut se battre au
sein d'une Confédération canadienne.
Le minimum que je demanderais au ministre, c'est un projet de loi de la
sorte qui, à la base vous en voulez, un nouveau pays? a
une charte. Dans votre projet de loi, il devrait y avoir au moins un
préambule, une vraie politique d'immigration, et qu'on dise dans le
préambule d'un projet de loi de la sorte que le Québec et le
Canada sont une terre d'hospitalité et de liberté. Je vous
remercie, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Nous en sommes au moment de la
réplique de M. le ministre de l'Immigration.
M. Jacques Couture
M. Couture: Mme le Président, avant de faire un certain
nombre d'observations sur ce que nous avons entendu dans ce débat,
j'aimerais peut-être on est dans le chaud de l'intervention du
député de Laval qui était très emporté
simplement lui dire ceci: Je crois qu'au-delà des
déclarations, ce sont les témoignages qui, parfois, comptent le
plus, et ce sont les faits aussi. Pour enchaîner simplement sur cet appel
à l'ouverture et à la liberté de la terre
québécoise, je lui dirai ceci: Dernièrement, un de mes
sous-ministres est allé à Genève pour un colloque, un
symposium sur la politique des réfugiés et des droits des hommes
dans ce monde d'aujourd'hui. Il a rencontré les représentants du
Haut-Commissariat des Nations-Unies et des représentants de plusieurs
pays du monde. Moi-même, j'avais eu l'occasion d'échanger quelques
mots avec le Haut-Commissariat des Nations-Unies, M. Hartling. Il pourra
vérifier lui-même auprès, entre autres, des
représentants des Etats-Unis, des représentants de la Belgique,
de la France, du Vatican et j'en passe. Actuellement, dans plusieurs pays du
monde, on regarde la politique québécoise d'immigration avec
énormément d'intérêt.
Les faits maintenant. Dans l'accueil aux réfugiés, dans
tout le Canada, dans la dernière année et ce sont des
faits, être ouvert, être accueillant, se présenter comme une
terre libre, ne plus se méfier des autres, ne pas avoir peur des autres,
au contraire, vouloir les recevoir et vouloir les accueillir nous avons
reçu 33% de tous les réfugiés admis au Canada. Je cite en
même temps M. McBright, un Irlandais de longue expérience, qui a
été ministre des Affaires étrangères d'Irlande,
qui, quand il est venu au Québec, il y a quelques mois, pour un colloque
sur les réfugiés organisé par le ministère de
l'Immigration, disait ceci: "Avec les orientations que vous prenez maintenant
au Québec, vous êtes peut-être une terre
privilégiée pour aller plus loin que tous les autres et
rétablir le droit d'asile".
Je ne veux pas insister là-dessus, Mme le Président. Tout
ce que je veux dire ce soir, ce sont souvent ceux qui parlent le plus de
liberté et de droits humains qui sont les premiers à les violer
dans certaines circonstances, et on a seulement à évoquer la
crise d'octobre, où il y a eu des milliers et des milliers de
Québécois qui ont eu peur à cause de vous.
Mme le Vice-Président: Question de privilège, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Est-ce que le ministre se rappelle qu'à la
crise d'octobre il y a eu un ministre de l'Immigration qui a
été... On sait ce qui est arrivé au ministre de
l'Immigration de l'époque.
M. Couture: Je me rappelle tout cela, Mme le Président, et
je dis que...
M. Lavoie: C'était à la crise d'octobre, cela,
également. Il n'y a pas seulement eu des députés
péquistes...
M. Couture: ... c'est à l'occasion d'une crise qu'on
reconnaît ceux qui sont les plus vigilants pour les droits humains. C'est
à l'occasion d'une crise qu'on peut faire la distinction entre les vrais
terroristes et les simples Québécois qui, durant la crise
d'octobre, ont été soumis à vos pressions, ont
été jetés en prison sans aucune forme de
procès.
M. Lavoie: M. Laporte n'est pas allé en prison, lui!
M. Couture: Mme le Président, je voudrais revenir au
débat.
Une Voix: Ne mêlez pas les cartes.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: On va voir clair dans cette affaire dans peu de
temps.
Mme le Vice-Président: Je vous rappelle à l'ordre,
M. le député de Joliette-Montcalm et M. le député
de Laval, s'il vous plaît!
M. le ministre de l'Immigration.
M. Couture: Mme le Président, je voudrais revenir à
certaines observations qui ont été faites à l'occasion de
ce débat. Je dois dire que je regrette un peu certaines interventions,
les plus récentes entre autres, parce que, du côté de
l'Opposition, je me félicite vraiment pour plusieurs intervenants. Je
n'ose pas les désigner, parce que j'ai peur d'en oublier. Il y a eu
plusieurs intervenants de l'Opposition, que ce soient des représentants
de ce qu'on appelle les tiers partis ou de l'Union Nationale et du Parti
libéral. Je résiste mal à la tentation de rappeler les
interventions du député de Notre-Dame-de-Grâce et du
député de D'Arcy McGee, entre autres, où, vraiment, on est
resté à une certaine hauteur du débat. Des
Québécois et des immigrants, depuis plusieurs jours, ont suivi
avec beaucoup d'intérêt j'en ai eu des échos
ce débat, parce que, effectivement, c'est un temps
privilégié pour réfléchir collectivement à
quelle sorte de société nous préparons pour les immigrants
et quelle sorte de politique nous leur préparons aussi. Je me
félicite de ce genre d'interventions que nous avons entendues, parce que
j'ai senti qu'il y avait un effort commun dans cette Chambre pour chercher
à améliorer peut-être cette loi. J'ai pris bonne note de
plusieurs suggestions et surtout, je crois, de prendre conscience ensemble que
dans cette nouvelle intervention du gouvernement du Québec parce
que, dans l'exercice de ses pouvoirs, c'est relativement nouveau il
faudra être ensemble sur une approche de recherche. Je dis ceci, je l'ai
dit dans mon exposé et je le répète cela me
paraît important la grande charte de l'immigration du
Québec est encore à venir. Nous faisons, par l'adoption de ce
projet de loi, un premier pas important. J'invite dès maintenant tous
mes concitoyens, tous les membres de cette Chambre, à commencer ou
à continuer à réfléchir sur cette charte que nous
devons préparer dans les prochains mois, sinon les prochaines
années. Cette loi, évidemment, qui, à bien des points de
vue... Le ministre lui-même se sent frustré de ne pouvoir
introduire toutes les dispositions qu'il souhaiterait vouloir introduire, mais
il faut rappeler quand même ceci: C'est que nous sommes, par l'entente,
liés à un certain nombre de règles du jeu et c'est
à la lumière de cette entente que nous intervenons dans cette
première étape. C'est l'intention du gouvernement, par
l'expertise que nous allons acquérir en matière d'immigration
parce que nous allons exercer pour la première fois des pouvoirs
et aussi par l'appui de la population québécoise et par le
cheminement de la pensée, et dans cette Chambre et dans la population.
Je crois que nous aurons toutes conditions favorables à
l'élaboration d'une grande charte québécoise de
l'immigration. (21 h 40)
Je rappelle certaines observations qu'on nous a faites. D'abord, les
objectifs. Evidemment, on aimerait lire dans la loi une série
d'objectifs pour, semble-t-il, pouvoir plus facilement indiquer aux futurs
immigrants sur quelle base nous allons nous appuyer pour les
sélectionner. Le député de Mont-Royal, à ce sujet,
me demandait avec impétuosité et avec vigueur de ne pas lui
apporter une réponse légaliste, mais de rejoindre davantage les
cas concrets d'immigrants qui seront atteints ou concernés par la
sélection que nous allons faire. Justement, je crois que la
réponse légaliste serait de préciser, à tous les
moments d'une loi, les objectifs du gouvernement québécois. Par
définition, une politique d'immigration c'est assez clair dans
notre loi actuelle se construit, s'élabore et se modifie selon
des besoins économiques, démographiques et socioculturels qui
peuvent varier.
Il me paraît possible, à certains points de vue, de
préciser certains de ces objectifs. Je m'engage à proposer
certaines choses en commission parlementaire à ce sujet. Je crois
beaucoup plus prudent de laisser cette teneur plus générale de la
loi afin de laisser le gouvernement, à l'usage et selon la conjoncture,
lui-même modifier, s'il y a lieu, nos politiques. On a beaucoup
insisté sur cette fameuse clause de non-discrimination qu'on aimerait
voir écrite dans la loi.
Plusieurs de mes collègues ont rappelé, avec raison, que
la Charte des droits et libertés de la personne est appelée ainsi
parce qu'elle est le monument des droits et libertés des personnes. Si
nous voulons lui garder le prestige auquel elle a droit et qu'elle doit
conserver, il nous paraît fondamental que toutes nos lois, au
Québec, ne reproduisent pas, selon le goût d'un ministre, certains
événements ou certains besoins telle et telle dispositions, mais
que toutes nos lois québé-
coises, spécialement celles qui regardent davantage
l'intervention auprès des personnes, se réfèrent à
cette charte.
C'est peut-être le premier document que, comme ministre de
l'Immigration, je demanderais à mes fonctionnaires de donner aux
candidats qui viendront au Québec, pour leur dire: Voici sous quel
régime de liberté et de droits vous vous apprêtez à
vivre. Je suis persuadé que c'est beaucoup plus important et beaucoup
plus fort que d'introduire ces dispositions à l'occasion de telle ou
telle loi.
Je rappelle je pense que c'est important de le faire la
disposition 10, qui est centrale. On n'a même pas le choix, Mme le
Président, d'accepter ou non cet article 10. Notre loi et tous nos
règlements, obligatoirement, devront s'inspirer de cet article et le
respecter. Alors, les grands discours de méfiance sont, à mon
avis, tout à fait mal fondés, parce que cette charte est centrale
au Québec et c'est elle qui dirige, éclaire toutes nos
interventions législatives.
Donc, cet article 10 dit ceci: "Toute personne a droit à la
reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des
droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'orientation sexuelle, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou
préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce
droit. " Quand des membres de l'Opposition cela partait d'un bon
naturel, j'en conviens voulaient qu'on reproduise surtout la disposition
de l'entente qui fait état de la non-discrimination, ils me demandaient
d'introduire dans la loi une disposition qui allait moins loin que cet article
10. Je crois, Mme le Président, que c'est plus important, c'est plus
intéressant et que la garantie est meilleure de se référer
à une disposition qui va beaucoup plus loin et qui englobe le plus grand
nombre de situations possible.
Mme le Président, je ferai un petit commentaire à ce
sujet; il y a beaucoup de candidats à l'étranger qui vont
désirer venir nous rejoindre dans ce territoire québécois
qui, déjà dans leur pays d'origine, sont saturés de lois.
C'est assez remarquable, mais dans notre monde contemporain, on dirait parfois
que les pays qui violent le plus les droits humains, les pays qui sont les plus
discriminatoires sont ceux qui cherchent davantage par des textes... Là,
je réponds un peu plus précisément à cette
espèce de préoccupation du député de Mont-Royal et
je le rejoins là-dessus. Ce ne sont pas nécessairement des textes
légaux qui garantissent aux citoyens le respect des lois, des droits et
une protection contre la non-discrimination. Combien de pays du monde qui ont
les plus belles lois en termes de droits humains sans donner d'exemple,
vous les avez tous à l'esprit et plusieurs de nos immigrants nous en
arrivent tous les jours violent tous les jours ces droits de l'homme et
ne respectent pas cette non-discrimination?
Donc, Mme le Président, je pense que, dans une certaine
économie de loi et dans un effort pour ne pas saturer inutilement par
redondance, comme si on avait peur, comme si on voulait, peut-être, se
substituer plutôt que de poser des actes et poser des gestes, de se
référer à des mots et de s'accrocher à des mots. Je
préfère que les gens nous disent: La façon dont vous
approchez les immigrants, la façon dont vous les recevez, le
comportement de votre gouvernement, les interventions que nous faisons, nos
politiques dans la vie quotidienne de ce gouvernement en matière de
respect des droits de l'homme sont beaucoup plus importants et beaucoup plus
convaincants que n'importe quels petits mots ajoutés à une
loi.
D'ailleurs je rappelle à cette Chambre que la loi même de
l'immigration dit ceci, à l'article 3: "Le ministre est responsable de
la planification de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques
gouvernementales relatives aux immigrants." Ces politiques gouvernementales,
depuis deux ans, au jour le jour, nous les préparons, nous les
exerçons et elles se traduisent concrètement par des gestes qui
rassurent plus que n'importe quel mot qu'on pourrait introduire pour les futurs
immigrants.
Ces politiques je me plais à les rappeler: la politique de la
réunification des familles, des politiques humanitaires, des politiques
d'accueil, d'adaptation, de relations avec les communautés ethniques et
je pourrais dire, peut-être, que les communautés ethniques, nous
les identifions comme des partenaires du ministère de l'Immigration en
tant que communautés d'accueil. Ce qui est souhaitable, finalement, au
Québec c'est que tous les Québécois de nouvelle souche,
tous les membres des communautés ethniques n'aient pas directement un
seul ministère avec lequel ils doivent entrer en relations, mais qu'ils
soient considérés par tous les ministères comme des
citoyens à part entière, sauf qu'à l'immigration nous
avons besoin et les communautés ethniques ont besoin
d'identifier un interlocuteur valable pour ce rôle indispensable et
fondamental que les communautés ethniques jouent en termes de
communautés d'accueil. (21 h 50)
Nous avons aussi les politiques de service social, les COFI que nous
connaissons bien. Une politique auprès des travailleurs immigrants et,
pour la première fois au Québec, il y a une espèce de
protecteur du citoyen et des travailleurs immigrants. C'est un nouveau poste
que nous avons créé au ministère. Une politique des
réfugiés qui rejoint cette solidarité internationale que
le gouvernement québécois veut de plus en plus développer
et qui rejoint, aussi, la préoccupation des droits de l'homme dans le
monde. Une politique de consultation. Les membres de l'Opposition officielle
nous reprochaient ou semblaient se méfier ou semblaient insinuer que
nous n'avions pas suffisamment consulté les gens et que nous pouvions
recevoir des reproches à ce titre. Je dois rappeler, M. le
Président, que c'est notre gouvernement qui a rétabli le
comité consultatif de
l'immigration que nos amis d'en face avaient laissé tomber en
1973. C'est notre gouvernement qui a rétabli cet instrument absolument
indispensable de consultation où toutes les communautés ethniques
peuvent se retrouver.
On a beaucoup parlé des critères. Je ne veux pas reprendre
ici, en deuxième lecture, mon exposé où j'ai donné
beaucoup de précisions sur ces critères. Surtout, je pense que
nous l'avons fait...
Le Président: M. le ministre de l'Immigration, je vous
prierais de m'excuser de vous interrompre, mais puis-je vous demander de
conclure, parce que le temps est déjà expiré?
M. Couture: M. le Président, je conclus avec regret, mais
j'imagine que le débat continuera...
M. Levesque (Bonaventure): Consentement.
M. Couture: Consentement pour quelques minutes, merci. En effet,
j'ai donné les grandes lignes de ces critères, j'ai
développé la philosophie qui nous guidait. Je veux surtout
répondre à tous ceux qui s'imaginent que le gouvernement du
Québec, par ces critères, voudra d'une façon ou d'une
autre peut-être, dans l'esprit de ceux qui nous ont fait ces reproches,
utiliser une grille québécoise pour exercer une certaine
discrimination dans les candidatures à l'étranger. Cette
réglementation, cette grille québécoise a
déjà été vue et étudiée par la
Commission des droits de la personne. Nous avons actuellement des avis
favorables à ce titre.
Je dois surtout spécifier que nous sommes liés par
l'entente et par ce comité mixte qui est obligatoirement en exercice par
cette entente. Nos critères, notre grille québécoise doit
s'harmoniser avec la grille canadienne. Pour nous, la façon d'identifier
notre spécificité québécoise, c'est à
l'occasion de certains de ces critères, identifier les besoins
économiques, démographiques et socioculturels du
Québec.
On a dit aussi que le projet de loi ne faisait pas
référence à l'entente qui a été
signée et dont tout le monde se félicite, mais je dois dire
à ce sujet que le projet de loi fédéral non plus ne fait
pas allusion à cette entente; il n'a pas manifesté l'intention
d'y faire allusion et cela n'est pas bon qu'on l'inscrive dans la loi parce
qu'un projet de loi, par définition, doit être beaucoup plus
durable qu'une entente; c'est évident.
Le droit d'appel. On a fait état du droit d'appel à
l'étranger pour les immigrants. Le député de Saint-Louis
nous en a fait le reproche et je dois lui rappeler, encore une fois, qu'aucun
pays du monde n'a ce type de droit d'appel. Le député de
L'Acadie, à ma grande surprise d'ailleurs, s'est portée à
la défense du gouvernement libéral d'Ottawa dans sa
décision d'effectuer ces coupures qui visaient 75% de la
clientèle des COFI. Je ne sais pas si le député de
L'Acadie s'est porté à la défense du gouvernement
libéral moribond d'Ottawa pour des raisons humanitaires, mais j'avoue ma
surprise, M. le Président, et je n'insiste pas là-dessus.
Le Président: M. le ministre...
M. Couture: M. le Président, je termine en me
réjouissant de cette espèce d'unanimité qui se
prépare pour la deuxième lecture de ce projet de loi. Ce
débat a duré un certain temps et il m'apparaît très
important, à bien des points de vue. Je crois qu'il aura peut-être
permis de sensibiliser un grand nombre de Québécois à
l'utilité pour nous, comme gouvernement vous voulez ma conclusion
et j'y arrive, M. le Président de plus en plus...
M. Levesque (Bonaventure): Consentement.
M. Couture: ... j'en ai à peine pour deux minutes,
M. le Président ... à l'utilité pour notre
gouvernement, de plus en plus, d'être l'instrument efficace d'une bonne
qualité de sélection des immigrants et, surtout, par nos
interventions, par notre dynamisme, par notre souci de bâtir une
société meilleure, fraternelle, comme certains de mes
collègues l'ont rappelé, par ce projet de loi et par tout ce que
cela impliquera de décisions et d'interventions du ministère de
l'Immigration, de prouver dans les faits que ce Québec, c'est le
Québec de tous les Québécois.
Des Voix: Bravo!
Le Président: Est-ce que cette motion de deuxième
lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant la Loi du ministère de
l'Immigration, sera adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
M. Duhaime: M. le Président, quant à
l'enregistrement de ces voix, je demanderais également que nous
reportions l'enregistrement de ce vote à demain, avant l'appel des
affaires du jour.
M. Levesque (Bonaventure): A la discrétion du
président.
M. Duhaime: Oui.
M. Lavoie: D'accord, M. le Président.
Le Président: Alors, pour respecter la tradition, je vais
accepter votre proposition, à savoir que le vote enregistré soit
remis à demain, à l'enregistrement des noms sur les votes en
suspens, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement. Comme il est 22
heures, la Chambre ajourne ses...
M. Lavoie: Avec votre permission, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Lavoie: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander au leader adjoint du gouvernement quelle sera la législation ou
quelles seront les motions qui seront soumises à l'Assemblée
demain, à 10 heures, en présence, je l'espère, de
très nombreux ministres.
M. Duhaime: M. le Président, il est de notre intention
d'appeler demain la motion de mon collègue, le leader parlementaire du
gouvernement, qui apparaît à la page 11 du feuilleton et qui vous
donnera probablement la dernière occasion de susciter un débat
sur la présence des ministres à l'Assemblée nationale le
mercredi. Si nous pouvons disposer rapidement de cette motion demain matin,
demain après-midi ce sera la poursuite du débat sur la motion du
député de Mont-Royal concernant la tarification à
l'Hydro-Québec.
M. Lavoie: Et si le débat sur la motion du leader
parlementaire du gouvernement qui propose certains changements au
règlement session-nel était fini, quels projets de loi
pourrait-on aborder demain dans la matinée?
M. Duhaime: Quitte à vérifier avec mon
collègue, M. le Président, normalement nous appellerions le
projet de loi no 79 en deuxième lecture. Et, si nous en disposons
rapidement, nous pourrions appeler le projet de loi no 78. Et, si nous en
disposons rapidement, le projet de loi no 73 en deuxième lecture.
Le Président: Sur l'optimisme de M. le leader
parlementaire adjoint du gouvernement, la Chambre ajourne ses travaux à
demain, 10 heures.
Fin de la séance à 22 heures.