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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, May 30, 1997 - Vol. 35 N° 109

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures une minute)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 114

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur la prévention des incendies. M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur la prévention des incendies afin de prévoir que le gouvernement peut édicter un règlement prévoyant les exigences de formation ainsi que les autres qualités requises des membres des services d'incendie.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre des Relations internationales.


Lettre du président de la Chambre canadienne-allemande de l'industrie et du commerce concernant un article du journal The Financial Post

M. Simard: Oui, M. le Président, j'aimerais déposer en cette Chambre une lettre de M. Uwe Harnack, du Deutsch-Kanadische Industrie, du Canadian German Chamber of Industry and Commerce, concernant les propos qui ont été rapportés ici, en cette Chambre, la semaine dernière, une rencontre entre les officiers du ministère de l'Industrie et du Commerce et une délégation d'industriels allemands.

Le Président: Alors, ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 103

M. Sirros: J'étais un peu distrait, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 27 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ce rapport de la commission est déposé. M. le député de Taschereau au nom de Mme la présidente de la commission de l'éducation.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 109

M. Gaulin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé les 20, 21, 22, 27, 28 et 29 mai 1997 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Ce rapport est également déposé. M. le président de la commission des finances publiques, M. le député d'Arthabaska. M. le député de l'Acadie.


Étude détaillée du projet de loi n° 139

M. Bordeleau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 29 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Bon. Merci, M. le vice-président. M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée des projets de loi nos 125 et 106

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 21, 22, 27 et 28 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 29 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions, maintenant. M. le député de Masson.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Blais: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 300 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Masson.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants et à tous les parents;

«Considérant que lors des états généraux sur l'éducation la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle temps plein, mais a plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec, émis lors des sondages des commissions scolaires;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement, la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents...»

Le Président: M. le député de Masson. Alors, M. le député de Masson, s'il vous plaît, il faut faire en sorte que cette période-là ne soit pas dévaluée. Je vous demanderais de faire en sorte que la lecture se fasse correctement.

M. Blais: Je vous remercie, M. le Président, mais je pensais que mettre du ton, ça donnait de l'ampleur.

«...de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme à tous les règlements – même le ton employé – et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Masson. J'invite maintenant M. le député de Taschereau.


Améliorer les conditions de participation à un parcours en employabilité

M. Gaulin: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition par 651 personnes, pétitionnaires, élèves du centre Louis-Jolliet. Je demande l'autorisation de la déposer puisqu'elle n'est pas conforme. Ça va?

Le Président: Pour dépôt.

M. Gaulin: «Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les élèves du centre Louis-Jolliet, CECQ, n'ont pu être entendus lors des consultations sur le projet de la réforme de la sécurité du revenu;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons:

«1° Que l'on reconnaisse l'autonomie de la personne dans le choix de son parcours – insertion, formation et/ou emploi – à partir de ses forces et capacités et en collaboration avec son conseiller en employabilité;

«2° Que l'on abolisse la coupure du montant en regard du partage du logement pour les personnes inscrites à un parcours;

«3° Que l'on maintienne un barème de participation pour les personnes en attente d'un autre parcours ou en poursuite d'un parcours;

«4° Que l'on reconnaisse aux chefs de familles monoparentales inscrits dans un programme de formation un horaire de 20 heures maximum pour ceux ayant des enfants âgés de moins de quatre ans et l'acceptation des billets de motivation d'absences des garderies lorsque l'enfant est malade;

«5° Que l'on reconnaisse aux personnes inscrites à temps complet dans un centre de formation le droit d'avoir un congé scolaire de quatre semaines en juillet.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

(10 h 10)

Le Président: Merci, M. le député. Cette pétition est déposée. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Alors, M. le Président, j'entends déposer l'extrait d'une pétition qui est signée par 5 145 pétitionnaires citoyens et citoyennes du comté de Drummond. Cependant, au préalable, je demande l'autorisation étant donné qu'elle n'est pas conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. M. le député de Drummond, vous pouvez y aller.


Maintenir le secteur Acton dans le territoire de la commission scolaire des Chênes

M. Jutras: «Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que Mme la ministre Marois propose le redécoupage de la carte des commissions scolaires;

«Attendu que ce redécoupage propose le déplacement des 2 000 élèves du secteur Acton vers la commission scolaire de Saint-Hyacinthe;

«Attendu que les comités d'école touchés par ce changement ont, par résolution, manifesté leur intention ferme de demeurer à la commission scolaire des Chênes – qui est la commission scolaire de Drummondville;

«Attendu que la baisse de clientèle à la commission scolaire des Chênes aura pour effet de diminuer les services que celle-ci pourra offrir à sa clientèle;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons le maintien du secteur Acton à la commission scolaire des Chênes.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Drummond. Alors, la pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ce qui nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Patients en attente de chirurgie

M. Johnson: Hier, à l'Assemblée, l'opposition a posé plusieurs questions au premier ministre sur l'état des listes d'attente en chirurgie cardiaque, notamment à Montréal. Le premier ministre a délégué son ministre bureaucratique à la Santé pour donner des réponses où celui-ci a pris ses théories et ses petits papiers pour des réalités, prétendant avoir vérifié sur le terrain ce qu'il en était. On découvre, ce matin, que les anesthésistes trouvent que le ministre était dans le champ; il n'était pas sur le terrain, il était vraiment dans le champ, avec ses réponses.

Lorsqu'on regarde ce que l'Association des anesthésistes en dit, lorsqu'on regarde quelle est la situation à l'hôpital Notre-Dame comme telle, lorsqu'on tient compte de la situation véritable à l'Institut de cardiologie de Montréal – où, d'ailleurs, avant d'être député, j'ai été de nombreuses années comme membre du conseil d'administration; alors, évidemment, ça me touche toujours d'un peu plus proche que d'habitude de voir ce qui se passe à l'Institut de cardiologie – c'est pour découvrir, dans le fond, que le ministre n'a donné aucune réponse, et que les réponses qu'il a données, s'il en a donné, sont contredites carrément par la réalité, par les témoignages des médecins, des administrateurs d'hôpitaux et par les patients eux-mêmes qui sont en attente de chirurgie cardiaque. Ce que les gens ne pouvaient pas voir à la télévision, c'était comment le premier ministre applaudissait avec enthousiasme à chacune des non-réponses du député de Charlesbourg et ministre de la Santé.

Est-ce que le premier ministre s'est rendu compte – plutôt que de sourire, il devrait réfléchir – donc s'est rendu compte que le ministre de la Santé n'a non seulement pas répondu à la question, qu'il a répondu à côté de la question et qu'il a même répondu en suggérant des éléments de réponse qui sont contredits par la réalité?

Est-ce que le premier ministre maintient à son compte les affirmations du ministre de la Santé à l'effet que tout va bien et que les médecins se trompent, les anesthésistes se trompent, les patients se trompent, les malades se trompent, puis il y a juste lui et le premier ministre qui ont raison?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux, hier, a traité de cette question avec beaucoup plus de mesure et de pondération que vient de le faire le chef de l'opposition dans une question qui est pleine d'approximations et d'attaques sans fondement contre la personne du ministre. Le ministre de la Santé, hier, a signalé à quel point le gouvernement se soucie de la qualité des soins, à quel point le gouvernement se préoccupe – et lui en particulier, le ministre en question – de cette question plus spécifique qu'est la chirurgie cardiaque.

Nous sommes en train de procéder à un renouvellement du régime des soins hospitaliers et médicaux au Québec et il se trouve que, dans ce secteur particulier de la chirurgie cardiaque, les listes d'attente se sont récemment allongées. C'est un problème donc qui est spécifique, il faut le rappeler, parce que, dans l'ensemble, les attentes générales ont diminué de 8 000 depuis l'an dernier, mais il se trouve que, dans le secteur de la chirurgie cardiaque, il semble y avoir une problématique particulière. Et le ministre s'est attaché, hier, à essayer d'expliquer à l'opposition quels sont les problèmes qui se posent par rapport à cela et invitant en particulier l'opposition à examiner avec lui les causes de la situation actuelle dans le domaine de la chirurgie cardiaque.

Et il appert, comme il l'a mentionné hier, que la pénurie des anesthésistes est certainement un facteur. Nous savons, par exemple, M. le Président, que le plan qui avait été dressé pour la période 1993-1997 pour le Grand Montréal, en termes d'effectif d'anesthésistes, prévoyait qu'il y aurait 202 anesthésistes; il se trouve qu'il y en a 30 de moins que prévu, c'est-à-dire 172, et certainement que ça a un effet sur la rallonge des cas lourds. On sait que les cardiaques sont des cas lourds. Je rappellerai aussi, M. le Président, que le ministre, hier, a clairement affirmé que tous les cas urgents sont traités immédiatement. Donc, ce n'est pas une situation catastrophique.

Et il y a un autre facteur qui apparaît, parce qu'on a fait les vérifications depuis hier, c'est qu'il y a un problème de coordination entre, entre autres, trois hôpitaux francophones montréalais qui pratiquent ce genre de chirurgie. On voit, par exemple, que l'Institut de cardiologie a 166 personnes en attente de chirurgie cardiaque; à Notre-Dame, 69; à Saint-Luc, 11. Donc, il y a une distribution qui devrait se faire de façon plus rationnelle. Il ne s'agit pas de blâmer les individus et les organismes, mais le ministère est bien conscient qu'il va falloir agir sur la façon de coordonner davantage les activités de chirurgie cardiaque entre, notamment, ces trois hôpitaux.

J'ajouterai, M. le Président, que le ministre a consacré une somme de 4 200 000 $ pour la période 1997-1998, donc pour la période en cours, pour améliorer l'accès à la chirurgie dans la région de Montréal, qu'il y a, ce matin, sur place un émissaire spécial...

Des voix: ...

M. Bouchard: M. le Président, si on veut avoir les renseignements, je vais les donner; si on ne les veut pas, je vais m'asseoir. Non, mais la question me paraît suffisamment importante. Ce n'est pas une question anodine, elle est importante. Je crois qu'il faut que la population connaisse les faits.

Il y a, ce matin, sur place un émissaire spécial du ministre, qui est le responsable du Groupe tactique d'intervention, qui a déjà convoqué les intervenants. Nous aurons un rapport entre les mains lundi matin, sur le bureau du ministre, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, au moins, se rend compte que ce que le ministre a dit n'était pas vrai? La cause principale des retards, des attentes et de l'allongement des listes d'attente, c'était, selon le ministre de la Santé, la pénurie d'anesthésistes. Le Dr O'Donnell et le Dr Gignac disent que ce n'est pas vrai. Le ministre dit que la raison est qu'il manque d'anesthésistes; les anesthésistes et l'Institut de cardiologie de Montréal disent que ce n'est pas vrai. Première des choses.

Deuxièmement, le ministre devait avoir comme mandat, lorsqu'il a été assermenté par le trompeur, en octobre 1994, par Jacques Parizeau, de couper de moitié les listes d'attente au Québec, et elles s'allongent. Donc, il n'a pas fait ce qu'il devait faire.

Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il ne nous donne pas de réponse, qu'il ne répond pas à la question, qu'il est incapable de nous expliquer pourquoi le ministre prétend que c'est la pénurie d'anesthésistes qui est à la base de l'allongement des listes d'attente, alors que les anesthésistes, les opérés, ceux qui veulent être opérés, les malades et les administrateurs d'hôpitaux disent que ce n'est pas le cas? Tout le monde sait que ce n'est pas le cas. À un point tel que ce sont les budgets, les coupures et le manque de lits qui sont en cause; pas le manque d'anesthésistes.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je vois que le chef de l'opposition est davantage préoccupé à la chasse aux sorcières plutôt que d'aider le gouvernement à trouver une solution à un problème actuel que nous avons à régler.

Il est difficile de pondérer l'importance d'un facteur ou de l'autre dans la création d'un problème temporaire comme celui-ci, dans le domaine spécifique de la chirurgie cardiaque, mais il est certain que le facteur de la pénurie des anesthésistes joue, puisque, comme je viens de le dire, il y en a 30 sur 202 de moins que prévu dans la région de Montréal. Ça doit compter, ça, dans la distribution des soins et la possibilité de répondre aux exigences.

Et je voudrais rappeler, M. le Président, que, malgré les attaques de l'opposition qui tente de trouver des failles et qui signale... Dans ce cas-ci, ça a été signalé de façon plus spécifique et correctement. C'est vrai qu'il faut trouver une solution à la rallonge récente des listes d'attente dans les soins cardiaques. Mais il faut quand même rappeler que nous avons l'un des meilleurs systèmes, pas seulement au Canada, mais sur le continent et dans le monde.

(10 h 20)

Rappelons que l'étude de 1996... Puisqu'il s'agit du temps d'attente, c'est important. Si on traite de la question du temps d'attente de soins médicaux, combien de temps attend-on avant les soins médicaux généraux, y compris hospitaliers, de la part des patients québécois? L'Institut Fraser de Vancouver a publié un tableau en 1996 qui montre que c'est au Québec que c'est le plus court. En nombre de semaines, 4,7 au Québec; l'Ontario, 5,2; la Colombie-Britannique, 9; l'Alberta, 6,6; la Saskatchewan, 6,7; le Manitoba, 6,3; le Nouveau-Brunswick, 7,8; Terre-Neuve, 5,2; la Nouvelle-Écosse, 6,3; l'Île-du-Prince-Édouard, 11,8. C'est le Québec qui est le meilleur. On devrait un peu se réjouir parfois aussi, non?

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Alors, on voit qu'on n'est pas obligé d'attendre le retour du ministre de la Santé pour avoir des réponses de technocrate et de bureaucrate, à coups de papiers puis de statistiques.

Maintenant que ceux qui sont sur les listes d'attente de l'Institut de cardiologie et de l'hôpital Notre-Dame savent que c'est une chasse aux sorcières, d'après le premier ministre, la situation très réelle que ces gens-là vivent, maintenant qu'ils savent que ce sont simplement des cas d'espèce et des cas individuels – 900 cas d'espèce et cas individuels – ça me permet de demander au premier ministre à quel moment est-ce que des centaines et des milliers de cas d'espèce deviennent un problème collectif? Y «a-tu» moyen de savoir ça aussi de sa part? Quand est-ce qu'il va s'en occuper?

Et, quant à s'en occuper, est-ce qu'il peut nous expliquer pourquoi ce n'est pas lui qui prend aujourd'hui le leadership de la solution de ce problème-là, comme il doit le faire comme premier ministre? C'est un problème qui préoccupe tous les Québécois. Est-ce qu'il peut nous expliquer pourquoi, ce soir, il préfère aller au cégep Ahuntsic avec Gilles Duceppe? En quoi est-ce que ça va régler?

Des voix: ...

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous dire pourquoi il ne convoque pas son ministre, les représentants des spécialistes en chirurgie cardiaque, y compris les anesthésistes, les représentants des administrations hospitalières impliquées? Pourquoi ne convoque-t-il pas, lui, ces gens, y compris son ministre, notamment, ce soir, à partir de tout de suite, afin de régler le problème pour que, lundi matin, au lieu de se demander pour qui les gens vont voter – y «vont-u» voter pour Gilles Duceppe ou ils ne voteront pas? – les gens qui sont en attente d'une chirurgie cardiaque, eux, sachent que le premier ministre s'est occupé de leur problème, puis que lundi ça va être réglé, puis que ça va être ça qui est important pour le premier ministre lundi, pas de savoir si le Bloc québécois va avoir des sièges ou n'en aura pas?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Revenons au vrai problème. Oublions les obsessions du chef de l'opposition, qui pense toujours a la politique fédérale, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: La question du régime des soins au Québec. Je constate que le chef de l'opposition fait bon marché des comparaisons avantageuses qu'on dresse entre le Québec et les autres provinces canadiennes dans le domaine de cette grande réussite québécoise dont nous sommes tous fiers, dont l'opposition devrait être fière aussi, d'avoir mis en place un formidable système des soins. Ça ne veut pas dire qu'il est parfait partout, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des cas d'espèce. Il a raison, il faut toujours tenir compte également des individus. Ce sont des personnes qui sont en cause. Il y a ce qu'on réussit en général, il y a les endroits spécifiques où on doit améliorer, et il est certain – et le ministre, hier, l'a dit avec beaucoup de compassion et beaucoup de sincérité – qu'il faut s'émouvoir de l'anxiété et de la période d'angoisse que traversent les gens qui sont en attente d'une opération cardiaque. C'est quelque chose de très important et de très traumatisant, et c'est pour ça, M. le Président, que, justement en fin de semaine, nous déployons tous les efforts possibles pour avoir l'heure juste, pour avoir les solutions et être capables, dès lundi matin, de peser sur le bouton pour apporter la solution.

J'ajouterai, M. le Président, puisque le chef de l'opposition tient tant à parler des élections fédérales-provinciales, que le président et chef du Parti libéral, M. Jean Chrétien, pourrait bien profiter de sa présence à lui, le chef de l'opposition. Je pense qu'il en aurait un peu besoin actuellement.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Le premier ministre, comme d'habitude, ne répond pas à la question. La question que je lui ai posée, c'est: Est-ce qu'il entend s'impliquer rapidement et personnellement dans ce dossier-là pour démontrer à des centaines de personnes qui sont en train de vivre des situations dramatiques que, lui, le premier ministre, s'en occupe et que ce qui le préoccupe, lui, le premier ministre, c'est le sort des gens qui sont sur les listes d'attente en chirurgie cardiaque, ce n'est pas le sort des pensionnés du Bloc québécois qui sont en train de se représenter pour avoir leur pension au fédéral? C'est ça, la réalité des choses. Comment le premier ministre peut-il préférer aller jouer à la vedette dans les assemblées du Bloc au lieu de s'occuper des gens qui sont malades et qui attendent des solutions et l'implication du premier ministre pour régler les problèmes de santé au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je peux assurer la Chambre et le chef de l'opposition que le ministre, aussi bien que moi-même et le gouvernement, nous nous préoccupons de cette question. J'exerce la plus grande vigilance et je le ferai également en fin de semaine, je m'assurerai, comme il se doit, que tous les moyens requis seront pris pour redresser la situation.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que, la dernière fois qu'il a dit ça, à propos des élèves dans les écoles, à propos des garderies, à propos des personnes âgées qui n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments, que la dernière fois qu'il a dit qu'il s'en occuperait, ça n'a rien réglé? Est-ce que ça fait avancer le dossier que le premier ministre nous affirme tout d'un coup qu'il va s'en occuper, puis on verra?

Ce que je lui demande, c'est tout de suite. C'est tout de suite. Ce n'est pas de s'en occuper plus tard, c'est de nous dire exactement qu'est-ce qu'il entend faire de façon spécifique pour que le rythme d'opérations en chirurgie cardiaque puisse être atteint, comme la capacité du réseau le permet. Et est-ce que le premier ministre va cesser de dire aux gens qui sont en attente de chirurgie que ce n'est pas si pire que ça dans leur cas, qu'ils ne s'énervent pas avec ça, ailleurs, c'est pire? Ce n'est pas ça qu'ils veulent savoir, ici. Ils veulent savoir comment le premier ministre va améliorer la situation.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: D'abord, une chose que je ne ferai pas et que j'aimerais bien voir et également adopter, comme attitude, le chef de l'opposition, c'est de ne pas faire de politique sur le dos de ces pauvres personnes qui attendent présentement une chirurgie cardiaque. Premièrement.

Deuxièmement, un personnage très important au gouvernement, c'est le responsable du Groupe tactique d'intervention, qui a été dépêché sur les lieux, qui rencontre présentement les intervenants, les médecins, les dirigeants d'hôpitaux, et ainsi de suite, pour que nous puissions déterminer très clairement comment agir pour pallier à la pénurie d'anesthésistes, comment établir une meilleure coordination entre les différents hôpitaux qui travaillent dans le secteur et comment faire en sorte que ce problème spécifique que nous avons temporairement, pour les gens qui sont en attente de chirurgie cardiaque, puisse se régler dans les plus brefs délais.

Voilà ce que nous faisons, M. le Président, en fin de semaine. Nous sommes au courant de ce qui se passe, nous avons des rapports constants. Et j'ai bien confiance que, dès lundi, le ministre, saisi du rapport que nous attendons, pourra mettre en oeuvre les solutions qui s'imposent.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Je demande au premier ministre: Qui dit vrai? Lui-même et son ministre qui prétendent encore que c'est la pénurie d'anesthésistes, comme il vient encore de le laisser croire, qui est responsable de l'allongement des listes d'attente, ou alors les anesthésistes qui disent: Ce n'est pas ça, le problème; ce n'est pas la spécialité qui est la plus affectée, ça ne change rien; avec les effectifs d'anesthésistes qu'on a aujourd'hui, on pourrait faire plus; ce sont les coupures, le manque de lits, la maladministration du ministère qui est en cause? Est-ce que le premier ministre est en train de dire que les anesthésistes et ceux qui s'occupent des patients n'ont pas raison puis qu'il n'y a rien que son ministre qui a le pas?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je répète ce que nous avons dit, ce que ne veut pas entendre le chef de l'opposition. C'est que le manque d'anesthésistes est un facteur. Ce n'est pas le seul, j'en ai identifié au moins un autre. Ce n'est pas normal, M. le Président, qu'il y ait à l'Institut de cardiologie, cette grande institution montréalaise, 166 personnes en attente, à Notre-Dame, 69, et à Saint-Luc, qui est un hôpital remarquable aussi, M. le Président, on le sait, 11 seulement. Donc, il y a une répartition plus rationnelle qu'il faut pouvoir faire. Et nous allons travailler également sur cet aspect de la question sachant qu'elle est complexe, qu'elle ne se résume pas, comme tente de le faire le chef de l'opposition, à un seul aspect, et qu'il faut, pour apporter une vraie solution, avoir une vue d'ensemble et considérer la totalité des éléments qui font partie de la situation. Et c'est là-dessus que nous allons agir. Et les gens peuvent être rassurés: Qu'ils n'écoutent pas les cris d'énervement du chef de l'opposition, qu'ils sachent qu'il y a un gouvernement qui est au travail puis qui s'occupe de leur santé, M. le Président.

(10 h 30)

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.


Fermeture de foyers de groupe pour mères adolescentes

Mme Loiselle: En principale, s'il vous plaît, M. le Président. M. le Président, le 22 mai dernier, le premier ministre du Québec accompagnait la ministre de la Condition féminine pour le lancement du plan d'action 1997-2000 en matière de condition féminine. Dans ce plan d'action, il y a un des trois projets qui est dit mobilisateur, qui est spécifique pour la prévention et le soutien aux jeunes filles, adolescentes, et on peut le comprendre, parce que, au Québec actuellement, sur une période de 10 ans, il y a eu une augmentation du taux de grossesse de 60 % chez les jeunes filles de 14 à 17 ans.

Alors, ma question au premier ministre du Québec: Comment le premier ministre pouvait-il, il y a quelques jours à peine, le 20 mai dernier, participer avec fierté au lancement du plan d'action 1997-2000 et aujourd'hui accepter, silencieux, sans broncher, les décisions de son – comme il l'appelle si bien – «exceptionnel ministre de la Santé» de fermer la moitié des foyers de groupe pour les jeunes adolescentes mères qui sont en difficulté et qui sont en période de grossesse quand on sait, comme je viens de le dire, qu'au Québec il y a eu un taux d'augmentation de 60 %, pour les jeunes filles de 14 à 17 ans, pour le taux de grossesse? Alors, comment peut-il rester silencieux et laisser faire son ministre de la Santé?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, avec raison, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a parlé de ce plan d'action pour les Québécoises 1997-2000 qui a été accueilli à l'unanimité, je pense, favorablement. Je comprends que, dans le dossier des projets mobilisateurs, il y a un projet important qui sera entrepris par le Secrétariat à la condition féminine avec l'appui du ministère de l'Éducation et du ministère de la Santé et des Services sociaux et qui concerne la prévention des grossesses chez les adolescentes. Entre 1980 et 1993, donc durant 13 années, le taux de grossesse chez les 14 à 17 ans a augmenté considérablement au Québec et ce taux de grossesse peut être un facteur de chronicité de la pauvreté chez les mères monoparentales.

Alors, je comprends que nous allons... Je vais prendre la question de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne en... Comment dit-on? Je vais prendre avis de la question. Mais j'ai moi-même, avec Mme la ministre de l'Éducation, convenu depuis plusieurs mois déjà de corriger une situation qui existait depuis des années et qui obligeait les mères adolescentes à cesser de poursuivre leurs études collégiales. Dorénavant, ces études collégiales leur sont ouvertes avec le soutien de la sécurité du revenu. Alors, je vais m'informer, mais je douterais que ce que Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vient d'apporter se révèle fondé.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, vous comprendrez que je ne peux pas accepter un «prendre avis» quand une décision a été prise.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le premier ministre qui a... La décision est prise. Son exceptionnel et merveilleux ministre de la Santé a décidé de fermer la moitié des foyers de groupe pour les jeunes filles adolescentes enceintes. Est-ce que le premier ministre, qui est silencieux mais qui va être éloquent ce soir devant les bloquistes, peut me dire comment il peut accepter sans broncher que son ministre de la Santé ferme la moitié des foyers de groupe pour les jeunes filles de 14 à 17 ans, adolescentes, mères de famille, et qui souvent se retrouvent expulsées de leur foyer familial, qui se retrouvent dans la rue, qui se retrouvent en pleine détresse, sans pouvoirs, sans moyens financiers, puis que le premier ministre est silencieux puis qu'il ne se lève même pas aujourd'hui, en Chambre, pour les défendre et pour remettre à l'ordre son ministre de la Santé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre est absent. Sachant que l'opposition a souvent l'habitude de dire n'importe quoi, on va vérifier ce qu'il y a dans cette affirmation-là.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: Le premier ministre, comment se fait-il qu'il n'est pas au courant que son ministre de la Santé est en train de fermer la moitié des foyers de groupe quand c'est partout dans les journaux et que, dans son plan d'action, il avoue lui-même, noir sur blanc – des belles paroles, des beaux mots et un beau langage... Lors de la conférence de presse, on lit noir sur blanc: «Le gouvernement juge donc prioritaire d'agir en faveur des adolescentes dans le plan d'action...»

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut m'expliquer les belles paroles, les beaux mots, dans son plan d'action 1997-2000, quand il dit: «Le gouvernement juge donc prioritaire d'agir en faveur des adolescentes, plus particulièrement en faveur des adolescentes enceintes ou susceptibles de l'être et des mères adolescentes»? M. le premier ministre, c'est bien ça, un bel exemple du double langage de votre gouvernement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. L'esprit et la lettre de notre règlement, que ça soit 35.5°, 35.6° et 35.7°, c'est qu'on peut faire des débats tout en se respectant entre parlementaires. Je comprends que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a pris un peu la tendance de son chef, puis je comprends que c'est un peu abstrait, la notion de respect des parlementaires, mais est-ce qu'on peut faire des débats, en cette Chambre, sans attaquer toujours les parlementaires directement, leur faire des procès d'intention? C'est inacceptable, M. le Président!

Une voix: Surtout quand ils ne sont pas là.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Fournier: M. le Président, très rapidement pour ne pas qu'on perde du temps sur un sujet aussi sérieux. L'appel au règlement, ici, n'est pas fondé, dans la mesure où ce qui est attaqué, c'est la conduite, les actions, enfin l'inaction et le double langage du premier ministre. Qu'il réponde donc à la question et qu'on en finisse.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le leader adjoint de l'opposition devrait regarder son règlement. Justement, il est interdit d'attaquer la conduite d'un député. Il l'a dit lui-même, ce qu'il attaque, c'est la conduite. On n'a pas le droit d'attaquer la conduite d'un député. Qu'il lise donc son règlement un peu.

Le Président: Bon, à ce moment-ci, je pense, Mme la députée, que vous avez largement utilisé le temps pour poser la question. Maintenant, la réponse, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Oui. M. le Président, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne est une championne toutes catégories de ce qu'on appelle la technique de l'épouvantail. Je dois vous dire que son indignation... Imaginez-vous, comment expliquer, à ce moment-là, que, pendant neuf ans, elle ait laissé aggraver une situation que nous voulons corriger maintenant.

C'est la première fois en Chambre que je prends avis de la question. Je n'en connaissais même pas la formulation, M. le Président, mais soyez convaincu qu'on va donner suite, parce qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, ici, à l'Assemblée.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, ma question s'adressait au premier ministre, qui ne répond pas, et je lui répète.

Le Président: Vous êtes en complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, à ce moment-ci. Alors, en complémentaire, sans préambule.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, en cette Chambre, vous le savez très bien – je ne sais pas si la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne l'a oublié – quand une question est posée au gouvernement, elle est posée au gouvernement, et, à ce moment-là, c'est au gouvernement de déterminer qui va répondre à la question. De la même façon que, dans l'opposition, c'est le chef de l'opposition qui décide qui pose des questions. Nous aussi, on aurait des recommandations à faire des fois, mais, bon. Alors, à ce moment-là, on n'a pas de commentaires, nous, à faire sur qui pose des questions, puis il n'y a pas de commentaires à faire à savoir qui répond aux questions.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en complémentaire.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut me dire comment il va rectifier le tir de son ministre de la Santé envers les jeunes mères adolescentes en rapport avec ce qui est dit dans le plan d'action – où il a assisté lui-même, en grande pompe, la semaine dernière – où on dit que c'est un des volets, la prévention chez les jeunes mères adolescentes, c'est un des volets de votre plan d'action? Comment va-t-il remettre à l'ordre son ministre de la Santé pour qu'il ne ferme pas la moitié des foyers de groupe pour ces jeunes filles là en détresse? C'est leur seule bouée de sauvetage à ces jeunes filles là qui se retrouvent dans la rue en pleine période de grossesse.

Le Président: M. le premier ministre.

(10 h 40)

M. Bouchard: M. le Président, si vous me permettez, le procédé me paraît particulièrement indigne. Voici un député qui se lève et qui affirme à la Chambre que le gouvernement est en train de fermer la moitié des foyers de groupe pour jeunes filles enceintes. Un ministre se lève, suivi du premier ministre, qui disent: C'est la première nouvelle que nous en avons. Le ministre n'est pas ici aujourd'hui, le ministre est sur le terrain actuellement et rencontre des intervenants dans le domaine de la santé. Alors, il y a une technique reconnue par tous les parlementaires intellectuellement honnêtes: nous prenons avis de la question et nous allons voir si l'information est fondée.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Fournier: Je ne pense pas qu'il y ait aucune disposition dans le règlement qui dise que le premier ministre n'est pas soumis au règlement. Est-ce qu'il pourrait le respecter? Est-ce que son leader pourrait lui dire qu'il doit le respecter, lui aussi, et respecter les parlementaires des deux côtés, et respecter les Québécois, en passant?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, si le député de Châteauguay avait écouté attentivement, il aurait compris que le premier ministre présumait l'honnêteté intellectuelle de l'opposition.

M. Bouchard: Bien sûr. Bien sûr.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Choisissons un autre mot: «décent», M. le Président. Je pense que les parlementaires, ici, sont des gens décents. C'est une obligation minimale à laquelle nous sommes astreints. Alors, partant de cette présomption de décence, je rappelle qu'on vient de lancer une accusation de fait contre le gouvernement, prétendant qu'une décision a été prise pour fermer la moitié des foyers de groupe pour jeunes filles enceintes. Nous allons vérifier, puisqu'il se trouve que le ministre n'est pas là. À partir du moment où le gouvernement va vérifier, on ne peut fonder une attaque en postulant que c'est vrai, ce qu'on vient d'affirmer. Voilà ce que je dénonce.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Propos du juge en chef de la Cour d'appel du Québec sur les politiques du gouvernement en matière de justice

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il y a quelques jours, Me Guy Pepin, le président et le doyen du Conseil de la magistrature du Québec, s'est senti obligé de démissionner pour protester contre les coupures sauvages qu'impose le gouvernement du Parti québécois dans le domaine de la justice. Hier, à l'ouverture du congrès du Barreau, autre geste fracassant. En effet, le juge en chef du plus haut tribunal du Québec, Pierre Michaud, a expliqué que, malgré le devoir de réserve qui empêche normalement les juges de commenter les actions du gouvernement, l'attitude de ce gouvernement à l'égard de notre système de justice est à ce point dangereuse qu'il n'avait pas le choix d'intervenir pour le critiquer sévèrement.

Est-ce que le premier ministre est capable de comprendre que la justice, ce n'est pas un caprice de la population ni une bebelle de fonctionnaire, que c'est la raison d'être de l'État et le fondement même de nos institutions et que, en tant que chef du gouvernement, c'est lui, le premier responsable? Qu'est-ce qu'il répond à ce cri d'alarme du juge en chef du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous allons tous convenir du rôle irremplaçable de la justice dans notre régime démocratique. Nous savons très bien que nous avons une magistrature de première qualité, que nous pouvons nous enorgueillir d'avoir mis sur pied et d'avoir créé une grande culture, une grande tradition d'intégrité judiciaire, et nous avons la chance, en effet, de voir la justice magnifiquement servie par la qualité des personnes qui ont été nommées dans ces hautes fonctions.

Ceci étant dit, M. le Président, il en est de même de la part des gens qui sont élus en cette Chambre. Nous composons une autre branche de l'État, nous rendons des services qui sont aussi importants. Parfois, on n'est pas à la hauteur de ce qui est attendu de nous, mais enfin, c'est la nature humaine qui le veut. Mais il se trouve que les juges, nous, les médecins, les cadres, les salariés de l'État, tout le monde joue un rôle important et tout le monde est appelé à faire un effort.

Nous avons fait le nôtre, les salariés de l'État ont fait le leur, les omnipraticiens sont en train de signer un accord, de convenir d'un accord où ils font également le leur, les pharmaciens sont en train de faire la même chose. Nous continuons de travailler... Les cadres aussi. Et il y a entre autres les juges. Les juges, comme nous, par leur salaire, émargent aux comptes publics. C'est donc la population qui paie les salaires des juges. Et le coût de fonctionnement de la justice, qui est une chose très importante, ça relève aussi de l'effort que la population fait en termes de contributions fiscales. Alors, il est donc normal que les juges acceptent eux aussi de contribuer à cet effort d'équité, à cet effort de solidarité québécoise qui est maintenant consenti.

D'ailleurs, M. le Président, je dois dire que je salue l'attitude très positive de la part des juges qui sont en négociations maintenant avec leurs vis-à-vis du gouvernement et je m'attends à ce qu'on ait un règlement très rapidement, à partir de la coopération et du bon esprit qui règne aux tables de discussion.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre, M. le Président, réalise que, pendant les trois exercices financiers pendant lesquels son gouvernement était là, on a coupé successivement 31 400 000 $, 30 400 000 $ et 33 900 000 $ à la justice, pour un total de près de 100 000 000 $ en trois ans, et que c'est la raison pour laquelle le juge en chef de la Cour d'appel, qui n'est pas du tout affecté dans son salaire par ces coupures-là, est en train de dire que la justice est en train de souffrir de ces coupures-là, que l'institution même est en danger? Ce n'est pas d'une question corporative ou d'intérêt personnel qu'il s'agit, c'est l'ensemble de la justice qui est mise en péril par les actions de son gouvernement, c'est ça, le problème, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, la justice, comme le disait le premier ministre il y a quelques instants, est extrêmement importante, c'est une branche importante de notre société, comme la magistrature qui en fait partie est extrêmement importante. Cependant, il a été demandé, comme à tous les autres ministères du gouvernement, de faire un effort pour faire en sorte que les finances publiques retrouvent ce qu'elles devaient être, c'est-à-dire une santé qu'elles ont perdu pendant les 10 années qui nous ont précédés.

L'effort qui a été fait, M. le Président, a été fait sur trois ans, a été fait de manière telle que les services à la population ont été maintenus de manière intégrale. Partout, on a agi de manière à faire en sorte qu'on puisse continuer à fonctionner de manière correcte dans notre système de justice. Et je puis affirmer, et je pense que c'est un fait, que, partout, la justice est rendue de manière adéquate. Bien sûr, nous aimerions, comme tout le monde, ne pas avoir à faire ces efforts et disposer de ressources additionnelles. Mais, dans l'état de la situation, nous devons vivre avec ce que nous avons, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le premier ministre ne commence pas à réaliser, comme tout le monde qui connaît la question, que la solution au problème ne peut pas venir de celui qui est la source du problème et que le Barreau du Québec, le doyen du Conseil de la magistrature...

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le premier ministre ne commence pas à réaliser que la solution du problème ne peut pas venir de celui qui est la source du problème et que le Barreau du Québec, le doyen du Conseil de la magistrature et maintenant le juge en chef de la Cour du Québec sont en train de dire exactement le contraire de son ministre de la Justice? Ça prouve qu'il ne comprend pas, qu'il n'est pas sur la bonne voie et qu'il est incapable de régler les problèmes. Qu'est-ce qu'il attend pour enlever le ministre de la Justice de ses fonctions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député de Chomedey s'autorise du prestige du juge en chef du Québec pour dire que le juge en chef et lui-même pensent la même chose. Là, ça se transforme en attaque personnelle contre le ministre de la Justice. J'attends le jour où le député de Chomedey sera capable d'aborder une question importante sans personnaliser les attaques.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

(10 h 50)

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le premier ministre, qui n'hésite jamais à se draper de sa toge d'avocat quand ça fait son affaire, est capable de comprendre que le Conseil de la magistrature, maintenant le juge en chef de la Cour du Québec et le Barreau lui expliquent tous la même chose, que le problème, c'est la personne du ministre de la Justice? Ce n'est pas une attaque personnelle mais un fait constaté par tout le monde qui s'y connaît dans le domaine de la justice au Québec, depuis trois ans.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai lu la déclaration du juge en chef de la Cour du Québec ce matin et je ne vois aucune attaque personnelle contre le ministre. Je pense qu'il faut reconnaître que le juge en chef de la Cour du Québec est un homme très responsable, très crédible, qui a le sens de l'honneur et de ce qu'il convient de faire, certainement qu'il ne se serait pas permis de descendre aussi bas que le député de Chomedey.

Le Président: Je voudrais, sans faire de personnalité, demander à l'ensemble des députés, en particulier à ceux qui sont autour de la présidence, de garder leurs commentaires pour eux. Il y a des limites à ce que le président peut accepter comme commentaires qui ne sont pas donnés dans un micro mais qui font en sorte que, premièrement, il ne peut pas faire son travail correctement parce qu'il ne peut pas se concentrer correctement, deuxièmement, c'est l'institution qui est attaquée quand on fait ce genre de commentaires. M. le député de Marguerite-D'Youville.


Utilisation du français au cours d'une rencontre entre des industriels allemands et de hauts fonctionnaires québécois

M. Beaulne: Merci, M. le Président. L'édition du 19 mai dernier du Financial Post rapportait les propos de M. Uwe Harnack, président de la Chambre canadienne-allemande de l'industrie et du commerce, à l'effet qu'une rencontre entre une délégation d'industriels allemands et de hauts fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec aurait nui aux perspectives d'investissements allemands au Québec du fait que cette rencontre se soit déroulée en français, propos d'ailleurs relevés par le Globe and Mail et le journal The Gazette de Montréal.

Est-ce que le vice-premier ministre et ministre des Finances peut nous confirmer que l'utilisation du français lors de cette rencontre non seulement n'a porté aucun préjudice aux échanges que les industriels allemands ont eu avec les représentants du Québec, mais que, au contraire, les visiteurs allemands ont qualifié leur visite de véritable succès?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député de Marguerite-D'Youville rend service aux deux côtés de la Chambre en adressant cette question, qui part d'ailleurs d'une expérience personnelle profonde du commerce international et de l'investissement. C'est un ancien diplomate, c'est un ancien banquier international. Il a eu la sagesse de ne pas faire comme l'opposition...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Le député de Marguerite-D'Youville, comme tous ses collègues de ce côté-ci de la Chambre, n'a pas eu l'imprudence, comme l'a fait l'opposition officielle, d'accrocher son opinion à celle du Financial Post , un des organes les plus rétrogrades et les plus antiquébécois de l'histoire du Canada. Car, en effet, il y a certaines façons de tirer dans le dos de l'économie du Québec: on peut le faire à partir de Toronto, on peut le faire à partir de Montréal et on peut le faire à partir des banquettes d'en face.

Le président de la Chambre de commerce allemande, dans une lettre qui a été déposée et qui est à la disposition de tous les parlementaires, dit en particulier: «Les entreprises allemandes investissent dans de nombreuses régions du globe, quelle que soit la langue du pays qui y est parlée. Le petit accroc, entre guillemets – dont la députée de Marguerite-Bourgeoys nous a fait reproche – survenu à Montréal n'a porté atteinte à la mission à aucun égard et n'a nullement éclipsé nos raisons d'investir. C'est tout le contraire. Je vous ai dit, en effet, que les plus gros investissements allemands au Canada – plusieurs centaines de millions de dollars dans les cinq dernières années – se faisaient au Québec pour des motifs purement économiques. J'ai affirmé que les entreprises allemandes investiraient certainement au Québec si la chose leur paraissait raisonnable sur le plan économique.» Voilà le bon sens qui parle, et c'est le contraire de l'interprétation que l'opposition officielle en avait donné.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: De la part du vice-premier ministre, on se demande toujours, évidemment, ce qu'il pense véritablement en matière linguistique quand on se souvient du 30 octobre 1995 et de son attitude à l'endroit des gens qui ne parlent pas français, comme lui, depuis 250 ans.

Est-ce que le vice-premier ministre a pris connaissance de la déclaration du directeur du bureau, à Bonn, d'une des plus grandes firmes qui faisaient partie de cette délégation, qui a, quant à lui, trouvé relativement étonnante – et c'est charitable – l'insistance de l'interlocuteur du gouvernement du Québec au micro à ne pas parler anglais après que... Non, mais, littéralement, il a interprété ce geste de quelqu'un que certains d'entre nous connaissons comme parfaitement bilingue, français-anglais, qui s'est exprimé dans un anglais impeccable pendant toute la conversation, à l'occasion de ce déjeuner auquel le premier ministre n'a pas assisté, on s'en souvient, et qui en conclut... Voyons...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Johnson: Essentiellement, M. le Président, est-ce que le premier ministre et le vice-premier ministre se sont rendu compte que, pour les gens d'affaires qui étaient là... Et ils le disent, ce n'est pas des diplomates ou des présidents de chambres de commerce qui s'expriment, ce sont les gens qui étaient là, qui considèrent dans un cas que ce n'était pas un geste amical: «It was not a friendly act». C'est comme ça qu'ils l'ont perçu. C'est ce qu'ils ont dit – si vous n'êtes pas au courant, là, renseignez-vous – que des investisseurs ont jugé que ce n'était pas un geste amical, d'ouverture, qui avait été pratiqué à l'occasion de cette rencontre, d'une part. Ça, c'est ce qu'ils pensent. Ce n'est pas ce que le vice-premier ministre pense qui est pertinent, c'est ce que les gens qui viennent ici pensent.

Quel signal croit-il que son personnel donne lorsqu'il refuse de s'adresser à des investisseurs dans la langue qu'ils comprennent? C'est une question pratique, là, qui est en cause. Ce n'est pas une question symbolique, c'est une question pratique de trouver le moyen de vendre le Québec de la meilleure façon possible à des gens qu'on veut attirer. Est-ce que le vice-premier ministre s'est rendu compte de ça, oui ou non?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Puisque le chef de l'opposition aime les références historiques dans son introduction, qu'il me permette d'en faire une petite, moi aussi. Il est allé au Royaume-Uni il y a quelques années et il a utilisé la langue du lieu, la langue anglaise – peut-être même le «King's English», puisqu'il est diplômé d'une université britannique – pour dire que l'indépendance du Québec «was a sinister joke», une chose à laquelle 60 % des francophones ont dit oui et qui est un projet noble de libération nationale, en oubliant, M. le Président...

(11 heures)

Une voix: Aïe! Arrêtez-le.

Le Président: Je ne voudrais pas... À l'ordre, s'il vous plaît! Je ne voudrais pas être obligé de suspendre les travaux. Je comprends que le sujet qui est en discussion actuellement, encore une fois, touche les opinions les plus profondes et les engagements politiques des uns et des autres d'une façon importante, mais...

M. Landry (Verchères): M. le Président, je conclus donc ma référence historique en disant qu'un premier ministre du Québec, prédécesseur de l'ancien premier ministre qui est aujourd'hui chef de l'opposition, a écrit un ouvrage qui a fasciné ma jeunesse et qui s'appelait Égalité ou indépendance et non pas Égalité «or sinister joke». Ces choses doivent être dites, M. le Président. D'autres choses doivent être dites aussi. Est-ce qu'on doit comprendre que l'opposition officielle, quand elle était au gouvernement et si, par hypothèse, elle y revenait, blâmerait les fonctionnaires du Québec de parler la langue officielle du Québec en tout lieu, en tout temps et en toute circonstance?

Des voix: Bravo!


Motions sans préavis

Le Président: Le temps imparti pour la période des questions et des réponses orales étant... Alors, le temps étant largement écoulé, nous allons passer maintenant à la rubrique des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur les projets de loi nos 144 et 145

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des affaires sociales procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, ainsi que sur le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, les 5 et 6 juin 1997, et, à cette fin, entende les organismes suivants:

«Le jeudi 5 juin 1997, de 11 heures à 11 h 30, des remarques préliminaires; de 11 h 30 à 12 h 15, le Conseil de la famille; de 12 h 15 à 13 heures, le Conseil du statut de la femme; de 15 heures à 15 h 45, la CSN, conjointement avec la CEQ et la FTQ; de 15 h 45 à 16 h 30, le Conseil du patronat; de 16 h 30 à 17 h 15, le Regroupement inter-organismes pour une politique familiale au Québec; de 17 h 15 à 18 heures, la Fédération des unions de familles; de 20 heures à 20 h 45, la Fédération des femmes du Québec; de 20 h 45 à 21 h 30, l'Association de développement professionnel préscolaire du Québec; de 21 h 30 à 22 h 15, l'AFEAS; de 22 h 15 à 23 heures, l'Association des éducateurs de la petite enfance; de 23 heures à 23 h 45, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec;

«Le vendredi 6 juin 1997, de 11 heures à 11 h 45, la Fédération de la garde en milieu familial du Québec; de 11 h 45 à 12 h 30, la Commission d'accès à l'information; de 12 h 30 à 13 heures, Mme Ruth Rose, professeur à l'UQAM; de 15 heures à 15 h 45, l'Alliance des garderies privées du Québec; de 15 h 45 à 16 h 30, le Regroupement des garderies privées; de 16 h 30 à 17 h 15, la Confédération des organismes familiaux du Québec; de 17 h 15 à 18 heures, la Concertation interrégionale des garderies du Québec; de 20 heures à 20 h 30, M. André Lareau, professeur de droit à l'Université Laval; de 20 h 30 à 21 heures, M. Jean-Yves Desgagnés, de la Coalition nationale sur l'aide sociale, conjointement avec Mme Claudette Champagne, du Front commun des personnes assistées sociales; de 21 heures à 21 h 45, l'Association des services de garde en milieu scolaire du Québec; de 21 h 45 à 22 h 15, M. Normand Vaillancourt, de la Coalition pour une vraie politique familiale; de 22 h 15 à 22 h 45, M. Robert Baril, de l'Institut de recherche en politiques publiques; de 22 h 45 à 23 h 15, des remarques finales;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé des organismes bénéficiant de 45 minutes soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé des personnes bénéficiant de 30 minutes soit de 10 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 20 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux règles relatives aux consultations particulières? Il y a consentement.

Mise aux voix

Est-ce que la motion du leader du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Elle est adoptée. M. le leader du gouvernement. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Bien. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Je crois que nous en arrivons maintenant aux affaires du jour. Si vous voulez attendre juste un instant, on va me donner...

Une voix: L'article 8.


Projet de loi n° 121


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 8 du feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je suis heureux de proposer aujourd'hui, pour l'adoption de principe, le projet de loi qui vient modifier la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse. Je dis que je suis heureux parce que pendant plusieurs mois nous avons discuté de la façon dont il serait le mieux possible d'organiser les services qui font en sorte que nous puissions, dans cette Assemblée et ailleurs dans la société civile, nous saisir des enjeux qui préoccupent la jeunesse, savoir de quelle façon nous pourrions rendre les outils de concertation, d'appui, de support, de discussion aussi, qui sont ceux offerts aux jeunes, plus efficaces.

Aussi, de longues discussions, puisque, à travers les étapes qui nous mènent aujourd'hui à l'adoption de ce projet de loi, nous avons fait le tour de plusieurs organismes jeunesse, échangé avec plusieurs d'entre eux, où qu'ils soient dans l'ensemble des régions du Québec. Donc, ce que nous vous proposons, M. le Président, et ce que je propose aux membres de l'Assemblée nationale, c'est, d'abord, le fruit d'une longue réflexion et le fruit aussi d'un consensus entre les groupes de jeunes et aussi les actuels représentants du Conseil permanent de la jeunesse.

Ce que je propose à l'Assemblée nationale est aussi un projet de loi qui vient répondre aux objectifs financiers du gouvernement du Québec, puisque le Conseil permanent de la jeunesse, comme l'ensemble des autres organismes et ministères du gouvernement du Québec, est soumis à une évaluation et à une révision de ses façons de faire, de ses façons de fonctionner pour qu'ensemble nous puissions relever le défi qui est celui des finances publiques.

M. le Président, je dois dire, pour la gouverne des membres de cette Assemblée, que j'étais particulièrement heureux de me retremper dans le dossier du Conseil permanent de la jeunesse, puisque la première fois où j'ai eu l'occasion de faire ce genre de réflexion, c'est lorsque le parti de l'opposition officielle occupait alors les banquettes ministérielles. Comme représentant d'une fédération étudiante, j'avais été sollicité, entre autres par Marie Gendron, que le chef de l'opposition connaît bien, pour faire connaître mon point de vue sur l'organisation du Conseil permanent de la jeunesse.

À l'époque, un grand consensus – que nous maintenons aujourd'hui – avait été de bien marquer l'autonomie du Conseil permanent de la jeunesse par rapport aux différents gouvernements qui se succèdent et par rapport aussi aux différents partis qui se succèdent, ici, à l'Assemblée nationale, sur les banquettes ministérielles. Cette autonomie, M. le Président, nous la préservons, nous la confirmons et nous lui donnons surtout davantage d'ampleur.

Je dis, d'abord, que nous la confirmons, puisque, dans la désignation des membres du Conseil permanent de la jeunesse, nous abolissons, bien sûr, le collège électoral qui est une structure lourde, qui avait été appelé d'ailleurs, au moment de la conception du projet de loi, à disparaître. Nous la remplaçons par un nouveau mode de fonctionnement, mais qui maintient l'autonomie et qui maintient ce principe qui était celui de l'alternance dans la désignation des membres du Conseil permanent de la jeunesse. Tout ça peut sembler assez complexe, mais je m'explique, M. le Président.

Dans l'actuelle Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse, il y a le principe de l'alternance qui apparaît dans la désignation des membres du Conseil permanent de la jeunesse. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire, l'alternance? Bien, pour être membre du Conseil permanent de la jeunesse, les jeunes devaient, d'abord, aller chercher l'appui de trois groupes de jeunes. Le bureau du ministre responsable recevait l'ensemble des candidatures et faisait une première sélection. Donc, le ministre responsable de l'application de la loi faisait, d'abord, une première sélection et choisissait 40 noms. Ces 40 personnes se réunissaient en un lieu, une fin de semaine, et, entre elles, élisaient 15 personnes.

(11 h 10)

Donc, dans le premier temps, le gouvernement choisit; ensuite de ça, eux-mêmes les jeunes choisissaient en collège électoral 15 jeunes qui allaient être représentés; et, par la suite, le gouvernement désignait un président et les jeunes, en conseil – donc, les 15 membres du Conseil permanent de la jeunesse – se désignaient entre eux un vice-président. C'est ce que j'appelle le principe de l'alternance.

Ce principe de l'alternance, il est maintenu dans le projet de loi. Mais, puisque les procédures menant à la composition du collège électoral, à l'organisation du collège électoral étaient lourdes, étaient compliquées, étaient dispendieuses, les jeunes eux-mêmes, dans un avis qu'ils m'ont transmis, ont demandé l'abolition du collège électoral. Donc, question: Comment remplacer le collège électoral et comment lui substituer une organisation pour faire en sorte de maintenir le principe de l'alternance si cher aux groupes de jeunes pour bien marquer l'autonomie du Conseil permanent de la jeunesse?

La formule que nous avons trouvée est quelque peu innovatrice, puisque c'est là la première fois que nous voyons apparaître dans un texte de loi une procédure de nomination ou d'élection semblable à celle dont nous allons discuter un peu plus tard à l'occasion de l'étude détaillée du projet de loi. Mais, essentiellement, ce qu'il faut retenir, c'est que, plutôt que de convier 40 jeunes choisis par le ministre pour qu'entre eux ils élisent 15 personnes, nous avons plutôt désigné les actuels membres du Conseil permanent de la jeunesse pour qu'ils fassent ce travail.

Donc, le ministre, concrètement, choisira 40 noms, les soumettra aux actuels membres du Conseil permanent de la jeunesse qui, entre eux, en désigneront 15 par une procédure d'élection qu'ils détermineront. Donc, nous croyons que nous pouvons miser sur la connaissance, sur l'expérience, sur le jugement des membres actuels du Conseil permanent de la jeunesse pour faire en sorte de procéder à cette sélection des 15 candidats et candidates, des 15 membres, des 15 éventuels membres, devrais-je dire, du Conseil permanent de la jeunesse. Donc, c'est un élément important. Nous répondons ainsi aux demandes des groupes de jeunes et, par le fait même – ce n'est pas négligeable – nous réalisons des économies, puisque toute la procédure du collège électoral était quelque peu dispendieuse, chiffrée à plus de 150 000 $, si ma mémoire est juste. Donc, première chose.

Autre chose aussi qui a été soumise à mon attention au moment de rédiger ce projet de loi, c'est que les membres du Conseil m'ont interpellé sur la continuité dans la réflexion du Conseil. Essentiellement, les gens qui sont désignés pour être membres du Conseil le sont pour une période de temps limitée, bien sûr. Mais, d'un conseil à l'autre, on m'a fait remarquer qu'il y avait souvent peu de continuité, qu'à cause de la procédure de nomination il était rare qu'un membre pose sa candidature une deuxième fois, qu'il passe l'étape du collège électoral et puisse se retrouver ainsi, à nouveau, pour un second mandat sur le Conseil permanent de la jeunesse.

Il y a un avantage à faire en sorte, bien sûr, qu'il y ait du sang neuf, de nouvelles idées, de nouvelles façons de voir les choses, de nouvelles compétences qui se joignent au Conseil permanent de la jeunesse, mais je pense qu'il n'est pas non plus négligeable de faire en sorte que des gens qui ont une expérience, qui ont un peu de recul et une certaine connaissance de l'organisation puissent aussi demeurer au Conseil permanent de la jeunesse.

Donc, en proposant un mode de nomination comme celui que je propose, il sera possible... Sans doute qu'il était possible, mais il sera plus facile pour le Conseil actuel d'évaluer quelle place il souhaite donner à ceux et celles qui solliciteraient un deuxième mandat, puisque c'est eux qui auront à me soumettre les 15 noms des hommes et des femmes, des jeunes qui formeront l'actuel Conseil. Donc, c'est un avantage. Et nous répondons à des commentaires qui avaient été formulés par les groupes de jeunes quant à la continuité dans la réflexion et dans l'action du Conseil permanent de la jeunesse.

Autre chose, M. le Président, que nous confirmons, c'est, bien sûr, la permanence du Conseil. Vous n'êtes pas sans savoir que nos collègues au Conseil des ministres ont entrepris une révision de l'ensemble des organismes, une réflexion sur la pertinence, le rôle, le mandat, les façons de faire de l'ensemble des organismes qui ont été créés soit par loi ou par décret. Vous savez que mon collègue le député de Fabre a reçu un mandat bien précis du premier ministre pour revoir l'ensemble de ces organismes, pour faire un débat finalement entre les parlementaires particulièrement du côté ministériel, mais aussi un débat, je présume, qui sera appelé à impliquer l'ensemble des parlementaires. Ma difficulté a donc été de mettre à terme ma réflexion sur le Conseil permanent de la jeunesse alors que le député de Fabre entreprenait son mandat.

En en confirmant aujourd'hui, avant la conclusion des travaux du comité du député de Fabre – bien, nous la confirmons – la permanence, il y a une orientation gouvernementale claire qui est donnée, et je pense que ceux et celles qui ont fait valoir avec force, avec vigueur la pertinence du Conseil permanent de la jeunesse seront heureux d'apprendre cette nouvelle. Donc, une orientation gouvernementale claire confirmée par décision du Conseil des ministres, puisque, comme vous le savez, ce projet de loi a été adopté, d'abord, au Conseil des ministres et nous le soumettons aujourd'hui pour la considération des membres de l'Assemblée.

Autre chose, M. le Président, lorsque vient le temps de parler du Conseil permanent de la jeunesse. Dans le projet de loi que nous proposons aujourd'hui à l'Assemblée nationale, nous apportons aussi deux autres modifications. D'abord, par esprit de concordance, mais aussi parce que nous sommes soucieux de la saine gestion des finances publiques, nous abolissons un des postes de vice-président du Conseil. Il y avait deux postes de vice-président. Il n'y en aura qu'un. C'est le seul conseil au gouvernement du Québec qui comptait encore deux vice-présidents.

Je me souviens que d'autres organismes ont déjà eu deux vice-présidents. Je pense à l'ancien Conseil des communautés culturelles qui a, un jour, connu deux vice-présidents. La députée de Saint-François a elle-même, je pense, lorsqu'elle était ministre, aboli un de ces postes. Donc, par esprit de concordance, par souci aussi de rationalisation des dépenses publiques, nous avons aboli un poste de vice-président. Et nous profitons de l'occasion finalement pour harmoniser l'ensemble des mandats des différents conseils avec la loi créant le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Donc, nous élargissons quelque peu le mandat, la portée du mandat des différents conseils.

J'indique finalement que ce projet de loi nous permet aussi de renforcer, devrais-je dire, l'autonomie du Conseil, puisque nous confirmons dans la loi la procédure d'élection, procédure qui était auparavant définie dans le règlement. C'est assez technique, mais ceux qui connaissent les subtilités de nos juristes comprendront bien la nuance, elle est importante.

M. le Président, tout ça étant dit, je vous présente rapidement ce qu'est le projet de loi, mais je voudrais cependant aller plus loin et aborder un peu le fond des choses. D'abord, ce qu'il nous faut préserver, c'est une capacité d'intervention, une capacité, pour des jeunes, de prendre la parole. C'est pour ça que le mandat du Conseil est si important. Je pense que, dans une société comme la nôtre, il est important que des organismes comme le Conseil puissent, au nom des jeunes qui encore ont une certaine difficulté à s'organiser du fait de l'«impermanence» de leur situation... Les jeunes ne sont pas jeunes tout le temps; les organisations jeunesse sont souvent confrontées à ce que j'ai déjà appelé la maladie infantile des mouvements jeunesse qui est le recommencement à zéro. Il est bon donc que nous ayons, en quelque part, des gens qui approfondissent au-delà des âges et au-delà des mandats qui se succèdent, qui aient une vision claire sur la réalité des jeunes et qui puissent conseiller le gouvernement sur des façons de faire.

Et tout ça, bien, ce ne sont pas que des mots, puisque, vous l'avez vu, le Conseil est intervenu à plusieurs reprises. Je pense à lorsque est venu le temps de faire une réflexion sur les modifications apportées à la Loi sur la sécurité du revenu. Je pense aux modifications apportées au projet de loi proposé par mon collègue le ministre des Transports, les modifications apportées aux règles de fonctionnement de la Société de l'assurance auto du Québec. Je pense à bien d'autres éléments où le Conseil, concrètement, est intervenu, a permis un débat public et, dans bien des cas, a fait en sorte que des recommandations puissent se traduire dans la législation, se traduire dans les politiques.

Donc, le Conseil, il est utile, il est nécessaire. C'est un atout pour les jeunes et c'est une espèce de – comment je pourrais dire? – garde-fou qui, en tout temps, en tout lieu, peut rappeler le gouvernement à l'ordre, peut soumettre à l'attention du public un certain nombre de préoccupations et même suggérer ou proposer l'adoption de politiques. Je voudrais, par exemple, rappeler tout le travail du Conseil permanent de la jeunesse lorsque est venu le temps de faire une réflexion sur le suicide chez les jeunes. Le plan d'action du ministère de la Santé et des Services sociaux, on le doit largement au Conseil et aux travaux de recherche qui ont animé le Conseil.

(11 h 20)

Donc, il y a là un intérêt évident pour la société civile de pouvoir compter sur un organisme comme celui-là; il y a un intérêt pour les groupes de jeunes; il y a un intérêt pour les jeunes Québécois et Québécoises de pouvoir compter sur un conseil comme celui-là. Maintenant, on comprend bien que ce n'est pas tout, que le Conseil n'a pas l'exclusivité de la réflexion sur le débat jeunesse, mais c'est un canal privilégié,et nous le confirmons aujourd'hui par ce projet de loi.

Je voudrais, en dernier lieu, M. le Président, avant de céder la parole au chef de l'opposition, esquisser rapidement quelles sont les perspectives d'avenir pour le Conseil. Dans la mesure où les membres de l'Assemblée adopteraient le projet de loi que nous proposons aujourd'hui, j'espère, pour l'automne prochain, être capable de nommer, de désigner, en collaboration, bien sûr, avec les actuels membres du Conseil, tel que le prévoira le projet de loi... J'aimerais que les nouveaux membres puissent être en fonction pour l'automne.

Et je souhaite aussi donner un large mandat au Conseil permanent de la jeunesse pour qu'il puisse véritablement faire le tour des régions du Québec sur la problématique de l'emploi, particulièrement sur la problématique du travail autonome des jeunes et sur la place que cette nouvelle forme d'accès au marché du travail signifie pour les jeunes, sur l'importance, parfois, aussi d'adapter le cadre réglementaire, d'adapter le cadre légal à cette nouvelle réalité qui anime le marché du travail.

Je suis à parfaire ce qui serait une esquisse de mandat à soumettre au Conseil permanent de la jeunesse. J'aurai l'occasion d'en discuter avec des représentants des groupes de jeunes et avec des membres aussi du Conseil permanent de la jeunesse pour que nous puissions voir quelle serait la façon la plus appropriée de travailler, quelle serait la façon la plus appropriée de faire. Donc, véritablement donner une ampleur aux travaux du Conseil et l'appuyer aussi financièrement pour qu'il puisse mener une consultation d'envergure avec les ressources que cela, bien sûr, implique.

J'indique aussi que j'entends accorder une attention particulière au budget de recherche du Conseil. Au-delà des budgets qui sont dévolus et qui ont été votés à l'Assemblée nationale, il nous serait possible, en collaboration avec des organismes privés et des organismes publics, de se servir de l'argent qui est à la disposition du Conseil pour trouver un effet de levier pour tisser des partenariats, pour créer des liens avec d'autres organismes qui s'intéressent aux questions jeunesse. Donc, avec les sommes du gouvernement, y a-t-il moyen d'aller en chercher d'autres, de se servir d'un effet de levier? C'est une préoccupation importante pour moi, parce que, bien sûr, le Conseil s'est toujours démarqué par la qualité de ses recherches; il doit en demeurer ainsi et cette fonction doit prendre davantage d'ampleur.

Donc, priorité à un mandat renouvelé au Conseil permanent de la jeunesse, un mandat qui lui viendra du ministre, priorité au service de recherche du Conseil. Donc, M. le Président, ce faisant, je pense que c'est avec une certaine confiance que je soumets ce projet de loi aux membres de l'Assemblée. Je le soumets d'autant plus que je me permets... Je vois le chef de l'opposition qui semble en douter. Alors, je lui lis la lettre que le président du Conseil permanent de la jeunesse m'a écrite. Peut-être que cette lettre pourra l'inspirer dans ses réflexions.

Mais quand même le président du Conseil permanent de la jeunesse m'écrit dans ces termes, il dit: «À la suite de la séance extraordinaire que le Conseil permanent de la jeunesse tenait à l'intérieur de vos locaux le 6 mai dernier, il m'apparaît important d'apporter les commentaires qui suivent.

«En fait, les membres du Conseil désirent vous réitérer leur satisfaction par rapport au projet de loi 121. Ils sont particulièrement heureux de constater que le mandat et l'autonomie de l'organisme sont préservés. De même, comme ils le demandaient eux-mêmes à l'intérieur d'un avis qu'ils faisaient parvenir au gouvernement en janvier 1996, le collège électoral est aboli.

«Bien sûr, vous n'avez pu mettre en application l'ensemble des recommandations formulées par le Conseil dans l'avis de janvier 1996, mais il faut souligner que vous avez réussi à convaincre les membres du bien-fondé de vos modifications, notamment en matière de désignation des membres du prochain Conseil et de continuité entre les conseils.

«Maintenant que ce projet de loi a été déposé en bonne et due forme à l'Assemblée nationale, nous souhaitons ardemment que celui-ci soit adopté le plus rapidement possible de façon à ce que les nouveaux membres entrent en fonction avant l'hiver prochain, comme nous l'avons convenu lors de notre rencontre du 6 mai.

«Veuillez agréer, M. le ministre, mes salutations les plus distinguées.»

M. le Président, je voudrais, en conclusion, déposer ce document et espérer qu'à nouveau les membres de l'Assemblée nationale s'inspirent et suivent les recommandations du Conseil permanent de la jeunesse. Je vous remercie, M. le Président.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Acceptation? Avant toute chose, est-ce que l'opposition accepte que le document soit déposé? Oui? Merci. Alors, merci, M. le ministre responsable des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous cédons maintenant la parole au chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Juste pour commencer là où le ministre vient de finir, on m'avait remis une note, un peu plus tôt dans la journée, pour me prévenir que le ministre déposerait sans doute la lettre du Conseil permanent de la jeunesse le félicitant. Alors, évidemment, c'est sans surprise que le ministre responsable fait état de la très grande satisfaction que le Conseil a de voir le projet de loi ici déposé. Le Conseil a très bien fait son travail. Des deux côtés de la Chambre, ils ont rencontré beaucoup de parlementaires, je pense bien, qui sont au courant de tout leur travail.

Dans le cas de l'opposition – c'est une tradition depuis au moins 25 ans – c'est le chef du Parti qui est le porte-parole en matière de dossiers jeunesse. Et ça me fait extrêmement plaisir d'intervenir aujourd'hui dans le cadre de ce débat, comme l'ont fait mes prédécesseurs avant moi, notamment M. Bourassa. Je m'en voudrais de ne pas m'attarder quelques instants sur la valeur insigne qu'il a toujours accordée, la très grande priorité que Robert Bourassa donnait aux dossiers jeunesse, au sort des jeunes à tous égards, que ce soit en matière de politique familiale, comme on l'a vu pendant de nombreuses années, que ce soit à l'égard de la formation et de la priorité qu'on doit donner à l'éducation et que ce soit, ultimement, à l'intérieur même du Parti libéral du Québec, afin de faire en sorte que nous soyons dotés d'une Commission-Jeunesse, maintenant depuis un peu plus de 25 ans, qui regroupe des jeunes de 25 ans et moins qui ont une place tout à fait privilégiée à l'intérieur des instances du Parti que j'ai l'honneur de diriger, représentant, dans nos instances générales de congrès, le tiers de tous les délégués. Robert Bourassa tenait beaucoup à ce que les jeunes aient cette voix privilégiée à l'intérieur du Parti libéral du Québec. J'y tiens également; j'en ai fait part d'ailleurs au responsable actuel, depuis 1994, de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec.

Le Parti libéral du Québec, dans ses engagements électoraux de 1985, avait annoncé un geste qui s'est traduit finalement en 1987, après l'élection de décembre 1985, par la mise sur pied du Conseil permanent de la jeunesse. Je relisais les débats de l'époque, en préparation de nos interventions d'aujourd'hui, et j'ai été frappé de voir comment l'opposition d'alors, le gouvernement d'aujourd'hui, était plutôt négative, merci. C'était de bonne guerre, je présume, de reprocher au gouvernement de mettre sur pied une structure qui n'était pas exactement celle qui avait été annoncée dans le programme électoral, de dire qu'on ne fait rien pour l'emploi chez les jeunes, qu'on néglige, que le gouvernement est assis sur ses mains en ce qui concerne le sort des jeunes Québécois. Enfin, c'était de bonne guerre, je présume.

Peut-être qu'au début, lorsqu'on a mis la structure sur pied, l'opposition de l'époque croyait qu'on aurait pu faire mieux. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu des initiatives précises de la part du Parti québécois dans son programme électoral ou des engagements de cette nature-là. Toujours est-il que, de toute façon, l'histoire retiendra que ça a été par vote unanime, des deux côtés de la Chambre donc, que le Conseil a été mis sur pied. Ça rejoignait évidemment notre préoccupation à tous, les 125 députés, sur la façon dont on se préoccupe, dans les faits, tous les jours, du sort des jeunes.

Il est évident que la politique, et ceux qui y consacrent le plus clair de leur temps, de leur carrière, de leur vie, est un outil à l'intérieur duquel on peut assurer les balises de la course à relais des générations, qu'à chaque moment on doit avoir à l'esprit comment on prépare l'avenir, comment on règle les problèmes d'aujourd'hui – et Dieu sait que la période de questions nous permet d'en parler – comment on doit prendre le recul également d'examiner comment on peut préparer l'avenir. Et ce sont ces garanties d'avenir, cette assurance pour l'avenir qui doit nous mobiliser en tout temps.

(11 h 30)

Une des façons de le faire, c'est d'être bien sensibilisé à la problématique que vivent les jeunes Québécois et Québécoises, la problématique évidemment de décrochage scolaire, la problématique de la violence faite aux jeunes, la problématique, au point de vue économique, de l'exode des régions, du déracinement, donc de la fragilisation, si je peux employer le terme, de certaines régions du Québec où les jeunes ne trouvent plus intérêt, où les jeunes ne voient pas comment ils pourraient contribuer à édifier une société meilleure, plus juste, à l'intérieur de laquelle leur contribution se traduira également par leur prospérité, leur liberté, leur capacité de fonder une famille, comme la vaste majorité des jeunes le souhaitent.

Ce n'est donc pas une préoccupation qui devrait se manifester seulement à l'approche des élections, dans des programmes électoraux, dans des discours sur des tribunes, ça doit se manifester constamment, ça, à l'intérieur du gouvernement, la préoccupation jeunes. Et le mécanisme que le gouvernement d'alors avait trouvé, en donnant suite à son engagement, c'était la mise sur pied du Conseil permanent de la jeunesse, en lui assurant une certaine autonomie et, ma foi, à certains égards, on vient d'entendre, là, en lui garantissant des budgets.

Ce n'était pas évident il n'y a pas si longtemps. Le ministre responsable a dû, dans une instance – je pense que c'est le printemps dernier ou l'automne dernier où le parti politique auquel il appartient... – intervenir sur le plancher du congrès général, de mémoire, pour rassurer les jeunes qui lui poussaient dessus assez fort depuis des mois pour savoir ce qui se passerait avec le Conseil permanent de la jeunesse. Nous, notre lit était fait depuis longtemps. Il fallait se rendre à l'évidence qu'il y avait des changements dans le mode de fonctionnement, dans le mode de désignation, dans l'assouplissement des règles qui prévoyaient l'accession de certains jeunes au conseil d'administration du Conseil permanent de la jeunesse.

Il y avait passablement d'inquiétude, à mon sens, c'est ce qu'on nous avait traduit à l'époque, sur ce que le gouvernement entendait faire. Est-ce que ce serait fusionné avec le Conseil des aînés, la commission des relations interculturelles et quoi que ce soit? Et le ministre s'était levé, en plein congrès du Parti québécois, pour répondre à la question qui venait du plancher: Est-ce que le Conseil permanent de la jeunesse va demeurer, etc.? Et il a eu ces quelques mots, lui habituellement si disert: «Le Conseil est et le Conseil sera.» Merci pour votre beau programme! C'était clair, ça avait le bénéfice d'être limpide et ça donnait évidemment aux jeunes tout l'espoir qu'ils recherchaient à ce moment-là. Moi, j'étais extrêmement heureux de voir que le ministre, finalement, avait à l'évidence mis fin à sa réflexion, que ça se traduisait par le maintien du Conseil permanent de la jeunesse.

Il s'agissait de voir ensuite si tout ça se traduirait dans les faits par un projet de loi qui reflète assez fidèlement ce que le Conseil permanent de la jeunesse souhaitait, tel qu'il s'en était exprimé. Alors, la réponse, en gros, c'est oui, on voit bien ça. On voit que, comme je le disais il y a quelques instants, le besoin d'être sensibilisé à temps plein, à l'intérieur de la machine gouvernementale, à l'intérieur des préoccupations aussi diverses que complexes, que contradictoires auxquelles on a à faire face lorsqu'on exerce le pouvoir, ou qu'on est ici, à l'Assemblée nationale, ou qu'on gère, ou qu'on se préoccupe ne serait-ce que de cas de comté... On voit qu'il est nécessaire qu'à temps plein il y ait une voix, une voix qui parle pour les jeunes, à laquelle on octroie des budgets, qui a une certaine autonomie, comme je le disais.

Et ça, je dois dire que le Conseil permanent de la jeunesse a fait un excellent travail. Il s'est vraiment impliqué, depuis une dizaine d'années, dans un tas de dossiers où sa voix a toujours été pesée. Elle a été amenée, de façon toujours correcte, avec l'enthousiasme de la jeunesse, avec un point de vue rafraîchissant, original, ancré dans le réel que les jeunes connaissent. Ce n'était pas vraiment l'ivresse, et heureusement! que leur participation. Bien au contraire, c'était toujours alimenté par une somme d'expériences que les jeunes vivaient dans différentes régions du Québec, dans différentes problématiques, différents contextes.

Ça, ça s'est traduit par un tas d'avis et de travaux qui ont été portés à l'attention de tous les gouvernements successivement. Enfin, dans notre cas, la formation politique que je dirige, ça a été dirigé carrément au bureau du chef du parti, en l'occurrence soit le chef de l'opposition ou le premier ministre, comme ça a été le cas avec M. Bourassa et moi-même. De voir, donc, la qualité des travaux qui viennent à chaque fois jeter un éclairage additionnel extrêmement pertinent... Qu'il s'agisse, en 1989 – j'étais au Trésor à l'époque, j'avais vu cet avis-là aussi – l'avis sur les jeunes et la fonction publique, alors qu'on regardait comment réaménager la loi 55, le cas échéant, qui traite évidemment de l'administration, de la gestion de la fonction publique québécoise, un avis sur les jeunes et la fonction publique, un avis sur la pauvreté des jeunes, en 1993. Là aussi, j'en avais été saisi, de même que M. Bourassa. Dites à tout le monde qu'on existe , c'est ainsi que ça s'appelait, cet avis sur la pauvreté, un cri du coeur qui traduit le désespoir croissant d'un trop grand nombre de jeunes dans notre société, pour qui le désir d'autonomie personnelle, les perspectives de prospérité, l'exercice réel de la liberté sont de plus en plus problématiques, lorsqu'on voit la crise du sous-emploi et toutes ses manifestations et ses conséquences à tous égards sur les jeunes familles. Et, quand on dit «les jeunes familles», on parle des jeunes, bien évidemment, qui en sont issus et qui en font partie.

Être jeune et parent , en toute logique, là aussi, en 1990, dans le cadre de l'examen sur, je dirais, la pratique des politiques en matière familiale. Les jeunes et la réforme de l'aide sociale , en 1988, avis qui a jeté quelques cris d'alarme dans le discours dominant, qui a amené le gouvernement à tenir compte davantage de problématiques que le Conseil permanent de la jeunesse portait à son attention. Le suicide chez les jeunes, SOS jeunes en détresse , un avis du Conseil permanent de la jeunesse au sujet de la prévention du suicide auprès des jeunes, c'est tout récent; il y a quelques semaines à peine qu'on a été saisi de cet avis, tous autant que nous sommes. C'est public, ces avis.

Un accès graduel... dans d'autres circonstances, au-delà des grands problèmes que les jeunes vivent au Québec et sur lesquels le Conseil permanent de la jeunesse se penche de façon extrêmement sérieuse, avec les moyens qui sont à sa disposition, avec le réseau qu'il s'est constitué de certaines expertises dans ces domaines-là. Il intervient également, je dirais, ad hoc dans les commissions parlementaires, à l'occasion d'états généraux, dans la mesure où les jeunes peuvent être intéressés.

Devant la commission de l'aménagement et des équipements, en 1996, lorsque nous examinions, comme parlementaires, les modifications au Code de la sécurité routière, on a eu droit à un mémoire du Conseil permanent de la jeunesse qui s'intitulait Accès graduel à la conduite automobile: Wô les moteurs! Ça attire l'attention! Je dois dire qu'au point de vue communication ils n'ont pas grand-chose à apprendre pour attirer l'attention et donner des exemples concrets de leurs attentes à l'endroit des décisions que les élus peuvent prendre.

L'éducation dans tous ses états , ont-ils manifesté en 1995 devant les états généraux sur l'éducation. Un mémoire à la commission de l'éducation, l'an dernier: Pour accroître la réussite éducative, le temps est venu... Devant la commission parlementaire du budget et de l'administration, il y a déjà six ou sept ans: Pour une participation significative des jeunes au sein de la fonction publique québécoise , un écho de l'avis d'intervention de 1989. Le Régime de rentes du Québec, pour vous, pour nous et pour nos enfants , devant la commission des affaires sociales, l'an dernier. Je pourrais continuer, la liste est longue. Je voulais donner une illustration de la variété des préoccupations du Conseil permanent de la jeunesse, de son implication dans nos travaux parlementaires, dans sa constance à attirer l'attention des gouvernants sur la problématique des jeunes.

En ce sens, le dernier avis qui les concernait directement touchait justement leur fonctionnement, leur désir d'assouplir le mécanisme de composition du Conseil, et on voit – le ministre l'a exprimé tout à l'heure – que le gouvernement, par son projet de loi, s'est rendu au voeu du Conseil permanent de la jeunesse, à nos voeux aussi. Nous, on ferait pareil. Enfin, tout le monde est d'accord. Alors, on ne fera pas de longs discours, on ne se chicanera pas longtemps sur les objectifs qu'on est en train de poursuivre. Mais je m'en voudrais, à la toute fin, de ne pas soulever que le projet de loi comporte également trois aspects qui visent à préciser ou enrichir – enfin, on verra – la mission du Conseil permanent de la jeunesse tout autant que du Conseil des aînés et du Conseil...

M. Boisclair: ...

(11 h 40)

M. Johnson: ...des relations interculturelles – je remercie le ministre d'avoir soufflé le numéro de page, ou à peu près, où je pouvais retrouver ça – en ajoutant, dans le mandat que le gouvernement a confié à ces organismes, les mots suivants: «notamment quant à la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel». Trois grandes valeurs dont on peut déplorer qu'elles ne sont pas suffisamment pratiquées.

On retrouve dans l'action ou l'inaction des différents gouvernements... Je vais résister à faire la démonstration que le gouvernement actuel est particulièrement coupable, à l'égard de certaines de ces dimensions-là, d'une négligence qui doit être corrigée le plus rapidement possible. On espère donc qu'en précisant, à l'endroit du Conseil permanent de la jeunesse et des deux autres conseils, que leurs mandats et leurs responsabilités vont jusqu'à se soucier de considérations de solidarité entre générations on va être davantage sensibilisé, du côté gouvernemental, à la problématique des jeunes, que ce soit dans la fonction publique, dans le secteur parapublic, sur le marché de l'emploi, sur l'accès à l'emploi, sur l'accès à la propriété, sur l'accès à la formation, sur l'accès à l'éducation. Il y a un tas de problèmes de liberté d'exercice réel de la liberté.

C'est bien beau d'avoir des discours sur la liberté, mais, quand on n'a pas les moyens de l'exercer, ça ne donne rien. Lorsque les contraintes législatives ou réglementaires sont en place, que ce soit dans le domaine de la construction ou ailleurs, pour les jeunes, ça ne donne rien de parler de liberté et d'appeler les jeunes à faire une contribution insigne à l'avenir de la société, dont ils retireront également tous les avantages en même temps que leurs concitoyens, si on les empêche de travailler puis de construire des maisons de huit logements ou moins. Ça ne donne rien. Bon. Alors, il y a des choses ici sur lesquelles on doit attirer l'attention du gouvernement, et on souhaite que le Conseil le fasse.

La même chose est vraie quant à l'ouverture au pluralisme. L'ouverture au pluralisme, qui est une réalité notamment très, très métropolitaine, bien évidemment, doit être aussi visible dans les gestes du gouvernement et de tous les partis politiques. Là aussi, il y a des carences. Je ne reviendrai pas dessus, c'est un autre débat; on pourrait passer une journée là-dessus, puis on passe des sections de période de questions là-dessus. Mais, là aussi, c'est intéressant de voir qu'on précise, pour ces trois conseils, y compris le Conseil permanent de la jeunesse, qui doit se soucier et donc manifester dans ses avis des préoccupations quant à l'ouverture au pluralisme dans notre société, finalement, que les considérations de rapprochement interculturel se retrouvent également dans les problématiques, les avis et les solutions qui peuvent être apportés par l'un ou l'autre des conseils, alors que la poussée démographique que nous connaissons au Québec sous le poids de l'immigration, tout aussi bigarrée et diverse qu'enrichissante pour le Québec, ça a des effets dans nos institutions, ça a des effets dans nos écoles, ça a des effets dans nos hôpitaux, ça a des effets dans l'application de politiques gouvernementales, ça a des effets dans l'utilisation des langues. C'est une réalité, ça aussi.

Alors, si on veut donner des signaux dans une zone comme Montréal, dans un territoire comme la grande région de Montréal, il est extrêmement intéressant de voir que le souci de refléter ces préoccupations-là et ces nouvelles dimensions de la vie en société en Amérique du Nord, en l'an 2000, notamment au Québec, soit inscrit dorénavant dans les textes qui fondent l'action, délimitent l'action du Conseil permanent de la jeunesse. Et, là aussi, il y a des enseignements intéressants que le gouvernement aurait intérêt à tirer des avis qui ne manqueront pas de lui être soumis, si tant est qu'ils se soucieront de refléter ces préoccupations qui sont ajoutées dans leur mandat.

M. le Président, à ce moment-ci, je rejoins les paroles du ministre quant à notre désir de disposer, efficacement et rapidement à la fois, de ce projet de loi. Je crois qu'il est prévu – je ne veux rien présumer – qu'on pourra faire l'examen aujourd'hui même en commission plénière, ici même, à la suite de nos interventions ou de ceux qui veulent intervenir. C'est avec beaucoup de plaisir que je joins ma voix à celle du Conseil permanent de la jeunesse pour me préoccuper comme eux du sort des jeunes, pour me préoccuper de les équiper d'un outil efficace qui réponde à leurs désirs, comme ils l'ont fait valoir, et donc d'assurer le gouvernement qui présente ce projet de loi de toute ma collaboration afin que nous en arrivions rapidement à l'adoption, oui, de ce projet de loi, mais également à ce qu'il se traduise, comme a semblé l'indiquer le ministre, dans une garantie d'un financement adéquat, du respect de l'autonomie que le Conseil souhaite, mais surtout de l'attention et de la sensibilité qu'on doit manifester constamment, pas juste à l'approche des élections, aux avis qui seront émis par le Conseil permanent de la jeunesse afin de guider l'action des parlementaires pour qu'ils reflètent de plus en plus les préoccupations des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe de projet de loi n° 121? M. le ministre.


M. André Boisclair (réplique)

M. Boisclair: Très rapidement, M. le Président, pour remercier l'opposition de son appui et remercier aussi le chef de l'opposition pour son engagement à l'endroit de la situation des jeunes. J'apprécie, comme jeune et comme ministre, la préoccupation du chef de l'opposition.

Je voudrais toutefois prendre juste quelques instants pour essayer de régler un compte avec le chef de l'opposition, lui qui, à chaque fois qu'on intervient sur le dossier jeunesse, sur la question des jeunes à l'Assemblée nationale, nous dit deux choses. La première, c'est que c'est important que les jeunes participent, s'impliquent, prennent leur place, prennent la parole. Lorsqu'il parle particulièrement de ces dossiers à l'Assemblée nationale, il s'insurge du fait que ce ne soit plus le premier ministre mais bien un jeune qui ait le dossier.

Alors, je plaiderais tout simplement pour que le chef de l'opposition se ravisse du fait que, en proche collaboration avec le premier ministre, il y ait un jeune qui ait des responsabilités, qui soit ministre. Je pense qu'il les assume modestement mais avec efficacité et qu'il salue l'initiative du premier ministre qui, pour une des rares fois, a appuyé un jeune lorsqu'est venu le temps d'être candidat, qu'il l'a appuyé aussi lorsqu'est venu le temps de créer le Conseil des ministres. Je pense que c'est un geste d'ouverture qui peut dépasser bien des intentions d'hommes ou de femmes qui sont ici, à l'Assemblée nationale. Je l'invite, comme je le fais pour l'ensemble des membres de cette Assemblée, à travailler avec moi pour faire en sorte qu'il y ait davantage de jeunes qui soient présents à l'Assemblée nationale et occupent des fonctions de responsabilité. Je remercie à nouveau le chef de l'opposition pour son appui.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Le temps des interventions étant complété, le principe du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré en commission plénière pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Comme la motion est adoptée, en conséquence, je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise à 11 h 56)


Commission plénière

M. Pinard (président de la commission plénière ): Conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. Nous allons entreprendre nos travaux par les remarques préliminaires qui seront, semble-t-il, très brèves. Alors, M. le chef de l'opposition.


Remarques préliminaires


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, merci, M. le Président, en trois points. Le premier pour vous dire que ça fait quatre ans que je n'ai pas fait une étude détaillée article par article d'un projet de loi. J'ai été au Conseil du trésor jusqu'en 1993 et, depuis, évidemment, je n'ai pas eu l'occasion de le faire, et ça me fait extrêmement plaisir de me replonger dans les travaux parlementaires de cette nature-là.

Deuxièmement, je voudrais en profiter pour remercier tous les jeunes, le Conseil permanent de la jeunesse et un tas d'organismes de jeunes qui se sont mobilisés pour assurer la compréhension rapide, le dépôt, éventuellement la discussion et l'adoption d'un projet de loi qui assurerait la pérennité du Conseil permanent de la jeunesse. Il y avait évidemment le Comité national des jeunes du Parti québécois, la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, le Regroupement des jeunes gens d'affaires du Québec, la Jeunesse ouvrière chrétienne, l'Association des services d'aide aux jeunes entrepreneurs, la Fédération des médecins résidents du Québec – ce sont des jeunes aussi, de moins de 30 ans, souvent – le Regroupement des maisons d'hébergement, le Collectif des entreprises d'insertion, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération étudiante universitaire du Québec, et le Comité jeunesse de la CSN, un compte rendu de la rencontre des organismes jeunesse nationaux sur l'avenir du Conseil permanent de la jeunesse, au mois d'août l'an dernier. Alors, tout ce monde-là s'est occupé d'intervenir pour que ça continue à avancer. Alors, on les remercie, évidemment, on les félicite de leur implication.

Troisième commentaire. On devrait procéder efficacement et sans difficulté. Moi, je n'ai rien vu dans les notes qui m'ont été remises, qu'on a préparées, d'une part, et que le ministre a eu l'amabilité de me transmettre, finalement, ce document intitulé Cahier du ministre , le projet de loi annoté, comme on sait qu'on le fait du côté de l'administration, qui est remis, fidèle à une habitude que, moi aussi, j'avais, en tout cas, quand j'étais ministre, de remettre au porte-parole de l'opposition le cahier explicatif qui permet d'accélérer les travaux quand on en a connaissance un petit peu à l'avance.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le ministre.

M. Boisclair: Tout simplement pour ajouter dans le sens des propos du chef de l'opposition, me permettre de remercier, moi aussi, les jeunes qui nous ont appuyés dans la réalisation, dans la proposition, dans la rédaction de ce projet de loi. Je voudrais aussi remercier Jean-Louis Bazin ainsi que toute l'équipe du Secrétariat à la jeunesse qui nous ont appuyés dans la réalisation de ce mandat.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Y a-t-il des motions préliminaires? Aucune motion préliminaire?


Étude détaillée

Alors, nous allons procéder immédiatement à l'étude détaillée. Sur l'article 1, y a-t-il des interventions? M. le ministre, sur l'article 1, y a-t-il des interventions?

M. Boisclair: Non, je pense que l'article est clair. Ça a pour objet tout simplement de supprimer la référence au collège électoral.

Le Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition? Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté. Sur l'article 2, M. le ministre.

M. Boisclair: C'est l'abolition d'un des deux postes de vice-président, M. le Président. Nous remplaçons tout simplement l'expression «deux vice-présidents» par «un vice-président».

Le Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition, est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Sur l'article 3, M. le ministre.

M. Boisclair: Encore là, une modification de concordance pour rappeler le fait qu'il y a un vice-président et non plus deux.

Le Président (M. Brouillet): L'article 3 est-il adopté?

M. Johnson: Adopté, en notant le changement d'aspect du président du comité plénier.

Le Président (M. Brouillet): Alors, il y aura continuité dans... Ha, ha, ha! Alors, l'article 3 est adopté. On va souhaiter un bon travail à l'autre vice-président pour la fin de semaine, là. Oui, c'est ça. Donc, l'article 4. M. le ministre.

M. Boisclair: Encore là, un amendement de concordance, compte tenu de l'abolition de...

Le Président (M. Brouillet): L'article 4 est-il adopté?

M. Johnson: Concordance. Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 5.

M. Boisclair: Concordance aussi, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): L'article 5 est adopté.

M. Johnson: Adopté.

(12 heures)

Le Président (M. Brouillet): L'article 6.

M. Boisclair: Concordance aussi.

Le Président (M. Brouillet): L'article 6 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 7.

M. Boisclair: L'article 7 aussi est un article de concordance.

Le Président (M. Brouillet): Alors, cet article est-il adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 8.

M. Boisclair: C'est un article qui fait en sorte de supprimer l'obligation de former un collège électoral, conformément à la procédure d'élection dont on a fait état tout à l'heure.

Le Président (M. Brouillet): L'article 8 est adopté?

M. Johnson: Simplement conforme à ce que le Conseil demandait. Alors, évidemment, c'est adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 8 est adopté. L'article 9.

M. Boisclair: C'est un élément de concordance avec l'article que nous venons d'adopter. Le collège électoral étant aboli, la présentation des candidatures se fera en vue de devenir membre du Conseil.

Le Président (M. Brouillet): L'article 9 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 19... Excusez, l'article 10.

M. Boisclair: L'article 10, M. le Président, a pour but d'établir que la date du dépôt de la période de mise en candidature est déterminée par un arrêté ministériel plutôt que par règlement et que cette période de huit semaines débute dans les trois mois de l'expiration du mandat des membres.

J'indique, pour le chef de l'opposition, que l'arrêté ministériel sera publié à la Gazette officielle du Québec .

Le Président (M. Brouillet): Cet article est adopté?

M. Johnson: Oui. Très bien. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 11.

M. Boisclair: L'article 11, M. le Président, a pour but de confier au ministre la responsabilité de procéder à la sélection de 40 candidats parmi ceux admissibles et de s'assurer que ces candidats reflètent la composition de la société québécoise.

Le Président (M. Brouillet): Cet article est-il adopté?

M. Johnson: Oui, c'est adopté, à charge par le ministre de nous expliquer comment, juste en pratique, il va s'assurer de cette composition, de ce reflet de la société québécoise.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Boisclair: C'est un jugement qui est plutôt subjectif, qui fait appel à la sensibilité du ministre pour qu'il désigne 40 noms qu'il enverra au Conseil permanent de la jeunesse pour une sélection. Nous aurions pu, M. le Président, mettre des références claires dans la loi, par exemple représentation hommes, femmes, représentation régionale, représentation d'une diversité sur le plan des origines ethniques. Plutôt que de s'empêtrer dans quelque chose qui pourrait être lourd, nous avons plutôt préféré, d'avis aussi du ministère de la Justice et de nos légistes, une formule plus ouverte qui fait cependant une obligation au ministre de faire en sorte que dans les 40 noms il y ait un certain équilibre.

Le Président (M. Brouillet): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. Ce qui signifie que – on parle de 15 membres, là – ce serait huit hommes et sept femmes ou inversement. C'est ça qu'on peut envisager, je présume, du point de vue du ministre.

M. Boisclair: Oui.

M. Johnson: Du point de vue du pluralisme et de la réalité interculturelle également, je présume que, quoi, un ou deux ou peut-être trois membres sur 15, ça dépend, ne seraient pas des francophones de souche, comme on le dit, Québécois de souche. C'est ça qu'envisage le ministre, dans le fond, au point de vue régional?

M. Boisclair: Oui. Puis rajoutez à ça une représentation régionale. Ils ne seront pas tous de Québec ou de Montréal. Nous voulons faire en sorte donc de bien refléter la diversité de la société québécoise.

Le Président (M. Brouillet): L'article 11 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 12.

M. Boisclair: L'article 12, c'est un article de concordance qui abolit le collège électoral.

Le Président (M. Brouillet): Donc, l'article 12 est adopté?

M. Johnson: Oui, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 13.

M. Boisclair: L'article 13 supprime les pouvoirs réglementaires du gouvernement qui sont maintenant sans objet. La période de mise en candidature est établie à l'article 10, paragraphe 2° du projet de loi. Le collège électoral est aboli, et la procédure à suivre pour l'élection des membres est prévue à l'article 14 du projet de loi. C'est ce qui me faisait affirmer tout à l'heure que nous venons renforcer l'autonomie du collège électoral, puisque dorénavant les procédures d'élections qui auraient pu être modifiées tout simplement par décret ministériel sont maintenant prévues par la loi. C'est une garantie de plus de l'autonomie du Conseil. Ça avait été demandé aussi par les groupes de jeunes.

Le Président (M. Brouillet): L'article 13 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 14. J'ai reçu un amendement à l'article 14 que je vais vous lire: Remplacer, dans le texte anglais, au deuxième alinéa de l'article 24.8, les mots «draw lots to» par les mots «, by a random draw,».

M. Boisclair: Adopté, M. le Président.

M. Johnson: Tirage au sort, par échantillonnage.

Le Président (M. Brouillet): Alors, cet amendement est adopté.

M. Johnson: Article 24.8, vous dites?

Le Président (M. Brouillet): Oui, c'est ça, au deuxième alinéa de l'article 24.8. Donc, cet amendement à l'article 14 est adopté. Maintenant, l'article 14, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Boisclair: J'attire votre attention...

Le Président (M. Brouillet): La version française reste telle quelle, ici. Alors donc, l'article 14, le texte français, est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 15.

M. Boisclair: L'article 15 prévoit que le Conseil doit prendre en compte, dans ses fonctions-conseils auprès du ministre, les questions relatives à la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel.

Essentiellement, c'est de faire en sorte que les mandats des conseils ne soient pas tous cloisonnés, que les conseils ne travaillent pas en tenant compte uniquement de ce qui pourrait être un mandat trop pointu. Nous avons d'autres conseils qui ont pour objet de conseiller, par définition, le gouvernement. Je pense au Conseil des relations interculturelles, je pense au Conseil des aînés et à d'autres conseils. Nous voulons faire en sorte d'élargir la réflexion des mandats des conseils pour qu'il y ait une certaine discussion entre les différents conseils, puisque souvent des sujets d'intérêt général peuvent intéresser plusieurs conseils.

Nous élargissons le mandat en concordance, aussi, avec la loi créant le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 15 est-il adopté?

M. Johnson: Il y a quelque chose qui m'intrigue dans la mesure où si, par exemple, au Conseil des aînés... Enfin, je ne veux pas présumer, mais on voit que cette disposition-là se retrouve également dans le projet de loi un peu plus loin en application au Conseil des aînés. Au Conseil des aînés, ça pourrait amener la présence au Conseil de gens qui ne sont pas nécessairement des aînés. Il peut y avoir des plus jeunes qui seraient au Conseil des aînés. C'est concevable. Il n'y a pas de limite d'âge, là, de mémoire, à la capacité d'être membre du Conseil des aînés, mais il y a des exigences d'âge pour ce qui est du Conseil permanent de la jeunesse. Donc, on ne peut pas être un aîné au sens large et être membre du Conseil permanent de la jeunesse, mais on peut être un jeune et être membre du Conseil des aînés. J'essaie de voir comment le ministre répondrait à ça. C'est une question pour aller au fond des choses. On a l'occasion de le faire.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Boisclair: Le chef de l'opposition soulève une question qui est très pertinente. De la même façon que, au Conseil des relations interculturelles, des gens qui sont nés ici sont au Conseil, l'objectif, c'est de décloisonner les problématiques. À la limite, moi, j'avais même proposé, dans certaines discussions, la possibilité que des gens qui ont un engagement connu pour les jeunes puissent siéger au Conseil. Prenez, par exemple, le chanoine Grand'Maison qui a écrit nombre d'ouvrages sur la situation des jeunes. Je pense que nous aurions tout intérêt à nous associer de gens qui ont une réflexion... Je pense que le critère de l'âge ne devrait pas être uniquement celui qui nous guide dans la désignation, dans la composition des membres du Conseil. Cependant, j'indique au chef de l'opposition que cette façon de voir les choses, qu'il semble partager avec moi, n'a pas beaucoup inspiré les groupes de jeunes. J'ai donc arbitré puis j'ai préféré le statu quo.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, l'article 16 est adopté?

M. Johnson: Oui, adopté, après ces explications.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Très bien. C'était bien le 16 qu'on avait?

M. Johnson: C'était le 15.

Le Président (M. Brouillet): L'article 15, excusez. C'était le 15, oui. Donc, l'article 15 est adopté. À l'article 16.

M. Boisclair: Alors, le paragraphe premier de cet article a pour objet de faire en sorte que les membres du Conseil ayant droit de vote soient choisis pour leur intérêt...

M. Johnson: Au Conseil des aînés, là, maintenant.

M. Boisclair: ... – le Conseil des aînés, tout à fait – envers les personnes âgées et de façon à refléter la composition de la société québécoise. Et le paragraphe 2° de cet article est une disposition de concordance. On indiquait en début que nous modifions aussi la loi constituant les autres conseils. Cet article vient modifier l'article 3 de la Loi sur le Conseil des aînés.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 16 est-il adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 17.

M. Boisclair: Cet article a pour but de prévoir que le Conseil des aînés prenne en compte, dans ses fonctions-conseils auprès du ministre, les questions relatives à la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel.

Le Président (M. Brouillet): Cet article est adopté?

M. Johnson: Adopté.

(12 h 10)

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Maintenant, à l'article 18, j'ai reçu un amendement qui se lit comme suit: Remplacer l'article 18 par le suivant:

18. L'article 3 de la Loi sur le Conseil des relations interculturelles (L.R.Q., chapitre 57.2) est modifié par le remplacement des deuxième, troisième et quatrième alinéas par le suivant:

«Les membres du Conseil sont choisis pour leur intérêt à l'égard des relations interculturelles et de façon à refléter la composition de la société québécoise.»

M. Boisclair: C'est clair.

Le Président (M. Brouillet): Ça va pour...

M. Johnson: Ça va, oui.

Le Président (M. Brouillet): Ça va, alors l'amendement à l'article 18 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Et l'article 18, tel qu'amendé, est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 19.

M. Boisclair: L'article 19 a pour but de prévoir que le Conseil prenne en compte – et là, cette fois-ci, on parle du Conseil des relations interculturelles – dans ses fonctions-conseils auprès du ministre, les questions relatives à la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel.

Le Président (M. Brouillet): Donc, l'article 19 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 20.

M. Boisclair: Cet article, qui est une disposition transitoire, a pour but d'allouer au ministre un délai de trois mois pour déterminer par arrêté ministériel la date du début de la période de mise en candidature.

Le Président (M. Brouillet): L'article 20 est adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 21.

M. Boisclair: L'entrée en vigueur, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Alors, il est adopté? Adopté. Le titre du projet de loi est-il adopté?

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Je crois que nous avons tout adopté ce qu'il fallait adopter. Mme la secrétaire, je crois, hein? Il ne reste plus rien à adopter? Bon, voilà.

La Secrétaire: ...

Le Président (M. Brouillet): Alors, oui, on adopte aussi l'ensemble du projet de loi.

M. Johnson: Et il y a des remarques finales.


Remarques finales

Le Président (M. Brouillet): Ah! ça, si jamais vous voulez... Ce n'est pas la coutume, mais, si vous voulez, ce serait très bien, oui. M. le chef de l'opposition, pour...


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Non, je tiens à remercier le ministre de nous avoir fait parvenir son cahier de notes, ça accélère les travaux. Ça permet donc d'être plus efficace. C'est toujours un petit peu intrigant de voir qu'on peut être en article par article et passer à toute vitesse. Les gens se demandent ce qu'on fait ici, mais on fait qu'on a préparé, avant d'arriver ici, nos travaux et que, dans le fond, il n'y a pas de problème autour de ce projet de loi là. Le milieu le désirait, nous, on en parlait, le ministre en a été convaincu et il s'est engagé. Les papiers sont écrits, ils sont arrivés à l'Assemblée, puis on est en train de les adopter. Alors, ça s'adopte rapidement quand tout le travail de longue haleine a été fait correctement par tout le monde, et je tenais à réitérer notre collaboration pour la mise en oeuvre après ça de ce qu'on est en train d'adopter.

Que ce soit au point de vue budgétaire, c'est extrêmement important que la garantie des budgets soit assurée, au Conseil permanent de la jeunesse notamment, et que son autonomie soit protégée. Je pense que, le ministre et moi, on pense la même chose à cet égard-là. On souhaite donc bonne chance au ministre pour représenter, comme c'est sa responsabilité, ce que le Conseil permanent de la jeunesse aimerait voir se faire dans les politiques du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le ministre, pour conclure.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Je reçois très bien les commentaires du chef de l'opposition. Je l'informe que je ne pense pas qu'il y ait des modifications pour l'exercice en cours quant aux crédits votés par l'Assemblée nationale. Cependant, il serait possible, pendant l'année, que le ministère, à même les crédits du ministère, contribue au financement des activités du Conseil dans le sens d'un mandat que le ministre pourrait donner d'une consultation qui pourrait amener les membres du Conseil à se déplacer un peu en région, sur le modèle des récentes consultations du Conseil des relations interculturelles qui s'est intéressé aux questions de gestion, de diversité, de régionalisation et d'immigration. Donc, en plus des crédits qui sont votés par l'Assemblée nationale pour le Conseil, il y a lieu de penser à un appui du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

J'indique aussi que, sur le point de vue budgétaire, ma préoccupation est de faire en sorte que les budgets de recherche qui sont consacrés au Conseil puissent prendre davantage d'envergure et qu'on puisse se servir de l'argent du gouvernement, des crédits votés ici, à l'Assemblée nationale, pour faire un effet de levier pour aller chercher dans des fondations privées, par les collaborations avec les institutions universitaires... essayer d'approfondir la portée du mandat du Conseil.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin aux travaux de la commission plénière. Je remercie donc toutes les personnes qui y ont participé. Et, afin de permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je vais suspendre quelques minutes. Et j'inviterais les gens qui ont à quitter à le faire, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 16)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Vanier, si vous voulez faire le rapport de la commission plénière, s'il vous plaît.

Mme Barbeau (présidente de la commission plénière): Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, et qu'elle l'a adopté avec des amendements.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci. Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. L'article 39 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 40


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 39, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Alors, je vais céder la parole à la prochaine intervenante. Mme la ministre de la Culture, je vous cède la parole.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, en effet, M. le Président, on a étudié pendant, je crois, 40 heures, en commission parlementaire, le projet de loi n° 40, et nous revenons donc à l'Assemblée nationale, au salon bleu, aujourd'hui.

Je voudrais, M. le Président, rapidement, dans le temps qui m'est imparti à ce moment-ci, réexpliquer pourquoi le projet de loi n° 40 est à l'étude et pourquoi le gouvernement, donc, a pris la décision de proposer des amendements à la Charte de la langue française. La première raison, il est clair que c'est toute l'importance et la volonté de ce gouvernement d'agir avec vigueur et détermination pour assurer la promotion du statut, de l'usage et de la qualité de la langue française, langue officielle et langue commune au Québec. Alors, ce sont là les premières raisons pour lesquelles nous avons déposé ce projet de loi et qui sont des amendements à la Charte de la langue française.

M. le Président, la langue française a toujours été et demeure au coeur de l'identité québécoise. De tout temps, par toutes sortes de stratégies, de tactiques, d'avancées et d'alliances, les Québécoises et les Québécois ont voulu, avec constance, non seulement sauvegarder l'usage de la langue française, mais aussi et surtout en étendre l'utilisation à tous les domaines de la vie collective pour en faire véritablement la langue officielle et la langue commune de tous les citoyens du Québec. Aujourd'hui, nous sommes les héritiers de cet acharnement. Nous avons hérité de ce devoir de défense et de promotion du français, devoir envers le passé, mais bien plus encore envers l'avenir.

(12 h 20)

Notre situation en Amérique du Nord nous impose une grande vigilance, un engagement inconditionnel envers ce qui nous unit et ce qui nous anime, c'est-à-dire le français. La tâche n'est pas facile, car, dans ce siècle, le Québec a vécu et vit encore un précédent historique. Deux empires se sont succédés, utilisant et propageant la même langue, l'Empire britannique et l'Empire américain. Et l'histoire a voulu que, d'abord, le Québec soit inséré dans l'Empire britannique et qu'il doive résister à ses tentatives d'assimilation. L'histoire a voulu ensuite que le Québec vive aux portes de l'Empire américain et qu'il soit sur la première ligne de son abondante production culturelle, informatique et technologique. Par conséquent, M. le Président, la langue française est toujours dans une situation délicate au Québec, dans ce vaste environnement anglophone que constitue l'Amérique du Nord.

Dans la concurrence entre le français et l'anglais, les tendances lourdes jouent encore en faveur de l'anglais, parce que l'anglais prédomine dans l'ensemble du continent nord-américain. Le Québec et l'Acadie sont les seuls territoires à faire officiellement et intensivement usage du français. Et on sait très bien quelle est la situation, M. le Président, même en Acadie, à la limite, des minorités francophones hors Québec, qui subissent – et je l'ai démontré en commission parlementaire avec des statistiques qui émanent d'ailleurs de la Fédération des francophones hors Québec – depuis toujours, mais avec une accélération, donc, depuis les années cinquante, malgré la loi des langues officielles du Canada... Donc, cette assimilation s'accélère dans toutes les provinces.

Le seul territoire, le seul endroit où le nombre de locuteurs qui ont comme usage la langue française ne diminue pas, c'est le Québec. Mais, malgré ça, M. le Président, on voit bien que l'intégration des immigrants n'est pas facile. Mais, au moins, ici, ce 82 % de francophones demeure. Parce que, si on regarde les chiffres ailleurs au Canada, c'est carrément dramatique, la situation que vivent les minorités francophones.

L'anglais, donc, domine en informatique, dans les nouvelles technologies de communication. L'introduction massive de l'informatique dans la vie de chacun et dans les milieux de travail propage l'emploi de l'anglais, compromet l'usage du français comme langue de travail et provoque une nouvelle phase d'anglicisation semblable à celle qui a marqué l'industrialisation du Québec, et c'est contre cette tendance lourde que nous intervenons, notamment.

Les relations commerciales extérieures se sont intensifiées, au Québec, de par le dynamisme des entreprises à la recherche de nouveaux débouchés pour leurs produits et services. La langue anglaise, bien sûr, est omniprésente, d'où une augmentation croissante de l'usage de l'anglais dans les entreprises à des fins de communication avec l'extérieur du Québec, et cela, en conformité avec la loi – «à l'extérieur du Québec», je dis bien, M. le Président – et le pouvoir d'attraction de l'anglais est toujours intact; je l'ai dit, plus faible chez les Québécois et les Québécoises de langue française, plus fort chez les Québécois et les Québécoises qui utilisent d'autres langues que le français.

On l'a vu dans le bilan que nous avons reçu il y a plus d'un an maintenant, on le constate, donc, que l'attraction du français est plus forte, légèrement plus forte chez les allophones arrivés depuis 1976 et depuis 1977, c'est-à-dire depuis l'imposition de la loi 101, mais que la tendance lourde demeure ce qu'elle est. Dans ces circonstances, M. le Président, bien sûr qu'une politique linguistique et que des amendements à la Charte de la langue française sont nécessaires pour contrecarrer ces tendances lourdes.

M. le Président, quelques mots concernant, donc, le projet de loi lui-même. Je veux insister sur toute la question des logiciels, parce que, s'il y a une chose qui m'a surprise et déçue, pendant cette commission parlementaire, de la part de l'opposition officielle, c'est bien son attitude par rapport à ces articles qui concernent les nouvelles technologies. L'omniprésence de logiciels en langue anglaise sur le marché québécois est évidente pour quiconque se promène à Montréal et ailleurs. Et donc, le gouvernement, ce qu'il vise par ces amendements à la Charte de la langue française, c'est à augmenter la disponibilité de logiciels en français auprès des consommateurs québécois.

Le projet de loi n° 40, donc, stipule que devront être rendues disponibles aux consommateurs québécois les versions françaises de logiciels et de jeux vidéo, lorsque celles-ci existent quelque part dans le monde. Lorsque de telles versions françaises n'existent pas, la version originale anglaise pourra continuer à être vendue sur le marché québécois. C'est le minimum, M. le Président, me semble-t-il, que nous nous devons de faire, parce que le bilan, justement, d'il y a un an a démontré que seulement 32 % des commerces montréalais offrent les logiciels en langue française pourtant en vente sur le marché. Seulement 32 % de ce qui existe en français, on le retrouve en vente sur le marché montréalais, dans les grandes surfaces entre autres. Les consommateurs québécois, même si des versions françaises existent, n'ont souvent accès qu'aux seules versions anglaises. M. le Président, il me semble que c'est logique et que c'est élémentaire.

Ce qu'on veut, c'est explicitement, donc via certains de ces amendements à la loi 101, rétablir la situation. Par exemple, si le projet de loi n° 40 avait été en vigueur l'an dernier, la compagnie Microsoft aurait été obligée d'offrir des copies de son logiciel Windows 95 en français immédiatement pour pouvoir vendre sa version originale anglaise, puisqu'une version française existait au même moment, elle était commercialisée en France, M. le Président.

Donc, nous pensons que ces amendements-là sont nécessaires. À ma grande surprise, à ma grande stupéfaction, à ma grande déception, l'opposition libérale a voté contre ces amendements-là. J'espère que les consommateurs québécois de langue française, qui composent quand même 82 % de la population, je veux dire, s'en souviendront, M. le Président.

D'autre part, je veux aborder rapidement, M. le Président, la question de la Commission de protection de la langue française. Alors, on a entendu, M. le Président, pendant 40 heures... Je dois vous dire que ça a été le musée des horreurs. Alors, je vais vous lire justement ce que, il y a un an, le 11 juin 1996, le journal Le Devoir , en éditorial, écrivait: «Ainsi, quoiqu'on en médise largement, une commission de protection de la langue française s'impose d'emblée. Pendant 15 ans, on a fait des gorges chaudes sur la "police linguistique", dénonçant à qui mieux mieux dans les milieux anglophones ses prétendus excès de zèle [...]. Étrangement, tout en proclamant son attachement au français comme langue officielle et en renouvelant la loi 86 de 1988 sur la prédominance du français dans l'affichage public, le gouvernement libéral a fait disparaître la Commission en 1993. Ou, plutôt, il l'a intégrée à l'Office de la langue française, sans lui attribuer le budget et le personnel nécessaires à la poursuite de ses activités.

«Le geste a eu pour effet de calmer les extrémistes anglophones – M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, c'est écrit dans un éditorial de Gilles Lesage, dans le journal Le Devoir – qui se prétendent d'accord avec l'objectif de la Charte, mais en rejettent tous les moyens, même les moins coercitifs.» On le sait, M. le Président, on l'a vécu nous-mêmes en commission parlementaire, au mois d'août l'année dernière.

«Il est bien connu qu'une loi dont la mise en oeuvre ne fait l'objet de quelque surveillance est foulée à tout venant. C'est d'autant plus inévitable que l'Office [...] n'avait ni les ressources ni les moyens pour [...] sanctionner les contrevenants avec fermeté et sans laxisme.

«Pire encore – écrit Le Devoir – il y avait depuis trois ans confusion des fonctions et des rôles. Il importait donc de rétablir une commission de protection, autonome et libre de ses mouvements, qui puisse effectuer des inspections et des enquêtes, comme ce fut le cas de 1978 à 1993. Ce qui ne la dispense pas de jugement, de doigté et de prudence, comme il se doit [...]. Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu des erreurs de parcours [...] qu'il fallait la laisser dans les limbes où les libéraux l'ont malencontreusement rejetée.»

Voilà, M. le Président. Et j'ajoute par ailleurs que le Conseil de la langue française... Parce qu'on nous a dit des choses fausses pendant cette commission, M. le Président, concernant les organismes qui avaient dit que, non, ce n'était pas nécessaire, etc. Mais je veux rappeler que le Conseil de la langue française, le Conseil qui est l'organisme, le bras séculier justement du gouvernement, en toute autonomie, qui conseille le gouvernement sur toutes les questions relatives à la Charte de la langue française... Donc, Mme Assimopoulos, en octobre 1996, dans le Bulletin du Conseil de la langue française , a redit ce qu'elle avait expliqué au moment de la commission parlementaire du mois d'août dernier.

(12 h 30)

Elle dit ceci: «Le Conseil est d'avis que, lorsqu'une loi existe, il est normal qu'elle s'accompagne de mesures de contrôle pour voir à son application. Le Conseil de la langue française se prononce donc en faveur de la remise sur pied de la Commission de protection de la langue française»... très bien exprimé dans le Bulletin du Conseil de la langue française . Je rappelle aussi que les Québécois ont cette même perception de la réalité de l'aménagement linguistique et de la nécessité d'une Commission de protection de la langue française. À la question du Groupe Léger & Léger, en février 1997, donc tout récemment: «Selon vous, le Québec a-t-il besoin d'une Commission de protection de la langue française?», 69 % des Québécois, toutes langues confondues, ont dit oui. Ce qui veut dire 78 % des francophones qui optent pour la réponse positive.

M. le Président, en terminant, j'aimerais tout simplement dire jusqu'à quel point l'attitude de l'opposition officielle est négative. Non seulement elle est négative, M. le Président, mais il y une chose qui m'a frappée. Que ce soit dans les débats en commission parlementaire, l'année dernière pendant les audiences publiques, cette année pendant les dernières 40 heures, les deux derniers mois, ce qu'on a vécu en commission parlementaire et en Chambre depuis quelques jours, où on reproche, du côté libéral, à un fonctionnaire du Québec de parler français à des investisseurs allemands, il y a longtemps... Je n'ai jamais entendu, je dois dire, en cette Chambre, depuis que j'y suis, en 1994, le Parti libéral défendre le français au Québec. Défendre le français, qui, je l'ai dit, est toujours fragile et, je le rappelle, minoritaire sur le continent. Minoritaire. Nous sommes 2 % de la population de l'Amérique du Nord. Jamais on n'a entendu l'opposition officielle défendre le français. C'est quand même surprenant, parce que, pendant que M. Dorr, le fonctionnaire en question, rencontrait les investisseurs allemands, j'étais en réunion avec 49 pays de la francophonie, et tous, sans exception, m'ont dit: Mais enfin, sur quelle planète vivons-nous si un fonctionnaire québécois, un sous-ministre adjoint ne peut plus... C'était l'étonnement général des 49 pays de la francophonie, des petits, des moyens et des gros, des pays du Sud comme des pays du Nord, la stupéfaction en apprenant qu'il y avait un pseudo-scandale dans le Financial Post , la Gazette et le Globe and Mail à propos d'un fonctionnaire québécois qui avait osé, M. le Président, parler en français à des investisseurs allemands.

Ça me rappelle, M. le Président, quand j'étais à Téléfilm Canada. Un jour, nous étions en Allemagne à discuter de cinéma, et on a, pendant un premier temps, avec les Allemands, parlé en anglais, pour s'apercevoir tous les deux, les Allemands, d'ailleurs, et nous, qu'on perdait au moins 25 % – à part quelques rares individus, vous le savez très bien, M. le Président, qui sont parfaitement et totalement bilingues, et c'est mon cas – au moins 25 % de ce que je peux dire en nuances, en subtilités, en précisions dans ma langue maternelle. Les Allemands s'étant rendu compte que c'était exactement la même situation pour eux, dans l'après-midi, on a demandé conjointement qu'il y ait un interprète. C'est la moindre des choses quand on est un pays qui se respecte, quand on respecte sa propre langue, qu'on en a la fierté et qu'on a la chance de parler une des grandes langues internationales qui est parlée aux Nations unies, qui est parlée à Bruxelles par les 15 pays de la Communauté européenne, justement quand nous sommes membres de la francophonie, non seulement de l'Agence de la francophonie, mais aussi des sommets francophones.

Donc, M. le Président, ma surprise de ne jamais entendre le Parti libéral et l'opposition officielle défendre le français en cette Chambre ou en commission parlementaire a été une des grandes déceptions de tout ce processus qui se poursuit aujourd'hui. Je dois dire que ce n'est plus pour moi justement ce grand parti qui a décrété en 1972 la loi 22, c'est-à-dire le français comme langue officielle. Depuis ce temps-là, ils se sont opposés à la loi 101, ils se sont opposés et s'opposent, bien sûr, au projet de loi n° 40. Mais le Parti libéral avait voté contre la loi 101, pour que le français au Québec s'affirme, et ça continue aujourd'hui. Pour nos amis d'en face, eh bien, le français, à mon avis, est une langue marginale, une langue minoritaire en effet en Amérique du Nord, qui ne mérite pas d'avoir le statut de langue nationale que nous avons décidé collectivement de lui donner. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Je vais maintenant céder la parole au représentant de l'opposition officielle en la matière, M. le député de...

Une voix: Outremont.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...Outremont. C'est bien. Excusez. J'allais dire Laporte, mais ce n'est pas ça. C'est Outremont. Excusez. Ha, ha, ha!


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, je vous remercie de bien vouloir m'accorder la parole. L'opposition officielle a mené une lutte longue et acharnée contre le projet de loi n° 40. Nous voulons énoncer encore une fois, et une dernière fois peut-être, les motifs de notre opposition.

Pour tout dire, nous avons la conviction – et les propos de la ministre n'y changent rien – que le projet de loi n° 40, que la loi n° 40 est une mauvaise loi. L'essentiel de ce projet vise en effet à établir la Commission de protection de la langue française et, j'insiste, M. le Président, à la rétablir en y enjoignant des pouvoirs coercitifs supérieurs à ceux que possédait son ancêtre, l'ancienne Commission de protection de la langue française, et de loin, de beaucoup supérieurs à tout ce qui peut exister de pouvoirs coercitifs là où, dans des conditions comparables aux nôtres, ont été créés des organismes de contrôle, de réglementation et de surveillance linguistiques. J'insiste là-dessus. Il faut avoir examiné le genre de dispositif administratif qui a été mis en place en France, avec la Délégation générale de la langue française, ou en Belgique, avec la Commission de contrôle, pour constater jusqu'à quel point ce qui est ici proposé dans la loi n° 40 est en fait un dispositif excessif et, comme on le verra tantôt, un dispositif qui est potentiellement abusif.

Donc, les raisons de notre opposition au projet de loi n° 40, M. le Président, sont les suivantes. Le projet de loi n° 40 – je l'ai maintes fois répété lors de la commission parlementaire – renvoie à une vision de société qui répugne à tout esprit qui se réclame du libéralisme. La ministre a beau nous dire que le Parti libéral, qui a été le champion des grandes politiques linguistiques du Québec telles qu'on les a connues à l'origine, aurait maintenant dévié de sa vocation... Elle nous disait tantôt que nous avions voté, en 1977, contre la Charte de la langue française, mais c'est toujours pour la même raison. Nous ne sommes pas, mais pas... Tout au contraire, nous affirmons la nécessité de défendre, de promouvoir et d'assurer la pérennité du français, mais on ne peut pas se rallier à des modes de gestion des rapports linguistiques qui sont aussi contraires à l'esprit libéral que celui qu'on retrouve dans la loi n° 40. Des personnes compétentes sont venues l'affirmer lors des audiences, cette loi institue un organisme dont les pouvoirs sont excessifs, potentiellement abusifs et qui feront probablement l'objet, tôt ou tard, d'une contestation devant les tribunaux.

En deuxième lieu, M. le Président, le projet de loi n° 40 repose – encore là, nous l'avons affirmé à maintes reprises – sur une théorie de l'efficacité administrative selon laquelle plus les structures exercent des fonctions spécialisées, plus elles atteindront les résultats prévus. Les tenants de cette théorie dont se sont inspirés les auteurs de la loi 101 à l'origine, lorsqu'ils ont fait cette division du travail de contrôle et d'aménagement entre la Commission de protection et l'Office de la langue française, les tenants de cette théorie, qui ont d'ailleurs inspiré la ministre dans son projet de loi n° 40, faisaient malheureusement l'économie des effets pervers de la spécialisation bureaucratique, des blocages de communication.

(12 h 40)

La loi n° 40, au chapitre de l'affichage mais également au chapitre des dérogations dans d'autres domaines, aurait donc continué d'être appliquée efficacement et plus efficacement si on s'en était maintenu au dispositif administratif actuel plutôt que de vouloir rétablir un organisme administratif qui ne rendrait pas l'application de cette loi plus efficace, tout au contraire.

En troisième lieu, M. le Président, le projet de loi n° 40 crée une structure administrative inutile, puisque toutes les informations dont nous disposons sont à l'effet que la situation de l'usage du français à Montréal et, bien sûr, ailleurs au Québec... Ailleurs au Québec, on ne peut quasiment pas parler d'amélioration, puisque le français a atteint partout des niveaux de présence qui sont historiquement sans précédent et qui rejoignent à peu près le niveau maximal du 100 %. Donc, dans la région de Montréal, toutes les données le montrent, les données du Conseil, les données qui ont été aussi rendues publiques par l'Office, il n'y a pas d'érosion du statut du français, de sa situation d'usage, il n'y a pas de détérioration, que ce soit dans l'affichage, que ce soit pour les programmes de francisation, que ce soit dans d'autres domaines d'application. Donc, on est en présence d'une loi qui n'est pas opportune puisqu'elle ne vient pas répondre à un besoin, en tout cas, pas à ce genre de besoin dont je viens de faire mention.

Ce dont la loi 101 a besoin pour être mieux appliquée, ce n'est pas d'un surplus de coercition légale, mais c'est d'éducation, c'est d'information, c'est d'aide à la clientèle, et, je le répète, ce n'est pas de coercition accrue. Donc, la stratégie qui est choisie dans la loi n° 40, du point de vue de l'application, est une stratégie qui renvoie à la création d'un organisme qui, à toutes fins pratiques, ne répond pas à un véritable besoin; et, de ce point de vue là, la décision qui est prise est une décision qui est inopportune.

En quatrième lieu, et je mettrais ma tête sur la bûche pour assurer la validité de la prévision que je fais, je ne voudrais pas faire une prévision créatrice, mais la prévision va se réaliser de toute façon, cette loi aura pour effet d'accroître le niveau d'acrimonie qui existe et qui s'était abaissé, qui s'était rapetissé, qui s'était calmé entre nos communautés linguistiques ici, au Québec, non seulement les communautés linguistiques francophones et anglophones, mais aussi la communauté francophone et la communauté allophone.

Donc, c'est une loi conflictuelle, c'est une loi potentiellement conflictuelle et c'est une loi qui contribuera à attiser le conflit d'acrimonie qu'on retrouve à peu près dans toutes les situations où des langues sont en concurrence. Mais, lorsque ces langues sont en concurrence et qu'on veut réglementer ou réguler cette concurrence-là, il faut le faire par des dispositifs qui n'ont pas pour effet d'augmenter le niveau de conflit mais, tout au contraire, d'augmenter le niveau de coopération entre les groupes, le niveau de collaboration entre les groupes. Et c'est exactement le contraire que la loi n° 40 aura pour effet de produire.

Je cite ici, M. le Président, si vous me le permettez, un article qui a été écrit à l'automne dernier dans Le Soleil par Michel David, le journaliste du Soleil , qui est un de nos journalistes qui connaît le mieux la situation linguistique au Québec. M. David disait: «Après la promesse faite au théâtre Centaur, la décision de ressusciter – et c'est lui qui le mentionne, ce n'est pas moi qui le dis – la police de la langue ne pouvait être perçue autrement que comme une provocation.» M. David ajoutait: «La situation toujours fragile du français commandait peut-être des mesures plus musclées, mais la façon dont le projet de loi n° 40 a été amené témoigne d'un opportunisme tel que même les anglophones les plus sensibles à cette nécessité ne peuvent qu'en être choqués.»

Sauf, M. le Président, qu'il faut bien être conscient que, si des citoyens et des citoyennes seront choqués par la mise en application de cette loi, nous en verrons les signes à la fois chez des francophones et chez les anglophones. Je l'ai répété à maintes reprises, cette loi créera une clientèle de victimes chez de petits commerçants, par exemple, de petits commerçants de la région de Montréal, de petits commerçants qui font leurs affaires dans les milieux bilingues de la région de Montréal, et c'est à ces petits commerçants que la loi n° 40 posera des difficultés, des petits commerçants qui ne demandent pas mieux, M. le Président, que de se conformer à la législation linguistique si on les informe, si on les aide, si on les renseigne, si on leur fournit donc les moyens de se conformer comme tout bon citoyen normal souhaite le faire.

Donc, il ne faut pas voir l'opposition à la loi n° 40 comme une opposition des anglophones à une loi qui est passée par le Parti québécois, il faut voir l'opposition à la loi n° 40 comme une opposition de principe, comme une opposition de la part de ceux qui ne peuvent pas se rallier derrière un projet de loi pareil pour des raisons de conviction, pour des raisons – je l'ai mentionné tantôt – d'adhésion au libéralisme, mais il faut aussi le voir comme étant une opposition qui fait appel à un beaucoup plus large contingent de personnes qui seront potentiellement affectées par cette loi-là, et un contingent qui dépasse largement les frontières conventionnelles linguistiques au Québec.

La ministre vient de nous parler. Je l'écoutais tantôt, à mon bureau, à la télévision. Elle nous répète cette chose depuis quelques mois. Elle nous mentionnait ce sondage qui a été publié en février et qui nous apprenait – je regardais, hier soir encore, les documents – que 78 % des personnes interrogées étaient favorables au rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Il faut le faire! Il faut le faire! À la fin de la session d'automne et d'hiver, compte tenu de toutes les personnes qui étaient venues en commission parlementaire témoigner de leur opposition au rétablissement de la Commission de protection de la langue française et de la très grande majorité des éditorialistes qui avaient été publiés à l'époque – je les ai tous relus hier soir – le gouvernement se trouvait devant un problème de légitimité. Le gouvernement se trouvait devant le problème de devoir faire passer, faire adopter une loi qu'une très large majorité de l'opinion publique, et de l'opinion publique tant officielle que non officielle, contestait, dont on contestait la légitimité.

Je pourrais vous citer, M. le Président, des extraits nombreux de toutes sortes de journalistes, des journaux francophones et anglophones, qui se sont opposés au rétablissement de la Commission de protection de la langue française, qui le jugeaient, comme je l'ai mentionné, inopportun, inutile, contraire aux résultats visés et devant produire toutes sortes de tensions et d'acrimonie, ainsi que je l'ai mentionné antérieurement. Donc, le gouvernement se trouvait pris devant un véritable problème de légitimité quant à la loi n° 40.

Dans son astuce, le gouvernement a commencé par retirer le projet, mais il est allé beaucoup plus loin que ça. Il a fait financer par le Secrétariat à la politique linguistique, à même les fonds publics du Québec, un sondage qui devait lui donner les résultats dont il avait besoin pour pouvoir se donner de la légitimité. Il faut le faire, M. le Président! Il faut le faire! Et c'est un sondage commandé par un appareil bureaucratique dont les dirigeants sont nommés par le gouvernement, et cet appareil bureaucratique utilise les ressources de l'État, les fonds d'État pour faire faire un sondage qui révèle évidemment que la grande majorité des gens sont en faveur de la Commission. Mais pourquoi? D'abord, la question est posée de telle façon qu'elle produit un effet d'acquiescement automatique. Il ne faut pas avoir fait beaucoup de sondages dans sa vie pour le savoir.

Deuxièmement, on pose une question à laquelle les gens répondent sans aucune conscience des enjeux qui sont en cause, dans le cas du projet de loi n° 40. En d'autres mots, on aurait pu leur demander: Écoutez, est-ce que vous êtes en faveur de l'amour maternel?» et probablement que 97 % des gens auraient répondu oui. Mais, indépendamment de la façon dont la question a été posée, et la question a été posée pour produire les résultats qu'on a observés, la décision que prend le gouvernement de faire poser dans un débat public, par un organisme qu'il contrôle, avec les fonds de l'État, une question par l'entremise d'un sondage qui vient créer l'illusion qu'il a raison, il faut le faire, M. le Président. Vraiment, on est là en présence d'un travail de manipulation politique qui n'est pas honorable, et je pense que c'était une façon habile de la part du gouvernement de répondre à une situation de crise. Mais ce n'est pas une façon honorable, d'essayer de devenir gagnant, dans un débat dans lequel on est perdant, par le recours à de pareils expédients.

(12 h 50)

Donc, que la ministre répète ses données statistiques ad vitam eternam, ça n'est pas le genre de choses qui, de ce côté de la Chambre, sont évidemment de nature à nous impressionner. Donc, le gouvernement, on l'a vécu tout au long de cette commission parlementaire, le gouvernement se retrouvera éventuellement face au même problème. Le gouvernement se trouvait pris avec le problème de devoir gérer un épisode de développement législatif, une loi qui ne recevait pas, mais qui ne recevait en aucune façon l'approbation de la large majorité de l'opinion publique, et en particulier de l'opinion publique qui s'exprime par les éditorialistes. Je ne veux pas mentionner des noms, mais je vous dirais, M. le Président, qu'à ma connaissance il n'y a eu qu'un éditorialiste ou qu'une éditorialiste qui se soit prononcé en faveur de la loi n° 40. Évidemment, on peut avoir ses préférences partisanes, mais, tout de même, la vérité ne peut pas être toujours du même côté. Elle y est parfois du même côté, mais elle ne peut pas être vraiment... Non. On n'est tout de même pas pour revenir à l'ancien régime que nous avons connu au Québec, qui présumait que finalement la vérité se trouve toujours au même endroit et qu'elle est toujours dans la bouche des mêmes gens. Écoutez. Il ne faut tout de même pas nous prendre pour des imbéciles.

Mais tout cela est une forme d'insertion de l'autorité publique dans un processus de débat sur une loi dont les enjeux sont importants, qui, à mon avis, n'est pas un mode d'insertion honorable et qui n'est pas à l'honneur ni du gouvernement qui s'y est prêté ni de la ministre qui y a consenti. Et je ne le dis pas pour des raisons partisanes, M. le Président, je le dis parce que c'est comme ça. On verrait ces choses-là se faire ailleurs et on s'indignerait.

Une voix: ...

M. Laporte: Il faudrait voir. En tout cas, au Parti libéral, je ne me souviens pas, de mémoire d'homme et de femme, que nous ayons eu recours à de pareils expédients, M. le Président.

Des voix: ...

M. Laporte: Jamais! Jamais, M. le Président! C'est une leçon de manipulation politique et de déception politique qui est absolument remarquable. Je pense que ça devrait faire...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député d'Outremont. Vous savez qu'à maintes occasions, l'expression «manipulation politique» adressée à l'une ou l'autre des parties a été jugée non parlementaire. J'ai laissé passer une première fois, et là vous revenez à une charge encore plus poussée. Alors, vous pouvez vous contenter de décrire certaines situations, mais les qualifier de manipulation, ce n'est pas accepté dans nos règles parlementaires.

M. Laporte: M. le Président, je retiens vos remarques, vous êtes là pour décider de ce qui est conforme et de ce qui ne l'est pas. Mais je dois vous rappeler que j'utilise le concept de manipulation dans le sens où on l'utilise techniquement en sociologie politique. Lisez les auteurs, vous allez vous apercevoir que la manipulation politique...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député d'Outremont, que ce soit dans un sens sociologique ou non, on ne peut pas l'utiliser, même dans ce sens-là, en cette Chambre, pour qualifier le comportement des collègues. Ça peut très bien se retrouver dans les éditoriaux, à l'extérieur de la Chambre et dans vos discours partisans à l'extérieur de la Chambre, mais non pas dans cette Chambre, quel que soit le sens que vous lui donnez, sens sociologique ou non.

M. Laporte: M. le Président, je reconnais votre autorité et j'accepte votre bon jugement, mais il n'en reste pas moins que personne ne sera trompé, n'est-ce pas, par l'expédient qui a été utilisé. Vous l'appellerez comme vous voudrez, mais il me semble que le recours à une pareille tactique n'est pas nécessairement, disons, à inscrire au manuel de bonne procédure gouvernementale. C'est tout ce que j'ai voulu dire, M. le Président.

Il y a aussi un aspect de cette loi que nous avons déjà mentionné en commission parlementaire, mais, vraiment, ici, M. le Président, le gouvernement n'y comprend rien, n'est-ce pas. À mon avis, ça les dépasse. La partie d'en face est vraiment convaincue, contre toute espèce d'évidence scientifique et rationnelle, que la coercition est un bon moyen de produire la loyauté linguistique, de rallier les citoyens, de rallier l'ensemble d'une communauté linguistique derrière une langue.

On présume, et à tort, que, par le recours à la coercition, on va produire ce ralliement dont le français a besoin non seulement chez ceux qui sont ses locuteurs natifs, mais chez ceux qui sont ses locuteurs d'adoption, soit comme langue première ou comme langue seconde. Encore là, M. le Président, on est vraiment en présence d'une fausse théorie, une théorie qui présume que, par la coercition, on obtient un ralliement derrière une valeur symbolique, derrière une valeur qui aussi témoigne d'un mode de vie, comme le disait le livre blanc du député de Bourget à l'époque où il était le grand chef de l'opération de la politique linguistique du Québec. Si on veut rallier les gens, les locuteurs natifs et adoptifs d'une langue vers cette langue, on n'y arrive pas par la coercition.

Un autre aspect aussi de tout ce processus qui est un peu désolant pour celui qui le regarde à la fois en tant que politicien, en tant que parlementaire puis en tant qu'expert, c'est de constater que, alors que nous en étions arrivés à une situation où il s'était fait un consensus des deux partis sur un mode d'application de la Charte, la ministre et le gouvernement ont décidé que ce consensus serait brisé et que nous adopterions donc une loi à laquelle l'opposition et beaucoup d'autres personnes responsables du Québec sont incapables de se rallier. Donc, c'est important, M. le Président, pour l'efficacité des lois, qu'elles soient adoptées de façon consensuelle, qu'elles reposent...

On le sait, les bons auteurs nous l'ont dit, une bonne loi, c'est une loi qui est soutenue largement par une opinion publique favorable. Or, dans ce cas-ci, M. le Président, quels que soient les tentatives, les expédients utilisés par le gouvernement pour nous démontrer le contraire, ça n'est pas le cas. Il n'y a pas une opinion publique massivement favorable derrière ce projet, en tout cas derrière la partie de ce projet qui vise à rétablir, à renforcer la structure de contrôle et la structure d'application coercitive pour des fins de renforcement, de diffusion, d'élargissement, de rayonnement du français tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec – parce que la ministre nous disait en commission parlementaire qu'elle a produit ce beau texte de politique linguistique et qu'elle a l'intention de se promener à travers le monde pour vendre les grands mérites de la politique linguistique du Québec. Eh bien, je lui ai dit et je lui répète: Mme la ministre, je vous souhaite de réussir, parce que, lorsque vous allez vous promener dans le monde avec votre nouveau dispositif de coercition légal, ce que je prévois, c'est que vous allez rencontrer des problèmes d'incompréhension.

Peut-être, Mme la ministre, devrez-vous à ce moment-là faire appel à de grands interprètes, et non pas seulement des interprètes linguistiques qui vous permettront de parler français aux Chinois, mais avec un interprète Chinois ou à toutes sortes... Mais vous allez aussi devoir utiliser non pas seulement des interprètes linguistiques, mais des interprètes culturels pour leur permettre, les amener à comprendre pourquoi vous avez décidé de faire un pareil choix. Ça va dépasser, à mon avis, la langue et vous allez vous retrouver devant des problèmes de communication qui vont être beaucoup plus aigus. Enfin, nous allons suivre ça très attentivement, Mme la ministre. Nous allons vous voir vous promener un peu partout pour vendre la Commission de protection de la langue française et nous allons essayer de vérifier si vous avez raison ou si c'est nous qui avons raison sur cette question.

Donc, en résumé, M. le Président, notre opposition à la loi n° 40 est un rejet du dispositif administratif qu'elle veut instituer. Il y a, dans la loi n° 40, une partie de la loi n° 40 qui vise à accroître l'utilisation du français dans les nouvelles technologies, dans les logiciels. On n'est pas contre ça, M. le Président. Je pense qu'il y a un aspect de cette... On a voulu faire des amendements qui n'ont pas été obtenus. Alors, on s'est retrouvé dans la situation de ne pas voter favorablement. Mais, dans son esprit, dans son principe, l'objectif est tout à fait recommandable.

(13 heures)

Mais, en ce qui concerne le dispositif administratif qu'est la Commission de protection, c'est un dispositif abusif, c'est un dispositif inefficace, c'est un dispositif inopportun dont la création constitue un gaspillage d'argent. Elle ne contribuera pas à assurer les objectifs que les gouvernements du Québec s'étaient donnés en adoptant, comme ils l'ont fait, des politiques linguistiques affirmant l'identité francophone et le besoin d'assurer le rayonnement de la langue française tant au Québec qu'au Canada, qu'en Amérique et partout dans le monde.

En conclusion, M. le Président, je voudrais vous transmettre ce que j'ai mentionné une fois en commission, je voudrais vous remettre en mains propres un petit proverbe chinois. Je ne vous le donnerai pas en chinois, je vais vous le donner en français parce que je n'ai pas d'interprète, n'est-ce pas? Il faudrait tout de même que j'aie un interprète ici, en cette Chambre, mais on y reviendra, M. le Président. Le gouvernement est rendu dans un régime d'interprétariat qui va faire qu'on va pouvoir parler le français partout, mais toujours avec un interprète qui nous accompagne, si j'ai bien compris.

Une voix: Pas en France.

M. Laporte: Ah bien, là, en France, on verra. Si la ministre arrive à solutionner ses problèmes de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député d'Outremont. Il dépasse un peu 13 heures et nous devons terminer à 13 heures. Il reste quelques minutes à votre temps, mais habituellement nous reportons à 15 heures. Je pense qu'il y a accord pour que vous puissiez terminer avant de quitter. Très bien. Je vous cède la parole.

M. Laporte: Si vous permettez, je termine, parce qu'il ne faut pas, non plus, s'épuiser sur des choses pareilles. Donc, il y a un proverbe chinois, M. le Président, qui énonce avec optimisme une vérité qui m'était apparue évidente avant que je ne participe à ce long débat sur la loi n° 40. Ce proverbe dit: Il n'y a de mur qui ne laisse passer le vent . Eh bien, tout au long de la commission parlementaire, le gouvernement et la ministre nous ont offert tout un démenti de la sagesse traditionnelle chinoise. Ce mur, M. le Président, ces murs ne laissent pas passer le vent. Et c'est malheureux parce que nous en paierons tous le prix, sauf que ce ne sera pas – je termine là-dessus – la première fois, et certainement pas la dernière fois, que ce gouvernement nous fera subir les misères que produit son entêtement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non, non, le débat n'est pas terminé; non, il y a d'autres intervenants. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons reprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le ministre à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour.

Nous allons donc poursuivre là où nous en étions dans le débat. Nous prenions en considération le rapport de la commission de la culture sur le projet de loi n° 40. Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. M. le député de Jacques-Cartier, je vous cède la parole.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. On est maintenant à l'étape de la prise en considération du projet de loi n° 40, projet de loi qui vise, entre autres et avant tout, à créer une commission de protection de la langue française. Quand j'ai entendu la ministre tantôt parler des autres engagements envers la protection et la promotion de la langue française, et le reprocher à l'opposition officielle, j'ai pris ça très difficilement parce que je pense que, dans d'autres dossiers, comme la question de la promotion du fait français dans l'inforoute, la commission de la culture a travaillé ensemble; on vient de produire un rapport unanime sur l'importance de faire une promotion positive, active du fait français. Alors, je pense que les reproches que la ministre a formulés sont déplacés.

La chose que nous avons dite dès le départ, c'est qu'on n'a pas besoin d'une commission pour la protection de la langue française. Et on a juste à regarder le débat que nous avons fait en commission, c'était ça, le litige. Alors, il faut limiter ça à ce dont on parle ici. Ce n'est pas de remettre en question la promotion du fait français dans notre société, ça, c'est quelque chose qui est accepté unanimement dans cette Chambre, mais une commission pour la protection de la langue français, ça, c'est autre chose.

J'ai demandé à maintes reprises en commission parlementaire de faire la preuve d'un besoin. En abolissant la commission il y a quatre ans, est-ce qu'il y avait une détérioration de la situation? Au contraire. Même dans ma région, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, où c'est supposé être le château fort de la résistance, selon la ministre, on voit par les affiches que l'Ouest-de-l'Île est un modèle d'affichage français, selon la Société Saint-Jean-Baptiste. De mémoire, ils n'ont pas fait beaucoup de porte-à-porte pour moi dans la dernière élection, mais ils ont produit même une cassette de six heures, M. le Président, pour montrer jusqu'à quel point les exigences de la loi sont protégées, respectées dans ce château fort de la résistance, selon la ministre. Alors, on n'a pas fait la preuve du besoin, on n'a pas fait la preuve pourquoi il faut recréer cette Commission pour aller harceler – M. le Président, je dirais ça – les petits entrepreneurs qui ont beaucoup d'autres choses qui sont difficiles, ces temps-ci.

Our small businessmen, Mr. Speaker, people who have to go out and try to make a living or, trying to keep their business afloat, trying to keep their store opened, survive another difficult year in the retail sector, do not need more lawyers letters, they do not need inspectors coming and making their life more difficult. And that's what the Commission is going to do, and that's why the Liberal Opposition opposed Bill 40, will continue to oppose Bill 40 and will oppose it to the end. And it has nothing to do, the way the Minister said earlier, with the protection of the French language, and every thing to do with the promotion of greater harmony and greater understanding between all the people who make up this society.

Alors, c'est ça, et c'est le deuxième point que je veux soulever. Je trouve ça très difficile, dans ce dossier, tout le long, d'entendre la ministre et ses collègues. Je me suis senti personnellement visé par tout ça. C'est un vote de méfiance envers la communauté d'expression anglaise. Et c'est allé jusqu'au point, dans nos délibérations, qu'un député du gouvernement a exigé qu'on arrête de parler l'anglais dans cette Assemblée. J'ai trouvé ça étonnant que quelqu'un exige qu'on parle uniquement en français, parce que c'est comme ça que ça se passe.

Ça, c'est la mentalité, c'est l'acrimonie qu'on veut éviter. Moi, j'aime beaucoup ma ville de Montréal, la province de Québec, la société québécoise. Moi, je pense qu'on a tous fait un effort pour faire la promotion française, à la fois dans nos vies personnelles, dans notre société dans son ensemble, et ce n'est jamais assez. Alors, malgré le fait que nos enfants apprennent le français dans les écoles maintenant – nous avons un peu regardé le nombre d'enfants d'expression anglaise qui sont dans les écoles françaises – il n'y a jamais, jamais le moindre crédit qui est donné pour tous ces efforts de promotion. C'est toujours la méfiance, c'est toujours... Il faut créer une police, il faut aller surveiller, scruter scrupuleusement les minorités dans notre société, parce qu'on n'a pas confiance en elles. C'est toujours ces gestes de méfiance qui nous divisent, et on ne peut se permettre ça dans la région de Montréal.

La ministre est capable de lire les coupures de presse? Moi aussi. Et, quand je vois Alain Dubuc, un des extrémistes anglophones, j'imagine, selon la ministre, dans sa conclusion: «Les mesures annoncées par la ministre sont gênantes, comme toutes les initiatives où la défense de la langue devient prétexte à la petitesse et la mesquinerie.» Ce n'est pas moi; c'est l'Anglo extrémiste Alain Dubuc qui parle. Un autre Anglo extrémiste, Raymond Giroux, dans Le Soleil : «Langue! Langue! un chantage malséant du PQ. Le débat relancé lundi par la présentation du projet de rénovation du programme politique de la formation gouvernementale, contient toutefois les éléments d'un chantage malséant qui contrevient radicalement avec l'ouverture et la réconciliation prônés par le premier ministre.»

Autre exemple, M. le Président. Très beau discours. Ce gouvernement peut donner des très beaux discours, mais, dans les gestes qui sont posés, encore une fois on est en contradiction totale. Et ce n'est pas moi qui parle. Comme je dis, le ministre peut dire que c'est les Anglos extrémistes qui parlent, mais je cite Raymond Giroux, du Soleil , je cite Alain Dubuc, de La Presse , je peux citer Agnès Gruda, je peux citer Michel David, d'autres extrémistes de la langue qui disent qu'on n'a pas besoin de ça.

Mais je pense que la chose la plus importante est dans un autre éditorial d'Alain Dubuc, Un échec pour le premier ministre et pour Montréal : «Montréal peut respirer et doit retrouver une certaine harmonie. Pour cela, la ville ne peut pas se payer le luxe des batailles linguistiques avec leurs excès de part et d'autre. C'est d'ailleurs un souhait qu'une majorité de Québécois, nous n'en doutons pas...» Et il faut continuer de faire ça. Alors, qu'est-ce qu'on a? J'ai répété ça et je vais continuer de répéter ça: La commission pour la protection de la langue française est un symbole de division. C'est la politique de l'exclusion qui nous divise encore une fois et Montréal, comme région, ne peut pas se payer le luxe de faire ça.

We have to work together, Mr. Speaker. There have been many successes in the history of Québec. They're due to the fact that English-speaking, French-speaking, people from all origins from around the world have worked together to make this place work. That's why I'm in politics, that's what I believe in, that's what, I think, can happen. And when we have a bill like the one that's before us today that divides us again for no reason, Mr. Speaker, we ask for evidence, we ask for proof. Where was the language situation deteriorating? What justified spending $1 500 000 extra to go out with police, with big bags of tickets, to give out tickets here, there and everywhere else like this to promote the French language? There was no evidence forthcoming that the situation dealing with commercial signs justified this expense. But the Government did not listen, won't listen, continues to refuse to listen to what everyone in the Montréal region is saying: We don't need this.

Si le gouvernement a de l'argent pour faire la promotion du fait français, il y a beaucoup de projets nettement plus importants pour le faire, soit la présence de la langue française dans l'inforoute et les nouvelles technologies, soit la promotion... On a parlé d'une très grande bibliothèque, projet souhaitable, mais il faut rappeler que nos petites bibliothèques de quartier à Montréal sont en train de crever de faim. On va être en train de fermer les toutes petites qui ont des besoins de 100 000 $, 200 000 $ pour survivre. Alors, avant d'aborder un projet de 73 000 000 $, si on a un petit peu d'argent, peut-être qu'on peut faire la promotion de nos petites bibliothèques dans les quartiers de la ville de Montréal. Ça, c'est les projets.

(15 h 10)

Si vraiment on est sérieux de faire une promotion du fait français, ça c'est quelque chose de nettement plus important que de recréer la Commission de protection de la langue française. Comme j'ai dit, on peut continuer de tirer sur le messager, mais c'est un symbole de quelque chose qui va nous diviser au lieu de nous permettre de travailler ensemble pour faire progresser la société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Le prochain intervenant sera M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Dans le cadre de l'adoption du rapport de la commission dans le cadre du projet de loi n° 40, pourquoi le député de Montmagny-L'Islet? Est-ce qu'il y a des problèmes de langue à Montmagny-L'Islet? Je vous dirais d'emblée, M. le Président, non, parce que c'est une région qui est à 99 point quelque chose pour cent en français, qui vit en français et dont tous les commerces opèrent en français, bien que nous soyons à proximité des frontières américaines et que nous ayons à tous les jours certaines relations avec les opérations forestières de l'État du Maine.

Il est important, M. le Président, au nom de ma région, au nom de la population que je représente, que je fasse cette démonstration ici aujourd'hui. Qu'est-ce qu'un débat comme celui sur le projet de loi n° 40, qui vient rétablir la Commission de protection de la langue française, peut apporter à ma région? Pas grand-chose, ne serait-ce que nous devons être sensibles au problème que vivent d'autres régions du Québec et que nous devons apporter notre support à la protection de la langue française, d'une part, et nous s'assurer que nous donnons les moyens à tous ceux et celles qui veulent s'assurer que la langue française conserve son statut, c'est-à-dire qu'elle ne perde pas de terrain au Québec.

La démonstration a été faite dans les statistiques que nous avons et les rapports qui ont été soumis que, dans la grande région de Montréal, la langue française a toujours sa place à un pourcentage très élevé et même elle gagne du terrain. M. le Président, le débat que nous avons fait ici, dans cette Chambre, depuis plus d'un an en rapport avec le projet de loi n° 40 a pris beaucoup de temps, surtout en commission et est susceptible de diviser, d'abord, les parlementaires entre eux – je pense qu'il y a peut-être moyen de vivre cette situation-là parce que notre statut de législateur nous amène à être obligés de nous adapter et de le vivre – et est susceptible de diviser la population entre elle à certains égards avec, comme je le mentionnais, le rétablissement de la Commission de protection de la langue française.

C'est l'image des régions comme la mienne qui est susceptible d'être affectée pour la simple raison que, quand nous allons visiter d'autres régions au Québec où, en fait, ce qu'il était reconnu d'appeler... Nous avons établi une police de la langue qui s'assure que, dans la grande région métropolitaine, il y a une surveillance de tous les jours pour ne pas qu'on déroge de ci et de ça, soit sur l'affichage, soit sur l'utilisation d'autres langues que la langue française. Il me semblait que, dans cette Chambre, il y avait eu une presque unanimité dans ce sens – je me rappelle que l'opposition du temps avait voté contre au moment de l'adoption de la loi 86 – au niveau de la population parce que ça avait démontré... D'abord, tout le monde était convaincu, au moment de l'adoption, que ça aurait un effet positif. Et, dans les mois qui ont suivi, ça a démontré justement que ça avait rétabli une paix sociale qui était beaucoup plus évidente dans les secteurs où les gens vivaient une pratique d'autres langues que le français soit dans le commerce, soit au niveau de certaines relations et dans les sports, dans la grande région de Montréal.

On devrait se rappeler, comme je le mentionnais, que la protection de la langue française pour tous les Québécois et les Québécoises est très importante. Et, surtout depuis l'adoption de la loi 86, les gens étaient confiants que nous avions tous les outils nécessaires pour la protéger, pour protéger notre langue qui est la langue nationale. Qu'on soit francophone ou anglophone, M. le Président, ou allophone, on sentait que nous avions atteint un équilibre et que le gouvernement aussi avait tenté justement d'imposer cet équilibre-là à ce moment-là, au moment de l'adoption.

Ça prenait des gestes, et ils ont été posés dans le cadre de la loi. Je pense qu'il faudrait qu'on ait, pour briser cet équilibre qu'on a établi, des gestes vraiment anodins, de part et d'autre, pour amener des gens à voir que ça aurait pu vraiment être un ennemi commun. Je pense que l'ennemi commun que nous avons dans une région comme la mienne n'est pas la langue, mais c'est beaucoup plus le chômage, la pauvreté. Et, dans ce débat-là, pendant que nous avons pris du temps, on n'a eu rien pour rétablir justement la confiance à ce niveau-là, soit au niveau du chômage et de la pauvreté.

On a débattu un projet de loi qui rétablissait, c'est-à-dire qui brimait, et les citoyens et citoyennes vivront une frustration à certains égards avec l'application de cette loi, c'est-à-dire la partie qui rétablit la police de la langue. M. le Président, on se doit d'exprimer notre désaccord parce que c'est la dernière chance que nous avons dans le rétablissement de cette Commission de protection de la langue. Nous pensons, en effet, que ce choix entraînera des effets contraires à l'objectif ultime de promouvoir le français et d'en faire une langue commune.

Quant aux justificatifs qui fondent le choix de rétablir la Commission, ils sont, à notre avis, totalement dépourvus de crédibilité. Pour tout dire, la décision de rétablir cette Commission est une décision inopportune, à ce moment-ci. Donc, moi, après l'adoption de ce projet de loi là, parce que c'était la volonté du gouvernement – ça avait été un engagement du gouvernement pour satisfaire sa clientèle du Parti québécois – je souhaiterais qu'on mette plus de temps pour une région comme la mienne, une région comme celles du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, de la Côte-Nord et d'autres régions au Québec pour essayer de trouver des solutions qui nous unissent pour essayer de combattre et la pauvreté et le chômage dans chacune de nos régions.

Le projet de loi, c'était la volonté de la ministre. C'était la volonté du gouvernement d'avoir ce projet de loi là pour répondre à un engagement. Espérons, comme je le mentionnais, que, dans les jours à venir ou les semaines à venir, nous allons mettre ensemble beaucoup plus d'efforts à rétablir justement la confiance, au Québec, dans notre économie et que des gestes seront posés, de la part du gouvernement, pour le démontrer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nicolet-Yamaska. M. le député.


M. Michel Morin

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur la prise en considération du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Et, si je pouvais vous le faire remarquer, M. le Président, le comté de Nicolet-Yamaska, comme le faisait remarquer notre ami de Montmagny, est à 99 % francophone. Mais il faut que ces francophones-là de mon comté se fassent entendre.

Ce projet de loi, M. le Président, ressuscite la Commission de protection de la langue française qui a été abolie en 1993 sous le gouvernement libéral, lors de l'adoption du projet de loi 86. Notre gouvernement, sous le leadership de notre ministre de la Culture, a décidé de recréer cette Commission de protection de la langue française afin d'assurer le respect de la Charte de la langue française. Je dis bien, M. le Président, afin d'assurer le respect de la Charte de la langue française surtout en ce qui a trait à l'affichage commercial, parce que cette même Charte était de plus en plus bafouée, entre autres à Montréal et dans certaines régions du Québec, par une minorité dont l'intolérance serait totalement condamnée dans toutes les autres provinces canadiennes.

(15 h 20)

L'élément clé dont il faut se préoccuper dans cette loi, c'est l'avenir de la langue française comme elle l'a toujours été depuis le Traité de Paris de 1763 où nos ancêtres ont réclamé le droit à l'usage de leur langue et de leur droit civil français. L'Acte de Québec de 1774 a accordé ces droits aux Canadiens et l'Acte constitutionnel de 1791 l'a confirmé. Depuis lors, la langue française est demeurée le pivot de la définition du Québec comme peuple et société ouverte aux minorités et aux autres langues.

Aujourd'hui, M. le Président, et depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles, la communauté anglophone du Québec, que je respecte, possède tous les droits historiques reconnus. Cette même communauté doit saisir cette occasion pour prouver sa bonne foi et son esprit de tolérance afin de comprendre qu'au Québec le français est la langue commune de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, et que ce message soit aussi clair pour les nouveaux arrivants.

Nous savons tous, M. le Président, que la situation de la langue française sera toujours délicate compte tenu du fait que nous vivons dans un environnement anglophone en Amérique du Nord. C'est pour cette raison majeure qu'il faut légiférer afin que le français soit considéré au Québec comme la langue identitaire et la langue commune des Québécois et des Québécoises. Cette question doit préoccuper tous les Québécois de toutes les régions du Québec.

Cette langue identitaire, M. le Président, qui est la mienne et celle de mes ancêtres qui sont en terre d'Amérique depuis 1651, est le ciment de la société québécoise. Elle manifeste un profond sentiment d'appartenance. Elle permet de transmettre nos pensées avec toutes leurs nuances. Elle joue un rôle important dans la cohésion sociale par-delà les différences de langue maternelle. Il fallait donc agir pour corriger une situation qui devenait de plus en plus tragique pour notre langue française dans les domaines comme l'affichage et aussi vis-à-vis des nouvelles technologies de l'information.

M. le Président, durant la commission parlementaire, nous avons eu droit à de nombreux élans d'émotion, puisque la protection de la langue suscite souvent des émotions. Nous avons eu droit à des déclarations plutôt surprenantes de la part de certains libéraux. C'est durant cette commission que j'ai appris avec stupéfaction, de la part du député de D'Arcy-McGee, que les gens de l'ouest de Montréal avaient peine à dormir et se réveillaient durant la nuit à cause de la peur de la police de la langue. J'ai peine à croire que le sommeil de ceux qui demeurent à l'ouest de Montréal soit aussi léger. Cette affirmation est gratuite et m'apparaît incorrecte, et elle est digne du chef du Reform Party.

Ce même député nous a aussi parlé d'un projet de loi qui était antidémocratique. Je pense que personne au Québec, surtout en ce moment, ne peut nous donner des leçons de démocratie, surtout depuis la déclaration du premier ministre du Canada à savoir qu'il ne respecterait pas un vote majoritaire des Québécois. C'est une insulte à tous les Québécois et à toutes les Québécoises qui ont respecté religieusement le résultat du dernier référendum. Cette tactique de l'opposition est malicieuse et fait croire aux anglophones du Québec et du reste du Canada que nous sommes un peuple intolérant. Non, M. le Président. Les Québécois sont un peuple parmi les plus tolérants du monde.

Heureusement, certains membres de l'opposition ont fait un effort pour dérider les membres de la commission. Le député d'Outremont nous a parlé de «jean-talonisme», d'absolutisme, d'acrimonie, de proverbes chinois avec force détails et dictionnaire en main. C'est lors de ce filibuster de la part des libéraux que nous avons senti aussi très clairement une certaine lassitude et une solidarité fragile de la part de quelques amis d'en face, entre autres le député de Chapleau et le député d'Outremont qui ont avoué cette lassitude clairement et candidement. D'ailleurs, je ne leur en fais pas rigueur.

M. le Président, comme l'a dit ce matin la ministre, 69 % de l'opinion publique québécoise est tout à fait favorable au rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Il était donc temps d'agir. Nous agissons pour notre identité et nous agissons pour notre descendance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nicolet-Yamaska. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: En guise d'introduction, M. le Président, quelques mots pour le député de Nicolet-Yamaska. Jamais, personnellement, je n'ai cru que le peuple du Québec est intolérant. Jamais. Je crois profondément que c'est le Parti québécois qui est intolérant. C'est ça que je crois. C'est ça que je crois. Et c'est ça que croient énormément de mes concitoyens, que le peuple du Québec est un peuple tolérant, absolument. C'est le Parti québécois qui est intolérant en face, puis la démonstration est faite.

M. le Président, je veux vous dire et je veux dire à l'Assemblée que je suis personnellement en faveur de la protection, mais je n'aime pas ce mot vraiment; je préfère beaucoup plus le mot «promouvoir», promouvoir le fait français au Québec. M. le Président, je contribue, je crois, à ma façon à la promotion du fait français au Québec. Mes enfants le font. Ils sont à l'école d'immersion française à Montréal. À ce que je sache, toute considération donnée, toutes les études, toute la démographie: le Québec n'a jamais été plus français aujourd'hui qu'il l'était dans son histoire. Le Québec n'a jamais été plus français aujourd'hui que jamais dans son histoire.

M. le Président, si le député de Dubuc a quelque chose à dire, qu'il se lève en cette Chambre. On est condamnés à l'écouter quand il veut; autrement, qu'il m'écoute.

(15 h 30)

La ministre, dans ses remarques sur la prise en considération, a parlé de la fragilité de la langue française au Québec, qu'au Québec les francophones constituent à peine 2 % dans une mer nord-américaine. Les statistique en termes de 2 % doivent être vraies. La fragilité, c'est là où je prends exception. Pourquoi ne pas avoir confiance aux Québécois et aux Québécoises de promouvoir et protéger leur langue, sans être obligé de recourir à des projets de loi, à des mesures coercitives? C'est là la question, M. le Président. Les gens d'en face nous accusent de temps en temps, nous, d'avoir une vision petite du Québec, mais, dans ce cas-là, dans la question linguistique, c'est eux autres qui ont une vision petite des choses. Pourquoi ne pas avoir la confiance de dire que le français est sécure au Québec et au Canada et que ça va continuer de l'être si la population le veut? C'est là la clé. M. le Président, tantôt...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous rappelle les règles de prise de parole. Il y a des 10 minutes de permis à chaque député et, après ça, il y a une intervention de cinq minutes possible pour la ministre après chaque intervention. Alors, j'aimerais que vous profitiez de ces temps qui vous sont alloués pour faire vos commentaires. Entre ça, laissez donc celui qui a le droit parole parler. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Tantôt, j'ai reçu la visite de la classe d'école de mon fils, ici, à l'Assemblée nationale, 75 jeunes anglophones âgés de 11 ans du comté de Notre-Dame-de-Grâce. J'ai fait une erreur, M. le Président, j'ai commencé à leur parler en anglais. C'est eux autres qui m'ont corrigé, M. le Président. Ils ont dit: La visite se fait en français, ici. C'est ça, l'avenir, 75 jeunes anglophones qui insistent pour que la visite se fasse, ici, en français. Ils m'ont corrigé: M. Copeman, on aimerait que vous parliez français. Ce n'est pas à cause des mesures coercitives, c'est à cause de la promotion de langue française, d'une meilleure compréhension des choses au Québec qu'on va faire avancer des choses.

M. le Président, quand on présente des projets de loi, normalement, c'est parce qu'il y des problèmes, et on devrait apporter des solutions. D'ailleurs, le député de Nicolet-Yamaska a dit, et je le cite, selon lui, le problème, c'est que «la Charte de la langue française est de plus en plus bafouée, surtout à Montréal». Fin de citation. C'est ça, le rationnel de procéder avec une Commission de protection de la langue française, la police de la langue.

Je vais vous lire quelques extraits d'un communiqué de presse, M. le Président: «Le 25 février 1997. À la veille de la Semaine annuelle de la francophonie, nous voulons signifier à la communauté de l'Ouest-de-l'Île – l'Ouest-de-l'Île de Montréal, ça, c'est le profond ouest de l'île de Montréal, les anglais – notre appréciation de constater à quel point l'affichage de la région est très majoritairement français, et ce, à plus de 90 %. Affirmer péremptoirement ceci pourrait étonner certains qui n'ont jamais mis pied dans la région – M. le député de Nicolet-Yamaska, allez faire un tour – Afin de pouvoir prouver nos dires, nous avons patiemment filmé les rues commerciales de la région avec une caméra, durant plus de deux ans. La preuve est là, indiscutable et certaine, que l'affichage d'ici est très majoritairement français.»

Qui a émis ce communiqué de presse, M. le Président? Nulle autre que la Société Saint-Jean-Baptiste de l'ouest de Montréal. Ils disent que la preuve est là, que dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal l'affichage est à plus de 90 % en français uniquement. Ça ne veut pas dire qu'il y a 10 % d'infractions, ça veut dire que l'affichage dans l'ouest de Montréal est français, uniquement français à 90 %. Quand le député de Nicolet-Yamaska affirme que la Charte est de plus en plus bafouée à Montréal, de quoi il parle? Qu'il mette les pieds dans la région. Il y a une cassette, M. le Président, on va lui prêter une cassette de deux heures qui témoigne à quel point l'ouest de Montréal est à 90 % affiché en français. On va la lui prêter, il n'a même pas besoin de se déplacer dans la région, il peut apprendre à distance.

M. le Président, quelle est la réaction de beaucoup de monde face à ce projet de loi? La ministre a dit «anglo extremists», ce qui caractérise des choses. Je veux vous lire une citation, M. le Président: «Lorsque le principal instrument d'application d'une politique linguistique est un ruban à mesurer, cela nous pose des difficultés. C'est humiliant, ridicule, honteux et risible.» C'est le «anglo extremist» notoire Gérald Larose, président de la CSN, «humiliant, ridicule, honteux et risible», Gérald Larose. That noted anglo extremist, Mr. Speaker.

Mr. Speaker, in governments, you make choices where you want to invest moneys, where you want to invest resources, especially at a time when the resources of the State are so limited. What does this government do? It's going to take 1 500 000 $ a year to run language police. That's the choice of this Government at a time when public services are going to pieces everywhere, waiting lists. And I come back to the subject that so annoyed the member for Nicolet-Yamaska in commission, the Montréal Oral School for the Deaf where, for the want of 200 000 $ a year, we're going to imperil the educational integration of 100 hearing-impaired English-speaking students in the greater Montréal area. For the want of 200 000 $, Mr. Speaker, we're going to dismantle an internationally recognized system to help hearing-impaired children advance their education. Instead, what is this government going to do? It's going to pour, sink I should say, 1 500 000 $ into a language police for a problem that, according to the Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, doesn't even exist. That is «honteux» and «humiliant», Mr. Speaker. Thank you very much.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications, pour un maximum de cinq minutes. Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, merci. Je voudrais revenir sur certaines des choses qui ont été dites, et me servir donc de ce droit de parole, M. le Président, depuis ce matin pour dire au député d'Outremont, dans un premier temps, que les sondages effectués sur les questions linguistiques pendant sa présidence au Conseil de la langue française ont été nombreux et variés, dont un de 160 000 $ avec l'argent des contribuables, au Conseil de la langue française, un autre à 36 000 $ et, enfin, un troisième à 10 000 $ et un quatrième à 40 000 $, et je n'ai pas cherché plus loin, M. le Président.

Et puis, ce que nous avons fait, c'est bien évidemment demander à Léger & Léger à un moment donné de poser une question concernant la Commission de protection de la langue française, avec le très heureux résultat. Je pense que c'est le résultat... Le résultat, c'est Léger & Léger, M. le Président, qui l'a trouvé et qui a fait le sondage – ce n'est pas le gouvernement et ce n'est pas un organisme gouvernemental – de la même façon que le Conseil de la langue française, M. le Président, le faisait en 1991, en 1993, en 1994. Donc, il y a des sondages de ce genre-là.

M. le Président, un autre mot concernant les propos du député d'Outremont, ce matin, sur les logiciels. Les logiciels, M. le Président, ce qu'on dit... Ce sur contre quoi ils ont voté de l'autre côté, c'est, quand une version française existe, qu'elle se retrouve dans les magasins, dans les grandes surfaces, là où, enfin, on va acheter des logiciels. Quand la version existe, M. le Président. Ils ont voté contre ça et ils viennent nous dire qu'ils sont favorables à la promotion de la langue française. Les logiciels, quand ils existent, on doit au moins les avoir en français. Les consommateurs francophones, on est quand même 82 % de la population. Il faut arrêter de se comporter et de se culpabiliser, M. le Président, nous, les francophones, sur des questions comme celles-là. C'est scandaleux, ils ont voté contre, M. le Président.

(15 h 40)

En ce qui concerne la Commission de protection de la langue française, certainement que d'autres députés vont y revenir, M. le Président, mais je voudrais lire exactement le libellé des pouvoirs, donc, des vérificateurs et des enquêteurs de la Commission pour démontrer, M. le Président, jusqu'à quel point les libéraux donnent dans la démagogie. Ça relève vraiment du complexe de persécution et de l'hystérie, M. le Président, ce qu'on a entendu pendant 40 heures. Je lis les pouvoirs de la Commission: «La personne qui effectue une inspection pour l'application de la présente loi peut, durant les heures d'ouverture, pourvu que ce soit à une heure raisonnable, pénétrer dans tout lieu accessible au public. Elle peut notamment examiner tout produit ou tout document et en tirer des copies. Elle peut à cette occasion exiger tout renseignement pertinent.» On retrouve ça, M. le Président, un libellé à peu près semblable dans plusieurs lois fédérales, le plus beau, le meilleur pays au monde, dans plusieurs lois qui reprennent sensiblement ces mêmes mots. Donc, il faut quand même savoir exactement de quoi l'on parle.

Enfin, M. le Président, après avoir entendu les intervenants précédents du côté de l'opposition officielle, je le répète et je le réitère, je le crois profondément, quand le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Dans le fond, promouvoir sans protéger – c'est ça qu'il a dit – les libéraux sont très peu crédibles comme défenseurs de la langue française. La paix linguistique pour les libéraux, c'est de ne pas appliquer la Charte. La paix linguistique, donc, c'est de tolérer tout ce qu'on a vu dans le bilan de la langue française et qui justement... Le député de Nicolet-Yamaska avait tout à fait raison: ce qu'on veut, c'est rétablir la situation et mettre fin à une décennie d'incurie libérale. Qui est contre le respect des lois? Tout ce que l'on fait, c'est appliquer la Charte de la langue française. C'est donc la position du gouvernement et – je termine là-dessus – elle est responsable, résolue et équilibrée, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. C'est vrai, il y a des problèmes face à la langue française, mais ils ne sont pas où la ministre veut les voir, et je vais vous en citer un certain nombre et vous démontrer que ces problèmes ne sont en aucune manière résolus par le passage de la Loi modifiant la Charte de la langue française. C'est quoi, les problèmes? C'est la faiblesse chronique – chronique! – des étudiants qui terminent le cégep dans leur connaissance du français. Et, pour les fins de la connaissance, je me permets de vous rappeler que, en examen de 1996 – on va prendre une région qui est une région qui n'est pas perturbée par la présence d'éléments bizarroïdes qu'on appellerait des anglophones, je prendrai la région du Lac-Saint-Jean – alors, si je prends la région du Lac-Saint-Jean et je prends les cégeps d'Alma, de Chicoutimi, de Jonquière et de Saint-Félicien, alors, à Alma, seulement 51 % des étudiants ont réussi avec succès le test de français, à Chicoutimi, c'est un peu mieux, 63 % seulement, mais ce n'est quand même pas les grands succès, Jonquière, 65 % et Saint-Félicien, 58 %. Là est le véritable problème lorsqu'on parle de la langue française, la faiblesse chronique, à l'heure actuelle, de nos finissants de cégep en ce qui concerne la connaissance de la grammaire, la connaissance de la syntaxe, la connaissance du vocabulaire.

Croyez-vous, M. le Président, vous qui êtes un enseignant, qu'il est normal que les jeunes, après avoir fait un cours primaire, un cours secondaire, un cours collégial, à la fin de leurs études, soient, sur des questions de syntaxe, c'est-à-dire d'orthographe, incapables, pour la moitié d'entre eux, de passer avec succès les examens du ministère? Là est le véritable problème. Et qu'est-ce que fait ce gouvernement pour régler ce problème? Je vais vous le dire. Il commence par couper 70 000 000 $ dans l'enveloppe des cégeps, ce qui va certainement faciliter la promotion et l'amélioration de l'enseignement de la langue française. Par contre, il est capable, après avoir coupé 70 000 000 $ dans l'enveloppe des collèges et des cégeps, d'être en mesure de trouver on ne se sait trop où 1 500 000 $ pour créer une commission de la langue française, une police de la langue. Parce que c'est ça dont on parle. La Commission de protection de la langue française, c'est ni plus ni moins qu'avoir une vision répressive de la protection de la langue. Alors, voici, M. le Président, une des raisons profondes pourquoi l'opposition... Et je pense qu'on le partage de part et d'autre et je suis sûr que la ministre aura consensus avec nous sur l'importance de la défense et de la promotion de la langue française.

Mais le problème est où? Le problème est d'abord et avant tout dans nos institutions d'enseignement. Si on peut, comme société, tolérer qu'à la fin de l'enseignement collégial la moitié des étudiants qui terminent l'enseignement collégial n'ont pas une connaissance appropriée de la syntaxe et de l'orthographe françaises, on a totalement raté nos objectifs en matière de protection de la langue française, et là est le véritable problème, M. le Président. Ce n'est pas d'aller mesurer la grandeur des affiches en français, dans l'ouest de Montréal. Si le gouvernement était sérieux dans sa volonté de protection de la langue française, il travaillerait de concert avec l'opposition pour faire en sorte que, dans l'ensemble de nos institutions d'enseignement, l'amélioration de l'enseignement du français soit une priorité, disons, qui ferait consensus parmi tous les parlementaires. Or, ce n'est pas le cas, M. le Président. Au lieu d'investir, au lieu de mettre de l'argent pour la défense et l'amélioration des programmes de français, on s'en va créer cette affaire qu'on appelle une Commission de protection de la langue française; pratiquement, c'est l'approche très coercitive.

Bien sûr, à l'intérieur du projet de loi, il y a quelques éléments sur lesquels, je pense, de part et d'autre, on ne peut que faire consensus. Il est sûr que, lorsqu'on va parler de l'importance de la promotion des logiciels en français, de mon point de vue, on ne peut pas ne pas adhérer à ce grand objectif. Reste à voir, quand même, la manière dont les choses sont rédigées. Bien sûr, lorsqu'on veut que les corporations professionnelles aient à améliorer leurs rapports en français avec leurs membres, il est clair qu'il n'y a aucune objection de principe de la part de l'opposition. Mais le point central, c'est qu'on va dépenser, ce gouvernement va dépenser pour une approche coercitive en matière linguistique, alors qu'il devrait principalement consacrer ses efforts budgétaires à améliorer l'enseignement de la langue française.

(15 h 50)

M. le Président, il y a certains membres, ici, qui se sont permis de faire des remarques sur les anglophones. Je vais vous dire – parce que c'est intéressant – que les jeunes anglophones qui finissent des cégeps Dawson, Vanier, John Abbott, du campus de Lennoxville et du campus Saint-Laurent ont des résultats, ont une connaissance de la syntaxe et de l'orthographe françaises absolument comparable à leurs confrères francophones. C'est important de se rendre compte de cela. À l'heure actuelle, les diplômés, par exemple, du campus Saint-Laurent, à 78 %, réussissent l'examen de syntaxe et d'orthographe français; les diplômés du campus de Lennoxville, à 52 %; les diplômés du campus de John Abbott, à 53 %. Et vous me permettrez de vous rappeler, en termes de comparaison, que les diplômés du collège d'Alma ne réussissaient qu'à 51 %. Donc, il faut bien comprendre qu'il n'y a pas réellement une différence majeure entre les anglophones et les francophones.

M. le Président, le problème central dans la protection de la langue française se trouve dans les questions d'enseignement. Nous ne pouvons plus tolérer, comme société, que la moitié de nos gradués du niveau collégial ne soient pas en mesure de contrôler et l'orthographe, et la syntaxe, et la ponctuation. Si c'est le cas, on a un échec collectif majeur, et ce n'est pas par la Commission de protection de la langue française, par le 1 500 000 $ qu'on va gaspiller dans cette protection, alors qu'on coupe 70 000 000 $ dans l'enseignement dans les collèges, qu'on va être en mesure de régler, en aucune manière, ce problème qui est un problème majeur. Je suis sûr que la ministre va convenir avec moi que c'est là le véritable problème et que ce n'est pas dans sa police, la Commission de protection de la langue française. Là est le vrai problème, là est où nous devrions investir nos fonds, et non pas dans cette police, vision répressive d'une société, actuellement. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Mme la députée.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Le peuple québécois est majoritairement francophone; je crois qu'il est important de le redire. Certains tentent de nous le faire oublier, parfois. Il est dommage, et je dirais même plus, il est déplorable d'avoir à le redire. Je pourrais comprendre que, dans un contexte nord-américain, on pense anglais, qu'on puisse se laisser séduire à l'anglaise, mais les francophones n'ont pas tombé dans le piège et se sont tenus debout et se tiennent encore debout. Je comprends mal comment des membres de l'Assemblée nationale, de l'opposition, ne puissent comprendre la réalité des francophones à vouloir protéger la langue française.

On nous dit qu'il est faux de prétendre qu'ils ne respectent pas la langue française, qu'ils acceptent le principe de la Charte. C'est beau, un principe, mais il faut savoir aussi rendre vivantes nos convictions. On peut en parler, on peut être d'accord sur un principe, mais ce n'est pas tout. On peut tenir le fort dans ce contexte nord-américain anglophone, mais ici, à l'Assemblée nationale, d'avoir à le défendre et à se battre pour, c'est inconcevable.

Vous comprendrez d'autant plus qu'il est encore plus essentiel de vouloir introduire une commission de protection de la langue française, puisque déjà certains n'y voient même pas cette urgence. Comment peut-on penser qu'elle se protégera toute seule? Comment peut-on penser qu'elle se renforcira toute seule, qu'elle sera respectée, bien utilisée, bien comprise et demeurera majoritaire au fil des années, comme cela, au gré du vent et de la bonne humeur des gens, des francophones, des anglophones, des allophones du Québec, qui ne subissent aucune pression territoriale, M. le Président, aucune pression canadienne, aucune pression américaine, aucune pression internationale? On laisse cela aller comme ça, là, par le bon gré du vent.

Il y a un petit coin de pays, quelque part sur la côte Atlantique, qui se débat et qui se démène comme une terre gauloise: c'est ici, au Québec. Voilà la différence entre ceux et celles qui défendent leur patrie, leurs terres, leur identité, dont la langue est l'expression de cette identité, et ceux et celles qui n'ont pas cette conscience collective de préserver leurs acquis à court, moyen et long termes, ou de défendre des intérêts particuliers ou partisans.

J'aimerais vous donner quelques statistiques qui sont alarmantes. Savez-vous qu'au Canada il y a 6 622 440 personnes dont la langue maternelle est le français et que maintenant ils sont 6 369 215 personnes qui le parlent? Il y a une perte de 253 225 personnes qui ne parlent plus le français au Canada. Plus précisément, allons dans les provinces canadiennes. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, il y a 245 810 personnes qui étaient de langue maternelle française. Et qui le parle, maintenant? Ça descend à 225 590 personnes. En Colombie-Britannique, 54 430. C'est descendu à 17 095, une perte de 47 000 personnes qui ne le parlent plus. En Alberta, 59 840 à 22 940; en Saskatchewan, 22 730 à 8 000; au Manitoba, 52 465 à 26 560; en Ontario, juste à côté, 521 800 à 338 000. Ce recensement est celui de Statistique Canada. Au Québec, oui, de 5 616 390, il y a maintenant une augmentation de 85 980, oui, une augmentation. Ce n'est pas encore assez, mais la différence, c'est qu'ici au Québec on s'occupe du français, on est fier de notre français, on s'applique à le parler; le français est nécessaire et essentiel. Plus que cela, c'est une question de survie. Alors, j'aimerais rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce qu'il y a une augmentation parce qu'on s'en occupe.

La langue française au Québec a toujours été et demeure au coeur de l'identité québécoise. De tout temps, le Québec a voulu avec constance sauvegarder l'usage de la langue française et en étendre l'utilisation à tous les domaines de la vie collective pour en faire véritablement la langue officielle et la langue commune de tous les citoyens du Québec. C'est dans cet esprit que la Charte de la langue française a été adoptée à l'Assemblée nationale le 26 août 1977. L'objectif est net: faire du français la langue de l'État et de la loi, aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

Mais il ne suffit pas de l'adopter, M. le Président, il faut la rendre vivante, véritable et omniprésente. De plus, il est inévitable de la protéger et de se donner des moyens, des mesures pour qu'elle s'applique. Instituer une Commission de protection de la langue française, c'est l'aboutissement normal d'un peuple qui a des convictions, qui réaffirme sa politique linguistique, légifère et applique. Il faut s'assurer de respecter cette Charte. À cette fin, la Commission pourra effectuer des inspections et des enquêtes et, le cas échéant, déférer le dossier au Procureur général pour que celui-ci intente, s'il y a lieu, des poursuites pénales appropriées, contrairement à ce que la formation libérale pense – parce que, vous savez, j'ai entendu en commission parlementaire, moi aussi, des arguments agressants et haineux envers ce projet de loi.

M. le Président, on n'a pas, comme dit la ministre, à se sentir coupable, quêteux, gêné pour protéger nos acquis. À ce que je sache, nous sommes tous des Québécois francophones, allophones, anglophones. On nous a même dit en commission que nous n'étions pas de bonne foi, que c'est de contrer... l'inégalité, que c'est radical, qu'on suscite la haine. Il faut le faire, M. le Président, il y a des limites à vouloir se sentir petit.

On parle même d'une politique d'exclusion. Où est l'exclusion? On n'exclut personne, puisque nous sommes tous des Québécois dont la langue française est majoritaire. Non, M. le Président, on ne peut pas enlever aux Québécois qui sont fiers de se tenir debout, et j'invite tous les Québécois et les Québécoises à se tenir debout ensemble. Pourquoi l'opposition a-t-elle si peur de ce projet de loi? Pourquoi a-t-elle si peur d'appliquer la Charte et protéger la langue française? À ce que je sache, nous sommes tous Québécoises et Québécois et nous devons tous protéger la langue française. À moins que nous soyons Canadiens. Voilà peut-être le dilemme, M. le Président, c'est: Canadiens d'abord. On voit comment le Canada traite la langue française. C'est cela qui dérange, M. le Président, c'est qu'on n'attend pas après le Canada pour protéger notre langue. On agit en bon leader, on fait preuve de leadership. Puis leader, je tiens à vous dire qu'il est même dans le Petit Larousse , ce mot-là. Le Québec s'est adapté vite, et on peut même dire qu'il a le devoir de le protéger en gouvernement responsable. Les Québécois font preuve de plus en plus de leadership. C'est cela, se prendre en main. C'est cela, contrôler sa destinée. C'est cela, la souveraineté, M. le Président. Merci.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis fier d'être Canadien, fier d'être Québécois et fier d'être membre d'une communauté anglophone du Québec. Nous, les membres des communautés anglophones du Québec, sommes heureux d'avoir contribué, à notre manière toute spéciale, au fait français de notre province de Québec et nous sommes prêts à relever nos manches une fois de plus pour travailler et retrouver la société québécoise pluraliste et dynamique.

Mr. Bouchard goes to the Centaur Theatre and talks about dialogue, tolerance and diversity, but when his leadership is required to take action to promote those values his voice, like that of his Government, is sadly silent. Mr. Speaker, much has been made recently of the political and economic uncertainty which the PQ Government has brought upon this Province, but the uncertainty which the PQ Government has brought upon this Province is as much moral as it is political and economic.

The bill before us creating the dreaded language police will bring moral outrage against this PQ Government both at home and abroad. This bill before us, which is anti-liberal and a restriction of human liberties, will severely penalize anglophone and allophone communities, anglophone and allophone small and medium-sized businesses, and it will especially hinder their operations and, in some cases, force them out of business.

Ce projet de loi créera des divisions, des tensions parmi les membres de notre société et n'est que de la pure provocation. J'accuse le gouvernement du Parti québécois d'encourager au sein de la communauté anglophone un sentiment de désespoir et d'exclusion. M. le Président, je m'oppose de tout mon coeur et de toute mon âme à la création de la Commission de protection de la langue française, un organisme à qui le gouvernement du Parti québécois a donné des pouvoirs vastes, excessifs, abusifs et moralement questionnables, qui compromettra sérieusement l'égalité des Québécois.

Un article après l'autre, le chapitre III du projet de loi n° 40 vise directement les Québécois de langue anglaise et leurs commerces. La communauté anglophone fait face à un projet de loi qui est agressif et répressif, un projet de loi qui ne créera que tensions, peurs et insécurité parmi les membres de la communauté anglophone. Pourquoi le gouvernement du Parti québécois est-il provocateur? Prenez seulement l'article 167, qui encourage les citoyens à dénoncer leurs compatriotes et à déposer des plaintes. N'est-ce pas des moyens régressifs qui auront pour résultat de diviser les citoyens et de les encourager à se surveiller et à se dénoncer les uns et les autres?

Comment le gouvernement du Parti québécois peut-il justifier le droit qui a été donné à la Commission de pouvoir entrer dans un établissement commercial pour examiner, demander copie de documents ou autres objets et de requérir de l'information additionnelle? Croyez-vous que c'est normal de permettre à des inspecteurs d'aller sans mandat de perquisition à la pêche aux informations et de harceler et démoraliser les citoyens? Et même dans le cas où des gens opèrent des petits commerces accessibles au public à partir de leur maison privée, les inspecteurs ont le droit d'y pénétrer pour enquêter et prendre et demander presque tout ce qu'ils considèrent pertinent. Si ce n'est pas de l'ingérence dans la vie privée des gens, qu'est-ce que c'est?

Le droit de perquisitionner sans mandat est une violation des droits de la personne. La Charte des droits et libertés du Québec requiert qu'une demande formelle soit faite à la Cour même lors de situations d'urgence et même dans les situations où la santé et la sécurité des gens est mise en cause.

Est-ce que le gouvernement du Parti québécois croit qu'un menu anglais dans un restaurant est une matière plus sérieuse encore que la vie elle-même? Déroger aux normes usuelles est une dérogation à nos traditions démocratiques. Et n'oubliez pas que le défaut de se soumettre aux exigences des inspecteurs peut résulter en des poursuites pénales et que les amendes ont été augmentées à un niveau totalement inacceptable. M. le Président, vous rendez-vous compte que même les services de police n'ont pas de tels pouvoirs?

Mr. Speaker, the people of Québec are ashamed of the repressions and divisions being created and encouraged, for no reason whatsoever. All statistics and studies prove that the provisions of chapter III of the bill are not necessary. There is no reason whatsoever for the creation of a language police except to satisfy the small minded, petty PQ fanatics who seem set on damaging the English-speaking community of Québec, those zealots who feel that any form of English is offensive. In fact, Bill 40, in addition to destructing a linguistic peace created since the adoption of Bill 86, hinders the individual freedoms, liberties and values, and I accuse this PQ Government of being guilty, guilty of being an active accomplice in the damage being brought to the anglophone community. And for these reasons, I am vigorously opposed to the adoption of Bill 40. Thank you.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Vachon. M. le député.


M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Je prends la parole à un moment où je n'avais pas l'intention de la prendre parce que je vois que le gouvernement, pour citer le député de D'Arcy-McGee, est accusé, et je voudrais accepter le défi de relever la défense de mon gouvernement parce que j'ai de bonnes raisons de croire que la loi 101 n'est pas discriminatoire à l'égard des anglophones.

Pour mon premier témoin, je voudrais inviter le député d'Outremont à venir prendre la parole, parce que c'est lui-même qui a dit ces paroles. C'est lui même qui avait dit: J'ai de bonnes raisons de croire que la loi 101 n'est pas discriminatoire à l'égard des anglophones. Alors, il y a une petite discussion à faire dans l'opposition, comme il y avait, à mon avis, une petite discussion à faire pendant la période de l'analyse article par article du projet de loi où, à plusieurs reprises, le député d'Outremont a été obligé d'indiquer que lui-même était porte-parole, plutôt que la députée de Chapleau, parce que la députée avait voté contre son autorité, contre sa volonté, et encore une fois l'opposition était divisée. Un député a voté dans un sens, le député libéral, puis un autre dans un autre sens.

Le député d'Outremont, aussi, on s'en souvient, s'il y avait de la police de la langue, s'il y a de la police de la langue, il faut se rappeler qu'il était effectivement chef de la police de la langue. Il avait beaucoup de difficultés à se défendre, dans l'étude article par article, il avait beaucoup de difficultés à expliquer comment il se faisait que c'est sous son propre régime qu'il avait endurci, qu'il avait rendue beaucoup plus inflexible une proposition qui avait été faite par notre ami Gérald Godin, qui, à ce moment-là, juste avant l'élection de 1985, avait proposé une approche plutôt amicale avec les communautés culturelles pour discuter d'un assouplissement – plutôt pour la communauté juive – pour que pendant la période de Pâques elle puisse avoir accès aux aliments, disons, religieux pour distribution limitée. Un peu plus tard, deux ans plus tard, pour être explicite – c'était en 1987 – on a supprimé une modification qui avait été proposée en mars 1986, et le gouvernement du Parti libéral est revenu sur une formulation initiale justement pour aller avec un peu plus de souplesse.

(16 h 10)

Pour le député de D'Arcy-McGee, je voudrais aussi rappeler la souplesse et les discussions que nous avons eues – j'y ai participé un peu – avec la communauté juive il n'y a pas trop longtemps justement sur les questions de diffusion des produits pendant la période de la pâque juive, des produits casher. Ça s'est terminé dans une entente qui avait comme effet de rendre plus souple l'application de la loi. Mais, lorsque le député de D'Arcy-McGee dit que le projet de loi n° 40 témoigne d'un certain nombre de restrictions de libertés humaines, je voudrais rappeler pour le grand public, comme je l'ai fait pendant la période de l'analyse en commission parlementaire, que le gouvernement fédéral est un peu plus raide que le gouvernement du Parti québécois.

Et je lis en anglais, parce que le député de D'Arcy-McGee semble croire que les droits de l'anglais sont disparus au complet. Listen to this: «The owner or the person in charge of the place entered by an inspector – inspecteur, est-ce que c'est un policier, M. le Président? – pursuing to subsection 2 and every person employed there should give the inspector all reasonable assistance to enable the inspector to carry out his duties and functions under this Act.» C'est le fédéral, ça. En français, ça dit: «Le propriétaire ou le responsable des lieux visités par l'inspecteur ainsi que les personnes qui y travaillent doivent lui prêter toute l'assistance possible dans l'exercice de ses fonctions.» C'est fort, ça. Ça, c'est la loi sur l'emballage et l'étiquetage – par hasard! – des produits de consommation. Le fédéral, M. le Président, a une loi semblable qui exige – ce n'est extraordinaire, quand même! – qu'un certain nombre de produits devraient être libellés aussi en français. Is that a restriction of human rights? Si ce n'est pas assez, on va aller voir une autre loi.

La loi sur la «Food and drugs Act», la Loi sur les aliments et drogues. Le propriétaire ou le responsable du lieu visité ainsi que quiconque qui s'y trouve – si je suis en train de magasiner, par hasard je me trouve sur place, c'est moi qui suis en cause, je suis tenu de prêter à l'inspecteur – la police fédérale, ça? – toute assistance possible et lui donner le renseignement qu'il peut valablement exiger. Soyons honnêtes, M. le Président! Demandez au député de D'Arcy-McGee d'être honnête intellectuellement, parce que ça n'apparaît pas. Je ne l'accuse pas, mais je voudrais faire le plaidoyer qu'il manque d'objectivité.

Ce n'est pas suffisant? On va en voir d'autres. Je sais que c'est fatigant, comme le rappelle le député d'Outremont; il dit qu'il en avait marre du fédéral, je le cite mot pour mot, lorsque j'ai cité inlassablement la loi fédérale. Je sais que c'est un peu fatigant, mais j'y tiens. Enfin!

Là, je suis dans la loi des pêches. Là, on parle encore des inspecteurs, la police fédérale. Bon. «Il est interdit – c'est l'article 39 de la loi des pêches – d'entraver l'action de l'inspecteur dans l'exercice des fonctions que lui confère l'article 38. Quiconque – article 40, je saute un article – contrevient au paragraphe 35.1 commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité – c'est assez fort – a. La procédure sommaire, une amende maximale de 5 000 $ pour une première infraction et de 10 000 $ pour chaque récidive.» Ça, c'est la police fédérale. En réalité, ce sont des inspecteurs. N'importe quelle société qui se respecte a des inspecteurs.

Moi, comme anglophone, je refuse d'être intimidé par ceux qui voudraient nous faire croire, un peu comme ceux qui voient des ovnis, d'être intimidé par le fait qu'ils vont venir pour nous écraser, qu'il y a un ovni qui va arriver de n'importe quelle planète, que c'est la fin du monde. Non. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. J'ai vu la Commission travailler, et le député d'Outremont les a vus travailler. Il sait comment ils fonctionnent. Au moins, je présume qu'il avait assez d'assentiment et de complicité dans «leur démarche raisonnable», parce qu'il a assumé le mandat. Il a assumé le mandat de la présidence. Pas seulement qu'il a assumé le mandat, mais il est resté. S'il était mal à l'aise, j'admets qu'il aurait dû avoir une mauvaise conscience, mais n'empêche qu'il est resté. Il n'y a rien qui exige qu'un cadre supérieur reste en poste contre sa conscience. Il n'a jamais manifesté la moindre dissidence, M. le Président. Au contraire, il a dit, par exemple, en 1989, que «le processus de francisation dans les entreprises – et on parle de ça dans le projet de loi – a fait des progrès depuis l'adoption de la loi 101, mais il y a lieu de se préoccuper d'un certain ralentissement depuis quelques années.»

Il a dit avec beaucoup d'insistance, La Presse , 7 mars 1991, beaucoup plus récent: «L'adoption du français – je m'adresse au député, est-ce qu'il est encore ici, le député? non, il est parti, le député de Notre-Dame-de-Grâce – comme langue commune a peu progressé depuis 1978 – peu progressé! Dans des notes confidentielles – ici, je cite encore La Presse – d'une communication destinée aux dirigeants du Conseil de la langue française, Pierre-Étienne Laporte reconnaît que le français comme langue de travail ne réalisait – citation – "que des gains modestes", depuis 1978 – gains modestes – à Montréal, même s'il avait continué à gagner du terrain. Le plafonnement du français apparaît probable.» Fin de citation.

C'est extraordinaire, M. le Président. Les incongruités du Parti libéral sont sorties en plein jour pendant l'étude article par article. On a constaté qu'il n'y a pas de politique chez l'opposition. Moi, je pense, au moins personnellement, comme anglophone... je refuse d'être intimidé. Je ne crois pas en les ovnis. Le député de D'Arcy-McGee les a vus, mais, moi, je ne les ai pas vus, je ne suis pas chanceux. Mais peut-être qu'un jour je vais les voir. Ou peut-être qu'on devrait aller ensemble dans une expédition et essayer de chercher les ovnis, qui sont les polices de la langue, puis on pourra parler ensemble de ce qu'on aura vu. Bon exercice!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Vachon. M. le député de Chomedey, je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, je souhaite identifier certaines difficultés avec le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, qui font en sorte qu'à notre point de vue ce projet de loi ne devrait pas être adopté par cette Assemblée.

Mr. Speaker, it's a pleasure for me to be able to stand before you today with my colleagues on this side of the House and express some grave reservations with regard to Bill 40, An Act to amend the Charter of the French language, problems which we believe should lead this House to reject the bill that is before us.

J'écoutais attentivement tantôt mon collègue le député de Vachon, M. le Président. Je l'ai écouté parler de ses souvenirs, de certains aspects de cette Charte de la langue française. Effectivement, il était là, comme parlementaire, au début des années quatre-vingt, lorsque, notamment pour ce qui était du projet de loi 57, aux mois de novembre et décembre 1983, le gouvernement du Parti québécois d'alors a apporté plusieurs modifications pour enlever ce que d'aucuns appelaient à l'époque des irritants dans la Charte de la langue française.

Quelle fut donc notre surprise, voire même notre étonnement, de prendre le projet de loi n° 40, présenté par l'actuelle ministre responsable de la Charte de la langue française, et de voir que la mémoire collective de sa formation politique fait plutôt preuve d'Alzheimer, car, contrairement au député de Vachon qui, lui, vient de nous indiquer qu'il connaissait les tenants et aboutissants de plusieurs de ces articles-là et nous a cité Gérald Godin comme étant le ministre d'alors qui a proposé ces amendements-là, voilà que plusieurs des aménagements, plusieurs des compromis, plusieurs des ententes qui ont fait l'objet de discussions serrées, de longues analyses en commission parlementaire, d'un trait de plume, sans analyse sérieuse – et c'est un reproche tout à fait valable qu'il faut faire, à cette époque-ci, il faut dire que ce gouvernement ne sait plus travailler comme auparavant – plusieurs de ces accommodements-là ont été retirés, rejetés, rayés par l'actuelle ministre sans la moindre analyse valable ni des raisons ni des résultats probables.

(16 h 20)

M. le Président, il y a plusieurs exemples. Il y a un exemple qui concerne le document que l'on peut demander à un professionnel. Il fallait tout simplement, en vertu du compromis atteint en 1983, exprimer au professionnel, le médecin, le dentiste, l'avocat à qui on voulait demander une expertise: Je vous demande une expertise, est-ce que vous auriez l'obligeance de la faire en français? Et, peu importe que le médecin était anglais, français, chinois, italien, peu importe, il était obligé de la rédiger en français si on avait fait la demande.

Maintenant, on va retourner ça complètement à l'envers, 20 ans de bonne entente enlevés d'un trait de plume, comme on le disait, et maintenant on va être obligé de le demander... on a le droit de le demander même une fois que c'est préparé, ce qui est un non-sens. Mais, quand on ne connaît pas le dossier, quand on n'a pas la subtilité et la manière de faire qui fait en sorte qu'on étudie le fond des choses, c'est le genre de chose qu'on avale facilement, ce genre de couleuvre qu'on se fait dire d'avaler par la bureaucratie, et c'est ça qui est arrivé à plusieurs reprises ici. Vous allez voir, M. le Président, quand les causes vont commencer pour l'obligation d'utiliser un générique d'une raison sociale où on a, à l'heure actuelle, un spécifique dans une langue autre que le français, vous allez voir quelle sorte de réaction ça va provoquer dans les milieux financiers et parmi les petites et moyennes entreprises. Laissez-moi vous donner un exemple.

S'il y avait une entreprise qui s'appelait, avant la loi 101, The Dominion Foam Company inc... Pour maintenir une raison sociale qui marcherait à travers le Canada et en Amérique du Nord et ne pas offusquer qui que ce soit, très souvent on synthétisait et on inventait une raison sociale qui était justement un amalgame et qui ne voulait pas nécessairement dire quoi que ce soit comme terme dans une langue ou dans l'autre, en l'occurrence, ça pouvait devenir Domfoam. Ce que cette société, qui fonctionne depuis bientôt 20 ans, avec cette nouvelle raison sociale adaptée pour se conformer à la loi 101, ce que cette société va être obligée de faire, c'est de s'appeler quelque chose du style La Société de fabrication de mousse Domfoam inc., changer ses papiers, ses en-têtes, l'affichage sur ses camions. C'est le genre de chose qu'on est en train de faire ici parce que la machine bureaucratique, qui n'a jamais avalé de manquer un petit bout dans son analyse de ce que la loi 101 aurait dû faire, vient de convaincre une ministre de lui donner ce qu'elle a toujours réclamé. C'est cette partie-là qui est surtout étonnante, quand on regarde la manière dont les consultations sur le projet de loi n° 40 ont procédé, c'est ça qui étonne le plus, M. le Président.

On a entendu Mme Nicole René, l'actuelle présidente de l'Office de la langue française, dire clairement: On n'a pas besoin de réinstaurer la police de la langue. C'est elle qui l'a dit. Ce n'est pas juste l'opposition officielle qui l'a dit. L'actuelle présidente de l'Office de la langue française dit la même chose que nous, qu'on n'a pas besoin de réinstaurer la police de la langue. Mais la notion d'un compromis honorable, le genre de compromis dont Gérald Godin était capable et qui vient d'être évoqué par le député de Vachon, cette notion d'un compromis honorable semble malheureusement échapper à la ministre actuelle responsable de la Charte de la langue française. Et c'est désolant et ça vient à un très mauvais moment dans l'histoire de notre pays et de notre province, car, à en croire les sondages, il y a de très fortes chances qu'une formation politique très, justement, renfermée, très revancharde, avec des idées aussi arrêtées que celles qu'on entend en face, et qui s'appelle le Reform Party, a des bonnes chances de former l'opposition officielle à Ottawa.

C'est cette perte de la vision du compromis qui a fait en sorte qu'on a su bâtir ce grand pays qui est le Canada, avec deux langues officielles, avec deux cultures issues de deux des pays les plus importants qui demeurent dans le monde aujourd'hui, qui ont su rayonner partout. On a réussi ici, au Canada et au Québec, à être un exemple dans le monde. Et, oui, malgré les difficultés au cours des 20 dernières années, la compréhension mutuelle a augmenté grandement. Alors, qu'est-ce qui peut provoquer un gouvernement à proposer à l'Assemblée nationale l'adoption d'une loi comme celle-ci? Une loi qui va exiger la dépense de 5 000 000 $ pour la police de la langue à un moment où le ministre de la Justice est obligé de lire dans le journal le matin que le juge en chef du Québec, Pierre Michaud, est en train de critiquer sévèrement les compressions budgétaires pour les juges, notamment une coupure de 300 000 $ du budget de formation des juges provinciaux.

Vous voyez, M. le Président, ce sont des choses qui affectent le public et qui intéressent le monde. Qui, outre quelques militants péquistes, a demandé la réinstauration de la police de la langue? Personne, M. le Président. Parce que ça ne correspond pas à ce que nous sommes, ça ne correspond pas à la société ouverte dans laquelle on veut vivre. J'ai entendu ma collègue, la députée de Pointe-aux-Trembles, députée péquiste, tantôt parler du fait qu'on était tous Québécois. Je suis d'accord avec elle, elle a raison. Mais quand j'entends le ministre des Finances, ici, aujourd'hui dans cette Chambre, dire qu'il y avait tel pour cent des Québécois francophones qui avaient voté de telle manière, n'est-ce pas le meilleur exemple...

Une voix: C'est vrai.

M. Mulcair: Oui, j'entends un député de la ville de Québec qui dit: C'est vrai. N'est-ce pas la preuve que, pour certaines personnes, les votes des uns doivent être soupesés, mesurés selon la langue que l'on parle, qu'on n'est pas tous des Québécois, du moins aux yeux du ministre des Finances? C'est la preuve concluante de cela, M. le Président.

Et c'est la raison pour laquelle nous, on dit que le projet de loi n° 40 est malheureusement illustratif de cette tendance au sein du Parti québécois de prendre des défis «polyfacettiques», comme le dossier de la langue, et de les réduire à leur plus simple expression partisane, divisive. La manière de faire du Parti québécois, justement, c'est de ne pas reconnaître qu'au jour le jour, à travers le Québec, peu importe la langue, peu importe la religion, peu importe l'origine ethnique, les gens s'entendent très bien. Leur manière de faire, c'est de créer la division. Le projet de loi en est un exemple criant.

Et, M. le Président, ça témoigne des priorités de ce gouvernement. Les 5 000 000 $ qu'on est en train de dépenser pour réinstaurer la police de la langue auraient pu être dépensés oh! combien de fois mieux dans le domaine de la justice, de l'éducation, de la santé et des services sociaux, autant de domaines où les services directs à la population – et que l'on manque à l'heure actuelle à cause des coupures aveugles imposées par ce gouvernement – autant de domaines où le public aurait pu être bien servi. Mais, plutôt que de faire ça, il préfère attiser des vieilles querelles, il préfère semer la zizanie, il préfère brasser la soupe et espérer tirer un avantage politique par une réaction négative, contraire prévisible venant d'une minorité qui en a assez.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, de notre côté, nous allons voter contre ce projet de loi, parce que ce projet de loi est contre l'esprit ouvert, compréhensif, moderne que le Québec aujourd'hui est devenu, et qu'on est en droit de s'attendre à mieux de la part d'un gouvernement qui prétend représenter l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Taschereau. M. le député.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Oui, M. le Président. M. le Président, j'entendais le député de Chomedey: Il y a des gens qui ont un discours divisif. Ce n'est pas nous, je crois, parce que nous parlons ici d'une langue commune. La langue de communauté au Québec, c'est le français. La langue de communauté, peut-être, au Canada, c'est l'anglais, et le français pour le Québec, l'anglais et le français pour le Nouveau-Brunswick. Mais la langue de communauté ici, c'est le français.

Ce qui est en cause ici, M. le Président, ce n'est pas une police de la langue, c'est le français langue commune, langue que nos compatriotes citoyens et citoyennes du Québec nous demandent de protéger. Par sondage, nous savons que plus de 69 % des Québécois et Québécoises, incluant les gens de toutes origines, c'est-à-dire tous et toutes sont Québécois, c'est 69 % des gens qui nous demandent de légiférer, c'est-à-dire de créer cette commission, parce qu'ils sentent que le français est en déperdition, en particulier sur le territoire de Montréal.

Je l'ai souvent répété dans cette Assemblée et dans des commissions, M. le Président, il y a toujours à Montréal, cette grande métropole qui est la nôtre, que nous aimons, où, moi, personnellement, j'ai appris, entre autres, à découvrir le Québec par la marée du fleuve ici, par Montréal, la modernité. Dans cette grande ville, il y a toujours 350 000 personnes qui sont unilingues, qui ne parlent pas le français. Ils sont peut-être bilingues ou trilingues, mais ils ne parlent pas le français, ils n'ont pas la connaissance du français. Ce sont nos statistiques, n'en déplaise au député, qui me fait signe que non. Ce sont les statistiques.

(16 h 30)

Alors, je pense que, M. le Président, ce qui est en cause, c'est la protection de cette langue. Ce que la loi veut faire, la loi n° 40, elle ne veut que s'assurer qu'il y a une commission de protection, tout simplement, qui va, en fonction de plaintes qui seront faites, tout simplement aller vérifier des choses. Ce n'est pas une police. C'est des gens, des fonctionnaires qui vont se rendre sur les lieux où il y a des plaintes pour vérifier ce qui en est et pour parler avec convivialité, s'il y a lieu. Et c'est simplement au moment où il y a vraiment volonté de ne pas respecter la loi qu'il y a intervention dans l'intention de cette loi-là. Autrement, c'est une loi normale, d'un pays normal... enfin, qui n'est pas tout à fait normal, puisque j'entendais le député de Chomedey nous parler d'une province et d'un pays. Ce n'est pas notre point de vue. Nous sommes une nation, nous sommes un peuple sur un territoire donné, qu'on appelle toujours, dans le Dominion of Canada, province, mais nous considérons que nous sommes une Assemblée dite nationale avec 125 députés, 125 députés de l'Assemblée nationale. Nous représentons donc une nation, pas une société distincte. Même le ministre de l'époque, Rémillard, disait que ce qu'on voulait dire par société distincte, c'était une nation. Sauf que, eux, ils n'avaient pas le courage de le dire et de l'affirmer.

M. le Président, il faut comprendre que les Québécoises et les Québécois, en partie, se sentent toujours menacés par l'anglais. C'est simple. Puis je vais donner des illustrations qu'on a jugées cabotines en commission. Je vais simplement faire quelques illustrations. Ce matin encore, je suis allé chercher des Centrum Forte à la pharmacie. La jaquette, elle est là, derrière, et ce qui prévaut, puisqu'on doit mettre ça comme ça dans la pharmacie, à cause du rabat, c'est l'anglais; c'est bilingue, mais c'est l'anglais qui prévaut. Vous buvez du lait le matin en mangeant vos Corn Flakes Kellogg, vous êtes droitier, ce qui est la majorité de la population, le bec verseur est là. Ce qui prévaut, pour le bec verseur, c'est toujours l'anglais; le français est là. Si vous êtes gaucher, vous êtes chanceux, vous pouvez avoir la version française. Si jamais vous vous alimentez aux patates industrielles, les «mashed potatoes», c'est la même chose: le bec verseur, côté anglais; gaucher, purée de pommes de terre. Moi, je dois dire que je préfère les vraies pommes de terre.

Un autre exemple... Remarquez que je n'en ai pas contre l'anglais; ici, je fais simplement montrer que nous sommes constamment, de manière subliminale, en immersion. Et je le montrerai au niveau du vocabulaire aussi. Ici, vous avez Just Right Kellogg's. C'est une marque qui n'a pas à se défendre de son titre anglais: c'est Just Right. Le député de Chomedey n'a pas trop à s'inquiéter, comme c'est là, pour le titre. Just Right, qu'est-ce qu'ils nous disent? Différents grains... Can grains of diverse origins – écoutez-moi parler en anglais, ça n'arrive pas souvent – really live together in the same bowl? Différents grains peuvent-ils vivre, vraiment cohabiter dans le même bol?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Et, M. le Président, qu'est-ce qu'on lit? Un bon gros bol de céréales pour vous rendre heureux. Comme pour le Canada! C'est la diversité qui fait notre charme. Au lieu d'être extrêmement ceci ou extrêmement cela, nous sommes un petit peu de tout. C'est peut-être bien pour cette raison que celui ou celle qui goûte aux céréales Just Right les aime, pour cet équilibre de saveurs et de textures, comme un certain pays que nous connaissons bien.

On nous dit souvent qu'on fait de la propagande. On ne fait pas mieux, au Canada. C'est bien, le Canada fait sa propagande, je n'ai rien contre. Mais ce que je veux montrer ici, M. le Président, c'est que la question linguistique, ce n'est pas une question de convivialité, ce n'est pas une question de bonne volonté, c'est une question de rapport de force et, sur le territoire de Montréal en particulier, il y a un rapport de force étant donné le pays qui est le nôtre qui s'appelle le Canada. Vous n'avez qu'à regarder nos armoiries d'ailleurs, les armoiries qui sont constamment dans nos deux salons: il y a le lion qui est libéré, mais il y a la licorne qui est enchaînée. C'est ça, notre réalité. Nous sommes toujours enchaînés dans la symbolique canadienne et nous devons nous délivrer. Moi, j'ai constamment ça sous les yeux, tous les jours, dans les deux salons, qu'il soit rouge, qu'il soit bleu. Et je ne suis pas cependant un ultramontain, comme je le dis souvent à mon collègue député d'Outremont, critique officiel. Je ne suis pas un ultramontain, c'est-à-dire que je ne défends pas le point de vue d'outre-rivière, celui d'Ottawa, celui qui est le point de vue «Canadian». Je ne suis pas le bloc canadien dans cette Assemblée, je suis du Parti québécois et je défends le point de vue des Québécoises et des Québécois, quel qu'il soit. Et c'est pour ça que je défends la langue commune, M. le Président.

On voudrait nous faire croire que nous sommes seulement «ceinture fléchée» entre nous autres, ce qui n'est pas vrai. Moi, j'ai des amis qui s'appellent Warren, ce sont les plus francophiles que je connaisse, et ils viennent de Charlevoix; mon ami Paul, en particulier, qui est un critique de cinéma admirable. Il y a les Johnson; les trois, ici, ont fait trois premiers ministres de trois partis différents. Ce sont des francophones au même titre. On ne leur dit pas: Vous êtes d'origine anglophone. Ils ont la langue commune, on se comprend bien, on est là. Nous ne faisons pas, d'ailleurs... Je n'ai plus que deux minutes. Les Verge, les Cross, on pourrait continuer comme ça.

M. le Président, je pense que ce qu'on veut faire, ici, c'est tout simplement donner à la langue française l'espace dont elle a besoin, comme une plante a besoin d'un terreau parce que, comme le dit Gaston Miron: «Je dis que la langue est le fondement même de l'existence d'un peuple parce qu'elle réfléchit la totalité de sa culture en signes, en signifiés, en signifiance.» Les gens ont l'air de penser que, parce qu'on dit des mots français, nous vivons la réalité de la langue française. Ce n'est pas la même chose. Une réalité a besoin de s'épanouir, une langue a besoin de s'épanouir, elle a besoin d'un espace de liberté que nous n'avons pas toujours.

Je terminerai, puisque j'aime beaucoup Montréal et que je voudrais qu'on se le réapproprie, en disant ceci, qui est de Pierre Baillargeon: «Vouloir sauvegarder la langue, c'est vouloir sauvegarder beaucoup plus que la langue, entre autres choses, tout ce qu'elle rend seule parfaitement.» Si Montréal n'a rien de commun avec aucune autre ville française, le français n'y est plus ni naturel, ni pratique. C'est pour ça que je remercie mon gouvernement et la ministre de leur courage pour faire cette loi malgré l'opposition systématique des libéraux. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Vous allez comprendre que, après le discours enflammé du député de Taschereau, c'est difficile d'apporter autant de coeur et de raillerie. D'ailleurs, je suis un peu surpris de voir que le député a transformé un débat très sérieux sur la langue en l'amenant peut-être un peu au ridicule et à la raillerie, ce qui m'apparaît être un élément peu commun chez lui, avec le raffinement qu'il a toujours su nous présenter dans le passé. D'ailleurs, je l'encouragerais à verser son lait du côté gauche tous les matins dans ses céréales, toujours en les servant de la main gauche, et il sera satisfait de trouver le côté français. Il faudrait qu'il sache qu'il y a au moins 25 % des Québécois qui sont gauchers. Au moins, il saurait ça, comme statistique.

(16 h 40)

M. le Président, on a vécu un débat difficile, en commission parlementaire, où le député d'Outremont, qui est le critique officiel sur la langue, a fait un débat soutenu. Et, malgré ses efforts, la ministre est demeurée insensible. J'ai été très surpris de voir que la ministre a résisté. Elle a résisté à toutes les démarches, les essais, les tentatives de lui faire comprendre, par le député d'Outremont, le non-fondement de la réinstitution, de la remise en place de la police de la langue. C'est une police, M. le Président, qui va jouir de pouvoirs contraignants. Et, au lieu de choisir la carotte, la ministre a choisi le bâton. La ministre a choisi le bâton. Au lieu de choisir la promotion de la langue, elle a choisi la punition. Même le ministre de la Sécurité publique, qui est en train de vouloir modifier les pénalités ou la prison pour ceux qui ne se seront pas acquittés du paiement de leurs contraventions, qui veut y aller avec des situations moins ridicules, moins dures, moins difficiles pour les gens afin de les inciter à s'accommoder et à payer leurs contraventions... la ministre, elle, va dans le chemin inverse; elle y va vers la punition, elle y va avec le bâton. Et c'est un peu particulier de sa part; elle, une femme qui, de nature, est très sensible, émotive, elle a quand même choisi la position dure et ferme.

Vous savez, M. le Président, c'est facile, dans une position, lorsqu'on fait le trouble-fête puis que, par la suite, on quitte, on s'en va sous d'autres cieux. Alors, lorsqu'on voit M. Parizeau qui nous a amenés au référendum l'an dernier et qui, après le référendum, quitte, s'en va à son vignoble en France... On est à l'élection actuelle au niveau fédéral. M. l'ex-premier ministre se pavane au Québec, puis, dans quelques semaines, il se dirigera vers des cieux plus cléments, dans son vignoble en France. Après être venu créer le trouble, il va s'exiler vers un pays plus serein.

Mme la ministre nous a même dit publiquement, M. le Président, elle a même dit publiquement qu'éventuellement elle emménagerait en France. Aujourd'hui, elle nous impose une loi qui va être contraignante, avec le bâton, puis, quand elle l'aura imposée, M. le Président, elle fera un acte semblable à celui de M. Parizeau: elle s'isolera vers un pays plus clément, moins dur, moins difficile avec ses lois contraignantes sur la langue. Mais, pourtant, nous aurons à vivre avec sa loi qu'elle nous aura imposée. Nous aurons à vivre avec. Elle me fait penser, M. le Président... J'ai un maire dans mon comté qui demeure juste à côté de sa municipalité. Il a augmenté les taxes de 42 %, mais il demeure dans la ville voisine, puis ça fait quatre ans qu'on ne les a pas augmentées. Alors, lui, il augmente les taxes puis il demeure dans l'autre municipalité, il n'a pas de problème. C'est ça que la ministre va nous faire vivre, M. le Président. Elle va nous avoir imposé une police de la langue, contraignante avec son bâton, et elle s'isolera vers d'autres cieux plus cléments. Moi, je vous le dis, la ministre, qui est tellement plus sensible, elle devrait se soumettre aux arguments que le député d'Outremont a voulu lui faire transmettre.

La députée de Pointe-aux-Trembles nous disait tantôt que le français au Québec, on s'en occupe. C'est la langue du travail, c'est la langue parlée. Mais, M. le Président, quand on voit qu'à l'examen du ministère, qu'on a soumis aux cégeps, dans lequel examen on avait un texte dont le vocabulaire utilisé est un vocabulaire de charretier, que même nos pères n'auraient pas osé utiliser dans l'écurie... Et si c'est comme ça que la députée de Pointe-aux-Trembles veut s'occuper de la langue, bien, M. le Président, je vous en supplie, dites-lui d'arrêter, que ce n'est pas comme ça qu'on va modifier puis qu'on va améliorer notre contexte linguistique au Québec.

Comme le député de Verdun faisait allusion plus tôt aux examens de français avec des résultats désastreux, bien, M. le Président, les professeurs, au lieu de s'occuper d'enseigner à nos enfants les raisons émotives, sans fondement solide, pourquoi on devrait se séparer, au Québec, pourquoi on devrait avoir un pays, ils devraient leur montrer les nécessités de la langue française et les bases de la langue française. Ils auraient une occupation beaucoup plus propre à leur capacité d'enseignement puis ça répondrait beaucoup plus à ce que la députée de Pointe-aux-Trembles nous disait tantôt: On s'en occupe.

Mais, si on veut s'en occuper, qu'on commence donc par les vraies choses, qu'on commence donc par la base. Comme j'ai déjà dit en Chambre sur l'acceptation du principe de la loi, les communistes avaient tout compris ça, M. le Président. Quand ils sont arrivés en Afghanistan, la première chose qu'ils ont faite, ils ont remplacé les professeurs. Ils étaient sûrs que, la prochaine génération, nous aurions des communistes. Bien, alors, qu'on s'occupe d'avoir les professeurs qui soient compétents puis qui enseignent le français, puis on sera sûr qu'à la prochaine génération les enfants, qui seront devenus des adolescents, seront capables non seulement de le parler, le français, mais aussi de l'écrire. À ce moment-là, on n'aura pas besoin de police de la langue, on n'aura pas besoin de mesures contraignantes, on n'aura pas besoin de punitions, on n'aura pas besoin de bâton. Ce dont nous aurons besoin, ce sera des carottes, ce sera des gens qui sont capables de motiver, des encouragements plutôt que des punitions.

Alors, vous allez comprendre que, devant une situation comme ça, M. le Président, je ne voudrais pas laisser sous silence l'appropriation que s'est donnée le député de Taschereau en se disant et en nous disant qu'il défendait les intérêts des Québécois et des Québécoises, tout comme s'il n'y avait que lui qui avait intérêt à défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. J'ai été élu par des Québécois et des Québécoises, tout autant que lui dans son comté de Taschereau, et je n'ai aucune honte à dire que je défends les intérêts des membres de mon comté, des gens de mon comté, qui sont tout aussi Québécois et Québécoises qu'eux et qui sont tout aussi Québécois et Québécoises parce qu'il y en a 16 % qui sont anglophones de souche. Ce n'est pas parce qu'on est anglophone que nous ne sommes pas Québécois ou Québécoises. Le fait d'être Québécois et Québécoise n'a rien à faire avec la langue, il a à faire avec l'appartenance du milieu dans lequel nous vivons. Je trouve ça regrettable que le député de Taschereau tente de s'approprier cette défense des Québécois et des Québécoises, alors que tous tant que nous sommes, dans cette Chambre, nous avons comme rôle de défendre les intérêts de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

Dans la loi que la ministre nous a présentée, je ne trouve aucune mesure positive qui va faire que nos enfants pourront mieux parler le français, pourront mieux écrire le français, mieux communiquer en français. Et, justement à cause de cette situation où la ministre n'a pas su apporter des éléments positifs, elle dont d'ailleurs je m'attendais à ce qu'elle soit très créative devant une situation comme ça... Je suis sûr qu'elle est remplie de ressources, qu'elle aurait pu nous en faire bénéficier. Mais, malheureusement, M. le Président, dans ce projet de loi – peut-être que ça lui a été imposé, je ne le sais pas, puis elle ne me le dira vraisemblablement pas, mais je me serais attendu à beaucoup plus d'ingéniosité et de créativité de sa part – comme je ne trouve aucune mesure positive pour tenter d'améliorer la situation du français, M. le Président, vous devez être assuré que nous, de notre côté, nous allons voter contre la réinstitution de la police de la langue. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications, pour une intervention d'une durée maximale de cinq minutes.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, très rapidement. J'écoutais le député d'Argenteuil dire – je ne sais pas – qu'il était pressé de me voir partir, parce qu'il disait: La ministre va quitter, etc. Mais pas du tout, M. le Président, je n'ai pas l'intention de lui faire ce plaisir de sitôt; ma retraite n'a pas sonné, compte tenu de mon jeune âge. Mais ce qui est certain, cependant, c'est que je n'irai pas à Moose Jaw pour ma retraite, puis je vais vous expliquer pourquoi je n'irai pas à Moose Jaw.

Il y a un article dans le Journal de Québec , en date du 26 mai, de Martin Leclerc, qui dit: «Les francophones disparaissent peu à peu du reste du Canada.» Je vais vous dire que cet article nous raconte ceci. Il y a un M. Corriveau, donc, qui explique, qui dit: «Je fais ce que je peux. Je parle toujours en français avec mon fils à la maison.» Ce n'est que tout récemment qu'il dit avoir constaté que la cause était perdue dans sa région, que les francophones du coin ont refusé d'appuyer un projet d'école française. «Les francophones nous répondent qu'il ne faut pas faire cela. Ils ne supportent pas l'initiative. Ils sont assimilés. Même ceux qui parlent encore français sont assimilés.»

(16 h 50)

Et c'est la députée de Pointe-aux-Trembles qui donnait des statistiques extrêmement alarmantes, qui proviennent d'ailleurs de la Fédération des francophones hors Québec, et les chiffres qu'elle a donnés, sont les chiffres, donc, du dernier recensement. Vous le savez très bien, pour la première fois de notre histoire, nous sommes, nous, les francophones – on peut parler comme ça, quand même, encore, oui? bon – moins de 25 % de la population du Canada. Si ça n'inquiète pas, justement, les députés d'en face, s'ils pensent que tout va bien, que le français n'est pas fragilisé...

J'entendais dire le député de Notre-Dame-de-Grâce, tout à l'heure, que ce n'était pas vrai que la situation du français était précaire et fragile en Amérique du Nord. Il est sûr qu'on fait une analyse totalement distincte, lui et moi – moi, comme ministre de la Culture et comme responsable de la Charte de la langue française. En effet, ces inquiétudes sont présentes, la situation démographique l'est, elle aussi. Et ce que nous faisons, je le répète, nous ne faisons qu'appliquer la Charte contre laquelle votre parti a voté, contre laquelle votre ancien premier ministre, un des trois Johnson, mais celui qui a été premier ministre au Parti libéral, a dit que c'était pratiquement un crime contre l'humanité, en 1977, que la Charte de la langue française. Il avait signé avec 200 autres personnalités un texte d'épouvantail, avec les mêmes arguments que ce que j'entends aujourd'hui, alors que la Charte de la langue française, depuis 20 ans, nous a permis quand même de faire les progrès que nous avons faits. Parce qu'il y en a eu. Et le principal, il s'est fait par la contrainte, M. le Président, c'est-à-dire envoyer, en effet, les enfants des nouveaux arrivants à l'école française. C'est là que nous avons réussi à renverser la tendance et à permettre l'intégration quand même le mieux possible des immigrants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais céder la parole, maintenant, à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je viens d'un comté de l'Ouest-de-l'Île de Montréal où il y a des francophones et des anglophones qui se côtoient tous les jours. Je voudrais, aujourd'hui, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 40, témoigner de ce que les gens de mon comté pensent. J'aimerais le faire avec modération et je souhaite que ce témoignage puisse être bien reçu et aussi compris du gouvernement du Parti québécois.

La première difficulté à laquelle les gens sont confrontés, c'est l'insistance du gouvernement à créer une police de la langue au moment où la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec... Vous savez que la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec, ce n'est peut-être pas un des plus grands alliés du Parti libéral du Québec, mais je voudrais au moins témoigner rapidement d'une lettre qui a été envoyée aux gens de l'Ouest-de-l'Île, dans le cadre d'un communiqué de presse, par la Société Saint-Jean-Baptiste, Ouest-de-l'Île. C'était le 25 février 1997 – ça ne fait pas longtemps, M. le Président – c'était la veille de la Semaine annuelle de la francophonie: «Nous voulons signifier à la communauté de l'Ouest-de-l'Île notre appréciation de constater à quel point l'affichage de la région est très majoritairement français, et ce, à plus de 90 %. Afin de pouvoir prouver nos dires, nous avons patiemment filmé les rues commerciales de la région avec une caméra durant plus de deux ans. La preuve est là, indiscutable et certaine, que l'affichage d'ici est très majoritairement français. Maintenant, l'heure est venue de constater que ces changements sont survenus de manière paisible, continue, et que le commerce demeure florissant dans la région.»

M. le Président, les gens de mon comté ne comprennent pas bien l'intervention du gouvernement, à ce moment-ci, pour les obliger à avoir une police de la langue, alors qu'une organisation qui est reconnue au Québec nous indique vraiment qu'il n'y a pas de problème. Habituellement, une loi devrait corriger des difficultés ou des problèmes. Il n'y a pas de problème. Pourquoi une loi? C'est une des questions que les gens de mon comté se posent.

Mr. Speaker, I would like to recall what the Premier said at the Centaur Theater. He said that he wanted to be the Premier of all Quebeckers. At that time, everybody listened to him, everybody agreed. But since that time, what happened? That was the speech. Look at the facts. The facts are the closing of the hospitals. The West Island, the West part of Montréal... this Government closed more hospitals than anywhere else in Québec, and those hospitals were really important such as the Queen Elizabeth, the Reddy Memorial, Saint-Laurent, Lachine General. Mr. Speaker, also, we would like to have more funding for the Lakeshore Hospital. Because of the lack of funding, we are having some problems at the emergency ward.

Another issue, Mr. Speaker, is the closing of the Youth Court. After representations of the Conférence des maires and also the MNAs, we suggested alternative solutions which were good. The Minister of Justice totally refused to listen to what the people of the West Island had to say.

Third point, Mr. Speaker, the famous declaration of Mr. Parizeau, the referendum night, regarding the «ethnies». Who, in this Government, denounced that statement? What do you thing that our people in our riding think of this Premier – this former Premier – and what do you think they think about the Government? And, finally, now, it's the language policy.

M. le Président, j'aimerais vous faire part d'un sentiment de méfiance de la part des concitoyens du comté de Robert-Baldwin, aussi bien les francophones que les anglophones. À l'arrivée du premier ministre actuel, eh bien, il nous avait promis d'être le premier ministre de tout le monde, de tous les Québécois. Quand on regarde les décisions du gouvernement, bien, on s'aperçoit que les gens du West Island sont des orphelins. Nous n'avons pas de premier ministre. Nous regardons vraiment les décisions de ce gouvernement, et ce gouvernement a décidé de fermer un nombre d'hôpitaux... quatre hôpitaux majeurs. Ensuite, ce gouvernement a fermé la Cour juvénile. Ce gouvernement a fait des déclarations sur les ethnies qui n'ont jamais été dénoncées par aucun des membres de l'Assemblée nationale, des membres ministériels. Et enfin, aujourd'hui, M. le Président, eh bien, on veut imposer à nos gens une police de la langue, alors que la Société Saint-Jean-Baptiste reconnaît très bien qu'il n'y a pas de difficulté dans l'Ouest-de-l'Île.

M. le Président, je voudrais terminer en rappelant aux membres du gouvernement que plusieurs de leurs partenaires se sont dissociés de ce projet de loi. Et je cite un article de La Presse , de Mme Katia Gagnon, récemment: «Plusieurs groupes, dont la CSN, la FTQ et le Conseil du patronat, se sont prononcés contre l'exhumation de la Commission. Hier, c'était l'Union des artistes, pourtant un allié traditionnel du Parti québécois, qui s'est élevée contre le rétablissement de l'organisme, essentiellement pour des raisons budgétaires. M. Turgeon avait déclaré: "Le visage du Québec s'est indéniablement francisé en 20 ans et, s'il demeure nécessaire de faire respecter la loi, deux ou trois affiches en anglais ne lui donneraient pas de l'urticaire", selon M. Turgeon, qui réside dans l'Ouest-de-l'Île.»

M. le Président, je voulais simplement ajouter au débat la voix de mes concitoyens du comté de Robert-Baldwin qui, à cause de ce genre de décisions, à cause de ce genre d'action, deviennent de plus en plus méfiants envers le gouvernement, voire même qu'ils ont perdu confiance envers le gouvernement. Et là, je parle au nom de l'ensemble des citoyens, aussi bien les francophones que les anglophones. M. le Président, j'aimerais, comme d'autres l'ont fait avant moi, vous suggérer, suggérer au gouvernement de travailler davantage à des moyens beaucoup plus persuasifs que coercitifs. Je pense qu'on pourrait promouvoir la langue française de bien meilleure façon. Tantôt, mon collègue de Verdun indiquait qu'il serait important qu'on puisse dispenser un enseignement du français de bien meilleure qualité en ce qui concerne la grammaire, la syntaxe et le vocabulaire. Je pense que ce seraient des avenues qui encourageraient l'évolution du français.

M. le Président, j'ai voulu apporter ce témoignage. J'espère que les gens le retiendront. Je vous remercie bien.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. C'est avec fierté que j'ai la chance d'adresser la parole dans cette Assemblée, l'Assemblée nationale, comme le disait mon collègue tout à l'heure, le député de Taschereau, au sujet de la chose qui peut-être nous est la plus chère, notre langue, notre moyen de communiquer, notre moyen d'affirmer notre identité.

Je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que le jour où l'Assemblée nationale du Québec a adopté la loi 101 a été un grand jour pour le peuple québécois. C'est alors qu'il a été rendu officiel et définitif que le français est et sera dorénavant toujours la langue d'usage, la langue commune, la langue d'union, la langue d'unité de tout le peuple québécois. Et ce que la présente loi, la loi n° 40, veut réaffirmer, c'est ceci: c'est qu'au Québec c'est en français que ça se passe.

J'ai entendu des choses étonnantes pendant ce débat, des choses, vraiment, qui m'ont un peu surpris, non pas qu'elles étaient surprenantes en elles-mêmes, c'est qu'elles étaient surprenantes dans le débat. Par exemple, on a dit que le problème, c'était l'enseignement du français, au Québec, qui était déficient. Eh bien, M. le Président, que l'enseignement du français au Québec soit parfois déficient, c'est peut-être un problème, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit présentement. C'est une tactique de diversion. Bien sûr, il faut toujours améliorer l'enseignement de la langue française, mais ça ne règle pas la question de savoir si le français est la langue commune, la langue du travail, la langue de l'éducation, la langue du commerce au Québec.

J'ai entendu aussi d'autres choses. On m'a dit que, ah! ce qu'il fallait, ce n'était pas... il ne fallait pas obliger le monde, qu'on n'arriverait à rien en les obligeant; il fallait les convaincre, il fallait les attirer. Eh bien, oui, M. le Président, il faut les attirer, mais il faut aussi qu'il soit clair, et clair pour tout le monde, que c'est en français que ça se passe au Québec.

On nous a dit: Oh! mais, vous savez, vous n'avez pas besoin de ça, la police de la langue, les petits commerçants, et tout ça, ça leur fait du tort, parce que, de toute façon, la plupart sont d'accord, ils sont bien d'accord pour parler français au Québec. Alors, s'ils sont d'accord, je ne vois pas pourquoi la Commission de la langue française leur créerait un problème. Toutes sortes de choses tendant à faire dévier le débat.

On nous a dit ceci. Le député d'Outremont nous a dit que le fameux sondage qui indique que près de 70 % des Québécois sont d'accord pour qu'on réinstaure la Commission de la langue française, il nous a dit: Ce n'est pas bon, ça. Il a dit: «Les gens – et je cite ce qu'il a dit – répondent sans aucune conscience des enjeux.» Eh bien, moi, je dis au député d'Outremont: Ce n'est pas gentil de parler comme ça, ce n'est pas respectueux des gens. En politique, la première chose qu'il faut savoir, il faut respecter les gens qui nous élisent. Dire que les gens répondent et disent n'importe quoi sans être conscients, ce n'est pas gentil, ce n'est pas la vérité. Les gens répondent ce qu'ils croient profondément. Et c'était ça, la réponse, c'est que les gens veulent qu'on réinstaure une Commission de la langue française. Mais pourquoi tout cela? Pour qu'il soit clair, et clair pour tout le monde, qu'au Québec le français, c'est la langue du travail, c'est la langue du commerce, c'est la langue des services, c'est la langue commune, c'est la langue qui nous unit.

M. le Président, quand la loi 101 a été adoptée, il est devenu clair que l'objectif, il était précis, c'était de faire en sorte que la langue devienne ce qu'elle aurait dû toujours être, la langue commune de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Quant aux moyens que prévoyait la langue, c'étaient des moyens efficaces et souples, efficaces parce que souples, des moyens efficaces et tolérants, efficaces parce que tolérants. Mais la souplesse, ce n'est pas le laisser-aller. La tolérance, ce n'est pas le laisser-faire. Il y a une distinction entre les deux.

M. le Président, pour avoir suivi de très près l'évolution de la façon dont les gens se sont comportés face à l'application de la langue française, je peux vous dire ceci, et je suis convaincu de ce que j'avance parce que mes sources sont très bien documentées. Quand le Parti libéral est arrivé au pouvoir, qu'est-ce qui s'est produit à l'Office de la langue française? Qu'est-ce qui s'est produit? Il s'est produit ceci. Vous savez comment fonctionnait l'Office? Entre autres choses, il visitait les entreprises qui avaient besoin de se franciser parce qu'elles obligeaient la majorité des travailleurs à exercer leur métier dans une langue autre que la leur, c'est-à-dire l'anglais, donc l'Office de la langue française obligeait la mise en place d'un plan de francisation afin d'obtenir un certificat de francisation. Donc, les représentants de l'Office visitaient les entreprises et, jusqu'à 1985, ils étaient généralement reçus, pas toujours avec empressement, mais avec respect, parce qu'il y avait une loi qui était là, qui était la loi de tous et qui leur demandait de mettre en place un processus de francisation, un processus qui n'était pas radical mais qui était clair et précis quant à ses objectifs, qui n'était pas radical quant à son application, parce que ça pouvait prendre des mois, parfois même quelques années avant d'arriver à l'objectif. Mais ce qu'on exigeait, c'était la bonne volonté, c'était de faire en sorte qu'on respecte la majorité des travailleurs de langue française qui travaillaient dans ces usines-là.

Alors, quand est arrivé le Parti libéral au pouvoir, en 1985, 1986, 1987, eh bien, peu à peu, les représentants de l'Office étaient mal reçus dans les entreprises. On les recevait de plus en plus difficilement, on reportait les rendez-vous, parfois on se moquait d'eux, on leur fermait la porte et, dans certains cas, rares heureusement, M. le Président, mais, dans certains cas, on refusait carrément de les voir. Pourquoi? Pourquoi cette nouvelle situation créée par l'arrivée des libéraux au pouvoir en 1985, M. le Président? Parce qu'on avait commencé à lancer des messages ambigus. Ce n'était plus clair que le français, c'était la langue commune. Non! Ça devenait quelque chose de plus ou moins facultatif, de plus ou moins souhaitable, de plus ou moins à encourager, mais qu'on pouvait aller au-delà, et ce n'était pas plus grave que ça. C'était le message général qui était véhiculé par les représentants officiels du gouvernement. Alors, dans un contexte comme cela, les travailleurs, les employés, les représentants de l'Office de la langue française, bien, ils étaient placés dans une situation difficile, ils étaient comme désavoués dans leur travail par le discours officiel qui créait de l'ambiguïté.

Eh bien, qu'est-ce que fait la présente loi, M. le Président? Elle rétablit la clarté. On sait très bien que la majorité des commerçants, que la majorité des entreprises sont d'accord pour que ça se passe en français au Québec. Quand le langage, quand le message est clair, ils sont encore plus d'accord, mais il y aura toujours des irréductibles. Vous vous souvenez du passage de Lord Durham, un illustre représentant des Anglo-Saxons, qui disait candidement dans son rapport: Les Anglo-Saxons, partout où ils sont allés dans le monde, sont conscients qu'ils sont un peuple supérieur et qu'ils n'ont pas à faire des accommodements, c'est aux autres de s'accommoder à eux.

Alors, maintenant, M. le Président, il est clair qu'au Québec ça se passe en français. Moi, je félicite la ministre de la Culture, qui a eu le courage, pendant 40 heures, de répéter et de répéter, avec beaucoup de tolérance, avec beaucoup de patience, les objectifs de la loi et que la loi, ce n'est pas une loi de police, mais c'est une loi pour dire aux irréductibles: Eh bien, si vous ne voulez pas comprendre du tout le bien-fondé de la loi, bien, en dernier recours, il y aura peut-être un recours. Alors, la situation est dorénavant claire.

(17 h 10)

Nous formons une nation, nous formons un peuple. Nous avons reconnu les Micmacs, nous avons reconnu les Algonquins, nous avons reconnu les Cris comme étant des nations, les Inuit comme étant une nation, nous avons reconnu les Mohawks comme formant une nation, et, nous, le peuple québécois, nous ne serions qu'une petite chose négligeable? Oh! reconnaissable tout de même parce qu'elle est distincte. Comment l'appelle-t-on? On l'a appelée la société distincte. Quel mépris, M. le Président! Nous sommes une nation, nous sommes un peuple, nous avons une langue commune, et notre patrie, c'est le Québec, et nous formerons bientôt un peuple souverain, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Nous allons passer maintenant au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je dois avouer que vous avez juste manqué de sauver notre collègue de Saint-Hyacinthe, sauvé par la cloche. Là, il était parti sur «la société distincte, quel mépris!». Quand je pense que le premier ministre du Québec, qui a défendu... Il nous rappelait ça il n'y a pas longtemps, qu'il s'était fait le défenseur de la société distincte. Ce n'est pas tellement gentil pour votre chef de parti, cher collègue de Saint-Hyacinthe.

Mais, en tout cas, je vais aborder le sujet d'aujourd'hui, M. le Président. Et, si vous le voulez, j'aimerais qu'on prenne un angle un peu différent. Peut-être qu'on pourrait commencer en mettant les choses dans le contexte, en rappelant un texte de Michel David assez intéressant – la ministre le connaît sans doute – texte où il dit ceci: «Quand la ministre avait présenté son bouquet de mesures, au début d'avril, elle avait clairement indiqué qu'il n'était pas nécessaire de reconstituer la Commission de protection de la langue française, abolie en 1993. Hier, elle en parlait comme d'un outil essentiel au respect de la Charte.» Et David tire sa conclusion: «Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Entre le début et la fin d'avril, quand ce virage a été effectué, rien de particulier n'est survenu si ce n'est la tenue d'un conseil national du PQ.» Évidemment, M. le Président, ce n'est pas en relation avec la réalité, ce n'est pas en relation avec ce qu'on connaît au niveau de la langue au Québec, c'est en relation avec le Parti québécois.

Pourquoi on soulève le dossier linguistique? J'écoutais les gens de l'autre côté. Je ne dis pas qu'ils ne le pensent pas quand ils parlent, mais je fais juste dire que le fil conducteur de leur position, c'est la peur, c'est le péril en la demeure. Il y en a même qui voient des messages subliminaux dans le fait que ce soit à gauche, que ce soit écrit en français ou en anglais – M. le Président, on aura tout vu quand même, dans l'argumentation – pour essayer de dire que nous sommes en train de disparaître. Et c'est ce fondement, cet argument qui va servir le combat pour l'indépendance. Et c'est la raison pour laquelle nous avons ce débat aujourd'hui, parce qu'il faut ressusciter le combat pour l'indépendance.

Mais d'où vient-il, ce débat, ce combat? Dans les années soixante. Et la question je me pose toujours, c'est: Est-ce que le Québec a changé depuis les années soixante? J'ai compris, de la part des gens d'en face, qu'ils avaient dit que non, le Québec n'avait pas changé, la situation du français périclitait, c'était de plus en plus difficile de voir rayonner le français. C'est ça, la prise de position, et c'est pour ça que la ministre choisit d'avoir des moyens de coercition.

Je voudrais juste prendre un document, M. le Président, on ne le taxera pas d'être biaisé, je vais prendre le document Le français, langue commune , un rapport du Comité interministériel sur la situation de la langue française. Là, vous allez me dire: Est-ce que c'est un comité interministériel du temps des libéraux? Non, c'est un document qui date de mars 1996, qui a été sous la gouverne... «Comité interministériel», certainement que la ministre qui propose le projet de loi est impliquée là-dedans. Et je voudrais juste qu'on regarde c'est quoi, la réalité, qu'est-ce qui s'est passé. «Situation générale...» Je prends certains éléments du rapport. J'encourage tout le monde à le lire, d'ailleurs, surtout ceux qui pensent que nous sommes en train de disparaître. C'est un document qui dit combien le Québec a vu la langue française se développer, rayonner de plus en plus. Et, à chaque fois qu'on tourne un chapitre, on se dit: Et tout ça s'est passé dans le Canada. Ça n'a pas été un empêchement, le Canada. Tantôt, on parlait qu'on était enchaîné: Il faut se libérer du Canada.

On lit ce document-là, qui n'est pas un document du Parti libéral, c'est un document du gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois. «Situation générale. Une très forte majorité de la population, soit 93,5 %, affirme connaître le français, c'est-à-dire capable de soutenir une conversation en français. 58 % sont unilingues français, 35 % sont bilingues, alors que 5,5 % de la population ne peut s'exprimer qu'en anglais. Moins de 1 % des Québécois ne connaissent ni le français ni l'anglais.» Situation générale: 93,5 % des gens affirment qu'ils savent parler le français, au Québec.

On en conviendra, on peut jouer avec les chiffres et se dire que nous sommes 2 % en Amérique du Nord qui parlons français. Est-ce qu'on peut regarder notre territoire – notre collègue de Pointe-aux-Trembles qui nous comparait aux livres d'Astérix et à la Gaule – ce territoire où nous sommes, où nous formons une société? M. le Président, 93,5 % des gens parlent français. Alors, il n'y a pas de péril là, calmons-nous un peu!

Regardons l'évolution de la langue sur le marché du travail. Et, encore une fois, ce n'est pas un document du Parti libéral du Québec. «Les travailleurs de langue maternelle française occupent une place de plus en plus importante sur le marché du travail québécois. En 20 ans, de 1971 à 1991, le pourcentage de travailleurs de langue maternelle française dans la population active du Québec à l'extérieur de la région métropolitaine est passé de 92 % à 94 %. L'augmentation est encore plus sensible dans la région métropolitaine, où ce pourcentage est passé de 63 % à 70 %, soit un gain de sept points de pourcentage. Toujours à Montréal, la part des travailleurs de langue maternelle anglaise – la menace qu'on essayait d'identifier tantôt – toujours à Montréal, la part des travailleurs de langue maternelle anglaise a diminué de façon notable, de 23 % à 14 %, et est inférieure à celle des travailleurs de langue maternelle autre, qui, elle, a augmenté de 2 %, de 14 % à 16 %.» La langue française sur le marché du travail est en plein développement depuis 20 ans. À l'époque où certains des promoteurs de l'indépendance se sont dit: Il faut que ça change, choisissons l'indépendance, ils n'ont regardé que leur projet et ne se sont pas aperçus que la réalité linguistique avait changé. Elle ne soutient plus le combat pour l'indépendance. Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le comité interministériel du Parti québécois, M. le Président.

Certains vont nous dire: On ne croit pas ça; il y a de plus en plus de monde qui parle anglais; il y a une assimilation. Il y a une donnée dans ce rapport qui est intéressante, M. le Président, c'est celle concernant les transferts linguistiques, et on dit ceci: «Quand on veut connaître l'évolution linguistique d'une population, il faut examiner de près un autre facteur qui est celui des transferts linguistiques. Dans le groupe de langue maternelle française – et là, vous allez voir, je ne tronque pas la vérité, je dis tous les chiffres, écoutez bien – dans le groupe de langue maternelle française, 58 000 personnes ont abandonné leur langue pour adopter l'anglais, ce qui représente une diminution de 17 000 par rapport à 1981.» Ah! on pourrait dire: 58 000 qui sont transférés vers l'anglais, et on n'aime pas ça. Pourtant, déjà, c'est 17 000 de moins qu'en 1981. Autrement dit, il y en a moins qui passent comme ça.

Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. Moi, j'essaie d'être objectif. Continuons la phrase. «Ces pertes ont cependant été largement compensées par les personnes de langue maternelle anglaise, 54 300, qui ont transféré, et de langue maternelle autre, 69 400, qui ont adopté le français comme langue le plus souvent parlée à la maison. Notons qu'en 1981 le total des transferts linguistiques vers le français arrivait tout juste à combler les pertes francophones. Pourtant, 10 ans plus tard, c'est un gain net de 65 000.»

Entre les années soixante, soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix, ce n'est que du progrès au niveau de la langue. Or, pourquoi ramener la coercition? Est-ce que ça doit servir de fondement, M. le Président, à choisir l'indépendance comme mode de promotion du français, alors que, dans le cadre de notre fédération, il nous est permis de nous doter, à partir de cette Assemblée nationale, d'outils qui permet d'y arriver? C'est ce que démontrent les chiffres mêmes de la ministre.

(17 h 20)

Vous me signalez qu'il me manque un peu de temps pour compléter mon exposé, je voudrais quand même rappeler ceci, dans le document du gouvernement du Parti québécois: «Selon les résultats de l'étude, on peut donc estimer qu'un étranger qui déambule dans les rues de Montréal retient de l'image linguistique, de l'affichage, la place majoritaire occupée par le français.» Il y a péril, selon le Parti québécois, M. le Président. Moi, je vous dis que tout ceci n'est que façade, n'est qu'une façon de faire croire, de donner l'illusion qu'il y a un danger face auquel il faut se solidariser. Il faudrait qu'on se mette tous ensemble pour se libérer du carcan canadien qui met en péril la langue. Tout au contraire! Lorsqu'on regarde les documents et qu'on les lit comme il faut, on s'aperçoit que, dans le cadre canadien, il nous a été possible d'adopter ces lois à l'Assemblée nationale, il nous a été possible de nous doter de moyens pour faire la promotion du français, il nous a été possible de créer ici une société où la paix linguistique était revenue, si j'en prends les propos du premier ministre, revenue après que les libéraux aient mis dans ce climat, à partir de mesures, de l'ouverture, de la tolérance, de l'inclusion, du respect.

Voilà la recette pour continuer de promouvoir le français tout en faisant la promotion de notre société. Et je pense que la ministre aurait dû s'apercevoir des bienfaits qu'il y a à avoir une société ouverte et respectueuse des autres. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Y a-t-il d'autres intervenants?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons mettre aux voix le rapport de la commission de la culture portant sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal.

M. Bélanger: M. le Président, oui...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.

M. Bélanger: Alors, je fais motion, M. le Président, pour que le vote soit reporté à mardi prochain, en vertu de l'article 100.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ce vote sera reporté à mardi prochain, aux affaires courantes, le 3 juin, dans le cadre des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 3 juin 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nos travaux sont ajournés au mardi 3 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 22)


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