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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, June 6, 1980 - Vol. 21 N° 109

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

M. le leader adjoint du gouvernement, il y a M. le ministre de l'Energie et des Ressources et M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport annuel de la Régie de

l'assurance-dépôts

M. Duhaime: M. le Président, pour mon collègue du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1979 de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec.

Le Président: Rapport déposé.

Rapport annuel d'Hydro-Québec

M. Duhaime: Au nom de mon collègue, ministre de l'Energie et des Ressources, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel d'Hydro-Québec pour 1979.

Le Président: Merci, M. le ministre. Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernemnt.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le consensus de Regina

M. Ryan: M. le Président, pour faire suite au début de débat que nous avons eu hier sur les événements qui devront survenir au cours des prochains mois en relation avec la réforme constitutionnelle, je n'ai pas eu beaucoup de réponses aux questions que j'avais adressées au premier ministre hier, on va continuer d'essayer... C'est déjà une amélioration qu'il soit là; vous étiez moins intéressé hier.

M. Lavoie: II n'y avait pas un chat hier. (10 h 20)

M. Ryan: Dans la veine de ce que nous avons discuté hier, M. le Président, et sans malice, je rappelais que le premier ministre Trudeau, dans son discours du 21 mai à la Chambre des communes, a dit qu'il introduirait les discussions à la réunion de lundi en posant deux préalables. D'abord, le maintien d'un système fédéral de gouvernement et, deuxièmement, l'acceptation de l'enchâssement des droits fondamentaux dans une future constitution, déclaration de droits fondamentaux devant comporter aussi une déclaration de droits linguistiques.

Il y a une chose sur laquelle je voudrais avoir des précisions, avant de poser une question supplémentaire. En lisant attentivement le communiqué de la conférence de Regina des premiers ministres des provinces en 1978 et la lettre que M. Lougheed, le premier ministre de l'Alberta, avait adressée à M. Trudeau en 1976 au nom de ses collègues, les premiers ministres des autres provinces, je constate que M. Blakeney, dans le communiqué de 1978, disait qu'il y avait eu un consensus entre les premiers ministres autour de questions qui avaient déjà été l'objet d'un accord en 1976, et dans la liste de ces questions, il y avait une déclaration de droits, en particulier de droits linguistiques. D'après la teneur du communiqué, on avait l'impression que le premier ministre du Québec avait souscrit à cette déclaration. Je voudrais que vous nous rappeliez le contexte exact de ce qui a pu être convenu à ce moment et qu'ensuite, évidemment, vous nous disiez comment vous entendez réagir à ces deux préalables que M. Trudeau a indiqués dans son discours du 21 mai.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est des deux préalables, comme je l'ai dit hier, il commence à y avoir pas mal de préalables. Il s'agira de voir à quel point cela serait enrichi par d'autres exigences du gouvernement fédéral. Pour ce qui est de la question des droits fondamentaux, les droits des personnes, et d'une déclaration les concernant, et aussi des droits linguistiques, c'est-à-dire d'une entrée du côté des droits collectifs, je dois tout simplement dire au chef de l'Opposition que je pourrais peut-être avoir un supplément de réponse d'ici cet après-midi. J'ai justement prévu pour cet après-midi une rencontre avec, entre autres, mon collègue des Affaires intergouvernementales et un certain nombre d'officiers du ministère et du bureau de l'Exécutif pour commencer à préparer de façon concrète, à partir de ce qu'on sait maintenant — le peu qu'on sait — ce qu'on devra faire ou ce qu'on doit préparer en vue du 9 juin. Je n'ai pas devant moi — je voudrais pouvoir le consulter — le consensus de Regina ni le détail qui me permettrait de répondre de façon très concrète au chef de l'Opposition.

Je ne voudrais pas improviser ou extrapoler sans avoir le texte devant moi. Maintenant, ce que je pourrais faire, c'est très facilement, à partir du texte lui-même de ce consensus de Regina, qui était une sorte de front commun face aux attitudes du fédéral, donner plus de détails au chef de l'Opposition s'il en veut. Mais pour l'instant, j'aime mieux ne pas essayer de les retrouver de mémoire.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: J'aime mieux que le premier ministre se rafraîchisse la mémoire, qu'il dise des choses précises. J'apprécie beaucoup qu'il ne parle pas plus longuement vu que sa mémoire est un peu courte là-dessus pour l'instant. J'attendrai des précisions avec plaisir si elles sont disponibles.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

Hausse projetée du coût d'immatriculation des véhicules

M. Giasson: M. le Président, j'ai une question qui s'adresse au ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, mais en son absence, je la poserai au premier ministre. En octobre dernier, soit le 11, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières faisait une déclaration ministérielle et nous annonçait que l'expérience pratique vécue par la Régie de l'assurance automobile révélait que les prévisions actuarielles n'étaient pas conformes à la réalité vécue tant par le volume de réclamations que recevait la régie que par le montant précis qu'il fallait verser comme remplacement de revenus ou autres indemnités prévues dans le régime. A ce moment-là, le ministre nous avait indiqué que, dans un premier temps, il fallait décréter une augmentation de la prime attachée au permis de conduire. Voici que le rapport de la régie a été déposé hier et que les états financiers nous révèlent qu'il va falloir qu'une décision soit prise dans les meilleurs délais pour réviser le mode de financement du régime, c'est-à-dire le montant de primes à percevoir.

Etant donné que les actuaires de la régie sont saisis de cette situation et de ce problème depuis bientôt un an, j'aimerais savoir de la part du premier ministre quelles sont les augmentations que la régie, à la suite de l'approbation du gouvernement, va devoir décréter sur le coût des plaques, c'est-à-dire la partie de prime qui est attachée à l'achat de la plaque, et quelles sont les catégories de citoyens, ou d'automobilistes plutôt, qui devront être touchés davantage par une révision du coût des plaques par rapport à d'autres groupes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je crois que le préambule du député nous permet de nous situer. C'est vrai que, à cause très simplement d'un taux d'ac- cidents routiers qui demeure effarant, en dépit de certaines mesures qui ont été prises, qui n'étaient peut-être pas suffisantes et qu'il va — je ne dis pas probablement — sûrement falloir rendre plus sévères, le taux d'accidents routiers est demeuré champion malheureusement! Donc, il s'ensuit que les dépenses de la régie augmentent. Elle avait des surplus initiaux qui ont permis une stabilité à peu près complète pendant trois ans dans un contexte d'inflation assez exceptionnel, ce qui veut dire que, quand même, les calculs initiaux avaient été bien faits et que les bénéficiaires de l'assurance automobile ont été remarquablement bien protégés, sauf que, maintenant, les surplus qui avaient été accumulés au début se sont envolés et je pense que tous les rapports de la régie sont clairs là-dessus. Il est donc à peu près fatal qu'il y ait une augmentation du côté des plaques d'immatriculation à compter de 1981 dans le contexte actuel.

Maintenant, quel sera le montant de ces augmentations et à quelles catégories — à supposer qu'il y ait une discrimination — ça devrait s'appliquer, ça reste à voir. On attend les recommandations ou les décisions que la régie nous soumettra ou nous suggérera.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Est-ce que le premier ministre est au courant que dans l'administration du régime, au-delà des besoins de primes additionnelles qui vont être exigées aux automobilistes, très souvent, la régie refile à d'autres organismes gouvernementaux le coût du paiement de certaines indemnités? Entre autres, à la Commission des accidents du travail. L'expérience et les cas qui nous ont été soumis nous révèlent que, très souvent, on demande à des caisses de d'autres régimes qui sont partie à l'étude de certaines réclamations de payer des indemnités lorsque, normalement, dans certains cas, il serait logique que ce soit la régie elle-même qui assume le versement de ces indemnités.

Le premier ministre nous a dit également que c'était presque une fatalité, mais cette fatalité, est-il conscient qu'on la prévoyait dès la création du régime, qu'on avait avisé le ministre de l'époque que le système d'indemnisation sous forme de rente par annuités allait déboucher très rapidement sur des augmentations de coût qui étaient certaines, qui étaient inévitables, quels que soient les correctifs qu'on voudrait apporter en matière de sécurité routière et les invitations et les campagnes qu'on menait auprès des citoyens? C'était la structure même du régime qui nous révélait qu'il faudrait, dans les prochaines années qui allaient suivre la mise en place du régime, augmenter de façon considérable le coût. Est-ce que le premier ministre est conscient de ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Moi, je suis conscient d'une chose, c'est que le député refait un vieux

discours — ou à peu près — qui avait été fait à ce moment et je serais obligé de faire le même discours qu'on faisait à l'époque et qui a été confirmé par les résultats. C'est que, pour sortir d'un régime qui était devenu scandaleux, une exploitation éhontée des citoyens qui étaient assurés sous l'ancien régime et dont certains traînent encore devant les tribunaux avec des cas qui n'ont pas encore été réglés, surtout les cas graves, il fallait, après des années d'incurie et des rapports qui s'étaient accumulés sous le régime dont faisait partie le député de Bonaventure qui, aujourd'hui, a la sagesse tardive, après ces années d'incurie, il fallait, dis-je, trouver un régime qui soit conforme aux intérêts des citoyens du Québec. Ce régime a été mis en place. Il assure la sécurité des personnes dans le cas des accidents graves qui peuvent affecter des familles pendant des années et des années littéralement qui peuvent leur couper complètement leur gagne-pain. (10 h 30)

Ce régime fonctionne à tel point que des gens qui avaient pris l'avant-garde pendant les années d'incurie en Saskatchewan, au Massachusetts, au Michigan et ailleurs en Amérique du Nord, qui avaient pris l'avant-garde pendant les années d'incurie du gouvernement précédent, viennent aujourd'hui à Québec voir comment fonctionne un régime qui, de toute façon, est actuellement un modèle. Il est évident que, dans une période d'inflation et si on ne peut pas maintenir un taux convenable d'accidents routiers, comme La Palice le dirait, les coûts vont montrer, hélas, c'est vrai.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais j'ai été mis en cause, M. le Président, par le premier ministre. Puis-je donc demander au premier ministre s'il est d'accord que, lorsque nous avons eu ce débat à l'Assemblée nationale et qu'il a fait le discours qu'il vient de faire et qui a été répété par ses arrière-bans, est-ce qu'il est d'accord qu'à ce moment, nous avions prévenu le gouvernement que les coûts de la première année ne pouvaient pas traduire les coûts éventuels de l'assurance automobile? Lorsque le ministre responsable à ce moment parlait d'une diminution des coûts, on a rappelé au ministre et au premier ministre qu'on s'en venait vers des coûts bien plus élevés pour le régime? Est-ce que le premier ministre peut également nier à ce moment-ci que les victimes d'accidents d'automobiles que plusieurs victimes aujourd'hui sont beaucoup moins compensées, bien moins compensées qu'elles l'auraient été en vertu du droit commun? Nous avons des cas et des cas, et des cas multiples, où des victimes d'accidents d'automobiles aujourd'hui sont traitées comme des victimes des accidents du travail, sont injustement traitées par le système.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, je me souviens qu'on nous avait avertis qu'il y avait des probabilités que les coûts finiraient par augmenter. Cela, je pense que le bon sens le disait. Et comme tous les coûts, à peu près sans exception dans la société, finissent par augmenter, par suite de l'inflation en particulier et par suite d'un manque — qu'il faudrait bien corriger, mais il va peut-être falloir, je l'ai dit, rendre les mesures plus sévères — d'un manque de sécurité routière qui est assez flagrant. C'est une chose entendue.

Il est également vrai qu'on avait dit, et que cela s'est réalisé, que ce régime, dans l'ensemble, serait extraordinairement — le moins qu'on puisse dire — plus civilisé pour l'ensemble des citoyens. Je me souviens aussi — je ne sais pas si c'est le député de Bonaventure ou quiconque — qu'il nous disait, à ce moment, qu'évidemment, en suivant la procédure qui permet, avec des avocats, et à la condition d'en avoir une bonne batterie et de pouvoir se les payer, il y avait des jugements exceptionnels. Mais les jugements étaient exceptionnels dans les cas qu'évoque le député de Bonaventure. Je me souviens que le Barreau et bien d'autres nous avaient dit cela. Mais on se souvient aussi que les expertises qui ont été faites ont montré à quel point c'était exceptionnel, selon que vous serez puissant ou misérable, comme disait le poète. Les puissants s'en tiraient, ceux qui avaient les moyens, mais les autres, en général, ne s'en tiraient pas du tout. C'est-à-dire qu'on les faisait traîner, on les faisait tourner en rond entre compagnies, avocats, tribunaux et, dans certains cas, pendant des années, jusqu'à ce qu'ils s'écoeurent complètement, qu'ils règlent pour 10% de ce qu'ils auraient dû percevoir ou qu'ils ne règlent pas du tout. C'est cela qu'il fallait corriger.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): A la suite de cette réponse de diversion qui permet au premier ministre d'attaquer de nouveau les tribunaux, est-ce qu'il me serait permis, M. le Président, de rappeler au premier ministre, tout en lui posant une question additionnelle, que, lorsqu'il a vanté le régime d'assurance automobile, il s'adressait à environ 98% ou 99% de la population qui n'est pas victime d'accidents d'automobiles, heureusement. Mais pour les victimes d'accidents d'automobiles, est-ce qu'il s'adressait à ces victimes lorsqu'il parlait de l'excellence du régime? Est-ce qu'il oubliait, à ce moment, ce que nous a rappelé dramatiquement hier celle qui dirige présentement le régime d'assurance automobile, le PDG, qui disait hier en conférence de presse qu'il fallait s'attendre à des augmentations considérables pour les automobilistes, et comment le premier ministre, aujourd'hui, peut-il défendre ce qu'il disait, il y a trois

ans, et ce que son ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières disait à ce moment?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je comprends que vous avez toutes les tolérances possibles pour le député de Bonaventure, mais, franchement, j'ai donné...

M. Levesque (Bonaventure): C'est le premier ministre qui m'a invité à ce débat.

M. Lévesque (Taillon):... la réponse au moins deux fois. Je ne la répéterai pas une troisième fois pour permettre au député de Bonaventure de continuer à faire ses discours.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

Des Voix: Est-ce qu'il veut l'abolir?

M. Fontaine: Merci, M. le Président. En additionnelle au premier ministre.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président: Est-ce qu'il s'agit d'une question additionnelle, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Oui, si on me laisse le loisir de la poser, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

M. Giasson: M. le Président, puisque le ministre responsable à la régie...

M. Fontaine: Un instant, un instant!

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, brièvement, s'il vous plaît.

M. Fontaine: On comprend, bien sûr, qu'il va y avoir des augmentations. L'an dernier, la régie avait fait un surplus de $54 600 000 et on a utilisé ce montant pour empêcher les hausses déjà prévisibles à ce moment-là. Dans un autre ordre d'idées, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a l'intention de demander qu'on modifie la structure de tarification pour que ceux qui sont les causes d'accidents, les dangers publics sur la route, ne soient plus considérés d'égal à égal avec les bons conducteurs?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): C'est une chose qui a déjà été évoquée et qui, probablement, fera partie des sujets prioritaires qu'on va étudier quand il s'agira de corriger les tarifications.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

Programme de subventions pour chemins municipaux

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Transports et porte sur un sujet qui touche toutes les municipalités rurales du Québec; il s'agit des chemins municipaux. A ce titre, l'année dernière, le gouvernement a dépensé environ $10 000 000; cette année, on était en droit de s'attendre à une équivalence. Depuis le dépôt du projet de loi no 57, nous sommes devant une situation pour le moins surprenante. Le projet de loi no 57 prévoyait, aux articles 380 à 383, l'abolition de ce programme de subventions. Au cours de l'étude en commission parlementaire de la loi 57, à la suite de remarques de ma part, il a été décidé de garder le statu quo en ce qui concerne les subventions aux chemins municipaux et, en conséquence, on a retranché du projet de loi no 57 les articles qui avaient pour but l'abolition de ce programme.

Là où les choses se compliquent, c'est au niveau du ministère des Transports qui, lui, lors de la préparation de son budget de cette année, ignorant probablement que ces articles de loi étaient encore dans sa propre loi, n'a pas prévu dans son budget un montant pour les chemins municipaux. En conséquence, lors de l'étude des crédits de son ministère, à laquelle j'assistais, j'ai pu souligner ce fait au ministre.

Je demande au ministre aujourd'hui si le Conseil des ministres a pris une décision à cet effet. Lors de la commission parlementaire, il nous avait laissé entrevoir, étant donné l'imbroglio qu'il y a eu au ministère des Affaires municipales lors de l'étude de la loi no 57 et lorsque les crédits de son ministère ont été préparés... Je demande si une décision a été prise au Conseil du trésor afin de remettre en vigueur ce programme pour que les municipalités continuent d'en bénéficier, vu qu'il leur avait été très salutaire, étant donné que même avec la réforme de la fiscalité municipale plusieurs municipalités ont déjà occupé tout le champ laissé vacant par la réforme de la fiscalité municipale.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: M. le Président, la décision sera prise par le Conseil du trésor et le Conseil des ministres la semaine prochaine quant aux modalités du programme et quant à son ampleur. Le député sera donc informé la semaine prochaine, comme l'ensemble des députés de cette Assemblée, de la teneur exacte de notre programme de cette année de subventions aux chemins municipaux. (10 h 40)

Pour les autres aspects de sa question, à savoir s'il y avait eu imbroglio ou pas, ou si j'étais

au courant ou non des dispositions de la loi là-dessus, je dois l'assurer que j'ai moi-même demandé que les articles de la loi qui permettent au ministère des Transports de verser des subventions aux chemins municipaux soient maintenus pour des raisons évidentes; il existe toujours des cas spéciaux qu'il faut régler, en particulier du côté des ponts qui sont de la responsabilité des municipalités, pour ne donner qu'un exemple.

Le seul aspect qu'il restait à régler, cependant, compte tenu de la réforme de la fiscalité municipale, c'est: Quelles devaient être les modalités d'attribution de ces subventions. Cet examen s'est poursuivi et, comme je l'ai dit, nous aurons une réponse la semaine prochaine.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Concernant les modalités de ce programme, advenant le cas où un certain montant serait attribué, est-ce que les députés auront le même rôle à jouer que par les années passées dans l'administration de ce programme?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: II est évident qu'il y aura des crédits puisque, comme je l'ai dit, le programme sera maintenu selon des modalités, cependant, différentes. Quant à savoir quel sera le rôle exact du député dans l'attribution de ces fonds, je peux rassurer le député de Saint-Hyacinthe, les députés continueront d'être consultés dans l'attribution de ces fonds.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Peut-on tenir pour acquis, le Conseil des ministres se tenant mercredi prochain, que jeudi matin vous informerez la Chambre de la décision qui sera prise?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: II est évident que si la décision est prise à ce moment-là elle sera annoncée sans délai.

Le Président: M. le député d'Iberville.

Pénurie d'eau potable à Farnham

M. Beauséjour: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. On sait que Farnham et l'Ange-Gardien connaissent encore des problèmes d'eau potable. En commission, le ministre nous a laissé entendre que la raison pouvait en être les fortes averses qu'il y a eu, mais il semble qu'au contraire ce soit plutôt de l'épandage excessif de purin ou du déversement de purin dans la Yamaska. Cela pourrait même venir jusque du comté de... Une Voix: D'Iberville.

M. Beauséjour: ... de Shefford. Des Voix: Ah!

M. Beauséjour: Je voudrais savoir s'il serait possible que vos services exercent une surveillance accrue et quelles sont les mesures qui peuvent être prises puisqu'on sait que Farnham n'aura pas d'eau d'ici au moins encore dix jours.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, nous avons mis sur pied depuis quelques semaines un service bien particulier qui s'appelle Urgence Environnement-Québec et ce service est composé d'une équipe de spécialistes qui, avec l'aide d'un hélicoptère, peut aller survoler les lieux, essayer de découvrir immédiatement la cause, la source de pollution pour l'arrêter et en même temps, avec cette équipe, voir à corriger la situation. Au moment où on se parle, le maire de Farnham a déjà utilisé cet hélicoptère avec les spécialistes pour aller voir les causes. Le député a raison de dire qu'il y a un problème d'épandage de purin qui, à cause des pluies, a été déversé dans la rivière et, comme la rivière Yamaska est une des plus fragiles du Québec, le moindre dépôt de matière polluante qui dépasse ce qui se passe habituellement rend l'eau absolument impropre à boire.

Au moment où on se parle, on peut dire que la seule façon de régler le problème, c'est de laver la rivière et, pour le faire, il faut augmenter le débit en ouvrant le réservoir Chouanière, qui possède une quantité importante d'eau potable. On a augmenté le débit du réservoir Chouanière pour laver la rivière. Il y a une équipe qui ramasse les poissons morts qui sont là. Il y a aussi la Protection civile qui donne de l'eau potable aux citoyens de la ville de Farnham, entre autres. Mais en ce qui concerne le problème, comme le député le sait, c'est uniquement la solution à moyen terme qui est celle du contrôle des matières polluantes provenant des industries, des municipalités, des individus et des éleveurs. Comme le député le sait fort bien, il y a déjà des ententes signées avec au moins neuf municipalités de la rivière Yamaska, avec une dizaine d'industries qui commencent déjà à faire les travaux pour s'équiper pour contrôler les matières polluantes. C'est la solution à long terme. A court terme, ce sont uniquement des mesures d'urgence qu'on peut avoir.

M. Picotte: M. le Président, je comprends que le ministre a envoyé des hélicoptères et qu'on s'occupe des poissons qui sont morts, mais il y a 7000 personnes et plus dans Farnham qui sont privées d'eau potable depuis déjà un bon bout de temps et elles ne savent pas quand le problème va se régler. Concrètement, qu'entend faire le ministre pour régler ce problème? Les citoyens de Farnham vivent présentement comme des citoyens qui sont en camping, c'est-à-dire qu'ils vont chercher l'eau à cinq, six ou dix milles plus loin pour tâcher

de s'approvisionner en eau potable. Concrètement, que va faire le ministre à part son Urgence Environnement qui vient d'être créé? On ne sait même pas si les hélicoptères sont loués encore pour aller surveiller la région. Ce n'est pas ce qu'on veut. On veut du concret pour les citoyens de Farnham. C'est ce qu'on veut savoir ce matin. Dans un an, le problème ne se posera peut-être pas, mais d'ici un an, les citoyens, c'est quoi?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, je dois quand même dire au député que dans un an, cela ne sera pas encore réglé parce que le problème est un problème de nature. La rivière Yamaska est trop fragile. Je comprends le désir du député de trouver une solution immédiate. Tout ce que je peux dire, c'est qu'au niveau de l'urgence pour approvisionner les citoyens en eau potable, il y a actuellement un service d'urgence de ce côté. Deuxièmement, il y a le fait que l'hélicoptère est en train de définir les sources de pollution. Même le maire disait ce matin qu'il était tout surpris de voir la vitesse avec laquelle, après son appel téléphonique — 20 minutes après — l'hélicoptère était là pour recueillir le maire et aller avec lui visiter les endroits et apporter les correctifs immédiats.

M. Forget: M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je comprends que les inspecteurs ont pris un hélicoptère parce que, en chaloupe, cela ne doit pas être "sentable". Par contre, je demande au ministre quelles mesures urgentes il entend prendre envers les pirates pollueurs, comme il l'a lui-même mentionné. Je comprends tous les efforts du ministère en vue de la dépollution de la rivière Yamaska, très bien. Il y a des gestes concrets qui ont été posés, mais actuellement, pour les citoyens de Farnham... et il faut faire attention à Saint-Hyacinthe parce que Farnham est en amont de Saint-Hyacinthe; tantôt cela s'en viendra chez nous cette affaire-là... Je demande au ministre s'il entend prendre des mesures draconiennes contre les pirates qui déversent du purin dans les cours d'eau et dans les rivières.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, depuis que nous avons passé l'épisode des pirates et des corsaires, nous avons commencé à établir un registre des récidivistes, c'est-à-dire ceux qui, habituellement, sont les responsables. C'est pour cette raison que quand arrive un événement comme celui-là, on peut, avec le service d'urgence qu'on vient de mettre de l'avant, aller immédiatement aux sources possibles parce que, concernant ceux qui ont déjà des fosses ou des...

Une Voix: Plates-formes.

M. Léger: ... plates-formes pour contrôler leur purin, quand elles sont déjà bien remplies et que le lendemain d'un événement comme celui-là, elles sont complètement vides, on a déjà une bonne idée, à savoir qui est le coupable. C'est pour cette raison qu'en ayant déjà un registre des récidivistes, on peut immédiatement déceler le coupable. Une chose est certaine, c'est que les coupables vont être poursuivis quand ils seront pris comme tels, de façon qu'on ne jette pas le blâme sur l'ensemble des éleveurs, mais uniquement sur ceux qui sont réellement les coupables.

M. Picotte: M. le Président, question additionnelle.

Une Voix: Une courte additionnelle.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Le ministre a parlé tantôt d'un service d'urgence installé pour approvisionner les citoyens en eau potable. Qu'est-ce que le service d'urgence installé pour approvisionner les citoyens en eau potable?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, c'est le service...

M. Picotte: C'est cela qui est le gros problème des gens présentement.

M. Léger: ... habituel de la protection civile qui est en contact direct avec l'équipe de spécialistes d'urgence de l'Environnement qui ont mis sur pied le service actuel.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais adresser ma question au premier ministre. Je sais qu'il est sur les lieux, M. le Président.

Une Voix: On va attendre.

Une Voix: Ce n'est pas au ministre de la Justice?

M. Lavoie: On peut suspendre quelques minutes.

Une Voix: II n'aime pas cela les questions ce matin.

Une Voix: Chante-nous donc une petite chanson.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. (10 h 50)

Demande de rétractation du juge en chef de la Cour d'appel au ministre de l'Energie

M. Forget: II semble que pour le gouvernement du Parti québécois, que préside le député de

Taillon, il y a une opinion selon laquelle l'administration de la justice doit être au service non pas des lois, mais du gouvernement lui-même. On l'a vu depuis quelques jours, relativement aux activités de la police. Mais ma question, même si elle illustre le même principe, porte sur un sujet légèrement différent aujourd'hui. Il y a deux mois, avant de prendre sa retraite, le juge en chef de la Cour d'appel du Québec, M. Edouard Rinfret, a fait parvenir une lettre au ministre de l'Energie et des Ressources dans laquelle il demande à ce dernier de se rétracter publiquement à l'Assemblée nationale, étant donné les accusations qu'il a portées sur le fonctionnement des tribunaux dans la fameuse affaire de la société Asbestos.

Le juge en chef Rinfret dit en particulier — en s'adressant au ministre Bérubé — "Vos déclarations débordent catégoriquement le champ de la politique et s'attaquent directement à l'indépendance de la magistrature." Il s'en prend à deux éléments des déclarations du ministre de l'Energie et des Ressources en particulier le fait qu'il aurait déformé les propos des juges de la Cour d'appel, dont il se plaignait, il aurait donné une fausse représentation de ce qu'ils ont dit; deuxièmement, qu'il leur aurait imputé des motifs d'ordre politique.

On pourrait ajouter, M. le Président, que, en plus, les propos du ministre laissaient entendre que les juges avaient rendu leur sentence au-delà de la loi; illégalement, en quelque sorte. Et c'est un troisième motif qui a été souligné par d'autres commentateurs.

J'aimerais savoir, de la part du premier ministre s'il a discuté de cette question avec le ministre de l'Energie et des Ressources et s'il faut comprendre le silence éloquent du ministre de l'Energie et des Ressources, depuis le 15 avril, à ce sujet, comme étant la position que le gouvernement prend relativement à cette lettre du juge en chef de la Cour d'appel.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je m'excuse d'avoir été absent pendant quelques minutes, j'essayais de retrouver les éléments du consensus de Regina et des ententes de 1976 sur lesquelles le chef de l'Opposition voulait plus de renseignements et on m'a averti que le député avait une question.

Pour le moment, quitte à passer la parole à mon collègue de l'Energie et des Ressources — parce qu'il y a quand même des choses exorbitantes dans ce que vient d'évoquer le député de Saint-Laurent — je dirai simplement que la pratique du gouvernement est le meilleur des commentaires que je puisse faire.

Il est évident que, d'une part, en pratique, les gouvernements doivent accepter et avec leurs conséquences, tous les jugements des tribunaux qui les concernent. C'est ce que nous avons fait, sans arrêt et sans exception, et même, parfois, assez douloureusement — on se souviendra du jugement sur la loi 101 — sans délai et immédiate- ment; ça, c'est d'une part, et je pense que c'est là le commentaire essentiel.

D'autre part, il est évident qu'il y a toujours certaines tensions possibles quand il s'agit de jugements qui affectent l'intérêt public — et je pense que ça fait partie de toutes les sociétés démocratiques — entre les tribunaux, à l'occasion, et le pouvoir exécutif. Cette réaction se reflète, parfois, dans des commentaires qui font partie de la vie démocratique normale. Maintenant, que le juge Rinfret — dont je n'ai pas la lettre en ce moment, c'est évident — ait dit que l'indépendance — si c'est ça — des tribunaux pouvait être menacée par des propos du ministre de l'Energie et des Ressources, le moins que je puisse dire, c'est que s'il a écrit ça, c'était quelque peu exorbitant. Pour le reste, j'aimerais mieux que le ministre de l'Energie et des Ressources, s'il le veut, enchaîne avec ses propres conclusions.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, j'aurai peu de choses à dire. Je soulignerai simplement que la lettre du juge Rinfret a été publiée dans tous les journaux du Québec, avant même qu'elle ne me parvienne; qu'elle utilisait un procédé éminemment politique et que, par conséquent, j'ai cru bon de ne pas lui répondre, puisqu'il s'agissait d'un geste absolument évidemment politique de la part du juge.

M. Forget: M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je constate que non seulement le premier ministre, au nom du gouvernement, n'a aucune espèce de repentir de gestes qui sont sans précédent et qui ont été dénoncés en janvier, par le juge en chef de la Cour supérieure, le juge Deschênes. Non seulement le gouvernement n'a-t-il aucun repentir d'une action inexcusable, mais le ministre en ajoute encore aujourd'hui. Il nous dit que le juge en chef Rinfret a publié d'abord sa lettre dans les journaux. Or, il faudrait qu'il explique comment une lettre qui lui a été adressée le 15 avril, mais qui n'a été publiée que le 14 mai ou environ, n'était pas encore parvenue à ses bureaux. Il faudrait au moins qu'il dépose ici, avec les estampilles de réception, la lettre du juge Rinfret pour justifier une attaque renouvelée contre ce juge et contre les tribunaux.

M. le Président, je ne peux que demander au ministre de reconsidérer sa position et de changer son attitude. Est-ce qu'il est prêt à reconsidérer son attitude et à faire cette rétractation publique de propos qui sont absolument disgracieux?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'on prendra ma déclaration telle que je l'ai soumise à

l'Assemblée nationale. Deuxièmement, on relira la lettre du juge Rinfret et on constatera que le juge Rinfret m'impute des choses que je n'ai pas dites.

M. Forget: M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, le juge Rinfret cite en particulier des propos que le ministre a dits en commission parlementaire. N'est-il pas vrai...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: N'est-il pas vrai qu'en commission parlementaire de l'énergie et des ressources, le ministre a dit du jugement dont il se plaignait que c'était un jugement qu'il avait considéré comme répugnant une loi, la loi permettant l'expropriation de la Société Asbestos. Ne sait-il pas suffisamment l'anglais pour savoir que l'expression "repugnant to", qui est utilisée par le juge, se traduit par "incompatible" en français? Et c'est de cela dont le juge Rinfret se plaint, c'est une déformation dans la traduction qu'il a faite de l'intention du juge.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Est-ce qu'on doit comprendre que — je pense qu'il faut en avoir le coeur net — et le ministre de l'Energie et des Ressources et son chef, le premier ministre, refusent d'obtempérer à la demande de l'ancien juge en chef de la Cour d'appel demandant une rétractation devant cette Chambre? On veut avoir une réponse, oui ou non.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, tout ce que je dirai, c'est que j'estime que la présomption de validité des lois doit être un principe fondamental qui doit guider les cours quand elles décident d'émettre une injonction suspendant les lois du Québec.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je répète ma question, M. le Président. Je l'adresse, cette fois-ci, au chef du gouvernement parce que l'arrogance du ministre de l'Energie et des Ressources est sans borne. J'ai toujours respecté les tribunaux, même quand ils produisaient des décisions contraires à mes convictions. Je demande au premier ministre s'il approuve la conduite de son ministre en Chambre, ce matin, et au sujet de cette affaire depuis quelques semaines.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai dit ce que pratiquait le gouvernement. Il est fort possible qu'on ait des commentaires à faire sur les lettres et du juge Deschênes et du juge Rinfret, parce qu'il y a là un problème fondamental qui est évoqué. Je l'ai évoqué très rapidement en parlant de cette tension normale qui peut exister, à l'occasion, entre l'exécutif et le judiciaire; c'est vrai dans toutes les démocraties. Je pense que l'histoire du Canada, des Etats-Unis, de tous les pays démocratiques le démontre.

Deuxièmement, il y a une chose aussi qu'il ne faut pas oublier, c'est que la présomption de validité des lois dont parlait le ministre de l'Energie et des Ressources est quand même un principe qui est établi et qui, normalement, est respecté. Il y a aussi quelque chose d'extraordinaire dans cet emploi de l'injonction par rapport aux lois qui est, je crois, presque sans précédent et c'est autour de choses comme celle-là que peut-être très bientôt, on essaiera d'établir, de façon très claire, quel doit être, enfin, disons, le commentaire général que le gouvernement ferait sur ces interventions des honorables juges. Pour l'instant, on se contentera de respecter les jugements comme on l'a fait jusqu'ici dans la pratique.

Le Président: Avant de mettre un terme à la période des questions, je voudrais inviter le ministre des Finances à apporter un complément de réponse à une question qui lui a été adressée hier, je crois.

M. le ministre des Finances. (11 heures)

Le placement étudiant

M. Parizeau: Merci, M. le Président. Hier, le député de Bellechasse faisait état d'un ralentissement qui se serait produit dans l'acceptation des demandes faites par les employeurs pour le placement d'étudiants cet été. J'avais signalé qu'on avait ajouté justement — parce que la demande était très forte cette année — environ $2 000 000. Il y avait une apparente contradiction entre ce que je venais de dire et ce qu'avait dit précédemment le ministre du Travail, qui faisait état d'une demande en cours pour une augmentation des montants.

Or, effectivement, vérification faite, les $2 000 000...

Excusez-moi, M. le Président.

Le Président: D'accord, vous pouvez poursuivre.

M. Parizeau: Merci, M. le Président.

Effectivement, les $2 000 000 additionnels qui ont été engagés très vite; en fait, en l'espace de huit ou neuf jours, $1 700 000 de la somme ont déjà été engagés. Il est clair qu'il y a beaucoup plus d'employeurs que dans les années précédentes qui sont prêts à embaucher des étudiants et il est donc exact que, voyant ces engagements très rapides, le ministre du Travail a demandé une autre rallonge, un montant additionnel que nous allons examiner dès mardi prochain.

J'en profite simplement pour signaler à quel point nous sommes heureux de voir les em-

ployeurs réagir aussi positivement, et nous allons faire en sorte de pouvoir satisfaire la demande autant que faire se peut.

Le Président: Une question, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Très brièvement, M. le Président. Le ministre croit-il que cette somme sera suffisante pour répondre à toutes les demandes justifiées, bien sûr, et justifiables?

Quant à y être, est-ce que les employeurs qui ont essuyé un premier refus seront contactés par le Service du placement étudiant ou s'ils devront recommencer à zéro leur demande?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Comme le ralentissement n'a porté que sur quelques jours, je suis persuadé, enfin, j'en parlerai à mon collègue du Travail de façon que ceux à qui on aurait dit, au cours des derniers jours, de ralentir un peu leur enthousiasme, puissent être recontactés.

Ceci étant dit, cependant, je reviens sur ce que je disais hier. Il est très important — je m'excuse d'utilier cette tribune, mais je pense que c'est essentiel — que les employeurs qui, à l'heure actuelle, annoncent qu'ils sont prêts à prendre un certain nombre d'étudiants les prennent effectivement. Il serait dommage qu'une partie des sommes que nous allouons à ce programme tombe en crédits périmés.

Je remercie le député de Bellechasse de m'avoir permis de passer — si on me permet l'expression — ce commercial.

Le Président: J'invite maintenant M. le ministre des Transports à apporter un complément de réponse à une question qui lui a été posée hier par M. le député de Maisonneuve.

M. le ministre des Transports.

Enquête sur l'industrie du taxi à Montréal

M. de Belleval: M. le Président, il ne s'agit pas d'un complément de réponse, mais d'une réponse tout court, parce qu'hier, j'étais retenu à Montréal et je n'ai pu répondre à la question du député de Maisonneuve.

Celui-ci insinuait hier que le ministre des Transports aurait déjà déclaré que tout allait pour le mieux dans l'industrie du taxi à Montréal. J'aurais fait cette déclaration lors de la commission parlementaire des transports qui a étudié les crédits de mon ministère, le 10 avril dernier.

Bien au contraire, M. le Président, j'avais alors déclaré au député de Maisonneuve qu'effectivement, j'étais conscient de la situation difficile, particulièrement sur le plan économique, dans laquelle se, trouvait l'industrie du taxi à Montréal. Pour lui démontrer que j'étais conscient de ce problème et que j'entendais faire les efforts nécessaires pour aider l'industrie du taxi à améliorer sa situation économique, je lui avais expliqué que j'avais mis sur pied un groupe de travail qui, pour la première fois, comprenait des fonctionnaires du ministère ainsi que des gens du milieu, des artisans de l'industrie du taxi de Montréal.

Ce groupe de travail a pour objectif d'étudier la rentabilité du taxi sur l'île de Montréal et de faire des propositions de nature à améliorer la rentabilité de cette industrie. Cette étude est actuellement en cours. Elle progresse. Il y a un rapport préliminaire qui va m'être soumis au cours du présent mois.

Quant à l'enquête que j'ai demandée à la Commission des transports du Québec le 9 mai dernier, il s'agit d'essayer de régler un litige spécifique qui dure depuis quelques mois concernant notamment le montant de la cotisation qu'impose la Ligue nouvelle des taxis pour l'année 1980, cotisation qui est supérieure à celle que j'ai moi-même approuvée conformément aux prérogatives dont je dispose en vertu de la Loi des transports, à son article 7.

En second lieu, je considère aussi que d'autres procédures utilisées par le conseil d'administration de la Ligue nouvelle des propriétaires de taxis de Montréal sont contraires à la Loi sur les transports. Aussi, à l'échéance du début du mois de mai et ce, conformément à la loi et au règlement des transports, j'ai demandé à la Commission des transports de réviser la reconnaissance qu'elle a accordée à la Ligue nouvelle des propriétaires de taxis de Montréal et de prendre avec célérité les mesures appropriées. Je me suis référé pour ce faire à l'article 6.77, paragraphe 3, du règlement VI régissant l'industrie du taxi. Cet article dit ceci: "Lorsqu'une ligue de taxi ne remplit plus les conditions prescrites au présent règlement, la commission peut lui retirer la reconnaissance qu'elle lui a accordée." C'est d'ailleurs le seul mode d'intervention que prévoit la Loi sur les transports pour mettre au pas une ligue de taxi qui ne respecterait pas les règlements du ministère des Transports.

A la suite de cette requête, la Commission des transports a publié un avis dans la Gazette officielle du Québec le 24 mai 1980, à la page 6178. En regard du règlement II de 1976 sur les règles de pratique et de régie interne de la commission, le délai d'opposition ou d'intervention est de 21 jours à compter de cette publication. L'enquête elle-même sera menée par le service des enquêtes de la commission; cette enquête consistera à fournir à la commission des renseignements susceptibles de l'éclairer dans la considération de la demande que je lui ai faite dans un contexte quasi judiciaire. Le rapport du service des enquêtes sera soumis à la Commission des transports du Québec avant la tenue d'audiences publiques sur la question, audiences qui devraient être tenues 15 jours après le délai d'opposition dont je viens de parler, c'est-à-dire 21 jours, ce qui veut dire qu'au cours du mois d'août, la commission devrait avoir terminé son enquête, tenu ses audiences et fait rapport sur la demande que je lui soumettais.

Le Président: Merci.

M. le député de Maisonneuve, une question.

M. Lalande: Le ministre vient de nous donner un aperçu des motifs qui l'ont amené à demander une enquête à la Commission des transports. Le fond de ma question était de savoir du ministre pourquoi, à la suite de tous les motifs qu'il invoque, de tous les faits qu'il nous rapporte à l'heure actuelle et que j'ai dénoncés en commission parlementaire — à ce moment-là, il ne trouvait pas motif à enquête — le 9 mai, soit après te référendum, a-t-il trouvé motif à enquête? Concernant l'affirmation du ministre, qui concevait que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, je voudrais simplement citer la réponse que le ministre nous donnait en commission parlementaire.

Parlant du groupe de travail, le ministre disait: "Ces gens-là sont en train d'étudier le problème dans un climat serein et cela se fait avec l'accord de la Ligue des taxis, comme je l'ai dit, et du ministère et avec la participation des intervenants. On verra ce qui sortira de ce dossier et on pourra, à ce moment-là, prendre des décisions non seulement dans le meilleur climat, mais, comme je l'ai dit, à la suite de l'implication des parties." Concernant les problèmes qui durent depuis longtemps, le ministre nous disait: "Une injonction" — d'ailleurs, ce n'était pas une injonction qui était devant les tribunaux, c'était une requête en jugement déclaratoire — "sera plaidée en temps et lieu et on verra ce que les tribunaux décideront. Ce n'est ni au député de Maisonneuve, ni à moi comme ministre de décider ce qui est bon et conforme à la loi, c'est aux tribunaux de le faire. Voilà ma réponse, M. le Président."

Or, les motifs énoncés concernant la tarification ont été répétés depuis le mois de mars, alors que j'en parlais au ministre, et il n'a pas cru bon, à ce moment-là, de faire enquête. Qu'est-ce qui l'a amené — c'est le fond de ma question — à ne commencer l'enquête que le 9 mai dernier?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: Le député de Maisonneuve vient de déclarer que j'aurais attendu le référendum pour agir dans le cas de la Ligue des taxis; or, j'ai agi le 9 mai, c'est-à-dire avant la tenue du référendum et non pas après la tenue du référendum qui s'est déroulé le 20 mai.

Une Voix: Surveillez les dates! M. de Belleval: Deuxièmement...

Le Président: A l'ordre! (11 h 10)

M. de Belleval:... s'il y avait eu des motifs politiques, comme l'insinue le député de Maisonneuve, j'aurais attendu après le 20 mai au lieu d'agir avant le 9 mai. Pourquoi ai-je agi le 9 mai ou autour du 9 mai, si le député veut bien me passer l'expression? C'est parce que la Loi sur les trans- ports elle-même, et les règlements qui en découlent, prévoient qu'au début de mai la reconnaissance d'une ligue de taxi vient à échéance. C'est donc à partir de ce moment que le ministre des Transports peut demander une enquête auprès de la Commission des transports pour faire réviser la reconnaissance d'une ligue de taxi.

Finalement, je rappelle au député de Maisonneuve qu'il ne faut pas mêler les questions. Il existe un problème de rentabilité économique dans l'industrie du taxi comme telle. C'est à ce problème que j'ai répondu lors de la commission parlementaire en disant que nous avions pris des dispositions et que le climat, quant à l'étude de ce problème particulier de la rentabilité économique du système de taxi, était bon entre le ministère et les artisans du taxi.

Quant à l'autre question, celle qui a fait le sujet de mon intervention le 9 mai, il s'agit de tout autre chose, soit de la gestion interne d'une ligue de taxi en particulier pour laquelle des allégations ont été faites dans le passé, mais pour laquelle aussi une intervention du ministre devenait opportune à partir du début du mois de mai puisque c'est à ce moment que la commission peut s'interroger sur l'opportunité de renouvellement ou de ne pas renouveler la reconnaissance d'une ligue. C'est à ce moment-là, donc, que j'ai agi, conformément à la loi et aux règlements.

Le Président: Je voudrais maintenant inviter... M. Lalande: M. le Président...

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Maisonneuve, vous pourrez revenir la semaine prochaine. Je voudrais inviter maintenant M. le premier ministre à apporter...

M. Lalande: Une question de privilège.

Le Président: M. le député de Maisonneuve, en vous demandant de ne pas abuser de la question de privilège.

M. Lalande: M. le Président, ce que le ministre des Transports a sciemment omis de dire quand il parle du 9 mai, c'est que le 9 mai il a saisi la Commission des transports du Québec d'un problème d'enquête, mais n'est-il pas vrai que, le 3 juin, le dossier n'était pas...

Le Président: Bon! J'invite maintenant M. le premier ministre à apporter un complément de réponse à la question qui lui a été posée ce matin par M. le chef de l'Opposition.

M. le premier ministre.

Le consensus de Regina (suite)

M. Lévesque (Taillon): En fait, M. le Président, c'est un début de réponse, je pense. J'ai fait revenir rapidement, en anticipant sur la réunion qu'on doit avoir autour de ces sujets cet après-midi, le consensus, enfin, le communiqué conjoint

des premiers ministres à Regina au mois d'août 1978. On parlait, à ce moment-là, de réforme constitutionnelle, comme on en parle aujourd'hui, et il y a une chose intéressante qui a été dite. Selon les premiers ministres, "les propositions importantes émanant de toutes les sources doivent être étudiées avec beaucoup de soin dans le processus de réforme constitutionnelle. Parmi ces propositions, citons — on citait nommément trois possibilités — le consensus auquel en sont arrivés les dix premiers ministres provinciaux en octobre 1976, les propositions qu'ont faites, que préparent ou que feront rédiger le gouvernement fédéral ou certains gouvernements provinciaux comme, entre autres, le rapport préparé par MM. Pépin et Robarts —qui, à ce moment-là, travaillaient sur ce qui est devenu le rapport Pépin-Robarts — et, troisièmement, évidemment, le projet de loi fédéral sur la réforme constitutionnelle."

Autrement dit, il s'agissait d'explorer toutes les sources, y compris ce consensus de 1976 auquel, forcément, le gouvernement actuel n'assistait pas. Ce consensus est évoqué un peu plus loin, en disant ceci: "Le consensus de 1976 portait sur un certain nombre de questions, dont l'immigration, les droits linguistiques, ainsi de suite." Il faut référer, à ce moment-là — évidemment, il s'agit de 1976 avant les élections de 1976 — à un télex ou une lettre-télex de M. Lougheed, qui était président de la conférence des premiers ministres provinciaux à l'époque, au premier ministre Trudeau, qui dit ceci — je le prends dans le texte — "A confirmation of the language rights of English and French, generally along the lines discussed in Victoria in 1971."

Autrement dit, cela devenait — c'était déjà un peu flou, mais quand même — une confirmation — je traduis à l'oeil — des droits linguistiques francophones et anglophones, de façon générale, conforme aux discussions qui s'étaient déroulées à Victoria en 1971. Autrement dit, on évoquait cette partie d'un consensus de 1976 qui lui-même évoquait des discussions qui avaient été, de façon générale, si on veut, entretenues à Victoria, en 1971.

Dans les discussions qu'on avait eues pour ce communiqué de Regina, nous, ceux qui étaient là et qui encore aujourd'hui, par l'intermédiaire de votre serviteur, peuvent exprimer ce qui est arrivé, je pense que si on regarde — je ne sais pas si le chef de l'Opposition l'a devant lui — la page 6 du même communiqué, la page 6 du même communiqué dit: Ceci justement pour préciser certaines réticences, certaines attitudes en ce qui concerne cette fameuse question de la charte des droits et des droits linguistiques qui doivent ou ne doivent pas lui être incorporés.

Je cite deux paragraphes rapidement. "Certaines provinces appuient le principe de l'intégration des droits fondamentaux dans la constitution, alors que d'autres estiment que dans notre régime parlementaire les droits de l'individu sont mieux protégés par les traditions constitutionnelles fondamentales et par le processus législatif normal".

Autrement dit, — et cela s'est répercuté chez plusieurs juristes, y compris, je pense, très ré- cemment l'ex-juge Pigeon de la Cour suprême — plusieurs juristes, sans vouloir entrer dans le détail — je suis un profane — considèrent — je pense que c'est le bon sens — que l'évolution qui est nécessaire dans un domaine où à peu près toutes les sociétés font du droit nouveau — on en a des exemples ici en ce qui concerne la charte des droits de la personne — que l'évolution de ce droit nouveau peut être plus souple et beaucoup plus prometteuse si elle est laissée aux élus du peuple et aux assemblées nationales, aux parlements, que si elle est figée et ensuite interprétée seulement par les tribunaux. C'est un des éléments de la discussion. C'est pour l'ensemble de la question des droits un des caveat, si on veut, une des réticences que plusieurs provinces exprimaient et auxquelles, je me souviens, on s'était joint au moins pour la discussion.

Quant aux droits linguistiques, il y a un autre paragraphe un peu plus loin qui dit ceci: "Certains premiers ministres remarquent que les garanties linguistiques proposées vont considérablement plus loin que les propositions antérieures et estiment que certaines difficultés d'ordre pratique peuvent surgir notamment au niveau des services et des tribunaux provinciaux".

Cela explique pourquoi, entre autres choses, dans le déroulement des discussions qu'il y a eu depuis quelques années, il a fini par y avoir un consensus interprovincial sur le fait que chaque province devait adopter son propre rythme — de bonne foi, quand même — dans ce que sont les services aux minorités. C'est un peu là-dessus que s'était basée notre façon d'aborder la réciprocité en ce qui concerne les droits des citoyens du Canada anglais qui viendraient au Québec et dont les enfants pourraient aller aux écoles anglaises, non pas une réciprocité absolue au sens que les minorités à l'extérieur seraient aussi bien servies que la minorité anglophone au Québec instantanément — c'est inconcevable, on le sait, il y a des générations de retard dans le reste du Canada en ce qui concerne nos minorités à nous — mais qu'au moins il y ait un effort de bonne foi qui nous permette de signer ces accords de réciprocité. Ils sont toujours dans la loi no 101 et ils attendent toujours qu'il y ait des réponses concrètes. C'est à peu près là qu'on en était rendu.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, une question.

M. Ryan: Une question? Je vais être obligé de mettre trois ou quatre volets. Non, ce ne sera pas compliqué.

Sur la question des droits fondamentaux — oublions les droits linguistiques pour l'instant — je comprends que le gouvernement a déjà émis des réserves. D'autres gouvernements en ont émis également sur un tout autre point de vue qui favorise l'enchâssement de ces droits dans une constitution future. La position du gouvernement actuel est-elle figée dans le ciment dans le sens négatif ou est-ce une question que le gouvernement est prêt à examiner avec un esprit ouvert,

nonobstant les réserves qui peuvent être mises sur la table, évidemment? Deuxièmement, sur la question des droits linguistiques, à supposer qu'il y ait une évolution dans le reste du pays, que d'autres, et je dirais même que les autres provinces soient prêtes à s'engager plus loin qu'elles ne l'ont manifesté jusqu'à maintenant, encore là le gouvernement du Québec a-t-il à l'heure actuelle une position figée dans le ciment, une position négative, opposée à toute forme de garantie constitutionnelle des droits linguistiques sous quelque aspect que ce soit?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est des droits fondamentaux, c'est-à-dire des droits et libertés des personnes, non, il n'y a pas de position figée dans le ciment en ce qui concerne — pour reprendre l'expression favorite du chef de l'Opposition — leur enchâssement dans un document constitutionnel. Non, ce n'est pas figé. C'est simplement qu'avec d'autres provinces on se pose la question, et je pense qu'il y a pas mal de juristes qui se la posent aussi. (11 h 20)

On sait que les "bills of rights" qui font partie des constitutions deviennent extraordinairement ou peuvent devenir extraordinairement rigides. Vu qu'il y a une évolution — c'est connu que cela fait à peine 25-30 ans ou 30-40 ans, cela n'est pas long dans l'histoire des sociétés, cela a commencé à se développer de façon moderne, contemporaine — il y a des gens qui disent — on est plutôt portés à cette opinion que cela n'est pas figé — que ce serait peut-être mieux de les laisser évoluer selon l'évolution même des sociétés, plus librement, grâce au pouvoir législatif, plutôt que de les enchâsser, comme on dit, et ensuite d'avoir les difficultés qui viennent toujours d'amender quoi que ce soit. C'est une chose.

Pour ce qui est des droits linguistiques, je vais être beaucoup plus précis. Quant à nous — c'est conforme aux conclusions mêmes du rapport Pépin-Robarts, une commission d'enquête fédérale — avec la loi no 101, telle qu'elle existe au Québec, les droits de la minorité anglophone demeurent non seulement bien protégés, mais mieux protégés que les droits des minorités linguistiques francophones n'importe où au Canada. En ce qui concerne en particulier le Québec — je pense que c'est une conclusion générale du rapport Pépin-Robarts — la protection des droits linguistiques doit demeurer une prérogative des provinces. Dans le cas du Québec — je ne parle pas des autres provinces, chacun son boulot — cela nous paraît absolument vital que la question des droits linguistiques et de leur évolution demeure entre les mains du Parlement du peuple québécois pour la défense et la promotion de la langue de la majorité, qui en a encore besoin, et pour un maintien équitable et même généreux des droits de la minorité anglophone. Je pense que le Québec est mieux placé que quiconque.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle, la période des questions est écoulée depuis...

Une Voix: Consentement.

Le Président: ... 20 minutes maintenant. Je ne voudrais pas déroger à une règle que j'ai toujours fixée qu'à partir d'un complément de réponse on ne puisse formuler qu'une seule question.

Une Voix: Consentement.

Le Président: Alors, s'il y a consentement, je n'aurais pas d'objection.

Une Voix: La deuxième chance.

Le Président: Sur la base du consentement, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Ce n'est même pas une question, M. le Président. C'est juste une question de fait à propos du rapport Pépin-Robarts qu'on cite souvent de l'autre côté de la Chambre. Je voudrais seulement souligner que le rapport Pépin-Robarts dit qu'il faudrait, à ce stade-ci, que les droits linguistiques soient laissés aux provinces dans les domaines de leur compétence, mais le rapport émet le voeu que les provinces vont être capables d'évoluer assez vite pour qu'on puisse en enchâsser certains le plus vite possible dans une constitution. Par conséquent, l'idée profonde de la commission Pépin-Robarts, c'est qu'un jour ces droits-là soient enchâssés dans la constitution.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): L'avenir dure longtemps, M. le Président.

Le Président: Fin de la période des questions. M. le député de Saint-Laurent.

Question de privilège Mandat de perquisition non exécuté

M. Claude Forget

M. Forget: J'ai une question de privilège, M. le Président, découlant des rapports dont j'ai pris connaissance, juste avant d'entrer en Chambre, chez certains media d'information, de l'échange qui est survenu hier lors de la période des questions. Les faits qui sont rapportés sont les suivants et, dans ces rapports, on met en très grand relief les efforts faits par le ministre de la Justice pour discréditer les questions qui lui étaient adressées relativement au 15e mandat de perquisition adressé visant le domicile du chef du cabinet du ministre Joron. Me mettant au défi de mentionner en dehors de l'Assemblée nationale ces mêmes faits

et laissant l'impression que je n'oserais pas le faire puisque les faits qu'il n'osait pas nier seraient donc faux, il me fait plaisir d'avertir le ministre de la Justice et les collègues de la Chambre que j'ai mentionné, en dehors de la Chambre, tous les faits qui ont fait l'objet de cet échange. Il me fera plaisir de leur donner les détails. C'est enregistré. Quant à moi, j'accueillerais avec un grand plaisir la possibilité qu'il y ait un procès là-dessus. On pourra convoquer beaucoup de gens et leur demander de témoigner sous serment.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Question de privilège sur la question de privilège soulevée par le député de Saint-Laurent, qui prétend que les efforts du ministre de la Justice ont été orientés aux fins de discréditer sa question. Ce n'est pas le cas, j'ai répondu à la question et c'est la question elle-même qui a été discréditée.

Le Président: Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Là, il y a plusieurs votes en suspens. Je demande qu'on appelle le députés.

A l'ordre, s'il vous plaît! Pourriez-vous, s'il vous plaît, regagner vos places!

Mise aux voix des quatre motions de

censure blâmant le gouvernement pour

sa politique budgétaire

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de M. le ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement, mais, auparavant, nous allons procéder à la mise aux voix des motions de censure qui y ont été greffées, dans le cadre du discours sur le budget.

D'abord, la motion soumise par le député de Bonaventure et qui se lit ainsi: "Que cette Assemblée blâme très sévèrement le gouvernement pour avoir présenté un budget qui, en raison principalement du montant exorbitant des emprunts, soit $2 220 000 000, et du déficit record de $2 300 000 000, compromet gravement l'équilibre des finances publiques, hypothèque dangereusement l'avenir des Québécois et démontre sans équivoque que ce gouvernement est inapte à conduire les affaires du Québec et prêt à exploiter tous les moyens à ses fins référendaires".

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion de censure veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Vaillancourt (Orford), Forget, La-londe, Picotte, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Giasson, Rivest, O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Pagé, Springate, Marx, Lalande, Brochu, Goulet, Fontaine, Cordeau.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Lévesque (Taillon), Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Parizeau, Léonard, Couture, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Chevrette, Duhaime, Lazure, Léger, Tardif, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Laberge, Guay, Mme LeBlanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Dussault, Beauséjour, Mercier, Ouellette, Gosselin, Jolivet, Marquis, Lavi-gne, Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Char-bonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste.

Le Président: Que ceux et celles qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire: Pour: 22 — Contre: 49 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est rejetée.

A l'ordre, s'il vous plaît! Je vais mettre maintenant aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Bellechasse qui se lit ainsi: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement d'agir avec irresponsabilité en présentant un budget référendaire qui condamne les contribuables québécois à assumer, malgré eux, le plus imposant déficit des opérations budgétaires dans l'histoire du Québec".

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. Levesque (Bonaventure): Je suggérerais de prendre le même vote à condition que l'on puisse, dans les deux cas, ajouter le nom du député de Laval. Il était ici, mais il n'était pas encore rendu à son siège.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour que ce soit le même vote? Il semble qu'il y ait également consentement pour ajouter M. le député de Laval. M. le leader parlementaire...

Je mets maintenant aux voix la motion de censure de M. le député de Rouyn-Noranda qui se lit comme suit: "Que le gouvernement est à blâmer pour avoir présenté un budget exagérément déficitaire, contribuant ainsi à endetter de façon inacceptable les contribuables qui le sont déjà trop."

Est-ce que c'est le même vote? Même vote.

Maintenant, la mise aux voix de la motion de M. le député de Gouin qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement actuel pour avoir présenté une politique budgétaire inacceptable et irresponsable, contenant des taxes cachées et prévoyant pour l'année fiscale 1980-1981 le plus gros déficit budgétaire de l'histoire du Québec au montant de $2 300 000 000, et d'hypothéquer, en ce faisant, les générations futures sans qu'un tel déficit et un tel endettement additionnel s'accompagne ni d'une création d'em-

plois ni d'une baisse réelle d'impôts pour les consommateurs et les entrepreneurs".

Des Voix: Adopté.

Le Président: Est-ce que c'est le même vote? Même vote aussi.

Mise aux voix de la motion du ministre des Finance

proposant l'approbation de la politique budgétaire du gouvernement

Maintenant, je mets aux voix la motion principale, présentée par M. le ministre des Finances, proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. Je demande à ceux et celles qui sont en faveur de cette motion de bien vouloir se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Lévesque (Taillon), Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé)...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le greffier adjoint. Il semblerait qu'il y ait consentement pour que le vote soit inversé et que ce soit le même vote. Est-ce qu'il y a consentement?

Allez-y, que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Lévesque (Taillon), Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Parizeau, Léonard, Couture, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Chevrette, Duhaime, Lazure, Léger, Tardif, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Laberge, Guay, Mme LeBlanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Dussault, Beauséjour, Mercier, Ouellette, Gosselin, Jolivet, Marquis, Lavigne, Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Lalonde, Picotte, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Giasson, Rivest, O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Pagé, Springate, Marx, Lalande, Brochu, Goulet, Fontaine, Cordeau.

Le Président: Que ceux et celles qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Pour: 49 — Contre: 23 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée. (11 h 40)

Avis à la Chambre

Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: M. le Président, avant de faire les motions pour faire siéger les deux commissions, je voudrais donner avis que si c'est nécessaire siégera ce soir la commission des affaires municipales pour terminer l'étude des crédits.

Pour lundi, il y a trois commissions à compter de 15 heures jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 24 heures: au salon rouge, la commission du ministère des Finances pour l'étude des crédits; à la salle 81-A, la commission des affaires sociales, pour commencer les crédits du ministère des Affaires sociales; à la salle 91-A, la commission des affaires culturelles pour commencer l'étude des crédits et la terminer, suivant l'entente qui avait été prise hier à la rencontre des leaders, d'après la note que j'ai ici.

Le mardi, 10 juin, à compter de 10 heures jusqu'à 13 heures, au salon rouge, la commission des finances siégera pour la poursuite des crédits, si ce n'était pas terminé; à la salle 81-A, la poursuite de l'étude des crédits à la commission des affaires sociales et, de 20 heures à 24 heures, au salon rouge, le mardi 10, la commission de l'Assemblée nationale fera l'étude du règlement découlant de la Loi électorale, le projet de loi 9.

Ce sont les avis pour vendredi soir, lundi toute la journée et mardi matin.

Je ferais également motion pour que siègent, dès l'appel des affaires du jour, ce matin, deux commissions: au salon rouge, la commission des affaires municipales pour la continuation de l'étude des crédits et, à la salle 81-A, la commission du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, c'est-à-dire de 11 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures. J'en ferais motion, M. le Président.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Lavoie: M. le Président.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: En ce qui concerne la commission qui va étudier la réglementation sur la loi 9, vous semblez l'avoir mentionnée, mais c'est bien mardi soir?

Le Président: Oui, c'est exact, 20 heures, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Vous auriez pu faire la convocation mardi après-midi.

M. Duhaime: Oui, on aurait pu le faire, mais c'est un avis de courtoisie.

Le Président: Aux affaires du jour, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 10.

Projet de loi no 98 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 98, Loi abrogeant la Loi concernant les techniciens diplômés et modifiant certaines dispositions législatives.

M. le ministre de l'Education, vous avez la parole.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): Merci, M. le Président. L'objet de ce projet de loi, dont nous abordons maintenant la deuxième lecture, est de placer sous l'empire du Code des professions une corporation professionnelle qui existe déjà, depuis d'ailleurs plusieurs années, et qui est celle des techniciens diplômés.

Je voudrais peut-être commencer par rappeler qu'au moment de la création de l'Office des professions et de l'adoption de la Loi sur les professions en 1973, trente-huit corporations professionnelles ont été assujetties au code et obtenaient de la sorte ce qu'on appelle le droit d'autogestion. Le fait de placer une corporation sous l'empire du code signifie que ce regroupement de personnes qui constituent la profession, la corporation professionnelle, se voit imposer à la fois un certain nombre de devoirs, mais également des droits fort importants qui lui permettent de s'auto-gérer.

Depuis la création de l'Office des professions, 34 groupements ont sollicité auprès de l'office et auprès du gouvernement le statut de corporation professionnelle. Autrement dit, de nombreux groupes qui n'avaient pas ce statut l'ont sollicité, ont voulu l'obtenir à cause des avantages que cela peut présenter du point de vue de l'autogestion professionnelle.

En plus du rôle de surveillance que les corporations exercent actuellement sous l'empire du Code des professions, le législateur a aussi confié à l'Office des professions le mandat de suggérer la constitution de nouvelles corporations professionnelles. Bien sûr, c'est le gouvernement qui, en dernière analyse, accepte de constituer ou de ne pas constituer ces corporations par lettres patentes, mais il ne saurait le faire sans avoir obtenu l'avis de l'Office des professions. La Corporation des techniciens professionnels constitue l'un de ces groupements qui ont demandé à l'office d'être reconnus non plus simplement comme ils le sont à l'heure actuelle, en vertu d'une loi spéciale, qui date, je crois, de 1950, mais d'être assujettis désormais à l'empire du Code des professions.

Après étude, l'office a constaté effectivement que la Corporation des techniciens professionnels du Québec constituait une sorte de cas d'exception. En effet, elle existe déjà, constituée en vertu d'une loi spéciale que nous allons d'ailleurs abroger par ce projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à l'Assemblée, mais elle n'était pas assujettie aux devoirs du Code des professions, définis par le Code des professions, et elle n'avait pas non plus les droits que ce code reconnaît aux professions qui sont placées sous l'autorité de l'office et du code. En effet, avant l'adoption du Code des professions, le législateur avait octroyé spécialement à cette corporation un statut à titre réservé en vertu de la loi concernant les techniciens diplômés, c'est une loi de 1950. Cependant, comme je l'ai expliqué, cette corporation n'avait pas été assujettie au code en 1973 et il s'agit, à vrai dire, d'une anomalie que le législateur devait corriger tôt ou tard.

Nous avons décidé, puisque la corporation nous en a fait la demande et que cela a été appuyé par l'office, de procéder. A l'heure actuelle, cette corporation se trouve dans une situation particulière en ce qu'elle possède à la fois le droit d'autogestion et le titre réservé tout en n'étant pas soumise au contrôle ou à la surveillance de l'Office des professions et tout en n'étant pas soumise aux obligations définies par le Code des professions.

La corporation, sentant bien qu'il y avait quelque chose dans ce statut qui n'était pas tout à fait normal, a demandé à l'office d'être désormais régie par le Code des professions. L'office a examiné cette demande, comme la loi le lui en fait un devoir, et il a fait cet examen à la lumière d'un certain nombre de critères que l'article 25 du Code des professions définit et que l'article 25 rend littéralement obligatoires; avant qu'une corporation soit placée sous l'empire du code, il faut qu'un certain nombre de conditions soient remplies et c'est l'office qui juge quant à savoir si, oui ou non, les critères, les conditions sont remplis.

Les critères sont les suivants: premier facteur: les connaissances requises pour exercer les activités des personnes qui seraient régies par la corporation sous l'empire du code doivent être très spécifiques, et je crois que c'est le cas de la nouvelle corporation.

(11 h 50)

Deuxième facteur: le degré d'autonomie dont jouissent les personnes qui seraient membres de la corporation dans l'exercice des activités dont il s'agit et la difficulté de porter un jugement sur ces activités pour des gens ne possédant pas une formation et une qualification de même nature. C'est ce facteur qui justifie, en quelque sorte, l'autogestion qui est conférée aux corporations professionnelles se trouvant sous l'empire du code.

Troisième facteur: le caractère personnel des rapports entre ces personnes et les gens qui recourent à leurs services, en raison de la confiance particulière que ces derniers sont appelés à leur témoigner par le fait, notamment, qu'elles leur dispensent des soins ou encore qu'elles gèrent leurs biens, qu'elles administrent leurs biens.

Quatrième facteur: l'office avait à prendre en considération la gravité du préjudice ou des dommages qui pourraient être subis par des gens qui ont recours aux professionnels, aux services de ces personnes, par suite du fait que leur compétence ou leur intégrité ne serait pas contrôlée par une corporation professionnelle sous l'empire du Code des professions.

Enfin, dernier critère que l'office avait à examiner dans ce cas comme dans tous les autres: le caractère confidentiel des renseignements que ces personnes sont appelées à connaître dans l'exercice de leur profession.

Au terme de l'examen de la demande faite par cette corporation, à la lumière des critères que je viens de mentionner et en prenant en considération la situation tout à fait particulière de cette corporation, l'office a recommandé au gouvernement qu'elle soit soumise à l'ensemble des dispositions du code afin d'assurer une meilleure protection du public, eu égard aux actes qui relèvent de la compétence des techniciens professionnels.

L'office considère que cette corporation existante est parfaitement en mesure d'assumer efficacement les tâches que le Code des professions assigne aux corporations. De plus, la corporation regroupe à l'heure actuelle quelque 5000 membres — ce qui n'est pas négligeable — ce qui assure d'ailleurs des ressources financières à la future corporation professionnelle tombant sous l'empire du code. Comme je l'ai déjà maintes fois souligné, il s'agit d'une corporation existant depuis 1950 et qui, anomalie, n'était pas sujette au Code des professions. Après étude, le gouvernement a jugé opportun de suivre la recommandation de l'office et d'assujettir cette corporation au code.

Comme ce code le prévoit, c'est par lettres patentes émises par le gouvernement que sera constituée la nouvelle corporation professionnelle qui regroupera les membres de l'actuelle corporation des techniciens professionnels. Toutefois, avant de constituer cette nouvelle corporation, il était nécessaire d'abroger l'ancienne loi concernant les techniciens diplômés et il était nécessaire également de prévoir un ensemble de dispositions transitoires qui permettront de conférer à la nouvelle corporation toutes les obligations et aussi tous les avantages que possédait l'ancienne corporation créée en 1950.

Le projet de loi soumis à cette Assemblée a donc pour but d'abroger l'ancienne corporation des techniciens et de faciliter le passage juridique formel de l'ancienne corporation à la nouvelle qui sera créée lors de la publication des lettres patentes dans la Gazette officielle du Québec. Ces lettres patentes constitueront la Corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées du Québec.

Plus particulièrement, en terminant, M. le Président, je voudrais souligner que les dispositions transitoires assurent la continuité au niveau de l'administration, mais également de la discipline et des cotisations de la corporation. En outre, ces modifications contiennent quelques dispositions de concordance qui sont rendues nécessaires par le changement de nom de la corporation.

Enfin, je signale aux membres de cette Assemblée, pour le cas où la chose serait nécessaire, que toutes ces mesures n'ont qu'un but, c'est-à-dire faciliter la mise sur pied de la 39e corporation professionnelle assujettie au Code des professions.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Robert Baldwin.

M. John O'Gallagher

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Après le discours du ministre, on peut constater que cette nouvelle corporation des technologues des sciences appliquées va couvrir beaucoup de gens, selon la conception de l'Office des professions. Mais, en octobre 1978, le Conseil interprofessionnel du Québec adressait au ministre Jacques-Yvan Morin l'avis suivant: "Qu'aucun groupe ne soit intégré au nombre des corporations régies par le Code des professions avant que ledit code ne soit amendé afin de modifier le statut juridique des corporations professionnelles à titre réservé et avant que les corporations professionnelles existantes n'aient mis en place tous les mécanismes prévus par ledit code". C'est un avis du Conseil interprofessionnel en date de 1978.

En somme, M. le Président, le Conseil interprofessionnel se prononce contre la création d'une nouvelle corporation, d'autant plus que cette corporation est déjà une corporation à titre réservé en vertu de sa loi constitutive et que seulement 20% — il faut le répéter — des personnes exerçant ces activités en sont membres. De plus, selon l'avis du Conseil interprofessionnel du Québec au ministre, il y a 21 groupes de technologues qui seront regroupés dans la corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées. Je ne voudrais pas les mentionner tous, mais, dans les 21 groupes, cela part des techniques forestières, des techniques chimiques et industrielles, techniques du papier, du meuble, technologie physique, maritime, textiles, métallurgie et j'en passe et même techniques informatiques, aménagement, techniques agricoles. Il y en a 21.

M. le Président, nous n'avons aucune objection à la création d'une nouvelle corporation professionnelle des technologues. Cependant, devant la grande diversité de ces métiers et de ceux qui pourraient en devenir membres, il y a lieu de s'interroger si le projet ne crée pas une corporation professionnelle fourre-tout pour donner un titre professionnel réservé à ceux qui ne peuvent pas devenir membres d'autres corporations professionnelles. En d'autres mots, M. le Président, nous avons ici des groupes de pratiquants de divers métiers qui sont à la recherche d'un statut plus prestigieux et, une fois qu'ils ont reçu ce diplôme, en grande majorité malheureusement, ils ne renouvellent pas leur adhésion. C'est comme une certification de leur métier et non pas un permis. Dans la grande majorité de ces cas, ce sont des employés de compagnies d'Etat ou de

compagnies privées. Ils ne donnent pas de services directement au public. Ils sont, dans plusieurs cas, assujettis à des honoraires syndicaux en plus des honoraires professionnels. C'est peut-être pour cette raison qu'ils abandonnent l'adhésion à la corporation professionnelle peut-être deux ou trois ans après avoir reçu leur certification. (12 heures)

Comme je l'ai mentionné avant, dans le cas des techniciens professionnels, ils ont réussi seulement à garder 20% des personnes exerçant ces activités. Je vous demande, M. le Président, si seulement 20% des pratiquants vont être assujettis à la Loi sur les corporations professionnelles. Si c'est le cas, où est la protection du public, si seulement 20% de ceux qui pratiquent sont assujettis à la loi? Comment pourra-t-on coordonner les intérêts divergents des diplômés en technique administrative et ceux des diplômés en technique agricole? Ne serait-il pas plus sage de restreindre la portée de la nouvelle corporation? Enfin, il y a également la question soulevée par le comité interprofessionnel, à savoir si l'on ne devrait pas maintenir le statu quo en attendant d'avoir clarifié le statut juridique des corporations à titre réservé.

M. le Président, en terminant, nous allons voter en faveur du projet de loi, mais, pour les raisons que j'ai mentionnées, nous le trouvons prématuré. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. L'Office des professions a comme rôle de réglementer les professions afin que le public soit mieux protégé. Comme le ministre l'a expliqué tout à l'heure dans son discours, et je pense qu'il faut prendre sa parole, il s'agit d'une corporation professionnelle qui a elle-même fait la demande d'une nouvelle incorporation pour être intégrée à la réglementation ou à la surveillance de l'Office des professions. Je pense que cette recommandation vise à améliorer le contrôle de l'activité des membres par la surveillance de l'Office des professions et par l'inspection professionnelle.

Face à cette demande, je pense que le public sera mieux protégé et que l'Office des professions jouera effectivement son rôle. Selon les informations que j'ai pu obtenir, il y aurait actuellement 6374 membres de cette profession qui seraient intégrés à la nouvelle corporation des technolo-gues du Québec et qui seraient soumis à la réglementation et au contrôle de l'Office des professions. On ne peut être contre le fait qu'une profession décide elle-même de demander d'être réglementée, alors qu'elle bénéficiait auparavant d'une loi spéciale. D'autant plus qu'on nous informe que cette corporation possède présentement les ressources humaines et financières suffisantes pour assurer son bon fonctionnement et pour assumer également les obligations auxquelles elle sera obligée de se soumettre face à l'Office des professions.

M. le Président, je pense que nous ne pouvons que féliciter cet organisme qui a lui-même demandé d'être contrôlé et souscrire d'emblée au projet de loi qui nous est présenté par le ministre pour faire en sorte qu'une nouvelle profession soit mieux réglementée et que le public soit, encore une fois, mieux protégé.

Je voudrais tout simplement, en terminant, M. le Président, attirer l'attention du ministre, comme je l'ai fait hier en commission parlementaire, sur d'autres professions qui, elles aussi, voudraient être mieux réglementées par l'Office des professions. Il s'agit, en l'occurrence, des CA, des CGA et des RIA qui demandent depuis 1972 qu'on trouve une solution à leur problème d'intégration. Je demande au ministre de se prononcer là-dessus le plus rapidement possible pour qu'enfin ces professionnels puissent voir leur problème réglé. On a soumis hier une proposition qui semblait faire l'unanimité, d'après ce qu'on me dit, de la part de ces trois professions en créant une commission de vérificateurs qui pourrait émettre des permis de vérificateurs. Alors, si le ministre veut bien prendre l'exemple des corporations professionnelles des technologues pour régler en même temps, dans les plus brefs délais, le problème des CA, des CGA et des RIA, je pense que notre société sera encore mieux protégée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Merci. M. le ministre de l'Education et responsable de l'Office des professions.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): Je remercie les collègues qui ont bien voulu intervenir sur ce projet de loi.

Quelques observations seulement en réponse au député de Robert Baldwin qui, bien qu'approuvant le principe du projet de loi, le trouvait prématuré.

Là-dessus, M. le Président, même si le Conseil interprofessionnel du Québec, toujours un peu jaloux de compétences des professions existantes, a exprimé quelques doutes sur l'opportunité de la placer sous l'empire du Code des professions, cette corporation existait déjà depuis 1950 et c'était vraiment une anomalie aux yeux du gouvernement que de constater qu'elle n'était pas assujettie, comme les autres, au Code des professions, de sorte qu'il nous semble que ce projet de loi vient simplement corriger une anomalie et, à nos yeux, il n'est jamais trop tôt pour corriger une anomalie. Ce projet de loi n'est pas prématuré, à notre avis, il a même trop tardé.

Le député de Robert Baldwin faisait remarquer, non sans raison, qu'un certain nombre de personnes qui pourraient être assujetties à la corporation — disons en faire partie — n'y sont pas. Mais le député de Robert Baldwin sait très bien qu'il ne s'agit pas d'une corporation à titre exclusif, il s'agit d'une corporation à titre réservé; c'est-à-dire que tous les techniciens ou technologues ne sont pas obligés d'en faire partie. Cependant, si une personne veut pouvoir utiliser le titre réservé de technologue des sciences appliquées, cette

personne doit faire partie de la corporation et se trouve du fait même assujettie au code de discipline, au code de déontologie et aux structures disciplinaires de la corporation, et c'est là qu'est la protection du public, M. le Président.

Quiconque voudra désormais utiliser ce titre réservé, ce titre de technologue des sciences appliquées, devra se soumettre au système de contrôle disciplinaire de la nouvelle corporation. Nouvelle en ce sens qu'elle passe sous l'empire du Code des professions, non pas nouvelle en réalité puisqu'elle existe déjà depuis 30 ans.

Est-ce que l'un des effets de l'adoption de ce projet de loi ne sera pas justement d'augmenter le nombre des membres de la corporation? Je suis de ceux qui le pensent, car, désormais, cette corporation sera vraiment une corporation au plein sens du titre, au plein sens du mot; elle sera assujettie au Code de professions. Cela devient donc quelque chose de sérieux que cette trente-neuvième corporation et je suis persuadé, pour ma part, que l'un des effets de la loi va être d'attirer un plus grand nombre de techniciens qui vont vouloir se prévaloir du titre de technologues des sciences appliquées, quel que soit, par ailleurs, leur champ d'activité, car, comme l'a fort bien fait remarquer le député de Robert Baldwin, il y a en effet de nombreuses catégories de professions, de techniques qui font partie de cette corporation et c'est le cas depuis des années.

A l'endroit du député de Nicolet-Yamaska, qui soulevait, à la fin de son intervention, la question des professions comptables, je tiens à souligner l'unanimité qui a semblé se faire, hier, à la commission parlementaire, où nous étudiions les crédits de l'Office des professions et où nous nous sommes penchés sur un certain nombre de problèmes qui se posent actuellement dans l'administration des professions. Devant cette unanimité, je pense qu'à la suite de l'avis qui nous est parvenu, avant-hier, de l'Office des professions, à l'effet de créer une commission interprofessions entre les CA, les CGA et les membres du RIA, avis qui nous paraît bien fondé, le gouvernement va être en mesure de procéder rapidement et, j'ose espérer, régler ce problème dans le cours de l'été qui vient. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 98 sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement. (12 h 10)

M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 9 de notre feuilleton.

Le Vice-Président: J'appelle maintenant...

Motion de renvoi à la commission permanente de l'éducation

M. Duhaime: Je fais motion pour déférer le projet de loi à la commission permanente de l'éducation.

Le Vice-Président: Motion adoptée? Est-ce que la motion sera adoptée? Adopté.

Projet de loi 92 Deuxième lecture

J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 92, Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux.

M. le ministre de l'Environnement.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, étant donné que l'heure avance, il y a une sorte d'entente, je pense, qui s'est faite entre les députés de l'Opposition et nous pour que si on dépassait un peu l'heure on puisse terminer — même on dépassait de dix ou quinze minutes — pour s'assurer que chacun ait l'occasion de s'exprimer.

M. le Président, je tiens à vous dire que le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, après sa création, la Société québécoise d'assainissement des eaux sera un outil au service des municipalités pour réaliser le programme d'assainissement des eaux et, en même temps, créer l'industrie de la dépollution au Québec. Pour une fois, l'Environnement pourra être taxé de s'occuper de développement économique tout en protégeant le milieu de vie.

Ce projet de loi a donc pour objet de constituer une Société québécoise d'assainissement des eaux. Permettez-moi de rappeler les objectifs visés par la création de cette société. C'est d'abord, d'assurer la réalisation de l'assainissement des eaux selon les besoins des municipalités et, deuxièmement, d'exécuter aussi des études de réfection des réseaux d'égouts municipaux et d'autres études concernant les égouts municipaux et l'assainissement des eaux usées des municipalité. La société va réaliser des objectifs dans le cadre du programme d'assainissement des eaux mis au point par le ministère de l'Environnement et adopté par le gouvernement du Québec.

Je voudrais, afin de mieux faire voir les motifs qui justifient la création de cette société, expliquer les origines des politiques du programme d'assainissement des eaux. Il est bien connu que le Québec est bien pourvu en eau douce. En effet, les lacs et les rivières couvrent environ 12% de notre territoire. Cependant, au fil des ans, on a jeté tellement de matières et de substances polluantes dans les cours d'eau sans se soucier des conséquences sur la qualité des eaux qu'inévitablement, la capacité de récupération de la nature a été

dépassée, ce qui s'est traduit par une diminution des ressources biologiques, une diminution de l'eau potable, une diminution des usages récréatifs tels que la baignade, la pêche, ainsi que de l'équilibre écologique des cours d'eau directement dans la région des populations denses. Bien qu'il soit impossible de comptabiliser tous les coûts sociaux qu'entraîne la pollution des eaux, nous savons qu'il s'élève à plusieurs dizaines de millions de dollars par année. Le gouvernement québécois, en tant que responsable de l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement et gestionnaire de la ressource eau, devait corriger la situation et demander à tous les Québécois un effort collectif pour retrouver des eaux de qualité, saines et productives.

Les gens du Québec, je pense, ont très bien compris qu'il était temps de passer à l'action. Nous n'avons qu'à prendre à témoin le grand nombre de citoyens engagés dans l'assainissement dans la plupart des bassins de drainage pour comprendre que notre démarche répond à une demande générale. Dans le passé, toutes les tentatives de s'attaquer sérieusement au problème de la pollution des eaux ne se sont pas avérées satisfaisantes, faute d'une volonté politique, faute de moyens et aussi faute de politiques d'ensemble. J'ai donc dû partir de très loin et cela nous a pris deux ans avant de mettre de l'ordre dans toutes les démarches et de présenter un programme cohérent qui permettra de corriger toutes les sources de pollution dans un avenir pas si lointain.

Le programme d'assainissement des eaux du Québec vise, sur l'ensemble du territoire, deux grands objectifs qu'il me plaît de vous rappeler. Le premier, c'est d'améliorer et de conserver la qualité des eaux pour satisfaire les besoins de la population tels que l'alimentation en eau, la baignade, la récréation, l'esthétique des milieux aquatiques et les sites naturels. Le deuxième, c'est d'obtenir et de maintenir des milieux aquatiques équilibrés permettant aux ressources bilogiques d'évoluer normalement.

Nous avons mis ce programme en route l'année dernière. Il va sans dire que mettre un programme aussi audacieux en oeuvre, après tant d'années d'inaction, ne s'est pas fait sans heurts ou difficultés. Nous en avons connu plus que notre lot et d'autres difficultés sont peut-être appréhendées. Certaines de ces difficultés, c'est la création de la Société d'assainissement des eaux qui va nous apporter la réponse pour corriger et résoudre les difficultés à prévoir.

Les difficultés que la création de cette société va nous permettre de régler sont les suivantes: premièrement, l'endettement. Actuellement, le coût des travaux est supporté en totalité par le service de la dette municipale, ce qui a pour effet de limiter, dans bien des cas, la capacité d'emprunt de la municipalité ou encore de la défavoriser sur le marché des obligations. Nombre d'élus municipaux n'ont pas manqué de nous faire part de leur réticence sur ce point. Donc, la venue d'une société d'Etat qui pourrait financer ces pro- jets permettrait de diminuer l'endettement des municipalités.

Deuxièmement, c'est la réalisation des projets intermunicipaux. C'est bien connu que les municipalités tiennent jalousement à leur autonomie et, faute d'une autorité reconnue impartiale, les projets intermunicipaux prennent beaucoup de temps à se réaliser.

Le troisième point que va résoudre l'arrivée d'une société d'Etat, c'est l'inégalité de traitement. Les municipalités qui traitent leurs eaux usées sont actuellement défavorisées par rapport à celles qui ne les traitent pas en raison de cet endettement municipal additionnel. Les principales réticences se font sentir au niveau des responsables de la promotion industrielle.

Le quatrième point que cette société va corriger, c'est l'inaptitude à participer. C'est-à-dire que l'inaptitude d'une municipalité à participer adéquatement au programme d'assainissement compromet la récupération des usages sur les cours d'eau et affaiblit les effets des autres municipalités qui font le traitement. On ne fait pas l'épuration seulement pour épurer, mais pour retrouver les usages. Si des municipalités font du traitement, donc elles font leur devoir, elles prennent leurs responsabilités et si, à côté, il y en a qui ne peuvent pas le faire, en ne le faisant pas, on ne retrouve pas les usages des cours d'eau. Les gestes posés par l'une ne peuvent pas donner tous les avantages, à moins que tous les pollueurs agissent en même temps.

La réalisation d'une société comme celle-là va permettre d'avoir un programme cohérent et permettre l'assainissement total d'un bassin.

Le cinquième point, ce sont les difficultés techniques ou administratives. Dans la plupart des petites municipalités, et dans bon nombre de moyennes municipalités, l'ampleur des travaux, de même que leur nature spécialisée, dépassent souvent les capacités techniques et administratives habituelles des municipalités. C'est normal, ce sont des travaux qu'on ne fait qu'une fois et on n'a pas tous, au niveau des municipalités, la capacité technique d'embarquer dans des projets de cette envergure, d'où l'importance d'avoir cet outil qu'est la société d'Etat pour permettre aux municipalités de l'utiliser et de réaliser leur part de responsabilité.

En conséquence, nous devons répondre de façon positive à toutes les objections soulevées à juste titre dans la plupart des cas, et leur apporter l'assistance requise.

Si nous avons fait de l'assainissement des eaux une priorité nationale, avec la mise en marche du programme d'assainissement des eaux, il est normal que le gouvernement prenne les moyens requis pour la réalisation de ce programme, et que cela se déroule dans des limites de temps raisonnables et à l'intérieur d'un budget contrôlé.

La planification de l'assainissement des eaux relève du ministère de l'Environnement, mais il n'en est pas de même pour les moyens à prendre

pour atteindre ces objectifs qui, eux, incombent aux intervenants directs, c'est-à-dire les municipalités, les industries, les agriculteurs, les villégia-teurs et nécessairement, toutes les personnes qui peuvent être des pollueurs. (12 h 20)

Au niveau local — et j'insiste sur cet aspect — nous tenons à ce que soit respectée l'entière juridiction des municipalités sur l'assainissement de leurs eaux usées, mais nous tenons aussi à leur apporter toute l'aide nécessaire pour ce faire. Aussi, nous proposons de mettre à leur service une société d'Etat chargée spécifiquement de l'assainissement des eaux. L'ampleur du programme implique des dépenses de l'ordre de $4 200 000 000; c'est le coût de la dépollution municipale à l'intérieur d'un coût global de $6 000 000 000 pour toucher les autres types d'épuration, mais uniquement à l'intérieur de la dépollution municipale, c'est un programme de $4 200 000 000. Cela commande à notre gouvernement de créer un tel outil pour mettre à la disposition des municipalités; c'est un outil nécessaire à la réalisation du programme.

En créant cette société, nous espérons, premièrement, pouvoir fournir aux municipalités l'expertise technique et administrative nécessaire à la réalisation de leurs projets municipaux. Deuxièmement, cela va permettre de faciliter le financement des ouvrages municipaux et à un meilleur coût. Troisièmement, cela va maintenir le rythme de réalisation et éviter l'escalade des coûts. Quatrièmement, cela va réaliser des économies d'échelle en faisant profiter chacune des municipalités des bonnes expériences des autres et cela va permettre de réduire ainsi le coût de réalisation. Cinquièmement, cela va favoriser la création d'une industrie québécoise de la dépollution et cela va maximiser les retombées économiques du programme pour tous les Québécois, dans tout le Québec et particulièrement dans les régions et dans les localités. Sixièmement, cela va simplifier la mise en oeuvre et la gestion des projets intermunicipaux. Septièmement, cela va développer une expertise québécoise dans le domaine qui va faire l'envie, je pense, de beaucoup de pays qui commencent déjà à nous demander notre façon de procéder. Huitièmement, garantir la qualité des ouvrages et, par le fait même, le succès du programme d'assainissement.

La société devra donc devenir une corporation au sens du Code civil, elle sera composée d'un conseil d'administration de sept membres nommés par le gouvernement dont deux proviennent du secteur de l'administration municipale. Nous tenons à ce que le monde municipal ne soit pas étranger aux décisions de la société et puisse en tout temps participer à la mise sur pied des politiques administratives de cet outil qui a été conçu pour lui venir en aide. Parmi les autres membres du conseil d'administration, le gouvernement nommera le président de même que le directeur général. La société recrutera ensuite le personnel requis pour son fonctionnement et fixera, avec l'approbation gouvernementale, leur salaire, les avantages et autres conditions.

La société devrait normalement compter sur un personnel permanent peu nombreux, et elle fera appel à l'entreprise privée, aux ingénieurs-conseils, aux entrepreneurs en construction pour l'exécution de ces tâches. La société n'a d'autre raison d'être que la réalisation du programme d'assainissement des eaux. Aussi, son existence n'est prévue que pour une période de dix ans, son mandat se terminera le 31 décembre 1990.

Son rôle. Le rôle de la société consistera essentiellement à concevoir, construire, améliorer, agrandir et mettre en marche les ouvrages de l'assainissement des eaux pour les besoins des municipalités. Elle aura aussi le rôle d'exécuter des études et des travaux de réhabilitation des réseaux d'égouts municipaux existants; finalement, d'exécuter d'autres études en matière d'égouts et d'assainissement des eaux.

Quelles seront les conséquences pour tout le Québec? D'abord, comme je le disais tantôt, les aspects économiques. Il y a trois points que j'aimerais soulever. Premièrement, l'aspect économique. Le coût des travaux de l'épuration des eaux dans tout le Québec se chiffre à environ $6 000 000 000; pour le secteur municipal, c'est $4 200 000 000; pour le secteur industriel, $750 000 000; pour le secteur agricole, $150 000 000; pour le reboisement, $108 000 000 et, au niveau des résidences isolées, $840 000 000, ce qui fait un grand total de $6 000 000 000.

Les effets sur l'industrie. Dans une étude qu'effectue actuellement l'association québécoise des techniques de l'eau, sept agents principaux ont été identifiés comme étant impliqués, et qui sont impliqués, dans l'industrie de l'assainissement de l'eau au niveau des municipalités. Ce sont les services de planification, d'administration, et de gestion de programme, les bureaux d'étude, les bureaux d'ingénieurs, etc., les fournisseurs, les fabricants d'équipement, les opérateurs, les entrepreneurs généraux et spécialisés, les entrepreneurs en réhabilitation et en réparation et entretien. C'est donc dire que beaucoup de développement économique va résulter de cette initiative. Des dépenses qui sont faites au Québec, on peut dire que l'ordre de grandeur serait le suivant: $1 050 000 000 en études techniques, $1 090 000 000 en matériaux, $300 000 000 dans de l'équipement et $1 340 000 000 dans la construction générale.

Maintenant, l'impact sur l'emploi. Le coût des investissements municipaux qu'il reste à effectuer, ainsi que les autres investissements dans le domaine de la dépollution, vont amener une répartition de 100 000 nouveaux emplois dans les prochaines années, dont 66 000 emplois chez les travailleurs de la construction, 16 500 emplois dans le domaine professionnel et technique, 27 500 emplois dans l'administration, employés de bureau, ainsi de suite. Donc, environ 100 000 emplois peuvent être créés par ce travail.

Les bénéfices pour l'économie régionale et locale. Comme les projets prévus au programme seront disséminés sur tout le territoire québécois, il s'ensuivra des bénéfices économiques qui vont stimuler à la fois l'économie locale, régionale et

nationale. En effet, les ouvrages d'assainissement seront construits et exploités en presque totalité par une main-d'oeuvre située sur place. Les consultants des régions seront utilisés et les fournisseurs locaux de biens et services seront également mis à contribution. Les salaires versés et l'activité économique engendrée se répercuteront à leur tour sur les finances locales, le commerce et les services publics locaux, ce qui produira un effet bienfaiteur et revigorant pour les municipalités impliquées dans le programme d'assainissement.

Concernant l'étanchéité des réseaux qui sont entièrement à la charge du gouvernement du Québec, payés à 100%, la société n'assistera la municipalité que si celle-ci lui en fait la demande et que celle-ci a déjà conclu une entente en vue de l'assainissement avec le gouvernement. C'est donc un choix de la municipalité. Théoriquement, il se pourrait qu'aucune municipalité n'utilise la société parce que c'est elle, la municipalité, qui décide de l'utilisation. Mais, pratiquement, la grande majorité des municipalités vont probablement l'utiliser puisque, déjà, au moment où on se parle, plusieurs municipalités ont exprimé le désir de s'en servir.

L'intervention de la société se fait dans le cadre de cette entente d'assainissement et les ouvrages construits, améliorés, de même que les terrains acquis à cette fin, sont remis à cette municipalité à la fin des travaux. Les mêmes conditions d'assistance financière s'appliquent, quelle que soit l'option choisie par la municipalité.

Afin de bien comprendre le fonctionnement de la société, j'explique maintenant la démarche retenue pour mettre à exécution un projet type d'épuration. Premièrement, suite aux représentations des citoyens, appuyés par la municipalité, et après évaluation par le ministère de l'Environnement, la municipalité X est inscrite au programme d'assainissement et cette programmation sera approuvée par le Conseil des ministres. Deuxièmement, les spécialistes du ministère de l'Environnement vont identifier à ce moment-là dans cette municipalité les sources de contamination, évaluer avec la population les usages qu'on veut récupérer: d'eau potable, de baignade, de récréation, de pêche, ainsi de suite, et élaborer un avant-projet. Troisièmement, pendant ce temps, le ministère de l'Environnement a demandé à la société d'étudier le réseau d'égouts que le gouvernement paie à 100%. Quatrièmement, le ministre va signer une convention avec la municipalité, spécifiant les travaux requis, l'estimation et le partage des coûts. Cinquièmement, après avoir signé la convention avec le ministère de l'Environnement, la municipalité — à ce moment-là seulement — fixe son choix, si elle fait les travaux elle-même et qu'elle reste maître d'oeuvre ou si elle préfère les donner à la société d'Etat. Si elle recourt aux services de la société d'Etat, c'est là qu'elle le décide. Sixièmement, dans le cas où elle recourt à la société d'Etat, à la suite d'une décision du conseil municipal, la société entreprend la réalisation de l'entente intervenue entre la municipalité et le gouvernement, conformément aux modalités convenues par le gouvernement et les élus municipaux. (12 h 30)

Septièmement, la société embauche alors des ingénieurs-conseils pour préparer les plans et devis et lance des appels d'offre. Elle attribue par la suite les contrats aux entrepreneurs et elle surveille les travaux. Les ouvrages d'assainissement sont mis en service et rodés par la société, en collaboration avec le personnel de la municipalité. La société, par la suite, effectue les emprunts nécessaires et paie les consultants et les entrepreneurs après.

Huitièmement, une fois terminés les ouvrages, ces ouvrages sont officiellement remis à la municipalité qui en devient propriétaire.

Neuvièmement, le gouvernement et la municipalité versent chaque année à la société leur quote-part du service de la dette.

Cette description, forcément sommaire, ne comprend pas toutes les modalités qui pourraient intervenir entre la société, une municipalité ou un groupe de municipalités de même que le gouvernement, mais elle illustre un scénario classique.

Concernant le financement, il m'apparaît important d'expliquer le financement d'une telle société pour exécuter son mandat et réaliser les ouvrages qui lui sont dévolus. La société se financera en contractant des emprunts sur les marchés financiers. Le gouvernement lui versera les crédits nécessaires au remboursement du service de la dette de ces emprunts et les municipalités fourniront leur quote-part du service de la dette selon la formule d'assistance financière prévue. On prévoit que la quote-part municipale se situera entre 10%, quand le Québec paie 90%, et 33 1/3%, ce qui fait une moyenne, selon l'expérience actuelle, de 15% du coût des travaux. On comprend facilement qu'en regroupant plusieurs emprunts et en agissant avec une garantie gouvernementale, la société pourra avoir accès à des marchés élargis et, sans aucun doute, bénéficiera d'un meilleur taux que la plupart des municipalités, ce qui se traduira par des coûts moindres pour toutes les parties.

L'organisation. Afin de bien situer le rôle de chacun, il faut comprendre dès maintenant que la société ne remplacera ni le génie-conseil ni les entrepreneurs. Bien au contraire. Nous entendons favoriser les uns et les autres. Nous ne pouvons agir différemment que tout autre maître d'oeuvre. Il ne serait pas avantageux que la société se substitue aux spécialistes, aux ingénieurs, aux techniciens, aux entrepreneurs québécois, alors que sa durée est limitée par la loi à dix ans. Tout au plus peut-on prévoir un personnel administratif et d'encadrement technique d'une cinquantaine de personnes. Je retiens comme principe l'option d'un organisme léger — par opposition à un gros monstre — qui recourra aux entreprises privées spécialisées pour réaliser une partie importante de son mandat, soit l'étude des réseaux, l'indentifi-cation des correctifs à apporter, la réfection des réseaux comprenant plans et devis, les appels

d'offre, l'attribution de contrats, la surveillance de travaux, etc. et la confection des plans et des cahiers de charge.

Les projets de recherche ou d'études techniques reliés à certains points particuliers. Sans présumer de l'organigramme détaillé de la société, on peut s'attendre à retrouver deux groupes, soit le service technique et le service administratif, le service technique, le plus important, pouvant être divisé en gestion de projets et en planification des travaux et le service administratif comprenant les services des contrats, les services financiers et les services auxiliaires.

Enfin, la société fera rapport annuellement de ses activités au ministre de l'Environnement et le ministre peut exiger tout renseignement qu'il juge nécessaire. Ce rapport annuel sera déposé à l'Assemblée nationale. De même, le plan de développement de la société devra être approuvé par le gouvernement. Ses livres et comptes seront vérifiés par le Vérificateur général, de sorte que le gouvernement pourra exercer un contrôle sur les activités de la société.

Plusieurs consultations et rencontres se sont déroulées entre mon ministère et les organismes intéressés par ce projet de loi, comme l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté, l'Association québécoise des techniques de l'eau et d'autres. A la suite de cette consultation, des amendements au projet de loi seront déposés lors de l'étude article par article. J'ai aussi demandé à ces organismes de me présenter leur mémoire lors de la commission parlementaire qui précédera l'étude article par article du projet de loi, au début de la semaine prochaine. Le bilan de notre action à la tête de ce nouveau ministère indique donc — vous en conviendrez — une volonté d'agir en vue de protéger l'environnement québécois comme jamais nous l'avons connue. Les protocoles d'entente avec les municipalités se concluent à un rythme qui dépasse désormais nos espérances.

Il n'en demeure pas moins un certain vouloir administratif de mettre en route ces travaux. La formule mise au point permettrait, nous l'espérons, d'éliminer les contraintes techniques, administratives et financières que nous avons connues à ce jour.

La nécessité d'un tel outil nous est imposée par le retard considérable que le Québec accuse au chapitre de l'assainissement des eaux usées. On n'a qu'à penser à des rivières comme la Yamaska, la Chaudière, L'Assomption et d'autres, la rivière du Nord.

Une Voix: La rivière des Mille Iles.

M. Léger: La Société québécoise d'assainissement des eaux sera donc un outil de plus pour aider les municipalités à réaliser l'assainissement de leurs cours d'eau et favoriser le développement d'une expertise québécoise dans l'assainissement des eaux. Je suis assuré que, dans les années à venir, tous les Québécois seront fiers des réalisations de cette société d'Etat qui leur appartiendra.

Voilà donc, Mme la Présidente, les raisons qui ont motivé la présentation de ce projet de loi qui s'inscrit dans la poursuite des objectifs que s'est donnés le ministère de l'Environnement. Cette société sera un moyen de parvenir plus rapidement, plus sûrement, plus intégralement à donner au Québec une société où il fera bon vivre et où il y aura une qualité des milieux de vie parce qu'on aura assaini tous les cours d'eau du Québec.

La Vice-Présidente: M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Mme la Présidente, nous sommes appelés aujourd'hui à étudier le projet de loi no 92 créant la Société québécoise d'assainissement des eaux. Lorsque je vois le ministre, volubile comme il est, présenter des projets de loi depuis le début de ce Parlement, c'est-à-dire depuis 1976, j'ai l'impression que chaque fois qu'il présente un projet de loi, dans ce projet de loi tout semble vouloir être réglé. Je ne parle pas des problèmes, mais tout semble vouloir être à l'intérieur d'un même projet de loi comportant toutes les solutions, les épreuves techniques nécessaires pour que, dans l'avenir, on puisse régler les problèmes auxquels nous avons à faire face. Lorsque le ministre nous présente un autre projet de loi, il nous donne drôlement l'impression qu'il aime, à ce moment-là, trouvant qu'on ne parle peut-être pas assez de l'environnement, créer autre chose pour tâcher d'améliorer le processus.

Cela m'amène à penser ceci. D'abord, on sait que — n'en déplaise au ministre si je fais un court rappel historique — la protection de l'environnement est une volonté politique et qu'il faut bien l'assurer. Le ministre a eu l'occasion, d'ailleurs, dans le passé et surtout au départ de son prédécesseur, un de nos bons collègues, le docteur Goldbloom, l'ex-député de D'Arcy McGee, de souligner ce que les Services de protection de l'environnement, qui avaient été mis sur pied par le gouvernement auquel appartenait le docteur Goldbloom, avaient fait en peu de temps avec les moyens qu'ils avaient. On sait que le souci de l'environnement au Québec en particulier — et je dois dire que c'est un phénomène passablement étendu en Amérique du Nord — ne date pas de plusieurs années. Je pense que cela fait tout au plus une dizaine d'années que les citoyens sont préoccupés par cette protection de l'environnement. Le ministre avait reconnu d'emblée que les Services de protection de l'environnement mis sur pied par son prédécesseur avaient fait du travail, passablement de besogne.

C'est à cette occasion, après avoir dit en cette Chambre durant deux ans et demi, qu'on créerait... Souvenez-vous que chaque année on a annoncé — cela va plus que chaque année, à chaque début de session — la création du ministère de l'Environnement. Cela a pris deux ans et demi. Je me rappelle que, lorsque nous avons étudié la loi créant le ministère de l'Environne-

ment, le ministre a dit: Nous nous donnons un outil entre les mains qui va nous permettre, sinon de régler tous les problèmes parce qu'on sait — même, on l'a vu lors d'une période des questions ce matin — que le ministre a dit que le problème, par exemple, de l'eau potable dans certaines municipalités où l'eau est contaminée ne peut pas se régler en huit ou dix jours; ça peut prendre un an, deux ans, trois ans. Je pense que tout le monde accepte d'emblée que ça ne se corrige pas rapidement, mais le ministre nous disait qu'il avait l'outil nécessaire avec la création du ministère de l'Environnement pour contrôler et apporter des solutions à peu près à tous les problèmes. •

Pas longtemps après, M. le Président, nous assistons à cette étude aujourd'hui et ce que le ministre vient de nous dire en ce qui concerne l'assainissement des eaux nous laisse prévoir que le ministère de l'Environnement, qu'il a créé il y a quelques mois — ça ne fait pas un an — ne s'est pas donné les outils nécessaires pour voir à l'assainissement des eaux au Québec.

Là, il arrive... on sait que le ministre de l'Environnement est volubile, il aime annoncer de gros projets, des projets de milliards, des milliards d'investissements. Pour la troisième ou quatrième fois, les mêmes milliards sont annoncés, ce qui fait que, à force de le répéter, les gens pourront croire qu'il peut y avoir trois, quatre ou cinq milliards et des centaines de milliers d'emplois, comme ce fut mentionné ce matin. Vous savez d'ailleurs que, nous, nous avons connu ça 100 000 emplois. Ça ne peut pas nous impressionner quand c'est lancé comme ça en Chambre. Ça fait déjà une couple de fois que le ministre annonce ces choses et nous dit: Là, c'est la création, de par la loi no 92, de la Société québécoise d'assainissement des eaux qui va nous permettre de dépenser ces milliards et de créer ces emplois.

On est appelé, Mme la Présidente — ça va être le sens de mon intervention — ce matin, avec la création de cette société, à presque accepter deux principes: quant au principe de l'assainissement des eaux, on n'a pas besoin de faire un tour de table très long à cette Assemblée nationale... Si on demandait l'impression de chacun des députés, si on demandait l'impression de chacune des municipalités du Québec, si on demandait l'impression de chacun des citoyens du Québec, je pense que le principe de l'assainissement des eaux, surtout quand il est question du cas qui a été rapporté ce matin en Chambre et sur lequel j'ai posé des questions additionnelles au ministre... Concernant le cas de Farnham, par exemple, il y a 10 000 citoyens qui se verront privés d'eau potable pendant des dizaines de jours et qui ne savent évidemment pas quand le problème sera réglé. En 1980, ils sont obligés de faire cinq, dix ou quinze milles pour aller chercher, avec des contenants, de l'eau potable.

Je pense bien que personne n'est contre le principe de l'assainissement des eaux, tout le monde est en faveur. C'est comme la vertu, tout le monde est en faveur de la vertu et contre le vice, mais je pense qu'il est question de la pratiquer maintenant.

A l'intérieur de ce projet, en plus d'arriver avec le principe de l'assainissement des eaux — beau principe avec lequel tout le monde est d'accord — on arrive aussi avec le principe de créer une autre société au Québec et on nous donne l'impression que le ministre, en nous faisant adopter sa loi sur l'environnement, n'a pas été assez prévoyant pour se donner tous les outils nécessaires pour être capable, avec ce ministère de l'Environnement, de venir à bout de l'assainissement des eaux usées et des égouts au Québec. C'est l'impression qu'on a ce matin.

Moi, c'est ce deuxième principe qui m'intéresse davantage. Mme la Présidente, vous regarderez cela; le beau temps commence, l'été est à nos portes, le 21 juin, vous remarquerez les dizaines d'avis que le ministère de l'Environnement va expédier. On voit cela dans plusieurs municipalités au Québec, j'en ai dans mon comté, il y en a dans le comté du député de Saint-Hyacinthe; il n'y a pas seulement de belles réalisations, il y a aussi des avis qui sont donnés aux municipalités dans le comté de Saint-Hyacinthe, demandant aux citoyens de faire bouillir leur eau, demandant aux citoyens de ne pas utiliser tel lac ou telle rivière pour se baigner parce que les eaux sont contaminées. Sur ce principe, tout le monde est d'accord, tout le monde veut l'améliorer.

Cependant, le principe de la création de la société, une société nationale, c'est un petit peu cela et le ministre ne m'a pas convaincu ce matin qu'il faille que j'accepte ce projet de loi et que je recommande à mes collègues de voter favorablement. Je ne dis pas que nous ne le ferons pas, mais j'aimerais que dans sa réplique le ministre puisse nous en faire part. J'aimerais que le ministre de l'Environnement nous dise dans sa réplique, avec tout ce qu'il nous a donné comme principes généraux sur la création de la société, quels seraient les objectifs et ce qu'elle ferait, les pouvoirs qu'elle aurait. J'aimerais que le ministre, dans sa réplique, me dise que le ministère de l'Environnement n'est pas capable de faire tout cela, que le ministère de l'Environnement ne peut pas se permettre d'agir de la même façon. J'ai une drôle d'impression; je ne suis pas certain qu'on aurait besoin de créer une société pour arriver au même but, d'autant plus que le ministre de l'Environnement vient de décentraliser ses services. Dans une dizaine de régions du Québec, on a permis la création de bureaux régionaux pour donner un meilleur service.

Je dois dire, à l'avantage du ministre, que jusqu'à maintenant il semblerait que le service va être de beaucoup amélioré du côté des agriculteurs pour les demandes de permis de porcherie, demandes de permis d'élevage quelconque pour la classe agricole. Il est vrai qu'en régionalisant ces services cela nous permet d'avoir un meilleur service. Je me demande si le ministère de l'Environnement, après avoir régionalisé ses services et créé dix bureaux régionaux, n'est pas capable, sans créer une société, d'agir de la même façon

que la société va agir. Depuis le 15 novembre 1976, Mme la Présidente... Cela va peut-être vous surprendre parce que vous, à titre de vice-présidente de l'Assemblée nationale, quoique je sache que vous êtes fortement préoccupée par les problèmes des citoyens de votre comté, vous l'êtes aussi par la bonne marche de cette Assemblée au point de vue parlementaire; cela vous oblige à consacrer bon nombre d'heures à regarder ce qui s'est fait dans le passé pour voir à ce que tout se déroule bien au domaine parlementaire. Vous n'avez peut-être pas eu le temps, Mme la Présidente, d'analyser combien de sociétés d'Etat, de commissions et autres organismes gouvernementaux ont été créés depuis 1976, depuis le 15 novembre. Je vais vous dire qu'après avoir regardé cela rapidement, en espérant ne pas en avoir oublié, je suis certain que je n'en ai pas mis de trop — il y a 36 sociétés d'Etat, régies — on a parlé justement ce matin à la période des questions de la Régie de l'assurance automobile, dont on commence à connaître les bienfaits avec les augmentations effarantes que les citoyens auront à subir au mois d'octobre. Probablement que cela va entrer en vigueur une quinzaine de jours ou trois semaines après les élections générales au Québec; le citoyen n'aura pas le temps de s'apercevoir qu'il va payer $20, $25 ou $30 de plus pour son assurance automobile alors qu'on avait prévenu cela. C'est une régie d'Etat qui a été créée par ce gouvernement, qui est parmi les 36 régies, commissions, sociétés ou organismes d'Etat qui ont été créés.

Que se passe-t-il, à ce moment, quand on crée des régies d'Etat? On ne peut pas analyser tellement à court terme les nombreuses difficultés que cela crée. C'est sûr, on vous l'a dit. A court terme, cela allait bien, il n'y avait pas de problème; quand on a créé la Régie de l'assurance automobile, cela a été un faible taux. Les gens disaient: On épargne $12, $15. Trois ans après, on va leur donner une augmentation de $25, $30, ou $40. On dit: II faudrait que les Québécois arrêtent de faire des accidents pour tâcher que cela arrête de faire augmenter les prix. On ne dit pas qu'il faudrait que le gouvernement mette plus d'emphase sur l'amélioration de son réseau routier. On ne dit pas que le gouvernement devrait faire ce que le député de Saint-Hyacinthe lui a suggéré ce matin, non d'abandonner les subventions aux municipalités du côté du réseau routier pour l'améliorer, mais surtout d'en mettre davantage pour tâcher d'éliminer les accidents. C'est cela une régie d'Etat. Au bout de trois ou quatre ans, on se rend compte qu'elle est en déficit, que le gouvernement est obligé de combler le déficit, et, dans le cas de la Régie de l'assurance automobile, de l'imposer aux citoyens. (12 h 50)

On en a créé 36. Cette prolifération d'organismes d'Etat alourdit l'appareil gouvernemental, complique son fonctionnement et l'imperméabilise de plus en plus face aux demandes des citoyens. De plus en plus et davantage au fur et à mesure que s'accumulent de telles branches administrati- ves, le citoyen est coupé de ses représentants élus, et ces derniers perdent progressivement le contrôle des objets pour lesquels ils ont été élus. C'est cela, on crée des sociétés d'Etat, des commissions, des organismes, des régies et après cela allez savoir quand on pourrait avoir des détails là-dessus. Le ministre l'a dit: II y a eu de nombreuses consultations jusqu'à maintenant pour pouvoir créer cette société d'Etat.

Il y a un autre point que j'aimerais souligner au ministre. On nous dit même... Ce gouvernement, la transparence de ce gouvernement se reflète d'une drôle de façon. Dans le temps de l'ancien gouvernement, après un projet de loi semblable, après l'étude en première lecture, après avoir adopté le principe en première lecture, on déférait ce projet à une commission parlementaire et on étudiait les mémoires. On invitait les organismes à venir nous présenter des mémoires, à nous, les élus du peuple, pour voir à ce que cette chose soit bien acceptée et pour voir à l'améliorer. L'Union des municipalités, les conseils de comté pouvaient venir sur place et dire aux élus du peuple: Avant d'adopter et de discuter en deuxième lecture les modalités de votre projet de loi, vous feriez mieux de regarder tel point litigieux, où il pourrait y avoir une amélioration très sensible.

Ce gouvernement, dans sa grande transparence, c'est-à-dire en essayant de démontrer qu'il est transparent, mais en éliminant à peu près tout ce qui peut faire qu'on a vraiment une transparence gouvernementale, nous dit: On passe à la deuxième lecture et, après la deuxième lecture, on va étudier, en même temps qu'article par article les mémoires que deux ou trois organismes ont à nous présenter. Le ministre nous dit que ce sont deux ou trois organismes, mais il y en a peut-être vingt ou vingt-cinq qui seraient intéressés à faire des représentations si on les invitait publiquement à venir le faire. De plus, ce que le ministre ne dit pas, c'est que quand on arrivera en commission parlementaire, ça ne sera pas d'égal à égal au Parlement, il y aura deux classes de députés, c'est-à-dire que le ministre aura déjà un de ses spécialistes, mémoires en main, qu'il aura pu regarder, qu'il aura pu utiliser, qu'il aura pu lire et qui nous dira: On présentera des amendements sur le coin de la table et l'Opposition officielle et l'Union Nationale prendront connaissance en même temps desdits mémoires et verront à s'ajuster entre cela.

J'aimerais bien que le ministre nous fasse parvenir ces mémoires, s'il y en a, ou qu'il nous fasse part des discussions qu'il a eues. C'est assez difficile de donner une bénédiction là-dessus sans avoir au préalable regardé cela de façon plus attentive. C'est cela, des créations de sociétés québécoises; après que c'est créé, savez-vous quels sont les effets? Même quand on arrive à l'étude des crédits du ministère de l'Environnement, si c'est le ministère qui garde cela en main, qu'est-ce qu'on peut faire? Nous allons au ministère et nous posons des questions sur l'administration; on n'a pas toujours des réponses à notre goût, mais on a des semblants de réponse de temps en temps et,

au moins, on peut se permettre de poser des questions. Quand c'est une société d'Etat, vous savez tout le tralala qu'il faut faire ici, à l'Assemblée nationale, pour exiger que cette société d'Etat soit entendue en commission parlementaire et pour qu'on puisse lui poser des questions.

Là, l'élu du peuple accepte de créer ces sociétés d'Etat et après, il n'en a plus le contrôle. Cela reste quasiment la propriété jalouse, la chasse gardée du Conseil des ministres. On le dit: Le Conseil des ministres va nommer des représentants et le Conseil des ministres ne donnera que certaines bribes d'information qu'il voudra bien donner; s'il le juge important et s'il juge que ça vaut la peine d'être entendu par les élus, il acceptera occasionnellement, une fois de temps en temps, comme c'est le cas pour toutes les autres sociétés, de faire entendre cette société en commission parlementaire, devant tous les élus du peuple. C'est ce principe qu'il nous est difficile d'accepter, ce n'est pas le principe de l'assainissement des eaux, évidemment, non pas non plus certains objectifs du projet de loi. L'assainissement des eaux, d'accord, tout le monde va accepter d'emblée que même le ministère mette de l'emphase là-dessus.

En terminant, je vous dis ceci: J'aimerais que, dans sa réplique, pour me permettre ou me convaincre, moi, le représentant de l'Opposition officielle, d'accepter de voter en faveur de ce projet de loi, non pas sur le principe de l'assainissement des eaux, mais sur le principe de la création de la société québécoise, le ministre puisse me dire que tout ce qu'il nous a mentionné, ce que la société se permettrait de faire: l'endettement de certaines municipalités, l'inégalité de traitement, l'inaptitude à participer, un programme plus cohérent que la société nationale pourra faire pour orienter, les capacités techniques, également du côté du financement... On sait que la société sera financée — il n'y a rien de nouveau là-dedans, c'est bien sûr et certain — par des emprunts qu'elle pourra contracter. Le gouvernement peut le faire dans n'importe quelle circonstance. Comme gouvernement, il peut contracter des emprunts pour se financer et financer, s'il a besoin de milliards, davantage le ministère de l'Environnement. On n'a pas besoin d'avoir une société d'Etat pour cela, le gouvernement peut emprunter lui aussi.

Le gouvernement dit: On va donner de l'argent à cette société d'Etat, une quote-part. Le gouvernement, évidemment, peut le faire à même son ministère de l'Environnement qui existe déjà; il a déjà d'ailleurs ce pouvoir. Il dit: A même les municipalités, entre 10% et 33%, ce qui fait environ 15%, la partie de la municipalité pour participer à ces projets. Encore là, la municipalité peut faire exactement la même chose avec le ministère de l'Environnement.

En ce qui concerne les groupes services techniques et services administratifs, il y a déjà, au ministère de l'Environnement, un service administratif; il y a déjà ou il peut y avoir un service technique. Que le ministre, dans sa réplique, me dise les raisons pour lesquelles je devrais voter oui non pas à l'assainissement des eaux, c'est acquis, mais à la création d'une société québécoise, une société nationale d'assainissement des eaux. Qu'il me dise que tous les points qu'il a voulu apporter tantôt, que cette société ferait, ne sont pas faisables par son ministère même et, à ce moment-là, possiblement que je recommanderai à mes collègues de voter oui.

Entre-temps, si le ministre n'est pas capable de me dire que tout cela est possible à l'intérieur même du ministère de l'Environnement, je me verrai obligé, parce que l'élu du peuple n'a plus de contrôle sur les sociétés d'Etat, l'élu du peuple ne peut questionner qu'une fois tous les quatre, cinq ou dix ans ces sociétés et dire: Oui, oui, on comble le déficit... Quand cela arrive, on dit: II y a $10 000 000 de déficit et le Parlement vote $10 000 000 pour cette société. Je ne veux plus avoir, comme citoyen et comme élu du peuple, seulement à dire: Oui, oui, on comble les déficits et envoyez, on vous remet nos responsabilités entre les mains.

Je veux que le Parlement et l'élu du peuple gardent leurs propres responsabilités en face de la situation pour qu'on n'ait pas à se défiler et dire: C'est la faute de la société d'Etat. Quand il y a augmentation des tarifs d'électricité d'Hydro-Qué-bec, on dit: Hydro-Québec, ce n'est pas nous comme tels. C'est ce qu'on dit. Avec la société d'Etat, on dit: Cela marche comme cela. Qu'est-ce que vous voulez? C'est une société paragouvernementale et on ne peut pas aller s'immiscer là-dedans. On veut lui laisser tout simplement la plus grande latitude. J'aimerais que, plutôt que d'abdiquer nos responsabilités de représentants du peuple, d'élus du peuple, le ministre me convainque que ce n'est pas possible à faire à l'intérieur du ministère de l'Environnement. A ce moment-là, j'accepterai peut-être de voter oui en deuxième lecture à ce projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Mme la Présidente, étant donné qu'il est près de 13 heures et que, normalement, nous devons ajourner nos travaux à 13 heures, je demande s'il y aurait possibilité d'avoir le consentement unanime de l'Assemblée afin de continuer les travaux. On pourrait peut-être aller jusqu'à 13 h 30, je ne sais pas, avec la réplique du ministre, étant donné que le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Scowen, devrait parler cinq minutes. Je n'ai aucune objection à continuer les travaux. Pour ma part, nous donnons notre consentement.

M. Léger: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. M. le député de Saint-Hyacinthe. (13 heures)

M. Cordeau: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole sur le projet de loi 92, Loi sur la société québécoise d'assainissement des eaux. Vous savez que je suis très intéressé à tout ce qui se passe en matière d'environnement, d'autant plus que je représente un comté qui vit une très grande instabilité sur le plan écologique, notamment en ce qui concerne la pollution de la rivière Yamaska. Il me sera donné, Mme la Présidente, de revenir tantôt sur certains problèmes cruciaux auxquels ont à faire face les citoyens habitant les rives de cette rivière qui passera certainement à l'histoire.

Vous savez comme moi, Mme la Présidente, qu'on pourra mettre en place toutes sortes de plans de dépollution, mais si les gens qui composent notre société ne sont pas sensibilisés à leur environnement, à leur écologie, bref au milieu ambiant, ce sera peine perdue de tenter de remettre nos lacs et rivières en bonne santé, de redonner à notre air sa pureté d'antan et à notre sol sa richesse première.

Mme la Présidente, en tant que porte-parole de mon parti en matière d'environnement, j'ai toujours préconisé qu'un travail énorme soit fait au niveau de la population concernant l'éducation. J'ai répété à plusieurs occasions en cette Chambre que, pour arriver un jour à un environnement sain, il est tout à fait primordial d'accorder une grande importance à l'éducation de la population, car l'éducation est un investissement pour l'avenir, un placement sûr dont on ne peut se passer. C'est justement pour cette raison que nous, de l'Union Nationale, préconisons, en matière d'environnement, l'éducation de la population puisque ce sont des mentalités que nous avons à changer et je dirais même qu'une certaine indiscipline caractérise les Québécois et Québécoises relativement à l'environnement. En certains milieux, on peut même constater une totale indifférence.

Mais, quoi qu'il en soit, Mme la Présidente, puisque le projet de loi no 92 a pour objet principal l'assainissement des eaux, cela me permet d'ouvrir une parenthèse pour souligner en cette Chambre la motion que j'avais présentée le 26 mars dernier et adoptée par cette Assemblée, cette motion relative à l'accélération du programme gouvernemental d'épuration des eaux et ce, dans le but de faire bénéficier le plus rapidement possible tous les citoyens du Québec d'une eau potable de bonne qualité et en quantité suffisante.

Ici, permettez-moi, Mme la Présidente, de remercier le ministre, car je crois qu'il a entendu d'une bonne oreille la demande que je lui faisais en date du 26 mars dernier. Il y a quelques semaines, il est venu à Saint-Hyacinthe et un protocole d'entente a été signé entre les villes de Saint-Hyacinthe et Acton Vale ainsi que les autorités du village de Sainte-Rosalie. Alors, ces municipalités ont déjà commencé à faire ce qu'elles doivent faire pour le traitement de leurs eaux usées.

Je pense que tous ceux qui ont, un jour ou l'autre, été privés d'eau potable savent qu'il est urgent de procéder rapidement. Vous savez, Mme la Présidente, qu'au Québec, nous sommes dotés de lacs et rivières en quantité innombrable. Donc, nous sommes en droit de nous attendre à jouir d'une eau de qualité supérieure. Pourtant, il est tout à fait aberrant de constater que 90% de l'eau embouteillée vendue au Canada est consommée au Québec. La première fois que j'ai lu cela, les cheveux m'ont presque dressé sur la tête. C'est un peu comme si les Esquimaux achetaient 90% des cubes de glace vendus sur le marché.

Je pense que le principe de la création de la Société d'assainissement des eaux ne peut être mis en doute; cependant, certaines modalités, quant à elles, peuvent être mises en doute. En effet, M. le Président, le principe de la loi 92 est fort louable et répond à un besoin évident pour la population du Québec et des municipalités.

Par contre, lorsque l'on regarde ce projet de loi de plus près, on peut s'apercevoir qu'il y a peut-être là des questions à se poser et à poser au ministre concernant l'autonomie des municipalités. En effet, à l'article 23 de ce projet de loi, on fait mention que le ministre est investi des pouvoirs que lui confère l'article 113 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui se lit comme suit: "Lorsque quiconque refuse ou néglige de faire une chose qui lui a été ordonnée en vertu de la présente loi, le ministre peut faire exécuter la chose aux frais du contrevenant et en recouvrer le coût de ce dernier avec intérêts et frais de la même manière que pour toute dette due au gouvernement." Dans ce projet de loi, lorsqu'on fait allusion à une municipalité, c'est le deuxième mot, "quiconque".

Alors, le ministre aura l'occasion — nous lui en donnerons le temps — en commission parlementaire, de répondre à cette observation, car, en ce qui regarde les municipalités, elles sont tout à fait jalouses de leur autonomie et certainement qu'elles ne voudraient pas se voir imposer par cette nouvelle régie des travaux peut-être un peu trop dispendieux pour les moyens financiers de leurs commettants. Vous savez sans aucun doute — je l'ai mentionné ce matin — que la réforme de la fiscalité municipale a certainement apporté des remèdes financiers aux problèmes de plusieurs municipalités, mais, par contre, plusieurs d'entre elles ont déjà occupé tout le champ laissé vacant par les commissions scolaires.

Mme la Présidente, vous savez que le projet de loi 57 a, en quelque sorte, confirmé de façon formelle ce principe que nos élus municipaux tiennent jalousement à conserver, soit leur autonomie. Il est pourtant curieux de noter qu'après tant d'années de discussions de toutes sortes entre les municipalités et le gouvernement pour en arriver à élargir l'autonomie des municipalités, un ministre vienne porter atteinte au principe de l'autonomie municipale par l'article 23 de ce projet de loi. Je me' demande, Mme la Présidente, quel genre de discussion le ministre de l'Environnement a eu avec son collègue des Affaires municipales. Je ne peux comprendre que le ministre des Affaires municipales qui a mis tant d'énergie à

élargir l'autonomie des municipalités ait accepté ces dispositions sans rien dire. Mme la Présidente, dans ce gouvernement, on donne d'une main et on retire de l'autre.

En plus de cela, il faut également s'interroger sur la capacité de payer des municipalités. Les municipalités ont profité de la manne passagère que la réforme fiscale leur a apportée, mais combien de temps cela durera-t-il? Une étude de l'Union des municipalités du Québec nous démontre que dès 1981 plusieurs municipalités auront occupé le champ d'impôt laissé vacant par les commissions scolaires et c'est pour cela qu'il devient dangereux pour les municipalités qu'un article de loi permette au ministre de l'Environnement de passer par-dessus la tête des autorités municipales. On sait, Mme la Présidente, quelle sorte d'ingérence cela pourrait donner. J'aurais aimé également qu'on entende l'Union des municipalités du Québec et l'Union des conseils de comté avant le début de la deuxième lecture, car il me semble qu'il aurait été plus logique que l'on procède ainsi.

Le présent projet de loi a pour objet de constituer la Société québécoise d'assainissement des eaux. Cette société aura d'abord pour objet de concevoir, construire, améliorer, agrandir et mettre en marché des ouvrages d'assainissement des eaux pour les besoins des municipalités et d'exécuter des travaux de réfection des réseaux d'égouts municipaux; deuxièmement, d'exécuter des études de réfection des réseaux d'égouts municipaux et d'autres études concernant les égouts municipaux et l'assainissement des eaux usées des municipalités. Les objets précités sont louables et les moyens proposés sont acceptables. Nous ne pouvons nous y opposer. Cependant, les municipalités ne sont pas les seules à polluer nos lacs et nos cours d'eau. (13 h 10)

A début de mes remarques, Mme la Présidente, je vous ai prévenue que je vous reparlerais de la rivière Yamaska et j'y arrive. Pas plus tard que le 4 juin dernier, je recevais un télégramme des citoyens de Farnham qui se lit comme suit. Ce télégramme m'a été envoyé par le Front de dépollution de la Yamaska, secteur Farnham: "Demande appui auprès du ministre de l'Environnement pour modification des lois sur l'épandage du purin près des cours d'eau pour rendre plus sévère la Loi sur la production animale concernant l'environnement". Et ils posaient des questions.

Etant donné que, ce matin, le député d'Iberville a profité de la période des questions pour demander au ministre certains éclaircissements et que ce dernier a répondu à ses questions, ainsi qu'à celles du député de Maskinongé et de moi-même, point n'est besoin de revenir sur le sujet.

Cela nous amène à constater, malheureusement, que les municipalités et les industries ne sont pas les seuls agents pollueurs, mais que l'agriculteur et en particulier certains éleveurs de porcs sont tout autant responsables de cette pollution. C'est avec satisfaction que l'on peut dire que la très grande majorité de nos agriculteurs respectent les normes de l'environnement. Par contre, trop souvent hélas, certains agriculteurs, sans hésitation, déversent dans les cours d'eau leur surplus de purin, faute de moyen d'en disposer autrement. C'est triste à dire, mais devant la réalité, rien ne nous sert de ne pas l'admettre. Il y a là un problème majeur et crucial, et c'est \a responsabilité du gouvernement de venir en aide aux chercheurs afin d'éliminer à la source, c'est-à-dire à la ferme même, ces surplus de purin.

Si nous avons un surplus de purin, c'est parce que la terre ne peut absorber de si grandes quantités. Je dois déplorer ici le manque de contrôle du gouvernement en ce qui regarde l'émission des permis concernant l'élevage porcin. Est-il besoin de se rappeler qu'un cultivateur qui désire obtenir du ministère de l'Environnement un permis concernant la production porcine doit démontrer qu'il possède assez de terre pour l'épandage de son purin ou obtenir l'autorisation d'autres cultivateurs d'épandre du purin sur leur ferme? Sans blâmer qui que ce soit, on constate malheureusement que, dans des régions bien organisées, il y a beaucoup trop de porcs pour la grandeur de sol arable. Trop de porcs, trop de purin. Imaginez-vous où vont ces surplus: directement dans les cours d'eau.

Afin de remédier à ce problème, je demande au ministre de l'Environnement, principal responsable de l'assainissement des cours d'eau, de prendre immédiatement les mesures nécessaires afin qu'il y ait un meilleur contrôle sur l'émission des permis concernant l'élevage porcin sans, toutefois, pénaliser ceux qui ont déjà obtenu des permis et qui se conforment aux normes de l'Environnement. Mme la Présidente, H est d'une extrême urgence d'agir en ce sens, car, autrement, tous les gestes que posera la nouvelle société québécoise d'assainissement des eaux, qui verra le jour par l'adoption de ce projet de loi, seront vains et les millions de dollars que le gouvernement, les municipalités, les industries et les cultivateurs respectueux de leur environnement auront dépensés ne serviront à rien.

Mme la Présidente, lors de l'étude en commission parlementaire, article par article, j'espère que le ministre apportera certains amendements et qu'ainsi la nouvelle société québécoise d'assainissement des eaux pourra évoluer allègrement pour le plus grand bien-être des Québécois et Québécoises.

En terminant, j'invite tous les citoyens et citoyennes du Québec à respecter davantage leur environnement, car ils seront les premiers à bénéficier le plus rapidement possible d'une eau potable et de bonne qualité.

Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Dans sa considération de ce projet de loi. le ministre a proposé une meilleure

coordination entre les municipalités et le gouvernement du Québec. En soi, c'est bien. Mais il existe un autre aspect du problème de la coordination des municipalités et des autres gouvernements que je veux soulever et porter à l'attention du ministre, et je lui demande, dans sa réplique, s'il est possible de me donner son impression ou son opinion là-dessus. Il porte sur la question de la coopération entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. A titre d'exemple, je pense que c'est un exemple concret auquel il peut donner une réponse parce que c'est un exemple qui touche directement la question de l'assainissement des eaux et de la responsabilité pour ce problème.

Dans les Cantons de l'Est, en 1978, le Canadian Pacific Railway a reconstruit 40 milles de lignes de chemin de fer avec un ballast d'amiante. Maintenant, depuis deux ans, les fibres de cet amiante s'écoulent dans les eaux, dans les rivières, dans les ruisseaux et dans l'atmosphère tout le long de ce chemin de fer qui traverse les villes de Farnham, Saint-Jean, Cowansville et d'autres villes des Cantons de l'Est. (13 h 20)

Depuis deux ans maintenant, les journaux des Cantons de l'Est ont essayé de soulever cette question soit avec le ministre fédéral, soit avec le ministre du gouvernement du Québec. Pendant deux ans, ils n'ont reçu aucune réponse satisfaisante et le problème continue. Le citoyen fait face à trois paliers de gouvernement: municipal, provincial et fédéral et aucun n'est prêt à prendre ses responsabilités. Pendant ce temps, les fibres d'amiante se trouvent dans l'eau qui est bue par les citoyens, l'eau potable qui est bue par les animaux, les vaches, les porcs, qui sont, plus tard, mangés par la population, et dans l'atmosphère même des deux côtés de ce chemin de fer.

A titre d'exemple, Mme la Présidente, le ministre lui-même a accusé réception d'une lettre du ministre fédéral, le 11 janvier 1980, et son chef de cabinet, M. Jacques Brault, le chef de cabinet du ministre Léger, a répliqué au fédéral: "M. Léger a bien pris connaissance de ce problème de ligne d'amiante et je tiens à vous souligner qu'il a déjà demandé au sous-ministre, M. André Cayer, de faire une enquête à ce sujet." Le ministre a demandé à son sous-ministre de faire une enquête au début de janvier 1980.

Despite the fact that that request was made in January, last week, when the Canadian Broadcasting Corporation did a study on this problem in the Eastern Townships, Mr Cayer, when telephoned, sais that he was totally unaware of the problem existing and had not been asked by the minister to make the study that the minister claims that the deputy-minister was asked to make. Subsequently, Mme la Présidente, the minister has been saying that it is not the responsibility of the Provincial Government, that it is the responsibility of the Federal Government, and the Federal Government has been replying that while the construction of railways is their responsibility, the maintenance of railways falls under the juridiction of the Provincial Government.

Meanwhile, the citizens, on both sides of this railway track, for two years have been suffering the consequences about asbestos dust in the air and in the water. No one knows how serious it is, there are conflicting opinions, but the important thing is that neither order of government is willing to take its responsibilities.

I would like to know if the minister is going to be able, with this new "société" or with some other fashion, to find a way to make sure that the citizens can get answers to the problems that are opposed to them. I think that it is a perfect example, Mme la Présidente, and I hope we will get an answer there.

En terminant, Mme la Présidente, je veux simplement souligner un dernier point. La société proposée va comprendre cinq membres. Comme vous le savez, nous avons de temps en temps soulevé le problème de la présence des anglophones dans les régies et les sociétés d'Etat du gouvernement du Québec. La population anglophone du Québec est entre 16% et 20% du total et la présence des anglophones au gouvernement du Québec, ses régies et ses sociétés, se situe à peu près à 2% ou 3%. Si la situation était renversée, comme elle l'était, par exemple, dans l'industrie, il y a quelques années, tout le monde serait très déçu.

Je pense que le ministre a devant lui une belle occasion de faire un geste en nommant au moins un de ces cinq conseillers, les cinq membres du conseil d'administration, en en choisissant au moins un dans le secteur anglophone. Je pense que ce serait un geste important et je vous promets, Mme la Présidente, que les anglophones du Québec sont prêts à faire leur pleine part dans le développement non seulement de l'environnement du Québec, mais dans tous les autres aspects de notre société. Merci beaucoup. (13 h 20)

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Environnement exercera-t-il son droit de réplique?

M. Duhaime: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Duhaime: II faudrait peut-être faire noter une correction au procès-verbal de nos travaux. Tantôt, lors de la motion de déférence du projet de loi 98, il faudrait faire corriger ce détail. Il a été déféré à la commission de l'éducation, il faudrait le déférer à la commission des corporations professionnelles.

La Vice-Présidente: En deuxième lecture, M. le leader, j'entendrai votre motion immédiatement après la réplique de M. le ministre qui est déjà sur place.

M. le ministre.

M. Marcel Léger

M. Léger: Mme la Présidente, j'aimerais remercier les députés qui ont bien voulu participer à l'étude de ce projet de loi et j'aimerais essayer d'apporter certaines réponses, certaines clarifications aux affirmations ou aux questions que se sont posées les trois députés.

D'abord, concernant la réplique du député de Maskinongé, en ce qui concerne le besoin de cette société plutôt que de faire faire les travaux par le ministère. Je dois dire que l'utilisation ou la raison d'être même de la société, c'est d'être un outil non pas pour le ministère, mais un outil pour les municipalités. Et ce n'est pas le rôle du ministère de réaliser de l'assainissement. Le rôle du ministère, c'est de planifier, c'est de programmer, c'est de négocier des ententes avec le maître d'oeuvre. Le maître d'oeuvre, c'est la municipalité qui peut choisir de le faire elle-même ou, si elle voit qu'elle n'a pas la capacité technique ou la capacité financière pour le réaliser elle peut utiliser les services de la société. C'est la raison première de l'arrivée de ce besoin, de ce projet de loi, pour que les municipalités puissent avoir un outil essentiel pour réaliser les projets tout en leur permettant de ne pas grever leur budget, de ne pas limiter leur marge de manoeuvre.

Deuxièmement, s'il fallait qu'au lieu d'une société, ce soit le ministère qui le fasse, on augmenterait énormément le nombre de personnes au niveau de la fonction publique, ce qui n'est absolument pas la politique du gouvernement parce que, justement, en ayant une société d'Etat qui n'a une raison d'être que pour dix ans, c'est dire que c'est d'une façon très temporaire qu'il y aura des personnes engagées pour le travail selon les besoins et la hausse des travaux et la diminution à mesure que la société arrivera à la fin de son objectif.

Il ne faut pas non plus oublier l'importance de développer une technologie québécoise. Si c'était le ministère qui le faisait lui-même, il faudrait qu'il engage différents organismes ou différents bureaux, différents maîtres d'oeuvre et, il n'y aurait pas cette unité, cette capacité d'unir, d'unifier les connaissances techniques dans une société qui peut développer une technologie québécoise.

Il y a aussi l'aspect financier. La municipalité va y retrouver un outil financier et technique essentiel. Elle pourra ne pas être grevée dans sa marge de manoeuvre au niveau de son endettement comme tel puisque celle qui va utiliser la société verra elle-même les emplois faits par la société sur le marché public.

Une autre raison aussi, c'est le respect de l'autonomie municipale. La municipalité aussi doit être celle qui choisit d'utiliser la société ou non. Le fait que dans un bassin où il y aura des municipalités qui vont le faire rapidement et, avec tous les moyens qu'elles possèdent, si la municipalité voisine n'a pas la capacité financière et technique, le ministère ne peut pas s'équiper pour aller faire, dans tout le Québec, l'assainissement, alors que la société pourra être équipée pour s'assurer que tous les pollueurs dans un bassin vont au moins utiliser soit la société ou prendre à leur charge le soin de le faire de façon que tous les pollueurs vont être touchés dans un bassin pour que ceux qui se sont engagés à faire le travail d'assainissement, qui ont mis des sommes d'argent là-dedans, qui ont mis leur expérience technique, leur temps, etc., puissent bénéficier des résultats. Si à côté, la municipalité voisine ne le faisait pas, parce qu'elle n'a pas les moyens techniques ou financiers pour . le faire, ça veut dire qu'on ne pourrait pas récupérer les usages et le cours d'eau ne serait pas complètement dépollué, donc les municipalités auraient payé des sommes d'argent pour ne pas recevoir les retours.

Il y a aussi l'aspect du financement à court terme que les municipalités seraient obligées de se faire, donc à un coût beaucoup plus élevé, tandis que, le gouvernement, ayant une telle société, cela permettra d'utiliser toutes les sommes d'argent qui, actuellement, sur le marché financier du Québec, étaient utilisées auparavant pour la construction d'écoles, pour la construction d'hôpitaux. Il y a beaucoup moins d'écoles à construire, on est obligé d'en fermer avec la diminution de la population. Il n'y a presque plus d'hôpitaux à construire. Ces sommes disponibles pourront être utilisées par les emprunts que la société elle-même peut faire sur le marché pour retourner des profits aux investisseurs québécois qui vont les réinvestir dans une telle société, ce qui ne serait pas le cas si c'était le gouvernement qui le faisait lui-même.

Cela donne aussi un meilleur rendement sur les sommes que les bas de laine ou que les investisseurs québécois vont pouvoir s'assurer comme revenu possible plutôt que d'être obligés d'investir à l'étranger pour le développement à l'extérieur. Ce seront des capitaux québécois qui serviront au financement et au développement du Québec tout en ayant des profits chez nous; c'est une façon d'activer l'économie au Québec. Cette société n'ayant que dix ans... Une chose est certaine, contrairement à ce que le député craignait tantôt, c'est le fait qu'il n'y a pas moyen de contourner les sociétés d'Etat. Celle-là, sauf erreur, c'est une des premières qui a déjà dans la loi une date limite d'existence. C'est donc dire qu'il y aura un contrôle annuel. Cette société viendra, à l'occasion des crédits annuels, pour être questionnée sur son fonctionnement et les députés pourront poser toutes les questions qu'ils voudront chaque année sur le fonctionnement de la société. C'est ce que j'appelle de la transparence et la possibilité pour les élus de dire aux gens qui travaillent dans les sociétés paragouvernementales de venir dévoiler leur mode de fonctionnement. Je présume que vous aurez de bonnes questions à leur poser: Comment avez-vous fait? Pour quelle raison telle chose va-t-elle de telle façon? De cette façon, tous les Québécois seront fiers de cette société et c'est l'objectif que je veux atteindre.

Il y a aussi, pour répondre au député de Saint-Hyacinthe, le fait qu'il n'y a aucune chance qu'une municipalité se voie imposer des obligations finan-

cières trop onéreuses, car la Commission municipale va continuer d'exercer sa surveillance habituelle à une des étapes... Tantôt, dans mon intervention — le député pourra le relire après — j'ai parlé justement d'un scénario, d'un procédé type pour réaliser l'épuration des eaux. A un moment donné, il y a une étape où la capacité financière de la municipalité va être évaluée au niveau de la Commission municipale. A ce moment-là, ce sera conforme à la Loi sur les engagements financiers des municipalités.

Le député a parlé aussi de l'éducation qu'on doit faire auprès de la population. Je dois lui rappeler que, justement, c'est une des priorités puisqu'on a encore accordé dernièrement une augmentation de $80 000 de subventions à des groupes de citoyens pour sensibiliser, dans l'éducation des adultes, les citoyens à un comportement sur l'environnement et, au niveau des conseils étudiants, on a mis $20 000 de plus, cette année, par tranches de $100, pour que des groupes d'étudiants puissent bénéficier de fonds pour faire de l'éducation dans leur milieu d'école.

Concernant l'autonomie municipale, je peux vous assurer que ce projet a pour objectif de respecter l'autonomie municipale puisque les négociations ont lieu entre le gouvernement et les municipalités, et ces négociations portent sur le contenu et le coût des projets. Les municipalités ont donc le choix de recourir à la société d'Etat ou pas; donc, l'autonomie municipale est complètement respectée.

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais quand même rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce que même si cela ne touche pas le sujet duquel on parlait, parce que c'est cette société d'Etat, il a réussi à faire valoir une de ses préoccupations très légitimes, mais à l'intérieur d'un projet de loi qui ne touche absolument pas les chemins de fer ou l'environnement que peut massacrer le propriétaire d'une compagnie de chemin de fer comme le CP. Tout simplement, ce que je peux lui dire à ce stade-ci, c'est que nous avons fait une enquête, mais une chose est certaine, c'est que, quand on dit qu'on se renvoie toujours la balle entre l'administration du Québec et l'administration fédérale, c'est une des raisons pour lesquelles on pense qu'il devrait y avoir une seule juridiction; c'est clair et net. Je peux vous dire que la construction des chemins de fer interprovinciaux relève d'un organisme fédéral, la Commission canadienne des transports, cela ne relève pas du Québec. Une fois que le dommage est fait, que les autorisations ont été données par la Commission fédérale des transports, on voudrait que le gouvernement du Québec dise: On a mal fait cela, occupez-vous de l'entretien. Je pense que le mal a déjà été fait, mais je pourrai compléter ma réponse un peu plus tard, parce qu'il y a nécessairement des études qui ont été faites sur le problème que cela peut avoir causé autour des amas de terre qui ont été mêlés avec du ballast et on a essayé de trouver des éléments de preuve au niveau de la pollution de l'air et de la pollution de l'eau. (13 h 30)

J'ai quelques éléments, mais ils ne sont pas suffisamment complets pour pouvoir évaluer s'il y a des conséquences; mais il ne semblerait pas que ce soit aussi dramatique que le député semblait le démontrer tantôt. J'aurai une réponse plus complète plus tard, mais je tiens à dire que, quand on a une juridiction complète sur une chose, il y a beaucoup plus de chances d'avoir de la cohérence dans l'administration que quand on est divisé entre deux paliers de gouvernement sur des projets qui relèvent chacun d'un palier différent et où chacun se renvoie la balle.

On aimerait bien, au Québec, être complètement responsable, être capable de répondre complètement aux Québécois sur les problèmes qu'il y a au Québec, mais comme, au Québec, on se conduit souvent, au fédéral, comme en territoire occupé, on a un peu ce problème, comme on vient de le voir avec le Canadien Pacifique.

Mme la Présidente, j'aimerais terminer en disant que je propose l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, de façon que nous puissions, au début de la semaine prochaine, aller en commission parlementaire pour l'étude article par article et compléter certaines réponses aux questions qu'on pourrait me poser à ce moment-là.

La Vice-Présidente: La motion de M. le ministre de l'Environnement proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 92, Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux, est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Motion de renvoi à la commission de l'environnement

M. Duhaime: Je fais motion, Mme la Présidente, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de l'environnement pour l'étude article par article. Je réponds tout de suite que, avant que ne débute l'étude article par article, les autorités de l'Union des municipalités, de l'Union des conseils de comté et les représentants de l'Association québécoise des techniques de l'eau seront entendus.

La Vice-Présidente: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): II n'est pas question de l'UPA?

La Vice-Présidente: Adopté?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du gouvernement.

Renvoi du projet de loi no 98

à la commission des corporations

professionnelles

M. Duhaime: Mme la Présidente, je voudrais faire apporter une correction au procès-verbal en ce qui a trait au projet de loi no 98 qui a été déféré tout à l'heure à la commission permanente de l'éducation. Je ferais motion pour que le projet de loi no 98 soit déféré à la commission des corporations professionnelles.

La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement pour ce changement? Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

La Vice-Présidente: Motion adoptée.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Duhaime: Je proposerais l'ajournement de nos travaux à mardi, 15 heures.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que je puis demander au leader parlementaire du gouver- nement s'il y a des changements dans les travaux prévus pour mardi ou s'il peut nous rappeler quels sont ces travaux?

M. Duhaime: Les commissions?

M. Levesque (Bonaventure): Non, les travaux à l'Assemblée nationale.

M. Duhaime: S'il n'y a pas de changement au cours de la fin de semaine, Mme la Présidente, à l'Assemblée nationale, ce seraient le projet de loi no 87, municipalisation des réseaux d'électricité, et ensuite le projet de loi no 86 sur le fonds forestier. Commission plénière et troisième lecture dans les deux cas.

M. Levesque (Bonaventure): D'accord, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: La motion d'ajournement à mardi, 15 heures, disiez-vous, est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Adopté. Cette Assemblée ajourne ses travaux à mardi, 15 heures.

Fin de la séance à 13 h 33

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