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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, May 2, 1996 - Vol. 35 N° 16

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Table des matières

Présence du président de l'Association des municipalités du Nouveau-Brunswick inc. et maire de Saint-Basile-en-Acadie, M. Jacques Martin

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures six minutes)

Le Président: Alors, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du président de l'Association des municipalités du Nouveau-Brunswick inc. et maire de Saint-Basile-en-Acadie, M. Jacques Martin

Au départ, je tiens à souligner la présence dans les tribunes du président de l'Association des municipalités du Nouveau-Brunswick et maire de Saint-Basile-en-Acadie, M. Jacques Martin.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 225

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 225, Loi modifiant la Charte de la Ville de Hull. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

M. le député de Hull présente le projet de loi d'intérêt privé n° 225, Loi modifiant la Charte de la Ville de Hull.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article d de notre feuilleton.


Projet de loi n° 216

Le Président: Alors, à l'article d, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 216, Loi concernant la Régie d'assainissement des eaux usées de Piedmont, Saint-Sauveur et Saint-Sauveur-des-Monts. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

M. le député de Bertrand présente le projet de loi d'intérêt privé n° 216, Loi concernant la Régie d'assainissement des eaux usées de Piedmont, Saint-Sauveur et Saint-Sauveur-des-Monts.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée? Adopté. À nouveau, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article e de notre feuilleton.


Projet de loi n° 203

Le Président: À cette rubrique, j'ai reçu également le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

Mme la députée de Mille-Îles présente le projet de loi d'intérêt privé n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Ça va. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Document d'accompagnement du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières

M. Landry (Verchères): J'ai l'honneur de déposer, M. le Président, un document d'accompagnement du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières, intitulé «Décloisonnement et globalisation...

Le Président: Je m'excuse, M. le ministre. Je pense qu'il y a un problème avec votre micro. Alors, vous pouvez peut-être reprendre la présentation de vos documents.

(14 h 10)

M. Landry (Verchères): Vous êtes bien bon, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): J'ai, derechef, l'honneur de déposer un document d'accompagnement du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières, intitulé «Décloisonnement et globalisation: s'adapter aux nouveaux enjeux».

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question n° 1 inscrite au feuilleton du 24 avril 1996 par le député de Rivière-du-Loup.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


Entente concernant les services policiers de Kahnawake et lettre de M. Joe Norton confirmant l'intention du conseil de bande de reconduire cette entente

M. Perreault: M. le Président, il me fait plaisir de déposer l'entente conclue entre le gouvernement du Québec, les Mohawks de Kahnawake et le gouvernement du Canada, le 24 août 1995, de même qu'une lettre du grand chef, Joe Norton, en date du 1er avril dernier, confirmant l'intention du conseil de bande de reconduire cette entente.

Le Président: Ce document est déposé. Et, à nouveau, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Rapports annuels de l'Inspecteur général des institutions financières sur la tarification en assurance automobile et de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995 de l'Inspecteur général des institutions financières sur la tarification en assurance automobile et le rapport annuel 1995 de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec.

Le Président: Merci, M. le ministre. Ces documents sont déposés.

Au dépôt de rapports de pétitions, je crois qu'il n'y a pas de dépôt aujourd'hui... Dépôt de rapports de commissions, pardon.

Dépôt de pétitions.

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le député de Verdun présentée hier aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Précisions quant au dépôt d'un projet de loi sur le droit de produire des agriculteurs

M. Johnson: On pourra tous convenir ici de l'importance qu'occupent, dans la vie du Québec, les activités agricoles. Le monde de l'agriculture, c'est, oui, la filière agroalimentaire, c'est un tas d'activités de distribution, de transformation, mais c'est, à la base, des activités de production agricole que nous avons l'obligation de soutenir.

Le premier ministre, dans son propre discours inaugural, nous a entretenus de sa volonté de déposer ici, à l'Assemblée nationale, éventuellement, un projet de loi sur le droit de produire en matière agricole. Le prédécesseur du ministre de l'Agriculture a également, depuis octobre 1994, fait circuler certains documents pour fins de consultation. Mais le projet de loi comme tel se fait encore attendre. Le gouvernement a, en ça, rejoint les engagements électoraux de notre formation politique, alors on peut déjà dire que nous nous rejoignons tous sur le principe de protéger ce droit de produire de nos producteurs agricoles.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer si ce qu'on entend... quant au retard qui touche le dépôt d'un projet de loi sur le droit de produire, si ce retard n'est pas attribuable à des discussions dans des comités interministériels et, de façon plus précise, si ce retard du gouvernement à agir en cette matière n'est pas attribuable surtout au comportement, aux décisions ou aux gestes du ministère de l'Environnement?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, j'ai signé le mémoire, il y a trois semaines, concernant le droit de produire, qui a été déposé au Conseil exécutif et qui suit la démarche habituelle, à savoir les consultations à travers les différents comités économique, régional et autres, et le projet suit son cours. Il devrait être déposé au Conseil des ministres, puis après ça on va le déposer à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre doit le soupçonner, ayant occupé des fonctions ministérielles en un autre lieu avant de se joindre à nous... Le premier ministre sachant donc que, lorsqu'un ministre peut signer un mémoire, qui devient sa proposition, ça a été quand même précédé de certaines discussions informelles, est-ce que le premier ministre ne serait pas en mesure lui-même de nous dire, comme chef de l'Exécutif, si, dans les discussions interministérielles, il n'est pas exact que c'est le ministère de l'Environnement qui fait des difficultés afin d'assurer le droit de produire des producteurs agricoles?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le processus normal suit son cours. Le ministère de l'Agriculture a déposé le mémoire, et les discussions interministérielles... Les choses se déroulent très bien, et nous serons à même d'annoncer les bonnes nouvelles au cours des prochains jours, au maximum, même, d'ici une semaine ou deux. C'est la bonne entente complète au sein du cabinet.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, en saluant, et je le dis, en saluant – comme nous appuyons ce principe, nous l'avons fait valoir il y a quand même plus de deux ans – l'espèce d'annonce que le premier ministre vient de faire, est-ce qu'il n'est pas exact, cependant, que des résistances se manifestent et continuent à se manifester à l'endroit de ce principe et de son exercice par, je dirais, la mission environnementale du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, toutes les décisions du gouvernement sont prises à partir d'une pondération des points de vue ministériels qui s'expriment, et la voix du gouvernement se fait entendre ensuite de façon unanime une fois la décision prise. Cette décision est en train d'être prise. Je ne prévois aucune difficulté, et nous serons en mesure d'annoncer cette décision unanime et très solidaire du Conseil des ministres très bientôt.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre compte, lors du dépôt de ce projet de loi, déposer en même temps le guide des bonnes pratiques agricoles?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Alors, le projet est en préparation. Évidemment, il va être déposé. Est-ce qu'il va être déposé en même temps ou durant, là? Ça, je ne pourrais pas vous le confirmer tout de suite, mais il va être déposé avec le projet de loi. Eh oui! On n'a pas le choix, ça va ensemble.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Application dans les municipalités de certaines dispositions de la Loi modifiant la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal

M. Chagnon: M. le Président, déçue deux fois par les réponses du président du Conseil du trésor, l'Union des municipalités du Québec a été obligée d'écrire au premier ministre le 28 mars dernier pour lui faire part de son désaccord avec une partie de la loi n° 128, fruit des ententes syndicales-gouvernementales préréférendaires en échange de l'abrogation de la loi 102. L'Union des municipalités du Québec demande au premier ministre, dans le dernier paragraphe de la page 2 de sa lettre: «Au nom des contribuables municipaux, au nom de ses membres, l'Union vous invite à apporter une modification au projet de loi précité afin que la mesure de récupération de 1 % du montant annuel des dépenses relatives à la rémunération s'applique aux organismes municipaux pendant une période complète de 24 mois.»

M. le Président, qu'entend faire et comment entend répondre le premier ministre à la question de l'Union des municipalités du Québec?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, le projet de loi n° 128, à ce sujet, a été déposé avant Noël. Il y a eu certaines délibérations qui le concernaient, mais nous en reprendrons très bientôt l'étude. Et, pour ce qui concerne le gouvernement, à l'intérieur du projet de loi, on prévoit des dispositions en ce qui concerne les municipalités. Alors, le projet de loi suit son cours.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Comment le premier ministre peut-il réagir au moment où, à la fin du dernier paragraphe de la première page de sa lettre, l'Union des municipalités du Québec lui rappelle que les «réponses fournies par le président du Conseil du trésor ne nous ont cependant pas apporté satisfaction»? Comment le premier ministre réagira-t-il à la demande de l'Union des municipalités du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons noté la lettre de l'Union des municipalités. La réponse viendra par la voie normale que le président du Conseil du trésor vient d'annoncer. Nous prenons au sérieux les positions de l'Union des municipalités, mais nous devons appliquer toutes les mesures qui concernent cette question en tenant compte d'un ensemble de facteurs rationnels.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Doit-on comprendre de la réponse du premier ministre que la réponse, c'est: Non, il n'osera pas le dire cet après-midi à l'Union des municipalités?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons beaucoup de sujets à aborder avec l'Union des municipalités, avec le monde municipal en général, et j'aurai en effet l'honneur, cet après-midi, de m'adresser aux représentants qui sont réunis ici en congrès, à Québec, sur un ensemble de sujets et je ne doute pas que ça puisse intéresser considérablement les membres de ce congrès.

(14 h 20)

Le Président: En principale, M. le député de Montmagny-L'Islet.


Tarification des services policiers dans les municipalités de moins de 5 000 habitants

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Hier, le ministre des Affaires municipales a confirmé avec son collègue ministre de la Sécurité publique une augmentation de 30 000 000 $ qui devra être assumée par le monde municipal pour les services de la Sûreté du Québec.

Comment le ministre a-t-il pu décemment accepter cette augmentation de tarifs, alors que ce sont les citoyens et les citoyennes qui devront assumer cette facture supplémentaire que son gouvernement refile aux municipalités de chacune de nos régions?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, ce que nous avons indiqué hier avec le ministre de la Sécurité publique, c'est que nous avions l'intention de consulter les municipalités sur une nouvelle façon de déployer les services policiers de base sur tout le territoire québécois et de faire en sorte que les coûts afférents soient assumés d'une façon équitable par l'ensemble des municipalités du Québec. À cet égard, nous avons été en mesure de démontrer, chiffres à l'appui, que nous pourrons discuter avec les municipalités pour assurer les citoyens qu'ils pourront avoir des services équitables et que nous allons partager au Québec, d'une façon aussi équitable, les coûts pour ces services policiers de base sur l'ensemble du territoire québécois.

Le Président: Complémentaire?

M. Middlemiss: Principale.

Le Président: En principale, M. le député de Pontiac.


Compressions budgétaires au ministère des Transports

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. À l'étude des crédits de son ministère, le ministre des Transports confirmait des coupures de 121 000 000 $ par rapport à l'an dernier sur le réseau routier, en travaux de développement, d'amélioration et de réfection. Dans les différentes régions, ces compressions se traduisent de la façon suivante: la Direction générale de Montréal, moins 48 800 000 $; la Direction générale de Québec, moins 26 800 000 $; la Direction générale de l'Ouest du Québec, moins 24 600 000 $; la Direction générale de l'Est du Québec, 26 500 000 $ de moins.

Ma question au ministre des Transports: Comment le ministre peut-il concilier ces coupures et les propos qu'il a tenus en commission parlementaire, et je le cite: «Pour assurer que le réseau routier est en bon état et se développe convenablement, c'est 450 000 000 $ annuellement»? Comment le ministre peut-il concilier ces coupures avec les impacts sur la création d'emplois en région et la sécurité des automobilistes?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: Bien, d'abord, M. le Président, ce que vient de dire le député est exact, c'est ce que j'ai dit en commission parlementaire lors de l'étude des crédits. Alors, je le remercie de répéter mes propos.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Je ne peux pas contester ça, mais...

Une voix: Expliquez-vous.

M. Brassard: Oui, je vais m'expliquer très simplement, puis je vais lui dire, lui répéter ce que j'ai dit en commission parlementaire. Le ministère des Transports, dans une opération comme celle qu'a entreprise le gouvernement du Québec, qui vise à redresser les finances publiques, qui étaient dans un état lamentable...

Une voix: Oh!

M. Brassard: ...dans l'état lamentable qu'on connaît...

Une voix: Oui, oui, oui!

M. Brassard: ...à la suite de neuf ans de pouvoir du parti d'en face, le ministère des Transports, M. le Président, doit être mis à contribution, comme tous les autres ministères du gouvernement, pour participer et réussir cet effort de redressement des finances publiques, ce qui veut dire moins d'investissements dans le réseau routier, c'est bien évident. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous allons cibler de façon très minutieuse nos interventions pour qu'elles se fassent en fonction de la sécurité des usagers sur le réseau routier. C'est ce qu'on est en train de faire, c'est ce qu'on va faire dans les mois qui viennent.

Le Président: M. le député de Richmond, en complémentaire.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Après cet aveu du ministre des Transports, est-ce que le premier ministre, qui préside le Comité ministériel des affaires régionales, dont une partie du mandat consiste précisément à coordonner l'action des différents ministères dans les régions, a prévu les impacts de ces coupures sur les emplois existants dans les régions? Et quelles sont les mesures qu'il entend prendre pour les empêcher?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le programme d'investissement et d'entretien routier demeure un programme extrêmement important qui va agir comme un stimulant économique dans toutes les régions du Québec, y compris les régions métropolitaines de Montréal et de Québec. Alors, je ne pense pas qu'on puisse s'inquiéter de ce que les décisions gouvernementales puissent avoir des effets négatifs par rapport à cela. Au contraire, le gouvernement va continuer d'investir massivement dans le transport.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que je peux inviter le premier ministre à se tourner vers son collègue des Transports et à se faire confirmer que les coupures qu'on retrouve aux Transports n'auront aucun impact sur la réduction de l'emploi dans les différentes régions du Québec, tant au niveau des emplois occasionnels du ministère des Transports lui-même que des emplois du secteur privé qui sont directement concernés par les mesures qui sont annoncées par le ministre des Transports?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, le député de Richmond n'a pas eu l'occasion de participer aux 14 heures d'étude des crédits, donc il n'a pas eu l'occasion d'entendre la réponse que j'ai faite au député de Pontiac là-dessus. Les 660 postes qui seront supprimés au ministère des Transports, en termes d'effectifs, ce sont des postes vacants. Tous les postes supprimés sont des postes vacants. Ça n'affectera, par conséquent, aucune personne en particulier. Il n'y aura pas de mise en disponibilité au ministère des Transports, aussi bien chez les occasionnels que chez le personnel régulier. Ce ne sont que des postes vacants qui seront supprimés.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.


Crédit d'impôt pour les personnes handicapées maintenues à domicile

M. Dumont: Merci, M. le Président. Il existe, au Québec, depuis assez longtemps un crédit d'impôt pour les personnes handicapées maintenues à domicile. L'information malheureuse qui circule actuellement, c'est que le ministre des Finances se prépare, dans son budget, à couper ce crédit d'impôt pour personnes handicapées maintenues à domicile. Tout en étant bien conscient que le ministre des Finances ne peut pas faire d'annonce à ce moment-ci, est-ce qu'il peut au moins rassurer ces personnes-là et infirmer ces informations qu'il ne va pas couper un crédit d'impôt sur le dos des personnes handicapées et de leurs parents?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le ministre des Finances ne fera pas indirectement ce que le député, dans sa question, dit qu'il ne peut pas faire directement. À cette saison-ci, tout le monde le comprendra, le ministre des Finances doit plutôt se concentrer sur l'audition des questions que sur les réponses quand cela touche la fiscalité, et, quelle que soit la sympathie de la question, et surtout la sympathie qu'inspire le groupe que la question concerne, je dois m'en tenir aux règles habituelles et dire au député, comme à tout le monde, d'attendre le discours du budget.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: M. le Président, est-ce que le ministre, qui va reconnaître qu'il n'est pas défendu d'avoir des principes, même à la veille du budget, peut nous dire au moins s'il considère qu'il coûte moins cher à l'État, dans les circonstances actuelles, que les parents gardent chez eux des personnes, des jeunes handicapés, que de les remettre sur les bras de l'État, comme l'abolition d'un crédit d'impôt comme celui-là pourrait provoquer?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, ce n'est pas une injure à faire au député que d'évoquer sa jeunesse. Alors, je me permets de lui dire qu'il faut avoir des principes la veille du discours du budget, pendant le discours du budget et après la discours du budget.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: En additionnelle au premier ministre – en comprenant qu'on n'aura pas de réponse précise aujourd'hui: Est-ce que le premier ministre peut au moins s'engager devant l'Assemblée nationale, aujourd'hui, à faire les vérifications auprès de son ministre des Finances et à s'assurer que, si jamais une telle mesure était prévue à l'heure où on se parle, il va mettre un frein à tout projet semblable?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le ministre des Finances a reconnu la sympathie qu'il éprouve pour le groupe visé. Il est cependant dans la plus stricte obligation de s'en tenir aux règles qui gouvernent sa fonction extrêmement délicate à la veille de la publication d'un budget au cours des prochaines semaines ou journées, de sorte que nous comprendrons tous qu'il doit s'astreindre à la réserve qui lui sied.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition.

(14 h 30)

M. Johnson: En complémentaire à la question de celui que le ministre des Finances appelle le jeune député de Rivière-du-Loup: Est-ce que le premier ministre a bien saisi la question? La question est parfaitement normale, et la réponse du premier ministre devrait couler de source. Est-ce que, lui, le premier ministre est prêt à s'engager – parce qu'il peut le faire, il le sait – auprès de cette Chambre et auprès des clientèles visées qu'il interviendra auprès du ministre des Finances pour être bien sûr que les rumeurs qui circulent ne sont pas fondées et ne seront pas fondées plus après le discours du budget qu'avant le discours du budget?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il faut s'abstenir de lancer des rumeurs, il faut s'abstenir de les commenter et il faut inciter tout le monde à un peu de patience. Le budget répondra à toutes ces questions.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: M. le Président, puisqu'il faut s'abstenir de lancer des rumeurs, est-ce que le premier ministre peut rassurer la Chambre et, pour ne laisser circuler aucune rumeur, nous assurer qu'il n'a jamais entendu parler de cette histoire-là de sa vie?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je ne pourrais pas l'affirmer, parce que je viens d'entendre le député poser une question là-dessus, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Non. Rappelons les règles, rappelons ce que tout le monde sait, ici, dans cette Chambre. Il y a un budget en voie de préparation; c'est un exercice extrêmement délicat. Nous savons quels sont les principes qui pèsent sur la confidentialité de l'opération. En conséquence, je demande à la Chambre d'avoir un peu de patience. Le budget sera bientôt connu, et on pourra alors le commenter.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon.


Effets des compressions budgétaires sur les services aux citoyens

Mme Delisle: M. le Président, depuis de dépôt des crédits, le premier ministre s'évertue à nous faire croire que, malgré les coupures, malgré les restrictions, et je le cite: La machine, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne seront pas touchés. On a parlé de 30 000 000 $, tout à l'heure, pour la Sûreté du Québec; 36 000 000 $ de coupures dans l'aide au transport pour les municipalités. La ponction de 46 000 000 $ faite par le ministre des Affaires municipales dans les revenus de la taxe sur le gaz et l'électricité, montant, M. le Président, qui appartient aux municipalités, s'ajoute à ces montants et illustre très bien le double discours de ce gouvernement.

Ma question, M. le Président, s'adresse au premier ministre: Suite aux confirmations par ses ministres de ces coupures et de ces restrictions, de ces transferts aux municipalités, le premier ministre peut-il encore prétendre en cette Chambre que les citoyens ne seront pas touchés et qu'ils ne paieront pas les frais de ces décisions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce gouvernement, dans ses crédits, a opéré des coupures de l'ordre de 2 200 000 000 $. Bien sûr, ça produit des effets. Bien sûr, ça produit des commentaires. Mais on remarquera qu'un très petit nombre de commentaires ont pu porter sur des sujets très délicats qui mettaient en cause, justement, le fait que des citoyens ou des citoyennes auraient pu être directement affectés. On remarquera que l'exercice, dans sa totalité presque, a été dirigé sur les coûts de gestion, sur les coûts administratifs et que les agences administratives qui travaillent autour du gouvernement, les agences en périphérie, sont invitées à faire comme le gouvernement, à faire un exercice extrêmement rigoureux dans la façon dont les dépenses sont effectuées, au point de vue administratif. Pour ce qui est des municipalités, en particulier, j'aurai l'occasion, cet après-midi, de m'adresser à elles et j'aurai des choses à dire sur ce genre de problème qui est soulevé ici.

M. Trudel: Et nous pourrions...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Vous pourrez répondre à une autre question, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.


Crédits budgétaires pour la garde en milieu scolaire

M. Kelley: Pas celui-là. Merci, M. le Président. Mardi, la ministre de l'Éducation a confirmé que le budget pour les garderies en milieu scolaire sera amputé de 50 %, une compression catastrophique qui mettra en péril l'existence même de plusieurs garderies, surtout en milieu défavorisé. Un consensus s'est dégagé au Québec dans ce dossier: il faut que ces garderies soient exemptées de ces coupures. Même le Conseil national du Parti québécois a condamné la décision de la ministre en fin de semaine passée.

Au nom des enfants et des parents touchés par cette compression: Quand la ministre entend-elle intervenir pour protéger les services de garde, qui sont à risque? Quand va-t-elle annuler ces compressions injustes et donner suite à la résolution adoptée par son Conseil national?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Dès que possible, M. le Président. C'était l'objet de mon amendement au Conseil national. Cela étant, je crois qu'effectivement nous devrons revoir l'aide que nous apportons aux garderies. J'ai d'ailleurs informé les membres de la commission parlementaire du fait que j'avais un projet qui se préparait à cet égard et qui concernerait l'ensemble des services de garde du Québec: d'abord, le dépôt d'un projet de loi qui nous permettrait de revoir les modes de garde reconnus au Québec, les modes de garde régis, soutenus par les parents, et, par la suite, la révision du financement accordé aux services de garde, autant dans le milieu scolaire que dans le milieu régulier, M. le Président.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a une formule qu'a adoptée le gouvernement qui nous a précédés et qui, malheureusement, s'avère complètement inapplicable dans les faits et crée des injustices à sa face même. Donc, dans la foulée de la révision, j'ai l'intention, d'une part, de reprendre les éléments de financement qui s'adressent directement aux parents pour aider les plus mal pris, cela va de soi, pour continuer à aider aussi ceux qui, autrement, ne pourraient bénéficier d'un service, et éventuellement continuer à faire progresser le développement des services de garde au Québec, M. le Président.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Mais, étant donné que les parents doivent commencer à planifier pour l'automne qui s'en vient, et au-delà des choses qui vont être dans le projet de loi qui va être déposé, est-ce que la ministre peut expliquer à ces parents comment elle a réussi à trouver 1 000 000 000 $ pour les augmentations dans la fonction publique l'automne dernier, avant le référendum, mais, maintenant, elle ne peut pas trouver 9 000 000 $ pour protéger les familles à faibles revenus?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: C'est le genre de démagogie auquel le député de Jacques-Cartier ne m'avait pas habituée. Mais, enfin, semble-t-il qu'il change d'attitude, M. le Président.

Le Président: Alors, Mme la ministre, en vous invitant à éviter de mettre de l'huile sur le feu.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Strictement, j'aurais crû que vous étiez pour rappeler à l'ordre Mme la députée, les dispositions de 35 ont carrément été violées.

Le Président: L'article 35, paragraphe 7°, dit qu'il est interdit à un député de «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit». Et je crois, M. le leader de l'opposition officielle, qu'en invitant la ministre à poursuivre en ne mettant pas de l'huile sur le feu le président a rappelé d'une façon indirecte les dispositions de l'article. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, est-ce que, M. le Président, je réponds aux deux éléments qu'il y a dans l'allégation que fait le député? À ce moment-là, il faudra que je réponde sur la question des ententes avec les employés des secteurs public et parapublic, ce qui était un volet de la question, et l'autre volet qui était la question des services de garde. Évidemment, quand on associe 1 000 000 000 $ avec un budget qui s'étale sur trois ans, qui concerne 500 000 personnes, et qu'on parle d'un budget annuel, M. le Président, je pense qu'on ne fait pas honneur aux faits et à la vérité.

Des voix: Bravo!

(14 h 40)

Mme Marois: Alors, M. le Président, il va de soi que l'on nous a légué aussi, à l'égard de l'aide aux services de garde, une formule qui privilégiait une intervention par la voie d'un crédit d'impôt. C'est ce que l'ancien gouvernement nous avait laissé. Nous avons privilégié une autre avenue qui est celle de l'aide directe aux parents, semaine après semaine, de même que l'aide directe aux garderies, et ce que je veux restaurer, c'est un programme comme celui-là qui va répondre justement aux besoins qu'ont les parents à bas revenus d'avoir accès rapidement à des sources qui leur permettent de payer semaine après semaine les sommes nécessaires pour faire garder leurs enfants.

En dernier élément, il faut rappeler aux membres de cette Assemblée que près de 40 % des services de garde en milieu scolaire font actuellement des surplus, et des surplus qui se situent entre 5 000 $ et 9 000 $, et que 30 % font des surplus entre 1 000 $ et 3 000 $, ce qui fait que je crois, j'espère et je souhaite qu'ils seront capables de passer à travers l'année de transition de telle sorte que nous puissions intervenir par la suite de façon plus structurante. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Kelley: Est-ce que la ministre vient d'annoncer dans cette Chambre que le prochain budget va annuler les crédits d'impôt remboursables pour les familles québécoises?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, je n'oserais pas me substituer au ministre des Finances, dont c'est la responsabilité, cela va de soi, voyons! Et, d'autre part, comme celui-ci l'a déjà fait valoir ici, il n'est pas question que l'on discute maintenant de quelque mesure que ce soit en ce qui concerne le budget.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. Après les explications de la ministre, est-ce que le premier ministre trouve toujours que ces diminutions de dépenses touchent des structures périphériques ou les services aux gens?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la ministre a déjà annoncé que les mesures qui avaient été prises concernant l'aide directe pour les garderies en milieu scolaire pour les enfants de quatre à cinq ans seraient modifiées, rétablies à l'état qui préexistait. Donc, le problème est réglé, de ce côté-là. Pour les enfants de six à 12 ans en milieu scolaire, il y a également des mesures remédiatrices qui sont mises en oeuvre. Et, pour le reste, elle a annoncé, avec l'appui du gouvernement, qu'elle travaille présentement sur un projet de réforme qui va faire en sorte qu'on revienne à l'idée de favoriser une aide directe aux parents. Donc, les choses vont se régler de façon plus structurante au cours des prochains mois, et, actuellement, les problèmes ponctuels ont été réglés en très grande partie.

Le Président: En complémentaire? M. le député de Marquette, en complémentaire.

M. Ouimet: Complémentaire à la ministre de l'Éducation, M. le Président: Elle confirme qu'il y a environ 40 % de garderies qui font...

Des voix: Question!

M. Ouimet: ...des surplus, mais est-ce qu'elle peut également prendre conscience du fait qu'il y a 60 % des garderies en milieu scolaire au Québec qui ne font pas de profit, que, au niveau de la CECM par exemple, ses fonctionnaires dans son ministère ont annoncé des compressions d'entre 50 % et 60 % au niveau du budget de fonctionnement des services de garde, ce qui met en péril des collations matinales, l'embauche de moniteurs pour des études dirigées au niveau des devoirs et des leçons, l'achat de gouache, l'achat de matériel didactique, et qu'elle est en train de transformer les écoles...

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui, question de règlement, M. le Président. Le député de Marquette a bien précisé qu'il était en question complémentaire. Il est évident que c'était une principale qu'il essayait de faire sous un faux prétexte de question complémentaire.

Le Président: Écoutez, tout le monde sait très bien, ici, qu'il y a différentes façons de formuler les questions complémentaires, autant que les principales, sauf que la tradition veut que, dans la mesure où la formulation n'a pas de préambule... Je pense que, jusqu'à maintenant, depuis que je préside les travaux, s'il avait fallu que j'interdise toutes les questions complémentaires qui renferment plus qu'un volet, il n'y aurait pas grand complémentaires qui auraient été posées dans l'Assemblée. Alors, en terminant, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Essentiellement, M. le Président, la ministre est-elle consciente qu'elle coupe 60 % du budget de la CECM? Ça veut dire qu'il y a des enfants qui ne mangeront pas le matin, qu'il n'y aura plus d'études dirigées au niveau des devoirs et des leçons, qu'il n'y aura plus d'achat de gouache ni de matériel didactique. Est-elle consciente de ça?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, comme il y a eu, sans être un préambule, quelques commentaires préalables, il y a, en fait, 75 % des garderies, selon une enquête faite par l'Association des services de garde en milieu scolaire, qui ont des surplus. Il y a donc une possibilité de passer à travers la période qui nous concerne sans réduire pour autant les services. Et les parents, d'autre part, pourront cependant avoir accès à une couverture de ce que cela leur coûte par le crédit d'impôt qui est actuellement accessible aux parents à bas revenus.

D'autre part, M. le Président – et j'ai expliqué ça longuement au député de Marquette à l'occasion de la commission parlementaire – nous avons établi une enveloppe globale à l'égard de la...

Le Président: Écoutez, j'ai permis au député de Marquette de poser sa complémentaire en plusieurs volets et je voudrais qu'on laisse la ministre répondre à la question qui a été posée avec autant de respect qu'on a permis au député de Marquette de poser sa question.

Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai donc expliqué longuement que nous avions établi des enveloppes sur la base d'un certain nombre de critères qui devaient respecter l'équité quant aux responsabilités respectives des commissions scolaires. Dans le cas de la Commission des écoles catholiques de Montréal, entre autres, qui est aux prises avec des jeunes en plus grande difficulté, nous reconnaissons cette plus grande difficulté; les enveloppes sont protégées, des montants, même, supplémentaires sont versés dans ce cas-là. Et, à cet égard, nous traitons la Commission des écoles catholiques de Montréal de façon équitable par rapport à l'ensemble des commissions scolaires du Québec, et, d'autre part, en tenant compte, dans cette équité, du fait qu'elle a des problèmes plus sérieux à rencontrer, des sommes lui sont ainsi reconnues, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Est-ce équitable de couper ce budget d'entre 50 % et 60 % et de transformer ce qui devrait être un complément à l'école en des salles d'attente?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Je crois, M. le Président, que les commissions scolaires sont plus responsables que ce que ne l'imagine le député de Marquette et qu'elles n'agiront pas de cette façon-là, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Prestation de certains services à la suite du virage ambulatoire

M. Marsan: Les conséquences du virage ambulatoire sont maintenant tangibles pour la population de tout le Québec. Le ministre ne cesse de répéter qu'il a tout planifié dans les moindre détails. Pourtant, les patients font présentement les frais de cette dite planification. Il y a plus de 23 000 patients sur les listes d'attente, les délais sont de plus en plus longs, les urgences redeviennent engorgées, les chirurgiens cardiaques ne peuvent plus opérer, les neurochirurgiens veulent un plan de pratique, les orthopédistes ne peuvent plus endurer d'avoir des quotas du nombre de prothèses à implanter, et plusieurs spécialistes veulent tout simplement trouver un hôpital pour travailler. Bref, les médecins veulent opérer, et les patients veulent être soignés. La solution du ministre, M. le Président: fermer des hôpitaux et verser de l'argent aux médecins pour compenser leurs pertes de revenus.

Ma question: Au lieu de dépenser l'argent des citoyens inutilement pour mettre des pansements sur les problèmes que le ministre a lui-même créés, quand va-t-il permettre aux médecins de soigner les malades?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la réalité en ce qui regarde les attentes pour des interventions chirurgicales, si on la voit au complet, est un peu différente, à la fois, à certains égards, plus complexe et, à certains égards, moins décevante que ce que laisse voir le chiffre cité par le député de Robert-Baldwin.

Le nombre total de personnes qui, présentement, sont des gens qui doivent subir une intervention chirurgicale, M. le Président, au Québec, n'est pas de 23 000, il est de 69 000 personnes, qui sont présentement des gens qui devront subir dans les prochains mois une intervention chirurgicale. Si on n'avait pas entrepris le virage ambulatoire, M. le Président, ce n'est pas de 23 000 dont on parlerait, qui sont en attente pour cinq mois et plus, c'est probablement trois fois plus que ça. Parce que, dans les 69 000 personnes qui attendent pour une chirurgie, il y en a une majorité, 40 000, et un peu plus que 40 000, qui, grâce au virage ambulatoire, sont en attente d'une chirurgie d'un jour, M. le Président. Et pour la chirurgie d'un jour...

(14 h 50)

Le Président: Je voudrais rappeler que l'article 32, qui parle du décorum, indique que les députés «doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée». Quand les députés de l'Assemblée nationale discutent d'un sujet aussi majeur et important que la question de la santé, je pense que le public comprend difficilement que les députés puissent donner l'impression, même si ce n'est pas nécessairement le cas, qu'ils prennent ça à la légère. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, en conclusion.

M. Rochon: Alors, pour la chirurgie d'un jour, pour 40 000 patients, plus de la moitié des 69 000 qui doivent avoir une intervention chirurgicale, la moyenne d'attente n'est pas de cinq mois, mais elle est seulement de trois mois et, dans certaines régions, comme Chaudière-Appalaches ou Bas-Saint-Laurent, elle est d'à peu près un mois, pour la plupart des gens. De plus, on a commencé, aussi, grâce à ce virage ambulatoire, ce qu'on appelle la chirurgie le même jour, c'est-à-dire que les patients peuvent avoir toute leur investigation au préalable et avoir l'intervention au moment de la journée de leur hospitalisation; et, pour ça, la durée moyenne de séjour, pour 6 000 de ces patients, est de deux jours et demi, un petit peu plus de deux jours et demi.

Alors, la vraie situation. Si on n'avait pas eu de virage ambulatoire, c'est trois fois plus de monde qui seraient dans cette situation-là. On a une situation qui est en évolution rapidement. Et, quand on sait dans quel sens regarder, en avant plutôt qu'en arrière, on s'aperçoit que ça s'améliore. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Viau, en complémentaire?

M. Cusano: Oui, M. le Président.

Le Président: En complémentaire.

M. Cusano: Si ça va tellement bien, M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux est au courant qu'à l'Hôpital général de Montréal le département de transplantation poumons est fermé depuis quelques mois? Cette semaine, M. le Président, on a appris qu'à l'hôpital Royal Victoria le seul transplanteur coeur-poumons au Québec va quitter, M. le Président. Qu'est-ce que le ministre va suggérer aux patients qui sont en attente d'une greffe coeur-poumons? Est-ce qu'ils vont être obligés d'aller se faire transplanter en Ontario, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, on ne m'a pas... Selon toutes les informations que j'ai, on ne m'a pas informé qu'un hôpital de Montréal avait fermé un département, et un département de transplantation pulmonaire. Si c'est le cas, je vais vérifier. Si c'était le cas, on verra ce qu'on fait présentement pour corriger la situation. Et, selon toutes les informations que j'ai, comme on fonctionne avec un réseau de services de santé, je n'ai aucune information, au moment où on se parle, à l'effet que l'accès adéquat à des services de chirurgie et même de transplantation n'est pas ouvert aux gens qui en ont besoin. S'il y a des problèmes particuliers, il y a des établissements et des régies régionales qui sont là pour les gérer et, s'ils ont des difficultés à les gérer, le ministère est là pour les aider. Alors, si le député a vraiment de l'information précise, qu'il la précise, qu'il la donne à qui de droit, et on va régler le problème.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Viau.

M. Cusano: Il me pose une question, je ne peux pas y répondre, mais je vais vous poser la question: Est-ce qu'il est au courant que les transplanteurs cardiaques, que les transplanteurs de poumons quittent le Québec, M. le Président? Et les personnes qui sont en attente d'une greffe n'ont pas le temps d'attendre six mois ou 10 mois, parce qu'elles vont mourir bientôt.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, on voit cette capacité de généraliser à partir de l'échantillon d'un. Le député a commencé par nous dire qu'il avait entendu parler qu'un médecin, qui fait de la transplantation, partait, et là on conclut que les médecins qui font de la transplantation sont en train de partir. Alors, je pense qu'il faudrait voir quels sont les faits.

À part ça, le député reprend la démagogie qu'il nous a faite la journée où on a fait notre débat, justement, sur la transplantation d'organes. Il sait très bien que, présentement au Québec, quand les délais sont longs pour des transplantations, c'est en général presque toujours relié au temps qu'il faut pour trouver un donneur compatible avec le receveur, ce n'est pas le manque de disponibilité et des blocs opératoires et des chirurgiens, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Services sociaux et de santé à la communauté anglophone

M. Williams: Principale. Merci beaucoup, M. le Président. Malgré toutes les bonnes paroles pendant l'étude des crédits du ministère de la Santé, que tout va bien pour la communauté d'expression anglaise, le comité provincial, son propre comité, a dit que la réalité est loin de ça.

Access to English health services is threatened. Health system reorganization ignores linguistic rights.

Rien pour la main-d'oeuvre, rien pour la fusion des établissements, rien pour les mandats interrégionaux, les programmes d'accès sont en retard. Il est en train, lui-même, de questionner qui peut avoir ces droits. Il n'y a rien pour les patients.

Mr. Speaker, what will the Minister of Health do to stop this deterioration of such fundamental rights and services for the English-speaking community?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, le député a montré un document qui est, je crois bien, un article paru dans The Gazette de ce matin...

Une voix: ...une lettre.

M. Rochon: ...et qui fait référence à une lettre qui m'a été envoyée par le président du comité d'accès aux services de langue anglaise, lettre qui accompagnait un avis que me faisait le comité. Ce comité, M. le Président, a un mandat d'aviser le ministre sur la situation des services et de faire des recommandations au ministre sur les solutions aux problèmes qui peuvent se présenter.

J'ai rencontré à quelques reprises ce comité depuis que je suis dans ce poste. J'ai rencontré le comité la dernière fois il y a à peine une quinzaine de jours, M. le Président. On a discuté de ce qui était des éléments qui devaient être contenus dans l'avis qu'on vient de m'envoyer et on a convenu à ce moment-là que je recevrais l'avis – je viens de le recevoir, ça fait quelques jours – que je prendrais le temps de le voir, de l'analyser, d'avoir toute l'information, et on a déjà convenu qu'on se reverrait dans un mois, après la réception de cet avis, pour faire le tour de la question, voir quels sont les problèmes et apporter des solutions.

Je suis un peu, pas mal surpris, M. le Président, et un peu, pas mal déçu de voir que, au moment où je reçois l'avis, la lettre seulement est dans les journaux et qu'on fait état dans les journaux d'un comité qui n'est pas un groupe de travail, pas un groupe qui a fait une étude, pas un groupe de lobby, un comité qui avise le ministre. Alors, moi, je prends toujours pour acquis que le comité veut travailler avec le ministre et qu'on va d'abord parler pour travailler ensemble. On ne va pas parler par la voie des journaux, on n'a pas besoin de ça pour faire notre travail. Si on change les règles du jeu, monsieur, je m'organiserai en conséquence.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Je regrette auprès du député de Notre-Dame-de-Grâce et du député d'Ungava, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales. Le député de Notre-Dame-de-Grâce m'indiquait que c'est une question complémentaire. Je regrette, la période de temps allouée est terminée. Quant au député d'Ungava, je tenterai de le reconnaître la semaine prochaine.

Alors, aux réponses différées. Il n'y a pas de réponse différée.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée dénonce l'incohérence et l'improvisation du gouvernement dans les coupures imposées au secteur de l'éducation

Nous en sommes maintenant aux votes reportés, et, tel qu'annoncé précédemment, je mets maintenant aux voix la motion de M. le député de Verdun présentée hier aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale dénonce l'incohérence et l'improvisation du gouvernement dans les coupures imposées au secteur de l'éducation qui affecteront inévitablement la qualité de l'enseignement et les services aux étudiants, augmenteront les contributions des étudiants et forceront la hausse des taxes scolaires.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

(15 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Désilets (Maskinongé), M. Brien (Rousseau).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:37

Contre:59

Abstentions:0

Le Président: La motion est donc rejetée.


Motions sans préavis

À la rubrique Motions sans préavis, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Souligner le Mois de la fibrose kystique

M. Rochon: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le Mois de la fibrose kystique afin de sensibiliser la population à l'existence de cette maladie qui affecte principalement les enfants et appuyer les divers groupes bénévoles qui se dévouent quotidiennement à cette cause.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement.

Une voix: Consentement.

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Une voix: Sans débat.


Mise aux voix

Le Président: Sans débat? Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vais essayer une deuxième fois, en sollicitant le consentement des membres de cette Assemblée pour présenter et adopter cette motion:

«Que l'Assemblée nationale, conformément à la volonté unanime des milieux industriels, maritimes, municipaux et socioéconomiques québécois, exige que le gouvernement fédéral décrète un moratoire sur le projet de tarification proposé par la Garde côtière canadienne et sursoie à l'application de cette tarification, tant et aussi longtemps que les études d'impact demandées par la Coalition pour la sauvegarde du Saint-Laurent ne seront pas réalisées.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Même réponse qu'hier, M. le Président.

Le Président: Il n'y a donc pas consentement. Alors, il n'y a pas consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions entreprendra les consultations générales sur le document du Directeur général des élections, intitulé «Document de réflexion: amendements à la loi électorale», le mardi 7 mai 1996, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Aux renseignements sur les travaux de l'assemblée, alors, je vous rappelle, en ce qui me concerne, que l'interpellation de demain, le vendredi 3 mai 1996, portera sur le sujet suivant: Les relations de travail au Québec. M. le député de LaFontaine s'adressera alors à M. le ministre du Travail.

Et je vous avise que l'interpellation prévue pour le vendredi 10 mai 1996 portera sur le sujet suivant: La politique du gouvernement du Québec en matière de développement régional. M. le député de Richmond s'adressera alors à M. le ministre responsable du Développement des régions.


Affaires du jour


Affaires prioritaires


Débat restreint sur les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1996-1997

Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. L'assemblée entreprend à ce moment-ci le débat restreint sur les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires des ministères du gouvernement pour l'année financière 1996-1997.

J'ai rencontré avant le début de la séance les leaders parlementaires afin de répartir le temps de parole pour ce débat restreint. Le partage du temps a été établi, pour ce débat restreint de deux heures, de la façon suivante: cinq minutes seront accordées à chacun des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre le groupe ministériel et celui de l'opposition officielle; le temps non utilisé par les députés indépendants accroîtra le temps alloué aux groupes parlementaires. Dans ce cadre, les interventions ne sont pas limitées.

Je suis maintenant prêt à reconnaître un premier intervenant. Alors, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, il me fait grand plaisir d'intervenir au nom du gouvernement sur cette question. M. le Président...

Le Président: Alors, je demanderais non seulement aux députés, mais au personnel politique, qui a parfois l'habitude de se tenir derrière le trône, de faire en sorte que les parlementaires puissent faire leur travail correctement et entendre les interventions. Alors, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Boisclair: Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis heureux, M. le Président, au nom du gouvernement, d'intervenir à ce moment-ci de notre débat, alors que nous venons de compléter l'étude en commission parlementaire des crédits présentés par mon collègue président du Conseil du trésor, des crédits 1996-1997.

Le maître mot qu'il nous faut retenir alors que nous terminons l'étude des crédits et que nous revenons ici à l'occasion de ce débat restreint, l'expression sur laquelle, je pense, nous allons tous faire consensus, au-delà des partis politiques, consiste bien, M. le Président, à affirmer ce message clair, ce message d'avenir: qu'il nous faut agir maintenant pour être capables d'assurer l'avenir. S'il y a un message que je retiens des efforts faits en commission parlementaire et des débats que nous avons eus, c'est bien celui-là.

D'abord, il faut comprendre, derrière ces chiffres et ces débats que nous avons eus, que l'objectif principal du gouvernement du Québec consiste à être capable, pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, d'assurer d'abord l'avenir de nos institutions et assurer aussi l'avenir des services qui font du Québec une société originale, qui nous offrent une société qui procure aux Québécois et aux Québécoises sécurité, qui leur procure bien-être.

Des finances publiques, M. le Président, sont essentiellement nécessaires – des finances publiques saines – à un objectif de réduction du déficit clair, net, partagé par l'ensemble de la population et nous apparaissent nécessaires pour atteindre cet objectif. C'est pourquoi – et nous l'avons dit au sommet de Québec et nous le répétons dans cette Assemblée – une politique claire d'élimination du déficit est l'une des grandes priorités du gouvernement du Québec.

(15 h 10)

C'est cette élimination du déficit qui permettra de rebâtir l'équilibre envers les générations futures, qui permettra, je le pense sincèrement, de redonner au gouvernement la marge de manoeuvre qui lui fait si cruellement défaut et qui apparaît encore plus difficile à trouver, à développer dans un contexte de situation économique difficile. Il nous faut être capables, en agissant de cette façon, de restaurer un climat de confiance favorable à l'investissement et, bien sûr, en bout de course, parce que nous avons cet objectif clair de création d'emplois.

Je pense que ces objectifs que je viens d'énumérer se traduisent bien dans la présentation des crédits 1996-1997. Ils illustrent non seulement bien ces objectifs, mais ils illustrent aussi notre volonté de réussir ce redressement budgétaire. Ces crédits 1996-1997 résultent d'une diminution de dépenses de programmes deux fois plus importante que celle envisagée, de façon à atteindre l'objectif de déficit annoncé lors du dernier budget. D'abord, il nous faut affirmer que derrière ces chiffres, derrière toutes les colonnes, derrière la réalité qui est celle de chacun des ministères, il y a un effort de réduction des dépenses sans précédent, de l'ordre de 2 200 000 000 $.

Depuis, M. le Président – et vous le savez, vous qui êtes en cette Assemblée depuis quelques années – de nombreuses décennies, la persistance des déficits a engendré un endettement sans cesse croissant. Les dépenses sur la dette, on le sait tous, écrasent la marge de manoeuvre qui est celle du Québec et occupent toujours une place de plus en plus importante dans le budget de l'État. Le Québec, on le sait aussi, a pris un retard considérable sur la plupart des provinces canadiennes en matière de redressement des finances publiques, continuant ainsi, au cours des années récentes, à dépenser à un rythme qui est plus élevé que ses voisins. Et je donne cette statistique sur laquelle il nous faut insister: entre l'année financière 1990-1991 et l'année financière 1995-1996, la croissance moyenne des dépenses de programmes du Québec a été de 3,6 % et a été supérieure nettement à celle des autres provinces, qui se situe à près de 2,6 %.

En somme, il y a urgence. Il nous faut agir maintenant. Tout retard nous entraînerait dans un enlisement budgétaire que nous ferions peser sur les jeunes générations. C'est pourquoi mon collègue président du Conseil du trésor présente, au plan des dépenses, des engagements pris par le gouvernement, partagés aussi par l'ensemble de nos partenaires, qu'ils soient du milieu syndical, qu'ils soient du milieu gouvernemental, qu'ils soient du milieu communautaire, des objectifs tous partagés à l'occasion du grand sommet de Québec. Et c'est pour ça que, au-delà du simple gel des dépenses initialement prévu, il nous fallait aller plus loin. C'est ainsi que, pour la première fois en 25 ans – j'insiste sur ce fait, pour la première fois en 25 ans – les dépenses de programmes au Québec seront réduites. Il fallait un gouvernement engagé sur la voie du redressement des finances publiques, il fallait un président du Conseil du trésor qui a su résister aux nombreuses pressions, aux nombreuses tentations, peut-être, de laisser aller un certain nombre de choses. Mais non, malgré les pressions, malgré une situation économique que nous savons difficile, malgré un certain nombre de choix difficiles qui s'imposent à nous – on le voit bien, d'ailleurs, à la période de questions – nous maintenons le cap sur cet objectif. Pour la première fois en 25 ans, les dépenses de programmes sont effectivement réduites.

C'est ainsi que, concrètement, comment ces choses se traduisent, eh bien, retenons un seul chiffre. Les mesures d'économie sur les dépenses de programmes sont évaluées à plus de 2 200 000 000 $. C'est 2 200 000 000 $, d'abord 1 100 000 000 $ pour un gel des dépenses de programmes à leur niveau de 1995-1996 et, donc, par conséquent, une absorption dans chacun des ministères de ce qu'on appelle dans notre jargon des coûts de système. D'abord, le coût des indexations des échelles salariales, le coût, aussi, de l'inflation, qui est bien réelle. Donc, 1 100 000 000 $ pour les coûts de système. Mais, en plus, une réduction claire de dépenses dans les programmes, en plus de l'inflation, de plus de 1 000 000 000 $; exactement, si ma mémoire est juste, 1 079 000 000 $. Donc, ces choses traduites concrètement, le chiffre à retenir, que la population doit bien se rappeler: 2 200 000 000 $, au total, d'économies réalisées sur les dépenses de programmes.

En somme, pour la première fois depuis un quart de siècle, les dépenses totales du gouvernement, donc si j'inclus aux dépenses de programmes les dépenses qui incluent le service sur la dette, vont diminuer, et cela, de 1 200 000 000 $, soit une baisse, alors que l'inflation existe, alors que des besoins sont identifiés comme plus urgents, plus pressants, une baisse de 2,8 % des dépenses totales du gouvernement du Québec. Tout ceci, M. le Président, nous amène aussi, comme réflexion, à identifier les principes qui nous guident dans ces choix. Et je peux vous en parler parce que je suis entré au Conseil des ministres au moment où nous étions à effectuer la revue des programmes. Et je dois vous dire, pour un nouveau ministre qui arrive à ce moment au Conseil des ministres, que ce n'est pas simple de se faire une idée, de voir un portrait clair, alors que les millions se promènent d'un côté et de l'autre de la table du Conseil des ministres. Mais, si on regarde de quelle façon l'exercice s'est conclu, de quelle façon les choix pris par le gouvernement se traduisent dans les politiques, devront se traduire, aussi, dans la législation, bien, on en arrive à identifier des principes.

Ces principes sont ceux qui ont animé le président du Conseil du trésor. Cinq principes bien clairs. D'abord, pour agir de la sorte, il nous faut agir, et de façon responsable, il nous faut être responsables. Nous aurions pu pelleter par en avant, nous aurions pu maintenir des niveaux de déficit comme ceux que les libéraux nous ont laissés, eux, les champions, M. le Président, des déficits. Nous aurions pu agir de façon irresponsable et repousser par en avant toutes les décisions difficiles. Nous avons écarté cette voie et nous savons pertinemment que certaines décisions sont difficiles. Mais, d'abord, maître mot: être responsable.

Il nous faut aussi penser à l'efficacité, parce que, derrière ces choix difficiles, nous retrouvons une volonté claire et affirmée du gouvernement pour rendre le secteur public plus performant. Nous savons qu'il y a des gains à aller chercher du côté de la productivité et nous croyons, par ces mesures, être capables d'y arriver.

Il nous faut aussi, comme autre principe, donner toute la place au principe de la transparence. Il nous a donc fallu... Et je pense que cet exercice des crédits, ces débats en commission parlementaire, ce nouveau débat que nous avons ici aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, nous montrent bien, illustrent bien le fait que nous souhaitons donner toute l'information à la population, donner l'heure juste à la population et lui exposer les choix que nous faisons.

Autre maître mot, autre principe, celui de l'équité. Nous savons que tous et toutes devront contribuer et que personne ne sera épargné. Nous agirons avec ce souci d'équité entre les gens, mais il nous faut aussi parler d'équité entre les générations. M. le Président, j'appartiens à cette génération qui, pour la première fois dans l'histoire du Québec, sera plus pauvre que celle qui l'a précédée. Si l'équité est un maître mot, si l'équité est un mot qui a du sens, oui, pensons à l'équité entre les différentes personnes de notre société dans les choix que nous faisons, entre les différents groupes de notre société, mais parlons aussi au même moment d'équité entre les générations.

(15 h 20)

Et ce ne sont pas que des paroles. Regardez les gestes que mon collègue ministre de la Santé pose lorsque vient le temps de discuter de l'assurance-médicaments. Des milliers de jeunes, au Québec, ne pouvaient pas profiter des progrès de la science, n'avaient pas les moyens d'acheter et n'ont toujours pas les moyens d'acheter des médicaments, et pourtant, parfois, leur situation de santé les contraint à utiliser ce genre de médicaments. Nous instaurerons dans les mois à venir un régime universel d'assurance-médicaments qui nous permettra de corriger cette situation, et nous le faisons en demandant à l'ensemble de la population, à tous les citoyens de pouvoir contribuer à ce programme.

Dernier message, dernier principe qu'il faut camper, lorsqu'on regarde, à la fin, l'exercice qu'a été celui des crédits, c'est le mot «solidarité», M. le Président. Nos décisions ont été prises avec comme principal souci de soutenir les plus démunis de notre société. Nous aurions pu procéder comme d'autres provinces canadiennes l'ont fait, nous aurions pu couper de façon dramatique au niveau de la sécurité du revenu, nous aurions pu aller véritablement toucher, là, plus que l'os, la moelle de l'os puis aller briser le filet de sécurité sociale comme d'autres gouvernements au Canada l'ont fait. Nous avons écarté cette possibilité, nous avons écarté cette avenue et préféré plutôt réunir l'ensemble de nos partenaires pour dire: Comment, ceux d'entre nous qui, dans la vie, ont plus de chance, ceux d'entre nous qui avons, dirais-je, le privilège d'occuper un emploi et de contribuer au développement économique, social et culturel du Québec, comment, ensemble, sommes-nous capables de tendre la main à ceux qui en ont le plus besoin dans notre société. Ce choix, M. le Président, il est un choix politique. C'est un choix, il correspond à notre volonté d'agir en pensant aux plus démunis de notre société, et même si eux aussi sont appelés à contribuer. On l'a vu avec la réforme de la sécurité du revenu. On va le voir dans d'autres domaines aussi. Mais nous protégeons l'essentiel de notre filet de sécurité sociale, et je pense qu'il est bien, qu'il est juste qu'on agisse ainsi, M. le Président.

Je voudrais peut-être vous parler des axes alentour desquels, dis-je, ces grands principes, ces thèmes – comment dire – ces valeurs, ces principes alentour desquels nous agissons. Et, essentiellement, peut-être, pouvons-nous, au sortir de l'étude en commission parlementaire, identifier trois grands axes autour desquels nous avons fait une réflexion en préparant ces crédits: d'abord, être capables d'assurer, et ce, de façon durable l'avenir des grands programmes, que ce soit particulièrement dans le domaine de l'éducation ou dans le domaine de la santé. Il y a derrière ces réflexions cette volonté de les adapter, non pas à la marge, non pas en agissant de façon paramétrique, en coupant tous les ministères, tous les programmes de la même façon, comme l'autre gouvernement avait l'habitude de le faire, mais bien en essayant de trouver une solution définitive à un certain nombre de problèmes.

Il est clair que, comme administrateurs de l'État, comme employeurs, nous avons aussi comme objectifs d'améliorer l'organisation du travail et, bien sûr, de diminuer les coûts administratifs. Mais, aussi, nous partageons tous, comme troisième axe – et c'est celui sur lequel je voudrais insister, M. le Président: il nous faut être capables de recentrer le rôle de l'État, puisque, nous le savons bien, au profit, au fil de la Révolution tranquille, au fil de grands mouvements qui ont inspiré notre histoire contemporaine, l'État québécois a bien sûr élargi son champ de compétence, son champ d'action, le champ de ses activités et, on en conviendra tous, a exercé des responsabilités qui ne sont pas toujours les mieux assurées, lorsque c'est l'État qui les assume. Et les résultats, dans certains cas, nous illustrent bien, en tout cas, nous disent, peut-être pas toujours de façon convaincante, que ces missions sont essentielles à l'État. Et, dans un contexte de rareté des ressources – je ne dis pas qu'on ne verrait pas les choses différemment si nous étions en pleine croissance économique et que nous étions capables, par exemple, d'aller chercher tous les revenus qu'on estime être capables d'aller chercher, mais – dans ce contexte difficile, il est clair que des remises en question s'imposent, et c'est ce que le gouvernement a choisi de faire.

D'abord, je me permets d'illustrer, et je conclus là-dessus, M. le Président, d'indiquer quelles sont les préoccupations qui nous animent lorsque vient le temps de discuter de la réorganisation, de la réorientation du rôle de l'État. D'abord, l'aide financière aux entreprises, dont on discute depuis tant d'années, particulièrement ici depuis que je siège dans cette Assemblée, depuis maintenant plus de six ans, bien oui, de faire une réflexion sur l'aide financière aux entreprises, elle doit faire et elle a fait l'objet d'une remise en question qui se traduit par une diminution significative des crédits qui étaient auparavant prévus pour soutenir l'entreprise.

On l'a dit, on l'a aussi parfois déploré, mais nous avons pris ce choix difficile de réduire les activités de représentation du Québec à l'étranger. Nous avons aussi, dans le domaine de la santé et des services sociaux, resserré la définition de certains services assurés, et il est clair que nous ne couvrirons plus tous les coûts des services qui ne sont pas médicalement ou socialement requis. M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste quelques minutes encore. Finalement, il est clair qu'il nous faut revoir un nouveau partenariat entre les différents milieux, particulièrement avec l'industrie, afin d'obtenir un meilleur partage des responsabilités et des coûts, notamment dans les secteurs des ressources naturelles et de l'environnement.

Il faut donc, au sortir de cet exercice, ne pas refuser le changement. La tentation serait trop facile, et on a bien eu l'illustration que cette attitude qui aurait consisté à dire «pas dans ma cour» n'est pas celle qu'il faut retenir. C'est assez étrange de voir l'opposition, dans chacune des commissions parlementaires, qui est venue nous dire: Vous coupez là, vous coupez là, et qui plaidait pour une augmentation des budgets et des crédits, alors que tous ici viennent nous tenir un discours vertueux sur l'élimination du déficit. Dénonçons ce double langage de l'opposition officielle qui, d'un côté, en commission parlementaire, vient nous dénoncer, puisque nous opérons des compressions, parce que nous prenons des décisions, et qui, à un autre moment, nous dit que nous devrions aller plus loin lorsque vient le temps de parler de réduction des déficits. Ce double langage est celui qui fait en sorte que l'opposition est dans l'opposition et y demeurera sans doute un bon bout de temps, parce que nous ne pouvons pas, d'un côté, dire aux gens: Maintenons les services comme ils sont, ne faisons rien et, d'un autre côté, dire qu'il faut procéder plus rapidement pour l'élimination du déficit. J'espère que mon collègue président du Conseil du trésor dénoncera lui aussi cette attitude maligne de l'opposition.

M. le Président, je conclus en disant que, bien sûr, cet effort de réduction de crédits interpelle au premier titre, c'est clair, le gouvernement, mais je souhaite que ces réflexions interpellent et inspirent aussi nos concitoyens et nos concitoyennes, puisque l'objectif ultime est de faire en sorte qu'au bout de ce chemin difficile, au bout de ce passage nous puissions enfin voir la lumière. Et, malgré les choix difficiles que nous prenons, malgré les décisions difficiles qui ont été celles du Conseil des ministres, je pense que la population, que nos concitoyens, que nos concitoyennes ont bien compris que, dans trois ans, lorsque le grand ménage sera fait, lorsque nous aurons témoigné de notre volonté et de notre crédibilité, les citoyens auront repris confiance, enfin cette grisaille qui nous fait si mal sera disparue et nous verrons avec espoir l'avenir. Je vous remercie.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Gouin et ministre délégué aux Relations avec les citoyens. J'accorderai maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis et critique de l'opposition officielle en matière de présidence du Conseil du trésor. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je viens d'entendre les propos du député de Gouin, et il me semble avoir été largement occulté sinon hypnotisé par le président du Conseil du trésor. Il répète à satiété ce que le président du Conseil du trésor ne nous a annoncé et ne nous a dit qu'une fois dans cette Chambre, à l'effet qu'il y avait un objectif de dépenses du gouvernement de 35 119 000 000 $, c'est-à-dire 2 245 000 000 $ de moins, en comptabilisant des mesures d'économies fiction. La finance, M. le Président, ce n'est pas, dans l'esprit du président du Conseil du trésor, de la finance-fiction. Les mesures réelles d'économie, dans le budget de dépenses qui nous a été soumis, sont de 1 079 000 000 $; et on le voit très bien par le tableau de la page 19, que je suggère au député de Gouin d'apprendre par coeur, parce qu'il l'a mal compris. Et, par ce biais-là, évidemment, il trouvera que la réduction des dépenses est de l'ordre de 1 079 000 000 $, soit 500 000 000 $ de moins que ce qui était prévu au discours du budget il y a un an. Alors, il n'y a pas de quoi se rouler par terre en essayant de se péter les bretelles sur la bedaine, en se disant: Nous avons été parfaits, et c'est merveilleux!

Au contraire, même, dans le 1 000 000 000 $ d'économies dont on parle, il y en a 196 000 000 $ qui sont pris tout de suite d'un coup en faisant en sorte de rendre contributoire une partie de l'assurance-médicaments. Alors, en deux mots, les citoyens en ont pour 196 000 000 $ de dépenses supplémentaires à faire sur des objets qui étaient auparavant financés par le gouvernement. Là, je pense, entre autres, aux médicaments plus particulièrement pour les personnes âgées.

Il y a aussi un 275 000 000 $ de crédits qui seront en partie à être périmés, pour 175 000 000 $. Je vois mon ami, le député de Labelle, se tirer les cheveux, en train de vouloir essayer de réexpliquer que le 175 000 000 $ à venir ne sera pas périmé, parce que, désormais, on fait ça mieux et que les enveloppes sont fermées dans les ministères. Mais les enveloppes, on l'a vu, entre autres avec le cas de l'aide aux bénéficiaires de l'aide sociale l'an dernier, il a fallu rouvrir des enveloppes, financer de 200 000 000 $, comme on avait prédit qu'il y aurait un trou de 200 000 000 $ à l'aide sociale. Il a fallu que le président du Conseil du trésor redonne, évidemment, 200 000 000 $ de plus au ministère de la Sécurité du revenu, puis il a trouvé l'argent dans les autres ministères, c'est évident. Alors, il y a un 175 000 000 $ de péremption de crédits qu'on verra. On ne sait pas aujourd'hui dans quel endroit il sera pris, on ne sait pas encore comment il va être pris, mais il y a des ministères qui vont avoir moins de crédits en fin d'année. Bref, on se retrouve, dans le réel, à un 600 000 000 $ de diminution de crédits ou de coupures dans le budget de l'an dernier, par exemple.

Le ministre prétend que, si on avait gardé, avec un taux d'inflation de 1,4 %, si on avait «inflationné» les salaires de tout le monde, on aurait dépensé de l'argent qu'on n'a pas dépensé ou qu'on ne prévoit pas dépenser. M. le Président, je répète au ministre que c'est là de la finance-fiction. Le ministre m'a déjà dit, en commission parlementaire: Mais, nous, on fait comme vous avez fait. Pauvre défense pour un ministre d'un gouvernement qui semblait et qui prétendait, et qui prétendait particulièrement pendant la campagne électorale, faire en sorte d'administrer de façon nouvelle, d'une meilleure façon. Et, lorsqu'on voit que la simple défense du ministre, c'est de dire: Mais, nous, on fait comme vous avez fait. Si on fait comme on a fait, il n'y avait pas de raison de changer de gouvernement!

Et j'ajouterai que, dans l'esprit du ministre, lorsqu'il calcule ses crédits, je lui répète ce que je lui ai dit en commission parlementaire, une économie, c'est l'équivalent de ne pas dépenser l'augmentation de salaire que vous n'avez pas eue. Si vous partez avec ça comme principe, c'est sûr que vous ne vous rendrez nulle part; ça ne fait pas de grandes économies réelles dans un budget. Ça, le gouvernement, semble-t-il, a beaucoup de misère à comprendre les nuances et les distinctions qu'il faut faire pour un esprit de transparence qui soit justifiable et justifié dans ces questions budgétaires.

On ne peut pas partir en disant... D'ailleurs, les crédits, le crédit dont on parle, de l'ordre de 37 364 000 000 $, vous ne le retrouverez pas dans les crédits 1995-1996, c'est-à-dire les crédits de l'an dernier, vous ne le retrouverez pas non plus dans la synthèse des opérations financières de septembre, ou de juin, ni de mars, qui sera rendue publique prochainement. C'est absolument irréel. Bref, c'est évident que le député de Gouin aurait intérêt à regarder plus précisément l'ensemble des tableaux qui nous sont remis dans le budget de crédits, parce que, effectivement, il s'apercevrait que les variations ne sont pas aussi importantes que celles que véhicule le président du Conseil du trésor.

Maintenant, ces crédits, M. le Président, ont une véritable face cachée, et la face cachée n'est pas simplement la réduction des crédits à l'Éducation ou à la Santé, qui ne comprennent pas, ni dans un ni dans l'autre, le coût des conventions collectives signées avant le référendum par le gouvernement avec ses alliés syndicaux et qui sera transféré aux établissements de santé et d'éducation sans, évidemment, aide financière de la part du gouvernement.

En deux mots, le gouvernement a négocié à la hausse des masses salariales, tant pour le monde de la santé que pour le secteur de l'éducation, et transfère aux établissements les augmentations de coûts des salaires à être versés aux enseignants, ou aux infirmières, ou à tout le personnel de ces deux réseaux, au 1er avril dernier, au 1er janvier qui s'en vient puis au 1er janvier 1998. À tout le moins, pour le 1er avril dernier et pour le 1er janvier qui s'en vient, les réseaux devront autofinancer les augmentations de salaire consenties à une époque préréférendaire entre le gouvernement et ses alliés syndicaux. Mais cela, évidemment, n'est pas comptabilisé dans les diminutions de crédits que le réseau de la santé et le réseau de l'éducation devront connaître et devront vivre avec.

Dans le réseau de l'éducation, on ne parle plus de dégraissage, M. le Président, on parle de désossage. Ça commence à avoir une signification qui est un petit peu plus tragique, sur le plan des faits et du vécu, dans un secteur aussi crucial que l'éducation. Je suis personnellement un peu surpris après avoir écouté le discours du trône du premier ministre dans lequel le mot «éducation» et la volonté de faire de l'éducation une priorité revenaient pas moins d'une douzaine de fois. La conclusion, c'est qu'au moment des crédits on s'aperçoit que c'est un des services qui est le plus touché, le plus affecté, le plus massacré sur le plan de la réduction des crédits, l'éducation. La force d'une nation, la force de la compréhension et de la connaissance, la meilleure façon de transmettre les valeurs et les connaissances d'une génération à l'autre, c'est à cela, principalement, que le gouvernement s'attaque. Mais je laisserai le député de Marquette en discuter plus longuement et faire la démonstration plus longuement, puisqu'il est critique en cette matière.

Il n'en demeure pas moins qu'on a l'impression que, plus le premier ministre priorise ou aime un sujet, plus il a tendance à vouloir le massacrer. Ça a été vrai dans le dossier de l'éducation, c'est vrai aussi dans le dossier de l'employabilité, M. le Président, l'employabilité et toutes les mesures connexes pour aider à la création d'emplois. On retrouve, dans ce budget de crédits, tant dans les ressources pour le ministère de l'Industrie et du Commerce que dans les ressources pour le ministère de la Sécurité du revenu, des coupures significatives en tout ce qui a trait à la création d'emplois. C'est assez malheureux, au moment où on a plus de 11,5 % de taux de chômage, le gouvernement s'attaque à ce qui devrait être pour lui la priorité parmi les priorités: la création d'emplois.

Malheureusement, ce budget de crédits est aussi un mauvais signal, un mauvais message pour l'ensemble de la population. La population s'est fait dire par le premier ministre que le budget de crédits ferait en sorte de diminuer et d'amener des coupures dans certains services, et on en est fort conscient, c'est des choses qui devront arriver. Mais ce que le budget de crédits ne signale pas autrement que par la critique de l'opposition, critique qui se fait entendre et dont l'écho se répercute de plus en plus à travers tout le Québec, M. le Président, c'est que la face cachée des crédits fera en sorte que le citoyen sera de plus en plus taxé indirectement par, dans le secteur de l'éducation, un transfert aux commissions scolaires, qui forceront une augmentation de la taxe scolaire de 77 000 000 $ à travers tout le Québec; 77 000 000 $ qu'on va aller chercher dans la poche des contribuables de l'ensemble du Québec pour financer l'éducation qui ne l'est plus autant qu'elle l'était ou qui était financée par le ministère de l'Éducation. Alors, le ministère de l'Éducation finançant moins, les commissions scolaires, pour donner le même service, pour donner un service peut-être même inférieur, devront quand même taxer de l'ordre de 77 000 000 $.

(15 h 40)

Coupures de budgets, hausses de tarifs. Coupures de budgets, hausses de tarifs dans le domaine du monde municipal. Le monde municipal, on l'a encore évoqué hier, on en a appris un peu plus hier. On s'attend à ce que 115 000 000 $ soient définitivement récupérés par le biais de la taxe municipale, pour des objets autrement financés par le gouvernement du Québec.

Ce qui veut dire que, là, juste le secteur de l'éducation et le secteur du monde municipal, on a pour 200 000 000 $ de tarification ou de taxes cachées, déguisées, qui découlent directement du budget de crédits qu'on a devant nous, sans compter, M. le Président, le 196 400 000 $ prévu comme récupération à l'assurance-médicaments, contribution des utilisateurs, contribution qu'ils n'avaient pas à payer avant, contribution des utilisateurs qui, désormais, probablement au début de janvier, à partir du 1er janvier, selon ce que le ministre nous a dit... À partir du 1er janvier, les citoyens devront payer 196 400 000 $ de plus, de leur poche, pour un service qu'ils avaient auparavant gratuitement.

Donc, en deux mots, le gouvernement transfère aux citoyens une partie de ces coûts de médicaments, ce qui va faire en sorte que les citoyens vont payer, désormais, pour la période de trois mois financiers, dans le fond, entre le 1er janvier et le 31 mars, 196 000 000 $ de plus. Je demeure sur mon appétit en ce qui concerne la compréhension de la récurrence de ce coût transféré aux citoyens sur une base annuelle. Le ministre de la Santé est avec nous cet après-midi. Peut-être saura-t-il nous l'expliquer davantage que n'a pu le faire tout autre membre du cabinet, jusqu'à date. Comment, en principe, ce qui devient une économie parce qu'il est transféré comme contribution aux citoyens sur une base de trois mois de l'année financière ne devient pas quatre fois plus important lorsqu'on le regarde sur une année financière, une année dans le calendrier que l'on connaît, c'est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre, sur quatre périodes, quatre semestres de notre organisation financière?

Mais j'ai cru comprendre que le ministre de la Santé visait, en période de croisière, en période où la réforme de l'assurance-médicaments serait mise en place, sur une base annuelle, finances publiques... On prévoit un transfert de la contribution à l'équivalent de 300 000 000 $ par année, à peu près. Le ministre de la Santé semble être d'accord avec mes chiffres. Il faudrait qu'il nous explique comment ça se fait que 196 000 000 $ multipliés par quatre, ça ne fait pas 800 000 000 $, ça n'en fait rien que 300 000 000 $. Ce bout-là est clair-obscur encore dans mon esprit. Mais une chose est certaine, M. le Président, c'est qu'après avoir payé 200 000 000 $ de plus pour l'éducation et les affaires municipales les citoyens se doivent de débourser de leur poche, de s'attendre de débourser de leur poche, un 200 000 000 $ supplémentaire, dans le cadre de l'exercice financier de cette année, pour financer les médicaments.

On peut aussi ajouter que l'augmentation des tarifs d'Hydro-Québec est une forme de taxation déguisée, puisqu'en permettant à Hydro-Québec, d'une part, d'augmenter ses tarifs, en exigeant d'Hydro-Québec, d'autre part, de diminuer ses coûts d'opération, on fera en sorte de permettre au ministère des Finances de pouvoir récupérer une partie du surplus ou du profit que fera Hydro-Québec.

On sait que, depuis que M. Parizeau est passé aux Finances, il avait modifié la loi d'Hydro-Québec pour obliger la société, la plus importante de nos sociétés d'État, à transmettre au gouvernement un dividende annuel sur son profit réalisé. Alors, évidemment, le gouvernement, en augmentant la tarification d'Hydro-Québec de 2,5 %, 2,7 % et, d'autre part, en obligeant Hydro-Québec de réduire de plusieurs centaines de millions ses coûts d'opération, il se trouve à être en sorte de se placer pour recevoir un dividende d'Hydro-Québec qui soit plus grand.

Ça devient ni plus ni moins, M. le Président, on le comprend vite, une forme cachée, une forme de tarification qui est, en fait, une taxe déguisée. C'est une autre façon, pour le gouvernement, de s'organiser à augmenter ses revenus.

Mais les revenus du gouvernement, il ne les augmente pas autrement que dans la poche des citoyens. Encore une fois, ces crédits-là sont, à près de 450 000 000 $, une façon de récupérer chez les citoyens des tarifs qui ne sont autre chose que des taxes déguisées, taxes déguisées, je le rappelle, de 77 000 000 $ en transferts aux commissions scolaires; 115 000 000 $, puis peut-être 120 000 000 $ ou 125 000 000 $, avec les nouvelles annonces du ministre des Affaires municipales, 115 000 000 $ à 125 000 000 $ aux municipalités; 196 000 000 $ – disons 200 000 000 $ – dans le secteur de l'assurance-médicaments; et un autre 58 000 000 $ avec Hydro-Québec: 450 000 000 $ de taxes déguisées, pour un gouvernement qui nous a promis une chose au mois de janvier dernier, c'est de ne pas nous imposer la fameuse taxe qui était prévue dans le discours du budget de l'an dernier et qu'on aurait dû subir si on votait non au référendum. Vous vous en rappelez, M. le Président, il s'agit de la taxe qui devait faire en sorte d'augmenter de 1 % la taxe de vente du Québec au 1er juillet 1996.

Le premier ministre, et l'on en a félicité à l'époque, a décidé puis il a trouvé qu'au Québec – ce n'est une grande surprise pour personne – on avait un niveau de fiscalité qui était trop élevé. Nous en convenons tous avec lui. Il a suggéré à la ministre des Finances, et il a ensuite exigé, que cette taxe de 1 % disparaisse, qu'on fasse en sorte de trouver des moyens, dans le budget de crédits et dans le budget qui viendra, de faire disparaître cette augmentation de taxe de 600 000 000 $. Nous l'avons, à l'époque, félicité de cette façon de voir les choses. Par contre, on est obligé de constater aujourd'hui que, après avoir exigé le retrait d'une taxe de 600 000 000 $ par le biais d'un accroissement de la taxe de vente de 1 %, le premier ministre est allé chercher 450 000 000 $ indirectement dans les poches de toutes les citoyennes et de tous les citoyens du Québec, et, ça, c'est inadmissible, à notre avis.

M. le Président, je voudrais simplement ajouter ceci à titre de conclusion. Après avoir enfirouâpé l'ensemble du Québec en lui passant par-dessous la table un 450 000 000 $ de taxes déguisées, nous en sommes rendus aujourd'hui à une semaine ou deux de la présentation d'un budget, un budget qui devra être présenté ici à l'Assemblée nationale, mais un budget qui, pour l'instant, nous fait poser plusieurs questions. Évidemment, vous pourrez toujours me dire, avec raison: Attendez 15 jours, puis vous aurez des réponses à votre question. C'est vrai. C'est vrai qu'en attendant une semaine ou deux nous aurons des réponses à nos questions en ce qui concerne les conclusions budgétaires. Mais ce que nous savons à cause des crédits déposés par le président du Conseil du trésor, ce que nous savons d'ores et déjà, c'est qu'il y a des revenus supplémentaires de l'ordre de 600 000 000 $ à trouver pour équilibrer le budget, même en tenant compte d'un taux de croissance de 1,4 %. Après avoir été chercher 450 000 000 $ dans la poche des citoyens, il en manque encore 600 000 000 $ pour équilibrer le budget.

Nous sommes inquiets des conclusions que saura trouver ce gouvernement dans la façon d'équilibrer le budget, c'est-à-dire dans la façon d'aller trouver dans nos poches, dans les poches de l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec, un 600 000 000 $ supplémentaire à celui déjà trouvé par le président du Conseil du trésor par le biais de ces crédits 1996-1997. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis et critique de l'opposition officielle en matière de présidence du Conseil du trésor. J'accorderai maintenant la parole à la députée de Taillon et ministre de l'Éducation. Mme la députée.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'écoutais avec attention ce que nous disait le député de Westmount–Saint-Louis. Il nous disait: Ne faites pas ce qu'on a fait. Parce que, ce qu'ils ont fait, eux, ça a été une hausse moyenne des dépenses de 5,2 % au cours de la période 1986-1994. Et, dans les dernières années de leur mandat, non seulement n'ont-ils pas réussi à réduire le déficit, mais on a vu que, bon an mal an, ils se trompaient de plus de 1 000 000 000 $ quant à ce déficit réel que l'on constatait en fin d'année.

(15 h 50)

Si nos amis d'en face avaient, lorsqu'ils étaient au pouvoir, agi de façon responsable comme nous tentons de le faire maintenant... Bien sûr que c'est exigeant, bien sûr que ça demande du courage, bien sûr qu'il faut le faire de façon cohérente, de façon rigoureuse. Mais c'est évident, M. le Président, que, si nous voulons atteindre l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire cesser d'emprunter pour payer l'épicerie, cesser d'emprunter pour investir, nous assurer que la dette ne progresse plus, M. le Président, il faut faire des efforts du côté des dépenses budgétaires du gouvernement.

Quand la majorité de ces dépenses, M. le Président, concerne des secteurs comme la santé et les services sociaux ou comme l'éducation, c'est évident que c'est à ces secteurs qu'on va demander de faire un effort qui va être cohérent par rapport à l'espace qu'ils occupent dans le budget. L'intelligence consiste, par la suite, M. le Président, à faire les choix qui vont être respectueux des besoins dans le cas de l'éducation des enfants, des élèves, des adolescents, des étudiantes et des étudiants des universités, des chercheurs, de telle sorte que nous préservions l'avenir, que nous continuions à faire le choix absolument essentiel et nécessaire qui est celui de former nos jeunes pour qu'ils deviennent des travailleurs et des travailleuses qui vont être compétentes, qui vont être compétents dans la vie, qui vont pouvoir être autonomes, s'assumer comme personnes au plan personnel, au plan individuel, mais au plan professionnel aussi, M. le Président.

Et c'est toujours un peu désolant quand on entend les gens d'en face revenir avec leurs recettes qui n'ont pas fonctionné, de toute façon, et n'avoir rien à nous proposer à ce moment-ci, alors qu'on devrait, collectivement, être capable de tracer un certain ordre de priorité, ce que nous avons fait, M. le Président. Et je sais que, dans le cas qui me préoccupe, soit l'éducation, nous avons en train – et j'ai même modifié en ce sens le mandat qui leur avait été accordé – une grande réflexion autour de l'avenir de l'éducation au Québec, et qui est tenue à l'intérieur des états généraux. J'ai modifié, M. le Président, leur mandat pour qu'ils aillent plus en profondeur quant aux recommandations qu'ils pourraient nous faire sur les priorités que nous devrions retenir en matière d'éducation.

Sachant cela, M. le Président, il est évident que ce que j'ai fait avec mes collaborateurs, avec mes collaboratrices, ce que je demande aux gens des réseaux, autant au niveau de l'enseignement primaire, secondaire, au niveau des cégeps, au niveau des universités, c'est qu'on s'attaque à tout ce qui a trait à l'administration, que l'on revoie notre façon de livrer les services, qu'on revoie notre façon d'organiser nos administrations, de telle sorte qu'on rationalise, qu'on économise de ce côté sans toucher aux fondements mêmes de notre dispositif en matière d'éducation et que l'on préserve tout ce qui concerne l'investissement à cet égard.

Et, M. le Président, j'aimerais peut-être qu'on se rappelle ici – je sais que j'ai peu de temps – que, s'il y a un effort budgétaire considérable, je n'en disconviens pas, qui est demandé à l'éducation, il reste que nous investissons 25 % du budget de dépenses du gouvernement du Québec, qui se compare, par rapport à ce qui se fait à travers le monde, très bien. En effet, nous investissons plus de 8,5 % de notre richesse collective, de notre PIB, en éducation, soit 1 % de plus que ce que font les pays de l'OCDE, les pays occidentaux, les pays qui croient aussi à leur avenir, qui croient aussi à l'essentiel du rôle de l'État à l'égard de l'éducation. Notre part constitue donc encore une part significative importante et au-dessus de celle que d'autres pays consacrent à l'éducation.

Cela veut dire, M. le Président, que nous consacrons: 475 000 000 $ à l'aide aux étudiantes et aux étudiants; 5 500 000 000 $ en éducation préscolaire; à l'enseignement primaire, secondaire, aux cégepiens, aux cégepiennes, aux cégeps du Québec, 1 350 000 000 $, M. le Président; aux affaires universitaires et scientifiques, 1 700 000 000 $. Nous investissons des ressources considérables. Nous avons fait le choix de préserver les services éducatifs, demandant, je le répète, à nos collaborateurs de s'attaquer aux frais d'administration, de revoir l'organisation, parce que nous sommes conscients que les états généraux devraient nous proposer un certain nombre d'avenues à privilégier, de priorités à retenir, nous guidant ainsi dans des rationalisations d'un autre ordre et qui seront à faire dans les mois et dans les années qui viennent.

J'aimerais cependant rappeler que, au-delà des sous que nous investissons, même si ce n'est pas encore satisfaisant, nous réussissons bien en éducation, au Québec. Nous avons des failles, nous savons où elles sont, de plus en plus, et les états généraux les ont fait ressortir encore davantage. Je pense, entre autres, à notre niveau de diplomation auprès des jeunes du secondaire qui lâchent l'école parce qu'on n'a pas trouvé la façon de les y intéresser et de les y former avec des moyens pédagogiques, des façons de leur enseigner qui conviennent à leur façon d'apprendre. On a un travail à faire pour les motiver, les y retenir, mais pour qu'ils puissent y apprendre aussi un métier pour ensuite, diplômés qu'ils seront, occuper un poste de travail sur le marché de l'emploi. On sait que nous avons un problème, et il est significatif, du côté de la petite enfance. On sait que nous avons des problèmes à résoudre du côté des passerelles, et je m'explique, c'est-à-dire du fait que quelqu'un qui a été formé au niveau professionnel au plan secondaire puisse un jour, s'il le désire, pouvoir accéder à une formation technique soit au niveau du cégep ou au niveau universitaire.

Vous m'indiquez, M. le Président, qu'il me reste à peine quelques minutes. Je vous cite quelques chiffres de réussite de nos jeunes. La probabilité d'obtenir un diplôme a progressé de 17 % entre 1975-1976 et 1993-1994. La proportion de Québécois et de Québécoises qui obtiennent un diplôme d'études collégiales depuis 1975 a presque doublé. Tous nos jeunes, nos enfants, qui participent à des concours, à des examens au niveau international – soit en sciences, en mathématiques, en français – se situent toujours parmi le peloton de tête. On voudrait qu'ils soient les premiers; nous y arriverons, je suis persuadée de cela. Mais il reste que, dans plusieurs situations, dans plusieurs évaluations, on se classe devant des pays comme la France, comme les États-Unis, comme l'Angleterre: septième rang sur 17 pays ou provinces; huitième rang sur 27 États ou pays dont les enfants ont participé. Et c'est vrai pour un ensemble d'autres événements auxquels sont invités à participer nos jeunes de niveau secondaire.

Il y a donc des réussites. Ce n'est pas parfait, il y a des failles, bien sûr, il faut les corriger. La hauteur de nos ressources est importante, actuellement, ce qui ne nous enlève pas le devoir de les rationaliser, de voir à ce qu'on les utilise mieux, et les états généraux, en ce sens, nous offriront la possibilité d'ouvrir un large débat quant aux priorités à retenir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Taillon et ministre de l'Éducation. J'accorderai maintenant la parole au député de Marquette et critique pour l'opposition officielle en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Quelques corrections, plusieurs corrections par rapport aux propos tenus par ma vis-à-vis, la ministre de l'Éducation. Elle disait, effectivement, qu'elle a modifié le mandat des états généraux. Je lui rappelle cependant qu'elle a modifié le mandat des états généraux suite à l'intervention du député de Verdun et suite à l'intervention du député de Marquette, et je vois qu'elle sourit, elle s'en rappelle. Elle s'en rappelle, parce que c'était un oubli de la part du premier ministre qui, dans le cadre de son discours au mois de janvier, disait à l'ensemble des participants et participantes des états généraux: Soumettez-nous les conclusions que vous allez tirer, et nous allons les imbriquer dans le sommet économique qui sera tenu à l'automne.

(16 heures)

Or, j'ai rappelé à la ministre de l'Éducation, avec mon collègue, le député de Verdun, que le mandat qui avait été prévu par l'ancien ministre de l'Éducation ne prévoyait aucunement que les commissaires des états généraux devraient déposer de nouvelles recommandations. Alors, c'est à ce moment-là que la ministre a réalisé que nous avions raison, et elle a dû modifier le mandat, tel qu'elle l'a décrit. Elle y a ajouté, cependant, une facette. Elle a effectivement demandé aux commissaires de déterminer quelles devraient être les priorités en éducation, et je pense que ça a été une décision sage de sa part. Elle constatait qu'elle avait de la difficulté, quant à elle, à établir ces priorités-là, donc qu'il valait mieux s'en remettre aux commissaires des états généraux. Je suis convaincu qu'ils vont faire un bien meilleur travail qu'elle l'a fait. Parce que, tantôt, elle disait également, elle nous reprochait de lui dire de ne pas faire ce que nous avons fait. Bien, ce que nous avons fait: nous ne nous sommes jamais attaqués aux élèves, nous ne nous sommes jamais attaqués aux parents, nous ne nous sommes jamais attaqués aux patients, aux malades, aux personnes âgées et aux plus démunis de notre société, comme le gouvernement d'en face le fait, à la suite de ses crédits. Et nous aurons l'occasion de le démontrer, M. le Président.

Première chose. J'entendais le député de Gouin faire état des différents principes qui auraient, semble-t-il, guidé le gouvernement dans ses choix budgétaires. Premier principe qu'il invoquait: la transparence. Et la ministre en a parlé, de la transparence. Or, si on veut être vraiment transparent, on ne peut pas affirmer, tel qu'elle le faisait lors du dépôt des crédits, que les compressions en éducation seraient de l'ordre de 553 000 000 $. C'est faux. C'est faux, c'est beaucoup plus que ça. Elle ne m'a pas encore contredit, parce que, dans le livre des renseignements supplémentaires sur les crédits, à la page 180, on retrouve des compressions pour 600 000 000 $. Et, si la ministre ne me croit pas, je l'invite à prendre connaissance de la lettre de la CEQ. La lettre de la CEQ fait état de la même chose. Ils font état de la même chose. Ils évaluent les compressions budgétaires à 600 000 000 $. Et, au moment où la CEQ a rédigé cette lettre, elle n'avait pas encore pris connaissance du cahier explicatif des crédits, où, là, on trouve une compression additionnelle de 30 000 000 $. Alors, ce que la ministre nous disait lors du dépôt des crédits, que les compressions seraient de l'ordre de 553 000 000 $, c'était faux. On constate aujourd'hui que c'est plus de 630 000 000 $, les compressions.

Elle disait également que, les taxes scolaires, elle n'obligeait pas les commissions scolaires à les hausser. Pourtant, elle a prévu tout un mécanisme pour permettre aux commissions scolaires de hausser les taxes scolaires et elle a même identifié le montant. C'est un montant de 77 000 000 $. Alors, comment tenir le discours, lors du dépôt des crédits... Et on le savait, là, c'était le discours du gouvernement, mais il fallait vérifier les gestes. Les gestes qui seraient posés nous éclairent beaucoup plus que les beaux discours que tiennent nos amis d'en face.

Et, d'ailleurs, sur ce même principe de la transparence, j'ai eu l'occasion de l'indiquer et je le répète, la CEQ, qui est une alliée du gouvernement, disait ceci, dans sa lettre du 23 avril. Il faut bien comprendre la CEQ, qui est inquiète de la situation. Et je sais que, demain, ils tiendront une conférence de presse pour dénoncer les compressions budgétaires aveugles, improvisées, de la part de la ministre de l'Éducation, qui toucheront directement la qualité de l'enseignement, qui toucheront directement les élèves. Eh bien, demain, j'annonce à la population qui nous écoute que la CEQ tiendra une conférence de presse pour faire la lumière par rapport aux beaux discours de la ministre de l'Éducation.

Et elle me disait ceci, la présidente de la CEQ, elle disait, et je la cite: «Dans le secteur de l'éducation, cependant, nous devons relever la détérioration de la qualité et de la quantité d'informations présentées depuis 1994-1995, année de la recomposition du ministère de l'Éducation.» C'est, bien sûr, l'année où nos amis d'en face forment le gouvernement. Et elle va plus loin, elle dit: «Avec l'introduction des enveloppes fermées, le manque de transparence s'est accentué.» Ces gens-là nous disent: On a choisi comme critère la transparence pour faire nos choix budgétaires. Leurs alliés disent: Il y a un manque de transparence. Qui croire, M. le Président? Je crois, bien sûr, la CEQ. Je le sais, je l'ai vu, la ministre a fait des beaux discours. Les gestes, les faits ne soutiennent aucunement son discours. Je continue. La présidente de la CEQ dit ceci: «Ça permet aux gestionnaires d'opérer plus facilement des virements entre les enveloppes.» Et la ministre de l'Éducation nous l'a indiqué en commission parlementaire, elle s'en rappellera. Je m'étais fâché par rapport au fait qu'on lui demandait: Combien allez-vous mettre, cette année, au niveau des nouvelles technologies en information et en communications? Et la réponse: Vous verrez. J'ai compris que j'en prendrais connaissance lors du dépôt des crédits, mais j'ai compris également qu'elle indiquait qu'elle allait jouer dans le budget de l'immobilisation. Or, les règles viennent de changer. Normalement, ce sont des outils qui sont financés, et on peut savoir quelle somme d'argent sera consacrée pour le financement des ordinateurs. Normalement, c'est dans le cadre du livre des crédits. Mais on a rapidement compris que la ministre avait déjà commencé à transférer des sommes d'argent d'une enveloppe à une autre, à tel point que ni les citoyens ne peuvent plus s'y retrouver, ni les membres de l'opposition, ni la présidente de la CEQ, qui disait ceci également, et je la cite: «Il devient plus malaisé pour la population de savoir où vont les fonds publics.» Voilà pour la transparence, M. le Président.

Au niveau de la responsabilité, maintenant, comment peut-elle et comment le gouvernement peut-il tenir un discours que les contribuables ne seront aucunement affectés, alors que, dans les règles budgétaires qui sont transmises à l'ensemble des commissions scolaires – et ça vient du cabinet de la ministre de l'Éducation, et il faut prendre pour acquis, M. le Président, qu'elle a pris connaissance des règles budgétaires – il y a une compression de 3 % au niveau des activités éducatives? 3 %, pour une seule commission scolaire comme la CECM, ça représente 1 100 000 $ de moins en services directs aux élèves, et ce sont des services dont certains élèves ont besoin: services de psychoéducateurs, services d'orthopédagogues, services d'orthophonistes, on parle même de matériaux pédagogiques. Et, au niveau du secteur anglais, il y a un problème, au niveau des manuels scolaires en mathématiques et en science physique, et c'est même des documents internes du ministère de l'Éducation qui le révèlent. Et pourtant la ministre s'attaque précisément à ces postes budgétaires là.

Par la suite, on en apprend tous les jours, des décisions: 57 000 heures-groupes en alphabétisation seront coupées dans une seule commission scolaire, 4 700 000 $, M. le Président. Et on disait ne pas vouloir toucher aux démunis: 4 700 000. $ Au niveau des services de garde en milieu scolaire, la comédie d'erreurs se poursuit. La ministre a dû reculer, et je me suis dit: Si elle recule, c'est peut-être parce qu'elle va avancer dans la bonne direction. Mais non, elle recule et elle recule véritablement. Constatant l'impact de sa décision et du choix judicieux qu'elle disait faire, elle a dû revenir, et c'est le premier ministre qui nous a indiqué, ici même sur le parquet de la Chambre, qu'il fallait revoir cette mesure-là. Alors, je ne sais pas, est-ce que la ministre avait bien fait ses devoirs, ou est-ce qu'elle suivait tout simplement les indications que lui donnaient les fonctionnaires de son ministère? Elle a dû reculer.

(16 h 10)

Mais, là, elle recule pour dire: On va aller chercher une partie... parce que, là, elle coupait l'exonération et, encore une fois, elle s'attaquait aux plus démunis. Comment expliquer à des gens qui sont sur la sécurité du revenu qu'on va maintenant leur donner un crédit d'impôt, alors que ces gens-là ne paient pas d'impôt parce qu'ils n'ont pas de revenus suffisants? On allait remplacer l'exonération, M. le Président, par un crédit d'impôt. Quel discours! Quel impact! Ça n'a pas pris de temps que les gens sont sortis dans la rue, les médias ont suivi la situation, et on voyait bien l'impact de la décision de la ministre concernant les services de garde en milieu scolaire: ça a soulevé un tollé, et la ministre a dû reculer.

Mais, là, elle dit: Je vais me reprendre, il y a des surplus dans certains services de garde, quelques milliers de dollars. La ministre devrait savoir, devrait comprendre que plusieurs services de garde sont gérés par des corporations sans but lucratif, par des parents. Lorsqu'il y a des surplus, que font les parents? Pensez-vous qu'ils se mettent ça dans les poches? Ils réinvestissent pour le bien-être et l'éducation de leurs enfants. À la CECM et dans les milieux pauvres, il n'y a pas de surplus. Et la compression d'entre 50 % et 60 % qu'elle a maintenant annoncée va se traduire comment? La collation matinale que certains parents veillaient à donner aux élèves.

La ministre me fait signe de la tête que non. Je l'invite à venir avec moi, nous allons y aller ensemble, main dans la main, voir les services de garde, et elle va prendre conscience, M. le Président, de l'impact de ses décisions. Qu'elle sorte du ministère de l'Éducation, qu'elle sorte de la tour d'ivoire, qu'elle aille dans les milieux pour voir exactement, M. le Président, les conséquences de ses décisions. Et je lui dis, ce sont des collations matinales, ce sont des moniteurs qui sont financés à partir de ces budgets-là. C'est à ça qu'elle s'attaque. Et les moniteurs, c'est pour permettre aux élèves de faire leurs devoirs et leurs leçons, dans des milieux où le taux de décrochage est très élevé et dans des milieux où le taux de réussite est malheureusement trop bas. Elle s'attaque à cela.

Elle s'attaque également, M. le Président, aux jouets que les parents vont acheter pour les jeunes de 4 ans et de 5 ans. Elle s'attaque à tout l'achat du matériel de bricolage, pour permettre que les services de garde soient le complément de l'école. Et un service de garde en milieu scolaire, son objectif, c'est d'être un complément de l'école. Et elle dit: J'ai vu des surplus là, je vais aller chercher de l'argent là. Lorsque vous allez chercher de l'argent là, Mme la ministre, vous faites mal à des élèves, et, ça, si la ministre ne me croit pas, je n'irai peut-être pas main dans la main, mais je vais à tout le moins lui indiquer des adresses, je vais à tout le moins lui indiquer les adresses où aller voir l'impact de sa décision. C'est à nouveau une mauvaise décision, et la comédie d'erreurs se poursuit.

Pourquoi ne pas aller chercher l'argent là où il est disponible? Elle négocie actuellement, et elle l'a affirmé en cette Chambre, des augmentations de salaire à des cadres et des hors-cadres. Selon certains chiffres, ça va coûter 18 000 000 $; il y a un 9 000 000 $ qu'elle pourrait aller récupérer là. Et ce n'est pas comme si elle enlevait quoi que ce soit aux cadres ou aux hors-cadres: elle ne leur donne tout simplement pas ce qu'elle leur a promis, M. le Président. Il y a un 9 000 000 $ à aller chercher là.

On regarde également la fermeture des écoles et on commence à entendre parler que, dans certains milieux, des écoles vont fermer. Je ne sais pas si, dans le comté de Rivière-du-Loup, la commission scolaire va fermer des écoles, mais fort probablement, parce que la ministre a décidé de réduire le financement des espaces excédentaires. C'est ce qui permet aux commissions scolaires de garder des écoles qui sont à moitié vides, de les garder ouvertes. La ministre réduit ça de 35 %, et pourtant son gouvernement s'est fait élire, M. le Président, sur la promesse de Jacques Parizeau, rappelez-vous en: «Tenez bon, gens de Batiscan, votre école ne fermera pas.»

Deux ans plus tard, la ministre de l'Éducation arrive et elle décide, elle, de réduire le financement des espaces excédentaires. C'est l'équivalent, M. le Président, l'équivalent de 240 écoles primaires. On ne sait pas si ça va se réaliser dans les faits, mais, déjà, la commission scolaire du Lakeshore, premier exemple – et je vois le ministre de la Santé qui est en pays de reconnaissance, lui qui a fermé des hôpitaux, M. le Président, il est en pays de reconnaissance avec la ministre de l'Éducation – elle va fermer des écoles, deux écoles ciblées pour fermeture à Lakeshore. Et l'ensemble des députés ministériels, je vous avise, ça ne prendra pas de temps, vos commissions scolaires vont vous appeler et les parents de ces commissions scolaires là vont vous appeler, parce que des écoles vont fermer dans chacun de vos milieux à la suite de la décision de la ministre de l'Éducation. Et elle sera prise avec le problème, et nous allons la suivre à la trace. Parce que c'est la même chose qui est survenue au niveau des services de garde en milieu scolaire, elle a dû reculer. Malheureusement, maintenant, il sera trop tard pour reculer. La mesure sera imposée, et ça va faire mal.

Et c'est pour ça que la ministre, M. le Président, en terminant, a fait de mauvais choix budgétaires. Ça a été improvisé du début à la fin. C'est Lise Bissonnette qui le disait elle-même dans un éditorial du Devoir : «Le système d'éducation procède sans boussole aux compressions des dépenses.» Et, au lieu de s'attaquer au fardeau administratif, la ministre de l'Éducation, endossée par le président du Conseil du trésor, a décidé de s'attaquer aux élèves, aux parents et aux contribuables, M. le Président.

Je lui réitère, et j'espère qu'elle m'écoute, l'offre que je lui faisais hier, M. le Président: qu'elle donne un mandat à la commission de l'éducation pour procéder à l'analyse de tous les postes de dépenses en éducation et les scruter à la loupe. Nous serons en mesure de trouver les économies que la ministre souhaite, mais d'éviter que ces économies-là soient réalisées sur le dos des élèves, le dos des parents et le dos des contribuables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière d'enseignement primaire et secondaire. J'accorderai maintenant la parole au député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, nous arrivons au terme d'un long chemin. Il aura fallu un grand nombre d'heures pour réviser tous les crédits du gouvernement. C'est une opération qui se situe quelques semaines après la révision des engagements financiers et quelque temps avant le budget. Tout ça ensemble nous aura donné un portrait complet, très transparent de la situation où nous sommes et des mesures que le gouvernement entend prendre pour gérer cette situation.

On entend l'opposition dénoncer une situation qui est difficile, qui sera difficile au cours des prochaines années, et, ça, je pense que le gouvernement ne l'a jamais nié. On ne peut pas dénoncer et reprocher au gouvernement, M. le Président, une situation de fait. Les faits sont là, le Québec connaît une situation qu'ont connue beaucoup d'autres pays. On sait qu'on a un déficit qui, même si, pour la première fois cette année, il a vraiment pu être pris sous contrôle – on a franchi la barre des 4 000 000 000 $ à la baisse...

Le gouvernement a un objectif partagé avec ses partenaires sociaux d'entrer dans le nouveau siècle, en l'an 2000, avec un déficit zéro, ce qui nous permettra, au cours de ce processus et par la suite, de prendre aussi un contrôle sur une dette qui est énorme, une dette de 75 000 000 000 $. C'est plus de 10 000 $ que chaque Québécois et chaque Québécoise a de dette, qui est sa part personnelle à la dette collective du Québec. Et, ça, c'est très important, parce que ça donne un poids sur les dépenses de programmes du gouvernement d'à peu près 15 % des dépenses qu'on doit faire. Alors, ça ne donne rien de s'éplorer sur une situation qui est malheureuse, qui est difficile. Il faut plutôt prendre son courage à deux mains, voir les options de solution et agir, bouger.

(16 h 20)

Le gouvernement qui nous a précédés... et on peut voir ce que ça serait, l'avenir immédiat, s'il n'y avait pas eu de changement de gouvernement, parce que lui aussi avait déjà commencé à faire des coupures. La situation était déjà assez tendue, était déjà assez difficile que, même s'il a commencé, ce gouvernement précédent, à se réveiller après à peu près tous les gouvernements des autres pays avec lesquels on aime se comparer, lui, il a agi sans plan. Les coupures se faisaient plus ou moins à travers, aléatoirement, selon ce qu'on pouvait couper, et on tirait sur tout ce qui bougeait. On le faisait sans plan et on le faisait sans résultat aussi, parce que, malgré ça, le gouvernement, tout en coupant, ne réussissait pas à réduire le déficit, continuait à aggraver la situation de la dette et nous emmenait vraiment dans une impasse.

Il faut bien se rappeler que l'exercice dans lequel on est, le gouvernement l'a entrepris en se donnant des principes directeurs et qu'envers et contre tous on s'est engagé à les respecter et à les respecter jusque dans leurs conséquences et leurs conclusions les plus précises sur le terrain. On a dit et on procède comme on l'a dit: avec équité. Tous, effectivement, sont appelés à fournir une contribution. C'est facile de faire de la démagogie en parlant d'un groupe de la société ou d'un autre qui est affecté présentement. Tous sont affectés, tous sont mis à contribution, mais selon leur capacité de contribuer. Au lieu de frapper à gauche et à droite selon les opportunités qui se présentent, le gouvernement fait un effort et un effort énorme pour s'assurer d'équilibrer de façon équitable et juste l'effort que tous devront faire.

On a dit aussi... et on procède avec rigueur, c'est-à-dire pas simplement en allant à des accommodements de court terme, mais dans tous les endroits où c'est possible, dans tous les endroits où c'est indiqué, en ayant le courage de réorganiser et de repenser nos façons de faire et de dépenser en fonction de l'avenir. On n'a pas besoin d'être un expert en futurologie pour imaginer ce qui s'en vient dans les prochaines années et, quand on connaît bien les différents secteurs, qu'on peut procéder avec rigueur, on peut faire des changements. Même si c'est plus difficile au départ de faire des changements profonds dans des systèmes, que ce soit l'éducation, que ce soient la santé et les services sociaux, que ce soit la sécurité du revenu, même si c'est plus difficile, c'est la seule façon de vraiment pouvoir s'en sortir, d'aller au fond du problème et d'y aller, au besoin, de façon chirurgicale, si c'est nécessaire, mais de minimiser la période où les choses sont difficiles pour qu'on puisse rapidement se remettre sur une nouvelle piste et voir l'avenir se développer.

Équité, rigueur, mais aussi efficacité dans la gestion quotidienne et en étroite collaboration avec tous ses partenaires. Le gouvernement donne des moyens, le gouvernement procède en donnant des moyens aux communautés locales, aux administrateurs locaux pour que chacun puisse contribuer aussi par ses talents, par son imagination à les trouver, les façons de faire, à éviter qu'on agisse de façon uniforme à travers le Québec et en donnant à tout le monde qui veut se responsabiliser la possibilité de le faire d'une façon qui convienne le plus et le mieux à sa situation. Et finalement, dans ces principes directeurs, on vise à renforcer les solidarités qui sont les nôtres au Québec et qui ont configuré, qui ont transformé, qui ont développé la société québécoise comme elle l'est aujourd'hui. Ça, ça veut dire qu'on veut protéger nos acquis, qu'on veut consolider les filets de sécurité sociale qu'on s'est donnés, de sorte que tous les citoyens puissent partager le plus équitablement possible la richesse collective.

Dans le domaine où je suis plus directement impliqué, on a fait référence à l'assurance-médicaments. Je ne vais pas en parler aujourd'hui, parce que le temps ne le permet pas, mais, dans les prochaines semaines, on aura le temps d'y revenir, et je pense qu'on aura là un exemple d'une façon de s'attaquer à un problème très important, mais de le faire en faisant une transformation, en faisant une réorganisation qui est justement établie sur les quatre principes dont j'ai parlé: l'équité, la rigueur, l'efficacité dans l'organisation et en visant la consolidation de nos solidarités.

Le secteur de la santé et des services sociaux, et seulement à titre d'exemple de l'effort qui est fait dans chacun des secteurs, veut affronter ces prochaines années, d'abord en continuité au titre de la rigueur, en continuité avec ce qui a été entrepris il y a un an, et s'assurer que les plans pour transformer le système au sein de chacune des régions soient vraiment mis en oeuvre et qu'on ancre tout l'effort à partir de ces plans qui sont le fruit d'une réflexion, d'un travail technique rigoureux et d'une consultation avec une population qui a participé à ces décisions. Cet effort, comme dans beaucoup d'autres secteurs, va nous amener, pour concrétiser l'équité, à redéployer autrement nos ressources, pour s'assurer d'abord que chacune des régions ait les ressources qui conviennent à sa population et à ses besoins et qu'à l'intérieur des régions les différents établissements puissent avoir les ressources qu'il leur faut et l'organisation, les interfaces qu'il leur faut pour développer les services dont la population a besoin.

Alors, malgré les rigueurs des crédits, on va quand même être capables – et c'est déjà commencé – d'augmenter, par exemple, le budget global des CLSC de 8 %, de donner plus de ressources aux groupes communautaires, pour à peu près 9 %. Dans des domaines comme la déficience intellectuelle, les toxicomanies, il y a une protection, une consolidation de ce qui a été fait, de même que pour les jeunes, pour le petit enfant et pour les personnes qui souffrent d'un handicap, M. le Président, d'une incapacité qui leur crée un handicap. Ça voudra dire une augmentation d'à peu près 40 % du maintien à domicile qui est offert à l'ensemble des citoyens du Québec. Ça veut dire qu'on va pouvoir, tout en faisant cet effort budgétaire, développer 4 000 lits, par exemple, de soins de longue durée, à travers tout le Québec, pour offrir des services dont la population a besoin.

Alors, M. le Président, on est dans une situation qui est difficile, mais avec un plan d'action, avec une approche qui rend ce changement et cette correction de notre situation budgétaire possibles, avec une approche qui est réaliste. Mais ça, évidemment, le gouvernement ne peut pas faire ça seul. Le gouvernement fait appel, a fait appel à l'ensemble de ses réseaux. Et, au lendemain du dépôt des crédits, j'ai rencontré, sur une période d'une semaine, tous les gestionnaires dans le domaine de la santé et des services sociaux. Les gens, ayant eu toute l'information et vu la situation, se sont mis à l'oeuvre. Au moment où on se parle, où on finit l'analyse des crédits, il y a des milliers de gestionnaires, il y a des milliers de professionnels qui sont déjà au travail, déjà à l'oeuvre pour compléter les travaux qu'il faut faire et s'assurer qu'à l'intérieur des budgets qui sont les nôtres on est capable de vivre à l'intérieur de nos moyens, en réalisant les objectifs et en respectant les principes dont j'ai parlé, M. le Président. Et, ça, ça va se voir à la grandeur du gouvernement, de l'ensemble du programme du gouvernement.

La conférence socioéconomique a déjà jeté les bases de cette collaboration. Je pense qu'à l'automne quand tout ce monde-là va se revoir avec des projets précis, avec des engagements précis, on verra qu'on n'est pas dans une situation, dans un trou noir, mais qu'on traverse un tunnel qui nous oblige à naviguer de façon un peu serrée, mais un tunnel en voyant la lumière au bout et que, dans quelques années, le Québec, avec toutes les transformations qu'on aura faites, se sera vraiment placé pour sortir plus fort d'une période difficile. C'est possible, c'est réaliste, c'est en train de se faire. Et, ça, ça se fait parce que la solidarité du Québec, la collaboration qu'on retrouve partout fait qu'on n'a pas des gens qui essaient de se demander qui pourrait écoper pour que ça se passe sans douleur. Tout le monde accepte sa part de la douleur et se demande plutôt: Qu'est-ce que je peux faire et comment je peux mieux faire avec d'autres pour que cette période se passe, se passe rapidement et qu'on replace le Québec sur les rails du développement? Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux. J'accorderai maintenant la parole au député de Robert-Baldwin, qui est également critique officiel de l'opposition en matière de santé et de services sociaux. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, il faudrait, au moment où on regarde ensemble l'étude des crédits, absolument démontrer la face cachée, ce qui n'a pas été dit, dans toute cette opération. C'est pour cela que je joins ma voix à celle de mes collègues pour dire à la population, pour dire aux patients, pour dire à leurs familles ce qui s'en vient, dans le domaine de la santé, quelles sont les prochaines coupures aveugles auxquelles ils auront à faire face.

(16 h 30)

En pleine campagne référendaire, M. le Président, on n'a pas hésité à donner des augmentations de salaire importantes. Ça coûte 300 000 000 $ par année au gouvernement maintenant. On n'a pas hésité non plus à abolir la loi 102, cette loi qui devait récupérer des augmentations de salaire, les deux totalisant 500 000 000 $. Alors, parce qu'on ne veut pas prendre ses responsabilités, aujourd'hui on est obligés d'indiquer des coupures de 669 000 000 $ dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Le programme des CLSC. Ce programme devait être la pierre angulaire du virage ambulatoire. Eh bien, au moment où on coupe 669 000 000 $, on nous annonce un ajout, pour les services des CLSC, de 50 000 000 $. De ce 50 000 000 $, nous avons questionné le ministre pour savoir combien de millions vont être affectés au maintien à domicile. Nous n'avons pas été capables, M. le Président, durant les 20 heures, de savoir le montant exact que le ministère va affecter aux services de maintien à domicile. D'après nos déductions, on peut penser à un montant qui peut varier entre 5 000 000 $ et 10 000 000 $. On coupe 669 000 000 $ dans la santé, on va investir un 5 000 000 $ à 10 000 000 $ pour le maintien à domicile après avoir fermé autant d'hôpitaux. Alors, c'est difficile à suivre, sauf qu'il faut bien comprendre que, maintenant, le ministère de la Santé est au service du déficit, au service du ministre des Finances.

Le programme des centres hospitaliers, des coupures aveugles de 330 000 000 $ prévues cette année. Pendant le référendum, je vous le rappelle, les employés ont eu des augmentations. Le ministère de la Santé, dans sa grande bonté, a décidé de ne pas donner l'équivalent de ces augmentations aux établissements de santé. Donc, ce sont les patients qui devront faire les frais de ce genre d'augmentations, M. le Président. Je crois que c'est inacceptable. En plus, comme si ce n'était pas assez, eh bien, on avise les établissements de santé que toutes les indexations prévues, soit au niveau des fournitures ou au niveau de certaines dépenses, les établissements de santé devront en faire les frais également.

En même temps, quand on regarde les résultats, on pense aux fermetures d'hôpitaux. Par exemple, Saint-Michel, on n'a qu'à regarder l'urgence de l'hôpital Maisonneuve, engorgée complètement. L'hôpital Saint-Laurent est fermé. Regardez ce qui se passe à l'urgence de l'hôpital Sacré-Coeur. Le Jeffery Hale est fermé. Regardez ce qui se passe à l'hôpital Saint-Sacrement, M. le Président.

En faisant ça, on apprend également que le ministre a décidé d'avoir ce qu'il appelle un plan de redéploiement de la main-d'oeuvre. De l'improvisation érigée en système, M. le Président. On avait supposément négocié des incitatifs à la retraite lors du renouvellement des conventions collectives, pendant la campagne référendaire. Eh bien, ça ne suffisait pas, maintenant le ministre est obligé d'arriver avec un programme de départs assistés. Il est toujours difficile de suivre la planification du ministre.

Du côté des médecins, on s'aperçoit que, dans les hôpitaux qui sont touchés par les fermetures, eh bien, certains médecins ne sont pas capables de se replacer immédiatement. On crée donc un fonds d'indemnité qui peut atteindre jusqu'à 330 000 $ sur une période de quatre ans. Et ça, c'est en plus du plan de retraite qui a été négocié par le ministre, qui, lui, peut atteindre 300 000 $ par médecin. M. le Président, je peux vous le dire, les médecins, ce n'est pas des fonds d'indemnité qu'ils veulent, c'est des endroits pour travailler, c'est des endroits pour opérer leurs patients, pour bien les servir.

On peut également souligner au ministre la difficulté qu'ont les nouvelles infirmières à trouver un emploi. On parle de plus en plus du contingentement de la profession d'infirmière. Bientôt, on produira, on formera davantage de médecins que d'infirmières, dans la planification du ministre.

Les listes d'attente qui devaient diminuer à cause de son virage ambulatoire, eh bien, elles ne cessent d'augmenter. Des exemples, vous en avez entendu beaucoup cette semaine: en chirurgie cardiaque, en orthopédie, des cas de cancer, des délais de plus en plus longs. Alors, je pense que c'est dans le résultat qu'il faut vraiment évaluer la réforme du ministre, M. le Président. Et, quand on regarde le résultat, quand on lit les journaux, quand on reçoit les lettres des patients, eh bien, on s'aperçoit que ce n'est pas beau comme résultat, M. le Président.

Pour bien connaître ce gouvernement péquiste, M. le Président, le programme 4, Services des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse et des centres de réadaptation pour jeunes et mères en difficulté. Bien, ce gouvernement péquiste, M. le Président, a décidé de couper les programmes pour plus de 3 400 000 $. Je pense qu'on peut décoder facilement ce que les gens d'en face recherchent, et c'est simplement l'atteinte d'objectifs financiers. Les patients, les gens en difficulté, ça ne compte plus.

Un autre programme important, M. le Président, c'est les Services des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Sur des budgets de plus de 1 300 000 000 $, le ministre nous annonce une augmentation de 26 000 000 $, mais ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il a l'intention de mettre à contribution les patients des centres d'hébergement et les patients des unités, aussi, d'hébergement qui peuvent être dans les établissements de santé, les hôpitaux. Eh bien, ces gens-là vont être cotisés pour un montant additionnel de 7 % à 10 %. Le coût en hébergement pour un patient est en moyenne de 800 $ à 1 150 $ par mois. Eh bien, on nous annonce – et, ça, ce n'était pas clair, hein, il a fallu questionner le ministre pour le savoir – une augmentation de 7 % à 10 %. Une autre taxe déguisée, M. le Président.

Il faut que je vous souligne également que ce gouvernement péquiste, supposément à tendance socialisante, a l'intention de couper les budgets de l'Office des personnes handicapées pour un montant approchant 2 000 000 $. Je pense que ça dénote quand même, là... On peut commencer à connaître vraiment la valeur des gens d'en face.

Le dossier de la Régie de l'assurance-maladie. Eh bien, on assiste de plus en plus à un exode de médecins. Dernièrement, à Montréal, il y a eu une rencontre de jeunes médecins qui étaient invités par une compagnie américaine qui représentait des hôpitaux des États-Unis. On s'attendait à ce qu'il y ait quelques jeunes médecins. Il y en a eu 800, M. le Président, qui ont assisté à cette rencontre pour savoir de quelle façon on peut aller travailler aux États-Unis. Parmi eux, plusieurs avaient été formés au moment où le ministre actuel était doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, et ces gens-là ont voulu mentionner qu'au moment où ils ont fait leurs cours, au moment où le ministre de la Santé était doyen, jamais ils n'ont pensé qu'ils devraient un jour regarder du côté des États-Unis pour aller travailler.

M. le Président, le programme d'assurance-médicaments qu'on nous présente comme une mesure sociale importante, si c'était vraiment une mesure sociale, M. le Président, nous serions d'accord. C'est une récupération de taxes, M. le Président. Essayez de comprendre que le coût actuel du programme d'assurance-médicaments, actuellement, coûte près de 922 000 000 $. Avec ce même montant, on a l'intention d'assurer 1 400 000 personnes de plus et aussi de sauver, pour les coffres de l'État, 196 000 000 $. Bien, je pense que l'objectif devient plus clair quand on le regarde de cette façon, et l'objectif du programme d'assurance-médicaments, c'est de récupérer 196 000 000 $ immédiatement. Nous craignons, M. le Président, que la mise en place du régime se fasse trop rapidement, qu'on assiste aux mêmes difficultés que nous avons dans le cadre du virage ambulatoire. Pourquoi? Parce que l'objectif réel, c'est la récupération de taxes, M. le Président. J'aimerais aussi vous avertir qu'il faudra surveiller dans les mois qui vont suivre et les semaines qui vont suivre la définition du panier de services. Quels sont les actes médicaux qui seront assurés?

Alors, M. le Président, ce n'est pas un beau bilan que je vous présente aujourd'hui à la suite des 20 heures des crédits. La conclusion, c'est que la santé, ce n'est pas une priorité pour le gouvernement péquiste. Le ministre a encore une fois cette année perdu sa bataille avec le Conseil du trésor. La santé demeure au service de la dette. Il n'y a pas de place pour la compassion dans le réseau. Il n'y a pas de place pour les patients maintenant et pour leurs familles. Merci, M. le Président.

(16 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin et critique officiel en matière de santé et de services sociaux. J'accorde maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. En soulignant que j'espère que, appelons-le le passe-passe entre les leaders pour restreindre le temps des députés qui ne sont pas des groupes parlementaires ne fera pas une précédent pour réduire le temps...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Rivière-du-Loup, je tiens à vous préciser qu'en vertu de l'article 210 le président statue sur le temps de parole des deux formations après une rencontre avec les leaders. Mais la décision de la présidence est finale et sans appel. Alors, vous avez cinq minutes, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Mon commentaire demeure. On les comprend de ne pas vouloir que la voix de la classe moyenne soit trop entendue, parce qu'on a affaire à deux partis qui se sont comportés au fil des années comme des broyeurs à classe moyenne, des broyeurs pour les taxes, les impôts du travailleur ordinaire. Puis je dois vous dire, en lisant les crédits, la première page, le premier chiffre, qu'on aurait pu être tenté d'appuyer l'effort de redressement, parce que, au premier chiffre, le gouvernement respecte ses engagements au niveau de ses dépenses. On aurait pu être tenté de l'appuyer. Moi qui souhaite un redressement des finances publiques, mon premier réflexe aurait été de l'appuyer. Mais c'est quand on regarde le comment, c'est quand on regarde où le gouvernement décide de mettre le couteau qu'on change d'idée.

Peut-être qu'on aurait dû retenir la suggestion du député de Marquette. Il disait tout à l'heure: On devrait faire travailler la commission de l'éducation. Peut-être qu'effectivement, si toutes les commissions regardaient le budget sans intérêt partisan à protéger puis sans groupe de pression, mais en allant voir où est l'argent disponible, on aurait pu arriver au même résultat financier, mais sans encore refaire les erreurs traditionnelles, sans couper directement dans le service au citoyen pendant qu'on laisse la machine tranquille.

C'est sûr que la machine est mieux protégée que le service au citoyen. La machine, bien souvent, est blindée. Le citoyen, lui, est tout seul, il espère avoir des services, il vient se faire siphonner par l'impôt. S'il est en retard d'une journée, lui, on lui donne la claque. Par contre, si le gouvernement est en retard d'une journée, le gouvernement, lui, est protégé. Le gouvernement a tous les droits. Le gouvernement peut même changer d'idée avec la recherche et le développement technologique. Le gouvernement peut changer d'idée des années après puis revenir taper sur le citoyen, puis tout ça est bon. On coupe directement dans le service au citoyen puis on protège la machine. On coupe dans les investissements dans l'avenir aussi. Ça, il n'y a pas tellement de différence. Le député de Verdun l'a fait valoir hier, pas tellement de différence: l'éducation ou le reste, qu'on investisse dans l'avenir ou... ça, ça y passe. Ça passe tout dans le même bateau.

Puis ce qui est pire encore – et c'est là que j'utiliserais l'expression «broyeurs à classe moyenne» – c'est que sous toutes sortes de couverts on met la table, dans ces crédits-là, à des hausses de taxes. Je vous sors des exemples, M. le Président. Ministère des Finances: 246 000 $ de plus en gestion interne. On est une année où on coupe un peu partout, on prive les citoyens de services, les garderies, l'éducation, on pourrait en nommer. Plus d'argent pour la gestion interne, la paperasse, les bureaux du ministère des Finances. L'éducation? Le député de Marquette cherchait de l'argent trouvé dans l'éducation. Au Danemark, ils ont un taux de décrochage infiniment plus bas que le nôtre. Ils n'ont même pas 400 fonctionnaires au ministère de l'Éducation; on en a 1 800. On conserve les comités puis les conseils, puis étudie par ci puis étudie par là. Pas besoin d'étudier longtemps pour savoir que, s'il y a moins de profs dans les écoles, moins de ressources – le député de Marquette en a parlé, de ça aussi – pour appuyer les élèves qui ont besoin d'aide après les heures de classe, on va avoir des moins bons résultats. Pas besoin des grands conseils pour ça. Gros bon sens. On le sait tout de suite.

Des petits exemples. Je regardais dans le ministère de l'Emploi, de la Solidarité et de la Condition féminine, mais des fois c'est dans les petits exemples qu'on voit la philosophie de gestion. On ajoute 70 000 $ au Secrétariat à la condition féminine pour étudier ce qu'on pourrait faire de mieux probablement pour les femmes puis les mères de famille. Par contre, on coupe 1 100 000 $ dans les allocations de maternité. Identifier des priorités. On va étudier ce qu'on pourrait faire de mieux, peut-être un jour, jamais, faire des rapports, les mettre sur des tablettes, mais on coupe dans l'argent qui était donné à des gens qui en avaient besoin. Ça donne des priorités, ça aussi.

Le ministre de la Sécurité publique. C'en est un bon, ça, le ministre de la Sécurité publique, parce que, lui, ça coupe dans son ministère, largement, dans toutes sortes de services. Faute de place, on va mettre dans la rue des détenus qui ont commis des actes répréhensibles à un septième, un huitième de leur sentence. Les juges donnent une sentence et, l'après-midi, les mêmes gens à qui ils ont donné une sentence, ils les rencontrent au dépanneur. Mais on augmente la gestion interne de son ministère. Il a besoin de plus d'argent pour gérer moins de services.

Alors, c'est comme ça, M. le Président, du début à la fin. C'est des coupes dans l'éducation. C'est des hausses de taxes. Les hausses de taxes, on pourrait en parler. Les affaires municipales, à l'heure où on se parle, probablement que le premier ministre est en train d'expliquer aux représentants des municipalités comment ils vont pouvoir procéder pour hausser les taxes indirectement dues au gouvernement. L'Agence métropolitaine de transport, bon, c'est une hausse de taxes. Il y a des gens sur la rive-sud... J'ai rencontré, l'autre jour, des gens, sur la rive-sud, ils paient sur leur essence pour financer cette affaire-là; par contre, ils n'ont pas de services. Ils veulent passer de Saint-Constant pour aller à l'hôpital, à Châteauguay, et il faut qu'ils passent par Montréal pour avoir des services de transport en commun. Par contre, leur voisin, qui a une auto, paie une taxe sur son essence pour financer le transport en commun. Les gens paient pour des services qu'ils n'ont pas. C'est comme ça du début à la fin.

Alors, M. le Président, on a échappé des principes de base parce qu'on veut trop faire plaisir à des groupes d'intérêts, protéger des intérêts particuliers. Pendant ce temps-là, on claque sur la classe moyenne et sur le citoyen ordinaire. Et c'est pour ces raisons-là, malheureusement, M. le Président que, moi, qui suis préoccupé par l'avenir, préoccupé par les travailleurs, je ne pourrai pas m'associer à ces crédits-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. J'accorderai maintenant la parole au député de Verdun et critique officiel de l'opposition en matière d'enseignement supérieur. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dois dire que j'ai apprécié l'intervention de mon prédécesseur, député de Rivière-du-Loup. Et, même s'il y a des points sur lesquels on peut diverger d'opinion avec lui, au moins sur la gestion des fonds publics et la nécessité d'en arriver à un équilibre financier sans mettre en danger les missions fondamentales de l'État, c'est une question sur laquelle, je pense, depuis longtemps, on a toujours été du même côté.

M. le Président, nous allons voter contre ces crédits qui nous sont présentés, et pour plusieurs raisons. La première raison, c'est que la vérité ne nous a pas été dite ici. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons toujours partagé la nécessité d'arriver, à moyen terme, à un déficit zéro. Je fais partie des parlementaires qui, parfois, à travers des débats difficiles dans sa formation publique, lorsque j'étais un parlementaire ministériel, a tenté d'arriver à cet objectif qu'on n'a pas nécessairement atteint.

Aujourd'hui, vous nous déposez un ensemble de crédits et vous essayez de nous faire croire, M. le Président, que ces crédits n'auront aucun effet sur la population, que ça pourra se faire à peu près, en changeant l'administration, en ayant une approche purement organisationnelle. Et je crois que les parlementaires de l'opposition de même que le député de Rivière-du-Loup, on a été clairement à même d'établir que, premièrement, le dépôt des crédits va demander – et vous le savez parfaitement, M. le Président – M. le président du Conseil du trésor va demander aux Québécois et aux Québécoises un effort supplémentaire en taxes foncières, en taxes sur les comptes d'électricité et en taxes municipales, avec beaucoup de brio. Le député de Marquette a pu établir que c'est 77 000 000 $ de plus de taxes scolaires qu'on va demander, si on vote aujourd'hui les crédits, à l'ensemble des Québécois et Québécoises, qui sont déjà surtaxés. C'est plus de 110 000 000 $ de plus de taxes foncières municipales qu'on va demander à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, si on vote aujourd'hui le budget de crédits qui nous est présenté. C'est une augmentation de tarification du réseau d'Hydro-Québec voisinant 56 000 000 $, M. le Président, qui va nous être demandée, si on vote aujourd'hui ces crédits qui nous sont présentés.

(16 h 50)

M. le Président, on ne peut pas, de ce côté-ci, accepter qu'à la fois on nous dépose un ensemble de prévisions de dépenses et, en même temps, ne pas dire aux Québécois et aux Québécoises que ces prévisions de dépenses vont avoir un effet direct sur leur compte de taxes municipales, sur leur compte de taxes scolaires, sur leur compte d'électricité. Ça, nous ne l'acceptons pas, de ce côté-ci. Ça aurait été beaucoup plus honnête de la part du gouvernement de dire: Voici, nous coupons, mais en même temps nous allons en chercher plus à l'intérieur de vos poches.

Nous ne sommes pas d'accord actuellement avec l'ensemble des crédits qui nous sont déposés non pas parce que l'objectif d'en arriver à moyen terme à la réduction du déficit n'est pas un objectif que nous partageons, mais parce que, cet objectif, on l'atteint de deux manières. Bien sûr, en réduisant les dépenses, mais aussi en étant en mesure d'augmenter les revenus du gouvernement parce que plus de gens sont en mesure de travailler. Or, vous le savez parfaitement, M. le Président, que le lien direct qu'il y a entre le travail et l'éducation, c'est lié au fait qu'on sera en mesure de lutter contre le décrochage scolaire, de faire en sorte que plus de gens auront accès à l'enseignement collégial, que plus de gens auront accès à l'enseignement universitaire.

La ministre de l'Éducation, dans un document extrêmement bien fait, qui s'appelle «Indicateurs de l'éducation», en 1995 – c'est les grandes tendances à l'heure actuelle dans la société québécoise – démontre à l'heure actuelle que les emplois qui nécessitent un diplôme universitaire ou un diplôme collégial sont en croissance, c'est-à-dire que les emplois qu'on crée nécessitent un diplôme universitaire et un diplôme collégial, tandis que les emplois pour lesquels on demande un secondaire V ou même pas le secondaire V sont en chute libre. Alors, si on veut, à l'heure actuelle, dans notre société, être en mesure d'affronter de plain-pied le problème du sous-emploi, le problème, à l'heure actuelle – je ne veux pas faire de démagogie, mais enfin – de la crise du chômage à laquelle on fait face ensemble, il n'y a qu'une seule manière de le faire, c'est savoir investir dans l'éducation.

Or, la ministre, à l'heure actuelle – et je suis désolé de lui dire – dans les crédits qui sont déposés, a fait des crédits quasiment sur l'ordre du président du Conseil du trésor. Les coupures sont horizontales, M. le Président, sont uniformes, sont les mêmes dans le secteur de l'éducation que dans les autres secteurs. L'effort budgétaire qui est demandé au secteur de l'éducation voisine les 6 %, et, si on combine – et le président du Conseil du trésor connaît parfaitement ça – les coûts de système avec les réductions qui sont demandées, avec ce qu'on appelle, dans notre langage – et il connaît parfaitement ça – l'effet de bascule entre les différentes années, on arrive à une compression, dans les crédits de l'éducation, de 6 %, qui est de même nature que celle qui est demandée dans les autres secteurs d'activité gouvernementale. Nous sommes contre ces crédits parce que vous n'avez pas priorisé.

Vous savez, M. le Président, ce gouvernement – et on doit le dire, c'était important – a mis sur pied les états généraux, qui ont été en mesure d'identifier, dans notre secteur d'éducation, des faiblesses, des endroits où il fallait rapidement être en mesure d'apporter des correctifs, que ça soit au niveau de la petite enfance, que ça soit au niveau des enfants, des étudiants handicapés, que ça soit au niveau de l'arrimage entre le professionnel au secondaire et le professionnel au collégial, que ça soit au niveau de l'arrimage entre le collégial et les programmes de l'université. Et, parce que les crédits jouent à l'intérieur de ce qu'on appelle des enveloppes fermées, parce qu'on appelle les mêmes compressions au secteur de l'éducation qu'à tous les autres secteurs, M. le Président, il n'y a aucune marge de manoeuvre prévue à l'intérieur de ces crédits pour, au moins, avoir, dans certains secteurs, des programmes de développement pour contrer les faiblesses qui ont été signalées dans l'état de la situation des états généraux.

Le député de Rivière-du-Loup, le député de Marquette l'ont clairement établi aussi, M. le Président, on a, à l'intérieur de notre fonction publique, des coûts administratifs qui sont encore bien importants. Et c'est un débat que j'ai depuis longtemps avec le président du Conseil du trésor sur la manière de réduire actuellement l'importance de la fonction publique. Lorsqu'il était critique dans l'opposition sur ces questions-là, on divergeait même, des fois, d'opinion sur les manières d'arriver à une réduction de la taille de l'appareil de l'État. Des efforts sont présents, mais on n'est pas arrivé encore à la réorientation, au repositionnement de l'ensemble de la fonction publique. M. le Président, vous m'indiquez que mon temps est en train de diminuer, je vais essayer de conclure pour rappeler les trois principales raisons pour lesquelles nous allons être, donc, opposés à ces crédits.

La première raison, c'est parce que nous ne pouvons pas accepter que le vote des crédits va demander une surtaxation foncière à l'ensemble des Québécois; nous ne pouvons pas accepter cela. Le deuxième élément, c'est qu'il n'y a pas eu de priorisation, autrement dit, on n'a pas été en mesure, dans le dépôt des crédits, de savoir quels étaient les secteurs que le gouvernement allait prioriser, quelle était l'approche qu'il devait faire en termes de priorisation. Et, troisièmement, je dois vous dire, M. le Président, que nous ne pouvons pas accepter le discours du gouvernement, qui essaie de nous faire croire que ces compressions de dépenses, qui vont dépasser les 2 500 000 000 $, vont se faire sans qu'il y ait d'effets sur l'ensemble des services à la population.

Nous réitérons néanmoins que l'objectif à atteindre, l'objectif de réduction du déficit, c'est-à-dire de faire en sorte que les budgets de dépenses du gouvernement en arrivent à un déficit zéro, c'est un objectif que nous partageons, mais nous ne sommes pas d'accord avec les choix qui ont été faits par ce gouvernement pour atteindre cet objectif que nous partageons.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun et critique officiel de l'opposition en matière d'enseignement supérieur.

Pour terminer notre débat, je céderai maintenant la parole au député de Labelle et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et également président du Conseil du trésor.

M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Je vous remercie, M. le Président.

Nous sommes donc au terme du débat sur les crédits que nous avions déposés à la fin du mois de mars dernier. Mes premiers mots seront pour remercier mes collègues, députés et ministres, qui ont travaillé d'arrache-pied pour faire un plan de dépenses dans le gouvernement, pour faire un plan d'action, surtout, au gouvernement. J'en référerai d'abord à mes collègues députés, qui ont travaillé en comités depuis le mois de décembre, qui l'ont fait sans arrêt, en collaboration avec leurs collègues du Conseil des ministres, et qui l'ont fait de façon assidue, contrairement à ce à quoi nous étions habitués précédemment, alors que des députés libéraux s'agitaient et qu'ils sortaient de ces comités en claironnant des décisions qui touchaient, par exemple, aux coupures de mallettes. Ici, les députés ont travaillé sur des orientations, ont étudié à fond ce qui s'était passé depuis 10 ans, parce que nous avons travaillé avec cette perspective en arrière de 10 ans et avec quelques années en avant, et nous en sommes venus à déposer ces crédits avec leur collaboration. Le Conseil des ministres lui-même s'est attaqué à confectionner les crédits depuis le mois de novembre en particulier jusqu'en décembre et, par la suite, en faisant des sessions intensives pour arriver à les produire.

(17 heures)

M. le Président, je pense qu'il s'agit là d'une tâche énorme, qui a été accomplie aussi avec l'aide des fonctionnaires du gouvernement, en particulier du Conseil du trésor, que je salue et remercie tout particulièrement dans cet exercice, parce qu'ils ont travaillé le jour, le soir, les fins de semaine pour arriver à livrer cette marchandise que nous leur avions demandée. Alors, où en sommes-nous, M. le Président, dans tout cet exercice? On a fait certaines critiques, bien sûr; l'opposition ne nous les a pas ménagées. Mais, au fond, qu'est-ce que nous voulons? Parce que c'est la question que nous devons nous poser lorsque nous nous attaquons à faire un plan d'action. Qu'est-ce que nous voulons?

Je pense qu'il faut définir la société québécoise, parce que, au fond, ce que nous avons traduit, dans ces crédits, c'est une certaine perspective ou un certain idéal de la société québécoise que nous poursuivons, à tout le moins. Nous avons traduit la société que nous voulons pour les jeunes. Nous avons traduit aussi l'idée que nous avons du développement économique, les entreprises que nous voulons créer, toute cette richesse collective que nous voulons faire, créer, au cours des années, toute cette richesse collective que nous voulons partager avec nos concitoyens les plus pauvres, les plus démunis. Nous voulons aussi avoir développé une richesse culturelle, et cela se traduit dans ces crédits. Et nous voulons aussi nous assurer le plus de liberté politique, comme société, comme État. Ce sont de grands objectifs que nous poursuivons depuis très longtemps. Nous pourrions revenir au début de la Révolution tranquille pour mesurer le chemin parcouru, mais, au fond, nous avons une certaine idée de la collectivité du Québec, des citoyens qui la composent et du pays que nous espérons aussi.

C'est de notre programme dont il s'agit. Ce sont les rêves collectifs que nous nourrissons. Mais nous avons quelques problèmes, parce que, simplement pour maintenir les acquis que nous nous sommes donnés depuis 30 ans, 35 ans, il nous faut régler un problème: nos finances publiques sont en mauvais état, nos budgets sont en déséquilibre, et cela nous empêche d'avancer. Et ce qui s'est produit, au cours des 15, 20 dernières années, cela nous a plutôt fait reculer. La richesse de nos familles a diminué. Et, année après année, l'instrument collectif que nous nous étions donné, qui est l'État québécois, a perdu de sa force et de sa vigueur. Et, plus cela va – ou plus cela irait – dans la foulée des 10 dernières années, plus l'État québécois s'anémierait; c'est un fait indéniable.

Les gens d'en face, qui nous ont précédés, ont fait des grands discours sur la réduction du déficit, mais ils n'ont pas réussi à le réduire, loin de là. Le dernier de leur exercice financier a marqué un summum – ou plutôt une profondeur – en la matière, qui nous a amenés à un déficit record de 5 715 000 000 $. C'est vraiment là que le bât blesse, parce qu'à continuer sur cette lancée c'est évident que nous allons, comme société, nous appauvrir, et très profondément, et très rapidement.

Je veux simplement résumer, pour les gens qui m'écoutent ou nos téléspectateurs, ce qu'est l'effet d'un déficit. Cette année, nous avons fait du progrès, nous avons réduit le déficit de 5 715 000 000 $ à 3 975 000 000 $, disons 4 000 000 000 $ pour simplifier les calculs. C'est encore un déficit énorme, trop grand, parce que l'intérêt du service de la dette, l'intérêt pour payer ce déficit, année après année, sera de l'ordre de, disons, 320 000 000 $, à 8 % par année. Donc, simplement pour maintenir les services que nous nous payons cette année, l'an prochain, simplement pour les maintenir, nous devrions payer 320 000 000 $ de plus ou, en d'autres termes, pour nous maintenir dans la situation où nous sommes présentement, il faudrait réduire nos dépenses de 320 000 000 $, simplement pour faire du surplace. C'est ça, l'effet du déficit. Cela a un effet cumulatif où, à chaque année, chaque déficit de chaque année s'accroît sur la dette accumulée du gouvernement, augmente le service de la dette, augmente les intérêts que nous devons payer, et nous devons gruger à chaque fois sur l'assistance sociale que nous payons, sur les services de santé que nous voulons nous donner, sur, aussi, l'éducation, les dépenses en éducation que nous voulons faire. C'est ça, l'effet, etc., sur toutes les autres dépenses du gouvernement.

Comme nous faisons cela depuis des années, nous en sommes arrivés à dépenser 14,4 % de tous les impôts que nous percevons, et Dieu sait s'ils sont énormes, 14,4 % par année simplement pour payer l'intérêt sur notre dette accumulée. Nous ne pouvons pas continuer comme cela, c'est évident. Nous ne pouvons pas continuer comme cela, et toutes les délibérations que nous avons faites, par exemple lors de la dernière conférence socioéconomique au mois de mars, nous ont amenés, tous, à établir un consensus sur la nécessité d'équilibrer nos budgets au gouvernement du Québec, d'assainir nos finances publiques. Et tous, les syndicats, les groupes sociocommunautaires, les gens d'affaires, le gouvernement, tous, nous avons convenu qu'en l'an 1999-2000 le déficit devait être zéro absolu.

Nous nous sommes donné des étapes, bien sûr, dont la première, c'est 1996-1997. Alors, M. le Président, je reviens simplement sur 1996-1997, parce que, à partir de l'année dernière, où nous avons respecté les objectifs que nous nous sommes donnés – nous n'avons pas encore équilibré, mais nous avons respecté nos objectifs – nous avons convenu d'agir sur trois grands axes en ce qui concerne l'action du gouvernement.

D'abord, nous voulons revoir nos grands programmes sociaux. Je veux simplement les énumérer. En santé, par exemple, où mon collègue agit avec vigueur, nous visons à transformer le réseau de la santé. Il le dit à chaque jour à l'opposition, qui ne comprend rien ou qui fait semblant de ne rien comprendre: nous transformons le réseau, nous gérons de façon différente le programme de médicaments. C'est ce que nous proposons à la population. Donc, une révision en profondeur sur un budget qui porte sur 13 000 000 000 $. C'est un effort considérable, oui, qui demande beaucoup d'énergie, oui, mais que nous devons faire et que nous allons faire.

De la même façon, M. le Président, en éducation, nous faisons cette année un effort particulier de plusieurs, plusieurs centaines de millions de dollars, de l'ordre de 550 000 000 $, 600 000 000 $, comme on voudra le calculer. M. le Président, en éducation, oui, nous allons réduire et nous espérons que les commissions scolaires, que les universités, que les collèges réduiront le plus possible leurs frais administratifs, réorganiseront le travail comme on s'y est engagé lors des négociations sur les conventions collectives. Il y a un effort considérable qui est fait là. Et, en éducation, il y a aussi un grand chantier qui est ouvert, qui s'appelle les états généraux, qui vont donner des résultats au cours de l'automne et qui vont éclairer encore plus avant les décisions que nous devons prendre.

En ce qui concerne la sécurité du revenu, nous venons de recevoir un rapport, le rapport Bouchard-Fortin, qui va aussi nous éclairer quant aux décisions à prendre, mais il s'agit là aussi d'un budget considérable, de l'ordre de 4 000 000 000 $. Alors, nous réorientons nos grands programmes. Et l'on pourrait en prendre d'autres; nous avons pris d'autres décisions, mais, au fond, il y a trois grands programmes que nous révisons cette année.

(17 h 10)

Nous avons pris aussi un autre axe d'action, qui est celui de la réorganisation du travail, à l'intérieur du gouvernement comme des réseaux, mais disons surtout, dans le cas qui nous concerne, à l'intérieur du gouvernement, et nous voulons, dans cet ordre d'idées, diminuer les coûts administratifs. Nous avons adopté une approche de concertation, à l'intérieur du gouvernement, qui a débuté l'an dernier, lors des négociations sur les conventions collectives. Il y a des comités qui fonctionnent pour trouver de nouvelles façons de faire. Nous avons réduit, dans le budget, dans le dépôt des crédits, le nombre de postes de 1 948 postes. Cela ne veut pas dire que ce sont des gens qui s'en vont. Cela veut simplement dire qu'il y a des postes qui deviennent vacants, inoccupés et que nous ne les remplaçons pas, et qu'à chaque fois nous en profitons pour redéfinir la façon de faire de l'État.

Nous avons, en fait, demandé aussi au gouvernement, à la fonction publique, aux différents ministères, des réductions de dépenses de l'ordre de 500 000 000 $, dont 150 000 000 $ doivent être identifiés par chacun des ministères et organismes. Ce n'est pas une coupure paramétrique, comme le faisait l'opposition dans le temps, où ils disaient: 10 % partout, et puis ils laissaient le débat aller. Nous avons visé certains types de dépenses: les dépenses de transport et de communications, les services professionnels, administratifs, d'entretien et de réparations, de fournitures, d'approvisionnement sont visés. Le tout, cependant, est laissé à la discrétion du ministère, sur le point où ils vont faire porter l'effort.

Je reviens sur ces modes d'organisation du travail. Effectivement, nous avons un 100 000 000 $, qui va être absorbé en particulier par les réseaux aussi, mais en particulier, surtout dans le cas du 100 000 000 $, par la fonction publique. Et nous avons des mesures de départ assisté qui sont prévues. Nous voulons revoir nos ressources occasionnelles et contractuelles. Nous voulons diminuer le temps supplémentaire. Voilà des cibles précises sur lesquelles l'action va porter. Et j'ajoute à cela l'aménagement du temps de travail. Donc, des gestes importants, précis posés par chacun des ministères.

Un autre ordre d'idées. Il s'agit de recentrer le rôle de l'État, M. le Président. Nous avons revu l'aide financière aux entreprises, qui a été diminuée parce que nous pensons qu'il est plus efficace de réduire un déficit que de donner des subventions. Nous avons réduit nos activités de représentation à l'étranger, c'est-à-dire réorganisé ces activités de représentation. Nous avons resserré la définition de certains services assurés dans le domaine de la santé. Et nous allons favoriser des relations de partenariat avec l'industrie. M. le Président, il ne s'agit pas là de coupes paramétriques, comme l'a dit l'opposition. Au contraire, les gestes ont été ciblés. Nous avons gelé les dépenses dans une première étape et nous les avons réduites dans une deuxième.

Je voudrais répondre, en terminant, à cette assertion de l'opposition qui dit que nous haussons les taxes. Nous faisons, au contraire, un effort budgétaire de 2 245 000 000 $, dont 1 166 000 000 $ en termes de réduction, en termes de gel de dépenses, et 1 079 000 000 $ en termes de réduction de dépenses.

M. le Président, au terme de cet exercice, je pense que les gens vont voir une lumière au bout du tunnel. Le chemin que nous avons à parcourir n'est pas terminé, nous avons encore différentes étapes à accomplir, parce que, le déficit, il y en aura encore un malheureusement cette année. Mais nous voyons la lumière au bout du tunnel, surtout après le fait que, cette année, en 1995-1996, nous avons respecté notre objectif. Et le contrat que nous nous sommes donné, c'est de respecter l'objectif des dépenses qu'il y a dans ce livre des crédits, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle. Cette intervention met fin au débat sur les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires des ministères pour l'année financière 1996-1997.

Conformément à l'article 288 du règlement, ces rapports seront mis aux voix après que l'Assemblée aura statué sur la motion présentée par M. le ministre des Finances, à l'occasion du discours sur le budget.

Nous allons maintenant poursuivre les affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 4, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 7


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 4. M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 7, Loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? M. le député de Louis-Hébert et ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Il m'est agréable, en tant que ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de présenter ce projet de loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et diverses dispositions législatives aux fins de simplifier la procédure civile en première instance.

Dans une cour civile, les coûts assumés par les parties sont souvent démesurés par rapport au montant demandé et davantage eu égard au montant obtenu. Ce constat est frappant dans les instances dans lesquelles la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée est soit simple, soit relativement modeste. En effet, le nombre d'actes procéduraux possibles et les coûts que ceux-ci entraînent de même que la longueur des délais actuels du déroulement de la procédure ordinaire en première instance, c'est-à-dire entre la signification de la première procédure et le moment où la cause est en état, équivalent parfois à un déni de justice pour le justifiable.

Il est indéniable que la complexité du processus judiciaire fait souvent en sorte que l'obtention d'un jugement satisfaisant devient illusoire au terme de longues procédures conçues à une autre époque et aujourd'hui inadéquates et inefficaces. Depuis 1984, les juges ont travaillé d'arrache-pied pour réduire les délais entre le certificat d'état de la cause et la date du procès, en les ramenant, je le dis bien, de 91 mois à 14 mois en longue durée, de 50 mois à huit mois dans les causes de deux jours et de 26 mois à quatre mois dans les causes d'un jour en matière civile, de 22 mois à six mois en matière familiale et de quatre mois à trois semaines en pratique familiale. Mais, malgré ces efforts, il reste que les délais entre l'introduction des procédures et le moment où la cause est en état de procéder sont encore démesurément longs. Les délais et les frais judiciaires posent donc un sérieux problème d'accessibilité à la justice et découragent trop souvent les citoyens ni fortunés ni admissibles à l'aide juridique de faire valoir leurs droits en justice. Ces délais et ces coûts constituent les principaux obstacles à la bonne administration de la justice au Québec.

D'ailleurs, cette situation fait l'objet de nombreuses critiques de la part des justiciables tant au Québec qu'ailleurs au Canada. En effet, une étude ontarienne démontre que, lorsque le montant demandé ne dépasse pas 30 000 $ ou 40 000 $, il arrive parfois que l'indemnisation accordée par le tribunal couvre à peine les frais judiciaires et les honoraires d'avocats. Il ne reste rien pour le demandeur. À cet égard, je vous signale que, suite à ce constat, l'Ontario a introduit, à compter du 11 mars 1996, une voie procédurale allégée, et donc simplifiée, pour toutes les causes de moins de 25 000 $. Or, le système procédural québécois offre suffisamment de similitudes pour qu'on puisse en déduire qu'au Québec, en deçà d'un certain seuil – peut-être moindre qu'en Ontario, mais quand même significatif – les tribunaux sont souvent inaccessibles à bon nombre de citoyens.

Dans le but de remédier à cette situation, j'ai pris l'initiative d'une rencontre de tous les intervenants judiciaires, à Montmagny, du 28 au 31 janvier 1996, soit les juges en chef de la Cour d'appel du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour du Québec et leurs collaborateurs, la bâtonnière du Barreau du Québec, le vice-président, le bâtonnier de Montréal et des représentants et experts en matières civile et criminelle, le sous-ministre de la Justice et les sous-ministres associés et les membres de mon personnel politique.

(17 h 20)

Lors de cette rencontre historique, l'ensemble de la problématique reliée à l'administration de la justice civile du Québec a été examiné attentivement, notamment en regard des coûts et des délais de fonctionnement du processus judiciaire. En effet, nous avons été à même de constater que le délai moyen entre l'introduction d'une procédure et le moment où elle est déclarée prête à être entendue est beaucoup trop long et que les coûts de la justice sont trop élevés. Dans ce contexte, sans un virage audacieux, l'accessibilité des tribunaux aux citoyens à revenus moyens sera de plus en plus problématique.

Je voudrais d'abord vous signaler, M. le Président, que ce projet de loi a pour objet principal d'établir une procédure allégée – et permettez-moi un anglicisme, parce qu'il est utilisé fréquemment, «fast track» – par voie de déclaration pour certaines causes sans complexité notable de sorte qu'elles puissent être prêtes pour audition dans un délai maximum de six mois.

En effet, M. le Président, ce projet de loi propose un allégement de la procédure ordinaire en première instance pour toutes les causes dans lesquelles le montant réclamé ou la valeur de l'objet en litige n'excède pas 50 000 $. Ce seuil pécuniaire pour l'application de la procédure allégée englobera donc toutes les demandes portées devant la Cour du Québec en matière civile à l'exclusion des demandes relatives à l'expropriation, à l'adoption et aux petites créances. De plus, ce seuil de 50 000 $ s'appliquera également à plusieurs des demandes portées devant la Cour Supérieure, notamment en ce qui concerne les demandes en responsabilité civile, contractuelle ou extracontractuelle, et ce, à l'exclusion des affaires familiales et de faillite. Ce projet de loi propose donc une simplification du déroulement de la procédure civile pour toutes les demandes n'excédant pas 50 000 $ et introduit un processus judiciaire qui se situe à mi-chemin entre la procédure ordinaire en première instance et celle qui est utilisée à la division des petites créances.

Au surplus, M. le Président, ce projet de loi prévoit également que ce processus simplifié s'applique au recouvrement d'une créance, quel que soit le montant en jeu, dans les matières suivantes: le prix de vente d'un bien meuble; le prix d'un contrat de service ou d'entreprise, de crédit-bail ou de transport; les créances liées au contrat de travail, de louage, de dépôt ou de prêt d'argent; la rémunération d'un mandat ou d'une caution ainsi que celle due pour l'exercice d'une charge; les lettres de change et chèques, billets à ordre ou reconnaissances de dette; les taxes, contributions, cotisations imposées par une loi du Québec ou en vertu de quelqu'une de ses dispositions.

Dans d'autres matières, M. le Président, lorsque le cas s'y prête et que les parties y consentent, celles-ci pourront demander de procéder suivant ce processus allégé. En revanche, dans les matières visées, les parties auront la faculté de présenter une demande d'exclusion pour procéder suivant les voies ordinaires lorsque la complexité de l'affaire ou des circonstances spéciales le justifient, notamment lorsqu'il y a un risque élevé que la poursuite de l'affaire suivant la procédure allégée cause un préjudice irréparable à une partie. Toutefois, le tribunal pourra, sur demande, imposer une pénalité aux parties qui se seront soustraites abusivement au processus allégé. Par ailleurs, M. le Président, le traitement des demandes par la voie accélérée de la requête comporte des avantages importants pour le justiciable compte tenu qu'il peut obtenir une décision de justice à moindre coût et dans un délai beaucoup plus court que celui qu'impose la procédure ordinaire par voie de déclaration. C'est une second moyen, M. le Président, pour accélérer les procédures.

La voie accélérée que le projet de loi veut introduire et dont je viens de parler n'est pas, donc, cette seule solution. En effet, la requête prévue aux articles 762 à 773 du Code de procédure civile actuel permet aussi une meilleure gestion des demandes et donne en plus au juge la possibilité de jouer un rôle plus actif dans la conduite du dossier. En effet, l'article 766 du Code de procédure civile prévoit que, lors de la présentation de la requête, le tribunal, après examen des questions de droit et de faits en litige, peut décider sur les moyens propres à simplifier la procédure et à abréger l'audition. Or, les tribunaux, dans certaines décisions ont interprété restrictivement le domaine d'application de l'article 762 du Code de procédure civile concernant la requête introductive d'instance, notamment lorsqu'il s'agit d'une demande relative au respect de la réputation et de la vie privée. À cet égard, le projet de loi clarifie cette question.

Également, M. le Président, d'autres lois du Québec prévoient déjà que plusieurs recours sont introduits par requête sans prévoir, cependant, le mode procédural. L'extension du champ d'application de la procédure introductive d'instance par voie de requête à ces cas permettra de rendre justice plus rapidement et plus efficacement.

Enfin, ces règles générales deviendront notamment applicables aux demandes relatives aux droits et obligations résultant d'un bail, à l'indivision et au partage et à la copropriété divise d'un immeuble ainsi qu'aux poursuites en diffamation.

De même, M. le Président, ce projet de loi propose que ces règles générales de la requête introductive d'instance s'appliquent également à certaines requêtes prévues dans une loi particulière, notamment celles relatives à la contestation d'élections scolaires ou de cassation des règlements, résolutions et autres procédures municipales.

Sur un autre plan, mais dans un même esprit, ce projet de loi modifie la Loi sur la Régie du logement afin de préciser que dorénavant les décisions de la Régie du logement ne pourront faire l'objet d'un appel que sur permission préalable d'un juge de la Cour du Québec, et ce, lorsque la Cour estimera que la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec.

Ce projet de loi modifie également la Loi sur les jurés pour indiquer que l'assignation d'un juré se fait par l'envoi de la sommation à son destinataire, à la dernière adresse connue de sa résidence ou de sa place d'affaires, par courrier ordinaire ou, lorsque le candidat juré peut être ainsi rejoint, par télécopieur ou par un procédé électronique.

De plus, M. le Président, ce projet de loi supprime le bref d'assignation, dernier reliquat des anciennes procédures, qui faisait en sorte qu'un citoyen ne pouvait ester en justice qu'avec l'autorisation du souverain. Il convient de souligner l'importance historique de la suppression du bref d'assignation par lequel commence une action en première instance depuis 1866, qui sera remplacé par un simple avis joint à la déclaration.

Ce projet de loi propose également, en matière de responsabilité civile, de donner au tribunal le pouvoir de scinder l'instance pour disposer d'abord de la responsabilité du défendeur et, en second lieu, du quantum des dommages-intérêts nécessaires pour indemniser le demandeur du préjudice subi, évidemment le cas échéant. Cette importante mesure permettra d'éviter, dans des dossiers, la preuve longue et complexe par expert du quantum des dommages, notamment lorsque le tribunal conclut que le défendeur n'est pas responsable du préjudice.

Enfin, M. le Président, dans la même perspective, plusieurs autres mesures sont proposées afin de resserrer certaines règles actuelles du Code de procédure civile, notamment en regard de l'intervention forcée, de la péremption d'instance, de la saisie avant jugement, de la vente sous contrôle de justice et de la rétractation du jugement en matière de petites créances.

Ce projet de loi, M. le Président, contient donc plusieurs mesures susceptibles d'améliorer la qualité de la justice civile au Québec. Je suis persuadé que l'adoption de ces mesures apportera des voies de solution aux problèmes des coûts et des délais du processus judiciaire en matière civile. Comme je l'ai mentionné précédemment, un virage audacieux s'impose afin d'alléger et de simplifier la procédure civile. Enfin, l'allégement de la procédure par voie de déclaration et l'extension du domaine d'application de la requête introductive d'instance visait essentiellement à simplifier la procédure en première instance et à rendre généralement la justice plus accessible et moins coûteuse. Il est important, M. le Président, que tous les intervenants judiciaires, magistrats, procureurs, partie civile et officiers de justice, collaborent à l'implantation de cette réforme dont l'objectif ultime est l'amélioration de la qualité de la justice au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice.

J'accorde maintenant la parole au député de Chomedey et critique officiel de l'opposition en matière de justice. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait extrêmement plaisir de pouvoir prendre la parole sur cette importante législation, le projet de loi n° 7, modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives. Bill 7, An Act to amend the Code of Civil procedure, the Act respecting the Régie du logement, the Jurors Act and other legislative provisions.

M. le Président, le ministre de la Justice, dans ses remarques, tout à l'heure, nous rappelait toute l'importance de garder la confiance des citoyens dans notre système de justice, et, là-dessus, le ministre de la Justice a entièrement raison. Il a aussi mentionné qu'il avait fait du bon travail auprès de ses collaborateurs dans le domaine de l'administration de la justice, notamment la magistrature et le Barreau, pour s'assurer que les propositions qui sont devant cette Assemblée aujourd'hui cadrent bien avec les réels besoins du milieu et de la pratique.

M. le Président, on entend très souvent dire que la justice est lente, et aussi, quand les gens essaient de faire valoir leurs droits devant les tribunaux, notamment les tribunaux de droit civil, on entend aussi dire très souvent que la justice est trop coûteuse, et le ministre en a fourni quelques exemples tantôt.

(17 h 30)

In English, Mr. Speaker, we say that «Justice delayed is justice denied», it's an expression that we have often heard. And what the minister is trying to do today, after consultation with the appropriate authorities in the judicial milieu and at the Bar Association, is to ensure that, for the first time since 1965, when the Code of Civil Procedure was updated, we are going to take the bull by the horns and try to do something concrete to remove the deadlock in a lot of our Courts, and in that regard, Mr. Speaker, the Minister of Justice deserves our full support. Now, we have to weigh the wishes and the good intentions of the minister against these actions.

Les souhaits exprimés par le ministre, évidemment, M. le Président, doivent être cohérents avec les autres gestes qu'il pose. Alors, ce projet de loi n° 7 vient suite à un projet de loi, l'année dernière, où le ministre de la Justice a insisté, dans le domaine de la Cour des petites créances, pour réintroduire les avocats, notamment au niveau de la perception des comptes. Et, à notre sens, ça allait tout à fait à l'encontre du but poursuivi par la loi n° 7, même si on réitère que nous sommes d'accord avec le projet de loi n° 7 dans son ensemble, dans ses grands principes, parce qu'il y va pour alléger le système et le rendre plus accessible pour le public. Donc, on dit qu'il y a incohérence, ou du moins un problème, lorsque le ministre, d'un côté, pose des gestes qui nuisent aux intérêts des citoyens, et la Cour des petites créances en est un bon exemple. Et on espère, justement, que cette erreur de l'année dernière va éventuellement être corrigée.

On a eu d'autres exemples l'année dernière qui n'ont pas, heureusement, été adoptés, notamment au niveau de l'aide juridique. Et on voit ici un certain nombre de recours qui vont être restreints. Est-ce que ça fait partie d'un bouquet de mesures de la part du ministre de la Justice pour s'assurer que le nombre de recours qui peuvent faire l'objet d'une aide juridique pour les citoyens les plus démunis soit le moins grand possible et qu'on essaie, par le fait même, d'économiser des sommes à l'État de cette manière-là? On aura l'occasion, sans doute, en commission parlementaire, lors de l'étude détaillée du projet de loi, d'avoir des réponses à notre question.

Mais, lorsqu'on regarde les économies qu'on doit faire dans le domaine de la justice comme dans tous les autres domaines, encore une fois, le gouvernement doit être conséquent avec lui-même et prouver qu'il est en train de faire tout ce qu'il doit pour sauver de l'argent aux contribuables. Alors, on a appris cette semaine que, contrairement à la loi que le ministre de la Justice avait lui-même fait adopter au mois de juin l'année dernière avec beaucoup de fanfare, même émettant des communiqués de presse disant que, dorénavant, la résidence du juge en chef de la Cour du Québec, c'est à Québec, on a appris que, depuis huit mois, on remboursait plus de 30 000 $ de frais au juge en chef de la Cour du Québec pour loger au Château Frontenac, et, contrairement à la loi que le ministre de la Justice avait lui-même présentée et fait adopter par l'Assemblée nationale, on payait 6 000 $ pour ses voyagements entre Québec et le Lac-Saint-Jean, aller-retour, alors que, en vertu de la loi, sa résidence était ici.

Il faut dire, M. le Président, que, lorsqu'on regarde des sommes comme celles qu'on a discutées cet après-midi, en ce qui concerne l'adoption des crédits pour l'ensemble de la province, 30 000 $, pour les gens du gouvernement péquiste, ça peut paraître pas grand-chose. Mais 30 000 $ dépensés sans autorisation législative, 30 000 $, c'est important; 30 000 $, c'est le salaire de beaucoup de familles, au Québec, M. le Président. Il y a beaucoup de familles qui ne gagnent pas 30 000 $. Alors, ils n'ont pas le droit de dire: Ah bien, 30 000 $ ici, 30 000 $ là, ça n'a pas d'importance. Lorsque le ministre est intervenu dans cette Chambre pour insister pour que le juge en chef de la Cour du Québec ait sa résidence à Québec, ça a fait l'objet d'une analyse détaillée. Et le ministre nous dit, il nous donne l'indication maintenant que la seule manière qu'il aurait pour parer à cette difficulté-là, ce serait par voie de décret. Or, malheureusement pour le ministre de la Justice, M. le Président, on ne peut pas, et j'espère qu'il le sait maintenant, on ne peut pas modifier une loi par le biais d'un décret du cabinet. Alors, à ce moment-là, il ne lui reste qu'une chose: ramener une autre loi ici pour tenter, rétroactivement, de corriger ce qu'il vient de faire, à notre sens, illégalement.

Mais, ça, ça va être exactement comme ça s'est fait dans le cas de Mme Dionne-Marsolais, la ministre de l'Industrie et du Commerce, qui était accusée d'une infraction aux lois électorales. Et le ministre de la Justice et Procureur général, ses représentants sont allés dire, erronément, devant la Cour qu'ils n'avaient pas de preuve à présenter. Ils avaient de la preuve à présenter, mais ils ont choisi de ne pas la présenter. Ils avaient modifié la loi, et le ministre, lorsqu'on l'a mis devant ce fait à l'Assemblée nationale, il s'est levé, le ministre de la Justice, responsable des lois, il a dit: Mais vous pensez qu'on lit les lois sur lesquelles on vote? En tout cas, j'espère que le ministre a lu le projet de loi n° 7. J'espère aussi que le juge en chef de la Cour du Québec a lu la disposition de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui concernait sa nomination, le fait que sa résidence devait être dans la ville de Québec, et j'espère donc que, lui, il s'est rendu compte qu'il y avait une erreur, que les sommes qu'il a perçues l'ont été illégalement et qu'il va se faire un devoir de les rembourser pour ne pas laisser planer le moindre doute sur son intégrité et sur sa neutralité dans les causes qui concernent le gouvernement du Québec.

Le ministre, tout à l'heure, dans ses remarques sur le projet de loi n° 7, nous rappelait qu'il y avait des délais importants, qu'il y avait des frais importants, qu'il y avait des coûts importants et que tout cela affectait l'accessibilité à notre système de justice, et il a entièrement raison. Mais, encore une fois, il faut regarder ces mesures comme un ensemble. Lors de la défense des crédits, on a appris que le ministre de la Justice avait coupé les sommes qu'il était censé remettre au service de médiation familiale. On a entendu le ministre de la Justice nous citer l'étude en Ontario au terme de laquelle on a été capable de conclure qu'en Ontario, pour des sommes jusqu'à 30 000 $, 40 000 $, ça ne valait souvent pas la peine d'aller en cour, parce que, même si on gagnait, tout était mangé en frais d'avocats, tout était mangé en frais juridiques. Dans le domaine des divorces, cela est souvent le cas aussi. Les frais d'avocats, les frais d'experts, les frais de la cour, tout ça, ça peut venir prendre plus du patrimoine familial que ce qui va rester à la fin.

Mais, encore là, on a été étonnés de constater que le ministre de la Justice du gouvernement du Parti québécois, contrairement à ce qui était prévu, n'a pas pris les augmentations des tarifs de 4 $ qui avaient été faites sur toutes les pièces de procédure. Il ne l'a pas versé, comme il se devait, sur le service de médiation familiale. Résultat: presque trois ans après l'adoption de la loi, la loi sur la médiation familiale n'est toujours pas proclamée en vigueur, et c'est un gros problème, parce que les frais importants de la cour dans les cas de divorce n'ont pas changé. Alors, ce n'est pas cohérent avec les souhaits exprimés par le ministre, et c'est pour ça qu'on lui dit que, quand il offre quelque chose à la population, comme il était en train de le faire avec le projet de loi n° 7, on va toujours être d'accord quand il en va de l'intérêt du public, mais, en même temps, on lui demande de regarder ce qu'il fait concrètement pour s'assurer que c'est effectivement cohérent, que ça va avec l'ensemble des actions que lui et son gouvernement posent ici, à l'Assemblée nationale.

Le ministre a parlé de la notion de «fast track», et c'est effectivement le meilleur terme pour expliquer ce qu'on est en train de proposer ici avec le projet de loi n° 7. The fast track system, Mr. Speaker, is one that exists in the United States, and in most jurisdictions, it's often left to the judge to decide. Here, the minister is using a much more direct approach and he's proposing simply that in most of these cases where the questions in issue are not that complicated, that we be able to move them along from the beginning to the end of the case within six months. For anyone who has ever practiced law, for anyone who has ever tried to get a case through the courts, they'll realize that six months is very ambitious, but I think that the minister is indeed on the right track with the proposal that he has here.

Alors, on souhaite que la proposition atteigne le but recherché, et je termine mes remarques en disant qu'il y a juste un aspect de ce projet de loi qui nous préoccupe un peu: c'est le fait que, tout en voulant régler les problèmes importants qui existent au niveau des procédures civiles à la Cour du Québec, on a choisi aussi de limiter un droit qui existe à l'heure actuelle au niveau de la Régie du logement. On n'est pas persuadés, un, que ce sont des idées qui vont nécessairement dans la même législation et, deux, qu'il y a nécessairement une justification pour restreindre un droit. Il y a un droit strict d'appel – on dit un appel de plein droit – et ça va être sur permission d'appeler. Est-ce que ça va avoir un effet sur l'un ou l'autre groupe? Est-ce que les tendances qui vont s'installer à l'intérieur de la Régie du logement vont faire en sorte qu'il y ait moins d'appels dans un sens ou dans l'autre? Ça nous préoccupe, et d'autres de mes collègues aussi sont préoccupés par cette question.

Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey et critique officiel de l'opposition en matière de justice.

(17 h 40)

Alors, je cède la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est également critique officiel de l'opposition en matière de protection du consommateur. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'interviens dans ce débat à partir de mes fonctions de député de Notre-Dame-de-Grâce. Comme l'a souligné mon collègue le député de Chomedey, j'ai été surpris de voir dans le projet de loi n° 7, Loi modifiant le Code de procédure civile, certaines dispositions qui ont trait à la Régie du logement. Comme l'a indiqué le député de Chomedey, on est loin d'être convaincus que les deux choses vont nécessairement ensemble. Ceci étant dit, M. le Président, le ministre de la Justice et le gouvernement ont décidé de procéder avec un projet de loi qui mêle, quant à nous, un peu les pommes et les oranges. C'est leur droit de le faire, mais ça peut engendrer certaines réserves.

M. le Président, à cet égard, le projet de loi, selon les notes explicatives, indique que «ce projet de loi remplace l'appel de plein droit des décisions de la Régie du logement par un appel sur permission», et c'est sur ce sujet que j'aimerais faire quelques brèves remarques.

M. le Président, il y a à peu près quatre semaines, une réunion a été organisée dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce. La réunion a été organisée par un club social dans une paroisse largement italienne dans mon comté. Si ma mémoire est bonne, c'était un mercredi soir, et il y avait au-delà de 100 personnes, M. le Président. Le sujet de cette réunion était uniquement les difficultés que des propriétaires, et surtout des petits propriétaires, peuvent avoir avec la Régie du logement. J'étais étonné, M. le Président, de me rendre sur place et de m'apercevoir que j'étais devant une audience de 100 personnes qui sont venues essentiellement me donner leurs griefs quant au fonctionnement de la Régie du logement, dans la perspective des petits propriétaires.

Mr. Speaker, I was quite surprised that the meeting organized in a largely Italian Speaking parish of my riding attracted so many people. And the sole and unique subject of the meeting were the difficulties that these people, my constituents, were having as small owners of duplexes or triplexes or small apartment buildings, the difficulties they were having as owners with the Régie du logement. What I found surprising was that on a Wednesday evening there could be so many people assembled with such passionate feelings about how, from their perspective, they were being treated by the Régie du logement. They raised, Mr. Speaker, amongst others, two major points, points of contention with the way in which the Régie du logement and the law that governs it applies to the relationship between owners and tenants.

Ils ont soulevé deux points essentiellement, M. le Président, un: le fait qu'Hydro-Québec peut réclamer présentement du propriétaire des bâtisses des comptes à payer par un locataire qui refuse de s'acquitter de ses responsabilités ou qui se sauve. Je pense que, là, M. le Président, c'est un grief assez justifiable de la part des petits propriétaires. Je comprends que la société d'État a également des factures à payer et des comptes à régler, mais de tenir responsable un propriétaire d'un duplex, qui demeure en bas, de le tenir responsable des factures non payées par son locataire qui demeure en haut me semble injuste, M. le Président. Et c'est très clair que, de leur point de vue, de cette réunion, c'était injuste.

Ils ont soulevé une autre problématique, M. le Président, qui, je dois dire, d'entrée de jeu, est plus difficile, plus compliquée, avec laquelle je vois les deux côtés de la médaille, et c'est la problématique des bénéficiaires de l'aide sociale qui, de mauvaise foi – et j'insiste là-dessus – refusent de s'acquitter de leurs responsabilités et de payer leur loyer. Il y en a quelques-uns, des cas vraisemblables. Je ne suis pas en train de dire que tous les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont une certaine difficulté, beaucoup de difficultés, même, à financer une famille, à faire vivre une famille, à payer un loyer, je suis loin de... De là à dire que ces personnes-là, de façon générale, n'acceptent pas leurs responsabilités, ce n'est pas le but de mon intervention, M. le Président.

Mais il y avait ce soir-là au moins une douzaine de cas où les propriétaires étaient capables, quant à moi, de faire une démonstration que, oui, certains d'entre eux, certains des bénéficiaires de l'aide sociale ne s'acquittaient pas de leurs responsabilités, et ça posait un problème pour les petits propriétaires, M. le Président. Ça ne pose pas nécessairement un problème à quelqu'un qui est propriétaire de 50 appartements ou d'une grosse bâtisse d'appartements. Lui, comme homme ou femme d'affaires, prévoit une certaine perte dans ses revenus, on en conviendra tous. Mais, pour le propriétaire d'un duplex qui a besoin des revenus de son loyer pour soit payer son hypothèque ou soit financer d'autres activités, c'est très sérieux quand un locataire ne s'acquitte pas de ses responsabilités et ne paie pas son loyer.

Je comprends que le problème est complexe, je n'ai pas nécessairement la solution non plus, mais il me semble, M. le Président, qu'il faut qu'on soit sensible aux deux côtés de la médaille également, qu'on ne se penche pas uniquement sur un cas dans une société, une classe de personnes, sans être capable de faire un arbitrage entre d'autres groupes dans la société.

M. le Président, je soulève ces points parce que j'aimerais être assuré par le ministre de la Justice qu'aucune des modifications qu'il apporte aux lois sur la Régie du logement n'aura un impact négatif ni sur les droits des propriétaires ni sur les droits des locataires dans le plein exercice de leur droit d'aller en appel. C'est ça qui m'inquiète, M. le Président.

And I think, Mr. Speaker, that it is an important point, that I wish to be reassured, as the member of the National Assembly for NDG, by the minister of Justice that the amendments that he is bringing forth to the Law on the Régie du logement will not have a negative impact, will not prevent either party, whether they be tenants or owners, from exercising their rights to appeal certain decisions of the Régie du logement. It is this point that my constituents asked me to bring forward, Mr. Speaker. It is in that vein that I bring them forward for consideration of the minister of Justice and ask that he pays a particular attention to that point of view that was made clear to me during the course of a meeting in my riding.

I don't know, Mr. Speaker, whether the answer is immediately obvious. I don't know whether the minister can immediately respond. But I would hope that, during the course of our adoption of the legislation, over the next day or two, he will seriously examine the questions that I have raised and be able to give this House and myself as a Member of the National Assembly some reassurance on this matter. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et critique officiel de l'opposition en matière de protection du consommateur.


Avis de débats de fin de séance

M. le ministre de la Justice, vous avez droit à une réplique, en vertu de l'article 206. Mais permettez-moi, avant de vous céder la parole, d'informer cette Assemblée, conformément à l'article 309, que sera tenu, à la fin de la séance d'aujourd'hui, un débat de fin de séance. Le député de Viau, qui s'est en tout point conformé au paragraphe 2 de l'article 308, s'adressera au ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant: L'exode des médecins spécialistes en transplantation. Alors, M. le ministre de la Justice, conformément à nos règlements, vous avez droit à une réplique. M. le ministre.


Reprise du débat sur l'adoption du principe


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: M. le Président, le rôle d'un critique de la justice m'apparaît être un rôle extrêmement important, puisque l'image de la justice dans la société est également extrêmement importante. Lorsque l'on traite du troisième pouvoir, la magistrature, ou par opposition au législatif et à l'exécutif, ce n'est pas un vain mot dans notre société, et il est important de maintenir en tout temps une expression qui respecte la magistrature.

(17 h 50)

Je vous avoue honnêtement que je trouve pénibles, difficiles, je dirais même inacceptables les propos que le député de Chomedey tient depuis trois jours, parce que, si c'est vrai que le rôle d'un critique de l'opposition est de faire ressortir ce qui lui apparaît comme étant incorrect, insuffisant ou trop, trop considérable, c'est son rôle de le souligner, mais il m'apparaît que, en ce faisant, il doit toujours le faire d'une certaine manière. Or, pour la troisième fois, il serait, je pense, à propos que le député de Chomedey écoute. M. le Président, je n'aime pas cette façon de faire, mais c'est obligé de le faire. Et je trouve que revenir trois fois sur un sujet, alors qu'il sait très bien, pour avoir eu les réponses qui devraient le satisfaire, qu'attaquer ainsi la magistrature ou encore son représentant, le juge en chef, m'apparaît tout à fait inacceptable, et je le déplore, et je tiens à le dire.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey, en vertu de quel...

M. Mulcair: L'article 212.

Le Vice-Président (M. Pinard): 212? Alors, M. le député de Chomedey, en vertu de l'article 212, «tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé. Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion ni susciter de débat». Alors, M. le député de Chomedey, je vous en prie, je vous demande de nous donner ça très brièvement.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez, M. le député de Chomedey. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Vous venez de lire le règlement, et ça indique que c'est après l'intervention. Deuxième paragraphe de l'article 212: après l'intervention. Or, l'intervention n'est pas terminée. C'est pourquoi je vous prierais d'abord d'entendre le ministre, puis de reconnaître le député de Chomedey...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Jean, vous avez tout à fait raison, et je tiens à m'excuser, M. le député de Chomedey. Effectivement, considérant ma jeunesse sur le trône, possiblement, vous allez avoir droit à une réplique en vertu de l'article 212, mais brièvement, dès que M. le ministre de la Justice aura terminé sa réplique.

M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, le député de Chomedey s'est fait dire ici, en cette Chambre, hier, par moi-même qu'une situation tout à fait semblable s'était produite il y a sept ans et qu'elle n'avait rien d'incorrect, qu'elle était tout simplement conforme à une situation qui se pratique dans l'administration publique à l'effet qu'une personne qui est déplacée doit prendre le temps de se relocaliser.

J'inviterais le député de Chomedey à lire l'article 113 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui donne un an au juge qui est déplacé pour changer le lieu de résidence lorsqu'il est changé de déplacement. Alors, avant de dire que des dépenses sont tout à fait inacceptables, de s'attaquer, je le répète, à la magistrature et au comportement d'un de ses juges qui est le juge en chef, je pense qu'il devrait réfléchir à cette question et faire en sorte qu'au lieu de ternir l'image de la justice il l'améliore, et non pas seulement quand il dit des belles choses à l'égard d'un projet de loi, mais également quand il parle de ceux qui sont chargés de l'appliquer dans nos cours. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert.

Alors, tel qu'on l'a mentionné tout à l'heure, M. le député de Chomedey, vous devez donner vos éléments dans une brève explication, et vos éléments ne doivent apporter rien de nouveau à la discussion et ne susciter absolument aucun débat.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Oui, contrairement à ce que disait mon collègue le ministre de la Justice, mes remarques de tantôt ne visaient strictement ni le juge en chef lui-même ni, bien entendu, à plus forte raison, l'administration de la justice en général. Ce que nous avons dit, par contre, c'est que le ministre de la Justice, le même qui est là, avait fait proposer ici, à l'Assemblée nationale, une loi dont il se vantait – il a même fait des communiqués de presse là-dessus – disant que – ça, c'est le 30 août 1995 qu'il a sorti ces communiqués de presse là – dorénavant, le juge en chef a son lieu de résidence à Québec. Et on a appris qu'il y avait 30 000 $, en date du 29 mars, qui avaient été accordés à ce juge en chef là, contrairement à ce qui était prévu dans la loi.

Alors, c'est non seulement un problème de manque de respect vis-à-vis de la magistrature, c'est le désir profond de faire respecter la volonté claire de la population véhiculée à travers une loi adoptée par cette Assemblée nationale et présentée par ce ministre de la Justice. Son exemple de ce qui s'est passé il y a sept ou huit ans, c'était en vertu d'une législation entièrement différente, et l'exemple ne tient pas.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey.

M. Copeman: M. le Président, est-ce que le ministre permettrait une question en vertu de l'article 213?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous permettez, messieurs... Alors, M. le ministre, en vertu de l'article 213, tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer son intervention. Est-ce que vous voulez? Non? Parfait.

Alors, nous en sommes maintenant... Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la leader adjointe du gouvernement, vous êtes très rapide. Je dois vous demander maintenant: Le principe du projet de loi n° 7, Loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Je fais motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, il est maintenant... Si vous le permettez, comme il nous reste seulement une minute avant la fin de nos travaux, je suspendrais ceux-ci jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 8)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

M. le ministre... Excusez, avant, je vais demander... Pour prendre des prérogatives qui ne m'appartiennent pas, je vais demander au leader du gouvernement de nous indiquer ce qu'il y a au menu. M. le leader.

M. Bélanger: Bonsoir, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 130


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 10, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Je suis prêt à céder la parole à M. le ministre. Vous êtes prêt, M. le ministre? Alors, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Le 15 décembre dernier, j'avais l'honneur et le plaisir de présenter à cette Assemblée le projet de loi sur la justice administrative portant le numéro 130.

La justice administrative est d'une extrême importance au Québec. En effet, c'est par dizaines de milliers que des décisions de portée individuelle, de nature administrative ou juridictionnelle, sont rendues chaque année et touchent les Québécois et les Québécoises.

Dans l'application des lois, le législateur confie aux représentants du pouvoir exécutif l'autorité et la responsabilité de prendre des décisions à caractère particulier et personnel qui touchent d'abord le citoyen et ont un impact sur l'administration publique elle-même. Pour ce faire, à l'instar de nombreux autres États, il a institué divers organismes et tribunaux administratifs. Ces organismes doivent respecter les droits des administrés et, de façon à rendre l'exercice de ces droits plus accessibles, répondre à des objectifs de qualité, de simplicité, de transparence et de célérité.

(20 h 10)

Depuis bientôt 25 ans, nous avons assisté à diverses tentatives pour améliorer la façon dont la justice administrative est rendue au Québec. Qu'il suffise d'évoquer le rapport Dussault, de 1971, le livre blanc sur la justice contemporaine, de 1975, le rapport Atkinson-Lévesque, de 1983, le rapport Ouellette, de 1987, et, plus récemment, le rapport Garant, que j'ai rendu public en 1994.

Ces divers groupes de travail ont été mis sur pied afin d'éclairer le gouvernement sur les différents aspects de l'administration de la justice administrative. Ils se sont penchés sur une éventuelle réorganisation des fonctions administratives et juridictionnelles que le législateur, par besoin de spécialisation et de déjudiciarisation, a confiées à certains organismes administratifs qui ne sont pas des cours de justice.

Les travaux effectués visaient, entre autres, la rationalisation des compétences à l'intérieur du réseau de ces organismes ainsi qu'entre ces organismes et les tribunaux judiciaires. Ils concernaient aussi, outre la réorganisation des compétences, plusieurs aspects de l'organisation de la justice administrative, dont l'encadrement des tribunaux et l'uniformisation des règles de preuve et de procédure.

Compte tenu de la part importante que les organismes administratifs ont prise dans l'administration de la justice, cette recherche de rationalisation de leurs compétences semblait opportune. Elle l'était d'autant qu'elle avait aussi pour but d'assurer l'accessibilité de la justice administrative et d'en diminuer les coûts. Les difficultés rencontrées à cet égard durant toutes ces années ont fait de la réforme un rêve quasi inaccessible pour bon nombre de citoyens et aussi de juristes.

Les changements envisagés dans l'organisation et le fonctionnement de l'administration publique sont occasionnellement critiqués parce que davantage tournés vers les institutions que vers le citoyen. À cet égard, je dois cependant souligner que ces différents rapports, et surtout les récentes consultations particulières sur la réforme de la justice administrative, m'ont permis de constater que les préoccupations institutionnelles ainsi que celles des décideurs reflètent assez fidèlement celles de leur clientèle. Bien sûr, les questions organisationnelles et fonctionnelles préoccupent les citoyens, mais, plus encore, ils veulent que ces décideurs soient compétents, qu'ils possèdent, le cas échéant, la spécialité requise et qu'ils respectent les principes et les règles de déontologie appropriés. Ils veulent aussi que ces décideurs soient faciles d'accès et respectueux des gens, qu'ils aient la conscience d'être au service de l'État et de la collectivité et qu'ils évitent de se placer dans des situations de conflit d'intérêts et de profiter indûment de leur situation.

Ces attentes sont exprimées avec plus de vigueur à l'égard des décideurs appelés à prendre des décisions à caractère particulier et personnel dans la définition et l'application d'une politique ou d'un programme gouvernemental. Les citoyens désirent alors être informés des faits, du contenu de la plainte et des intentions de l'administration. Ils désirent aussi être écoutés et s'expliquer, puisqu'ils sont précisément en présence du décideur chargé d'appliquer cette politique et d'en surveiller le respect.

Ces attentes sont exprimées avec plus de force et d'acuité encore à l'égard des décideurs appelés à prendre des décisions à caractère particulier et personnel dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle, cette fois-ci. En effet, le citoyen insatisfait d'une décision qui le concerne individuellement fait alors appel à un tiers désigné par le législateur pour trancher le litige qui l'oppose au ministère ou à l'organisme de l'administration qui a pris la décision. Les critères sur lesquels il se fonde pour apprécier l'indépendance et l'impartialité de ce décideur sont évidemment plus sévères et s'approchent de ceux qu'il applique aux juges de l'ordre judiciaire. Les citoyens espèrent, par ailleurs, que ces décideurs sauront, malgré parfois la pression des plaideurs, réaffirmer le caractère particulier de la justice administrative et éviter le formalisme outrancier.

Il importe de rappeler que tout ce système a, de plus, vécu ce que d'aucuns ont appelé un véritable tremblement de chartes. Les chartes québécoise et canadienne ont en effet remis en question non seulement la façon de rendre la justice administrative, mais, à l'occasion, l'existence même de certains organismes. Les recours judiciaires nombreux et importants qui ont été engagés ces dernières années, particulièrement ces derniers mois, et qui ont donné naissance à une jurisprudence élaborée illustrent on ne peut mieux la situation.

La réforme proposée est essentiellement fondée sur la notion de justice administrative. Elle permettra de distinguer parmi les organismes tenus de prendre des décisions à caractère particulier et personnel ceux qui le font dans l'exercice d'une fonction administrative de ceux qui le font dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle. Cette réforme permettra aussi d'imposer aux décideurs administratifs un devoir d'agir équitablement et le définira. Elle imposera par ailleurs aux tiers chargés de trancher le litige un devoir d'agir judiciairement et en établira les règles de base. Les uns et les autres seraient cependant tenus au respect des principes généraux du droit et de rendre des décisions de qualité, intelligibles, concises et exprimées en termes accessibles.

Une telle approche, M. le Président, implique dans bien des cas la déjudiciarisation des processus menant à la prise d'une décision de première ligne dans l'exercice d'une fonction administrative. Il s'agit le plus souvent de décisions rendues dans l'exécution de normes ou l'application d'une politique sociale ou économique. La déjudiciarisation proposée constitue une orientation dont l'impact devrait être majeur et les conséquences fort avantageuses non seulement pour l'administration, mais surtout pour les citoyens. En effet, actuellement, à l'égard de certaines décisions, l'administration gouvernementale agissant dans l'exercice d'une fonction administrative respecte un processus fort semblable, pour ne pas dire copié sur celui des cours de justice. Il en est souvent ainsi parce que la loi ou les règlements appliqués l'exigent expressément ou contiennent certains indices en ce sens. Il s'agit d'un processus régi par des règles strictes de preuve et de procédure où l'interrogatoire et le contre-interrogatoire, les ajournements et les désistements, le délibéré et les réfutations sont au menu pour servir un faux débat contradictoire.

Si certaines traditions expliquent pourquoi il en est ainsi, on peut aujourd'hui, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence et de la doctrine en droit administratif, se demander s'il devrait en être ainsi. En effet, certains juges de la Cour supérieure ont à quelques reprises eu à préciser qu'il n'était pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Selon les juges Pidgeon, dans l'affaire Martineau et Butters de 1978, et Dickson, dans l'arrêt Coopers & Lybrand de 1979, le fait que des droits soient touchés n'entraîne pas nécessairement l'obligation d'agir judiciairement. Pour le juge Dickson, il faut en plus se demander si cette décision constitue la mise en oeuvre d'une obligation d'appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, l'obligation d'appliquer une politique sociale et économique au sens large.

Dans l'exercice de la fonction administrative, les tribunaux ont plutôt obligé l'administration à agir équitablement. Selon certains auteurs, l'application au nom de l'obligation d'équité de la règle audi alteram partem aux organismes qui ont des fonctions administratives est en quelque sorte plus limitée que ne l'est son application à titre de règle de justice naturelle. Ce qui signifie que l'on doit rencontrer ou écouter la personne, mais dans un cadre moins formel. Il ne s'agit pas là d'une justice à rabais fondée sur l'absence de processus. En effet, un processus souple et adaptable ne signifie pas qu'il y a absence de règles. Même si un agent de l'administration n'agit pas à titre judiciaire ou quasi judiciaire, il doit quand même accorder au citoyen l'occasion de le convaincre de l'existence de certains éléments et, à cette fin, lui faire connaître sa première impression pour que ce dernier puisse le détromper. Il ne s'agit pas, à mon sens, d'agir ou d'être obligé d'agir à titre judiciaire, mais d'être tenu d'agir équitablement.

Est-il besoin de rappeler que les manquements et écarts au respect de ce devoir peuvent être réparés ou redressés par le moyen d'une révision, d'un appel ou d'un recours à la Cour supérieure. Ainsi, ce devoir, moins exigeant, selon le juge en chef Laskin, que la protection procédurale de la justice naturelle traditionnelle n'exige pas nécessairement, selon lord Pearson, toute une succession d'auditions, de plaidoiries et de réfutations.

Dans ce contexte, il semble donc tout à fait approprié et justifié de modifier les orientations retenues dans certaines lois; en d'autres termes, de déjudiciariser le processus décisionnel suivi par l'administration dans l'exercice d'une fonction administrative. La doctrine, la pratique de certains organismes et le consensus des organismes consultés nous y convient. En effet, depuis 1985, la Commission de réforme du droit du Canada signifiait qu'il faut éviter de perpétuer l'impression que les méthodes proprement judiciaires sont les seules acceptables lorsqu'il s'agit de prendre une décision touchant des intérêts privés. Enfin, le groupe de travail mis sur pied par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en 1994 proposait également à cet égard un virage fort important.

(20 h 20)

Par ailleurs, certains organismes tenus d'agir judiciairement ont préféré, au nom de la déjudiciarisation et de l'efficacité, adopter des pratiques respectueuses du devoir d'agir équitablement. Cette option leur a permis d'adopter un mode d'intervention moins formaliste. Plutôt que des auditions de type judiciaire, ils organisent, avec les détenteurs de permis, des rencontres informelles se déroulant sans le décorum quasi judiciaire, sans plaidoirie et sans avoir à respecter strictement les règles relatives à la preuve et aux objections.

Enfin, M. le Président, la très grande majorité des intervenants consultés, que ce soit par l'entremise de comités internes ou de la commission des institutions de l'Assemblée nationale, accepte que soit déjudiciarisé le processus menant à la prise d'une décision de première ligne par divers agents de l'administration dans l'exercice d'une fonction administrative. Ce faisant, ils ont cependant réclamé l'adoption de mesures susceptibles de changer la mentalité et la culture des décideurs administratifs. Ils veulent éviter qu'une approche déjudiciarisée n'entraîne la perte de droits ou n'en abaisse le niveau de protection, qu'elle ne réduise la qualité et la rigueur des décisions ou qu'elle n'occasionne une multiplication des contestations et, partant, des coûts. Certains ont même proposé que le devoir d'agir équitablement soit législativement défini.

Ainsi, la déjudiciarisation proposée n'a pas pour objectif de modifier les fonctions de ces organismes, mais leur manière d'agir. Cette approche favoriserait l'accessibilité des citoyens, la souplesse, l'efficacité et la célérité du processus décisionnel de l'administration gouvernementale. Elle libérerait les décideurs de première ligne du formalisme d'une procédure judiciarisante, favorisant ainsi une action administrative plus rapide, flexible et moins coûteuse.

J'ai en outre bon espoir que la déjudiciarisation proposée pourrait contribuer à la diminution du nombre sans cesse croissant des recours exercés à l'encontre des décisions de l'administration. En effet, il m'apparaît que le fait d'écouter le citoyen, de l'informer des faits, du contenu de la plainte et des intentions du décideur pourrait certainement contribuer à le rapprocher de l'administration et à lui faire comprendre une décision, même défavorable. Le sentiment d'injustice ressenti à l'occasion par certains citoyens est parfois suffisant à lui seul pour les inciter à contester une décision de l'administration et, en conséquence, pourrait alors être estompé et peut-être même remplacé par celui d'avoir été traité avec égards et compréhension par un décideur attentif et réceptif à son point de vue.

L'essentiel de cette réforme est exprimé dans les 12 premiers articles du projet de loi. Ainsi, les dispositions des articles 1 à 7 du projet de loi visent à établir que les procédures suivies par les ministères et organismes gouvernementaux pour prendre une décision individuelle, c'est-à-dire une décision qui ne concerne qu'une personne déterminée, physique ou morale, par opposition à générale, doivent être différentes selon que cette décision est prise dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle. Elles précisent ensuite que certaines décisions relèvent de la fonction administrative, prévoient que les procédures suivies par les ministères et organismes pour prendre une telle décision sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement et identifient certaines procédures que ces ministères et organismes doivent respecter lorsqu'ils s'apprêtent à prendre une décision défavorable. Une disposition oblige en conséquence les ministères et organismes à prendre les mesures appropriées pour s'assurer que les procédures mises en place respectent les normes, sont conduites suivant des règles simples, souples et sans formalisme, avec respect, prudence et célérité et selon les exigences de la bonne foi.

La décision de définir ainsi par voie législative, et en partie le devoir d'agir équitablement, a été prise pour éviter que la déjudiciarisation de certains processus n'entraîne la perte des droits pour les citoyens ni ne réduise le niveau de protection dont ils peuvent bénéficier. Elle a également été prise pour accéder à la demande de divers groupes, notamment des membres des organismes administratifs, qui réclamaient qu'il en soit ainsi pour être en mesure de s'opposer aux demandes des plaideurs exigeant que des procédures de nature judiciaire soient suivies. Ces règles ne sont pas déjà prévues dans la Charte des droits et libertés de la personne ou dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. En effet, alors que le Protecteur du citoyen, selon une approche curative, examine, à la suite d'une plainte, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a été lésée par l'acte ou l'omission d'un organisme public, le projet de loi adopte une approche préventive et établit certaines règles procédurales. Certaines d'entre elles sont pourtant déjà inscrites dans diverses législations. Parfois trop exigeantes compte tenu de la décision à prendre, parfois inappropriées compte tenu de la fonction dans l'exercice de laquelle cette décision est prise, ces règles prévoient, dans certains cas, l'obligation d'entendre le citoyen ou celle de lui permettre de présenter des observations ou celle de notifier un avis écrit avant de prendre une décision.

Ce manque d'uniformité et même de rationalité a suscité dans de trop nombreux cas des contestations judiciaires fondées sur l'indépendance et l'impartialité de ceux qui prennent ces décisions. Le projet de loi vise à régler ce problème.

Les consultations effectuées depuis le début du projet de loi n° 130 ont permis de constater que l'énumération d'exemples de décisions administratives inscrite à l'actuel article 2 soulève des difficultés d'interprétation. Elles ont aussi permis de constater que le libellé de l'actuel article 6 peut entraîner des difficultés d'application, notamment qu'il y aurait double emploi lorsque la loi offre la possibilité de demander la révision ou la reconsidération d'une telle décision. C'est pourquoi nous envisageons de modifier le contenu de l'article 6 pour prendre en compte les particularismes du processus décisionnel auquel certains ministères et organismes gouvernementaux sont législativement assujettis pour prendre certaines décisions.

Par ailleurs, les articles 8 à 12 établissent les règles générales devant être suivies par un organisme institué par le législateur pour trancher le litige qui oppose le citoyen à un ministère ou à un autre organisme de l'administration. Un tel organisme exerce alors, selon la jurisprudence et la doctrine, une fonction juridictionnelle comme un tribunal. Aussi, le projet l'oblige, pour assurer le débat loyal, à entendre les parties et à leur donner l'occasion de prouver les faits qui soutiennent leur prétention et d'en débattre. Il l'oblige à le faire dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale et en audience publique.

Pour affirmer encore davantage la spécificité de la justice administrative, il importe que la loi précise que l'organisme sera maître de la conduite de l'audience, qu'il devra mener les débats avec souplesse et qu'il pourra à cette fin adapter les règles ordinaires de la preuve en matière civile. De plus, il devra prendre des mesures pour délimiter le débat et, s'il y a lieu, favoriser le rapprochement des parties; et, si cela s'avère nécessaire, il devra apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial.

Ayant ainsi distingué le devoir d'agir équitablement et celui de respecter les principes de la fonction juridictionnelle, le projet de loi prévoit l'institution d'un organisme juridictionnel, le Tribunal administratif du Québec. Ce tribunal intègre la majorité des tribunaux administratifs actuels et offre ainsi un guichet unique pour l'exercice des recours contre l'administration.

Le projet de loi prend soin, cependant, par l'institution de sections, de respecter la spécialisation, qui est l'un des fondements de la justice administrative. Le Tribunal administratif du Québec comportera cinq sections qui regrouperont les instances actuellement existantes et leurs membres. Les regroupements seront les suivants: la section des affaires sociales intégrera la Commission des affaires sociales, la Commission d'examen des troubles mentaux et le Bureau de révision en immigration; la section des lésions professionnelles sera constituée à partir de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles; la section de l'évaluation foncière ou immobilière intégrera le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec, la Chambre de l'expropriation et certaines contestations actuellement débattues devant la Commission municipale du Québec et la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec; la section du territoire et de l'environnement intégrera le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole et certaines contestations en matière environnementale actuellement débattues devant la Commission municipale du Québec, la Cour du Québec et le ministère des Transports; la section des affaires économiques entendra les contestations de décisions portant sur des matières administratives mais actuellement portées à la Cour du Québec ou à la Cour d'appel, de même que les contestations des décisions administratives rendues par des ministères ou organismes qui ne seraient plus tenus d'agir judiciairement et à l'égard desquelles aucun recours n'est actuellement prévu.

(20 h 30)

Par ailleurs, puisqu'il s'agira désormais du premier forum chargé d'entendre et de trancher, à la manière d'un tribunal, le litige opposant le citoyen à l'administration, le projet de loi prévoit que le recours au tribunal pourra porter sur des questions de droit et des questions de fait. La composition de ce tribunal sera multidisciplinaire, et la spécialisation des matières sera respectée. La mobilité des membres sera possible mais limitée entre les divisions affectées à des matières apparentées.

Par ailleurs, quant au fonctionnement du tribunal, le projet de loi prévoit, entre autres, que le président a pour fonction de favoriser la participation des membres à l'élaboration d'orientations générales en vue de maintenir un niveau élevé de qualité et de cohérence des décisions. Il prévoit aussi, pour assurer la qualité et la célérité du processus décisionnel du Tribunal, que le président devra annuellement exposer ses objectifs de gestion. Le projet propose également, au chapitre 6, des règles de preuve et de procédure que le Tribunal administratif du Québec devra suivre dans l'exercice de sa fonction. Ces règles précisent, pour les besoins du Tribunal, les principes inscrits aux articles 8 à 12 devant être respectés dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle.

Si certains sont tentés de considérer l'existence d'un tel corps de règles comme un manque de souplesse, d'autres y voient cependant enfin un corps intégré de règles qui deviennent facilement accessibles pour tous et qui demeurent respectueuses des principes de notre droit et de la spécificité administrative. Malgré l'intégration législative, ces règles sont suffisamment souples pour permettre de répondre aux besoins particuliers dans chaque domaine. Ces règles visent à affirmer la spécificité de la justice administrative et s'inscrivent dans la recherche des objectifs de qualité, célérité et accessibilité. En d'autres termes, elles visent à favoriser l'accès à la justice et à assurer le fondement et le déroulement rapide et simple des audiences dans le respect des droits fondamentaux des parties.

C'est ainsi, par exemple, que, dans la recherche de l'accessibilité, le projet de loi oblige les membres du personnel du Tribunal administratif à prêter assistance à toute personne qui le requiert pour la formulation d'une requête, d'une intervention ou de tout autre acte de procédure adressé au Tribunal. Il prévoit également l'obligation de transmettre aux parties dans un délai raisonnable un avis leur indiquant, entre autres, l'objet, la date, l'heure et le lieu d'audience, ainsi que leur droit d'y être assistées ou représentées, le cas échéant, par les personnes habilitées par la loi à le faire. Recherchant la célérité dans le déroulement de l'instance, le projet de loi prévoit par ailleurs la possibilité de réunir plusieurs affaires, de tenir des conférences préparatoires et de remplacer, mais uniquement si les parties y consentent, un membre par un autre dans les cas d'empêchement de poursuivre une audition.

Toujours dans la poursuite du même objectif de célérité, le projet de loi propose une règle suivant laquelle l'ajournement d'une séance ne pourrait être autorisé que si le Tribunal en vient à la conclusion que l'ajournement ne causera pas de retard déraisonnable à l'instance, qu'il n'entraînera pas un déni de justice, qu'il favorisera un règlement à l'amiable. J'ai l'intention de proposer l'ajout d'une disposition selon laquelle le Tribunal favorise la tenue de l'audience dans les six mois qui suivent le dépôt de la requête introductive du recours.

Dans la foulée des règles déjà adoptées pour contrer les longs délibérés en matière civile, le projet de loi n° 130 en reprend l'essence et les adapte à la réalité de la justice administrative. Il prévoit ainsi que, dans toute affaire, une décision devrait être rendue dans les quatre mois de sa prise en délibéré. À cette fin, il propose d'accorder au président du Tribunal, compte tenu des circonstances et de l'intérêt des parties, la possibilité de prolonger ce délai ou de dessaisir le membre en défaut. Afin d'accentuer cette recherche de célérité, j'ai l'intention de proposer de réduire ce délai à trois mois.

Le projet de loi prévoit, par ailleurs, des dispositions visant à marquer la souplesse et la simplicité des règles de preuve ou de procédure applicables devant ce Tribunal et à en affirmer la spécificité. À cette fin, il prévoit notamment qu'en l'absence de dispositions applicables à un cas particulier le Tribunal administratif peut y suppléer par toute procédure compatible avec la loi ou ses règles de procédure.

Il propose de permettre au Tribunal d'accepter une procédure même si elle est entachée d'un vice de forme ou d'une irrégularité et de relever une partie du défaut de respecter un délai prescrit par la loi, si cette partie lui démontre qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir plus tôt et si, à son avis, aucune autre partie n'a subi de préjudice grave. Il propose aussi de lui permettre, sur requête, de rejeter un recours qu'il juge abusif ou dilatoire ou de l'assujettir à certaines conditions. Il propose, enfin, de reconnaître à toute partie la possibilité de présenter tout moyen pertinent de droit ou de fait pour la détermination de ses droits et obligations.

Toujours au chapitre des règles de procédure, le projet de loi reconnaît la spécialisation multidisciplinaire des membres en leur permettant de relever d'office les faits généralement reconnus, les opinions et les renseignements qui ressortissent à leur spécialisation ou à celle de la section à laquelle ils sont affectés. Il précise cependant que les décideurs ne pourraient alors fonder leur décision sur ces faits sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Eu égard à la possibilité d'appeler des décisions du Tribunal administratif à la Cour d'appel du Québec ou à la Cour du Québec sur des questions de droit et sur permission de la Cour, les opinions sont partagées. Selon un courant jurisprudentiel majoritaire, les tribunaux spécialisés sont les mieux placés pour interpréter les lois à l'égard desquelles ils ont compétence. Dès lors, seules les erreurs manifestement déraisonnables sont susceptibles d'être contrôlées par la Cour supérieure à même son pouvoir de surveillance et de contrôle.

La nomination des membres d'un tribunal, leur recrutement et leur sélection ainsi que la durée et le renouvellement de leur mandat sont des questions majeures lorsqu'il s'agit d'apprécier l'indépendance et l'impartialité d'un décideur. Il était donc impérieux qu'un projet de loi sur la justice administrative établisse des règles sur ces points.

C'est ainsi que le projet de loi prévoit que seules les personnes qui possèdent une expérience d'au moins 10 ans et pertinente à l'exercice des fonctions du Tribunal peuvent être nommées membres du Tribunal administratif. Deux critères s'imposent: Un nombre minimum d'années d'expérience requises et un lien entre cette expérience et les fonctions du Tribunal.

Par ailleurs, si tous reconnaissent que la nomination des membres relève de la prérogative de l'exécutif et acceptent qu'elle le demeure, tous considèrent cependant qu'un processus de sélection permet d'assurer la transparence de la nomination et d'offrir aux citoyens des garanties que les membres ont la compétence et l'intégrité nécessaires à l'exercice de leur fonction. Le projet de loi prévoit donc la mise en place d'une procédure transparente de recrutement, de sélection et de nomination des membres. Cette procédure permettra au gouvernement, dans le respect de certains traits importants de la pratique actuelle, de mieux exercer sa responsabilité finale de nomination. Cette procédure prévoit la publication d'un avis de concours et la formation d'un comité de sélection chargé d'évaluer l'aptitude des candidats en se fondant sur des critères établis par règlement. Ce comité sera composé d'un représentant du Secrétariat aux emplois supérieurs du Conseil exécutif, d'un représentant du Tribunal et d'un représentant, le cas échéant, des milieux intéressés. Le nom des personnes déclarées aptes sera consigné dans un registre au ministère du Conseil exécutif, et une déclaration d'aptitudes sera valide pour une période de 18 mois.

Par ailleurs, afin de mieux assurer l'indépendance et l'impartialité des membres du Tribunal, le projet de loi n° 130 prévoit que la durée du mandat d'un membre est de cinq ans et que le renouvellement de ce mandat est examiné suivant la procédure établie par règlement du gouvernement. Cette procédure prévoit la formation d'un comité chargé de faire cet examen en se fondant sur les critères établis par règlement. Ce comité sera composé d'un représentant du Secrétariat aux emplois supérieurs du Conseil exécutif, d'un représentant du Tribunal et d'un représentant, le cas échéant, des milieux intéressés. De plus, ce mandat devrait être renouvelé par le gouvernement pour cinq ans, sauf avis contraire notifié par écrit au membre au moins trois mois avant l'expiration de son mandat. En d'autres termes, contrairement à la situation actuelle, des règles quant à la durée et au renouvellement des mandats seraient prévues expressément dans la loi, particulièrement l'obligation faite au gouvernement d'informer un membre, au moins trois mois avant la fin de son mandat, de son non-renouvellement, à défaut de quoi ce mandat serait automatiquement renouvelé. Il s'agit là de changements majeurs.

Par ailleurs, une règle proposée par le projet de loi a soulevé beaucoup d'insécurité chez les membres des tribunaux actuels, de même que des interrogations sérieuses pour d'autres groupes, soit le fait que le mandat d'un membre ne puisse être renouvelé que deux fois. La pertinence de cette règle est réexaminée. Le projet de loi prévoit en outre que le mandat du membre ne pourrait prendre fin avant terme que par son admission à la retraite ou sa démission, ou s'il est destitué après enquête du Conseil de la justice administrative. Ces mesures visent à mieux assurer l'inamovibilité du membre pendant la durée de son mandat.

Le projet de loi n° 130 contient également des dispositions portant sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif. À cet effet, il propose notamment l'adoption d'un règlement par le gouvernement, en vertu duquel la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail d'un membre seraient dorénavant fixés et prévoit qu'une fois fixée la rémunération ne pourrait être réduite. Ces mesures visent à établir un régime statutaire à cet égard.

(20 h 40)

Le projet de loi contient, par ailleurs, des dispositions concernant la nomination du président et des vice-présidents du Tribunal administratif et les attributions qui leur sont dévolues. C'est ainsi que le projet prévoit que le président et les vice-présidents doivent être désignés parmi les membres du Tribunal et que leur mandat administratif est d'une durée fixe, déterminée par l'acte de désignation ou de renouvellement. Ce mandat ne peut prendre fin avant terme que dans certaines circonstances. Il propose de plus des règles quant à la suppléance du président ou d'un vice-président lorsqu'il est absent ou empêché d'agir. Ces dispositions visent, M. le Président, à mieux encadrer la gestion du Tribunal administratif et à maintenir une justice administrative de qualité.

À ce chapitre, d'autres dispositions traitent des conflits d'intérêts, prévoient la prestation d'un serment d'impartialité et d'office et imposent le respect d'un code de déontologie. Ces mesures ont pour objectif d'offrir aux justiciables des garanties additionnelles de transparence et d'impartialité.

Enfin, le projet de loi prévoit l'institution d'un organisme d'encadrement désigné sous le nom de Conseil de la justice administrative. Le Conseil serait formé de neuf personnes représentant la direction et les membres du Tribunal administratif, la communauté juridique et le public. J'ai l'intention de proposer une modification à la composition de ce Conseil. Il sera chargé, notamment, de dicter un code de déontologie applicable aux membres, de recevoir et d'examiner toute plainte formulée contre un membre et de faire enquête en vue de déterminer si un membre est atteint d'une incapacité permanente.

Ce code de déontologie devrait énoncer les règles de conduite et les devoirs des membres envers le public, les parties, les témoins et les personnes qui les représentent. Il pourrait également déterminer les activités ou situations incompatibles avec la charge qu'ils occupent. Enfin, le projet prévoit que toute personne pourrait porter plainte au Conseil contre un membre du Tribunal administratif pour un manquement à ce code de déontologie ou à un devoir imposé par le présent projet de loi. Il propose de plus que le Conseil pourrait constituer un comité d'enquête chargé de faire enquête sur la plainte et de statuer sur celle-ci en son nom. Le Conseil de la justice administrative se verrait donc confier un rôle crucial pour la crédibilité du tribunal naissant.

Voilà, M. le Président, les principes proposés dans le projet de loi sur la justice administrative, lequel marque une étape importante dans la réforme de la justice au Québec: premièrement, en affirmant que les règles menant à la prise d'une décision individuelle diffèrent selon qu'elle est prise dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle et en établissant des règles différentes selon cette distinction; deuxièmement, en instituant un tribunal administratif unifié et en proposant des règles de preuve et de procédure susceptibles d'en favoriser la souplesse et l'accessibilité; troisièmement, en définissant le statut des membres de ce Tribunal; et, quatrièmement, en instituant le Conseil de la justice administrative, chargé notamment de recevoir et d'entendre les plaintes du public à l'égard des membres du Tribunal administratif.

Les consultations m'ayant permis de constater soit des difficultés, soit des insuffisances dans les règles proposées, je dois annoncer dès à présent que j'ai l'intention de soumettre certaines propositions de modification à quelques dispositions du projet de loi n° 130. Ces propositions ne remettent aucunement en cause les principes que je viens d'énoncer, mais elles devraient faciliter la mise en oeuvre de la loi. Je rappelle enfin que ce projet de loi sera complété par un projet de loi d'application pour en assurer la cohérence avec les législations pertinentes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci. Merci, M. le Président. C'est toujours émouvant d'entendre le ministre de la Justice défendre avec autant de passion et de conviction ses importants projets de loi, et j'espère à mon tour faire honneur au projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, Bill 130, An Act respecting administrative justice.

M. le Président, le ministre vient, en long et en large, de nous énumérer les principes ayant prévalu lors de la rédaction de cette loi-là, et, donc, on ne fera pas la même énumération. Je tenterai néanmoins de dire la raison principale qui a conduit notre formation politique à se mettre d'accord avec l'actuel gouvernement pour faire cette réforme de la justice administrative. Effectivement, au cours des 25, 30 dernières années, on sait que le gouvernement du Québec a connu un essor extraordinaire. Le nombre de lois régissant notre activité quotidienne, que ce soit dans le domaine des affaires, dans le domaine social ou autre, a connu une expansion incroyable. Donc, au fil des ans, on a réussi à construire des tas de conseils, commissions, régies, qui entendent des appels, qui décident si quelqu'un va recevoir une prestation, qui décident si quelqu'un va recevoir une permission, un permis, une licence de l'État pour opérer une entreprise, par exemple une garderie, allant jusqu'à un bar. C'est toujours le gouvernement qui doit décider si on a le droit à une prestation de CSST ou, après un accident de la route, de la Société d'assurance automobile.

Ce qu'on est en train de proposer ici, pour la première fois, c'est de tenter de mettre un peu d'ordre dans tout ça. C'est une bonne idée, donc notre formation politique est d'accord avec le principe de vouloir faire ce ménage dans ce grand domaine. Cependant, on a plusieurs inquiétudes, et on les a entendues réitérer par plusieurs groupes en commission parlementaire. Quelques-unes de ces préoccupations concernent notamment le fait qu'on n'a pas encore vu ce qui serait une autre loi qui doit absolument aller avec celle-ci – c'est la loi d'application – car, s'il existe littéralement des centaines d'organismes qui vont être affectés par cette réforme, il faut toujours qu'on puisse savoir quelles vont être les règles concrètes qui vont s'appliquer dans un cas ou dans l'autre. Alors, le ministre est en train d'adopter le projet de loi principal sans que l'on puisse se prononcer ou même avoir un regard sur la loi d'application, ce qui rend la tâche extrêmement difficile.

C'est ce que le Barreau nous a rappelé, lorsque le Barreau est venu faire sa présentation en commission parlementaire, et nous faisons les mêmes commentaires ici ce soir. Nous sommes extrêmement préoccupés de ne pas pouvoir nous prononcer sur un ensemble, mais seulement sur le premier bout, et, à ce moment-là on risque de commettre des erreurs de part et d'autre lorsque la loi principale arrivera. On aurait beaucoup plus souhaité voir cheminer les deux projets de loi ensemble. À ce moment-là, la cohérence législative aurait été assurée.

We are in the process, Mr. Speaker, of bringing together new legislation that will, for the first time in 30 years, clean up the whole area of administrative justice in Québec, not in any ethical, of course, sense, but in the sense that the hodge-podge of legislation that's been adopted over the last generation has often been put in place piecemeal, different rules of procedure, different rules of nomination, different rules for appeal. What we are trying to do now as a Legislature, and both sides are together in this effort, is to reform the judicial system by bringing the administrative justice aspect into some sort of harmonized shape and form. Well, that's a laudable goal, Mr. Speaker. We're also worried about some other aspects and we're going to make those concerns known. For example, we share the concern of the Québec Bar Association with regard to the fact that we don't have the law applying this reform available to us at the time we're being asked to debate on this principal statute. That causes us a lot of problems, as it did with the Bar Association, because we're simply not able to pronounce ourselves on a final product. We don't know what the other half of the reform is going to be.

Un autre aspect qui nous préoccupe particulièrement, c'est le fait, et le ministre l'a dit lui-même tantôt, qu'à plusieurs reprises il a utilisé le terme «spécificité du droit administratif». Effectivement, il faut savoir que les règles qui s'appliquent aux tribunaux judiciaires, c'est-à-dire la Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel, ne sont pas les mêmes que celles qui s'appliquent à la justice qui est rendue par ces divers tribunaux administratifs, ces diverses instances qui décident du genre de cas qu'on a énumérés tout à l'heure. Mais, si cette justice est spécifique, c'est à plusieurs chapitres, et le ministre a énuméré certains endroits où son projet de loi reflète cette spécificité.

Un des aspects où les tribunaux administratifs diffèrent des tribunaux judiciaires, c'est quant à la nécessité d'assurer l'indépendance et l'impartialité, car, même si les tribunaux supérieurs, allant jusqu'à la Cour suprême, réitèrent qu'en justice administrative on a le droit à de l'impartialité et à de l'indépendance, les critères utilisés pour mesurer si on a atteint l'objectif sont différents.

(20 h 50)

Donc, par exemple, ça a toujours été admis qu'on pouvait nommer les juges administratifs pour un mandat fixe – une période de cinq ans, admettons, renouvelable – et c'était discrétionnaire, le renouvellement. C'était là un aspect de la spécificité du droit administratif, alors que le droit exige que, dans les tribunaux judiciaires, la Cour du Québec, la Cour supérieure, les juges doivent être nommés à vie. La Cour suprême a même donné des critères allant jusqu'à déterminer qu'il doit y avoir des règles correctes concernant les pensions. C'est une manière, dans ces importants tribunaux là, de s'assurer qu'il y ait une indépendance et une impartialité et qu'il n'y ait pas d'influence indue sur ces personnes-là. Ils doivent avoir une garantie de leur sécurité d'emploi et de leur inamovibilité. Ce niveau d'exigence n'a jamais été transposé au niveau des tribunaux administratifs, donc ils avaient plus de flexibilité parce qu'ils étaient établis d'une manière différente et que les courts mandats étaient acceptés par les tribunaux supérieurs.

La cause principale régissant cette notion d'indépendance et d'impartialité, M. le Président, c'est une cause de la Cour suprême qui s'appelle Valente. Et, dans Valente, on a justement énuméré toutes les choses qu'on doit faire pour pouvoir rencontrer ce double critère: impartialité, indépendance, deux choses différentes, tel que reconnu et régi par la Cour suprême. Ce que nous craignons, M. le Président, c'est que, en établissant ce nouveau Tribunal administratif du Québec, qui, à notre sens, est largement calqué sur le modèle des tribunaux judiciaires, les règles de l'arrêt Valente, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Valente, s'appliquent dorénavant aux tribunaux administratifs, et ça ferait perdre, donc, une bonne partie de la spécificité. Et c'est pour ça qu'il faut toujours qu'on garde à l'esprit la possibilité que le fait même de vouloir suivre le même modèle risque d'attirer des résultats non souhaitables, car il ne serait pas souhaitable qu'on soit obligé de suivre la règle pour les autres tribunaux, les tribunaux d'instance supérieure, car il est vrai que la flexibilité nécessaire pour les tribunaux administratifs doit être conservée, et on craint que le ministre de la Justice, en voulant trop calquer le modèle des tribunaux judiciaires, soit en train de passer à côté.

Évidemment, à un autre niveau, on se préoccupe aussi de cette question de la nomination et de la reconduction des juges du nouveau Tribunal administratif du Québec. Malheureusement, avec l'actuel ministre de la Justice, on a eu quelques exemples de ces nominations qui étaient très clairement partisanes, et on a même vu des problèmes sérieux avec certains concours. Donc, ce qui nous préoccupe ici, c'est de savoir comment les concours pour la nomination des juges du Tribunal administratif du Québec vont être tenus. J'ai entendu le ministre, tout à l'heure, tenter de nous rassurer en disant qu'il allait y avoir des règles claires, etc. Mais on est censé avoir des règles claires pour les nominations à la Cour du Québec, puis on a connu certains problèmes avec l'actuel gouvernement et l'actuel ministre de la Justice à propos de ces nominations-là. Alors, on se permet – à notre sens, à juste titre – de s'interroger sur le fait de savoir si ces critères-là vont être suffisamment clairs et étanches pour éviter les abus lors des nominations ou si ça va devenir un festival de patronage, les nominations à ce nouveau Tribunal administratif du Québec? On s'inquiète là-dessus et on prévient tout de suite nos amis d'en face qu'on va les surveiller étroitement là-dessus, car une justice administrative au service des citoyens doit aussi choisir les meilleures personnes possible, peu importe leurs orientations politiques, M. le Président.

One of the aspects of this bill that is the most disconcerting for us is the fact that the Minister has chosen to follow the same model as the judicial tribunals. What we worry about in this regard, Mr. Speaker, is that he will attract the application of the rules set down by the Supreme Court of Canada in the Valente decision, requiring a very high standard of independence and autonomy for judges rendering decisions in this area. The independence, the autonomy that's necessary for judges helps insure that the decisions that are rendered are not tarnished, are not tainted, are not affected by any outside influence. It's simply application of the law as it was written and as it was meant to be applied. In administrative tribunals, it has always been accepted that the judges could be named for short periods of time, for five-year mandates, for example. The Minister has brought all these administrative tribunals together in his bill, and we are worried that one of the results will be the requirement that the nominations be made for life because that's what the Supreme Court said in Valente. So, we're concerned in that regard, Mr. Speaker, and we also intend to watch the situation carefully because, as we've had the occasion to say it before, the current government and the current Justice Minister have not shown themselves to be above reproach in the nominations that they have made, especially at the Québec Court level. And we're going to be watching that very carefully.

En ce qui concerne les appels, M. le Président, on note, comme beaucoup d'intervenants lors de la commission parlementaire, l'absence totale d'appel des décisions rendues par le Tribunal administratif du Québec. Le fait qu'il n'y ait pas d'appel rend effectivement la procédure plus accélérée. Ça va commencer à une date x; une fois que la décision est rendue, c'est terminé.

Mais il y a une sorte d'ironie, parce qu'on est en train de créer le Tribunal administratif du Québec et, comme le ministre l'a dit tantôt, le seul recours qui va exister, c'est non pas en appel à un juge de la Cour du Québec, mais c'est par voie d'évocation. Le ministre a utilisé le terme consacré: seulement lorsqu'une décision est jugée manifestement déraisonnable et qu'on va en évocation devant la Cour supérieure. Ironie du sort, M. le Président, tout simplement, parce que c'est une institution du Québec qu'on est en train de créer.

Dans d'autres cas, on prévoit des appels à la Cour du Québec, à partir de certains de nos autres organismes décisionnels. Je pense par exemple à la Commission d'accès à l'information; il y a un appel à la Cour du Québec. Les comités de discipline des ordres professionnels, il y a un appel à trois juges de la Cour du Québec qui forment le Tribunal des professions. Ici, on est en train de dire: Il n'y aura pas d'appel là-dedans, ce sont eux qui sont les mieux placés pour décider de leurs lois. Mais, attention, il y a un problème, parce que, si la jurisprudence va se créer seulement en évocation, ça va être au niveau de la Cour supérieure et ça va seulement résulter des cas les plus sérieux, où on peut prouver que quelque chose était manifestement déraisonnable. Il y a un problème là-dessus.

Il y a aussi un problème dans le domaine disciplinaire, parce que certaines causes disciplinaires vont être décidées ici. Je pense, par exemple, aux courtiers en valeurs mobilières, aux planificateurs financiers, certains intervenants de marchés, tout ce qui était appels et questions de cette nature, en matière disciplinaire, va être consacré à ce nouveau Tribunal administratif du Québec. Cela cause problème, M. le Président, parce que les appels, dans d'autres cas, vont être référés à d'autres instances. Et on se demande: Où est-ce que la jurisprudence, en matière disciplinaire, va se créer, au Québec? Tantôt, ça va être au Tribunal des professions, pour les 43 ordres professionnels régis par le Code des professions. Tantôt, ça va être au Tribunal administratif du Québec. Alors, on risque d'avoir, dans cet important domaine du droit, qui est vraiment un domaine du droit sui generis... Le droit disciplinaire est vraiment un droit qui existe en soi, c'est autre chose que le droit civil, c'est autre chose que le droit pénal ou criminel, et il doit y avoir une sorte de continuité là-dedans. Mais, tout d'un coup, on va avoir deux instances, au Québec, en train de dire le droit disciplinaire, et on se préoccupe que ce soit un des résultats non souhaitables de la réforme qui est en train d'être proposée ici ce soir par le ministre.

Mais, malgré les réserves qu'on vient d'exprimer, malgré le fait qu'on attend toujours le projet de loi d'application, nous sommes effectivement d'accord avec le principe du projet de loi présenté par le ministre, tant que les questions que nous soulevons et les questions soulevées par le Barreau du Québec et plusieurs autres intervenants en commission parlementaire trouvent réponse dans les modifications, sans doute majeures, qui sont en train d'être préparées par le ministre. Bien, lorsqu'on les verra, on saura mieux comment, nous et tout le monde, on va pouvoir se situer là-dedans.

Un dernier mot, M. le Président, à propos du projet de loi d'application, justement. Le ministre était en train de nous rappeler tout à l'heure que le projet de loi prévoyait quatre mois pour rendre une décision et qu'il allait ramener ça à trois mois. Mais on peut voir, par le biais d'un seul exemple, l'importance de conserver la spécificité non seulement du droit administratif, au sens général, mais la spécificité de chacun des domaines dans lesquels ce droit administratif doit être pratiqué. Et je veux vous donner l'exemple de la Commission d'appel sur la langue d'enseignement, la CALE, qui est créée aux termes de la loi 101. Dernièrement, en commission parlementaire, la Commission d'appel a dû venir s'expliquer sur un certain nombre de faits, et, malgré le fait qu'elle était représentée par le brillant professeur Henri Brun, celui-ci était de toute évidence mal à l'aise de comprendre et d'expliquer comment il se faisait que cette commission d'appel rendait des décisions mais ne rendait jamais de motifs, ne donnait pas de raisons aux gens, pourquoi leur décision était négative.

(21 heures)

Alors, c'est normal qu'on ait des décisions, c'est normal que les décisions soient motivées, mais, dans un cas comme celui-là, c'est un exemple de spécificité, ce sont des décisions qui doivent être rendues très, très vite par des gens très compétents et très expérimentés dans un domaine assez pointu. C'est souvent le fait de déterminer si les parents ont reçu leur instruction en anglais avant une certaine date dans d'autres provinces ou si l'instruction reçue ici était majoritairement en langue anglaise malgré le fait que ça pouvait être, par exemple, des écoles bilingues dans l'est de la ville. C'est important, dans ce cas-là, de répondre vite, pour la bonne et simple raison que les parents apprennent le refus d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise seulement au printemps. Une fois qu'ils portent ça en appel, ils ont très peu de temps pour s'ajuster pour l'année scolaire suivante.

Alors, on peut comprendre pourquoi il faut conserver la spécificité de chacun de ces domaines du droit administratif. On comprend toute l'importance de ne jamais perdre de vue que, malgré le fait qu'ici, en Chambre, on parle de la loi, on parle de la commission, on parle de la régie, dans tout ça, on est en train de parler de comment on peut servir les citoyens, comment on peut agir à titre de décideurs entre les lois votées par cette Assemblée nationale et les hommes et les femmes de partout au Québec qui doivent venir se présenter devant ces tribunaux-là et obtenir leur permis, obtenir leur licence, obtenir une décision concernant leur indemnité.

Alors, on va suivre avec intérêt le projet de loi. On attend avec impatience le projet de loi d'application et on assure notre collègue, le ministre de la Justice, de notre plus entière collaboration pour bonifier le projet de loi qui est vraiment un pas dans la bonne direction, mais qui mérite encore d'être retravaillé pour qu'il soit vraiment un outil qui va durer une autre génération au service des Québécoises et des Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, je vais soumettre... Je n'ai pas... Excusez-moi, là. S'il n'y a pas d'autres intervenants, je vais, tout d'abord, mettre aux voix le principe. Le principe du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. C'est dans l'enthousiasme. Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 133


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives. M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.

Des voix: Bravo!


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée il y a maintenant plus de 20 ans, constitue un instrument juridique unique pour assurer la protection des droits fondamentaux des Québécoises et des Québécois. Elle garantit et reconnaît le droit à l'égalité ainsi que les droits politiques, judiciaires, économiques et sociaux. L'originalité de cette loi fondamentale réside dans le fait que, d'une part, certains des droits qui y sont reconnus n'ont pas de correspondance dans la législation analogue ailleurs au Canada et, d'autre part, que son domaine d'application touche non seulement les lois, mais également les relations privées, ce que ne fait pas la Charte canadienne. C'est ainsi que le secteur des contrats est régi par la Charte québécoise.

L'application intégrale et immédiate du principe du droit à l'égalité dans les régimes de rentes, de retraite, d'avantages sociaux et d'assurance suscitait, en 1975, des appréhensions et des difficultés. Considérant la complexité des ajustements requis, le législateur adoptait, en 1976, l'article 97 – aujourd'hui l'article 137 – pour permettre aux industries oeuvrant dans ce domaine de se conformer progressivement au principe du droit à l'égalité contenu dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Cet article, que l'on voulait transitoire, est toujours en vigueur et est devenu une exception très étendue à la reconnaissance du droit à l'égalité. En effet, en raison de la rédaction de cet article qui procède par exclusion, les motifs de discrimination qui se sont ajoutés à la Charte au fil des ans ont élargi l'exception d'origine. Aussi, aujourd'hui, cet article permet, en matière de rentes, d'assurance et d'avantages sociaux, des distinctions fondées non seulement sur le sexe et l'état civil, mais aussi sur la grossesse, sur l'orientation sexuelle, sur l'âge et sur le handicap. Cette disposition autorise dans ces domaines des pratiques potentiellement discriminatoires auxquelles il y a lieu de mettre un terme.

Comme vous le savez, M. le Président, plusieurs personnes, groupements et organismes, dont la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, réclament depuis de nombreuses années une intervention du législateur pour apporter une solution aux problèmes que soulève l'article 137. En 1982, le législateur a introduit à l'article 97 de la Charte un pouvoir réglementaire permettant de préciser les données actuarielles et les facteurs de détermination de risque qui pourraient s'appliquer dans ces régimes et contrats.

Mais, malgré l'élaboration de plusieurs projets, les difficultés intrinsèques à l'adoption d'un tel règlement m'amènent aujourd'hui à proposer une autre voie pour résoudre la difficulté. C'est ainsi que le projet de loi n° 133 non seulement abroge l'article 137, mais aussi le premier paragraphe du premier alinéa de l'article 97 qui prévoyait l'adoption d'un règlement. Je propose de les remplacer par une disposition générale qui favorisera un plus grand respect du droit à l'égalité puisque les distinctions, exclusions et préférences ne seront permises, dans les contrats de rentes ou d'assurance ainsi que dans les régimes de retraite, d'assurance et d'avantages sociaux, que pour les motifs limités qui y seront énoncés et selon certaines exigences.

Les bornes que fixera cette disposition devront être interprétées par les tribunaux à la lumière des valeurs sociales et de leur évolution. Ainsi, les entreprises oeuvrant dans le domaine des assurances, des rentes et des avantages sociaux ne pourront utiliser que les seuls motifs d'âge, de sexe et d'état civil comme facteurs de détermination de risque dans les contrats ou régimes de rentes, de retraite ou d'assurance, ou d'avantages sociaux. Encore faudra-t-il toutefois que ces distinctions soient basées sur des données actuarielles et soient légitimes eu égard à l'objet et à la nature de ces contrats ou régimes. Par voie de conséquence, le projet de loi n° 133 propose de mettre fin à l'utilisation potentiellement discriminatoire des motifs d'orientation sexuelle, de handicap et de grossesse.

Il est à souligner que la disposition envisagée sera aussi applicable aux contrats d'assurance de biens et de responsabilité, des secteurs qui n'étaient pas couverts par l'article 137. Les garanties offertes par le projet de loi n° 133 devront donc être respectées en matière d'assurance automobile.

J'accorde beaucoup d'importance au test de légitimité mentionné précédemment. Celui-ci introduit une norme de contrôle de l'utilisation des facteurs de détermination de risque traditionnels que sont l'âge, le sexe et l'état civil. Cette norme permet d'établir un équilibre entre les contraintes propres au domaine des rentes, de l'assurance et des avantages sociaux, et à la protection des droits fondamentaux de la personne. En effet, si la nécessité économique et sociale des contrats et régimes d'assurance, de rentes, de retraite et d'avantages sociaux ne peut être remise en cause, on ne saurait tolérer une pratique discriminatoire pour le seul motif qu'elle est statistiquement défendable. C'est pourquoi le projet de loi n° 133 ne se limite pas à exiger que l'utilisation de facteurs de détermination de risque fondés sur des caractéristiques de la personne humaine, comme le sexe, l'âge ou l'état civil, soit basée sur des données actuarielles, mais ajoute que cette utilisation doit être légitime.

Ce concept de légitimité contient un double aspect. D'une part, il suppose que l'utilisation d'une distinction, exclusion ou préférence soit raisonnable et conforme aux exigences de notre droit. D'autre part, il suppose que cette même utilisation soit fondée sur des données jugées acceptables dans notre société contemporaine. Dès lors, pour que l'utilisation d'une distinction fondée sur l'âge, le sexe ou l'état civil soit conforme à la Charte dans les contrats et régimes visés, il faudra qu'elle soit socialement légitime. Ce test, qui sera exigé par la Charte québécoise, s'apparente à celui établi par la Cour suprême pour interpréter l'article 1 de la Charte canadienne. Soulignons en outre que ce concept de légitimité n'est pas nouveau. Il a été utilisé par le législateur à plusieurs reprises dans le Code civil du Québec.

Parmi les critères qui auraient pu être retenus pour justifier l'utilisation des motifs énoncés par l'article 1, celui de la légitimité est apparu comme le plus adéquat et le plus souple. Il exigera vraisemblablement des assureurs, dans l'établissement de leurs contrats ou régimes, qu'ils développent, avec le temps et dans la mesure du possible, de nouveaux facteurs de détermination de risque qui ne soient plus fondés sur des motifs de discrimination interdits par la Charte. Ce concept assujettit donc les pratiques de l'industrie aux valeurs de la société québécoise en matière de droit à l'égalité. Il permettra aussi une application évolutive de la Charte en ces domaines pour tenir compte des changements sociaux.

(21 h 10)

Il faut aussi souligner que l'adoption de ce projet de loi permettra au justiciable de contester la légalité des actions privées ou gouvernementales en matière d'avantages sociaux, de rentes ou d'assurance. Dorénavant, avec l'abrogation de l'article 137, toute personne qui se croira victime de discrimination dans ce domaine en raison de sa grossesse, de son handicap ou de son orientation sexuelle pourra contester cette distinction. Pour ce faire, elle pourra, le cas échéant, compter sur l'appui de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour faire établir la conformité à la Charte d'une pratique, de la même manière que celle-ci le fait actuellement en ce qui a trait aux autres motifs énumérés à l'article 10 de la Charte.

Outre les modifications que le projet de loi n° 133 propose à la Charte des droits, il est aussi prévu que des modifications à d'autres lois touchent certains régimes de retraite publics. Ainsi, il devient nécessaire d'insérer dans la Loi sur le régime de retraite des enseignants et dans la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires des clauses dérogatoires à l'article 10 de la Charte des droits et libertés, puisque ces deux régimes de retraite contiennent, depuis leur instauration, des dispositions qui prévoient des âges différents d'admissibilité à une rente de retraite pour les hommes et pour les femmes. Ces régimes sont cependant appelés à s'éteindre graduellement, puisque toute nouvelle adhésion a cessé depuis le 30 juin 1973. Entre-temps, il apparaît utile et juste de préserver ces bénéfices en faveur des participantes féminines. Donc, pour éviter toute contestation de ces régimes à la suite de l'abrogation de l'article 137, nous avons introduit dans ces régimes des clauses de dérogation à la Charte québécoise.

Par ailleurs, plusieurs autres régimes de retraite gouvernementaux contiennent déjà des clauses de dérogation à la Charte canadienne. En effet, l'adoption, en 1986, de la Loi sur le régime de retraite de certains enseignants visait à revaloriser les bénéfices accordés aux enseignants sécularisés après 1965 en regard de ceux sécularisés avant 1965, puisqu'il existait, antérieurement, un déséquilibre important dans les avantages accordés aux deux groupes. Cette loi, qui entérinait un protocole d'entente conclu avec les syndicats, consacrait une situation qui pouvait potentiellement demeurer discriminatoire pour des raisons historiques et sociales.

Pour ces motifs, il avait été jugé nécessaire d'insérer ces clauses dérogatoires à la Charte canadienne dans les régimes de retraite concernés, soit les régimes de retraite de certains enseignants, ceux des fonctionnaires, des employés du gouvernement et des enseignants. Pour ces mêmes raisons, il est opportun de reconduire ces clauses de dérogation à la Charte canadienne, puisque leur effet cesse en juin 1996 et que certains participants bénéficient encore des avantages de ces régimes.

Comme la Charte des droits constitue un instrument majeur pour assurer la protection des droits fondamentaux au Québec et que les contrats et régimes de rentes, d'assurance et d'avantages sociaux ont des répercussions économiques significatives sur la situation d'un très grand nombre de citoyens et citoyennes du Québec, une consultation publique a été tenue pour examiner les enjeux soulevés par ce projet de loi. Ces auditions se sont déroulées les 19, 20 et 21 mars dernier. Lors de ces auditions, le principe de l'abrogation de l'article 137 a été approuvé par l'ensemble des intervenants. De plus, tous les groupes entendus se sont dits d'accord avec l'objectif visé par le projet de loi 133, c'est-à-dire de favoriser une meilleure application du droit à l'égalité en limitant à certains motifs précis les distinctions qui peuvent être faites en matière de rentes, d'assurance et d'avantages sociaux, et d'assujettir l'utilisation de ces motifs à une norme de contrôle adéquate.

Dans le cadre de ces auditions publiques, j'ai eu l'occasion d'expliquer les raisons qui m'ont incité à privilégier l'adoption d'une norme générale énoncée à la Charte plutôt que de procéder à l'adoption d'un règlement détaillé. Comme je le mentionnais précédemment, M. le Président, j'ai choisi cette voie pour deux motifs: premièrement, parce que le critère de légitimité permettra une application évolutive de la Charte de l'État et, deuxièmement, parce que cette avenue obligera ceux-là mêmes qui utilisent le facteur de distinction à justifier les distinctions sur lesquelles ils se fondent. En effet, en vertu de ce projet, le fardeau de démontrer la légitimité des distinctions qu'ils établissent appartiendra à ceux qui détiennent l'expertise en matière de détermination de risque, c'est-à-dire aux assureurs et aux administrateurs de régimes de retraite, d'assurance et d'avantages sociaux.

Par ailleurs, la consultation publique a permis d'identifier certaines améliorations qui pourraient être apportées au projet de loi, sans, pour autant, modifier les principes qui le fondent. C'est pourquoi, lors de l'étude en commission parlementaire, j'entends proposer un amendement à ce projet. Ainsi, plusieurs intervenants ont souligné que l'évaluation de l'état de santé d'une personne constitue l'un des fondements de l'assurance-vie, maladie ou salaire, ou de l'ouverture d'un droit à une rente d'invalidité, dans les régimes de rentes ou de retraite, et ils ont souhaité, pour préciser l'utilisation de ce critère, inclure le handicap parmi les motifs prévus à l'article 1 du projet de loi.

Je reconnais d'emblée l'importance, en ces matières, de l'évaluation de l'état de santé des personnes assurées ou bénéficiaires d'une rente. Or, autant je considère bien fondée l'utilisation de ce critère comme facteur de détermination de risque dans les contrats et régimes d'assurance et de retraite, autant je ne peux souscrire à cette approche qui permettrait des distinctions en raison d'un handicap. Une telle inclusion risquerait de compromettre le droit à l'égalité des personnes handicapées, puisqu'il serait alors possible de se fonder sur le handicap pour établir des distinctions qui n'ont pas de lien direct avec le risque découlant de l'état de santé. Cela ne m'apparaît pas socialement légitime. Le droit à l'égalité, que garantit l'article 10 aux personnes handicapées, leur assure qu'elles seront traitées avec la dignité reconnue à toute personne non pas sur la base de préjugés ou de stéréotypes, mais plutôt en fonction de leur situation et capacité réelles. Cela demeure vrai en matière de contrats et de régimes de rentes et d'assurance.

Même si je considère que le terme «handicap» utilisé à l'article 10 de la Charte québécoise ne saurait être interprété comme interdisant aux entreprises oeuvrant dans le domaine des rentes, de l'assurance et des avantages sociaux de faire appel au critère de l'état de santé d'une personne dans l'évaluation du risque qu'elles assurent à son égard, je comprends le besoin des assureurs et administrateurs d'une plus grande certitude sur ce point. Dans cet esprit, M. le Président, je me propose, lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 133, de proposer un amendement pour faire en sorte qu'il soit clairement établi qu'une distinction, exclusion ou préférence fondée sur l'état de santé d'une personne ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 10 de la Charte dans le cadre des contrats ou régimes d'assurance, de rentes ou d'avantages sociaux.

D'autre part, à l'occasion de cette consultation publique, diverses interventions ont porté sur les motifs qui ont été exclus de l'application du projet de loi n° 133, soit la grossesse et l'orientation sexuelle. En ce qui concerne la grossesse, avec le projet de loi n° 133, le gouvernement a fait le choix de ne pas faire assumer aux seules femmes enceintes l'accroissement du risque actuariel que la grossesse pourrait constituer pour les entreprises oeuvrant dans ce secteur. Nous considérons que la grossesse n'est pas une maladie ou une invalidité et, si cet état de grossesse occasionne des réclamations particulières, le coût de ces réclamations devrait être supporté par tous les participants au régime plutôt que par les femmes enceintes seulement. En effet, il serait incompatible avec nos valeurs sociales de faire supporter uniquement par les femmes les coûts reliés à la grossesse, puisque la naissance des enfants favorise l'ensemble de la société.

Quant aux motifs reliés à l'orientation sexuelle, ce projet de loi interdira dorénavant aux assureurs, aux employeurs privés et au gouvernement de faire de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans ses contrats et régimes. Ce projet de loi constitue sans conteste une indication claire que le législateur désire mettre fin à la discrimination à l'égard des personnes en raison de leur orientation sexuelle. Par ailleurs, des représentants de la communauté gaie et lesbienne se sont inquiétés du fait que l'état civil constitue un des motifs possibles de distinction, craignant que par ce critère on puisse réintroduire des distinctions à l'égard des conjoints de même sexe. Je tiens à confirmer que ce type de distinctions sera dorénavant soumis à la Charte parce qu'elles sont reliées directement à l'orientation sexuelle d'une personne et non à son état civil.

De plus, dans l'interprétation des lois, le fait pour le législateur d'exclure explicitement un motif ou une distinction devrait suffire à empêcher que ce motif soit indirectement réintroduit par le biais d'un autre motif. À cet égard, il est important de préciser que l'utilisation du motif d'état civil est nécessaire, notamment en matière d'assurance, pour permettre des distinctions qui visent la protection de la famille. Par exemple, en matière de régime collectif d'assurance-maladie, il existe des plans individuels, monoparentaux et familiaux. Le fait que l'employeur puisse verser des contributions plus élevées dans le cas d'un participant ayant un conjoint pourrait constituer une distinction fondée sur l'état civil. Ce projet de loi reconnaît donc que certaines situations reliées à l'état civil d'une personne pourraient être justifiées. Aux termes de ce projet de loi, l'utilisation de ce critère doit être pertinente et légitime pour être maintenue.

Finalement, M. le Président, je considère important de réaffirmer les principes d'égalité qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi en matière d'assurance, de rentes et d'avantages sociaux. À cet égard, l'utilisation de motifs potentiellement discriminatoires par cette industrie sera encadrée par une disposition spécifique de la Charte.

En conclusion, M. le Président, ce projet de loi propose une solution au problème délicat que soulevait l'article 137 de la Charte, qui permettait, dans le domaine des avantages sociaux, des rentes et de l'assurance, toutes les distinctions pour les motifs d'âge, de sexe, d'état civil, de grossesse, de handicap et d'orientation sexuelle. Si ce projet est adopté, les motifs d'âge, de sexe et d'état civil pourront permettre de justifier une telle distinction si on peut en démontrer la légitimité. Quant aux autres motifs, ils seront assujettis à la règle générale prévue à l'article 10. Ce faisant, cette nouvelle disposition de la Charte permettra une meilleure application du droit à l'égalité dans ce domaine. C'est pourquoi je demande à cette Assemblée d'approuver le principe du projet de loi n° 133. Je vous remercie de votre attention.

(21 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir et honneur de prendre la parole sur le projet de loi n° 133, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives, Bill n° 133, an Act to amend the Charter of human rights and freedoms and other legislative provisions. Le ministre vient de résumer très bien l'impact et l'effet de la loi qui est proposée aujourd'hui, et notre formation politique s'associe avec le gouvernement dans la démarche qui est proposée. Effectivement, le projet de loi vise à mettre fin à certaines formes de discrimination qui avaient été expressément permises aux termes de notre Charte des droits et libertés de la personne. Alors, on n'a pas besoin d'une démonstration beaucoup plus longue de notre appui que de mentionner ce que je viens de dire. En effet, plus on peut éliminer des chapitres et des sujets de discrimination de toutes sortes dans notre société, bien, évidemment mieux on se porte comme société.

Brièvement, le projet de loi prévoit que les seuls chapitres qui vont être permis en ce qui concerne la discrimination, c'est la possibilité de prouver qu'un motif d'âge, de sexe ou d'état civil est vraiment nécessaire, par exemple dans un contrat d'assurance ou dans un régime de pension ou de retraite. La seule chose qui nous a préoccupés tout au long avec cet aspect-là – et on va sans doute avoir l'occasion d'en rediscuter à l'analyse en commission parlementaire – c'est dans la mesure où le projet de loi vise notamment à éliminer la discrimination dans les contrats d'assurance, dans les pensions de retraite, etc., pour les couples du même sexe... La possibilité de conserver une discrimination basée sur l'état civil est quand même préoccupante, parce que, dans la mesure où on continuera de permettre une différence dans les régimes de retraite et les assurances entre les couples mariés et les couples non mariés, bien, la discrimination vis-à-vis des couples non mariés, qu'ils soient du même sexe ou de sexe opposé, va continuer d'être permise, tant évidemment qu'on pourra rencontrer le critère de légitimité et de justification.

The Bill, Mr. Speaker, provides for the elimination of discrimination in insurance contracts and in pension plans with regard to handicapped people, with regard to same-sex couples and in several other aspects, and in that respect we can only but agree with the steps that are being proposed by the Government. Any law that proposes to eliminate discrimination in our society is a law that deserves to be supported by both sides of the House, and that is why our political party is joining with the Government in proposing that Bill 133 be adopted.

The only difficulty we had in analyzing the legislation in Parliamentary Committee with our colleagues on the opposite side of the House was with regard to the justifications that were still allowed. You're still going to be allowed to have a discrimination in an insurance policy, in a pension plan, in similar matters if the distinction or the discrimination is based on grounds related to age, sex or civil status. Now, civil status in Québec legislation means, generally speaking, whether or not you're married. So, you will be able, for example, to discriminate between a married couple and a couple that's living together in a common-law relationship. Since that common-law relationship can be composed of either a same-sex couple or a man and a woman, the discrimination that is possible might be applied to both.

Now, of course, the Minister has pointed out quite correctly that the legislation will only allow for that discrimination if it can be actuarially demonstrated to be justified and, as a further test, in the French version of «legitimacy», «légitime». As the representative of the Insurance Bureau of Canada pointed out in Parliamentary Committee, however, Me Parizeau warned us that the English drafting of section 1, which amends section 20 of the Charter of human rights and freedoms of Québec, the drafting is particularly defective.

The English version provides that this discrimination can only exist if it can be justified and only if the use thereof is based on grounds related to age, sex or civil status and – I quote the Bill – is warranted to ensure the establishment of an insurance or pension contract. None of the legal counsel who testified before us who spoke about the English drafting of this bill was able to understand in any way, shape or form, what that particular sentence was supposed to mean. So, I am sure that the Minister will take it upon himself to work with his close collaborators to come up with a version that means something in each of the two languages in which that statute is to be adopted.

That being said, Mr. Speaker, we reiterate our approval of the principle of the Bill. Nous réitérons notre approbation du principe de ce projet de loi, nous appuyons le gouvernement à cet égard et nous souhaitons, comme toute personne qui réfléchit à cette question-là, que ceci soit le début de l'élimination de toute forme de discrimination possible dans notre législation, et que les tribunaux sachent lui donner une vraie vie en l'appliquant dans l'esprit où ça a été adopté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour, ça me fait énormément plaisir de me joindre à mon collègue, le député de Chomedey, et au gouvernement actuel dans l'adoption de principe du projet de loi n° 133. Et j'ai quelques remarques très brèves qui portent essentiellement sur les dispositions de la loi qui ont pour effet de mettre fin à la discrimination des personnes handicapées en ce qui concerne, entre autres, les contrats d'assurance.

M. le Président, on ne peut trop répéter le fait qu'à peu près entre 10 % et 12 %, dépendamment des calculs, des personnes au Québec sont des personnes qui vivent une situation de handicap. Entre 800 000 et 1 000 000 de Québécois vivent une situation de handicap. Et on est très heureux de l'initiative du ministre de la Justice de mettre fin à une situation qui, quant à moi, a été aberrante, qui permettait une discrimination sur la base d'un handicap, dans les contrats d'assurance. M. le Président, les personnes handicapées ne sont pas nécessairement malades, elles n'ont pas nécessairement une maladie, et la possibilité qui existait, dans notre Charte des droits et libertés de la personne, pour une compagnie d'assurance, de faire de la discrimination sur la base d'un handicap, prétendant qu'un handicap vaut la même chose ou va avec une maladie, est fausse.

Je suis très heureux, M. le Président, comme porte-parole de l'opposition officielle, de m'associer à cette initiative. Ça démontre, comme l'a clairement exprimé mon collègue, le député de Chomedey, que, quand le gouvernement du Québec propose de la bonne législation, des projets de loi qui ont du bon sens, l'opposition officielle n'a aucune réserve à s'associer à de tels projets de loi, comme on l'a fait d'ailleurs avec le projet de loi sur le système automatique de pensions alimentaires. Alors, M. le Président, pour ma part aussi, je suis très fier de m'associer à ce projet de loi et très fier de voter en faveur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, je vois qu'il y a un autre intervenant. Alors, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, je vous cède la parole.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Vous me permettrez de parler de la commission et de la loi. La vie, qu'on le veuille ou non, souvent, nous compartimente et nous isole de la réalité non pas par mauvaise volonté, mais par la force des choses. Ainsi, entendons-nous souvent dire qu'un médecin n'entend parler que de médecine, qu'un avocat n'entend parler que de droit et qu'une commerçante n'entend parler que de commerce. Nos occupations respectives nous privent, pour bien des raisons, d'assimiler une partie de la réalité quotidienne de nos compatriotes. Il en va de même pour les hommes et les femmes politiques. Il devient facile d'être isolé en politique. C'est dans la nature même des choses, je crois. Le Parlement est souvent décrit comme un aquarium; on dit que nous vivons en vase clos, en milieu artificiel. Ce danger existe. Certains y succombent; d'autres y résistent vivement.

(21 h 30)

Toutefois, bien des avenues permettent d'aller vers l'individu, sa réalité, son essence, sa sensibilité. Bien des occasions favorisent l'échange et, si ces occasions sont bien saisies, l'homme ou la femme politique peut en sortir grandi dans ses perceptions.

Encore faut-il que ceux qui livrent un message, font un témoignage saisissent bien l'occasion. Voilà ce que la communauté gaie et lesbienne a bien réussi, lors des consultations générales de la commission des institutions sur le projet de loi n° 133. Certains pouvaient s'attendre à des discussions sèches et ne portant que sur les aspects légaux et les détails juridiques. Les représentants d'organismes ont eu la sagesse de saisir cette occasion unique pour informer les femmes et les hommes de cette Assemblée de leur réalité quotidienne.

M. le Président, qui autour de cette table où siégeait cette commission savait que, faute de statut, une union de fait pouvait se terminer dans le drame? Qui savait que, dans un cas d'hospitalisation, la conjointe de vie d'une femme n'avait rien à dire et que le frère de la malade, depuis toujours absent de la vie de cette soeur, avait une voix prépondérante, par rapport à la conjointe de vie? Un collègue m'a dit spontanément, après l'audition d'un groupe, et je le cite: J'ai vécu une situation troublante lors des témoignages sur le VIH quant aux conjoints de même sexe. C'est une situation à laquelle une société moderne doit s'ajuster et non la combattre. Le décès d'un conjoint est une rude épreuve, et le survivant ou la survivante devrait avoir les mêmes droits.

Qui savait que, malgré les progrès de notre société, la discrimination pour cause d'orientation sexuelle existait toujours, mais, cette fois-ci, si insidieuse et hypocrite? Qui savait que près du quart des suicides, chez les adolescents, est lié à l'orientation sexuelle, les tourments que cela provoque chez ce jeune homme ou cette jeune femme qui sait qu'il ou qu'elle sera marginalisée dans la société où elle voudrait vivre en équité et en égalité? À ce sujet, M. le Président, un autre de mes collègues, lui aussi, me faisait part de ses sentiments et m'écrivait ce petit mot: Plusieurs témoins de cette commission, m'écrivait-il, sont venus expliquer plusieurs événements survenus dans mon entourage, mon environnement plus ou moins immédiat, notamment au niveau du suicide des jeunes. C'est, en effet, malheureusement vrai, écrivait-il.

Qui savait à quel point le rejet social est fort, lorsqu'on a, par malheur, attrapé le VIH et que la maladie se développe? Les députés présents lors de cette commission savent, maintenant. Ils ont été surpris, souvent émus, et cela, parce que, pour la première fois dans cette Assemblée, des gais et des lesbiennes sont venus dire, décrire leur douleur, faire part de leurs espoirs et exiger leurs droits les plus fondamentaux. La réaction positive de la communauté gaie et lesbienne face à ce projet de loi est significative de la volonté de le voir adopter. À cet égard, rappelons également, M. le Président, que cette puissante ligue qui promeut les droits de la personne, le B'nai Brith, est venue intervenir à cette commission.

C'est une étape importante vers la justice sociale. Ce projet de loi touche plusieurs éléments fondamentaux. Certes, il touche l'orientation sexuelle, M. le Président, et je me sens, à ce moment-là, interpellé, tous le savent, mais il touche également le handicap et la grossesse chez les femmes. Il me semble que, faire disparaître des discriminations dans les régimes de retraite, dans les contrats d'assurance est quelque chose d'extrêmement louable. Les mémoires sont tous d'accord pour qu'on remplace l'actuel article 137 de notre Charte, qui introduit, justement, dans cette Charte, des discriminations nombreuses et qui sont inacceptables, dans une société moderne comme la nôtre.

Nonobstant certaines appréhensions ou certaines réticences que, légitimement, certains peuvent avoir, cette loi doit être adoptée. Et je remercie d'avance l'ensemble des collègues de cette Assemblée qui voteront en faveur de cette loi et, notamment, le représentant de l'opposition officielle en cette matière. Je ne pourrais terminer, M. le Président, cette brève allocution sans féliciter le ministre de la Justice, sans le féliciter de son courage politique, courage que bien des parlementaires, dans un autre Parlement, devraient imiter, actuellement. Je remercie l'ex-premier ministre, M. Parizeau, pour sa déclaration ministérielle précédant le dépôt de cette loi. Je remercie le présent premier ministre pour son esprit de continuité en la matière. J'espère sincèrement, et je le répète de nouveau, que tous mes collègues, quel que soit le côté de cette Chambre où ils siègent, votent ce projet de loi et que finalement l'injustice et le drame de la supporter soient supprimés dans les lois du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Le principe... Ah! il y a un autre intervenant. Excusez-moi. Alors, M. le député de Taschereau, je vous cède la parole.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Merci, M. le Président. Je ne parlerai pas longtemps. Je pense qu'il y a beaucoup de ressemblances entre le comté de Sainte-Marie–Saint-Jacques et le mien, le comté de Taschereau, parce que c'est dans ces comtés qu'effectivement on trouve beaucoup de gens dont l'orientation sexuelle est la même, c'est-à-dire des regroupements de gais et lesbiennes, avec beaucoup, d'ailleurs, dans ces comtés-là, de mouvements de défense de ces gens-là.

Le droit consacre souvent ce que défend la vie. Si nous regardons notre Parlement, depuis 1792 – cette toile nous le rappelle constamment – nous avons défendu nos droits collectifs. Nous avons défendu la langue – ça a été notre premier débat – nous avons défendu le droit de voter selon la fortune ou sans la fortune – ça a été parmi les débats qui ont été ceux du Parlement de l'acte constitutionnel – nous avons défendu le droit de voter selon le sexe, et il faut attendre longtemps – les femmes votaient sous le régime français dans certains milieux où on votait, évidemment – mais il faut attendre presque au début des années quarante pour qu'il y ait le droit de vote des femmes au Québec.

Nous avons défendu le droit de vote selon l'âge, et le nouveau débat en cours, actuellement, c'est de voter à partir de 16 ans. Nous voyons que les droits de la personne qui sont maintenant acceptés le sont selon des considérations qui sont faites en fonction des sociétés. Je pense que le projet de loi n° 133 qui est déposé aujourd'hui – enfin, qui est en première lecture – par le ministre de la Justice va dans le sens de l'évolution des libertés.

On reconnaît les grandes démocraties par leur ouverture à toutes les minorités, à tous ceux qui sont minoritaires. Le philosophe – puisque vous en êtes un vous-même – disait: Connais-toi toi-même. Plutôt que quelques considérations juridiques, je voulais faire quelques considérations qui relèvent de la sociologie, de l'anthropologie et peut-être de la philosophie. Le ministre rappelait, tout à l'heure, que nous avons entendu en commission parlementaire 23 mémoires, et ça a été pour beaucoup l'occasion de venir dire un certain nombre de choses qui, comme le rappelait le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, ont interpellé les députés, hommes et femmes, de cette Assemblée nationale, de ce Parlement.

(21 h 40)

La sexualité est quelque chose d'assez mystérieux. Je pense que ceux, par exemple, qui ont vu Cet obscur objet du désir de Buñuel peuvent trouver que c'est une manière artistique de le présenter. Mais je voudrais retenir tout simplement ceci, en particulier, qui m'a frappé, qui a frappé beaucoup de gens, c'est de voir que parfois l'intolérance qui est celle de nos sociétés à l'endroit en particulier de l'orientation sexuelle – et dans mon comté je suis constamment en contact avec un très grand nombre de citoyennes et de citoyens dont c'est l'orientation, c'est-à-dire l'orientation sexuelle vers des personnes de même sexe. En fonction de cette orientation, on a noté dans les commissions la difficulté pour beaucoup de jeunes en formation, c'est-à-dire à l'école secondaire puis au collégial, mais surtout à l'école primaire et secondaire – parce que, souvent, l'orientation sexuelle, on la connaît très vite et très jeune – on a noté que c'était très difficile de le faire dans un contexte où la sociologie était intolérante, où la société était intolérante. Et beaucoup de gens ont été frappés en particulier de voir ce regroupement des parents d'enfants gais venir nous dire des statistiques que rappelait le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques: que 40 % des suicides chez les jeunes Québécoises et Québécois sont dus à une mauvaise acceptation de son orientation sexuelle. Il y a là quelque chose qui nous interpelle comme société.

Et comme disait ce père qui témoignait devant nous: Comment voulez-vous que la société accepte un jeune que, moi, le père, je n'accepterais pas? Et le père qui nous parlait comme ça nous disait que ça avait été difficile pour lui de le prendre, comme on dit dans le langage populaire. Alors, je voudrais profiter du fait, M. le Président, que par vous, en m'adressant aux collègues de cette Assemblée, je m'adresse aussi à la population, profiter du fait de rappeler que nous avons le devoir de beaucoup d'ouverture, en particulier au plan scolaire, qu'au niveau éducatif il devrait y avoir une éducation civique qui prenne en considération l'éducation sentimentale, comme disait Stendhal. Au sens très large du mot, peu importe vers qui on se sent porté, on devrait considérer ça pour que, par exemple, dans nos sociétés, un homme ne considère pas sa femme comme son bien et s'attaque à elle parce que cette femme voudrait, à un moment donné, le quitter. Alors, je pense que l'éducation doit se faire dans ce sens.

Je vais terminer là-dessus, M. le Président. On nous dit que la moitié du monde est une femme, ce qui a comme corollaire de nous dire que la moitié du monde est un homme. Mais le monde entier, lui, il est un homme et une femme. Le poète ou le philosophe romain disait: Je suis humain... ou je suis homme, puisqu'il le disait à une époque où on pouvait parler comme ça, c'était une acception de tous les genres, il disait: «Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger.»

Alors, je voudrais moi aussi terminer en remerciant le ministre de la Justice de son courage, oui, mais aussi de l'efficacité avec laquelle nous sommes aujourd'hui devant un projet de loi. Et, grâce au ministre de la Justice, grâce aux membres de ce Parlement, nous allons prouver une fois de plus, très bientôt, que nous sommes comme Québécoises et Québécois une société ouverte, une société tolérante qui tient compte de 10 % d'une population qui vit parmi nous, souvent à notre insu.

Et je voudrais rappeler aux gens qui sont plus conservateurs parmi nous, plus conservatrices, qu'il y a aussi dans cette loi une lutte contre d'autres formes de discrimination, entre autres celle qui est faite à l'endroit des femmes en état de grossesse. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Il n'y a pas d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je demanderais le consentement de cette Chambre pour que nous dérogions à l'article 309 et que nous procédions immédiatement au débat de fin de séance entre le député de Viau et le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée. Consentement. Alors, en effet, M. le député de Viau a manifesté son intention de se prévaloir des dispositions des articles 308 à 312 des règles de procédure de l'Assemblée et de soulever un débat, à la fin de la présente séance, avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. Le sujet du débat est l'exode des médecins spécialistes en transplantation.

Alors, je vais rappeler brièvement les règles de ces débats de fin de séance. Le député qui a demandé ce débat dispose d'un temps de cinq minutes, le ministre a aussi un temps de cinq minutes et, finalement, le député a une réplique de deux minutes. Alors, nous allons pouvoir commencer le débat, et je céderai la parole à M. le député de Viau. M. le député.


L'exode des médecins spécialistes en transplantation


M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, on vient d'entendre en cette Chambre que la responsabilité d'une collectivité, c'est de protéger les minorités. En ce qui concerne les personnes qui sont en attente d'une transplantation, effectivement, si on regarde les statistiques, il n'y en a pas 100 000 au Québec, M. le Président, qui attendent une transplantation. Si on regarde les chiffres de Québec-Transplant, M. le Président, en 1995, les personnes qui étaient en attente d'une transplantation de poumons et coeur-poumons... il y a eu 28 personnes en attente. Effectivement, c'est une minorité. Et j'apprécie le fait que cette Assemblée, il y a quelques minutes, vient de dire que c'est notre responsabilité collective, M. le Président, de protéger ces individus, cette minorité.

Effectivement, M. le Président, la transplantation, au Québec, au cours des 10 dernières années, a progressé beaucoup. Ça a passé de la fiction à la réalité et, en même temps, puisque c'est une intervention extrêmement spécialisée, ça a permis non seulement à certaines gens de survivre, mais la science médicale, par ces transplantations-là, a appris beaucoup de choses qu'elle ne savait pas auparavant, M. le Président.

Alors, aujourd'hui, à la période des questions cet après-midi, j'ai posé une question au ministre de la Santé et des Services sociaux et, dans son arrogance habituelle qu'on lui connaît, M. le Président, il m'a dit que je faisais de la démagogie et que, si j'avais des faits précis, concrets, de les lui apporter. Je l'ai dit déjà ici, en cette Assemblée, que le ministre est très loin des vrais problèmes de la santé parce qu'il est plus préoccupé par sa grande réforme. Mais il ne réalise pas que sa grande réforme, même si, à ses yeux, elle paraît très bien sur les papiers, si elle paraît très bien lorsqu'il discute de ça avec ses fonctionnaires au ministère, M. le Président, lorsqu'on arrive sur le champ, sur le terrain, ça ne fonctionne pas aussi bien qu'il prétend que ça fonctionne. Alors, je me demande qui est le démagogue ici, dans cette Chambre, le député de Viau ou le ministre de la Santé et des Services sociaux lorsqu'il nous parle de cette façon?

Alors, M. le Président, les gens qui sont en attente d'une transplantation, je n'ai pas besoin de vous décrire, je l'ai déjà fait auparavant, c'est quoi les difficultés que ces gens ont à subir. Et lorsqu'on s'apprête au Québec, ou on arrive dans une situation au Québec, M. le Président, lorsque des personnes spécialisées qui ont été formées ici, au Québec, et ailleurs, qui sont revenues au Québec, quittent... Les personnes qui sont en attente, M. le Président, cette petite minorité, c'est irresponsable de notre part, et particulièrement de la part du ministre de la Santé et des Services sociaux, de ne pas s'en occuper. Parce que, pour lui, lui qui est censé s'occuper des moindres détails – il a dit ça, vous l'avez entendu souvent, M. le Président, des moindres détails – bien, ce qui se passe dans les hôpitaux, ce qui se passe au niveau des salles d'opération, M. le Président, ça, c'est juste un petit détail, vous savez, et le tout va se corriger. Mais, M. le Président, ce n'est pas tout à fait ça.

Il m'a dit que j'étais démagogue, M. le Président, et que, si j'avais des cas précis à lui apporter, il fallait que je le fasse. Durant la période de questions, M. le Président, comme vous savez, c'est normalement l'opposition qui pose des questions au gouvernement et non vice versa. Alors, M. le Président, et je vais demander le consentement pour dépôt après la lecture, j'aimerais que le ministre prenne connaissance d'une lettre envoyée à M. Charles McDougall, directeur, hôpital Royal Victoria de Montréal.

(21 h 50)

Compte tenu du temps qui presse, M. le Président, je vais simplement vous en faire la lecture partielle. Cette lettre est signée par M. Guy Lacoste, un transplanté. Il s'adresse à M. McDougall et il dit: «J'ai de la difficulté à comprendre que les conditions minimales requises par le Dr David Latter pour continuer à pratiquer la chirurgie cardiaque ne puisse être rencontrées. Compressions budgétaires obligent, me direz-vous.» On l'a entendu souvent, le ministre dire: Les compressions budgétaires, c'est important. «Pourtant, les compressions budgétaires en Ontario sont autrement plus sévères que celles qui se pratiquent chez nous.» On a entendu ça de l'autre bord, que l'Ontario faisait ça d'une façon catastrophique. Et je continue, M. le Président: «Est-ce qu'à l'avenir les personnes devant subir des transplantations coeur-poumons devront se transporter à Toronto?» Et il continue: «Compte tenu de la distance, le virage ambulatoire mériterait alors de devenir une discipline olympique.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau. J'inviterais aussi M. le ministre pour un temps d'intervention de cinq minutes. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, je voudrais, dans mon intervention, donner de l'information précise et factuelle au député qui a soulevé la question et à la population, de sorte qu'on sache exactement à quoi s'en tenir en ce qui regarde les transplantations au Québec.

Dans la question, cet après-midi, le député avait commencé en soulevant la question d'un département où on faisait de la transplantation de poumons, ou de coeur-poumons, qui venait de fermer, récemment. Vérification faite, effectivement, il y a un département qui a fermé, mais pas récemment. C'est un département à l'Hôpital général de Montréal, en ce qui regarde la transplantation, qui n'en fait plus depuis près d'un an, parce qu'on a réorganisé les services de transplantation. Comme le député l'a dit lui-même, il n'y en a pas beaucoup. En 1995, il y a eu 382 transplantations au Québec. Alors, pour avoir un bon service, bien équipé, avec les équipes compétentes, il y a une concentration, et il y a maintenant deux hôpitaux, à Montréal, qui donnent ce service, soit l'hôpital Royal Victoria et l'hôpital Notre-Dame. Et c'est pour ça que la fermeture d'un département n'avait rien à voir avec les problèmes de budget, mais était vraiment une question de transformation et d'organisation pour une plus grande efficacité.

Les médecins qui font de la transplantation, il y en avait 18. Il est question qu'un parte, pour des raisons personnelles ou autres, je ne le sais pas, mais, de toute façon, il en reste 17: 15 à Montréal, et deux à Québec. Ceux qui sont responsables des établissements où se fait la transplantation recherchent présentement des candidats et sont en mesure de pouvoir recruter. Alors, ce n'est pas une situation qui est en péril, présentement.

Les ressources. Depuis 1995, 1995-1996, il y a eu 1 600 000 $ pour les transplantations, 1 900 000 $ est prévu pour 1996-1997, et on prévoit déjà dans nos budgets, vu que c'est fait avec un cycle de trois ans, plus de 2 000 000 $. On le calcule de la façon suivante. Ce budget a deux composantes: une qui prévoit la reconduction du budget de l'année précédente, avec un ajout par un montant forfaitaire pour pouvoir couvrir le nombre excédentaire ou additionnel de transplantations qui pourraient être faites, ou qu'on peut s'attendre à avoir durant l'année; la deuxième composante du budget est celle qui couvre la médication pour la première année, qui doit être donnée après la transplantation, parce que c'est une médication assez spéciale, qui peut être assez coûteuse en ce qui regarde, par exemple, la lutte contre le rejet ou des choses comme ça.

Alors, M. le Président, je veux tout simplement dire que je pense que c'est un domaine de surspécialisation, qui a été réorganisé; c'est toujours un domaine où il faudrait être très vigilant pour s'assurer qu'on suit les développements techniques, technologiques qui se font, ils sont très importants dans ce domaine-là. C'est un secteur qui coûte des bons montants, mais pour lequel on a toujours pu s'organiser jusqu'ici: allouer des ressources, suivre l'augmentation, et des budgets, et des équipes, et de l'efficacité du fonctionnement de ces traitements-là.

Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, M. le Président. C'est un peu malheureux si, parce qu'un médecin quitte pour des raisons personnelles, on laisse entendre qu'il y a une menace, que les gens n'auront plus ces services. C'est faux, l'équipe est essentiellement là, et il y a des possibilités de recrutement au cours des prochaines années. Il faut s'attendre à ça, que des grands spécialistes se fassent offrir des possibilités et qu'ils puissent choisir, dans une carrière, de bouger, d'aller dans différents centres. Ça fait partie de la gestion normale d'un système.

En concluant, je rappellerais qu'en ce qui regarde les délais la principale raison, et de beaucoup, qui amène des gens à attendre pour avoir une transplantation, c'est que, comme on fournit des ressources qu'il faut, c'est la grande difficulté dans ce domaine-là de trouver un donneur qui est compatible avec le receveur, de sorte que la transplantation puisse se faire dans des bonnes conditions. Alors, je suis heureux que la question – et, dans ce sens, j'en remercie le député – permette de faire le point, de donner des informations à la population, et je pense, j'espère, rassurer les gens qu'il n'y a pas là du tout une situation pour laquelle on doit s'inquiéter, en reconnaissant qu'il faut toujours être vigilant pour s'assurer qu'on maintient notre efficacité dans ce domaine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le député de Viau, vous avez deux minutes pour votre réplique.


M. William Cusano (réplique)

M. Cusano: M. le Président, je suis très heureux que le ministre vienne de confirmer exactement que le département à l'hôpital Montréal General a été fermé. Et sa solution, M. le Président, ce que je connais, c'est que les transplantations coeur-poumons vont être faites à l'hôpital Notre-Dame, puis, par après, les patients vont être suivis au Montréal General. Ça, c'est son organisation. Ça, c'est l'intelligence du ministre, M. le Président.

Lorsqu'il parle, aussi, il joue un peu avec les chiffres. La question que j'ai posée, M. le Président, c'était au niveau des transplanteurs coeur-poumons; je n'ai pas parlé de tous les transplanteurs, M. le Président; j'ai parlé de coeur-poumons. Il n'y en a pas 17, transplanteurs coeur-poumons au Québec, M. le Président, hein. Je pourrais toujours dire qu'il nous a menti, M. le Président, mais je sais que je n'ai pas le droit de le faire. La question que j'ai posée, M. le Président, c'est sur les transplanteurs coeur-poumons et non sur les transplanteurs de reins ou sur les transplanteurs de pancréas ou de quoi que ce soit, M. le Président.

J'aimerais, en terminant, déposer une autre lettre, parce qu'il ne semble pas trop connaître son dossier, M. le Président. Celle-là, elle nous vient de Diane Hébert. Je pense que tout le monde a connu Diane Hébert, une transplantée à l'extérieur du Québec, il y a 11 ans aujourd'hui, parce qu'à ce moment-là on n'était pas rendu là. Mme Hébert, elle dit justement: «Le Dr David Latter a été formé au Québec, il s'est spécialisé à Stanford en Californie, pour nous revenir ici comme directeur en greffe cardio-pulmonaire.» M. le Président, je n'ai pas parlé d'autres greffés, j'ai parlé de greffe cardio-pulmonaire. Mme Hébert continue: «Sans le Dr Latter, la possibilité d'avoir un programme de transplantation pulmonaire à Montréal ne pourra pas être réalisable sans grandes difficultés, nos espoirs étant en lui. Devrons-nous aller en Ontario?» Elle continue, M. le Président: «C'est terrible d'être loin de sa famille, de ses amis et d'avoir à parler une autre langue en plus de vivre dans la crainte de mourir.» M. le Président, permettez-moi de demander consentement que la lettre de M. Lacoste et celle de Mme Diane Hébert soient déposées.


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que ces lettres soient déposées?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement, alors, les lettres sont déposées. Ceci met fin au débat de fin de séance.

Je lève donc la séance et nous ajournons – c'est bien jeudi aujourd'hui, que je me situe – à mardi prochain, 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 59)


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