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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Monday, December 2, 1996 - Vol. 35 N° 60

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Table des matières

Présence du consul général de la république du Pérou à Montréal, M. Raul Rivera Maravi

Présence du consul général de la république islamique du Pakistan à Montréal, M. Muhammad Ashraf

Présence du délégué de la Communauté française de Belgique à Québec, M. Philippe Nayer

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président: Alors, mesdames, messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence du consul général de la république du Pérou à Montréal, M. Raul Rivera Maravi

Alors, Mmes et MM. les députés, j'ai d'abord le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du consul général de la république du Pérou à Montréal, M. Raul Rivera Maravi.


Présence du consul général de la république islamique du Pakistan à Montréal, M. Muhammad Ashraf

J'ai également le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du consul général de la république islamique du Pakistan à Montréal, M. Muhammad Ashraf.


Présence du délégué de la Communauté française de Belgique à Québec, M. Philippe Nayer

Et, finalement, j'ai le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du délégué de la Communauté française de Belgique à Québec, M. Philippe Nayer.


Affaires courantes

Alors, nous commençons par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable de la capitale nationale.


Rapport annuel de la Commission de la capitale nationale du Québec

M. Rochon: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel pour 1995-1996 de la Commission de la capitale nationale du Québec.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le ministre du Travail.


Rapport annuel de la Régie du bâtiment du Québec

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Régie du bâtiment du Québec.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose la réponse à la question n° 14 inscrite au feuilleton du 23 octobre 1996 par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président: Alors, cette réponse est déposée.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 77

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Alors, le rapport de la commission est déposé. J'invite maintenant M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Étude détaillée du projet de loi n° 68

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 68, Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport de la commission est déposé.

Au dépôt de pétitions.


Interventions portant sur un fait personnel

Aux interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, j'ai reçu dans les délais requis une lettre de M. le député d'Iberville qui, en vertu de l'article 71 du règlement, demande de s'expliquer sur certains faits qui le concernent en tant que membre de l'Assemblée nationale, à la suite d'une intervention de M. le député de Chomedey à la séance du 28 novembre dernier.

Selon le député d'Iberville, le député de Chomedey aurait établi un rapprochement entre un avis fourni par le sous-ministre de la Justice dans une affaire de nature criminelle et un avis prétendument fourni par le même sous-ministre de la Justice sur une question concernant le député d'Iberville.

Alors, après avoir examiné la lettre de M. le député d'Iberville, je déclare que cette demande est recevable. Et, avant de céder la parole au député d'Iberville, je lui rappelle que les explications doivent être brèves et formulées de manière à ne susciter aucun débat. Alors, M. le député d'Iberville.


Association du nom du député d'Iberville à un fait concernant un ancien sympathisant du FLQ


M. Richard Le Hir

M. Le Hir: Merci, M. le Président. Alors, dans une intervention qu'il a faite devant cette Chambre, jeudi le 28 novembre dernier, le député de Chomedey a tenté d'établir un rapprochement, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il était très libéral, entre un avis donné par le sous-ministre de la Justice – et je cite le député – «à propos de la nomination à un poste de sous-ministre d'une personne qui a avoué publiquement, et après avoir atteint l'âge de la majorité, être la même personne qui a placé une bombe, qui a tué une femme et blessé six autres personnes, y compris une femme enceinte», fin de la citation, et l'avis prétendument fourni par le même sous-ministre à l'effet – et nouvelle citation – «qu'il n'y avait pas lieu que la SQ intervienne dans l'affaire du député d'Iberville». Fin de la citation.

(14 h 10)

Indépendamment de l'impact que ce rapprochement peut avoir sur le gouvernement, il se trouve à me causer un préjudice grave dans la mesure où il associe mon nom à des faits qui me sont complètement étrangers et que j'ai toujours trouvés abhorrants. Je me trouve donc dans l'obligation de préciser que je n'ai jamais eu quoi que ce soit à voir, ni de près ni de loin, avec le FLQ, que je n'ai jamais professé avoir la moindre sympathie envers ses membres ou ses méthodes et que, au contraire, j'ai toujours considéré, même dans ma jeunesse, le terrorisme révolutionnaire comme l'arme privilégiée des lâches et des imbéciles.

Qui plus est, le rapprochement tenté par le député de Chomedey est inexcusable du fait qu'il sait pertinemment qu'aucune accusation n'a jamais été portée contre moi relativement aux gestes que j'ai posés depuis mon entrée en politique, que je n'ai pas eu à répondre devant les tribunaux de mon comportement dans l'exercice de mes fonctions, que je n'ai fait l'objet d'aucune perquisition ni même vu depuis un an l'ombre d'un reflet de la couleur d'un uniforme d'un agent de la SQ en rapport avec cette affaire et que, après plusieurs milliers d'heures d'enquête, après avoir entendu une centaine de témoins et examiné des dizaines de contrats, le Vérificateur général a établi que je n'avais eu aucune influence sur l'organisation du Secrétariat à la restructuration, que je n'étais pas celui qui avait autorisé le Secrétariat à faire affaire avec Claude Lafrance, que je n'avais été ni impliqué ni même consulté dans la décision, pour le Secrétariat, de procéder par voie de dérogation aux normes habituelles du Conseil du trésor, que ni moi ni le personnel de mon cabinet nous nous étions placés en situation de conflit d'intérêts, que ni moi ni le personnel de mon cabinet n'étions intervenus dans le processus d'adjudication des contrats et que ni moi ni le personnel de mon cabinet n'en avions tiré un quelconque avantage.

Le député de Chomedey ne peut donc pas invoquer, comme il le fait, une quelconque intervention en ma faveur du secrétaire général du gouvernement pour obtenir du sous-ministre de la Justice un avis complaisant pour tirer le gouvernement d'un mauvais pas.

Enfin, le député de Chomedey, juriste de formation et connaissant les faits comme les connaissent tous les critiques de l'opposition, continue d'évoquer, au préjudice de mes droits de membre de cette Assemblée, l'existence d'une prétendue affaire qui, si tant est qu'elle existe, n'a strictement rien à voir avec moi.

En terminant, M. le Président, je veux vous remercier d'avoir rappelé à mon bénéfice la semaine dernière l'existence du règlement. C'est la première fois depuis un an que la présidence le fait. Vaut mieux tard que jamais. À votre décharge et à celle de votre prédécesseur, il faut dire que jamais le leader actuel du gouvernement ni son prédécesseur ou même un député du parti ministériel, comme le permet le règlement, n'ont jugé opportun de le faire, même lorsque je siégeais à leurs côtés.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, merci, M. le député d'Iberville. Je vous avise maintenant que, après la période des questions et des réponses orales, sera tenu le vote reporté sur la motion de censure de M. le député des Îles-de-la-Madeleine, débattue le 28 novembre dernier.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Abolition du remboursement partiel de la TVQ aux municipalités

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je crois que c'est jeudi dernier, oui, la semaine dernière que le ministre des Finances nous a annoncé ici par déclaration ministérielle qu'il augmentait les impôts des Québécois. Il a voulu donner l'impression, en évoquant, je dirais, les relations entre le gouvernement du Québec et les municipalités, que ce sont les instances municipales qui sont en cause et qui vont payer plus cher, que ce sont les maires, les conseillers, les fonctionnaires municipaux, alors que ce qu'on sait, c'est qu'il y a seulement un contribuable au Québec, et c'est celui qui est en bout de ligne. Quelle que soit la nature de l'impôt qui est payé, c'est une personne humaine, un être humain qui paie des impôts. C'est donc le contribuable au niveau municipal qui a été touché par la déclaration ministérielle de la semaine dernière.

C'est une autre attaque, contrairement à ce que le premier ministre dit pas depuis des mois – j'allais dire depuis des mois, son discours a changé depuis quelques semaines... Mais pendant des mois le premier ministre a dit que nous étions suffisamment taxés, qu'il fallait toucher aux appareils, à l'administration et aux machines mais pas au contribuable ou au citoyen, alors qu'on voit, dans le fond, que le gouvernement s'en prend au contribuable sous toutes ses formes, si je peux m'exprimer ainsi.

À l'égard des municipalités, je dirais, en terminant mon préambule, M. le Président, que c'est assez inusité de traiter les municipalités comme des revendeurs de tabac ou d'essence en disant qu'à compter de minuit ce soir telle taxe sera payable par les municipalités ou tel rabais ne leur sera plus consenti, un peu comme si les municipalités du Québec étaient des vulgaires revendeurs de tabac ou d'essence qui tentent de frauder le fisc en faisant beaucoup d'achats avant la date fatidique, contrairement à ce qui a toujours été fait.

Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que, dans cette approche qu'il a maintenant à l'endroit des municipalités, des dizaines de millions qui sont envoyés sur le dos des contribuables tout d'un coup, ça ressemble beaucoup à de l'improvisation à tous égards et que ça a été dénoncé comme ayant été un geste cavalier, non annoncé et donc improvisé à l'endroit des contribuables municipaux? Et, est-ce que, finalement, on ne doit pas en conclure que l'équipe ministérielle ressemble de plus en plus à une équipe de la ligue nationale d'improvisation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais signaler qu'il ne s'agit pas d'une taxe rétroactive, comme celle qu'imposait déjà le gouvernement libéral, mais que c'est un remboursement de taxe qui va cesser, un remboursement partiel, et que c'est une mesure qui est inspirée par un souci d'équité, M. le Président. Les consommateurs paient la TVQ. Les municipalités la payaient mais avaient droit à la hauteur de 43 % de remboursement du gouvernement. Et cette mesure vise à mettre sur le même pied les consommateurs québécois et les municipalités.

Et je ferai remarquer aussi qu'il y a, sur un total de 1 400 municipalités, seulement 600 municipalités affectées par la mesure. Il y en a 800 qui ne le seront pas. Donc, 40 % seulement le sont. Et il faut bien ajouter aussi que nous sommes dans une période où nous devons répartir l'effort budgétaire de façon équitable et qu'il est normal que les corporations municipales, à tout le moins 40 % de celles qui bénéficiaient du remboursement partiel de la TVQ, puissent participer à cet effort. Je ferai remarquer, en plus, en terminant, que l'effort est relativement peu considérable, si on tient compte du fait que, sur un budget de 9 000 000 000 $, qui est le total des budgets de nature municipale, on parle ici d'un montant de 76 000 000 $, encore qu'il est calculé sur la période de 1995 où il y a eu beaucoup d'achats en raison du programme d'infrastructures. Il me semble que cette mesure doit être considérée pour ce qu'elle est: une mesure d'équité. Et on a vu qu'à la ville de Montréal, en particulier, les gens ont réagi de façon modérée.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: En considérant que le premier ministre minimise 76 000 000 $ sur 9 000 000 000 $ et qu'il a imposé avant le 31 décembre une taxe de 6 000 000 $ sur son budget à lui de 40 000 000 000 $, est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il a imposé jusqu'au 31 décembre une dépense de 6 000 000 $ à des municipalités dont le budget est fermé depuis 11 mois, d'une part?

Et, deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer où et quand les consultations se seraient déroulées avec le milieu municipal, comme ça s'est toujours fait? Je le lui annonce, même si ça fait juste 10 mois qu'il est ici: Ça s'est toujours fait, avant lui, de cette façon-là. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire qui a avisé les autorités municipales? Comment les consultations se sont engagées et quelles sont les mesures de transition qui ont été retenues par le gouvernement, parce que là aussi il y en a toujours eu? Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer comment on a averti les municipalités et, donc, les contribuables municipaux de ce qui les attendait? Comment les promesses auraient été tenues, s'il y en a eu? Et comment on s'engage là-dedans pour les prochains mois?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, effectivement, M. le Président, 30 jours avant la publication des budgets municipaux, nous avons informé les municipalités que nous confirmions 300 000 000 $ de transferts d'«en lieu» de taxes pour l'an prochain, que nous confirmions 343 000 000 $ de paiements sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité, que nous demandions aux municipalités, par ailleurs, de faire un effort qui correspond à 0,75 % d'effort pour 1997 comme contribution à l'équilibre des finances publiques, c'est-à-dire que les municipalités aient à payer 100 % de la TVQ, comme vient de le dire le premier ministre, en rapport avec les contribuables, leur demander cet effort de 76 000 000 $. Encore qu'il faut noter que le 76 000 000 $, c'est l'évaluation des demandes de remboursement qui ont été faites sur les travaux de l'année 1995, année pendant laquelle nous avons injecté au-delà de 1 000 000 000 $ dans les infrastructures municipales et qui ont amené par ailleurs des réclamations plus élevées.

Les consultations, M. le Président...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Trudel: ...avec le monde municipal, ça s'appelle le rapport sur la fiscalité qui a été publié au Sommet sur l'économie et l'emploi. Les unions municipales ont toutes été consultées sur ce document, les avenues ont été dessinées, et c'est pourquoi le ministre des Finances a dit la semaine dernière que nous allions nous engager pour l'année 1997 dans la redéfinition des responsabilités locales et des moyens pour les assumer dans la suite des travaux de la Commission sur la fiscalité.

(14 h 20)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Je reviens à ma question initiale, à mon interlocuteur du début, parce que le ministre des Affaires municipales est passé carrément à côté de la question. J'ai demandé au premier ministre s'il ne jugeait pas inconvenant, improvisé et cavalier – c'était ça, essentiellement, mon propos – d'imposer 6 000 000 $ de nouvelles dépenses fiscales aux municipalités 11 mois après la fermeture du budget de 1996, pas un mois avant la fermeture du budget de 1997. Là, le ministre des Affaires municipales a répondu tout croche, il voyage dans le temps, là.

Ce que je dis, c'est que c'est jeudi dernier que le ministre des Finances s'est levé ici pour qu'à partir de vendredi matin, de bonne heure, avant le 31 décembre, les municipalités, donc les contribuables municipaux, aient 6 000 000 $ de plus à trouver soit par des coupures de services ou par des augmentations de coûts ou de tarifs de quelque nature que ce soit.

Est-ce que le premier ministre trouve qu'il est convenable d'imposer une taxe et des dépenses additionnelles aux contribuables municipaux après que le budget a été adopté, après que le budget municipal a été adopté? C'est ça, la question.

M. Trudel: M. le Président, est-ce qu'on peut demander à l'ensemble des 600 municipalités concernées, sur un budget total de 9 000 000 000 $, de faire un effort de 6 000 000 $ pour l'année en cours en arrivant à réorganiser leurs dépenses, des réclamations qui, pour la presque totalité, ont déjà été faites, puisque les travaux sont terminés? Ça, c'est effectivement ce que les officiers et les élus municipaux ont fait l'an passé.

Lorsqu'on a demandé aux administrations municipales de faire un effort de 47 000 000 $ l'an passé et de travailler sur la réduction des dépenses, savez-vous le résultat, ce que ça a donné, M. le Président? C'est que, pour les municipalités de 5 000 habitants et plus, les taxes municipales ont baissé de 0,4 %. Il n'y a pas eu d'augmentation au niveau des taxes municipales parce que les élus municipaux ont accepté – ils l'ont dit au Sommet sur l'économie et l'emploi – de faire leur part, de travailler au niveau de leurs dépenses, ce qu'on leur demande encore cette année, avec le même succès qui a été obtenu l'an passé.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: J'ai quasiment le goût de demander si le ministre est bouché, là. La question est claire: Est-ce qu'il se rend compte... Je ne l'ai pas demandé, M. le Président, mais ça me tente de le demander, là.

Ce que je dis au premier ministre: Est-ce qu'il se rend compte, lui, que son ministre n'a pas compris, lui, la question, à savoir que, jeudi dernier, on a imposé une taxe et des coûts additionnels de 6 000 000 $ jusqu'au 31 décembre à des municipalités dont le budget est fermé depuis 11 mois? C'est ça, la question. Je ne veux pas une symphonie de violon sur l'équité – on sait ce que c'est, de ce côté-là – est-ce que le premier ministre pourrait nous rassurer qu'éventuellement son ministre va comprendre ce dont il retourne ici?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre a très bien compris, il a répondu à la question. Il a répondu que c'est un montant de l'ordre de 6 000 000 $. Ce n'est pas rien, mais, quand on le met en rapport avec le budget global de 9 000 000 000 $ pour l'année en cours, quand on sait qu'il y a beaucoup de ces municipalités qui ont des surplus dans leur budget de cette année, il est évident que c'est une somme qui peut se résorber, et nous avons confiance que ces gestionnaires remarquables que sont très généralement les gens qui gèrent les municipalités vont être capables d'assumer dans l'ensemble de l'année un montant de 6 000 000 $ par rapport à 9 000 000 000 $.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Chagnon: Merci, M. le Président. À une semaine de la date d'échéance de la proposition du premier ministre, négociateur en chef, à une semaine de la date d'échéance d'une proposition que le premier ministre qualifiait la semaine dernière de vivante, à une semaine de la date d'échéance d'une proposition rejetée massivement par tous les employés des secteurs public et parapublic, à une semaine de la date d'échéance de sa proposition morte-née qu'il qualifiait quand même de gagnante la semaine dernière, le premier ministre a-t-il l'intention de déposer une nouvelle proposition?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement a l'intention de convoquer les parties syndicales, de le faire incessamment, pour faire le point sur la situation des finances publiques, sur les problèmes communs que nous avons par rapport à l'effort budgétaire global de l'ordre de 3 000 000 000 $ que nous avons à faire, sur la nécessité de travailler dans un contexte d'équité, c'est-à-dire de juste répartition de l'effort. Et, s'agissant de l'impact des coûts de main-d'oeuvre sur les budgets gouvernementaux, qui sont de l'ordre de 58 %, il est évident qu'il y a nécessité pour le gouvernement d'examiner très sérieusement un effort à faire de ce côté-là. J'ai l'intention d'en discuter de façon très large et très ouverte avec les gens que je vais convoquer. Je souhaite qu'ils viennent; je pense qu'ils viendront. Ils seront convoqués incessamment.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le premier ministre, tel qu'interpellé par Mme la députée de La Prairie, a l'intention de dévoiler tout de suite, le plus tôt possible, les efforts additionnels qui seront demandés aux riches et aux entreprises?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député sait très bien qu'il y a un exercice, je dirais, rituel, je dirais même sacramentel d'un gouvernement, c'est de faire un budget. Ça se fait en temps et lieu. Nous ne sommes pas à l'époque du budget. Le budget, ça ne se négocie pas avec personne. C'est précédé de consultations, évidemment, mais nous n'allons pas négocier le budget avec un seul groupe ou quelques groupes de notre société.

Cependant, il est certain que nous sommes bien conscients que l'effort devrait être plus large que d'un seul secteur, celui des salariés de l'État, qu'il faudra qu'il soit étendu à l'ensemble de la société. J'ai déjà dit que de toute façon l'ampleur des montants puis l'arithmétique montrent bien qu'il y aura des efforts à faire ailleurs, puisqu'on parle de 1 400 000 000 $ et qu'il y a 3 000 000 000 $ à réaliser. Donc, bien sûr qu'il y aura des efforts à faire ailleurs. C'est le budget qui va statuer là-dessus.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Recours éventuel à une loi spéciale advenant l'échec des négociations avec les employés de l'État

M. Chagnon: M. le Président, après avoir observé des milliers de manifestants pas plus tard que jeudi soir dernier à Saint-Jean-sur-Richelieu, pas plus tard que la fin de semaine passée et hier, le premier ministre a dû constater aussi que des milliers d'autres manifestants ont manifesté en Abitibi, ont manifesté à Alma, ont manifesté dans Lanaudière, ont manifesté en Gaspésie, ont manifesté à Pointe-aux-Trembles.

Est-ce que le premier ministre ou son cabinet ont donné à Me Jules Brière le mandat d'écrire un projet de loi spécial à être déposé dans cette Chambre d'ici Noël?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est vrai que j'ai vu des manifestants. De façon générale, ça se passe très correctement. C'est un droit démocratique pour des citoyens que d'exprimer leurs appréhensions, leurs demandes, et ça, je l'accepte de bon gré, d'autant plus que ça se fait de façon civilisée généralement. Mais, quand je vois des manifestants, bien sûr, je pense à eux, je pense à leur inquiétude, mais je pense aussi à ceux qui ne manifestent pas, à ceux pour qui le gouvernement doit faire un effort d'équité, un effort général, la population, les sans-emploi, les gens qui sont sur l'aide sociale, les jeunes, la nécessité de redonner un nouveau souffle à l'État du Québec. Alors, je pense à tout cela.

Quant à la question pointue sur des mandats qui auraient été donnés, M. le Président, le gouvernement gère en fonction de ses préoccupations, et je n'ai pas à répondre sur ce genre de question.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, à quoi sert cette Chambre si le premier ministre refuse de répondre aux questions que l'opposition lui pose? Est-ce que M. Jules Brière a reçu, oui ou non, un mandat de lui-même ou du... comme négociateur en chef ou de son cabinet pour écrire un projet de loi spécial à être déposé en cette Chambre...

Une voix: Conseil du trésor.

M. Chagnon: ...ou du Trésor, à être déposé dans cette Chambre d'ici Noël?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que les questions qui doivent être posées en cette Chambre sont des questions qui doivent être d'intérêt public. Ce qui est de la gestion interne du gouvernement, je crois que ça n'a pas à faire à la période des questions.

Le Président: Je pense que la question a été posée. Elle peut très bien, d'un point de vue, concerner la gestion interne du gouvernement, mais elle concerne une question d'intérêt public, par ailleurs. Mais le premier ministre ou tout membre du gouvernement est libre des réponses qu'il donne. Alors, le premier ministre a déjà répondu. S'il veut répondre à nouveau, c'est son droit.

(14 h 30)

M. Bouchard: M. le Président, l'Assemblée nationale connaît les projets de loi lorsqu'ils sont déposés à l'Assemblée nationale. Alors, je ne connais pas de gouvernement qui se complaise à faire des rapports périodiques à l'Assemblée nationale des projets de loi qui sont en préparation. Je dis que sur cette question comme sur bien d'autres le gouvernement a agi à l'intérieur de sa latitude d'action et que le gouvernement a déjà dit, j'ai déjà dit... Le jour où nous avons voté sur la motion libérale, il y a maintenant près de deux semaines, avant d'aller voter, j'ai décrit la signification du vote que nous allions donner et j'ai dit que le gouvernement était un employeur qui allait aller au bout des possibilités qui sont les siennes de négocier, bien sûr, qu'il allait épuiser toutes les possibilités pour arriver à une solution consensuelle, mais qu'il arrive un moment où un État doit prendre ses responsabilités.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui. Alors qu'on vient de comprendre que Me Brière a été embauché par le gouvernement, d'après la non-réponse et le silence du premier ministre à ce sujet-là, est-ce qu'il pourrait nous dire si sa première réponse, qui avait trait à son attitude à l'endroit des manifestants, qui évoquait que lui pense plutôt aux gens qui n'ont pas d'emploi, pendant que les travailleurs du secteur public réclament de bonne foi ce qu'ils considèrent être les droits qu'ils ont acquis en vertu des conventions collectives, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que, encore une fois en 1996-1997, lui-même et son gouvernement, et lui-même, comme autrefois, vont se comporter à l'endroit des travailleurs et des travailleuses du secteur public comme s'ils étaient coupables de la situation des sans-emploi, comme s'ils étaient coupables de la pauvreté, comme s'ils étaient coupables de l'absence de décision du gouvernement en matière de création d'emplois et d'investissements?

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, face à la situation où nous sommes au Québec, face à l'obligation que nous avons collectivement de remettre le Québec en marche, de redresser les finances publiques du Québec, de redonner une marge de manoeuvre à l'État, il n'y a pas de coupable, mais tout le monde est responsable de faire un effort solidaire.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Orientations en matière de fiscalité municipale

Mme Delisle: Merci, M. le Président. M. le Président, en septembre 1994, on a eu droit à l'autre façon de gouverner. En 1996, on a eu droit à l'autre façon de récompenser les élus municipaux qui ont su gérer de façon parcimonieuse et très serrée leur budget.

Le gouvernement, en les récompensant, leur a coupé 76 000 000 $ sur le rabais de la TVQ, 50 000 000 $ dans une enveloppe qui leur appartient. J'aimerais rappeler au ministre des Affaires municipales que le fameux 343 000 000 $ dont il parle, c'est un montant d'argent qui appartient aux municipalités; qu'on pense au 1 % pour le financement de l'Institut de police, et j'en passe.

M. le Président, lors du sommet économique, la commission D'Amours a déposé son rapport et avait consacré un chapitre complet au financement du secteur municipal. On y retrouve, entre autres, des recommandations telles que transférer aux villes la responsabilité du transport et des immeubles scolaires, encourager les villes à tarifer davantage, abolir la taxe de mutation, introduire une taxe régionale au bénéfice des villes-centres, verser des compensations aux villes-centres pour les taxes foncières que ne paient pas les gouvernements, et j'en passe.

Or, le ministre des Affaires municipales est resté muet comme une carpe sur ce sujet-là. M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales pense encore que c'est une question d'équité? Est-ce qu'il pense également que son manque de réaction au rapport soumis par la commission D'Amours est lié avec... Est-il d'accord, pardon, avec les recommandations du rapport D'Amours?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, donc la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics a remis son rapport à la fin du mois d'octobre, à l'occasion du Sommet sur l'économie et l'emploi. Nous y avons discuté de quelques conclusions et, à la suggestion du président de l'Union des municipalités du Québec, il a été convenu de mettre sur pied un groupe de travail pour donner suite, en particulier, aux dimensions qui regardent la fiscalité municipale.

Par ailleurs, la députée de Jean-Talon a très certainement dû lire en fin de semaine, sans cela je l'invite à le faire, le communiqué de presse que nous avons publié jeudi, à l'occasion de l'annonce de la demande des efforts aux municipalités, et qui, précisément, s'intitule «Le gouvernement reverra la fiscalité et le financement des instances locales». Pourquoi, M. le Président? Parce que ce rapport est extrêmement important pour nous. Nous allons prendre tout le temps qu'il faut pour l'étudier avec les partenaires et nous y donnerons suite dans la mesure où nous pourrons atteindre nos objectifs au niveau des services publics, au niveau des finances publiques, parce que l'objectif final d'équilibrer nos finances publiques ne change pas, lui.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales reconnaît-il que sa façon de consulter les unions municipales est pour le moins très discrète et entend-il communiquer aux unions municipales, donc aux contribuables du Québec, ses décisions quant au transfert, par voie de décret ministériel?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, la semaine dernière j'ai fait parvenir une lettre aux 96 MRC du Québec leur annonçant que nous renouvelions une subvention de 9 000 000 $ pour les aider à supporter le développement économique et la création d'emplois dans leur territoire. J'ai expédié également vendredi une lettre aux 1 400 municipalités du Québec leur indiquant qu'il n'y avait aucune coupure dans les paiements de transfert au niveau de la TGE, aucune coupure dans les 259 000 000 $ que nous payons en «en lieu» de taxes sur les écoles, les cégeps, les universités, les édifices du réseau de la santé. Je leur ai également fait parvenir les paramètres de ce qui a été annoncé au niveau de la fiscalité.

M. le Président, nous avons communiqué toutes les informations nécessaires aux municipalités pour compléter leur budget pour le 1er janvier prochain. C'est très clair. Ça définit la marge de manoeuvre dans laquelle nous sommes situés. Et, encore une fois, oui, nous demandons aux municipalités moins de 1 % d'effort pour atteindre nos objectifs d'équilibre au niveau de nos finances publiques.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, comment le ministre des Affaires municipales peut-il se lever en cette Chambre et nous dire qu'il n'y a pas de coupures dans l'enveloppe de TGE, alors qu'il y a une ponction de 50 000 000 $ qui a été faite pour payer justement le fameux 9 000 000 $ auquel il fait référence pour aider les MRC les plus pauvres et aider les MRC en ce qui regarde le développement économique? Comment peut-il se lever en cette Chambre, faire référence à un comité de presse qui, quant à moi, ne fait pas état de toute la vérité?

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, contrairement à la décision, entre Noël et le Jour de l'an 1992, de la part du parti de l'opposition, à l'époque, où on avait annoncé aux municipalités des coupures de 375 000 000 $, au début du mois de décembre, nous faisons parvenir les paramètres très clairs du financement des municipalités. Nous avons, en plus, signé une entente avec les unions municipales, le 22 août dernier, dans laquelle nous nous engageons avec les municipalités à prendre un solde de 3 000 000 $ dans l'enveloppe générée par la taxe sur les eaux, les télécommunications, le gaz et l'électricité pour le retourner aux MRC en vue de soutenir le développement économique et la création d'emplois. Ça, c'est de la concertation. Ça, c'est des ententes. C'est comme ça qu'on fonctionne avec le monde municipal.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Élaboration d'un pacte fiscal spécifique à la ville de Montréal

Mme Frulla: Merci, M. le Président. La semaine dernière, on a vu le ministre d'État à la Métropole écorcher son collègue le ministre responsable du Développement des régions pour se défiler d'avoir livré seulement la moitié du pacte fiscal de 60 000 000 $ anticipé et nécessaire pour Montréal. Vendredi dernier, on a vu le même ministre de la Métropole dire à la Table des préfets et des maires du Grand Montréal, et il a dit, je le résume, que, si les maires n'étaient pas contents du pelletage de 76 000 000 $ dans leur cour, ils n'avaient qu'à parler au principal responsable, soit le ministre des Finances.

Des voix: Ah!

Mme Frulla: Encore un faux-fuyant pour se protéger en mettant la faute sur le dos d'un collègue.

Ce même vendredi, c'est le ministre des Affaires municipales, et non le ministre à la Métropole, qui tentait de diminuer l'impact de cette mesure fiscale en disant qu'il tiendra compte de cette nouvelle facture dans les discussions à venir sur le pacte fiscal avec la métropole: neuvième promesse depuis 1994. Encore une fois, une belle façon de se laver les mains pour le ministre à la Métropole, puisqu'il laisse les autres se commettre à sa place.

En principale, M. le Président: Est-ce que le ministre réalise que tout se passe au-dessus de sa tête et que, si les intervenants n'ont qu'à aller voir les principaux ministres responsables pour défendre leurs dossiers, c'est qu'ils n'ont pas besoin d'un ministre à la Métropole? Coupez dans le gras, qu'ils disent.

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Vous aurez sans doute remarqué, M. le Président, que la question contredit le préambule.

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 40)

M. Ménard: En effet, si ça se passait au-dessus de ma tête, j'aurais raison de m'en plaindre. Mais c'est justement parce que le préambule est faux que ça ne se passe pas au-dessus de ma tête. D'abord, je n'ai jamais voulu écorcher mon bon ami le ministre des régions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: J'ai expliqué, la semaine dernière, qu'avant un budget je ne pouvais promettre plus que ce que j'avais trouvé à date, c'est-à-dire 33 000 000 $, mais que j'espérais bien trouver assez pour les satisfaire dans le courant de l'année, et on m'a, au bout de sept, huit ou 10 questions toujours allant dans le même sens, rappelé que mon collègue avait promis, lui, 3 000 000 $ de plus, mais après que les budgets avaient été faits. Pour le moment, avant les budgets, je ne tenais pas à faire de promesse que je ne pouvais pas tenir, c'est vrai, parce que c'est au moment où on prépare les budgets que je le faisais. Mais j'ai quand même l'intention de le couvrir.

Quant à l'autre chose, je n'ai jamais renvoyé les gens au ministre des Finances sinon pour leur dire que les informations sur lesquelles je basais mon raisonnement et que je leur expliquais, je les tenais du ministre des Finances et de la Commission sur la fiscalité. Remarquez qu'il établit bien, au chapitre 5, à la page 41, que les taxes foncières sont, au Québec, de 19,4 % inférieures à celles de l'Ontario – bien oui, mais c'est parce qu'on a tellement ri que ça a pris du temps – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...mais que, quand je regarde la proportion du produit intérieur brut qui est consacrée, au Québec, pour les taxes foncières, c'est 3,86 %, alors qu'en Ontario c'est 4,88 %, leur signalant que nous assumions, au Québec, à même l'impôt sur le revenu des fonctions que les municipalités assument ailleurs en Amérique et qui nous coûtent très cher puis leur rappelant franchement aussi...

Le Président: M. le ministre. Mme la députée, pas de question? Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Ménard: Moi, je ne lis pas souvent le règlement, mais, la dernière fois que je l'ai...

Le Président: M. le ministre, sur une question de règlement?

M. Ménard: La dernière fois qu'on me l'a lu, on disait qu'on avait le droit de prendre le temps nécessaire pour répondre à la question.

Des voix: Ah!

Le Président: Je m'excuse, M. le ministre, mais je pense qu'on ne lit pas le même règlement, c'est-à-dire qu'il y a un temps limite imparti à la fois pour les questions et pour les réponses, et d'ailleurs le président est équipé pour évaluer cela d'un côté ou de l'autre. Je vous ai indiqué à un moment donné «en conclusion» parce que déjà le temps qui vous est imparti était terminé. Alors, à ce moment-ci, la réponse est complétée, à moins qu'il y ait consentement, sinon je vais céder la parole à un autre député pour une question principale. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Accessibilité des services offerts aux personnes handicapées

M. Copeman: Merci, M. le Président. Le premier ministre se réjouissait, au terme du Sommet sur l'économie, du consensus sur l'appauvrissement zéro, et je le cite: «Que le gouvernement recoure à tous les moyens possibles pour que la réduction du déficit ne se traduise pas par l'appauvrissement des Québécoises et des Québécois qui font partie des plus pauvres de notre société.» Pourtant, la réalité est tout autre. En cette première Semaine québécoise des personnes handicapées, on constate une dégradation des services et une pauvreté chronique chez les personnes handicapées au Québec, dont 30 % vivent sous le seuil de pauvreté. Je le répète, 30 % des personnes handicapées, soit 270 000 personnes, vivent sous le seuil de pauvreté. À cet égard, même le Protecteur du citoyen a mis en garde le gouvernement, et je le cite: «Les coupures budgétaires ne doivent pas avoir pour effet pervers d'accroître indûment la pauvreté de ceux qui vivent déjà sous les seuils de faibles revenus.»

Est-ce que le ministre responsable de l'OPHQ peut enfin reconnaître ce qui est une évidence pour tout le monde, sauf lui, que les coupures massives effectuées par le gouvernement dont il est membre portent atteinte à la capacité des personnes handicapées d'obtenir des services auxquels elles ont droit et de vivre dans la dignité?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je pense que nous sommes tous d'accord que les personnes qui doivent vivre avec un handicap sont parmi les citoyens qui méritent une grande attention et que c'est effectivement des gens qui ont des problèmes, dans plusieurs cas, plus que la moyenne des citoyens du Québec. Nous en sommes très conscients. Il y a un travail important qui a été fait au cours des dernières années en collaboration, entre autres, de très près avec l'Office des personnes handicapées du Québec, et nous serons en mesure très prochainement d'annoncer des actions qui vont contribuer, je pense, de façon significative à commencer à améliorer la situation de ces personnes-là, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, si, selon le ministre, les choses s'améliorent et si ça va si bien que ça, comment se fait-il que la Confédération des organismes de personnes handicapées et l'Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées ont aujourd'hui émis un manifeste dénonçant à la fois la dégradation des services aux personnes handicapées et la pauvreté chronique chez les personnes handicapées? Et à qui est-ce qu'il faut faire confiance, le ministre ou les regroupements des personnes handicapées qui travaillent sur le terrain?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer dans les galeries des représentants, des porte-parole d'organismes de personnes handicapées avec qui j'avais le plaisir, ce matin, en présence du ministre du Travail, de participer au lancement de la première Semaine québécoise des personnes handicapées qui débute aujourd'hui jusqu'au 8 décembre prochain sous le thème du droit à l'emploi. Et j'avais justement l'occasion de faire un bilan de ce nous avons mis en place, notamment à l'égard de l'intégration au travail des personnes handicapées, à savoir, notamment, les 3 000 personnes handicapées qui ont pu bénéficier cette année des services des 23 organismes de main-d'oeuvre qui s'adressent aux personnes handicapées ainsi que les suites du sommet économique qui permettront à 1 050 personnes de participer à des centres de travail adapté.

Je rappelle qu'en 10 ans il y a eu un statu quo au niveau des postes de travail dans les centres de travail adapté. Quand on prend le gouvernement, il y a deux ans, on en est au même niveau qu'on en était en 1985. Il y avait 38 centres de travail adapté qui offraient 1 750 postes. Dix ans plus tard, il y avait 38 centres de travail adapté qui offraient à peine le même nombre de postes d'emploi. Alors, notre intention durant les trois prochaines années est d'offrir à 350 nouvelles personnes, pour un total de 1 050 personnes, ces postes de travail adapté dans les centres de travail adapté en collaboration avec l'Office des personnes handicapées du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, Mme la députée de La Pinière.


Discussions sur l'option souverainiste du gouvernement lors du prochain voyage du premier ministre en Asie

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 27 novembre dernier, la très puissante fédération des organisations économiques japonaises, le Keidanren, qui regroupe au-delà de 1 000 grandes entreprises, a déclaré par la voix de M. Ihara, vice-président de Mitsubishi Electronic Corporation, en réaction aux propos d'un ministre québécois, «qu'il s'est senti envahi d'une profonde tristesse pour le Canada» lorsqu'il a entendu ce dernier parler de séparation...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: ...ajoutant, et c'est moins drôle, qu'«il est possible que nous hésitions à investir au Québec». Le 29 novembre dernier, le premier ministre, loin de rassurer les investisseurs étrangers, en a rajouté, déclarant qu'il profitera de sa participation en janvier prochain à la mission économique d'Équipe Canada en Asie pour parler de la séparation à nos partenaires asiatiques. On se rappellera que le Québec a perdu 2 000 000 000 $ d'investissements en 1995, année du référendum. Est-ce que le premier ministre, lui qui a fait perdre au Québec 54 000 emplois depuis son arrivée au pouvoir, réalise que sa participation à la mission d'Équipe Canada doit viser d'abord et avant tout à encourager les gens d'affaires asiatiques à investir chez nous au lieu de renforcer leurs inquiétudes face à l'instabilité politique qui découle de la séparation?

(14 h 50)

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le groupe d'investisseurs japonais dont vient de parler la députée s'est dit extrêmement surpris par le dynamisme de l'activité manufacturière, a également salué les politiques de compression des dépenses qui ont cours au Canada et en particulier...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je voudrais rappeler à la députée que les livraisons manufacturières du Québec sont présentement à un niveau record, c'est-à-dire à 96 700 000 000 $ par année, et que bien sûr le compliment valait certainement pour le Québec aussi, puisqu'il est à la fine pointe des records qu'il a établis depuis le passé dans ce domaine, de même que le Québec est en train de jouer un rôle considérable dans ces politiques qui ont permis à la Banque du Canada de réduire les taux d'intérêt à leur plus bas niveau depuis 40 ans, ce qui favorise bien sûr la relance de l'emploi, d'où les compliments de ces investisseurs. Et j'ajouterai que la personne en question, interrogée sur la question de savoir si elle était inquiète de ce qui se passait au Québec, a répondu qu'elle n'était presque pas inquiète. Alors, on est loin de la profonde tristesse, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Pour ce qui est du voyage prévu en Asie dans trois pays qui sont la Corée, les Philippines et la Thaïlande, j'ai fait savoir que je ferais partie du groupe de premiers ministres qui feraient cette tournée, puisqu'il y aura beaucoup d'industriels québécois qui feront partie du voyage, que nous allons pouvoir annoncer des créations d'emplois pour le Québec, et je serai très fier de participer à cet effort de création d'emplois. Je n'oublierai pas non plus, bien sûr, que je suis premier ministre et chef du gouvernement, d'un gouvernement qui souhaite la souveraineté du Québec, qui vient de vivre ce grand référendum de l'an dernier qui a intéressé le monde entier. Il est certain que des questions seront posées. Je serai très heureux d'y répondre de façon positive, sachant ce que répond le gouvernement fédéral quand il rencontre seul ces gens dans ses voyages.

Une voix: Oh!

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, mais, maintenant qu'on sait que le premier ministre, en mission de prospection d'investissements en Asie, va se faire un point d'honneur de rappeler que son objectif et celui de son gouvernement, c'est de scinder le Canada, de faire en sorte que le Québec quitte le Canada, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer comment, pour ses interlocuteurs asiatiques, sa réponse peut être positive?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il s'agit d'une mission économique, et le but principal, le but premier de la mission, c'est de signer des contrats qui vont permettre à des industries québécoises de créer de l'emploi au Québec. Mais il se trouve que le monde entier sait qu'au Québec il y a un grand mouvement pour que le Québec puisse accéder à l'épanouissement, à la plénitude de son destin. Tout le monde le sait parce qu'il y a eu un grand référendum démocratique l'an dernier. Les yeux du monde étaient portés sur le Québec, et le monde a retenu son souffle au moment où un nouveau pays allait naître de façon démocratique et pacifique à la frontière américaine. Donc, les gens ont des questions à poser, et je suis un homme poli, je répondrai aux questions, si on m'en pose, quant à savoir pourquoi il y a des gens au Québec qui souhaitent que le Québec devienne un pays souverain, pourquoi il y a des gens au Québec qui veulent que les Québécois assument la totalité de leurs responsabilités et de leurs moyens. Je répondrai correctement. Et je dois dire, M. le Président, que tout le monde sait que, quand les ministres fédéraux se promènent dans le monde, ce n'est pas le genre de discours qu'ils tiennent sur le Québec, sur le mouvement souverainiste, et je serai très heureux, si les gens, par leurs questions, m'en donnent l'occasion, de rétablir la vérité.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer comment son option, lorsqu'il en parle en Asie, facilite l'arrivée d'investissements nouveaux au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, tout le monde sait qu'il y a actuellement au pouvoir à Québec un gouvernement souverainiste et que l'un des thèmes de la prochaine campagne électorale, ce sera de requérir un mandat pour faire un autre référendum sur la souveraineté. Tout le monde le sait, M. le Président. Ça n'a pas empêché, cette année, qui n'est pas encore terminée, d'avoir un total d'investissements étrangers au Québec qui est cinq fois supérieur à celui qu'on avait lors de la dernière année du gouvernement libéral.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Étant donné que l'absence du ministre des Finances se fait cruellement sentir par les paroles du premier ministre, ce dernier ayant indiqué que c'était probablement la suite des décisions que nous avions prises il y a deux ou trois ans – c'est ça qu'il a dit, c'est ce qu'il a dit, oui, oui, c'est ce que le ministre des...

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Bouchard: Excusez-moi, excusez-moi!

M. Johnson: Au-delà du fait que, selon le ministre des Finances, il faut compter deux à trois ans avant que les investissements se concrétisent après que les décisions ont été prises, tout en passant là-dessus, est-ce que le premier ministre, dont on sait qu'il est souverainiste – il ne s'en cache pas – dont on sait que le gouvernement est souverainiste – il ne s'en cache pas – est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer... pas qu'il va aller réitérer sur la place publique asiatique son option personnelle de souveraineté pour le Québec, est-ce qu'il pourrait répondre à la question au lieu d'imiter son ministre des Affaires municipales quand on lui parle, est-ce qu'il pourrait nous dire comment, selon lui, son option et la promotion de son option en Asie amènent les Asiatiques à investir au Québec? Est-ce qu'il pourrait nous expliquer ça? Parce que c'est un des grands mystères de la vie!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, s'il fallait que les Japonais n'investissent que dans les pays qui ne sont pas souverains, je ne pense pas qu'ils investiraient beaucoup. Tous les pays sont souverains, tous les pays normaux, et nous ne serons qu'un pays normal de plus.

M. le Président, j'ajouterai une chose. J'ajouterai, pour calmer ce qui semble bien être des appréhensions du chef de l'opposition quant aux sentiments qui animent les investisseurs japonais, bon, justement après ces déclarations, surtout après la rencontre avec ce ministre qui a plongé quelqu'un dans une tristesse profonde en septembre dernier, bien, Bridgestone, qui est une organisation japonaise, a investi 70 000 000 $ à Joliette au début du mois de novembre. Ça, c'est des faits.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées, mais il y a un vote reporté.


Votes reportés


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement pour sa gestion de l'emploi et de l'économie, l'imposition de taxes et la dégradation des services publics

Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste notamment pour sa gestion médiocre de l'emploi et de l'économie, lui qui affirmait que l'emploi était sa priorité; pour l'imposition de 2 000 000 000 $ en taxes, lui qui affirmait que les Québécois étaient trop taxés; pour la dégradation des services publics, en particulier l'éducation et la santé, lui qui affirmait que son gouvernement serait celui de l'éducation, et blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

(15 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:33

Contre:53

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est rejetée. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Avant d'amorcer les motions sans préavis, je demanderais le consentement de cette Chambre afin que nous puissions tout de suite donner les avis touchant les travaux des commissions, puisqu'il y a deux consultations et qu'il y a des gens qui se sont présentés pour être entendus à ces consultations.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Paradis: Oui, M. le Président, consentement là où il y a des auditions de groupes intéressés.

Le Président: Je voudrais tout simplement qu'on se comprenne. Est-ce qu'il y a consentement uniquement pour donner les avis ou pour que les commissions siègent dès maintenant?

M. Paradis: Il y a consentement pour que les avis soient donnés, que ça siège dès maintenant, les commissions où il y a des groupes qui ont été invités par les parlementaires.

Le Président: Ça va?


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.


Motions sans préavis

Le Président: Alors, ces avis ayant été donnés, nous allons passer maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Motion proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement fédéral pour avoir imposé le bâillon pour adopter le projet de loi C-29 concernant l'additif MMT dans l'essence

M. Cliche: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale blâme le gouvernement fédéral d'avoir imposé le bâillon pour adopter, il y a quelques minutes seulement, le projet de loi C-29 concernant l'additif MMT dans l'essence, en faisant fi de la position formulée par le Québec et les autres provinces canadiennes et avant même qu'une étude sur les impacts du MMT, financée par un organisme fédéral, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, soit complétée.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: ...


Mise aux voix

Le Président: Sans débat? Alors, la motion est adoptée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Souligner la Semaine québécoise des personnes handicapées

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la première Semaine québécoise des personnes handicapées qui se tient du 2 au 8 décembre et dont le thème est "Mon droit au travail".»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Consentement.

Le Président: Il y a consentement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. On souligne aujourd'hui – et ça débute aujourd'hui – la première Semaine québécoise des personnes handicapées. Pour le bénéfice des membres de cette Assemblée, demain est la journée internationale. Alors, le gouvernement a décidé d'intégrer des actions marquant la Journée internationale des personnes handicapées dans une Semaine québécoise des personnes handicapées qui a lieu cette semaine.

C'est une initiative fort heureuse de l'Office des personnes handicapées du Québec et des organismes de défense et de promotion des 900 000 personnes handicapées...

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je demanderais aux collègues qui ont à travailler à l'extérieur de l'enceinte de l'Assemblée de le faire rapidement pour permettre à ceux qui doivent participer aux discussions et aux débats de le faire correctement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je disais que c'était une initiative heureuse de l'OPHQ et des organismes de défense et de promotion des 900 000 personnes, Québécois et Québécoises, vivant avec une situation de handicap, dont un grand nombre des représentants sont ici présents dans les gradins aujourd'hui.

Nous avons, comme société, fait d'énormes progrès depuis une vingtaine d'années au niveau des personnes vivant avec des situations de handicap. Tranquillement pas vite, la société est en train d'éliminer les obstacles à la pleine participation de nos concitoyens vivant avec des situations de handicap à leur plein exercice soit sur le plan social soit sur le plan du marché du travail ou éducatif dans la société québécoise.

M. le Président, je fais la distinction entre des obstacles et des handicaps. Quant à moi, des obstacles que représente, qu'érige la société, devrais-je dire, c'est ces obstacles-là qui font en sorte qu'une personne qui vit avec une situation de handicap n'est pas capable d'assumer pleinement ses fonctions dans la société québécoise. Ce n'est pas en fonction du handicap de la personne, mais, plutôt, c'est en fonction des barrières que la société a érigées à son égard qui font en sorte... tant d'années marginalisées... et faisaient en sorte que ces personnes-là ne pouvaient pas participer pleinement dans la société québécoise.

M. le Président, la Semaine québécoise est un moment propice pour faire de la sensibilisation auprès de tous nos concitoyens quant à la nécessité d'éliminer ces obstacles, d'assurer la pleine participation des 900 000 Québécois et Québécoises vivant avec une situation de handicap. C'est l'organisation de la société qu'il faut changer, c'est l'organisation de la société qu'il faut adapter. Ce n'est pas à la personne qui vit avec une situation de handicap de s'adapter à la société mais bien le contraire.

Malgré l'effort qui a été fait dans les 20 dernières années, les obstacles majeurs demeurent. On peut penser au transport adapté qui, oui, est disponible dans beaucoup de régions à travers le Québec, mais qui éprouve d'énormes difficultés dans plusieurs, entre autres la région de la Communauté urbaine de Montréal et la Communauté urbaine de Québec. Sans parler du transport inter-villes qui demeure largement non accessible pour des personnes handicapées. Pensez à l'accessibilité des immeubles et des lieux publics qui demeure toujours difficile dans la meilleure des circonstances.

On peut souligner plus particulièrement, à cause du thème de cette Semaine, le taux de chômage des personnes handicapées. Presque 40 % des personnes handicapées qui veulent travailler n'ont pas un emploi convenable; 40 %. C'est une honte pour la société québécoise. On peut parler de l'absence de mesures d'employabilité accessibles à des personnes handicapées. On a beau parler des programmes d'employabilité pour essayer de former des Québécois et Québécoises vivant avec des situations de handicap, mais, si physiquement ces mesures d'employabilité ne sont sont pas accessibles à eux, comment est-ce qu'on va améliorer leur capacité d'obtenir des emplois au Québec?

(15 h 10)

On peut même parler de certaines politiques de ce même gouvernement, tristement, qui contribuent à ériger et à renforcer des obstacles dans la société québécoise: des compressions massives dans l'aide sociale; la désassurance de certains services, des limites placées sur certains services, des aides techniques, visuelles, auditives, motrices; l'effet de l'assurance-médicaments sur les personnes handicapées déjà très pauvres, obligées de dépenser 200 $ en franchise et coassurance pour leurs médicaments; l'absence de mesures d'intégration scolaire, des coupures même dans l'intégration scolaire dénoncées par le Conseil supérieur de l'éducation tout récemment; des compressions au maintien à domicile; des compressions dans les services de répit et de gardiennage, M. le Président. Tout ça contribue à renforcer des barrières qui existent.

On peut également parler, sur le plan global, des difficultés avec le transfert des programmes de l'OPHQ vers les ministères. Qui suit ces transferts de programmes là? Qui assure que le financement adéquat se fait au niveau des ministères quand le programme est transféré? Qui assure une coordination? C'est très discutable.

M. le Président, lors de cette semaine, j'ai pris un engagement personnel, auprès de deux organismes majeurs dans le domaine de la défense et de la promotion des intérêts des personnes handicapées, de lire le manifeste qu'ils ont émis aujourd'hui et de le déposer en cette Chambre. C'est un manifeste émis par l'Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AQRIPH, et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN. Le manifeste se lit comme suit, M. le Président.

«Au cours des 20 dernières années, nos gouvernements ont prôné la désinstitutionnalisation ainsi que l'intégration sociale et économique des personnes vivant avec des limitations fonctionnelles.

«Concrètement, l'intégration sociale et économique se définit comme un droit à tous les services et à toutes les mesures de support nécessaires à l'exercice de son rôle de citoyen et citoyenne à part égale.

«Pour une personne ayant une limitation fonctionnelle, cela veut également dire que les diverses instances gouvernementales doivent mettre en place des programmes financiers permettant aux personnes concernées d'avoir accès aux moyens nécessaires afin de pallier à leur déficience et à vaquer à leurs activités quotidiennes, soit éducatives, économiques et sociales.

«Les personnes vivant avec des limitations fonctionnelles représentent 14 % de la population et les politiques mises en place pour favoriser leur intégration en sont encore aux énoncés de principe, ce qui laisse croire qu'elles sont souvent mises à l'écart et ne constituent pas une priorité pour le gouvernement, et ce, même si ce groupe représente 14 % de l'électorat.

«Le travail des organismes de personnes handicapées a été essentiel, voire même vital pour la promotion et la défense des droits des personnes ayant une limitation fonctionnelle. Sans eux, les personnes handicapées seraient encore à croupir aux oubliettes.

«Le travail de ces organismes est très reconnu, particulièrement par l'ensemble des partenaires des différents réseaux, mais il ne se traduit pas par un financement correspondant.

«Le financement des organismes locaux, régionaux ou nationaux est dérisoire. Le gouvernement doit les reconnaître financièrement afin qu'ils puissent défendre adéquatement les droits de leurs membres et permettre à l'ensemble des personnes vivant avec une déficience de reprendre le temps perdu et d'atteindre une vitesse de croisière au lieu de continuellement faire du rattrapage dans le domaine de l'intégration sociale.»

Après un long et éloquent énoncé de considérants, M. le Président, et en regard de ces considérants, l'Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AQRIPH, et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN, demandent une rencontre d'ici le 10 janvier 1997 avec le ministre d'État de l'Économie et des Finances, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le président du Conseil du trésor, la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité ainsi que le président-directeur général de l'Office des personnes handicapées du Québec.

Lors de cette rencontre, les organismes désireront discuter du financement, qui, selon eux, devrait minimalement se définir comme suit: 40 000 $ pour chacune des associations de base des personnes handicapées; 80 000 $ pour chaque regroupement d'organismes de promotion et d'organismes nationaux; 160 000 $ pour les organismes provinciaux de concertation.

Le financement devra également tenir compte des principes suivants, soit la reconnaissance des besoins réels des organismes et la reconnaissance des coûts additionnels inhérents aux incapacités des participants. L'AQRIPH et la COPHAN espèrent qu'une réponse sera à l'image de notre volonté ferme et sans équivoque de supporter les personnes handicapées à travers leur intégration sociale pleine et entière à la société québécoise. M. le Président, ce manifeste parle d'une façon très éloquente quant à la situation criante des besoins des personnes handicapées et de leurs organismes de défense et de promotion.

M. le Président, le désengagement de l'État met énormément de pression sur les organismes communautaires et les ressources alternatives. La désinstitutionnalisation – j'ai toujours de la misère avec ce mot-là – que la société québécoise a faite durant les dix dernières années, sans les ressources alternatives nécessaires, il y a une possibilité que ça devienne la réinstitutionnalisation résidentielle pour les personnes handicapées. Il y a certaines indications que c'est le cas, présentement, que l'effet des compressions fait en sorte que les personnes handicapées ne sont plus hébergées dans des établissements mais elles sont limitées à une vie très restreinte, définie par les frontières de leur maison. Et ça, ce n'est pas plus un avancement pour la société québécoise, nécessairement, que de les canner dans des établissements publics.

M. le Président, un dernier mot sur le thème: Mon droit au travail. La ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité a vanté l'annonce – c'est son droit – de la création de 350 nouveaux postes en CTA pendant les trois prochaines années, pour un total de 1 050. On peut tous ensemble se réjouir de ces 1 050 places, mais, par contre, il faut s'assurer que des efforts déployés dans des centres de travail adapté ne sont pas le seul effort, par la société, pour intégrer des personnes handicapées au marché du travail. Le marché du travail peut être vu par un continuum de mesures. Oui, des centres de travail adapté qui mènent à des contrats d'intégration au travail sur le marché régulier, qui mènent à des postes à long terme, payants et réels dans le marché québécois du travail... Le marché régulier du travail représente la seule vraie réponse à la question du sous-emploi des personnes handicapées au Québec. Et on ne peut pas travailler juste sur un domaine à l'exclusion des autres.

M. le Président, je tiens, en terminant, à féliciter et à remercier les deux coprésidents honoraires de la Semaine québécoise des personnes handicapées, M. Clément Godbout, président de la FTQ, et M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat du Québec, car nous sommes convaincus que la seule vraie façon d'assurer un meilleur avenir pour ceux qui veulent travailler, c'est de le faire par le biais du marché régulier du travail.

(15 h 20)

Alors, aux regroupements des personnes de promotion et de défense des droits et intérêts des personnes handicapées, un gros remerciement, et nous espérons que la Semaine québécoise des personnes handicapées n'est pas uniquement une semaine de sensibilisation, mais se traduira à un moment donné dans des actions et des mesures concrètes du gouvernement du Québec pour améliorer le sort des personnes handicapées au Québec. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je cède maintenant la parole au député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux et aussi responsable de l'Office des personnes handicapées du Québec, je suis très heureux aujourd'hui que, à l'occasion de cette motion, cette Assemblée puisse souligner la tenue de la première Semaine québécoise des personnes handicapées, Semaine qui va se dérouler d'aujourd'hui, le 2, jusqu'au 8 décembre 1996 dans toutes les régions du Québec, sous le thème, comme on le sait «Mon droit au travail».

En 1992, l'Organisation des Nations unies a proclamé le 3 décembre Journée internationale des personnes handicapées et a prié les gouvernements d'apporter pleinement leur concours à la célébration de cette Journée. Conscients que le gouvernement a la responsabilité de sensibiliser la société québécoise aux efforts qui doivent être fournis pour faciliter l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, nous avons institué, cette année, pour la première fois, avec le concours de l'Office des personnes handicapées du Québec, cette semaine complète pour sensibiliser la population sur la situation des personnes handicapées.

Depuis une vingtaine d'années, depuis, en fait, l'adoption unanime par cette Assemblée de la loi qui assurait l'exercice des droits des personnes handicapées, celles-ci ont accès quand même à de meilleurs services, même si on doit reconnaître qu'il y a encore beaucoup à faire. Je profite d'ailleurs de l'occasion, M. le Président, pour féliciter le travail de l'Office des personnes handicapées et de son président, M. Denis Lazure, qui est présent avec nous aujourd'hui et qui a été dans une vie antérieure le porteur de cette loi qui a, entre autres, créé l'Office des personnes handicapées. C'était à l'époque où le Dr Lazure était ministre de la santé et des Affaires sociales, je pense, à l'époque.

Il y a quand même un certain progrès, M. le Président. Le transport adapté est maintenant disponible dans 88 % des municipalités, et les nouveaux immeubles sont en général accessibles aux personnes handicapées. L'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire a progressé plus lentement qu'on le souhaiterait, mais quand même régulièrement et de façon importante suite notamment aux luttes qui ont été menées par les parents et le milieu associatif, dont je salue aussi aujourd'hui l'engagement indéfectible, et plus particulièrement en saluant quelques personnes du milieu associatif qui sont avec nous aujourd'hui, dont Mme Lemieux-Brassard, qui est la présidente de COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Il faut saluer aussi le courage et le dévouement de toutes les familles qui chaque jour prodiguent des soins à un fils, à une mère, à un conjoint qui est gravement handicapé que ce soit par une déficience majeure intellectuelle, physique, psychique ou par des difficultés reliées à l'autisme.

Si, dans l'ensemble, la situation des personnes handicapées s'est grandement améliorée, l'intégration au travail des personnes handicapées n'a pas apporté, il faut le reconnaître, les résultats escomptés, jusqu'à présent. Alors que le Québec, effectivement, affiche un taux de chômage de 12 %, pour les personnes handicapées, c'est près de 40 % de ces personnes qui ne peuvent travailler mais qui veulent trouver du travail et qui sont en chômage forcé. Des personnes handicapées auront un accès à part égale au marché du travail, comme le prévoyait la politique «À part égale» qui a déjà été adoptée en 1984, seulement lorsque sans discrimination ni privilège et équitablement on verra l'écart entre elles et l'ensemble de la population être comblé complètement.

Lors du dernier sommet socioéconomique, le chantier de l'économie sociale a retenu un projet coparainné par l'Association des entreprises adaptées et par l'Office des personnes handicapées, un projet qui vise à développer encore plus le réseau des centres de travail adapté. Et, comme on l'a déjà mentionné, on pourra créer plus de 1 400 emplois dans les CTA, les centres de travail adapté, et plus de 1 000 de ces postes seront occupés par des personnes handicapées. Après une décennie de quasi-stagnation, effectivement, le réseau de 41 CTA du Québec va enfin connaître une expansion importante. Il faut, pour cela, saluer l'initiative et de l'OPHQ et de l'AQEA, l'Association québécoise des entreprises adaptées.

En plus des CTA, les contrats d'intégration au travail, dont l'enveloppe a été doublée au cours des deux dernières années, connaîtront un nouveau développement grâce à la transformation de la prestation de la sécurité du revenu en subvention à l'emploi, et, en cela, je salue encore une fois ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve dont l'initiative dans ce dossier permettra à 900 personnes handicapées prestataires de l'aide sociale de réintégrer le monde du travail et la dignité qui accompagne un statut de travailleur. C'est donc au total environ 2 000 emplois qui s'ouvriront au cours des trois prochaines années pour les personnes handicapées.

Dans l'ensemble, au Québec, nous comptons 900 000 personnes handicapées, et ceux-ci forment 13 % de la population québécoise et ils font partie des forces vives de notre société. Nous avons besoin de leur énergie, de leur créativité et de leur compétence dans tous les aspects et dans tous les domaines de l'activité humaine. Au-delà des programmes déjà existants en centre de travail adapté et en contrat d'intégration au travail, il y a une responsabilité sociale de développer une attitude d'accueil et une ouverture particulière concernant l'embauche des personnes handicapées au sein de l'ensemble des entreprises du Québec.

Voilà pourquoi, M. le Président, nous avons retenu, comme thème de cette première Semaine québécoise des personnes handicapées, l'intégration au travail des personnes handicapées, avec ce thème: «Mon droit au travail». J'invite donc cette Assemblée à adopter la présente motion pour soutenir les efforts déployés afin d'intégrer au travail des milliers de personnes handicapées qui veulent et peuvent travailler et à saluer le courage et la détermination de toutes les personnes handicapées du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg. M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. J'aimerais me joindre au député de Notre-Dame-de-Grâce et au député de Charlesbourg, et au député de Rivière-du-Loup qui va me succéder, si j'ai bien compris, sur le sujet pour aussi partager les points de vue qui ont été précédemment mentionnés. D'abord, remercier et féliciter les différents organismes de personnes handicapées qui sont venus ici aujourd'hui pour célébrer la semaine des handicapés, dont le thème est: Mon droit au travail. Mon droit au travail, évidemment, pour les gens qui sont handicapés, relève d'une difficulté incommensurable et très souvent extrêmement pénible pour chacun d'entre eux.

Mais la vie des personnes handicapées est aussi très difficile pour les familles, et tous ceux qui ont des personnes handicapées dans leur famille savent jusqu'à quel point le handicap physique ou mental dans sa famille peut amener des problèmes qui nécessitent certainement la force de caractère et, je dirais, l'amour des proches des personnes qui sont handicapées. Et je voudrais évidemment profiter de cette occasion pour remercier profondément les familles et les gens qui sont proches des personnes qui sont handicapées. C'est une situation qui est toujours un peu difficile, très difficile même, et évidemment ce n'est pas à l'État, ce n'est pas à un tiers qu'incombe le soin de prendre soin, justement, de la personne handicapée qui est près de nous dans une famille. Eh bien, c'est à chacun et chacune des membres d'une famille d'être près de ces personnes handicapées et de les aider éventuellement, effectivement, à venir rejoindre le marché du travail quand c'est possible et de faire en sorte d'éliminer tous les obstacles bâtis autour d'eux pour leur permettre d'aller sur le marché du travail.

(15 h 30)

Je dois déplorer, M. le Président, toutefois... Il y avait une personne handicapée qui était présidente de l'Office des personnes handicapées, qui était Mme Lise Thibault, une dame qui était paraplégique et qui était un exemple, je dirais, pour l'ensemble des personnes handicapées du Québec, un exemple de courage, un exemple de ténacité, un exemple de force de caractère, aussi. Et je ne peux pas faire autrement que de regretter que le gouvernement ait mis fin abruptement à son contrat, elle qui représentait bien l'organisme qu'est l'Office des personnes handicapées.

Je me rappelle avoir subi des pressions de Mme Thibault au moment où j'étais au cabinet, Mme Thibault qui venait rencontrer les membres du gouvernement pour faire pression en faveur du sort des handicapés. Dans mon cas, c'était l'éducation, l'intégration des jeunes dans le secteur de l'éducation, l'intégration des enfants, aussi, dans le système de transport routier, le transport scolaire conventionnel, mais aussi le transport adapté pour certaines de ces personnes-là, certains jeunes qui souffrent d'un handicap, et aussi la conviction qu'elle mettait à ce travail. Je ne doute pas que l'Office des personnes handicapées réussira, évidemment, à faire en sorte de passer par-dessus la perte d'une personne comme Mme Thibault, mais n'empêche qu'à titre de témoin de cette situation quotidienne de la vie des handicapés Mme Thibault méritait, je pense, un sort meilleur.

Et, là-dessus, M. le Président, je tiens encore une fois à réitérer mon appui entier, total à la motion annoncée ce matin, cet après-midi, plutôt, par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je cède maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, je vais, moi aussi, appuyer cette motion pour souligner la Semaine québécoise des personnes handicapées, pour rendre hommage à l'initiative de l'Office des personnes handicapées d'instaurer cette semaine au Québec, une semaine qui, finalement, vient nous faire penser à 14 % de la population qui vivent durement parfois des réalités fort simples. Un des organismes – d'ailleurs, je les salue, les représentants des différents organismes qui travaillent dans le domaine, de l'AQRIPH, de la COPHAN, qui sont ici – un des organismes en question, chez nous, à Rivière-du-Loup, a organisé, dans le cadre d'un événement qui s'appelait, si je ne me trompe pas, la semaine de la réadaptation, pour sensibiliser des députés, des élus municipaux, des responsables du domaine de la santé, un exercice assez intéressant. Alors, ils nous ont tous créé un handicap. Je vais vous parler de mon cas personnel, vous allez voir qu'on m'a donné la vie dure. Je ne parlais pas, j'avais perdu l'usage de la parole et l'usage de mes jambes. J'étais en chaise roulante. Et ce qu'on me donnait comme mandat était fort simple: il fallait acheter un café puis un timbre à deux endroits différents, d'ailleurs, du centre d'achats pour voir le nombre de contraintes, des choses que je n'avais jamais vues, des petites rampes puis des petits... que dans la vie quotidienne on ne voit même pas. Mais, quand on est pris dans une situation comme ça, on voit le nombre d'obstacles – et le député de Notre-Dame-de-Grâce y faisait référence – auxquels il faut être sensible.

Il n'y a pas de doute qu'il s'est fait du progrès sur ce plan-là au Québec depuis quelques années. Le thème de cette semaine, le droit au travail, est un des thèmes sur lesquels, je pense, il y a des initiatives heureuses qui ont été faites, du progrès qui a été fait. J'ai moi-même eu l'occasion d'intervenir dans les derniers mois en faveur d'un projet qui est le gros bon sens. Ça coûte moins cher au gouvernement de permettre à des personnes handicapées, avec un complément de subvention, d'avoir accès au marché du travail. Ça revient moins cher au gouvernement que de les maintenir sur l'aide sociale. Ça valorise ces personnes-là. Ça les rend utiles en matière de travail. Ça leur donne une valorisation. Il y a toutes les raisons de le faire. Et le gouvernement, finalement, après plusieurs démarches, semble avoir accepté cette logique-là, et on va espérer que ça va se rendre au bout en termes de résultats.

Mais l'accès au travail des personnes handicapées a un préalable, en fait, je devrais dire a des préalables nombreux. Il y a beaucoup d'autres choses qui doivent venir avant: des services en matière d'éducation, de transport, toute une gamme de services qui font qu'on peut arriver au marché du travail. Et, dans ces domaines-là, il y a plusieurs organismes sur le terrain, des gens qui ne sont pas dans des tours à bureaux, qui ne sont pas dans le monde théorique, des organismes qui travaillent directement sur le terrain auprès des personnes handicapées et qui mettent, à mon avis, malheureusement, par la force des choses, par les contraintes qu'on leur impose, qui sont forcés de mettre trop de leur énergie dans la recherche du financement. Puis, avec la multiplication des structures présentement, les secrétariats, etc., les régies régionales, ces gens-là doivent dépenser en proportion une quantité de leur énergie à aller chercher des fonds pour fonctionner, alors qu'il y a tant de besoins: il y a des files d'attente devant leurs portes, il y a des besoins tellement nombreux, il y aurait tant à faire autre que de courir après le financement sans cesse dans différentes structures.

J'espère que l'occasion qui nous est fournie, cette semaine-là, va être une occasion pour le gouvernement... Et je comprends que, dans l'ensemble du ministère de la Santé, le ministre a une foule de contraintes et se fait placer des obligations au niveau budgétaire et qu'il a un énorme ministère. Mais j'espère que durant une semaine il y aura concentration des énergies et de l'attention sur la situation des personnes handicapées et sur la question, aussi, des organismes qui travaillent directement sur le terrain avec ces personnes-là. Ces personnes-là ont demandé des rencontres avec des porte-parole du gouvernement, de l'OPHQ pour faire valoir des points de vue qui me semblent tout à fait légitimes dans le cadre du travail essentiel qu'ils font, et je souhaite ardemment que la semaine en question en soit une pour tous les intervenants dans le domaine, en particulier pour le ministre de la Santé et ses conseillers immédiats, pour concentrer des efforts en cette matière-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Ministre des Affaires municipales et responsable de l'habitation, et c'est à ce titre que je veux intervenir aujourd'hui pour appuyer, bien sûr, la motion déposée par le député de Notre-Dame-de-Grâce à l'occasion de cette semaine québécoise des personnes handicapées. Nous avons tous eu l'occasion au cours des dernières années d'être en contact avec des représentants des associations, que je veux saluer également aujourd'hui, qui sont avec nous, et la direction, le président-directeur général de l'OPHQ et son adjoint, qui sont avec nous aujourd'hui à l'occasion de cette première semaine des personnes handicapées au Québec, sur le thème «Mon droit au travail».

Alors, oui, dans la lignée, M. le Président, de ce qui vient d'être dit du côté de l'opposition officielle, mais aussi du côté du député de Rivière-du-Loup, en plus de souligner le travail exceptionnel qui est réalisé par des associations de personnes handicapées et par des familles et des personnes qui entourent, il faut également intervenir avec des gestes concrets. Il faut, tout comme l'a souligné la ministre de l'Emploi et de la Solidarité aujourd'hui, prendre des mesures réelles, concrètes pour favoriser l'intégration des personnes handicapées dans notre société, parce que, sans cela, nous sommes à gaspiller littéralement le potentiel des hommes et des femmes qui, à la naissance ou à l'occasion d'un accident, se sont retrouvés avec un handicap et qui aujourd'hui existent, sont dans notre société avec leurs pleines qualités mais d'une façon différente des autres personnes. Alors, il faut passer, à l'occasion de cette semaine, bien sûr, à l'appui des familles de ces 900 000 personnes handicapées au Québec, de la parole aux gestes. La Société d'habitation du Québec et moi, comme ministre responsable de l'habitation, nous sommes responsables d'un programme fort important, parce que, bien sûr, il faut toujours favoriser l'intégration des personnes dans un poste de travail dans la société soit au niveau de l'éducation soit au niveau des organismes de loisir, par exemple.

Eh bien, il en demeure, M. le Président, qu'il y a un élément bien fondamental à la vie, c'est celui de la résidence, celui du domicile, là où l'on réside, et le député de Rivière-du-Loup soulignait avec beaucoup d'à-propos que, ayant été invité à avoir cette expérience d'une personne qui n'avait pas l'usage de ses jambes et l'usage de la parole, eh bien, il y a foule de petits détails dont on ne se rend pas compte en termes de difficultés lorsqu'on est une personne pouvant utiliser ces deux éléments-là par rapport à une personne handicapée. Alors, imaginons ce que cela veut dire dans le domicile lorsqu'on se retrouve dans une situation où on n'a pas la possibilité d'avoir accès à un certain nombre de facilités, des facilités quotidiennes, des facilités à chaque heure pour les repas, pour les besoins de la vie quotidienne, lorsqu'on ne peut pas avoir accès de façon facile à ces premières nécessités de la vie.

(15 h 40)

Eh bien, M. le Président, avec la Société d'habitation du Québec et avec l'Office des personnes handicapées, nous avons, au cours des années, développé un programme pour aider à l'adaptation du domicile des personnes qui sont concernées par cette situation-là. À chaque année, et cette année en particulier, nous allons consacrer 4 200 000 $ à aider les personnes qui ont besoin d'adaptation de domicile. Cependant, il faut reconnaître que, pour l'ensemble des personnes qui souffrent d'un handicap et qui auraient besoin d'aide au niveau de l'adaptation de leur domicile, la liste d'attente est extrêmement longue. Elle est extrêmement longue, compte tenu des argents que nous pouvons investir. Eh bien, ce 4 200 000 $, il suffit à peine pour répondre, je dirais, à peu près à 15 % à 20 % des demandes des personnes handicapées dans notre société.

À l'occasion du Sommet sur l'économie et l'emploi, le gouvernement a fait un effort assez magistral, on l'a dit tantôt, pour développer 1 100 postes de travail au niveau des CTA, des centres de travail adapté, mais également 900 postes supplémentaires aussi au niveau des subventions pour l'intégration au travail, et j'ai eu l'occasion d'être – comment dire – pressé, et le mot est faible, en particulier par le défenseur de tous les temps des personnes handicapées au Québec, le Dr Lazure, qui est venu invectiver littéralement le ministre responsable de l'habitation pour lui dire de faire un effort spécial au niveau de l'adaptation de domicile, compte tenu de la longueur des listes d'attente, et tous les députés de tous les côtés de la Chambre ici ont certainement reçu des personnes, dans leur bureau, qui se plaignent au début de la lenteur du processus, mais en réalité qui correspond à une faiblesse du budget.

C'est pourquoi j'annonce avec plaisir aujourd'hui que nous allons, d'ici le 1er avril prochain, ajouter une somme de 2 000 000 $ de façon à permettre à 600 autres ménages, 600 autres personnes handicapées d'avoir droit à une subvention pour l'adaptation de leur domicile, ce qui va porter notre subvention et le programme d'aide cette année à 6 200 000 $. Nous le faisons en réaménageant nos différents budgets au sein de la Société d'habitation du Québec pour nous permettre aujourd'hui de dire aux personnes handicapées: Nous réalisons concrètement, nous passons de la parole au geste et nous investissons 2 000 000 $ supplémentaires d'ici le 1er avril prochain pour permettre à 600 nouvelles familles d'avoir accès à un programme d'adaptation de domicile, ce qui nous permet aussi, en annonçant cette bonne nouvelle aux personnes handicapées, de dire que nous allons réaliser cette performance, en quelque sorte, avec la collaboration de l'Office des personnes handicapées du Québec. Nous aurons besoin de leur concours, de leur secours pour identifier les personnes qui sont le plus en demande au niveau du Québec. Et également, on peut le signaler à tous les députés de cette Chambre, pour tous les députés de quelque circonscription qu'ils soient, ils pourront référer les personnes à la Société d'habitation du Québec.

Mais je vais en profiter aussi, M. le Président, en cette Semaine des personnes handicapées et à l'annonce de la bonification de ce programme, pour remercier – on l'oublie souvent – les mandataires, les organismes qui collaborent avec nous pour l'adaptation des personnes qui souffrent de handicap au Québec au niveau de leur domicile. Alors, il y a au-delà de 200 mandataires qui collaborent avec nous, des municipalités, des MRC. La presque totalité des MRC au Québec agissent pour la Société d'habitation à un coût minime, parce que ce travail-là, si on l'administrait de façon, disons, classique, il nous coûterait très cher. Grâce au concours des MRC, on obtient des résultats très satisfaisants. Également, remercier les gens dans les CLSC qui agissent pour nous et qui également travaillent pour livrer le programme auprès des personnes handicapées.

M. le Président, 2 000 000 $ de plus – ça va porter notre budget à 6 200 000 $ – 600 nouvelles familles, et je souhaite vivement que d'ici quelques mois nous soyons appelés à adopter une nouvelle réforme de nos programmes d'habitation. J'indique déjà que l'esprit du ministre est habité par une proposition visant à bonifier encore davantage le programme d'aide à l'adaptation des domiciles pour les personnes handicapées du Québec, parce que nous avons besoin d'aide, et 30 mois sur une liste d'attente, oui, c'est inacceptable pour nous, et nous voulons réduire cette liste de façon marquée jusqu'à répondre à tous les besoins des personnes handicapées au Québec, parce que, avoir un domicile adapté, il nous semble que c'est une condition de vie minimale pour se retrouver dans une situation normale, une situation qui nous amène à la productivité, pour profiter du talent des personnes qui aujourd'hui peut-être vivent avec un handicap, mais qui peuvent apporter beaucoup à la société. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales et ministre de l'habitation. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, j'aimerais déposer, avec le consentement des membres, le manifeste auquel j'ai référé pendant le débat sur la motion, manifeste de Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées et de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec qui s'intitule «Pour un financement décent», M. le Président.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Donc, votre manifeste est déposé, M. le député.


Mise aux voix

Alors, est-ce que la motion présentée par le député de Notre-Dame-de-Grâce est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Compte tenu de l'importance de la motion et de façon à permettre à tous nos collègues de pouvoir se prononcer sur cette importante motion du député de Notre-Dame-de-Grâce, je demande un vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, qu'on appelle les députés, s'il vous plaît.

(15 h 46 – 15 h 55)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Je me répète: Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!

Merci. Alors, nous allons maintenant mettre aux voix la motion déposée par le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale souligne la première Semaine québécoise des personnes handicapées qui se tient du 2 au 8 décembre et dont le thème est "Mon droit au travail".»

Que les députés en faveur veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Bélanger (Anjou), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce qu'on accepte le vote de M. Gobé, du comté de LaFontaine?

Le Secrétaire adjoint: M. Gobé (LaFontaine).

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:74

Contre:0

Abstentions:0

Des voix: Bravo!

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je déclare que la motion du député de Notre-Dame-de-Grâce est acceptée, et j'inviterais les députés qui travaillent en commission parlementaire à bien vouloir se retirer dans la plus grande discrétion possible.

Alors, M. le leader du gouvernement, vous appelez quelle motion sans préavis? Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Souligner la Journée mondiale du sida

M. Rochon: M. le Président, je sollicite le consentement des membres dans cette Chambre afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale du sida ayant pour thème cette année "Unis dans l'espoir".»

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il y aurait consentement pour deux intervenants de part et d'autre. C'est ça?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, je demanderais quelques secondes pour prendre connaissance du texte de la motion du ministre de la Santé et des Services sociaux, qui n'est pas le texte que le bureau du leader nous avait communiqué. Je ne vois pas de problème majeur. Simplement 30 secondes pour comparer les deux textes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre quelques secondes afin de permettre au leader de l'opposition de prendre connaissance de cette motion.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 3)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux sur la motion sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Chambre afin de présenter la motion suivante. Je la lis au complet:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale du sida ayant pour thème cette année "Unis dans l'espoir, puisse la force de la vie s'accomplir malgré et par-delà les préjugés et les croyances".» Voilà.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Juste pour confirmer, M. le Président, que relativement à cette motion il y aurait entente pour qu'il y ait deux intervenants de part et d'autre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, vous acquiescez?

M. Paradis: Tout en préservant le droit de réplique de M. le ministre, j'imagine, s'il y a lieu?

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il y a lieu. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, on sait qu'à chaque année, depuis maintenant 1988, le 1er décembre est consacré à la Journée mondiale du sida. Cette journée, en nous rappelant les quelque 6 000 000 de personnes qui sont décédées du sida depuis le début de cette épidémie, vise à nous sensibiliser à l'importance de continuer nos efforts afin de vaincre cette terrible maladie. Cette année, sous le thème «Unis dans l'espoir», car, partout à travers le monde les peuples sont invités à se mobiliser autour de la journée mondiale, pour la première fois sans doute depuis le début de l'épidémie il nous est enfin permis d'entrevoir un peu d'espoir. En effet, si nous sommes encore loin d'avoir trouvé le vaccin qui permettrait de prévenir l'infection par le VIH, la découverte de nouveaux médicaments permettrait de prolonger la vie des personnes qui sont atteintes par le sida. En ce sens, nous avons fait un grand pas vers l'espoir.

Toutefois, et loin de moi l'idée de jeter une ombre sur cette lumière que nous entrevoyons enfin, il nous faut quand même doser notre enthousiasme lorsque nous examinons ces progrès dans une perspective d'ensemble. Nous avons dit et souvent répété que le sida ne connaît pas de frontière, qu'il frappe sans égard au statut social, au sexe et à la race. Aujourd'hui même, comme chaque jour au cours de l'année, il y aura 8 500 nouveaux cas d'infection par le VIH à travers le monde, soit environ 1 000 enfants de moins de 15 ans. Depuis le début de l'épidémie, des statistiques nous démontrent de façon éloquente l'ampleur de ce fléau. Ainsi, plus de 9 000 000 d'enfants ont perdu leur mère à cause du sida. À travers le monde, c'est presque 22 000 000 de personnes qui vivent actuellement avec le VIH, et les femmes représentent désormais 42 % des personnes infectées. Par ailleurs, 8 000 000 de cas de sida ont été déclarés depuis le début de l'épidémie, dont 6 000 000 sont déjà décédés.

Les pays en voie de développement représentent plus de 90 % des cas de sida, mais l'épidémie continue partout dans le monde à décimer des individus, des familles et des communautés. Le Québec n'échappe évidemment pas à cette triste réalité. En date du 30 septembre dernier, on estime à plus de 10 000 le nombre de personnes infectées par le VIH au Québec. De plus, depuis le début de l'épidémie, 4 646 cas de sida ont été déclarés au Québec, dont plus de la moitié sont décédés aujourd'hui. Le sida touche encore majoritairement les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, c'est-à-dire 70 % des cas environ, toutefois c'est au Québec que se retrouve plus de 50 % du nombre de femmes et d'enfants atteints du sida au Canada. Le sida est encore la première cause de décès chez les hommes et les femmes âgés de 20 à 49 ans au centre-ville de Montréal.

Ces chiffres, encore qu'ils ne révèlent rien du drame qui est vécu par ces milliers de personnes et par leurs proches, suffisent quand même à démontrer que nous devons continuer à mettre tout en oeuvre pour lutter contre le sida.

Depuis près de 15 ans, le Québec s'est résolument engagé dans cette voie. De multiples partenaires, provenant de tous les secteurs de la société, participent quotidiennement à la prévention du VIH et à la prestation de soins et de services aux personnes vivant avec le VIH ou avec la maladie, le sida. Cette année, le ministère de la Santé et des Services sociaux a coordonné une vaste consultation afin de dresser le bilan de la phase III du plan d'action québécois de lutte contre le sida. Parmi les constats, notons que le Québec s'appuie aujourd'hui sur une solide infrastructure qui est animée par les actions concertées du gouvernement, des milieux communautaires, du réseau de la santé et des services sociaux et des milieux de la recherche. Dans toutes les régions du Québec, des services de prévention sont accessibles et différents programmes sont développés afin de prévenir la transmission du VIH.

Si certains indices nous indiquent néanmoins que des progrès ont été enregistrés en ce qui a trait aux connaissances, tant aux connaissances qu'aux comportements d'ailleurs, force est de constater que l'épidémie progresse, progresse encore et particulièrement au sein de groupes déjà aux prises avec beaucoup de difficultés comme la discrimination, la pauvreté et la violence. Je pense ici, entre autres, aux homosexuels, aux utilisateurs de drogues par injection et aux jeunes en difficulté. En dépit de tous les efforts consacrés à prévenir le VIH parmi ces groupes, nous devons admettre que les résultats ne sont pas encore assez concluants.

Sur le plan des soins et des services, la phase III du plan d'action de lutte contre le sida aura permis, par la reconnaissance du rôle des organismes communautaires dans la lutte contre cette maladie, de favoriser une meilleure prise en charge des personnes qui vivent soit avec le virus soit avec la maladie, et une prise en charge dans leur communauté même. De plus, grâce aux efforts combinés du réseau hospitalier, des groupes communautaires, des maisons d'hébergement, des CLSC et des cliniques médicales spécialisées, les personnes vivant avec le VIH ou le sida ont accès à une gamme de soins qui favorisent le plus possible leur maintien dans leur milieu de vie naturel. Toutefois, plusieurs défis nous attendent dans les prochaines années afin de répondre à la demande et aux besoins croissants des personnes qui vivent avec le virus ou avec la maladie.

M. le Président, il me fait plaisir d'annoncer aujourd'hui que nous mettons en oeuvre, à compter du 1er avril prochain, une nouvelle stratégie québécoise qui constituera la phase IV du plan d'action de lutte contre le sida. À bien des égards, les objectifs que nous poursuivrons au cours de cette phase IV permettront d'ajouter aux acquis des plans d'action précédents qui ont été mis en oeuvre depuis 1985, bien sûr, cela, en tenant compte de l'évolution de l'épidémie, du contexte socioéconomique et de la réorganisation actuelle du système de santé au Québec.

(Panne d'électricité)

(16 h 10 – 16 h 35)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, avant la panne d'électricité, nous étions en train d'entendre le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux sur sa motion pour souligner la Journée mondiale du sida. Alors, M. le ministre, vous aviez, à votre temps, quatre minutes d'écoulées. Je vous prierais de bien vouloir continuer, s'il vous plaît.

M. Rochon: Merci, M. le Président. J'en étais à rappeler les objectifs de la stratégie de la phase IV du plan d'action de la lutte contre le sida. Il y en a quatre principaux, soit: de prévenir l'infection par le VIH, et ce, en tentant de rejoindre de façon prioritaire la communauté gaie, les utilisateurs de drogues par injection et les jeunes en difficulté; un deuxième objectif est de favoriser l'accès au continuum de soins et de services, dont surtout l'hébergement; le troisième objectif vise à préserver autant que possible la qualité de vie des personnes qui doivent vivre avec le VIH ou avec le sida et, finalement, de réaliser ces objectifs en stimulant l'environnement de façon à maximiser les efforts en prévention et les efforts qui sont faits pour assurer les soins et les services.

En toile de fond de ces objectifs, la nouvelle stratégie veut permettre de se rapprocher davantage des besoins des personnes, et cela suppose d'adapter encore mieux nos services de même que les interventions qui sont faites. En ce sens, plus que jamais, M. le Président, la concertation entre les institutions et les intervenants est nécessaire et sera encouragée pour faire converger les actions. Plus que jamais, il importe de s'appuyer sur des programmes existants qui peuvent influencer positivement et avoir un impact sur les efforts de prévention. Plus que jamais, il faut favoriser des approches multidisciplinaires plus globales et plus près de la diversité des problèmes que vivent les gens qui ont ce problème de santé important.

La phase IV de la stratégie, en s'inspirant de la politique générale de santé et de bien-être, voudra agir en amont des problèmes et travailler sur l'environnement. En bref, on veut favoriser un terrain d'accueil plus propice à la prévention et à la prise en charge des personnes. M. le Président, la collectivité québécoise a démontré depuis longtemps son engagement et sa ténacité à relever le défi du sida. Grâce à la collaboration des milieux communautaires, des organismes et des établissements du réseau de la santé et des services sociaux et de toutes ces personnes qui travaillent quotidiennement, souvent dans l'ombre, à prévenir et à soigner, grâce enfin aux personnes mêmes atteintes de cette maladie et qui continuent à se battre, nous sommes à même de traduire en gestes concrets le sens du message «Unis dans l'espoir».

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg. Alors, M. le chef de l'opposition, à vous la parole.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci beaucoup, M. le Président. Très brièvement. Le lendemain de Noël, un 26 décembre il y a de nombreuses années, moi, j'ai perdu un très proche collaborateur; il était porteur du virus, il est mort du sida. J'ai vu, dans les mois qui ont précédé la fin de sa vie, combien ça pouvait être pas seulement virulent, comme disent les scientifiques, mais c'est une maladie qui était violente. Elle était violente. J'en ai été le témoin, de voir quelqu'un qui, dans la très jeune trentaine, un homme exceptionnel, de le voir faire preuve d'un courage hors du commun, de passer par tous les sentiments, celui probablement de l'incompréhension de voir que ça lui arrivait à lui, le désespoir qui s'ensuit, la rage, pourrions-nous dire, et, éventuellement, la reprise de l'espoir, la sérénité, le calme, l'espoir logé notamment dans ces traitements qu'il suivait, ces médicaments qu'il devait prendre avec une régularité, moi, qui m'avait absolument renversé. Il avait même réglé sa montre, je m'en souviens, pour diverses heures de la journée auxquelles il prenait des médicaments, et toute affaire cessante. Ce n'était pas une question de dire: Dans trois minutes, dans cinq minutes. Sur-le-champ, il procédait, évidemment avec toute la discrétion dont il pouvait faire preuve, à l'ingurgitation d'un médicament qui lui était prescrit.

(16 h 40)

Alors, j'ai donc été témoin de très, très proche du fait que c'est une maladie qui ne fait pas beaucoup de discrimination. Ce n'est pas discriminant; des gens de toutes les régions, de tous les milieux, de toutes les conditions sociales, et pour plusieurs raisons – c'est ce qu'on ignore – sont frappés. Et, si la maladie ne fait pas preuve de discrimination, moi, je prétends que nous ne devrions pas faire preuve de discrimination à l'endroit des gens qui, eux, sont touchés par cette maladie-là. Il ne nous appartient pas de juger, d'aucune façon, du sort qui les touche, de ce qui leur arrive. Il est extrêmement important que nous fassions porter notre attention sur toute l'information qu'on peut rendre disponible – c'est vrai pour tellement de maladies à caractère épidémiologique comme celle-là – que nous nous penchions sur les mécanismes les plus accessibles de prévention et que nous le fassions savoir, que nous nous penchions également et que nous mettions les moyens qu'on peut dans la guérison de ceux qui sont atteints.

Il est évident qu'on doit faire beaucoup plus pour tellement de maladies qui frappent des centaines, des milliers, des millions de concitoyens et d'être humains, mais il est bien évident que, dans le cas de ceux qui sont porteurs du virus du VIH, des sidéens, on doit surtout s'attarder à souhaiter que nous trouvions rapidement des raisons pour eux d'éprouver de l'espoir dans ce qui les attend et les frappe. Dans ce sens-là, le thème qui a été retenu cette année, «Unis dans l'espoir», devrait tous nous faire réaliser qu'on a tous une pierre à apporter lorsqu'il s'agit d'édifier la grande maison dans laquelle on habite, que nos expériences sont des sources de sagesse tout autant que de tristesse, comme celle que je relate aujourd'hui, et qu'on ne devrait jamais perdre de vue que c'est le sort individuel de ceux qui sont atteints par ces maladies si cruelles qui devrait nous retenir, retenir notre attention, notre sensibilité et évidemment nous amener à déployer tous les moyens possibles pour empêcher que d'autres ne soient frappés, mais pour surtout faciliter la vie de ceux qui sont atteints de cette maladie si terrible.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. M. le député.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, il y a très exactement 11 ans aujourd'hui, je devenais député en cette enceinte. Je ne vous demande pas de fêter cet anniversaire, mais, si je le dis, c'est pour rappeler à tous que, quand, il y a 11 ans, je suis devenu député de cette circonscription que vous connaissez tous, j'ai été fort probablement – et je vous avoue ne pas en tirer beaucoup de gloire, parce que tellement c'est pénible – le premier, sans doute, parlementaire à être immédiatement interpellé par cette terrible pandémie qu'est le VIH-sida, et rappelons-nous que nous étions en 1985 et qu'en 1985 nous connaissances sur cette terrible maladie étaient bien moindres que celles que nous avons aujourd'hui.

Nous avions devant nous un mystère, un immense trou noir que l'on voyait s'agrandir quotidiennement, hebdomadairement, mensuellement. C'étaient, à l'époque, quelques rares individus, mais on savait que le nombre irait en croissant, et c'étaient des amis, des compagnons de travail ou des compagnons de combat politique, si je peux employer ce terme, et la caractéristique, forcément, était qu'ils étaient tous – et c'est une expression consacrée – dans la fleur de l'âge, c'est-à-dire au moment où un individu a assumé une majeure partie de ses choses et est encore prêt énormément à donner à sa collectivité, à sa société et à son pays. Et voilà que commençaient à disparaître jour après jour ces figures qui étaient aimées et connues.

Un immense trou noir, M. le Président, puisque, lorsque, dans quelques années, nous ferons le tour des cimetières non pas uniquement du Québec, mais de bien des pays du monde, on se demandera: Mais que s'est-il passé durant cette période de l'humanité où cet incroyable nombre d'inscriptions sur les monuments funéraires portant en moyenne l'âge de 30 ans, 40 ans? Un peu, malheureusement, comme quand on va dans certains pays d'Europe où vécut la Deuxième grande Guerre, la date de naissance peut varier, mais la date de décès est toujours la même: 1943, 1944, 1945.

Et, M. le Président, ayant été, comme je vous le disais tantôt, un des tout premiers interpellés lorsque l'Organisation mondiale de la santé a décidé de décréter une journée mondiale de lutte contre le sida, je me suis empressé de présenter une résolution identique à l'Assemblée nationale de façon à ce que cette Assemblée puisse en parler, que cette Assemblée puisse démystifier des choses, que cette Assemblée puisse, puisque c'est une tribune tout à fait exceptionnelle, sensibiliser l'ensemble de nos compatriotes à cette terrible maladie, d'une part, mais, deuxièmement, aux conditions atroces qui entourent cette maladie. Heureusement, les temps changent, et j'y reviendrai tantôt, M. le Président.

Au départ, l'espérance de vie était malheureusement de deux ans, à l'occasion trois ans, quatre ans maximum. C'était forcément l'exclusion. C'était un amoncellement de préjugés venant de partout, à la fois du milieu de travail, du milieu hospitalier. Et je ne le dis pas sous forme de blâme. Lorsqu'on est confronté à l'inconnu, il y a forcément une réaction de crainte.

Donc, voyant arriver une chose nouvelle, dangereuse, inconnue, dramatique, bien des gens étaient dans le désarroi, mais le plus grand désarroi était vécu d'abord et avant tout par celles et ceux qui étaient atteints et qui savaient qu'à brève échéance ils allaient mourir. Il y avait donc, entourant la condition de santé dans laquelle ils...

(Panne d'électricité)

(16 h 49 – 16 h 52)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Et je crois que c'était M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui avait la parole, alors nous allons lui redonner la parole pour qu'il termine son intervention. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie. Il va de soi que je ne ferai pas de l'humour avec cela parce que ce serait très mal placé, mais c'est au moment où je vous disais que cette terrible pandémie du sida était un immense trou noir dans l'histoire de l'humanité que toutes les lumières de notre Assemblée nationale se sont éteintes et que nous avons été plongés effectivement dans le noir. Donc, il y a peut-être une symbolique qu'il nous faut retenir.

Je vous disais tout cela, M. le Président, tantôt parce que, oui, il nous fallait, à l'Assemblée nationale, parler de ce sujet, démystifier les craintes, tenter d'apporter des corrections aux comportements de certains qui, comme je vous le disais, face à l'ignorance que nous avions au tout début de cette maladie... Eh bien, certains de ces comportements étaient des comportements de rejet, des comportements d'exclusion, ce qui provoquait comme résultat que les personnes atteintes qui souffraient en plus dans leur corps de cette terrible maladie souffraient du phénomène d'isolement, et rien n'est plus dramatique que de se sentir coupé à la fois de tout mais également coupé de tous.

Combien de jeunes ou peut-être de moins jeunes, au moment où ils ont été atteints par cette maladie, ont été malheureusement abandonnés par leurs amis ou reniés par leur famille alors que c'est à ce moment qu'ils auraient eu encore beaucoup plus besoin du réconfort de l'amitié et de cet amour familial? Mais il existait à cette époque – il existe malheureusement encore, mais fort heureusement beaucoup moins – ces comportements à l'intérieur des familles et des cercles d'amis où on les savait malades et atteints, mais on ajoutait la culpabilisation et surtout le jugement moral, d'où l'importance de la thématique de cette année.

Donc, M. le Président, je déposais il y a quelques années cette motion de façon à ce que nous puissions, nous, comme parlementaires, qui avons une certaine influence – du moins, j'ai la prétention de le croire – auprès de nos concitoyens, leur dire qu'il faut faire une lutte sans merci à cette maladie qui emporte les meilleurs parmi nous et malheureusement les plus jeunes – je répète ma phrase – ceux qui sont et qui étaient dans la fleur de l'âge, et de dire aux gens: Cessez d'avoir ces comportements qui provoquent l'exclusion, le rejet et qui amènent à l'isolement.

Il faut également, M. le Président, penser au désarroi qui entourait ceux qui étaient restés près de ces compagnons de vie et on doit se rappeler d'ailleurs ce magnifique film américain qui s'intitulait A Long-Time Companion , où, pour la première fois au cinéma, on a montré quel était le tragique de la perte dans le cas d'un couple gai, la perte du conjoint et l'exclusion faite, entre guillemets, par la belle-famille de ce conjoint qui vivait avec celui atteint et décédé. Il n'avait pas droit d'être au salon funéraire, il ne figurait pas parmi la liste des proches dans la chronique nécrologique que la famille faisait inscrire dans les journaux. Certaines familles plus hasardeuses que d'autres employaient cette expression: Il laisse dans le deuil également «a long-time companion», un compagnon de longue date. Les mots étaient encore tabous. Combien de familles se sont refusées à dire que leur enfant était mort du sida?

Finalement, on lui volait même sa mort, et je l'ai vécu personnellement par la mort d'un ami d'enfance que je n'ai apprise que six mois plus tard. On avait déclaré qu'il était mort d'une pneumonie, qui était sans doute la cachette, si vous me permettez, la plus usuelle et la plus utilisée. On m'avait volé le décès d'un ami que j'avais le droit de pleurer comme tous.

Je vous le dis, heureusement les comportements ont changé. Je ne dirai pas que tout est parfait, ce serait mentir, mais les comportements ont changé, les comportements ont évolué, et c'est peut-être dû aussi à cet esprit tout à fait particulier que nous avons, nous, les Québécois, peut-être est-ce dû au fait que nous sommes minoritaires dans un pays sur un continent, donc nous sommes peut-être plus sensibles face à ces choses, que finalement ce soit plus accepté et mieux accepté, du moins par une plus grande partie de la population, que cela peut se retrouver ailleurs.

(17 heures)

Le deuil vécu lorsqu'il s'agit d'un proche, d'un compagnon, eh bien, hier, à Montréal, cela a été fait par le centre Pierre-Henault, qui a organisé une journée de deuil collectif, une journée où plusieurs intervenants, des représentants des différentes confessions religieuses étaient présents et tentaient d'aider ceux qui avaient vécu cette perte cruelle d'un être cher, d'un être proche, d'un être aimé, et de les aider à assumer ce deuil. Est-ce qu'on assume complètement un deuil, M. le Président? Je crois que, non, on ne l'assume jamais complètement, il reste toujours une brisure, une meurtrissure dans le coeur qui ne se cicatrise pas. Mais, entre n'avoir rien pour passer à travers... Eh bien, il y a eu hier, à Montréal, cette journée tout à fait spéciale, à laquelle plusieurs centaines, si ce n'est milliers de personnes, toutes langues, toutes races, toutes confessions confondues, toutes professions confondues, se sont rassemblées, organisée, je vous le disais, par le Centre Pierre-Henault grâce à une subvention que M. le ministre de la Santé et des Services sociaux a eu la générosité de verser. Et je crois que c'était là une subvention bien versée et bien donnée.

M. le Président, en 1985, l'espérance de vie était, en moyenne, de quatre ans, peut-être cinq ans, dans le meilleur des cas. Aujourd'hui, les progrès de la science rendent les choses... j'hésite à employer le mot «meilleures», puisque cela est très relatif, mais nous voyons maintenant quotidiennement – et c'est mon lot, dans ma circonscription – des gens qui sont porteurs du VIH, sida, et qui ont, depuis le diagnostic, déjà traversé le cap des 10 ans, 12 ans, 15 ans, voire même 16 ans, grâce aux progrès de la médecine, qui ne sont pas des progrès complets. Grâce à la recherche pharmaceutique, nous en sommes aujourd'hui à une espérance de vie plus forte. La possibilité, pour celles et ceux qui sont atteints, de pouvoir continuer à vaquer à leurs occupations, leur profession, donc continuer d'être productifs, d'être utiles, d'être nécessaires à la vie collective, à la vie nationale.

M. le Président, et sans aucun doute notre collègue, porte-parole de l'opposition en matière de santé, le député de Robert-Baldwin, en parlera tantôt – et c'est des préoccupations que je partage, sans aucun doute, avec lui, et ce sont des préoccupations que partage avec nous le ministre de la Santé et des Services sociaux, le député de Charlesbourg, notre collègue le Dr Rochon – il y a, actuellement une crainte, de la part des personnes atteintes, au sujet du coût des médicaments. Dans le cas de cette maladie, comme dans le cas de bien d'autres, la médication coûte énormément cher. Nous avons eu un exemple triste en cette Chambre, que nous regrettons, qui est notre ancien collègue de Pointe-aux-Trembles, M. Bourdon, qui souffrait de sclérose en plaques. Et nous savons que la médication, lorsque, malheureusement, on est atteint de cette maladie, est chère, extrêmement dispendieuse.

Dans le cas des personnes atteintes du sida, cette médication nouvelle, formidable, exceptionnelle, qui d'ailleurs, si elle était apparue peut-être un peu plus tôt, aurait permis au chef de l'opposition – et j'étais heureux de l'entendre intervenir là-dessus – de pouvoir conserver un adjoint en qui il avait une énorme confiance et qui était une personne d'une grande compétence et de grande qualité, puisque je le connaissais. Mais sa qualité ne lui venait pas du fait que je le connaissais, c'était vraiment quelqu'un de bien, comme on dit.

Eh bien, si ces médicaments que l'on a maintenant, aujourd'hui, qui sont porteurs d'espoir – parce qu'il faut toujours garder espoir – avaient été disponibles à ce moment-là, probablement que le chef de l'opposition aurait encore comme membre de son cabinet cette personne qui est décédée à un âge d'ailleurs où on ne souhaite voir personne mourir.

Ces médicaments ont un coût prohibitif. Plusieurs personnes s'inquiètent en disant: J'aurai peut-être potentiellement à dépenser 700 $, 800 $, 900 $, voire même 1 000 $ lorsqu'il arrivera le temps d'aller chercher cette prescription de médicaments dont j'ai besoin, que je dois prendre à des intervalles réguliers.

J'étais heureux d'ailleurs de voir le chef de l'opposition rappeler cette anecdote de son conseiller qui avait une montre avec un chronomètre, parce que, effectivement, tous les médecins vont vous le dire, le médicament doit être pris vraiment à des intervalles très fixes. On ne peut pas se permettre de jouer en termes même de quart d'heure ou de demi-heure.

M. le Président, je peux assurer cette Chambre, puisque le ministre m'en a assuré personnellement, qu'aucune des personnes qui ont besoin de ce médicament ne se verra refuser le médicament ou subira de retard dans l'obtention du médicament pour uniquement des causes financières ou administratives. Le ministre m'en a donné l'assurance. J'ai retransmis d'ailleurs hier, auprès de tous les organismes qui sont impliqués dans la lutte contre le sida, notamment auprès des gens du CPA VIH, à Montréal, qui sont probablement un organisme fort agissant, et des gens de Québec qui étaient avec nous par le truchement de la télévision, que, non, le pire ne viendra pas. Soyez rassurés. Il n'est pas dans l'intention d'un gouvernement comme le nôtre de jouer avec la santé de personnes atteintes.

Et, la deuxième, il y a des tests de charge virale qui actuellement sont donnés à l'Hôtel-Dieu, et l'Hôtel-Dieu cessera, comme vocation, de les donner d'ici quelque temps. Là encore, M. le Président, je peux vous donner l'assurance, à vous et à l'ensemble de mes collègues de l'Assemblée nationale, mais d'abord et avant tout à mes frères et mes soeurs qui sont atteints du sida, que là aussi les correctifs seront apportés en temps et lieu, et suffisamment tôt pour que personne ne voie son état de santé mis en danger, M. le Président. C'est un engagement ferme que le ministre m'a communiqué hier, et je l'en remercie.

M. le Président, pour conclure très brièvement, la lutte n'est malheureusement pas terminée. Je ne sais pas où est la fin du tunnel, mais il y aura une fin du tunnel dans la mesure où chacun d'entre nous ici, à cette Assemblée, continuera d'avoir cette préoccupation et tant et aussi longtemps que tous, notamment ceux qui entourent les personnes atteintes, conserveront l'espoir, parce que l'espoir, M. le Président, ça aide aussi à faire vivre. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de supporter cette journée extrêmement importante, journée mondiale, pour les patients qui souffrent de cette terrible maladie, les patients, mais aussi leur famille. M. le Président, j'ai pensé me faire un peu l'écho de certains patients qui, dans un article extrêmement bien fait de Mme Isabelle Paré, du journal Le Devoir , ont manifesté ou manifestent des craintes légitimes – le titre de l'article: «Les séropositifs craignent le nouveau régime» – pour qu'on puisse vraiment ici même, à cette Assemblée, passer des messages pathétiques aux personnes qui doivent prendre les décisions.

(17 h 10)

Alors, à quatre semaines de l'entrée en vigueur du nouveau régime d'assurance-médicaments, bien des questions restent en suspens pour les personnes atteintes par le virus du sida. Le nouveau régime suppose un transfert complet de la distribution des médicaments des hôpitaux aux pharmacies, un transfert qu'on craint semé d'embûches.

J'aimerais citer le témoignage de M. Jacques Grégoire, président du Comité des personnes atteintes du VIH: «On ne sait pas si les pharmacies auront des stocks suffisants pour répondre aux besoins de la clientèle. À Montréal, il y a des milliers de gens qui, du jour au lendemain, vont aller en pharmacie pour avoir leurs médicaments.» Alors, il y a beaucoup d'inquiétude, M. le Président.

M. Jean-Pierre Bélisle, militant actif pour la défense des droits des personnes atteintes par le VIH: «Ce que je crains, c'est que les pharmacies n'aient pas ces médicaments et qu'il y ait un flottement au début de janvier. Arrêter – et là je cite le nom du médicament – le saquinavir pendant quelques jours, ça peut être très dangereux.»

Une autre patiente, une jeune femme séropositive qui a demandé de garder l'anonymat: «Je vais certainement aller à une pharmacie qui est habituée à traiter avec des personnes atteintes du VIH. Je n'ai pas le goût d'aller – et elle nomme une chaîne de pharmacies – où on va m'appeler tout haut par mon nom pour me dire que ma prescription d'AZT est prête.» Toutes les difficultés entourant la confidentialité, je pense qu'il y a des gens qui se questionnent encore, M. le Président.

Le fait d'être couvert par un régime d'assurance privé, rare privilège pour des personnes affectées par le VIH, deviendra un affreux boulet pour des milliers d'hommes et de femmes vivant avec le VIH. Dès 1997, les individus couverts par un plan privé devront vider leurs poches pour obtenir leurs médicaments et attendre patiemment le remboursement de leurs assureurs. Pour plusieurs personnes atteintes du VIH, l'heure est à la consternation. Je pense que ce serait important qu'on puisse avoir des réponses à ces inquiétudes.

Et enfin, pour un seul mois, le coût du traitement combiné – l'AZT, le 3TC et le saquinavir, trois agents antirétroviraux maintenant prescrits en combinaison – atteint au bas mot 1 100 $, et à cela viennent s'ajouter d'autres dépenses médicamenteuses pour combattre les infections, dont la note peut facilement atteindre un autre 400 $. Alors, on cite ici: «Quand j'irai à la pharmacie en janvier, la facture montera maintenant à 1 400 $ et à 1 500 $. Je ne sais vraiment pas où je trouverai cette somme.» Et le titre de cet article est «La bourse ou la vie».

M. le Président, j'ai voulu, à travers ces quelques instants, souligner les inquiétudes des patients qui sont atteints par ce virus, et, même si on fait des discours où on veut souligner de façon internationale cette journée, il faut d'abord et avant tout et au-delà des discours soutenir ces patients, et particulièrement ceux qui sont atteints du sida, mais aussi toute leur famille. Je pense qu'on a expliqué tantôt... Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a mentionné l'isolement dans lequel certains patients doivent se retrouver.


Motion d'amendement

Alors, ce que je souhaiterais, ce serait simplement, ensemble, de bonifier cette motion en ajoutant, après le mot «croyances», «et qu'à cette fin elle demande au ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il modifie le régime d'assurance-médicaments pour répondre aux besoins pressants des personnes atteintes de cette maladie». M. le Président, j'ai les deux documents pour supporter cette demande.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez déposer l'amendement.

Nous allons suspendre quelques minutes pour examiner la recevabilité et puis nous pourrons reprendre nos débats par la suite. Alors, nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

(Reprise à 17 h 53)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité de l'amendement

Après avoir pris en considération l'amendement et avoir analysé sous tous ses angles le rapport avec la motion qui était devant nous, j'arrive à la conclusion que cet amendement est irrecevable. Il introduit un principe nouveau, et la façon de détecter cela, c'est que cette proposition peut vivre en elle-même de façon tout à fait indépendante de la motion principale. Alors, devant cette décision, cet amendement est irrecevable.


Reprise du débat sur la motion principale

Nous revenons donc à la motion principale, et je crois que les intervenants avaient terminé, à moins qu'il y ait d'autres interventions. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Conformément à ce que vous nous dites, j'aimerais faire la motion que, à cette fin, suite...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, je n'ai pas... Vous voulez présenter quoi actuellement?

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui.

M. Paradis: Peut-être de façon à permettre d'accélérer nos travaux, compte tenu des pannes...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Compte tenu des nombreuses pannes d'électricité qui ont retardé nos travaux cet après-midi, M. le Président, est-ce que je pourrais proposer au leader du gouvernement la solution suivante: étant donné et compte tenu de votre décision que l'amendement comme tel puisse constituer une motion qui se porte d'elle-même, que nous puissions, à ce moment-ci, disposer par un même vote des deux motions qui sont devant l'Assemblée nationale? Nous pourrions ainsi, avant 18 heures, adopter les deux motions et ne pas reprendre le débat sur une autre motion qui est souhaitée – et je l'indique au leader du gouvernement – par beaucoup de députés ministériels, entre autres ceux qui sont intervenus sur cette motion, peut-être à l'exclusion du ministre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement, brièvement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Ça prend un certain toupet de la part du leader de l'opposition officielle pour faire une telle représentation. C'est vrai qu'il y a eu des pannes d'électricité, pour lesquelles il n'a pu rien faire ou dont il n'est pas responsable...

Une voix: Ah!

M. Bélanger: ...mais, pour ce qui est de l'amendement, on a vu venir le coup de loin. On connaît ses tactiques et ses stratégies, qui sont parlementaires, mais non, on va terminer le débat. Le débat est terminé. Qu'on vote cette motion, et puis, s'il veut en présenter une autre, il la présentera et il demandera le consentement de la Chambre à ce moment-là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà. C'était tellement inhabituel, je me demandais quel était le sens de l'intervention. Là, je viens de la comprendre. Mais je dois vous dire que nous devons d'abord disposer de la motion qui est devant l'Assemblée.


Mise aux voix

Alors: «Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale du sida ayant pour thème cette année "Unis dans l'espoir, puisse la force de la vie s'accomplir malgré et par-delà les préjugés et les croyances".»

Que ceux qui sont en faveur de cette motion...

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée? Alors, adopté. Alors...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Alors, j'aimerais faire la motion suivante:

«Que l'Assemblée...»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une motion sans préavis, une autre motion.

M. Marsan: «Que l'Assemblée nationale demande au ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il modifie le régime d'assurance-médicaments pour répondre au besoin pressant des personnes atteintes de cette terrible maladie: le sida.»

Des voix: Adopté.

M. Bélanger: Pas de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?

M. Bélanger: Pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il n'y a pas de consentement. Alors, nous terminons les motions sans préavis, et j'inviterais le leader du gouvernement...

M. Bélanger: Oui, aux motions sans préavis.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pardon?

M. Bélanger: Aux motions sans préavis.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Substituer le nom de M. Gérard R. Morin à celui de M. Michel Bourdon comme parrain du projet de loi n° 209

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le nom de M. Gérard R. Morin soit substitué à celui de M. Michel Bourdon comme parrain du projet de loi n° 209, Loi concernant des fédérations, conseils centraux et syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (C.S.N.).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Bélanger: Adopté.

M. Paradis: Oui. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...le leader du gouvernement sait sans doute qu'il s'agit d'une motion débattable. Maintenant, s'il pouvait nous donner les raisons qui motivent cette modification, peut-être pourrions-nous faire l'économie d'un débat sur cette motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais peut-être renseigner le leader de l'opposition – peut-être qu'il était absent quand c'est arrivé – et lui apprendre que le député de Pointe-aux-Trembles, Michel Bourdon, a quitté. Peut-être qu'il était absent à ce moment-là et n'était pas au courant. Alors, à ce moment-là, puisque c'était le député de Pointe-aux-Trembles qui était le parrain du projet de loi... Ça s'est toujours fait comme ça, c'est par simple motion, qui, en théorie, je le reconnais, est débattable mais qui n'a jamais été débattue en cette Chambre. C'est une simple formalité, à ce moment-là, de mettre un autre député parrain du projet de loi. Alors, s'il veut faire de la procédurite là-dessus, qu'il en fasse. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Moi, je ne comprends pas que le leader du gouvernement prenne le mors aux dents soudainement, là. Tout le monde est au courant que le député de... peut-être pourrons-nous disposer de sa motion rapidement. Mais s'il continue à s'énerver, M. le Président, nous devrons à ce moment-là en débattre plus longuement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, M. le leader du gouvernement, rapidement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition sait très bien que cette chose se fait tout simplement. Quand un député en exprime le désir auprès de sa formation et qu'il désire à ce moment-là remplacer un autre député qui est tout simplement le parrain ou celui qui propose le projet de loi, alors il s'agit, à ce moment-là, pour la formation ministérielle, de décider si, oui ou non, nous le substituons. Alors, oui, M. le Président, nous désirons substituer le député, que ce soit le député, maintenant, de Dubuc qui soit celui qui présente le projet de loi au lieu de l'ancien député de Pointe-aux-Trembles.

Alors, tout en gardant mon calme, si le leader de l'opposition veut débattre du choix du député de Dubuc en cette Chambre, eh bien, à ce moment-là, que voulez-vous, c'est le règlement. Il est permis de le faire. S'il veut faire cela, qu'il le fasse, M. le Président.

(18 heures)

M. Paradis: On peut attendre la prochaine...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, si vous voulez... Je vous inviterais, s'il vous plaît, là... À l'ordre! S'il vous plaît! Est-ce que vous voulez débattre de cette motion, oui ou non?

Une voix: Ha, ha, ha! Non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Moi, M. le Président, je ne voudrais pas que nos propos soient interprétés de façon négative par le député qui est désigné, mais je dois constater que le leader du gouvernement nous dit: Il s'agit d'une prérogative du gouvernement, nous exerçons cette prérogative, puis on ne veut rien savoir de vous dire pourquoi on a choisi celui-là. Il pourrait nous dire qu'il a des qualités, qu'il connaît le projet de loi, qu'il veut le défendre, qu'il veut se porter à la défense des gens, etc., mais il ne nous le dit pas.

Présentement, qu'il s'acquitte donc de ses fonctions, qu'il nous donne l'information; nous éviterons le débat, ça va être adopté. Maintenant, pourquoi avez-vous choisi ce député-là, M. le leader du gouvernement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, avez-vous une réponse à ça?

M. Bélanger: Oui, M. le leader de... M. le gouvernement...

Une voix: M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: M. le Président, pardon. À écouter le leader de l'opposition, des fois, on se croirait dans une farce, parce que, franchement, je crois que tout simplement j'ai exprimé que le député de Dubuc désirait présenter le projet de loi, et, quant à moi, ce sont les seuls arguments que je vais soumettre. Si le leader de l'opposition désire faire un débat là-dessus, qu'il le fasse, mais il le fera tout seul.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Donc, il n'y aura pas de débat ou il y aura débat? Non? Pas de débat? Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président.

M. Lefebvre: M. le Président, avant qu'on passe à autre chose...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint...

M. Lefebvre: ...puis je pense que c'est important de le rappeler, on commence les travaux intensifs, c'est l'article 32: que chaque député soit à sa banquette. Je remarque que M. le député de Gouin n'est pas à sa banquette...

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Il est actuellement 18 heures, et nous allons suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Bonjour, monsieur. Alors, nous poursuivons les affaires courantes. Nous sommes toujours à la rubrique Motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, comme il n'y a plus de motions sans préavis, nous allons passer à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, à compter de maintenant.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader.

Alors, nous allons maintenant passer à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. Excusez-moi, j'ai oublié de lire l'avis... C'est à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine que cette commission va se réunir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, concernant la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Parfait.


Affaires du jour

Alors, nous avons terminé les affaires courantes et nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 13. M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 77?

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Nous venons de constater que le leader du gouvernement a appelé le projet de loi n° 77. M. le Président, je ne sais pas si cet appel est conforme aux règlements de l'Assemblée nationale. En effet, M. le Président, l'article 236 de notre règlement est impératif. Vous le connaissez bien, M. le Président, il se lit comme suit: «Le débat sur l'adoption du principe du projet de loi est inscrit aux affaires du jour de la séance suivant soit sa présentation, soit le rapport de la commission.» Comme il s'agit d'un projet de loi qui, en vertu de l'article 235, a été déféré en commission pour consultations, que ces consultations ont eu lieu jeudi de la semaine dernière et que ce n'est qu'aujourd'hui que le rapport a été déposé à l'Assemblée nationale du Québec, le règlement prévoit qu'on se doit de donner le temps aux parlementaires de prendre connaissance du contenu dudit rapport, d'où les dispositions impératives de l'article 236 du règlement qui prévoient que ce n'est qu'à une séance ultérieure qu'on peut procéder, comme tel, à son adoption, M. le Président.

Dans les circonstances, je vous demanderais d'appliquer les dispositions impératives de l'article 236 et de demander au leader du gouvernement d'appeler l'item suivant qu'il avait prévu à l'ordre du jour et de rappeler demain, une fois que les parlementaires auront eu le temps, conformément à notre règlement, de prendre connaissance du contenu dudit rapport, de se prononcer en connaissance de cause sur ledit rapport.

Même le ministre, M. le Président, n'a pas eu le temps, comme tel, lui non plus, de prendre connaissance dudit rapport de la commission.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je reconnais bien le leader de l'opposition. Quand on ne veut pas débattre d'un sujet, on regarde, on s'applique à ce moment-là à la lettre du règlement...

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je n'ai imputé aucun motif au leader du gouvernement. Je ne voudrais pas qu'on commence à s'imputer des motifs de part et d'autre, parce que je pourrais, M. le Président, renchérir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je retiens votre intervention, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je vous demanderais de suspendre quelques instants. Nous allons, à ce moment-là, nous assurer que le règlement est respecté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, je suspends les travaux de l'Assemblée quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 10)

(Reprise à 20 h 18)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, j'ai eu l'occasion d'entendre les arguments de part et d'autre et j'accepte l'argument du leader de l'opposition, de sorte que nous ne procéderons pas en vertu de l'article 13 de notre feuilleton. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 15 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 15, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 237... Excusez-moi.

Alors, il n'y a absolument aucun consentement pour déroger à l'article 237. Sur l'adoption du principe du projet de loi n° 79, y a-t-il des interventions? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Simplement pour rappeler au leader du gouvernement... Je comprends qu'il y avait eu oubli de sa part et que nous étions supposés procéder sur une loi qui faisait en sorte que... Le ministre de la Sécurité publique et le député de Frontenac, leader adjoint de l'opposition officielle, étaient supposés débattre d'une question. Maintenant, à partir du moment où il appelle un autre projet de loi, la tradition parlementaire veut que l'opposition en soit prévenue avec un délai raisonnable de façon à permettre au critique de l'opposition officielle, en l'occurrence le député de LaFontaine, d'être présent.

Je demande donc à ce moment-ci au leader du gouvernement de faire en sorte que cette tradition, en début de session intensive, où la collaboration est essentielle entre les groupes parlementaires... de façon à permettre au député de LaFontaine de se joindre à nous pour pouvoir entendre les arguments de l'autre côté. Et il y a également d'autres collègues qu'il nous faut prévenir de façon à ce que, s'ils souhaitent intervenir sur ce projet de loi, ils puissent le faire. C'est la façon dont le Parlement fonctionne depuis plus de 200 ans, et j'aimerais simplement que cette tradition soit maintenue, M. le Président, à la veille d'une importante réforme parlementaire.

(20 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, que répondez-vous à cette demande de respect de tradition?

M. Bélanger: Oui. M. le Président, toujours pour me mettre dans le même esprit de cette réforme parlementaire qui s'en vient à grands pas, le leader pourrait peut-être parler avec son cabinet. Il était mention, à ce moment-là, il avait été fait mention que, si nous ne procédions pas à la Loi de police, c'est-à-dire le projet de loi tel que présenté par le ministre de la Sécurité publique, eh bien, nous aurions procédé à ce projet de loi.

Donc, la tradition, l'esprit, la lettre de cette tradition qui, je crois, nous tient à coeur à tous les deux a été respectée, M. le Président, et je suis un peu... Je comprends que le leader de l'opposition n'avait peut-être pas prévu, à ce moment-là, que si rapidement on procède à ce projet de loi. Mais, bon, et voilà, nous y sommes maintenant et nous sommes prêts à continuer le débat, M. le Président. Et je ne vois absolument pas pourquoi, parce que, finalement, le leader de l'opposition ne s'est pas préparé au deuxième projet de loi, nous devrions suspendre à ce moment-ci. Nous sommes prêts au débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, vous aurez compris – et votre expérience vous permet de le comprendre – que le leader du gouvernement, il a commis une erreur. Nous ne pouvions présumer de votre décision quant à l'erreur commise par le leader du gouvernement. Et ce qui était prévu, c'est que, pour les prochaines heures, le ministre de la Sécurité publique et le député de Frontenac, qui est son critique, discutent du projet de loi. Dans les circonstances, de façon à maintenir... Et, moi, je peux aller faire des vérifications, comme il me le suggère, auprès de mon cabinet. Et je vais le faire de bonne foi, M. le Président. Mais si jamais on n'avait pas été prévenus qu'on devait débuter, vers 20 h 20, un autre projet de loi... dans les circonstances, je demande simplement à ce que la tradition s'applique, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Toujours dans ce même esprit de tradition qui m'anime et qui nous anime tous, M. le Président, en ce moment-ci et surtout au moment où on commence une session intensive, je comprends donc que le leader de l'opposition va me donner consentement pour déroger à l'article 236, et, à ce moment-là, nous pourrons commencer le débat sur ce projet de loi important. Je vois même le député de Frontenac qui est prêt à donner la réplique au ministre de la Sécurité publique. On est prêts à faire le débat. Pourquoi faire perdre le temps de cette Chambre, M. le Président, et suspendre alors que déjà le critique de l'opposition est là, le ministre est prêt à faire le débat? Je ne comprends pas, M. le Président.

Je comprends que l'article 236 nous empêche, mais allons-y, M. le Président. Qu'il me donne le consentement pour déroger à l'article 236 et commençons le débat. Le député de Frontenac me fait signe qu'il est prêt à commencer et qu'il veut commencer à l'instant même, et le ministre de la Sécurité publique est prêt aussi. Alors, pourquoi faire perdre le temps à cette Chambre, M. le Président? Et ça donnera peut-être le temps, à ce moment-là, au député de Brome-Missisquoi de vérifier avec son cabinet, mais, au moins, on pourra commencer le débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que, M. le leader de l'opposition, vous êtes prêt à consentir à...

M. Paradis: M. le Président, nos règles sont inscrites au règlement. Le leader du gouvernement est en fonction depuis suffisamment de temps, il devrait connaître ces règles. Il n'a jamais été, entre les deux cabinets ou entre les deux leaders, question de consentement préalable à la discussion que nous avons eue quant à une dérogation à l'article 236. C'est dans ce sens-là, M. le Président, que nous vous avons fait des représentations. Vous avez rendu une décision. Votre décision, tout le monde doit s'y conformer. Au moment où nous nous parlons, il n'y a qu'une seule question que nous devons trancher: Est-ce que, en ce début de session intensive, le leader du gouvernement va avoir le minimum de respect de ce qui existe depuis toujours dans notre Parlement, de donner aux parlementaires d'un côté comme de l'autre le temps de se préparer à un débat? Et ce n'est pas un temps déraisonnable qui est demandé. Et, s'il maintient son attitude, en vertu d'autres articles du gouvernement, pour rappeler à un leader du gouvernement qui veut bousculer à ce moment-ci l'opposition officielle, qui veut priver les parlementaires de leur droit d'avoir un délai raisonnable pour se prononcer sur un projet de loi, je vous demanderai d'intervenir d'office, à moins que le leader ne revienne à de meilleurs sentiments.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, mes sentiments ne peuvent être meilleurs. Au contraire, ce qui m'anime, c'est cet esprit de réforme, et je dirais même cet esprit des Fêtes qui s'en vient. Et je profitais simplement de l'ouverture qui m'a été faite par le leader de l'opposition. C'est lui-même qui m'a fait cette ouverture, et il trouvait tout à fait dommage que, alors que le député de Frontenac est là, prêt avec ses documents, que le ministre de la Sécurité publique est prêt à débattre de l'important projet de loi, alors que les deux sont en Chambre, prêts à débattre et qu'ils me faisaient part que c'était dommage qu'à cause, justement, de l'article 236 nous ne puissions procéder... Et lui-même me l'a fait remarquer, M. le Président, article qui, on le sait, est rarement utilisé en cette Chambre, mais que le leader de l'opposition, à bon escient, a constaté qu'il existait et qu'il devait être, à ce moment-là, respecté.

Mais je comprends que, d'un autre côté maintenant, M. le Président, on est prêt à faire le débat. Et c'est le leader de l'opposition qui me fait l'ouverture, qui me dit que, finalement, c'est dommage qu'on ne puisse commencer le débat maintenant. Alors, pourquoi ne pas commencer? C'est dans cet esprit que je faisais cette remarque, sans vouloir d'aucune façon bousculer l'opposition officielle. Tout ce que nous voulons dans cette Chambre, je crois – et c'est dans l'esprit encore de cette réforme parlementaire – c'est de faire perdre le moins possible de temps à cette Chambre et de pouvoir commencer un débat. Et, comme je suis certain que le député de Frontenac veut le faire présentement... Il est là, il est prêt à faire ce débat. Le ministre de la Sécurité publique aussi est prêt à le faire.

Mais, encore là, M. le Président, je me demande pourquoi on suspendrait à ce moment-ci alors que... Le député de Brome-Missisquoi connaissant si bien son règlement, sachant qu'à partir du moment que 236, il allait l'invoquer et qu'on allait le faire respecter, il savait à ce moment-là qu'on ferait appeler d'autres projets de loi, à moins qu'il aurait... Peut-être préférerait-il qu'on suspende ou qu'on ajourne les travaux de la Chambre, mais je crois, au contraire, que ça serait contraire, tout à fait, à ce début de période intensive. On a un menu législatif quand même considérable. Alors, c'est pour ça, moi, tout simplement... Le député de Brome-Missisquoi m'a fait l'ouverture, m'a fait la proposition. Alors, c'est pour ça, moi, que je vous demandais... Qu'il me donne le consentement à déroger à 236, et on pourra commencer l'important débat immédiatement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. On peut continuer ce débat ou cet échange pendant une dizaine de minutes. C'est le temps – on m'informe – requis pour que le député de LaFontaine se joigne à nous et que nous puissions réparer les erreurs du leader du gouvernement et poursuivre dans le calme et la sérénité les débats, ce soir, à l'Assemblée nationale. Les pouvoirs qui sont contenus à l'article 2 de notre règlement vous permettent cette suspension de 10 minutes qui serait nécessaire pour préserver le droit des parlementaires. Maintenant, je vois le leader du gouvernement qui fait signe que: Non, je ne consentirai à rien; il n'est pas question d'attendre 10 minutes la venue du député LaFontaine ni d'aucun autre député. M. le Président, dans les circonstances, moi, je suis prêt à plaider pendant 10 minutes le droit des parlementaires.

Maintenant, connaissant votre objectivité et la fonction qui est la vôtre de préserver ces droits des parlementaires, je m'en remets à votre bon jugement et je vous demande de suspendre les travaux pour 10 minutes.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Si, finalement, 10 minutes permettent au leader de l'opposition de trouver son porte-parole et peut-être, à ce moment-là, de préparer convenablement le débat, c'est évident que je vais consentir. Je peux comprendre qu'il a été pris par surprise par son propre argument. Alors, à ce moment-là, d'accord, consentons à 10 minutes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, pour le bien des travaux de l'Assemblée, je tiens à vous remercier, M. le leader du gouvernement, d'acquiescer à la demande du leader de l'opposition. Et nous allons suspendre les travaux, selon l'horloge Duquet, jusqu'à 20 h 35 min.

(Suspension de la séance à 20 h 29)

(Reprise à 20 h 41)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Projet de loi n° 79


Reprise du débat sur l'adoption du principe

L'Assemblée reprend le débat ajourné le 27 novembre dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. Je vous rappelle que le ministre du Travail, le 27 novembre 1996, a fait une intervention d'une durée de 17 minutes, entre 12 h 18 et 12 h 35. Alors, l'intervention du ministre étant expirée, je demande s'il y a d'autres intervenants en cette salle. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Comme nous reprenons un débat suite à un réaménagement par le leader du gouvernement des travaux parlementaires qui étaient prévus pour ce soir – et je n'impute pas de motifs à la présence ou à l'absence du ministre du Travail comme tel, possiblement qu'il avait quelque chose d'autre de prévu à son agenda – est-ce qu'on peut savoir du leader du gouvernement, compte tenu qu'on connaît l'importance de ce projet de loi pour le ministre, que le député de LaFontaine, qui est le critique, a fait les efforts dans la période de 15 minutes pour se retrouver à l'Assemblée nationale, si le leader a fait les efforts pour rejoindre le ministre du Travail de façon à lui permettre d'entendre les porte-parole de l'opposition et sans doute les nombreux porte-parole gouvernementaux qui souhaiteront s'exprimer sur cet important projet de loi?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je voudrais tout de suite rassurer le leader de l'opposition, qui s'inquiète beaucoup que le ministre du Travail ne puisse pas entendre toutes les paroles du député de LaFontaine, alors je veux juste rassurer le leader de l'opposition que le ministre sera parmi nous d'ici quelques instants. Mais, à ce moment-ci, le député de LaFontaine peut déjà commencer son intervention. Je me ferai un devoir de lui rapporter le verbatim exact de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Tel que je l'ai mentionné tout à l'heure – j'avais suspendu les travaux jusqu'à 20 h 35 – alors, M. le critique officiel et député de LaFontaine, je vous cède la parole. Vous avez un temps de parole de 60 minutes, tel que le prévoit notre règlement. Alors, M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Avant de commencer mon intervention sur ce projet de loi très important pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses québécois, j'aimerais vous demander... Et là je fais appel à votre sens du parlementarisme, vous qui êtes un député d'expérience qui occupez un poste important pour la défense de cette institution qui est le Parlement québécois: M. le Président, est-ce qu'on pourrait rappeler à l'ordre les députés qui font désordre à ce moment-ci, étant donné qu'on va parler d'un projet de loi qui touche la santé et sécurité au travail, qui touche des travailleurs qui sont démunis, qui sont mal pris, qui connaissent des drames familiaux et sociaux? Et j'entends les députés en face faire un peu chahut. Je trouve que c'est manquer de respect envers ces gens qui sont assujettis à cette loi que nous allons réformer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Au moment où on se parle, M. le député de LaFontaine, je n'entends point de mots en cette salle et je vous demanderais de bien vouloir continuer, s'il vous plaît.

M. Gobé: Alors, M. le Président, je crois comprendre que vous décidez de laisser aller les gens qui chahutent en face et qui font des remarques...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de LaFontaine, si vous le permettez, ce soir j'ai l'intention de présider seul. Alors, s'il vous plaît, veuillez me laisser travailler. À ce moment-ci, je vous demanderais de débuter votre intervention, que je vais suivre avec beaucoup d'à-propos et beaucoup d'assiduité, et, s'il y a, de l'autre côté, des députés qui vous empêchent de faire votre travail de député, soyez persuadé... D'ailleurs, vous me connaissez suffisamment bien pour savoir que je n'ai point de crainte à remettre quiconque à l'ordre. Alors, M. le député.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, sur la question de règlement, au moment où vous vous êtes levé, le silence était revenu. Mais, au moment où le député de LaFontaine vous a demandé de rappeler à l'ordre certains députés, il y avait eu de la turbulence qui venait de l'autre côté. Et si les gens sont assez honnêtes, ils vous diront que j'ai raison de vous l'indiquer, M. le Président, et, sur ce, je m'en remets à vos derniers propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. Alors, nous allons poursuivre nos travaux dans l'ordre. M. le député de LaFontaine.

M. Bélanger: M. le Président, peut-être...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, peut-être uniquement, M. le Président, à l'article 32, je pense, peut-être, à ce moment-là, que tous les députés devraient être assis à leur place.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons appliquer notre règlement à la lettre. J'ai vu des deux côtés, M. le député. Alors, s'il vous plaît, rejoignez votre place, et du côté ministériel également. Et, une fois que nous aurons bien situé tout le monde, nous pourrons débuter nos travaux dans l'ordre.

Alors, merci à vous tous. M. le député de LaFontaine, nous vous entendons.

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Et je tiens à vous remercier pour votre intervention, bien sûr, car, en effet, le projet que nous allons aborder ce soir est un projet de loi qui est très important pour une grande partie de nos concitoyens, nos compatriotes québécois et québécoises parmi, en particulier, les travailleurs et les travailleuses qui, bien souvent, peuvent être les plus fragiles ou les plus démunis en matière de santé et de sécurité au travail. Et je pense que, de cette Chambre, je dois le respect à ces gens qui contribuent à bâtir le Québec, à maintenir l'emploi, à créer la richesse de notre société. Lorsque l'on parle de projets de loi qui les concernent, qui les touchent directement, des projets de loi qui ont d'ailleurs été créés il y a des dizaines d'années pour les protéger, je crois que les députés en cette Chambre se doivent d'ailleurs d'être nombreux à les écouter, à y participer, à en débattre, mais surtout à démontrer un certain respect, parce que lorsque nous parlons des travailleurs, nous parlons des gens qui sont la base de notre société.

Trop souvent, on entend des députés ou des ministres parler de création d'emplois, chiffres statistiques, impersonnels, froids: il s'est perdu 52 000 emplois dans la dernière année; il s'en est créé 87 000 dans telle autre province. Mais ce qu'on ne voit pas, M. le Président, c'est que, dans ces emplois, il y a des hommes, il y a des femmes. Il y a des gens qui font travailler leur créativité, leur ingéniosité. Mais il y a aussi des gens qui souffrent, des gens qui sont blessés, des gens qui perdent leur gagne-pain par manque de prévention, de sécurité. Il y a des gens qui, après avoir travaillé des années et des années, par suite d'un malencontreux accident ou d'une malencontreuse erreur de production ou de machinerie, se voient handicapés, se voient compromettre ce qu'ils ont bâti, soit une famille, avec l'achat d'une maison, avec des enfants qui vont à l'école, à l'université, et qui se retrouvent démunis.

(20 h 50)

Et le projet de loi dont nous allons traiter, M. le Président, est un projet de loi qui a affaire à ces gens-là. Et les députés en cette Chambre, une des raisons pour lesquelles je dis que nous devons le regarder, l'écouter avec respect, c'est que, bien souvent, comme députés – je pense que c'est l'ensemble des collègues en cette Chambre – nous avons à nos bureaux de comté des travailleurs, des citoyens, des citoyennes, des travailleurs québécois et des travailleuses québécoises qui viennent nous voir avec des dossiers dignes du musée des horreurs, relatant leurs démêlés avec la CSST, avec le patronat lorsque, après avoir été accidentés, après avoir été blessés, après avoir été handicapés à cause de l'exercice de leur travail, soit leur participation à la créativité, à la richesse de notre société, ils se voient ballottés à gauche à droite, de médecin en médecin, 15, 20 médecins. Ils se voient obligés bien souvent de connaître la pauvreté, l'instabilité, les problèmes familiaux qui en découlent, et c'est pour ça... Nous, comme députés, nous recevons ça à nos bureaux de comté.

Après 11 années... Ça fait 11 ans aujourd'hui que j'ai été élu député, et je dois dire que, s'il y a des dossiers qui m'ont interpellé dans ma carrière politique, qui m'ont touché ou qui m'ont compliqué – à cause de la complexité du travail qu'il y avait à faire – ma vie politique, ces 11 années que j'ai faites, c'est bien les dossiers des travailleurs et des travailleuses accidentés du travail. Alors, de grâce, M. le Président. Et je pense que vous avez compris ça, vous qui êtes, comme président, un homme de droit, un homme de responsabilité, qu'on se doit en cette Chambre, lorsque nous parlons de dossiers qui concernent les travailleurs et travailleuses du Québec, et particulièrement ceux et celles qui deviennent les plus fragilisés suite à des accidents de travail... Bien, nous leur devons le respect et nous devons le faire dans la sérénité et non pas dans l'invective et dans le quolibet. Et je crois que, si c'était pour être cela, je ne ferais pas mon discours, je n'interviendrais pas et je ferais en sorte que moi et mes collègues, nous nous retirions, car nous penserions que c'est une insulte envers les travailleurs et travailleuses du Québec, que c'est une insulte envers les groupes qui supportent les travailleurs et travailleuses du Québec, envers les groupes populaires, envers les groupes qui représentent les accidentés du travail au Québec et envers d'autres groupes dont nous aurons l'occasion de parler un peu plus tard.

M. le Président, nous allons parler de la loi n° 79. La loi n° 79 est une loi qui est présentée par ce gouvernement, qui institue la Commission des lésions professionnelles et qui va, selon son titre officiel, bien sûr, modifier différentes dispositions législatives. C'est là un bien grand titre, et je dois reconnaître que, lorsque l'on regarde ça du premier abord, ça peut paraître un peu ardu pour nos amis et nos compatriotes, nos commettants, travailleurs et travailleuses du Québec qui sont accidentés du travail ou qui vont l'être un jour. Ça peut paraître un peu compliqué.

Alors, je me permettrai de faire ce soir un peu d'explication étant donné que le ministre a parlé seulement 17 minutes. Et je m'interroge. On présente une loi qui est dite de grande importance, une loi qui est censée, selon ce que le ministre disait, apporter justice, équité, rapidité pour les travailleurs, économie pour les patrons, et il en parle 17 minutes en cette Chambre, alors qu'il a le droit d'en parler une heure. Quelle grande loi! Quelle grande importance il y donnait! Et, dans ce 17 minutes qu'il a parlé, il a pris à peu près trois minutes et demie à quatre minutes pour dénoncer les gens qui s'opposaient à sa loi. Et que disait-il? Il disait: Il y a des gens qui sont contre cette loi pour des intérêts pécuniaires, particuliers, personnels. Quel respect, M. le Président! Quelle démonstration du respect que le ministre a envers les travailleurs et travailleuses québécois! Quel respect a-t-il envers la CSN, envers la CSD, envers la CEQ, envers le Syndicat des professionnels du gouvernement, envers l'ATTAQ, l'Association des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec, envers la FATA, dont M. Michel Chartrand, bien connu ici, est un des anciens présidents? Voilà ce qu'on a fait en 17 minutes: une partie importante, dénoncer les autres. On n'a pas cherché à expliquer, à vendre l'importance de cette loi-là. Était-ce possible? Ce qu'on a essayé de faire, c'est de dire: Moi, ce que je présente, là, c'est ça, puis ce que les autres vont dire, bien, ce n'est pas bon. C'est pour des intérêts pécuniaires.

M. le Président, justement, c'est pour ça que nous allons prendre le temps. Nous allons faire en sorte, de ce côté-ci, d'expliquer à la population, à nos concitoyens, l'importance de cette réforme, pas avec des faux-fuyants, pas avec des concepts qui peuvent avoir l'air au premier abord alléchants, un peu comme ces vendeurs de balayeuses ou d'autres articles de consommation courante qui essaient de nous faire l'article pour nous vendre quelque chose de miraculeux. Nous allons le faire de manière sérieuse, intelligente, explicative pour que les Québécois et les Québécoises le comprennent. Comme la vingtaine de groupes qui dénoncent – groupes ou organisations – ce projet de loi l'ont fait, nous allons le faire, nous allons être leur porte-parole.

Nous, comme opposition officielle, nous avons décidé, dans notre caucus, dans notre organisation, avec les collègues députés, de prendre le parti des travailleurs, de prendre le parti des non-syndiqués, des non-organisés. Ces gens-là n'interviennent pas, ne s'objectent à ce projet de loi pour des raisons pécuniaires personnelles, ils s'y objectent parce qu'ils connaissent trop bien ça. Ils le connaissent parce qu'ils l'ont vécu dans leur chair, ils l'ont vécu dans leurs activités quotidiennes, dans les démêlés et les dédales qu'ils ont connus à la CSST. Et j'en appelle ici mes collègues à témoin, qui ont eu, eux aussi, je le disais précédemment, ces travailleurs et ces travailleuses dans leur bureau de comté. S'ils ne les ont pas eus, c'est qu'ils ne font pas leur travail ou parce qu'ils sont dans des comtés où il n'y a pas de travailleurs. Mais ça m'étonnerait, M. le Président. Je prends pour acquis que l'ensemble des députés ici, en cette Chambre, qui font leur travail correctement dans leur bureau de député ont eu ou ont encore des projets de loi comme celui-ci qui compliquent la vie de leurs travailleurs de la CSST en particulier et d'autres, mais qui ont eu des gens qui viennent dire: Ta loi de la CSST, elle ne me rend pas service, elle ne me rend pas justice, elle n'est pas une loi faite pour nous autres, les travailleurs.

Lorsqu'ils vont au ministère pour essayer de défendre ces dossiers, s'ils le font, ils se rendent compte que la loi qui gère ou qui régit cette organisation, ces travailleurs, est faite dans le sens de ne pas leur donner justice. Voilà pourquoi nous allons prendre tout le temps qui est nécessaire, et je pense que les Québécois et les Québécoises, les travailleurs et travailleuses nous en sauront gré un jour parce que ça permettra certainement de bonifier ce projet de loi, de l'améliorer et de faire en sorte qu'il corresponde plus à l'intérêt de ces gens-là.

M. le Président, c'est une loi qui est très complexe, une mécanique qui malheureusement, même si elle doit servir les travailleurs et les travailleuses du Québec, n'est pas toujours à la hauteur, parce que nous connaissons beaucoup d'insatisfaction. Beaucoup de gens sont insatisfaits. On se rappellera que cet organisme, la CSST, fait partie du contrat social québécois. Il a été négocié, il a été réalisé au tournant du siècle, à l'époque de la révolution industrielle, où le Québec commençait à connaître ce grand développement industriel, où nous sortions d'une société rurale, d'une ruralité québécoise pour connaître le développement des industries. À l'époque, les syndicats, les unions, comme on les appelait à ce moment-là, ainsi que les employeurs ont négocié une entente pour faire en sorte de créer ce régime de sécurité au travail. C'était fait, ça, encore plus particulièrement d'une manière aiguë après la dernière guerre, où là notre industrie québécoise tournait à plein rendement. L'industrie de guerre avait fait son oeuvre, et les gens travaillaient avec beaucoup de rendement mais aussi beaucoup de difficultés.

Les travailleurs et travailleuses du Québec, à l'époque, ont accepté de renoncer à leurs recours contre leurs employeurs devant les tribunaux de droit commun. Pourquoi? Parce qu'on leur donnait l'assurance de recevoir une indemnisation en cas d'accident ou de décès, à l'occasion de problèmes dans leur milieu de travail. Les employeurs ont eu l'assurance aussi, dans leur cas, de ne plus être traités ou poursuivis devant les tribunaux, et ceci, en échange d'une prime payable à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

(21 heures)

C'était là le contrat social, M. le Président. C'est ça qui a été établi. Il faut revenir où c'est parti, cette affaire-là. C'est ça qui a été établi à cette époque-là. D'un côté, les travailleurs qui disent: Nous sommes soumis à des cadences importantes, le danger est présent, nous pouvons être mutilés, accidentés, invalides dans notre milieu de travail, nous pouvons vous poursuivre, nous pouvons aller en cour. Mais, à l'époque, on se souviendra aussi qu'il en coûtait très cher pour l'humble, le simple travailleur de le faire. Mais, par contre, les unions étant là, ça a commencé à créer des problèmes et le patronat se disait: Bien, nous ne sommes pas toujours responsables.

Alors, ce modus vivendi s'est créé et on a décidé de créer la CSST, très beau principe qui a fait école dans d'autres pays du monde. Et, à cet effet-là, le Québec, encore une fois, a démontré qu'il faisait preuve d'ouverture, qu'il était un précurseur dans les lois pour protéger les travailleurs.

Alors, M. le Président, on se rappellera aussi que cette loi a évolué avec notre économie. Le monde a changé. Le monde industriel a changé. La société québécoise a évolué. D'une ruralité majoritaire, nous sommes passés à une industrialisation très importante qui fait que, de plus en plus, nos travailleurs ont été soumis à ces pressions industrielles et se sont retrouvés bien souvent avec ces situations d'accidents possibles et d'invalidité.

Alors, M. le Président, avant cette situation-là, il n'y avait rien. Après, il y a eu ce que nous avons connu, mais il fallait changer, il fallait faire évoluer cette société. Alors, en 1985, il y a eu une réforme qui s'est produite, 1985, une date importante à retenir, bien entendu. Il y a eu des changements qui sont intervenus dans la gestion et le traitement des dossiers de la CSST. Pourquoi fallait-il amener des changements? Parce que le système s'était un peu embourbé. Le système devenait moins productif. Le système devenait tatillon, compliqué. Il y avait aussi certaines exagérations, comme dans toute chose. Alors, il a fallu changer ça et faire évoluer ça. Alors, ça a commencé, et c'est très fort.

M. le Président, en 1985... Et c'est bon de le rappeler à nos collègues, ici, parce qu'on oublie des fois non seulement d'où l'on vient, mais par où on est passé pour en arriver ici, d'où l'importance de rappeler certaines étapes. En 1985, quelques grands changements sont arrivés. L'instauration du droit de retour au travail, ça, c'est fondamental. Le lien d'emploi a été protégé pendant deux ans. C'était déjà quelque chose de très intéressant. Un travailleur qui pouvait perdre son emploi pour question d'invalidité, d'accident de travail, il pouvait le retrouver sur une période de deux ans. C'est très important.

Mais qu'est-ce que nous faisons lorsqu'un travailleur perd son emploi, lorsqu'il est accidenté? Eh bien, il se retrouve avec une indemnité, certes. Mais est-ce que c'est ça qu'il cherche, le travailleur? Ce qu'il cherche, le travailleur, M. le Président, une fois qu'il est guéri, une fois qu'il est devenu apte à retourner travailler, c'est justement de retourner travailler, car la très grande majorité des travailleurs et des travailleuses québécois et québécoises, qu'est-ce qu'ils cherchent? C'est du travail, c'est pouvoir continuer à gagner leur vie, avoir une activité professionnelle pas seulement pour un chèque de paye, mais pour faire en sorte d'avoir une activité créatrice intéressante.

Lorsqu'on se lève le matin et qu'on prend son automobile ou l'autobus ou le métro, à l'occasion sa bicyclette dans certains quartiers montréalais, pour aller travailler et que l'on est fier de son travail, fier de son ouvrage, fier d'une entreprise pour laquelle nous travaillons, fier de la participation à la création de la richesse que nous faisons pour le Québec, notre société québécoise, aussi pour le Canada, bien sûr, qui est notre union économique et politique, eh bien, le travailleur est plus heureux que lorsqu'il doit rester à la maison à attendre un chèque d'indemnité, aussi maigre peut-il être, et à dire: Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui?

La pire des choses dans notre société, M. le Président, une société moderne comme la nôtre, et probablement que, si on recule plus loin, dans les autres sociétés précédant la nôtre, avant l'ère industrielle, rurale ou avant même ces périodes-là, la pire chose qui puisse arriver à un individu, à un homme, c'est de se lever le matin et de n'avoir rien à faire de concret, de positif, de constructif pour son pays, pour sa province, pour le Québec, pour sa société, pour sa ville, pour sa région.

M. le Président, je pense qu'il était important de faire en sorte, à cette époque-là, que les travailleurs aient un droit de retour au travail, à leur emploi pendant une période au moins minimale de deux ans suite à un accident du travail, d'autant plus qu'ils ne sont pas responsables. Est-ce qu'un travailleur est responsable de l'accident qui lui arrive? La responsabilité, elle incombe à la productivité, à la production, à la machine, à la cadence infernale, d'une part, ou alors au manque de prévention qui a été fait de la part de l'employeur ou alors du manque de formation dont l'ouvrier, le travailleur a été l'objet, car, en effet, si un travailleur a été bien formé, s'il connaît bien son travail, s'il connaît la machine avec laquelle il travaille, c'est évident – et tout le monde en cette salle, en cette Chambre ainsi que nos téléspectateurs qui nous regardent vont vous le dire – il a beaucoup moins de chances d'être accidenté. Quand vous savez comment fonctionne votre automobile, vous avez moins de chances d'avoir un accident que le jeune conducteur qui vient de commencer ou celui qui n'a jamais appris à conduire correctement; bien, c'est la même chose.

Le travailleur, il n'est pas responsable de son accident; il en est la victime. Il ne faut jamais oublier ça. Le travailleur accidenté du travail est la victime, et c'est pour lui qu'on doit légiférer et c'est lui qu'on doit protéger. Ça, c'est l'autre point fondamental de la fondation de la CSST. Ne pas oublier ça en cette Chambre. C'est nous qui en sommes les garants, c'est nous autres, les députés.

M. le Président, on a aussi amené, en 1985, un fait nouveau qui était la primauté du diagnostic du médecin traitant. Avant ça, les médecins de la CSST décidaient, les médecins de la compagnie qui s'appelle la CSST. Ça appartient au gouvernement, mais c'est comme une compagnie. C'est un peu comme l'ajusteur d'assurances. Chacun en cette Chambre ou le téléspectateur ont eu un accident d'assurance. Bien, lorsque l'ajusteur qui est payé par la compagnie, il passe, attendez-vous pas à ce qu'il défende votre intérêt; il va défendre l'intérêt de la compagnie d'assurances. Il n'est pas payé pour vous défendre, vous autres, il est payé pour défendre la compagnie, parce que moins il vous en donne, plus il en reste dans les poches de la compagnie. C'était comme ça avant.

En 1985, on a fait en sorte de faire évoluer ça un petit peu, de donner au médecin traitant... Le médecin traitant, c'est votre médecin, c'est notre médecin à chacun d'entre nous, c'est le médecin que vous voyez quand votre enfant a mal aux oreilles, que votre épouse est souffrante ou que, vous-même, vous avez mal quelque part et que vous allez voir un médecin dans un clinique. Antérieurement, il se déplaçait à la maison, il venait vous voir. On a enlevé ça sous prétexte de modernisation. On doit le déplorer, d'ailleurs, parce que ça contribue à déshumaniser la médecine québécoise. Ça a contribué à faire en sorte d'enlever ce lien qu'il y avait entre le médecin de famille et le médecin dans sa clinique. Mais, quand même, nos médecins québécois, nos médecins traitants, les médecins avec qui nous faisons affaire, avec qui nos familles sont confrontées régulièrement lorsqu'un des membres de la famille est souffrant, ces médecins, ce sont nos médecins traitants et c'est ces gens-là que les accidentés du travail vont voir.

Lorsque vous vous blessez sur votre lieu de travail, dans un garage d'automobiles ou dans un atelier de menuiserie, bien, vous allez voir votre médecin. Lorsqu'il y a une évaluation à faire pour savoir si vous avez quelque handicap, quelque mutilation qui est survenue, vous allez voir votre médecin, vous n'allez pas voir le médecin du voisin. Bon. Alors, on a fait en sorte, à cette époque-là, de redonner un peu la primauté à ce médecin pour permettre d'avoir un peu plus d'indépendance, parce que, je le disais précédemment, c'était bien sûr le médecin de la compagnie. Peut-être... la CSST, mais c'était le médecin qui, lui, avait pour but de faire en sorte, un peu comme l'ajusteur d'assurances, de faire une certaine sélection.

(21 h 10)

M. le Président, on a mis, en 1985, l'arbitrage médical. Ce n'était tellement pas bon, ou tellement bizarre qu'on a remplacé ça, en 1992, par le Bureau d'évaluation médicale, puis on aura l'occasion d'y revenir. Ça permettait à l'employeur ou à la CSST de contester l'opinion du médecin traitant, en 1992. Certains diront: Mais c'était vous autres. Mais là n'est point mon argument. Nous sommes là pour parler d'un projet, d'un plan qui a pour but de s'occuper des travailleurs et des travailleuses du Québec et nous sommes à l'aube de 1997, cinq ans plus tard.

M. le Président, on a aussi créé, à l'époque, des bureaux de révision paritaires où siègent des représentants syndicaux et patronaux. Alors, imaginons des représentants syndicaux puis patronaux. Quelle belle affaire! Comment voulez-vous que nous y retrouvions le travailleur qui est pris d'un bord, qui est pris de l'autre bord, qui dit oui, qui dit non, et qui, en plus, n'est pas syndiqué? Il se retrouve pris avec des gens qui sont bien souvent nommés par des organisations qui siègent au conseil d'administration de la CSST et qui ont des intérêts quasiment, à l'occasion, corporatistes. Je pense que vous pouvez imaginer très bien la situation dans laquelle peut se retrouver le pauvre travailleur qui est déjà très frappé dans son être, qui est mutilé, handicapé, diminué par toute cette série de consultations, des expertises, de contre-expertises qu'il est obligé de suivre, de se retrouver, en plus de ça, devant des organisations où, d'un côté, on nomme un médecin puis, de l'autre côté, on nomme l'autre. Vous comprendrez comme moi que c'était là encore certainement quelque chose d'arbitraire, quelque chose qui mettait en doute, bien sûr, le diagnostic du médecin traitant. Sinon pourquoi auraient-ils créé ce bureau-là?

M. le Président, on a créé aussi, bien sûr, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP. Alors, c'est une responsabilité du ministre de la Justice. Dans un sens, ce n'était pas si mal. Mais j'y reviendrai plus tard puis j'expliquerai pourquoi, plus tard. Et, pour la première fois, les travailleurs et aussi les employeurs, à l'occasion, pouvaient faire appel à un tribunal de dernière instance, qui était spécialisé en santé et sécurité au travail et qui n'était aucunement dépendant des parties, indépendant.

Bien sûr, M. le Président, tous ces recours, tous ces systèmes, ces procédures, ce n'est pas fait pour faciliter la vie du simple citoyen, du simple ouvrier, du simple travailleur, de la travailleuse. Au contraire, imaginez la lourdeur de tous ces organismes, de tout ce processus. Imaginons tout ça. Imaginez le simple travailleur qui part le matin et qui dit à son épouse: Au revoir, mon épouse, au revoir, mes enfants, au revoir, à ce soir, qui travaille, qui a des projets d'avenir, qui se voit acheter une maison, ou acheter une voiture nouvelle pour permettre à sa femme d'emmener les enfants à la garderie pendant qu'il est parti travailler, ou qui se voit simplement investir dans son fonds de pension, dans son REER quelques milliers de dollars. Il est accidenté, son épouse est appelée et il rentre chez lui en ambulance. Et là commence le système infernal de la CSST. Ça peut durer cinq ans, 10 ans.

Vous vous souviendrez... Je pense que l'ensemble des députés ici ont déjà vu, en avant de ce parlement, un travailleur qui marche depuis au moins 25 ans avec une pancarte dans laquelle il dit qu'il est victime d'une maladie professionnelle, la silicose, si je me souviens bien, et qu'il n'a point eu justice. Et il marche depuis 25 ans. Sa vie est ruinée. Cet homme, assez fier, a le courage de venir devant ce parlement pour nous le rappeler à nous, les députés, à nous, les parlementaires. Bien, M. le Président, c'est ça qui peut briser la vie d'un homme, ce mécanisme, tout ce système.

M. le Président, nous les avons tous vus dans notre bureau de comté, puis j'espère que l'ensemble des collègues les ont vus avec compassion, les ont vus en pensant que ça pourrait être nous. Nous sommes assis à ces banquettes avec facilité. Pensons à ces dizaines, centaines, à ces millions de travailleurs Québécois et Québécoises qui, chaque jour, ont leur vie ou leur santé – parce qu'il n'y a pas seulement les accidents. Prenons les maladies professionnelles, tous les gens qui ont respiré des particules d'amiante, la silicose. Mon père, moi-même, personnellement, je peux en témoigner, a été victime de silicose. Silicose, c'est quoi? Silicose, c'est lorsque vous travaillez dans des mines et que vous respirez des poussières de silice, des poussières... Il y a quelques personnes en cette Chambre qui doivent connaître ça. Les poumons deviennent tellement pollués, pleins de ces poussières que vous finissez par en mourir. C'est des maladies professionnelles, ça, M. le Président. Il y en a plein au Québec. Ça détruit une vie, ça détruit une famille, ça détruit l'avenir.

Imaginez le stress de ces familles, de ces enfants. Imaginez se faire envoyer des formulaires dans lesquels on dit: Votre dossier numéro 2453 a été refusé. Vous avez 30 jours pour faire appel ou pour faire vos recommandations à telle commission. Le drame humain, il est où là-dedans?

C'est la déshumanisation de ce qui a été, je le disais au début de mon discours, un consensus entre les travailleurs et les employeurs pour éviter justement cette situation parce que, à l'époque, on disait: Versez une cotisation à la CSST, ça permettra de faire un fonds d'indemnisation, puis nous n'irons pas en cour. Et là on est rendus, après une quarantaine d'années, une cinquantaine d'années et peut-être un peu plus, à un processus qui est devenu partisan, qui est revenu une lutte où chacune des deux parties doit faire un bras de fer, doit se battre pour essayer que le travailleur puisse avoir son dû. Voilà, M. le Président, où nous en sommes rendus.

M. le Président, nous avions tenté, lorsque nous étions au gouvernement, de prendre certaines mesures pour tenter de réduire ces délais pour favoriser une approche plus humaine et nous avons tenté de changer cette culture de confrontation dont je parlais il y a quelques instants par une culture de concertation entre les parties, entre le travailleur et, bien sûr, l'employeur. Et, lorsque nous avons amené en cette Chambre, et certains députés qui étaient là doivent s'en souvenir parce qu'ils n'ont pu faire autrement que de saluer ces améliorations, lorsque nous avons amené en cette Chambre la loi 35, ça faisait en sorte de valoriser la concertation dès le début, dès le moment où il y avait une contestation. Puis, ça remplaçait l'arbitrage médical qui était une source de complications, de confusion.

M. le Président, les questions médicales étaient toujours difficiles. Ça pouvait, des fois, prendre des années ou des mois avant de suivre le chemin des bureaux de révision paritaires au lieu d'être dirigées directement vers la commission d'appel. Et pourquoi? Bien, c'est très simple. Parce que les postes de travail du côté de la commission paritaire, bien, tout le monde essaie de continuer ce bras de fer les uns envers les autres. Et ça, c'est au détriment du travailleur.

Je pense que nous devons, ce soir, faire en sorte qu'avec ce projet de loi, le projet de loi n° 79, nous fassions un examen complet de ce que doit être, à l'aube du XXe siècle, la CSST en tenant compte des nouvelles technologies, des nouvelles conditions de travail, en tenant compte des nouvelles méthodes, des nouvelles manières de formation professionnelle et des nouvelles richesses aussi qui se créent dans les entreprises, mais aussi, bien sûr, d'une saine administration.

(21 h 20)

C'est évident qu'il ne faut pas non plus que cet organisme devienne un organisme qui serait ouvert à l'arbitraire d'un côté comme de l'autre, mais aussi un organisme de gaspillage ou qui ne répondrait pas à sa vocation première, celle pour laquelle il a été créé au début du siècle ou, du moins, d'une manière beaucoup plus précise à la fin de la Dernière Guerre mondiale, celle de faire en sorte de protéger les travailleurs et travailleuses du Québec qui sont accidentés du travail ou victimes de maladies professionnelles.

M. le Président, je pense qu'il s'agit maintenant de parler du projet de loi n° 79. J'ai fait un peu un retour dans le passé. J'ai fait en sorte de rappeler pourquoi nous en étions là, ce qui nous avait amenés, pourquoi les travailleurs, les entrepreneurs, les employeurs québécois et le gouvernement de l'époque avaient jugé utile de se concerter, de s'asseoir et de créer cette agence, cette organisation qui s'appelle la CSST, et c'est pour ça que j'ai pris quelques minutes de notre temps, parce qu'il y a peut-être des gens qui nous regardent ce soir et qui disent: Mais de quoi il parle? C'est quoi? D'où ça vient? Je pensais que ça ne venait pas de là puis que c'était récent... tel gouvernement qui l'avait amené plutôt que tel autre. Je pense que la CSST est la création de l'ensemble de la vision que les Québécois et les Québécoises ont de la justice sociale, particulièrement en ce qui concerne les travailleurs puis les travailleuses.

S'il y a un organisme au Québec qui doit refléter cette dimension que nous avons de notre société, contrairement à d'autres sociétés – il s'agit de voyager, d'aller voir en Europe, d'aller voir en Amérique, aux États-Unis, dans d'autres provinces canadiennes – s'il y a une société qui a cette dimension humaine de justice envers ses travailleurs et ses travailleuses, c'est bien la société québécoise, et la CSST est certainement le symbole de cela. Bien sûr, comme je le disais, elle a évolué et elle demande certains ajustements, elle demande certains changements qui vont la rendre encore plus performante, plus intéressante en termes de protection pour nos compatriotes québécois et québécoises.

M. le Président, je rappellerai qu'il y a eu aussi... Notre gouvernement avait demandé à un groupe de travail de faire un rapport sur la déjudiciarisation du régime québécois, bien sûr, de notre régime de santé et santé au travail, et ce rapport a été remis le 6 mai 1994. Malheureusement, le 6 mai 1994, on se rappellera qu'au début de juillet ou quelque deux mois plus tard, trois mois plus tard les élections ont été déclenchées, et, étant donné que le gouvernement qui est actuellement ici a été porté au pouvoir, porté aux affaires, nous n'avons pu, malheureusement, donner suite à nos projets. Alors, on se rappellera: mai, 6 mai, 6 juin, 6 juillet, 6 août, trois mois à peu près, hein, deux mois de demi avant les élections, ce rapport avait été déposé.

Je pense qu'il est important que nos collègues députés ici prennent quelques minutes pour écouter ce que j'ai à dire pour leur rappeler ce qu'il y avait dans ce rapport, non seulement nos collègues députés ici, mais le ministre, qui est avec nous ce soir, ainsi que nos téléspectateurs qui, après tout, sont certainement plus nombreux que nous en cette Chambre, parce que, même si nous sommes 125 députés, il y a certainement quelques milliers de téléspectateurs, de citoyens du Québec qui nous écoutent et qui sont certainement beaucoup plus concernés dans leur vie quotidienne, dans leur chair, dans leur sécurité physique, familiale par ce dont nous discutons, même si nous sommes les législateurs, même si c'est nous, en dernier lieu, qui allons devoir voter pour ou contre ce projet de changement.

Il n'en reste pas moins que les gens qui sont concernés sont plus peut-être devant leur poste de télévision qu'en cette Chambre, et c'est normal, et c'est un des bienfaits de la révolution technologique qui permet aujourd'hui aux Québécois, aux Québécoises et aux citoyens et citoyennes de voir ce que leurs élus font, ce qu'ils disent dans les projets de loi qui les concernent directement ou qui les concerneront un jour, s'ils sont accidentés, invalides ou malades de maladie professionnelle, ou leurs enfants, ou leur cousin, leur belle-mère, leur belle-soeur, leur famille, et c'est ça, l'intéressant de cet exercice en Chambre ce soir, et c'est ça, l'intéressant d'avoir des caméras devant nous: ça nous permet justement d'expliquer aux gens où nous allons et pourquoi nous sommes en faveur de certaines lois et en désaccord avec certaines autres.

M. le Président, ce groupe de travail, donc, qui a remis son rapport le 6 mai 1994, il est important parce qu'il est à l'origine du projet de loi qui est devant nous pour une partie. On s'entend, pour une partie simplement. Alors, ce groupe de travail était sous la coordination de Mme Lynda Durand – on appelle ça le rapport Durand – qui était vice-présidente, et il y avait le Dr Yves Bergeron, qui était sur cette commission. Je vois le ministre qui opine, là. Il voit de quel rapport je parle. Alors, le Dr Bergeron, bien sûr, est un physiatre. Il est professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et chef du service de physiatrie de l'hôpital Notre-Dame. Autant vous dire que ce n'est pas là le dernier venu. Au contraire, je pense qu'on doit, de par ses qualifications, ses états de services, lui reconnaître une certaine crédibilité. Il y avait Me Guy Lemay, avocat très réputé en droit du travail et autres spécialités qui concernent les travailleurs, qui est avocat. Il y avait Me Robert Masson, qui est un avocat et qui est ingénieur. Et il y avait sur ce comité, bien sûr, une quatrième personne, qui était Me Yves Ouellette, qui est avocat et professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Alors, il n'y a pas seulement des gens qui étaient dans le domaine de la médecine. Il n'y a pas seulement des gens qui étaient plus à l'aise, ou plus au courant, ou plus concernés par les accidents du travail ou par la condition physique de nos concitoyens. Il y avait aussi, bien sûr, des gens qui étaient plus en connaissance avec les lois qui nous régissent, aussi bien au niveau du Code du travail que dans la société québécoise. Alors, ce sont des gens qui sont quand même des experts. Ce sont des gens qui ont été reconnus par tout le monde et qui ont fait un rapport très important qui a été soumis au conseil d'administration de la CSST, parce que je rappellerai que la CSST, même si elle dépend du ministère du Travail, est soumise à un conseil d'administration.

Alors, les recommandations, je vais me permettre de les lire parce qu'elles sont bien importantes pour la continuation de ce projet, pour qu'on puisse comprendre ce qui aurait dû être fait, puis ce qui n'a pas été fait, puis ce qui, peut-être, devrait être fait. Alors, la première recommandation, c'était d'abolir le Bureau d'évaluation médicale, le BEM. Alors, le Bureau d'évaluation médicale, c'est le bureau qui est mis par la CSST et qui fait en sorte que, lorsque votre médecin traitant – et tout à l'heure nous parlerons des médecins traitants – votre médecin familial à tous et chacun fait un rapport, une expertise, aidé en cela par d'autres analyses, puisqu'on sait qu'on ne va pas seulement... Ce médecin, il demande d'autres radioscopies... Enfin, toutes sortes de... Analyses de sang. Enfin, beaucoup d'expertises. Eh bien, le BEM, c'était pour faire en sorte de dire: Nous, à la CSST, on a des médecins qui sont à nous autres et puis on n'est pas d'accord avec le diagnostic du médecin traitant. En d'autres termes, c'est l'ajusteur d'assurances dont je parlais tout à l'heure. C'est celui qui est payé par la compagnie pour limiter les dépenses. C'est ça, le BEM. Alors, ce comité, le groupe de travail – Mme Durand avec le Dr Bergeron, M. Ouellette, M. Masson, M. Lemay – recommandait l'adoption d'une mesure qui ferait en sorte d'abolir le BEM.

M. le Président, il y en avait une autre qui était très intéressante: fusionner les bureaux de révision paritaires avec la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP. Je mentionnais précédemment que la CALP, ça dépendait du ministère de la Justice, organisation neutre. Personne en cette Chambre ne viendra mettre en doute la justice, même lorsqu'elle se prononce en matière de lésions professionnelles ou de droit du travail.

(21 h 30)

Alors, pourquoi fusionner les bureaux de révision paritaires? Parce que les bureaux de révision paritaires, ça ne peut pas fonctionner. Tout le monde va comprendre ça, ça ne prend pas un grand cours pour comprendre ça que, lorsqu'il y a des gens de différentes parties, eh bien, on renvoie la cause parce que l'un n'est pas d'accord et l'autre n'est pas d'accord, et puis ça prend une expertise de plus, puis une autre, puis une autre, puis, à la fin, ça ne finit plus. Les délais sont interminables, sont longs. Ils sont entachés bien souvent de partisanerie.

Je lisais, M. le Président, la semaine dernière, dans un quotidien sérieux du Québec, que le Conseil du patronat avait sa propre liste avec quotas, avec des normes, pour nommer les gens sur les comités de révision paritaires. Vous avez vu, rapidement, une délégation. On disait: Oui, oui, mais ça a changé. Mais c'est la vérité. C'est-à-dire que, lorsqu'on nomme des gens sur ces comités paritaires, on les prend en fonction de critères particuliers. Et le critère, en ce qui concerne le Conseil du patronat, ce n'est pas de défendre les travailleurs; c'est de les couper pour sauver de l'argent. Voilà une des recommandations du comité de travail: couper le BEM, qui représente la CSST, pour sauver des dépenses, et les comités paritaires.

Ils allaient même plus loin. Ils disaient: Le paritarisme – ce dont je parlais précédemment – il faut le transférer dans le nouveau tribunal d'appel de dernière instance. Parce qu'ils préparaient, ils prévoyaient, ils voulaient que le tribunal de dernière instance... Ils voulaient s'en débarrasser du paritarisme. C'était clair, c'était unanime dans ce rapport. Ils disaient: Renforcez la conciliation en appel. Qu'y a-t-il de mieux que la conciliation en appel?

Je vois le ministre qui s'esbaudit en cette Chambre, quand je parle de conciliation en appel. Mais je rappellerai qu'il nous a fait voter un projet de loi qui mettait l'arbitrage, la conciliation obligatoire, il n'y a pas si longtemps que ça, pour les policiers et les pompiers. Et il nous faisait des discours, en déchirant sa chemise, dans lesquels il disait: C'est la meilleure manière de régler les conflits entre les citoyens et les citoyennes, entre les corps policiers – c'était pour l'époque – les pompiers et les municipalités. Bon. On voit que le comité Durand, Me Lynda Durand, voulait ça aussi. On voit que la ministre de la famille fait en sorte que maintenant aussi – conciliation en appel, médiation, on n'est pas loin, là – en droit familial, on va avoir la médiation obligatoire. On se dirige vers ça. Eh bien, le comité, la commission, le rapport Durand le demandait, le recommandait.

M. le Président, il y avait aussi – on en a parlé longtemps et beaucoup, et je pense que c'est probablement une des plaintes ou des recommandations, je ne sais pas comment le dire, des députés en cette Chambre – la longueur des causes et des cas qui n'étaient pas traités par année. Alors, la commission Durand s'est penchée là-dessus et disait: Il faudrait engager 50 commissaires additionnels et leur donner une certaine productivité par année. C'est vrai. Si le gouvernement fait en sorte de laisser la CSST, pour raisons d'économie, ne pas engager de personnel, bien, les causes vont s'additionner, les causes vont s'entasser. Ça devient intolérable pour les travailleurs et les travailleuses. Ça devient intolérable pour leurs familles.

Alors, la commission disait: Engagez des commissaires en plus et faites-les travailler, faites-les régler les cas, faites-les régler les dossiers, et puis, lorsqu'il y aura trop de causes, disaient-ils, engagez des commissaires occasionnels. N'ayez pas peur, ayez un préjugé favorable envers les travailleurs; vous êtes là pour régler les causes des travailleurs accidentés. Je le rappelle, la CSST a été créée pour protéger, indemniser, défendre les travailleurs accidentés du travail, pas pour d'autre chose que ça.

Ils allaient même plus loin. Devant le centralisme du système, à Québec ou Montréal – c'est une petite anecdote, je l'ai mise dans mon texte parce que ça dénote des fois, pour une organisation qui au début est créée pour des raisons humanitaires, des raisons de défense des travailleurs, des plus démunis de la société et d'autres qui sont moins démunis, mais qui sont quand même victimes aussi, comme on s'éloigne, comme on peut s'éloigner et devenir, des fois, bureaucratiques, insensibles – ils disaient: Prévoyez donc aussi des frais de location pour louer des salles pour des auditions en région.

Ça, M. le Président, lorsqu'un rapport est rendu à dire: Voulez-vous, s'il vous plaît, sortir un peu de Québec puis de Montréal, puis aller ailleurs, parce qu'il n'y a pas juste à Québec puis à Montréal qu'il y a des gens qui ont des accidents, puis, au lieu de les faire voyager, prenez donc de l'argent, prévoyez des frais pour louer des salles ailleurs pour les entendre, pour les écouter, ces travailleurs-là... C'est ça que ça veut dire. Sinon, il n'y a aucune raison. Dans ce rapport Durand, il y est fait recommandation de prévoir des frais de location de salles pour les auditions en région.

Les députés des régions, ici, est-ce qu'ils vont trouver normal que cette recommandation soit suivie? Je pense que oui. Moi, je suis député de Montréal; c'est évident qu'on n'a pas forcément ce problème-là. Mais il n'en reste pas moins que, si j'étais député de région, bien, je serais un peu choqué de voir mes électeurs, de voir mes concitoyens – électeurs ou pas électeurs – les travailleurs et travailleuses de ma région, Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, Saint-Laurent, Abitibi et autres, nos régions québécoises – Bas-Saint-Laurent, en effet, oui – obligés de se déplacer.

Il me semble, lorsqu'on veut rendre justice aux travailleurs et aux travailleuses, lorsqu'on connaît les frais de dépense qui sont, des fois, occasionnés par ces organisations, comme la CSST, qui font des meetings, des conventions, des repas, puis mettez-en, qui coûtent des dizaines de milliers de dollars par année à la société, qu'on n'ait pas prévu des frais de location pour des salles pour aller écouter ceux qui sont les principaux concernés, les principaux bénéficiaires de la CSST, ne pas avoir prévu de salles puis d'argent pour aller les écouter chez eux, M. le Président...

Alors, maintenant que j'ai parlé du rapport de Mme Durand, Lynda Durand, sur lequel siégeaient le Dr Bergeron, M. Lemay, M. Masson, M. le Président, j'aimerais peut-être comparer cela avec le projet de loi n° 79. Vous allez voir qu'on constate certaines différences. Tout d'abord, le ministre du Travail propose le maintien du Bureau d'évaluation médicale, le fameux BEM dont je parlais tout à l'heure. Le médecin du boss, le boss: CSST. Contrairement aux recommandations du groupe de travail, le ministre propose le maintien de la reconsidération au niveau de la CSST.

Le ministre du Travail propose une commission d'appel dont les membres représentant les employeurs et les travailleurs sont nommés par le gouvernement après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, contrairement aux recommandations du groupe de travail qui proposait le maintien du rôle du conseil d'administration de la CSST dans le choix de la désignation des membres représentant les employeurs et les travailleurs. Le ministre du Travail propose que le nouveau tribunal d'appel soit sous sa responsabilité alors que le groupe de travail proposait un tribunal externe dépendant du ministère de la Justice, indépendant. Parce que, en plus de ça, le Bureau d'évaluation dépend du ministre du Travail, mais le tribunal, après ça, il dépend du ministre du Travail encore un peu. Il ne faut quand même pas exagérer, là.

M. le Président, en matière judiciaire, la perception puis l'apparence de justice sont des éléments très importants, puis je ne pense pas que, dans ce cas-là, on les ait. Je pense qu'on devrait demander au ministre du Travail de voir son collègue de la Justice, M. le Président, pour faire en sorte qu'il devienne responsable de ce tribunal-là, si vraiment il est sérieux là-dessus.

M. le Président, je nommerai maintenant des opposants, des gens qui sont des groupes organisationnels très importants. La CSN: «Le projet de loi du ministre Rioux passe largement à côté de la déjudiciarisation.» Le vice-président dit: «C'est de la poudre aux yeux, une opération cosmétique. Le ministre élimine un palier de contestation: les bureaux de révision, alourdit l'instance qui reste en la rendant paritaire et laisse intact ce qui est présentement le plus judiciarisé: l'évaluation médicale.» Ce n'est pas moi qui dis ça, M. le Président.

(21 h 40)

La CSD, le président de la centrale: «Selon la CSD, le projet de loi n° 79 rate l'objectif. La Centrale des syndicats démocratiques est déçue par le projet de loi n° 79 déposé par le ministre du Travail. Ce projet de loi rate l'objectif visé de moderniser le processus d'évaluation, puisque la structure, au lieu d'être dépoussiérée, s'en trouverait alourdie, et ce, au détriment des travailleurs victimes de lésions professionnelles. M. le Président, ce n'est pas moi qui dis ça.

Le Conseil du patronat, M. le Président, pour un autre son de cloche, n'est pas d'accord avec ça non plus parce que le ministre rejette le processus de nomination des représentants patronaux et syndicaux à la nouvelle Commission. Il ne convient nullement... Ce n'est pas forcément pour les mêmes raisons que l'opposition défend, mais n'empêche qu'eux non plus ne sont pas d'accord.

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, même chose, M. le Président. Il affirme que le projet de loi n° 79 ne va pas assez loin dans le processus de régionalisation de la nouvelle Commission et indique son total désaccord avec les mesures transitoires et avec le mode de nomination qui exclut systématiquement les présidents et conciliateurs du bureau de révision.

M. le Président, je sais qu'il reste quelques minutes seulement; j'avais une heure, je pense, pour parler de ça et je pourrais en parler longuement. Je pense qu'on parle des travailleurs. On parle d'un projet de loi qui est bâclé, d'un projet de loi qui ne fait pas l'unanimité et qui, au contraire, est un projet de loi qui est contesté, un projet de loi qui ne peut pas passer comme il est présenté maintenant. Et j'aimerais profiter des quelques minutes qu'il me reste pour faire en sorte de demander au ministre de tenir des audiences publiques, et ce, au nom des groupes suivants.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, elle, la FTQ, ne demande pas d'audiences publiques. C'est là le seul organisme ouvrier. Mais les autres, la Confédération des syndicats nationaux, la CSN, demande des audiences publiques; la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD, demande des audiences publiques; la Centrale de l'enseignement du Québec, audiences publiques; le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, même chose; le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, même chose; le Barreau du Québec, même chose; M. Bergeron; M. Bellemare; l'Association des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec, ils demandent une audience publique, eux aussi; la FATA, on se rappellera que M. Morissette en est le président, mais M. Michel Chartrand se fera un plaisir de venir témoigner ici ainsi que le Protecteur du citoyen. Aussi, j'aimerais en terminant citer l'ATTAQ, l'Association des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec.

Devant tout cela, M. le Président, comme opposition, nous ne pouvons nous prononcer en faveur de ce projet de loi. Nous sommes contre le projet de loi. Nous sommes contre le principe parce que ce projet de loi rate le but qui était visé et va pénaliser les travailleurs et travailleuses. Et, en plus de ça, nous nous opposons à ce que ce projet de loi, et par tous les moyens à notre disposition, soit adopté ou soit commencé à être débattu article par article avant que nous ayons des audiences publiques avec les groupes que je viens de nommer et d'autres groupes qui voudraient venir s'y joindre.

Voilà, M. le Président, et nous n'avons pas de félicitations à faire au ministre. C'est une attaque contre les travailleurs, c'est une attaque contre le monde du travail et c'est un déni envers l'idée, la philosophie qui a tenu à créer la CSST, soit défendre les travailleurs accidentés du Québec contre les mutilations et les maladies professionnelles. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Donc, tout comme le député de LaFontaine, j'interviens sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. M. le Président, tout comme moi, vous avez écouté l'énoncé du député de LaFontaine qui a soulevé un tas de questions sur le projet de loi n° 79. Vous comme moi, vous êtes député aussi en région et, comme la plupart, comme tous les députés de l'Assemblée nationale, vous avez eu l'occasion sûrement d'entendre, dans votre bureau de comté ou ici, à votre bureau de l'Assemblée nationale, des gens, des travailleurs et des travailleuses du Québec victimes d'un malencontreux accident, un accident de travail. Comme disait tantôt le député de LaFontaine, ce sont des gens qui souffrent à la suite d'un accident de travail et non d'un accident autre qui, souvent, donne suite non pas à une récompense, mais à des sommes qui sont dues à eux suite à une assurance quelconque, souvent une assurance qui est due suite au paiement d'une prime d'une assurance privée.

La CSST, c'est très différent, M. le Président, et vous savez comme moi que ces gens-là qui viennent vous consulter à votre bureau de comté sont souvent des gens démunis, des gens qui se retrouvent face à des dédales administratifs qui occasionnent souvent pour eux des dépenses, et surtout un stress et des soucis importants. Donc, la CSST, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, est souvent une source de stress pour tous ces travailleurs-là qu'on rencontre au bureau de comté. Donc, j'imagine que vous avez, vous aussi, rencontré des cas où les gens étaient vraiment paniqués, étaient en état de panique devant tous ces dédales administratifs.

Donc, on on commence à discuter aujourd'hui du projet de loi n° 79 qui – on aurait aimé – aurait pu réduire ce stress chez les travailleurs et les travailleuses du Québec. Mais, à la lecture même du projet de loi, on se rend compte que le but qui aurait dû être visé par le projet de loi aurait été justement de déjudiciariser tout ce système, que le système quasi judiciaire devienne plus facile et plus accessible à la compréhension des travailleurs et des travailleuses du Québec, ce qui pourrait nous permettre sûrement, à nos bureaux de comté, d'accorder plus de temps aux gens qui ont des démêlés avec l'appareil gouvernemental dans des choses beaucoup moins compliquées, parce que la CSST, nous savons tous que ça devient très compliqué et très long, le processus administratif pour gérer cet organisme-là. Donc, aujourd'hui, on a cette loi-là devant nous qui, en fin de compte, ne fait que concrétiser un peu la lourdeur du système.

Et le député de LaFontaine, tantôt, nous parlait d'un rapport qui a été déposé en 1994. Vous vous en souvenez sûrement, M. le Président. Vous avez été élu en septembre 1994. Moi, j'ai eu la chance d'être ici quelque temps avant et donc d'être témoin du dépôt de ce rapport qu'on appelle le rapport Durand. Donc, le rapport Durand. Et j'aimerais juste retenir deux recommandations du rapport de l'époque déposé en mai 1994. La première, soit celle d'abolir le Bureau d'évaluation médicale, le BEM.

Le député de LaFontaine nous en a parlé un peu tantôt comme de l'ajusteur d'assurances, et je pense que l'image était bien choisie. C'est un peu l'ajusteur d'assurances qui travaille pour la compagnie d'assurances. Donc, ce Bureau d'évaluation médicale est le bureau d'évaluation de la CSST, donc de la compagnie d'assurances. C'est certain que, étant payé et puis assujetti à la CSST, le Bureau a pour mission première – non déclarée, naturellement – d'essayer de sauver le plus d'argent possible, ce qui est très louable en soi, à la CSST, mais aussi ça donne ouverture à certains cas d'iniquité envers les travailleurs et les travailleuses du Québec parce qu'il a le but non déclaré – et puis ce qui est tout à fait normal pour un ajusteur qui est dévoué à sauver des fonds, en fin de compte, pour son employeur – il recherche autant que possible à trouver tous les petits détails et, j'oserais dire, entre guillemets, les petites bibites pour payer moins ou payer plus tard le travailleur ou la travailleuse accidentée.

Donc, dans le rapport qui a été déposé en 1994, on recommandait l'abolition de ce Bureau-là pour toutes sortes de raisons et, en même temps, pour réduire la lourdeur de cet appareil-là. Aujourd'hui, dans le projet de loi n° 79, on recommande plutôt le maintien et même l'élargissement du rôle du médecin traitant – une chance – mais aussi on n'a pas beaucoup modifié ce système-là, ce qui fait en sorte, en fin de compte, que la lourdeur qu'on reprochait à la CSST reste maintenue dans le plus gros des difficultés. Donc, le rapport de 1994, il n'est pas suivi par le projet de loi n° 79 en ce qui concerne au moins, comme je vous disais, là, l'ajusteur d'assurances, donc le médecin qui fait son rapport.

(21 h 50)

Il y a une deuxième chose aussi qu'on a retenue puis que je crois très importante dans le rapport de 1994. Et c'était très important pour les gens qui demeurent en région, et vous, M. le Président, vous êtes un député de région. Et puis le député de LaFontaine a soulevé ce point-là tantôt, et ça m'a touché beaucoup: la possibilité de louer des salles en région pour permettre à ces gens-là de pouvoir être entendus et, au moins, pour réduire le stress financier quant aux comparutions et aux déplacements vers les grands centres.

Et ça m'est arrivé à plusieurs reprises dans mon bureau, autant pour des problèmes de CSST que de Régie des rentes, d'accès à la Commission des affaires sociales. Vous avez sûrement rencontré des gens qui étaient, en fin de compte, inquiets de se déplacer dans la grande ville, de dépenser des sous. En fin de compte, ça ajoutait à la difficulté de compréhension du système, de se déplacer ailleurs. Donc, on aurait aimé, du moins de ce côté-ci de l'Assemblée, qu'on ait la possibilité que des sommes soient dépensées aux fins de servir ces gens-là en région. Je pense que c'est important pour le nombre de députés en région. Le ministre d'ailleurs est député de Matane, donc une région probablement qui aurait aimé profiter d'un plus grand service de la part de la CSST.

Donc, M. le Président, nous ne sommes pas les seuls, de ce côté-ci de l'Assemblée, à nous poser des questions sur l'opportunité du dépôt de la loi n° 79, de la façon dont elle est déposée maintenant. Sans citer toutes les sources de mon collègue le député de LaFontaine, collègue très informé puisqu'il est critique en matière de travail, j'ai ici, devant moi, un article du Devoir paru le 16 novembre 1996 et qui dit: «La CSN dénonce la réforme du ministre Rioux.» Et je vais vous citer seulement deux paragraphes pour bien imager l'objection de la CSN, la Confédération des syndicats nationaux...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, question de règlement?

M. Bélanger: M. le Président, juste une petite question de règlement. Ça fait quelques reprises déjà que les orateurs mentionnent le nom du ministre. Quand on désigne un ministre, on doit le désigner soit par son titre ou par son comté. Alors, simple petit rappel au règlement. Et, même si on cite un article de journal dans lequel le nom est cité, on ne peut faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Shefford, je vous invite à appliquer le règlement à la lettre. M. le député, si vous voulez continuer.

M. Brodeur: Oui, M. le Président. Sur la question de règlement soulevée par le leader du gouvernement, est-ce que je dois comprendre qu'à l'avenir nous devons censurer les citations et enlever tous les noms de ministres ou de députés...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je fais mienne l'opinion qui a été exprimée par le président en cette Chambre, à l'effet qu'on ne peut faire indirectement ce que le règlement nous empêche de faire directement. Donc, à ce moment-là, dans une citation, lorsqu'il y a un nom de ministre qui est mentionné, on doit le traduire par le nom de comté. Alors, comme vous êtes d'une vivacité d'esprit hors pair, je vous prierais de bien vouloir vous exécuter. M. le député.

M. Gobé: M. le Président, s'il vous plaît. Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Je vous écoute, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, à titre de porte-parole de notre formation en ces matières, j'aimerais vous demander, en vertu de l'article 32, d'appeler le quorum. Parce que ce dossier est très important, comme je l'ai mentionné, et, malheureusement, nous n'avons pas assez de députés en cette Chambre pour avoir le moindre quorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vais vérifier immédiatement le quorum en cette Chambre.

Alors, M. le député de LaFontaine, je constate à ce moment-ci que nous avons quorum. Je prierais maintenant le député de Shefford, à qui il reste un droit de parole de 8 min 50 s, de bien vouloir continuer. M. le député.

M. Brodeur: Oui, M. le Président. Donc, je me rends à votre décision, mais il faudrait quand même souligner le sens et le but d'une citation. Si je fais une citation dans le but d'insulter quelqu'un ou de prononcer des mots antiparlementaires, je comprendrais très bien l'insistance du leader du gouvernement de me rappeler à l'ordre. Mais, dans le cas qui nous occupe, le titre était: «La CSN dénonce la réforme du ministre» député de Matane. Mais la citation n'est pas ça, M. le Président. En fin de compte, vous savez que la citation n'est pas méchante. Je ne me sers pas d'une citation pour dire des mots antiparlementaires; donc, c'est peut-être un petit peu exagéré d'intervenir dans ce cas-là, et j'en appelle à la bonne foi du leader du gouvernement dans le reste de mon intervention et dans les interventions des collègues aussi.

M. le Président, pour revenir au projet de loi n° 79, je pense qu'il est de toute première importance, et le député de LaFontaine l'a soulevé aussi, lorsqu'on dépose un projet de loi, du moins qu'on y reconnaisse une justice ou une apparence de justice. Et, lorsque je soulevais le fait que nous pourrions améliorer le service de nos accidentés du travail en région, on aurait eu, en fin de compte, une amélioration au moins de l'apparence de justice envers chacun de nos commettants dans nos régions. On aurait pu aussi profiter de l'occasion pour vraiment moderniser notre CSST. Le député de LaFontaine a démontré avec éloquence tantôt, en son début d'allocution, la nécessité de cette Commission de la santé et sécurité au travail. Mais on aurait pu au moins en profiter pour réduire les irritants, réduire le stress des travailleurs et des travailleuses lorsqu'ils ont affaire bien involontairement à cet organisme.

Je crois, en plus, avec le temps qu'on a mis à déposer ce projet de loi là, puisqu'il y a un rapport qui date de 1994 et qu'on dépose le projet de loi à la fin 1996, qu'on aurait dû en profiter pour réduire ces irritants et faire en sorte que, pour chacun des travailleurs et des travailleuses du Québec qui se plaignent depuis longtemps du processus administratif de la CSST, ce processus soit du moins simplifié en plus grande partie. On parle souvent de déjudiciarisation, de déréglementation; on devrait avoir à l'esprit, à chaque fois que nous déposons un projet de loi, au moins ces grands principes qui permettraient de mieux gérer notre législation.

M. le Président, le député de LaFontaine a aussi souligné le fait que certains organismes qu'il a cités tantôt auraient aimé être entendus avant que le projet de loi n° 79 soit déposé, un tas d'organismes qui, par expérience et à la suite des années, à force de jurisprudence de la CSST, à force de délais que la CSST a engendrés dans des cas où nos commettants, où nos travailleurs et travailleuses du Québec étaient dans le besoin, ont su au moins noter les défauts qui sont engendrés par l'administration de la CSST, et ç'aurait été intéressant d'entendre ces gens-là. On a entendu parler que la plupart des syndicats étaient intéressés à se faire entendre, naturellement aussi des groupes de patrons, sans compter le Barreau du Québec qui aurait pu amener son éclairage et permettre qu'un projet de loi qui est déposé puisse refléter au moins les grandes préoccupations de tous ces travailleurs et travailleuses accidentés du Québec.

En définitive, M. le Président – et je vais terminer là-dessus – tout simplement nous soulignons, de ce côté-ci de la Chambre, que le but visé par le projet de loi, projet de loi qui, en fin de compte, doit façonner notre nouveau système de santé au travail, est raté. Le but visé était tout simplement de simplifier l'accès à la CSST. Et, comme je vous disais en début d'allocution, les réclamations, c'est les demandes que nous avons des travailleurs et des travailleuses du Québec que l'on reçoit dans nos bureaux, qui sont souvent démunis – on doit dire «démunis» – devant ce système qui est un des systèmes les plus longs, un des systèmes difficiles à percer et un système où les travailleurs et les travailleuses du Québec se sentent, en fin de compte, presque à genoux et ont de la difficulté à le percer. Ça prend de l'aide énorme.

(22 heures)

Donc, ils doivent recourir à un avocat, à toutes sortes de gens, afin de pouvoir se comprendre et se faire comprendre à l'intérieur de ce système-là. Donc, M. le Président, on aurait pu abolir certaines choses et réviser en profondeur la loi. Moi, j'aurais aimé tout simplement que, peut-être, on attende avant de déposer le projet de loi n° 79 ou bien qu'on l'ait révisé auparavant, et ce, conformément au rapport qui avait été déposé en 1994. Donc, M. le Président, ça n'a pas été le cas et c'est pour ça que, nous, de ce côté-ci de l'Assemblée, nous allons voter contre le principe du projet de loi n° 79... Et vous me dites qu'il me reste quelques minutes.

En fin de compte, au nom du public, au nom des travailleurs, au nom des travailleuses du Québec, au nom de tous ces gens qui voulaient se faire entendre en commission parlementaire, et j'ai ici, devant moi, tous ces gens-là: le Conseil du patronat, la Chambre de commerce du Québec, l'Association des manufacturiers du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, etc., les délégations syndicales comprenant à peu près tous les syndicats, les groupes populaires et communautaires, ces gens-là mêmes qui reçoivent ces doléances des travailleurs et des travailleuses, tout comme nous dans nos bureaux de comté, plusieurs organismes gouvernementaux dont la CSST, je pense qu'il aurait été important d'entendre ces gens-là avant de déposer un projet de loi et, à la suite de ça, déposer un projet de loi qui correspond vraiment aux attentes des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec. Et c'est pourquoi, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous allons voter contre, tout probablement comme tous ces gens-là qui demandent d'être entendus auraient voté contre.

Donc, M. le Président, je cède le droit de parole au prochain intervenant, de ce côté-ci de la Chambre probablement. Je ne sais pas s'il y en a de l'autre côté qui veulent se faire entendre là-dessus, mais, de ce côté-ci, c'est certain que nous allons voter contre ce projet de loi là. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je cède maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord et avant que je ne commence, M. le Président, je voudrais féliciter le député de LaFontaine pour son intervention ce soir, parce que, au moins de ce côté de la Chambre, nous sommes ici pour faire des débats, nous sommes ici pour protéger les travailleurs et travailleuses du Québec. Je vois l'incroyable manque d'intérêt de l'autre côté, je trouve ça inacceptable...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Nelligan, je crois que vous n'avez point le droit de supposer de telles choses. Vous laissez présumer à la population qui nous écoute qu'il n'y a pas d'intérêt du côté gouvernemental, alors que le côté gouvernemental est bien nanti ce soir, les bancs sont bien remplis. Le débat se déroule d'une façon tout à fait ordonnée, et ça me fait plaisir, et j'espère que nos débats vont continuer de la sorte d'ici au 20 décembre, malgré que nous allons probablement connaître de longues soirées, peut-être certaines nuits. Mais nous tenons, au niveau de la présidence, à ce que le tout se déroule dans l'ordre et que les députés fassent, de part et d'autre, leur travail de la meilleure façon.

Alors, M. le député de Nelligan, je vous invite à poursuivre.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Vous avez tout à fait une autre définition du mot «rempli» que moi. Mais j'accepte votre parole. Et je lance un défi à l'autre côté, que, si c'est un sujet qui intéresse les députés du gouvernement péquiste, ils doivent se lever ce soir et entrer dans le débat, M. le Président. Mais, jusqu'à date, je n'ai pas... et c'est un fait, M. le Président, nous n'avons pas un député – un ou une député – qui a participé dans ce débat.

M. le Président, c'est le 2 décembre 1996. C'est juste quelques semaines avant Noël. Le rapport a été déposé en mai 1994. Pourquoi on arrive maintenant avec un tel projet de loi, la loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, or, in English, Bill 79, An Act to establish the Commission des lésions professionnelles and amending various legislative provisions? C'est quoi, la logique de ce gouvernement, d'arriver maintenant avec ce projet de loi? Qu'est-ce qu'ils ont fait pendant les deux dernières annnées? Qu'est-ce qu'ils ont fait pour protéger les travailleurs et travailleuses du Québec?

Une voix: Rien.

M. Williams: Rien. Effectivement, j'ai entendu la bonne réponse: Ils n'ont rien fait pour les travailleurs et travailleuses du Québec. Ils ont toujours mis leur obsession pour la séparation devant tous les autres sujets importants pour la population québécoise. Ils ont mis les intérêts des travailleurs et travailleuses du Québec de côté. Ils ont mis juste leur obsession, à tout prix, devant tous les autres sujets importants qui peuvent être débattus ici, en Chambre, et aussi devant les questions financières, parce que ça touche un montant d'argent assez important, M. le Président.

Je me souviens du comportement de ce gouvernement pendant les deux dernières années: ils ont essayé d'acheter leurs votes, les votes de la fonction publique, juste avant le dernier référendum. Maintenant, ils sont en train de renier leur signature. Ils ont caché, selon les paroles de l'ancien premier ministre, 19 000 000 000 $ pour protéger le dollar canadien advenant un oui au dernier référendum. Avec ça, ils ont de l'argent pour leur option, mais, dans les dossiers qui touchent les simples travailleurs et travailleuses, ils n'ont pas assez d'argent.

Ils veulent sauver – selon l'information, et, comme d'habitude avec ce gouvernement, les chiffres changent – sur le dos des travailleurs et travailleuses, 38 000 000 $. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est vrai qu'ils vont effectivement sauver de l'argent? Je ne sais pas. Ou est-ce que c'est un autre exemple du double langage de ce gouvernement? La liste de double langage de ce gouvernement commence à être longue.

Permettez-moi, M. le Président, d'être un peu cynique de toutes les paroles de ce gouvernement. Quand ils disent une chose, ils font exactement autre chose. Je sais qu'il y a des règles qui ne me permettent pas d'utiliser les mots qui, je pense, décrivent exactement le comportement de ce gouvernement. C'est simple de dire double langage, demi-vérité. J'arrête là, M. le Président, parce que de plus en plus la population comprend exactement ce que ce gouvernement est en train de faire.

Mais ce projet de loi n° 79 touche les travailleurs et travailleuses qui ont besoin du service de leur gouvernement pendant une période tellement difficile. Les travailleurs et travailleuses qui approchent la CSST – et tout le monde veut améliorer les services de la CSST... Mais, quand vous contactez la CSST, M. le Président, ce n'est pas parce que c'est le meilleur moment dans votre vie, c'est parce que vous êtes accidenté. Et, si vous n'avez pas un syndicat, une union pour vous protéger, vous êtes seul; vous êtes seul avec vous-même devant un vaste appareil gouvernemental. Et vous savez ce que le Protecteur du citoyen pense du comportement de ce gouvernement: de plus en plus, il dit qu'il y a des problèmes avec ce gouvernement.

Avec ça, M. le Président, si nous avions un projet de loi devant nous qui effectivement était en train d'améliorer le système, on pourrait supporter ça, parce que chaque député a eu des cas de comté, a eu des personnes qui ont visité son bureau et qui ont dit: Ça ne marche pas, ça ne marche pas avec la CSST. Ça ne marche pas pour une raison assez claire: c'est un lourd appareil gouvernemental et souvent il y a des contradictions et il y a des batailles légales.

M. le Président, comme j'ai dit, c'est un exemple du double langage de ce gouvernement péquiste. Il y a plusieurs groupes qui ont déjà dénoncé cette réforme. La CSN dénonce la réforme du ministre du Travail de ne pas bien respecter les règles. La CSN a rapidement dénoncé les deux projets de loi du ministre du Travail modifiant le traitement des dossiers d'accidents du travail à la CSST. La centrale syndicale prétend que le gouvernement passe largement à côté de la déjudiciarisation dans ce domaine. En citation: «Le ministre entraîne un palier de contestation, alourdit l'instance qui reste en la rendant paritaire et laisse intact ce qui est présentement le plus judiciarisé: l'évaluation médicale.

(22 h 10)

M. le Président, il y a 20 groupes qui ont déjà dénoncé ce projet – et je pense que la liste n'est pas finie – 20 groupes qui veulent avoir un changement. J'ai nommé la CSN et le député de LaFontaine a déjà mentionné le Conseil du patronat: deux groupes qui ne sont pas nécessairement souvent sur le même côté d'un argument, sur le même côté de la médaille, qui sont contre ce projet de loi.

M. le Président, il me semble qu'on doit corriger ce qui se passe à ce niveau, de l'autre côté de la Chambre. Je vois le ministre délégué au Revenu, il est ici ce soir. Nous avons toujours dit: Au fisc, vous êtes toujours présumé coupable avant que vous n'ayez une chance de plaider. Il est en train de traiter tous les Québécoises et les Québécois de fraudeurs. Je ne veux pas que la CSST, avec ce projet de loi, fasse exactement la même chose. Il me semble que nous avons besoin d'une apparence de la justice. Nous avons besoin, pour les travailleurs et les travailleuses, d'avoir confiance dans notre système. Mais ce qui se passe, c'est exactement le contraire de quelque chose qui peut donner la confiance au simple citoyen.

Je voudrais parler spécifiquement, M. le Président, de la recommandation qui a été refusée par le ministre, la recommandation qui était d'abolir le Bureau d'évaluation médicale, le BEM. C'était la première recommandation du comité. Et je pense que le député de LaFontaine a bel et bien cité cet exemple. Mais qu'est-ce que le ministre a fait? Il ne l'a pas aboli; ça continue. Et voilà, on trouve la plupart des contestations...

Je voudrais en nommer cinq, M. le Président, et ça vient des statistiques du BEM. Et je vais expliquer pourquoi je vois que, effectivement, le BEM, c'est la place où on peut trouver le plus grand nombre de contestations. Le BEM renverse l'opinion des médecins traitants une fois sur trois en ce qui concerne le diagnostic. Le Bureau d'évaluation médicale est en désaccord trois fois sur quatre avec les médecins traitants sur les dates de consolidation. Trois fois sur quatre, M. le Président, le Bureau d'évaluation médicale se prononce en désaccord avec le médecin traitant en ce qui a trait à la nature, à la nécessité, à la suffisance ou à la durée des soins; encore une fois, trois fois sur quatre. Le Bureau d'évaluation médicale est en désaccord avec le médecin traitant quatre fois sur cinq sur l'existence ou le pourcentage d'une atteinte permanente. Et finalement, M. le Président, la dernière statistique: le Bureau d'évaluation médicale renverse également l'opinion du médecin traitant en ce qui concerne l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles plus de trois fois sur quatre. Trois fois sur quatre, le BEM questionne nos professionnels, nos médecins.

Une voix: Les médecins ne sont pas bons.

M. Williams: Ils disent effectivement que nos médecins traitants, nos médecins de famille ne sont pas bons. Ils disent qu'ils ne sont pas assez compétents pour prendre une décision. Ils savent qu'ils nous connaissent mieux qu'eux. Et c'est assez facile, M. le Président, de dire: Bon, M. le citoyen, vous êtes accidenté, vous avez un dossier, vous avez un diagnostic de votre médecin, mais on n'aime pas ça parce qu'il vous appuie. Avec ça, nous allons en engager un autre, nous allons faire une autre évaluation et nous allons, trois fois sur quatre, questionner votre médecin. Où est la transparence, M. le Président? Où est une bonne façon de gérer notre CSST?

Il y a aussi, M. le Président, d'autres recommandations que le député de LaFontaine a mentionnées, des recommandations actives, des recommandations d'agir. Le groupe de travail a recommandé d'engager 50 commissaires additionnels avec un niveau de productivité de 200 causes par année. Ils ont aussi recommandé d'engager des commissaires occasionnels pour régler les demandes en attente de traitement. Ils ont recommandé de l'action. Ils ont recommandé que, s'il y a des listes d'attente, s'il y a des problèmes, qu'on engage les personnes compétentes qui peuvent régler ces dossiers.

Parce que, M. le Président, c'est des personnes accidentées, c'est des citoyens qui ont eu un accident à leur travail. Ce n'est pas quelqu'un qui peut attendre une réponse, c'est quelqu'un qui a besoin d'une réponse le plus tôt possible. Avec ça, le groupe de travail a compris qu'effectivement on doit déjudiciariser les décisions, mais on doit donner les outils à nos fonctionnaires, à notre fonction publique pour étudier les dossiers et régler le plus grand nombre de dossiers possible.

Mais, M. le Président, on ne trouve pas ça dans le projet de loi n° 79. Nous avons trouvé que le ministre veut sauver de l'argent, il ne veut pas réinvestir de l'argent dans le système. Ne l'oubliez pas, M. le Président. Je voudrais rappeler – parce que, souvent, ici, nos lois sont compliquées... Qu'on parle d'un travailleur ou d'une travailleuse québécois accidenté qui a besoin des services de notre gouvernement, qu'est-ce que notre gouvernement est en train de faire? Il est en train de recréer, de continuer de monter les barrières qui causent les problèmes, qui causent les délais, qui n'aident pas les citoyens dans ces temps assez difficiles.

M. le Président, aussi, la recommandation... Encore une fois, je parle des recommandations du groupe de travail de 1994. Le ministre du Travail a eu deux ans ou plus pour réfléchir sur ces recommandations; peut-être qu'il n'a pas compris, mais le reste de la province a bel et bien compris. Ils ont recommandé de prévoir des frais de location de salles pour les auditions en région. Et cette recommandation m'a beaucoup frappé, M. le Président. Parce que, effectivement, la responsabilité de notre gouvernement, c'était de ne pas centraliser tous nos services. On doit rendre nos services plus proches de la population. On doit s'assurer que la population, particulièrement pendant une période difficile, puisse avoir accès à ces services. Mais non, le ministre ne veut rien savoir de ça.

Ça rappelle un peu la décision que le ministre de la Justice est en train de faire chez nous. Il veut déménager la chambre de la jeunesse dans le centre-ville de Montréal. Il veut déménager la Cour des petites créances dans le centre-ville. Avec ça, c'est exactement le contraire de ce que tous les citoyens ont demandé: ils veulent avoir un meilleur accès à nos services gouvernementaux. C'est ça que le Protecteur du citoyen a demandé. Peut-être que le ministre peut lire son document. Il me semble que le prochain rapport du Protecteur du citoyen, si cette loi est adoptée telle quelle, va être assez actif contre lui et son ministère.

Il me semble, M. le Président, que nous avons souligné plusieurs problèmes dans la loi, incluant le problème souligné par le Conseil du patronat, qui est contre la façon de recommander... Si j'ai bien compris le ministre, il veut avoir tout le contrôle des nominations, il veut choisir ses propres personnes et, comme d'habitude, il veut contrôler les décisions de la CSST.

Je le rappelle, c'est un des problèmes de transparence que j'ai déjà mentionné avec le Bureau d'évaluation médicale. Et, M. le Président, il me semble qu'on doit arrêter ce projet de loi tout de suite. On doit demander des audiences publiques. On doit s'assurer – pas pendant la session intensive, quand tout le monde est stressé – que le monde ait le temps de réfléchir sur ce projet de loi, de l'étudier comme il faut. Et j'espère que le ministre va avoir assez de courage – assez de courage et ne pas démontrer le double langage qui est le signe de ce gouvernement – pour inviter tous ceux et celles qui sont intéressés par ce projet de loi à participer.

Il y a certainement la CSN, que j'ai déjà nommée; le Conseil du patronat, que j'ai nommé aussi. Mais il me semble que le Collège des médecins doit être impliqué aussi et plusieurs autres groupes que le député de LaFontaine a déjà mentionnés. Je pense que, pour un dossier aussi important que ça, nous avons besoin d'une vaste consultation, de s'assurer que peut-être avec une bonne intention le ministre n'est pas en train de créer plus de problèmes que de solutions.

Mr. Speaker, I wanted to support the «député» from LaFontaine tonight with his opposition to Bill 79, because Bill 79 is another exemple of the half truths and the inconsistencies of this Government. On one hand, they talk about de-adjudicating the CSST process. On the other hand, some of the most contested areas of this department are left untouched in fact, in large. I speak precisely about the Bureau d'évaluation médicale, where, time after time, in the statistics that I read into the record tonight, many times three out of four times the doctors chosen by the Government contradict the doctors that the family has chosen or the individual worker.

(22 h 20)

And don't forget, Mr. Speaker, that people don't go and visit the CSST for the fun of it. They don't go and have a little visit to see how one specific government is working. They have to come in contact with the CSST because they've had and accident, because they've had an illness, because they are needing support from the Government. They don't need – and you know and I know that there are many cases that come to our ridings – more contestation. They don't need more argument. They don't need professionals arguing against professionals. They don't need that in fact the Government say: Your doctor isn't good enough.

What they want is a government that can understand their problems. Understand and give hope and confidence that in fact, there is a government that isn't interested in just saving money on the backs of workers, that isn't interested in saving money in an area that they think they can get away with. They want to hear from this Minister that, in fact, there is a government that protects the workers of Québec, that protects the workers of Québec when they're ill, when they're sick and when they're hurt.

But what we're seeing right now, Mr. Speaker, is something exactly to the contrary. We're seeing a government that can find money for their option of separation, can hide 19 000 000 000 $, can put all kinds of money aside and be completely preoccupied with their obsession with separation. But, when it comes to the simple and straight forward needs of the workers of Québec, they do not respond to a government committee's report, they do not respond to practical solutions.

And I strongly suggest, Mr. Speaker, that this Government immediately allow us to have public consultations before this law goes any farther, so that we can benefit from the point of view of all the interlocutors in this system and make sure, Mr. President, before this law passes, we correct all the inadequacies and contradictions to make sure the people of Québec are effectively protected. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de me lever dans cette Chambre ce soir pour parler sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives; Bill 79, An Act to establish the Commission des lésions professionnelles and amending various legislative provisions.

Je veux seconder, faire écho aux propos de mon collègue le député de Shefford et également de mon collègue le député de Nelligan quant à l'importance de ce dossier. Comme députés, on est souvent approchés par les accidentés du travail qui ont eu des démêlés avec notre système de contestation des décisions de la CSST. Ce sont toujours des dossiers fort complexes. Alors, je pense que, comme Assemblée, il nous incombe de prendre le temps qu'il faut pour regarder ce projet de loi. Je pense, entre autres, à l'ébéniste qui est venu dans mon bureau de comté avec un mal de dos chronique. Je pense à la madame qui a travaillé dans une usine, qui ne peut maintenant plus utiliser son bras, alors c'est très difficile parce que c'est de la manipulation des boîtes qu'elle doit faire au travail. Je pense à la madame qui m'a appelé une journée de son lit à l'hôpital pour contester le fait que la CSST vient de dire qu'elle est apte au travail. Elle avait son médecin au bout du fil aussi. Alors, ce sont des dossiers complexes. Donc, que l'Assemblée nationale prenne le temps qu'il faut ce soir pour mettre en place un système efficace, un système rapide, un système moins dispendieux pour l'État, je pense qu'on a tout intérêt à participer à ce débat. Le projet de loi qui est devant nous ce soir essaie en partie d'adresser ces questions; je pense que ça mérite la pleine attention des membres de cette Chambre.

Mais il faut rappeler que ce n'est pas la première fois que nous sommes saisis d'un projet de loi pour essayer de corriger une situation qui existe à ce niveau. Rappelons-nous, il y a un an, le projet n° 130 était déposé. Dans le même discours du ministre – un autre ministre, un autre ministère, mais un ministre avec la même confiance: On va tout régler. Tassez-vous, membres de l'opposition, parce que j'ai la seule version de la vérité, et, moi, je vais mettre en place quelque chose qui va fonctionner.

On sait très bien que ça a pris des mois à l'opposition pour faire comprendre à ce gouvernement que l'annexe II de l'original du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, où ils ont créé une section des lésions professionnelles, n'était pas une bonne idée. On était secondé par l'association des accidentés du travail, par la CSN, par le Conseil du patronat, par beaucoup d'autres groupes qui sont venus témoigner devant la commission des institutions, et, au bout de la ligne, après une lutte de cinq mois, enfin, le gouvernement a été à l'écoute, et nous avons retiré la section des lésions professionnelles du projet de loi n° 130.

Alors, il y a un progrès, mais il y a peut-être là une leçon pour le ministre et ses collègues ce soir: des fois, l'opposition a raison et, des fois, peut-être qu'en participant à ces débats on peut apprendre des choses, on peut bonifier la loi. Comme je l'ai dit, le reste du projet de loi n° 130 est la triste histoire d'une réforme gâchée, où on n'avance pas. La commission des institutions a essayé de faire comprendre au ministre de la Justice les lacunes de ce projet de loi, mais il ne veut rien savoir. Et c'est très triste de voir le Barreau qui a plaidé à maintes reprises. Mais on va voir certains des défauts qui existent dans la loi n° 130 se répéter dans la loi n° 79, qui est devant nous ce soir. Je pense que le ministre du Travail a tout intérêt à regarder ce qui s'est passé dans le projet de loi de son collègue et de voir s'il y aurait peut-être des leçons qu'on pourrait en tirer pour améliorer le projet de loi.

What we have here tonight is a second attempt by this Government to reform the Commission des lésions professionnelles, which was included in Bill 130 which looked at an overhaul of administrative justice. After a long debate, the Government took out this section from Bill 130. It took five months, it took many groups in society coming to tell the Government that this was a bad idea before putting it into place. Unfortunately, Mr. Speaker, tonight many of the problems that existed in 130 are found again in Bill 79, the bill that is before us.

Et, comme j'ai dit dès le départ, on a tout intérêt à faire un meilleur système, un système plus efficace, moins lourd qui va aider les travailleurs et les travailleuses du Québec à avoir accès à une justice d'une façon plus rapide. Mais il y a un fait troublant dans tout ça et dans le style de ce gouvernement – après deux ans à l'oeuvre, je commence à reconnaître le style de ce gouvernement: Est-ce que l'objectif est de rendre le système plus efficace pour les travailleurs ou est-ce que l'objectif est de chercher l'argent? Et je ne peux pas le lire parce que, selon la décision de votre prédécesseur, les pages de couverture de nos projets de loi sont antiparlementaires, mais c'est toujours indiqué sur nos projets de loi qu'ils sont présentés par M. M. R., ministre du Travail. Alors, je ne peux pas lire ça parce que le leader du gouvernement va se lever et je ne veux pas le perturber. Alors, je vais rester comme ça. Mais, si j'ai bien compris, même les pages de couverture de nos projets de loi sont maintenant antiparlementaires. Peut-être que le Bureau de l'Assemblée nationale pourrait regarder cette nouvelle problématique.

Mais je pense que tous nos projets de loi ou la plupart des projets de loi présentés par ce gouvernement doivent être signés soit par le ministre des Finances ou par le président du Conseil du trésor, parce que ça me donne l'impression avant tout que c'est de l'argent qu'on cherche. Et maintenant on a décidé: Ah! il y a trop d'argent pour les travailleurs et les travailleuses accidentés au travail, on va aller chercher... Les chiffres varient. À un moment, le ministre a parlé de 38 000 000 $; à un autre moment, un autre ministre a parlé de 58 000 000 $. Alors, c'est dans l'air, c'est quelque chose qu'on va regarder dans l'étude détaillée de ce projet de loi. Mais ma crainte, c'est que c'est ça, l'objectif, au lieu d'un l'objectif de rendre le système plus efficace.

(22 h 30)

Et je pense, entre autres... On a vu ça avec le projet de loi sur la création d'un régime de médicaments: l'objectif, dès le départ, du ministre de la Santé était de sauver 250 000 000 $, ce n'était pas de créer un système efficace. On a vu les manchettes aujourd'hui, les personnes qui souffrent du sida, beaucoup d'inquiétude dans le milieu. On a déjà vu ça dans le milieu, des personnes qui souffrent de maladie mentale. Tout ça, c'était laissé de côté. La commande était faite par le Conseil du trésor de sauver de l'argent; on a procédé. On va voir ça demain soir avec une réorganisation de la carte policière et le projet de loi n° 77. Encore une fois, c'est une commande de trouver 50 000 000 $. Point.

Les intérêts des citoyens, les intérêts d'avoir une meilleure organisation policière pour le Québec, on laisse ça de côté et on va chercher l'argent. Ce même ministre a présenté un projet de loi pour la Commission des normes du travail, pour aller chercher de l'argent encore, qui risque, pour les travailleurs qui n'ont pas un syndicat ou une autre association pour les protéger, de faire payer de l'argent. Alors, la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité, un autre 50 000 000 $ que le gouvernement est allé chercher dans le projet de loi n° 135. Alors, comme j'ai dit, on peut prétendre que ça, c'est un projet de loi présenté par M. M. R., ministre du Travail, mais, en effet, c'est un autre projet de loi qui est présenté par le ministre des Finances, par le Conseil du trésor, pour aller chercher de l'argent encore une fois dans les poches des contribuables québécois.

Il y a, à mon avis, trois grands problèmes qu'il faut regarder de près dans ce projet de loi. Le premier traite la question des nominations. Et, comme j'y ai fait référence tantôt, un des grands obstacles avec le projet de loi n° 130 sur la justice administrative, c'est effectivement qu'on ne peut pas établir les règles pour créer assez de distance entre le ministre de la Justice et les juges qui vont siéger sur le nouveau Tribunal administratif du Québec. Il y a eu de longues discussions, mais le ministre veut protéger ses nominations pour avoir un contrôle politique accru sur les personnes aptes à trancher sur les dossiers entre le citoyen et l'État, le gouvernement. Alors, c'est évident que ces juges doivent agir avec une certaine indépendance parce que, sinon, s'ils pensent que leur avenir comme juges est lié avec les décisions qu'ils prennent, ça risque de mettre en péril leur objectivité et les décisions qu'ils vont prendre.

Et surtout, dans cette obsession de réduire les dépenses publiques de l'État, peut-être un juge, quelqu'un qui va être nommé un jour à la nouvelle Commission des lésions professionnelles va penser: Hum, j'aimerais être renommé, j'aimerais avoir une nouvelle nomination, mais si le ministre commence à voir les chiffres, le total des sommes que j'ai accordées aux travailleurs accidentés – peut-être des argents qui sont bien mérités – je risque peut-être que ma renomination soit mise en péril.

Alors, une des questions... Et on voit que ç'a été soulevé entre autres par le Conseil du patronat, sous un autre angle aussi, mais qui a cherché à vraiment avoir un système paritaire. Mais, au lieu de faire ça, selon M. Dufour, qui est le président du Conseil du patronat du Québec: «Le gouvernement et le ministre du Travail s'approprient pour mieux les contrôler... – pardon – ...il n'en est rien, cependant, alors que le gouvernement et le ministre du Travail s'approprient, pour mieux les contrôler, les modes de nomination.»

Alors, encore une fois, on voit la même problématique qui s'est produite avec la loi n° 130, un contrôle accru du ministre dans le processus de nomination. Et je pense que, comme tout parlementaire, il faut être contre ça, parce qu'il faut établir une distance nécessaire entre le juge, et le gouvernement, et le citoyen. Et, si les juges sont trop liés, trop sous le contrôle, selon les mots de M. Dufour, du ministre, ça risque d'avoir un impact, une influence sur les décisions qu'ils vont prendre.

It's an important principle here, Mr. Speaker, that we have to keep the independence of the judges on the various tribunals that sit, and what has been raised in Bill 130 and raised here again tonight is that there is not sufficient distance between the Minister who had named the judges and that could have an impact on their ability to make clear and enlightened decisions about the cases of workers who have been injured on the job. We all... I share the concern about making sure that public expenditures are carefully controlled but you would not want to have judges sitting on these cases feeling that their performance are measured in dollars and cents. And we would like to have it that the workers who have accidents have access to full justice, so one of the questions that is raised in bill 79, by having the Minister taking more and more control over the nominations, is that this objectivity could be lost. Nominations have made some headlines recently.

Deuxièmement, on parle encore une fois de la protection de la vie privée. Ce gouvernement a une passion pour adopter des projets de loi qui touchent la vie privée. Encore une fois, on trouve dans l'article 27 de ce projet de loi, ce soir, dans le nouvel article 382 de la loi:

«La Commission des lésions professionnelles publie périodiquement un recueil de décisions qu'elle a rendues.

«Elle omet le nom des personnes impliquées lorsqu'elle estime qu'une décision contient des renseignements d'un caractère confidentiel dont la divulgation pourrait être préjudiciable à ces personnes.»

Et elles sont protégées par la loi sur l'accès à l'information. Mais on a vu, et ça va créer un autre fichier du gouvernement, il y en a tellement déjà, on a eu l'avis du président de la Commission d'accès à l'information il y a trois semaines, dans cette Chambre, quant à l'utilisation de ces fichiers par ce gouvernement. Alors, il faut faire attention.

Alors, aux listes de personnes qu'il faut entendre avant de procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi, j'aimerais ajouter la Commission d'accès à l'information pour assurer qu'on peut effectivement protéger la confidentialité des personnes. Parce qu'on prend l'exemple d'un accident et, j'imagine, on peut très rapidement déterminer l'identité d'un individu par juste les circonstances de l'accident. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à s'assurer que, dans ce projet de loi, la vie privée est protégée comme il faut et qu'en conséquence, je pense, au moins un avis par écrit ou peut-être une visite du président de la Commission d'accès à l'information serait souhaitable pour juste s'assurer que la vie privée des travailleurs et travailleuses accidentés, c'est bien protégé.

Troisièmement, et je veux juste répéter ce que la Confédération des syndicats nationaux a dit à la commission des institutions il y a un an sur toute la question du Bureau d'évaluation médicale de la CSST, parce que si, vraiment, ce qu'on cherche avec ce projet de loi, c'est de rendre le système plus efficace et plus rapide, je pense qu'il faut aller au noeud du problème, et le noeud du problème, c'est effectivement les délais et les contestations au Bureau d'évaluation médicale. Mais, au contraire de la recommandation qui a été faite dans le rapport de Me Durand, d'abolir le Bureau d'évaluation médicale, le ministre a jugé bon de le garder dans le projet de loi. Et je veux juste répéter quelques-uns des commentaires qui ont été faits par la CSN devant la commission des institutions. Au lieu de répéter les mêmes failles qu'on a trouvées dans le projet de loi n° 130, on a tout intérêt peut-être à procéder à les corriger tout de suite. Et je cite, par la CSN, ce qui était déposé devant la commission des institutions lors de la consultation sur la réforme de la justice administrative.

«Il nous est impossible pour l'instant d'être assurés que les autres paliers d'appel, particulièrement en matière d'accident de travail, seront abolis par la loi d'application ou autrement. Lors de la dernière consultation concernant la réforme des tribunaux administratifs, la CSN proposait l'abolition du Bureau de révision ainsi que le Bureau d'évaluation médicale. Selon nous, l'un comme l'autre représentent des paliers d'appel qui, en plus d'engendrer des dépenses inutiles, participent grandement à la judiciarisation du système. En effet, nous soulignons que le Bureau d'évaluation médicale est assimilable à un palier d'appel.

«Ce processus appelle à des multiples contestations de la part des intervenants. Le membre du Bureau d'évaluation médicale se transforme en décideur en regard de deux opinions médicales contradictoires. Rappelons que le fonctionnaire de première ligne décide de l'admissibilité d'une réclamation. Le membre du Bureau d'évaluation médicale est au-dessus du pouvoir discrétionnaire et administratif et tranche toutes les questions médicales relatives à une personne accidentée du travail. Même si le membre du Bureau d'évaluation médicale ne rend pas de décision, son opinion est déterminante.

(22 h 40)

«Très souvent, ce décideur n'a pas le dossier complet de la personne accidentée. Il la rencontre très rapidement, soit une quinzaine de minutes, et se prononce ensuite sur l'ensemble des questions médicales même si le médecin traitant de la personne accidentée et celui de l'employeur ne se sont pas prononcés sur ces sujets.

«Dans toute la procédure d'évaluation médicale, la CSN croit que la CSST devrait être liée par le médecin ayant la charge de la personne accidentée. C'est pourquoi elle aimerait retrouver au projet de loi ou dans la loi d'application l'assurance de l'abolition du Bureau d'évaluation médicale.»

Je pense que mon collègue le député de Nelligan a indiqué clairement les problèmes et les risques de conflits qui existent autour du Bureau d'évaluation. On compte sur la recommandation qui a été formulée au ministre. Il a jugé bon de le garder dans le projet de loi, qui risque de ne pas avancer l'efficacité ni la rapidité des décisions qui sont prises par une nouvelle commission des lésions professionnelles.

Alors, en terminant, M. le Président, je veux réitérer la demande faite par mes collègues, vu l'importance de ce dossier, vu le fait qu'on veut agir dans l'intérêt des travailleurs et travailleuses accidentés pour rendre le système plus souple, plus efficace, de prendre le temps qu'il faut, de ne pas répéter les erreurs contenues dans le projet de loi n° 130. Alors, à cette fin, inviter peut-être même une sélection des représentants de la partie patronale et de la partie syndicale, quelques représentants des accidentés du travail, les asseoir ensemble, regarder qu'est-ce que nous avons appris de l'expérience du projet de loi n° 130 et éviter de le répéter à l'intérieur du projet de loi n° 79. Merci beaucoup, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, dans notre travail quotidien de députés, nous sommes régulièrement mis en présence de citoyens et de citoyennes qui sont incapables de gérer leurs interfaces avec nos bureaucraties. Beaucoup de notre travail quotidien dans nos bureaux locaux consiste en réalité à fournir de l'aide, à faire du travail de dépannage à l'égard de personnes qui sont dans l'incapacité de gérer ces processus administratifs, compte tenu de leur complexité. Personnellement, je trouve que ce travail que je suis appelé à faire en tant que député est un travail extrêmement passionnant parce que c'est une façon pour moi de me rendre utile par rapport à tous ces gens qui viennent me visiter pour me demander de les dépanner face à la bureaucratie. Personnellement, je dois dire que je suis peut-être – comment dirais-je? – particulièrement bien préparé pour faire ce genre de travail, étant donné que, ayant été haut fonctionnaire durant de longues années, je connais bien comment fonctionne la bureaucratie québécoise et j'ai donc l'information qui me permet, à tout moment, d'offrir de l'aide à ces gens, à ces personnes qui sont largement dépourvues face au monstre bureaucratique auquel ils ont affaire pour obtenir des services, pour satisfaire des besoins qui sont parfaitement justifiés et auxquels ils ont parfaitement droit.

Le problème, enfin l'un des problèmes du projet de loi n° 79, à mes yeux et aux yeux de mes collègues qui se sont prononcés là-dessus, c'est évidemment qu'il ne contient rien mais absolument rien qui serait de nature à soulager la souffrance bureaucratique dont je viens de vous parler. Comme l'ont dit mes collègues de LaFontaine, de Shefford, de Nelligan et de Jacques-Cartier, ce projet de loi ne contient rien qui nous permette d'envisager que les processus administratifs auxquels les citoyens et les citoyennes ont à faire face pour satisfaire leurs besoins seront simplifiés ou leur seront plus faciles de compréhension et de contrôle. Il y a des exemples nombreux de ça dans le projet de loi du ministre du Travail, mais le plus éloquent, c'est certainement celui du refus d'abolir le Bureau d'évaluation médicale, sur lequel je reviendrai tantôt.

D'ailleurs, c'est étonnant que ce projet ait été parrainé, ait été préparé sous la guidance du député de Matane, qui est une personne que je connais bien et qui est une personne fort éclairée sur toutes ces questions, qui a passé une bonne partie de sa vie professionnelle à écrire sur ces questions, à analyser ces questions, à démonter ces systèmes administratifs qui frisent l'oppression. On retrouve, chez le député de Matane, une espèce de... Puis, lorsqu'on a bien connu son oeuvre écrite, qu'on l'a fréquentée, qu'on a apprécié ses analyses des processus de travail et des processus de gestion, on est vraiment étonné de constater que, dans le projet de loi, il n'y a rien de cet éclairage, de cet homme éclairé, qu'on retrouve dans le projet qu'il parraine aujourd'hui.

Reprenons l'exemple que j'ai mentionné tantôt, l'abolition du BEM, c'est-à-dire ce qu'on refuse de faire. Je ne reprendrai pas en détail les statistiques que mentionnait tantôt mon collègue de Nelligan, mais c'est tout de même absolument époustouflant de lire, même d'une façon superficielle... On n'a pas besoin d'être un génie pour comprendre de quoi il s'agit, quoi; ça saute aux yeux. Qu'est-ce qu'on retrouve ici? Le BEM renverse l'opinion du médecin traitant une fois sur trois en ce qui concerne le diagnostic. Le BEM est en désaccord trois fois sur quatre avec le médecin traitant, sur la date de consolidation de guérison. Le BEM se prononce en désaccord avec le médecin traitant trois fois sur quatre, en ce qui a trait à la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins.

M. le Président, est-ce qu'on peut trouver exemple plus éloquent du paternalisme de la bureaucratie, qui décide que les gens qui ont été formés, qui ont passé des années, qui ont passé six, sept, huit, 10, 12 et 15 ans à se perfectionner pour être capables de faire des évaluations médicales fondées... Comment se fait-il qu'on se retrouve devant un ministre qui refuse maintenant d'abolir le dispositif administratif qui mine la confiance de ces spécialistes et qui désavoue finalement, quatre fois sur cinq dans certains cas, les opinions d'experts qu'ils ont émises?

Il y a là, M. le Président, une confiance dans la bureaucratie, une confiance que je qualifierais d'aveugle dans la bureaucratie et qui est une des grandes sources de la souffrance de beaucoup de nos concitoyens, et en particulier de nos concitoyens les plus démunis, qui, pour obtenir justice, qui, pour obtenir des soins de qualité, qui, pour obtenir de la qualité de services, ont à se débattre continuellement avec ces appareils qui sont devenus trop complexes, ces appareils qu'il faudrait simplifier, qu'il faudrait décomplexifier, qu'il faudrait débureaucratiser. Et, dans le projet que dépose le ministre, il n'y a absolument rien qui aura cet effet-là.

(22 h 50)

Il y a évidemment d'autres faiblesses dans ce projet. Par exemple, et je m'en remets toujours aux recommandations qui avaient été faites par le rapport de Me Durand, il y avait là-dedans de très bonnes idées. En particulier, j'en mentionne une, deux ou trois, mais il y en a beaucoup d'autres qu'on pourrait mentionner. Mais il y a l'excellente idée d'essayer de doter la CSST de personnel spécialisé qui lui permettrait d'être plus efficace, d'être plus productive à la dispensation des services.

Il y a aussi une excellente recommandation qui concerne la déconcentration des services. Faut-il maintenir toujours et pour toujours les services dans les grands milieux urbains, dans les principales grandes villes du Québec, et obliger les citoyens à devoir se déplacer pour aller aux services plutôt que de s'attendre à ce que les services se déplacent pour aller vers eux ou vers elles? Il n'y a rien dans ce projet, à moins que je ne l'aie mal lu, qui nous indique en quelque façon qu'on a cette intention de déconcentrer, de rapprocher la dispensation des services de ceux qui paient pour ces services-là, c'est-à-dire de nos concitoyens et concitoyennes.

Évidemment, il y a des gens qui sont parfaitement capables de se débrouiller avec ce genre de dispositif qu'on voit apparaître dans le projet de loi du ministre de Matane. Les gens de la nouvelle classe moyenne, auxquels nous appartenons, nous, nous sommes familiers avec la bureaucratie, nous sommes familiers avec les processus administratifs qui sont ceux qui dominent à la CSST, mais qu'en est-il de la très grande majorité des gens qui viennent nous voir, qui viennent me voir à mon bureau, à Outremont, qui est, je le mentionne en passant, situé dans la partie d'Outremont – je l'ai fait expressément – où ces gens habitent pour la plupart, qu'en est-il, disons, des avantages, des ressources que ce projet donnera à ces gens pour les aider à mieux gérer ce que j'ai appelé plus tôt leur interface avec l'administration et leur interface avec les bureaucraties?

Et la CSST est un cas assez intéressant de ce point de vue là, parce que c'est assez souvent qu'on est mis en présence de personnes qui ont de la difficulté à se débrouiller, à prendre le contrôle d'un genre de dispositif comme celui-là. Parce que, écoutez, la CSST – je le sais pour avoir lu ses rapports annuels et pour connaître un bon nombre des personnes qui l'ont dirigée – la CSST, c'est une immense machine. La CSST, c'est une des plus immenses machines que le gouvernement du Québec, que l'État du Québec a mis en place au cours des 20 ou des 25 dernières années.

Et on l'a mentionné, mon collègue l'a mentionné plus tôt: ce dispositif, cet appareil a été créé dans le but d'asseoir une justice plus étendue, une justice plus assurée. Mais encore là faudrait-il que pour qu'on veuille atteindre ces objectifs on consente à faire des réformes, des réformes administratives, des réformes organisationnelles qui aient d'autres intentions que l'intention étroitement économiste du gouvernement, qui est celle de couper des coûts, de réduire des dépenses et finalement de se retrouver dans une situation où on le fait d'une façon qui est souvent improvisée, qui est souvent même un peu aveugle.

J'en vois à tous les jours de ces décisions du gouvernement qui placent le pauvre monde dans des situations impossibles. Mais, évidemment, on assiste à des réunions de personnes âgées à Montréal, par exemple, qui se plaignent de la réforme du ministre que nous connaissons tous, mais comment réagit la technocratie devant ces gens? La technocratie réagit un peu à la façon dont on entend réagir ici, dans cette Chambre, dans cette Assemblée, en disant: Écoutez, tout est sous contrôle. On sait qu'il y a 2 % des cas qui sont problématiques; on sait aussi qu'évidemment ça se répartit selon l'âge, le niveau d'éducation, et ainsi de suite, mais on n'a pas de réaction par rapport à la souffrance, à la véritable souffrance humaine que ces processus, que ces changements, que des décisions entraînent. Je l'ai déjà dit dans un article que j'ai publié dans La Presse suite à un sit-in que j'ai fait dans le bureau surchauffé de notre collègue, qui nous regarde maintenant, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration, j'ai dit que beaucoup de décisions de ce gouvernement allaient entraîner un passage, je disais, à ce moment-là, le passage de la souffrance individuelle à la misère collective.

Je dois dire que, lorsque je regarde le projet du député de Matane, je ne trouve rien, là-dedans, qui aura pour effet de prévenir, en quelque façon que ce soit, ce genre de passage et surtout de soulager le citoyen de cette espèce de situation d'oppression dans laquelle il se trouve face à des bureaucraties qu'il ne contrôle pas. Il se trouve ainsi souvent incapable de pouvoir obtenir les services dont il a besoin, dans le temps dont il a besoin, avec la rapidité dont il a besoin et la qualité dont il a besoin.

M. le Président, c'est bien clair que nous ne pouvons pas appuyer ce projet et c'est très clair que ce que le ministre pourrait décider de mieux, ce serait de donner suite aux demandes d'audiences qui sont faites par de si nombreux intervenants. C'est justement par le recours à ces audiences que nous allons revenir à la réalité, M. le Président, que nous allons pouvoir entendre des personnes, des organismes qui sont touchés par ces processus bureaucratiques et qui ont la capacité de nous inspirer sur la façon dont il faudra s'y prendre pour les réformer. Ça aussi, c'est une chose qu'il faut peut-être répéter, Mme la députée, c'est peut-être une chose qu'il faut répéter, M. le Président, à savoir que le pauvre monde qui a des difficultés à gérer ses interfaces avec la bureaucratie, il a, par ailleurs, souvent une expérience qui n'est pas sans intérêt pour nous qui souhaitons la réformer. Et, dans ce sens-là, je pense que ce serait une excellente idée qu'on ait des audiences publiques qui nous permettent de réfléchir sur la façon de s'y prendre pour améliorer le rendement, la qualité de services, la productivité et le niveau de satisfaction des citoyens face aux dispositifs bureaucratiques dont on parle maintenant et dont il est question fondamentalement dans le projet de loi.

Une dernière remarque, M. le Président, et ça ne me paraît pas complètement anodin. Peut-être que, dans ce projet ou dans les intentions que le ministre aurait témoignées au moment de le présenter, on aurait pu mettre l'accent sur la prévention, la prévention qui aurait fait que l'appareil bureaucratique aurait été moins surchargé et, donc, de ce point de vue là, plus efficace. Mais non, ça ne fait pas partie des intentions du projet. Ce qui fait partie des intentions du projet, je le répète, c'est de maintenir un certain nombre de monopoles, de maintenir un certain nombre de contrôles, de préserver l'intégrité de la bureaucratie et, aussi, je le répète, de satisfaire, disons, la tentation économiste d'un gouvernement qui, pour sauver de l'argent, est prêt à prendre des décisions qui pourraient entraîner qu'on coupe des coûts, qu'on améliore des processus si les mêmes décisions étaient prises autrement.

Alors, M. le Président, je conclus là-dessus, je le répète, je trouve que c'est un projet qui est désappointant, d'autant plus que le maître d'oeuvre du projet, lorsqu'on le connaît, lorsqu'on a lu ce qu'il a écrit au cours des 15 dernières années, ça nous aurait donc amenés à prévoir, disons, un style, une façon de voir, un esprit de réforme qui auraient été bien supérieurs à ce qu'on trouve dans le projet que nous avons devant nous. Merci, M. le Président.

(23 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Alors, y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'hésitais un tout petit peu à me lever ce soir, par souci d'alternance. On aurait pu s'attendre à une certaine réaction, peut-être, de la vingtaine de députés ministériels qui sont ici ce soir. Nous sommes sur le projet de loi n° 79 depuis maintenant deux heures et demie de temps et on n'a pas entendu parler une seule fois un député ministériel, pas une seule fois. On voit à quel point le sujet intéresse le parti ministériel.

Une voix: ...

M. Copeman: M. le Président, si la députée de Rimouski a quelque chose à dire, elle a juste à prendre la parole, on va lui accorder son 20 minutes puis elle pourra faire un de ses discours éloquents comme elle fait d'habitude.

M. le Président, le projet de loi qui est devant nous tombe à point, en sachant fort bien qu'on souligne aujourd'hui, qu'on commence la première Semaine québécoise des personnes handicapées. M. le Président, selon les données que j'ai en 1991, presque 20 000 personnes au Québec recevaient une indemnisation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, 20 000 Québécois et Québécoises, M. le Président. J'imagine que, depuis, un certain nombre de cas ont été ajoutés. On peut parler d'au-delà de 20 000 personnes, d'ailleurs, qui touchent des indemnisations qui résultent d'un accident de travail au Québec. Alors, c'est une loi importante. Quand on touche à la CSST, c'est une loi importante. Comme je l'ai dit, j'aurais pensé, peut-être, que des députés ministériels d'en face auraient pris la parole sur le projet de loi.

M. le Président, le ministre du Travail a parlé du consensus qu'il a établi. Même son discours sur l'adoption de principe, qui a été fait le 27 novembre – j'étais en Chambre, M. le Président, je me rappelle, et j'ai pris la peine de vérifier dans le Journal des débats – il a dit: «M. le Président, je me permets d'insister là-dessus, d'insister sur la déjudiciarisation, parce que le projet de déjudiciarisation que je vous présente aujourd'hui a permis de dégager un consensus élevé entre les instances patronale et syndicale, et la réforme est largement attendue par les employeurs et les syndiqués.» Fin de la citation.

M. le Président, comme c'est souvent le cas avec ce gouvernement, les faits, semble-t-il, sont contraires. Le consensus dont parle le ministre n'est pas là. J'en prends comme exemple, M. le Président, le titre, la manchette dans Le Devoir du 16 novembre: «La CSN dénonce la réforme du ministre du Travail». La CSN. Mme la députée de La Prairie a été, à un moment donné, vice-présidente de la CSN. Elle devrait en prendre note, de la position de son ex-employeur, elle devrait en prendre note. J'ai hâte de voir comment elle va voter, elle, sur ce projet de loi. D'ailleurs, j'imagine...

M. Jolivet: M. le Président, question de règlement. En vertu du règlement, si le député s'adressait à vous...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît!

M. Jolivet: M. le Président, si le député s'adressait à vous, il éviterait d'interpeller un député de l'autre côté, et je pense que c'est votre devoir de le rappeler à l'ordre.

M. Lefebvre: M. le Président.

Des voix: ...

M. Lefebvre: M. le Président. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, c'est une belle tentative du député de Laviolette, qui, de toute évidence, est meilleur whip que leader. Mon collègue ne s'est pas adressé à madame, il a parlé de madame: c'est complètement différent. Et on pourrait se poser la question, à savoir comment tel député va voter, comment tel autre député va voter, comment tel député, mon collègue, va voter. Ça n'a rien à voir avec une interpellation directe, ce qui serait effectivement illégal. Mais ce n'est pas le cas à date, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, vous savez que vous devez vous adresser à la présidence. Alors, je n'ai pas relevé les textes des paroles passées. Alors, pour l'avenir... Je ne me prononce pas sur le passé pour le moment, mais, pour l'avenir, faites attention à ça, s'il vous plaît.

M. Copeman: M. le Président, je pensais que je faisais attention, je le disais à vous. Je m'interroge comment la députée de La Prairie va voter sur la question, très simple, elle, une ancienne vice-présidente de la CSN. Puis on voit que la CSN dénonce la réforme du ministre du Travail. Peut-être que Mme la députée sera mise dans d'autres situations embarrassantes à l'avenir: conventions collectives, renégociation, réouverture, etc. J'ai hâte de voir, M. le Président, j'ai hâte de voir.

M. le Président, le consensus du ministre du Travail sur le projet de loi n° 79 n'existe pas. Ça n'existe pas. La CSN et la Centrale des syndicats démocratiques exigent maintenant, demandent des audiences publiques là-dessus. Normalement, quand on demande des audiences publiques, c'est parce qu'on a des choses à dire. On a souvent des choses à dire pour améliorer, pour corriger, pour bonifier, pas nécessairement juste pour venir dire au ministre à quel point il a fait un excellent travail. Le CIQ demande des audiences particulières. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec en demande. Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec en demande. Ils demandent tous des audiences publiques là-dessus, M. le Président.

En réponse à cette question – encore une fois, j'ai pris la peine de vérifier... Quand le projet de loi a été présenté le 14 novembre – je sais que ça va intéresser le ministre du Travail, c'est ses propres paroles – mon collègue le député de LaFontaine a interrogé le leader concernant la possibilité de tenir des audiences publiques, et le leader du gouvernement a répondu, M. le Président: «Le ministre m'informe qu'il étudie la possibilité de faire des auditions.» Semble-t-il qu'il a étudié cette possibilité et l'a écartée, parce que, de toute évidence, on ne procède pas à des consultations publiques.

C'est malheureux, M. le Président, c'est très malheureux. Quand un gouvernement veut vendre sa salade, est convaincu que son projet est bon, que son produit est bon, il ne devrait pas avoir peur d'avoir des audiences publiques. Si le produit est tellement bon, pourquoi est-ce qu'on s'obstine contre les audiences publiques quand il y a tant de groupes qui le demandent: CSN, CSD, CIQ, SFPQ, SPGQ? Même le Conseil du patronat du Québec s'est prononcé contre le processus de nomination des membres de la Commission. Alors, de dire qu'il y a un consensus, c'est peut-être vrai, mais le consensus est contre, il n'est pas pour. Ça pose un problème pour l'opposition.

Parlant de ce consensus, parlant de cette commission parlementaire non existante, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec – ce n'est pas l'opposition, là, c'est un groupe qui représente des accidentés du travail au Québec – a fait valoir, le 25 novembre, son point de vue sur le sujet. Ils ont pris connaissance de la loi n° 79 et disent que leur organisation est directement intéressée par ce projet de loi et qu'elle s'inquiète de son contenu, tant sur le plan de la structure d'appel que du processus d'évaluation médicale qu'il propose.

(23 h 10)

La lettre continue, adressée même au ministre du Travail: «En effet, le projet de loi que vous avez présenté ne retient aucune des nombreuses revendications que nous avons fait valoir lors des commissions parlementaires entourant le réforme de la justice administrative.» Petit reproche, M. le Président, dans la lettre. «Nous comprenons que vous n'avez pas participé à ces commissions – dit l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec au ministre du Travail – et estimons qu'il est primordial que vous teniez une commission parlementaire sur le projet de loi n° 79, lors de laquelle nous souhaitons être entendus.»

Ils concluent... C'est ça qui est intéressant, M. le Président, parce que, là, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec porte un jugement sur le projet de loi. Ils parlaient du processus, mais là ils portent un jugement sur le projet de loi. «Vous devez réaliser, M. le ministre, que votre projet de loi présente des dangers importants pour les victimes d'accidents et de maladies du travail – ce n'est pas moi qui l'ai écrit, M. le Président, ce n'est pas moi qui l'invente, c'est le Regroupement des accidentés du travail au Québec – particulièrement pour celles qui ne sont pas syndiquées et qui sont celles que les organisations membres de l'ATTAQ rejoignent. C'est dans ce sens que nous espérons fortement que vous tiendrez une commission parlementaire et que vous nous entendrez dans le cas de celle-ci.»

C'est l'ATTAQ, M. le Président. Elle porte une jugement assez négatif sur le projet de loi sur lequel, semble-t-il, il y a consensus. Des dangers importants pour les accidentés au travail: un jugement très négatif, M. le Président. Un jugement qui fait en sorte que l'opposition soulève énormément de questions quant au projet de loi.

M. le Président, sur le fond, il y a deux recommandations importantes du groupe de travail sous la coordination de Me Lynda Durand, qui a travaillé pendant une certaine période de temps pour proposer des pistes de solution aux problèmes réels de la CSST, proposer des solutions au ministre du Travail. Un, une proposition non retenue par le ministre: abolir le Bureau d'évaluation médicale, qui, selon les informations qu'on a, représente la très grande majorité des contestations. S'il y a un blocus quelque part dans le processus, semble-t-il, c'est au niveau du Bureau d'évaluation médicale. Le même groupe de travail suggère qu'on renforce la conciliation, ce qui est, quant à moi, du gros bon sens, M. le Président. Si on peut éviter des processus lourds, «confrontationnels», c'est par le biais de la conciliation.

Je dois comprendre, M. le Président, que, en partie, le projet de loi fait exactement l'inverse, parce qu'on peut lire dans les notes explicatives que «ce projet de loi abolit la conciliation dans le cadre du processus de reconsidération à la Commission de la santé et de la sécurité du travail». Si j'ai bien compris, je pense que ça le maintient ailleurs. Néanmoins, il y a une partie de conciliation qui est abolie. Abolir, il me semble, M. le Président, avec ma connaissance limitée de ma deuxième langue, c'est ne pas renforcer, il me semble. Une suggestion est de renforcer, le projet de loi abolit. Il me semble qu'il y a un autre sujet là sur lequel on devrait s'interroger, M. le Président. Le ministre a fait l'inverse à deux reprises.

M. le Président, le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, s'inscrit exactement dans la belle tradition de ce gouvernement de proposer des projets de loi bâclés, ratés, des gâchis. La liste est longue, M. le Président, des projets de loi gâchés, des projets de loi bâclés: Loi sur l'assurance-médicaments, proposée par le ministre de la Santé, de l'improvisation du début à la fin... Ce projet de loi, quant à moi, M. le Président, crée plus de problèmes qu'il était supposé de régler. La démonstration se fait quasi quotidiennement, si pas hebdomadairement, avec des patients, avec des professionnels de la santé, avec la population en général. M. le Président, l'aide juridique, un autre projet de loi bâclé, deux fois bâclé. Non seulement est-ce que la réforme de l'aide juridique a été bâclée la première fois, mais le ministre de la Justice a manqué son occasion la deuxième fois.

La Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives – on est supposé parler là-dessus ce soir, M. le Président – soulève un tollé d'oppositions dans le monde municipal, un tollé d'oppositions: un autre projet de loi bâclé. La Loi modifiant la Charte de la langue française, loi n° 40, qui réinstitue la police de la langue française: encore une fois bâclée. En commission parlementaire, groupe après groupe sont venus nous dire, dire à la commission de la culture: On n'en a pas besoin de ce projet de loi là, c'est un gâchis. Là, encore une fois, il est sur le feuilleton.

M. le Président, si le ministre du Travail est tellement convaincu que son produit est bon, que cette réforme longuement attendue de la CSST est bonne et fondée, il a juste à acquiescer aux demandes des groupes d'avoir des audiences parlementaires, des audiences publiques là-dessus, M. le Président; on va en savoir plus. Parce que, je vous le dis, M. le Président, si j'ai le choix de croire un ministre de ce gouvernement ou les gens qui travaillent dans le domaine, soit des syndicats, soit des regroupements de travailleurs, soit le Conseil du patronat, mon choix est très clair, M. le Président: je me fie beaucoup plus aux commentaires des organismes sur le terrain qu'aux commentaires des ministres. On en a déjà eu assez de commentaires des ministres, M. le Président, qui n'ont pas de bon sens, sur lesquels on ne peut pas se fier.

So, Mr. Speaker, I suggest to you that Bill 79, An Act to establish the Commission des lésions professionnelles and amending various legislative provisions, is another piece of legislation on a lengthy list of laws that have been thoroughly and completely messed up by this Government; that these are reforms in a series of reforms where the Government has completely missed its mark, completely and absolutely missed its mark. And, as a result, Mr. Speaker, we, in the opposition...

Une voix: ....

M. Copeman: ...who rarely miss our mark – thank you very much, Mr. Minister – ...

Une voix: ...always on target.

M. Copeman: ...always on target...

Des voix: ...

M. Copeman: ...we find ourselves in a position of having to oppose this particular piece of legislation, where the Minister suggested there was a major consensus in favor of his reform. What's very clear, Mr. Speaker, is that there is a consensus out there, absolutely, but it's a consensus against his reform. The Minister can speak of consensus all he likes, but there is ample evidence from the the CSN, the CEQ, the CSD, the Conseil du patronat, that these groups – and others, Mr. Speaker – have some serious questions about the pertinence of the reform that's before this House.

And in those instances, Mr. Speaker, when that happens, as a member of the opposition, my first inclination is to say: Let's hear from these groups, they have something to say. And the Minister shouldn't be afraid of what their comments might be. If he's convinced that his product is solid, if he's really convinced that this reform is in the best interest of the workers of the Province of Québec, then all he has to do is to acquiesce to these requests, these numerous requests to be heard in parliamentary commission, and we'll hear from those particular groups, Mr. Speaker. And that will help the members of this Legislature make a clear and informed decision.

That is why, Mr. Speaker, we, in the opposition, are opposing the legislation at this stage. We hope that the Minister will respond positively to these very reasonable requests, that he will let go some of the stubbornness that he has demonstrated previously and accept these parliamentary hearings so that we can advance the cause of workers right throughout the province. Thank you very much, Mr. Speaker.

(23 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour l'opportunité de parler ce soir en opposition à ce projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives.

Mr. Speaker, I'm pleased to be here tonight to express my opposition to the bill before us, Bill 79, An Act to establish the Commission des lésions professionnelles and amending various legislative provisions.

Le régime actuel de santé et sécurité au travail remonte au 19 août 1985. C'est à cette date qu'entrait en vigueur la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette loi proposait une gamme complète de recours pour les travailleurs et les employeurs insatisfaits des décisions prises en première instance par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Actuellement, il existe une douzaine de paliers d'appel possibles. Une cause fortement contestée peut prendre entre trois et cinq ans avant de recevoir une décision finale. C'est une situation qui est inacceptable. La complexité du régime actuel produit des coûts considérables pour les personnes concernées. Ces coûts, comme vous le savez, sont d'ordre financier et humain. De plus, l'existence des longs délais compromet dans beaucoup de cas l'exercice des droits au retour au travail, en fait, un droit qui est fondamental dans le régime de sécurité et santé.

Malgré l'adoption, en 1992, de la loi 35, qui a promis de mettre en place les mesures et les instruments nécessaires à l'amélioration de la situation, les résultats demeurent pénibles et encore insatisfaisants sans une réforme plus poussée, et ce, selon les normes établies par un groupe de travail qui a fait ses recommandations au mois de mai 1994.

The supposed purpose of this bill is to reform the entire process for contesting decisions made under the Act respecting industrial accidents and occupational diseases and the Act respecting occupational health and safety. The bill in question amends the Act respecting industrial accidents and occupational diseases to establish an employment injuries board to be known as the Commission des lésions professionnelles, charged with hearing and deciding contestations of decisions made by the Commission de la santé et de la sécurité du travail after an administrative review.

However, the Government before us, the PQ Government, has as usual presented to this National Assembly a poorly drafted bill, a bill presented in haste to this Assembly by the Member from Matane, a bill which doesn't take into consideration most of the recommendations of the «groupe de travail» which met and deposited some very important and serious recommendations.

The aim of these recommendations was to render more serious and more humane the system for contestation of CSST decisions, an aim which is quite legitimate for the people, the employees of this province, the workers of this province. But the aims and the recommendations of the study group have not been taken into consideration. I'm amazed at so many of these important recommendations which could have been asserted into this bill. And I ask myself: Why? Why do I have to have constituents coming to my constituency office, complaining of delays in hearings, complaining of difficulty in receiving justice under the provisions for which this bill tries to amend?

I would also recommend that this bill be withdrawn and that public hearings be held as soon as possible to obtain the recommendations of the various groups which wish to appear before you to make their recommendations. And, for that reason, I am pleased to join my colleagues who've spoken here tonight to express my opposition to this proposed bill. I thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, y a-t-il d'autres intervenants? S'il n'y a pas d'autres intervenants, je devrai céder la parole à M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Bien, c'est parce que la caméra n'est pas allumée, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...

M. Gobé: M. le Président, je m'excuse, mais je pense que vous ne pouvez tolérer des exclamations comme celles-là qui mettent en doute un député. La question était la suivante. Lorsque je m'interpelle à vous, il est normal que les électeurs qui nous suivent sachent pourquoi. Il n'y a pas de raison qu'on fasse deux poids, deux mesures et qu'un député qui parle ne puisse le faire devant le public. C'était là le sens de mon interpellation.

Et ma question de règlement était la suivante: Mon collègue le leader de l'opposition s'étant absenté pour une minute avant que vous demandiez le vote comme vous vouliez le faire, je voulais vous indiquer qu'il s'en venait, et c'était tout à fait légitime. Et je trouve anormal que vous n'ayez pas rappelé à l'ordre le monde qui rit d'un député en pleine Chambre, M. le Président.

(23 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je constate qu'il y a d'autres intervenants, alors je vais céder la parole à M. le leader adjoint de l'opposition. M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Nous avons commencé il y a quelques heures l'étude d'un projet de loi extrêmement important. Cela va sans dire: lorsqu'on parle des conditions de travail des travailleurs et des travailleuses au Québec, c'est important et c'est aussi très préoccupant. Mais, lorsqu'on parle de travailleurs et de travailleuses qui ont subi des accidents de travail ou des maladies industrielles, c'est encore plus délicat, c'est encore plus préoccupant et c'est encore plus important.

M. le Président, le gouvernement précédent a fait des efforts pour améliorer la situation des travailleurs et des travailleuses qui sont pris avec des démarches à effectuer au niveau de la CSST pour réclamer ce qui leur est dû. Et, en toute humilité, je dois vous avouer qu'on n'a pas réussi tout ce qu'on voulait faire. Le ministre actuel, M. le Président, le ministre du Travail, sait que, par le biais de la loi 35, on a mélioré des choses, mais on n'a pas tout réussi. La CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, c'est l'organisme monstrueux dans le sens du gigantisme auquel est confronté le travailleur ou la travailleuse qui veut se faire indemniser à l'occasion d'un accident de travail.

Depuis 11 ans, moi, comme d'autres collègues – le 2 décembre 1985, ça fait 11 ans ce soir, M. le Président, le gouvernement Bourassa remplaçait le gouvernement de M. René Lévesque – Alors, moi, je vis, comme plein d'autres députés des deux côtés de la Chambre, la situation que doivent endurer les travailleurs et les travailleuses, M. le Président, qui ont à faire face à la CSST. Que le gouvernement veuille améliorer le processus, veuille déjudiciariser, c'est évident qu'on ne peut que souscrire à la bonne volonté du gouvernement. Cependant, M. le Président, ce qui est fondamental, c'est qu'une intention législative comme celle-là doit recevoir l'approbation de tous les acteurs impliqués. Il doit y avoir, M. le Président, consensus autour de la décision gouvernementale, puis il doit y avoir un consensus qui appuie la législation visant à améliorer la situation. Il faut reconnaître qu'il y a un consensus, mais exactement à l'inverse. Exactement à l'inverse et pour des raisons opposées.

M. le Président, j'aurai l'occasion d'en parler tout à l'heure, de rappeler ce qui a déjà été dit, entre autres, par mon collègue de LaFontaine qui fait un travail exceptionnel dans ce dossier-là, qui fait un travail exceptionnel dans tout ce qui touche les travailleurs et les travailleuses du Québec, M. le Président.

Il faut se souvenir que le ministre du Travail et député de Matane a, en mai ou juin dernier... Il s'en souviendra, ça s'appelait le projet de loi n° 31 et c'est encore le projet de loi n° 31, parce que ça n'a pas franchi l'étape du projet de loi, M. le Président. C'était un projet de loi qui visait à modifier la loi sur les normes minimales de travail. Du côté de l'opposition, appuyés dans ce sens-là par tous ceux et celles qui, bien objectivement, avaient évalué le projet de loi n° 31, on avait soutenu, appuyés, comme je viens de le dire, par tous ceux qui étaient touchés, que le projet de loi n° 31 était une agression contre les travailleurs et les travailleuses, et on l'avait bloqué et on avait été...

Il y a une députée à ma gauche qui trouve ça drôle; peut-être qu'elle aura l'occasion de me contredire tout à l'heure. Je pense que c'est une députée ministérielle. Je n'en ai pas entendu un seul ni une seule ce soir, à date, appuyer le ministre; il n'y a que les députés libéraux qui parlent en Chambre, M. le Président.

Alors, le projet de loi n° 31 était une agression contre les travailleurs et les travailleuses, et on l'avait bloqué. Le ministre, finalement, avec le leader du gouvernement, avait compris qu'il y avait consensus contre son projet de loi. Et j'ai l'impression que le ministre va encore comprendre, parce que c'est à peu près le même scénario, le projet de loi n° 79 qui, essentiellement, a comme objectif de déjudiciariser. Ça veut dire quoi, dans le langage de tous les jours, déjudiciariser? Ça veut dire simplifier, ça veut dire permettre à ceux et celles qui ont subi, comme je le disais tout à l'heure, des accidents de travail ou des maladies industrielles de pouvoir être indemnisés sans être soumis au processus quasi judiciaire, avec tout ce que ça comporte d'appels, et de surappels, et de contre-appels. Ce qu'on vise avec le projet de loi n° 79, c'est de simplifier le processus, M. le Président.

Ça existe depuis 1985, le système que l'on connaît aujourd'hui. C'est en 1985 qu'on a voté ici, à l'Assemblée nationale, la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. À ce moment-là, à l'époque, M. le Président, on avait mis en place toute une foule de recours en appel de la décision de première instance de la CSST ou de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On a développé au cours des ans un processus extrêmement lourd, extrêmement pénalisant pour le travailleur, coûteux, douloureux, difficile, insécurisant, de sorte qu'on se retrouve...

Et, comme je le disais tout à l'heure, je l'avoue en toute sincérité, avec le projet de loi et la loi n° 35, on a amélioré les choses, mais, encore aujourd'hui, il y a des délais absolument injustifiés, inacceptables et invivables pour ceux et celles qui ont subi un accident de travail ou qui sont victimes de maladies industrielles. Des délais de trois, quatre, cinq ans, c'est encore le lot des travailleurs et des travailleuses, M. le Président, qui souvent doivent se battre avec ou contre la CSST seuls. C'est ce que je disais tout à l'heure, tous les députés qui font le moindrement du bureau dans leur comté respectif savent ce que vivent ces travailleurs, ces travailleuses, et on agit à toutes fins pratiques un peu comme les avocats de ces travailleurs et travailleuses, avec toutes les difficultés que ça comprend de faire face à la CSST.

En 1994, on le sait, un groupe de travail a remis des recommandations – sauf erreur, c'est en mai 1994 – à la CSST, et le ministre, dans son projet de loi n° 79, s'en inspire, s'inspire de ces recommandations qui ont été rendues publiques il y a plus ou moins deux ans et demi, M. le Président, qui essentiellement visaient justement à déjudiciariser, à rendre plus facile l'accessibilité au droit à l'indemnité par le travailleur et la travailleuse, et qui aussi, de façon plus ou moins accessoire, visaient à réaliser des économies. M. le Président, en mai 1994, ce n'était pas négligeable; on parlait d'une possibilité de récupérer, si les recommandations du rapport étaient, de façon globale, mises en place, une économie de plus ou moins 58 000 000 $. Et c'était une des conclusions à laquelle ceux et celles qui avaient évalué le rapport de Mme Durand, entourée de plein d'experts indépendants... La première conclusion, c'est qu'on arrivait à l'évaluation suivante: il y a moyen de récupérer pas mal d'argent, tout en facilitant le recours aux travailleurs accidentés.

Est-ce que, pour l'essentiel, le ministre, dans son projet de loi n° 79, rencontre les objectifs du rapport de mai 1994, rapport qui faisait suite à des évaluations, à un travail de consultation sous la responsabilité de Me Lynda Durand? Est-ce que le ministre d'aujourd'hui, député de Matane, a bien rendu l'essentiel des recommandations de mai 1994?

Alors, dans un premier temps, ce qu'il faut souligner, c'est qu'alors qu'en 1994 on parlait d'économies se situant quelque part autour de 58 000 000 $ le ministre, aujourd'hui, nous laisse entendre qu'on pourrait récupérer 38 000 000 $ et non plus 58 000 000 $. Alors, les premières questions qu'on s'est posées du côté de l'opposition, tout comme ceux et celles qui suivent le débat: Où est passé le 20 000 000 $?

Deuxième question: Ces économies qu'on réaliserait, en supposant qu'on s'entendrait pour une quarantaine de millions, qui va en bénéficier? Les travailleurs et les travailleuses? Le 40 000 000 $ d'économies – je suis généreux, M. le Président, je donne 2 000 000 $ au ministre, parce que les chiffres réels, c'est 38 000 000 $ – qui est-ce qui va en bénéficier? Est-ce que les indemnités vont être rehaussées? Est-ce que, de façon générale, M. le Président, ces économies vont profiter à ceux et celles pour qui le système existe, les travailleurs, les travailleuses, ou si le 38 000 000 $, pour partie, profiterait aux travailleurs et, pour le reste, à la structure comme telle? On se questionne sur quelque chose d'aussi fondamental et on n'a pas eu de réponse. On n'a pas eu de réponse, M. le Président.

Vous savez, le projet de loi n° 79 a été déposé à la toute dernière journée. Moi, je me méfie des projets de loi qui sont déposés à la dernière minute. Ça peut nous laisser entendre que le ministre a rencontré plein de résistance, dans un premier temps, à l'intérieur de son propre gouvernement. Bien, ça, ça fait partie du jeu de l'administration, du pouvoir. Et ça peut aussi nous indiquer – dans le présent cas, je pense que c'est ça qui s'est passé – que le ministre a tenté de ménager la chèvre et le chou, puis, finalement, avec son projet de loi n° 79, il va rendre tout le monde insatisfait.

Ultimement, si jamais le projet de loi n° 79 devenait loi, le ministre n'aura rien amélioré ou si peu; ou si peu. Ça, c'est dangereux. C'est dangereux lorsqu'on veut modifier les règles de quelque chose qui est difficile à vivre pour les travailleurs et les travailleuses, mais qui, quand même, dans ses objectifs ultimes... Je pense que la CSST...

(23 h 40)

Puis d'ailleurs, M. le Président, depuis un certain nombre d'années – j'ai parlé, tout à l'heure, de la loi n° 35 – il y a eu quand même certaines améliorations. Si on voulait, avec le projet de loi n° 79, vraiment, vraiment donner un coup de barre pour déjudiciariser le processus, bien, on crée beaucoup d'espoirs, puis ça, c'est dangereux, de créer des espoirs puis de ne pas livrer la marchandise.

Alors, dans ce sens-là, on peut se demander pour quelle raison le ministre n'a pas décidé finalement de passer droit. Il l'a déposé à la toute dernière minute, le 14 novembre, un peu comme un de mes collègues faisait référence au projet de loi n° 77 dont on commencera, semble-t-il, l'étude demain, probablement en fin d'avant-midi ou au début de l'après-midi, M. le Président. C'est un parallèle qu'on peut faire très facilement. Les projets de loi déposés à la toute dernière journée sont, règle générale, des projets de loi que le gouvernement devra imposer et à l'opposition et également aux différents acteurs interpellés par les législations en question.

Dans ce cas-ci, dans le projet de loi n° 79, M. le Président, Dieu sait que le consensus est exactement dans le sens contraire de ce qu'aurait souhaité le ministre. Tous ceux et celles qui sont concernés par le projet de loi puis qui l'ont évalué, qui ont essayé de mesurer l'impact du projet de loi arrivent à la conclusion que le ministre et son gouvernement, M. le Président, font fausse route. Le Conseil du patronat n'est pas d'accord avec plein d'éléments du projet de loi. Tout le monde est d'accord, M. le Président, sur la volonté de déjudiciariser, sur l'intention du gouvernement d'assouplir la démarche, d'éliminer des appels inutiles, coûteux, difficiles à vivre pour les travailleurs, mais l'intention et la réalité, c'est deux choses complètement différentes.

Moi, j'ai toujours eu comme règle, lorsque je parlais de choses qui m'étaient un peu moins familières qu'aux vrais experts, bien, de me référer justement à ces experts-là, de bien comprendre ce qu'ils disent, de bien évaluer ce qu'ils disent et de m'inspirer de ces témoignages, M. le Président. Et, règle générale, ça m'a servi. Quand le Conseil du patronat, quand la CSN, quand la CSD, quand plein d'organismes disent au ministre du Travail et à son gouvernement que finalement on ne changera rien ou à peu près, bien, moi, ça fait allumer une lumière, une grosse lumière rouge, puis je dis au ministre: Attention!

Alors, je voudrais lui rappeler que mon collègue le député de LaFontaine et d'autres députés de l'opposition ont rappelé au ministre que le Conseil du patronat, comme je viens de l'indiquer, appuie le principe de la déjudiciarisation – c'est évident, on ne peut pas être contre ça, M. le Président – mais que le Conseil du patronat rejette le processus de nomination des représentants patronaux et syndicaux à la nouvelle Commission. M. Dufour, président du Conseil du patronat; l'appui de l'organisme dont il est le président, le Conseil du patronat, pourrait être remis en question, parce qu'on est d'accord sur le principe, mais si, M. le Président – et j'ai bien l'impression que ça va être le cas – le ministre et son gouvernement ne modifient pas...

La raison pour laquelle j'ai l'impression que ça va être le cas, c'est qu'on a refusé, à date, les audiences publiques. Ça, M. le Président, je trouve ça dommage, reprochable que le ministre s'enferme dans son mur, à l'intérieur de ses murs en disant: Moi, je n'ai pas à entendre d'opinions dans un forum approprié qui est une commission parlementaire. Je n'ai pas besoin d'entendre les avis du Conseil du patronat, de l'Association des manufacturiers du Québec ni, non plus, du côté des représentants des travailleurs. Ce que la CSN pense, ça ne m'intéresse pas de le savoir. Ce que la CSD pense, ce n'est pas important pour moi.

Moi, je suis un ministre du Travail qui est là depuis une dizaine de mois puis je sais tout ça, moi. Je sais tout ce qu'on veut me dire parce que je l'ai lu, parce qu'on m'en a déjà parlé, parce que je parle avec mes collègues au caucus. Alors, le Syndicat des professionnels du gouvernement, ils n'ont rien à me dire, ils n'ont rien à m'apprendre. La Centrale de l'enseignement du Québec, M. le Président, ne peut pas m'éclairer. Alors, je ne les écoute pas, je ne les entends pas. L'opposition aura beau crier, aura beau se démener pour avoir ces audiences publiques, il n'y en aura pas.

M. le Président, le Conseil du patronat dit: Ça ne fonctionne pas, votre projet de loi; le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, M. le Président, est contre; la CSN est contre; la CSD est contre. Je n'ai pas vu beaucoup de monde qui était d'accord. Et je suis convaincu, M. le Président, que les députés ministériels, s'ils avaient l'occasion d'entendre les différents groupes dont je viens de parler, s'ils avaient l'occasion de bien réfléchir sur la portée du projet de loi n° 79...

Et, vous savez, M. le Président, du côté de l'opposition, on veut protéger les travailleurs et les travailleuses et on veut également protéger les députés ministériels, parce que, tout à l'heure, avec tout ce qui se passe du côté du gouvernement, ils vont avoir, M. le Président, des visites à leur bureau respectif d'à peu près tout ce qui grouille au Québec. Et, avant d'aller trop loin, M. le Président, avec quelque chose d'aussi majeur que le projet de loi n° 79 qui crée beaucoup d'espoirs... Quand les travailleurs et les travailleuses vont comprendre qu'il n'y a rien là-dedans, sinon quelque chose qui n'est pas bon pour eux, M. le Président, le mal sera fait, puis il faudra recommencer, revenir en arrière avec toutes les conséquences que ça comporte.

Alors, M. le Président – là, on approche de la période des fêtes – dans le but de faire réfléchir le ministre du Travail, ses collègues, le leader du gouvernement, le premier ministre – M. le Président, la période des fêtes, c'est une période extrêmement propice pour la discussion en famille – on va permettre au ministre du Travail de pouvoir consulter dans son beau comté de Matane les travailleurs et les travailleuses. Il y en a probablement dans sa parenté qui vont lui dire – bien, là, ils vont le tutoyer, ils vont être en famille; là, je ne peux pas dire son prénom, ce ne serait pas correct: Matthias, attention! M. le Président, pour les besoins de la discussion: Vous faites fausse route, M. le ministre. Mon oncle, M. le ministre, vous faites fausse route.


Motion de report

Pour lui permettre d'entendre ce point de vue des travailleurs et des travailleuses du beau comté de Matane, peut-être dans sa parenté, je vais faire la motion suivante, M. le Président. Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois». Vous avez compris, M. le Président, qu'on veut reporter l'évaluation, l'étude du projet de loi n° 79 et pour les travailleurs et les travailleuses et également pour le ministre, M. le Président, pour protéger sa crédibilité.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, en termes réglementaires, ça s'appelle une motion de report, à l'article 240...

M. Lefebvre: Oui. M. le Président, avec votre permission, je voudrais qu'on puisse très rapidement réviser en votre compagnie, pour qu'on puisse rafraîchir notre mémoire, c'est quoi, les règles de la motion de report, au cas où ça aurait changé au cours des derniers mois.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est un débat restreint de deux heures, puis nous devons brièvement nous réunir pour partager le temps. Alors, nous suspendons quelques minutes pour partager le temps de ce débat restreint de deux heures.

(Suspension de la séance à 23 h 49)

(Reprise à 23 h 59)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Concernant la motion de report, la décision de la présidence concernant la dévolution du temps est la suivante: les députés indépendants ont 10 minutes chacun...

Une voix: C'est 10 minutes pour l'ensemble?

Le Vice-Président (M. Pinard): ...10 minutes pour l'ensemble des trois députés indépendants, et le reste du temps sera partagé en parts égales entre le côté ministériel et l'opposition officielle. Il y aura transfert du temps non utilisé par un des deux groupes. Il n'y aura aucune limite de temps concernant les interventions. C'est un débat restreint de deux heures. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.

M. Gobé: Merci, M. le Président.

M. Lefebvre: M. le Président, un instant. M. le Président, on est sur une motion de report. C'est une procédure extrêmement importante dans le débat parlementaire. Cette motion-là existe pour faire réfléchir les ministériels et j'aimerais bien qu'ils soient assis à leur banquette pour réfléchir. Ça, c'est le premier point que je veux soulever. Deuxième chose, M. le Président, j'aimerais qu'on vérifie le quorum; le quorum, il est de 21.

(minuit)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, messieurs, concernant l'application du règlement... M. le député. M. le député!

Nous avons quorum.

Toutefois, concernant l'autre partie du règlement que vous avez soulevée, j'inviterais les députés à bien vouloir prendre la place qui leur est assignée. Alors, M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. En effet, cette motion de report est une motion assez importante pour que l'opposition la fasse, parce que nous considérons, en effet, que ce n'est pas le temps d'agir comme ça à minuit, de passer un projet de loi important, un projet de loi qui va toucher des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses, un projet de loi qui, sous prétexte de déjudiciarisation, va faire en sorte, au contraire, de mécontenter à peu près tout le monde. Je pense que les intervenants qui ont parlé précédemment ont eu l'occasion de l'expliquer.

M. le Président, c'est un projet de loi qui, avec tout ce qui avait été dit avant, tous les rapports qui ont pu être faits, le rapport, en particulier, sur la commission de la CSST, qui avait amené des remarques et des propositions fort intéressantes en plus de ça... Malheureusement, nous n'avons pas ça dans le projet de loi. Et ce n'est pas moi qui le dis.

J'aimerais dire que, si nous demandons le report aussi, c'est pour donner le temps au ministre de pouvoir consulter les gens, de pouvoir entendre les groupes. J'ai entendu, depuis que le projet de loi est déposé et même avant, de multiples recommandations, de multiples propositions à faire au gouvernement et aussi des dénonciations. Ça venait de partout.

Je sais, le ministre va dire: Bon, le député ne connaît pas ça; moi, je connais ça. Il y a longtemps que je travaille là-dedans et puis je n'ai pas l'intention, là, de continuer à donner suite à ça. Il a pris la peine de parler 17 minutes – vous l'avez mentionné au début de la session. J'avais son discours ici. Un projet de loi comme celui-là, l'opposition parle dessus depuis 20 heures. Il est maintenant minuit; nous avons pris la peine de parler pendant quatre heures. Et je pense que, si des députés en cette Chambre – je dis bien des députés en cette Chambre – prennent le temps de parler quatre heures sur un projet de loi, alors que le ministre, lui, juge utile de parler 17 minutes, il y a là quelque chose qui est envoyé comme message qui vaut la peine d'être écouté. Et ce qui vaut la peine d'être écouté, M. le Président, c'est ce que sous-entend la manière dont le ministre veut amener le projet de loi. Il veut l'amener rapidement, sans en parler, en évitant autant que possible d'entendre les groupes, à l'occasion écorchant des groupes en particulier, essayant de discréditer, par des discours en cette Chambre, leur attitude ou les raisons légitimes qui peuvent les amener à vouloir faire des recommandations.

M. le Président, je vais vous lire un exemple typique dans le 17 minutes: «D'ailleurs, ceux qui pleurent publiquement, présentement, sont ceux qui sont intéressés à offrir leurs services professionnels et qui, dorénavant, ne pourront plus aller faire des avocasseries ou aller faire des débats interminables devant le bureau de révision paritaire.» C'est, je présume, la manière de répondre aux groupes qui font la demande.

Les groupes qui font la demande, je vais les répéter. Il y a la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. Ce n'est pas n'importe quel groupe, la CSN, M. le Président. La CSN, ce qu'ils demandent, je vais vous le dire. La CSN, c'est un des plus grands syndicats au Québec, un syndicat qui est peut-être le plus social, celui qui a le plus d'attention, n'en déplaise au gouvernement, qu'il soit passé ou présent, envers les travailleurs et les travailleuses du Québec. Et un syndicat, certainement, que nombre de collègues d'en face ont été contents d'avoir comme supporteur lors de la dernière élection et lors du dernier référendum. Ils étaient crédibles à l'époque; on les écoutait. Ce qu'ils disent, ces gens-là: la CSN estime que le ministre du Travail – on dira le nom plus tard pour rester dans les recommandations que vous avez faites précédemment, M. le Président – a procédé trop rapidement et unilatéralement dans la préparation et le dépôt du projet de loi sur la déjudiciarisation de la CSST. Le ministre du Travail a raté la plus belle occasion de faire un véritable ménage dans les procédures et délais infligés aux accidentés du travail. Il doit refaire ses devoirs, a déclaré dernièrement le vice-président de la CSN, M. Marc Laviolette.

La CSN est affolée que le ministre ait voulu, encore une fois, faire un cadeau au patronat en conservant et même en empirant toute la procédure d'évaluation médicale qui décourage et ruine les victimes. Ce faisant, il a écarté toutes les propositions de la CSN et des groupes de défense des accidentés du travail, qui réclamaient l'abolition du Bureau d'évaluation médicale. Je n'ai pas fini; je vais y revenir, M. le Président. Mais ceci pour vous dire que ce n'est pas le député de LaFontaine – n'en déplaise à quelques collègues qui voulaient railler peut-être l'attitude des députés ce soir – ce n'est pas le député de Jacques-Cartier, ce n'est pas le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce n'est pas le député d'Outremont, ce n'est pas le député de Frontenac, ce n'est pas le député de Nelligan ni de D'Arcy-McGee, M. le Président, ce n'est pas le député de Shefford qui a inventé ça, c'est le vice-président, M. Marc Laviolette, vice-président de la Confédération des syndicats nationaux du Québec, ancien allié référendaire de ce gouvernement, ancien allié électoral de ce gouvernement. Cette même centrale qui disait, à la dernière élection: Il faut aider le Parti québécois à prendre le pouvoir parce qu'ils sont plus proches des travailleurs. Voilà le résultat.

Voilà pourquoi, M. le Président, aujourd'hui, comme députés de l'opposition, nous faisons notre travail. Voilà pourquoi nous demandons que ce projet de loi soit reporté, parce que nous considérons que même les alliés du gouvernement... Et je peux comprendre, à l'époque, parce que le discours qui était tenu par ces gens-là, en face, ce n'est pas ce qu'ils font aujourd'hui qu'ils disaient. Maintenant le chat sort du sac. Les gens disent: Ce n'est pas de même qu'on s'était entendu, ce n'est pas ça que vous avez dit que vous feriez pour nous autres. Puis je les comprends, puis je les respecte.

M. le Président, je vais continuer. De plus, pour remplacer la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP, qui relevait du ministre de la Justice – et on parle toujours du ministre du Travail – il a créé un nouveau tribunal, la Commission des lésions professionnelles qui, comme la CSST, relèverait du ministère du Travail, ce qui n'offre pas les mêmes garanties d'impartialité. Je pense qu'ici tout le monde va comprendre ça, le Bureau d'évaluation médicale. Lorsque vous allez voir votre médecin traitant, parce que vous êtes accidenté ou malade d'une maladie industrielle, il vous fait un diagnostic, il fait une recommandation, il rédige un rapport, il voit des experts. Ça, ça peut être défait par le Bureau d'évaluation médicale qui dépend de la CSST, donc, du ministère.

(0 h 10)

On sait, tout le monde a vu dernièrement un reportage, fort bien fait d'ailleurs, à l'émission Enjeux , à Radio-Canada, où des médecins qui sont rémunérés à l'acte par la CSST, le Bureau d'évaluation médicale, disaient qu'ils étaient sous pression de la CSST pour dénoncer les diagnostics des médecins traitants. Ils disaient... Et la cassette sera distribuée aux parlementaires de cette Chambre, à tous les parlementaires dans la prochaine semaine. Chacun la recevra afin que vous puissiez vous remémorer... Et, si certains n'avaient pas Radio-Canada ce soir-là, vous pourrez voir les témoignages de ces gens-là. Ils disaient: Nous faisons ça, nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons encore avoir des contrats, des mandats. Certains disaient: Je n'ai plus que ça, à mon âge, pour vivre puis gagner comme médecin; alors, j'en remplis.

Et lorsqu'on leur demandait s'ils étaient d'accord, si c'était normal, ils disaient: Non. On a de la pression, on est obligé de le faire. C'est ça, le BEM, c'est ça, le Bureau d'évaluation médicale, c'est ça qu'on veut continuer à conserver. Est-ce que c'est normal? Moi, je ne pense pas que ce soit normal, je ne pense pas. Je ne souhaite jamais à personne ici, à aucun député... Mon collègue de Laporte le disait: Nous sommes la nouvelle classe moyenne peut-être, même si elle va vers le bas maintenant. Nous sommes habitués, nous sommes des gens qui, couramment, pouvons nous défendre ou nous véhiculer ou naviguer dans ces dédales administratifs. Nous pouvons nous défendre. Nous avons des moyens. Nous sommes capables de faire des choses que le travailleur, le simple travailleur du Québec ne fait pas, n'est pas capable de faire.

Et là il y a le BEM. Le comité de la CSST, du rapport de la CSST qui est sorti en mai 1994 recommandait l'abolition, l'abrogation du BEM. Il le disait: Abrogez-le. Ça n'a pas été retenu. Pourquoi? Je la pose, la question: Pourquoi ça n'a pas été retenu? Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, de travailler là-dessus. Mais j'aimerais ça que le ministre prenne le temps que l'on reporte un peu pour voir toute la lumière là-dessus, pourquoi on n'a pas suivi la recommandation du groupe de travail, le rapport Durand. Bon.

Et là maintenant on dit: On va faire un tribunal indépendant. Et je lisais, dans le discours du ministre tout à l'heure qui disait: Maintenant, on aura un véritable tribunal indépendant. Bien là, écoutez, là, il y a quelque chose qui ne marche pas. Moi, je ne suis pas un avocat. Mais il y a une chose que je ne comprends pas, par exemple. Le tribunal actuellement, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles dépend du ministère de la Justice. Indépendance. On la coupe, on l'abolit, puis on remplace ça par un tribunal indépendant, dit le ministre, qui va dépendre du ministère du Travail. Alors, la CSST dépend du ministère du Travail. Le Bureau d'évaluation médicale dépend de la CSST, reçoit des mandats de la CSST pour payer des médecins qui doivent couper des diagnostics des médecins traitants. Et je vais revenir avec ça un peu plus tard. En même temps, maintenant, celui qui va, en définitive, à la fin de tout, décider, c'est un organisme qui va dépendre du même ministre du Travail. Bien, c'est pour le moins questionnable, il me semble. Ça vaut la peine que l'on prenne le temps et que l'on entende des gens là-dessus. D'abord, le Barreau, qui certainement... Ce n'est pas pour des avocasseries qu'il demande d'être entendu, c'est parce qu'il est pour le moins un peu étrange que tout le monde dépende du même patron, que tout le monde serve le même patron. Il y a celui qui annule les évaluations médicales, comme c'est à Radio-Canada, comme c'est dans l'émission Enjeux , et j'ai hâte que vous la voyiez, ceux qui ne l'ont pas vue. Vous allez en sortir scandalisés. Des collègues d'en face m'ont interpellé à cet effet-là, privément, en dehors de cette Chambre et me demandent si je l'avais vue.

Puis en même temps, bien, voilà, la boucle est bouclée. Le but de tout ça, c'est quoi? C'est de couper les gens le plus possible sur la CSST. Puis ce n'est pas drôle, puis ce n'est pas marrant. Puis, comme députés, ce n'est pas notre job de faire ça. S'il y en a que ça amuse et qui trouvent ça marrant puis intelligent, bien, je vous souhaite, un jour que vous ne serez plus députés – ça va arriver à tout le monde – de rencontrer des gens qui sont mal pris avec les accidents de travail, là. Vous direz: Bien, merde, si j'avais su ça, là, peut-être que je n'aurais pas fait ça. Vous ne le direz même pas, vous vous pousserez. Et peut-être que vous n'en rencontrerez plus parce que vous serez dans d'autres bureaux, peut-être plus élevés, ou je ne sais pas trop où, mais vous ne serez pas proches du peuple. Et je ne vous souhaite pas que quelqu'un de votre famille soit touché un jour par ça et aux prises avec ces choses-là. Enfin je ne vous le souhaite pas à qui que ce soit.

J'ai des chiffres, là. Mon collègue m'a mentionné rapidement tout à l'heure: Le Bureau d'évaluation médicale pose la question importante de la qualification des médecins québécois. Est-ce que nos médecins traitants sont, oui ou non, des gens compétents? C'est ça qui est posé comme question. Quand on y pense... Je vais vous dire pourquoi. Le Bureau d'évaluation médicale renverse l'opinion du médecin traitant une fois sur trois en ce qui concerne le diagnostic. Sont-ils en train de nous dire que les médecins traitants, 30 % du temps, font de faux diagnostics ou de mauvais diagnostics? Si ça s'applique pour la CSST, ça doit s'appliquer, ces mêmes médecins-là, ces médecins traitants, dans la médecine générale. Ils sont donc en train de laisser penser que nos médecins, 30 % du temps, peuvent se tromper dans le diagnostic?

Le Bureau d'évaluation médicale – toujours les médecins qu'on a vus à Radio-Canada, la cassette, payés à l'acte – le BEM est en désaccord trois fois sur quatre avec le médecin traitant sur la date de consolidation; ça, c'est la guérison. Et ça veut dire que trois fois sur quatre les médecins du Québec, les médecins traitants, les médecins de famille, ils prennent des mauvaises décisions? Puis que le BEM, lui, d'autres médecins payés à l'acte par le BEM, eux autres, ils ont la bonne décision? C'est ça qu'on est en train de nous dire?

Le BEM, pour des raisons médicales, se prononce en désaccord avec le médecin traitant trois fois sur quatre en ce qui a trait à la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins. Trois fois sur quatre sur la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins. Est-ce qu'on est en train de nous dire encore une fois que les médecins québécois, les médecins traitants, se gourent trois fois sur quatre? Ou alors qu'ils sont des irresponsables qui signent n'importe quel formulaire? Est-ce que c'est ça qu'on est en train de dire? C'est ce que le BEM dit, en tout cas, et puis on le garde, le BEM, on ne l'abolit pas, contrairement aux recommandations du groupe de travail.

M. le Président, un autre exemple: le Bureau d'évaluation médicale renverse également l'opinion du médecin traitant en ce qui concerne l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles plus de trois fois sur quatre. Les limitations, c'est quand vous n'êtes plus capable d'utiliser votre bras, votre jambe, votre poumon, votre coeur; trois fois sur quatre, votre médecin traitant se trompe, selon le Bureau d'évaluation médicale de la CSST. Et vous êtes d'accord pour qu'on conserve ça? Vous êtes d'accord qu'on continue à faire perdurer ce système-là? Des gens qui ont été élus dans un gouvernement, une équipe qui se disait sociale-démocrate, à la défense des travailleurs? Bien, moi, je ne suis pas d'accord. Je n'ai peut-être pas été élu dans un parti social-démocrate, en attendant, on va défendre les travailleurs pareil, n'en déplaise à ceux qui vont trouver le temps long ou ceux qui ne sont pas d'accord avec nous.

Et c'est tellement vrai, ce que je dis là, qu'il y a des gens de la partie patronale qui vont appeler le député de LaFontaine, porte-parole officiel en cette matière, pour lui demander de ne pas tenir d'audiences publiques. Des gens qui sont en bonne amitié avec vous, maintenant. Lui demander publiquement? Non, ça ne se fait pas! Mais directement et devant témoins, de ne pas tenir d'audiences publiques, oui.

La question que je pose: Si ces gens ont intérêt à ce qu'on ne tienne pas d'audiences publiques, que le ministre n'en donne pas, est-ce que c'est bon pour les travailleurs? La réponse est non, ce n'est pas bon pour les travailleurs. Et si ce n'est pas bon pour les travailleurs, notre devoir, à nous, de députés, c'est d'en tenir, c'est de le faire, c'est de prendre le temps de le passer, ce projet de loi là, d'arrêter de se boucher les yeux pour essayer d'arrondir, d'agrandir l'assiette des coalitions ou des consensus pour la souveraineté mais de s'occuper des vraies personnes, des vrais problèmes.

Puis si le ministre veut dormir avec le Conseil du patronat, qu'il ne veut pas d'audiences publiques, qu'il le fasse. Nous, de l'opposition, nous demandons, malgré cela, des audiences publiques. Nous demandons des audiences publiques parce que les groupes populaires le demandent. C'est qui, les groupes qui les demandent, M. le Président, les audiences publiques? C'est qui? Je vais vous les dire: la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. La députée de La Prairie, notre collègue, M. le Président, est partie. Pourtant, la décision de contester ça, les recommandations qui ont été faites, en ce qui concerne la CSST, ont été faites en 1994, alors qu'elle était probablement encore à leur emploi ou peut-être plus, avait-elle quitté, mais alors qu'à l'époque elle se réclamait encore du mouvement ouvrier.

(0 h 20)

L'ensemble du monde ouvrier, organisé, avec une conscience sociale pour les plus démunis, s'oppose à la décision arbitraire du ministre d'agir unilatéralement. Si nous avons des consultations publiques, j'inviterais les collègues en cette Chambre à venir écouter ce que les gens vont dire de l'action du ministre, vont dire ce qu'ils pensent de sa manière de les traiter, de travailler avec eux, vont dire ce qu'ils pensent de la manière dont il leur répond, de la disponibilité du ministre aussi.

M. le Président, j'ai reçu une autre lettre, plusieurs lettres. C'est sûr, je ne peux pas faire la lecture du courrier abondant qui touche le projet de loi en cette Chambre. Oui, peut-être cela fait quelques sourires. Mais les gens qui envoient les lettres, ils ne sourient pas, ils ne sourient pas parce que ça les touche. Et ceux qui sourient, je vous invite à aller leur sourire devant la face, devant eux autres, puis leur dire: Tes lettres, elles me font sourire. Puis leur dire ça pas seulement aujourd'hui mais à la prochaine élection, puis pas dans un salon privé, en public, puis vous verrez ce qu'ils vous répondront. À visage découvert, mon cher collègue.

M. le Président, je vais vous lire une lettre: «Nous avons pris connaissance du projet de loi n° 79 concernant la réforme de la CSST, déposé le 14 novembre dernier. Contrairement à vos prétentions...» C'est adressé au ministre, ministre du Travail: M. Matthias Rioux, ministre du Travail, 200, chemin Sainte-Foy, Québec. «Contrairement à vos prétentions, notre conseil d'administration est d'avis que ce projet de loi va judiciariser davantage les dossiers d'accidents du travail.

«La FATA est un organisme qui, depuis 15 ans, offre des services à une clientèle particulièrement non syndiquée et à statut précaire. Comme vous le savez, cette clientèle représente environ 60 % de la main-d'oeuvre québécoise. Cette clientèle est en droit d'exiger de se faire entendre sur les amendements contenus au projet de loi n° 79, et cela, particulièrement par un gouvernement qui se prétend social-démocrate. La FATA exige la tenue d'une commission parlementaire élargie – et là je vais y revenir, M. le Président – afin de faire valoir le point de vue des travailleurs et travailleuses que nous représentons quotidiennement.»

Alors, copies conformes: M. Lucien Bouchard, premier ministre; Paul Bégin, ministre de la Justice; Jean-Claude Gobé, député de LaFontaine.

Ce n'est pas des lettres qui vont faire sourire quelques députés ici. C'est des lettres, tout ce qui a de plus officiel. Et je peux même me faire le plaisir de la déposer en cette Chambre si ça peut intéresser quelques-uns, M. le Président. Mais je pense que le ministre du Travail a dû, bien sûr, informer ses collègues de toutes ces lettres-là et a dû les faire circuler, je présume, lorsqu'il a demandé à ses collègues de supporter son projet de loi.

Il me semble que, moi, dans le temps, M. le Président, lorsqu'un ministre avait un projet de loi qui pouvait sembler un peu controversé, bien, il réunissait les députés dans un caucus, un caucus élargi s'il le fallait, ou un caucus sectoriel dépendant de ce qu'il y avait à faire, et il leur donnait, bien sûr, l'ensemble du dossier, ce qui permettait aux élus de se faire une idée, et, à partir de là, nous demandions bien souvent des rencontres avec les groupes qui faisaient valoir leur point de vue. Parce que nous trouvions fort légitime qu'avant d'appuyer un projet de loi d'un ministre, qui, bien souvent... bien souvent mais pas tout le temps, ce sont des projets de loi qui sont faits par des fonctionnaires, des gens qui ne sont pas toujours dans la réalité du vécu quotidien, par des gens qui pensent en termes de dollars et de cents, d'administration, de coupures, de rationalisation, qui ont oublié le rôle et le mandat pour lesquels ils ont été nommés quelque part, qui est de servir le public et non pas de se faire servir par le public ou de couper le public.

Alors, M. le Président, la FATA – et on sait qu'un des dirigeants, un des ténors importants de cette organisation, c'est M. Michel Chartrand, que tout le monde connaît bien, qui est au niveau... Je vois le ministre qui rit quand je parle de M. Chartrand. Je ne suis pas sûr que lui rirait s'il le voyait maintenant. M. le Président, on sait que M. Chartrand, avec ses qualités humaines, avec son côté de tribun, a été sur toutes les tribunes qui ont touché la condition des travailleurs depuis des décennies. Et qu'importe si, pour d'autres raisons, ses allégeances politiques, nationales ont fait en sorte que nous ne puissions partager de ce côté-ci, avec lui, un certain nombre de positions qu'il a prises, et je fais là allusion au débat sur la souveraineté. Mais il n'en reste pas moins que cet homme, oui, s'est dévoué entièrement pour les travailleurs parmi les plus démunis, parmi ceux qui sont non représentés dans les syndicats.

Et, lorsque son organisme nous interpelle et qu'il dit: «Nous offrons des services à une clientèle particulièrement non syndiquée et à statut précaire, et, comme vous le savez, cette clientèle représente environ 60 % de la main-d'oeuvre québécoise», je pense que, là, il nous interpelle directement. Il dit: Attention! Avant de légiférer... Ou peut-être vous êtes-vous entendus sur un conseil d'administration. Le ministre dit qu'il y avait consensus au conseil d'administration. Moi, je dis qu'il n'y a pas consensus; je vais expliquer pourquoi après. C'est pour ça qu'on demande un report, pour clarifier ça. Il dit: Attention! Nous ne sommes pas forcément représentés, nous, là aussi. Nous avons notre mot à dire, et je veux être écouté. Il dit aussi: Il n'y a pas juste nous qui avons notre mot à dire; il y a des gens qui aimeraient se faire entendre et sur ce projet de loi là. Et c'est pour ça qu'il demande une commission parlementaire élargie.

Alors, moi, je pense que nous devrions faire ça, M. le Président. Le ministre devrait comprendre que son projet de loi ne fait pas consensus. Contrairement à ce qu'il nous dit, il n'y a pas de consensus, il n'y en a pas. Je ne sais pas où il a trouvé ça, là. Il n'y a pas de consensus à moins que, dès demain, je reçoive des appels téléphoniques des organismes que j'ai cités précédemment, des syndicats, de l'ATTAQ, l'Assemblée des travailleurs et des travailleuses accidenté-e-s du Québec, que j'en reçoive de la FATA, que j'en reçoive de la CSN, de la CEQ, avec qui j'ai été en communication il n'y a pas tellement longtemps, que j'en reçoive de la CSD, du Barreau du Québec. Là, je dirai: Bien, écoutez, O.K., il y a consensus. Mais c'est le contraire, tous ces groupes-là nous disent non.

Maintenant, il va dire: Oui, mais le patronat, je me suis entendu avec et... Bien oui, mais il s'est entendu avec sur un point. Le patronat a envoyé des lettres assez directes au ministre aussi, pour ses raisons à lui. Je vais faire un petit exemple, là. Il dit: «Nous tenons à vous dire, M. le ministre, que cela ne nous convient nullement – ça, c'est la nomination des représentants patronaux et syndicaux à la Commission, d'accord – et que l'appui du CPQ au projet de loi n° 79 pourrait être remis en question si des modifications majeures au projet de loi n'étaient pas apportées à ce chapitre.» Le CPQ, il n'est pas d'accord avec le projet de loi pour ce point-là; pour d'autres points, il est d'accord. Mais il a essayé de faire une entente avec le ministre par en dessous: Tu m'enlèves ça, puis, moi, pof! de l'autre côté, je vais m'entendre avec toi. C'est ça, l'affaire, et on le fait sur le dos des travailleurs.

Bien, moi, je ne peux pas l'accepter et je ne l'accepterai jamais. Et le ministre, il me passera dessus, il passera sur l'opposition. Il a le pouvoir de le faire. Il a des députés, là, qui sont prêts à voter, hein, prêts. Le leader lève la main, et tout le monde se lève, et on s'en va, terminé, on se lave les mains, Ponce Pilate. On oublie les conséquences du vote qu'on va avoir pris; on oublie qu'il y a des gens qui vont devoir vivre avec ça.

Alors, le consensus, il est où? Il n'y en a pas de consensus, il n'y en a pas, puis je mets le ministre au défi de nous dire qu'il y a un consensus là-dessus. Un consensus au Québec, là, ce n'est pas deux groupes; un consensus au Québec, c'est tous les groupes. On ne peut pas prétendre se réclamer d'un consensus dans ces cas-là. Totalement erroné de croire qu'il y a consensus en ce qui concerne ce dossier.

(0 h 30)

J'ai reçu d'autres lettres, M. le Président. Je pourrais en lire d'autres, mais... Parce que j'ai pris des lettres types un peu intéressantes, puis on parle des grands syndicats puis on parle des grandes organisations. Il y a des gens plus simples qui écrivent aussi: «Au nom des membres du Réseau des avocats et avocates de l'Union des travailleurs(euses) accidenté(es) de Montréal, je désire vous faire part de notre réelle inquiétude relativement à la réforme proposée par le projet de loi n° 79, présenté le 14 novembre dernier. Nous défendons les intérêts des victimes de lésions professionnelles, majoritairement non syndiquées, auprès de la CSST et des tribunaux. À ce titre, nous sommes à même de constater que la réforme proposée aura un impact sérieux et sans précédent sur les droits et recours des personnes que nous représentons.

«Compte tenu de ce qui précède, nous espérons la tenue d'une commission parlementaire sur le projet de loi n° 79, à laquelle nous serions conviés et afin d'être entendus.» Marco Montemiglio, avocat, pour Montemiglio, Sauvé, un petit bureau d'avocats.

C'est ça, les avocasseries? C'est ça, ce que le ministre disait? D'ailleurs, ceux qui pleurent publiquement présentement sont ceux qui sont intéressés à offrir leurs services professionnels et qui dorénavant ne pourront plus aller faire des avocasseries ou aller faire des débats interminables devant le bureau de révision paritaire. D'abord, le bureau de révision paritaire, il le conserve, premièrement. Mais, M. le Président, il reconnaît que c'étaient des débats interminables, devant le bureau de révision paritaire. C'est ça qu'il nous dit, là-dedans. Alors, pourquoi le conserver? Pourquoi conserver le paritarisme? Ça, c'est un autre dossier, on y reviendra après.

Alors, M. le Président, est-ce que c'est une manière de traiter les gens, ça? Est-ce une manière, de dénigrer, de dénoncer des citoyens qui, de bonne foi, demandent à être entendus? Est-ce que c'est comme ça qu'un représentant du gouvernement, quand il s'agit de dossiers de travailleurs, de dossiers sociaux, doit répondre à des gens qui, poliment, lui écrivent? Est-ce qu'on répond que c'est des avocasseries? Du revers de la main, on balaie. Est-ce que c'est ça, un comportement à avoir? Je ne le crois pas, M. le Président. Ce comportement du ministre dénote qu'il est mal à l'aise, dénote qu'il ne comprend pas ce qui se passe. Je ne sais pas. Il y a quelque chose qui n'est pas normal. Il nous dit qu'il y a consensus. Il maltraite les gens qui ne sont pas d'accord avec lui.

S'il a envoyé des messages au député de LaFontaine à travers la Chambre, ou les envoie lui-même, laissant entendre assez souvent que le député ne connaît rien à rien au niveau des relations de travail... Peut-être, M. le Président, que je n'ai pas 40 ans d'ancienneté dans ce domaine, mais, à 40 et quelques années, j'ai travaillé à partir de l'âge de 14 ans dans des petites usines, puis j'ai étudié le soir, puis je suis arrivé ici comme un immigré, puis j'ai travaillé fort dans des conditions pénibles, difficiles, où on était exploité bien souvent et où il n'y avait pas de justice pour le petit travailleur que j'étais à l'époque. C'est ça que je connais, M. le ministre, puis c'est pour ça que je défends les travailleurs, pour rien d'autre, puis c'est notre rôle devant des gens qui sont insensibles parce qu'ils sont rendus au pouvoir. La voilà, la vraie raison. Il n'y en a pas d'autres. Peut-être que ç'en fera rire certains, mais, moi, ça ne m'a pas fait rire quand j'étais jeune, puis il y en a beaucoup aujourd'hui qui ne rient pas de ces conditions.

Alors, voilà, M. le Président. L'attitude détachée ou désinvolte du ministre lorsqu'il parle des avocats qui représentent des petits travailleurs dénote tout à fait sa mentalité puis la manière dont il traite le dossier, et ça, je ne peux pas l'accepter non plus. Aussi, je demande, M. le Président, qu'on reporte le projet pour qu'il revienne dans des meilleures dispositions, qu'il parle avec les gens, qu'il rencontre les gens de la CSN, M. Marc Laviolette, le vice-président, qu'il rencontre les gens de la CEQ, qu'il rencontre M. Gingras de la CSD, qu'il rencontre M. Blanchard, l'avocat qui défend des gens de la CSST, qu'il rencontre le Dr Bergeron qui était sur le comité.

Je ne veux pas parler avec le député de LaFontaine qui ne connaît rien, dit-il, ou pas grand-chose, qui est inculte. Ce n'est pas grave qu'il ne parle pas avec moi, là; l'important, c'est qu'il parle, M. le Président, avec du monde puis qu'ils finissent par le convaincre que, avec son projet, il y a des problèmes pour les travailleurs, que ce n'est pas un bon projet de loi pour les travailleurs, puis qu'il le change. Puis là je n'aurai pas besoin de lui parler longtemps, M. le Président, on le votera, le projet de loi. On le votera. Le jour où toutes ces organisations vont m'appeler, vont me dire: M. Gobé, ç'a évolué, ç'a bougé, c'est mieux pour nous autres, on est correct, on ne sera pas ici à minuit et demi, on l'aura voté. On le votera, le projet de loi. Mais, en attendant, M. le Président, non, non, nous ne sommes pas prêts et nous pensons que le ministre n'est pas prêt non plus lui-même.

Je pense même, M. le Président, qu'il n'a pas informé tous ses collègues de toutes les contestations, de tous les arguments de tout le monde. Je ne suis pas sûr, moi, que notre collègue la députée de La Prairie a été informée correctement et puis que M. Laviolette, son ancien vice-président ou collègue vice-président à la CSN, lui a fait part ou ne lui a pas fait part de ça. Je ne suis pas sûr de ça, moi.

Alors, pourquoi ne pas prendre le temps? Pourquoi, M. le Président, invoquer des arguments? Le ministre a parlé de délais, a parlé de... M. le Président, les délais, les pires délais, c'est le Bureau d'évaluation médicale qui les a fait subir à force de ballotter les gens, de les renvoyer en expertise de contrexpertise. C'est ça, le problème. Puis, s'il y a beaucoup de gens qui sont sur la CSST actuellement, avec des difficultés de règlement de dossier, bien qu'on engage. Que le ministre réfléchisse aussi à des solutions alternatives, qu'il engage des gens supplémentaires.

Certains ont fait valoir que le ministre devrait régionaliser. Oui, oui, très bonne idée. Les professionnels du gouvernement, le Syndicat des professionnels du gouvernement, qui s'oppose à ce projet de loi là, dit: Il n'y a pas de vraie régionalisation là-dedans. Ils le savent, eux, ils sont amenés à traiter dans ces dossiers-là. Il n'y a pas de consensus, ils ne sont pas d'accord, eux autres non plus. Pourtant le ministre a argué un consensus. Avec qui le consensus? J'aimerais ça qu'il me le dise, qu'il rencontre les gens pour voir si vraiment il les a bien compris. On ne peut pas dire, en cette Chambre, lorsqu'on est ministre: Il y a un consensus sur un projet de loi important, puis que les gens, dès qu'ils apprennent que le projet de loi est sorti, sortent des communiqués pour dénoncer le projet de loi, faire savoir qu'ils n'ont pas donné leur opinion, leur avis, qu'ils ne sont pas d'accord avec, puis demandent des commissions parlementaires. Bien, écoutez!

M. le Président, je pense qu'il serait sage de reporter. Il serait sage de reporter afin de tenir des consultations publiques. Pas les tenir avant Noël. Regardez, il est 0 h 40, M. le Président. Dans 12 jours, c'est Noël. Le ministre a cinq projets de loi, dont plusieurs, comme l'a dit mon collègue le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition officielle, touchent fondamentalement le droit des travailleurs, dont un en particulier, le n° 31. Un autre projet de loi qui touche les travailleurs, qui est dénoncé par l'ensemble des organisations. Comment se fait-il que les audiences qui ont été tenues ont fait en sorte que les huit groupes qui sont venus se sont opposés au projet de loi?

Encore là, pour le projet de loi n° 31, va t-on me dire qu'il y a une espèce de coalition contre le ministre, contre tous ses projets de loi? Est-ce qu'on va me dire que c'est parce que c'est lui que tous les syndicats puis que tout le monde s'oppose? Bien, si c'est ça, à ce moment-là, vous connaissez la réponse, ce n'est pas à moi à la dire. Mais je pense que ce qu'on devrait faire, M. le Président, en ce qui concerne les projets de loi à saveur sociale, à saveur des travailleurs, c'est avoir quelqu'un qui dialogue avec les parties, qui rencontre les intervenants, puis, s'il y a des consensus qui s'établissent, eh bien, qu'ils tiennent, et non pas quelqu'un qui se promène puis qui essaie de faire croire qu'il y a des consensus alors qu'il n'y en a pas.

Alors, je pense que la motion de mon collègue le député de Frontenac, M. le Président, sera pour nous extrêmement positive, parce qu'elle va permettre certainement... On a deux heures pour parler ce soir, je pense, pour essayer de convaincre le ministre. Deux heures, ce n'est pas grand-chose, mais ça peut être aussi très intéressant pour réfléchir, pour essayer de faire évoluer un peu. Je sais qu'il y a des groupes qui vont réécrire au ministre pour essayer de le convaincre, il y a des gens qui vont probablement manifester à un moment donné aussi, et c'est déjà commencé.

De grâce, saisissez l'occasion, nous vous ouvrons la porte avec cette motion de report. De grâce, M. le ministre, acceptez cette opposition qui vous est donnée non pas par moi, j'en suis simplement la voix, mais par les groupes qui ont écrit et qui demandent des audiences publiques, qui demandent d'être entendus, qui vous demandent de faire des changements dans votre projet de loi.

(0 h 40)

Malheureusement, j'ai bien l'impression que vous ne voudrez peut-être pas donner suite. Je ne sais pas. J'espère, lorsque vous allez tout à l'heure nous répondre sur cette motion, que vous allez nous dire: Oui, en effet, j'accepte de retarder tout ça et de tenir des audiences publiques. Déjà, ce serait un bon point et nous y participerons. Dès que les gens qui s'attendent d'être invités... Les gens attendent, ça ne prendra pas une grosse convocation pour les faire venir, les gens. Les fêtes de Noël passées, je pense que dans le mois de janvier, avec la sérénité du temps des fêtes passé, le ministre ayant réfléchi un petit peu, les groupes seront prêts à venir s'asseoir, dialoguer, expliquer, faire des consensus.

Puis nous entendons y participer, aux consensus. Nous entendons aider le ministre, aider le gouvernement, parce que faire des consensus sur ce projet de loi là, aider le ministre et le gouvernement, c'est avant tout aider les travailleurs. Parce que, s'il y a un consensus, c'est parce que les travailleurs sont contents. Puis, bien sûr, essayer de convaincre nos amis ou les amis du ministre, les nouveaux amis du ministre, le Conseil du patronat, de participer à ce consensus et non pas vouloir faire en sorte que le ministre puisse adopter à la vapeur et sans consultation ce projet de loi. Et je le dis publiquement et je n'en ai pas honte. C'est ça qui est arrivé. C'est ça, la vérité. Et le ministre sourit. Bien voilà. C'est ça, c'est dit. Vous pouvez envoyer la déclaration.

Alors, M. le Président, je crois ce soir que nous sommes dans une situation que nos concitoyens – les Québécois et les Québécoises qui nous regardent, s'il y en a encore à cette heure-ci qui nous regardent – doivent trouver un peu désolante, un peu regrettable. Un ministre qui a été élu sous l'étiquette social-démocrate, appuyé par les organisations syndicales, qui refuse de les entendre sur des points de vue fondamentaux pour les travailleurs et qui fait le jeu de l'autre groupe qui, lui, dit: Non, nous autres là, plus vite ça passe, mieux c'est pour nous autres. Voilà, c'est ça, la situation. Puis je mets au défi qui que ce soit en cette Chambre de voir le contraire. C'est peut-être là une nouvelle façon de gouverner. On se fait élire à gauche, puis après ça on va manger à droite.

Mais les gens ne sont pas dupes. Les travailleurs et les travailleuses ne sont pas dupes. Vous saurez nous le dire dans quelques années. Vous ne pourrez pas toujours leur faire croire qu'il faut voter pour se séparer puis oublier le reste. Vous serez jugé un jour, M. le ministre, comme tous les gouvernements l'ont été avant vous autres. Nous serons jugés, le gouvernement sera jugé, M. le Président, comme tous ceux qui l'ont été avant, par leurs actions concrètes et par l'écoute qu'ils ont donnée à leurs concitoyens, par le respect qu'ils ont eu pour eux, même dans l'adversité. Parce que, s'il y a une chose qui est importante pour nous, les élus, quand même les gens ne sont pas d'accord avec nous, c'est de les respecter, parce que ce sont eux qui nous élisent pour les représenter. Et la moindre des choses en démocratie est de respecter ceux qui votent, de respecter le peuple.

Voilà, M. le Président, pourquoi nous avons fait cette motion de report. Voilà pourquoi nous demandons au ministre d'accepter de retirer son projet, de reconsulter les gens après les Fêtes, de faire en sorte que plus tard, après consultations, modifications à son projet de loi, établissement d'un vrai consensus... Je dis bien: Établissement d'un vrai consensus. Et je répète: Un vrai consensus inclut la CSN, la CSD, la CEQ, l'Association des travailleurs accidentés du Québec, la FATA, le Barreau. Ça les inclut. Je ne crois pas que, dans la société québécoise, il puisse y avoir de consensus sans ces gens-là. Ça représente quelques millions de travailleurs. Ça représente aussi le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. C'est ça, le consensus, M. le Président. Le consensus, ce n'est pas deux groupes.

Alors, M. le Président, c'est là certainement la demande que nous faisons au gouvernement: Consensus, respect des gens, dialogue. C'est pour ça qu'on est ici ce soir et c'est ça qu'on vous demande, M. le ministre. Puis, si ça va comme ça, on travaillera avec vous puis on bonifiera ce projet de loi là, puis tout le monde sera content. Sinon, malheureusement, eh bien, nous devrons faire en sorte de faire jouer le plus possible la compréhension ou essayer de vous faire comprendre en parlant, en expliquant, en discourant nous-mêmes pour le faire. Mais je crois qu'il serait plus sage de le faire avec les intéressés; ça sauverait bien du temps et ce serait beaucoup plus respectueux pour eux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, je cède maintenant la parole au ministre du Travail et député de Matane. M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, avec tout ce qu'on a entendu ce soir, je pense qu'il y a une remise en contexte qui s'impose. Ce projet de loi n'est pas une improvisation de dernière minute, comme on a semblé le dire du côté de l'opposition depuis un bon moment. J'aimerais dire aussi, et c'est important... Il y a un député de l'opposition qui disait en début de soirée... Et je ne qualifierai pas le mépris qu'il a utilisé à l'endroit des gens qui gagnent leur vie en vendant des appareils électroménagers. Quel ton méprisant utilisé par l'opposition, lorsqu'il se sert de mots comme «vendeurs de balayeuses» pour qualifier les gens qui veulent protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Analogie grossière, s'il en est une. C'est ça, les gens qui essaient de faire la morale aux autres, en disant qu'on n'est pas à l'écoute des travailleurs et qu'on ne comprend pas les besoins des travailleurs. On est considérés, de ce côté-ci, comme des vendeurs de balayeuses. Quel mépris! M. le Président, dans la vie, il n'y a pas de sots métiers, il n'y a que de sottes gens.

J'aimerais rappeler à ceux qui ont évoqué ce soir le rapport Durand, un rapport qui a été construit après de longues et de mûres réflexions... Il y avait un médecin, trois avocats qui constituaient ce comité-là qui était un comité de recherche et qui en est arrivé à des recommandations. J'ai eu l'occasion de les rencontrer, de discuter avec eux, et les recommandations qu'ils faisaient, c'était de dire: L'heure est arrivée, à la CSST, de déjudiciariser. Et c'est ça que le projet de loi propose.

Quand je suis arrivé au ministère du Travail, après avoir vécu des expériences personnelles avec la CSST, je me disais: Il y a des choses qui doivent être corrigées. Par exemple, qu'un travailleur attende trois ans avant d'obtenir justice, et ce qui le conduisait devant la CALP, trois ans... Le travailleur entrait dans le système blessé physiquement, il en ressortait malade psychologiquement. C'est ça, le système que veulent défendre les gens de l'opposition.

Il y avait une autre chose qui m'inquiétait beaucoup, c'était le retour au travail du travailleur accidenté. Vous savez, M. le Président, dans le système actuel, pour les entreprises de moins de 20 employés et les entreprises de 20 employés et plus, c'est un an ou deux ans que le travailleur a pour réintégrer le travail. Ça, c'est extrêmement important, et c'est ça que le projet vise à corriger. Les députés de l'opposition ne parlent pas de ça; ils n'ont pas lu le projet de loi, ça paraît.

Les seuls propos que j'ai trouvés intéressants ce soir venant de l'opposition, c'est le député d'Outremont qui disait: Je m'inquiète que, dans ce projet de loi, on ne retrouve pas des dispositions sur la prévention en santé et sécurité. Je dirai au député d'Outremont qu'il y a un autre projet de loi qui s'en vient, qui, lui, vise le financement de la CSST, et l'ensemble du projet de loi est bâti autour de la prévention. On va faire de la prévention comme jamais auparavant au Québec, et c'est normal parce que l'une des grandes missions de la CSST, c'est de faire de la prévention sur les lieux de travail.

(0 h 50)

Donc, M. le Président, le comité a déposé un rapport au conseil d'administration paritaire de la CSST en mai 1994. Les libéraux étaient au pouvoir. Pourquoi ils n'ont pas bougé? Ce que j'entends aujourd'hui, c'est un langage de plaignards qui disent: Il faut consulter. Tout le monde a été consulté, M. le Président, sur le projet de loi qui est devant nous. Tout le monde a eu à comparaître devant le comité de Mme Durand, tout le monde a pu faire connaître son point de vue. Le conseil d'administration de la CSST a appuyé le projet de loi qui est sur la table et de nombreuses consultations ont été faites.

J'aimerais dire... Pour ceux qui s'inquiètent du consensus, on va en parler un tout petit peu. La FTQ écrivait, et c'étaient des propos tenus par son président, M. Clément Godbout, et il disait ceci: «Les représentants des travailleurs et des travailleuses ont démontré de façon très compétente qu'ils peuvent intervenir au sein d'une instance paritaire comme le bureau de révision paritaire, par exemple, et je trouve intéressant de voir se lier la CSN, M. Bellemare et le Barreau contre le paritarisme. Le Barreau n'a sûrement pas intérêt à ce qu'on déjudiciarise, il y va de leur gagne-pain. Il y a 30 000 dossiers par année qui passent devant les tribunaux et beaucoup d'avocats s'amusent», dixit le président de la FTQ, qui appuie le projet de loi, soit dit en passant.

Un mot sur le Conseil du patronat québécois, que le député de LaFontaine appelle maintenant mes alliés. Quand la CSN est défendue par le parti libéral, moi, à leur place, je m'inquiéterais. Et qu'on essaie de charrier un nom aussi honorable que Michel Chartrand dans la bouche des libéraux, il y a quelque chose d'incongru là-dedans. Je ne comprends pas, M. le Président. C'est ce qu'on appelle en anglais «a strange bed fellow».

M. le Président, le Conseil du patronat – et j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président, M. Dufour – il y a une chose qui les agace dans le projet de loi, c'est le processus de nomination des personnes qui vont siéger sur la Commission des lésions professionnelles. Le processus de nomination. Le Conseil du patronat n'est pas contre le paritarisme décisionnel, il n'est pas contre le fait qu'on fasse disparaître deux paliers: le bureau de révision paritaire et la CALP. Ce que j'interprète d'important, ce que j'interprète, c'est que les travailleurs et les travailleuses sont tannés de subir deux procès: un devant le bureau de révision paritaire et un autre devant la CALP. Ils sont tannés d'attendre 34 mois avant d'avoir une décision sur leur sort. C'est ça, respecter les travailleurs. Pas essayer par toutes sortes de tactiques de faire en sorte que des groupes viennent s'exprimer à Québec, on les a entendus! Manoeuvre de diversion, procédé dilatoire et inqualifiable, je dirais.

C'est pourquoi je veux mettre en oeuvre, pour protéger le droit de retour au travail des travailleurs accidentés, un mécanisme qui fonctionne beaucoup plus rapidement pour ne pas qu'ils perdent leur emploi; c'est ça qui est fondamental. C'est déjà malheureux d'être accidenté du travail, si en plus on perd son emploi, M. le Président, ça devient dramatique dans la vie de quelqu'un. Il s'agit donc d'un droit méconnu mais qui est fondamental. Fondamental. Ça, j'aimerais que l'opposition réfléchisse à ça.

La loi protège en effet le travailleur absent du travail en raison d'une lésion professionnelle. Il peut réintégrer son emploi, ou un emploi équivalent chez son employeur dès qu'il revient, qu'il redevient capable de faire ou d'exécuter son travail. Mais ce droit est limité dans le temps; c'est un an dans un établissement de 20 travailleurs ou moins et deux ans pour les autres. L'expérience démontre malheureusement que dans la majorité des cas, quand le travailleur perd ce droit, il perd aussi son acquis le plus important: le droit de travailler. Ça, je pense que les libéraux devraient réfléchir là-dessus.

Parce qu'il est vrai qu'avec la loi n° 35 les libéraux ont fait avancer les choses. Ce que je ne comprends pas... Vous savez que le projet de loi qui est devant nous, on veut continuer sur la voie d'une bonification du régime de la CSST, faire disparaître le musée des horreurs à travers lequel un travailleur était confronté avant d'obtenir des réponses à sa situation.

Je suis fort étonné des critiques formulées par certains avocats à l'effet que le paritarisme va à l'encontre des règles de justice naturelle. Je suis très, très surpris d'entendre ces propos-là venant de l'opposition. Le paritarisme est un modèle de tribunal administratif qui a fait ses preuves depuis des siècles. C'est vrai en Angleterre, c'est vrai en Allemagne, c'est vrai dans les provinces canadiennes, et pourquoi ça ne fonctionnerait pas au Québec? Pourquoi ça ne fonctionnerait pas au Québec? M. le Président, il y a quelqu'un quelque part qui n'a pas examiné la situation. Et, en plus, un tribunal paritaire décisionnel respecte l'esprit du paritarisme qui existe au Québec depuis de nombreuses années.

La controverse actuelle sur le paritarisme provient d'une confusion quant au rôle et à la contribution des membres paritaires au sein de la nouvelle Commission des lésions professionnelles. Les membres issus des associations patronales et syndicales ne siégeront pas en tant que représentants de ces associations mais bien comme des personnes d'expérience, des personnes compétentes. Et vous croyez que, rendu à ce niveau-là de décision, vous avez encore l'étiquette patronale ou l'étiquette syndicale dans le front? Voyons donc! Ces gens-là vont s'asseoir, vont statuer, et ça sera fortes de l'expérience de leurs milieux respectifs que les décisions seront encore plus valables.

M. le Président, la Cour suprême du Canada a reconnu le paritarisme comme un excellent moyen de régler des litiges. Des avocats aussi importants, j'en ai consulté plusieurs, je vais vous en nommer quelques-uns. J'aimerais rappeler Me Yves Ouellette, éminent professeur à l'Université de Montréal; Gérald Tremblay de McCarthy, Tétrault, autre juriste reconnu; les firmes Lavery...

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Je m'excuse pour le député de Matane.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: Oui. M. le Président, le député de Matane dit des choses intéressantes avec lesquelles je ne suis pas d'accord, mais peut-être que ses collègues devraient l'entendre. Le quorum est de 21 même à 1 heure du matin, M. le Président, puis on est 16 à peine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, puisque nous avons retrouvé le quorum, M. le ministre, je vous prierais de bien vouloir continuer.

M. Rioux: M. le Président, je parlais donc de Me Gérald Tremblay de McCarthy, Tétrault, autre juriste reconnu; les firmes Lavery, de Billy; Flynn, Rivard; Heenan Blaikie, pour ne nommer que celles-là, qui se sont prononcés en faveur du projet de loi tel que rédigé. Tel que rédigé.

(1 heure)

Je voudrais ajouter aussi pour l'édification, peut-être, du député de Frontenac, pour ce qui est des apparences de justice, on évoquait... Et le député de Frontenac en a parlé dans son exposé tout à l'heure, il avait des doutes sur l'impartialité de ce tribunal administratif qui va relever désormais du ministère du Travail. Ça veut donc dire que les apparences de justice... Et je me demande comment le député de Frontenac pourrait réagir à ça. Quand on pense à un individu qui est poursuivi devant la cour criminelle, par exemple, qui est admissible à l'aide juridique, les avocats sont payés par le gouvernement, le procureur de la couronne est payé par le gouvernement, le juge sur le banc est payé par le gouvernement. Est-ce que ça entache la valeur du jugement qui sera rendu? Je ne crois pas. Doit-on remettre en question tout le système judiciaire pour faire plaisir aux libéraux? Je commence à avoir de la difficulté à les suivre, surtout venant du député de Frontenac. Surtout venant du député de Frontenac, ça, ça me torture un peu plus.

M. le Président, donc, ils sont légion dans le milieu juridique ceux qui reconnaissent la valeur du paritarisme comme une instance décisionnelle éminemment valable. C'est le cas de la Cour suprême du Canada dans un jugement du juge Cory dans l'affaire Newfoundland Telephone. Il fait valoir dans des termes très clairs le mérite et l'efficacité des commissions représentatives du milieu, où l'on retrouve des représentants du gouvernement, des représentants de la collectivité, des représentants des employeurs. Le rapport Sims, produit par un groupe d'éminents juristes, fait de même. Il prône le rétablissement, au sein du Conseil canadien des relations de travail, du paritarisme représentant des employeurs et représentant des travailleurs.

Je ne sais pas où le député de LaFontaine va chercher ses arguments, mais j'essaie de le suivre du mieux que je peux, en faisant bien attention, évidemment, de ne pas l'offusquer, parce qu'il a la peau sensible. Mais le Québec, pour une fois, M. le Président, je le reconnais, ne diffère pas du reste du Canada, ni du reste du monde, en optant pour un tribunal paritaire. Et c'est vrai non seulement sur le plan des lésions professionnelles, c'est vrai dans plusieurs domaines. En effet, on retrouve le principe semblable dans l'actuel projet de loi n° 130 du ministre Bégin sur la réforme de la justice administrative. Dans la majorité des sections de ce tribunal, les recours se feront devant plus d'un membre, dont des représentants des milieux concernés. Alors, d'où vient la rhétorique de l'opposition?

Enfin, pour ceux qui critiquent la lourdeur des instances paritaires, j'ajouterai que le paritarisme a fait ses preuves au sein du bureau de révision de la CSST. Les décisions ont été rendues quand même assez rapidement, beaucoup rapidement, je dirais même, en matière de lésions professionnelles, huit mois en moyenne devant le bureau de révision paritaire et 24 à 26 mois devant la CALP. J'espère que ça va nourrir nos réflexions au cours des prochaines semaines.

Pour conclure sur cette question du paritarisme, je ne saurais trop insister en tant qu'élu, et représentant à ce titre des citoyens et des citoyennes du Québec, sur l'importance d'un tribunal paritaire pour les victimes de lésions professionnelles. C'est justement un mécanisme qui vient garantir à la victime la reconnaissance de ses droits. On assure ainsi la présence au tribunal de personnes sensibles aux intérêts des travailleurs et qui bénéficient d'une bonne connaissance des milieux de travail. Et c'est ça que la Cour suprême avait trouvé intéressant, c'est que les décisions rendues étaient enrichies par des personnes qui avaient une expertise des lieux de travail du côté patronal et des lieux de travail vision syndicale. Et, pour la cour, c'était une façon d'enrichir la décision et de la rendre encore plus équitable pour le travailleur accidenté.

On a pensé également, M. le Président, de valoriser le rôle du médecin traitant. Ça aussi, c'est un aspect qui me fatiguait un peu, et j'estime qu'on devait répondre à cette attente des syndicats. C'est une grande victoire syndicale, le fait qu'on accorde plus d'importance au médecin traitant et qu'on cherche à l'aider, quand il comparaît devant le BEM, à étayer sa preuve. On se souvient, et ça a été le cas à plusieurs reprises, des travailleurs se retrouvaient devant le Bureau d'évaluation médicale, et la preuve patronale qui était déposée était une preuve structurée par des spécialistes, et le médecin traitant, généralement un omnipraticien, se trouvait un peu défavorisé. Alors, ce qu'on fait dans le projet de loi, c'est qu'on dit au médecin traitant: Tu peux aller chercher une contre-expertise auprès de spécialistes de ton choix afin d'établir devant le Bureau d'évaluation médicale une sorte de parité de chance pour le travailleur.

La CSST, donc, avec ce nouveau mécanisme, ce nouveau moyen fourni au travailleur, rend justice à ce dernier et lui permet ainsi d'avoir une évaluation beaucoup plus objective.

M. le Président, on s'est attaqué toute la soirée au Bureau d'évaluation médicale. Je voudrais juste attirer l'attention sur le fait que la présence de médecins pour trancher dans les cas de litiges sur des questions médicales est essentielle. La réforme, bien sûr, privilégie la filière médicale beaucoup plus que la filière juridique, on s'en rend compte à l'évidence. Parce que le travailleur est accidenté, ce qu'il faut mettre à sa disposition, c'est la meilleure expertise possible. Si l'on veut être équitable, être juste, c'est là qu'il faut investir, à mon avis. Et c'est pour ça qu'on maintient le Bureau d'évaluation médicale et qu'on essaie d'équiper et de rendre... de faire en sorte que le médecin traitant du travailleur puisse répondre à ces attentes de façon la plus professionnelle possible. J'ose croire que tout le monde s'entend là-dessus.

Actuellement, pour les cas de CSST, ce rôle est assumé par le Bureau d'évaluation médicale, une instance indépendante. Je tiens à le rappeler: une instance indépendante. Contrairement à ce qu'on entend souvent sur la place publique, le recours au BEM constitue une mesure d'exception dont personne n'abuse, personne n'abuse. En effet, en 1995, sur les 900 000 rapports médicaux produits – qui sont tous contestables, soit dit en passant – il y a eu 8 300 demandes au BEM, 8 300 sur 900 000 rapports médicaux; 8 300. Là-dessus, il y avait 6 000 contestations venant de la part des employeurs, alors que, dans le discours public, ce qu'on entend, c'est que c'est des contestations venant de la CSST. Pas vrai! Ça vient des employeurs, 6 000 viennent des employeurs. Ce sont eux qui paient pour le coût d'indemnisation, faut-il le savoir. Donc, ils sont préoccupés, eux aussi. Quant à la CSST, elle a fait 2 300 demandes, dont 1 500 avis et seulement 800 contestations. Alors, ça représente à peu près 0,1 % de la masse des 900 000 rapports médicaux dont je viens de parler, M. le Président.

De plus, à l'heure actuelle, il serait injuste de déplorer la lourdeur et l'inefficacité du Bureau d'évaluation médicale. Au cours des derniers mois, et notamment à ma demande en tant que ministre du Travail, le BEM a fait des efforts importants pour réorganiser son fonctionnement: d'une part, pour améliorer la qualité des expertises et, d'autre part, pour améliorer la productivité de façon à réduire les délais. Les mesures prises ont entraîné une réduction significative des délais, qui sont passés de 52 jours, en 1992, à 17 jours, en 1995. Quant à la qualité des décisions, plus de 70 % des avis du BEM sont soit acceptés par les clients ou maintenus par les tribunaux administratifs.

Quant aux médecins qui siègent au BEM, le ministre du Travail procède à leur nomination à partir de listes qui sont soumises par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. S'il y a des médecins qui ne font pas l'affaire, les parties syndicale et patronale sont représentées au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, elles ont seulement à ne pas les recommander. C'est aussi simple que ça. Je ne vois pas pourquoi on s'accable sur les médecins du BEM alors qu'ils sont choisis par un organisme, ils sont recommandés au ministre qui les achemine, bien sûr, au Conseil des ministres.

(1 h 10)

C'est une loi pour les travailleurs qui est devant nous, M. le Président. C'est une loi pour les travailleurs. C'est une loi qui est attendue par les travailleurs, et seuls ceux qui ne l'ont pas lue en contestent la validité et la valeur. D'ailleurs, chaque groupe qui, jusqu'à ce jour, a protesté contre le projet de loi, c'était le patronat québécois, sur le processus de nomination des personnes qu'on va nommer sur la Commission des lésions professionnelles; la CSN s'objecte sur une chose: le paritarisme décisionnel. Et, encore là, je pourrais dire ce soir qu'en négociant un tant soit peu on peut arriver à s'entendre. Le projet de loi est sur la table pour être débattu. Il est sur la table pour être discuté, et on a toujours été prêt à en débattre n'importe quand avec les représentants de l'opposition officielle, et ceux qu'on a entendus jusqu'à ce jour nous ont fait valoir leur point de vue.

J'estime, M. le Président, que les employeurs du Québec qui attendent ce projet de loi depuis longtemps et la FTQ, qui représente 480 000 membres, ça commence à être représentatif. Et, s'il n'y a pas un consensus global, il commence à se dégager en tout cas une opinion qui m'indique, moi, personnellement, que ce projet de loi, on ne retardera pas son adoption comme le souhaite l'opposition, on va l'adopter, et avant Noël. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Je cède maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Enfin un débat! C'est ce que nous avons dit de ce côté de la Chambre depuis quelques heures maintenant. On a un sujet important devant nous ce soir. Alors, c'est ça que nous avons dit. Mon collègue le député de LaFontaine a essayé d'insister sur l'importance du sujet qui est devant nous ce soir. Alors, enfin, on tombe dans un débat. Et ce que nous avons essayé de porter à l'attention du ministre, c'est qu'il y a des choses qui sont un petit peu troublantes dans le projet de loi actuel et qu'on a tout intérêt et tout avantage à éviter certains problèmes que nous avons trouvés dans l'autre grande réforme de la justice administrative, c'est-à-dire le projet de loi n° 130.

Moi, j'aime le recyclage. Comme tout le monde ici, je pense que c'est très important de recycler les choses dans notre société, mais je trouve qu'il y a des éléments du discours du ministre du Travail ce soir qui sont le recyclage du discours du ministre de la Justice il y a un an, au moment de la présentation de la loi n° 130: Pas de problème, calmez-vous les députés de l'opposition, il n'y a pas de problème, c'est tout attaché, tout est beau. Un an après, on a un projet de loi qui demeure fort contesté, qui a des enjeux majeurs au niveau, entre autres, de la nomination des juges qui seraient sur le TAQ et tout ça.

Je vois, entre autres, le président de la commission des institutions, le député de Bonaventure, qui est d'une grande expertise pour voir les enjeux. Mon collègue le député de Frontenac a assisté, mon collègue le député de Chomedey aussi a assisté aux délibérations. Un des points que nous avons soulevés dès le départ dans le débat sur la loi n° 130 était effectivement l'annexe II, qui a le problème d'inclure la section des lésions professionnelles à l'intérieur du tribunal de la justice administrative. À ce moment, le ministre de la Justice s'est levé en disant: Calmez-vous, il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'enjeux ici.

Alors, quand le ministre du Travail se lève ce soir pour répéter presque mot à mot ce que son collègue le ministre de la Justice a dit il y a un an, ça me laisse peu rassuré, M. le Président. Peu rassuré. Parce que je pense que les questions que nous avons soulignées pour la loi n° 130 valent aussi également sur le projet de loi n° 79. Et je pense que l'idée brillante de mon collègue le député de Frontenac de reporter à six mois, ce serait une très bonne chose parce que, sinon, on risque de voir la commission de l'économie et du travail répéter le débat que nous avons déjà fait devant la commission des institutions quant aux problèmes que soulève le projet de loi qui est devant nous ce soir.

Tout le monde est pour la déjudiciarisation, c'est un beau principe, mais je pense, entre autres, que l'arrêt Valente de la Cour suprême a indiqué que c'est quelque chose où il faut procéder avec attention. Il faut protéger l'autonomie des juges, il faut garder une certaine distance entre le juge et la personne qui va le nommer. Et, quand je lis dans le projet de loi la section sur la rémunération et les autres conditions de travail, les nouveaux articles proposés – 400, 401, 402, etc. – il y a des questions. Il faut regarder ça.

Et je pense qu'on a toute une expertise de la commission des institutions qui a regardé ces questions. On a des analyses qui sont faites par le Barreau du Québec sur ces questions. Alors, pourquoi gaspiller tout ça? Pourquoi mettre ça de côté à cause d'un autre ministre qui arrive dans cette Chambre avec toutes les réponses? Son projet de loi est beau. Il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de question qu'il faut soulever. Au contraire! Je pense que la preuve est faite, avec le cheminement du projet de loi n° 130, qu'il y a effectivement des problèmes. Il y a effectivement des questions qu'il faut regarder de près. Je pense qu'il faut prendre l'idée de mon collègue le député de Frontenac, prendre le temps qu'il faut, aller chercher l'expertise dans la commission des institutions pour vraiment voir si nous avons protégé comme il faut l'autonomie des juges. C'est ça qu'on demande, parce qu'il y a toujours la pression sur le gouvernement de réduire les dépenses publiques. Je ne veux pas qu'un juge se sente, d'une façon ou d'une autre, attaché à cet enjeu qui revient au gouvernement et non au juge, et non au Tribunal administratif.

Alors, je pense qu'il y a une distinction qu'il faut faire. Il faut entendre les groupes, il faut les consulter. Même le ministre dit qu'il faut défendre le principe du paritarisme. Oui, je pense que c'était une de nos objections au moment où nous avons regardé la loi n° 130. Mais, quand je vois que le plus grand regroupement patronal a des réserves, quand je vois la CSN mettre des réserves sur le projet de loi, je dis: Si les deux partenaires dans le paritarisme ont soulevé des questions, il faut prendre le temps pour les écouter. Ce n'est pas dire de mettre le projet de loi dans la poubelle. Nous n'avons pas dit ça. Mais il dit que c'est fort complexe, tout ça. Nous avons la preuve, de l'autre expérience avec le tribunal de justice administrative, qu'on ne peut pas procéder rapidement. Il faut prendre le temps. Il faut regarder ces choses pour voir si nous avons considéré l'essentiel de l'arrêt Valente, entre autres. C'est ça, notre avis pour le ministre, ce soir. Comme j'ai dit, je me réjouis de voir enfin un débat, je me réjouis enfin de voir un certain intérêt de l'autre côté de la Chambre dans ce projet de loi, parce que c'est important.

Je veux revenir aussi... La CSN est parmi les acteurs qui sont souvent mêlés dans ce système. C'est eux autres qui ont soulevé devant la commission des institutions toute cette question sur le Bureau d'évaluation médicale. Ce sont les personnes sur le terrain. Moi, heureusement, je n'ai pas eu un démêlé avec la CSST. Je n'ai pas encore été blessé au travail comme député et j'espère fort bien que je ne le serai pas. Mais la CSN, qui représente des travailleurs, qui doit agir dans ce système quotidiennement, dit: Il y a un problème. Il y a un problème ici. Or, quand les personnes qui sont sur le terrain nous avisent, au moment où on a étudié le projet de loi n° 130 devant la commission des institutions, que le Bureau d'évaluation médicale pose un problème, il faut le regarder, surtout si ça donne suite à la recommandation du comité de travail de Me Durand, qui a regardé ce problème aussi et qui a dit: Il faut abolir ça.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt, dans ce débat ce soir, à soulever la question. Eh oui, peut-être que le ministre va être capable de nous fournir la réponse qu'il faut, pourquoi il faut à tout prix protéger ça. Mais, comme j'ai dit, je trouve ça fort intéressant que les personnes qui vivent le système, qui travaillent dans le système jour après jour nous aient avisés que, peut-être, on aurait tout intérêt, si on veut réduire le nombre de confrontations, si on veut réduire le nombre de conflits, à mettre à côté ce Bureau. Moi, je pense qu'il faut les considérer. Il faut les entendre parce que, comme j'ai dit, quand la CSN est venue pour témoigner sur le projet de loi n° 130... Ils sont venus à maintes reprises. Ce n'est pas dire que, moi, j'ai endossé tous les commentaires qu'ils ont faits, mais ils ont fait un travail... ils ont mis beaucoup de ressources, beaucoup d'énergies dans l'analyse de ce projet de loi. On peut en profiter, de ça, s'assurer que le projet de loi n° 79, qui est devant nous est un meilleur projet de loi que le n° 130. Parce que je pense que tout le monde peut convenir que le projet de loi n° 130 a des failles très, très importantes. Ça explique pourquoi ça demeure toujours devant la commission des institutions, un an et demi après son introduction ici, à l'Assemblée nationale.

(1 h 20)

Alors, c'est ça qu'est la position que j'ai défendue ce soir. Je pense que c'est une question importante. C'est une question, comme j'ai dit... On a les listes des groupes qui ont un mot à dire, qui ont des choses qu'ils aimeraient partager avec nous autres ce soir.

J'ajoute à ça, comme j'ai dit, que je demeure toujours préoccupé par un gouvernement qui aime mettre en place des fichiers. Nous avons eu l'avis de la Commission d'accès à l'information déposé à cette Assemblée il y a deux, trois semaines, qui a dit que «Big Brother» est à l'horizon. C'est un avis dont j'invite tous mes collègues à prendre connaissance, à lire attentivement. Le nombre de fichiers que le ministère du Revenu peut aller regarder est énorme. Et, quand, devant la commission de la culture, la semaine passée, le président a avoué que, quand il a questionné les fonctionnaires au ministère du Revenu: Vous allez utiliser ce fichier pour quelles raisons? les fonctionnaires ont dit: On ne sait pas... M. le Président, on ne le sait pas.

On va aller regarder dans tout ça, peut-être qu'on va trouver quelque chose d'intéressant. Parce que l'attitude de ce gouvernement est de dire que tous les Québécois sont des fraudeurs, sont des pas-bons, M. le Président. Alors, on a tout intérêt... Si le député de Laviolette répare sa maison, il va obtenir un permis de la municipalité; son collègue le ministre du Revenu va le savoir. Quand le député de Charlevoix va acheter une nouvelle voiture, son collègue le ministre du Revenu va être avisé aussi pour voir: Est-ce que M. le député de Charlevoix a vraiment les moyens pour une Jaguar? Sinon, peut-être qu'on va regarder de près ses affaires personnelles, financières. Alors, c'est ça les fichiers, c'est ça l'avis, c'est contre ça que la Commission d'accès à l'information nous a mis en garde.

Quand je vois aussi dans ce projet de loi qu'on va publier les décisions et que ça va être à la Commission de «omit the names of the persons concerned by a decision when it is of the opinion that the decision contains information of a confidential nature the disclosure of which could be prejudicial to the persons concerned», cela peut porter atteinte aux personnes concernées.

Moi, comme je l'ai dit, pour un gouvernement qui a une vraie passion des fichiers, qui a une vraie passion de rassembler les informations, les données sur les citoyens, je pense qu'on a tout intérêt à regarder cet article avant de procéder à une étude détaillée, parce que je pense que la protection de la vie privée dans l'ère de l'inforoute, et tout ça, est un enjeu majeur. Je pense que, comme parlementaires responsables, on a tout intérêt à regarder ça et à peut-être solliciter l'avis de la Commission d'accès à l'information pour s'assurer que 382 ne porterait aucune atteinte aux travailleurs et travailleuses accidentés.

C'est pourquoi je me suis levé deux fois ce soir en cette Chambre. Je veux insister beaucoup pour qu'on prenne en considération les avis des personnes de l'extérieur qui ont déjà signalé certaines inquiétudes. Je conviens avec le ministre que les objectifs visés sont louables. On cherche une justice plus efficace? Oui. On cherche une justice plus rapide? Oui. Mais il faut faire attention. Et la preuve est faite, concernant la loi n° 130, que ce n'est pas si facile que ça de procéder. Il faut prendre le temps, il faut utiliser l'expertise qui est déjà devant la commission des institutions avant de répéter tout le même exercice devant la commission de l'économie et du travail.

C'est pour ces raisons que j'appuie la motion de mon collègue le député de Frontenac pour reporter l'adoption de ce projet de loi dans six mois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je cède maintenant la parole au leader du gouvernement et député d'Anjou. M. le leader.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, vous comprendrez que cette motion de report, la première motion de report de cette session – c'est un élément peut-être qu'on devrait souligner ce soir – ça m'a fait un peu sourire quand j'ai vu le député de Frontenac faire cette motion de report. Non pas que le projet de loi ne mérite pas la motion de report, ce n'est pas sur ce point-là que ça m'a fait sourire, M. le Président, parce que cette procédure existe dans notre règlement, donc, si elle existe, elle peut être utilisée. Je crois que le projet de loi est un projet de loi important et je crois, à ce moment-là, que, si le député de Frontenac voulait faire une motion de report, c'était son droit de le faire.

Cependant, M. le Président, nous en sommes à notre première journée qu'on pourrait dire de session intensive et, à 23 h 50, on enclenche un débat de deux heures, donc, inévitablement, qui va dépasser minuit, alors que souvent, du côté de l'opposition, M. le Président, on me dit: J'espère que la réforme parlementaire va arrêter de nous faire siéger à minuit et que le leader du gouvernement n'appellera plus des projets de loi à 2 heures.

Alors, à ce moment-là, on nous fait une motion de report à 23 h 50, pour nous faire voter à 2 heures sur cette motion de report. Permettez-moi de sourire, M. le Président, quant aux intentions de vraiment, comme on dit, vouloir abolir les sessions de nuit du côté de certaines personnes de l'opposition. Ça, ce n'est pas moi qui l'ai faite, cette motion de report là à 23 h 50, M. le Président. Je m'attendais, aux alentours de minuit, après que les interventions seraient finies, peut-être qu'on aurait pu, à ce moment-là, terminer le débat sur ce projet de loi. Cependant, tous les députés en cette Chambre ont le droit de parole, M. le Président, et nulle n'est mon intention de vouloir limiter l'expression des députés.

Cependant, ça me fait sourire puis je pense que ça va faire sourire les gens qui suivent un peu nos débats et qui voient, à 23 h 50, cette motion de report, présentée d'une façon tout à fait dramatique et théâtrale, nous invitant au débat, M. le Président, après minuit. Et on va être les premiers, dans quelques jours, à nous dire: Regardez ce gouvernement qui nous fait siéger après minuit. S'il vous plaît, M. le Président, soyons sérieux, soyons sérieux. Et on aurait pu au moins donner la chance à cette session intensive de commencer. Première journée de session intensive: motion de report à 23 h 50 de l'opposition officielle. Ça va être dans les débats, M. le Président, ça va être dans le Journal des débats et on va s'en rappeler. Et on va s'en rappeler avec un certain sourire, avec une certaine ironie, j'en suis certain, M. le Président.

Maintenant, pour ce qui est de la volonté exprimée par cette motion de report, pourquoi veut-on reporter ce projet de loi, M. le Président? J'écoutais avec beaucoup d'attention, parce que je suis là depuis le début des débats, des discours des différents membres de l'opposition officielle, et je crois que c'est tout à fait légitime, pour une opposition officielle, de ne pas être d'accord sur le fondement d'un projet de loi. Et, à ce moment-là, c'est le but et c'est la responsabilité d'une opposition officielle, M. le Président, de faire en sorte de faire valoir, d'exprimer son point de vue, d'essayer de convaincre des gens, d'essayer de convaincre, peut-être, les médias qui peuvent encore nous écouter – malgré que vous me permettrez de douter qu'à 1 h 25 du matin, M. le Président, il y ait encore beaucoup de médias qui nous suivent. Encore là, si le but de la motion de report était d'attirer l'attention des médias, M. le Président, je crois qu'on peut dire que c'est manqué.

Un des principes importants dans le projet de loi tel que présenté par le ministre du Travail... et je crois que c'est un principe... je vois mal comment on peut être contre ce principe: la déjudiciarisation. Pourtant, s'il y en a qui devraient être contre, c'est peut-être moi: je suis avocat. Je devrais être contre la déjudiciarisation. Non, M. le Président, je ne suis pas contre la déjudiciarisation. J'ai pratiqué le droit pendant 10 ans et, pendant 10 ans, moi aussi, j'ai vu des dossiers traîner, traîner pendant des années et j'ai vu des victimes devenir deux fois des victimes. Oui, deux fois: une première fois à cause de l'accident qu'elles ont eu et, deuxièmement, par le fait que la décision à être rendue tard, tellement que, finalement, elles deviennent une victime du système, qui est lourd et qui est long. Et je crois qu'en déjudiciarisant comme le fait le ministre du Travail par son projet de loi on va enfin réussir à réduire les délais d'attente de décisions entre le moment où la demande est faite devant la CSST et le moment où, enfin, la personne qui demande l'intervention de la CSST, finalement, obtient sa décision.

(1 h 30)

On parle présentement de délais qui peuvent aller jusqu'à trois ans, M. le Président, trois ans. Imaginez-vous, M. le Président, l'accidenté du travail qui attend trois ans. On estime que, avec la déjudiciarisation telle que présentée, M. le Président, on pourra abaisser ce délai à moins d'un an, une réduction par trois. On divise par trois le délai d'attente devant la CSST. Moi, je me demande comment l'opposition officielle peut être contre ça. Ils sont contre ça, M. le Président – parce que c'est ce que je retiens de leur discours. Ils aiment ça que les gens attendent trois ans avant d'obtenir jugement. Ça doit être ça. Il doit y avoir des raisons pour ça, M. le Président. J'aimerais ça qu'on me les explique. Moi, je crois que, plus rapidement la décision va être rendue, plus rapidement on pourra parler de réadaptation éventuelle pour l'accidenté du travail. Parce que, évidemment, tant qu'il attend la décision, à savoir que justice va être rendue dans son dossier, c'est évidemment autant de temps qui manque à une réelle réadaptation, réhabilitation, de la part de l'accidenté du travail.

Aussi, il y a eu un débat qui s'est fait, M. le Président, à savoir la notion de paritarisme. Est-ce qu'on devait reprendre la notion de paritarisme dans la nouvelle ou dans la structure de la CSST telle qu'elle est proposée? Je dois admettre que, le premier, j'ai fait le débat là-dessus, M. le Président. Je me posais des questions, à savoir: Est-ce que le paritarisme était nécessaire, et tout ça?

Ce que j'ai constaté, ce que le ministre du Travail m'a expliqué, c'est que, dans toutes les provinces canadiennes, le paritarisme est la norme. Et, au Bureau de révision paritaire, où il y a paritarisme, M. le Président, ce qu'on m'a fait aussi remarquer, c'est que, présentement, 86 % des décisions sont prises à l'unanimité. C'est que ça doit fonctionner. Ça doit fonctionner quand uniquement 14 % des décisions, M. le Président, ne sont pas rendues à l'unanimité.

J'ai entendu aussi des commentaires relativement... à l'effet que la prévention était importante, que la prévention était... on ne voyait pas la prévention dans ce projet de loi. Bien, à ce moment-là, M. le Président, je pense que... peut-être le ministre l'a déjà fait et, s'il ne l'a pas fait, je vais le faire. Je vais peut-être inviter les députés, à ce moment-là, à regarder un autre projet de loi, qui est le projet de loi n° 74, qui, lui, va parler de prévention. Mais ne mélangeons pas toutes les choses, M. le Président. Ce n'est pas uniquement dans ce projet de loi qu'on va régler toute la dynamique ou toute la problématique, à ce moment-là, des accidents de travail.

Et il y a de nombreux juristes, M. le Président, qui se sont prononcés sur la formule telle que proposée par le ministre du Travail, et je pense que le ministre du Travail en a nommé plusieurs, des firmes très connues qui oeuvrent dans le milieu du droit du travail, dans le milieu de la CSST, et qui ont donné leur appui au projet tel que proposé. Et le ministre me confiait tout à l'heure qu'il a rencontré – je crois que c'est hier – 300 personnes, plusieurs centaines de personnes de la CSD qui étaient, à l'origine, farouchement opposées au principe. Et, après avoir discuté avec les travailleurs, après leur avoir expliqué la portée de la réforme, M. le Président, le ministre me disait que la contestation était beaucoup moins féroce, qu'il avait réussi à leur faire comprendre, finalement, que le but qui était recherché là-dedans était une amélioration du système.

Je ne pense pas qu'on peut dire vraiment sérieusement en cette Chambre que la CSST, telle qu'elle fonctionne présentement, elle fonctionne bien. Je ne crois pas qu'on peut dire ça, M. le Président. Je ne pense pas qu'on peut dire que, telle qu'elle est présentement, si on ne fait rien... Parce que la voie de la facilité, le ministre du Travail, dans le fond, si vraiment il ne voulait rien faire, il aurait juste à ne pas présenter le projet de loi. Ça, ça serait facile, M. le Président, pour un ministre de ne pas présenter de projet de loi. Lui, il a décidé d'en présenter un, projet de loi, pour améliorer la situation.

On peut critiquer, M. le Président, et c'est normal pour une opposition officielle. J'étais dans l'opposition officielle, moi aussi, M. le Président, en 1992, jusqu'en 1994. Et c'est normal, on peut faire des critiques. «Critique» n'est pas nécessairement péjoratif, M. le Président. Il y a des critiques constructives. On peut vouloir le bonifier, l'améliorer, M. le Président. Mais reporter! Une motion de report, ça ne règle rien. Ça ne modifie pas, ça ne bonifie pas un projet de loi. Ça reporte à plus tard, M. le Président, une décision. Ça reporte à plus tard une action qui, quant à moi, aurait dû être faite depuis longtemps.

Donc, je vois mal, même, comment une opposition officielle peut, à ce moment-ci, dire: Écoutez, on va reporter ça à plus tard, à plus tard, à plus tard. Non. On ne veut même pas en parler; on ne veut même pas le bonifier; on ne veut même pas l'améliorer. Reportez ça à plus tard, plus tard, on verra. Puis plus tard, à ce moment-là, s'il y a encore des accidentés du travail qui attendent, bien, ils attendront, M. le Président. C'est à peu près ça, finalement, qui est, je dois l'admettre, sous-entendu dans cette motion de report. Et, quant à moi, je comprends mal: Comment peut-on justifier une telle position?

Et je lisais, ici, un article du Devoir , M. le Président, écrit par Mario Cloutier, le 29 novembre 1996, qui reprenait des propos exprimés par Clément Godbout, qui est le président de la FTQ, et qui, lui, voit d'un très bon oeil le projet de loi tel que déposé par le ministre du Travail. Et, en particulier, il fait mention, dans sa lettre, ici, des délais qui sont beaucoup, quant à lui, trop longs relativement au délai d'attente pour avoir une décision. Et je cite ici cet article: «Loin d'entraîner des coûts considérables – écrivait M. Godbout en juillet dernier – le régime proposé devrait plutôt produire des effets diamétralement opposés. La CSST estime que la déjudiciarisation représentera une économie annuelle de 18 800 000 $ à 43 500 000 $, selon que le délai d'obtention d'une décision finale sera ramené à 12 ou à six mois lorsque les mesures recommandées auront atteint leur rythme de croisière.»

Donc, M. le Président, tout en rendant le système, quant à moi, plus efficace pour le justiciable, on va en plus permettre une meilleure gestion des fonds consacrés à la CSST. Encore là, je crois que ce sont deux buts auxquels on ne peut que souscrire, M. le Président. Et, un peu plus loin, M. Godbout, dans le même article, reprend aussi le coût, on pourrait dire, social que représentent les procès, les procédures judiciaires. Il y a des coûts à ça: un coût émotif, des coûts financiers si on n'est pas admissible à l'aide juridique. Alors, ce sont toutes des choses qu'il faut prendre en considération. Et ici M. Godbout dit: «Quand même il y aurait 42 procès, c'est épouvantable en termes de ressources humaines et financières. De plus, les syndicats des travailleurs n'ont jamais beaucoup gagné leurs causes devant les tribunaux, qui, comme la tour de Pise, penchent toujours du même côté, et pas du nôtre.»

Donc, on le voit, je crois, que le projet de loi tel qu'il est proposé par le ministre du Travail va aller dans le sens de ce à quoi la population s'attend relativement à une amélioration du rendement de la CSST. Mais pas un rendement juste pour un rendement, il faut bien se comprendre. Ce n'est pas juste dire: Bon, écoutez, il faut que les décisions soient rendues plus rapidement. Il faut qu'elles soient rendues rapidement, qu'elles soient aussi rendues avec transparence, M. le Président.

J'entendais des allusions tout à l'heure, dans certains discours, à l'effet que, comme tout va relever du ministre du Travail, finalement, il va avoir un peu le contrôle, et puis est-ce qu'on peut vraiment s'assurer de l'impartialité du système? Je pense qu'il faudrait faire remarquer à ce moment-là à ces gens-là qu'il arrive souvent que quelqu'un qui se retrouve devant le système judiciaire, que l'avocat de la poursuite est le gouvernement du Québec, que la personne qui est poursuivie est défendue par l'aide juridique, qui est payée par le gouvernement du Québec. Est-ce qu'à ce moment-là on doit se poser comme question, parce que tout le monde est payé par le gouvernement du Québec, qu'il n'y a plus d'impartialité? Si on pousse ce raisonnement – par certaines allusions on semble vouloir aller vers ce chemin – on peut aller jusqu'à un raisonnement aussi tordu. C'est le raisonnement qui est tordu et non pas la personne qui l'a exprimé; ça, je dois le préciser, M. le Président. Ça, quand on va à un raisonnement aussi tordu, je crois qu'à ce moment-là on se rend compte que c'est un argument qui ne tient absolument pas la route.

Et je vois en particulier dans le projet de loi n° 79, à l'article 204, quelque chose d'absolument intéressant, c'est: maintenant, on va aussi permettre... Le médecin qui va finalement rendre une décision relativement au dossier de l'accidenté va être choisi parmi trois professionnels de la santé choisis par le médecin qui a charge du travailleur à partir de la liste dressée selon l'article 205. Ça, je pense que c'est important, M. le Président, parce que souvent... Et ça, je peux parler au niveau de l'expérience personnelle que j'ai eue. Quand je représentais des accidentés, l'accidenté a toujours une très grande confiance en son propre médecin. Et quand, à ce moment-là, c'est son propre médecin qui va participer à l'élaboration de la liste de l'autre médecin qui, finalement, va contribuer à rendre la décision, je pense qu'à ce moment-là ça va donner au système une certaine crédibilité, oui, aux yeux de l'accidenté, qui va avoir confiance à ce moment-là à ce médecin qui va finalement l'examiner, puisqu'il va faire partie de la liste qui va avoir été, à ce moment-là, suggérée par son propre praticien. Je pense que c'est quelque chose d'important qui a été, à ce moment-là, rajouté, qui a été mis en vigueur par le projet de loi, qui a été suggéré, donc, par le projet de loi du ministre du Travail.

Donc, M. le Président, c'est un projet de loi, on est à l'adoption du principe. Si l'opposition officielle veut le bonifier, veut l'améliorer, veut apporter des modifications, il va y avoir une commission parlementaire qui va commencer sous peu, où le ministre du Travail – j'en suis certain, connaissant bien le ministre du Travail – va se faire un plaisir à ce moment-là d'écouter les recommandations du député de LaFontaine en particulier. Et je sais qu'il en a beaucoup, parce que c'est un député qui prend à coeur ses dossiers et qui apporte toujours beaucoup de suggestions, M. le Président. Mais on ne reporte pas le projet de loi. Si on veut le bonifier, si on considère que la CSST doit être améliorée, au contraire, on est proactif, on ne se cache pas derrière des délais, on ne cherche pas à se trouver des délais, M. le Président. On cherche, tout simplement, à bonifier le projet de loi, à faire des remarques constructives qui vont aller dans l'amélioration et dans le sens d'un meilleur système pour les gens qui, malheureusement, subissent des accidents de travail.

(1 h 40)

Alors, je crois, M. le Président, que vous comprendrez, uniquement par l'argumentation que je viens de faire, qu'on ne pourra pas, on ne pourra jamais supporter, voter en faveur de la motion de report qui a été faite par le député de Frontenac, à 23 h 50, rappelons-nous, M. le Président. Mais j'invite, à ce moment-là, peut-être le député de LaFontaine à essayer, peut-être, de convaincre le député de Frontenac de retirer sa motion, puis à lui dire: Écoutez, j'ai des propositions à faire, des choses à dire au ministre du Travail, à vouloir améliorer son projet de loi, parce que les travailleurs le demandent, M. le Président. Et peut-être qu'à ce moment-là, après mon intervention, le député de Frontenac va se lever puis va dire: Bien, écoutez, je vais retirer ma motion, le leader du gouvernement m'a convaincu, j'avais tort de faire cette motion de report, M. le Président. Je le souhaite, car je crois que, somme toute, le projet de loi n° 79, c'est un bon projet de loi, M. le Président, et un projet de loi qui est attendu par les travailleurs du Québec et que je vais adopter. Et je vais, M. le Président, voter en faveur de ce projet de loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement et député d'Anjou. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Article 213, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que, M. le leader du gouvernement, vous acceptez de répondre à une question qui veut... Alors, j'avise l'opposition officielle qu'il vous reste un temps de parole de trois minutes. Alors, M. le député...

S'il vous plaît, messieurs. Alors, messieurs dames, messieurs dames... M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, on va terminer le débat sur une bonne note. On va respecter le décorum. Il reste trois minutes. Chaque député à sa banquette. L'article 32, le décorum, ça s'applique jusqu'à la fin des travaux, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'apprécierais que le député de Jacques-Cartier prenne sa place. Bon. Alors, merci, messieurs dames.

J'inviterais maintenant le député d'Outremont à terminer le débat sur la motion de report. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. D'abord, M. le Président, je dois dire que j'ai été très heureux d'apprendre que le ministre du Travail, le député de Matane, aurait corrigé le grand oubli du projet, à savoir qu'on n'y parle pas, puis on n'y dispose pas de rien sur la prévention, mais que, s'il faut en croire les déclarations qu'il vient de faire, cette fonction-là serait reportée à un projet de loi, ailleurs. Donc, je pense que, de ce point de vue là, il faut se féliciter de l'écoute qu'on a chez nos gens d'en face, quoi. Ils ont compris, jusqu'à un certain point.

Maintenant, pour la question du consensus, d'abord, je dois dire que je me méfie beaucoup des propos qui sont tenus par ce gouvernement, concernant les consensus. On nous en sert, des consensus, M. le Président, à toutes les sauces, et je pense que l'expérience démontre d'un jour à l'autre que les consensus qui sont proclamés ne sont pas des consensus qui existent en pratique.

J'en ai eu une expérience, M. le Président, assez – comment dirais-je? – éloquente dans le débat qu'on a eu sur la loi n° 40, en commission parlementaire, alors qu'au départ la ministre de la Culture et des Communications nous faisait part d'un projet qui, supposément, reposait sur le plus large des consensus, n'est-ce pas? On en faisait même état dans le document de politique qui était présenté à ce moment-là par le gouvernement, par la ministre, et qui servait en fait de cadre général à la discussion sur un projet de loi tout de même beaucoup plus réduit. Mais, dans ce document-là, on faisait abondamment état du consensus sur les grands objectifs que poursuivait le gouvernement. On s'est aperçu, après la commission parlementaire, que le consensus proclamé par la ministre était un consensus factice. Et on pourrait s'interroger, ici, maintenant, sur la validité du consensus dont nous parle le ministre. Et, de toute façon, s'il y avait ce consensus dont nous parle le ministre, pourquoi est-ce qu'on n'irait pas dans une consultation élargie pour tester l'existence de ce consensus-là? Le ministre semble avoir...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député d'Outremont, je suis obligé de vous signifier que le temps de parole est maintenant expiré. Et il reste, du côté ministériel, un temps de parole de trois minutes qui doit être pris par le côté ministériel, sinon je le céderai à l'opposition. Trois minutes. Est-ce qu'il y a un intervenant du côté... Alors, je reconnais le député de Laviolette.

M. Jolivet: Avant de passer... Parce que vous avez dit qu'il restait trois minutes, M. le Président. J'aimerais bien connaître, puisque je me souviens de l'heure à laquelle on a commencé, c'était un débat de deux heures... Est-ce qu'il reste encore du temps qui n'est pas partagé, puisqu'on a le droit de le prendre? C'est ce que je veux savoir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le temps des parlementaires indépendants a été divisé en parts égales, du côté ministériel et du côté de l'opposition. Alors, c'est la raison pour laquelle il vous reste trois minutes. M. le député de Laviolette.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, je dois vous dire que je suis un peu surpris de ce que le député d'Outremont vient de dire, parce que la personne qui a parlé énormément de ces choses, c'est justement le député de LaFontaine. Le député de LaFontaine tout à l'heure disait: Il faut avoir, dans le projet de loi, un large consensus. Donc, une fois qu'il l'a dit, le député d'Outremont semble dire que c'est nous qui avons dit ça. Nous, ce qu'on a dit et ce qu'on répète: Il y a un projet de loi qui est devant nous. Ce projet de loi qui est devant nous... C'est en réplique justement au député de LaFontaine, si vous avez bien compris le discours que M. le député de LaFontaine a fait tout à l'heure. Parce que vous me faites signe que le ministre en a parlé, mais ça, en regard de ce qu'a dit le député de LaFontaine, ce que l'on a dit, nous autres...

Donc, il reste 17 minutes, merci beaucoup. Donc, j'ai plus de chances de pouvoir exprimer mon opinion. M. le Président, vis-à-vis de tout ça maintenant, c'est que le député d'Outremont sait une chose bien consciente: un projet de loi tel que celui qui est présenté devant nous, il est évident que des gens peuvent être en accord ou en désaccord. Il se pourrait que des gens soient en désaccord complet avec le projet de loi. Il y a des gens qui peuvent être en désaccord partiel, sur un point de vue. Et là, quand on fait le décompte de tous ceux qui peuvent avoir une raison d'être contre, ce n'est pas sur le principe même du projet de loi, ce n'est pas sur l'ensemble du projet de loi, c'est sur un élément du projet de loi. C'est bien différent. Et c'est pour ça que j'ai de la difficulté à comprendre les députés de l'opposition, à ce moment-ci, faire ce qu'on appelle dans notre langage parlementaire un «filibuster» sur un dossier comme celui-là.

(1 h 50)

J'ai eu l'occasion, M. le Président, de travailler avec Pierre Marois à l'époque. Ça date de longtemps. On avait autrefois l'ancienne Commission des accidents du travail. L'évolution de tout ce système est apparue alors que M. Marois, qui était ministre responsable du Développement social, responsable des Relations du travail avec, on s'en souviendra, le père Jacques Couture, qui était ministre du Travail, était arrivé avec un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail. On s'était même posé des questions. Quel serait le titre du projet de loi, M. le Président? Est-ce que c'est la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou la Commission de la santé et de la sécurité au travail? En fait, ce que les gens recherchaient, c'était d'avoir un système où la prévention était d'abord de mise, parce qu'on disait: Il vaut mieux prévenir que guérir, et, après ça, dans le contexte d'un accident, puisque la définition même d'un accident, c'est un événement fortuit, c'est un événement que personne ne désire, c'est un événement que personne ne veut avoir... Puis, quand l'accident est arrivé, il faut donc avoir les moyens de le guérir et, ensuite, d'avoir des changements qui permettent, dans, ce qu'on avait, la Commission des accidents du travail, la possibilité d'un revenu. Donc, tout le système de la Commission de la santé et de la sécurité du travail a été basé, d'abord et avant tout, sur la prévention, deuxièmement, sur la guérison et, troisièmement, sur un changement qui est mon revenu. Donc, mon revenu baisse, il est évident, puisque je suis en une sorte d'assurance.

Alors, tout ça a fait l'objet de longues discussions. J'ai même, à l'époque, fait le tour du Québec au nom du ministre. Ceux qui s'en souviennent, à cette époque-là, les députés, j'étais au pouvoir, puis c'était la façon dont ça procédait, je n'avais aucun montant d'argent pour faire le tour du Québec, c'était à mes propres frais que je le faisais. Je le faisais parce que j'y croyais. Je le faisais et je n'étais pas le seul à le faire. Pourquoi? Parce qu'on y croyait. On savait qu'il y avait des changements à apporter à l'ancienne Commission des accidents du travail, qui datait de fort longtemps. On devait amener des changements. Ces changements ont eu lieu.

En cours de route, il y a eu des aberrations qui sont apparues. Il y a eu des corrections, et là je vais parler d'il n'y a pas tellement longtemps. Il y a environ trois ans, j'étais membre de la commission de l'économie et du travail. J'étais responsable, comme vice-président, et j'avais l'occasion, avec la personne qui était présidente de cette commission, de déterminer si on faisait venir, oui ou non, la Commission de la santé et de la sécurité du travail ici, à l'Assemblée nationale, pour justement faire les changements qui s'imposaient. À ce moment-là, il y a eu, avec l'opposition et le gouvernement au pouvoir – nous étions l'opposition, les gens d'en face étaient le pouvoir – une commission parlementaire et nous l'avions bien préparée en séance de travail pour nous assurer que les bonnes questions seraient posées. Et ça a profité à tout le monde. Ça a fait en sorte que la Commission de la santé et de la sécurité du travail a préparé des réponses aux questions qui étaient celles de tous les députés de l'Assemblée nationale, de quelque côté que ce soit.

Alors, aujourd'hui, ce qu'on demande, c'est de le passer, le projet de loi, puis d'y aller, en commission parlementaire. Là, ce que les députés libéraux font, ils font de l'obstruction. Ils décident de faire une motion de report. Ils auraient pu aller à d'autres sortes de motion, j'aime autant ne pas leur en donner. J'en ai connu tellement dans le temps de l'opposition, j'en ai tellement fait, de motions, dans l'opposition que, finalement, sur la façon de procéder, ça a été dans des cas extrêmes où il y avait vraiment des gens qui étaient contre, de façon bien précise, puis qui avaient pour but de dire au gouvernement: Changez vos choses. Mais on les a faites ensemble, ces choses-là, et le député de LaFontaine s'en souviendra, il était membre de cette commission. On a fait un beau travail. Ça a permis des changements majeurs quant aux argents demandés aux entreprises et aux travailleurs de façon à faire en sorte, finalement, qu'on ait un meilleur système.

Ce système-là, il est à perfectionner, M. le Président. Le ministre arrive, suite à des discussions qu'il y a eu à d'autres niveaux, il a fait un travail préliminaire auprès des grandes associations qui sont représentées sur le comité paritaire, que ce soit le Conseil du patronat, que ce soient les centrales syndicales, et tout le monde est d'accord. Il peut y avoir des objections de la part des uns ou des autres par rapport à un élément de ce qui est proposé, mais qui ne sont pas des objections majeures, des objections qui feraient en sorte que le projet de loi devrait être complètement mis de côté ou complètement changé.

Mais à quelle place faisons-nous ce travail-là, M. le Président? C'est en commission parlementaire. Pourquoi, ce soir, avons-nous décidé, au moment où ça a débuté... Parce que, dans le fond, pour tous ceux qui nous écoutent à ce moment-ci, ce n'est pas à minuit que ça a commencé, ça. Tout de suite après la période des questions, il y a des gens qui avaient, de l'autre côté, des objections pour tel et tel projet de loi, puis qui sont arrivés, puis ils ont présenté, puis vous avez accepté, comme président, et on s'est pliés à votre décision. On va vivre avec votre décision, mais, à côté de ça, il y avait un autre projet de loi qui s'en venait. Ils avaient décidé que, ce soir, là, ils en passaient une, nuit, pour d'abord nous montrer que c'était la première soirée puis qu'ils nous mettaient dans des conditions telles qu'ils pensaient que les députés du parti au pouvoir, bien, laisseraient tomber ça. Non, M. le Président, c'est trop important, une commission qui doit être en marche sur un projet comme celui-là pour, malheureusement, être obligé de subir ce que l'opposition nous a fait jusqu'à maintenant, en sachant qu'à ce moment-ci il y aura une décision qui sera prise par l'Assemblée, qu'il y aura un vote sur la motion de report, puisqu'on termine notre débat à ce moment-ci, mais qu'on aura la chance, enfin, d'aller en commission parlementaire.

Je suis sûr que le député de LaFontaine a hâte, lui aussi, d'aller en commission parlementaire, mais il a eu une commande de son parti, et il l'a bien exécutée. On l'a vu faire, il se promenait de place en place, il allait voir des députés, il leur donnait la même feuille de l'un à l'autre, puis il leur disait: Bien, parle donc de ci, parle donc de ça. Puis, à un moment donné, on le savait qu'un jour ou l'autre arriverait une motion de report. Il a même passé proche de manquer son coup, M. le Président, parce que, au moment où il y avait un autre président à votre siège, il avait presque donné le droit de réplique au ministre jusqu'à ce que le député de LaFontaine se relève debout puis dise: Écoutez, oui, oui... Il a fait une sorte de point d'ordre, de point de discussion, permettant à son leader adjoint, finalement, de descendre parce qu'il était allé – j'en suis sûr – jaser avec les gens en haut sur le projet de loi, puis qu'il avait malheureusement quitté la salle en pensant que son collègue finirait plus tard, mais il a malheureusement fini plus tôt. Mais, n'eût été de ça, on ne serait pas, à ce moment-ci, à discuter d'une motion de report, on serait déjà en train de passer au deuxième projet de loi, M. le Président. C'est ça qui s'est passé, ce qui s'est passé ici, dans cette Chambre

Parce que le député de LaFontaine, il a bien fait son job. Il avait une job, qui avait été donnée par son leader: Organise-toi pour qu'on passe un seul projet de loi, pas plus, ce soir. Merci. Bravo! Félicitations! Mais, là, il est temps de le passer. Il est temps d'arrêter la discussion, de voter sur cette motion de report, de passer au droit de réplique du ministre, en se disant: Bien, là, on va aller en commission parlementaire dès ce matin, puisque, après la période de questions à 10 heures ce matin, on aura l'occasion d'aller en commission parlementaire, je le pense bien, on aura l'occasion d'étudier ce projet de loi article par article, et là faire valoir les points de vue que vous dites, de la CSD, de la CSN, vous n'oublierez pas de dire que la FTQ est d'accord, vous n'oublierez pas de dire que le CPQ est d'accord. Vous direz ça. Donc, il y a beaucoup de monde qui est d'accord. Il y en a quelques-uns qui sont en désaccord, puis on le sait très bien pourquoi ils sont en désaccord. Il y a des gens qui voudraient être représentés alors qu'ils ne le sont pas. Puis il n'y a rien d'anormal dans ça. On sait comment la liste est préparée puis qu'elle est présentée, puis une décision est prise. Il faut que quelqu'un décide un jour. Mais là il est évident... Est-ce qu'il va falloir que la CEQ soit là maintenant? Est-ce qu'il va falloir que la FIIQ soit là? Est-ce que la FIIAQ devrait être là, hein, les infirmières auxiliaires, les infirmières ou les infirmiers? Est-ce qu'on devrait regarder ça de même? Il est évident que, si on met tout ce monde-là dessus, vous allez dire: C'est bien trop gros, ça n'a pas de bon sens. Alors, allez le dire en commission, faites valoir vos points de vue, le gouvernement fera valoir les siens, il y aura un vote, puis le projet de loi sera adopté en commission, avec ou sans amendements, avec des amendements que vous aviez apportés. Mais allez le faire, le travail, arrêtez de perdre votre temps ici, en Chambre.

Il me semble, M. le Président, que c'est logique, ça, puis que c'est correct, ça. Et, dans ce contexte-là, on va se rendre à la fin de la session avec des projets de loi améliorés. Si le député veut aller en commission parlementaire puis continuer sur son «filibuster», on ne pourra pas l'empêcher, il a le droit de le faire, jusqu'au jour où on dira: Bien, écoutez, il est évident qu'il faut que quelqu'un décide. Ça, on l'a connu, on était dans l'opposition, M. le Président, j'ai fait neuf ans d'opposition, j'ai fait presque autant de pouvoir, je dois vous dire que je suis habitué à ces choses-là. Les gens disent, des fois: Vous êtes des vieux de la vieille, puis, comme des vieux de la vieille, vous êtes habitués à un vieux système, vous l'aimez, votre système, vous vous complaisez dedans. Il est évident que j'aimerais bien mieux être couché à ce moment-ci, M. le Président, moi, là. J'aimerais bien mieux, moi, à ce moment-ci, être en train de me reposer pour travailler comme il faut ce matin. Mais mon travail à moi consistera donc à tout simplement vous dire que j'ai fait ce que j'ai, comme membre du pouvoir, à faire, c'est de subir malheureusement le «filibuster» de l'opposition, mais en sachant quelle sorte de folie vous faites de même, hein? Pourquoi vous le faites de même sur ce projet de loi? C'est ce que les gens se posent comme question.

(2 heures)

On veut changer le système, M. le Président, de la Chambre. Je l'ai déjà dit, puis, malheureusement... La sous-commission de l'Assemblée nationale a commencé à siéger, ça ne va pas au rythme qu'on voudrait, mais il est sûr et certain qu'on va arriver un jour à une décision, parce que les premières années où j'ai assisté ici, en cette Chambre... J'avais l'occasion de le relire tout à l'heure, puis ça m'a fait rire parce que – je vous le dis comme je le pense – c'était dans un document qui a été donné lorsqu'il y a eu la soirée avec la Tribune de la presse, pour son 125e anniversaire puis il y avait une place où on disait que quelqu'un avait parlé pendant... Je vais essayer de vous le retrouver dedans parce que je pense que c'est vraiment un spécial; moi, j'en étais un peu abasourdi. À la page 45, on dit que la Chambre se réunit en séance plénière au cours de l'après-midi, vers 3 h 30, et siège jusqu'à 6 heures. Pendant les trois premières semaines, elle ne siège pas le soir, mais, lorsque le budget est présenté, la Chambre travaille l'après-midi et le soir. Il n'y a pas d'heure fixée pour la fin de séance de nuit. Elle peut même se continuer jusqu'au lendemain avant-midi, comme la chose est advenue en 1931, alors que M. Guertin parla de 11 heures du soir jusqu'à 10 h 20 le lendemain matin, au milieu des députés, je n'oserais pas dire ronflants parce que ce n'est pas le cas ici ce soir. Mais, ça, ça s'est passé en 1931.

Quand je suis arrivé en 1976, ceux qui se souviennent des années 1973, 1976, qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président? Il y a des gens qui parlaient ici, comme membres de l'opposition. Il n'y avait pas de temps limite; ils pouvaient commencer à parler à 8 heures le soir puis finir à 4 heures le lendemain matin puis personne ne les arrêtait: ils avaient le droit de parler. On a civilisé un peu ça quand on est arrivés au pouvoir en 1976; on a changé ça, on a mis des temps limites. On s'est entendu des deux côtés de la Chambre.

Et là on arrive à une étape subséquente où on devrait arrêter des histoires de soir comme on fait à ce moment-ci puis on arriverait aux mêmes conclusions fort probablement, mais on aurait l'occasion d'exprimer les vraies choses, pas d'exprimer du verbiage. Je lisais encore dedans – je pourrais vous retrouver la page où on disait la même affaire, puis ça date des années 1800 puis 1900 – qu'on parlait de verbiage, de perte de temps. Bien, c'est ce que le député nous a fait faire ce soir.

Et vous savez ce que ça coûte ça, à la société, M. le Président, le temps supplémentaire qu'on paie ici ce soir, les énergies qu'on dépense ici ce soir puis cette nuit, M. le Président, alors qu'il sait très bien qu'au bout de la course on va l'adopter, le projet de loi. Il ne sera pas comme il voudrait, mais il serait un peu meilleur s'il avait l'occasion d'aller le discuter en commission parlementaire. Ça ne se fait pas ici en Chambre, ça, ces changements-là; c'est en commission parlementaire. Là, par exemple, si je vous voyais en commission parlementaire travailler comme vous devez travailler, je serais content, je vous applaudirais.

Mais le problème, c'est qu'ici, en Chambre, quand vous avez parlé, on avait de la peine pour vous tout à l'heure, M. le député de LaFontaine. C'est que vous aviez quasiment une heure...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement. M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, là, c'est pas mal douloureux d'entendre le député de Laviolette. Au moins, s'il passait par vous comme c'est la règle, il me semble que ce serait un petit peu plus facile à endurer, M. le Président.

M. Jolivet: Alors, je vais vous parler, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. Alors, M. le whip en chef du gouvernement et député de Laviolette, je tiens à vous rappeler qu'il vous reste exactement 2 min 40 s.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vais passer par vous pour vous dire tout simplement que, dans ce que disait le député tout à l'heure, vers je ne sais pas quelle heure, voilà déjà deux heures, vers 0 h 10 en montant vers 0 h 40, il a fini à peu près vers 0 h 45 environ, on sentait que, là, il s'essoufflait, il répétait les mêmes choses. Il avait de la misère à aller plus loin parce qu'il avait une commande de parler pendant tant de minutes. Et là, dans ce contexte-là, M. le Président, si on avait cette occasion de, finalement, finaliser ce dossier-là puis de voter sur la motion de report, nous pourrions passer au moment opportun, à ce moment-ci, qui est le droit de réplique du ministre, puis là, après ça, le leader, qui, lui, est responsable des travaux de la Chambre, nous dira ce qu'on fait ensuite. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le whip en chef du gouvernement et député de Laviolette.

Alors, à mon chronomètre, il reste actuellement 1 min 48 s de disponible pour le parti ministériel. Or, le parti ministériel ne désirant pas utiliser le 1 min 48 s, est-ce que l'opposition a l'intention de l'utiliser? Non.


Mise aux voix

Alors, à ce stade-ci, je vais mettre maintenant la motion de report du député de Frontenac...

M. Lefebvre: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...qui se lit comme suit: «Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans six mois".»

Alors, cette motion de report, je la mets aux voix. Le vote nominal est demandé.

M. Lefebvre: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, s'il vous plaît, veuillez appeler les députés.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps que les députés viennent nous rejoindre.

(2 h 5 – 2 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je tiens à vous remercier de vous lever parce que, si je veux vous inviter à vous asseoir, il faut d'abord que vous soyez levés. Merci beaucoup. Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons maintenant procéder au vote nominal sur la motion de report déposée par le député de Frontenac. La motion se lit comme suit: «Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans six mois".»

Que les députés qui sont en faveur de la motion de report veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Gobé (LaFontaine), M. Lefebvre (Frontenac), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Maintenant, que les députés qui sont contre cette motion de report veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Malavoy (Sherbrooke), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des députés qui s'abstiennent?

Alors, M. le secrétaire, voulez-vous nous donner le résultat du vote, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Pour:6

Contre:40

Abstentions:0


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, la motion de report est rejetée. Alors, nous allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, M. le ministre, avant de vous donner votre droit de réplique, je dois m'enquérir pour savoir s'il y a des députés qui veulent faire leur intervention sur l'adoption du principe du projet de loi n° 79. Alors, comme il n'y a pas d'autres députés qui veulent faire leur intervention, M. le ministre, vous avez droit à un droit de réplique de 20 minutes.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, très rapidement, j'aimerais dire que, tout comme les députés de l'opposition, j'ai à coeur le sort des travailleurs accidentés et, ce qui est important, je tiens aussi à rappeler que c'est une priorité du gouvernement du Québec. Je pense que l'heure est venue de moderniser ce que j'appelle le système CSST afin que les travailleurs obtiennent justice dans des délais convenables.

En premier lieu, ce projet de loi vise à rendre justice aux travailleurs accidentés, une justice beaucoup plus accessible et beaucoup plus efficace. Ça, là-dessus, je pense qu'on s'entend des deux côtés. Plutôt que d'attendre, en moyenne, trois ans et deux mois comme c'est le cas présentement, on pourra régler entre six mois et un an. Est-ce qu'il y a quelqu'un dans cette Chambre qui peut s'opposer à ça? Franchement!

M. le Président, le député d'Outremont à qui je reconnais une acuité intellectuelle et une profondeur de réflexion impressionnantes – j'ai eu le plaisir de le connaître et c'est pour ça que je peux le dire sans détour et sans flagornerie, soit dit en passant – m'interpellait. Il m'a demandé si on aurait une préoccupation dans ce système de santé et sécurité pour la prévention. Oui, la réponse est oui. Je suis fier de vous le dire parce qu'on va consacrer un projet de loi spécial là-dessus pour qu'on se comprenne bien, pour que la prévention se fasse chez les petites entreprises surtout. Et, lorsqu'on déposera ce projet de loi, j'ai l'impression que ça va le satisfaire, d'autant plus qu'on prend l'exemple avec les grandes entreprises et les moyennes et maintenant on s'en va vers les petites. Le projet de loi n° 79 adopté, c'est un bon projet de loi et ça sera un grand jour pour les travailleurs québécois.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Le principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

M. Bélanger: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous appeler les députés? Et je suspends les travaux quelques instants.

(2 h 19 – 2 h 21)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons maintenant procéder au vote nominal sur l'adoption du principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives.

Que les députés qui sont en faveur de l'adoption du principe du projet de loi n° 79 se lèvent.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Malavoy (Sherbrooke), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre la motion se lèvent.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Gobé (LaFontaine), M. Lefebvre (Frontenac), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des députés qui s'abstiennent?

Alors, M. le secrétaire, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Pour:38

Contre:6

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): Je déclare la motion de principe adoptée.

M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Motion d'ajournement de l'Assemblée

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je serais bien tenté d'appeler un autre projet de loi. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à ce matin, 10 heures, M. le Président.

Une voix: Woup! Woup! Woup!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît, veuillez vous asseoir. Vous savez pertinemment que, tant que le président n'ajourne pas les travaux, la séance est toujours ouverte.

Alors, M. le leader adjoint de l'opposition.


Débat sur la motion


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, il est de coutume que, lorsqu'on veut ajourner les travaux de l'Assemblée, on s'entend très rapidement puis il n'y a pas de débat sur la motion comme telle. Sauf que, lorsqu'on vit... Je voudrais bien, M. le Président, là, à 2 heures et...

Le Vice-Président (M. Pinard): À 2 h 23.

M. Lefebvre: ...22 ou 23 du matin, là...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Lefebvre: ...être capable de parler sans qu'on m'interrompe. J'y ai droit. J'y ai droit, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, M. le leader.

M. Lefebvre: Sauf que, quand, M. le Président, on réalise la journée absolument douloureuse qu'a vécue le leader du gouvernement au niveau de tous les travaux de l'Assemblée depuis la période de questions cet après-midi, je pense qu'on se doit de faire un rapide survol de ce qu'on a vécu; et aussi, M. le Président, c'est très important, pour les collègues du leader du gouvernement, de bien comprendre ce qu'on a vécu et cet après-midi et ce soir.

M. le Président, je voudrais vous rappeler que M. le président de l'Assemblée a rappelé à l'ordre le leader du gouvernement cet après-midi – alors, ce n'est pas sa journée, le leader du gouvernement – lorsqu'il lui a rappelé que la question soulevée par mon collègue de Saint-Louis sur les négociations de conventions collectives, c'était d'intérêt public. Alors le leader du gouvernement a été rappelé à l'ordre dans un premier temps, aujourd'hui, par la présidence.

Ce soir, M. le Président, à 20 heures, et ça – ou en fin de journée, c'est-à-dire, à 18 heures, sauf erreur, ou à 17 heures; on en oublie la notion du temps – M. le Président, c'est encore plus humiliant, gênant et inexplicable pour un leader qui est censé quand même avoir une certaine expérience, d'être rappelé à l'ordre par le règlement de l'Assemblée: l'article 236, M. le Président, qui a frappé le leader comme un coup de masse en plein front.

On devait débattre, ce soir, d'un projet de loi extrêmement important qui est le projet de loi n° 77. C'est ce que le leader du gouvernement voulait faire, mais il avait oublié une disposition fondamentale: 236, que tout le monde de ce côté-ci de la Chambre connaît. Hein, M. le Président? Alors, on s'est retrouvés dans la confusion, l'improvisation la plus totale.

J'ai entendu le député de Laviolette dire deux ou trois choses intelligentes en terminant son intervention, M. le Président. Entre autres...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition adjoint. M. le leader de l'opposition adjoint, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député de Frontenac! S'il vous plaît! Monsieur... Bon.

Alors, messieurs dames, je vous rappelle l'article 106. Alors, lorsqu'on a une motion d'ajournement, il y a un temps de parole. «L'auteur de la motion a un temps de parole de dix minutes. Il en est de même pour le représentant de chaque groupe parlementaire d'opposition. L'auteur a droit à une réplique de cinq minutes.»

Donc, à ce stade-ci, le leader du gouvernement peut prendre 10 et cinq. Et le leader de l'opposition a droit à 10 minutes. Le temps que tout le monde...

S'il vous plaît, il est 2 h 25; je pense qu'on se doit de compléter les travaux dans l'ordre. Alors, M. le député de Frontenac, je vous prierais de compléter, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, il y en a qui supportent la fatigue plus mal que d'autres; ils sont relativement excités puis ils ont de la misère à m'écouter.

M. le Président, j'ai des choses... M. le Président, il s'est passé des choses et j'ai entendu des commentaires, ce soir, qui sont carrément irréguliers par rapport aux règlements de l'Assemblée, par rapport à l'esprit des règlements et de la Loi sur l'Assemblée nationale, puis c'est important que ça soit dit, M. le Président.

Dans un premier temps, on nous a reproché d'avoir utilisé – ce n'est pas la première fois qu'on entend ça – une procédure qui existe dans nos règlements, c'est-à-dire la motion de report. Qu'on soit en désaccord avec la suggestion que j'ai faite avec l'appui du député de LaFontaine, ça va. Mais qu'on nous reproche, M. le Président, d'utiliser des procédures qui existent depuis toujours, que le gouvernement, alors qu'il était dans l'opposition, a utilisées à juste titre dans certains cas, ça, je ne le comprends pas et ce n'est pas correct. Ce n'est pas correct, M. le Président, puis c'est ça qui peut, jusqu'à un certain point, miner l'esprit des travaux de l'Assemblée nationale.

Ceci étant dit, le leader du gouvernement aurait intérêt à expliquer, M. le Président, à ses collègues que c'est lui qui est maître de l'horloge ici, à l'Assemblée nationale. L'opposition ne fait que suivre avec les moyens qui sont mis à sa disposition, à savoir les procédures prévues dans nos règlements. Lorsque le leader du gouvernement dit: Ridicule! L'opposition, à 23 h 59 ou à 23 h 58, fait une motion de report, ce qu'il oublie de dire, c'est que, lui, il est boss ici: il n'a qu'à demander l'ajournement du débat, hein?

Puis je dis ça sans vouloir être blessant d'aucune façon avec les collègues d'en face. C'est des procédures relativement complexes et, pour un leader du gouvernement qui – non, non – ne sait pas mener son affaire, il s'en tire comme il peut lorsqu'il est coincé. Alors, il essaie de bluffer non seulement l'opposition, mais, d'abord et avant tout, ses propres collègues, ses propres collègues. À 23 h 55, le leader du gouvernement, M. le Président, n'avait qu'à demander l'ajournement du débat sur le projet de loi n° 79 et enchaîner sur autre chose s'il le voulait. C'est important que ça soit dit, c'est important que ça soit compris parce qu'on en a pour trois semaines.

(2 h 30)

Et, M. le Président – je termine là-dessus – il ne faudrait pas que le gouvernement pense qu'on va crouler sous la menace, crouler sous la peur. Un instant! L'opposition a des droits, M. le Président; les règlements sont écrits de telle sorte, comme je l'ai dit, que l'opposition a le droit de s'opposer et elle a le droit de proposer. Et la présidence, vous le savez, M. le Président, a la responsabilité – le principe est établi – de protéger les droits de la minorité. Ça, c'est fondamental, M. le Président, et on va le faire de façon responsable et le débat...

Et je suis convaincu que le député de Matane est d'accord là-dessus, même s'il ne soutient pas les arguments qu'on a soulevés. Sur la motion de report. M. le Président, on a fait un débat sérieux. Le député de Laviolette – je le comprends, il vaquait à d'autres occupations – n'a pas assisté à notre débat. Sur l'argumentation sur la motion de report, M. le Président, on a soulevé un questionnement sérieux. Que le gouvernement soit en désaccord avec nous, pas de problème. Qu'on rejette notre motion de report, mais on n'a pas à qualifier de dilatoire, de faux-fuyant une motion prévue dans nos règlements.

Et je termine là-dessus, M. le Président. Je le répète: Le maître de l'horloge, ici, ce n'est pas l'opposition, ce n'est pas le leader de l'opposition; c'est le leader du gouvernement. Encore faut-il qu'il sache planifier ses travaux, qu'il connaisse ses règlements, qu'il connaisse les subtilités du règlement, M. le Président. C'est important. Et, lorsqu'il fait des erreurs aussi grossières que celles auxquelles on a eu droit, il se rattrape comme il peut. Puis, s'il perd la face, lui, il le sait qu'il s'est mêlé dans ses souliers, M. le Président. Lui le sait. Et peut-être que certains collègues qui ont écouté, j'espère, un petit peu ce que je viens de dire vont réfléchir en arrivant à la maison, tout à l'heure, en disant: Bien, notre leader s'est encore mêlé puis il nous a fait veiller deux heures et demie de trop, M. le Président. Terminé. C'est assez.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. M. le leader du gouvernement, vous avez droit à une réplique de cinq minutes.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, le procès-verbal de l'Assemblée attestera des membres de l'opposition qui ont écouté le discours du député de Frontenac.

Une voix: Voilà.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, nous ajournons nos travaux. La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Et j'ajourne les travaux à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 2 h 34)


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