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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, December 11, 1996 - Vol. 35 N° 67

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, d'abord, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Alors, à la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, M. le ministre du Travail, dans ce cas-là.


Rapport annuel du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration.


Rapport annuel du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

M. Boisclair: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.


Documents marquant le 50e anniversaire du Directeur général des élections et rendant hommage au premier titulaire de ce poste

Le Président: Alors, ce document est déposé. De mon côté, pour marquer le 50e anniversaire de l'institution qui est le Directeur général des élections du Québec, je dépose un document intitulé «Cinquante ans au coeur de la démocratie: le Directeur général des élections et l'évolution de la législation électorale de 1945 à 1995», ainsi qu'un parchemin rendant hommage au premier titulaire de la charge de président général des élections du Québec, M. le juge François Drouin.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 59

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 9 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 30

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 17, 18 juin, 14 novembre, 9 et 10 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci, Mme la députée. Les rapports sont déposés.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions maintenant, Mme la députée de Marie-Victorin.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

Mme Vermette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que les mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

(10 h 10)

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; et, enfin, assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, Mme la députée, votre pétition est déposée. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 500 pétitionnaires.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que les mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant...»

Le Président: Tout simplement rappeler qu'il n'y a qu'un député qui a le droit de parole à ce moment-ci, c'est le député de Taschereau, et c'est une étape importante, c'est le dépôt de pétitions, c'est des voeux que les citoyens expriment à travers les élus de la population. Alors, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Je continue, M. le Président. Je ne recommence pas, je continue, M. le député.

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; et, enfin, assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 300 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Richelieu.

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que les mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 86 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; et, enfin, assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Exempter les personnes à faibles revenus du programme d'assurance-médicaments

M. Copeman: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer pour la quatrième fois l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 200 pétitionnaires de la région de Montréal, dont principalement le comté de Notre-Dame-de-Grâce.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«We, the undersigned, residents of the Province of Québec, do hereby petition the National Assembly to instruct that the Government of Québec exempt those individuals and families whose annual incomes are below the poverty line from any payment of a premium, deductible or a coinsurance applicable under Bill 33, an Act respecting prescription drugs insurance.»

«Nous, soussignés, résidents du Québec, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement du Québec afin qu'il exempte tout individu ou famille dont le revenu annuel est au-dessous de l'indice de pauvreté du Québec de la prime, de la franchise et de la coassurance applicable selon la loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre des Affaires municipales proposant que le principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, nous en sommes arrivés à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Divulgation du contenu d'une déclaration ministérielle du ministre des Finances concernant l'éthanol-carburant

M. Johnson: De façon tout à fait inusitée ce matin et preuve du comportement totalement improvisé du ministre des Finances et de son personnel, il y a eu une très large distribution d'un projet de déclaration ministérielle de mesures fiscales, distribution qui, d'habitude sous embargo, a été elle-même l'objet d'une distribution encore plus large, à tel point qu'on ignore combien d'exemplaires d'une déclaration ministérielle du ministre des Finances se ramassent actuellement dans le paysage. Cette déclaration ministérielle avait des impacts fiscaux réels et, aujourd'hui, des douzaines et peut-être des centaines de personnes seront au courant des intentions du gouvernement, intentions tout d'un coup annulées il y a environ une demi-heure, d'instaurer des mesures fiscales tout à fait nouvelles qui touchent le maïs, l'essence verte, le prix des terres agricoles et une partie de l'industrie des carburants.

M. le Président, cette tradition bien implantée que nous avons ici, qui, même à la lumière d'une fuite involontaire d'un document à caractère budgétaire, requiert des actions énergiques de transparence de la part du gouvernement et notamment du ministre des Finances, est si bien implantée qu'on se souvient que notre défunt collègue, Gérard D. Levesque, lors d'une fuite de certains aspects de son budget, avait tenu à présenter, dans les heures qui suivaient, un discours sur le budget qui était prévu pour la semaine suivante.

M. le Président, on n'a pas affaire ici à une fuite incontrôlée ou involontaire; on a affaire à une échappée consciente de la part du ministre des Finances qui s'est dédit quelque part entre 9 heures et 10 heures. Est-ce que, devant ce geste d'improvisation de son ministre des Finances, devant, je me permets de le dire, le contenu d'ailleurs à saveur partisane d'un des éléments de cette déclaration, le premier ministre trouve normal, habituel et acceptable que des mesures fiscales soient lancées dans le paysage pour être annulées entre 9 heures et 10 heures le matin? Ou est-ce qu'il ne fera pas exactement ce qui doit être fait dans notre tradition parlementaire dont il vante constamment les mérites, c'est-à-dire que ça requiert, devant des improvisations comme ça, rien de moins que la démission ou un geste spectaculaire du ministre des Finances?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Comme je présume de la réaction du premier ministre, je prends sur moi de m'arroger les pouvoirs de répondre encore à la question qui... En un sens, ce n'est pas mauvais que le chef de l'opposition fasse ce qu'il fait. Nous lui avons donné l'occasion de le faire, en effet, en retirant un avis de déclaration ministérielle. Comme il s'agit d'une bonne nouvelle, ça donnera plus d'ampleur à la nouvelle.

(10 h 20)

Quand vous étiez au gouvernement, plusieurs éléments de la société québécoise industrielle et agricole vous ont demandé de poser des gestes importants dans un dossier; pendant des années, vous avez différé de le faire. Nous avions l'intention de le faire ce matin, lorsque nous nous sommes rendu compte que la déclaration serait bonifiée et plus riche encore si elle était retardée d'un certain délai. Mais, la bonne nouvelle, elle viendra et elle témoignera de notre désir d'agir dans un dossier où vous n'avez rien fait. Quant aux aspects spéculatifs de la chose, le leader m'a affirmé qu'une seule copie était en circulation: celle de l'opposition officielle. Comme je ne suis pas mêlé, moi-même, à ces aspects procéduriers, le leader s'en expliquera, et, de toute façon, à sa face même, le chef de l'opposition officielle, qui connaît le contenu de la déclaration, sait bien qu'il ne peut y avoir aucun aspect spéculatif d'impliqué. Par conséquent, nous prendrons, en temps et lieu, les mesures qui s'imposent.

Une voix: Aïe! Aïe! Aïe! Le prix du maïs, le prix du carburant, le prix de...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, tout en recherchant la confirmation qu'en réalité la diffusion de cette déclaration, vos déclarations, je crois comprendre du gouvernement que, compte tenu de cette fuite, la déclaration ministérielle doit être considérée comme faisant partie du domaine public et faisant partie des politiques gouvernementales, comment se fait-il néanmoins que le premier ministre ou le ministre des Finances – évidemment, ce haut-parleur beaucoup trop fréquent à mon sens – prétendent qu'un geste de nature fiscale, annoncé à contretemps et sans autre explication – parce qu'il y aurait d'autres explications qui vont enrichir ça apparemment – n'aurait aucun effet économique sur le prix des terres agricoles, sur le maïs, sur l'essence verte, sur le bilan de l'utilisation des carburants, alors que ça touche exactement l'éthanol, le maïs, les usines qui peuvent s'adonner à cette transformation, les terres agricoles où on fait pousser le maïs, et qu'il y a des impacts économiques réels? Ou alors, s'il n'y a aucun impact économique dans les déclarations du ministre des Finances, comme d'habitude, c'est quoi le problème?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, s'il n'y avait aucun impact économique à nos déclarations habituellement, je ne vois pas pourquoi vous les critiquez si vigoureusement et de façon si acerbe et fausse. Deuxièmement, il n'y a aucune capacité de produire de l'éthanol au Québec présentement. Aucune. Il faudrait vraiment que ça soit l'oeuvre d'un magicien pour que, dans un délai de moins de plusieurs mois...

M. le Président, vous voyez qu'ils changent de ton, là. La tragédie vire à la farce, là. Ils ne veulent même pas me laisser finir ma réponse et ils se livrent à des pitreries. Alors, leur tragédie de ce matin était simulée, comme la plupart des autres.

Je vais continuer maintenant à donner une réponse. Il n'y a aucune possibilité de produire de l'éthanol au Québec demain. Donc, l'aspect spéculatif passe à zéro. Ce dossier traînait sur vos tables depuis 1990. D'ici quelques années, à cause des délais de construction nécessaires, et des délais de conception, et des délais de réalisation physique... Aucune spéculation n'est possible dans ce dossier. De toute façon, la nouvelle que vous n'avez pas donnée, et l'étude et la décision que vous n'avez pas eu le courage de prendre, nous la donnerons, cette nouvelle, et nous passons à l'action bientôt.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Chagnon: Oui, merci, M. le Président. L'histoire est en train de se répéter. Le premier ministre, dans le premier tome de ses mémoires «À visage découvert», disait ceci, parlant de son expérience de la négociation de 1982: «Le gouvernement n'avait pas d'argent pour payer leur dû aux syndiqués, et ceux-ci n'allaient pas en démordre. Avec l'aide d'une équipe des Finances et du Trésor, je mis au point le scénario des mesures catastrophiques (nous disions même apocalyptiques) auxquelles le gouvernement devait recourir s'il était forcé de verser la totalité de la hausse salariale (il était question, par exemple, du licenciement de 17 000 employés).»

M. le Président, 14 ans plus tard, on se retrouve dans la même situation avec le même négociateur en chef. Celui qui, il y a 14 ans, a coupé, dans ces mesures apocalyptiques et catastrophiques, 20 % du salaire des employés sur les trois premiers mois, et, maintenant, il nous en annonce 6 %.

M. le Président, il était qualifié d'improvisation le geste à l'époque, et j'aimerais savoir si, cette semaine, ou même aujourd'hui, puisqu'il rencontrera les syndicats ce midi, il a eu la sagesse d'inviter les autres partenaires patronaux, je pense aux hôpitaux, je pense aux commissions scolaires, aux cégeps, à regarder l'offre qu'il va faire aux syndicats ce midi, avant qu'il la fasse, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, s'agissant des partenaires patronaux, il y a des contacts avec eux et les autorités gouvernementales. Et nous aurons cet après-midi, ce midi plus précisément, une rencontre que j'estime extrêmement importante avec nos partenaires syndicats à l'occasion de laquelle nous présenterons une contre-proposition de cadre de discussion. Je crois que cette proposition est très positive, très substantielle, qu'elle est réaliste et qu'elle s'inscrit, pour partir à tout le moins, dans le prolongement de certaines ouvertures qui nous ont été faites lors de la rencontre du début de la semaine. J'ai confiance que nous pourrons arriver à une solution négociée. Et je crois comprendre de l'opposition qu'elle appuie le gouvernement dans cette démarche.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: Le premier ministre sait-il que, contrairement à ses propos, les associations patronales n'ont pas été mises au courant de la proposition qu'il va faire aux syndicats cet après-midi? S'il y a du nouveau, elles ne le savent pas.

M. le Président, les associations patronales se demandent si le gouvernement soit les méprise, improvise ce dossier-là, ou est totalement incompétent.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, cette proposition a été mise au point par le Conseil des ministres et le Conseil du trésor. On y travaillait encore ce matin. On comprendra que dans une négociation il importe de faire en sorte que les premiers informés d'une proposition soient ceux auxquels elle s'adresse, c'est-à-dire nos vis-à-vis syndicaux.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.


Consultation des syndicats indépendants sur la proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Chagnon: M. le Président, en principale, dans ce cas-là, comment le premier ministre peut-il expliquer que les 15 syndicats indépendants n'ont jamais même reçu sa proposition du 19 novembre dernier, la proposition dite «gagnante», et qu'ils n'ont même pas été invités aujourd'hui suite aux invitations qui ont déjà été formulées aux principales centrales syndicales?

Ces centrales regroupent au moins 25 000 employés. Je peux vous en nommer quelques-unes: l'Association professionnelle des inhalothérapeutes du Québec, 1 900 membres; la Centrale des professionnelles et des professionnels de la santé, 7 000 membres; l'union québécoise des infirmières et infirmiers auxiliaires, 4 000 membres; l'Association professionnelle des technologistes médicaux, 4 500 membres, et personne ne leur parle, contrairement à ce que le Code du travail prévoit et même la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

M. le Président, est-ce que le premier ministre, le négociateur en chef, méprise les syndicats locaux? Est-ce que sa façon de négocier est totalement improvisée, ou démontre-t-il une incompétence en matière de négociations?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous traitons avec au-delà de 400 000 personnes; elles sont toutes importantes. Il se trouve, cependant, qu'en termes de regroupement pour des fins syndicales elles sont surtout situées au sein des grandes centrales et de trois syndicats très importants. Les centrales qu'on connaît: la CEQ, la FTQ et la CSN. Les syndicats les plus importants sont, bien sûr, ceux des professionnels et des employés du gouvernement de même que les infirmières. Il est vrai qu'il y a environ 25 000 ou 30 000 personnes qui sont représentées par des syndicats indépendants, plus éparpillés, mais c'est déjà extrêmement complexe de traiter avec six organisations différentes.

Songez que, par exemple, jeudi dernier, nous n'avons pas réussi à rencontrer les six groupes ensemble, qu'il a fallu, à leur demande, en tout cas à la demande de certains d'entre eux, les séparer en deux réunions, et, maintenant, nous avons réussi à les avoir tous ensemble, tous les six. Il est entendu que, aussitôt qu'on aura deux minutes pour le faire, nous allons communiquer avec les autres syndicats pour leur transmettre les mêmes propositions.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le premier ministre reconnaîtra que, depuis le début de l'histoire des négociations, tous les syndicats ont toujours été vus lorsqu'il y avait des propositions gouvernementales? Est-ce que le premier ministre reconnaîtra que de rencontrer des syndicats indépendants aurait dû prendre plus que deux minutes, depuis l'avant-dernière des propositions qu'il a lui-même effectuées?

(10 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, tous les syndicats seront rencontrés. Nous allons commencer cet après-midi avec les trois centrales syndicales et les trois principaux syndicats dont j'ai parlé et nous allons poursuivre avec les autres syndicats.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.

M. Dumont: Merci, M. le Président.

Le Président: Juste pour clarifier, c'était la quatrième, M. le leader. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.


Perspectives de création d'emplois

M. Dumont: Merci, M. le Président. Hier, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité nous présentait une réforme avec un objectif certainement fort louable, celui de remettre des gens au travail. Une nuance, cependant, dans cette politique, c'est que, pour remettre des gens au travail, il faut du travail. Quand on regarde les comparaisons, au niveau de l'emploi, des conditions économiques entre le Québec et nos voisins, en Ontario on paiera, dans quelques années, 30 % de moins d'impôts, on a moins de réglementation, le climat d'investissement est meilleur. On apprenait hier qu'au Nouveau-Brunswick, dans une couple d'années, on paiera 10 % de moins d'impôts, la réglementation est plus souple. On a 1-800-McKenna au Nouveau-Brunswick, alors qu'au Québec, les gens qui veulent créer des emplois, c'est plus 1-800-attends.

Par ses politiques sur la langue, ses nouvelles réglementations, ses contrôles gouvernementaux accrus, les délais, le gouvernement du Québec crée un mauvais climat d'investissement qui se répercute chaque mois, mois après mois, depuis plusieurs mois, par des pertes d'emplois. On parle de 60 000 emplois perdus au cours des neuf ou 10 derniers mois.

Alors, vendredi dernier – et c'est là ma question – on a pu voir par les questions de tout le monde l'incapacité du gouvernement, face à une nouvelle annonce de 6 000 emplois perdus, de nous définir sa politique économique, de nous définir comment ils veulent, via le secteur privé, développer des emplois. Ma question est bien simple: Comment le premier ministre concilie les objectifs de la réforme de sa ministre avec l'incapacité de son gouvernement de créer des emplois et l'absence de politique de création d'emplois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le député de Rivière-du-Loup sait très bien que le gouvernement est dans la bonne direction, puisqu'il est en train d'agir sur les causes profondes des difficultés économiques que nous rencontrons. La cause principale, c'est le poids insoutenable d'une dette qui s'est accumulée au fil des années avec des déficits qui, maintenant, nous mettent dans la situation de voir l'État du Québec asphyxié. Donc, nous sommes en train de faire cette démarche et, en même temps, nous faisons des réformes très élaborées qui vont permettre aux gens de se qualifier pour le travail.

S'agissant de la proposition de réforme par rapport à la sécurité du revenu, ce qui est important, c'est que les jeunes puissent avoir accès à des diplômes. Nous savons très bien – les statistiques le démontrent – que plus les gens ont des diplômes, plus ils travaillent et moins ils chôment.

Je voudrais citer là-dessus la conclusion de l'éditorial du Devoir de ce matin, de M. Jean-Robert Sansfaçon, qui dit: «...les changements proposés, il faut reconnaître que le projet de Mme Harel, complété par d'autres réformes en cours au gouvernement (prestation unifiée pour enfants, politique de la petite enfance, réforme de l'éducation) présente plusieurs des ingrédients nécessaires à une modernisation devenue urgente de notre filet de sécurité sociale.» Fin de la citation.

Une voix: Bravo!

M. Dumont: Est-ce que le premier ministre reconnaît – et je n'ai pas critiqué les éléments de la réforme sur le fond – cependant que ces éléments-là et une réduction du déficit ne sont pas assez pour créer des emplois – ils sont une condition nécessaire mais non suffisante pour créer des emplois – et qu'il doit réviser de façon générale la politique de son gouvernement face aux entreprises du secteur privé, comme l'a fait le Nouveau-Brunswick qui, en même temps qu'il a réduit son déficit, a réduit son chômage au point même de l'amener à un niveau qui est inférieur à celui du Québec?

M. Landry (Verchères): M. le Président...

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): ...le député de Rivière-du-Loup va être intéressé plus que quiconque peut-être à ma réponse, puisqu'il est voisin du Nouveau-Brunswick. Le fait que le Nouveau-Brunswick ait pu faire ce qu'il a fait, évidemment, qui n'est pas à l'échelle du Québec, là – deux grandes villes du Québec ont la population du Nouveau-Brunswick – est méritoire parce qu'ils ont commencé à réduire leurs dépenses il y a plusieurs années, ce que le gouvernement du Québec n'avait pas fait, et on l'a illustré souvent en cette Chambre.

Mais le point qui va passionner le député de Rivière-du-Loup, c'est que les industries de l'autre côté de la frontière du Nouveau-Brunswick vont concurrencer celles qui se trouvent à Rivière-du-Loup et dans cette région avec notre propre argent parce qu'ils se sont fait compenser 1 000 000 000 $ pour une chose que nous avions faite gratuitement: l'harmonisation de la TVQ et de la TPS.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: En complémentaire, au ministre d'État de l'Économie et des Finances: Est-ce que le ministre, qui prenait l'engagement, qui nous disait à quel point les augmentations de taxes seraient nuisibles à l'emploi, lors du dernier Sommet, pour justifier qu'il n'y aurait pas de taxe pour la pauvreté, peut nous expliquer aujourd'hui de quelle façon il voit les augmentations de taxes sur l'économie? Est-ce qu'il a changé d'idée? Est-ce qu'il considère maintenant que les augmentations de taxes – il y en a eu toutes les semaines par son gouvernement – n'ont plus d'impact sur la situation de l'emploi? Et, en même temps, est-ce qu'il pourrait peut-être nous expliquer, alors qu'on a passé de 19 000 000 000 $ à 31 000 000 000 $ le niveau d'impôts et de taxes qu'on paie, entre 1990 et 1996, comment l'autre 250 000 000 $, lui, va régler la pauvreté, alors que les 12 000 000 000 $ d'augmentation ne l'ont pas réglée?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, je pense que la question du député de Rivière-du-Loup était plus précise et pertinente dans son premier volet. Là il a sombré un peu dans l'exagération politique en disant qu'on augmente les taxes toutes les semaines, ce qui est manifestement faux. Il y a eu effectivement un prélèvement de solidarité, Fonds de lutte contre la pauvreté, approuvé unanimement par tous les horizons sociaux, économiques du Québec à une table où il était lui-même présent, je le lui rappelle. Alors, en toute amitié, je dis au député de Rivière-du-Loup qu'il a perdu une très belle occasion de dénoncer le Fonds de lutte contre la pauvreté, au Sommet. S'il veut le faire maintenant, il est loisible à lui de le faire. Mais je lui dis que le gouvernement est fier d'avoir demandé à la population du Québec un prélèvement de solidarité qui va compléter à merveille la réforme de ma collègue de la Solidarité, puisque c'est le nom de sa fonction principale, pour permettre, avec cet effort global des Québécois, aux plus démunis d'entre nous de réintégrer l'appareil de production et de mettre fin à l'exclusion.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Dernière complémentaire: Est-ce que je comprends bien que le ministre d'État de l'Économie et des Finances me répond que, oui, il a changé d'idée et que, oui, maintenant il considère, il sera peut-être le seul, que les augmentations de taxes et d'impôts sont favorables à l'emploi et vont aider la ministre dans l'objectif de création d'emplois?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Bien oui. Mais, M. le Président, d'abord, ne jamais changer d'idée n'est pas un très bon signe et, deuxièmement, changer d'idée au motif de permettre à une société entière de se solidariser avec les plus démunis est plutôt un sujet de fierté qu'autre chose.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. M. le Président, rappelant au ministre des Finances qu'au Nouveau-Brunswick il n'y a jamais eu de péquistes et de Jacques Parizeau ministre des Finances pour endetter la province, est-ce que le premier ministre...

M. Bélanger: ...question complémentaire.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, votre complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre se souvient que, dans son livre de 1992 «À visage découvert» – façon de parler, on en conviendra, à visage découvert – est-ce qu'il se souvient d'avoir dit que ce qui était urgent à Québec – on comprend son intérêt – c'était de lancer une corvée nationale pour le plein-emploi et contre la pauvreté, et que c'est ça, la façon de régler le problème, c'est d'avoir des politiques pour l'emploi? Qu'est-ce que vous attendez pour donner suite à vos engagements non seulement verbaux, oraux et de discours, mais par écrit, à visage découvert?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est justement ça qu'on fait. On est en train de redresser l'État du Québec et de permettre le retour à l'emploi.

(10 h 40)

Je constate que l'opposition est incapable de critiquer quoi que ce soit dans la proposition de réforme qui, justement, comporte la mise en place d'un parcours à l'emploi qui va faire en sorte que les jeunes seront préparés à aller à l'emploi et vont assumer une responsabilité en ce sens avec le partenariat de l'État.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Laporte, en complémentaire.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Compte tenu de l'augmentation de 25 % des frais d'administration des contraventions au Code de la sécurité routière qu'on nous annonce aujourd'hui et qui vont rapporter 14 000 000 $ de plus au trésor public, est-ce que le ministre des Finances est toujours d'avis que trop d'impôts tue l'emploi?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, vous savez qu'il y a des amendes qui sont imposées aux personnes qui contreviennent aux lois, y compris au Code de la sécurité routière. Nous avions une situation qui était la suivante, où une personne qui avait commis une infraction et où elle était sanctionnée pour une amende de 40 $ payait 10 $ si elle payait immédiatement son amende. Si, par contre, elle contestait et qu'elle attendait qu'un jugement soit rendu, ça lui coûtait 41 $. Par contre, si elle contestait son amende et qu'elle perdait sa contestation, elle payait la somme de 10 $.

M. le Président, on avait une incitation directe à la contestation, et on sait que beaucoup de gens utilisaient la procédure de contestation de manière à pouvoir protéger leurs points de démérite. Mais, pour bien comprendre, si on le faisait dans un cas où l'amende était de 1 000 $, une personne comme Laidlaw qui a été condamnée à 1 000 000 $ d'amendes payait, en frais judiciaires, la mirifique somme de 10 $. Aujourd'hui, elle paierait 316 $. Il m'apparaît, M. le Président, que c'est graduer les frais par rapport aux sanctions, et ça permet à l'État de recouvrer des coûts d'administration et de gestion des dossiers.

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Rapport du Protecteur du citoyen sur la recotisation d'investisseurs dans des projets de recherche et développement

M. Williams: En principale, M. le Président. Ce matin, le Protecteur du citoyen a déposé le résultat d'une enquête sur le comportement du gouvernement envers des milliers de contribuables honnêtes qui, après avoir investi de bonne foi et selon les règles de l'époque, ont été traités comme des fraudeurs. Ils ont été forcés de rembourser des sommes qu'ils ont jugées comme leur appartenant, et c'est dans les projets de recherche et développement. Avec ce rapport, le Protecteur du citoyen vient appuyer la démarche de ces contribuables. Il recommande que le gouvernement renonce, pour les années 1991 et 1992, aux réclamations aux contribuables qui ont investi dans les projets de recherche et de développement. The Ombudsman believes that the Government has misled the taxpayers.

L'ancien premier ministre a dit qu'il n'aurait jamais cotisé rétroactivement. Le premier ministre actuel, lorsqu'il était chef de l'opposition à Ottawa, a condamné ce geste. Le ministre délégué a dit qu'il tiendrait compte des recommandations du Protecteur du citoyen.

Ma question est pour le premier ministre: Est-ce que le premier ministre a l'intention de respecter sa parole et de renoncer à la cotisation rétroactive pour les années 1991 et 1992 ou est-ce qu'il va continuer de pratiquer toujours le double langage comme il le fait si bien depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement péquiste?

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Je remercie le porte-parole de l'opposition officielle délégué en matière de revenu pour sa question. M. le Président, je pense qu'il faut remettre le dossier en perspective et rappeler que la recherche et développement, en ce qui regarde les crédits d'impôt, se porte très bien au Québec, car environ 96 % des crédits demandés sont accordés aux contribuables. Alors, M. le Président, on est devant une question, à ce moment-ci, qui concerne 3,7 % des crédits accordés.

J'ai, bien sûr, pris connaissance du contenu du rapport du Protecteur du citoyen, qui, à mon sens, n'apporte aucun élément nouveau qui pourrait justifier une modification de notre offre de règlement. Nous avons effectivement, à ce moment-ci, les recommandations du Protecteur du citoyen. Nous avons également les recommandations d'un comité d'experts en matière de fiscalité qui, déjà, jugeait que notre offre allait à la limite de ce qui apparaissait possible et équitable, M. le Président. Par voie de conséquence, il n'est pas de notre intention de modifier à ce moment-ci notre proposition.

Par ailleurs, le comité aviseur, dans un deuxième rapport qu'il a déposé au mois de juin dernier, nous fait un certain nombre de suggestions de façon à éviter que de telles situations se reproduisent, notamment l'assujettissement au contrôle préalable par voie de décision anticipée. Ce sont des choses que nous avons regardées et nous serons prêts, maintenant que le Protecteur du citoyen a déposé son rapport, à annoncer nos intentions dans les prochains jours sur cette question.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: En complémentaire, M. le Président. Ma question est fort simple, et c'est au premier ministre: Est-ce qu'il va respecter sa parole ou est-ce que ça va être un autre mensonge?

Le Président: M. le député de Nelligan, je vous demanderais de retirer vos paroles.

M. Williams: Je m'excuse, M. le Président, la langue française est ma deuxième langue, je n'ai pas une longue liste...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Non, non. Je n'ai pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À ce moment-ci, M. le député de Nelligan, il ne s'agit pas de reformuler la question, il s'agit de retirer vos paroles.

M. Williams: Oui, oui, je reprends mes paroles, puis je n'ai pas une longue liste de synonymes pour le mot «menteur». C'est ça que je...

Le Président: Il n'est pas question, monsieur... M. le député de Nelligan, à ce moment-ci, ce que je dis, là, c'est clair. Ce n'est pas de reformuler la question, c'est de retirer les paroles clairement, en gentilhomme, s'il vous plaît.

M. Williams: J'accepte votre parole, M. le Président, et je retire mes mots. Je vais redemander ma question quand même, reformuler la question quand même: Est-ce que le premier ministre, cette fois-ci, va respecter sa parole ou est-ce que ça va être une autre volte-face de ce gouvernement péquiste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les revendications des personnes concernées ont donné lieu à des pressions très larges dans le public, et j'ai eu l'occasion, alors que j'étais chef de l'opposition à Ottawa, de rencontrer ces personnes. Je me suis ému de la situation de plusieurs d'entre elles, je m'en suis exprimé publiquement, je crois, par une lettre. À la suite de beaucoup de pressions qui ont été faites comme cela, ce gouvernement a décidé d'améliorer son attitude et l'offre qu'il faisait aux personnes concernées. Cette offre a été ensuite soumise à l'appréciation d'un comité d'experts qui a rendu son jugement. Et le comité déclare, et je cite:

«Le comité est d'avis que l'offre, avec les améliorations proposées, traduit un juste équilibre entre les attentes légitimes des investisseurs et l'intérêt de la collectivité, qu'elle est raisonnable dans les circonstances et qu'elle permet à Revenu Québec de remplir adéquatement la mission qui lui est confiée.» Fin de la citation. Je considère que ça tranche la question.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.


Modification du barème de non-disponibilité de la sécurité du revenu pour personne ayant la garde et la charge d'un enfant

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Hier, la ministre de la Solidarité déposait en cette Chambre sa réforme sur l'aide sociale, mais également un projet de loi, un projet de loi qui vient abolir le barème de non-disponibilité pour les familles monoparentales qui ont des enfants âgés entre trois et cinq ans.

Question à la ministre: En abolissant le barème de non-disponibilité pour les femmes monoparentales qui ont des jeunes enfants, la ministre est-elle consciente qu'elle vient de leur enlever 100 $ par mois dans leurs poches? Et je vous rappelle, M. le Président, que les familles monoparentales de la sécurité du revenu, parmi les familles pauvres, sont les familles les plus pauvres au Québec.

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

(10 h 50)

Mme Harel: M. le Président, d'entrée de jeu, c'est inexact que le barème de non-disponibilité est aboli par la présentation du projet de loi, hier. Ce qui a été dit clairement, et j'y reviendrai, c'est le fait que les chefs de famille monoparentale dont les enfants de cinq ans pourront commencer à la maternelle plein temps au mois de septembre prochain, verront effectivement leur allocation de non-disponibilité se terminer parce que leurs enfants seront à l'école à plein temps.

D'autre part, j'ai présenté, au nom du gouvernement, une proposition qui est intitulée «Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi», livre vert qui sera soumis à une consultation parlementaire, fin janvier prochain, et qui est fortement inspiré, comme les coauteurs, d'ailleurs, Camil Bouchard et Pierre Fortin, l'ont confirmé, des rapports Bouchard et Fortin. Et je voudrais, M. le Président, à l'égard de cette question des chefs de famille monoparentale, bien clairement indiquer les intentions du gouvernement.

D'abord, M. le Président, c'est faux, là, l'ensemble des critiques de l'opposition parues dans un quotidien ce matin; c'est faux que les personnes de 60 ans perdront 100 $ par mois; c'est faux qu'il y a aura perte de l'allocation-logement, elle est transférée à mon collègue de l'habitation, le ministre de l'habitation, et elle sera bonifiée. Ensuite, c'est également faux qu'il y a perte de barèmes pour les participants; au contraire, les coûts de participation vont être compensés entièrement.

M. le Président, j'invite Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à réfléchir sur la situation des chefs de famille monoparentale, en lui rappelant que l'intention du gouvernement, c'est au fur et à mesure que l'offre des services de garde va être disponible, au fur et à mesure, ça commence avec la maternelle plein temps, et tant que les services de garde ne seront pas disponibles, ça va rester là, M. le Président.

Mais, ceci dit, je l'invite à faire attention à ne pas tomber dans les propositions de Gilberte Côté-Mercier qui offrait aux femmes du Québec... Oui, oui, parce que, si l'égalité et l'indépendance économique, c'est bon pour des femmes comme Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et moi aussi, bien, c'est bon pour d'autres femmes au Québec. Ce n'est pas vrai que ce qu'on offre aux femmes pauvres qui ont des enfants, c'est l'aide sociale seulement.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président...

Une voix: ...

Mme Loiselle: Oui, encore. On va dire la vérité comme elle est. M. le Président...

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre peut avoir l'honnêteté de dire qu'en transférant les familles monoparentales du barème de non-disponible au barème de non-participant, elles perdent, ces mères-là, 100 $ par mois – parce que c'est ça la vérité – et que l'allocation unifiée pour enfants, pour les familles à l'aide sociale, ne donne pas un sou de plus aux familles monoparentales?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, est-ce que Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne peut également convenir que, si ces chefs de famille monoparentale dont les enfants de cinq ans sont à la maternelle plein temps perdent ce 100 $ par mois, elle peuvent le gagner autrement, en participant à, justement, un plan d'action individualisé pour la formation, l'insertion et l'emploi, où elles vont retrouver, M. le Président, des coûts de participation qui vont dépasser ces 100 $ par mois.

Alors, de quoi s'agit-il, là? Il y a un choix de société, c'est vrai, puis il y a un choix important, mais je vous rappelle que, dans le rapport de Camil Bouchard comme dans le rapport de Pierre Fortin, on démontrait que plus une femme chef de famille reste longtemps à l'aide sociale, moins sont élevées ses chances de s'en sortir. Et, dans la perspective québécoise suivante, où 75 % des familles monoparentales dirigées par une femme dont les enfants ont moins de six ans, au Québec, sont sur l'aide sociale, il y a quelque chose qui n'a pas de bon sens comme société. Ça signifie leur donner un coup de pouce, justement, pour que l'aide sociale ne soit pas le congé de maternité qui n'existe plus que pour la moitié des travailleuses, étant donné les critères d'éligibilité. Je sais que, avec ma collègue, Mme la ministre...

Le Président: En terminant, Mme la ministre.

Mme Harel: ...de l'Éducation et responsable des politiques familiales, nous allons avoir une véritable caisse de congé de maternité et d'assurance parentale.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, comment la ministre de la Solidarité et ministre de la Condition féminine, qui a le rôle de défendre et de protéger les femmes au Québec, peut-elle, dans sa réforme, abolir un principe, le principe de la liberté de choix d'une mère d'éduquer son enfant? Parce que, avec sa réforme, la ministre oblige les mères monoparentales avec des enfants de deux ans et plus... Moi, je considère qu'un enfant de deux ans et un mois, c'est un bébé...

Des voix: ...

Le Président: À ce moment-ci, je pense que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne n'avait pas complété son temps. Elle était en question complémentaire. J'ai largement permis à la ministre de répondre et je voudrais qu'on ait la même équité envers la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président.

Le Président: Jusqu'à maintenant, la période des questions et des réponses se déroule bien parce que c'est le président qui dirige les travaux. Alors, si ça pouvait continuer comme ça. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, dans sa réforme, la ministre enlève la liberté de choix aux mères qui désirent élever leur enfant et le gouvernement lance le message que c'est seulement les mères fortunées qui vont... Bien, coudon!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je comprends tout à fait la latitude que vous avez de pouvoir, à ce moment-là, donner un temps équivalent à la porte-parole de l'opposition. Cependant, c'est son choix à elle de faire une question complémentaire ou une question principale. Si elle veut faire un préambule, qu'elle fasse une question principale; si elle veut faire une question complémentaire, c'est sans préambule, M. le Président.

Le Président: Vous avez raison, M. le leader du gouvernement, sauf que la forme... Je ne sais pas si vous vous ennuyez de votre ancienne fonction, M. le député. À ce moment-ci, je vous donne raison, mais la forme interrogative de la question et de l'intervention de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne faisait en sorte que, de l'avis du président, elle était en règle et selon la latitude que, de toute façon, et moi et mes prédécesseurs accordons depuis fort longtemps sur la formulation. S'il fallait avoir une exigence stricte ou encadrer la façon dont les gens questionnent et les réponses ici, dans cette Chambre, je dois vous dire, il n'y aurait pas grand monde qui parlerait.

Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Est-ce que, M. le Président, la ministre peut comprendre que les Québécoises et les Québécois disent oui à l'intégration en emploi mais disent non à la désintégration sociale?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Oui, M. le Président, et c'est justement la raison pour laquelle le gouvernement a l'intention, au fur et à mesure de l'offre et du rythme d'extension des services de garde, au fur et à mesure... Alors, ne brandissez pas, là, présentement que c'est les chefs de famille monoparentale dont les enfants ont plus de deux ans. Non. Je le dis, je le répète, ça concerne celles dont les enfants de cinq ans, en septembre, commenceront à plein temps à la maternelle.

Cependant, là, il faut comprendre, M. le Président, que ce que nous propose Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, c'est un congé de maternité qui dure six ans à l'aide sociale, alors que les travailleuses n'en ont pas ou quasiment pas de congé de maternité actuellement avec les resserrements à la caisse de l'assurance-emploi. Alors, qu'est-ce qu'on fait, M. le Président? Pensez-vous qu'une chef de famille monoparentale qui a la perspective de rester, si vous voulez, au travail avec un congé de maternité, avec un congé parental, avec une allocation unifiée pour enfants qui va permettre le même chèque pour des travailleuses et des travailleurs, selon leurs revenus de travail, que s'ils étaient à l'aide sociale... Qu'est-ce que vous pensez que les gens, femmes comprises, vont choisir, M. le Président?

Le Président: M. le député de Bourassa, en complémentaire.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, une complémentaire à la ministre de l'Emploi et de la solidarité ministérielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Bourassa. Il reste à peine quelques instants, je voudrais que le député de Bourassa puisse poser sa question, là.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. À la ministre qui prétend pouvoir sortir 100 000 ménages de l'aide sociale...

Le Président: M. le député de Bourassa, en complémentaire, directement, sans commentaire.

M. Charbonneau (Bourassa): Comment concilie-t-elle cette intention avec le taux de chômage affolant qui sévit particulièrement à Montréal? Ne pourrait-elle pas admettre qu'un tel objectif n'est que de la poudre aux yeux dans le contexte actuel où il se perd 200 emplois par jour et où la durée du chômage a doublé, M. le Président? Ne pourrait-elle pas s'engager à déposer un véritable plan de développement de l'emploi et non pas des structures de guichets et de clés, M. le Président?

(11 heures)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, le premier ministre a cité un éditorialiste du journal Le Devoir , et j'invite le député de Bourassa à lire l'éditorialiste de La Presse qui, ce matin justement, faisait part que, «oui, le projet marque un grand progrès par rapport à l'inextricable fouillis du filet social actuel».

Est-ce que le député de Bourassa peut enfin comprendre que l'éparpillement de notre filet de sécurité sociale avec des trous dedans, ça contribue à la persistance du chômage? Et est-ce qu'il peut aussi comprendre que les chômeurs ne sont plus comme avant, à la caisse d'assurance-chômage? Les chômeurs, plus qu'avant, sont à l'aide sociale à cause des resserrements à l'assurance-chômage.

Et est-ce qu'il peut comprendre que l'augmentation des coûts en 20 ans, de 600 %, à l'aide sociale, ce n'est pas dû aux prestations – les prestations sont restées modérées et stables – c'est dû à l'augmentation des chômeurs à l'aide sociale et que, si on les isole du reste de la main-d'oeuvre, si on les laisse tomber, quand est-ce – ce n'est pas à une augmentation de 600 % des coûts, là, qu'on va assister, mais de 1 000 % – qu'il va vouloir qu'on commence à corriger la situation?

Le Président: Alors, cet échange met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 67

Il n'y a pas de réponses différées, mais il y a un vote reporté.

Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons procéder au vote sur la motion de M. le ministre des Affaires municipales proposant que le principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, soit adopté.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:43

Abstentions:0

Le Président: La motion est donc adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 67 est donc adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Motions sans préavis

Alors, nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. M. le ministre des Transports. Auparavant, je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'enceinte de le faire rapidement. Alors, rapidement, s'il vous plaît, mesdames, messieurs.

Alors, M. le ministre des Transports.


Souligner le travail accompli par les bénévoles de l'Opération Nez rouge

M. Brassard: Oui. M. le Président, je voudrais solliciter le consentement des membres de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que cette Assemblée souligne le travail accompli par les 30 000 bénévoles de l'Opération Nez rouge, depuis maintenant 13 ans, partout au Québec et reconnaisse que c'est grâce au travail de M. Jean-Marie De Koninck et de ses équipes qu'il nous aura été possible d'évoluer dans le sens d'un consensus social contre l'alcool au volant.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, il y a consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Juste pour confirmer qu'il y aurait entente pour un intervenant de part et d'autre, M. le Président.

(11 h 10)

Le Président: Très bien, M. le leader du gouvernement. Alors, M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, quelques mots très brefs pour signaler et rappeler que l'Opération Nez rouge, qui existe depuis 13 ans, comme je le signalais dans la motion, valorise depuis sa création l'adoption de comportements responsables chez les automobilistes dont les facultés sont affaiblies par l'alcool. Et, depuis 13 ans, on peut dire que ce que les équipes de Nez rouge font a l'effet d'une véritable campagne de publicité en faveur de la sécurité routière. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Société de l'assurance automobile du Québec s'est toujours associée à cette opération, l'a toujours appuyée, parce que ça a des effets bénéfiques sur le comportement des automobilistes. L'impact de l'Opération Nez rouge en matière de sécurité routière est donc d'une grande importance depuis 13 ans. Et, quand il y a plus de sécurité sur nos routes, M. le Président, il faut être bien conscient que ça veut dire des vies sauvées et des souffrances inutiles évitées, puisque le bilan routier s'améliore et puisque de plus en plus de gens également adoptent des comportements responsables face à l'alcool et à la conduite automobile.

On sait que la société québécoise, depuis un certain nombre d'années, surtout depuis le début des années quatre-vingt, a supporté, soutenu des efforts constants, que ce soit en matière de législation, ou de surveillance policière, ou de sensibilisation, pour permettre de changer certains comportements en ce qui concerne la conduite avec les facultés affaiblies. Mais, malgré cela, malgré ces progrès évidents, il faut encore reconnaître que l'alcool au volant demeure la première cause de mortalité sur les routes, avec 45 % de décès et près de 30 % de blessés graves qui sont associés à la conduite avec facultés affaiblies, donc à l'alcool au volant. Et, chaque année, ce fléau représente des coûts globaux de près de 200 000 000 $ pour la Société de l'assurance automobile du Québec.

Donc, oui, il y a eu des progrès en cette matière, convenons-en. Oui, le bilan routier, depuis un certain nombre d'années, s'est amélioré. Il y a moins de décès sur nos routes, il y a moins de blessés graves, oui, c'est vrai, mais il y en a encore trop, il y en a encore trop, et on doit donc poursuivre nos actions pour, encore une fois, faire en sorte que la conduite avec facultés affaiblies soit réduite au maximum.

C'est d'ailleurs dans cette perspective que le projet de loi n° 12 modifiant de façon substantielle le Code de la sécurité routière est actuellement débattu et analysé, étudié par l'Assemblée nationale. On le sait, ce projet de loi, s'il est adopté, prévoit des mesures plus restrictives, plus sévères en matière de conduite avec facultés affaiblies, et on sait que ces mesures-là ont reçu un appui quasi unanime de la population. Par conséquent, il y a vraiment un consensus social pour renforcer les mesures en matière de conduite avec facultés affaiblies et les rendre plus sévères.

Et, finalement, je conclus là-dessus, M. le Président, on doit dire que, dans cette évolution sociale, l'Opération Nez rouge et son fondateur, M. Jean-Marie De Koninck, y sont sans aucun doute pour quelque chose. Merci.

Le Président: Merci, M. le ministre des Transports. Je cède maintenant la parole au député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. À mon tour, je tiens absolument à participer à ce débat à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, bien sûr, mais surtout comme citoyen du Québec.

La conduite avec facultés affaiblies, ça me préoccupe dans le cadre de mon travail à l'Assemblée nationale, mais aussi comme individu. Chaque année, trop de personnes sont victimes d'accidents de la route impliquant un conducteur ivre. Plusieurs d'entre elles perdent la vie, les autres sont blessées, certaines restent avec des séquelles permanentes.

L'alcool au volant est un fléau qu'il faut enrayer, mais, malheureusement, il n'existe pas de recette magique. En fait, c'est une combinaison de gestes qui font en sorte que le bilan routier s'améliore. L'Opération Nez rouge est un de ceux-là, un de ces gestes importants.

Au cours des dernières semaines, les parlementaires ont étudié le projet de loi n° 12, dans lequel on retrouve des dispositions pour mieux contrer l'alcool au volant. Une fois la loi adoptée, les jeunes conducteurs seront soumis à la tolérance zéro d'alcool, alors que les récidivistes devront avoir recours à un système antidémarrage. Ces nouvelles dispositions, M. le Président, conjuguées à l'Opération Nez rouge, aux campagnes publicitaires et aux programmes de sensibilisation, permettront de conscientiser davantage la population quant aux conséquences de conduire un véhicule routier en état d'ébriété. J'espère que l'ensemble de ces gestes qui visent à modifier les attitudes et les comportements des conducteurs auront des effets notables sur notre bilan routier.

Depuis 13 ans déjà, des milliers de bénévoles des quatre coins du Québec participent à l'Opération Nez rouge. Sans compter, et ce, à l'approche de la période des Fêtes, ils donnent généreusement de leur temps. Sans hésiter, ils passent une ou des nuits blanches à reconduire ou raccompagner des conducteurs ivres. Leur implication inestimable accroît la sécurité sur nos routes. Je tiens à les en remercier. Leur engagement contribue à modifier les attitudes et les comportements des conducteurs québécois sur nos routes. À preuve, depuis la mise sur pied de l'Opération Nez rouge, le nombre de raccompagnements n'a cessé de croître.

En terminant, je tiens à souligner l'apport de tous les partenaires de l'Opération Nez rouge. L'importance de l'opération est majeure, voire double: premièrement, elle fait en sorte que les conducteurs ivres ne conduisent pas leur véhicule et, deuxièmement, elle injecte des fonds au sein d'organismes de jeunes voués au sport.

M. le Président, je salue les organisateurs et les bénévoles de l'Opération Nez rouge et invite les Québécois et les Québécoises à faire appel à ce service en vigueur jusqu'au 31 décembre prochain. Il en va de la vie d'autrui ainsi que de la leur. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le député de Pontiac. La motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Alors, toujours à la rubrique des motions sans préavis, j'invite maintenant M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration.


Rendre hommage à M. André Leclerc, récipiendaire du prix Droits et libertés

M. Boisclair: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende hommage à M. André Leclerc, le récipiendaire du prix Droits et libertés attribué hier par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui est directeur général et fondateur de l'organisme KEROUL qui favorise, depuis plus de 15 ans, l'accessibilité touristique aux autres personnes handicapées.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Des voix: Adopté.

Le Président: Donc, sans débat. Alors, la motion est adoptée. M. le leader du gouvernement, maintenant.


Ajouter un groupe aux consultations particulières sur le projet de loi n° 65

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions, dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, entende également l'Association masculine d'entraide pour la famille;

«Que les modalités de cette consultation soient identiques à celles des autres organismes.»


Mise aux voix

Le Président: Ça va. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Maintenant, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Bien. Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Châteauguay.

(11 h 20)

M. Fournier: Oui, M. le Président. Au feuilleton – et c'est la deuxième fois que je me lève sur cette question et je vais expliquer pourquoi... C'est que la 15e question inscrite au feuilleton, concernant le comté de Châteauguay, la rivière Châteauguay... On sait qu'il y a un redoux qui intervient toujours au mois de janvier, et les résidents du comté de Châteauguay sont très inquiets du prochain redoux, considérant l'inaction du gouvernement au dernier redoux de janvier dernier et des conséquences désastreuses. Alors, la question est écrite pour demander au ministre de la Sécurité publique d'apaiser les inquiétudes des résidents en prouvant que le gouvernement est prêt pour le prochain redoux. Je demanderais au leader, si c'est possible, qui m'a dit la dernière fois qu'il y aurait diligence... On arrive, là... la semaine prochaine, c'est la fin; je voudrais m'assurer qu'il y ait une réponse du ministre de la Sécurité publique pour faire en sorte que la population puisse passer des Fêtes en toute quiétude et s'assurer qu'il n'y aura pas de désastre cette année.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je réitère ce que j'ai déjà dit au député de Châteauguay, que je vais en reparler au ministre de la Sécurité publique afin que la réponse soit apportée et déposée le plus rapidement possible.


Affaires du jour

Le Président: Ça va? Alors, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article 38, M. le Président.

Le Président: À l'article 38, c'est la prise en considération de rapports de commission. Je vais, à ce moment-ci, céder le fauteuil au député de Chauveau, vice-président de l'Assemblée, pour la suite des travaux de cet avant-midi.


Projet de loi n° 130


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements transmis

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est bien l'article 38 que vous avez mentionné, M. le leader? À l'article 38 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre de la Justice et les amendements transmis par M. le député de Chomedey, en vertu de l'article 252 du règlement.

Tous les amendements du ministre à la version française du projet de loi sont déclarés recevables. Ils concernent les articles 1, 4, 5, 6, 6.1, 7, 92, 100, 109, 110, 113, 121, 121.4, 126.1, 130.1, 153.1 à 156.6, 151.1 à 153.6, 187.1, les annexes I à V et la motion de rénumération du projet de loi.

Une voix: Renumérotation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Renumérotation, excusez, du projet de loi.

Une correction de forme en vertu de l'article 193 a été apportée afin de rendre recevable l'amendement du ministre à la version anglaise de l'article 17 du projet de loi. L'amendement du ministre à l'article 17 est corrigé en remplaçant les mots «L'article 17 est amendé, dans sa version anglaise, par le retrait de l'amendement adopté le 21 novembre. En conséquence, le texte de l'article 17, tel qu'amendé, se lit comme suit, dans sa version anglaise», par les mots suivants: «Remplacer la version anglaise de l'article 17 amendé par le texte suivant».

Tous les autres amendements du ministre à la version anglaise du projet de loi sont déclarés recevables. Ils concernent les articles 21, 33, 49, 56, 70, 81, 103, 117, 118, 120, 136, 137, 141, 144, 146, 148, 149, 152, 166, 181, ainsi qu'un amendement s'appliquant aux articles 20, 22, 24, 26, 28 et 34.

Sont également déclarés recevables tous les amendements transmis par M. le député de Chomedey aux articles 39, 52, 64, français et anglais, 116 et 153.

Je tiendrai au cours de ce débat une réunion avec les leaders des deux groupes parlementaires afin d'organiser la mise aux voix des amendements proposés. Maintenant, je peux faire au cours de ce débat. À ce moment-là, je verrai – une petite seconde – à me faire remplacer, sinon je devrai suspendre pour qu'on puisse faire la rencontre des leaders.

M. Mulcair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey.


Demande de directive


Disponibilité de la traduction en anglais des amendements dès leur présentation


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Vous venez de citer les amendements qui ont été proposés tantôt par le ministre de la Justice, tantôt par l'opposition, vous les avez déclarés recevables et je vous en remercie. Par le fait même de votre énumération, vous avez noté que tantôt le ministre, tantôt l'opposition proposent des amendements qui s'appliquent à l'ensemble de la loi, les versions française et anglaise, tantôt des amendements spécifiques à la version anglaise.

Je vous fais remarquer – puis ça peut peut-être faire partie de vos délibérations et de votre réflexion lorsque vous rencontrerez les deux leaders... Je me permets de vous donner, à titre d'exemple, l'amendement qui est proposé à l'article 5. On proposerait – le ministre, si on le suivait – de changer juste la version française.

En d'autres mots, M. le Président, même si le ministre ou l'opposition a transmis certaines modifications, l'Assemblée doit être saisie des deux versions, celle, vous le savez mieux que quiconque, en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, et notamment son interprétation et application dans la décision de la Cour suprême du Canada, rendue en juin 1985, dans le renvoi sur le Manitoba. Alors, à toutes les étapes de l'adoption, on doit avoir en main les deux versions. Si je comprends bien, si les documents que, nous, on a reçus sont exacts, le ministre a déposé, pour l'ensemble des modifications que vous avez dites à la version française, juste une version française, et on n'a pas la modification concomitante pour la version anglaise.

Ça risque, M. le Président, d'ouvrir très grande la porte à une contestation par une association ou un groupe. Ils sont plusieurs à dire qu'ils veulent contester le projet de loi n° 130. Il ouvre très grande... Il leur donne sur un plateau d'argent un argument pour annuler la loi n° 130. Alors, il me semble que ça devrait faire partie de votre analyse, de votre réflexion et de vos discussions avec les deux leaders. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Nous allons, lors de notre rencontre, tenir compte de vos propos, puis je verrai, à ce moment-là, à rendre la décision sur la suite à donner. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Pour plus de sécurité, M. le Président – la lecture de la décision que vous nous avez faite comporte plusieurs articles – est-ce qu'on peut prendre quelques instants pour procéder à l'analyse de cette lecture que vous nous avez faite et également, dans le même laps de temps, nous convier à une réunion des leaders pour que nous puissions entreprendre le débat sur les bases les plus solides possible, en étant conscients de ce qu'il y a dedans et de ce qui a été retiré entre la commission puis ici, de façon à ce qu'on puisse procéder, là, le plus normalement possible dans les circonstances, bien que nous soyons à l'intérieur d'une motion de bâillon, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Écoutez, moi, je serais prêt à ce que – les leaders – nous fassions notre rencontre immédiatement pour voir à la mise en ordre de nos amendements en vue de la mise aux voix. C'est prévu que nous devions nous rencontrer à ce moment-là sur cette base-là, mais je crois que les amendements sont quand même distribués aux deux parties depuis un certain temps. C'est beaucoup plus en fonction de l'article qui dit, voyez-vous, qu'à la suite d'une réunion avec les leaders des groupes parlementaires le président organise la mise aux voix des amendements proposés. Dans le cadre de cette réunion on pourra trancher les quelques discussions, les quelques points qui ont été soulevés. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. De toute façon – ça, le leader de l'opposition pourrait me le confirmer – je ne pense pas qu'on va voter immédiatement ces amendements. Donc, à ce moment-là, lors du débat, justement, le débat porte à la fois sur les amendements et sur la prise en considération du rapport, alors, à ce moment-là, chaque intervenant pourra nous convaincre ou non de voter en faveur ou contre les amendements qui ont été présentés et qui sont déposés maintenant, qui sont disponibles.

Maintenant, la rencontre des leaders, à ma connaissance, selon ma compréhension du règlement, c'est quant à la mise aux voix uniquement des amendements et du rapport de la commission. Alors, moi, je ne vois pas pourquoi on devrait suspendre à ce moment-ci, M. le Président, on n'est pas rendu à la mise aux voix. Comme vous l'avez mentionné, un autre vice-président peut vous remplacer, sinon, à la fin du débat, quand arrivera le temps de la mise aux voix, on pourra à ce moment-là suspendre quelques minutes, juste pour s'assurer, comme ça se fait... En tout cas, depuis que je suis leader, ça s'est toujours fait comme ça; et le leader de l'opposition pourra me le confirmer, si ça se fait comme ça. On regarde à ce moment-là pour s'arranger pour que les parlementaires soient bien au courant, on regroupe les amendements afin que chaque groupe parlementaire, que chaque député soit bien au courant des amendements qui sont mis aux voix. Mais ça se fait normalement après, M. le Président, et non pas avant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, brièvement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, vous avez tous les pouvoirs en fonction de l'article 2 de notre règlement et vous savez que ce projet de loi contient près de 200 articles, qu'il y a plusieurs amendements – vous en avez fait la lecture – qui ont été lus, qu'ils viennent d'être communiqués aux parlementaires – ça n'a pas été fait hier ou avant-hier, ça vient d'être communiqué aux parlementaires – et que, sans en prendre connaissance comme tel puis sans discuter de la question qui a été soulevée par le député de Chomedey, on s'embarque dans un débat où ça va devenir totalement stérile et incompréhensible.

(11 h 30)

Si on peut s'entendre, là... Oui, les votes, mais les votes vont nous indiquer quels amendements, qui sont là, ce qui a été retenu de la commission parlementaire: Est-ce qu'il y a des parlementaires qui ont changé d'idée entre la commission parlementaire puis ce moment-ci? ...avoir une image précise de la procédure dans laquelle on s'embarque.

Et je pense que les éléments contenus à l'article 2 de notre règlement vous donnent toute la latitude, M. le Président, pour s'assurer que ce débat puisse se faire en toute connaissance de cause par les parlementaires des deux côtés de la Chambre. Je ne sais pas combien il y a de députés de l'autre côté qui ont pris connaissance de ces amendements-là. Il y en a combien? Il n'y en a pas un seul qui m'indique, M. le Président, qu'il a pris connaissance des amendements. Ça fait que, dans les circonstances, M. le Président, qu'on donne le temps aux députés de le faire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, brièvement.

M. Bélanger: Oui, je voudrais juste souligner au leader de l'opposition que ce n'est pas la façon de procéder, M. le Président. On n'est pas en train de faire un vox populi, là. Alors, je pense que, au contraire, on essaie de faire en sorte que nos débats fonctionnent comme ils ont toujours fonctionné. Vous avez tous les pouvoirs de faire ce que vous désirez faire, M. le Président, mais je vous rappelle tout simplement la tradition et la façon qu'on procède normalement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, brièvement, nous allons procéder...

M. Mulcair: Avant de rendre votre décision, je me permets de dire qu'effectivement, comme parlementaire, j'aurais de la difficulté à procéder. Le ministre propose seulement une version et pas les deux. On ne pourrait pas procéder. Alors, vous avez entièrement raison. Et je vous seconde dans votre désir de rencontrer les deux leaders pour clarifier non seulement les questions que vous-même avez soulevées, mais la très importante question qui risque d'infirmer l'applicabilité du projet de loi n° 130 si jamais il était adopté. Ça ne vaudrait rien, M. le Président, si on ne respecte pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, sur ce point-là, je ne peux pas avoir une opinion directe ici, là. Il faudrait que j'en parle avec les conseillers pour cet aspect-là. Et c'est pour ça que je pense qu'actuellement je vais suspendre pour régler le partage, organiser la mise aux voix des amendements et en même temps considérer le point qui vient d'être soulevé, pour rendre une décision à ce moment-là.

Alors, je comprends que, dans le cadre d'un débat restreint, on a l'habitude automatiquement d'avoir recours à un autre vice-président, parce que le débat est restreint dans le temps. Alors, comme ce n'est pas un débat restreint puis étant donné la nature de la question soulevée et l'organisation, je vais suspendre et faire la réunion immédiate avec les deux leaders.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 12 h 29)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.


Décision du président

Je vais d'abord donner ma décision concernant le point soulevé par le député de Chomedey en ce qui concerne la traduction des textes soumis à la délibération. Pour ce qui est du partage du temps, on s'est entendu, mais, plus tard, je vous en ferai part quand on aura l'ensemble des amendements qu'il y a sur la table ici.

Alors, pour répondre à la question de la traduction, je me réfère tout d'abord à l'article 9 de la loi, qui dit que «l'Assemblée établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer». Dans nos règlements, l'article 180: «Au besoin, la procédure est déterminée en tenant compte des précédents et des usages de l'Assemblée.» Et l'usage de l'Assemblée, depuis très longtemps, en ce qui concerne la traduction, c'est que le texte de loi présenté au début est dans les deux langues et que le texte soumis au lieutenant-gouverneur pour la sanction est dans les deux langues. Entre ça, toutes les autres étapes de la procédure, l'usage est que les amendements et les interventions se font dans le choix de la langue de celui qui présente l'amendement ou qui intervient, soit l'anglais, soit le français. Moi, je dois actuellement prendre acte de cet usage et continuer à me conformer à cet usage.

(12 h 30)

Alors, nous serions prêts maintenant à procéder à la prise en considération du rapport. Sur la prise en considération du rapport, M. le député de Chomedey, je vous cède la parole.

M. Mulcair: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de directive.

M. Mulcair: Quant à la décision que vous venez de rendre, je veux juste m'assurer que j'ai bien compris. Vous venez de nous parler des textes et de la traduction, infirmant ainsi, si je vous interprète bien, ce qui a toujours été considéré, et par la Cour suprême et par toute interprétation raisonnable de la Constitution, comme étant deux versions originales. Par ailleurs, vous parlez des règles de procédure et de la compétence de ce Parlement à cet égard. Personne ne saurait dire le contraire de ce que vous venez de dire, mais vous parlez de précédents d'usage et de procédure, et nous parlons de nos droits et de nos privilèges, comme parlementaires, en vertu de la Constitution. Je crois que ça ne prend pas une analyse très détaillée pour comprendre que l'un, la Constitution, l'emporte sur l'autre, les règles de procédure et même les usages.

Ma question de directive, M. le Président, est la suivante, très clairement: Je désire savoir si vous êtes en train de dire que, comme parlementaire, ici, à l'Assemblée nationale du Québec, je n'ai pas le droit de demander d'avoir les deux versions, ou si vous êtes en train de dire que j'ai un tel droit, mais que vous refusez de me l'accorder et de le faire respecter. Je veux savoir lequel des deux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): En clair, ce n'est pas à moi à trancher actuellement, à l'intérieur de nos usages, si le droit tel que vous le percevez... Et, plus ou moins, il faut le respecter. Je n'ai pas à trancher, ici, sur la constitutionnalité d'un usage. L'usage était accepté par l'Assemblée depuis un bout de temps. C'est l'Assemblée qui l'a déterminé. Et puis, moi, je prends acte de cet usage qui existe depuis longtemps. Ce que vous demandez, c'est de trancher constitutionnellement à savoir si vous avez un droit contre l'usage de l'Assemblée. Et je n'ai pas ce pouvoir de le faire.

Alors, est-ce qu'il y aurait un intervenant sur... Dernière question.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Comme parlementaire, étant donné l'obligation constitutionnelle d'analyser les deux versions à toutes les étapes, je désire savoir si, selon la présidence de l'Assemblée nationale, j'ai le droit d'obtenir... Parce que chaque mot dans ce projet de loi est important, et c'est sûr que ça va être contesté par une association ou un regroupement quelconque. Donc, le défaut de traduire étant anticonstitutionnel, ça met en péril la loi que le ministre propose. Je désire savoir si, oui ou non, comme parlementaire ici, à l'Assemblée nationale du Québec, où on a l'obligation constitutionnelle d'avoir les deux versions à toutes les étapes, j'ai un droit d'obtenir de la part du ministre la version anglaise de ces modifications.

Ma question est simple. Et, avec tout le respect que je vous dois, M. le Président, vous n'avez pas encore répondu à ma question.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, j'y ai répondu, parce que votre question présuppose que je tranche un débat constitutionnel, un aspect constitutionnel de la question, et je vous ai dit que ce n'est pas à moi à décider de la dimension constitutionnelle de la question. Je vous ai très bien répondu. Vous faites appel à la Constitution pour votre droit, et, moi, je vous dis que je n'ai pas à trancher la dimension constitutionnelle de la question que vous me posez. Alors, c'est très clair, tout ça. Tout le monde a très bien compris.

Alors, est-ce qu'il y aurait... La dernière fois, M. le...

M. Mulcair: M. le Président, vous venez de dire que vous n'avez pas à interpréter la Constitution et vous avez aussi parlé de ce qui est clair. Je vous ai suivi dans les deux cas. Pour ce qui est d'être clair et qui n'exige aucune interprétation, c'est qu'en vertu de la Constitution cette Assemblée nationale doit, à toutes les étapes, avoir les deux versions.

Je ne suis pas en train de vous demander d'interpréter la Constitution, je vous demande si vous êtes prêt à l'appliquer, parce que vous avez un parlementaire dûment élu, membre de l'Assemblée nationale, qui vous demande d'appliquer et de faire respecter ses droits comme parlementaire aux termes de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est ça que je vous demande, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je n'ai pas à discuter de la dimension constitutionnelle de la question. Moi, je me réfère, si vous voulez, aux usages de l'Assemblée nationale. Et, selon l'usage, on n'a pas, si vous voulez, traduit régulièrement tous les textes proposés, tous les amendements proposés dans les deux langues par l'un ou l'autre des partis ou l'une ou l'autre des langues.

Alors, moi, c'est surtout sur ce point-là que je m'appuie, sur les usages de l'Assemblée nationale. Et, à savoir si cet usage-là correspond intégralement à ce qu'exige la Constitution, je ne suis pas en mesure de vous le dire présentement, et ce n'est pas à moi à vous le dire. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement une précision. Vous rendez votre décision en tenant compte des usages, des us et coutumes de l'Assemblée nationale comme tels. Mais est-ce que les us et coutumes que vous avez considérés tenaient compte du fait qu'un député l'ait demandée ou pas demandée comme telle, la reconnaissance de ce droit? C'est le sens de ma question, M. le Président. Est-ce que les us et coutumes sur lesquels vous vous êtes basé font état d'un usage et d'une coutume en l'absence d'une demande formelle d'un membre de l'Assemblée nationale, ou est-ce que les us et coutumes établissent également qu'en cas d'une demande formelle d'un des membres de l'Assemblée nationale, c'est la même pratique qui s'établit?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, pour pouvoir donner une réponse à cette question, à savoir si je dois accéder à une demande d'un député, il faudrait que j'aie d'abord résolu la question: Est-ce qu'il y a un droit constitutionnel au député de le demander? Et je vous ai dit que je ne peux pas répondre à cette première question. Donc, je ne me sens pas obligé, si vous voulez, d'accéder à la demande du député, à tout député qui demanderait que, chaque fois qu'on a quelque chose en cette Chambre, on ait les deux traductions.


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport et des amendements transmis

Alors, la prise en considération du rapport, M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.

M. Bégin: Le temps, M. le Président, c'est combien? Trente minutes?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, 30 minutes.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes rendus à l'étape de la prise en considération du rapport. Il m'apparaît utile de revenir sur certains aspects de la réforme proposée, qui, comme on l'a déjà dit, est extrêmement importante. J'aimerais revenir pour dégager les principaux axes de cette réforme majeure et, en même temps, montrer que certains points qui ont été soulevés ne sont pas nécessairement aussi pertinents – je veux dire soulevés par l'opposition – qu'ils ont voulu le faire croire.

Alors, dans un premier temps, de quoi s'agit-il par la réforme de la justice administrative? Le premier objectif, par cette réforme majeure, est la déjudiciarisation du processus. M. le Président, il faut bien comprendre que les gens, les citoyens, ont deux situations pour s'affronter avec d'autres personnes. La première, qui est la plus fréquente, la plus courante, la plus connue, c'est celle où un citoyen a un litige, un conflit avec un autre citoyen – que ce citoyen-là soit une personne physique ou une personne morale, une compagnie, ça revient au même – et, on est habitué, ça se tranche devant ce que l'on appelle les tribunaux judiciaires. Les tribunaux judiciaires, c'est, au Québec, la Cour du Québec et/ou la Cour supérieure, qui sont deux cours de première instance. Par la suite, on a la Cour d'appel du Québec et, finalement, dans certains cas, il y a la Cour suprême du Canada, qui est l'étape ultime dans les décisions possibles. Ça, c'est les relations entre les citoyens.

Au Québec, nous avons choisi, il y a plusieurs années, de dire que, lorsqu'un citoyen fait une demande à l'État, que ce soit un permis qu'il demande, que ce soit une indemnité, que ce soit une prestation ou une demande de ce type... Donc, on est en présence d'une relation citoyen-État, où un représentant de l'État, un agent, prend une décision d'accepter ou de refuser. Quand il y a un conflit dans cette relation-là, nous avons décidé, au Québec, d'organiser ça de manière différente pour trancher ces litiges. Nous avons fait en sorte qu'il y ait différents organismes spécialisés dans le domaine, en particulier pour que ces organismes-là, avec des personnes nommées en raison de leur connaissance du milieu, de leur spécialisation du milieu de la loi, puissent rendre des décisions les plus éclairées possible. Donc, on a ce qu'on appelle des tribunaux administratifs ou des organismes administratifs chargés de rendre des décisions. Et c'est ce volet-là seulement que le projet de loi n° 130 vise à discuter.

(12 h 40)

Dans les organismes administratifs, on a quand même des règles que l'on doit suivre. Et, de plus en plus, à l'usage, les avocats ou les personnes se présentant devant les organismes ont eu tendance à ce qu'on appelle judiciariser, c'est-à-dire faire en sorte qu'on se comporte devant ces organismes de la même manière que l'on se comporte devant les tribunaux. Bref, de réintroduire les tribunaux judiciaires dans les tribunaux administratifs.

M. le Président, il est possible, dans beaucoup de circonstances, de rendre une décision en respectant les règles de droit applicables en ne procédant pas de manière judiciaire. Il est possible de fonctionner de manière administrative et rendre une décision de qualité, de première instance qui est correcte. Et c'est donc un premier processus que vise le projet de loi: faire en sorte que, dans les différents organismes, on distingue bien ce qui est de la nature d'une décision administrative par opposition à une décision qu'on va qualifier non pas de judiciaire, mais de quasi judiciaire et où les règles que l'on suivra seront différentes. Dès lors, on aura nettoyé dans l'ensemble des organismes gouvernementaux la manière d'agir.

Parce que, il faut bien le dire, une personne qui se dirige maintenant devant un quelconque organisme de l'État n'est vraiment pas sûre de la manière de faire parce que dans certains cas on procède d'une façon, dans d'autres cas on procède d'une autre façon, des fois c'est un mélange des deux, des fois la composition de l'organisme ne respectait pas certaines règles. De sorte qu'on a un genre de situation que j'ai déjà qualifiée de fouillis. Et le projet de loi vise à corriger, à redresser cette situation-là. Je faisais référence dans mon discours l'autre jour que, lorsque j'étais étudiant à la Faculté de droit, déjà on parlait de cette réforme.

Effectivement, M. le Président, ça fait au-delà de 25 ans que tout le monde au Québec veut avoir une réforme dans la justice administrative. Il y a eu quatre rapports qui ont été déposés sur cette question-là, et le dernier en liste, c'est celui qui avait été demandé par le gouvernement du Parti libéral, c'est le rapport Garant, suite à l'échec d'un projet de loi qui portait le numéro, si je ne me trompe pas, 105, et ça, c'est avant 1994. Et, lorsque je suis arrivé au ministère de la Justice, un mois après, le rapport Garant était déposé et j'ai donné suite, par le projet de loi à l'étude, aux principales recommandations de ce rapport. Et la pierre d'assise de ce rapport, c'était, comme je viens de le dire tantôt, la déjudiciarisation. Donc, c'est d'abord ça que vise à faire le projet de loi.

Le deuxième, c'est de faire en sorte qu'il y ait l'équivalent – je sais que le mot est galvaudé, mais quand même c'est important – d'un guichet unique, faire en sorte qu'on ait un seul endroit où les personnes qui veulent faire réviser une décision qui a été rendue par un organisme administratif puissent aller pour se faire entendre. Autrement dit, aller dans ce qu'on appelle l'équivalent d'un appel devant le Tribunal administratif – on utilise déjà le terme «le TAQ» – se rendre devant le Tribunal administratif. Il y aura donc, M. le Président, un seul organisme avec différentes sections qui vont regrouper l'ensemble ou la plupart des organismes administratifs, pour faire en sorte que tout le monde sache où aller.

Le TAQ va regrouper les personnes qui actuellement agissent aux différents niveaux des différents organismes, et ils vont travailler dans des sections. Donc, nous allons conserver leur spécialisation, nous allons conserver leur compétence, mais nous allons les regrouper sous un chapeau unique qui sera le Tribunal administratif du Québec. C'est le deuxième projet, le deuxième élément important du projet de loi: faire en sorte que le citoyen n'ait pas à courir et n'ait pas à se préoccuper de savoir à quel endroit il doit se rendre pour protéger ses droits. Il y aura un guichet unique qui sera le Tribunal administratif du Québec.

Ceci implique aussi, bien sûr, que ce Tribunal aura des règles de procédure et de preuve qui seront sensiblement les mêmes, alors qu'aujourd'hui les différents organismes fonctionnent de manière extrêmement diverse, je dirais même disparate, de telle sorte que soit l'individu, soit l'avocat qui le représente doit se questionner pour savoir de quelle façon procéder, à moins d'être lui-même un spécialiste de la matière. Bien sûr, on ne dira pas au spécialiste comment procéder devant un organisme, il le connaît. Mais ce n'est pas uniquement des spécialistes auxquels nous avons affaire; nous avons affaire à des citoyens et c'est important que ces citoyens-là sachent exactement comment procéder. Donc, il y aura des règles de procédure, de preuve qui seront élaborées par l'organisme et qui seront connues par tout le monde.

Troisième aspect de la question, c'est le statut des membres de ces différents organismes. On a actuellement une centaine d'organismes différents où les membres qui les composent sont nommés par le gouvernement. Aujourd'hui, au moment où l'on se parle, en matière de nomination des membres des différents organismes, il n'y a absolument aucune règle qui existe. Nous sommes en face d'une discrétion absolue de l'Exécutif, c'est-à-dire du Conseil des ministres. Personne ne peut dire: Voici la règle que l'on doit suivre. Personne. C'est l'Exécutif qui décide de nommer M. ou Mme Unetelle comme membre de l'organisme, et personne n'a rien à dire. C'est une discrétion absolue.

M. le Président, on a fait depuis quelques jours des remarques de tout genre disant que ce que le projet de loi proposait, c'était de pouvoir faire du patronage. M. le Président, je le dis en tout respect et sans aucune agressivité, c'est exactement ça que le projet de loi veut corriger. Le projet de loi veut faire en sorte que ça ne soit plus la discrétion absolue de l'Exécutif, mais, au contraire, une série de règles que l'Exécutif, avant de nommer, devra suivre.

Je donne un exemple très précis. Dorénavant, lorsqu'un poste sera disponible à un organisme – que ce soit au TAQ, mais avec chacune des directions dont je viens de parler – il faudra, pour remplacer cette personne-là, faire un avis public de concours. Ça n'existe pas actuellement. Il y aura un avis comme quoi le poste untel est à pourvoir et les personnes qui veulent l'occuper devront transmettre leur candidature à un comité de sélection formé de personnes de l'Exécutif, de quelqu'un de l'organisme où on s'en va et d'une personne autre, neutre. Autrement dit, si je veux poser ma candidature, je dois l'adresser à une personne pour que le comité de sélection, qui n'existe pas actuellement mais qui va exister dorénavant, puisse, à une date donnée, rencontrer tous les candidats et les candidates pour dire: Voici les personnes – pas la – qui sont aptes à occuper le poste à pourvoir. Il y aura également des exigences de connaissances pertinentes au métier à occuper éventuellement. Autrement dit, ce n'est pas n'importe qui qui va pouvoir se présenter pour n'importe quel poste. Il devra avoir 10 ans d'expérience pertinente à la fonction à occuper.

Alors, ça donne déjà, M. le Président, quelque chose de tout à fait différent de ce qu'on connaît aujourd'hui, où la personne qui n'a jamais travaillé dans ce domaine peut être nommée par l'Exécutif sans aucun concours. Ça m'apparaît un changement majeur et qui justement fait en sorte qu'on ne peut pas, comme le font les gens de l'opposition, prétendre que c'est du patronage. On l'enlève, cette possibilité de patronage, en faisant l'avis de concours et en faisant le comité de sélection.

Que fait le comité? Il entend toutes les parties et il dit, après avoir entendu ça: Pour occuper le poste, parmi les 30, 40, 50, 60 personnes qui ont posé leur candidature et que nous avons rencontrées – imaginons une hypothèse – il y en a huit qui sont aptes à être nommées ou il y en a quatre qui sont aptes à être nommées. Donc, ce comité de sélection fait rapport à l'Exécutif et dit: Vous avez demandé de pourvoir un poste, voici la liste des personnes que nous avons étudiées qui sont compétentes pour faire la job. Et, à ce moment-là, M. le Président, l'Exécutif nomme la personne. Alors, on dit que c'est du patronage, M. le Président, c'est le contraire. Excusez-moi, monsieur.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Justice, j'aimerais que vous n'employiez plus le mot «patronage», là, qu'on vous accuse de patronage, parce qu'on a demandé aux gens de ne pas l'employer. Alors, vous savez quelle autre expression on a employée, ça, vous pouvez y référer. On ne veut pas partir un débat à savoir si, oui, on a du patronage. C'est pour ça que je vous demanderais de ne plus employer ce mot-là et d'employer un autre mot qu'on a déjà utilisé en cette Chambre et qui avait été déclaré parlementaire, celui-là.

(12 h 50)

M. Bégin: Vous avez tout à fait raison, M. le Président, je m'en excuse. Alors, il n'y a pas de nomination partisane.

Donc, on aura la possibilité de nommer des personnes à des postes après avoir traversé ce processus-là. C'est l'envers de ce que l'opposition essaie de nous faire croire depuis un certain temps. D'autre part, au moment de l'expiration du mandat d'une personne, le même processus sera mis en place pour voir si on doit renouveler cette personne à ce même poste ou si, au contraire, cette personne-là ne devrait pas être renouvelée. M. le Président, le même processus que je viens de décrire s'appliquera aux renouvellements. Nous avons donc des concours publics où tout le monde va pouvoir poser sa candidature et où on pourra dire que, justement, on a choisi la personne la plus compétente parmi un ensemble de personnes jugées compétentes pour occuper le poste.

Quatrièmement, on crée par ce projet de loi un conseil de la justice administrative, qui vise à régler des questions de déontologie, de discipline et aussi de perfectionnement des membres des tribunaux administratifs. M. le Président, il est important de s'assurer que la justice soit rendue en toute circonstance de la meilleure des façons. Si, pour une raison ou pour une autre, une personne qui occupe une fonction administrative et qui est appelée à rendre une décision ne respecte pas la déontologie ou encore commet un acte d'indiscipline, il faut qu'il y ait un organisme chargé de la sanctionner. Ce Conseil de la justice administrative sera justement cet organe qui sera capable d'entendre les plaintes et de faire les recommandations qui s'imposent dans les circonstances.

M. le Président, on a fait beaucoup état d'une opposition au projet de loi. L'opposition est basée sur le fait qu'il n'y a pas d'appel et, d'autre part, que les mandats sont à durée déterminée, et qu'il faudrait soit qu'on donne l'appel ou bien que les mandats soient à durée indéterminée, c'est-à-dire à vie, sinon, dit-on, il y aurait possibilité de contestation de l'organisme qui est le TAQ.

M. le Président, j'aimerais dire quelque chose là-dessus. Tout d'abord, on prétend que tout le monde est d'accord sur le fait qu'il y ait un appel. Moi, j'ai ici une lettre de l'Association des juges administratifs de la Commission des affaires sociales, signée par son président, datée du 20 novembre 1996, dans laquelle on dit: «Cette orientation déjà retenue par le projet de loi apparaît nettement la plus appropriée» – c'est-à-dire qu'il n'y ait pas d'appel ou, autrement dit... «Par la présente, les membres de notre Association souhaitent réitérer leur accord avec le principe selon lequel le Tribunal administratif du Québec agira comme tribunal de dernier recours.» Ceci veut dire, en clair, M. le Président, qu'il n'y ait pas d'appel de la décision rendue par le TAQ, tel que le prévoit le projet de loi. Donc, la présidence de cette Association-là, M. Wurtele, dit: Nous sommes d'accord qu'il n'y ait pas d'appel. Et ils disent ceci: «C'est la seule [solution] compatible avec l'objectif fondamental du projet de réforme, lequel vient affirmer la spécificité et la spécialisation de la justice administrative. Un appel des décisions du TAQ nierait la spécificité du nouveau tribunal, et de la justice administrative en particulier. À toutes fins utiles, ce serait assujettir le tribunal à la tutelle totale des tribunaux judiciaires plutôt que de consolider et de confirmer le principe de l'autonomie de la justice administrative. Il est à noter que le TAQ regroupera des adjudicateurs hautement spécialisés en droit administratif et d'autres disposant de formations professionnelles garantissant une justice spécialisée.»

Et là il ajoute que ceci permettra d'éviter des pièges, dont le piège des délais, le piège des coûts, le piège de la multiplication des instances, le piège de l'incohérence.

M. le Président, ce n'est pas le ministre de la Justice qui présente le projet de loi qui dit ça, c'est le président de l'Association des juges administratifs de la Commission des affaires sociales, le principal organisme administratif qui sera inclus dans le TAQ comme tel.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: ...le ministre de la Justice de déposer la lettre? Comme ça, tout le monde pourra voir qu'il vient de faire une lecture très sélective.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre, vous pouvez... Il pourrait déposer puis, à ce moment-là...

M. Bégin: Si je la dépose présentement, je ne l'aurai plus entre les mains, je ne pourrai plus lui en parler.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, est-ce que, M. le ministre... Le règlement dit que vous pouvez la déposer dans un seul cas, ou que vous pouvez refuser si ça va contre l'intérêt public. Alors, c'était pour... Alors, je vous rappelle le règlement. Quand vous aurez terminé la citation, vous pourrez la déposer.

M. Bégin: Ça me fera plaisir, M. le Président, et on pourra voir que ce qu'on mentionne comme étant une lecture sélective, ce sera... On verra les titres que j'ai mentionnés. C'est: «le piège des délais» – c'est un autre titre – «le piège des coûts» – un autre titre – «le piège de la multiplication des instances». Mais, comme je ne veux pas faire une lecture longue, j'ai juste pris les titres donnés, par l'auteur de la lettre, à des chapitres importants.

Alors, M. le Président, le président de l'AJACAS dit: «Par ailleurs, la compétence et la qualité des décisions de la Commission dans ses champs de compétence ont été à plusieurs reprises reconnues par les tribunaux supérieurs et en particulier par la Cour suprême du Canada.» M. le Président, donc, l'Association des juges administratifs de la Commission des affaires sociales dit: C'est très bien, ce qu'il y a dans le projet de loi, pas d'appel prévu.

J'ai également l'Union des municipalités du Québec, qui me transmet...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Bégin: Oui?


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le texte dont vous venez de parler, si vous voulez le déposer, s'il vous plaît, selon la demande. Parce qu'on ne veut pas déposer tout votre discours et tout ça. On fait le dépôt. Alors, M. le ministre, très bien.

M. Bégin: Alors, je disais donc que l'Union des municipalités du Québec me transmet aujourd'hui même une lettre – je vais la lire, elle est très courte, et je vais la déposer pour enlever les angoisses du député de Chomedey – qui se lit comme suit...

M. Mulcair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey, question de règlement.

M. Mulcair: Oui, M. le Président, les membres de l'opposition sont habitués aux propos disproportionnés et toujours déplacés du ministre de la Justice, mais je lui demanderais de bien...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Brièvement, M. le leader du gouvernement, brièvement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que le député de Chomedey a l'épiderme sensible. Je ne sais pas s'il y a des propos que tient le ministre de la Justice qui l'atteignent, mais je pense que le débat était bien parti. Le ministre de la Justice est en train de faire son intervention. J'invite le député de Chomedey à un peu plus de retenue et, comme on dit par chez nous, à respirer par le nez.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez. J'ai tout entendu. Je pense que j'ai à peu près ce qu'il faut pour intervenir sur cette question-là. Alors, M. le ministre de la Justice a employé les mots «avoir des angoisses». Personnellement, je ne crois pas que ça tombe sous l'une des catégories de mots de l'article 35. Je ne vois pas en quoi je pourrais lui faire retirer ses paroles, parce qu'on serait amené très fréquemment à devoir retirer des paroles. M. le ministre, je vous demanderais de terminer.

M. Bégin: Je disais donc que j'ai reçu aujourd'hui même une lettre de l'Union des municipalités du Québec, qui dit: «Objet: amendement au projet de loi n° 130. M. le ministre, l'Union des municipalités du Québec a pris connaissance d'un projet d'amendement au projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, qui a pour effet d'ajouter une section 9. L'ajout de cette section permet, sur permission d'un juge, d'interjeter appel à la Cour du Québec des décisions rendues par la section des affaires immobilières. L'UMQ veut vous manifester sa satisfaction à l'égard de ce projet d'amendement qui rencontre deux des objectifs de l'Union, soit la protection des droits des citoyens et une justice administrative moins formelle et plus efficace. Je vous prie, M. le Président, d'agréer...», etc. C'est le directeur général, Raymond L'Italien. Alors, je dépose cette lettre, M. le Président.

Ce que nous voyons, c'est que...


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Document déposé.

M. Bégin: Déposé.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il vous reste à peu près une minute avant 13 heures, M. le ministre, à moins que vous puissiez poursuivre par la suite.

M. Bégin: Je vais terminer et je reprendrai plus tard. Alors, ce que l'on voit, M. le Président, c'est que, dans un secteur d'activité où il y avait déjà des droits d'appel prévus, les amendements que j'ai déposés réinsèrent ces appels possibles devant la Cour du Québec. Mais nous avons aussi, de l'autre côté, dans le cas où il n'y avait pas d'appel... Je viens de déposer le document de l'association des juristes de l'État travaillant en matière d'affaires sociales, à l'effet qu'ils ne voulaient pas qu'il y ait d'appel. Et, justement, le projet de loi prévoit qu'il n'y a pas d'appel. Donc, dans les deux domaines, d'un côté où on voulait qu'il y ait un tel appel, il est accordé; et, là où les gens ne veulent absolument pas entendre parler qu'il y ait un appel, il n'y aura pas d'appel. Il s'agit là d'un ajustement à la situation.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Une voix: Trop tard.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Monsieur, quand nous sommes vis-à-vis l'aiguille, nous voyons qu'il reste encore au moins 30... Parce qu'on n'a pas la même perspective d'où vous êtes. Je comprends que, de votre perspective... Il reste une minute, oui. Maintenant, M. le ministre, je vous dis ceci: Je dois vous arrêter dans une minute, et votre temps de parole non écoulé, si vous voulez le poursuivre plus tard, libre à vous. Je dois vous le dire actuellement pour ne pas avoir d'ambiguïté sur ce que j'ai dit tantôt. Alors, il vous reste 30 secondes.

M. Bégin: J'aurais volontiers continué plus longtemps, mais je pense qu'il va être sage que le député de Chomedey aille respirer de l'air un peu. Je pense qu'il ne se sent pas... Ça fait déjà quatre fois qu'il m'interrompt dans mon discours, et, s'il fallait que, lorsqu'il parle, je réagisse comme il le fait, je serais toujours debout parce que c'est continuellement des insinuations, des accusations qui sont portées. Alors, M. le Président, je lui demande d'aller prendre une grande marche à l'heure du dîner pour se calmer, pour être capable de nous écouter cet après-midi.

Des voix: Voilà.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Étant donné l'heure, il est 13 heures, je suspends nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 15)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous reprenons les affaires du jour. Alors, l'Assemblée reprend le débat sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, ainsi que sur les amendements transmis par M. le ministre de la Justice et les amendements transmis par M. le député de Chomedey en vertu de l'article 252 de notre règlement. À la suspension, à 13 h 10, le ministre de la Justice avait la parole. M. le ministre, je vous avise qu'il vous reste sept minutes pour compléter votre intervention. M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Vous vous rappellerez, quand on a quitté, à 13 heures cet après-midi, je faisais une recommandation au député de Chomedey d'aller peut-être prendre une marche sur l'heure du dîner, et je dois dire que j'ai constaté moi-même que ma recommandation avait été suivie, puisque, au lieu d'emprunter la porte 6 venant du G, il a continué jusqu'en avant. Alors, je pense que ça devrait aider à la sérénité de nos débats cet après-midi.

Ceci étant dit, il restait à aborder une question importante, soit celle de l'appel. J'en avais parlé en disant que l'UMQ était satisfaite de voir que, sous certains aspects, en matière immobilière, un appel qui existait antérieurement était maintenu. Je rappelle que c'était pour le Tribunal de l'expropriation, que c'était pour le Bureau de révision de l'évaluation foncière, le BREF, et pour la Commission de protection du territoire agricole. Donc, ces appels seront maintenus. Par contre, en matière d'affaires sociales, conformément à la recommandation des présidents de l'organisme, il est convenu de ne pas avoir d'appel dans ces matières et ils se déclaraient également satisfaits.

Cependant, ce pourquoi je veux parler de l'appel, c'est qu'on nous a fait valoir pendant longtemps – le Barreau et l'opposition – qu'il fallait absolument qu'il y ait un appel généralisé ou qu'il y ait des personnes nommées pour des périodes indéterminées, c'est-à-dire à vie, s'il n'y avait pas d'appel. Ceci a été bâti en dogme par l'opposition en faisant obligatoirement le lien entre les deux: s'il n'y en avait pas un, il fallait que l'autre existe. M. le Président, j'ai prétendu depuis le début qu'il n'y avait pas de lien entre ces deux données et je pense que la Cour suprême du Canada vient de confirmer cette hypothèse que nous avions énoncée depuis le début. Non seulement nous l'avions énoncé, mais nous l'avions inscrit dans la loi. C'est important de référer à cette décision-là, parce que, le matin même où le jugement a été rendu, on nous demandait de suspendre nos travaux en disant: Cette décision va régler le problème, cette décision va porter sur cette question-là, il faudrait donc que nous suspendions nos travaux pour la lire.

Le jugement a été rendu, nous en avons pris connaissance et nous devons dire que, malheureusement pour le député de Chomedey, la Cour suprême lui a donné tort. La Cour suprême a déclaré que ce n'était pas exact qu'il y avait un lien entre les deux. La Cour suprême lui a dit que ce que nous avions fait dans le projet de loi était correct. Et comment l'a-t-elle dit? Je sais que la cause ne portait pas sur le projet de loi n° 130, on conviendra de ça. Cependant, la problématique soumise à la Cour suprême dans la cause du bistro-bar La Petite Maison portait justement sur les questions que nous soulevons, par exemple, et elle s'appliquait à ce dossier en particulier qui était soumis à la Cour suprême.

En bref, une décision avait été rendue par la Régie des alcools, des courses et des jeux enlevant un permis à quelqu'un, et cette personne a contesté le pouvoir de la Régie de se comporter comme elle l'avait fait et a contesté également son existence même en disant qu'elle n'était pas conforme à la loi. Je donne des mots simples pour ne pas complexifier inutilement le débat. Alors, la Cour suprême a dit deux choses en terminant, en rendant sa décision: d'une part, qu'elle annulait la décision qui avait été rendue, parce que, dans ce dossier-là, la manière de faire n'était pas conforme à la loi. Donc, sur le cas particulier, elle a dit: Effectivement, les propriétaires du bistro-bar La Petite Maison ont raison, la Régie ne s'est pas comportée de manière conforme à la loi, et, en conséquence, on doit annuler la décision. Mais la Cour suprême s'est également penchée sur l'institution, la Régie, quant à son existence et à certains aspects de cette Régie-là.

Entre autres, il faut se rappeler que, dans les faits concrets, la Régie est composée de membres qui sont nommés pour une période de cinq ans, que le mandat de ces personnes, en vertu de la loi, est renouvelable. Donc, on est en présence d'une situation où on a des gens qui sont nommés pour une période déterminée, courte et renouvelable. Je vous souligne que, dans le projet de loi, nous prévoyons que les membres du Tribunal vont être nommés pour des périodes fixes de cinq ans et que ces périodes sont renouvelables. Donc, on est dans une situation analogue à celle où se trouvait la Régie qui était contestée. Je le rappelle, il y avait la cause, la décision, les faits, mais il y avait également l'institution, la Régie qui était contestée. Alors, on a une situation analogue à ce que nous avons dans le projet de loi. La Cour suprême a dit: Aucun problème avec ça.

(15 h 20)

Mais ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est que, dans le cas de la Régie, il n'y avait pas d'appel possible. La décision était rendue comme étant finale, sans appel. Et là on se retrouve avec la possibilité... Il y a une chose assez spéciale, c'est que, même s'il n'y a pas d'appel, on s'est retrouvé devant la Cour supérieure en appel, devant la Cour d'appel en appel de la première décision et devant la Cour suprême en appel des deux autres antérieurement. Comment ça peut se faire? C'est qu'en droit au Québec, compte tenu de la Constitution, même si une décision est finale et sans appel et que c'est un tribunal inférieur, la Cour supérieure a toujours compétence, et c'est une procédure particulière qui s'appelle le «bref d'évocation», la «requête en évocation», toujours possibilité de réviser cette décision-là. C'est exactement ce qui avait été fait dans le cas du bistro-bar Petite Maison. Effectivement, même si la décision de la Régie était finale et sans appel, on est allé devant la Cour supérieure, devant la Cour d'appel et devant la Cour suprême, qui a effectivement renversé, cassé la décision rendue par la Régie.

Alors, c'est un recours qu'on ne peut pas enlever. Il est toujours là en vertu de la loi. Il doit rester là, on ne peut pas l'enlever. Mais on peut mettre qu'il est sans appel, parce que, là, on suivrait un autre chemin qui serait: appel devant la Cour du Québec, appel de la Cour du Québec à la Cour d'appel. Vous voyez, M. le Président, que ce n'est pas le même chemin. C'est des questions, je dirais, d'avocats, mais c'est important de dire que ça ressemble à notre situation pas seulement récente, c'est exactement notre situation.

Donc, la cour a annulé mais a dit, concernant les appels: Même si cette cause-là est sans appel, c'est parfaitement correct comme institution. Donc, nous retrouvons quoi dans la décision? Deux choses. Et je vais vous lire les passages pertinents, parce que ce n'est pas une interprétation que je fais, mais c'est vraiment une compréhension de la loi elle-même. On retrouve deux choses. Un: que, même s'il n'y a pas... Et il n'y a pas d'appel. Je lis, à la page 21 du jugement, le paragraphe 36: «Enfin, la décision de révoquer le permis au motif d'atteinte à la tranquillité publique découlera de l'application d'une norme préétablie à des faits particuliers auparavant mis en preuve...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre, votre temps est maintenant établi. En conclusion.

M. Bégin: ... – oui – et constituera un jugement final protégé par une clause privative.» Et, à la page 40, je termine, M. le Président – c'est deux lignes – de la manière suivante quant à l'appel: «Les conditions d'emploi des régisseurs se conforment à mon avis aux exigences minimales d'indépendance. Celles-ci – ces conditions minimales d'indépendance – ne requièrent pas que tous les juges administratifs occupent, à l'instar des juges des tribunaux judiciaires, leur fonction à titre inamovible. Les mandats à durée déterminée, fréquents, sont acceptables.» C'est exactement ce que nous retrouvons dans le projet de loi. M. le Président, la Cour suprême confirme que nous avons une bonne approche. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey, critique officiel de l'opposition, vous avez un temps de parole de 30 minutes. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est toujours un plaisir d'entendre le ministre de la Justice et Procureur général du Québec changer d'avis. Aujourd'hui, on l'entend non seulement appuyer l'autorité de la Cour suprême mais dire qu'un jugement de la Cour suprême est bon. Et ça vient étayer et soutenir ses erreurs et ses gâchis, pour reprendre les termes des journaux.

Rappelons que c'est le même ministre de la Justice et le même Procureur général qui a déjà dit que, lui, il allait faire fi de la Cour suprême, il n'avait pas besoin d'écouter les jugements de la Cour suprême. C'est le même, M. le Président. C'est important de rappeler ça à tout le monde qui nous écoute, après avoir entendu ce ministre de la Justice et Procureur général.

M. Bégin: Question de règlement. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Je mentionne que je n'ai jamais dit que je ferais fi des jugements de la Cour suprême, j'ai mentionné autre chose, et ce n'est pas les paroles que j'ai utilisées. Je respecte la Cour suprême, les décisions qui sont rendues. J'ai soumis, en tant que Procureur général, que certaines décisions n'étaient pas du ressort des tribunaux et je maintiens toujours qu'il en est ainsi. Mais je respecte les décisions de la Cour suprême.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice, pour ces précisions. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Non seulement c'est plaisant d'entendre le ministre se contredire à quelques secondes d'intervalle, mais c'est aussi une joie pour tout juriste de la province de Québec de constater à quel point ce ministre de la Justice est capable de tenter de faire une distinction là où il n'y a pas de différence.

En effet, M. le Président, ce que le ministre de la Justice et Procureur général du Québec vient de nous confirmer, c'est que, justement, il ne considère pas qu'il a besoin d'écouter la Cour suprême lorsqu'il s'agirait de questions constitutionnelles. C'est ça que le ministre de la Justice et Procureur général du Québec vient de nous confirmer ici, dans cette Chambre. Et je pense qu'il y a beaucoup d'avocats dans la province qui vont être très étonnés de ça, voire même portés à analyser ces propos à la lumière de notre code de déontologie.

M. le Président, je dois vous dire qu'on a véritablement la chance de vivre dans une société libre et démocratique, ici, au Québec. On a, au Québec, une chance qui ne revient qu'à une infime minorité de gens sur la planète. Nous avons ici des institutions, dont cette Assemblée fait partie, des institutions qui garantissent le respect de nos droits, qui assurent le maintien de l'ordre, qui veillent à la protection du public et de ses intérêts et qui sont justement la garantie du fait que, à quelques exceptions près, c'est la primauté de droit qui va exister dans notre société.

Lorsqu'on évoque les institutions d'une société démocratique, M. le Président, on pense effectivement aux différents ordres et paliers de gouvernement, comme le législatif, cette Assemblée, les membres élus qui viennent, qui débattent, qui discutent, qui sont, plus souvent que d'autre chose, en désaccord sur les projets de loi. C'est la nature même de notre système parlementaire. On peut aussi penser à ce qu'on appelle le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le gouvernement proprement dit. Beaucoup de gens disent souvent: Telle loi a été adoptée par le gouvernement. En fait, techniquement, le gouvernement n'adopte pas des lois, c'est le Parlement qui adopte des lois. Le gouvernement, c'est le Conseil des ministres, le lieutenant-gouverneur en conseil, si on veut. Et, évidemment, il y a le judiciaire. Il y a les juges qui sont appelés à appliquer les lois qui ont été adoptées ici, dans l'Assemblée nationale, et sanctionnées par le lieutenant-gouverneur. Autant, donc, de niveaux, d'institutions qui garantissent nos droits.

Et, même si on parle souvent du besoin d'assurer une certaine division entre ces différents paliers, il est évident, vu qu'on vient d'en faire la nomenclature, qu'il y a souvent des liens entre les différents paliers. Ce sont des membres de ce Parlement qui sont généralement les membres du Conseil des ministres. C'est le Conseil des ministres qui nomme les juges, et ainsi de suite. Donc, il y a toujours une relation continue parmi les différents éléments du pouvoir, des institutions dans notre société, et c'est très bien ainsi.

En matière de loi, parce que le ministre de la Justice et Procureur général se considère sans doute un homme de loi... Son gouvernement aussi doit considérer que c'est un homme capable de faire des lois et de veiller à cet important aspect du pouvoir et du devoir gouvernemental, malgré le fait que le ministre ait déjà dit qu'il ne fallait pas s'attendre à ce qu'un ministre de la Justice lise les lois avant de les voter. Il a déjà dit ça ici, dans cette Chambre. Je m'attendais à ce qu'il se lève pour essayer de nier celle-là, mais, vu que c'est dans les «transcripts» de l'Assemblée nationale, ça aurait été assez difficile pour lui de le nier.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Question de règlement, M. le Président. Remarquez cette nuance qui est très intéressante: Le ministre aurait dit qu'il ne lit pas les lois. Mais ce que j'ai bel et bien dit à l'époque, c'était que je ne lisais pas toutes les lois, et c'est toute la différence, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, pour la poursuite de nos débats cet après-midi, je vous inviterais à lire l'article 212 de notre règlement. M. le ministre de la Justice, je vous inviterais à lire l'article 212 de notre règlement: «Propos mal compris ou déformés. Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé» ou sur les propos qu'il a tenus. Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion, ni susciter de débat.»

(15 h 30)

Alors, pour le déroulement de nos travaux cet après-midi, s'il y a d'autres propos sur lesquels vous devez donner des explications, à ce moment-là je vous entendrai après que le député de Chomedey aura terminé son allocution.

Alors, M. le député de Chomedey, soyez sûr que nous prenons en considération le temps que nous allons ajouter à votre allocution. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président, notamment pour la partie de votre décision qui concerne le temps de parole. Donc, je disais qu'on avait devant nous un ministre de la Justice qui, en toute candeur, dans cette Chambre, il y a plus d'un an, a avoué qu'il ne lisait pas toutes les lois. Et je vous avoue, M. le Président, que je le remercie encore une fois de nous avoir aidés dans notre démonstration, parce que, plutôt que d'infirmer ce qu'on était en train de dire, quand il va relire les «transcripts» il va bien se rendre compte que c'est précisément le sens de ce que, nous, on venait de dire.

Mais c'est assez formidable, M. le Président, c'est lui qui, de par sa fonction, ministre de la Justice, doit, au nom du gouvernement, veiller à toutes ces questions-là, s'assurer que les lois qui sont présentées sont correctes, etc. Il dit: Bien oui, j'ai voté une loi qui va expulser une de mes collègues membre du Conseil des ministres puis, «so what», je ne lis pas toutes les lois avant de les voter. Ça, c'est un aveu d'incompétence, vu de notre point de vue, M. le Président. Et c'est un avis, quant à l'incompétence du ministre, qui est partagé par une autre institution, dans notre société, qui joue un rôle clé à l'égard de l'adoption des lois, qui est là pour assurer la protection du public, je parle du Barreau du Québec.

Rappelons que le 4 décembre 1996, dans un premier temps, il y a une semaine exactement, le Barreau du Québec a écrit au premier ministre Lucien Bouchard pour lui demander de suspendre les travaux...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: L'article 35.1°, il est très clair: on ne peut désigner un député autrement que par son titre, même lorsqu'on fait une citation d'une lettre ou d'un journal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey, je vais vous demander de respecter en tout point notre règlement.

M. Mulcair: Oui, oui, je vais faire très attention. Ça m'étonne beaucoup d'entendre la députée de Terrebonne dire que le nom du premier ministre peut être antiparlementaire, mais je vais me plier à son exigence et je vais simplement parler du premier ministre du Québec, le premier ministre désigné, parce que le peuple ne l'a jamais choisi. Donc, le premier ministre désigné est celui qui était le récipiendaire, le destinataire de la lettre du Barreau du Québec du 4 décembre 1996.

«Objet: suspension des travaux de la commission parlementaire des institutions concernant le projet de loi n° 130 sur la justice administrative. M. le premier ministre, c'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.

«Le Barreau du Québec juge inconcevable...» C'est le Barreau qui le dit, et ça, juste pour restituer les faits, c'est une lettre qui a été écrite après la décision de la Cour suprême, que le ministre tente en vain d'interpréter d'une manière que seul lui est capable de comprendre comme lui donnant raison, malgré le fait que, dans la décision, la Cour suprême a cassé la décision de la régie des loteries et des alcools. Ça, c'est assez fabuleux.

«Le Barreau du Québec – donc – juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée – prématurée et inappropriée – l'adoption de cette réforme.» Donc, c'est assez rare de voir une lettre aussi carrée, aussi abrupte, aussi ferme de la part du Barreau, mais ils se sont dit: Bon, devant l'impossibilité de faire voir raison au ministre de la Justice, on va écrire directement au premier ministre, qu'on ne nommera pas pour ne pas offusquer la députée de Terrebonne.

«Où est l'urgence à adopter, avant les Fêtes, le projet de loi n° 130? En outre, compte tenu des interactions très étroites entre le projet de loi n° 130 et l'avant-projet de loi d'application, il conviendrait d'attendre d'avoir une idée plus précise de la loi d'application avant d'adopter la loi-cadre. En effet, plusieurs dispositions de la loi d'application affecteront et préciseront la portée de nombreuses dispositions du projet de loi n° 130, notamment en ce qui a trait à la juridiction du Tribunal administratif du Québec.

«En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130. Dans l'attente d'une réponse favorable...», etc.

M. le Président, les membres de cette Assemblée nationale ont été à même de constater le mépris – c'est le seul mot qui peut être utilisé – qu'entretient le ministre de la Justice à l'égard de cette importante institution qu'est le Barreau du Québec, car non seulement il n'a pas donné suite à la demande du Barreau de surseoir à l'adoption du projet de loi n° 130, mais il a poussé l'audace cette semaine... Puis on a été capable hier, à la période de questions, de le citer textuellement, le ministre de la Justice du Québec, utilisant des grossièretés. C'est lui qui a dit en ondes – et on l'a répété en Chambre – que ce sont les avocats qui ont «foqué» le système d'aide juridique. Ce sont les propos du ministre de la Justice de la province de Québec, l'avocat qui est chargé d'appliquer les lois, de veiller au respect de nos institutions. Il a utilisé des termes absolument grossiers pour qualifier le travail de protection du public que faisait le Barreau dans le dossier d'aide juridique.

Mais il y avait plus, M. le Président. Le même ministre de la Justice et Procureur général y est allé d'une manière totalement démagogique en disant que le Barreau avait, selon lui, des motifs inavoués. Vous voyez, c'est une stratégie de désespoir qu'avait employée le ministre de la Justice. À défaut de pouvoir défendre son projet de loi sur le fond, il y est allé par des accusations, des associations voilées, avec des motifs inavoués comme quoi le Barreau du Québec avait d'autres choses en tête en critiquant le projet de loi n° 130.

Aujourd'hui, le 11 décembre, le Barreau du Québec écrit à nouveau au premier ministre, et je cite: «M. le premier ministre, le ministre de la Justice a tenu, le 9 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, des propos qui tendent publiquement à remettre en question la bonne foi du Barreau dans le dossier de la réforme de la justice administrative. En somme, de l'avis du ministre, le Barreau s'opposerait à la réforme pour des motifs étrangers à son mandat de protection du public.

«Le ministre a déclaré en Chambre à cet effet – et ils ont cité le ministre: "On pourrait peut-être penser que l'opposition manifestée par le Barreau a d'autres motifs que ceux que nous connaissons et qui ont été énoncés. Le Barreau n'est pas prêt à cette réforme parce qu'elle a peut-être pour lui des implications au niveau de ses membres, au niveau des mandats qu'ils peuvent avoir, et je pense que c'est beaucoup plus ça qui le motive que des questions de fond du projet."»

Je cite le Barreau du Québec, M. le Président. Il ne faut pas oublier que non seulement on est face au ministre de la Justice et Procureur général, mais que celui-ci est en même temps – et c'est la première fois que ça arrive – le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. M. le président est notaire, il connaît ça; la Chambre des notaires, le Barreau et 41 autres professions sont régis aux termes d'une législation-cadre, le Code des professions, et de beaucoup de lois sectorielles. C'est le ministre qui est responsable de ça.

Écoutez bien, M. le Président, ce que dit en date d'aujourd'hui le Barreau du Québec, institué pour assurer la protection du public dans les matières qui sont de la compétence de ses 17 000 membres. Après avoir cité le ministre de la Justice, le Barreau du Québec dit ceci, et je cite textuellement: «De tels propos démagogiques et indélicats, tenus par surcroît par un ministre de la Justice, jettent du discrédit sur l'institution du Barreau et trahissent un sens peu développé des institutions.» Voilà ce que dit une des plus importantes corporations, un ordre professionnel du Québec, à propos de ce ministre de la Justice, ce Procureur général, ce ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

C'est ce que dit l'organisme qui représente les 17 000 avocats du Québec. Et, fort de leur analyse juridique du texte du projet de loi n° 130, on est à même de constater que c'est 17 000 contre un, que le ministre de la Justice est tout seul dans son coin à soutenir son interprétation du jugement de la Cour suprême, à prétendre que le public ne va pas perdre des droits avec l'adoption du projet de loi n° 130. Nous allons être capables cet après-midi de faire la démonstration catégorique que le public perd des droits avec l'adoption du projet de loi n° 130.

(15 h 40)

Le Barreau du Québec, toujours après la décision de la Cour suprême que le ministre tente d'utiliser pour se justifier, dit: «Initialement, le Barreau du Québec s'opposait à la réforme sur la justice administrative principalement pour trois raisons: l'atteinte aux droits fondamentaux prévus à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, le processus du renouvellement du mandat des membres du Tribunal administratif proposé et l'appel des décisions du Tribunal. Grâce notamment aux vigoureuses interventions du Barreau – vous me permettrez d'ajouter «et aux vigoureuses interventions de l'opposition» – formulées dans l'intérêt des citoyens et citoyennes du Québec, le ministre de la Justice a dû retirer son projet d'amendement à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui, s'il avait été adopté, aurait compromis le droit fondamental des citoyens de se faire entendre devant un tribunal impartial et indépendant face à l'administration.»

Ça, c'est très important de le comprendre. On n'est pas en train de parler de deux voisins qui se chamaillent devant un juge pour déterminer si l'un avait le droit de couper les branches de la haie qui sépare les deux maisons. On est en train de parler d'un citoyen face au gouvernement. C'est ça, le Tribunal administratif, comparé à un tribunal de droit commun ou à un tribunal civil. C'est un tribunal qui décide qui, entre vous et le gouvernement, a raison. Le ministre de la Justice pense – il est seul à penser ça – que c'est correct de nommer dans ce nouveau Tribunal là, qui va être le Tribunal administratif du Québec... Ça ne va pas être un organisme ponctuel, c'est le Tribunal qui regroupe le tout. Il pense qu'il peut nommer des gens qui vont être non renouvelés, qui vont avoir un statut précaire, qui vont avoir leur chèque de paie au bon vouloir du gouvernement. Il se trompe, M. le Président. Le Barreau lui donne tort, nous lui donnons tort, tous les experts qui ont regardé son projet de loi lui donnent tort là-dessus.

Le Barreau dit, en date d'aujourd'hui: «Au chapitre du renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs, la problématique n'est pas nouvelle et a été maintes fois dénoncée. L'indépendance passe notamment par un processus transparent de renouvellement des mandats. Il est inadmissible – selon le Barreau – que le renouvellement des mandats des membres d'un tribunal dépende de la discrétion du gouvernement, d'autant qu'en matière administrative – c'est ce qu'on vient de dire – le citoyen se retrouve à chaque fois confronté à l'État, au gouvernement. Le gouvernement procède encore, à ce sujet, selon nous, à une discrétion trop étendue.»

Le ministre se donne même le pouvoir, M. le Président, de décider du non-renouvellement pour un motif aussi éphémère que l'opportunité de pourvoir à leur remplacement et à la nomination de nouveaux membres. C'est loin d'être un critère que quiconque peut relier à la compétence ou à la capacité de faire le travail.

«Les dispositions du projet de loi n° 130 doivent donc être revues et bonifiées. Par ailleurs, dans l'intérêt des justiciables, le Barreau ne peut accepter qu'aucune décision du Tribunal proposé ne puisse faire l'objet d'un appel de plein droit à une cour de justice, d'autant plus qu'il n'est pas assuré que le statut des membres du Tribunal offrirait toutes les garanties nécessaires. L'appel partiel et sur permission, en matière d'expropriation, d'évaluation foncière et de protection du territoire agricole, proposé par le ministre, est insuffisant.»

C'est ce que le ministre a tenté de dire ce matin. Il a lu vite une lettre de l'Union des municipalités du Québec. Ils étaient pour avoir ces trois-là. Il dit: Bien, j'ai satisfait à l'Union des municipalités. Puis alors? Il y a 30 autres appels qui sont enlevés par son projet de loi qui brime les droits des citoyens. Et ce qui est vraiment intéressant, M. le Président, les seuls recours que le ministre remet dans sa loi, où il redonne le droit d'appel aux citoyens, c'est lorsqu'on est propriétaire. Lorsqu'on est assez riche pour être propriétaire d'un terrain et que ça concerne l'évaluation foncière, l'expropriation, la protection du territoire agricole, là, on va avoir le droit d'appeler devant un vrai juge. Quel exemple du virage à droite de ce gouvernement-là! Lorsqu'il s'agit du droit d'une personne de revoir, de porter en appel une décision concernant ses prestations d'aide sociale, plus rien, pas d'appel: Pas important, ce monde-là, on ne va pas s'en occuper, on s'en fiche. Nous, on va donner des droits d'appel aux gens qui sont assez riches pour avoir des propriétés, avoir des terrains. Eux autres, ils vont avoir plus de droits. C'est inadmissible.

«Comment le ministre justifie-t-il un appel exclusif dans ces secteurs et non dans d'autres?» Un peu plus délicat, la question du Barreau. Nous, on la pose carrément sur le terrain politique. C'est l'exemple, ça typifie le virage à droite qui est à son tour exemplifié par le ministre de la Justice et Procureur général, qui est beaucoup plus soucieux des machines, des appareils que des droits des citoyens. Les citoyens perdraient une trentaine de recours en appel devant les juges de la Cour du Québec. C'est ça qui existe à l'heure actuelle, M. le Président – c'est ca que le ministre veut enlever au monde ordinaire – qui offre des garanties d'indépendance et d'impartialité supérieures à celles prévues pour les membres du Tribunal administratif.

«S'il est vrai – ça, c'est le Barreau qui conclut – que de très nombreuses heures ont été consacrées en commission parlementaire à la réforme sur la justice administrative, il est aussi vrai que les intervenants ont été appelés à se prononcer sur une cible mouvante, sur des parties de réforme sans vision d'ensemble. Cette approche législative compartimentée, pour le moins peu transparente, permettait difficilement à l'ensemble des intervenants de se faire une idée claire et précise du projet gouvernemental.» Barreau du Québec, en date d'aujourd'hui, M. le Président.

Aussi, en date d'aujourd'hui, on a eu un exemple et on a tenté depuis ce matin de voir si, de mémoire vivante, quelqu'un dans cette Assemblée nationale avait déjà vu ce que le ministre de la Justice a fait dans ce projet de loi là, et on n'a pas été capable. On a fouillé, on a parlé avec plusieurs personnes, et personne n'a jamais vu, de l'histoire, de mémoire vivante du moins, de l'Assemblée nationale, ce que ce ministre de la Justice s'apprête à faire.

M. le Président, je disais au début qu'on a énormément de chance, qu'on est véritablement chanceux de vivre dans une société démocratique. Dans beaucoup plus de sociétés au monde, le mensonge, la démagogie, le double langage n'ont aucune barrière. Un gouvernement ne connaît pas d'institution démocratique pour réfuter le mensonge, pour rendre publiques les informations nécessaires pour prouver que des gens, dans un gouvernement, ont menti. La presse est muselée. Il n'y a pas les libertés que, nous, on prend pour acquises dans notre société. On a vu à quel point les institutions, dans notre société, vont être ébranlées si jamais cette réforme était adoptée et on a vu aussi comment une de ces importantes institutions, le Barreau du Québec, juge très sévèrement encore aujourd'hui le ministre de la Justice.

Avec un exemple, on va montrer à quel point c'est important d'avoir des institutions qui peuvent mettre au grand jour les manoeuvres d'un gouvernement comme celui-ci. En vrac, au début de la journée, on a reçu une pile d'amendements à la loi. On n'a pas le temps de les passer en revue, on est dans un processus de bâillon, de guillotine. Le ministre et son gouvernement, la majorité, s'apprêtent à museler l'Assemblée nationale en utilisant leur majorité ministérielle. Ils sont en train de faire fi des règles normales dans une démocratie pour faire passer, contre les règles normales de cette Assemblée, une loi pour laquelle même le Barreau du Québec, qui est le reflet de la protection de l'intérêt du public en matière de justice, est en train de dire: C'est épouvantable, vous n'avez pas le droit de faire ça.

Mais je vais vous donner un exemple de plus, M. le Président, de ce que ce ministre de la Justice et Procureur général est en train de faire. Lorsqu'on était en commission parlementaire, travaux qui ont été ajournés parce qu'on a cette motion de bâillon, le ministre a discuté avec nous et a échangé et il y a eu un bon débat. Le ministre a accepté la modification suivante proposée par l'opposition officielle. À l'article 5, on ajoutait un bout de phrase qui disait: Sous réserve des autres règles de droit qui lui sont applicables. Il n'y a pas beaucoup de monde qui va voir dans un bout de phrase comme ça des choses importantes, mais, quand on dit: Sous réserve des autres règles de droit, ça veut dire qu'on est en train de préserver, de garder, de conserver des droits. C'était important de l'ajouter là pour préserver les recours et les droits qui existent aux termes de ce qu'on appelle la «common law». Ici, au Québec – il en a été question beaucoup dernièrement... Il y a juste deux juridictions en Amérique du Nord qui ont le droit civil français: c'est le Québec et la Louisiane, aux États-Unis. On a donc le code Napoléon et sa version plus moderne, mais c'est la tradition civiliste qui s'applique ici.

En matière de droit public, on emprunte beaucoup à la «common law», c'est-à-dire que les décisions qui régissent une cause en évocation, justement, sont souvent issues des tribunaux tantôt d'Australie, tantôt d'Angleterre, de la même manière qu'une décision en droit civil peut être inspirée et régie par une décision d'un tribunal en Belgique ou en France. Ce sont deux familles de droit qui s'appliquent ici, au Québec.

(15 h 50)

Et on trouvait ça important et le Barreau aussi. Et l'ensemble des experts réunis dans un forum important à ce sujet, qui s'est tenu à l'Université de Montréal le 18 octobre, tout le monde a dit qu'il ne fallait pas que ce projet de loi là nous fasse perdre des droits. C'était correct de codifier certains aspects de la «common law», mais il fallait une phrase comme celle-là pour s'assurer que le public ne perdait rien là-dedans. Ce n'est pas par le fait qu'on prenait la peine de mettre par écrit certains de ces droits qu'on allait évacuer les autres, puis on avait peur que, par interprétation, ce soit le cas.

Quand on a relu cette modification pour le ministre de la Justice, M. le Président, il a dit ceci: C'est beau, en commission parlementaire le 30 octobre. Alors, à l'époque c'était le député de Bonaventure, il a dit: Alors, le projet de loi n° 130 est modifié par l'insertion, au début de l'article 5, des mots suivants... Et les mots, c'était «sous réserve des autres règles de droit qui sont applicables». Et – ça dit son nom, mais je vais juste appeler son titre – le ministre de la Justice a dit: Adopté. Proposé par l'opposition, le ministre de la Justice a dit: Adopté. J'ai dit, au début de cette partie de mon intervention, que personne, de mémoire vivante, à cette Assemblée nationale n'avait jamais vu ça.

Après avoir discuté, débattu dans l'institution de ce Parlement qui fait ce travail-là, une commission parlementaire, le ministre de la Justice a accepté. C'est là, dans un cadre où tout le monde peut voir et entendre. Aujourd'hui, glissé à l'intérieur d'une pile de modifications – comme je vous dis, j'ai juste le temps de donner un seul exemple – on retrouve quoi? On retrouve un ministre de la Justice qui revient sur sa parole, qui revient sur la parole de son gouvernement, parce que, comme je dis, glissé dans le milieu de la pile, on retrouve un amendement à l'article 5, qui a pour but de faire quoi? De retirer ce que le ministre avait accepté d'ajouter à l'article 5. En d'autres mots, il enlève la garantie pour les droits des citoyens, qu'il avait acceptée à peine, quoi, cinq, six semaines auparavant.

Et plusieurs questions se posent. Ce ministre de la Justice, en ce qui concerne sa parole et sa crédibilité, c'est par de très nombreux gestes comme ça qu'il va être jugé. Le Barreau a donné son jugement; j'ai lu un extrait tout à l'heure. Il parle des propos démagogiques et indélicats du ministre de la Justice. Tout le monde ici, en Chambre, était capable, à la période de questions hier, de constater que ça va au-delà de l'indélicatesse; il déverse dans la grossièreté sans la moindre hésitation.

Mais, M. le Président, la manoeuvre du ministre de la Justice ici est absolument inqualifiable, ou du moins inqualifiable en termes parlementaires. De dire en commission parlementaire non seulement qu'on adoptait, mais que c'était beau, que c'était ça qu'on voulait, après un bon débat de fond, un débat fouillé... Tout le monde, avec les experts qui accompagnent toujours les ministres dans ces démarches-là, a regardé et analysé, soupesé. Le ministre a dit: C'est une bonne idée; moi, je veux codifier, je veux faire une réforme de la justice administrative, mais je ne voudrais pas que les gens perdent des droits.

Aujourd'hui, à l'intérieur d'une grosse pile de documents et d'amendements, on retrouve ça, M. le Président, que le ministre de la Justice est en train d'enlever ce qu'il a lui-même promis. On pourrait aisément faire l'analogie avec ce qui est en train de se passer dans le domaine des conventions collectives. La parole donnée, la signature, ça vaut quoi avec ce gouvernement? On a un exemple ici, un exemple on ne saurait plus clair, où ce ministre de la Justice est en train à nouveau de renier la parole donnée, de revenir sur ce que lui-même a dit être très bien en commission parlementaire, de montrer au Barreau du Québec, aux autres membres de sa formation politique, aux autres membres de ce Parlement, et à vous, M. le Président, et à tout le monde qui nous regarde et nous écoute que la parole donnée par lui et par son gouvernement ne vaut, dans le cas qui nous occupe, très littéralement, même pas le papier sur lequel c'est écrit.

Vous étiez ici l'autre soir quand mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce a rappelé les propos qu'avait tenus le ministre de la Justice dans une discussion qu'il avait eue avec moi et avec un autre avocat en ma présence. Le ministre, lui, a donné très clairement des indications sur ses propres motifs. Le ministre a eu la témérité ce matin, ou enfin en début d'après-midi, juste avant la fin de nos travaux, avant l'ajournement, de dire que c'était inconcevable d'avoir un système de nomination qui permettrait de mettre en place quelqu'un qui n'avait jamais travaillé dans ce domaine-là.

M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice a vraiment oublié que c'est lui qui a nommé la conjointe d'un de ses collègues au Conseil des ministres, qui n'avait jamais plaidé une cause, qui n'avait jamais mis les pieds devant un tribunal, qui n'avait jamais eu un client? Et il l'a nommée juge en matière criminelle et pénale.

Pour lui, ça, c'est l'exemple de comment on va faire dorénavant. Vous l'avez très bien compris, on n'a pas le droit de prononcer le mot alternatif pour «favoritisme politique». Ça, ce mot, vous l'avez banni. Mais vous avez très bien accepté, et avec raison, que mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce rappelle ce que, moi, j'ai déjà dit au ministre en commission parlementaire et ce que je lui ai dit ici, dans cette Chambre. C'est son motif qu'il nous a donné dans cette rencontre en commission parlementaire où il nous a très clairement dit qu'il ne voulait pas avoir des règles trop serrées pour les nominations, et il ne fallait pas que ce soient des renouvellements; il fallait effectivement qu'il puisse avoir toute la marge qu'il voulait pour mettre son monde en place, ses gars en place. C'est ça...

Mme Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Vous savez très bien, et le député de Chomedey le sait très bien, lui qui se targue de l'importance de bien respecter la justice et les règlements, que vous avez rendu une décision à ce sujet. C'était le vice-président, M. Brouillet, qui était là à ce moment-là, qui a été très clair qu'on ne devait plus revenir, ni d'un côté de la Chambre ni de l'autre, sur ce triste épisode de notre Parlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, sur l'intervention de Mme la leader adjointe du gouvernement, vous avez effectivement raison, madame. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les galées, et je vous demanderais, M. le député de Chomedey – en concluant parce qu'il vous reste 15 secondes – de bien vouloir reprendre votre dernier énoncé, s'il vous plaît, conformément aux directives qui ont été données par le vice-président Brouillet. M. le député.

M. Mulcair: Question de directive, M. le Président. Le 5 décembre dernier, il y a six jours, dans cette Chambre – vous-même étiez assis dans cette chaise-là – vous avez rendu une décision concernant le mot... Vous ne vouliez pas que les gens parlent de patronage. Les gens, donc, se sont mis à parler de favoritisme politique, qui, semble-t-il, est un terme...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, «favoritisme» n'est pas plus accepté en cette Chambre, et on le sait très bien. Ce dont vous avez parlé, c'est de nominations partisanes. «Favoritisme», «patronage» ne sont pas plus acceptés. Et, concernant les propos qui ont été tenus, il y a eu une décision de rendue, et le député de Chomedey sait très bien qu'il doit s'y conformer. C'est l'article 41 de notre règlement, puis la décision du président ne peut pas être discutée, pas plus dans une question de directive que dans une question de règlement ou dans un discours.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la leader adjointe du gouvernement.

M. Mulcair: M. le Président, sur cette question, juste pour aider dans votre décision, avec votre indulgence, je suis tellement respectueux de vos décisions comme président que je m'y réfère.

Une voix: Il essaie de se convaincre.

M. Mulcair: Le jeudi 5 décembre, vous avez accepté que le député de Notre-Dame-de-Grâce retire le mot que la députée de Terrebonne vient de dire, le mot «patronage», mais il a répété par la suite, à au moins trois occasions, l'anecdote que je viens de relater là. Vous l'avez accepté. Que votre collègue, l'autre vice-président, rende une décision différente sur d'autres faits, ça ne nous concerne pas. Moi, je suis en train de me rallier à votre décision, alors je vous demande, comme parlementaire: Est-ce que la décision d'un vice-président a préséance sur l'autre? Moi, je suis votre décision du 5 décembre. Qu'est-ce qu'on doit faire dans un cas comme celui-là, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Bien, M. le député de Chomedey, je crois qu'il y a eu deux décisions fort importantes qui ont été rendues concernant le débat en question. Il y a eu effectivement une décision, avec le député de Notre-Dame-de-Grâce, à l'effet que le mot «patronage» ne devait pas, dans les circonstances, être prononcé, et le député de Notre-Dame-de-Grâce s'est effectivement plié à la décision de la présidence et a retiré ce mot.

(16 heures)

Quant à la décision du vice-président Brouillet, elle était à l'effet que les mots utilisés n'avaient pas été confirmés par le ministre de la Justice, qui a affirmé en cette Chambre qu'il n'avait jamais prononcé ces mots. Donc, à partir de ce moment-là, d'un commun accord, des deux côtés de cette Assemblée, les deux leaders, du gouvernement et de l'opposition, ont accepté de ne plus revenir sur les propos qui avaient été tenus pendant plusieurs interventions de la part des membres de cette Assemblée.

Donc, je pense que la situation est parfaitement claire à ce stade-ci. Et concernant votre allocution, tel que je vous l'avais mentionné, vous aviez un droit de parole de 30 minutes, je vous ai donné 33 minutes, il vous reste 15 secondes à prendre sur ce 33 minutes. Alors, M. le député.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Les manoeuvres de péripatéticien du ministre sont tout à fait indignes. Le Barreau le dénonce.

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Une voix: ...

Mme Caron: Je pense que le député de Chomedey, qui prête tant de vertu à l'importance du respect de nos institutions et de la justice et du règlement, devrait lui-même au moins donner l'exemple et s'y conformer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, madame... Sur une question de règlement, je vous écoute, M. le député.

M. Mulcair: Sur la question de règlement. Je suis étonné de la réaction de la députée de Terrebonne. J'ai dit péripatéticien et non pas péripatéticienne. Un péripatéticien, comme tout le monde le sait, est un adepte d'Aristote. Et c'est la rhétorique du ministre que j'étais en train de dénoncer. Je n'étais pas en train de le traiter de prostitué.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît. S'il vous plaît. Alors, nous allons continuer nos débats en respectant notre règlement et en respectant... Alors, M. le député de Chomedey, je vous invite à conclure, il vous reste approximativement 10 secondes.

M. Mulcair: M. le Président, le Barreau du Québec, au nom des 17 000 avocats membres de cet important ordre professionnel, a sommé le premier ministre aujourd'hui de contrôler son ministre de la Justice. Nous espérons que les autres membres de ce gouvernement sauront faire autant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre de la Justice, en vertu de l'article 253 de notre règlement, vous avez droit, après chacune des interventions, à un droit de réplique de cinq minutes. Alors, M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, vous savez, j'ai entendu pas mal de choses et, je dirais, j'ai enduré pas mal de choses qui n'auraient jamais dû même être envisagées d'être dites. Je l'ai fait parce que c'était le seul moyen de faire en sorte que les choses puissent avancer, parce qu'autrement il y aurait eu des points de règlement et de privilège à toutes les phrases. J'ai déjà dit en cette Chambre que le député de Chomedey se drapait du manteau de la Charte des droits et qu'il l'invoquait à tour de bras, mais que, dans les faits, il était le premier à aller à son encontre. Et je pense qu'on vient d'avoir un bel exemple de cette chose.

On peut être contre un projet de loi, on peut ne pas aimer quelque chose, on peut lutter, mais la première règle de la démocratie, c'est de respecter les autres, c'est de respecter les divergences d'opinions, c'est de faire une lutte pour défendre son point de vue, mais quand une décision est rendue, on la respecte. Je ne conçois pas qu'on ait des débats de cette nature dans une Chambre. M. le Président, je m'étais bien gardé de le faire jusqu'à présent parce que je me disais: Ce n'est pas nécessairement bon qu'on le fasse. Mais s'il faut le faire... des fois, il faut le faire. Et je pense que la Cour d'appel a déjà qualifié l'attitude du député de Chomedey. Et ce n'est pas inutile qu'elle l'ait fait, puisque déjà, il y a trois ans, elle le décrivait exactement comme nous venons de le voir. Vous avez vu cette tentative d'utiliser le mot «péripatéticienne» d'une manière pour dire autre chose. Quelqu'un qui veut induire en erreur fait exactement ce qu'il vient de faire. J'ai pris seulement quelques mots à partir du mot «grossièreté». On n'a que ce type de vocabulaire utilisé par le député de Chomedey. Je ne le comprends pas. Je ne le comprends pas, parce que c'est tout à fait indigne d'un... Non, je vais reprendre. M. le Président, ce n'est pas conforme aux règles d'utiliser ce type de vocabulaire.

Mais j'aimerais mentionner ceci: «Mon collègue confirme ce point de vue du premier juge, mais en s'appuyant sur l'affidavit de l'avocat, député de Chomedey, président de l'Office des professions du Québec de 1987 à 1993 et sollicité comme témoin par l'intimé. Avec égard et déférence pour mon confrère, je soulignerais en premier lieu que le premier juge lui-même ne mentionne en aucun moment le témoignage du député de Chomedey au soutien de ses conclusions et, dans mon opinion, à juste titre. Je suis d'avis, en effet, que non seulement aucune importance ne doit être accordée à cet affidavit, mais que surtout son contenu est absolument inadmissible selon toutes nos règles de preuve. Il me paraît être en effet un fouillis d'argumentations, d'attestations par ouï-dire et de procès d'intention. Il n'est pas surprenant que le premier juge n'y ait pas référé, et, toujours avec égard pour l'opinion contraire, il me paraît suffisant de reproduire le texte, malheureusement trop long, de cet affidavit.»

Et, immédiatement après avoir cité cet affidavit trop long, il dit ceci: «En lisant cet affidavit, il faut garder à l'esprit que son auteur est un avocat qui n'est nullement pharmacien et encore moins psychologue. Ces paragraphes [...] ont un caractère strictement argumentatif, n'ont rien à voir avec l'affirmation de l'existence de certains faits et le sont au point que l'on peut même s'interroger à savoir si l'intimé avait besoin de retenir le service d'avocat pour plaider sa cause. Les paragraphes 11, 15, 16, 20, 22, 23, 24 et 26 constituent de véritables procès d'intention n'ayant encore rien à voir avec l'attestation de l'existence des faits pertinents au litige. Enfin, quant aux paragraphes 17, 18, 19, 26, les faits dont ils prétendent être l'attestation le sont par le biais de ouï-dire tout à fait inadmissibles à titre de preuve.»

M. le Président, nous assistons sans arrêt à ce genre de choses. Est-ce que l'on pourrait demander que les débats se fassent correctement? Autrefois, les batailles, on disait que ça se fait de manière galante, correcte, à visière levée, pas en bas de la ceinture, pas de manière incorrecte. Je demanderais au député de Chomedey de s'adresser au projet de loi, de discuter, de défendre son point de vue – c'est ce pourquoi nous sommes ici – mais surtout pas de passer son temps à attaquer personnellement les personnes qui sont de ce côté-ci. Et je pense qu'il en sortira grandi plutôt que d'être abaissé aux yeux de tout le monde, parce que, M. le Président, il peut en jouir, mais je peux vous dire que les jugements qu'on entend sur son comportement le feraient virer complètement, je dirais, dans sa tombe s'il les entendait, parce que ce n'est pas beau à entendre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: M. le Président, je n'ai pas tellement compris la pertinence, parce qu'il demande de parler du projet de loi n° 130, là. Je n'ai pas tellement entendu parler de ça, mais vous lui avez...

Une voix: Vous allez le faire. Vous le faites tout le temps.

M. Thérien: ...laissé la permission, donc vous avez jugé ça admissible. Sans faire de procès, M. le Président, je demanderais juste au ministre de la Justice: D'après lui, pense-t-il que ça fonctionne, ses projets de loi? D'après lui, là. Je ne suis pas un expert, je ne suis pas membre du Barreau. D'après lui, pense-t-il que les projets de loi... Dès qu'il touche un projet de loi, il y a un tollé de protestations. Il y a des avocats en grève depuis quelques jours. Est-ce que ça fonctionne? Moi, là, écoutez, on faisait des procès d'intention au député de l'opposition, au porte-parole. Moi, je vous dis ça comme un néophyte dans le domaine: Ça ne fonctionne pas. Si ça ne fonctionne pas, c'est signe que le ministre ne veut pas écouter ce que les gens lui disent. Écoutez, on a été obligé de nous bâillonner. On s'est tous levés ici. Je vous l'ai dit, on nous taxe depuis deux ans puis présentement on nous bâillonne.

(16 h 10)

Une voix: C'est ça.

M. Thérien: Puis on continue de nous taxer, par exemple. Écoutez, dans le domaine de la justice plus particulièrement, où ça joue un rôle très important sur les rapports entre les citoyens, l'État, les rapports entre les citoyens eux-mêmes, il faudrait que le ministre de la Justice soit beaucoup plus attentif, pas nécessairement si on oublie... Parce qu'on sait que, historiquement, le ministre ne sera pas attentif aux propos de l'opposition, mais le ministre pourrait être attentif à ses pairs, pourrait être attentif au Barreau. Le Barreau, c'est une corporation professionnelle qui représente ceux qui ont à appliquer ou administrer la loi. Bien, le Barreau dit au ministre: Écoutez, vous n'êtes pas dans la bonne direction. Le ministre dit: Non, écoutez, c'est moi qui ai la bonne direction, c'est moi qui ai le bon pas, et vous faites tous le mauvais pas dans la marche militaire que le ministre a décidée.

Écoutez, j'avais des appels aujourd'hui d'amis qui étaient justement au palais de justice de Montréal et qui étaient en grève parce qu'ils contestent justement différentes lois que le ministre a déposées. On est ici sur les tribunaux administratifs; on était, hier soir ou avant-hier soir – parce qu'on passe notre temps à se lever sur des projets de loi déposés par le ministre de la Justice – sur la médiation familiale, où on met un caractère obligatoire où personne n'a demandé ce caractère obligatoire là.

Pourquoi, M. le Président, le ministre de la Justice, et là particulièrement, sur la loi n° 130, bâillonne les gens, n'écoute pas plus particulièrement ses pairs? Ses pairs lui disent tout simplement... On revient toujours à cette lettre-là, mais c'est une lettre fondamentale, du 4 décembre, où le Barreau dit: «C'est avec stupéfaction...» C'est un mot qu'on n'utilise pas à la légère. Ces gens-là disent «notre ministre», parce que le ministre de la Justice, c'est le ministre titulaire de la profession du droit, qui est représentée par la corporation professionnelle des avocats. C'est avec stupéfaction que nous apprenons qu'à un moment donné vous voulez bâillonner l'Assemblée nationale sur le projet de loi. «Le Barreau du Québec juge inconcevable...» Écoutez, ce n'est pas un mot pris à la légère, ça, «inconcevable». Si c'est inconcevable, c'est parce qu'ils sont surpris de l'attitude du ministre, surpris.

Puis écoutez, ceux qui ont de l'expérience ici un peu, en Chambre, savent très bien qu'une loi aussi importante qu'une loi qui traite le droit, qui a été étudiée 47 heures, 47 heures, M. le Président, là – écoutez, vous n'avez pas l'historique passé, mais vous avez sûrement pu lire – sur une loi qui a été réglée à 78 %, bien je peux vous dire qu'on aurait pu attendre 10 heures, 15 heures encore pour réussir à faire le 100 %. Mais ce n'est pas ça, parce que, je le répète et je le dis, ici on décide. Quand on parle du mot «partenaire», moi, je n'en reviens pas. On a utilisé, depuis un an, le mot «partenaire». Le partenaire, pour eux, c'est un qui dicte puis l'autre exécute; c'est exactement ça. On l'a vu en santé, on l'a vu en éducation, on veut tous... puis là on le voit maintenant. La réunion n'est pas terminée. On veut être partenaire avec les employés de l'État. Mais savez-vous comment on veut être partenaire? On veut être partenaire en diminuant ce qu'on leur avait promis.

Ah! On dit: Nous autres, on est prêts à négocier. Il y a un député du Parti québécois qui me disait: Écoute, Robert, on va réussir à négocier. Bien oui, mais c'est facile, la négociation est simple, il faut leur couper 1 400 000 000 $. Il n'y a pas de négociation dans ce temps-là. C'est dire: Tu vas nous dire que t'es d'accord pour qu'on te coupe. Ayoye! J'ai hâte de voir les chefs syndicaux qui vont dire ça aux militants. Parce que c'est exactement ça, M. le Président; c'est ce qu'on nous demande dans toutes les lois qui sont déposées ici.

On nous parle de partenariat, on nous parle d'administration plus simple, mais on complique les choses énormément. Sans être un expert, on nous parle ici qu'on enlève un droit d'appel, on enlève des droits d'appel plutôt, mais on les donne à ceux qui sont propriétaires. Écoutez, c'est le monde à l'envers. C'est le monde à l'envers pour ceux qui prêchaient la social-démocratie. Et on l'enlève à ceux qui sont plus démunis, les plus pauvres de la société, et ça, ça passe. Quand c'est le Parti québécois qui fait quelque chose, ah! on peut changer d'orientation.

Je reviens encore sur une demande que l'opposition avait faite au premier ministre, de nous expliquer, de nous définir ce que c'était, le mot «équité». Je peux vous dire que le mot «équité», il en prend pour son rhume. C'est pour ça qu'on dit au ministre de la Justice que, s'il pense que ses lois fonctionnent, bien, ce n'est pas ça, la répercussion qu'il y a dans la société, absolument pas.

Ceux qui ont à travailler avec les lois qu'on essaie d'améliorer... Peut-être que l'objectif du ministre était louable, peut-être qu'il était louable, sauf que, dans les faits et dans l'application, ceux qui vont avoir à l'appliquer ne réalisent absolument pas ça. Donc, qu'on ne nous dise pas qu'on vient aider les citoyens quand on enlève des droits d'appel qui sont fondamentaux. Il peut y avoir, à l'intérieur d'une première audition, une erreur, une mauvaise compréhension, et une personne peut aller en appel pour justement faire justifier ça. Celui qui a le droit d'aller en appel, c'est celui qui va être propriétaire de maison ou de terrain, mais celui qui est sur le bien-être social ou celui qui est pauvre ne pourra pas le faire, celui qui n'est pas propriétaire. Bien, essayez de m'expliquer, M. le Président. Je sais que vous n'avez pas le droit de réponse, mais vous avez sûrement envie de répondre. Ça n'a pas de bon sens qu'on se gorge d'être social-démocrate et qu'on passe une loi complètement contraire.

Mais, savez-vous, le ministre va dire: Ah! ce n'est pas pareil. Ce n'est absolument pas pareil. C'est la même chose, on se prépare à ouvrir les conventions collectives: Ah! ce n'est pas pareil. Ce n'est jamais pareil. Mais ce n'est pas ça, la réalité. La réalité, c'est qu'on a voulu se donner un instrument, on a voulu donner un instrument pour nommer les amis du régime. J'espère que c'est parlementaire, ça. J'espère que le régime a des amis. Il en avait, il va en avoir moins après tout ça. Mais il en a, il en a.

Et c'est comme ça que, le Barreau étant contre, ceux qui ont à l'appliquer, les avocats, sont contre, l'opposition est contre, et le ministre oublie complètement que, pour faire une loi, il a absolument besoin des atouts ou des connaissances ou des apports de chacun des groupes concernés. Pourquoi le Barreau utilise ces termes-là? Et la question est fondamentale. Où est l'urgence? C'est quoi, l'urgence? Moi, lorsque je les vois aller depuis deux ans et quelques mois, à chaque fois qu'ils décident de passer une loi, il y a un guet-apens en dessous de ça. Je prends l'exemple le plus simple pour aller au guet-apens des tribunaux administratifs: on a décidé d'économiser 200 000 000 $ par l'assurance-médicaments. C'est ça, l'objectif, couper 200 000 000 $. On a trouvé un objectif louable: d'assurer des personnes qui n'étaient pas assurées, avec tout le cafouillis que ça a présentement, mais l'objectif principal, ce n'est pas d'aider le monde, c'est de sauver 200 000 000 $ cette année, peut-être 300 000 000 $ puis 400 000 000 $ les autres années. On ne réussit jamais à connaître les vrais objectifs.

Je vois le député de Charlevoix; là, on va nous collecter un petit 2 $ par nuitée dans nos régions touristiques, ça, encore pour aider le monde. Toujours un objectif très louable. Malheureusement, je n'ai pas entendu le député de Charlevoix – il va sûrement parler sur cette loi-là – essayer de me convaincre, puis je suis prêt à me laisser convaincre, jusqu'à quel point c'est pour le bien des hôteliers puis de l'industrie, pour le bien de ça.

Dans tous les domaines, même justement à la sortie des chefs syndicaux, on va dire qu'on va couper 6 % ou qu'on va couper un montant aux fonctionnaires puis que c'est pour leur bien. Vous me dites que mon temps est expiré. Pour vous dire jusqu'à quel point on est déçu, on est déçu...

La députée de Blainville, on ne l'entend pas souvent. Si elle veut parler, ça va nous faire plaisir. Je ne savais pas qu'elle parlait.

Une voix: Bien oui!

M. Thérien: Je ne savais pas qu'elle parlait.

Une voix: Aïe! il n'a pas le droit de nommer des députés!

M. Thérien: Bien, j'ai le droit de les nommer. Écoutez, j'ai nommé respectueusement...

Des voix: Non.

M. Thérien: ...la députée de Blainville. Écoutez...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Bertrand, en conclusion, parce que votre temps est déjà expiré.

M. Thérien: J'entendais des voix. J'imagine que c'est le temps de Noël, hein, c'est le temps...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est la période de la saison. Alors, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

(16 h 20)

M. Thérien: Je conclus qu'on est déçu de voir que le ministre pourrait prendre un peu plus de temps puis peut-être écouter, puis il y a beaucoup d'avantages, M. le Président, à écouter; on s'enrichit énormément. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Alors, nous cédons maintenant la parole au député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. J'aimerais traiter de... Enfin, je ne voudrais pas traiter de tous les vices de la loi n° 130, il y en a un grand nombre. Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais traiter de son vice profond.

C'est une loi qui renvoie à des critères subjectifs, dans le cas du renouvellement des mandats des juges administratifs. Les juges sont nommés pour cinq ans par un comité de sélection, mais, en ce qui concerne le renouvellement, le règlement d'application prévoit que le jugement d'opportunité du ministre est décisif. Le jugement d'opportunité du ministre, cette disposition qui affirme la discrétion du prince, l'arbitraire plutôt que la règle méritocratique, rend évidemment les juges vulnérables aux pressions politiques. Après cinq ans, même si vous avez fait preuve de compétence technique, de bon jugement, de bon sens, le prince peut juger opportun de nommer un nouveau titulaire et de disposer du titulaire actuel.

Les pressions politiques dont on parle ne sont pas des pressions grossières, ce sont des pressions subtiles, des pressions douces, elles peuvent même paraître insidieuses, des pressions de conformité régies dans l'anticipation de la part des juges, anticipation bien naturelle de voir le prince juger en leur faveur. Tous les fonctionnaires nommés pour des mandats relativement courts connaissent ces pressions et les mécanismes de comportement auxquels il faut avoir recours pour s'y adapter avec succès.

Je n'ai pas à vous informer, M. le Président, de mes propres expériences personnelles. Mais, ayant été haut fonctionnaire et ayant vu dans le collège des hauts fonctionnaires comment se déroule cette période où on essaie de jouer avec succès les chances de son renouvellement, on imagine facilement que cette loi-là devrait entraîner les conséquences ou les effets pervers que je viens de mentionner, là, maintenant. Dans le cas des juges, de fonctionnaires dont c'est la vocation d'assurer le respect de la justice et de ses règles, les pressions de conformisme sont graves parce qu'elles peuvent contrevenir à la neutralité, à l'impartialité et à la bonne marche de la justice administrative.

Le ministre de la Justice déclarait en commission parlementaire qu'il se garde une marge de manoeuvre. Le prince se dit généreux à l'endroit de ses sujets. La loi n° 130 émancipe les nominations de l'arbitraire du prince, parce que les nominations, dans un premier temps, sont régies par le processus de sélection par un comité, mais, dans sa bienveillance, le prince reconnaît que, si imperfection il y a au chapitre du renouvellement, si l'arbitraire y règne toujours, le mal pourra être corrigé dans cinq ou dans 10 ans. C'est ce que nous a dit le ministre, M. le Président.

Machiavel disait du prince qu'il doit se prémunir contre la tentation d'une générosité excessive à l'endroit de ses sujets, que le mieux est de les laisser désirer ses faveurs. Le ministre de la Justice accorde à ses sujets cinq ou 10 ans de grâce avant de répondre pleinement à leurs attentes, histoire de les éduquer, faut-il le supposer, aux vertus de la patience et de la soumission.

Car il faut bien voir que ces attentes dont je parle, elles existent, on en est témoin par la lecture des journaux. Des journalistes se sont prononcés sur ce projet de loi n° 130. On le voit aussi en constatant les déclarations qu'a faites le 4 décembre et que vient de faire aujourd'hui le bâtonnier du Québec. C'est clair qu'il n'y a pas de consensus sur ce projet, comme on le disait ce matin en Chambre à propos d'autres projets sur lesquels il y aurait, prétend-on, consensus. Mais, dans ce cas-ci, il y a vraiment du dissensus, parce que des personnes autorisées et compétentes se sont officiellement, publiquement prononcées contre le projet que nous avons devant nous.

Je n'ai pas besoin de citer le bâtonnier, on l'a cité à plusieurs reprises, non plus que de citer la lettre qu'il envoie au premier ministre en date d'aujourd'hui, dans laquelle il désavoue les dires du ministre, avec des propos qui sont un peu troublants, qui sont un peu surprenants. Il nous dit, à un moment donné, dans sa lettre, parlant des propos du ministre le 9 décembre: «De tels propos démagogiques et indélicats sont tenus par surcroît par un ministre de la Justice, qui jettent du discrédit sur l'institution du Barreau et trahissent un sens peu développé des institutions.» Le prince prend beaucoup de libertés avec certains de ses sujets et même ceux de ses sujets à l'égard desquels il serait plus opportun pour lui de manifester du respect, ne serait-ce que pour le respect qu'on doit aux institutions.

Donc, M. le Président, en conclusion, puisque le temps qui m'est alloué est maintenant terminé, je voudrais dire très brièvement, si vous me le permettez, qu'il a fallu un long travail – j'ai trois minutes, M. le Président, c'est amplement – de réforme des esprits et des moeurs au Québec pour faire qu'enfin le Québec se libère de son paternalisme d'antan, cette bonne vieille idéologie qui, soucieuse de la suprématie du prince, légitimait l'exercice de son pouvoir arbitraire et discrétionnaire, toutes choses parfaitement normales compte tenu de la croyance selon laquelle les citoyens sont des mineurs et que le pouvoir sait mieux que quiconque ce qu'il leur faut. Eh bien, M. le Président, c'est devant ce genre de comportement qu'on se retrouve, avec la loi n° 130. On le voit aussi dans d'autres contextes législatifs. Et c'est pour cette raison qu'il nous apparaît tout à fait opportun de nous opposer à ce projet.


Motion d'ajournement du débat

M. le Président, je pense donc que tout est clair, que les intentions du ministre sont transparentes, qu'on voit le prince se dévoiler dans toute sa candeur et dans tout son déshonneur, et que je fais donc, en conclusion, une motion pour ajourner le débat, en vertu de l'article 100. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme il y a une motion d'ajournement du débat, vous connaissez les règles applicables dans les circonstances: 10 minutes, l'auteur, et 10 minutes, chacun des groupes parlementaires, et enfin un cinq minutes de réplique pour l'auteur. Alors, à ce stade-ci, nous cédons la parole au député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ce sera extrêmement bref, juste pour seconder mon collègue le député d'Outremont. Je pense qu'il a effectivement raison, le temps est venu d'ajourner le débat. Le ministre nous a donné une excellente lecture, tout à l'heure, d'une décision de la Cour d'appel. Et ça nous fait plaisir de lui retourner l'ascenseur et le compliment en citant un des plus grands juristes de l'histoire du Québec, le juge Malouf, également de la Cour d'appel, qui, dans une cause qui concernait le ministre de la Justice, a eu ceci à dire, et je le cite: «Étant donné que l'intimé – l'intimé, c'était le ministre de la Justice – était l'un des associés d'une étude juridique qui a agi contre les personnes mentionnées, et plus particulièrement pour une compagnie dans laquelle l'appelant, Claude St-Hilaire, était intéressée. Il n'aurait pas dû accepter la nomination faite par la Commission municipale du Québec lui demandant de faire l'enquête en question. Comment peut-on s'attendre qu'un homme – celui-ci, M. le Président – déjà mêlé dans les affaires faisant l'objet de l'enquête soit complètement impartial dans la tenue de l'enquête et dans le rapport que lui et son collègue doivent, à la fin de l'enquête, soumettre aux autorités concernées? Je n'ai aucun doute qu'une telle nomination ne peut que soulever un doute de partialité de la personne concernée.»

(16 h 30)

Contrairement à la cause à laquelle le ministre faisait référence tantôt, qui s'appelle Meditrust – c'est une décision de la Cour d'appel – où effectivement un des juges n'a pas aimé une expertise bien que l'autre l'ait trouvée très bonne, tout comme le juge de première instance, qui était par ailleurs un ex-ministre de la Justice – le juge de première instance qui nous a donné raison dans Meditrust, c'était M. Herbert Marx – donc, contrairement à cette cause-là, cette cause-ci est pertinente pour les fins de notre discussion parce que ça démontre que ce n'est pas juste d'aujourd'hui que le Barreau a raison de dire que le ministre de la Justice a du mal à comprendre la notion de conflit d'intérêts, mais que ça fait très longtemps.

Et, puisque justement parfois les choses s'améliorent avec le temps, mon collègue le député d'Outremont a tout à fait raison d'ajourner le débat maintenant. On va permettre au ministre de la Justice de réfléchir à tête reposée sur ces importantes questions là, et, qui sait, peut-être que, une fois qu'il aura eu le temps de relire la décision dans St-Hilaire contre lui-même, il va se rendre compte que le Barreau du Québec a raison, qu'il faut qu'il retire le projet de loi n° 130. Il ne respecte pas les notions fondamentales concernant le besoin d'avoir des décideurs qui sont autonomes, indépendants et dépourvus de conflits d'intérêts. Il ne comprend pas l'essence même de la question. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. L'auteur de la motion a également un droit de parole de 10 minutes. Est-ce que vous voulez l'utiliser, M. le député?

M. Laporte: Non, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): L'opposition a également un droit de parole de 10 minutes sur cette motion d'ajournement. Est-ce que le parti ministériel veut utiliser son 10 minutes? Alors, M. le député d'Outremont, vous avez droit aussi à une réplique de cinq minutes. Est-ce que vous voulez l'utiliser?

M. Laporte: Non, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, nous en sommes maintenant à la mise aux voix de cette motion d'ajournement. Alors, les députés qui sont en...

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Un vote par appel nominal? Alors, qu'on veuille bien appeler les députés, s'il vous plaît. Et nous allons suspendre nos travaux quelques instants.

(16 h 32 – 16 h 42)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Mise aux voix

Alors, nous allons maintenant mettre aux voix la motion d'ajournement du député d'Outremont.

Que les députés en faveur de l'ajournement veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre cette motion d'ajournement veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Perron (Duplessis), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Perreault (Mercier), M. Jolivet (Laviolette), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des députés qui s'abstiennent? Aucun. Alors, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:41

Contre:44

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je déclare donc la motion d'ajournement rejetée. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Comme la tradition le veut, M. le Président, surtout en cette période de l'année, je demanderais à ce qu'on puisse reconnaître et compter également le vote du député de Laporte comme étant pour.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il est reconnu? Oui. Bon. Alors, nous allons attendre quelques secondes avant de recommencer nos débats. J'inviterais les députés qui sont actuellement en commission parlementaire à bien vouloir sortir le plus rapidement possible.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais ceux qui n'ont plus à effectuer de travaux dans cette enceinte à bien vouloir quitter le plus rapidement possible.


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport et des amendements transmis

Nous allons reprendre le débat sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, ainsi que des amendements transmis par M. le ministre de la Justice et également des amendements transmis par M. le député de Chomedey, en vertu de l'article 252 de notre règlement.

Je cède maintenant la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Nous allons de nouveau regarder...

Une voix: Bravo! Bravo, Pierre! Bravo!

(16 h 50)

M. Marsan: ...le projet de loi n° 130 sur la justice administrative. Nous avons de plus en plus un problème de crédibilité avec le parrain du projet de loi, celui qui disait en cette Chambre qu'il ne fallait pas lire les lois avant de les voter. M. le Président, ça, c'est notre ministre de la Justice. J'ai toujours un petit peu le goût de faire un parallèle avec le ministre de la Santé, qui, lui, avait reçu un vote de blâme de la part de la présidence parce qu'il avait affiché les informations sur le projet de loi sur l'assurance-médicaments avant même qu'il soit approuvé.

M. le Président, on a vraiment de la difficulté avec la crédibilité de plusieurs des ministres de l'autre côté, évidemment. Aussi, un court rappel en ce qui concerne la façon de travailler en cette Chambre, le respect des institutions. Je rappelle que, dans le domaine de la santé, on nous a mis le bâillon sur la loi n° 83, fermeture des hôpitaux, on ne voulait écouter personne; la loi n° 116, monument aux régies régionales, encore sous le bâillon; la loi n° 33, une des lois les plus antisociales aussi, M. le Président, c'était toujours sous le bâillon. Eh bien, aujourd'hui, on nous avise encore qu'il n'y aura pas d'autre façon de procéder que de mettre le bâillon à l'opposition.

Deux choses dans lesquelles est passé maître ce gouvernement: les bâillons et les taxes, M. le Président. Puis ça, ça marche, en tout cas. On empêche les gens de parler, on empêche les représentants de la députation de faire les représentations qui doivent être faites au nom de la population, on ne veut pas écouter les différents groupes en commission parlementaire, et c'est vraiment cette nouvelle forme de gouvernement à laquelle nous sommes confrontés.

Le plus bel exemple, eh bien, c'est l'échange de correspondance entre le premier ministre et le bâtonnier du Québec. Quand on parle de justice au Québec, on pense au bâtonnier, celui-là qui est élu par les représentants de 17 000 avocats et qui, lui, en a, de la crédibilité. Alors, le 4 décembre dernier, il s'est permis d'écrire au premier ministre parce qu'il voyait déjà des problèmes majeurs dans le projet de loi n° 130. Il mentionne – puis il n'y va pas par quatre chemins, on est déjà le 4 décembre: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative. Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions.»

M. le Président, le Barreau du Québec juge inconcevable... Il me semble que c'est un message important. Comment ça se fait? Ça fait deux ans, un peu plus que deux ans que ce gouvernement a été élu, puis déjà on ne respecte pas les gens qui représentent le plus... Dans l'exemple que nous avons, c'est la justice. Eh bien, on ne veut pas les écouter. Et quels sont les termes que ces gens-là prennent? Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative. «En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée, inappropriée l'adoption de la réforme.» Il ajoute: «Où est l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?»

Ce projet-là est déposé depuis plus d'un an, en décembre 1995. On aurait pu siéger dans les premiers mois de l'année 1996, janvier, février, mars. Au lieu de faire des sommets et d'empêcher cette Chambre de siéger, on aurait pu légiférer dans ce domaine-là. C'était la même chose, début ou fin de l'été, et, même au Sommet, plus récemment, eh bien, on aurait pu prendre le temps vraiment pour légiférer. Où elle est, l'urgence, maintenant qu'on est rendu à la fin de décembre? Party de Noël, M. le Président? C'est quoi, l'urgence? On «pourrait-u» avoir une réponse?

Le même bâtonnier déclare: «En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130.» M. le Président, c'est une première lettre, le 4 décembre.

Mais là, le 11 décembre, c'est vraiment le bâtonnier qui se fâche, qui confronte le ministre de la Justice, et là on a un problème de crédibilité. Qui allons-nous croire: le ministre de la Justice ou le bâtonnier du Québec? Pour nous, c'est clair et, je pense, maintenant pour la population, pour les éditorialistes: c'est le bâtonnier du Québec qui a raison. Le 11 décembre dernier, il nous écrivait – ça ne fait pas longtemps, ça: «Le ministre de la Justice a tenu, à l'Assemblée nationale, des propos qui tendent publiquement à remettre en question la bonne foi du Barreau dans le dossier de la réforme de la justice administrative. En somme, de l'avis du ministre, le Barreau s'opposait à la réforme pour des motifs étrangers à son mandat de protection publique. Le ministre a déclaré en cette Chambre – puis là je le cite: "On pourrait peut-être penser que l'opposition manifestée par le Barreau a d'autres motifs que ceux que nous connaissons et qui ont été dénoncés."»

M. le Président, une affirmation aussi importante, c'est presque une accusation, voire une menace. Est-ce qu'on pourrait les connaître, les autres motifs que lui semble savoir, le ministre de la Justice? Il me semble que ça aurait été important, ça aurait pu améliorer la qualité du débat. Il laisse entendre des choses, que le Barreau cache des choses parce qu'il est contre son projet. Être contre le ministre de la Justice aujourd'hui, dans la population, je pense que c'est un avantage, et les gens s'en rendent compte de jour en jour. «Le Barreau n'est pas prêt pour cette réforme parce qu'elle a peut-être, pour lui, des implications au niveau de ses membres, au niveau des mandats qu'ils peuvent avoir, et je pense que c'est beaucoup plus ça qui motive que des questions de fond du projet.»

M. le Président, ce sont des insinuations. Est-ce qu'on pourrait savoir les motifs que pense le ministre de la Justice en accusant le Barreau, lorsqu'il formule ce genre d'accusation? Puis là le bâtonnier n'y va pas avec le dos de la cuiller. Écoutez bien: «De tels propos démagogiques et indélicats, tenus par surcroît par un ministre de la Justice, jettent du discrédit sur l'institution qu'est le Barreau et trahissent un sens peu développé des institutions.»

M. le Président, celui qui a le plus de crédibilité actuellement, au Québec, dans la justice, eh bien, il qualifie les propos du ministre de la Justice de démagogie, d'indélicatesse. Et, encore pire, parce qu'il a ce titre et cette responsabilité de ministre de la Justice, il trahit un sens peu développé des institutions. Le Barreau du Québec, initialement, s'opposait à la réforme pour trois raisons: l'atteinte aux droits fondamentaux prévus à la Charte, le processus de renouvellement du mandat des membres du Tribunal administratif proposé – et là plusieurs éditorialistes ont convenu... et je pense que c'est reconnu qu'il y a vraiment une tentative de procéder à des nominations partisanes, c'est déjà commencé, mais là ça va se continuer, ça va se poursuivre – et enfin tout l'aspect de l'appel des décisions du Tribunal, et il y a plusieurs citoyens, là, qui évidemment pourraient être lésés.

«Au chapitre du renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs, la problématique n'est pas nouvelle et a été maintes fois dénoncée. L'indépendance – ils connaissent ça, eux autres, l'indépendance – passe notamment par un processus transparent de renouvellement de mandat.» Quand le bâtonnier écrit ça, M. le Président, ça veut dire qu'eux autres ils ont l'intention d'avoir un processus qui n'est pas transparent pour renouveler les mandats. Bien ça, c'est grave. Et ce n'est pas des accusations qui sont faites par une ou quelques personnes; c'est une des personnes qui est la plus crédible au Québec lorsqu'on parle de justice, plus crédible que le ministre de la Justice.

Il est inadmissible, selon le Barreau, que le renouvellement des mandats des membres d'un tribunal dépende de la discrétion d'un gouvernement, d'autant plus... Et, lorsque ça dépend, vous savez que c'est des nominations... C'est quoi, le mot qu'on peut dire ou qu'on ne peut pas dire, «partisanes» ou «favoritisme», là? Celui qu'on peut dire, M. le Président, choisissez-le. Eh bien, c'est un retour à la grande noirceur qu'on a connue avant les années soixante. Eh bien, M. le Président, il y a un fond de bleu dans tout ça. Le gouvernement possède encore à ce sujet, selon nous et selon le Barreau, une discrétion trop étendue, et les dispositions de la loi n° 130 doivent donc être revues.

On mentionne également le fameux droit de recours d'avoir un tribunal d'appel où les citoyens puissent s'exprimer.

Mais, M. le Président, je voudrais terminer – puisque vous mentionnez que c'est déjà terminé – que ça va mal dans la justice, ça va mal dans la santé, ça va mal partout avec ce gouvernement-là. On est encore vis-à-vis des procédures de bâillon, champion des bâillons; on est encore devant des procédures de taxes, champion de taxes. Et, pour ajouter au cafouillis actuel dans le domaine de la justice, bien même les avocats se mettent en grève. Je pense qu'au nom de la population, si on veut vraiment écouter la population, eh bien, le ministre de la Justice devrait refaire ses devoirs, présenter un autre projet de loi et écouter le bâtonnier du Québec. Merci.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Avant de commencer mon discours, il y avait un moment très positif aujourd'hui dans l'Assemblée nationale quand le ministre de la Justice a reconnu sa confiance renouvelée dans la Cour suprême. Alors, je veux prendre ce moment pour féliciter le ministre de la Justice pour sa confiance renouvelée dans la Cour suprême.

M. le Président, je dois vous dire que je suis malheureux que nous soyons réunis ici aujourd'hui. Malheureux parce qu'on nous a enlevé notre droit de nous exprimer librement et ouvertement, conformément aux règles de procédure de cette Assemblée nationale du Québec. Malheureux aussi parce que le gouvernement séparatiste du Parti québécois a suspendu nos règles de démocratie; malheureux parce que le gouvernement séparatiste du Parti québécois nous force à prendre en considération le rapport de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi n° 130, alors qu'on nous a imposé le bâillon à ladite commission.

Mr. Speaker, we are being forced to take into consideration the report of the parliamentary commission since closure was imposed by the PQ Government on this commission. Mr. Speaker, the reason for the closure was that this PQ Government wishes to quietly place all of their friends in positions of authority in this province, this being to the detriment and prejudice of all Quebeckers.

M. le Président, dans la situation économique difficile que nous connaissons actuellement, avec un taux inquiétant et désastreux de chômage créé par les politiques du Parti québécois, nous voyons que des épouses, frères et amis du régime du pouvoir ont tous des emplois garantis, alors que les Québécoises et Québécois moyens vivent dans l'insécurité, ne sachant pas si demain ils auront un emploi.

M. le Président, nous avons maintenant une situation très grave. Nous avons un ministre de la Justice sans parole, une personne qui n'a pas respecté sa promesse. M. le Président, en commission parlementaire, le ministre avait accepté et adopté un amendement présenté par l'opposition officielle relativement à l'article 5 du projet de loi n° 130. Aujourd'hui, à l'étape de la prise en considération du rapport, le ministre présente un amendement qui abroge l'amendement qu'il avait accepté relativement à l'article 5.

Mr. Speaker, this is a very serious moment in the life of this National Assembly, when the Minister of Justice, the man who's directly responsible for dubious appointments, the man who has approved appointments of friends of the Government, felquistes, a wife of a minister, a brother of a PQ MNA. Mr. Speaker, this Minister has been responsible for unacceptable employments; and now I am sorry to tell you that this is a gentleman who has not kept his word. And you know how we define a person who doesn't keep his word in any dictionary.

En outre, l'opposition avait accepté de retirer ses propositions d'amendements, aux articles 3.1 et 8, sur la foi d'une promesse que le ministre de la Justice allait réintroduire ces amendements à l'article 116. Or, à la lumière des amendements qu'il propose aujourd'hui dans le cadre de la prise en considération du rapport, il appert qu'il n'a pas respecté sa promesse. M. le Président, est-ce que je dois vous dire plus? M. le Président, dans le dictionnaire «Le Petit Larousse», 1995, à la page 647, on trouve une définition d'un mot, et la définition se lit comme suit: «Donner pour vrai ce qu'on sait être faux ou nier ce qu'on sait être vrai.» La définition du mot «mentir».

Or, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, il ne faut pas jouer au plus fin dans cette Assemblée. Contentez-vous, si vous voulez, de la définition, mais laissez faire le défini, pour ne pas commencer, et on pourra laisser à chacun d'interpréter la définition qu'il entendra.

Vous savez très bien que le mot n'a pas été accepté dans cette Assemblée. Je vous inviterais, s'il vous plaît... Vous le savez, ça. C'est une autre chose que vous savez, là. Ça fait assez longtemps qu'on le dit, depuis trois ou quatre jours, vous savez que le mot est déclaré interdit dans cette Assemblée. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas le prononcer et à retirer ce mot-là.

M. Bergman: Je m'excuse, M. le Président, j'ai voulu donner la définition juste de ce mot après vous avoir donné la logique d'introduction du projet de loi ici, mais je vais retirer le mot, avec grand respect pour vous et pour la présidence. Mais la population de notre province va exprimer son opinion, son insatisfaction, son mépris de ce manque, par le ministre de la Justice, de respecter sa promesse.

M. le Président, nous avons aussi ici en ce jour une crise sérieuse dans cette Assemblée nationale du Québec. Vous conviendrez avec moi que la lettre que M. Claude Massé, le bâtonnier du Québec, a écrite aujourd'hui, le 11 décembre 1996, à M. Lucien Bouchard, le premier ministre du Québec, le contenu de la lettre était tellement sérieux que le bâtonnier du Québec, en son jugement, cet homme de droit bien connu et respecté, ce grand juriste a envoyé une copie de cette lettre à vous, M. le Président. À vous, M. le Président de cette Assemblée nationale, le bâtonnier a envoyé cette lettre. Il a aussi envoyé une copie de cette lettre au chef de l'opposition officielle et au ministre lui-même.

Le bâtonnier, dans sa lettre du 11 décembre 1996, parle des propos faits par le ministre de la Justice dans ce projet de loi, et je cite le bâtonnier qui dit: «Un tel propos est démagogique et indélicat. Tenu par surcroît par le ministre de la Justice, il jette le discrédit sur l'institution du Barreau.» Alors, est-ce que je dois vous dire plus? En conclusion de cette lettre, le bâtonnier dit, et je cite: «Si nous nous adressons à vous, M. le premier ministre, c'est que nous connaissons votre sens profond des institutions et votre respect de divers intervenants, ce qui, malheureusement, ne semble pas être le cas pour le ministre de la Justice.» Et je répète: «Ce qui, malheureusement, ne semble pas être le cas pour le ministre de la Justice.»

Mr. Speaker, we have in the province of Québec a system of professional orders which are second to none in the world, professional orders which are respected throughout the world. They are regulated, of course, by the Office of professions. We have 43 professional orders which are exemplary. Of course, the Bar of Québec is one of those 43, an institution, an order which has an impeccable reputation, and it is recognized worldwide. And when the bâtonnier, by a letter dated December 11, 1996, addressed to the Premier of this province: «The Minister of Justice has discredited the Bar of Québec», I believe that we are in the face of a very serious situation. I believe that the Premier of this province has no choice than to ask for the resignation of the Minister of Justice.

M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Il n'y a plus d'autres intervenants ou... M. le ministre, vous voulez prendre la parole sur quel point?

M. Bégin: Oui. Cinq minutes. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. C'est très bien.

Une voix: ...droit de parole?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, en vertu du règlement, le ministre peut intervenir cinq minutes après chaque intervention dans le cadre d'une prise en considération du rapport d'une commission. Alors, M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion de l'intervention du député de D'Arcy-McGee, qui a soulevé la question de l'article 5 et de l'article 6, ou des amendements qui avaient été acceptés en commission. Effectivement, comme je l'ai expliqué à la réunion des leaders ce matin, il y a eu un amendement qui a été apporté en étudiant les articles 5 et 6 du projet de loi n° 130. Les propositions qui avaient été faites par les députés de l'opposition nous étaient apparues comme étant très intéressantes et allaient plus dans le sens de ce que nous voulions. Alors, après avoir discuté avec les membres de notre formation, on avait convenu effectivement de faire cet amendement-là. Mes conseillers m'avaient dit cependant: M. Bégin, faites attention, ça va coûter beaucoup d'argent, ce que vous faites là, pour respecter l'idée que vous avez. Alors, je pensais que c'était un montant d'argent, mais pas suffisamment important pour être tenu en considération, et, donc, nous avons adopté l'amendement.

L'idée qui était derrière ça, c'était de s'assurer, lorsqu'une personne, un agent de l'administration rend une décision, que, avant de rendre sa décision, si elle est pour être négative, le citoyen a eu toute l'occasion de savoir qu'il pouvait s'adresser à cet administrateur-là pour donner tous les renseignements et, deuxièmement, que tous les renseignements requis et propres à la décision étaient bien disponibles.

(17 h 10)

Je vais vous donner un exemple. Imaginons le cas où il est nécessaire d'avoir, par exemple, un certificat de naissance d'une personne pour rendre une décision, et l'agent d'administration se rend compte, au moment de rendre sa décision négative, que le certificat n'est pas là. Et c'est ça qui va entraîner une décision négative. On veut qu'à ce moment-là l'agent communique avec le citoyen et l'informe de la lacune pour qu'il soit en mesure de la corriger, alors que, initialement, dès qu'il constatait la chose, il devait, en tout temps qu'il rendait une décision négative, avertir quelqu'un. Et ceci entraînait une mécanique double par rapport à une quantité importante de décisions.

Alors, effectivement, après, il s'est avéré que les différents organismes appelés à rendre des décisions dans ces matières nous ont fait des représentations à l'effet que, si nous l'adoptions tel qu'il était formulé, il y aurait des coûts entre 80 000 000 $ et 100 000 000 $ par année, additionnellement. Vous comprenez, M. le Président, que, l'objectif étant louable mais les coûts ne l'étant pas, j'ai fait en sorte que l'amendement soit apporté pour qu'on respecte l'idée que nous avions eue en commission: que le citoyen qui est pour recevoir une décision défavorable ait l'occasion, avant qu'elle ne soit rendue, de compléter l'information qui manque et d'être informé qu'il peut en manquer et que toutes les informations pertinentes lui ont été données. Si ce n'est pas le cas, l'agent ne doit pas rendre sa décision et doit communiquer avec lui.

La formulation que nous avons dans l'article 5 et dans l'article 6 est différente de ce qui était antérieurement, et j'en conviens, mais l'esprit que nous voulions tous au moment de l'étude est là et, cependant, nous n'avons pas les inconvénients de 80 000 000 $ à 100 000 000 $ par année. Et je ne pense pas que personne n'aurait accepté cette décision-là en sachant que les coûts seraient aussi élevés. Voilà la raison pour laquelle il y a eu un amendement et qu'il est déposé. Mais je dis à tout le monde ici que l'esprit de la décision que nous avions prise est respecté par le nouvel amendement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. Alors, M. le député de Laporte, je vous cède la parole.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir à cette étape-ci de l'adoption du projet de loi n° 130 qui fait en sorte de concrétiser l'intention du ministre de la Justice de mettre sur pied une énorme machine administrative pour chapeauter l'ensemble ou la très grande partie des tribunaux administratifs du Québec.

Les tribunaux administratifs, M. le Président, vous le savez bien autant que moi, mais pour ceux qui ne le sauraient pas encore, ce sont des tribunaux qui n'ont pas le même statut que les tribunaux qu'on connaît généralement, tels que la Cour supérieur ou la Cour du Québec. Ce sont des tribunaux auxquels les citoyens s'adressent pour régler des différends d'ordre tout à fait spécifique comme, par exemple, la Commission des affaires sociales, où une personne assistée sociale peut s'adresser si elle n'est pas satisfaite des décisions des fonctionnaires. On a un autre exemple, le Bureau de révision de l'évaluation foncière, où, si un citoyen n'est pas satisfait de l'évaluation foncière que la municipalité a conférée à son immeuble, à sa résidence, il peut porter en appel devant ce tribunal-là la décision de l'évaluateur quant à la valeur au rôle d'évaluation de son immeuble. Évidemment, si on n'avait pas de tels tribunaux, les citoyens seraient à la merci des fonctionnaires, qui rendraient des décisions finales et sans appel. Donc, on comprend la nécessité d'avoir ces lieux pour obtenir justice.

Traditionnellement, dans ces tribunaux-là – il y en a des douzaines et des douzaines, M. le Président – ceux qui jugent les causes, si vous voulez, ce sont des régisseurs ou des commissaires. On peut les appeler des juges aussi, mais ils n'ont jamais eu le statut de juges, comme tel. Ils étaient nommés pour une période de temps en général de cinq années. Ce sont des gens qui ont une certaine compétence, une compétence certaine dans les domaines où ils doivent travailler. Par exemple, si c'est à l'évaluation foncière, ce sont en général des évaluateurs; à la Commission des affaires sociales, on a en général des avocats ou des avocates. Et ces gens-là travaillent consciencieusement à rendre des décisions. Autre exemple, la Régie du logement est un tribunal administratif.

Le ministre a décidé, dans une vision tout à fait péquiste, je dois le dire, et tout à fait partant d'une vision des choses qui est surnaturelle ou supranaturelle, de faire une immense structure bureaucratique – vision bureaucratique des choses – et de regrouper tous ces tribunaux sous un seul chapeau. M. le Président, ces superstructures-là, dans le passé, ça n'a jamais donné beaucoup de résultats. En général, ça crée des emplois pour les fonctionnaires, ça crée encore plus de paperasserie, ça crée un volume important de travail pour des gens qui brassent du papier, mais, au niveau des citoyens en général, ça n'améliore pas les choses et ordinairement ça coûte beaucoup plus cher. Alors, là, on va nous mettre sur pied cette superstructure, comme le Parti québécois nous y a souvent habitués dans le passé, et on pense que la justice va être mieux rendue au niveau des citoyens.

M. le Président, moi, j'ai vu évoluer, dans le passé, certains de ces tribunaux-là. J'ai vu évoluer la Commission des affaires sociales, j'ai vu évoluer la Régie du logement, dont j'ai été responsable, la Commission des affaires sociales aussi, en tant que ministre, j'ai vu évoluer le Bureau de révision de l'évaluation foncière, qui a toujours fait un travail extraordinaire et très apprécié de la clientèle, et je me demande encore comment le fait de chapeauter tout ça par une superstructure bureaucratique, ça va améliorer le fonctionnement de tribunaux qui fonctionnent très bien dans la plupart des cas. Je ne comprends pas. C'est une vue de l'esprit et c'est probablement la façon qu'a trouvée le gouvernement de créer de l'emploi.

Il fut un temps où l'emploi était créé par l'entreprise privée. On avait des gens dynamiques, des gens d'affaires qui avaient le sens de l'entrepreneurship et qui créaient des entreprises génératrices d'emplois. Aujourd'hui, le gouvernement a trouvé que la meilleure façon de créer de l'emploi, c'est de créer des structures bureaucratiques qui vont chapeauter des organismes qui existent déjà et qui fonctionnent très bien. Alors, là, j'ai de la difficulté à comprendre ce que ça va apporter de plus. Mais je sais ce que ça va coûter de plus, par exemple. Ça, c'est évident.

D'autre part, ces administrateurs-là, ces régisseurs, ces gens qui travaillent dans ces tribunaux administratifs et qui rendent la justice, on comprend qu'ils doivent avoir, pour pouvoir travailler en paix et faire un bon travail, une certaine sécurité d'emploi. Si quelqu'un doit juger une cause dont souvent le demandeur est le gouvernement – le gouvernement est une des parties et le citoyen est l'autre partie – que son mandat est expiré – il a été nommé pour cinq ans, puis le cinq ans est expiré – et qu'il doit rendre un jugement dans lequel la partie perdante va être le gouvernement, on comprend que le régisseur va y penser à deux reprises, à deux fois avant de rendre un jugement où il condamne le gouvernement à payer, sachant que son emploi dépend d'une décision du gouvernement. La justice, à ce moment-là, elle est assez précaire.

C'est pour ça d'ailleurs que, dans un éditorial, un éditorialiste écrivait: «Et la justice, bordel!» Excusez le «bordel», M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le journaliste. Alors, le terme n'est peut-être pas parlementaire, mais il reste quand même...

Mme Caron: Question de règlement. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Même si ce n'est pas le député qui dit le propos, même s'il le cite, je vous en réfère à la décision de M. Jean-Pierre Saintonge, le 9 juin 1986, et qui disait bien: «Lire un extrait d'un article de journal qui contient des propos non parlementaires, c'est faire indirectement ce qu'il n'est pas permis de faire directement.» Donc, ce n'est pas plus acceptable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, évidemment que... De la façon dont vous l'avez dit, je l'ai écouté l'autre jour, ça m'a paru être une exclamation plutôt qu'être un qualificatif de la justice. Si c'est un qualificatif de la justice, je ne sais pas comment vous l'avez... Alors, si c'est ça, là, c'est parce que j'ai... Justice, bordel, en voulant dire... Donc, c'est un... Non, je n'ai pas trop compris le sens, si vous voulez, de l'expression. S'il veut qualifier la justice à partir de là, je crois, à ce moment-là, qu'il faudrait retirer, si vous voulez, cette expression. Je n'ai pas vu le texte.

M. Bourbeau: M. le Président, on aura compris que ce que le journaliste disait, c'était: Et la justice, morbleu! Il aurait pu dire «morbleu», il a dit «bordel». Ce n'est pas mes mots, c'est ceux du journaliste. Je ne peux quand même pas trafiquer les écrits du journaliste. Si je le fais, je vais me faire accuser par le journaliste d'avoir trafiqué ses propos.

Alors, un autre éditorialiste a dit: Des juges...

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je veux corriger une chose, là. C'est évident que, même si le journaliste a dit telle chose, ça ne veut pas dire qu'on doit les répéter ici. Le règlement est clair, ça, par exemple, pour la question de désigner un membre du Parlement par son nom plutôt que par son titre. Même si c'est dit dans un texte, on ne doit pas le faire. On doit plutôt transposer le nom en titre. Alors, c'est pour ça, votre raison, ce n'est pas sur ça que je suis revenu, ce n'est pas parce que lui l'aurait dit. Mais, comme je vous ai dit, je n'ai pas le texte, je n'ai pas lu le texte, je n'ai pas lu le titre. S'il veut qualifier la justice par ce mot-là, je crois que c'est antiparlementaire. Et vous devrez le retirer.

M. Bourbeau: M. le Président, pour régler le problème, ce que je pourrais faire, étant donné que je ne veux pas prononcer des propos qui sont antiparlementaires mais que je ne peux pas non plus faire en sorte de changer les termes du journaliste qui pourrait m'accuser d'avoir trafiqué ses propos, je vais montrer le titre et, si la caméra peut venir en gros sur moi, les gens pourront voir ce qui est marqué.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Donc, je n'aurai pas tenu de propos antiparlementaires...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. La chose la plus simple, c'est de continuer votre texte sans revenir sur ça, ce titre-là et ce mot-là. C'est ça qui est le plus simple. Très bien.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. De toute façon on comprend ce qui en est. Ce qui est important, c'est ce qu'on veut dire. Ici, un autre éditorialiste écrit: «Des juges vulnérables». Ça, M. le Président, c'est parlementaire: «vulnérable». Bon, très bien, je vous en sais gré. Alors, «Des juges vulnérables», ça veut dire quoi? C'est que ces juges-là, qui sont nommés et dont les mandats se terminent, sont dans une position intenable. Un autre disait que le gouvernement mettait une épée de Damoclès sur la tête des juges, en disant à ces juges-là: Si vous ne rendez pas des jugements qui nous font plaisir, on ne renouvellera pas vos mandats. C'est indéfendable, M. le Président.

Nous, on pensait qu'à l'occasion d'une réforme des tribunaux administratifs le ministre de la Justice mettrait fin à cette parodie de la justice qu'est la nomination partisane de juges ou, enfin, de commissaires dans ces tribunaux administratifs là. Malheureusement, je dois reconnaître que le ministre de la Justice, qui est censé défendre et promouvoir la justice au Québec, n'a aucune considération pour la justice. Le seul type de justice qui semble l'intéresser, c'est une justice plutôt partisane où il pourra nommer à ces tribunaux-là des gens qui font l'affaire du ministre ou qui sont proches de la religion que pratique le ministre. M. le Président, c'est déplorable. C'est déplorable et c'est pour ça que je me suis objecté et que je m'objecte encore à l'adoption de ce projet de loi n° 130. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Gatineau. M. le député.


M. Réjean Lafrenière

M. Lafrenière: M. le Président, j'interviens aujourd'hui, comme l'ensemble de mes collègues l'ont fait, dans une démarche constructive destinée à faire entendre raison au gouvernement concernant le projet de loi n° 130. J'interviens dans le cadre précis du rapport de la commission des institutions ayant étudié – si «étudié» est le terme convenable, étant donné le bâillon – le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

M. le Président, comme je le disais, dans une démarche constructive, empreinte de gros bon sens, je prends la parole dans une ultime tentative de convaincre ce gouvernement quant à l'adoption de ce projet de loi. Lorsque les électeurs et les électrices de mon comté se sont mis à me parler du projet de loi n° 130, je me suis dis: Je vais prendre connaissance de ce projet de loi, je vais essayer de me faire une idée objective des tenants et aboutissants de ce projet de loi afin de voir quels sont les avantages et les inconvénients de ce projet de loi, quels en sont les effets concrets pour mes concitoyens et concitoyennes que je représente ici, à l'Assemblée nationale.

Donc, M. le Président, j'ai regardé le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, et, dans une démarche, comme je vous le disais, objective, j'ai consulté quelques avocats dans mon comté, j'ai aussi consulté certaines personnes qui connaissent le domaine. Dans une démarche dont on ne peut mettre en doute l'objectivité, je me suis dit: Je vais faire une revue de presse relativement au projet de loi n° 130. Peut-être que l'oeil objectif et sensé de notre presse, de nos médias me permettra de me faire une idée sur le projet de loi n° 130. Ma démarche, à l'origine, était de séparer en deux piles: les éditoriaux, les articles qui auraient parlé favorablement de cette réforme et, dans une autre pile, les articles qui en auraient parlé défavorablement. Après quoi, M. le Président, j'aurais pu me faire une idée bien à moi, à la lumière des commentaires des uns et des autres. C'est ce que j'ai fait.

Je me suis fait une revue de presse concernant la Loi sur la justice administrative. Qu'est-ce que je constate à la lumière de cet exercice objectif, qui n'aura consisté qu'à quantifier et analyser les articles qui se seraient montrés favorables, comparativement aux articles qui se seraient montrés défavorables? Eh bien, ce que j'ai constaté, c'est aucun article, aucun éditorial favorable à la réforme. Autrement dit, plutôt que deux piles que j'avais originellement prévues, une seule pile, assez haute, composée essentiellement d'articles défavorables à la justice administrative, à la réforme que le ministre propose.

Simplement pour lire les titres, Gilles Lesage, du Devoir – Le Devoir , M. le Président, pas la grosse Presse , comme se plaisait à le rappeler l'ancien premier ministre, l'éminent Devoir – Gilles Lesage titre: «Pas de justice à rabais». Le Soleil , ce grand quotidien de Québec, le titre de l'éditorial de Jean Martel: «Les faiblesses d'une certaine justice». Un autre article écrit par André Bellemare, de La Presse canadienne : «Le projet de loi contesté par la Cour du Québec». Pas un obscur juriste ou un obscur avocat révisant le projet de loi, la Cour du Québec, fait extrêmement rare, exceptionnel, est venue en commission parlementaire, par la voix de son juge en chef, contester vivement la partie du projet de loi n° 130 sur la justice administrative qui prévoit l'abolition pure et simple de la plupart des appels qu'elle entend en matière administrative. La Cour du Québec contre la réforme du ministre de la Justice. Il me semble que juste ça, ça fait réfléchir, ça fait réfléchir beaucoup.

Mais la liste ne s'arrête pas là. Dans un autre article, encore une fois du Soleil , sous la plume de Gilbert Leduc, à propos de la réforme des tribunaux administratifs – je vous lis simplement le titre – c'est lui qui le dit, pas l'opposition: «Le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne.» Je vous lis simplement les premières lignes de l'article: «Devant le concert de protestations provoqué par le maintien du pouvoir arbitraire des ministres sur le renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs, le ministre de la Justice promet d'y voir.»

Après avoir lu cet article, M. le Président, j'ai été voir notre critique en la matière, le député de Chomedey. Je lui ai demandé quels sont les amendements que le ministre de la Justice a amenés suite à cet article dévastateur, puisqu'on disait: «Le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne.» Il m'a dit: Il n'y en a pas eu, d'amendements. L'article 25 de son avant-projet de loi de règlement, concernant la justice administrative et le renouvellement des membres des tribunaux administratifs, prévoit noir sur blanc, tout comme à l'époque de cet article dévastateur, qu'un membre, aussi compétent puisse-t-il être, ne sera pas renouvelé si, de l'avis du gouvernement, il est opportun de favoriser l'arrivée d'un nouveau membre... Je souligne «opportun», M. le Président. «Opportun», pour mes concitoyens et concitoyennes, ça ne signifie pas autre chose que «pouvoir discrétionnaire». Tout comme dans l'article de Gilbert Leduc, le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne. Donc, je suis obligé de constater que, tout comme le 17 février 1996, quand Gilbert Leduc titrait «Le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne», le projet de loi suscite toujours aujourd'hui la grogne. Ce qui était vrai hier est vrai aujourd'hui.

(17 h 30)

C'est simplement dans les journaux que des journalistes, des reporters, des éditorialistes peuvent, en toute objectivité, appeler les choses par leur nom. Il n'en demeure pas moins que c'est ça, l'objectif véritable de la réforme, soit de procéder à des nominations partisanes. M. le Président, je voterai contre ce projet de loi. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Gatineau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Beauce-Nord. M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'avouerai qu'il est pour moi pour le moins étrange, pour ne pas dire tristement ironique, de voir siéger aujourd'hui l'Assemblée nationale, dans le cadre de la prise en considération du rapport de la commission des institutions ayant étudié le projet de loi n° 130, alors que cette étude – si étude est le bon mot – a été clôturée, bâillonnée précipitamment.

En fait, cette procédure nous oblige aujourd'hui à prendre la parole à l'égard d'une étude incomplète à cause de la volonté du gouvernement et des députés ministériels d'y mettre fin prématurément. Néanmoins, M. le Président, j'interviendrai ici afin de joindre ma voix à celle de tous mes collègues pour qui cette réforme est un non-sens, du moins dans sa forme actuelle. Entre autres, M. le Président, j'insisterai sur une question fondamentale pour moi, qui est celle du droit d'appel. En effet, en tant que parlementaire et député, je reçois régulièrement, pour ne pas dire tous les jours, un certain nombre de citoyens et citoyennes qui défilent, les uns après les autres, dans mon bureau de comté afin de m'expliquer dans leurs mots un nombre assez incalculable de décisions déraisonnables et non fondées de la part du gouvernement à leur endroit.

Que ce soit en matière de lésions professionnelles, que ce soit en matière d'expropriation, que ce soit en matière de renouvellement ou de refus d'émettre un permis, en quelconque matière – en fait les sujets sont extrêmement nombreux – ils touchent les citoyens et citoyennes dans leur vie, leurs moyens de subsistance et leur gagne-pain.

Dans le cadre de mon travail dans mon bureau de comté, M. le Président, l'un de mes premiers réflexes, quand je fais face à ce type de doléances de la part des citoyens et citoyennes, est de vérifier de quelle façon ces personnes peuvent en appeler de la décision rendue par le gouvernement en cette matière. Il s'agit, M. le Président, du gros bon sens. Et, jusqu'à un certain point, on peut considérer normal que certaines des décisions prises par le gouvernement à l'égard d'un administré penchent plus souvent qu'autrement en faveur du gouvernement.

Donc, M. le Président, mon premier réflexe est de vérifier quel est le droit d'appel pour le citoyen et comment il peut loger son appel d'une décision de l'administration. Dans ce contexte, M. le Président, quelle ne fut pas ma surprise, pour ne pas dire quelle ne fut pas ma stupéfaction, pour reprendre l'expression du bâtonnier du Québec lui-même, dans sa fameuse lettre du 4 décembre dernier abondamment citée en cette Chambre, par ailleurs de constater que le projet de loi n° 130 élimine à toutes fins pratiques tout droit d'appel concernant les décisions rendues par le Tribunal administratif du Québec.

J'ai constaté d'ailleurs que, dans un article du Barreau signé par Claude Masse lui-même, on dit: «Selon le projet de loi, les décisions du Tribunal administratif du Québec seraient sans appel devant une cour de justice.» Le bâtonnier poursuit en disant: «Il n'y a aucun motif valable pour interdire ou entraver le droit d'appel en matière de justice administrative, bien au contraire. Le Barreau propose plutôt qu'il puisse être interjeté appel à la Cour du Québec des décisions du Tribunal administratif, sur des questions de fait et de droit.» Et plus loin, le bâtonnier poursuit en disant: «Nous sommes favorables à la création d'une chambre administrative à la Cour du Québec.»

Je constate donc, M. le Président, que c'est à bon droit que je suis stupéfait de constater l'élimination du droit d'appel par la réforme du ministre de la Justice en matière de justice administrative. Stupéfait et inquiet, grandement inquiet pour tous ces citoyennes et citoyens qui régulièrement se plaignent des décisions parfois arbitraires rendues par l'administration à leur endroit. Inquiet, M. le Président, de voir que ces décisions ne seront plus appelables. Je constate aussi, M. le Président, que le bâtonnier du Québec, ces citoyennes et citoyens, moi-même et l'opposition officielle sommes loin, bien loin d'être seuls à partager cette grande inquiétude.

Dans un article paru dans La Presse , le 14 février 1996, on peut lire en gros titre: «Le projet de loi – en parlant du projet de loi du ministre de la Justice, la loi n° 130 – contesté par la Cour du Québec». M. le Président, la Cour du Québec elle-même conteste vivement la partie du projet de loi n° 130 sur la réforme de la justice administrative qui prévoit l'abolition pure et simple de la plupart des appels qu'elle entend en matière administrative.

Dans son mémoire présenté au ministre de la Justice, la Cour d'appel recommande plutôt de permettre aux justiciables d'en appeler devant elle de toutes les décisions du Tribunal administratif. Et de conclure le juge en chef, qui est cité dans La Presse : «Les voies de recours offertes aux citoyens se trouvent ainsi considérablement réduites à cause de la réforme du ministre de la Justice.»

Je suis, M. le Président, extrêmement inquiet et j'interviens aujourd'hui afin de tenter de convaincre pour une dernière fois les députés ministériels de ne pas procéder à l'adoption du projet de loi n° 130 dans sa forme actuelle. Je constate aussi de par mes recherches que cette formation ministérielle, du temps où elle formait l'opposition, s'était dotée d'un programme politique, «Des idées pour mon pays». Dans ce programme, on peut lire en toutes lettres, noir sur blanc, en page 13: «En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant. Cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec.»

Donc, ce programme du Parti québécois disait, du temps où il formait l'opposition, qu'il y aurait appel des décisions rendues devant la chambre administrative de la Cour du Québec, pas l'abolition pure et simple comme c'est le cas ici avec le projet de loi. Nous sommes encore une fois confrontés à un double langage de la part de ce parti politique: il y a, d'une part, le discours et, d'autre part, les faits. Il y a des belles paroles et des beaux engagements et, d'autre part, les réalisations qui vont complètement à contresens.

Autre ironie, M. le Président, lorsqu'on lit le programme de cette formation politique qui prévoit ni plus ni moins un appel devant la chambre administrative de la Cour du Québec, cela ressemble à s'y méprendre à la lettre du bâtonnier du Québec que je citais plus tôt et qui disait: «Le Barreau du Québec propose qu'il puisse être interjeté à la Cour du Québec des décisions rendues par le Tribunal administratif», et qui poursuit en disant: «Nous sommes favorables à la création d'une chambre administrative à la Cour du Québec.» La ressemblance est assez frappante. Pourtant, ni le Barreau du Québec ni même le programme de son propre parti n'ont réussi à convaincre le ministre de la Justice de changer d'idée et de se raviser. Non. Rien, M. le Président.

Heureusement pour nous, le bon sens et la raison ont encore une place dans l'Assemblée nationale. Non seulement l'opposition officielle s'est-elle objectée à cette abolition pure et simple du droit d'appel, mais, en plus, nos débats, nos arguments en commission parlementaire ont réussi à convaincre certains députés ministériels encore dotés d'un minimum de bon sens. Et vous comprendrez que je fais ici référence au député de Marguerite-D'Youville, qui a voté favorablement à l'amendement présenté par l'opposition officielle, qui visait à introduire un droit d'appel à l'article 13. Le député de Marguerite-D'Youville, qui, je vous le rappellerai, fait partie des députés ministériels. Il est de l'autre côté de la Chambre. C'est donc dire que le ministre de la Justice, avec son complice le leader du gouvernement, est en train d'imposer par la force un projet de loi qui reçoit les condamnations de la part du Barreau du Québec, de la Cour du Québec, du Parti québécois et même – fait extrêmement rare, mais non moins réjouissant – d'un député ministériel lui-même qui, dans un geste courageux, a écouté le bon sens plutôt que la ligne du parti et qui a voté avec l'opposition contre le gouvernement.

Donc, M. le Président, j'espère que d'autres députés ministériels sauront prendre exemple de ce courage et de ce sens du gros bon sens, ce sens du devoir qui veut que l'on représente adéquatement les gens qui nous ont élus dans nos comtés respectifs. Je me joindrai à l'opposition officielle pour voter contre ce projet de loi. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 4 décembre dernier, je me suis levée devant cette Assemblée pour dénoncer vivement la décision du ministre de la Justice d'imposer le bâillon afin de forcer l'adoption du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Ce projet de loi était à l'étude article par article en commission parlementaire. Nous avons eu l'occasion, nous, les députés de l'opposition officielle, d'intervenir pour bonifier et modifier ce projet de loi dont 78 % du contenu avait fait l'objet d'analyses et avait été, en définitive, adopté. Nous étions en plein débat sur le fond lorsque le ministre de la Justice a imposé le bâillon et empêché ainsi les parlementaires de l'opposition officielle de faire correctement leur travail, sachant que les députés ministériels, eux, n'ont eu à peu près rien à dire sur ce projet de loi pourtant majeur.

(17 h 40)

M. le Président, nous avons exprimé dès le début notre intérêt et notre accord de principe à la réforme de la justice administrative, tant attendue, d'ailleurs. Nous avons par contre exprimé tantôt des réserves, tantôt une nette opposition à certaines dispositions de ce projet de loi, notamment en ce qui a trait à l'indépendance et à l'impartialité des juges, d'une part, et à la nécessité de prévoir un droit d'appel, d'autre part. À cet effet, le Barreau du Québec et plusieurs autres institutions et experts ont largement souligné l'importance de l'indépendance des juges et de la possibilité pour les justiciables d'avoir recours à un droit d'appel.

Dans sa lettre du 11 décembre dernier au premier ministre, le bâtonnier du Québec, Me Claude Masse, écrit ceci – et on ne peut mieux dire dans les circonstances – et je cite: «Au chapitre du renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs, la problématique n'est pas nouvelle et a été maintes fois dénoncée. L'indépendance passe notamment par un processus transparent de renouvellement des mandats. Il est inadmissible – selon le Barreau – que le renouvellement des mandats des membres d'un tribunal dépende de la discrétion du gouvernement, d'autant plus qu'en matière administrative le citoyen se retrouve à chaque fois confronté à l'État. Le gouvernement possède encore, à ce jour, selon nous, une discrétion trop étendue. Les dispositions du projet de loi n° 130 doivent donc être revues et bonifiées.

«Par ailleurs, dans l'intérêt des justiciables, le Barreau ne peut accepter qu'aucune décision du tribunal proposé ne puisse faire l'objet d'un appel de plein droit à une cour de justice, d'autant plus qu'il n'est pas assuré que le statut des membres du tribunal offrira toutes les garanties nécessaires.

«L'appel partiel et sur permission en matière d'expropriation, d'évaluation foncière et de protection du territoire agricole, proposé par le ministre, est insuffisant. Comment le ministre justifie-t-il un appel exclusif dans ces secteurs et non dans d'autres? Les citoyens perdraient une trentaine de recours en appel devant les juges de la Cour du Québec, qui offrent des garanties d'indépendance et d'impartialité supérieures à celles prévues pour les membres du tribunal administratif proposé.

«S'il est vrai – ajoute le bâtonnier du Québec – que de très nombreuses heures ont été consacrées en commission parlementaire à la réforme sur la justice administrative, il est aussi vrai que les intervenants ont été appelés à se prononcer sur une cible mouvante, sur des parties de réforme, sans vision d'ensemble. Cette approche législative compartimentée, pour le moins peu transparente, permettait difficilement à l'ensemble des intervenants de se faire une idée claire et précise du projet gouvernemental.»

Le bâtonnier du Québec s'adresse directement au premier ministre parce qu'il ne fait plus confiance au ministre de la Justice, parce qu'il s'est rendu compte que le ministre refuse d'entendre raison et s'entête à agir dans la hâte et la confusion, alors qu'il pilote des projets de loi d'une extrême importance, tant pour le milieu de la justice que pour les justiciables.

Le bâtonnier du Québec n'est pas le seul à avoir une piètre opinion de notre ministre de la Justice. C'est malheureusement un constat largement partagé non seulement par les milieux institutionnels concernés, mais aussi par les militants péquistes, qui voient leur volonté exprimée dans le programme du Parti québécois complètement bafouée par nul autre que le ministre de la Justice.

Des voix: ...

Mme Houda-Pepin: Eux aussi réclament qu'en matière de justice administrative les décisions soient rendues en toute impartialité et en toute indépendance et qu'un appel de ces décisions soit prévu devant la chambre administrative de la Cour du Québec...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme la députée...

Mme Houda-Pepin: ...et la Cour supérieure.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi. Alors, s'il vous plaît, je vous inviterais à respecter le droit de parole, à ne pas intervenir. Alors, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 6 décembre dernier, le bâtonnier de Longueuil, Me Gilles-R. Pelletier, m'écrivait personnellement pour exprimer ses inquiétudes et son opposition face à l'attitude du ministre de la Justice, qui met en péril toute la réforme de la justice, qui relève malheureusement de sa responsabilité. Dans une autre lettre datée du 6 décembre, que Me Gilles-R. Pelletier a fait parvenir au ministre de la Justice et dont il m'a envoyé copie, il écrit ceci, et je cite: «Je ne dis pas que notre point de vue doive nécessairement triompher, bien que vous compreniez sans doute que je le souhaite vivement, mais ce respect que je souhaite que nous nous manifestions réciproquement, je ne le retrouve malheureusement plus entre le Barreau et vous. Vous avez, M. le ministre, et je le dis avec une profonde tristesse, perdu la confiance des membres de notre ordre professionnel. Je suis fort mal à l'aise et même gêné d'avoir à tenir de tels propos au ministre de la Justice. Il me semble que certaines fonctions, dans notre société, comportent des exigences de base minimales; j'en suis rendu à douter que vous ne les possédiez.»

M. le Président, c'est triste à dire, mais c'est un jour sombre aujourd'hui dans notre histoire parlementaire. Voir le ministre de la Justice imposer la guillotine pour faire adopter un projet de loi majeur qu'il n'a pas réussi à mener à terme et qui a des incidences graves sur la qualité et l'accessibilité de la justice est un moment certainement pénible. J'ai eu l'occasion de voir et d'entendre le ministre en commission parlementaire et j'ai pu me rendre compte personnellement de son manque d'ouverture à l'égard des commentaires, des recommandations et des modifications qui ont été apportés de bonne foi par différents groupes. Jusqu'au maire de Québec, M. Jean-Paul L'Allier, qui lui a écrit, en date du 8 octobre 1996, pour lui signaler des irritants majeurs pour le milieu municipal, notamment en ce qui a trait à l'article 116 du projet de loi n° 130. Mais, de toute évidence, le ministre a choisi de faire la sourde oreille et de passer outre aux propositions constructives, tant de l'opposition officielle que du Barreau du Québec et des représentants du milieu de la justice. Voilà, M. le Président, autant de raisons qui justifient que je m'oppose à ce projet de loi.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens à cette étape, comme député de Châteauguay. Je tiens à souligner que je suis aussi membre du Barreau du Québec. Et je voudrais débuter mon intervention en rappelant, ce que certains de mes collègues ont déjà fait, la lettre datée de ce jour, signée par le bâtonnier, une lettre convaincue, une première dans les annales, qui indique la qualité des rapports entre le ministre de la Justice et le Barreau, et c'est un jour qui va rester marqué.

(17 h 50)

Je reprends deux passages, simplement, de cette lettre adressée au premier ministre du Québec. C'est signé du bâtonnier, qui dit: «Le ministre de la Justice a tenu, le 9 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, des propos qui tendent publiquement à remettre en question la bonne foi du Barreau dans le dossier de la réforme de la justice administrative.» Le Barreau relève que le ministre de la Justice n'a aucun respect pour l'institution qu'est le Barreau, et s'en défend, et appelle au premier ministre correction. Deuxième partie de la lettre: «De tels propos démagogiques et indélicats, tenus par surcroît par un ministre de la Justice, jettent du discrédit sur l'institution du Barreau et trahissent un sens peu développé des institutions.»

Je ne retiens que ces deux passages, M. le Président. La lettre du Barreau est un coup de poing au ministre de la Justice, une dénonciation en règle de son travail, de la façon dont il aborde la justice, du sens qu'il a des institutions. On parle ici du ministre de la Justice, de celui qui doit être le premier à défendre les institutions. Il est accusé par le Barreau du Québec d'être celui qui attaque les institutions, et on porte appel au premier ministre. J'ose croire que le premier ministre entendra cet appel pour le bien de nos institutions.

Rapidement, parce que je n'ai pas grand temps, il faut expliquer pourquoi le Barreau fait cette dénonciation qui va appeler un virage dans la carrière du ministre de la Justice. Pourquoi un tel désaccord? M. le Président, parce que cette Loi sur la justice administrative, dont on dit qu'elle est une réforme de la justice administrative, ne réforme pas la justice, elle réforme l'administration contre la justice, en sens contraire de la justice, et c'est pourquoi mon collègue de Chomedey a travaillé si fort.

Et, à la commission des institutions, combien de représentations, d'argumentations, de travail nous avons fait? Parfois, le ministre de la Justice acceptait après les débats des amendements parce qu'on voulait travailler à faire une réforme de la justice, pas à défaire la justice. Et, parfois, il a accepté. Et je vous dirai, M. le Président, que ce qui est le plus étonnant, c'est que ce travail que l'on faisait... J'apprends aujourd'hui que le travail que l'on a fait, les amendements qui ont été acceptés, à l'étonnement de tous... En commission parlementaire, le ministre avait accepté et adopté un amendement présenté par l'opposition officielle, mon collègue de Chomedey, relativement à l'article 5. Aujourd'hui, à l'étape de la prise en considération du rapport, le ministre présente un amendement qui abroge l'amendement qu'il avait accepté. Dans le confort de son cabinet, avec son petit groupe, l'Exécutif décide de passer outre au législatif. Voilà un autre exemple de l'attaque aux institutions que mène le ministre de la Justice.

M. le Président, le Barreau du Québec fait une dénonciation en règle du ministre de la Justice du Québec. Nous avons la preuve aujourd'hui qu'il passe outre au vote pris par des collègues des deux côtés de la Chambre en commission. Pas seulement le ministre de la Justice qui a voté ces amendements, ses collègues aussi de son côté qui ont participé au débat et qui ont travaillé à bonifier.

Quel est donc le mandat du ministre de la Justice? De procéder à cette réforme de l'administration. Parce que c'est de ça dont il est question. Il nous a dit en commission: Ce que je cherche à faire, c'est parce qu'il y a trop de plaintes, il y a trop de monde qui se plaint de l'État, alors on va couper les recours. On ne va pas changer comment l'État fonctionne. Ah non! M. le Président. Ah non! L'État, c'est à moi. Mais est-ce que le ministre de la Justice a pensé aux citoyens? Est-ce qu'il a pensé à ceux qui perdaient des recours? Parce que c'est ce que le Barreau nous dit. Ce n'est plus une lumière rouge, c'est un appel au premier ministre à changer son ministre de la Justice pour changer son projet de loi. Quand vous avez le Barreau du Québec qui doit défendre les citoyens et qui le fait lorsqu'il écrit, le Barreau, au premier ministre aujourd'hui même et qu'il lui dit: «Les citoyens, avec ce projet, perdraient une trentaine de recours en appel devant les juges de la Cour du Québec, qui offrent des garanties d'indépendance et d'impartialité supérieures à celles prévues pour les membres du Tribunal administratif proposé...»

M. le Président, il y a quelqu'un qui va se lever du côté ministériel puis qui va dire: On est à côté de la traque. Il y a quelqu'un qui va se lever puis qui va dire: On a fait une erreur, on s'excuse, on recule. C'est... Il y a, quoi, deux jours, le ministre de la Justice se lève et il confesse qu'il a eu un blanc, qu'il a oublié quelque chose. Mais c'est la semaine des blancs, M. le Président. Le ministre de la Justice a eu un blanc avec son projet, un gros blanc: il a oublié les citoyens. Il a oublié les gens qu'on représente. Il a oublié pour qui on travaille. Il a oublié le Québec. Il a eu un gros blanc, M. le Président: il a oublié son programme. Il a oublié le programme qui a amené l'élection du Parti québécois. Il pourrait toujours plaider qu'il n'est pas le seul au gouvernement à oublier son programme. Je veux bien l'admettre qu'il n'est pas tout seul, mais il y a quand même des limites à se présenter, à faire des discours, puis à dire: Élisez-nous, on va faire ça, puis à faire complètement le contraire, M. le Président. Et je le dis pour tous ceux qui nous écoutent. C'est inattaquable, ce que je présente.

Dans le programme du Parti québécois qu'ils nous ont présenté et sur lequel ils ont fait des discours pour se faire élire, on voulait faire le contraire du 130, M. le Président, dans le programme électoral. Et c'est le 130 qu'on reçoit: enlever des droits aux citoyens. Qui est gagnant là-dedans? Parce que c'est ça, on voit bien que les citoyens sont perdants. Mais qui gagne? Qui a un intérêt là-dedans? Il y en a juste un qui gagne, M. le Président, et c'est le ministre de la Justice. Pourtant, il devrait travailler à faire gagner les citoyens du Québec. Mais c'est lui qui gagne. Il se garde des pouvoirs, il se donne la machine. Ah oui, le premier ministre disait: Seule la machine sera touchée, pas les citoyens. Eh! monsieur. Le contraire, M. le Président: seuls les citoyens sont touchés. La machine, elle, elle respire. Il n'y a pas de problème, le ministre prend le contrôle.

Une voix: Exactement.

M. Fournier: Incroyable, M. le Président! On a oublié les citoyens: un gros blanc. On a oublié son programme: un deuxième gros blanc. Un troisième gros blanc: on a oublié le sens des amendements que présentait le député de Chomedey, le critique en matière de justice, dont on a plaidé, interprété, on a présenté l'argumentation, le ministre de la Justice était d'accord en commission. Une commission, c'est quoi? On réunit des membres des deux côtés, puis on essaie d'avancer, de bonifier des projets de loi. Alors, il l'accepte. Des collègues de son côté acceptent les représentations de mon collègue de Chomedey. On adopte. Un gros blanc. Ce n'est plus là, dans le projet de loi, quand on s'en vient ici: il l'a enlevé. Dans le confort de son cabinet, deux ou trois personnes ont décidé que la commission des institutions, ça ne valait rien, on est mieux de faire ça dans l'obscurité à deux ou trois, M. le Président.

C'est incroyable, le peu de respect pour les institutions dénoncé par le Barreau du Québec. Et je me lève aujourd'hui pour dénoncer avec le Barreau du Québec ce que le ministre a fait. Et trois blancs comme ça, ça appelle juste une chose: ça appelle un bleu pour le ministre de la Justice. C'est incroyable qu'on soit rendu à cette situation-là, des propos aussi forts présentés par le bâtonnier du Barreau du Québec, celui qui vient dire aujourd'hui au premier ministre: Vous vous êtes trompé avec ce ministre; vous vous trompez avec votre projet de loi; vous enlevez des droits aux citoyens. On ne peut pas faire ça dans notre système démocratique, notre système parlementaire, avoir aussi peu d'égards pour les institutions, avoir aussi peu d'égards pour les citoyens qu'on représente.

Et, à chaque jour, à chaque jour, ce jour sombre que connaît aujourd'hui le ministre de la Justice lui sera rappelé, parce que nous n'avons pas le choix, M. le Président. Dans notre travail de représentants de la population, nous n'avons pas le choix que de lui rappeler à chaque jour l'erreur qu'il commet quand il brise les ponts avec le Barreau, quand il décide de porter les institutions sur le côté et de garder toute la place pour lui et les quelques membres de son cabinet. L'Exécutif ne peut se comporter comme ça à l'égard de la population et du législatif, et, à chaque jour, il sera dénoncé. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Alors, étant donné l'heure, nous allons... Excusez. Nous ne revenons pas à 20 heures. À ce moment-là, il faudrait ajourner l'Assemblée. S'il vous plaît, demandez...

Mme Caron: C'est ça, j'ai une autre motion. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au jeudi 12 décembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nos travaux sont donc ajournés à jeudi, 10 heures, demain matin.

(Fin de la séance à 18 heures)


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