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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, March 3, 2004 - Vol. 38 N° 36

Consultation générale sur le document intitulé Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Comme je le fais quotidiennement, je vous rappelle le mandat: nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et la tenue des auditions publiques sur le document intitulé Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charlebois (Soulanges) va être remplacée par M. Paquin (Saint-Jean); Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), par Mme Richard (Duplessis); et M. Valois (Joliette), par M. Dufour (René-Lévesque).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires est interdit dans la salle, et je fais lecture rapidement de l'ordre du jour. Nous avons un ordre du jour assez chargé aujourd'hui, sept groupes à entendre. Nous allons très bientôt commencer avec Force Jeunesse et Le Pont entre les générations, qui sera suivi par le Parti vert du Québec; la Centrale des syndicats démocratiques. Une suspension, la suspension habituelle, à 12 h 30. Nous allons reprendre à 14 heures avec le Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec; à 15 heures, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec; à 16 heures, le Mouvement des caisses Desjardins; et nous allons terminer la journée avec l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec, à 17 heures.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de Force Jeunesse et Le Pont entre les générations. M. Tittley, Mme Chalvin, bienvenue à cette commission. Vous avez un temps d'une durée maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie évidemment par un échange avec les parlementaires de 20 minutes de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous prierais de débuter votre présentation.

Force Jeunesse et Le Pont entre les générations

M. Tittley (Étienne): Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, Mmes et MM. les parlementaires. Tout d'abord, je dois vous dire qu'on est heureux d'être ici aujourd'hui pour échanger sur un thème qui est quand même important, qui est un pan important, là, de l'architecture sociale québécoise, là, qui est le Régime des rentes. Pour ma part, on a déjà fait ma présentation, je suis Étienne Tittley, je suis président de Force Jeunesse; je suis accompagné de Mme Chalvin, ici, qui est présidente du Pont entre les générations.

D'entrée de jeu, je dirais qu'on est très heureux de collaborer à cette commission parlementaire là. Force Jeunesse s'implique depuis six ans dans les débats de la politique publique, surtout dans l'optique de ce qu'on appelle le choc démographique, avec cette idée-là derrière la tête. Donc de voir que le document de la Régie des rentes fait allusion... le document de consultation fait allusion aux défis qui attendent le Québec, particulièrement en termes de main-d'oeuvre, ça nous interpellait beaucoup.

Donc, à cet égard on est quand même heureux de constater que la réforme qui est proposée s'articule alentour de cette problématique-là ou ce défi-là ? j'aime mieux employer le terme défi ? tout en mentionnant toutefois que ça ne devrait être qu'un premier pas, le Régime de rentes n'étant qu'un aspect, là, de la question, là, ou un levier dont on dispose, là, pour agir sur les effets du vieillissement de la main-d'oeuvre. Donc, on espère que, dans les prochaines années, on va se pencher notamment sur la question de l'aménagement du temps de travail, sur la question des régimes de retraite, et, bon, il y a quelques autres éléments comme ça, la formation continue sur laquelle on devra se pencher pour justement, là, envisager toutes les pistes de solution possibles à l'égard, là, du défi qui nous attend sur le plan de la main-d'oeuvre.

Donc, de façon générale je vous dirais qu'on est relativement en accord avec les principes qui sous-tendent les actions ou qui sous-tendent les propositions d'aménagement. Donc, celle de permettre le maintien en emploi des gens qui le désirent, qu'ils n'aient pas à faire le choix entre la retraite et le travail mais qu'ils puissent faire une transition plus douce, donc, ça, c'est quelque chose qui nous interpelle. Par contre, vous vous douterez bien que, autant Force Jeunesse que du côté du Pont entre les générations, on a une préoccupation à l'égard des effets que ces mesures-là ont sur l'équité entre les différentes générations de travailleurs et de cotisants au régime. Bon.

Les décisions collectives qu'on a prises au cours des 30 dernières années avec le régime ont contribué à accroître ces disparités-là ou les écarts de bénéfices entre les différentes générations de travailleurs. Bon. C'est un fait qui est, maintes et maintes fois, reconnu, notamment par la régie. Donc, on ne peut pas, bien qu'on souscrive, là, au principe de base puis à certaines propositions, on ne peut pas aller de l'avant ou donner notre appui à certaines propositions qui auraient potentiellement pour effet d'accroître les iniquités entre les générations de travailleurs, et particulièrement à l'égard des prochaines générations de travailleurs, celles qui sont nées après 1980, qui vont voir leur taux de cotisation, là, à 9,9 % pour les 40 années de leur vie active et qui vont payer l'équivalent de 195 % de la valeur actuelle de leur rente. Donc, toute modification qui aurait pour effet d'accroître cet écart-là ne peut pas recevoir notre aval.

Néanmoins, sur les aspects de la réforme qui touchent principalement le vieillissement de la main-d'oeuvre, on en retient deux qui sont très intéressantes. La première, c'est de permettre aux gens d'avoir accès à leur rente à 60 ans sans avoir à prendre leur retraite. Je pense que les règles actuelles qui demandent ou qui sont quand même relativement rigides sur les conditions d'admissibilité à 60 ans à la rente ne servent pas vraiment l'intérêt collectif du Québec dans la mesure où il y a énormément de gens, à 60 ans, qui désirent contribuer, continuent à contribuer, qui désirent continuer à s'impliquer sur le plan professionnel, mais qui veulent simplement, là, aller vers une diminution du temps de travail. Donc, en éliminant les critères d'admissibilité à la rente, on estime que c'est de nature à satisfaire, un, aux aspirations de ces gens-là, puis, deux, à répondre aux besoins, là, qui peuvent se manifester, là, au Québec en termes de main-d'oeuvre. Donc, ça, ça reçoit notre aval, d'autant plus que ça devrait avoir peu ou pas d'impact sur le plan actuariel, sur le plan de la capitalisation du régime dans la mesure où la rente est ajustée en fonction du moment où on la prend. Donc, ça, ça reçoit notre aval.

Par ailleurs, compte tenu du fait que la majorité des gens ne reçoivent pas, là, la rente maximale au moment où ils prennent leur retraite, il nous semble logique de maintenir le principe, là, de cotisation au-delà... autrement dit de maintenir le fait que les gens cotisent tant qu'ils travaillent tout en l'accompagnant du fait de pouvoir revaloriser leur rente et de pouvoir bonifier leur rente, là, au fur et à mesure que les cotisations s'engrangent, si vous me permettez l'expression. Donc, ça a des bénéfices évidemment pour le régime et pour les individus qui vont avoir la possibilité, là, d'augmenter la valeur de leur rente, et je crois que c'est à l'avantage de la collectivité.

n (9 h 40) n

Maintenant, à la lecture du document de consultation, à la lecture des principales propositions, je dois dire qu'on a identifié, là, quatre réserves qui sont quand même importantes. La première a trait à la modification de la méthode de calcul. Bon. D'emblée, la régie admet que cette modification-là va avoir pour effet de réduire d'environ 6 % la rente de ceux qui ont un parcours irrégulier dans le monde du travail. Donc, ça, ça nous fait un peu peur dans la mesure où, particulièrement chez les jeunes en bas de 30 ans, les parcours d'intégration dans le marché du travail sont beaucoup plus longs, ce qu'on appelle l'emploi atypique touche 45 % des jeunes en bas de 30 ans, donc... Et ça, c'est une étude du Conseil permanent de la jeunesse qui est de 2001, je crois, qui le cite... qui l'a documenté. Donc, plus clairement, cette situation-là ou cette nouvelle façon de calculer, là, va clairement toucher plus les jeunes que les travailleurs âgés entre 30 ans et 55 ans, là. Et ça, c'est une préoccupation majeure à notre égard, d'autant plus que c'est les gens qui vont avoir contribué probablement le plus, là, en termes nets au régime. Donc, on ne peut pas donner notre aval à une proposition comme celle-là.

La deuxième des choses... la deuxième réserve qu'on a, c'est à l'égard de la modification du facteur d'ajustement actuariel, là, qui prévoit de bonifier de 0,7 % par mois à partir de 65 ans à plutôt que 0,5 % par mois. Essentiellement, il y a deux motivations qui nous amènent à amener des réserves là-dessus. La première des choses, c'est qu'on fait le calcul que, si la rente est disponible à tous sans condition à l'âge de 60 ans, la majorité des gens vont la prendre à 60 ans, donc la majorité des gens vont la prendre dès 60 ans. Donc, cette mesure-là va toucher très, très peu de personnes, donc elle aura très, très peu d'effets, et d'autre part, si tant est qu'il y a des gens qui... que notre analyse ne soit pas bonne puis qu'il y ait des gens qui... qu'il y ait beaucoup de gens qui s'en prévalent. Je doute fort que cette bonification supplémentaire là soit un facteur décisionnel dans le choix des gens de rester en emploi ou de ne pas rester... ou de quitter la vie active essentiellement parce que les principales raisons qui motivent les gens au moment de la retraite, c'est la santé financière et la santé physique, et qu'en termes de santé financière il y a beaucoup d'autres aspects qui sont en jeu, là, entre autres la valeur nette des gens, leur régime de retraite, etc. Donc, chez les gens qui sont aisés, ça n'aura pas d'impact; chez les gens qui le sont moins, ça n'aura pas d'impact non plus parce qu'ils vont faire le choix de continuer à travailler de toute façon. Donc, qu'on se comprenne bien, ça peut avoir une valeur sociétale, là, intéressante, là, dans la mesure où ça pourrait permettre à des gens d'avoir accès à la rente maximale. Toutefois, sur le plan du régime puis sur le plan des effets du régime, des effets de la mesure sur la pénurie de main-d'oeuvre, on pense que ça aura peu ou pas d'effet par rapport aux coûts que ça pourrait impliquer.

Troisième des choses. On est un petit peu inquiets de la situation de la capitalisation du régime. Bon, en 1998, le document de consultation, je pense, faisait état, les prévisions faisaient état, là, d'une réserve de cinq fois les sorties de fonds en 2050. Bon, avec les dernières performances de la Caisse de dépôt qui ont probablement été, là, un petit peu rattrapées par celles de cette année, là, on estimait la réserve en 2050 à 1,2 fois les sorties de fonds. On juge.... Puis là c'est un petit peu l'argumentation de la régie, là, qui nous a surpris dans la mesure où ce qui était très important, là, l'importance que prenait la réserve en 1998, bon, le document de consultation semble relativiser l'importance de cette réserve-là. Par ailleurs, nous, on estime que cette réserve-là va probablement être beaucoup moins forte dans la mesure où les hypothèses en termes de démographie qu'on a utilisées dans le modèle avec un taux de fécondité de 1,6, alors que la tendance est claire, se situe à peu près, là, à 1,45, pourrait nous amener, là, à constater que cette réserve-là va être diminuée, va être encore en dessous de ce qu'on prévoit. Nous, ça nous pose un problème pour une seule raison, c'est que ça fait 30 ans qu'on utilise des hypothèses en termes de fécondité, puis les hypothèses sont relativement réalistes mais optimistes en même temps, et on se rend compte à chaque fois qu'on doit faire des ajustements en fonction des hypothèses qui ne se matérialisent pas et on doit donner un coup de barre. Nous, ce qu'on aurait préféré, c'est qu'on utilise les hypothèses... ou les hypothèses de fécondité actuelles avec les chiffres actuels et, quitte à ce que si l'hypothèse qu'on souhaite se matérialise, c'est-à-dire un certain rehaussement de la natalité de façon structurelle, qu'on puisse répartir les bénéfices que ça apporte entre tous les citoyens, entre les prestataires, entre les cotisants plutôt que dans 10 ou même 15 ans quand on s'apercevra que cet espoir-là ne se sera pas matérialisé, s'il ne se matérialise pas, qu'on doive encore procéder soit à des ajustements, soit en haussant les cotisations ou en diminuant les bénéfices pour les futurs travailleurs. Donc, ça, c'est un autre problème qu'on y voit.

Dernière des choses, la dernière réserve qu'on émet, c'est à l'égard du délai de transition qui est, je pense, de huit ans pour certaines mesures. On conçoit qu'il faut donner le temps aux gens de se préparer, par contre, il y a deux choses qui nous agacent. Première des choses, huit ans, c'est au-delà du cycle normal de consultation de la Régie des rentes, donc on va se retrouver en consultation dans six ans, et la présente réforme ne sera même pas appliquée au complet. Donc, ça, on se pose des questions là-dessus, mais surtout ? et ça, c'est une préoccupation, je pense, qui est présente chez les jeunes travailleurs ? c'est que, probablement, dans cette réforme-là, les mesures les plus douloureuses ou les aspects les moins intéressants de cette réforme-là vont se retrouver à la fin dans l'application, et il y a beaucoup de gens qui ne participeront pas à l'effort qu'on décide de faire. Et, bon, c'est correct de protéger des gens, et on souhaite que ce soit comme ça, mais, par contre, par souci d'équité, on souhaiterait que le délai soit ramené à quelque chose d'un petit peu plus court, là, peut-être quatre ou cinq ans.

Donc, ça complète pour ma part ce que j'avais à vous exposer aujourd'hui. Je vais laisser la parole à Mme Chalvin, puis ça me fera plaisir d'échanger avec vous après.

Le Président (M. Copeman): Mme Chalvin.

Mme Chalvin (Solange): D'accord. Donc, M. le ministre, MM., Mmes les parlementaires, d'abord, Le Pont entre les générations, dire qui nous sommes. Nous sommes un groupe de réflexion et d'action qui existons depuis cinq ans. Nous avons une vingtaine de personnes dont la moitié sont des jeunes entre 20 et 35 ans et l'autre moitié, des aînés de 55 ans et plus. Donc, nous mettons nous-mêmes en action le pont entre les générations. Le Pont a pour objectif de promouvoir l'équité entre les générations, de là notre intérêt bien sûr à cette réforme. Nous sommes convaincus que seule la solidarité entre les générations qui nous suivent, avec les générations qui nous suivent, enfants et petits-enfants, nous permet d'instaurer une société juste et démocratique. C'est par une participation active aux débats de la société que nous comptons y arriver, et nous l'avons déjà fait. Dès 2001, Le Pont rendait publique une étude intitulée Comment assurer l'équité entre les retraités d'aujourd'hui et ceux des générations montantes. Cette étude a été remise à la Régie des rentes et proposait différentes mesures susceptibles d'assurer aux jeunes d'aujourd'hui une retraite à peu près équivalente à celle de leurs aînés, et nous sommes quand même heureux de voir aujourd'hui que, dans certaines des propositions, nous croyons y avoir été pour quelque chose. Il y a quelques idées qu'on avait émises à cette occasion-là qui sont reprises, me semble-t-il, dans le projet de loi. Actuellement, notre groupe travaille sur les enjeux entourant la succession, y compris les héritages, ainsi que ses effets sur la sphère publique et privée. De là pour vous expliquer un peu notre intérêt.

Alors, comment faire pour que cette équité réelle entre notre génération et celle de nos enfants, au moment de la retraite, soit complètement réalisée? Les risques de dérapage soulignés par le président de Force Jeunesse, Étienne Tittley, sont préoccupants. Je n'ai pas l'intention de vous les répéter. Mais je souhaiterais, M. le ministre, que vos conseillers, au moment de la rédaction finale du projet de loi, se mettent aussi bien dans leur propre peau de futurs retraités que dans celle de leurs enfants déjà sur le marché du travail et qui contribuent à l'élaboration de leur futur régime de retraite. Je pense que c'est dans cet esprit-là qu'on peut vraiment bâtir un projet de société. Je souhaite qu'ils se posent la question suivante: Cette proposition permettra-t-elle à mes enfants de maintenir un train de vie équivalent ou inférieur au mien? Je pense que, dans toute réforme, on devrait avoir cette préoccupation de notre génération qui est en cours, mais particulièrement de celle qui nous suit. Si on peut aller à la troisième, de nos petits-enfants, c'est une préoccupation encore plus grande mais difficile, je pense, à réaliser pour un parti politique.

Notre mémoire ne traite pas de la rente par contre de conjoint survivant, vous avez vu sans doute. Toutefois, je souhaiterais ajouter que Le Pont entre les générations appuie les groupes de personnes âgées qui ont réclamé le statu quo à ce sujet et rejette la proposition de Québec fixant à trois ans au lieu de la vie entière le versement de la prestation. Réduire à trois ans la rente du conjoint survivant qui n'est pas à la retraite nous semble inéquitable. La bonification des prestations envers les enfants mineurs est largement souhaitable, par contre ? c'est ce que vous proposez ? mais elle ne devrait pas se faire au détriment des veuves dont les enfants, surtout ont plus de 18 ans, mais, très souvent, vous le savez, dans la société actuelle, demeurent encore à la maison et sont encore à la charge, au niveau des études, de leurs parents. Alors, on pense que cette prestation pourrait fluctuer au gré des revenus, comme c'est actuellement le cas d'ailleurs pour tous les bénéficiaires de cette rente de conjoint survivant, puisque le cumul des deux rentes ne peut jamais dépasser la rente de retraite maximale. Alors, c'est un ajout qui n'est pas évidemment dans notre mémoire, mais nous avons suivi les débats de la commission, nous les avons écoutés, et je souhaitais ajouter cette chose-là.

Alors, je vous remercie beaucoup, M. le ministre, de l'intérêt que vous portez à nos réflexions.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

n (9 h 50) n

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bon matin, tout le monde. Bonjour, Mme Chalvin, M. Tittley. Bienvenue à la commission, ça fait plaisir de vous recevoir, et d'entendre votre présentation, et de lire votre mémoire. Un certain nombre de points extrêmement intéressants, et, juste pour vous mettre un petit peu dans le bain, on a eu toutes sortes de propositions en ce qui a trait à l'équité intergénérationnelle, vous en avez peut-être entendu parler, il y en a des... ça va de modérées à très dures, à politiquement meurtrières à tous les niveaux, et je suis heureux de voir que, dans ce que vous amenez, vous avez un certain nombre de propositions, je dirais, qui sont applicables et qui sont extrêmement intéressantes.

D'abord, je veux saluer le fait qu'on est tous sur la même longueur d'onde au niveau de la réalité démographique qui est devant nous, et l'autre élément, que je vais voir un petit peu avec vous, parce que, dans le fond, vous auriez pu arriver puis dire: Écoutez, on va... pour réajuster justement, comme vous le mentionniez tantôt, pour ceux qui vont cotiser à partir de 9,9 % pour le reste de leur vie et que, finalement, ils vont toucher moins que ceux qui ont cotisé moins dans le passé, donc on pourrait dire qu'on va aller jouer dans les acquis de ceux qui sont déjà... qui se prévalent déjà des rentes au niveau du Régime de rentes du Québec, mais ce que j'en comprends, vous, vous êtes d'accord avec le maintien à 9,9 %, et vous dites: Autant ne pas aller jouer dans les acquis de ceux qui sont déjà dans leurs rentes et autant de ne pas trop faire exprès pour monter les générations les unes contre les autres. Finalement, le maintien du taux de cotisation à 9,9 %, pour vous, c'est un pas dans la bonne direction puis c'est un élément qu'il faut poursuivre.

M. Tittley (Étienne): Bien, en fait, c'est évident. Moi, ce que je ne souhaiterais surtout pas, c'est qu'on diminue maintenant pour l'augmenter plus tard, et ce serait encore plus inéquitable à l'égard des prochaines générations de travailleurs. Bien honnêtement, M. le ministre, je ne peux pas vous dire qu'on s'est sentis respectés, en 1998, avec la dernière réforme de la Régie des rentes. C'est clair qu'on en faisait les frais, que les jeunes travailleurs, puis que les futurs travailleurs en faisaient les frais. Maintenant, si, pour reprendre une expression consacrée, si on veut faire le pont entre les générations, je pense qu'il faut oublier un petit peu ce qui s'est passé puis aller de l'avant et, surtout, je pense qu'il faut commencer par faire le ménage dans sa cour, et je pense que ce ne serait pas responsable de notre part de suggérer une baisse du taux de cotisation quand ça veut dire que les générations de travailleurs de 2030 vont devoir payer 10,5 % ou 11 % ou 12 %. Donc, ça, c'est la première des choses.

Maintenant, c'est clair qu'on aurait pu s'engager dans une voie ou dire: Bon, bien, il faudrait réduire les prestations de ceux qui n'ont pas contribué assez. Pour moi, c'est stérile, parce que, un, ce n'est pas porteur, puis, bon, on travaille dans le domaine du réel, là, je veux dire, donc ce n'est pas très porteur et ce n'est pas très fécond non plus pour la recherche de solutions. Donc, notre mémoire est empreint, je pense, d'un certain pragmatisme, quoiqu'on a encore un arrière-goût très évident, là, on a l'impression de s'en être fait passer une belle en 1998. On vous met juste en garde aujourd'hui, il ne faudrait pas que ces écarts-là s'accroissent, et les quatre réserves qui sont présentes dans le mémoire sont quatre lumières rouges, là, sont quatre drapeaux qu'on lève parce que ce sont quatre propositions potentielles qui vont avoir pour effet d'accroître les iniquités entre les générations.

M. Béchard: O.K. Mais, c'est parce que c'est bien important de le souligner, parce que, effectivement, on pourrait ? et ça, c'est peut-être... j'imagine, c'est Mme Chalvin qui vous évite de tomber dans ces préoccupations-là ? d'un autre côté... de dire: On va aller chercher dans les acquis de ceux qui profitent déjà du Régime de rentes du Québec, mais ça maintient un bon équilibre et ça montre aussi qu'il y a possiblement toutes sortes de solutions plutôt que de dire: À qui on en enlève et à qui on en donne? Moi, je peux vous dire que c'est un des principes de base de la révision qu'on fait actuellement. On a ouvert sur beaucoup de choses, il y a beaucoup de propositions qui nous ont été amenées, elles sont extrêmement intéressantes, mais, sur les taux de cotisation, on ne bougera pas. C'est une question d'équité, puis, comme vous le dites, on ne veut pas donner l'impression de baisser pour pouvoir augmenter plus tard, ou encore l'autre choix qui pourrait être là, c'est de dire: On va l'augmenter pour faire plus encore avec le Régime de rentes. Là, on arrive à se poser la question: C'est quoi, les limites du Régime de rentes? À quoi il doit servir? Ce n'est pas une mesure sociale, c'est un régime de rentes. Alors, il y a d'autres mesures pour ça.

Mais je veux... Sur un des sujets qui est amené et sur lequel vous avez à la fois, je pense, le même constat que nous sur l'importance de faire, mais aussi vous avez une réserve sur un des moyens que l'on prend, c'est sur ce qu'on amène au niveau des retraites progressives. Vous êtes d'accord avec le fait qu'on puisse combiner un revenu de travail à un revenu de retraite pour les 60-65 ans, mais par la suite vous arrivez en disant: Mais le 0,7 % de bonification n'aura peut-être pas l'effet recherché puis ne sera peut-être pas si important que ça dans le choix des gens de continuer ou pas à travailler. Mais il y a aussi ce que vous amenez sur la formule, le fameux 15 %, là, de retirer le 15 %. Sur l'ensemble de ces trois éléments-là, parce qu'on est conscients aussi des limites du Régime de rentes, on ne peut pas, en modifiant le Régime de rentes, dire que: Voici une mesure formidable qui va être... qui va propulser à l'avant-garde le Québec au niveau des retraites progressives, c'est un des outils parmi tant d'autres. Et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre à la fois sur le 15 %, parce qu'il y a parfois... est-ce que vraiment l'effet... puis je comprends au niveau des travailleurs atypiques, travailleurs autonomes, au niveau des gens qui ont des parcours, qui vont en formation, qui reviennent sur le marché du travail, ça peut être vu comme bonifiant. Mais aussi pour... peut-être qu'il y a des effets indirects pour certaines catégories de travailleurs où ce 15 % là n'aura à peu près pas d'effets. Et je veux voir avec vous sur le fait que vous me dites que le 0,7 % de bonification, peut-être que ça ne donnerait rien. Moi, là-dessus, je me dis: Au moins ça envoie un signal extrêmement intéressant, ça nous donne la possibilité de faire quelque chose sur une base volontaire, de proposer quelque chose aux gens. Et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre là-dessus, là, sur les deux points: le 15 % et le 0,7 du facteur d'ajustement actuariel.

M. Tittley (Étienne): Mais, avant toute chose, je pense qu'il est important de spécifier qu'on déplore un peu le fait que dans les documentations que vous... dans la documentation de consultation, il n'y ait pas eu de données actuarielles ou de projections actuarielles macros sur l'effet des propositions, ou sur la réserve, puis tout ça. Moi, j'aurais aimé ça avoir ça. Et, je ne le sais pas, peut-être que mon analyse aurait été différente. Donc, comme actionnaire, entre guillemets, du Régime des rentes, je pense que ça aurait été intéressant de l'avoir pour formuler les meilleures propositions possibles.

Maintenant, je pense que, d'abord et avant tout, ce qui va garder les gens au travail, c'est de ne pas avoir à faire le choix entre la rente et le travail, parce que, hein, je ne crois pas que la rente soit sincèrement un grand ? puis là, bien, d'autres pourront me le dire mieux que moi... parce que je suis quand même à quelques années de ma retraite, là ? mais... donc... Mais je pense qu'il y a d'autres facteurs beaucoup plus importants qui motivent les gens au moment... ou qui rentrent dans l'analyse des gens au moment où ils font le choix de rester dans la vie active ou d'aller vers la retraite. Donc, je pense qu'en éliminant cet irritant-là, je pense que tout le monde, ou la grande majorité des gens, vont prendre leur retraite à 60 ans, bon, vont prendre la rente à 60 ans ? pardon, excusez-moi ? et vont continuer à travailler, à s'impliquer dans la collectivité, et c'est ce qu'on souhaite. Puis le gros mérite de cette proposition-là, c'est qu'elle n'a pas d'effet sur la réserve ou, théoriquement, hein, tu sais, bon, si on ajuste la rente de façon actuarielle, il ne devrait pas y avoir... ça ne devrait pas avoir d'impact sur le plan de la réserve.

Le problème avec cette proposition-là, c'est que, si tout le monde la prend à 60 ans, il y a très peu de gens qui vont être admissibles à cette bonification-là. Donc, au-delà du signal que ça envoie, je veux dire, ça a une portée pratique limitée, mais je ne pense pas que ce 0,2 % supplémentaire là va avoir d'effets sur le... ou d'influence sur la décision des gens à 65 ans. Donc, c'est pour cette raison-là qu'on juge que, coûts-bénéfices, bon, ça a peu ou pas de portée pratique, bon, au-delà du signal que ça envoie. Mais je pense que le plus grand signal que le ministre peut envoyer ou que le Régime de rentes peut envoyer, c'est le fait que cette rente-là soit disponible dès 60 ans et continuer à travailler, si vous le souhaitez, on est pleinement d'accord avec ça. On ne vous force pas à vous retirer de la vie active, je pense que c'est là le principal signal.

Maintenant, sur le 15 %, mon problème, c'est que c'est particulièrement les jeunes qui vont être touchés par cette mesure-là, et on leur demande déjà un sacrifice important parce qu'ils vont cotiser à 9,9 % durant toute leur vie active pour la même rente que leurs aînés, et ça, moi, déjà là, c'est un facteur d'iniquité. Je pense que ça a été bien documenté puis je ne reviendrai pas là-dessus. Mais, si on enlève ça, si on enlève cette mesure-là ou si on modifie cette façon de calculer là, ça va être... ça va désavantager plus de jeunes que d'autres de la façon relative, là, évidemment les cohortes sont plus petites, là. Mais de façon relative, ça va toucher plus de jeunes que d'autres et ça va être propre à accroître cette iniquité-là entre les générations. Donc, les jeunes font plus que leur part. Les jeunes travailleurs font plus que leur part, les futurs jeunes travailleurs là, encore plus. Je pense qu'on leur doit au moins, bien, ça, parce que c'est vrai qu'ils cotisent plus tôt, ces jeunes travailleurs là, mais ils font des faibles cotisations plus longtemps parce que leur intégration pleine et entière sur le marché du travail est beaucoup plus longue. Donc, le nombre d'années auxquelles ils cotisent pleinement au régime est moins grand que leurs aînés.

Le Président (M. Copeman): Mais, si vous me permettez, M. Tittley. Sur la question de l'âge de la retraite...

M. Tittley (Étienne): Oui.

n (10 heures) n

Le Président (M. Copeman): ...vous émettez l'hypothèse qu'à cause de la bonification de 0,7 % par mois il y aura très peu de monde qui vont la prendre parce que tout le monde va... je pense que vous dites que la plupart des travailleurs vont le prendre à 60 ans. Vous ne croyez pas que... parce que la pénalité actuarielle de 0,5 % par mois s'applique toujours ou s'appliquerait toujours aux travailleurs entre l'âge de 60 et 65 ans... Vous ne pensez pas que c'est un effet dissuasif, cette pénalité actuarielle là, dans le sens que, à l'âge de 60 ans, si on le prend, on diminue la rente de 30 %?

M. Tittley (Étienne): Tout à fait, mais les gens en bénéficient pendant plus longtemps, là, donc. Et je pense que les conseillers financiers vont se faire un devoir d'expliquer que... je pense que, si on a une espérance de vie au-delà de 80 ans, c'est peut-être avantageux de la prendre à 65 ans. Si on a une espérance de vie en bas de 80 ans, c'est plus avantageux de la prendre à 60 ans, là, puis ça, c'est un... je ne me rappelle plus du chiffre exact ou de l'âge exact, là, mais, toujours est-il que, d'après moi, les gens, sur la foi du conseil de leur conseiller financier, vont faire le choix d'avoir la rente maintenant et plus longtemps.

Le Président (M. Copeman): O.K. M. le ministre.

M. Béchard: Bien, on n'est jamais vraiment sûrs des résultats là-dessus, sur les espérances de vie.

M. Tittley (Étienne): C'est ça.

M. Béchard: Je voulais continuer là-dessus, sur les retraites progressives. Vous, est-ce que vous auriez d'autres moyens à nous proposer? Est-ce que vous auriez d'autres outils qu'on pourrait mettre en place à l'intérieur du Régime de rentes? Je comprends 0,7, vous avez des réserves. Mais est-ce qu'il y a autre chose, selon vous, qui pourrait être mis dans le Régime de rentes et nous permettre d'atteindre ces mêmes objectifs là?

M. Tittley (Étienne): À mon point de vue, le Régime de rentes offre un potentiel d'influence assez limité sur le comportement des gens ? au-delà du message qu'il envoie ? et il y avait un principal irritant et c'était celui-là.

Pour moi, ce qui va avoir beaucoup plus d'influence, c'est de se pencher sur l'aménagement du temps de travail. Les gens plus âgés, en fin de parcours, généralement veulent une réduction de leur temps de travail plus qu'un arrêt de leur temps de travail, là, un arrêt de leur contribution. Donc, je pense que c'est surtout là qu'il faut tabler.

Il faut peut-être regarder du côté des régimes de retraite privés, de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Il y a peut-être des aménagements à apporter là, et je ne suis pas prêt à en faire un exposé ici, là, on ne s'est pas penchés là-dessus. Mais on présume que, si les gens tirent 70 % de leur revenu de leur rente de retraite, ils vont peut-être plus être influencés par le montant de cette rente-là puis les conditions d'accès à cette rente-là qu'à celle de la Régie des rentes. Donc, on calcule que, sur le plan financier puis sur le plan législatif, je pense que c'est peut-être là qu'il faut plus tabler, toujours avec un souci d'équité entre les générations, là.

Mais, pour ce qui est du régime, je pense que la principale mesure, en fait, qui est tout simplement un irritant ou un, enfin, un frein à la contribution des gens, c'est de retirer, là, la... c'est de rendre accessible la rente à 60 à tout le monde. À part de ça, on n'a pas fait un éventail exhaustif, là, des autres moyens qui pourraient s'appliquer, là, calculant que c'est un outil qui a quand même un effet limité sur le comportement des gens, là.

M. Béchard: Deux... Oui?

Le Président (M. Copeman): Mme Chalvin.

Mme Chalvin (Solange): Oui. Je souhaiterais ajouter aussi qu'il y a peut-être un problème à prévoir. Est-ce que ce ne sont pas les gens qui sont les plus pauvres, les travailleurs les plus pauvres, qui ont trimé dur toute leur vie, qui vont être les plus portés à quitter le milieu du travail rapidement? Et ce sont ceux qui, généralement, n'ont pas de retraite complémentaire, n'ont pas de REER ou peu, ou etc. Donc, je pense que ça devrait être à étudier aussi, l'envie de ces gens-là d'abandonner le travail.

Par contre, les professionnels ou les gens de la classe moyenne qui ont d'autres types de retraite, etc., est-ce qu'ils ne seront pas, eux, portés à profiter de ce système-là? On n'a pas fait l'étude, effectivement, mais il semble qu'il peut y avoir, en tout cas, un déséquilibre.

M. Béchard: Deux autres points rapidement sur lesquels je vais échanger avec vous. D'abord, au niveau de la question des rentes d'invalidité, j'aimerais voir... est-ce que, parce que... à la page 9 de votre mémoire, vous en parlez, au niveau des objectifs de la Régie des rentes du Québec en ce qui a trait aux rentes d'invalidité. J'aimerais savoir, vous, votre position là-dessus, de façon claire, au niveau de la proposition qu'il y a sur la table par la Régie des rentes de mettre fin aux rentes d'invalidité à 60 ans, tel que présenté ou proposé dans le document. Quelle est votre position là-dessus?

M. Tittley (Étienne): Écoutez, c'est peut-être le seul point où il y a une certaine divergence d'opinions entre Le Pont entre les générations et Force Jeunesse là-dessus, et je pense que la préoccupation du Pont est à l'effet des cohortes plus âgées, une préoccupation qu'on partage par ailleurs.

Moi, je me rends à l'argumentation de la régie à l'effet que les taux d'activité chez les populations plus jeunes sont plus forts, que la scolarisation est plus forte puis que la répartition des revenus est probablement meilleure. Donc, clairement, pour une génération comme la nôtre, la rente permanente est peut-être moins... un peu moins nécessaire, puis, effectivement, la nouvelle réalité, là, disons, des familles puis, bon, la situation des familles nous porte à croire que rapprocher les prestations des réels bénéficiaires qui sont les enfants, ça peut être intéressant.

Maintenant, on est tout à fait sur la même ligne de pensée, sur la même longueur d'onde, Le Pont entre les générations et Force Jeunesse, sur le fait qu'il ne faut pas abandonner personne non plus et que, pour les cohortes les plus âgées, bien, je pense qu'il faut maintenir un grand, grand délai de transition, là. C'est peut-être la seule nuance que j'apporterais, là, parce qu'à l'origine on ne s'était pas penchés sur cet aspect-là de la question, considérant qu'on n'avait pas d'expertise particulière ou d'ajout particulier à faire sur la question, mais, puisque le débat s'est orienté là-dessus, je pense qu'on peut se permettre d'intervenir et d'exprimer certaines positions de principe. Et, effectivement, moi, je serais très mal à l'aise qu'on laisse tomber des gens, parce que, somme toute, je ne sais pas quel impact... puis, encore là, j'en reviens à la même chose, je ne sais pas quel impact ça peut avoir sur les réserves, sur la capitalisation du régime, et tout ça. Je présume que ça doit être relativement faible et qu'à ce compte-là, je veux dire, pour gratter des bouts de tiroir, ça ne vaut pas nécessairement la peine de laisser des gens dans la misère, là.

M. Béchard: L'autre point que je voulais discuter un peu avec vous, parce que vous en avez parlé plus dans votre présentation que dans le mémoire, c'est toute la question des rentes de conjoint survivant. Vous en avez parlé un petit peu à la fin de votre présentation, Mme Chalvin, et je voulais voir avec vous. Vous êtes d'accord avec le fait qu'on doit orienter davantage l'aide vers les enfants, donc répondre aux nouvelles réalités familiales, et tout ça, mais vous avez mentionné, si je me souviens bien, qu'il ne fallait pas qu'un se fasse au détriment de l'autre.

Mais on se situe toujours dans le contexte où on veut garder le même taux de capitalisation à 9,9 et qu'on ne veut pas l'augmenter, qu'on essaie à l'intérieur de tout ça de maintenir le régime dans une santé financière qui est bonne; donc, il y a un certain nombre de choix, à un moment donné, à faire.

Et c'est pour ça que je voulais voir avec vous, sur le fait... parce qu'on a eu toutes sortes de propositions, il y a des gens qui nous ont dit carrément qu'une rente viagère pour un conjoint survivant, il fallait mettre fin à ça; d'autres nous ont dit qu'il fallait peut-être tenir compte de certaines situations, qu'il y ait des enfants, qu'il n'y ait pas d'enfants, pendant une certaine période de temps.

Alors, j'aimerais voir, vous, votre position: Est-ce que vous souhaitez qu'on oriente, si je comprends bien, l'aide davantage vers les enfants? Mais, au niveau de la rente des conjoints survivants, est-ce que vous souhaitez qu'on garde un modèle de rente viagère? Est-ce que vous souhaitez qu'on le catégorise peut-être selon certaines situations? Quelles seraient les propositions que vous auriez à nous faire là-dessus?

M. Tittley (Étienne): Encore là, c'est très difficile d'émettre une opinion sans connaître la valeur de ces propositions-là sur le plan actuariel. Et là... enfin, on se comprend sur le fait que, enfin, les aménagements à la rente de retraite représentent, représentent des effets ou occasionnent des effets importants sur la capitalisation du régime, je me questionne sur l'effet sur la capitalisation de régimes qui sont secondaires dans le grand Régime de rentes, que ce soit le conjoint survivant ou l'invalidité, qui ont moins d'impact sur la viabilité financière.

Ce faisant, j'émets le même commentaire: je pense que, si la réforme fait en sorte que des gens tombent dans la misère, je pense qu'on passe à côté de la question. Je veux dire, on a un principe... c'est un régime de rentes mais c'est aussi une forme d'assurance, puis pour laquelle on paie tous une certaine prime de façon philosophique, là. Donc, moi, je crois qu'on devrait maintenir une couverture adéquate, ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas la moduler en fonction des réelles situations, mais c'est une réflexion, pour moi, qui est primaire parce qu'on n'a vraiment pas étudié la question à fond.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme Chalvin.

Mme Chalvin (Solange): Oui. Bien, je partage tout à fait ça... que je voudrais ajouter, c'est que, quand on parle d'enfants dans notre société, on parle en général d'enfants mineurs bien sûr, et que de plus en plus, vous le savez, la société a changé et il y a des enfants aux études qui demeurent avec des conjointes survivantes, ça pourrait être mon cas, etc., et tout. Et donc je pense qu'il y a aussi... on doit considérer les obligations familiales et non pas seulement l'enfant mineur, parce qu'il y a des obligations vis-à-vis des enfants majeurs qui sont aux études, et ça, il n'en est pas question jamais, nulle part, et je pense qu'il y a une grande différence entre une conjointe qui n'a pas d'enfants et une autre qui a des enfants qui sont aux études. Et ça, je souhaiterais que ce soit élargi, en tout cas qu'il y ait une possibilité de tenir compte des besoins réels de la famille. Et c'est pour ça que je parlais aussi de revenus: Est-ce que ça ne peut pas aussi être modulé selon les revenus des personnes?

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée de Mirabel et porte-parole de l'opposition officielle en matière de régime de rentes et de retraite.

n (10 h 10) n

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. M. Tittley, Mme Chalvin, bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire, d'autant plus que je vous félicite parce que ces deux organismes qui se sont unis pour présenter ce mémoire est une belle preuve que c'est possible de parler de nécessité d'une équité intergénérationnelle, et je suis contente, comme porte-parole pour l'opposition officielle en matière de régime de rentes et de retraite, de voir que vous vous intéressez aux jeunes générations. On a eu beaucoup de mémoires qui ont parlé des aînés, et nous sommes très heureux, mais je suis très heureuse en particulier de la présentation de ce mémoire.

M. le ministre, tantôt, a parlé de certaines propositions meurtrières, et, moi, j'aimerais vous entendre sur une proposition meurtrière pour les aînés à l'effet qu'il y a des actuaires-conseils qui ont proposé, la semaine dernière, que les personnes âgées acceptent une baisse de 50 % de l'indexation annuelle versée par la Régie des rentes. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Tittley (Étienne): C'est le temps...

Mme Chalvin (Solange): On va répondre de façon meurtrière.

M. Tittley (Étienne): Oui, oui, oui. Écoutez, oui, c'est difficile de répondre à brûle-pourpoint. Bien humblement, je ne l'attendais pas, celle-là. Ceci dit, écoutez, encore là, est-ce que cette mesure-là va avoir un réel impact? Je présume que, s'il y a des actuaires-conseils, c'est qu'ils ont fait une étude approfondie de l'effet de cette proposition-là sur la capitalisation du régime. Maintenant, bon, encore là, si ça fait en sorte que ça met des gens dans la misère, c'est quelque chose qui n'est pas nécessairement acceptable. Si ça fait en sorte que plus de gens retirent le supplément de revenu garanti puis que ça contribue à réduire le déséquilibre fiscal, bien, c'est fantastique. Mais, ceci dit ? c'est une boutade que je lance, là, mais ? je n'ai pas de réelle opinion là-dessus. Je pense qu'il faut voir cette modification-là non pas comme un arbitrage entre les générations ou entre les différentes catégories de participants au régime, qu'ils soient cotisants ou contributeurs ou bénéficiaires. Au contraire, je pense qu'il faut voir ça... il faut que chacun y mette sa part, puis je pense qu'avec ça on va arriver à maintenir un équilibre puis à maintenir un régime viable.

Maintenant, vous n'aurez pas de polémique avec moi aujourd'hui. Enfin, ce qu'on a garanti aux gens, je pense qu'il faut le maintenir. C'est une simple question d'éthique, de morale puis d'honneur, et je ne vois pas, là, comment ça pourrait être applicable, premièrement, puis comment ça pourrait se justifier sur le plan moral.

Le Président (M. Copeman): Mme Chalvin, oui.

Mme Chalvin (Solange): Oui. Bien, évidemment, j'aimerais ajouter que, si on considère que les rentes ou la Régie des rentes, c'est une police d'assurance, je ne vois pas comment, au moment où on peut toucher son assurance, on viendrait la couper comme ça de 50 %. Je ne vois vraiment pas ce qui peut exister. Quand des gens ont cotisé toute leur vie pour payer une assurance, normalement ils reçoivent l'assurance soit à leur mort ou soit selon les choses qui arrivent dans la vie. Donc, ça me semble assez... totalement inéquitable et injuste comme façon de penser.

M. Tittley (Étienne): J'ajouterais cependant qu'il est inévitable que nos élites politiques éventuellement mettent en place ou mettent de l'avant certaines propositions qu'on qualifie aujourd'hui de meurtrières. Ce que je peux vous dire, si on les juge meurtrières maintenant, dans 20 ans elles ne seront pas moins meurtrières, elles ne feront pas moins mal, et ça, c'est un commentaire général que j'adresserai aux parlementaires, là, qui ne touche pas nécessairement le Régime de rentes mais qui touche à une foule de dossiers, là.

Mme Beaudoin: Ces actuaires-conseils-là proposaient ça parce qu'ils disaient que, d'ici une vingtaine d'années, la baisse du taux de cotisation entre 7 % et 8 %, ce serait comme un taux qui... ça deviendrait comme le taux antérieur. C'était le but, là, de cette proposition. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Tittley (Étienne): Écoutez, moi, avant tout, là, je souhaite qu'on change la dynamique entre les différentes générations de participants au régime, et je souhaite que, dorénavant, on gère ce régime-là avec une perspective de long terme et qu'on ne le livre pas aux intérêts à court terme d'abord et avant tout. On l'a trop fait. Entre 1965 et 1998, on a laissé pourrir une situation, sachant qu'on aurait à l'affronter un jour. Moi, je pense qu'on doit surtout apprendre de ce passé-là et gérer le régime avec une nouvelle approche.

Est-ce que ça inclut de faire certains sacrifices pour maintenir l'équilibre du régime? Je pense que oui. Est-ce que ça inclut que ce soit toujours les jeunes qui en fassent les frais? Évidemment, non. Est-ce que ça demande pour autant qu'on enlève le pain de la bouche ? le terme est peut-être un peu fort ? mais qu'on aille chercher, dans les poches de ceux à qui on a déjà garanti des rentes, une partie des efforts, sur le plan moral, j'ai un petit peu de misère avec ça.

Mme Beaudoin: À la lecture de votre mémoire également, on comprend que vous jugez minimes les propositions soumises par le ministre. Qu'est-ce que vous proposez au législateur pour arriver à cet objectif, là, de rétention?

M. Tittley (Étienne): Bien, en fait, pour en revenir à notre propos, je pense que ce qu'il y a à faire avec le Régime de rentes se retrouve dans le document, donc rendre accessible la cotisation... la rente, pardon, à 60 ans sans conditions, d'une part, et permettre aux gens de continuer à contribuer et de pouvoir revaloriser leur rente, même s'ils touchent une rente alors qu'ils sont au travail. Ça, c'est les deux principales mesures qui, je pense, peuvent avoir un effet, du moins sur le plan du Régime de rentes.

Maintenant, si on veut garder les gens au travail ou si on veut inciter les gens à continuer à contribuer ? on ne parle pas de forcer les gens, là ? je pense que, un, il faut procéder à des aménagements aux régimes complémentaires de retraite, à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, et je ne suis pas en mesure de vous soumettre des propositions à cet égard-là aujourd'hui.

Je pense qu'il faut se pencher sur la question de la formation continue, particulièrement chez les travailleurs âgés, parce que souvent certaines personnes voudraient continuer à contribuer, mais le marché juge qu'ils ne satisferont peut-être plus aux besoins ou à leurs critères, donc il faut se pencher sur cette question-là.

Et, la troisième des choses, la question de l'aménagement du temps de travail, et ça, ce n'est peut-être pas une mesure législative, mais je pense que c'est une réflexion qu'on doit tous faire, à formuler des packages, là ? le terme n'est peut-être pas élégant, là ? mais reformuler l'aménagement du temps de travail pour permettre aux jeunes de prendre de l'espace, justement, mais de bénéficier aussi d'un mentor qui veut continuer à contribuer mais peut-être à moins large échelle qu'auparavant. Je pense que c'est les trois axes principaux sur lesquels on devrait se pencher si on veut faire face à la pénurie de main-d'oeuvre au-delà du Régime de rentes.

Mme Beaudoin: Mais, lorsque vous mentionnez les quatre risques comme tels, vous parlez du mode de calcul de la rente évidemment, est-ce que vous avez tenu compte du décrochage scolaire actuel? Parce que, vous, vous dites: Ça va affecter les jeunes travailleurs, notamment par les cheminements scolaires plus longs et la montée du travail atypique. Alors, que faites-vous du présent décrochage scolaire?

M. Tittley (Étienne): Dans le contexte actuel, je pense qu'on ne peut pas se permettre de perdre des ressources, on ne peut pas se permettre de ne pas investir dans les ressources humaines qui vont nous profiter pendant les 30 ou 40 prochaines années. Donc, toute la question du décrochage, c'est une question sérieuse, puis je pense qu'il faut probablement adapter des parcours d'études en fonction peut-être d'une réalité qui leur convient, qui convient à ces gens-là.

Par ailleurs... me lancer sur une autre piste, la question du suicide chez les jeunes, chez les jeunes hommes aussi particulièrement, c'est une autre question, laquelle on devrait se poser, si on s'attarde à la question de la pénurie de main-d'oeuvre en général. Donc, le sujet est large, tu sais; on ne peut pas se permettre d'avoir le plus haut taux de suicide quand... puis c'est du bon potentiel qui se perd.

Donc, il y a une foule de questions qu'il faut se poser, ça déborde largement la question de la commission parlementaire. Je suis content qu'on ait l'occasion d'amorcer un débat sur cette question-là ici aujourd'hui, à l'occasion de la réforme de la Régie des rentes. Mais je pense que ça interpelle beaucoup de fonctions, je pense, de l'État, que ce soit la santé, que ce soient les services sociaux, que ce soient l'éducation, la formation, ça interpelle tout le monde.

Mme Beaudoin: Et, dans votre deuxième facteur de risque, là, vous mentionnez la modification du facteur d'ajustement actuariel. Moi, j'ai une question très courte concernant ce sujet: Est-ce que vous pensez qu'elle n'est pas suffisante, est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'elle augmente, même jusqu'à 1 %? C'est hypothétique, là, mais...

M. Tittley (Étienne): En fait, nous, le calcul qu'on fait, c'est que coûts-bénéfices, ça n'aura pas d'impact, donc les gens ne feront pas le choix de retarder leur retraite parce qu'ils ont la bonification de 0,7 % ou 1 %; les gens vont le faire pour d'autres considérations. D'autant plus, s'ils ont déjà commencé à toucher leur rente à 60 ans, ils ne seront pas admissibles à ce 0,7 % là à partir de 65 ans ou ce 1 % là, donc... d'autant plus qu'elle ne s'appliquera pas à partir du moment où ils ont atteint la rente maximum. Donc, ça a une portée très, très, très limitée, ça a plus valeur de symbole, puis ça peut représenter des coûts qui ne serviront pas les objectifs. Donc, c'est la simple réserve qu'on émet. Donc, ça peut représenter des coûts, ça a le potentiel d'influencer très peu de gens, on voit mal la réelle nécessité d'implanter une mesure comme celle-là, là. Donc, on voit plus d'inconvénients que d'avantages.

Mme Beaudoin: Si je comprends bien, vous parlez plus de qualité de vie que de...

n (10 h 20) n

M. Tittley (Étienne): Oui, tout à fait. Je pense que ce qui influence les gens dans leur motivation à rester au travail ou à quitter la vie active, c'est d'abord la qualité de vie, c'est d'abord des arbitrages de qualité de vie, puis ça, Mme Chalvin est peut-être plus en mesure d'en parler que moi. Mais je pense que la santé financière globale des gens puis la santé physique font beaucoup plus pour leur décision de se retirer ou de rester dans le monde du travail que le fait qu'on va avoir 440 $ ou 470 $ de rente si on attend six mois ou si on attend un an. Je ne vois pas à quel point ça peut motiver les gens à rester au travail, vraiment.

Mme Chalvin (Solange): Bien, j'ajouterais peut-être à ça que, de toute évidence, il faut penser que, quand vous prenez votre retraite, ce n'est pas le 440 $ de la Régie des rentes qui va vous inciter à prendre votre retraite ou à ne pas la prendre, on crève de faim avec 440 $ par mois. Ça fait que, je veux dire, il y a tellement d'autres considérations, et ce n'est pas parce que ça va être augmenté de 440 $ à 450 $ ou 455 $ que ça va aussi vous faire une décision, je veux dire, la décision de prendre sa retraite, je veux dire, pour des gens qui n'ont pas de retraite complémentaire, qui pourraient à la limite toucher peut-être le surplus du fédéral, mais c'est un calcul qui fait partie de la pauvreté, il faut être très clair avec ça. Je veux dire, ce sont les autres éléments que le citoyen a réussi à s'accumuler toute sa vie qui font en sorte qu'il peut prendre sa retraite plus jeune ou plus âgé, mais ce n'est certainement pas uniquement les prestations de la Régie des rentes.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. Tittley, Mme Chalvin, merci beaucoup de votre présentation. Effectivement, je pense que vous visez juste en précisant que le facteur d'ajustement actuariel ne peut changer la décision. Ce que vous présentez comme argument aussi au niveau de la pauvreté, c'est réel, mais, quand on sait que 58 % des Québécois et des Québécoises ont ce seul régime, donc c'est évident qu'avant de prendre la retraite on y pense sérieusement. Et vous avez aussi abordé, M. Tittley, l'autre élément qui parfois n'est absolument pas volontaire. Beaucoup de personnes ne souhaitent pas prendre la retraite, mais le marché du travail peut considérer qu'effectivement ces personnes-là, pour toutes sortes de raisons ? besoin de formation continue, besoin de changement au niveau des marchés... décider qu'on n'offre plus la possibilité aux personnes de continuer le travail. Donc, ces modifications-là vont être aussi importantes que des modifications au Régime de rentes pour apporter des changements.

Je pense que, dans le facteur de risque que vous identifiez comme important, conséquence importante pour les jeunes, le fameux 15 %, il est réel. Je pense que, s'il y avait un élément, là, majeur dans ce que vous avez présenté, là, à retenir, c'est effectivement le fait que le 15 % est une mesure pénalisante qui s'ajoute au niveau des jeunes et elle s'ajoute aussi au niveau des femmes, et donc doublement pénalisante pour les jeunes femmes.

Et, au niveau du travail atypique, quand on a travaillé au niveau du rapport Bernier, c'est très clair, on est rendu à 33 % de travail atypique, travailleurs ou travailleuses autonomes. Donc, c'est une nouvelle génération de travailleuses et de travailleurs. Donc, le tiers, c'est beaucoup. Donc, il va y avoir des conséquences extrêmement importantes, et je pense qu'à ce niveau-là ce serait important que votre recommandation à l'effet de modifier, là, de ne pas venir toucher au 15 %, est-ce que vous seriez en accord avec la proposition de quelques syndicats et quelques groupes de femmes concernant le 15-42?

M. Tittley (Étienne): Je pense qu'il faudrait m'en donner les détails, là. Donc, il faudrait me l'expliciter, parce que, sincèrement, je ne suis pas au courant des fins détails de cette proposition-là, mais j'imagine, tu sais, qu'il y a sûrement des solutions alternatives, là, à présenter.

Mme Caron: Pour vous, l'important dans le fond, c'est qu'il faut qu'on s'assure que qu'est-ce qui amenait la protection du 15 % soit maintenu.

M. Tittley (Étienne): Oui, tout à fait.

Mme Caron: Si on peut la maintenir par une autre formule ? du 15-42, qui sera à évaluer ? ou...

M. Tittley (Étienne): Tout à fait, d'une part. D'autre part, je vous dirais que ? j'en profite, parce que vous me lancez la balle sur le rapport Bernier ? je m'explique mal pourquoi il n'y a pas eu de suivi là-dessus encore, là. Je veux dire, le travail atypique, le travail autonome, ça représente, là, quasiment le tiers de l'emploi aujourd'hui. Ça veut dire qu'il y a un travailleur sur trois actuellement qui n'est pas couvert par les grandes protections sociales, et ça inclut aussi la Régie des rentes dans une certaine mesure, là, parce que c'est plus complexe, là, pour quelqu'un qui est travailleur autonome. Donc, moi, je m'explique mal pourquoi il n'y a pas eu de suivi là-dessus.

Cela étant, moi, je tiens à ce que, les travailleurs qui ont un parcours irrégulier, on reconnaisse leur situation et qu'on adapte un petit peu le régime pour refléter leur réalité, et ça inclut les jeunes et, effectivement, les femmes. Je ne l'ai pas mentionné, hein, parce qu'on n'est pas la Fédération des femmes, probablement, là, mais, effectivement, on reconnaît d'emblée que ça touche plus les femmes que les hommes. Donc, il faut absolument prévoir une formule là-dessus, d'autant qu'il y a une question d'équité intergénérationnelle là-dedans, là.

Mme Caron: Oui. Par rapport au rapport Bernier, j'ai les mêmes inquiétudes que vous, d'autant plus que j'ai participé à toutes les consultations avec l'ex-ministre du Travail Jean Rochon et que je sais très bien qu'il avait ramassé l'ensemble des consultations et déposé certaines recommandations.

Mme Chalvin, je voudrais revenir sur la rente de conjoint survivant. Vous l'avez abordée à juste titre et vous avez parlé... dans le fond, votre proposition est un petit peu comme celle de la FADOQ à l'effet de tenir compte des revenus au niveau des conjointes survivantes ou des conjoints survivants, et vous apportez la question de l'obligation familiale.

Dans votre exemple, vous avez surtout parlé au niveau des jeunes, des jeunes qui ont plus de 18 ans et qui se retrouvent toujours à la charge des parents. Mais, dans les obligations familiales, est-ce que vous souhaiteriez ? parce que, au niveau de l'équité intergénérationnelle, moi, j'ai cette inquiétude-là aussi ? est-ce que vous souhaiteriez qu'on tienne compte aussi, dans les obligations familiales, de toute la question des aidants, des aidantes naturels? Parce que, avec le choc démographique, avec une population vieillissante, il y a effectivement cet élément-là qui va arriver. On n'aura pas moins besoin d'aidants ou d'aidantes naturels, au contraire, on va en avoir besoin de plus, et il y a effectivement un risque à ce niveau-là. Donc, au niveau des obligations familiales, est-ce que vous souhaitez qu'on tienne compte de cette réalité-là?

Mme Chalvin (Solange): Oui. Écoutez, je souhaiterais, mais j'avais l'impression que cette réalité-là pouvait être accaparée par d'autres types de programmes que la rente, à savoir qu'il y a déjà des programmes qui sont mis en route pour une compensation, etc., et tout. Alors, je n'ai pas pensé que ça pouvait être relié, honnêtement, là, à la rente, mais c'est vrai que, dans les obligations d'une personne ? je peux donner mon cas ? la plupart des gens, quand on arrive à un certain âge, on a deux ou trois générations à s'occuper. Donc, on a encore les parents, on a nos enfants et on a les petits-enfants, hein, on est une génération charnière. Alors, cette personne-là, qui se retrouve veuve ou veuf du jour au lendemain, se retrouve avec beaucoup d'obligations, obligations des fois de petits-enfants plus vieux, de grands enfants qui n'ont pas terminé des études. Je reviens beaucoup à ça parce que, évidemment, c'est sûr que les jeunes d'aujourd'hui qui s'en vont en appartement, ils sont autonomes, mais ceux qui poursuivent des études, je pense qu'ils doivent être aidés encore par les parents; c'est la responsabilité parentale d'aider ses enfants, je pense, au niveau des études. Il y a ça et il y a l'obligation bien sûr des parents vieillissants où notre génération devient un peu les aidants naturels de ces parents-là.

Donc, c'est tout ça, la raison pour laquelle je disais qu'il fallait tenir compte du revenu du conjoint survivant. Ça me semble extrêmement important. C'est évident que, dans certains cas, on fait de la rigolade en disant: Ah! oui, une veuve qui hérite de trois maisons, de deux autos, etc. Ça, c'est la fantaisie. Dans la réalité, habituellement il y a peut-être un salaire qui ne rentre plus, il y a une... vous savez, tout ce qui tient de responsabilités qui n'est plus assumé et que la femme doit faire, doit... elle-même, si elle est sur le marché du travail, quelquefois elle doit baisser ses heures de travail, diminuer, etc.

Donc, je pense que, en tenant compte des revenus, on est beaucoup plus équitables, et je ne suis pas... je pense que le gouvernement a besoin... a des milliers de priorités, et que c'est évident qu'il faut faire des choix et que, le choix dans ce domaine-là, moi, je le fais d'abord pour les enfants mineurs ? ça, je pense que c'est une proposition extrêmement importante qui est faite dans le projet de loi ? et, ensuite, pour l'obligation familiale des conjoints survivants.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Mme Chalvin, M. Tittley, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Et je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants du Parti vert du Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 10 h 29)

 

(Reprise à 10 h 32)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous accueillons un représentant du Parti vert du Québec, M. Sabourin. Bonjour. Comme je l'explique à tous les groupes, vous avez une présentation d'une durée maximale de 20 minutes qui sera suivie par un échange avec les parlementaires de 20 minutes de chaque côté de la table. Alors, en vous accueillant, vous pouvez commencer votre présentation.

Parti vert du Québec (PVQ)

M. Sabourin (Claude): Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, MM. et Mmes les parlementaires, les commissaires. Alors, sans plus attendre, je vais faire la lecture du mémoire.

Alors, depuis l'introduction du Régime de rentes du Québec, personne ne peut encore s'imaginer une retraite sans soutien financier du gouvernement. Le Régime de rentes du Québec doit donc demeurer en force, et nous devons nous assurer collectivement de sa pérennité.

C'est d'ailleurs un lieu commun, pour les générations qui sont présentement des payeurs de taxes, de dire qu'il ne restera plus assez de fonds dans le Régime de rentes du Québec lorsque l'heure de la retraite aura sonné pour eux. Nous devons justement donner un coup de barre en tant que gestionnaires de l'État, et s'assurer que l'argent sera là, et s'assurer que la population en soit informée afin, jusqu'à un certain point, d'éviter que les gens utilisent le marché noir afin de court-circuiter le système. D'un point de vue fiscal, il va de soi que le Régime de rentes du Québec devra faire des choix parfois difficiles. En effet, pour s'assurer d'une continuité, il faudra sans doute hausser le taux de participation des contribuables. Mais, lorsque l'on sait que 20 % de la population ne comptent exclusivement que sur les régimes de retraite gouvernementaux lorsque arrivera la retraite et que 60 % des autres auront comme principal revenu ces régimes pour compléter avec leurs régimes privés de retraite ou de compagnie, il est clair qu'un coup de barre important est à donner. Voici donc ce que propose le Parti vert du Québec afin d'améliorer la déjà très intéressante proposition gouvernementale afin d'adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec.

La transition travail-retraite. Dans la mouvance de l'augmentation de l'espérance de vie de la population canadienne et québécoise en particulier, nous pensons, au Parti vert du Québec, que l'on devrait de plus en plus accorder un choix plus large aux travailleurs qui arriveront, dans l'avenir, à l'âge de la retraite et, en plus d'un choix, des incitatifs qui feront en sorte que la travailleuse ou le travailleur soit encouragé fiscalement à continuer à travailler lorsque 60 ans arrive.

Dans une perspective des deux prochaines décennies, il devrait devenir courant de rencontrer des travailleurs âgés de 70 ans et plus qui n'ont pas envie de quitter leur emploi, car, du point de vue de l'employeur, ce travailleur représente toujours une immense mine de renseignements et d'expérience et, du côté du travailleur lui-même, lorsque la santé est aussi bonne à 70 ans qu'à 50, rien ne dit que ce dernier veuille intentionnellement voir baisser ses revenus de travail. Il est fort possible qu'il n'ait aucun goût pour le bénévolat à perpétuité.

Il faut que la prolongation du travail chez le travailleur en fin de carrière soit intéressante du côté fiscal. Par exemple, le plafond du revenu mensuel devrait augmenter proportionnellement au nombre d'années additionnelles travaillées. Le calcul présenté dans le document de consultation répond très bien à cet état de choses. Ce qu'il faut retenir ici, c'est de trouver un incitatif aux travailleurs, du côté de l'administrateur, et un encouragement du côté du travailleur pour que les travailleuses et travailleurs, dans l'avenir, ne soient pas obligés de laisser leur travail, arrivés à l'âge de 65 ans.

Le financement du Régime de rentes du Québec. Dans le financement du Régime de rentes du Québec, nouvelle cuvée, deux choses doivent ressortir: la diminution des cotisants et les aléas du marché financier. Dans les deux cas, une seule réponse corrige ces deux malaises: une augmentation significative des primes de cotisation. Il est certain qu'une telle mesure n'est pas très populaire, mais il faut, au contraire, voir les bienfaits à moyen et long terme d'une telle réforme à ce moment-ci de l'histoire. Car, comme dans tout régime de retraite, plus tôt nous mettons des fonds de côté, plus facile est l'adaptation à d'éventuels changements non désirés.

Il est clair que, si les administrateurs du régime attendent un autre six ou 12 ans afin d'augmenter substantiellement les taux de participation des cotisants, plus difficile sera l'adaptation. Et, advenant un fonds de réserve trop élevé en 2030-2031, date à laquelle le Québec devrait atteindre son maximum de population, et aux environs d'un équilibre de pourcentage entre les travailleurs et les retraités, une baisse des cotisations pourrait être envisagée.

En conclusion, le projet d'adaptation du Régime de rentes du Québec aux nouvelles réalités économiques est très bien intentionné mais manque de fermeté. Les contribuables vont sûrement trouver ces recommandations un peu draconiennes, mais il est question d'assurer un revenu de retraite convenable à 20 % de la population qui ne compte que sur ce revenu au moment de la retraite et d'une autre proportion de 60 % de la population qui compte sur une proportion plus ou moins importante sur ce revenu pour vivre leurs années de retraite, un bon nombre d'années... un nombre d'années ? pardon ? qui pourrait d'ailleurs augmenter avec l'avancement de la qualité de vie de nos concitoyens.

Je demanderais aux commissaires de prendre l'annexe que je vous ai fournie ce matin pour compléter ma présentation. Alors, c'est avec un peu de recul que nous avons pensé ajouter cette annexe concernant un éventuel régime universel de revenu de citoyenneté à une réforme éventuelle du Régime de rentes du Québec.

Comme vous le savez sans doute, le Parti vert du Québec a, dans son programme, un article qui propose un revenu minimum garanti pour tous sous un gouvernement du Parti vert. En bon administrateur et bon père de famille, nous voulons mettre les premières étapes d'une éventuelle transformation du Régime de rentes du Québec en régime universel de revenu de citoyenneté. Comme les démographes prédisent déjà qu'aux alentours de 2030 il y aura deux travailleurs pour un retraité, donc que 33 % des résidents du Québec recevront déjà un revenu fixe du gouvernement, il est tout à fait possible et faisable dès maintenant de planifier l'intégration graduelle d'un tel régime avant-gardiste et révolutionnaire.

D'entrée de jeu, notre proposition veut se dissocier de certains points de vue que nous appellerons utopistes qui proposent un revenu universel de 20 000 $ par année, par exemple, que nous considérons comme parfaitement inapplicable. De plus, d'un point de vue général, une telle mesure tendrait à décourager le travail, et les PME, qui représentent environ 80 % des emplois, disparaîtraient à court ou à moyen terme.

Dans un contexte général, dans l'actuelle présentation, notre ambition n'est pas tant de chiffrer les coûts d'un tel programme que la perspective d'établir un revenu universel de revenu de citoyenneté. Dans le passé, différents travaux et études ont été exécutés, d'un point de vue comptable, sur la faisabilité d'un tel programme. Notre but est d'en montrer les bienfaits.

Par exemple, le travail au noir disparaîtrait en grande partie chez les travailleurs à faibles revenus, puisque, au lieu de recevoir des prestations d'assistance sociale et de travailler au noir, ces personnes pourraient travailler «déclarées» et avoir un revenu suffisant avec le revenu de citoyenneté. Du même coup, la ségrégation qui existe chez les personnes recevant des prestations d'assistance sociale disparaîtrait et ces dernières retrouveraient la dignité qui devrait être l'apanage de chaque être humain.

n (10 h 40) n

La mise en oeuvre d'un tel programme vaudrait encore mieux que l'introduction d'un salaire minimum de 10 $ l'heure. Les entreprises fonctionnant avec le salaire minimum, ou à rétribution fixe, ou à quota continueraient d'être concurrentielles et les travailleurs auraient tout de même la possibilité de vivre avec un revenu décent. Les tenants de l'augmentation du salaire minimum se verraient comblés d'aise par une telle suppression de la pauvreté.

Les étudiants y trouveraient également leur compte. De leur côté, plus de formulaires de demande de prêts et bourses à remplir, inutile de demander l'argent à ses parents pour payer le loyer ou l'épicerie. Du côté du gouvernement, il y aurait un niveau de fonctionnariat de moins, puisque les budgets seraient tous à la même enseigne, le régime universel de revenu de citoyenneté.

Pour les familles où un des deux parents décide de rester à la maison pour élever leurs enfants, un revenu minimum garanti est un revenu intéressant lorsque l'on considère que ces parents passent du temps de qualité avec leurs rejetons et évitent des dépenses reliées à la garde des enfants, l'aspect vestimentaire du travail, les déplacements, etc.

En ce début de siècle, l'avenir n'a jamais semblé aussi prometteur de bien-être et d'espoir. Au Parti vert du Québec, comme dans de très nombreux organismes communautaires travaillant auprès des plus défavorisés et des personnes démunies, nous pensons qu'une qualité de vie pour chacun est primordiale afin que chaque être humain puisse s'épanouir au maximum dans une société où des valeurs d'équité et de justice sont les pierres d'angle sur lesquelles repose une vraie démocratie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Sabourin. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Sabourin. Bienvenue, merci de votre présentation. Vous comprendrez que, dans la présente consultation... Je comprends que vous avez amené l'annexe sur une des propositions de votre programme en ce qui a trait au régime universel de revenu de citoyenneté, mais on va davantage parler peut-être de vos positions en ce qui a trait à ce qu'on a amené dans les modifications au Régime de rentes du Québec, et on prend bien sûr acte de ce que vous nous déposez comme document. Mais c'est parce que... Moi, un des éléments qui m'intéresse beaucoup de votre présentation, c'est que vous êtes un des seuls groupes à venir nous dire qu'on devrait toucher au taux de cotisation et qu'on devrait l'augmenter. Et, moi, ce que je trouve un petit peu paradoxal, c'est qu'en même temps vous nous parlez d'une certaine nécessité d'équité entre les générations, en même temps vous nous parlez d'augmenter le taux de cotisation.

Selon vous, jusqu'où on doit l'augmenter ou jusqu'où on devrait aller? Je comprends que vous allez me dire que ce n'est peut-être pas une question de chiffres, mais c'est juste une question de choix. Nous, on fait le choix de ne pas toucher au taux de cotisation, d'essayer de travailler davantage dans les différentes rentes accessoires, dans les éléments qui sont contenus dans le Régime de rentes du Québec pour éviter de toucher au taux de cotisation. Vous, je comprends que vous feriez le choix inverse, c'est-à-dire que vous toucheriez au taux de cotisation, et là ça amène le Régime de rentes vers un rôle beaucoup plus social à différents niveaux. Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, sur ce choix-là, qu'est-ce qui justifie le choix que vous nous proposez ce matin.

M. Sabourin (Claude): Bien, je pense que... Dans le même sens où ça a été présenté dans le document, en bon gestionnaire, en bon père de famille, je pense que c'est clair qu'éventuellement on ne peut pas passer d'une augmentation de près de 60 % des retraités sans penser éventuellement à augmenter des cotisations. C'est sûr que, dans le plan que le gouvernement a présenté, il était question, par exemple, d'enlever une certaine couverture qui était pour les conjoints survivants et de le ramener à trois ans. C'est sûr que c'est une économie là pour combler autre chose, mais est-ce que c'est vraiment la solution idéale? J'en suis moins persuadé. Je pense que, un moment donné, il y a effectivement des choix difficiles à faire et ce n'est politiquement pas toujours rentable de faire ces décisions-là.

Du même coup, cependant, il faut pouvoir s'assurer, parce que ce qu'on entend beaucoup sur la rue, chez le payeur de taxes, c'est: Écoute... Ce qu'on me dit, c'est: Claude, écoute, dans 20 ans, dans 25 ans, quand, moi, je vais prendre ma retraite, il n'en restera plus, de sous. Et puis, moi, ce que je veux pouvoir leur dire, c'est: Écoute, on va prendre collégialement, dans la société, prendre des décisions pour s'assurer que, d'ici... sept générations d'ici, on puisse avoir effectivement encore des sous pour relever les gens qui vont arriver à l'âge de la retraite. Et je pense qu'il est aussi bien de commencer à mettre des sous de côté parce que ? c'est peut-être ma formation en représentant financier qui ressort ? ...mais plus tôt on commence à mettre des sous de côté et plus facile est l'adaptation. Je pense qu'on peut graduellement augmenter les taux de cotisation et sans que ça fasse de révolution dans la population.

M. Béchard: Mais vous êtes d'accord avec moi que ce que vous proposez ce matin, justement par rapport à ceux et celles qui vont en retirer les bénéfices dans 20, dans 25 ans, dans le fond, ce qu'on leur demande à eux, en augmentant les taux de cotisation, on vient briser une espèce d'équilibre qu'on tente d'atteindre, c'est-à-dire entre ceux qui en profitent maintenant et qui ont cotisé moins et ceux qui cotisent plus présentement et qui vont en profiter plus tard. Là, en touchant au taux de cotisation, envers ceux qui, aujourd'hui, vont cotiser peut-être pour 25, pour 30 ans encore, si on augmente les taux de cotisation, on fait mal à ceux qui vont cotiser encore plus longtemps.

Donc, pour les jeunes qui entrent sur le régime, on peut bien dire que le régime va être en santé, mais, nous, le choix qu'on fait, c'est qu'en maintenant ces taux de cotisation là, en utilisant un certain nombre de moyens qu'il y a déjà dans le Régime de rentes du Québec, ça me semble être, moi, en tout cas, le meilleur des deux mondes. Parce que, moi, on me dit la même chose que vous. Moi aussi, on me dit, quand je me promène dans la rue: Aïe, Claude, j'aimerais ça. Ça fait qu'on a ça en commun. On nous interpelle de la même façon.

Mais je veux vous dire que le choix est effectivement ce choix. Il y a deux choix: on ne touche pas au taux de cotisation puis on joue dans les rentes accessoires. C'est ce qu'on tente de faire. Mais, moi, mon problème, si on me disait ce que vous proposez, c'est que, là, envers les plus jeunes qui entrent dans le régime, pour maintenir le régime à flot et en bonne santé financière, là, on viendrait à, eux, leur demander de payer plus plus longtemps pour maintenir ça. Alors, c'est pour ça.

Je comprends, par exemple, que... Sur les rentes viagères, je comprends que, sur un certain nombre de choix qu'on a faits, de propositions qu'on a faites, qu'il peut y avoir des impacts négatifs, sauf que, moi, je dirais que, dans ce qu'on a amené, on semble avoir un bon équilibre entre ce qui doit être la santé financière du régime et la nécessité de maintenir le taux de cotisation, mais vous n'avez pas peur de cet effet-là? Vous n'avez pas peur justement que, si demain matin on disait que le taux de cotisation va passer à 10,5 %, ou à 10,8 %, ou à 10,9 %, là, ça brasserait dans la rue aussi? Parce que les jeunes, entre autres, se disaient: Bien là on paie davantage pour maintenir un certain nombre d'éléments qui, de toute façon, peut-être, quand on va être rendus là, on ne sera plus capables de les avoir, de toute façon.

M. Sabourin (Claude): Bien, ce n'est pas une perspective très intéressante que vous me souligniez que, éventuellement, il pourrait ne plus y avoir de rentes. Ce que, moi, je dis, c'est que présentement nous sommes encore avec un chiffre absolu de un, là, disons. Il y a encore un grand nombre de travailleurs sur le marché du travail. Je pense que, d'ici 30 ans, d'ici 50 ans, c'est indéniable, les démographes sont tous d'accord là-dessus pour dire qu'il y aura beaucoup moins de travailleurs sur le marché du travail versus le nombre des retraités, et tout ça.

Je pense que c'est le moment d'aborder un virage pour justement utiliser le fait qu'il y a un plus grand nombre de travailleurs à ce moment-ci, le plus grand nombre qu'il n'y aura plus jamais, si vous voulez, pour justement profiter de ce grand nombre pour aplanir la difficulté fiscale en devenir, pour assurer sans l'ombre d'un doute que la caisse puisse grandir suffisamment pour que, dans 50 ans, dans 100 ans et plus, on puisse encore compter... que mes enfants, mes petits-enfants puissent encore compter sur... lorsque leur âge de retraite arrivera, qu'ils puissent compter sur un revenu.

M. Béchard: Bien, je veux juste... Peut-être que je me suis fait mal comprendre, mais il y aura encore, et le plus longtemps possible et pour toujours, je le souhaite, un régime de rentes. C'est pour ça qu'on fait tous ces changements-là. Le but, ce n'est pas d'en arriver à ce qu'il n'y ait plus de régime de rentes, au contraire.

Mais je vais aller sur un autre sujet aussi parce que, dans votre mémoire, vous mentionnez qu'il faut que la prolongation du travail chez le travailleur en fin de carrière soit intéressante du côté fiscal. Est-ce que vous avez un certain nombre de mesures à nous proposer pour justement faire en sorte que ce soit plus intéressant de continuer à travailler? Et je souligne aussi que, dans votre mémoire, vous indiquez que vous ne souhaitez pas que les gens soient obligés de laisser leur travail. Il faut laisser une certaine flexibilité, là. Et, dans les mesures que vous proposeriez, vous, en ce qui a trait à une possible retraite progressive ou à la possibilité de maintenir les gens en emploi plus longtemps de façon volontaire, toujours, comme on le propose, est-ce que vous auriez un certain nombre de propositions à nous faire à ce niveau-là?

n (10 h 50) n

M. Sabourin (Claude): Je vous dirais d'entrée de jeu que, sur ce point en particulier, dans le mémoire que j'avais préparé, que j'ai soumis à mes collègues pour approbation, j'avais apporté des choses directement intéressantes. Si vous me demandez à moi d'avancer des choses, bien sûr je le ferai, mais je ne le ferai qu'en mon nom personnel, parce que le Parti vert n'a pas de point de vue strict là-dessus. Je vous dirais que, d'un point de vue personnel, je pense que, dans le même esprit que mes prédécesseurs, le fait d'augmenter, par exemple, de 0,5 à 0,7, si ma mémoire est bonne, ce n'est pas suffisant. Mais ce n'est pas suffisant parce qu'il faudrait justement augmenter davantage ce pourcentage pour qu'effectivement, si une personne décide, à cause de son état de santé parfait, le fait qu'elle n'ait pas préparé suffisamment sa retraite pour toutes sortes de raisons, décide de continuer de travailler, que ce soit effectivement intéressant, qu'elle ne se retrouve pas avec une augmentation de quelques dollars après un an de travail additionnel, par exemple.

Alors, moi, je vous dirais... on pourrait avoir une augmentation ? c'est peut-être un peu fort, là, vous pourrez toujours établir des taux différents ? avoir des augmentations de 0,5, par exemple, pour chaque période de 24 mois travaillés en additionnel.

M. Béchard: O.K. Juste un petit mot, peut-être, qui va permettre de faire un lien avec ce que vous proposez au niveau du régime universel de revenu de citoyenneté. Selon vous, là, quelles sont... quel est le rôle au juste du Régime de rentes du Québec? Parce que c'est une des questions qu'on s'est posées depuis le début de la commission, c'est-à-dire que nous sommes dans un régime qui est un régime de rentes, on n'est pas dans un régime social qui vise uniquement ou directement à corriger essentiellement un certain nombre d'équités, il y a d'autres programmes aussi qui peuvent s'y ajouter. Parce qu'il ne faut pas perdre de vue qu'on est dans l'étude de la révision de la Régie des rentes... du Régime de rentes du Québec, et il y a le plan de lutte à la pauvreté qui s'en vient, il y a un certain nombre d'autres éléments de politique familiale qui s'en viennent. Mais je voulais voir avec vous, là, jusqu'où on doit aller dans le rôle social que l'on veut donner au Régime de rentes du Québec, parce qu'il y a des gens qui sont venus ici pour nous dire: Même au niveau des rentes de conjoint survivant ou au niveau de certaines autres propositions, ce n'est pas le rôle du Régime de rentes du Québec. Le Régime de rentes, c'est d'offrir la meilleure rente possible aux gens une fois rendus à la retraite. Tout ce qui est avant, c'est de l'accessoire. Est-ce que... Quelle est votre vision du rôle du Régime de rentes du Québec?

M. Sabourin (Claude): Je pense que là-dessus, au Parti vert, c'est assez clair, et je pense que c'est la même chose pour plusieurs organismes qui pensent également la même chose d'un revenu minimum garanti. C'est à dire que ce qu'on essaie de défaire, en fait, pour mieux construire, c'est le décloisonnement, justement, de certains programmes de rentes pour les personnes. Parce que je pense que justement le Régime de rentes du Québec pourrait être l'outil idéal pour faire en sorte d'établir une plus grande égalité entre les personnes, et ça fait en sorte qu'il y aurait déjà une caisse d'accessible, si vous voulez, pour graduellement instaurer ce genre de régime là. Mais je suis effectivement très content que vous ayez posé la question, parce qu'on trouve souvent qu'il y a un trop grand cloisonnement entre: Oui, il y a une politique familiale qui doit être établie ici et une autre politique pour les retraités, pour les femmes, les étudiants, tout ça. Alors que, au fond, je pense qu'on pourrait faciliter, alléger la programmation gouvernementale, si vous voulez, en ayant ce genre de proposition de revenu minimum garanti.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. M. Sabourin, merci pour la présentation de votre mémoire. Je trouve ça très important que des organismes qui défendent la qualité de vie et de l'environnement présentent des mémoires ici parce que je pense que cette réforme doit être prise dans son ensemble aussi.

Votre mémoire se démarque par la question de la proposition concernant la hausse significative des primes de cotisation. J'aimerais avoir un peu plus de détails. Premièrement, est-ce que vous avez présenté un mémoire en 1998? Parce que, à ce moment-là, on a eu une hausse significative des primes, et je voulais savoir si vous êtes au courant, si vous avez préparé un mémoire à cette époque-là.

M. Sabourin (Claude): Non. Il n'y a pas de mémoire qui avait été préparé, à ce moment-là, pour l'excellente raison que le Parti vert du Québec, nouvelle version, n'existe en fait que depuis 2001.

Mme Beaudoin: Quand vous parlez de hausse significative, est-ce que vous voyez cette hausse-là à chaque année? Comment vous voyez ça, cette hausse-là?

M. Sabourin (Claude): Oui. Je pense qu'effectivement cette hausse-là devrait être songée annuellement ou bisannuellement, c'est-à-dire sur des périodes de 24 mois, pour que ça vaille la peine, effectivement, pour le retraité de rester en poste plus longtemps. Parce que sinon, si, effectivement, il n'y a que quelques dollars additionnels, je veux dire, je ne pense pas qu'aucun travailleur ne va vraiment être subjugué par l'augmentation de sa qualité de vie à ce moment-là.

Mme Beaudoin: Comme vous le mentionnez dans votre mémoire, vous avez mentionné que ce n'est pas très populaire, c'est presque une proposition meurtrière autant pour les aînés que pour les jeunes générations. Alors, vous avez entendu M. le ministre également sur sa position, là.

J'aimerais aussi parler d'un deuxième point de vue. Vous avez mentionné, dans une annexe qu'on a reçue ce matin, que vous proposez un revenu minimum garanti. Est-ce que vous pouvez donner des exemples de cette proposition-là?

M. Sabourin (Claude): Je vous dirais que je ne m'attendais pas à présenter un point de vue fiscal là-dessus. Je me suis inspiré cependant des travaux de François Blais qui a écrit un livre Un revenu [minimum] garanti pour tous ? je n'ai malheureusement pas l'éditeur ? et il y a également un travail sur lequel j'ai contribué qui était issu du Parti québécois de L'Assomption, en 1993, que vous pourrez peut-être consulter chez vos collègues.

Mme Beaudoin: Disons que, dans l'ensemble, là, vous êtes au courant de ce qui s'est passé en 1998, de la réforme, cette réforme-là qui a lieu à tous les six ans. Est-ce que vous pouvez dire que cette réforme-là a assuré une meilleure rétention de la main-d'oeuvre vieillissante?

M. Sabourin (Claude): Je pense que c'est difficile à court terme de pouvoir qualifier ce changement au régime des rentes. Ce que je dirais, c'est qu'il faut tendre vers ça. Ça, c'est clair. Et je pense que, dans le document de consultation, ça avait été bien montré, et je pense qu'à ce niveau-là il faut plutôt laisser aller les choses, à ce niveau-là, pour qu'on puisse... mais essayer d'améliorer l'attrait du travailleur à rester en poste. Mais c'est sûr que ce n'est pas facile, ce n'est pas concret nécessairement du jour au lendemain. Je pense qu'il faut rechercher justement, parce qu'il va y avoir des révisions à tous les six ans, qu'on ne pourra constater de réels changements que dans 12 ans, probablement.

Mme Beaudoin: Vous vous démarquez également sur votre silence par rapport à la condition féminine. Je suis convaincue que ma collègue de Terrebonne aura des questions à ce sujet-là. Quel est le but de votre silence?

n (11 heures) n

M. Sabourin (Claude): Est-ce que j'ai été mal perçu? Je m'en voudrais évidemment beaucoup. Non, je ne me suis pas attardé sur ce sujet-là. Effectivement, on était quand même bien certains que ça allait ressortir du point de vue d'autres organismes qui sont beaucoup plus touchés, je pense, des groupes de femmes qui ne manqueraient pas l'occasion de rappeler combien le changement au niveau des conjoints survivants allait affecter lourdement, évidemment, les femmes en particulier, et je n'ai pas cru qu'il était nécessaire de soulever la chose, là. J'aurais peut-être dû le faire.

Mme Beaudoin: Merci. Une dernière question. Dans l'ensemble, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la réforme de 1998 a atteint quand même certains objectifs et qu'elle a protégé le régime?

M. Sabourin (Claude): Je n'aurais pas de commentaire à faire là-dessus. Je n'ai pas étudié suffisamment les changements qui ont été faits en 1998 et les résultats que ça a donnés pour que je puisse prendre position officiellement sur ces changements-là et les choses qui en ont découlé.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci beaucoup, M. Sabourin, de votre participation devant cette commission. Et j'ajourne les travaux de...

Une voix: Vous suspendez.

Le Président (M. Copeman): Pardon, je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

 

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons M. le président de la Centrale des syndicats démocratiques, M. Vaudreuil, et M. Tremblay, trésorier. Vous n'êtes pas à votre première expérience parlementaire, mais je vous rappelle les règles du jeu. La seule chose qui varie, c'est le temps normalement imparti à des consultations. Mais, pour les fins de cette consultation, vous avez, comme vous le savez, une durée maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange, 20 minutes de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, M. Vaudreuil, je vous demanderais de débuter votre présentation.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, c'est un plaisir pour nous de se présenter ici, à cette consultation, aujourd'hui. Évidemment, il y a quelques semaines, on avait certaines appréhensions quant au contenu de cette consultation quand on avait vu ce qui s'est passé l'automne dernier, mais récemment on a apprécié l'ouverture du ministre d'avoir affirmé de ne pas vouloir précipiter le débat en parlant de déposer un projet de loi l'automne prochain, ce qui nous donne donc relativement de temps pour échanger et être capable de définir, à mon humble avis, un consensus qui serait très largement partagé dans la société au Québec et qui saurait répondre aux défis auxquels on est confronté. Donc, à cet égard-là, c'est très apprécié de la CSD, l'ouverture qui a été faite. Alors, d'autant plus que le débat qu'on a actuellement aujourd'hui, c'est un débat qui rentre en lien direct avec toute la stratégie de lutte à la pauvreté qu'on doit définir au Québec ainsi que de la politique familiale. On ne peut pas prendre ce débat d'une façon isolée, c'est un débat qui est beaucoup plus large que ça.

Alors, évidemment, quand on parle du Régime de rentes du Québec, c'est un sujet qui est très important pour toutes les Québécoises et pour tous les Québécois parce que le Régime des rentes du Québec, c'est une pièce importante de notre contrat social au Québec depuis maintenant quatre décennies. Le Régime des rentes du Québec assure une sécurité de revenu à la retraite, une sécurité qui a d'ailleurs été étendue à l'invalidité et au décès des travailleuses et des travailleurs où leur sécurité financière, dans le cas du décès, est transférée à la famille sous forme de rente au conjoint survivant ou de rente d'orphelin et de prestation de décès. Il contribue donc à lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales. Ça, pour nous, à la CSD, c'est un objectif qui doit demeurer à l'intérieur du Régime des rentes du Québec, c'est-à-dire qu'on s'inscrit, par exemple, contre les tenants qui voudraient diminuer le Régime de rentes du Québec actuel à sa plus simple expression, de ne faire qu'un régime de retraite et de mettre de côté les prestations qui sont reliées soit à l'invalidité ou soit au décès.

Dans ma présentation, je vais vous apporter des commentaires sur deux grandes parties, et, après ça, bon, on pourra échanger. Dans la première partie, je voudrais vous parler des protections accordées à la suite d'une invalidité ou d'un décès. Et, dans la deuxième partie, je voudrais vous parler des protections... Ce n'est pas des protections, mais les rentes accordées dans les cas de retraite.

Donc, si on en vient à la première partie, concernant la protection qui est accordée à la suite d'une invalidité ou d'un décès, pour nous, à la CSD, nous croyons que les éléments actuels doivent demeurer dans leur forme actuelle. Bon, évidemment, c'est un régime qui a été instauré à la fin des années soixante; il y a eu une évolution dans la société québécoise, mais les éléments qui militaient à la faveur de la mise sur pied de ces éléments à la fin des années soixante demeurent encore vrais aujourd'hui. Et je vous rajouterais que, d'une part, la réforme de 1998 que nous avons faite a assuré par son financement la pérennité du régime. Bien, de toute façon, c'est ce qu'on nous dit. Et évidemment on ne peut pas faire de calcul actuariel, mais les gens de la régie nous indiquaient que la pérennité du régime était assurée en raison du financement qui avait été décidé en 1998.

L'autre élément qui milite pour maintenir ces protections, c'est qu'il n'y a pas lieu de diminuer les protections accordées dans les cas d'invalidité ou de décès parce que le financement des mesures sociales pour les remplacer deviendrait trop aléatoire, dans un premier temps. On a juste à regarder tout le débat, actuellement, qui se fait au niveau des finances publiques, et de sortir ces éléments-là ou ces protections qu'on juge minimales de notre Régime des rentes pour les mettre ailleurs, nous, ça nous insécurise beaucoup.

Et l'autre élément, c'est que ça imposerait aux Québécoises et aux Québécois de s'assurer individuellement pour remplacer les protections qui sont couvertes par le régime. Donc, on change les règles du jeu en cours de route, les personnes ont fait toute leur planification financière en fonction des règles qui existent à la Régie des rentes, et, en les modifiant, évidemment, on bouleverse ça. Donc, on interpelle individuellement chaque personne dans la société. Et, d'autre part, on risque aussi d'alourdir le coût des avantages sociaux dans les entreprises, parce que, là où il existe, par exemple, des régimes d'assurance collective, c'est évident qu'il y aurait des charges additionnelles qui seraient portées aux coûts des avantages sociaux dans les entreprises.

Et évidemment la principale raison pour laquelle je vous disais tantôt, au départ, que les éléments qui militaient à la faveur de la mise sur pied de ces protections sont encore réels aujourd'hui, je terminerais cette partie en vous disant que les modifications qui sont proposées à ce chapitre risquent d'appauvrir un trop grand nombre de personnes et surtout des femmes, et dans le cas notamment des rentes de conjoint survivant. Et, à cet égard-là, vous pouvez être assurés qu'on est très inquiet des modifications qui sont proposées. Et, quand je dis très inquiet, on n'est pas seulement inquiet, mais on n'est pas en accord du tout avec les modifications proposées à ce chapitre-là, principalement concernant la rente de conjoint survivant et puis, évidemment, aussi la rente d'invalidité.

Bon, je trouve triste qu'il y ait eu à cette commission des gens qui ont considéré qu'il y avait plusieurs travailleuses et travailleurs de 60 ans et plus qui bénéficiaient de la rente d'invalidité sans qu'ils soient invalides. Ça, je n'accepte pas ce genre de discours là; je trouve que c'est un discours qui n'a pas sa place, qui n'est pas fondé, parce que, pour vivre quotidiennement avec des personnes dans différents milieux de travail et pour avoir été témoin de nombreuses personnes qui ont eu à faire justement leur demande de rente d'invalidité et qui ne l'ont pas eue ? la difficulté est de l'obtenir ? moi, en tout cas, la lecture que j'ai puis qu'on a à la CSD, c'est qu'à cet égard-là la régie administre de façon très sérieuse et très serrée l'application de la loi à cet égard-là.

n (11 h 20) n

La deuxième partie, concernant les rentes accordées à la retraite. Bien, concernant les rentes accordées à la retraite, on la regarde principalement sous l'angle du vieillissement de la main-d'oeuvre. Le vieillissement de la population, le vieillissement de la main-d'oeuvre, c'est une réalité démographique inéluctable, mais il faut faire attention. Il faut faire attention, et la mise en garde que je vous donnerais aujourd'hui est la suivante. Moi, quand j'ai été élu à la présidence de la CSD, en 1997, la première rencontre que j'ai eue avec le ministre du Travail de l'époque, qui s'appelait Matthias Rioux, il y avait sur son bureau un livre qui s'appelait La fin du travail, de Jeremy Rifkin. On était à l'époque du milieu des années quatre-vingt-dix où on s'était mobilisé au Québec, les centrales syndicales, les associations patronales, le gouvernement, pour tenter de se sortir de la crise de l'emploi qu'on vivait. Il y avait à travers le monde 800 millions de chômeurs, et tous les pays avancés cherchaient une solution pour être capables de créer des emplois. Il y a eu des stratégies de mise à la retraite hâtive qui ont été faites dans des grandes entreprises, qui ont été faites ici, au gouvernement, avec les impacts qu'on connaît. Mais l'idée, à l'époque, il fallait trouver de l'emploi pour les jeunes. Je ne vous parle pas d'un truc de voilà 20, 25 puis 30 ans, là, je vous parle d'un truc de voilà six ans. Et où sera la société québécoise dans six ans?

Il faut faire attention, là, parce que, prenez juste ? je vais vous donner des exemples ? prenez juste l'exemple de l'entrée de la Chine à l'OMC le 1er janvier 2005, quel impact que ça va avoir, par exemple, sur le secteur manufacturier et aussi sur le secteur des services en termes de pertes d'emplois? Ça, personne ne le sait, personne n'a de boule de cristal. Sauf ce qu'on sait, c'est qu'il y a une inquiétude qui est très grande actuellement.

Les répercussions de l'ALENA. Tu sais, on vit actuellement des fermetures incroyables, des belles entreprises. Je donnais l'exemple tantôt ? je discutais avec le ministre ? de l'usine Whirlpool à Montmagny où justement il faut travailler à développer des innovations; on a 600 emplois qui vont partir dans cette usine-là qui est très productive, que les relations de travail sont excellentes et que la compagnie est en excellente santé financière. Ils délocalisent aux États-Unis. On a une autre usine à Drummondville où il y a 600 personnes, chez Swift Denim. Les Américains encore là délocalisent aux États-Unis. Alors, ce sera quoi, la réalité de l'emploi? Ce sera quoi, la réalité de l'emploi? Alors donc, le problème du vieillissement de la main-d'oeuvre est un problème qui est très important.

Et ce que je vous dis, c'est qu'on est d'accord avec les facteurs d'ajustement actuariels qui ont été apportés et puis qui sont soumis dans cette consultation-là, à savoir qu'on porte de 0,5 à 0,7 l'ajustement actuariel pour les gens qui voudront demeurer au travail, mais faisons attention, parce que, dans tout ce qu'on devra développer à cet égard-là, même si on est d'accord avec le facteur d'ajustement actuariel, il faudra toujours avoir à l'idée que ce sont des décisions individuelles, libres et volontaires des individus. C'est-à-dire qu'on ne doit pas se servir de mécanismes où c'est le principe du bâton puis de la carotte pour tenter de faire travailler les gens plus longtemps, parce qu'il n'est pas vrai, il n'est pas vrai que seules des conditions financières vont faire en sorte que les gens vont vouloir demeurer au travail, hein? Puis on pourrait en parler un peu plus tard dans les questions au niveau du vieillissement de la main-d'oeuvre, mais actuellement on développe un projet recherche avec des syndicats à la centrale, et puis ce qu'on s'aperçoit, c'est que dans leur intention de rester à la retraite après 60 ans, le facteur financier est vrai pour environ 20 % des gens, actuellement, des groupes qu'on a étudiés. Alors, c'est plutôt au niveau de l'aménagement du travail, c'est plutôt au niveau de la reconnaissance, au niveau de l'implication dans les milieux de travail que les réponses se trouvent.

Et l'autre élément qu'il faut faire attention aussi, c'est que, quand on décide aujourd'hui, en 2004, de traiter de sujets comme le vieillissement de main-d'oeuvre, on oublie dans quelles conditions les gens qui sont rendus aujourd'hui à 50, 55 ans ont commencé leur vie active. La pénibilité du travail qui existait à cette époque-là, les conditions qui existaient en termes de santé et sécurité à cette époque-là, ça fait en sorte que... Le problème, avec toutes les études qu'on a, c'est qu'on est juste sur le quantitatif puis on essaie de mesurer uniquement l'économique. On ne tient pas compte du qualitatif, puis on ne tient pas compte des impacts humains, puis on ne tient pas compte des impacts sociaux.

Ça fait que c'est de la mise en garde de façon générale. Je m'en tiens dans des orientations, on pourra y aller dans les questions de façon plus précise, et pour vous dire qu'à la CSD on est très préoccupé par le phénomène du vieillissement de la main-d'oeuvre, ça c'est sûr, mais il ne faut pas non plus tout mettre sur le dos du vieillissement de la main-d'oeuvre puis même, comme je vous ai dit, si c'est inéluctable démographiquement, il faut faire attention, il faut nuancer, parce que je vous ai donné l'exemple d'où on était voilà six ans comme société et puis je ne le sais pas où on va être dans six ans comme société, on ne sera peut-être pas nécessairement avec les scénarios optimistes qu'on a où on dit qu'on va manquer de travail en 2006, par exemple, là... pas de travail, mais de travailleurs.

Bon, l'autre élément, en terminant, au niveau des rentes ? ça compléterait ma deuxième partie, M. le Président ? c'est, bon, concernant les modalités de calcul, le dénominateur de 40 ans. Écoutez, on a... on comprend en même temps ce que vous recherchez, mais, sur la formule que vous proposez, on la considère... on considère qu'il y aurait trop de gens qui y perdraient, notamment des femmes. Donc, il faudrait retravailler sur une formule qui est différente parce que celle que la régie nous propose ne nous plaît pas. Puis évidemment, bon, on n'est pas des actuaires, là, mais j'aimerais que la régie travaille sur d'autres scénarios. On aimait bien la formule actuelle, là, qui se situait entre 42 et 52 années, là, selon l'âge de l'individu puis l'âge de la prise de sa retraite, et avec le 15 %. Bon, maintenant, le 40, «flat» comme... le dénominateur qu'on a, ça me fait penser... Vous allez me dire ce n'est pas la même chose, mais ça me fait penser au même principe qu'on a mis à l'assurance-emploi quand on a mis un dénominateur. Ça fait, au bout du compte, que les gens y perdent, et puis ça, ça, on n'est pas d'accord avec ça.

Ça fait que c'est les commentaires généraux, là, que j'avais à vous donner, là, alors... peut-être été plus bref que prévu.

Le Président (M. Copeman): C'est permis, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): C'est bien.

Le Président (M. Copeman): Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Vaudreuil, M. Tremblay. Bienvenue. Merci pour votre mémoire. Et je tiens à le rappeler, parce que vous l'avez soulevé d'entrée de jeu, puis, effectivement, on est dans une situation et dans un débat qui fait en sorte que nous avons du temps. Et nous avons du temps pour présenter bien sûr des propositions qui ont soulevé un certain nombre de débats, puis c'est ça qui était le but recherché. Avec un document de consultation, il faut lancer le débat, et on l'a fait. Puis je tiens à le réitérer et à vous le redire encore une fois, qu'il n'y a pas de prévision de dépôt de projet de loi avant l'automne prochain pour une adoption le printemps prochain, donc ce qui veut dire, c'est qu'on va se revoir sur différentes propositions et s'en reparler.

Je tiens aussi à ramener d'entrée de jeu un des points qui est à la base et sur lequel on n'a pas l'intention de bouger, c'est-à-dire sur le niveau de taux de cotisation, pour toutes sortes de raisons. Et ça, je veux vous les ramener parce que c'est un choix qui a été fait en 1997, c'est un autre choix qui avait été fait de toucher au taux de cotisation pour assurer la viabilité du Régime de rentes. Nous, on n'a pas l'intention d'y toucher, et de travailler davantage à l'intérieur des marges de manoeuvre que ça nous donne, et de maintenir le taux de cotisation au même niveau.

L'autre point sur lequel je veux... Je voulais vous entendre, bien sûr, sur le taux de cotisation, aussi sur le rôle du régime parce que, effectivement, quand vous amenez, par exemple, la problématique des travailleurs âgés ? puis on en a parlé souvent ensemble ? et toute la question des retraites progressives et quand vous parlez des prévisions pour 2006... Moi, les prévisions économiques, c'est toujours un peu comme les sondages, il y a toujours une grande marge de manoeuvre, une large partie d'interprétation. Puis, effectivement, il n'y a pas si loin où on parlait de la société du loisir, où on se demandait ce qu'on allait faire de tout le temps qu'on allait avoir pour les loisirs, parce qu'on était rendu qu'on allait travailler peut-être juste 25 heures, 27 heures par semaine. On en est loin de là. Ce qu'on se rend compte, c'est que ceux qui travaillent travaillent encore plus longtemps et que ça crée un nouveau système.

Mais toujours en lien avec ça... Parce que vous êtes conscient avec moi qu'il y a beaucoup d'autres programmes sur lesquels on doit travailler puis, entre autres, ce qui a été déposé à mon collègue au niveau du ministère du Travail, puis ça, je peux vous dire que, pas plus tard que la semaine passée, on en a parlé, moi puis le ministre du Travail, de la nécessité de relancer ou de se revoir sur justement toute la question des retraites progressives, des moyens qu'on a à mettre en place parce que le Régime des rentes n'est pas le seul moyen. C'est un peu ça que je veux lancer en même temps pour lancer la discussion, c'est-à-dire qu'il faut se rendre compte des limites du Régime de rentes du Québec.

n (11 h 30) n

On ne peut pas tout faire dans le Régime de rentes, et c'est pour ça que je voulais voir avec vous sur le taux de cotisation, premièrement. Deuxièmement, sur le rôle du Régime de rentes, est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on laisse le taux de cotisation à 9,9 %, qu'on n'envisage pas de l'augmenter? Et sur le rôle comme tel du régime, je comprends qu'il y a un certain nombre de propositions avec lesquelles vous êtes plus ou moins d'accord, mais est-ce que vous êtes aussi d'accord avec moi pour dire qu'on ne peut pas tout faire dans le Régime de rentes et qu'il a ses limites aussi, autant au niveau de son rôle social qu'autant au niveau de son rôle comme tel à la retraite? Parce qu'il y a d'autres sources, il y a d'autres régimes de retraite qui l'accompagnent aussi. Alors, est-ce qu'on est d'accord sur ces deux éléments-là, en partant?

M. Vaudreuil (François): Avec des nuances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Le diable est souvent dans les nuances.

M. Vaudreuil (François): C'est ça. Bon. Au niveau du taux de cotisation, bon, écoutez, on n'est pas d'avis qu'il faut le modifier, il n'y a pas d'élément qui milite en faveur de la modification à la hausse du taux de cotisation.

Si jamais la régie nous arrivait avec une situation qui serait dramatique, nous, notre choix, ce serait, à la limite ? c'est hypothétique ? notre choix, ce serait d'augmenter les cotisations s'il le faut, si on se retrouvait dans une situation catastrophique plutôt que de perdre les bénéfices qu'on a, parce que les protections qui ont été ajoutées...

La beauté de ce programme-là, c'est-à-dire de l'avoir élargi plus loin que la retraite, c'est qu'on lutte contre les inégalités sociales, c'est qu'on lutte contre la pauvreté, pas juste des personnes qui prennent leur retraite. Alors, ça, c'est un régime, comme je vous disais, qui fait partie de notre contrat social, auquel on est attachés et auquel on tient. Bon.

Maintenant, concernant le rôle du régime, concernant les travailleurs âgés, on a un petit problème dans notre société actuellement. Quand je dis un petit, là, c'est un moyen, un bon problème au niveau des travailleurs âgés. On se retrouve dans une situation où, depuis le 1er mai 1997, il n'existe plus au Canada de programme de soutien de revenu pour les travailleurs âgés.

Je vous ai donné en exemple deux usines qui vont fermer prochainement ? 1 200 emplois qui se perdent ? dans lequel on retrouve des travailleuses puis des travailleurs qui ont 55 ans et plus. Je vois M. Bachand, ici. Dans son comté, il y a une usine de vêtements qui s'appelait Vêtements Victoriaville, qui a fermé, où il y a 200 personnes, il y a environ 150 femmes qui ont 55 ans et plus, et des personnes qui se sont arraché le coeur toute leur vie à travailler, des personnes qui ont peu de scolarité et qui sont incapables, avec les mesures actives, de pouvoir réintégrer le milieu du travail malgré tout ce qu'on fait. Donc, il nous manque une pièce qui est très importante, c'est le programme de soutien de revenu des travailleurs âgés. Bon, ça, on en a déjà discuté. D'ailleurs, vous aviez dit que vous en parleriez avec le ministre fédéral, ce qui a été fait. Bon, le dossier évolue.

Mais la difficulté que j'ai, et c'est ça que je vous disais tantôt, c'est que nous qui vivons dans le quotidien avec des travailleuses puis des travailleurs qui sont victimes, par exemple, de licenciements collectifs, qui sont victimes de fermetures d'entreprises, on côtoie la souffrance, on côtoie l'inquiétude, l'insécurité, puis là on se retrouve dans des situations où il nous manque des programmes de soutien dans notre société, hein, il manque de programmes de soutien dans notre société.

Donc, c'est sûr que la Régie des rentes ne peut pas jouer ce rôle-là. Mais le problème qu'on a, c'est un problème de dignité. Tu sais, la question qu'on pose, c'est la suivante, c'est: Est-ce qu'une personne qui a travaillé toute sa vie peut avoir le droit de vieillir dans la dignité? Et, vieillir dans la dignité, ce que ça veut dire, c'est que, quand ces gens-là sont mal pris, c'est que, collectivement, solidairement, comme société, on accepte avec nos impôts de venir en aide à ces gens-là. Donc, il y a un problème de dignité, d'une part.

Quand vous parlez du rôle du régime ? parce que ça vise aussi des personnes de 60, 65 ans, là, quand vous parlez du rôle du régime ? vous parlez, bon, des autres régimes de retraite. Tu sais, je vous expliquerai que, dans le secteur privé, il y a à peine 25 % des salariés qui ont un régime complémentaire de retraite. Bon, on parle d'autour de 42 %, je pense, selon Statistique Canada, mais il ne faut pas oublier que, dans le secteur public, parapublic, il y a à peu près 100 % des personnes qui ont un régime complémentaire de retraite. Mais, quand on arrive dans le privé, strictement dans le privé, c'est à peu près une personne sur quatre. Donc, ce n'est pas des gens, là, qui nagent dans la richesse, et ce régime-là doit permettre de leur venir en aide, de leur apporter la protection.

C'est le pari qu'on s'est donné comme société. C'est une question de solidarité sociale, c'est une question d'équité à laquelle, nous... c'est des valeurs auxquelles on est très attachés, puis c'est un régime qu'on veut conserver, bon. Puis on ne voit pas à ce moment-ci ? parce qu'on n'a pas d'indication de la Régie des rentes qui le justifierait parce qu'on reprendrait le débat autrement de toute façon ? on ne voit pas de justification à diminuer les protections qui sont accordées aux gens. Tu sais, il y a probablement... s'il y en a, là, on ne l'a pas compris; alors, il faudra nous le réexpliquer autrement. Mais, à notre avis, il n'y a pas de motif qui justifie qu'on diminue les protections qui sont accordées soit dans le cas d'invalidité ou soit dans le cas, par exemple, de décès, là, ou la rente de conjoint survivant, l'orphelin, la rente d'orphelin et puis le montant qui est donné lors du décès.

M. Béchard: Mais juste... Mais c'est parce que, ce que j'en comprends, c'est, vous souhaitez fortement qu'on garde le même niveau de cotisation, qu'éventuellement il faut d'abord et avant tout ne pas diminuer les protections. C'est ça que je comprends de votre présentation ce matin. Parce que l'orientation qu'on a prise est plus de dire: Bien, on maintient les taux de cotisation et on va essayer de voir dans les rentes plus accessoires, si on peut les appeler comme ça, qui sont à côté, puis, entre autres, aussi pour répondre à un certain nombre... on a parlé des travailleurs âgés, puis il y a un nouveau contexte, puis je suis parfaitement conscient de ce que vous amenez sur le fait qu'il y a toujours le côté théorique de la chose, c'est-à-dire qu'on a juste à prendre les travailleurs âgés qui perdent leur emploi, les reformer, les remettre en emploi, mais, quand ça fait 25 ans que tu fais le même métier dans la même entreprise, ton reclassement est toujours un petit peu plus difficile. Ça, on est conscients de ça, puis je peux vous dire que c'est un des points d'ailleurs que j'ai mentionnés au ministre fédéral puis on va lui en reparler dans la prochaine semaine quand je vais le rencontrer de nouveau.

Mais l'autre élément majeur qui sous-tend les changements qu'on propose aussi, c'est relié... Même s'il y a un contexte extérieur au niveau international qui influencera beaucoup l'avenir, c'est relié aussi à nos courbes démographiques. Nos travailleurs vieillissent de plus en plus, puis on se dit: Avant d'arriver au mur, si on peut offrir plus de flexibilité, si on peut offrir différents outils, bien, faisons-le dans le Régime de rentes.

Mais il y a aussi une autre réalité qui est là sur tout ce qui concerne le régime comme tel, c'est le fait qu'on doit tenter de plus en plus, en raison des nouveaux modèles familiaux qui ont changé beaucoup, d'orienter davantage l'aide qu'on donne plus directement encore vers les enfants. Mais ce que j'en comprends, de votre présentation, c'est que... puis il y a différents groupes qui sont venus, qui ont dit: Bon, bien, étant donné que, par exemple, les femmes occupent plus de place sur le marché du travail, même s'il y a des grandes différences dans le type d'emploi, dans la qualité des emplois, est-ce que, par exemple, au niveau des rentes viagères, on ne doit pas bouger, ne serait-ce... puis il y a des propositions qui ont été faites en y allant par étapes, c'est-à-dire le prendre si quelqu'un n'en a vraiment pas besoin, bien là il n'y a pas de rente viagère pour ces personnes-là. S'il y a des gens qui sont plus dans le besoin ou qui ont des enfants à charge en bas âge, bien là on peut regarder un certain nombre de choses. S'il y a d'autres situations, on peut les regarder aussi, mais le principe d'avoir une rente viagère, je dirais quasi automatique lors du décès du conjoint pour le conjoint survivant, il y a beaucoup de gens qui nous ont dit: Bien là peut-être que vous devriez bouger là-dessus pour rediriger davantage vers les orphelins et tenter de bonifier la rente d'orphelin. Mais ça, sur cette orientation-là, ce que j'en comprends de vous, c'est que, oui, on pourrait toucher à la rente d'orphelin, l'augmenter, mais, en même temps, ne pas toucher au concept de rente viagère tel qu'il existe présentement même si, dans certains cas, elles ne sont pas nécessaires, ces rentes viagères là.

M. Vaudreuil (François): Bon, différents éléments à votre intervention, M. le ministre. Premier élément, quand vous dites: On va se retrouver sur un mur, on a besoin de flexibilité, bon, mettons que sur le mur je nuance...

M. Béchard: Clôture.

M. Vaudreuil (François): Pardon?

M. Béchard: On va mettre une clôture.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Oui. Sur le mur, je nuance. Cependant, au niveau de la flexibilité, ça, c'est un élément qui est nécessaire. Et il faudra, dans la prochaine année si c'est possible, parce qu'il y a une question de fiscalité aussi avec le Canada, de regarder la Loi sur les régimes complémentaires de retraite pour être capables de l'harmoniser pour faire en sorte que, dans les milieux de travail, on puisse trouver des réponses, qu'on puisse développer ces modèles flexibles, parce qu'il n'y aura pas un modèle unique, hein, il n'y aura pas un modèle unique. Ça va être, comme les fonctionnaires appellent, à géométrie variable. Il va y avoir différents modes. Je m'en viens bon, hein? Je prends le jargon des... bon.

n (11 h 40) n

Et, l'autre élément, bon, quand vous parlez du modèle familial, votre intention de donner plus aux enfants en raison de l'évolution des types de familles, le danger, le danger qu'il y a là-dessus et la raison pour laquelle on ne peut pas suivre ce raisonnement-là, c'est que les femmes auraient à porter le fardeau de cette décision-là, et ça, on n'est pas en accord avec ça, parce que, quoi qu'on en dise, quoi qu'on peut en prétendre, les femmes n'ont pas obtenu encore l'égalité dans notre société, à ce que je sache. Donc, elles ont... et ce sont elles de toute façon qui bénéficient le plus dans une grande proportion de la rente de conjoint survivant, puis, là-dessus, en termes d'équité et d'égalité, je peux vous dire que la CSD, ça, on n'est pas d'accord avec cette orientation. Comme vous le dites, oui, on serait d'accord à l'augmentation de la rente des orphelins.

L'autre problème, quand on dit: Cette personne-là n'en a pas de besoin, donc on ne lui donnera pas. Bon, ça, ça réfère toujours au principe de l'universalité. Puis le problème qu'on a avec l'universalité, c'est que, à toutes les fois qu'on enlève l'universalité dans un régime, ce qu'on fait, c'est que les gens qui en sont exclus, souvent les mieux nantis, vont dire: Pourquoi, moi, je paierais des cotisations pour ça, puisque je n'aurai pas le droit à ça? Alors, ça discrédite, ça discrédite le régime et ça fait en sorte que ça place le régime dans des situations souvent de difficulté et de précarité.

Nous, ce qu'on vous dit: L'universalité, n'y touchons pas. On a des protections au Québec, des protections sociales à cet égard qui sont exemplaires, ça nous appartient, ça a été une avancée sociale importante, ne touchons pas à ça. C'est ça qu'on vous dit, M. le ministre. Et puis sur le financement, ce que je vous dirais, si jamais un jour on est en difficulté sérieuse, en tout cas, moi, ma recommandation, plutôt que de sabrer dans des principes comme l'universalité, de sabrer dans des principes qui augmenteraient les inégalités, la recommandation que je ferais à mes membres d'avoir un mandat, c'est d'augmenter temporairement les cotisations le temps de trouver un équilibre pour qu'on puisse maintenir ces principes-là qui nous sont trop chers, je veux dire, à la limite, si on était...

Mais ce n'est pas ça, la situation, aujourd'hui. La situation que la Régie des rentes nous dit, c'est que le financement... depuis la réforme de 1998, le financement a été assuré et puis on est capables de fonctionner dans ce cadre-là.

M. Béchard: O.K. ...du temps, mais...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. M. Vaudreuil, M. Tremblay, merci pour la présentation de votre mémoire, et, en tant que porte-parole pour l'opposition officielle en matière de régimes de rentes et de retraite, j'apprécie beaucoup votre mémoire, puisque vous tenez compte des valeurs que tous les Québécois et les Québécoises apprécient.

On parle de dignité, on parle du côté humain, on parle de qualité de vie, on parle de maîtrise sur le travail, et je pense que cette réforme-là doit tenir compte de toutes ces valeurs. Et vous vous démarquez dans ce sens que votre mémoire parle essentiellement de cette réforme en tenant compte de ces valeurs.

Je dois vous dire aussi, au nom de l'opposition officielle, que nous sommes d'accord avec la teneur de votre préambule et que... Ça fait rire mes confrères d'en face. Tout le mémoire en fin de compte, c'est très bien.

Moi, j'aurais des questions particulières concernant... dans votre mémoire, à la page 4, vous parlez d'un projet de recherche-action, et votre organisme a présenté ce projet-là. J'aimerais avoir des détails concernant ce projet-là. Et, de plus, vous dites que les entreprises démontrent très peu d'intérêt à l'heure actuelle concernant ce projet. Est-ce que vous pouvez expliquer en quoi consiste ce projet?

M. Vaudreuil (François): Oui. Voyez-vous, ça, c'est le clivage qu'on retrouve entre les préoccupations qu'on peut avoir et puis ce qui se passe sur le plancher. Il y a souvent des clivages de cette nature-là.

Le vieillissement de la main-d'oeuvre est un bel exemple. À la Commission des partenaires du marché du travail, depuis, je dirais, quelques années, on travaille de façon active à développer des stratégies sur le vieillissement de la main-d'oeuvre. Et, à la CSD, on est aussi très préoccupés par cette situation-là, et puis on a parti un projet il y a un an ? c'est un projet de deux ans, il reste encore une année ? sur lequel on veut travailler dans des entreprises concrètement avec des syndicats pour essayer de trouver des solutions concrètes au problème de vieillissement de la main-d'oeuvre, que ce soit la gestion prévisionnelle de la main-d'oeuvre, bon, à tous les niveaux du vieillissement de la main-d'oeuvre.

Alors, quand on a présenté le projet à nos syndicats lors d'un colloque, parce que la première activité de lancement qu'on a eue de ce projet de recherche-action, ça a été un colloque. Et puis, bon, il devait y avoir à peu près, quoi, 350 personnes au colloque, et puis il y a une quarantaine de syndicats qui se sont ? ça va? ? portés volontaires pour participer au projet. Une quarantaine de syndicats.

Donc, il y a eu des rencontres qui ont été faites avec les employeurs, et, de la quarantaine, il y a seulement sept employeurs qui ont accepté de participer au projet, pour une raison bien simple: d'une part, dans certains cas, ils vont renier les problèmes de vieillissement de main-d'oeuvre, ils vont dire: Bon, bien, ce n'est pas important, on va trouver des solutions. De toute façon, on pourra robotiser, on pourra automatiser ou bien, non, ils ont peur d'ouvrir ce programme de recherche-action pour créer des attentes auprès des salariés puis de dire: On ne sera pas capables de rendre des comptes à ces salariés ou bien, non... Il y a différentes raisons, mais ce qu'on s'aperçoit, c'est que le vieillissement de la main-d'oeuvre, bien que c'est une préoccupation très importante au niveau gouvernemental, au niveau des partenaires du marché du travail, quand on arrive dans les... puis des syndicats, parce que les travailleuses et puis les travailleurs sont très préoccupés par cette situation-là aussi, quand on arrive dans les entreprises, sur 40, il y en a seulement que sept qui ont accepté de participer au projet. Et pourtant c'est un projet de concertation, c'est un projet partenarial puis qui est dynamique, qui est intéressant. Alors ça, voyez-vous, on a beaucoup, beaucoup, beaucoup, en termes d'information, de sensibilisation, il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.

Mme Beaudoin: Mais comment avez-vous ciblé ces entreprises-là?

M. Vaudreuil (François): Bien, c'était les syndicats qui, d'une façon volontaire, s'inscrivaient puis disaient: On veut participer au projet pilote. Et là, à ce moment-là, les personnes qui étaient responsables du projet pilote allaient en assemblée générale, se faisaient donner un mandat, et, suite au mandat que l'assemblée générale donnait, là, le personnel de la CSD qui s'occupe du projet accompagnait les dirigeants du syndicat pour rencontrer l'employeur, et c'est ce que ça a donné.

Mme Beaudoin: Est-ce que c'était à travers le Québec?

M. Vaudreuil (François): Oui. Oui, oui, oui. Et là c'est sept entreprises qu'on a, de secteurs différents; de secteurs différents, à titre d'exemple, les aéroports de Montréal, Natrel dans le lait, tu sais, vous voyez, donc dans l'agroalimentaire. C'est sept secteurs différents qu'on a pris.

Mme Beaudoin: J'ai une dernière question, parce que je veux laisser mes collègues poser des questions.

À la page 17 de votre mémoire, vous indiquez que le gouvernement pourrait diminuer un peu la pression sur le Régime de rentes s'il s'assurait de mettre en oeuvre la stratégie nationale, pour les travailleurs de 45 ans et plus, élaborée par Emploi-Québec en 2002. Pour le bénéfice de tous, pouvez-vous nous en dire un peu plus?

M. Vaudreuil (François): Vous êtes à la page?

Mme Beaudoin: 17.

M. Vaudreuil (François): 17. Alors que je le trouve. O.K. Enfin, si le gouvernement... O.K. Bon, bien, écoutez, c'est toutes les questions d'adaptation dans les milieux de travail qui pourraient faire en sorte... Ce que je vous disais, à date, des résultats, mais ce n'est pas complet dans les sept entreprises, là, les résultats qui font que les gens ne veulent pas demeurer au travail, c'est, par exemple: ils ne se sentent pas suffisamment impliqués; c'est, par exemple, ils n'ont pas suffisamment de reconnaissance; c'est les horaires de travail; c'est la réduction du temps de travail.

Donc, si on était capables de mettre en oeuvre les différents éléments qui ont été soumis dans la politique, à ce moment-là on exercerait moins de pression sur le Régime de rentes du Québec. C'est ça, l'idée. Parce que les solutions vont passer par les milieux de travail et des solutions qui vont être différentes d'un milieu à l'autre.

Mme Beaudoin: Donc, vous considérez que le gouvernement est inactif à ce sujet-là?

M. Vaudreuil (François): Bien, c'est-à-dire que je ne dirais pas qu'il est inactif, ce que je dirais, c'est qu'il faut aller plus loin et plus vite, il faut mettre plus d'emphase. C'est ça, l'idée.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

n (11 h 50) n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Vaudreuil, M. Tremblay. J'ai particulièrement apprécié votre mémoire et aussi votre présentation et les différentes réponses aux questions que le ministre vous a posées. Je pense que vous démontrez bien que notre régime, c'est un régime qui existe avec des protections socialement acceptées aussi. On a accepté de se donner un régime avec des protections sociales, et, aujourd'hui, lorsqu'on questionne la portée sociale du régime, je pense qu'on peut se questionner à savoir si on ajoute des protections sociales et décider que non. Mais d'enlever les protections sociales qui sont unanimement acceptées quand c'est donné, je pense que c'est ce qu'il faut surtout éviter.

Vous rappelez aussi l'importance de toute la question de l'aménagement du temps de travail. Du côté des femmes, vous l'avez parfaitement bien démontré, autant dans vos réponses, les deux conséquences les plus graves, en fait, c'est si on vient toucher à la rente de conjoint survivant et toute la question du 15 % qui est tout à fait... qui vise directement les femmes.

Dans votre mémoire, vous apportez un élément qui a été peu soulevé et qui doit aussi être tenu en compte, je pense, toute la question des effets du vieillissement, et il y a des effets positifs qu'on ne tient pas nécessairement en compte.

Vous rappelez à juste titre, en page 6, que, s'il est vrai que le nombre de travailleurs qui paient des impôts diminuera, les divers documents gouvernementaux produits récemment se gardent bien de mentionner que le nombre de retraités qui paieront des impôts, lui, augmentera. Et il en est de même pour la hausse de dépenses aussi, et c'est vrai. C'est une réalité, et c'est pour ça que, dans la réforme de 1998, le fait de revenir à tous les six ans pour réajuster à partir de la nouvelle réalité, c'est primordial.

Au niveau de ma question ? une seule parce que je veux laisser du temps aussi à mon collègue ? je veux qu'on revienne sur l'invalidité, parce que, depuis quelques jours, là, on en parle moins, puis c'est un élément que je ne veux pas non plus qu'on échappe. Vous l'avez présenté un petit peu dans votre présentation, là. Vous avez parlé de l'effet qu'on laisse entendre finalement que les rentes d'invalidité sont accordées pour des raisons futiles, ce qui est complètement faux. C'est extrêmement difficile d'obtenir une rente d'invalidité. Alors, moi, je veux revenir là-dessus, sur l'importance de maintenir la définition souple au niveau de la rente d'invalidité.

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez, là-dessus, bon, l'invalidité, d'une part, ce n'est pas un choix qu'on fait, hein, c'est une situation qu'on subit et que, à l'âge de 60 ans, on n'est pas... les mêmes restrictions pour être admissibles à la rente d'invalidité, à mon humble avis, ça correspond parfaitement à un besoin qu'on retrouve actuellement, parce que la capacité d'adaptation après 60 ans est beaucoup plus exigeante aussi, beaucoup plus difficile. Et puis, pour avoir côtoyé, depuis 30 ans que je milite syndicalement, des personnes, entre autres dans le secteur manufacturier, qui ont eu des emplois très difficiles, qui ont travaillé sur des horaires de jour, de soir, de nuit, puis qui se retrouvent à 60 ans invalides, moi, je pense que le critère qu'on doit maintenir, c'est de demander: Est-ce que tu peux accomplir ton emploi actuel? C'est ça, la question qu'on doit lui poser, pas regarder la possibilité comme avant 60 ans, et la régie l'applique, de ce que je sais, là, la régie l'applique de façon très serrée.

Je n'ai pas eu l'occasion dans ma vie de voir des abus dans ce cadre-là, et puis il ne faudrait pas charrier, là. Il ne faudrait pas charrier. Je n'ai pas le nombre de personnes qui reçoivent des rentes d'invalidité de plus de 60 ans, là, mais, à mon avis, ce n'est pas majeur, là, ce n'est pas majeur. Remarquez bien que, du moment où il y en a un, c'est déjà un de trop parce que c'est quelqu'un qui souffre, là, puis, je veux dire, il a droit à la dignité lui aussi, tu sais.

Je vous dirais là-dessus, là, je reprendrais la citation d'un président d'un syndicat, affilié à la CSD, de la mine d'amiante qui disait: Demandez-nous plus ce que le gouvernement peut faire pour nous autres... ce qu'on peut faire pour le gouvernement; ce qu'on avait à faire, on l'a fait. Alors, qu'est-ce que le gouvernement peut nous donner? C'est un juste retour des choses pour ces gens-là.

Donc, quand on a des gens qui sont invalides, moi, je pense qu'on doit maintenir la même règle qui existe actuellement, puis, regarde, la personne qui va essayer de me convaincre qu'il y a des abus puis que le monde exagère puis qu'il y a des passes automatiques à cet égard-là, là, il a besoin de se lever de bonne heure parce que, en tout cas, moi, je n'en ai pas vu en 30 ans.

Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. M. Vaudreuil, M. Tremblay, bienvenue. J'ai eu à travailler au niveau de fonds de retraite, fonds de pension, rentes du Québec antérieurement, et je fais un constat qui est inévitable, c'est qu'il y a deux extrêmes. Il y a l'extrême de certaines personnes qui ont fait de leur retraite une priorité. Ça veut dire: rentes du Québec, fonds de pension, REER, pension du fédéral. Et, quand ils en ont trop, ils remettent des impôts. Ça, c'est l'extrême. Il y en a, par contre, qui n'en ont pas assez, parce que je vois chez nous, dans certaines usines, qu'il y a des messieurs qui travaillent jusqu'à 70 ans, parce que la priorité n'était pas d'avoir un fonds de pension, donc les rentes du Québec sont à peu près la seule subsistance.

Vous parlez en page 7 que: En effet, l'image qui est laissée par les déclarations alarmistes sur le vieillissement de la population, c'est que les retraités deviennent tous complètement dépendants des rentes publiques alors qu'ils seront de plus en plus nombreux à toucher des rentes de retraite de leur régime complémentaire qui les feront entrer dans les catégories des payeurs d'impôts parce que les baby-boomers ont en général eu accès à de meilleurs emplois que les générations précédentes.

Alors, quelle est votre vision par rapport... Bon. Les baby-boomers, ça s'en vient à leur retraite. Donc, il va y avoir création d'emplois bientôt, on va être pris avec la crise de la passation du savoir. Mais, au niveau de l'organisation du travail et des retraites progressives, est-ce que vous avez fait une évaluation là-dessus comme centrale, là, comme organisation?

M. Vaudreuil (François): Oui. Bien, c'est un des enjeux principaux du projet pilote qu'on a actuellement. On n'est pas rendus assez loin dans notre projet aujourd'hui pour vous répondre précisément. Mais ce que vous venez de citer, c'est effectivement le coeur de notre réflexion, puis les défis dans les milieux de travail reposent essentiellement sur ce que vous avez dit. Mais, tu sais, je ne peux vous donner de résultats, ce serait partiel, puis je ne veux pas...

M. Dufour: Mais vous avez quand même fait ce constat-là, qu'il y a ces deux extrêmes-là, là.

M. Vaudreuil (François): Bien oui, bien oui, bien oui! Oui. Bien, il y a toujours un danger, hein, de découper le monde en deux, bon. Mais, oui, on se retrouve dans des situations où, pour différentes raisons, là... Et puis il ne faut pas dire, puis, moi, je ne suis pas prêt à dire que c'est parce qu'ils sont irresponsables. Je veux dire, on se retrouve dans des situations où les gens n'ont pas eu les moyens d'économiser de l'argent.

Tu sais, quand, moi, je vois des gens, des consultants à 200 $, 250 $ à 300 $ de l'heure, tu sais, venir expliquer puis avec un discours méprisant que le monde n'ont pas eu... Tu sais, je voudrais bien que cette personne-là ait à vivre avec un salaire de 27 000 $, 28 000 $ puis 30 000 $ par année puis être capable d'éduquer ses enfants et puis de faire vivre sa famille, là, tu sais. Ça fait que la vie n'est pas toujours facile non plus, là. Alors, ça, on se retrouve dans des situations... puis je pense que le choix collectif qu'on a fait au Québec de se solidariser pour venir en aide à ces personnes à des moments précis, il faut le maintenir, là.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Bonjour, messieurs. M. le Président, merci infiniment de me céder la parole. Est-ce que j'ai un petit peu de temps ou...

Le Président (M. Copeman): 4 min 30 s.

M. Bachand: Ah, mon Dieu Seigneur! Quatre... Beaucoup de choses à dire en très peu de temps. M. Vaudreuil, j'aurais tellement de choses à vous dire. M. Tremblay, bienvenue à la commission.

J'ai lu attentivement votre mémoire. Vous savez, j'ai un intérêt très marqué pour la structure de la pensée de chacune des centrales syndicales du Québec. Ça m'intéresse beaucoup de voir la façon dont ils prennent les différents problèmes, et on les a rencontrés ici, en commission.

Il y a à l'intérieur... Moi, j'ai lu votre mémoire et je n'arrive pas du tout à la conclusion des gens qui sont en face de moi. Dans un premier temps, je dois remarquer en toute honnêteté intellectuelle que votre discours, par rapport au mémoire, me semble d'une distance assez impressionnante. Puis je vais vous faire un commentaire rapide: j'ai trouvé que vos commentaires étaient structurants, intéressants puis ouverts. Dans le mémoire, j'ai trouvé que vous étiez passablement sévères avec les nouvelles propositions qui viennent de la Régie des rentes. Mais ça, c'est juste... Je vous dis ça comme ça. Donc, dans le ton et dans le mémoire, j'ai trouvé qu'il y avait un peu de distance, puis je vais vous dire un petit peu pourquoi.

À l'intérieur, entre autres... Parce que je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, votre mémoire, et une remarque... Bon, pour Vêtements... J'ai tellement de choses à vous dire. Vêtements Victoriaville, j'ai déjà rencontré ces gens-là ? en passant, parce que vous avez fait allusion à ça ? et il y a déjà une lettre acheminée au bureau de M. Béchard, et on a déjà eu une lettre. Bon, vous êtes au courant. Excellent!

n (12 heures) n

Donc, je regarde ça, donc, d'un premier jet, sur l'introduction, et vous dites qu'à l'intérieur de l'orientation que prend le gouvernement il y a des contradictions et dans l'action et dans la pensée. Moi, j'en ai trouvé une, contradiction, et je ne comprends pas votre introduction, en toute honnêteté, par rapport à ce qui est dit après, et je vais vous lire rapidement: Cette apparente contradiction ? vous parlez de la contribution ? ...

M. Vaudreuil (François): À quelle page êtes-vous?

M. Bachand: À l'introduction.

M. Vaudreuil (François): Ah! O.K.

M. Bachand: À la page 2. Vous parlez d'une contradiction puis, à l'intérieur même de cette contradiction, moi, j'en vois une aussi. Vous dites: Cette apparente contradiction nous fait craindre qu'il s'agit là d'une tentative de plus de fragiliser la position des travailleurs sur le marché du travail pour rendre moins attrayantes les perspectives de retraite et les garder plus longtemps au travail, etc.

Et pourtant toutes vos recommandations à la page 14 visent les personnes... ces personnes-là qui doivent prendre une préretraite et qui pourraient prendre une préretraite. Je ne comprends pas le...

Donc, vous dites que... finalement vous reprochez un peu le fait que de ne pas s'interroger sur la raison pour laquelle les gens s'en vont à la retraite... et vous dites que, bien, il y a une contradiction entre pousser les gens à l'extérieur du marché du travail. Puis, pourtant, toutes vos recommandations vont dans ce sens-là, à la page 14. Parce que toutes vos recommandations, la plupart de ce qui fait l'essence même de votre... Alors, moi, je ne comprends pas ça. Pouvez-vous m'expliquer ça un peu?

M. Vaudreuil (François): On va reprendre les choses... on va prendre les choses tranquillement. Moi, j'ai l'impression, là, que je vous ai exactement dit ce qu'il y a dans le mémoire. Bon. Le ton du mémoire au niveau de l'introduction: entre autres, il a été écrit dans une période de tensions sociales, une période très sérieuse, bon, et j'ai fait la mise en garde d'ailleurs, dès le début de ma présentation où, bon...

Puis ce qu'il faut comprendre, c'est que, si, la CSD, on s'est prêtés à l'exercice démocratique de venir ici aujourd'hui, c'est que le ministre nous avait informés de son intention de prendre le temps. Il nous apparaît qu'on est dans un véritable processus démocratique, et c'est dans ce cadre-là qu'on s'est présentés.

Et vous admettrez que, l'automne dernier, il n'y avait rien de drôle, là. Il n'y avait rien de drôle, on n'avait pas le temps de rien faire, il n'y avait pas de débat de fond. Il y a eu le bâillon. Il y a eu des droits qui se sont perdus. De toute façon, on ne reviendra pas là-dessus, il y a des actions qu'on a prises là-dessus. Mais, dans...

M. Bachand: Si vous permettez, M. le Président, la distance que j'observe, là, c'est tout à fait à propos, là, entre le discours et le mémoire. Ce que vous me dites. O.K.

M. Vaudreuil (François): Mais, c'est ça. C'est ça que je vous dis puis j'ai apporté la précision dès le départ, là, dès le départ. C'est beau?

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Vaudreuil, M. Tremblay, merci d'avoir participé à cette commission parlementaire, et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux, et nous sommes heureux d'accueillir les représentants du Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec. M. le président Lupien, bonjour à la commission. La procédure est assez simple, vous avez un temps maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Il y aura par la suite un échange de 20 minutes... d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent, les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Regroupement des associations de personnes
traumatisées cranio-cérébrales du Québec

M. Lupien (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, membres de la commission. Alors, comme vous l'avez si bien dit, mon nom est Jean-Pierre Lupien. Je représente 13 associations dans la province de Québec sous l'égide du Regroupement des associations de personnes traumatisées crâniennes. À ma droite, il y a M. Paul Sénécal, qui est père de famille, d'une jeune victime traumatisée crânienne, membre du conseil d'administration du regroupement en tant que secrétaire-trésorier, ainsi que Mme Lord, qui est directrice générale du regroupement et qui va se faire un plaisir de répondre à vos questions dans la mesure du possible.

Maintenant, je vais passer la parole à Mme Lord pour expliquer un peu c'est quoi, le sens de notre organisme.

Le Président (M. Copeman): Mme Lord.

Mme Lord (Marie-France): Bien, j'aimerais vous présenter le regroupement. D'abord, le regroupement est un organisme à but non lucratif qui regroupe 13 associations qui desservent l'ensemble du Québec, toutes les régions administratives du Québec, au niveau des personnes traumatisées cranio-cérébrales et de leurs proches.

Alors, la mission du regroupement est bien sûr de défendre les intérêts des personnes traumatisées cranio-cérébrales, de leurs proches, de défendre les intérêts des associations, de sensibiliser la population au vécu des personnes traumatisées cranio-cérébrales, mais surtout aussi de sensibiliser les décideurs aux décisions qui peuvent avoir des impacts sur ces personnes.

Donc, nous sommes vraiment un organisme provincial. Je tiendrais à vous souligner qu'évidemment les 13 associations régionales offrent toute une gamme de services aux personnes traumatisées cranio-cérébrales, de l'intégration sociale au soutien psychosocial, etc.

J'aimerais vous mentionner qu'au Québec seulement... Ça peut paraître surprenant, mais chaque année environ 12 000 personnes vont subir un traumatisme cranio-cérébral au Québec. Parmi ce nombre, environ 4 500 subiront un traumatisme cérébral qu'on qualifie de grave. Et ce qu'on peut noter aussi parmi les statistiques, c'est que, parmi ces gens, on dénote de très jeunes gens. Plus de 50 % sont âgés de moins de 35 ans.

Donc, c'est un peu la présentation du regroupement, du rôle du regroupement, et maintenant j'aimerais céder la parole à M. Sénécal pour vous exposer les préoccupations majeures du regroupement dans le cadre de cette commission.

n (14 h 10) n

M. Sénécal (Paul): Bonjour à tous. Alors, nous, quand on a consulté le document de base, ce qui nous a surpris, c'est dans ce qui était pour être revu... c'est qu'il y avait certaines données qui nous touchaient et qui nous semblaient être omises, et c'est la raison pour laquelle on voulait vous faire une représentation. Et on était soucieux, on avait des préoccupations, et notre crainte, c'était justement que, compte tenu du peu de données qu'on avait, d'être convoqués ici... Puis on veut remercier la commission justement de nous avoir permis de faire des représentations même si notre document n'est pas un document volumineux. On veut vous faire certaines représentations bien spécifiques et on vous en remercie.

Nous, on calcule qu'il y a un vide juridique, spécialement pour les jeunes personnes. Comme madame disait tantôt, il y a 50 % des gens qui ont 35 ans et moins, et, dans plusieurs cas, ces gens-là, soit que, compte tenu qu'ils ont eu un emploi pour une courte durée de temps ou soit dans certains cas qu'ils n'ont jamais travaillé, donc, ces gens-là vont se retrouver ? indépendamment que ce soit un accidenté de la route qui a des prestations de la Société de l'assurance automobile du Québec, ou quelqu'un qui a des prestations de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ou quelqu'un qui aurait même une assurance privée, peu importe ? ces gens-là vont se retrouver à un moment donné à 68 ans avec rien devant eux parce qu'ils n'ont pas pu cotiser ou ils ont très peu cotisé au Régime des rentes. Et, quand on regarde les statistiques, bien vous savez que l'espérance de vie augmente de plus en plus. Si on prend une personne à 68 ans, selon les données statistiques du Québec, l'espérance de vie pour un homme est de 13 ans et demi et, pour une femme, est de 17 ans et demi. Alors, ces gens-là vont se retrouver finalement devant... La seule source de revenus qu'ils vont avoir dans certains cas, ça va être la pension de vieillesse, et ils vont se retrouver au seuil, en fait, de pauvreté.

Alors, c'est là-dedans qu'on voudrait attirer l'attention de la commission. Parce qu'un des éléments, on parle de la modalité du calcul de la rente. Bien, modalité du calcul de la rente pour quelqu'un qui n'a jamais travaillé, bien, c'est fort simple, il n'aura jamais rien. Et on voudrait que la commission se penche sur ce problème-là et fasse des recommandations pour qu'il y ait des tables de concertation, qu'on s'assoie avec la Société de l'assurance automobile, avec la CSST, entre autres, et de discuter comment le sort de ces gens-là pourrait être amélioré et bien sûr, bien, dans le cas des gens qui n'ont jamais pu travailler parce qu'ils étaient trop jeunes, bien, qu'on examine aussi quelles seraient les avenues possibles. On n'a pas de recommandation spécifique à faire parce qu'on n'a pas l'expertise, on n'a pas les données pour ce faire. Tout ce qu'on veut faire, c'est sensibiliser la commission à cette problématique.

Alors, si vous avez des questions, comme M. Lupien le disait tantôt, elles pourraient être dirigées à notre directrice, Mme Lord.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. Lupien, M. Sénécal et Mme Lord. Merci de votre présentation. Je veux juste, dans ce que vous avez amené... C'est parce que vous parlez d'un vide juridique, puis effectivement, moi, quand j'ai vu votre mémoire, on se pose les mêmes questions, on dit: Bon, bien, comment on peut voir qu'est-ce qui peut être fait avec le Régime des rentes du Québec pour la situation que vous décrivez? Je vous dirais aussi que vous amenez la question, une des questions fondamentales qu'on se pose depuis le début de la commission, c'est-à-dire: Quel est le rôle ou quelles sont les limites du Régime de rentes du Québec? Parce qu'on en a parlé à plusieurs reprises, parce que, dans la commission, ça a été l'occasion pour certains de venir nous dire que le Régime des rentes du Québec pourrait être un outil pour lutter contre la pauvreté, devait être un outil pour être utilisé pour différents points, et ce que vous amenez aujourd'hui se situe en plein là-dedans parce qu'il ne faut pas oublier... Puis, moi, j'entends ce que vous me dites, j'entends très bien ce que vous nous mentionnez, puis on peut y réfléchir, mais je vous dirais que, à la base, moi, ce que j'aimerais voir avec vous, c'est: Est-ce qu'on s'entend sur le rôle du Régime de rentes du Québec? C'est un régime de rentes.

Vous, ce que vous me dites aujourd'hui, vous croyez que, par le Régime de rentes, il y a un certain nombre de choses qu'on pourrait faire, qu'on devrait faire et qui, donc, viendraient, je dirais, répartir autrement ou amener une autre dynamique dans la façon dont on voit le Régime de rentes du Québec, et c'est pour ça que je dis: Vous ne nous demandez pas de revoir d'autres programmes ou de voir d'autres éléments qu'on pourrait amener ailleurs, vous, vous pensez qu'au Québec c'est par le Régime de rentes qu'on pourrait bouger pour aider les gens qui sont traumatisés cranio-cérébraux, entre autres.

Mme Lord (Marie-France): Oui, M. le ministre. Merci. En fait, oui, effectivement, nous sommes conscients qu'actuellement le Régime de rentes du Québec est fait en fonction de... pour des travailleurs, donc, bon, le vide juridique étant justement au niveau de ceux qui ne peuvent jamais cotiser. Mais il y a aussi une question de... pas nécessairement un vide parce qu'il y a des possibilités pour les personnes qui ont cotisé, même ne serait-ce que peu d'années, d'avoir une certaine forme de rente, mais elle peut être très minime parce que, bon, pour des gens qui n'ont pas eu la chance de, comme on dit, réussir à plafonner au niveau du nombre d'années qu'ils peuvent... du montant de salaire qu'ils peuvent contribuer, je me dis, au niveau du rôle de la Régie des rentes, ça pourrait être... il pourrait y avoir des solutions d'amenées.

Comme, par exemple, nous, on vous disait tout à l'heure: On n'a pas l'expertise, mais on a quand même songé à quelques pistes de solution qui peuvent paraître, bon, peut-être pas réalistes, mais, bon, ne serait-ce que pourrait-on envisager éventuellement la création d'un fonds spécial qui pourrait venir en aide à ces personnes-là? Parce que, à vrai dire, supposons une question hypothétique, quelqu'un qui a un accident, qui a travaillé seulement de 20 à 25 ans, qui avait un potentiel pour obtenir un salaire assez élevé d'ici quelques années, qui n'a jamais pu plafonner, est pénalisé. Donc, nous, dans ce sens-là, on pense que, oui, pour répondre à votre question, le rôle... Vous le questionniez vous-même si bien, le rôle de la Régie des rentes, bien je crois qu'il pourrait y avoir des avenues. Mais, comme on vous dit, nous, on pense... nous, ce qu'on propose, c'est la création de tables sectorielles pour analyser vraiment la question avec des gens qui ont l'expertise. Mais est-ce la bonne solution? C'est notre recommandation avec... humblement, là, je dirais.

M. Béchard: Mais non, je trouve ça intéressant que vous le mentionniez parce que, effectivement, on peut... Moi, c'est la question que je me pose depuis le début. C'est que, à un moment donné, jusqu'où on peut aller avec le Régime de rentes, parce qu'il y a toujours la nécessité qu'on a de ne pas oublier qu'on veut demeurer à l'intérieur des mêmes taux de cotisation, qu'il y ait un certain nombre de travailleurs qui cotisent. Il faut maintenir un certain équilibre dans le régime comme tel, donc le régime a aussi ses limites. Mais, moi, ce que j'en comprends, de ce que vous nous dites, c'est que dans le fond peut-être qu'effectivement ce n'est pas le régime ou ce n'est par le régime qui est le meilleur outil ou le meilleur moyen, mais, au moins, qu'on regarde quelles sont les hypothèses, jusqu'où on peut aller puis de quelle façon ça pourrait se faire. Puis ça, ça n'a jamais été fait avant, ces discussions-là, ça?

Mme Lord (Marie-France): Bien, M. le ministre, à mon avis, ça n'a pas été analysé, et c'est justement le but de notre présentation. Et puis, encore une fois, merci de nous avoir invités, parce que le but de notre présentation, c'est de susciter une amorce d'analyse à ce niveau-là pour ces gens-là qui vivent cette problématique. Parce qu'il y a les gens qui sont carrément dans le vide juridique, qui ne pourront jamais cotiser, qui n'ont jamais cotisé parce qu'ils ont eu l'accident trop jeune, ils n'ont pas pu entrer sur le marché du travail, mais il y a aussi ceux qui ont cessé très tôt de cotiser.

M. Béchard: Parce qu'il y a aussi d'autres outils qu'on peut regarder. Parce que, comme je vous dis, au niveau du Régime de rentes, quand on regarde la rente moyenne à 65 ans, c'est de 525,79 $, quand on regarde le SRG, qui est le supplément de revenu garanti, qui est autour de 500 $, il faut s'assurer aussi qu'on ne change pas juste un pour l'autre et qu'on revient au même.

Et l'autre élément aussi, moi, que j'aimerais vous proposer, c'est qu'il y a peut-être d'autres outils également, que ce soit au niveau des autres programmes ou encore... On est en train de préparer un plan de lutte à la pauvreté, il y a différentes propositions qu'on est en train de regarder. Alors, à ce moment-là, on pourrait peut-être aller plus loin dans les questions que vous nous amenez puis ne pas passer nécessairement par le Régime de rentes, mais de voir si, d'une autre façon, peut-être avec mon collègue aussi de la Santé et des Services sociaux, on ne pourrait pas avoir une façon plus particulière de régler ce que vous nous amenez, parce que je suis... Puis, je vous le dis, peut-être qu'après s'être parlé puis avoir regardé différentes alternatives, ce sera par le Régime des rentes, mais aujourd'hui, moi, je vous dirais qu'au premier coup d'oeil je ne suis pas sûr que c'est vraiment par le Régime des rentes qu'on pourrait corriger la situation. Parce que, si on la corrige par la Régie des rentes, quel serait l'impact sur les autres mesures, comme par exemple le supplément de revenu garanti ou les pensions de sécurité de vieillesse, pour être sûr que ça ne recoupe pas un et l'autre, qu'on fait juste changer quatre vingt-cinq-cennes pour un dollar?

n (14 h 20) n

Alors... mais, moi, je suis prêt à ce qu'on se rencontre puis qu'on en discute, de voir est-ce que c'est par ce régime-là, est-ce que c'est par d'autres moyens, d'autres outils qu'on s'apprête à mettre en place aussi avec Santé et Services sociaux puis le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale qu'on pourra regarder si on peut faire un certain nombre de choses aussi, là. Parce que je suis parfaitement conscient de ce que vous amenez, il y a les deux situations: il y a la situation de la personne qui a travaillé un peu, qui n'a pas cotisé suffisamment, qui se retrouve avec pas beaucoup de gains... pas beaucoup de rentes, mais aussi l'autre problématique extrêmement importante de celle qui n'a pas eu le temps de travailler. Alors là... Puis, en même temps, il faut maintenir aussi un certain équilibre par rapport à d'autres citoyens qui peuvent vivre des situations similaires, là, dans d'autres situations complètement. Alors, moi, je suis ouvert à ce qu'on se revoie puis qu'on en discute, des différentes alternatives qu'il serait possible d'envisager.

Mme Lord (Marie-France): Bien, M. le ministre, soyez assuré que nous serons disponibles au moment qui vous conviendra pour vous rencontrer. Et, merci beaucoup de votre ouverture, nous serons tout à fait... nous allons mettre tout en oeuvre pour collaborer avec vous et puis à trouver les solutions. Et, comme vous le dites bien, ce serait bien, effectivement, d'analyser, au niveau de la Régie des rentes, ce qui peut être fait, mais, s'il y a d'autres moyens, en tout cas, comme directrice générale, en tout cas, moi, personnellement, je me dis: S'il y a d'autres moyens de trouver des solutions par d'autres biais... Mais, en tout cas, en ce qui a trait à ce qu'on se rencontre, nous serons disponibles à votre convenance, et ça nous fera extrêmement plaisir.

M. Béchard: Puis, moi, ce que je trouve intéressant, là, puis ce que je remarque, c'est qu'on n'est pas encarcané dans une solution, là, vous ne me dites pas: C'est la Régie des rentes ou rien. Moi, j'aime beaucoup ça parce que je me dis: On peut peut-être regarder de d'autres façons, par d'autres canaux pour mieux répondre à ce que vous nous demandez et éviter de se retrouver dans une situation où on ferait juste changer une situation par une autre situation qui serait à peu près la même puis qu'on aurait en plus peut-être le mauvais véhicule, dans certains cas, qui serait la Régie des rentes. Mais, d'un autre côté, peut-être que, si, en bout de ligne, on en arrive à dire que c'est une des seules solutions, comme je vous dis, on verra, mais je pense qu'il faudrait aller plus dans les détails.

Comme je vous disais, on a beaucoup de temps. La loi sur la Régie des rentes, on ne prévoit pas déposer de loi avant l'automne prochain et on ne prévoit pas la faire adopter avant le printemps prochain. Alors, on a du temps pour trouver, là, une solution qui pourrait être intéressante, là, et ce serait que, nous, on poursuit nos objectifs puis on les atteint avec les modifications au Régime des rentes, mais qu'en même temps, pour vous, soit dans cette solution là ou dans d'autres, bien qu'il y ait peut-être quelque chose d'intéressant à voir.

Mme Lord (Marie-France): En fait, M. le ministre, ce qui nous importe, c'est qu'à tout le moins l'analyse soit faite pour définir est-ce que, oui ou non, il y a des solutions possibles, envisageables, qui vont permettre à nos gens pour qui on défend... nos personnes traumatisées cranio-cérébrales pour qui on est là... Qu'on en fasse l'analyse, et, si on en arrive à la solution que, bon, malheureusement, il n'y a pas de possibilité, mais que, heureusement, par contre, par d'autres biais, il y aurait possibilité de trouver des solutions, tant mieux. Mais, nous, notre objectif, c'est que finalement le bien-être et les droits des personnes traumatisées cranio-cérébrales soient reconnus comme tout le monde.

M. Béchard: Parce qu'il peut y avoir peut-être une série d'éléments qu'on pourrait regarder. Parce qu'on regarde, par exemple, dans les niveaux de cotisation, on a ouvert sur le fait que certaines personnes qui ont des enfants à charge présentement, il y a un certain nombre d'années qu'ils peuvent être réduits. On peut peut-être regarder dans le cas de gens qui ont à charge ou qui s'occupent de gens plus spécifiquement. En tout cas, je pense qu'il y a peut-être quelques solutions qu'on pourrait regarder, là, autant à l'intérieur de ce qu'on propose là que dans d'autres programmes, là. Alors, je serais bien, bien intéressé à ce qu'on se revoie puis qu'on en reparle.

Mme Lord (Marie-France): Absolument. Absolument. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, M. Lord... M. Sénécal, excusez-moi.

M. Sénécal (Paul): Une piste ? vous allez dire, c'est peut-être loufoque ? écoutez, une piste... On parle de personnes qui sont jeunes. Si une personne a accumulé des sommes auprès du Régime des rentes ? je parle d'un parent ? et qu'il... au lieu de retirer ces prestations-là, les laisserait dans la caisse au profit de son enfant plus tard. Pourquoi qu'on ne pourrait pas faire ça? Je comprends, là, qu'il y a un jeu, là, de calculs actuariels, mais on parle aussi que la caisse va peut-être profiter de cet argent-là pendant 40, 50 ans. Alors, il y a peut-être des pistes qu'on peut regarder. C'est un transfert...

M. Béchard: ...transfert de bénéfices. Au lieu de le transférer au conjoint...

M. Sénécal (Paul): Oui, au lieu que ce soit le parent, ce serait l'enfant, compte tenu que cet enfant-là serait reconnu comme, bien sûr, un enfant handicapé, là.

M. Béchard: Non, moi, en tout cas, c'est comme je vous dis, c'est une problématique, là, que vous nous soumettez qui est extrêmement... je dirais, extrêmement touchante. Sûrement, c'est extrêmement sensible, puis je vous dirais qu'il faut... À un moment donné, il y a différentes opportunités qui s'offrent à nous, là, il faut les regarder. Puis, il n'y a jamais de solutions loufoques, les seules solutions loufoques sont celles qu'on ne dit jamais. Alors, moi, je dis qu'à partir du moment où il y a des pistes qui sont lancées c'est en discutant puis en se rencontrant qu'on peut peut-être avancer sur un certain nombre de points. Puis, comme je dis toujours, moi, on ne garantit pas de miracle. Je ne dis pas que ce qu'on va amener va vous satisfaire pleinement, mais, si au moins on en discute puis qu'on voit qu'est-ce qu'il est possible de faire puis c'est quoi, les impacts de ce qui est avancé puis ce qu'on pourrait mettre sur la table, bien, à ce moment-là, on aura fait un bon bout de chemin, là. Oui, on va regarder ça.

M. Sénécal (Paul): Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. M. Lupien, M. Sénécal, Mme Lord, bienvenue à cette commission. Merci pour votre participation, d'autant plus que vous mentionnez dans votre mémoire que vous êtes un organisme communautaire et que, malheureusement, vous n'aviez pas les ressources et les données vous permettant de présenter un mémoire, là, en bonne et due forme. Et par contre c'est très important que vous soyez ici pour parler au nom de ces gens-là. Alors, on l'apprécie.

J'aimerais savoir, vous dites que vous représentez 13 associations, combien de membres, disons, en tout, là?

M. Lupien (Jean-Pierre): Environ 4 000 dans la province.

Mme Beaudoin: 4 000. Puis quand on parle... 4 000 membres...

M. Lupien (Jean-Pierre): Comme M. Sénécal vous a dit tantôt, là, ou Mme Lord, là, sur 12 000 dans l'année, il y en a 4 500 qui sont considérés sévères plus que modérés. Ça fait que, si on regarde le chiffre 10 ans avec 4 000, ça fait déjà 40 000 personnes, là. Ça ne veut pas dire qu'ils décèdent tous après 10 ans, là, donc on a une population, entre guillemets, d'à peu près 100 000 traumatisés crâniens dans la province.

Mme Beaudoin: Ça, c'est à travers le Québec?

M. Lupien (Jean-Pierre): Oui, madame.

Mme Beaudoin: J'aimerais savoir combien de personnes que vous représentez sont sans agent payeur comme la CSST et la SAAQ?

Mme Lord (Marie-France): 50 % de la clientèle environ.

Mme Beaudoin: Vous dites environ, plus ou moins, oui?

Mme Lord (Marie-France): 50 %, là, on se trompe à peine de quelques...

M. Lupien (Jean-Pierre): Entre 50 % et 55 %.

Mme Lord (Marie-France): Oui, c'est vraiment, là, assez juste, là.

Mme Beaudoin: L'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec vont présenter un mémoire par la suite et ils ont une proposition; j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet-là. Ils proposent que la CSST verse la contribution du travailleur et de l'employeur, qu'en pensez-vous?

M. Lupien (Jean-Pierre): Dans les pistes qu'on a regardées ensemble, notre organisme, on s'est dit qu'à même les indemnités de remplacement de revenu, qu'elles soient de la SAAQ, de la CSST ou d'une assurance privée, il y a sûrement des mécanismes qui peuvent être incorporés, oui, pour inciter le travailleur à prendre parti de son indemnité puis aussi que la société fasse sa part, soit... Si c'est la CSST, bien c'est la part des employeurs. Puis là les modalités du côté juridique, vous voulez dire, on n'est pas aligné à ça, sauf qu'on peut sympathiser, oui, à une recommandation comme ça, je serais capable de m'avancer fortement, oui.

Mme Beaudoin: Puis, dans les faits, est-ce que vous pouvez nous dresser un portrait de la situation actuelle que vit une personne traumatisée crânienne, disons, qui atteint l'âge de 60 et qui a eu un accident automobile ou de travail à l'âge de 40 ans, par exemple, considérant qu'elle a cotisé pendant 20 ans au régime? Est-ce que vous pouvez m'expliquer exactement, là, c'est quoi, la situation?

M. Lupien (Jean-Pierre): Une personne qui reçoit des indemnités de remplacement de revenu ou une personne qui n'en a pas?

Mme Beaudoin: Oui, oui.

M. Lupien (Jean-Pierre): Une personne qui n'en a pas, elle est pauvre aujourd'hui. Une personne qui reçoit une indemnité de remplacement de revenu n'est pas riche, elle survit.

Mme Beaudoin: Est-ce que vous avez présenté un mémoire en 1998, lors de la première réforme, pour représenter les gens de votre organisme?

M. Lupien (Jean-Pierre): Non.

n (14 h 30) n

Mme Beaudoin: Non. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je pense que votre principale recommandation, qui est à l'effet d'avoir une table sectorielle ou du moins d'être entendus et de pouvoir travailler et faire des propositions, a été bien accueillie par le ministre.

Moi, j'ai une seule question au niveau de l'invalidité. Sur le nombre de personnes que vous représentez, 50 % ont 35 ans et moins et 50 % ont plus, 50 % se retrouvent au niveau de la Société de l'assurance automobile ou de la CSST, d'autres n'ont pas d'agent payeur, et un certain nombre qui doit recevoir une rente d'invalidité, il doit y en avoir un certain nombre qui sont éligibles à la rente d'invalidité au niveau de la Régie des rentes du Québec. Alors, qu'est-ce que vous pensez de la proposition de modifier la définition souple de la rente d'invalidité au niveau du régime?

M. Sénécal (Paul): On n'est pas en mesure de vous faire quelque commentaire que ce soit concernant cette définition.

Mme Caron: En fait ? bon, je peux simplifier, là ? dans la proposition, maintenant, pour ceux qui ont 60 à 65 ans, il y a une définition souple au niveau de l'invalidité, c'est-à-dire qu'on peut reconnaître une personne invalide si elle est incapable d'effectuer un travail qui... si elle est incapable d'effectuer son travail, O.K. C'est ça, la définition souple. La définition plus rigide, c'est: si elle est incapable d'effectuer quelque travail que ce soit, finalement, O.K., si je résume. Alors, dans la proposition, on nous dit: On enlèverait cette possibilité de souplesse, c'est-à-dire que, si je suis considéré comme invalide, c'est parce que je suis incapable d'accomplir tout travail, pas seulement celui que j'occupais avant. Alors, c'est sûr que, parmi vos membres, il y en a qui bénéficient de la rente d'invalidité, qui ont cotisé suffisamment dedans pour en bénéficier, et cette notion-là d'invalidité pourrait les affecter, je pense. Alors, peut-être, si vous avez le temps, là, d'examiner ? parce qu'on a du temps, hein, donc, la politique va être déposée à l'automne ? peut-être examiner cet aspect-là qui va quand même toucher une partie de vos membres.

M. Sénécal (Paul): On saisit bien votre point, madame, et on reviendra, on fera part aux gens de nos commentaires concernant ce changement-là à la définition.

Mme Caron: Oui, parce que, s'il est appliqué, il va rester une petite partie, si j'ai bien compris, de vos membres, mais quand même une partie. Je vous remercie.

M. Lupien (Jean-Pierre): On a essayé ? si je peux me permettre, M. le Président ? on a essayé de comprendre un peu le bout des articles 101 à 116, là, dans la loi actuelle du régime, puis on ne veut pas rentrer dans ces technicalités-là, mais on comprend que, si une personne est considérée invalide durant le temps qu'elle travaille, je veux dire, soit elle reçoit une prestation d'accident de travail ou de la SAAQ. Mais les pauvres gens qui tombent chez eux ou ailleurs dans la société, alors, sous quel régime ils sont couverts? Bien là vous êtes aussi bien capable comme moi d'y répondre, hein? Alors, le seuil de la pauvreté, il est là.

Mais notre inquiètement était surtout sur les gens qui n'ont jamais cotisé, ou peu, ou que ça prend du temps avec les tribunaux administratifs de régler leur cas, s'ils sont en CSST ou SAAQ, puis là on se demande, s'il y a des portions, là, comment ça va être ramené. C'est pour ça qu'on dit: Oui, on peut amener de l'eau au moulin, dans les genres de rencontres qu'il peut y avoir dans les tables sectorielles, puis ensemble on va pouvoir développer des pistes. Mais on n'est pas les experts, on est les victimes, et un traumatisé crânien apprend à vivre avec la nouvelle personne qu'il est à tous les jours, à part les problèmes de mémoire. Alors, quand il y a un régime aussi bien étoffé ou une loi aussi bien écrite comme celle-là, alors on peut se perdre dans la conjoncture. Mais, quand, nous, on retourne dans la province puis on essaie d'expliquer à nos membres qu'ils n'ont pas de prestation, puis qu'ils se demandent s'ils cotisent au Régime des rentes ou pas, ils ne le voient pas, ça, sur leur «slip» de paie ou sur leur revenu, parce que c'est un revenu qui est non imposable. Ça, c'est pour une portion.

Tantôt, tout à l'heure, vous disiez: C'est 50 % qui viennent peut-être de la SAAQ, un 5 % de la CSST, le reste, c'est des gens qui n'ont pas de régime qui les protège, même pas assez dans le privé pour qu'on ait des données.

Mme Caron: Merci, merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Alors, vous parliez précédemment qu'il y a un vide juridique pour les jeunes personnes, mais à 68 ans, rien du tout. Bon, je sais qu'au niveau de la santé, de la Commission de la santé et sécurité au travail, c'est le 68 ans, puis même il y a dégradation de la prestation à aller jusqu'à 68 ans. Alors, pour s'enrichir mutuellement, est-ce que c'est la même chose au niveau de la SAAQ?

Mme Lord (Marie-France): Au niveau de la SAAQ, c'est-à-dire que... Bon, juste peut-être pour reprendre un peu au niveau de ce que vous disiez, il n'y a pas un vide total pour ceux qui ont déjà cotisé. À la CSST, à 68 ans, il y a possibilité d'avoir une rente, là, de retraite. Pour les personnes à la SAAQ, elles doivent faire une demande afin de se déclarer inaptes à tout emploi et, à ce moment-là, bien on comptabilise les années durant lesquelles elles ont cotisé. Et on revient encore au même problème dont on parlait tantôt: si elles n'ont cotisé que très peu, alors la rente ira en conséquence.

M. Dufour: D'accord.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, bonjour. La question... Je veux revenir peut-être un petit peu à la réalité de ce que vous vivez à tous les jours parce que, je vais être honnête avec vous, pour moi, ce n'est pas très facile d'identifier les personnes pour qui vous défendez des intérêts aujourd'hui. C'est quoi, leur... Pouvez-vous nous donner un petit peu la réalité de ces gens-là? Dans le quotidien, bon, est-ce que c'est des gens qui, demain matin, ne peuvent plus du tout travailler, c'est sûr et certain? Et, si c'est le cas, est-ce qu'il y a des aidants naturels qui rentrent en jeu? C'est quoi, un petit peu, la réalité?

Mme Lord (Marie-France): La réalité, bon, évidemment, ça dépend toujours de la gravité du traumatisme. Si on parle d'un traumatisme très léger, la plupart des gens retournent au travail. Mais la majorité de nos gens pour lesquels nos associations membres donnent des services, ce sont des personnes... la réalité, ce qu'elles vivent, c'est qu'il y a beaucoup de problèmes de concentration, de mémoire, de problèmes d'impulsivité. La personne n'est plus la même. La personne n'est plus la même. Donc, il y a beaucoup de fatigabilité, aussi, énormément de fatigabilité. Donc, on peut dire que quelqu'un peut... quelqu'un, bon, qui travaillait, soit un travail de bureau, qui pouvait se concentrer toute la journée, maintenant ne peut le faire qu'une heure durant la journée, et la personne est brûlée, comme on dit, là.

Alors, c'est un peu le genre de réalité, là, que les personnes vivent. Donc, c'est pour ça que ces personnes-là, bon, ne peuvent retourner au travail, en raison de ces séquelles-là, des séquelles qui sont majeures pour les personnes traumatisées craniocérébrales.

M. Auclair: Et ça signifie quoi pour les gens autour de...

Mme Lord (Marie-France): Pour les proches?

M. Auclair: Oui, les proches. Les aidants, ce qu'on appelle les aidants naturels.

Mme Lord (Marie-France): Alors, pour les aidants naturels, O.K. Alors, effectivement, pour les aidants naturels, ce n'est pas facile. Justement, nos associations membres ? c'est un peu ça que je vous disais tantôt ? offrent des services pas seulement aux personnes traumatisées craniocérébrales, mais aussi à leurs proches, parce que ce n'est pas facile non plus, ce qu'ils vivent. Premièrement, d'apprendre à composer avec une personne qu'ils connaissaient avant l'accident et maintenant qui est complètement différente, qui n'est plus capable de faire les mêmes choses qu'avant, qui est changée, évidemment.

M. Sénécal pourrait peut-être ajouter parce que M. Sénécal est le père d'une personne... Mais c'est un peu ça. Les aidants naturels... Nos associations donnent beaucoup de services aux aidants naturels. Mais peut-être que je pourrais donner la parole à M. Sénécal, si vous vouliez.

Le Président (M. Copeman): D'accord.

n (14 h 40) n

M. Sénécal (Paul): Merci. Dans les faits, si on parle au niveau des couples, dans la très, très grande majorité, il y a rupture du couple, compte tenu que la personne est devenue une nouvelle personne. Dans les faits, c'est ce qui se produit en très grande majorité. Si on parle au niveau par contre des enfants, c'est... pour les parents, bien, ça devient... c'est une charge, dans bien des cas, c'est une charge pour la balance de leurs jours. S'il y a un payeur, bien c'est sûr que ça améliore beaucoup le sort des proches. S'il n'y a pas de payeur, bien c'est réellement des soins à deux vitesses, là, on retombe dans les soins à deux vitesses. Et c'est quelque chose qui est préoccupant pour un proche parce qu'il se voit vieillir, il voit ses proches vieillir puis il se pose la question: Qu'est-ce qui va se passer quand je ne serai plus là?

Mme Lord (Marie-France): Et peut-être pour ajouter. Nous, comme regroupement provincial, avec l'aide des associations, des personnes, les associations qui veulent participer, on travaille très fort au niveau des ressources de répit pour les aidants naturels et des ressources d'hébergement, aussi, appropriées pour les personnes traumatiques craniocérébrales, justement pour répondre à votre question au niveau de la réalité puis de ce que c'est pour les proches, là.

M. Auclair: Merci beaucoup.

Mme Lord (Marie-France): D'où le besoin de pauses-répit, là.

M. Lupien (Jean-Pierre): Et beaucoup de gens aussi comptent sur la Loi de la curatelle. Donc, quand quelqu'un n'est pas capable de prendre charge de lui, ce n'est pas juste des aidants, ça prend surtout quelqu'un de très polyvalent.

M. Auclair: ...du quotidien.

M. Lupien (Jean-Pierre): C'est ça.

M. Auclair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Ça va. Alors, M. Lupien, M. Sénécal, Mme Lord, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et je suis certain que tous les membres de la commission vont veiller à un suivi sur votre dossier.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 14 h 42)

 

(Reprise à 14 h 44)

La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, ça me fait plaisir, Mme Roberge, de vous accueillir. C'est le Syndicat des professionnelles et professionnels ? professionnelles et professionnels ? du gouvernement du Québec. Je vous informe que vous avez 20 minutes ? je ne pense pas que c'est la première fois que vous venez ? 20 minutes pour déposer votre mémoire et 20 minutes de chaque côté pour les questions. Si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne.

Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)

Mme Roberge (Carole): Certainement. Merci. Je suis accompagnée de M. Michel Chagnon, qui est vice-président chez nous, responsable de tout ce qui concerne la retraite.

D'abord, je dis bonjour à chacun des membres de cette commission-là et je remercie l'opportunité que nous donne la commission de pouvoir s'exprimer publiquement puis de pouvoir exprimer notre point de vue sur la réforme de la Régie des rentes du Québec. Donc, on est partis à partir du document qui est en consultation, c'est-à-dire votre document Adapter le Régime de rentes aux [...] réalités du Québec.

D'abord, d'entrée de jeu je dirais que la paire de lunettes du Syndicat des professionnels est la même au regard de toutes les réformes qui sont initiées par le gouvernement du Québec. Pour nous, toute réforme doit se faire dans l'intérêt public, mais aussi dans une perspective d'équité entre les citoyens et les citoyennes.

Donc, dans le présent cas qui nous occupe, il s'agit d'une mesure d'assurance sociale, hein? Donc, pour nous, l'objectif de cette mesure-là, l'objectif fondamental doit être celui de la réduction de la pauvreté en fournissant aux travailleurs et aux travailleuses un remplacement de base du revenu de travail perdu.

Donc, qu'est-ce qui nous amène ici aujourd'hui? Évidemment, on entend parler que, possiblement, il pourrait y avoir des problèmes de financement du régime à long terme. On voit qu'il y a eu des mauvais rendements au cours des dernières années, mais les dernières données sont quand même bonnes au niveau de la Caisse de dépôt en 2003. En tout cas, s'il y a des perspectives de mauvais rendements qui pourraient influencer le financement, ce n'est pas, pour nous, une cause majeure. Mais la cause qui est soulevée dans le document, c'est celle du vieillissement de la population, et, pour nous, on se pose la question de savoir: Est-ce que c'est vraiment un problème de vieillissement de la population ou si c'est un problème familial, de politique familiale, de renouveau dans notre société, et peut-être que d'autres mesures pourraient corriger les écarts qui pourraient subvenir au cours des années, la question de la natalité particulièrement, la question de l'immigration.

Les solutions qui sont apportées sont de deux ordres. D'abord, c'est soit d'augmenter le taux de cotisation ou de baisser les bénéfices, et, pour nous, contrairement au gouvernement, le point de vue du SPGQ est à l'effet de maintenir le plus possible les bénéfices actuels mais avec un taux de cotisation évidemment raisonnable, et j'y reviendrai tout à l'heure, par la suite. Pour nous, réduire les bénéfices, ce serait porter atteinte aux plus démunis de notre société. Donc, en conséquence, on est d'accord avec les mesures du régime qui permettent l'amélioration de ce régime-là, qui permettent d'améliorer le filet social pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

Présentement, je m'attarderais plus particulièrement aux mesures sur lesquelles nous sommes en désaccord dans les propositions du nouveau régime. Et d'abord, la première qui nous préoccupe et la principale qui nous préoccupe, c'est la rente pour conjoint et conjointe de survivant, et je parlerai plutôt de conjointe survivante parce que ce sont particulièrement les femmes qui sont ciblées ou qui en profitent majoritairement; le deuxième élément, ce sont les mesures qui touchent les personnes qui ont été, pour une longue période, sans emploi parce qu'elles ont été en chômage ou en maladie et les personnes aussi qui ont été aux études. On considère qu'elles sont pénalisées; et finalement, j'aborderais la question aussi par rapport aux invalides, aux personnes invalides.

Donc, la mesure qui nous préoccupe le plus particulièrement, c'est vraiment la rente temporaire qu'on se propose de mettre sur pied pour les conjointes survivantes. Pour nous, la proposition qu'on met de l'avant, c'est vraiment de conserver la rente actuelle pour plusieurs raisons. D'abord, parce que la situation économique des femmes est encore toujours très précaire et que ce sont elles qui bénéficient de cette mesure-là au moment où on se parle; d'autre part, parce que les femmes participent, oui, c'est vrai, de plus en plus au marché du travail, mais elles sont encore très minoritaires; et, d'autre part, parce que leurs revenus sont encore nettement inférieurs à ceux des hommes, même si elles sont sur le marché du travail. D'ailleurs, on sait qu'en 1993 ces personnes-là avaient déjà subi une réduction de bénéfice de la rente, et, pour nous, selon les statistiques dont on dispose, la situation des femmes sur le marché du travail s'est peu améliorée au cours des dernières années, je dirais même des 15 dernières années, et à cet effet-là, je reprendrai des statistiques de la Régie des rentes du Québec.

La moitié des femmes, au moment où on se parle, ne bénéficient pas encore du Régime de rentes du Québec, ne peuvent pas participer, ne peuvent pas cotiser parce qu'elles gagnent moins de 3 500 $. Ce n'est quand même pas rien. Ça touche la moitié des femmes. Et, d'autre part, les femmes qui touchent des revenus, qui sont sur le marché du travail, la majorité d'entre elles gagnent moins de 28 000 $ et la moitié d'entre elles gagnent moins de 18 000 $. On sait que le seuil de faibles revenus, selon Statistique Canada, c'est 15 000 $ pour une personne et de 22 000 $ pour un ménage. Donc, une personne, une conjointe survivante qui aurait un orphelin à charge, qui serait orphelin de père, exemple, avec un revenu de 22 000 $, on considère qu'on est en dessous du seuil de faibles revenus au Canada.

n (14 h 50) n

Donc, pour nous, c'est non. C'est non à la proposition de la Régie des rentes de limiter la rente à une durée temporaire de trois ans pour les conjointes survivantes de moins de 65 ans, même si le montant est bonifié et même si près, je dirais, de la moitié des économies de la réforme se trouvent dans cette mesure. Donc, je dirais, c'est quand même l'élément clé qui a le plus retenu notre attention.

Le deuxième élément, c'est la réduction de rentes pour les personnes démunies ou les personnes qui sont aux études. Nous, on dit non à cette proposition-là. D'abord, je dirais que, pouvoir toucher une rente avant 65 ans tout en travaillant, on trouve ça parfait. Pouvoir toucher une rente bonifiée, les personnes qui en font la demande après 65 ans, on est en accord avec ça. Mais ce qui retient notre attention, c'est l'abolition du retranchement de 15 % des années de faibles revenus. Encore là, pour nous, cette mesure-là défavorise particulièrement les démunis, les personnes qui ont été sur de longues périodes sans emploi ou à très faibles revenus, donc les personnes qui ont été en chômage, en maladie et, particulièrement, les gens aussi qui ont été aux études. Donc, pour nous, c'est important de maintenir cet aspect-là, de ne pas... de garder le retranchement de 15 % des années de faibles revenus, parce que, pour nous, cette mesure-là, c'est une mesure de redistribution qu'on trouve essentielle dans un régime d'assurance sociale universel.

Et le troisième élément qu'on a abordé est la question de la rente qui touche les personnes invalides à 65 ans. Pour nous, on croit que c'est très important de continuer à calculer la rente des personnes invalides comme si elles n'avaient pas perdu leur emploi, donc on considère que ce calcul-là devrait être en fonction de la progression salariale et non en fonction de l'indice des prix à la consommation. Pour nous, les personnes qui sont invalides n'ont pas choisi d'être invalides, ce n'est pas leur choix, elles n'ont pas à être pénalisées. Par ailleurs, en ce qui concerne l'invalidité, on est d'accord avec une seule définition pour l'ensemble du régime de l'invalidité.

Donc, en conclusion, pour nous, le régime ne doit pas porter atteinte aux plus démunis, et toutes les modifications doivent aller dans le sens de l'amélioration du régime et elles ne doivent pas porter atteinte. Particulièrement, en tout cas, on considère que ça défavorise les conjointes survivantes au moment où on se parle, ça va défavoriser les personnes qui, sur une longue période, sont sans emploi, et ça défavorise les personnes qui seraient invalides.

On s'est attardé aussi un peu au coût du régime, au taux de cotisation. Pour nous, l'objectif de baisser le taux de cotisation du régime à un niveau identique au Régime de pensions du Canada, en tout cas, pour nous, ce n'est pas une nécessité, d'autant plus que les prestations de ces deux régimes-là, elles ne sont pas identiques. Néanmoins, on considère que le taux de cotisation du Régime de rentes du Québec doit rester dans des limites acceptables, et ce que propose le SPGQ reste dans ces limites-là. D'ailleurs, on voit que le coût actuel du registre est de 9,95, puis même la régie reconnaît qu'on pourrait avoir une tolérance acceptable de 0,3. En tout cas, pour nous, ce qu'on propose, c'est en deçà de la limite qui ne serait pas acceptable.

Donc, en résumé, pour nous, c'est important, c'est un régime d'assurance universel qui ne doit pas défavoriser les plus démunis de notre société; tout au contraire, il doit augmenter le filet social de ces personnes-là. Donc, ça résume à peu près l'essentiel de la position du SPGQ, et j'en remercie la commission.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Mme Théberge, M. Chagnon. Je demanderais au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille de procéder avec les questions.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Mme Roberge, M. Chagnon, bienvenue. Merci de votre présentation. D'entrée de jeu, je veux mentionner que, dans ce qui motive les changements que l'on apporte, la révision qu'on veut faire à certains éléments du Régime de rentes du Québec, je dirais que ce n'est pas les problèmes de financement, ce n'est pas les problèmes boursiers des deux dernières années, il y a trois raisons majeures. La première, je vous dirais qu'il y a la nécessité et l'obligation légale qu'on a de le faire, qui est là depuis 1997. Deuxièmement, je vous dirais qu'il y a une question de démographie qui est là, d'un vieillissement de la population qui est là, qu'on observe au Québec, puis, je pense, tout le monde peut s'entendre là-dessus. Et, je vous dirais, l'autre point qui est important, c'est que, d'ici les prochaines années... Ce sont des prévisions, il faut toujours en prendre puis en laisser. Mais, dans les prévisions, c'est qu'il y a des risques que la population active diminue d'au moins 6 % au Québec, alors qu'elle augmentera dans le reste du Canada, et ça, ça amène une pression sur notre régime. Puis on regarde... Puis, je suis d'accord avec vous, il n'y a pas de nécessité d'avoir exactement le même taux de cotisation que le Régime de pensions du Canada. Cependant, il y a un objectif qui est poursuivi d'avoir une certaine équivalence. Alors ça, ce sont des facteurs qui sont à la base de ce qu'on amène.

Vous soulevez un point qui est intéressant aussi quand vous mentionnez que vous voyez, dans le Régime de rentes du Québec, un régime d'assurance universel. Donc, vous y voyez une connotation sociale beaucoup plus large que beaucoup de groupes qui sont venus nous voir ici, en commission, et ça, là-dessus, j'aimerais vous entendre un petit peu, en commençant, parce qu'il y a des gens qui nous ont fait remarquer: Écoutez, c'est un régime de rentes qui vise à assurer un minimum de rentes à 65 ans, qui, oui, est universel, l'ensemble des gens cotisent, mais ce n'est pas un programme social, il y a d'autres programmes pour ça, c'est un régime de rentes. Alors, c'est pour ça que j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, peut-être, en commençant, pour voir qu'est-ce qui vous amène à nous dire de façon aussi claire et déterminée que c'est un régime d'assurance universel et que, finalement, c'est beaucoup plus un programme social, à la limite, qu'un régime de rentes comme tel.

Mme Roberge (Carole): En tout cas, c'est clair que, pour nous, la contribution de la société... il doit y avoir une contribution en termes de solidarité auprès des plus démunis de cette société-là. Et le régime tel qu'il est prévu, c'est un régime, quand même, pour combler les revenus, hein, pour que les gens n'aient pas trop de grands écarts de revenus lorsqu'ils arrivent à la retraite, particulièrement, d'abord, donc protéger la situation économique de ces personnes-là, et, pour nous, ça a une fonction sociale de protéger la situation économique des personnes dans la société et, particulièrement, de protéger la situation économique des personnes qui sont déjà les plus démunies de notre société, et, au regard de ça, pour nous, on considère que c'est une mesure sociale importante.

M. Béchard: Vous avez amené aussi le fait que dans le fond, oui, le niveau de cotisation, il faut le garder à peu près au même niveau, à 9,9 %, mais vous n'en faites pas une panacée, vous dites: Dans le fond, vous êtes mieux de toucher au taux de cotisation et de maintenir les acquis du régime comme tels, selon vous, parce qu'il faut toujours faire attention sur le taux de cotisation, ça a plusieurs effets, comme vous le savez. Mais, selon vous, là, vous seriez prêts à accepter que, dans les prochaines années, on touche au taux de cotisation, qu'on prévoie une augmentation du taux de cotisation à condition de garder les acquis actuels du régime. Donc, le choix qu'on a fait, nous, de ne pas toucher au taux de cotisation puis de remanier un peu les enveloppes, puis le régime comme tel, et les rentes accessoires, et un certain nombre d'éléments, vous dites: Au lieu de toucher à ça, touchez au taux de cotisation.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): Oui, M. le ministre, vous touchez à un point assez précis. Même nous, en 1998, on s'était prononcées, les femmes, on n'était pas contre l'augmentation du taux de cotisation pour pouvoir protéger les bénéfices de ces personnes-là, et, au moment où on se parle, on serait peut-être plus à l'aise même s'il y avait une légère hausse du taux de cotisation que de voir baisser les bénéfices. Pour nous aussi, la société est capable de l'assumer, on considère qu'on doit protéger les plus démunis de la société, donc, dans une perspective de redistribution sociale, donc, évidemment, toujours dans les limites acceptables du régime, et les modifications qu'on propose restent en deçà des limites que la régie elle-même considérerait acceptables.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le ministre.

M. Béchard: Vous êtes consciente que ça a aussi un impact sur l'équité intergénérationnelle, c'est-à-dire que, si on augmente le taux de cotisation présentement, il y a des gens qui vont cotiser beaucoup plus, plus longtemps. Nous, quand on dit de garder le 9,9 %, le taux de cotisation actuel, c'est aussi dans un objectif d'équité intergénérationnelle, c'est-à-dire que les nouveaux qui commencent à cotiser, c'est sûr que ce n'est pas au même niveau que c'était avant 1997-1998, mais, au moins, ils n'y voient pas une augmentation présentement, là. Alors ça, vous êtes consciente que, si on touche au taux de cotisation, ça a un impact aussi sur l'équité intergénérationnelle.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): En tout cas, il faut voir que ce soit équitable pour l'ensemble des gens, des clientèles qui sont visées par le régime. Pour nous, c'est certain que l'équité est importante. Mais, en tout cas, en ce qui concerne... au moment où on se parle, pour nous, le taux est acceptable, puis, en tout cas, il n'y a pas vraiment une atteinte au niveau intergénérationnel au moment où on se parle. Donc...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le ministre.

n (15 heures) n

M. Béchard: Je voyais, dans votre mémoire, qu'il y a un certain nombre de points sur lesquels on est d'accord, entre autres au niveau de tout ce qui concerne les, ce qu'on peut appeler les retraites progressives ou la flexibilité, là, qu'on veut amener, c'est-à-dire que vous êtes d'accord avec la proposition de permettre au travailleur de toucher sa rente à 60 ans tout en continuant de travailler. Vous êtes aussi... vous approuvez aussi la bonification de la rente pour ceux qui la demandent après 65 ans.

Mais, je voudrais... j'aimerais ça profiter de votre présence cet après-midi, parce que j'ai une question qui me brûle les lèvres, c'est... il y a eu le programme de mise à la retraite en 1997-1998, puis juste... parce que, nous, on le voit, comme il y a de plus en plus de gens qui souhaitent continuer ou même revenir. Est-ce que vous avez évalué combien des personnes qui ont pris leur retraite à ce moment-là soit sont revenues, soit ont continué d'être actifs, soit se sont trouvé un travail à temps partagé ou un autre emploi?

C'est-à-dire, est-ce que... si un système comme celui qu'on veut mettre en place avait été combiné, combien il y a à peu près de personnes qui auraient pu continuer à être actifs ou, en prenant une retraite de la fonction publique, à continuer d'être actifs ailleurs ou qui... est-ce qu'il y en a beaucoup qui souhaitaient, qui trouvaient que c'était très tôt?

Parce que, moi, ce que j'entends depuis qu'on a mis les propositions sur la table, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui nous disent... C'est un élément presque social, ils disent: On veut maintenir le même niveau de vie. Il y a eu les problèmes boursiers des dernières années, on veut prendre une retraite. Oui, on veut jouer au golf le plus souvent possible, mais on ne veut pas jouer tout le temps sur le même terrain non plus. On veut avoir un niveau de vie qui est acceptable. Donc, on est prêts à peut-être travailler une journée ou deux.

Les gens vieillissent de plus en plus en santé, un meilleur taux de scolarité. Donc, il y a une série d'éléments qui font en sorte que la retraite progressive est de plus en plus, je dirais, demandée, carrément demandée. Alors, sur ce, je voulais voir sur le... sur ce qui avait été fait en 1997-1998, si on regarde aujourd'hui le bilan, je dirais, de l'opération en termes de gens qui souhaiteraient peut-être continuer ou revenir, ça pourrait être quoi à peu près?

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): O.K. Je dirais que, dans les membres actuellement qui sont plus ou moins proches de leur retraite, qui sont encore actifs à l'emploi, la retraite progressive est d'un intérêt de plus en plus grand. En tout cas, ça, c'est clair, ça fait même partie de nos revendications et de nos conditions de travail.

Maintenant, pour les gens qui sont partis à la retraite avec les départs volontaires, on a l'Association des retraités, même, des professionnels qui sont dans nos bureaux au SPGQ. Je dirais, on n'a pas vraiment de statistiques dans cette perspective-là. Ce qu'on sait, c'est que les professionnels sont contents. Ceux qui sont à la retraite sont contents d'être à la retraite. Et les gens qui parfois voudraient peut-être compenser un revenu parce que, lorsqu'ils sont partis à la retraite, ce n'était pas un montant suffisant vraiment pour elles, et tout ça, il y a quand même des embûches sur le marché du travail. Même si ces personnes-là désirent travailler une journée ou deux, les conditions ne sont pas vraiment, sur le marché du travail, favorables dans cette perspective-là. Les employeurs ont beaucoup de réticence à engager une personne pour une journée ou deux sur le marché du travail. Non, et les conditions facilitantes sur le marché du travail, en tout cas, les gens ne le sentent pas vraiment.

Mais on voit, des gens s'impliquent beaucoup dans la société active, que ce soit en termes de bénévolat ou que ce soit au niveau d'organisations. Même, nous, au niveau du syndicat, des gens viennent nous offrir leur collaboration. Mais je dirais que c'est sans plus, on n'a pas vraiment de statistiques précises.

M. Béchard: Mais vous sentez quand même un intérêt, entre autres pour ceux, comme vous mentionnez, qui sont près de la retraite, là. Et, à ce moment-là, ce que j'en comprends, de ce que vous me dites, c'est peut-être plus facile pour quelqu'un qui veut continuer dans le même milieu que quelqu'un qui se cherche un autre emploi. Parce que, pour un nouvel... un employeur, d'avoir une nouvelle personne à une ou deux journées par semaine, là, à ce moment-là, ça peut peut-être être moins intéressant que quelqu'un qui dirait qu'il pourrait continuer dans le même domaine. Donc, les conditions qu'on amène... puis c'est sans doute pour ça que vous êtes assez d'accord avec ce qu'on amène, sur le 60, 70 ans, c'est-à-dire d'offrir plus de flexibilité, combiner les gains de retraite à un gain de travail, la retraite progressive, et, en même temps, de la bonifier après 65 ans.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): Nous, en tout cas, ce qu'on entend de nos membres, c'est qu'ils désirent passer d'une étape de leur vie à une autre avec une transition beaucoup plus douce. Je pense que c'est ça qu'on entend, je dirais, de nos membres.

Par ailleurs, ce qu'on entend de plus en plus dans la fonction publique, c'est la pression à la retraite, hein? Puis les plaintes qu'on a eues, c'est des gens qui se sont sentis poussés à la retraite par l'employeur. Donc, là-dessus, je dirais, on a beaucoup de réserve. En tout cas, ça ne s'inscrit pas tout à fait dans l'esprit de ce que vous dites de ce qu'on vit dans les milieux de travail au moment où on se parle.

Puis, même pour les personnes, on voit des personnes qui ont été sans emploi, dans la quarantaine, mettons, dans la mi-quarantaine, qui sont instruites, hein, qui cherchent des emplois, puis le conditionnement social est à l'effet qu'ils sont déjà trop vieux, hein? Je vais vous dire, j'ai même vu des personnes dans la quarantaine, des hommes particulièrement qui commençaient à avoir les cheveux grisonnants un petit peu, se teindre les cheveux, hein, puis pas avec Gray Formula ou je ne sais pas trop quoi, là, c'était en brun, parce qu'ils avaient peur...

M. Béchard: Je ne le prendrai pas personnel.

Mme Roberge (Carole): ...parce qu'ils avaient peur d'être rejetés...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Je ne le prendrai pas personnel. Je commençais à m'inquiéter, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Roberge (Carole): C'est parce qu'ils avaient peur d'être rejetés par de futurs employeurs, comme... à l'effet, ils sont trop vieux pour être sur le marché du travail. Il y a des problématiques, là, pour les personnes même, je ne dirais pas, dans la cinquantaine ni dans la soixantaine mais dans la quarantaine. S'ils ont été évincés un peu du marché du travail ou s'ils étaient dans une période de chômage à court terme.

M. Béchard: O.K. Vous n'avez rien contre les cheveux gris, là?

Mme Roberge (Carole): Pas du tout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Non, O.K. Non, parce que c'est un phénomène qui est intéressant, puis je pense que vous avez mis le point sur quelque chose d'extrêmement important. Les gens veulent une transition plus douce, veulent mieux apprivoiser, là, les premières années de retraite, là, être davantage prêts, et ça effectivement, je pense que c'est quelque chose. Mais, de toute façon, on va avoir souvent l'occasion, dans la prochaine année, d'en reparler.

L'autre point sur lequel je voulais vous questionner aussi, c'est sur la question des rentes de conjoint survivant, parce qu'on a fait une proposition, on a dit qu'on était prêts à regarder un certain nombre de propositions qui nous seraient amenées lors de la consultation, et vous nous dites que finalement les dispositions actuelles ne devraient pas être changées au niveau de la rente de conjoint survivant. Mais j'imagine que vous êtes d'accord avec le fait qu'on doit bonifier peut-être la rente d'orphelin, c'est-à-dire donner plus aux orphelins, diriger davantage l'aide vers les enfants, vers les jeunes, pour être sûrs que peut-être les nouvelles réalités familiales, ce sont eux qui en bénéficient le plus. Mais, je vous dirais, sur la rente de conjoint survivant, sur les rentes viagères, on a eu toutes sortes de propositions. Il y en a, entre autres, qui nous ont dit: Bien, écoutez, dans certains cas, peut-être que les... il y a des cas où les gens ont des situations où il n'y a pas d'enfant ou la personne a un bon travail, qu'il n'y a pas de besoin de ce côté-là, parce que je comprends que vous seriez prêts à augmenter le taux de cotisation, mais on veut quand même rester dans l'acceptable ou de... nous, on a dit qu'on voulait rester exactement au même niveau, mais je vous dirais que... est-ce que vous trouvez ça correct qu'on continue d'avoir une rente viagère pour, par exemple, quelqu'un qui perdrait son conjoint, qui a 35 ou 40 ans et qui a une bonne situation financière, qu'elle continue quand même d'avoir cette rente viagère là, ce qui nous enlève de la marge de manoeuvre pour donner plus, par exemple, à d'autres qui sont peut-être plus dans le besoin ou encore carrément sur les rentes d'orphelin, parce qu'on a un certain nombre de choix à faire.

La santé du régime est bonne... elle est bonne jusqu'en 2050, si on pose un certain nombre de gestes et qu'on suit la situation de près, mais, en même temps, il y a un certain nombre de changements qu'il faut faire, et c'est pour ça, je voulais voir le plus, est-ce que vous trouvez ça... vous maintenez le point que pour tous on doit garder le principe des rentes viagères pour les conjoints survivants?

Mme Roberge (Carole): J'irais, en principe... vous parler aussi de la rente d'orphelin. En tout cas, on est d'accord pour l'augmentation de la rente d'orphelin. Mais, pour nous, à notre avis, les enfants sont d'abord pris en charge par les parents, et, pour nous, c'est important que la conjointe survivante, en tout cas, ne soit pas pénalisée parce qu'on augmente la rente d'orphelin. Même si les milieux familiaux ne sont plus ce qu'ils étaient, la composition des familles n'est plus ce qu'elle était, ce sont les parents qui ont toujours la charge des enfants, particulièrement des femmes. Donc, pour nous, toute la question de la rente de conjointe survivante nous préoccupe.

Maintenant, vous parlez peut-être de personnes qui seraient jeunes, qui auraient, je dirais, des conditions de revenus suffisantes. Pour nous, la rente du conjoint, c'est d'abord parce qu'on assume une baisse de revenu, hein, familial. On assume une baisse du revenu familial. Il faudrait voir, au niveau des statistiques, combien de ces jeunes personnes là sont touchées, mais, pour nous, même les femmes qui sont jeunes, souvent elles gagnent moins sur le marché du travail encore que les hommes, nettement moins. Les revenus sont très, très, très faibles au moment où on se parle.

En tout cas, il faudrait voir s'il y avait un élément d'exception pour un groupe d'âge particulier. Il faudrait voir en quoi ça touche ce groupe d'âge là. Il faudrait faire... En tout cas, nous, on n'a pas fait une analyse détaillée des revenus de ces catégories-là, mais, dans l'ensemble, ce qu'on a évalué, c'est que les catégories de l'ensemble des femmes, peu importent les groupes d'âges, sont très faibles. Puis je pense qu'on a même des statistiques... je ne sais pas si, Michel, tu les as à la portée, tu pourrais peut-être compléter...

M. Chagnon (Michel): Je ne les ai pas. Je ne les ai pas.

Mme Roberge (Carole): Tu ne les as pas.

M. Chagnon (Michel): Je ne les ai pas, je ne les ai pas apportées.

n (15 h 10) n

Mme Roberge (Carole): En tout cas, c'est un peu l'analyse qu'on fait, là: peu importe la catégorie d'âge, les revenus sont tellement faibles, puis, comme je vous le disais tout à l'heure, même selon les données de 2000, la moitié des femmes ne cotisent pas au Régime des rentes parce qu'elles gagnent moins de 35 000, ce n'est pas rien. Puis celles qui sont sur le marché du travail, la majorité d'entre elles ne gagnent pas... ce n'est même pas 75 % du maximum des gains admissibles, 28 000 $, puis, parmi celles-là, la moitié, elles n'ont pas 50 % du maximum des gains admissibles, c'est en dessous du seuil de faibles revenus. Ça fait que, en tout cas, s'il y a quelques personnes à... ce sera pour nous, en tout cas, des exceptions, puis il faudrait le voir, mais on n'a pas fait une analyse aussi détaillée que ça au niveau des revenus.

M. Béchard: Mais, à la limite, vous seriez prête à discuter de la possibilité que, dans certains cas, la rente viagère ne s'appliquerait peut-être plus, là, parce qu'il y a des situations où elle n'aurait pas raison d'être, là. C'est un peu ce que j'ai compris de votre première partie d'intervention. Parce que, c'est comme je vous dis, il faut maintenir un certain équilibre, et, à un moment donné, il y a des choses qui, même, de façon socioéconomique, ne sont peut-être plus aussi nécessaires qu'elles étaient. Alors, ce que j'en comprends, c'est qu'il pourrait y avoir une certaine ouverture pour dire que, pour une certaine catégorie de personnes, que peut-être, dans ces cas-là, la rente viagère ne s'appliquerait plus, là.

Mme Roberge (Carole): En tout cas, il faudrait avoir les données en main, nous, M. le ministre...

M. Béchard: Oui, oui.

Mme Roberge (Carole): ...pour pouvoir avoir une appréciation juste sur cette question-là. Au moment où on se parle, on n'a pas fait cette analyse-là. Pour nous, notre point de vue est pour l'ensemble des conjointes survivantes, sans exception. En tout cas, c'est le point de vue du SPGQ.

M. Béchard: Parfait, merci.

Mme Roberge (Carole): Oui.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Mme Roberge, M. Chagnon, merci pour votre participation à cette commission. Et on constate par votre mémoire que vous avez un chapitre très intéressant concernant une remise en cause avec la parité avec le Régime de pensions du Canada, ce qui vous démarque des autres mémoires qu'on a eus. Et c'est intéressant parce que plusieurs organismes se sont présentés devant cette commission pour exprimer leur attachement au Régime des rentes du Québec et de son caractère distinct. Alors, je pense que ce chapitre-là est primordial, d'autant plus que vous mentionnez, à la page 3, vous dites: Il semble que le législateur québécois ait vu, dans le Régime des rentes du Québec, une façon d'être distinct et d'adapter les prestations aux réalités québécoises.

De plus, vous mentionnez: Comme le document de consultation parle surtout de modifier le montant des prestations mais pas nécessairement pour les ramener au niveau de celles que verse le Régime de pensions du Canada, nous comprenons que la nécessaire parité ne vise que le financement du régime, à savoir afficher sensiblement le même taux de cotisation. Alors, votre position est très claire à ce sujet-là. Et c'est intéressant parce que vous mentionnez aussi qu'il ne faut pas réduire les bénéfices des clientèles les plus démunies.

Pour ma part, j'aimerais ça vous entendre concernant la rente de retraite. Vous avez mentionné que ça n'incite surtout pas à la poursuite d'études supérieures. Est-ce que vous pouvez apporter plus de détails concernant cette mention?

Mme Roberge (Carole): La rente de retraite. Pour nous, ce qui est proposé comme mesure, c'est de réduire la période, hein, à 40 ans, la période cotisane, et, pour nous, en tout cas, on était vraiment davantage favorables à l'idée de maintenir le retranchement de 15 % des années de faibles gains, particulièrement les gens qui sont aux études: premièrement, ils rentrent plus tard sur le marché du travail ou, s'ils cotisent déjà au Régime des rentes, leurs années seraient comptabilisées, et, souvent, lors de leurs études ou très tôt après leurs études, ce sont des gens qui ont vraiment de faibles gains, donc une faible cotisation au régime. Donc, nous, on est vraiment davantage pour le retranchement des faibles années de cotisation au régime et de garder une plus longue période pour les gens. C'est vraiment notre point de vue sur cette question-là.

Mme Beaudoin: Est-ce que vous tenez compte du décrochage scolaire actuel?

Mme Roberge (Carole): Ça en fait partie, hein? Les gens, ils arrivent plus tard sur le marché du travail au moment où on se parle, hein, on ne peut pas le nier, et les emplois sont plus précaires aussi, hein, les salaires sont plus bas, les emplois sont plus précaires, moins de permanence dans les emplois, et tout ça. Les jeunes de plus en plus bougent davantage avec des salaires inférieurs sur le marché du travail. Donc, nous, en tout cas, la possibilité du retranchement des années de faibles revenus avantageait vraiment les personnes qui avaient été pénalisées sur le marché du travail, que ce soit parce qu'ils font des études prolongées. Pour nous, ce serait dévaloriser l'instruction au gouvernement du Québec, désavantager ces personnes-là qui auraient été plus longtemps aux études. Donc, l'instruction d'une société est importante, et, pour nous, en tout cas, c'est un élément à inclure, on s'est dit: La réforme, il y a plusieurs mesures sur lesquelles on adhère dans la réforme, mais, pour nous, il ne doit pas y avoir de mesures qui pénalisent les gens qui sont les plus démunis ou les plus à faibles revenus au moment où on se parle dans notre société.

Mme Beaudoin: Le Conseil du patronat arrive à la conclusion que, pour la majorité des travailleurs québécois, le nombre d'années travaillées contre rémunération est inférieur à 40, à 40 ans. Est-ce que vous avez des suggestions concrètes pour tenir compte justement des travailleurs, surtout ceux qui sont à temps partiel et puis les travailleurs autonomes?

Mme Roberge (Carole): En tout cas, je ne discuterai pas les données du Conseil du patronat, là. Peut-être qu'elles sont justes ou non. Mais, nous, en tout cas, le régime actuel avec le retranchement considérait ces personnes-là à faibles revenus ou des personnes qui avaient été coupées du marché de l'emploi pour quelques années, ça les considérait déjà. Donc, c'était une mesure qui leur était très favorable, qui était sur une plus longue période d'années mais qui avantageait très nettement ces personnes-là.

Je ne sais pas si, Michel, tu aurais quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Chagnon (Michel): Juste un petit commentaire. Je pense que le retranchement de 15 % avait l'avantage justement de permettre aux personnes qui sont à faibles revenus ou à temps partiel de pouvoir, ce que j'appellerais, bénéficier du fameux 15 %, et donc de ne pas être pénalisées, tandis que la proposition gouvernementale actuelle fait en sorte que tout le monde va devoir contribuer pour 40 ans. Donc, les gens qui sont à temps partiel, ils vont pouvoir perdre l'équivalent que j'appellerais à peu près de six années, là, comme tel, qu'ils pouvaient retrancher dans le calcul de leur rente comme telle, et ça, je pense que ce n'est pas acceptable.

Mme Beaudoin: Croyez-vous que les mesures proposées pour inciter les travailleurs à demeurer actifs sur le marché du travail après 60, 65 ans sont suffisantes actuellement?

Mme Roberge (Carole): On n'a pas vraiment analysé cette perspective-là. C'est déjà une bonification, de pouvoir permettre aux gens qui, après 65 ans, auraient une compensation. On n'a pas vraiment étoffé cette question-là. On voit une limite, dans le marché du travail, dans les possibilités d'accueil du marché du travail, d'accueillir ces personnes-là et de les garder à l'emploi, et on voit de plus en plus une discrimination, je dirais, dans beaucoup de marchés du travail. Puis, même dans la fonction publique, je dois vous dire, le personnel de la fonction publique le sent: les personnes nouvelles qui arrivent dans la fonction publique, plusieurs se sentent traitées, je dirais, de personnes qui sont près de la retraite puis qu'elles devraient faire d'autres choses que d'être sur le marché du travail. Donc, en tout cas, il y aurait une culture de gestion à changer dans les organisations, à commencer par le gouvernement du Québec. Évidemment, tous les régimes de retraite qui les favorisent, qui amènent des mesures facilitantes vont être bénéfiques pour ces personnes-là.

Puis, Michel, oui, tu aimerais compléter.

M. Chagnon (Michel): Je trouve la question intéressante, mais je la retournerais de la façon suivante en disant: Si on veut que nos personnes qui ont l'âge de 60 ans, de 65 ans demeurent au travail, il y a les mesures qui sont proposées là qui ne sont pas... je pense, qui sont intéressantes en soi, mais la principale mesure qui va faire que les personnes de 65 ans vont vouloir rester au travail, c'est tout ce qu'on appellerait... dans quel milieu ces gens-là vont travailler. Il faut que, comme je dirais, le milieu du travail soit mieux adapté à la réalité des personnes de 60 ans ou de 65 ans, et, malheureusement, comme on disait tantôt, dans la fonction publique et même dans d'autres milieux parapublics, c'est souvent l'employeur qui pousse la personne à prendre sa retraite, il ne faut pas l'oublier, parce que c'est des gens qui aimeraient travailler peut-être un après-midi ou deux par semaine parce qu'ils aimeraient avoir des conditions particulières qui ne les pénalisent pas, comme tel, et la réalité du milieu du travail fait en sorte qu'ils ont peu de possibilités de continuer un travail qui, dans certains cas, ils le trouvent intéressant mais qu'ils n'ont pas la possibilité de donner ce qu'ils peuvent donner dans les limites de l'âge qu'ils ont.

Et, si on regarde maintenant en dehors de la fonction publique et du parapublic, le milieu du travail dans lequel je connais plus au niveau du privé comme tel, on se rend compte de ceci: les employeurs en général ne veulent pas avoir des modifications de l'organisation du travail qui vont dans le sens du temps partiel comme tel. On préfère, j'ai l'impression, davantage des gens à temps plein et surtout pas des gens qui travaillent un ou deux ou trois après-midi par semaine, à moins que ce ne soit, je dirais, des conditions de travail un peu... peut-être moins intéressantes, que je dirais. C'est tout.

Mme Beaudoin: On constate aussi, dans votre mémoire, que vous êtes très sensibilisés à la condition féminine. Alors, je vais laisser le soin à ma collègue de Terrebonne, qui est porte-parole pour l'opposition officielle en matière de condition féminine, de vous poser des questions.

Avant de terminer, j'aimerais savoir d'abord si vous avez présenté un mémoire en 1998, lors de la première réforme sur le Régime de rentes?

Mme Roberge (Carole): Oui.

Mme Beaudoin: Et puis est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la réforme entreprise en 1998 a permis de protéger le régime et que les objectifs ont été atteints?

Mme Roberge (Carole): On n'a pas fait cette évaluation-là. On s'est vraiment penchés particulièrement sur les mesures nouvelles qui étaient proposées. On n'a pas fait le bilan.

Mme Beaudoin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

n (15 h 20) n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Roberge, M. Chagnon. Merci de votre participation, merci de votre mémoire. Vous avez effectivement, je pense, présenté les éléments, là, les plus dérangeants au niveau de la réforme pour ce qui est de l'équité entre les citoyennes et les citoyens. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, les valeurs que vous défendez sont des valeurs d'équité entre les citoyens et les citoyennes, et, au niveau du calcul de la rente, le fameux 15 % est effectivement pénalisant, pénalisant bien sûr pour les personnes pour raison de maternité ou peu importe, vous apportez d'autres raisons aussi au niveau des personnes sur le chômage, au niveau des études, et ça, je pense que c'est important de le rappeler, toute la question au niveau des études. Évidemment, les jeunes étudient plus longtemps. Bien, effectivement, pour pouvoir avoir droit à une rente dans ce nouveau calcul là, ils vont devoir non seulement étudier plus longtemps, mais aussi travailler beaucoup plus longtemps pour arriver à des gains maximums tout en payant des cotisations plus élevées. Donc, en fait, c'est une mesure extrêmement pénalisante.

Vous parlez aussi de la rente de conjoint survivant, des modifications, et vous le démontrez très bien. Par contre, vous faites référence, et, pour le bénéfice de la commission, j'aimerais ça que vous précisiez, vous faites référence à 1993 où la rente de conjoint survivant avait fait l'objet de modifications importantes qui étaient des réductions des bénéfices. Alors, vu que vous êtes le seul groupe à avoir parlé de ce recul de 1993, alors, j'aimerais que vos propos soient vraiment enregistrés, que vous puissiez faire part de ces reculs-là.

Mme Roberge (Carole): Je vous avoue, Mme la députée, que vous m'embêtez un peu parce que notre expert sur cette question-là aujourd'hui a eu vraiment un contretemps majeur, il ne pouvait pas être ici; c'est lui qui aurait pu davantage répondre à cette question-là. Mais, si c'est là, c'est certain qu'il y a eu une baisse de bénéfices pour les conjoints survivants.

Mme Caron: Donc, je peux peut-être me permettre de vous demander de lui demander de nous faire parvenir un petit document qu'on pourrait peut-être déposer pour compléter?

Mme Roberge (Carole): Avec plaisir.

Mme Caron: Merci beaucoup. J'ai une autre question sur... parce que, là aussi, vous êtes le seul ? du côté des syndicats en tout cas, le seul ? groupe à vouloir avoir une seule définition pour la rente d'invalidité, alors que tous les autres groupes veulent maintenir la définition souple d'invalidité entre 60 et 65 ans. La plupart des organismes représentatifs, je dirais, des personnes handicapées, du côté aussi des regroupements de femmes, du côté des syndicats. Alors, pourquoi vous souhaitez ne pas maintenir une définition souple de la rente d'invalidité entre 60 et 65?

Mme Roberge (Carole): Mais, nous, en tout cas, on considère que les barèmes, au moment où on se parle, sont assez proches des barèmes de l'aide sociale pour toute autre personne qui a une contrainte sévère à l'emploi. Donc, en tout cas, pour nous, c'est assez couvert au moment où on se parle, c'est assez bien couvert, cette situation-là.

Peut-être que M. Chagnon aimerait compléter là-dessus.

M. Chagnon (Michel): Oui. Je vous dirais ceci: Nous, on pense que, en ayant une seule définition, ça touche les gens de 60-65 ans. L'effet, c'est le suivant: ça veut dire que la personne qui a été invalide, qui arrive à l'âge de 60 ans, elle va avoir une rente au même titre qu'un travailleur qui déciderait de prendre sa rente à 60 ans. Donc, à ce moment-là, la personne reçoit l'équivalent, comme tout travailleur comme tel. Cependant, comme Mme Roberge l'a dit tantôt, à 65 ans, là, on refait les calculs en disant que... on refait les calculs en faisant la projection de la progression salariale, cette fois-là, comme elle a été au travail. Donc, c'est pour ça que le changement de définition, ayant une seule définition pour tout le monde, ça a pour effet que la personne qui a 60 ans pourra décider si elle peut aller au travail ou bénéficier d'obtenir une rente de retraite au même titre que tous les autres travailleurs.

Mme Caron: Donc, cette personne-là aurait comme rente le montant d'une rente de retraite qui est beaucoup plus faible que le montant d'une rente d'invalidité pour sa période de 60 à 65 ans.

M. Chagnon (Michel): Non. C'est parce que, en le considérant comme sa rente à 60 ans comme tout travailleur, on va le recalculer comme si on projetait son travail, comme si elle avait travaillé, O.K., comme tout travailleur. Mais on ne lui donne plus ce qu'on appelle sa rente qu'on appelle... sa rente d'invalidité va être maintenue jusqu'à 65 ans, mais ça n'a pas pour effet de la pénaliser, comme tel, beaucoup en changeant cette notion-là. Elle reçoit la rente au même titre que tout travailleur qui déciderait de la prendre à 60 ans. Ça ne change pas beaucoup son revenu comme tel dans ces cas-là.

Mme Roberge (Carole): En autant que c'est en fonction de la progression salariale et non de l'indice des prix à la consommation.

Mme Caron: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme Roberge, M. Chagnon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à 15 h 45. On a pris de l'avance. On va prendre une petite pause, on va reprendre à 15 h 45. On va maintenir notre avance, mais ça va nous permettre une petite pause-santé.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

 

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Nous sommes heureux de recevoir les représentants du Mouvement des caisses Desjardins.

M. Morency, j'ai cru comprendre que vous êtes le porte-parole principal, pas unique évidemment quand on voit la table. Vous connaissez, je pense, nos règles de fonctionnement. Vous avez droit à une présentation d'une durée maximale de 20 minutes, qui sera suivie par un échange de 20 minutes, de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Mouvement des caisses Desjardins

M. Morency (Yves): Oui, merci. Je vous remercie beaucoup. Alors, à ma droite, c'est Mme Monique Tremblay, qui est première vice-présidente Épargne et fonds distincts, chez Desjardins Sécurité financière; à mon extrême droite, il y a M. Jean-Jacques Paradis, de la même institution, qui est directeur principal Recherche, développement et conformité; et à ma gauche, M. Alain Vallée, qui est actuaire principal à la direction Gestion de la caisse de retraite du Mouvement Desjardins.

Alors, le Mouvement Desjardins est un groupe financier intégré de nature coopérative, qui est la plus grande institution financière au Québec et la sixième en importance au Canada, avec un actif que nous venons tout juste d'atteindre d'environ 100 milliards. La Fédération des caisses Desjardins du Québec gère, au bénéfice des 39 000 employés du Mouvement, son propre régime de retraite et d'assurance collective. C'est donc à titre multiple aujourd'hui que nous nous présentons devant vous: à titre d'une part de grand employeur, aussi de conseiller financier en matière de gestion du patrimoine et ainsi que de fournisseur de services en assurance et en épargne collective.

D'entrée de jeu, il importe de mentionner que la réflexion actuelle sur le Régime de rentes du Québec représente une bonne occasion pour poser les jalons d'une série de mesures qui devront assurer sa pérennité. Les propositions de la Régie des rentes devraient permettre d'éviter une hausse des cotisations employeur-employé, qui sont déjà passablement élevées à 9,9 %. Selon la documentation que nous avons eu l'occasion de lire, de parcourir, le taux de cotisation devrait être de 10,13 % pour couvrir les coûts actuels du régime. Même si l'écart est faible, il ne fait aucun doute que des correctifs doivent être apportés maintenant pour maintenir son niveau comparable au régime canadien.

Bien que nous souscrivons aux objectifs poursuivis et aux solutions proposées, nous avons quelques réserves sur l'abolition, entre autres, du calcul de retranchement de 15 % des années où les gains ont été les plus faibles, sur la modification de la définition d'invalidité pour les personnes âgées entre 60 et 64 ans, de même que sur la proposition à la rente au conjoint survivant.

Alors, aujourd'hui, dans la présentation, on va surtout s'attarder sur ces trois aspects. Regardons d'abord la proposition de la régie de calculer la rente de retraite en fonction de tous les gains de carrière, avec possibilité pour le travailleur de bonifier sa rente s'il compte plus de 40 années de participation au régime. L'abolition du calcul de retranchement de 15 % des années où les gains ont été les plus faibles affectera un nombre important de travailleurs et particulièrement ceux comptant plusieurs années de travail à faibles revenus, ceux entrés tardivement sur le marché du travail ainsi que les travailleurs qui sont entrés tôt sur le marché de l'emploi et qui prennent une retraite avant l'âge de 60 ans.

Cette modification risque de pénaliser les jeunes et accentuerait l'inéquité intergénérationnelle si l'on considère leur participation financière importante et les prestations réduites auxquelles ils auront droit. Effectivement, les jeunes qui commencent leur carrière souvent vers 25 ans devront gagner le maximum des gains admissibles jusqu'à 65 ans s'ils veulent toucher la rente maximale, compte tenu du nouveau dénominateur de 40 années de participation.

Nous sommes inconfortables avec le fait que les moins de 24 ans, qui représentent près de 30 % de la population, risquent de ne pas pouvoir profiter des mêmes avantages que leurs parents, en plus de devoir assumer une part importante du fardeau de la dette québécoise. C'est pourquoi nous vous proposons de reconsidérer cette mesure en prenant davantage en compte l'équité intergénérationnelle.

Pour illustrer notre propos, on reprend l'exemple, qui est devenu célèbre maintenant dans les documents, de Pierre et Marie, en présumant que ce couple a débuté ses gains de travail à 25 ans seulement. Nous remarquons qu'en vertu de cette proposition la rente débutant à 60 ans diminuerait de 11 % pour Pierre et de 12 % pour Marie. Le fait de travailler après l'âge de 60 ans jusqu'à 65 ans afin d'améliorer leur rente entraînerait malgré tout, entre la méthode actuelle et celle proposée, un écart toujours négatif, cette fois de 5 %, bien que moindre, pour Pierre, et de 6,5 % pour Marie. C'est à ce niveau que les modifications affecteront le plus les travailleurs qui n'auront pas cotisé pendant plus de 40 ans, et je le répète, surtout les jeunes.

n (15 h 50) n

Il faut garder à l'esprit que les retraités actuels et ceux qui prendront leur retraite à court terme profiteront de prestations de retraite plus élevées, étant donné qu'on ne considère qu'une trentaine d'années de services cotisables. De plus, bon nombre d'entre eux auront longtemps cotisé à des taux nettement inférieurs au taux actuel, alors que les jeunes devront cotiser pendant près de 40 ans au moins 9,9 % pour bénéficier de la rente maximale.

Il en va de même pour les travailleurs autonomes et travailleurs atypiques. Enfin, les effets de l'application de cette proposition pourront se répercuter sur les régimes complémentaires de retraite. Effectivement, certains régimes ont une formule de rente coordonnée à la rente du régime avec un objectif global de remplacement du revenu. Or, même si, dans la plupart des cas, la baisse du montant de la rente de retraite du régime prévue à 60 ans n'aura pas d'impact immédiat sur les coûts des régimes complémentaires, cela pourra susciter des demandes de la part des travailleurs auprès de leur employeur pour bonifier leur régime de retraite afin de tenir compte de cette diminution. Bien que les coûts de tels ajustements varieront selon les entreprises, ils s'ajouteront néanmoins aux pressions concurrentielles avec lesquelles elles doivent composer, tant à l'échelle nationale qu'internationale.

En ce qui a trait à la rente d'invalidité, la régie propose de maintenir une protection financière contre la perte de revenus résultant d'une invalidité totale et permanente. Au sens du régime, une personne est invalide si elle a moins de 65 ans et qu'elle est devenue régulièrement incapable de détenir tout emploi rémunérateur.

La régie propose que la partie uniforme de la rente d'invalidité cesse, puisque le bénéficiaire deviendrait admissible à la pension du gouvernement fédéral. La partie variable, c'est-à-dire la rente de retraite payable continuerait d'être versée et indexée en fonction de l'inflation.

La régie propose également de supprimer la définition souple de l'invalidité pour les personnes âgées de 60 à 64 ans. Ces personnes auraient droit à une rente de retraite anticipée au même titre que les autres travailleurs.

L'impact le plus important de ces propositions serait la suppression de la définition assouplie de l'invalidité, puisque cette mesure aurait pour effet de diminuer le nombre de bénéficiaires d'une rente d'invalidité de 18 % à long terme. Cette souplesse introduite récemment est difficile à gérer, nous en convenons, pour la régie, puisque la définition «être incapable d'occuper son emploi habituel» est très large.

Il importe cependant de mentionner que l'application de cette proposition aurait un impact non négligeable pour les travailleurs bénéficiant d'une assurance collective. En effet, les clauses de coordination des prestations en cas d'invalidité des contrats d'assurance collective prévoient la coordination des montants reçus du régime, c'est-à-dire que les prestations de l'assureur sont réduites du montant payé par le régime en cas d'invalidité. On se doit donc de souligner que toute restriction de l'accès à la rente d'invalidité aurait une incidence directe et immédiate sur les primes des régimes privés d'assurance collective, compte tenu de l'accroissement des prestations qui en découleraient.

L'autre effet non négligeable concerne la base de référence pour une personne invalide de moins de 60 ans, entre les deux méthodes de calcul, soit «comme s'il avait 65 ans au moment de l'invalidité» et «la rente de retraite payable à 60 ans». Les impacts négatifs déjà soulevés par les nouveaux calculs de la rente de retraite pourront, dans plusieurs cas d'invalidité, avoir des effets plus grands que l'exemple soumis par la régie. Actuellement, la rente de retraite payable à 60 ans est recalculée pour tenir compte de l'évolution des salaires depuis la date où le travailleur est devenu invalide et jusqu'à 65 ans, ce qui ne serait plus le cas avec la nouvelle formule.

Nous anticipons également devoir augmenter immédiatement nos réserves pour les personnes âgées de moins de 60 ans qui ne seraient plus reconnues invalides par la régie mais bénéficiaires d'une rente d'invalidité payée par un régime privé d'assurance collective. En effet, les réserves des assureurs escomptent la probabilité de coordination avec la régie. La suppression de la définition souple de l'invalidité forcerait les assureurs à réviser à la baisse leur hypothèse concernant la probabilité de coordination à la régie après 60 ans et ainsi à augmenter leurs réserves. Il en résulterait une perte nette non récupérable par les assureurs. À défaut d'autres mécanismes de compensation, les primes des régimes privés d'assurance collective devraient être rehaussées ou encore les protections offertes, diminuées.

Il est important de souligner que les employeurs et les employés ont déjà atteint un niveau de primes qui approche la limite de leur capacité de payer.

En ce qui concerne les propositions relatives à la rente de conjoint survivant, les statistiques de la régie révèlent que les bénéficiaires sont surtout des femmes et que leur nombre est en forte croissance par rapport aux hommes. De plus, il semble, compte tenu de l'augmentation phénoménale des prestations versées, que la régie anticipe de faire face à une augmentation des coûts susceptible de nuire à l'équilibre financier souhaité.

Nous anticipons cependant que le versement de la rente temporaire pour une période de trois ans risque sérieusement d'affecter la santé financière des conjoints survivants, en grande majorité des femmes. L'exemple que nous fournit la régie est fort révélateur sur la perte de revenus que subira le conjoint survivant, estimée à 46 000 $ de 55 à 65 ans.

Parmi l'ensemble des bénéficiaires, la régie estime qu'avant 65 ans l'aide financière en valeur actualisée représente une diminution de 50 % par rapport à la formule actuelle pour un couple sans enfants et de 59 % pour un couple avec enfants. L'impact est donc important et non négligeable pour l'ensemble des bénéficiaires.

Sur cette proposition, la régie fonde son point de vue sur le fait que le marché du travail se féminise et que les femmes sont de plus en plus en mesure d'assumer leur sécurité financière advenant la perte du conjoint. Selon nous, cet argument ne prend pas suffisamment en compte la réalité économique des femmes et de l'ensemble des travailleurs. Parmi les familles monoparentales, 80 % des femmes étaient responsables des enfants. Il est vrai que de plus en plus de femmes occupent un emploi, mais il ne faut pas oublier que, selon l'Institut de la statistique du Québec, parmi la population active féminine de 15 ans et plus, 7 % étaient sans revenus, 54 % des femmes avaient un revenu inférieur à 20 000 $ alors que le revenu moyen des femmes était de 21 286 $. Il ne faut donc pas non plus négliger le fait que, parmi l'ensemble de la population active de 15 ans et plus, 45 % des travailleurs gagnaient moins de 20 000 $ en l'an 2000.

Pour Desjardins, la régie doit davantage tenir compte de cette réalité et considérer que, même si le marché du travail se féminise de plus en plus, cela n'indique pas nécessairement que les femmes auraient un revenu très élevé. Selon les statistiques de la régie, les gains admissibles des femmes par rapport au maximum des gains admissibles de l'année 1998 représentaient moins de 70 % de celui-ci, soit un revenu moyen de 25 800 $. Enfin, plus du tiers des cotisantes avait moins de 36 % du maximum des gains admissibles, soit un revenu inférieur à 13 200 $.

S'il ne fait aucun doute qu'il convient de protéger adéquatement les orphelins, il ne faut pas exclure la protection des conjoints qui, au moment du décès du cotisant, n'occupent pas d'emploi ou occupent un emploi faiblement rémunéré.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que la régie doit davantage tenir compte de la réalité des revenus du conjoint survivant. Ainsi, la régie devrait prévoir un plancher de revenus pour le conjoint survivant et un versement de rente qui tiendrait compte de ce facteur. Il conviendrait donc d'établir une échelle décroissante de rente au conjoint survivant en fonction de son revenu et du patrimoine laissé par le défunt. Un tel mode d'établissement de la prestation s'apparenterait à celui de la pension de la Sécurité de la vieillisse où la prestation décroît au-delà d'un certain revenu.

Cette proposition combinée à la proposition de modification de la rente d'orphelin, telle que présentée, permettrait à la fois d'adapter le régime à la nouvelle réalité sociale du Québec et de rencontrer l'objectif de réduction de 0,15 % de ce type de prestation montré dans l'étude d'impact des modifications proposées.

En somme, la question qui se pose au gouvernement en est une d'orientation sociale, à savoir: Quels sont les objectifs du régime en termes de remplacement du revenu selon divers événements versus la responsabilité de l'État face aux plus démunis? Ainsi une compression importante des prestations au conjoint survivant réduirait le coût du régime, mais les impacts se feraient certainement sentir ailleurs, comme par exemple au niveau du programme de la sécurité du revenu.

Enfin, nous tenons à souligner que nous avons accueilli favorablement l'ouverture dont le ministre a fait preuve à l'égard d'une révision de la proposition sur la rente de conjoint survivant.

En terminant, à la lumière de ce qui se trouve dans le document de consultation, le principal défi qui se pose au législateur pour assurer la pérennité du régime et son financement est de composer avec l'équation suivante: un nombre décroissant de travailleurs cotisant au régime versus une vie active plus courte des travailleurs, une entrée plus tardive des jeunes sur le marché du travail et une retraite plus longue.

Il ne s'agit pas d'une mince tâche, nous l'avouons, mais la réflexion actuelle arrive à point dans la mesure où les coûts du régime, qui fonctionne à un taux de cotisation qui devrait être de 10,13 %, ne sont pas dramatiquement plus élevés que le taux actuel de 9,9 %. En effet, même si le développement sociodémographique du Québec révèle un certain nombre de constats inquiétants, les dernières statistiques relatives au taux d'activité des 55-64 ans laisse entrevoir par ailleurs des signaux encourageants. Il semble y avoir une forme de correction qui s'opère en regard de la présence de ces travailleurs sur le marché de l'emploi. Effectivement, le taux d'activité chez les 55-64 ans est revenu à peu près à ce qu'il était en 1976, ce qui peut laisser présager que déjà les travailleurs commencent à retarder leur prise de retraite ou encore que des retraités, pour diverses raisons, décident de revenir au travail. En espérant que ces dernières statistiques évidemment se refléteront de façon plus... à moyen et à long terme.

n (16 heures) n

Un autre des facteurs positifs qu'il faut prendre en compte provient des récentes performances de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Elles contribueront sans doute à réduire la pression sur le régime. Pour Desjardins, une attention particulière doit être apportée au maintien du taux actuel de cotisation employeur-employé à 9,9 %, puisqu'il est passablement déjà élevé. Un écart trop significatif entre le taux québécois et celui du Régime de pensions du Canada pourrait avoir des répercussions négatives sur le pouvoir d'attraction et de rétention des entreprises au Québec et, par le fait même, sur le développement de notre économie.

Enfin, même si nous appuyons dans leur ensemble les objectifs visés par la Régie des rentes, nous demeurons préoccupés par la proposition de retranchement de 15 % des années où les gains ont été les plus faibles, et ce, pour des raisons d'équité intergénérationnelle et de justice sociale envers ceux qui détiennent des emplois précaires et peu rémunérateurs. C'est également pour des considérations de justice sociale que nous proposons d'inclure un mécanisme de calcul qui permettra aux conjoints survivants, plus souvent qu'autrement des conjointes, d'avoir accès à une rente décente.

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence que les propositions qui restreindront l'accès à la rente d'invalidité mettront la pression sur les régimes d'assurance collective, ce qui pourrait entraîner une hausse des primes et un certain mécontentement chez les employés, les employeurs qui considèrent dans bien des cas avoir atteint la limite de leur capacité de payer.

Alors, je vous remercie de votre attention, et mes collègues et moi sommes maintenant disposés à répondre à vos questions et à vous apporter des clarifications sur nos propos.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Morency. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. Morency, Mme Tremblay, M. Paradis, M. Vallée, bienvenue. Merci de votre présentation, de votre mémoire, et je vous dirais d'entrée de jeu que je suis heureux de voir que vous posez deux questions qui sont fondamentales. La première, c'est la nécessité de maintenir à une certaine équivalence avec le Régime de pensions du Canada. Donc, vous nous suggérez fortement de ne pas toucher au taux de cotisation de 9,9 %, et c'est ce qu'on a la ferme intention de faire. Et le deuxième point qui est aussi extrêmement intéressant et ce que vous posez comme question à la page 13 de votre mémoire, c'est-à-dire: La question qui se pose en est une d'orientation sociale, à savoir: Quels sont les objectifs du régime en termes de remplacement de revenu selon divers événements versus la responsabilité de l'État face aux démunis? Et vous mentionnez qu'une compression importante des prestations du régime au conjoint survivant réduira le coût, mais la charge sociale qui s'y rattache pourrait se retrouver ailleurs dans l'appareil gouvernemental, effectivement.

Mais ça pose la question aussi plus fondamentale: Quel est le rôle du Régime de rentes du Québec et est-ce que c'est un régime de rentes? Jusqu'à quel point c'est un régime, aussi, social, et ça, c'est une question qu'on se pose depuis le début. On est bien conscients que, si un certain nombre de modifications sont proposées ou même qui auraient pu être proposées allaient encore plus loin, à ce moment-là effectivement les gens se retrouvent ailleurs dans les mailles du filet social que nous avons, mais... C'est parce que j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, jusqu'où on doit aller. On est face à un régime de rentes, face à un régime de retraite dont le but premier est de donner le maximum de revenu de retraite aux gens une fois qu'ils sont rendus là.

Je comprends qu'au cours des ans on a mis en place une série de rentes qu'on appellerait peut-être plus de rentes accessoires, mais, à partir du moment où on décide de garder le taux de cotisation à 9,9 %, à partir du moment où, au niveau de la démographie, on a une diminution du nombre au niveau de la population active, ailleurs au Canada il y a une augmentation, on ne peut pas tout faire avec les mêmes montants, et vous le mentionnez: les choix qu'on a à faire ne sont pas évidents. Mais... Parce que je veux bien qu'on regarde pour avoir le système... le régime de rentes le plus socialisant possible, mais on a nos limites face au taux de cotisation.

Alors, c'est pour ça, là, que je vais voir avez vous... je veux bien qu'on me propose un certain nombre d'éléments, qu'on dise: Il ne faut pas toucher à un certain nombre d'acquis. Mais vous êtes conscients de la pression que ça risque de mettre également sur le taux de cotisation.

Alors, à choisir entre les deux: Est-ce que vous choisissez entre un taux de cotisation qui demeure stable ou un certain nombre d'éléments qu'il faut revoir ou, si les éléments qu'on vous propose de revoir ne sont pas exacts, qu'est-ce qu'il pourrait y avoir d'autre qu'on remette en question pour éviter qu'on doive toucher au taux de cotisation?

M. Morency (Yves): Je pense qu'on est très conscients de la problématique et, comme je le soulignais à la fin, là, de l'adéquation avec les paramètres avec lesquels vous devez composer, et c'est la raison pour laquelle, dans l'ensemble de nos propositions, ce qu'on voulait faire, c'est de faire en sorte qu'on ne vient pas rajouter indûment sur le régime, c'est d'essayer de trouver des avenues qui faisaient en sorte que, au total, ces avenues-là pourraient apporter un élément plutôt neutre, mais il s'agit plus de réajustement à l'intérieur des mesures que vous avez déjà annoncées, comme du côté de la rente de survivant. On ne vous dit pas que la mesure est dénuée de sens, on vous dit: Il y aurait peut-être façon de la moduler un peu différemment en prenant peut-être la proposition qu'on vous met sur la table avec celle de la régie et faire en sorte qu'on essaie de trouver un équilibre, ce qui n'est quand même pas facile.

Autre élément aussi pour lequel... Puis c'est important et c'est un débat avec lequel la régie probablement puis d'autres types de mesures... on n'a qu'à prendre l'assurance-emploi au niveau fédéral... Est-ce qu'on se donne un instrument, et, au fil du temps, cet instrument-là fait en sorte qu'on lui greffe d'autres éléments pour diverses raisons? Parce qu'on avait peut-être dans le temps les sommes requises pour toucher à d'autres préoccupations. Ça aussi quand même c'est un élément auquel il faut s'adresser, et on vous avoue que l'équilibre n'est pas nécessairement facile. Mais, comme vous dites si bien, on a voulu se donner un régime de rentes. Les citoyens et citoyennes du Québec, dans le cours des années... Et j'en suis un. Donc, quand j'ai commencé à cotiser, on avait quand même des objectifs par rapport aux montants que je pourrais recevoir, et, si, au moment de prendre ma retraite, woup! là, j'ai cotisé pendant un certain nombre de temps, et là on vient changer les paramètres, il faut quand même faire attention à ça.

Alors, vous n'avez pas l'adéquation facile, là, puis on n'essaie pas de venir vous compliquer la vie, on essaie de travailler avec vous à vous apporter des solutions dans cette réalité-là. Mais il faut... D'une part, le 9,9 %, je pense qu'il est essentiel de le garder à ce niveau-là, parce que, là, quand même, il y va de notre compétitivité, il y va de notre niveau d'attraction de nos entreprises. C'est déjà assez difficile de les retenir avec ce qui se passe au niveau international, les salaires qui sont payés moindres dans les pays en développement et avec lesquels on est en forte compétition, donc il ne faut pas se donner d'autres éléments qui feraient en sorte de nous... d'autres, je dirais, contraintes ou encore d'autres raisons pour nos entreprises, peut-être, soit de ne pas venir ici ou dire: Bien, l'herbe est plus tendre ailleurs... donc à tout le moins garder cet équilibre-là avec les gens des autres régimes.

Je ne sais pas si tu avais de quoi à rajouter, Alain.

M. Vallée (Alain): J'aurais peut-être un petit point à rajouter. Comme disait M. Morency, notre objectif n'était pas de vous suggérer d'éliminer la mesure ou le changement à la mesure sur la rente de conjoint survivant, c'était plutôt de rajouter un aspect, une espèce de test de revenu, finalement. Bon, on comprend que la mesure va rester, il va y avoir encore des bénéfices de... prestations payables au conjoint survivant mais dans une mesure différente, et notre préoccupation était de soutenir... entre autres, on représente près de 5 millions de membres. Là-dedans, il y en a plusieurs qui sont dans le groupe entre autres de femmes qui se retrouveraient avec des prestations, des rentes de survivant à un niveau peut-être pas nécessairement très élevé après la période de trois ans, et notre préoccupation était beaucoup plus à cet effet-là. Et, là-dessus, j'ajouterais que, grosso modo, ça représente 15 % à 20 % finalement de la population qui recevra une rente de conjoint survivant qui serait touchée par ça. Si on tient compte du fait qu'il y a environ 30 % des femmes qui n'ont pas beaucoup de revenu d'emploi, c'est donc environ 30 % de 50 % de la population qui serait touchée, et ça, évidemment, seulement advenant le cas du décès du participant principal, là.

Donc, on pense que, de rajouter le test de revenu, l'effet va être relativement mineur sur le coût total du régime, et de sorte que, à l'intérieur de la fourchette de 9,9 % de cotisation employé-employeur, c'est probablement possible d'arriver. Il ne doit pas y avoir... On n'a pas de chiffres en main, parce que je pense que ce sont les actuaires à la régie qui pourraient nous le dire, mais ce n'est probablement pas un point qui a un impact financier très important.

M. Béchard: Donc, c'est ça, vous seriez d'accord avec le fait qu'on remette en question le fait d'avoir une rente viagère automatique, tous, et donc, à ce moment-là, ce test de revenu là amène une certaine quantification du montant à partir duquel on le verse.

Est-ce que vous prendriez aussi en considération les caractéristiques plus sociales, c'est-à-dire le nombre d'enfants à charge, s'il y a oui ou non des enfants et d'autres particularités ou vous vous contenteriez uniquement d'un test de revenu?

n (16 h 10) n

M. Vallée (Alain): Bon. À cet effet-là, il y a une autre particularité, justement, au Régime de rentes du Québec: il y a des rentes d'orphelin. On comprend que l'objectif était d'augmenter un peu les prestations payables aux orphelins, et, à ce niveau-là, je pense que, sans être nécessairement explicite là-dessus, le mémoire du Mouvement Desjardins allait dans le sens où on était en accord avec cette proposition-là.

On partait un peu du point de vue qu'on comparait le régime actuel avant les modifications proposées où on jugeait que le niveau de remplacement, le niveau de rente payée au conjoint survivant était possiblement adéquat dans les circonstances, de sorte que globalement, compte tenu de l'augmentation de rente au conjoint survivant, globalement donc cette augmentation de rente là combinée à la rente au conjoint survivant, on pense qu'elle devrait ressembler au niveau de rente qui est présentement versée, là, dans le régime actuel.

M. Béchard: O.K. Donc, ça veut dire que vous proposez un peu de rajuster notre augmentation du niveau des rentes d'orphelin, parce que, là, il faut toujours rester dans le même 9,9 %, là.

M. Vallée (Alain): Effectivement.

M. Béchard: Alors, ça veut dire qu'on nous proposerait de diminuer la rente qu'on avait prévue, la rente d'orphelin comme telle, pour réajuster au niveau de la rente au conjoint survivant?

M. Vallée (Alain): On n'est pas allés aussi précisément quand même dans nos réflexions sur quel devrait être le niveau. Je pense que, bon, ce n'était peut-être pas nécessairement de notre ressort ou ce n'est pas le mandat qu'on s'est donné dans nos réflexions. C'était plus le mandat de conscientisation sociale au niveau général de remplacement de revenu que les conjointes, là, ou les gens à faibles revenus devaient recevoir.

M. Béchard: Juste une petite question d'information, parce qu'on parle du Régime de rentes, rente de conjoint survivant. Dans les régimes de rentes privés, par exemple le vôtre, qu'est-ce qu'il y a de prévu ou est-ce que... C'est quoi, les tendances au niveau des rentes de conjoint survivant? Est-ce que vous avez des choses de prévues dans vos régimes de retraite, chez Desjardins, pour les conjoints survivants?

M. Vallée (Alain): Dans notre régime, dans le régime des employés du mouvement qui couvre près de 40 000 employés, la rente de base est une rente réversible au conjoint à 60 % avec des garanties, des périodes de garantie, de sorte que le conjoint survivant, peu importe qu'il ait lui-même une rente de son régime privé ou pas, est très bien couvert. De façon générale, ma lecture aussi des régimes privés, surtout avec les modifications qui ont été apportées à la loi RCR en 1990 qui imposaient de transformer une rente à la retraite en rente réversible au conjoint à 60 % à moins de renonciation du conjoint, il y a eu quand même beaucoup de régimes privés qui ont été transformés pour offrir une rente de base qui est déjà la rente au conjoint survivant, où, de toute façon, comme je vous disais tout à l'heure, le conjoint doit renoncer à une rente de conjoint survivant. Donc, la protection dans les régimes privés pour les conjoints survivants est là, à raison, là, grosso modo, de 60 % de la rente que le retraité avait droit.

M. Béchard: Mais ce que je comprends, là, c'est une rente à la retraite. Il n'y a pas de rente viagère ou il n'y a pas de rente... C'est une rente... C'est réversible mais à la retraite.

M. Vallée (Alain): À la retraite ou, en cas de décès avant la retraite, la valeur du passif, si on veut, retourne au conjoint.

M. Béchard: Mais à la retraite.

M. Vallée (Alain): Ça peut être utilisé tout de suite.

M. Béchard: Ça peut être utilisé tout de suite aussi?

M. Vallée (Alain): Ça peut être utilisé tout de suite, oui...

M. Béchard: O.K.

M. Vallée (Alain): ...et c'est transférable même en franchise d'impôt dans un REER, de sorte...

M. Béchard: O.K. S'il l'utilise tout de suite, il ne l'a pas à la retraite.

M. Vallée (Alain): Effectivement.

M. Béchard: O.K. C'est un ou l'autre ou un mixte des deux mais avec un impact à la retraite.

M. Vallée (Alain): Il se trouve à y avoir un impact à la retraite nécessairement, parce que, si on touche tout de suite, c'est un montant global. Un montant global, donc le passif que le conjoint se trouve à utiliser, effectivement il se trouve à avoir une diminution, si on veut, dans la rente, parce que rares sont les régimes qui vont payer une rente au conjoint qui serait au niveau de la rente normale que le participant aurait touchée à la retraite. Par exemple, un individu qui décède à 45, 50 ans, la rente au conjoint, ce n'est pas prévu qu'elle commence au niveau normal dès 45, 50 ans.

M. Béchard: O.K. Donc, vous nous proposez d'être plus généreux que ce que les régimes privés font, c'est-à-dire que, comme vous, c'est un ou l'autre avec un impact si on la prend tout de suite ou à la retraite. Nous, ce que vous nous proposez, c'est de garder, avec un test de revenu, mais une rente viagère qui peut être éliminée dans certains cas avec d'autres caractéristiques, mais d'être plus généreux que ce qu'on observe dans la majorité des régimes de retraite privés.

Mme Tremblay (Monique): J'aimerais peut-être...

Le Président (M. Copeman): Oui, Mme Tremblay, allez-y.

Mme Tremblay (Monique): ...répondre à cet élément-là de votre question. Je pense que la réponse de M. Vallée par rapport au régime de retraite de Desjardins est correcte par rapport à la portion du régime de retraite. Mais, dans un modèle employeur, le remplacement des revenus puis les besoins financiers de l'employé face à un événement comme le décès sont regardés globalement par différents moyens.

Alors, c'est le régime d'assurance collective qui est le moyen principal utilisé finalement pour la période qui précède la retraite; alors le régime de retraite répond à ce besoin-là, comme M. Vallée décrivait, au moment de la retraite. Mais, auparavant, le régime de Desjardins a une prestation de décès qui est sous forme d'un montant forfaitaire qui est un multiple du salaire, qui est assez généreux. Il y a eu dans le passé une rente de conjoint survivant dans le régime d'assurance collective de Desjardins, mais qui a été éliminée maintenant puis qui est en fait une espèce en voie de disparition, en fait depuis les années 1980 dans l'industrie de l'assurance, comme n'étant pas le moyen le plus efficace fiscalement pour remplir ce besoin-là.

Alors, je pense que ça revient un petit peu aussi au point qui a été soulevé tout à l'heure, à savoir: Est-ce que le Régime de rentes du Québec doit être regardé dans un mode privé de régime de retraite avec des pressions accessoires en cas de décès et d'invalidité ou il doit être regardé principalement comme un régime de retraite, et le reste ne devrait pas être dans le Régime de rentes du Québec, finalement?

Alors, je pense que, si on prend la question à l'extrême... et puis on a eu certaines discussions au niveau du groupe de travail chez Desjardins, bien qu'on n'a pas élaboré en détail dans le mémoire dans ce sens-là, mais ce qu'on dit, c'est que seulement le 9,9 %... puis là je ne sais pas si mes chiffres sont exacts, mais disons qu'il y a 7 % qui est pour la retraite puis le reste du 9,9 % est pour l'invalidité et le décès, là, même si mes chiffres ne sont pas exacts. Mais ce qu'on dit, c'est que, si on consacre des sommes, le principe que des sommes sont pour la retraite et certaines sommes sont pour autre chose, bien, assurons-nous qu'on ne se donne pas d'aire pour payer plus de prestation de retraite avec le 9 % au complet sans prendre en considération le fait que, si les coûts ne sont pas à un endroit, ils vont être à l'autre.

Alors, je pense que c'est ce qu'on a voulu aborder en essayant d'amener des solutions, en disant: Le régime a été créé avec une certaine intention au départ. Donc, avant de remettre en question l'intention complètement, bien, travaillons avec les paramètres qu'on a. Oui, il faut absolument trouver des façons d'assainir la situation et de se donner de la marge de manoeuvre, mais pas en jouant à l'autruche en faisant semblant que les coûts vont s'en aller si on les sort de ce régime-là. Parce que, globalement, tout comme l'analogie Desjardins tout à l'heure où on a certaines prestations qui sont dans le régime de retraite, d'autres en assurance collective, bien, dans le cas du Régime de rentes du Québec, parfois les coûts sont dans le Régime de rentes du Québec, parfois ils sont dans le filet social, ailleurs. Alors, notre message principal, je pense, c'était: Assurons-nous des préoccupations puis des objectifs qu'on a mais regardons l'ensemble de la situation puis des répercussions avant d'arriver à des conclusions prématurées.

M. Béchard: Deux points rapidement, deux autres points rapidement que je voulais aborder avec vous. Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous parlez... toutes les questions des retraites plus progressives ou la bonification de 0,5 à 0,7, et vous indiquez que, finalement, ce ne serait pas suffisant pour inciter des travailleurs à ajourner leur retraite et demeurer à l'emploi.

Est-ce que vous avez une série d'autres propositions qu'on pourrait amener, autant dans le régime des rentes qu'ailleurs? Parce que je pense que vous le voyez comme nous, c'est un défi qu'on a d'offrir plus de flexibilité entre 60, 70 ans, autant pour ceux qui veulent prendre une retraite progressive que pour ceux et celles qui souhaitent demeurer en emploi. Alors, nous... moi, je le vois, le 0,5 à 0,7, comme étant un des outils. Ce n'est pas le seul, il y en a sûrement d'autres, et je veux profiter de la commission pour, autant en ce qui pourrait concerner le Régime de rentes comme tel que pour d'autres travaux qu'on fait entre autres avec le ministre du Travail sur les retraites progressives pour nous alimenter en même temps...

Alors, si vous aviez d'autres propositions à nous faire à ce niveau-là, qu'est-ce qui pourrait être envisageable ou souhaitable pour répondre à ce désir-là de retraite progressive et de faire en sorte que les gens qui souhaitent demeurer en emploi puissent le demeurer le plus longtemps possible.

M. Vallée (Alain): En premier lieu, la remarque qu'on a mise en bas de la page 6 à la proposition 4, ça s'adressait plus, je pense, sur l'impact qu'aura le passage de 0,5 à 0,7 pour une retraite ajournée. Donc, on parle à ce moment-ci, retraite ajournée, de retraite après 65 ans, étant donné le fait que, statistiquement au Québec, les gens prennent leur retraite avant 60 ans. On pense... Bon, nous, chez nous, les employés du Mouvement Desjardins, depuis environ 10 ans, les retraites sont prises à 57,1, 57,5 années, bon an mal an. Au niveau du Québec, c'est relativement semblable, de sorte que notre intervention à ce niveau-là était plus de dire: Les gens ne se rendent pas... ils sont loin de se rendre jusqu'à 65 ans. Donc, même de passer le taux de 0,5 à 0,7 par mois à partir de 65 ans, il faut se rendre déjà jusqu'à 65 ans. Donc, ça n'aura pas l'impact recherché, possiblement. On ne s'est pas attardés à chercher d'autres solutions pour favoriser la retraite ajournée, donc la retraite passé 65 ans.

n (16 h 20) n

M. Béchard: O.K. Un autre point que je voulais soulever avec vous, quand on parle de la formule, de la nouvelle formule 40, vous semblez avoir un certain nombre de réserves et vous en avez parlé un petit peu tantôt dans votre présentation aussi, quelles seraient les propositions que vous nous feriez en termes... est-ce que vous nous proposeriez de revenir à ce qui était avant, à revoir... parce que vous nous mentionnez que ça peut avoir un impact négatif pour certaines catégories de travailleurs, est-ce que vous avez regardé d'autres modèles?

Par exemple, la Fédération des travailleurs du Québec nous avait proposé aussi un autre modèle ? si je me souviens bien, c'est 42-15 ? d'augmenter le nombre d'années mais de garder le 15 % aussi. Est-ce que vous avez regardé un certain nombre de propositions? Parce que, comme je l'ai mentionné, on est en consultation, mais on est ouverts à modifier un certain nombre de choses, mais on veut voir aussi, tester les modèles, voir si ? ça, on va le faire après, tester les modèles, voir si ? ça nous tient dans le même taux de cotisation qu'actuellement. Est-ce que vous aviez regardé un certain nombre de propositions qui pourraient être faites au niveau de la méthode de calcul?

M. Vallée (Alain): Non, on n'avait pas regardé d'autres propositions que celles... Pour nous, c'était ou bien on maintient le corridor de 15 % à éliminer ou bien c'est la proposition déposée par la Régie des rentes.

On voulait apporter surtout une réflexion sur l'impact que ça pouvait avoir pour les travailleurs qui entrent tard sur le marché du travail, principalement les étudiants qui vont sortir de l'université peut-être passé... certainement passé l'âge de 20 ans, de sorte que ces gens-là pouvaient voir à un transfert intergénérationnel, pouvaient dire: Bon, c'est certain qu'on va devoir travailler beaucoup plus tard que 60 ans pour pouvoir recevoir une pleine rente. À ce niveau-là par contre, cette mesure-là a un impact sur retarder sa prise de retraite, effectivement. Ça a un lien un peu avec la question que vous nous posiez tout à l'heure, ça peut être vu quand même, ça... l'élément négatif est un élément positif aussi pour un autre aspect qui est de retarder possiblement la retraite.

Par contre, on peut se poser la question: Est-ce que le niveau de remplacement de revenu prévu par le régime public qui, pour certains... qui, pour la majorité des travailleurs au Québec, est important, pour d'autres, ce n'est peut-être pas un aspect... une mesure extrêmement importante dans leur planification à la retraite, peut-être que l'impact n'est pas si grand que ça.

Le Président (M. Copeman): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est imparti, du côté ministériel. Alors, Mme la députée de Mirabel et porte-parole de l'opposition officielle pour les régimes de rentes et de retraite.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Mme Tremblay, MM. Morency, Paradis, Vallée, merci pour votre participation à cette commission. C'est d'autant plus important que, comme vous avez mentionné à la page 1 de votre mémoire, la Fédération des caisses Desjardins du Québec gère, au bénéfice des 39 000 employés du Mouvement des caisses Desjardins, son propre régime de retraite et d'assurance collective.

Nous constatons, par la présentation de votre mémoire, que vous êtes très concernés par les jeunes générations. Vous avez soulevé que les jeunes constituent, en bas de 24 ans, 30 % de la population, ce qui est énorme, et l'on constate que vous vous rapprochez d'un autre organisme qui était ici ce matin, qui s'appelle Force Jeunesse et Le Pont entre les générations.

Vous dites que l'abolition du calcul de retranchement de 15 % des années où les gains ont été les plus faibles affectera un nombre important de travailleurs, que cette modification se ferait au détriment des jeunes et qu'il accentue l'inéquité intergénérationnelle. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous proposez en échange, quelles solutions avez-vous?

M. Vallée (Alain): Un petit peu comme j'ai dit tout à l'heure, ce qu'on propose dans le fond, c'est d'avoir... de garder le corridor de 15 %, là, ou quelque chose qui s'y rapprocherait énormément, bon, peut-être simplement parce qu'on est habitués de travailler avec ça. Mais je pense que les jeunes, de façon générale, perçoivent ou percevront cette mesure d'un bon oeil.

Mme Tremblay (Monique): J'aimerais peut-être ajouter un élément. C'est, je pense, que présentement la pression sur le coût est beaucoup reliée au fait que les gens partent, prennent leur retraite très tôt, comme on l'a mentionné tantôt. Alors, si, par les gestes que l'on pose, on réussit à changer les comportements suffisamment pour que les gens prennent leur retraite un peu plus tard, si, au lieu de la prendre à 58, bien, le citoyen moyen la prenait à 61 ans, déjà on réduirait beaucoup la pression sur le coût du régime, et, par conséquent, on pourrait peut-être se permettre de garder cette marge de manoeuvre là que le 15 % des gains exclus demeure, alors... Parce que finalement on ne s'attaque pas beaucoup dans les mesures qu'on prend. On essaie d'ajourner après 65, mais on ne dit pas d'aucune façon que la pénalité va être plus grande si les gens partaient plus tôt ou autre mesure visant à passer des messages face au comportement. Alors, je pense que c'est beaucoup là-dessus que, nous, on voit des pistes de solution pour être capables de pas, en tout cas, agir de manière aussi drastique que ce qui est proposé présentement avec le 15 % et l'écart de rente à vie... cotisation. Alors, ça, ça fait partie des éléments qu'on suggérerait peut-être d'approfondir davantage.

Mme Beaudoin: D'accord. J'aimerais vous entendre également sur la rente d'invalidité. Votre position comme assureur et employeur vous permet de mieux mesurer certains impacts, évidemment. Et vous dites qu'une restriction de l'accès à la rente d'invalidité aura un impact direct et immédiat sur les primes de régime privé d'assurance. Est-ce que vous avez une estimation à ce sujet-là?

M. Paradis (Jean-Jacques): On n'a pas fait...

Le Président (M. Copeman): M. Paradis.

M. Paradis (Jean-Jacques): Oui. Alors, on n'a pas fait d'estimé précis, parce que c'est quand même difficile à évaluer. Cependant, il faut comprendre que d'éliminer un... Bien, je vais vous expliquer un peu comment l'assurance collective fonctionne pour être certain, là, qu'on est capables d'évaluer la situation.

Au niveau de l'assurance collective, on reçoit des primes et on fait des prestations. Nous, quand on anticipe le taux de prime, on détermine qu'est-ce que les gens vont recevoir des régimes publics. C'est certain que, si on diminue les prestations que les gens recevront du régime de retraite ou du Régime de rentes, à ce moment-là, c'est un impact direct sur le taux de prime qu'on aura... On a estimé dans le document qu'il y avait peut-être 18 % des personnes qui... une réduction du nombre d'invalides d'à peu près de 18 %.

Quand on regarde, c'est plutôt 34 % des gens de 60 à 64 ans qui seront affectés. Alors, à ce moment-là, on peut s'apercevoir que c'est tout de même un élément important. Alors, nous, au niveau de l'assurance, on va remarquer évidemment un impact positif immédiat.

Pourquoi un impact positif immédiat? C'est qu'on reçoit des primes pour payer les prestations de cette année. Donc, toutes les primes que nous recevons vont payer les prestations de cette année et les prestations futures; donc, nous anticipons tous les paiements que nous recevrons. À ce moment-là, on voit que la tarification sera affectée.

Aussi, il faut reconnaître que nous avons un bloc d'invalides présentement dans le... En tant qu'assureur, nous avons chez DSF, qui est quand même un assureur important, plusieurs... je dirais, là, quelques milliers d'invalides. Et, nous, quand nous avons fait notre tarification, aussi nous avons anticipé que ces invalides-là recevraient justement la prestation d'invalidité de 60 à 64 ans, et, lorsque les réserves ont été bâties, on avait prévu ce montant-là. Le fait qu'ils ne les recevront pas, automatiquement nous avons... ils subiront une perte que nous ne sommes pas capables de compenser.

Alors, peut-être une suggestion qui est d'ailleurs prévue dans votre document, vous avez anticipé... vous dites que, dans le... au niveau des changements, que tous les gens qui sont au niveau des prestations pour lesquels les prestations sont versées, qu'il n'y aurait pas de modification des montants qui seraient versés. À ce moment-là, ce qui pourrait arriver, c'est que, si, par exemple, la Régie des rentes reconnaissait que tous les invalides qui sont présentement invalides ? auprès des assureurs, auprès de tous les assureurs ? reconnaissait que la définition d'invalidité ne serait pas changée, à ce moment-là nous aurions un bloc pour lequel tout le bloc d'invalides ne serait pas affecté. Alors, les seuls gens pour lesquels on serait obligés de modifier la tarification, ce seraient les invalides futurs, et le bloc passé profiterait des mêmes prestations de ce qu'ils pensaient recevoir au moment où les gens sont tombés invalides.

Mais, quant au fait de l'évaluation précise du coût, nous ne l'avons pas faite. Ça demande certains travaux, et possiblement, là, qu'il faudrait regrouper les informations de plusieurs assureurs pour être certains d'avoir des données crédibles.

Mme Beaudoin: Mais est-ce que vous avez une recommandation formelle à formuler, là, comme tel, au législateur?

n (16 h 30) n

M. Paradis (Jean-Jacques): Oui. Nous, un bloc qui nous préoccupe, c'est celui, principalement, des invalides qui sont présentement chez nous et qui ne sont pas reconnus invalides auprès de la Régie des rentes du Québec. Ce sont des gens pour lesquels nous avons déjà bâti un niveau de réserve qui va s'avérer insuffisant si les changements actuels sont implantés. Alors, ce qu'on suggère, c'est que, par exemple, les invalides des assureurs soient reconnus comme des invalides potentiels au niveau du Régime de rentes, ce qui ferait en sorte qu'ils bénéficieraient de la clause actuelle même si le régime était changé pour les nouveaux invalides. Donc, tous les invalides actuels des assureurs auraient la clause souple de 60 à 64 ans.

Mme Beaudoin: Je vous remercie. Je vais laisser la chance à mes collègues de poser d'autres questions.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Morency, Mme Tremblay, M. Vallée, M. Paradis, merci. Si je résume un peu vos réticences, c'est sur les trois points finalement où la majorité des représentations qui ont été faites qui s'opposaient aux présentations dans le document de la Régie des rentes. Vous touchez aux mêmes points en fait que les principales réticences qu'on a trouvées au cours des présentations depuis cinq jours, c'est-à-dire la rente de conjoint survivant où vous présentez très bien les conséquences, conséquences majeures au niveau des femmes; l'abolition du calcul du 15 % qui vient particulièrement toucher les plus faibles gains, donc effectivement vient toucher les jeunes mais aussi, là aussi, à cause des revenus plus faibles, vient toucher davantage les femmes; et la définition d'invalidité qui, elle aussi, pour beaucoup de mémoires, on nous a fait des recommandations semblables à la vôtre sans venir toucher à la question entre le régime privé et le régime public.

Vous avez aussi bien présenté, je pense, la question que l'État doit se poser sur l'ensemble de ses politiques. Le ministre l'a rappelée tantôt, et je pense que c'est la bonne question, de savoir que, si on fait des compressions importantes sur le régime au conjoint survivant, ou au niveau de l'invalidité, ou au niveau du 15 %, c'est sûr que ça peut amener des charges sociales au niveau de l'État. Et, quand on avait adopté la stratégie nationale de lutte à la pauvreté, c'était très clair dans la stratégie puis dans le projet de loi aussi qu'à chaque fois qu'on voulait toucher à un programme existant, à un régime, à une politique il fallait qu'on constate les conséquences au niveau de la pauvreté, donc qu'à chaque fois ça nous amènerait à regarder comment il faudrait aller compenser ailleurs. Donc, d'éviter d'adopter des modifications qui viennent nous obliger à en adopter d'autres pour recorriger la situation.

Au niveau de la rente d'invalidité, oui, il y aurait des conséquences directes pour les assurances collectives ? je pense que, ça, c'est important de le dire ? mais il y aurait aussi des conséquences, je pense, pour les autres programmes du gouvernement dans le cas où les gens n'ont pas nécessairement une assurance collective. Le régime de base... C'est 58 % des personnes qui n'ont pas de régime complémentaire, qui n'ont pas d'autres éléments, là, pour soutenir.

Alors, votre mémoire... j'avoue que vos recommandations, je les trouve particulièrement intéressantes. Je voudrais revenir sur une proposition, votre proposition sur la rente de conjoint survivant. C'est une proposition, je pense, qui vient rejoindre l'objectif de la FADOQ, la Fédération des aînés du Québec, qui, elle aussi, souhaitait que la modification permette de tenir compte des revenus du conjoint survivant, de sa situation au moment du décès puis pour l'âge aussi, pour la possibilité de se retrouver d'autres revenus. Au niveau de votre proposition, en fait, ce que vous prévoyez, c'est un plancher de revenu, bon, un petit peu... Le ministre connaît ça, là. Au niveau de la lutte à la pauvreté, on lui a parlé beaucoup d'un barème plancher, alors là vous parlez d'un plancher de revenu...

M. Béchard: Vous étiez contre, là.

Mme Caron: Oui, parce que ce que vous proposez, on n'était absolument pas d'accord. Le vôtre, on n'était absolument pas d'accord. Alors...

Le Président (M. Copeman): Je pense que, chers collègues, on va profiter de l'occasion, de nos invités, de les interpeller et non pas de nous interpeller.

Mme Caron: C'est ça, arrêtez le ministre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron: Alors, vous proposez un plancher de revenu pour le conjoint survivant. Ce plancher de revenu là ? parce que, bon, c'est une idée qui vient rejoindre d'autres mémoires ? comment vous le calculez? Comment vous... Qu'est-ce que vous conseillez à la Régie des rentes du Québec de retenir comme critère pour évaluer... Parce que toute la question d'un barème plancher ou d'un plancher de revenu, c'est toujours ça, quel critère on va retenir, comment on va arriver à pouvoir le définir.

M. Morency (Yves): Une chose quand même est claire, je le répète, c'est que, dans cette proposition-là plus particulièrement de la rente de survivant, il ne s'agit pas non plus de partir sur un autre extrême, hein, il y a un bassin qui existe là. Ce qu'on dit tout simplement là-dedans, sans aller plus loin, là ? on n'a pas tous les calculs actuariels puis tous les éléments qui nous permettent d'évaluer correctement ? c'est de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas introduire une formule qui fasse en sorte qu'on tienne compte du revenu? Bon, est-ce que c'est le seuil minimal de pauvreté? En tout cas, on ne s'est pas attardé là-dessus, mais on dit: Est-ce qu'il y aurait moyen de réfléchir autour de cette formule-là tout en gardant l'équilibre, hein? Bien sûr, je pense qu'on a le même objectif que tous ici nous avons, c'est de garder l'équilibre, là, du 9,9 %. Mais est-ce qu'il y a moyen de remoduler, à l'intérieur de la mesure, la rente de survivant? Est-ce qu'on peut dire que... Là, je pense, c'est 45 ans. Est-ce qu'il y a d'autres façons de le faire, d'autres... Regardons le panier global et comment le réallouer.

Et, moi aussi, quand même, j'ai... On a aussi tous des préoccupations à l'égard du régime. C'est un régime qui est bâti pour fournir aux Québécois et aux Québécoises des rentes décentes à leur retraite. Donc, je pense, c'est un premier objectif. Il y a peut-être des montants à l'intérieur de ça qui peuvent être alloués sur d'autres choses, mais il y a peut-être aussi d'autres mesures gouvernementales qui peuvent venir pallier. Mais par rapport à... Ici, ce qu'on voulait tout simplement dire, nous, on voulait apporter notre apport dans la réflexion, dire: Si on tenait compte davantage du revenu, peut-être qu'on pourrait arriver au même résultat ou, finalement, cibler des clientèles qui sont à plus faibles revenus. Donc, on ne s'est pas arrêté sur une formule, calcul, puis tout ça tout en conservant un équilibre, mais on disait: Bien, il y a peut-être là une porte d'arrivée qui pourrait être importante et sur laquelle on pensait avoir une contribution. Mais on n'est pas allé plus loin, on n'avait pas les calculs ou les données pour y parvenir correctement, là, c'était plus... L'idée, le concept, on pourrait le fouiller davantage, là, mais c'est un peu plus dans ce sens-là qu'on voyait l'ouverture qui pouvait être faite, là.

Eu égard à la problématique des personnes qui... surtout des conjointes qui vont être aux prises avec une situation plus délicate, et notamment parce que les femmes, déjà, sont dans des situations... des classes de revenus malheureusement plus faibles que chez les hommes, donc on dit: Bien, écoutez, je pense qu'il serait important qu'on regarde cette situation-là.

Mme Caron: Oui. Je trouvais ça intéressant de vous poser la question, parce que dans le fond ça rejoint la proposition de la FADOQ, sauf que vous allez un petit peu plus loin en amenant la notion de plancher de revenu, et je voulais essayer de profiter de votre expertise pour voir si vous aviez été un petit peu plus loin au niveau de vos critères pour la proposition.

Au niveau de l'invalidité, peut-être revenir brièvement. La notion d'invalidité, l'impact en termes de pourcentage, est-ce que vous l'avez évalué?

M. Paradis (Jean-Jacques): Non. Comme j'ai dit tout à l'heure, on n'a pas fait l'évaluation, puis, probablement, ce qui serait souhaitable, ce serait de reprendre les données de tous les assureurs pour avoir des données plus crédibles. C'est certain, là, qu'on pourrait participer à un processus comme ça puis on pourrait voir, là, comment on pourrait vous fournir les informations, là. Mais on n'a pas fait d'évaluation précise. Cependant, des tests qu'on a faits, préliminaires, on s'aperçoit que c'est vraiment notable compte tenu...

Mme Caron: Important?

M. Paradis (Jean-Jacques): Oui, c'est notable, là, compte tenu du nombre, du pourcentage qui est réduit, au niveau des prestataires de la Régie des rentes, des gens de 60 ans à 64 ans, là. Je parlais de 34 % si je me souviens bien de qu'est-ce qui apparaît, là, dans le document, là. Donc, chez nous, c'est 34 % de moins de personnes qui vont recevoir... qu'on anticipe qu'ils vont recevoir une prestation. Donc, c'est nous qui devrons les payer. Puis évidemment, quand je dis «nous, les assureurs», à ce moment-là, bien ça se traduit par des primes plus élevées pour les employés et les employeurs.

Mme Caron: Je vous remercie. J'ai réinsisté parce que, effectivement, peu de mémoires, là, abordent vraiment cet aspect-là. Merci.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non, il reste un peu de temps. Est-ce que... Mme la députée de Mirabel, oui.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Est-ce qu'on peut dire, dans l'ensemble, que vous êtes d'accord pour dire que la réforme entreprise en 1998 a permis quand même de protéger le régime?

n (16 h 40) n

M. Morency (Yves): Je vous dirais que oui. Quand même, on a mis des éléments qui faisaient en sorte qu'il y avait une croissance dans les cotisations pour justement rencontrer les obligations du régime, et ça s'est fait parallèlement avec le régime canadien. Donc, je crois que, à ce niveau-là, les mesures qui ont été adoptées ont permis au régime de maintenir les bénéfices ou encore les contributions apportées aux gens qui prenaient leur retraite sans mettre en péril les acquis, là, que nous avions constitués au fil des ans. Ça a quand même été positif comme changement.

Bien sûr, quand même, on n'aime jamais avoir des cotisations additionnelles, mais je pense que le coup de barre qui a été donné était important, là. Et ça été fait sur une base actuarielle, donc c'était...

Mme Tremblay (Monique): J'aimerais peut-être ajouter un élément, c'est que je pense que, évidemment, les projections démographiques qu'on voit aujourd'hui ressemblent beaucoup à celles qui ont été faites en 1998, et ça confirme que les gestes qui ont été posés allaient dans le bon sens. Je pense qu'on a été surpris par les marchés financiers, qui ont finalement réduit la marge de manoeuvre qu'on croyait avoir et qui nous ramènent à la case départ un petit peu, aujourd'hui. Je pense que par contre, depuis les analyses que la régie a publiées, les marchés se sont quand même un petit peu corrigés. Alors, je pense qu'on demeure convaincu qu'il y a urgence d'agir puis se poser des questions, puis de bien travailler le dossier, mais on pense que finalement le fait que les marchés financiers, en 2003, nous ont permis de rattraper un petit peu de la marge de manoeuvre qu'on a perdue, ce qu'on dit, c'est: Prenons le temps de bien approfondir justement les questions qui sont sur la table aujourd'hui pour assurer la pérennité du régime.

Alors, ça, je pense qu'on est convaincu que les gestes qui ont été posés sont les bons, mais qu'il faut s'assurer de ne pas diluer les gestes qui ont été posés puis leur portée en agissant de manière prématurée devant, là, certains, peut-être, signes d'urgence qu'on constate. Alors, je pense que c'est vraiment, là... le propos de notre mémoire était de dire: Faisons ce qui doit être fait, mais faisons-le bien.

Mme Beaudoin: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Morency, Mme Tremblay, M. Vallée, M. Paradis, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

 

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous accueillons maintenant les représentants de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec. Mme la présidente Flibotte, M. Lafrance, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle simplement le mode de fonctionnement: vous avez un temps d'une durée maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous prierais de débuter votre présentation.

Assemblée des travailleurs et travailleuses
accidenté-e-s du Québec (ATTAQ)

Mme Flibotte (Liane): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, il nous fait plaisir d'être ici aujourd'hui. Les membres de nos associations sont évidemment vivement intéressés par la consultation actuelle sur le Régime de rentes du Québec, d'abord à titre de travailleuses et de travailleurs, mais aussi à titre de victimes de lésions professionnelles. On veut souligner que nos associations regroupent des travailleuses et des travailleurs qui sont non syndiqués, qui touchent habituellement de faibles revenus ? en fait, leurs revenus avoisinent habituellement le salaire minimum ? et pour ces personnes-là, bien, évidemment, les régimes publics de retraite sont souvent les seuls régimes de retraite auxquels ils ont accès.

On intervient dans le cadre des travaux de la présente commission parlementaire parce que certaines mesures proposées dans le document de consultation nous inquiètent au plus haut point et aussi parce qu'il y a au moins une autre mesure qui brille par son absence, et on aura l'occasion d'en discuter avec vous. On n'interviendra pas sur l'ensemble des mesures qui sont proposées, mais on va tenter néanmoins de contribuer au débat dans la mesure de nos compétences.

D'abord, un commentaire général sur le niveau de remplacement du revenu. Le document de consultation n'envisage même pas la possibilité de modifier le niveau de remplacement du revenu actuellement offert par le Régime des rentes, soit 25 % des gains des travailleurs et des travailleuses. On nous dit pourtant que le taux de remplacement de revenu visé à la retraite est de 70 % et que les régimes publics de retraite provincial et fédéral ne permettent de garantir ce niveau de 70 % que lorsque le revenu de carrière est faible, soit environ 20 000 $. Pour les salariés qui touchent 37 000 $, ces régimes remplacent plutôt 40 % du revenu. Alors, on comprend mal, face à un tel constat, qu'on ne propose pas de mesures visant une hausse de la rente de retraite, puisque le taux actuel de remplacement du revenu nous conduit tout droit vers la pauvreté. En effet, qu'on remplace 70 % d'un faible revenu ou 40 % d'un revenu moyen, on a quand même un taux de remplacement du revenu qui est inférieur à 15 000 $ et évidemment, donc, sous le seuil de la pauvreté.

À notre avis, le Régime des rentes du Québec devrait avoir minimalement pour objectif de protéger les travailleuses et les travailleurs contre la pauvreté. Alors, plutôt que d'être contraint de cotiser à des régimes privés d'épargne-retraite pour ne pas devenir pauvre à coup sûr, on préférerait payer davantage de cotisation à la RRQ qui permettrait une hausse du taux de remplacement de revenu.

Deuxième commentaire d'ordre général, on voudrait vous signaler que ce qui nous a particulièrement frappés quand on a lu le document de consultation, c'est l'affaiblissement du volet assurance du régime au profit de son volet retraite et une utilisation qui nous apparaît pour le moins étrange de la notion d'équité. Le fondement d'un régime d'assurance, c'est d'offrir une protection contre les risques, contre les imprévus. Alors, dans ce type de régime, il n'y a évidemment rien d'inéquitable au fait qu'une travailleuse qui a été absente du marché du travail pendant trois ans parce qu'elle est en congé de maladie puisse obtenir une rente de retraite équivalente à celle qu'elle aurait obtenue si elle n'avait pas été malade. Alors, un régime d'assurance, ça existe justement pour corriger ce type de situation là. Alors, nous pensons qu'il faut maintenir l'équilibre actuel entre le volet assurance et le volet retraite pour éviter que le Régime de rentes du Québec ne devienne à moyen terme rien de plus qu'un fonds de pension.

Alors, maintenant, de façon plus spécifique sur le calcul des rentes, le document de consultation propose deux changements majeurs dans le calcul des rentes et propose d'abord de ne plus tenir compte des gains moyens, mais plutôt des gains cumulatifs réels et, ensuite, il propose de ne plus retrancher les années où les gains ont été les plus faibles. Alors, dorénavant, la RRQ utiliserait donc les gains totaux touchés par la travailleuse ou le travailleur et les diviserait dans tous les cas par 40 ans.

n (16 h 50) n

Alors, nous, on est en désaccord avec l'abandon de la mesure de retranchement pour les années de faibles gains. On ne doit pas oublier que le Régime des rentes du Québec est un régime de sécurité sociale et qu'il doit, à ce titre-là, protéger les travailleuses et les travailleurs face aux aléas de la vie. Alors, avec les mesures proposées, on risque fort, nous le répétons, de transformer le régime d'assurance sociale que nous avons en un gros REER public au détriment de celles et ceux qui ont le plus besoin de protection. Alors, nous vous soumettons que la règle actuelle du retranchement de 15 % des années où les gains sont les plus faibles demeure une règle minimale acceptable et qu'elle doit être maintenue.

Les changements proposés auraient aussi des impacts importants sur le calcul de la rente d'invalidité. En effet, malgré le fait qu'on suggère d'augmenter la partie uniforme de la rente à 453 $ par mois, on utiliserait, pour l'autre partie de la rente d'invalidité, le même facteur de division des gains que pour la rente de retraite, soit une division par 40 ans. Alors, l'impact des modifications proposées serait particulièrement dévastateur pour les personnes qui deviennent invalides alors qu'elles sont encore jeunes. Songeons un instant à l'état de pauvreté dans lequel on plongerait une travailleuse de 35 ans qui est sur le marché du travail depuis 10 ans au moment où elle devient invalide. La division de ses gains totaux par 40 ans aurait des conséquences inadmissibles même si elle ne s'appliquait qu'à la partie variable de la rente d'invalidité. Alors, on pense que le mode de calcul actuel pour la rente d'invalidité fondé sur les gains moyens doit absolument être maintenu, et ce, peu importe que l'on modifie le calcul de la rente de retraite ou non.

Pour ce qui est de la notion d'invalidité, le gouvernement veut éventuellement changer la définition d'invalidité pour les travailleuses et travailleurs âgés de 60 ans et plus pour que ces personnes soient dorénavant assujetties au même critère d'invalidité que les travailleuses et travailleurs âgés de moins de 60 ans. On laisserait donc tomber le critère actuel, à savoir celui de ne pas être capable d'occuper son emploi habituel, pour lui substituer celui de l'incapacité d'occuper tout emploi véritablement rémunérateur. Selon le document de consultation, ce changement réduirait le nombre de bénéficiaires d'une rente d'invalidité d'environ 18 %, ce qui représente près d'un bénéficiaire sur cinq. On justifie ce changement-là par le fait que les travailleuses et travailleurs sont de plus en plus scolarisés et que, de ce fait, ils devraient avoir plus de facilité à se maintenir en emploi, même à un âge plus avancé.

Alors, dans notre pratique quotidienne avec les travailleurs et travailleuses accidentés, on peut vous dire qu'un travailleur ou une travailleuse de 60 ans qui a des limitations fonctionnelles a une difficulté monstre à se replacer sur le marché du travail, et ce, même si elle est, cette personne-là, plus scolarisée qu'il y a 10 ou 20 ans. Alors, bien souvent, dans les faits, c'est une mission impossible. Ça tient au fait que bien sûr le degré de scolarisation des travailleurs et des travailleuses a augmenté, mais les exigences des employeurs ont, elles aussi, augmenté. Alors, on pense que le changement proposé fait abstraction de la réalité du marché du travail, et il nous semble davantage une mesure qui vise la réduction de la couverture du régime. Le document de consultation laisse aussi entendre ? et ça, on a trouvé ça particulièrement insultant ? que les travailleuses et les travailleurs qui sont déclarés invalides à compter de 60 ans en vertu des dispositions actuelles font un choix personnel assimilable à celui d'une personne qui décide de prendre sa retraite à 60 ans. Alors, comprenons-nous bien, l'invalidité est accordée pour des raisons médicales qui empêchent la personne d'occuper son emploi. En conséquence, elle n'a strictement rien à voir avec un choix personnel.

Finalement, le document de consultation prétend que les règles en matière d'invalidité pour les travailleuses et les travailleurs âgés créent des problèmes de cohérence avec d'autres lois axées sur la réadaptation des travailleuses et des travailleurs et leur réintégration sur le marché du travail, et on mentionne notamment la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Alors, si, à l'ATTAQ, nous ne sommes pas des spécialistes de la RRQ, nous pouvons vous dire que la LATMP, celle-là, nous la connaissons plutôt bien parce c'est la loi avec laquelle nous travaillons chaque jour. Et on peut vous dire qu'une telle affirmation est sans fondement parce que, dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a une disposition qu'on pourrait assimiler à une présomption d'invalidité pour les travailleuses et les travailleurs âgés.

En effet, le premier alinéa de l'article 53 de cette loi-là stipule qu'un travailleur ou une travailleuse âgé de 55 ans ou 60 ans, selon la nature de la lésion, va être indemnisé jusqu'à l'âge de 68 ans si son employeur ne lui offre pas un nouvel emploi adapté à sa condition suite à sa lésion professionnelle si sa lésion professionnelle l'empêche de reprendre son emploi prélésionnel. Alors, il est clair qu'à la CSST on considère qu'à moins de se replacer chez son employeur prélésionnel dans un emploi adapté à notre condition un travailleur ou une travailleuse âgé ne sera pas embauché par un autre employeur en raison de son âge et en raison de ses limitations fonctionnelles. D'ailleurs, le troisième paragraphe du même article prévoit même que, si le travailleur âgé ou la travailleuse âgée qui occupe un nouvel emploi adapté à sa condition chez son employeur le perd dans les deux ans où la personne a commencé à l'occuper, cette personne-là va récupérer son droit d'être indemnisée jusqu'à 68 ans.

Alors, si le gouvernement est véritablement préoccupé par la cohérence législative, il nous apparaît assez manifeste que les règles actuelles en matière d'invalidité devraient être maintenues. En conséquence, on est d'avis qu'il est nécessaire de conserver les règles actuelles concernant la définition de l'invalidité. Toutefois, on estime que la règle prévoyant qu'une personne déclarée invalide voit sa rente de retraite amputée de la même façon et dans la même proportion que si elle avait pris sa retraite avant 65 ans, et qui existe actuellement, doit être abrogée. On le rappelle, on ne le répétera jamais assez, l'invalidité n'est pas un choix personnel.

M. Lafrance (Roch): Je vais aborder la section 4 de notre mémoire. C'est comme Mme Flibotte le disait tout à l'heure, c'est un aspect qui n'a pas été abordé par le document de consultation. C'est quelque chose qui est important pour les travailleurs et les travailleuses accidentés parce que c'est source d'injustice depuis de nombreuses années. Alors, actuellement, dans la loi, que ce soit la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles ou la Loi sur le régime de rentes du Québec, les deux lois ne nous permettent pas de contribuer au Régime de rentes du Québec lorsqu'on est victime d'accident ou de maladie du travail pendant qu'on est en période d'incapacité, et donc il n'y a pas de cotisations qui sont payées à la Régie des rentes du Québec malgré le fait que la CSST, dans son calcul pour fixer l'indemnité de remplacement du revenu, va calculer la part qui devrait être versée à la Régie des rentes du Québec.

Alors, pour bien comprendre comment on fixe les indemnités à la CSST, on prend le salaire brut du travailleur ou de la travailleuse au moment de sa lésion professionnelle, on lui enlève, on lui calcule l'impôt provincial, l'impôt fédéral, l'assurance chômage et le Régime de rentes du Québec, et on multiplie tout ça après ça par 90 %; ça lui donne son indemnité. Sauf que la cotisation au Régime de rentes du Québec n'est pas versée au Régime de rentes du Québec, et donc vous comprendrez que, pendant quelques semaines ou plusieurs années, ces travailleurs et travailleuses là ne cotisent pas au Régime de rentes du Québec.

Il y a une exception parce que... Quand on dit: Ils ne cotisent pas, ils ne cotisent pas, c'est vrai, mais il y a une exception en termes... dans la loi actuelle au niveau du Régime de rentes du Québec, c'est que, toutes les victimes d'accident et de maladie du travail qui sont en arrêt de travail pour 24 mois et plus, on enlève cette période-là de la période cotisable. Alors, ça a moins d'impact effectivement parce que, si une travailleuse a un arrêt de travail pendant trois ans, on élimine ça et on ne comptabilise pas, à la Régie des rentes du Québec, cette période-là. Pour toutes les autres périodes, ça fait partie de mois cotisables, et donc c'est des mois cotisables à zéro, et donc ça a un impact assez important sur les rentes de retraite que ces gens-là auront à partir de 60 ou de 65 ans.

Il faut aussi souligner que les travailleurs et travailleuses accidentés ne sont pas toujours en incapacité de travail; ils peuvent retourner au travail, mais dans un emploi qui peut être adapté à leur condition s'il subsiste des limitations fonctionnelles qui leur empêchent de refaire le même travail prélésionnel. Dans ces cas-là, ces gens-là ont le droit à une compensation de la CSST qui vise... là, on ne vous parlera pas des calculs complets parce que c'est assez complexe, mais qui vise, grosso modo, à replacer le travailleur ou la travailleuse dans la même situation qu'avant. Donc, on essaie de verser une indemnité de remplacement du revenu qui va permettre à la travailleuse, avec son nouveau salaire, qui peut être le salaire minimum, de se replacer dans des conditions à peu près similaires à sa situation préaccidentelle. Et ça, cette situation-là peut durer quand même de nombreuses années, cinq ans, 10 ans, 40 ans, et vous comprendrez que la partie des indemnités versées par la CSST, bien, encore une fois, il n'y a pas de cotisations de versées au Régime de rentes du Québec. Alors ça, c'est la situation actuelle et ça pénalise ? et on le verra plus loin parce qu'on a fait des petits exemples ? ça pénalise de nombreux et de nombreuses victimes de lésion professionnelle.

n (17 heures) n

Au niveau de la réforme proposée, comme je le disais dès le départ, bien on n'aborde pas cette question-là de la cotisation des travailleurs et travailleuses accidentés au régime, mais il y a quand même une disposition qui va affecter une certaine catégorie de travailleurs et de travailleuses accidentés par les modifications au niveau du calcul des rentes. On a vu... en tout cas, on n'a pas vu dans le document de consultation qu'on maintenait la mesure de retranchement actuelle pour les gens qui ont un arrêt de travail de 24 mois et plus. Et donc, ce qu'on comprend, c'est qu'avec les nouvelles mesures de calcul, qu'on ait un arrêt de travail d'un an ou de cinq ans, on va continuer à considérer ces périodes-là comme des périodes cotisables et, évidemment, ça va avoir un impact important au niveau de la rente de retraite plus tard.

Alors, notre évaluation, tant de la situation actuelle que de ce qui est proposé dans le document de consultation, c'est, évidemment, que la situation actuelle, elle est pénalisante pour les travailleurs accidentés, et la situation ou la proposition de modification qui est amenée par le ministre risque de l'être encore plus pour la raison que j'ai mentionnée. Il y a une mesure de retranchement qui disparaît, mais, en comptant dorénavant l'ensemble des gains d'un travailleur et d'une travailleuse et en divisant toujours par 40 ans, bien, évidemment, toutes les périodes où on n'aura pas cotisé ? et il n'y a plus de période de retranchement, le 15 %, là, dont Mme Flibotte parlait tout à l'heure ? alors, ça fait en sorte que la réforme proposée va être encore plus pénalisante pour les accidentés du travail.

Et là on a... dans le mémoire, en page 16, on vous a fait quelques exemples. On aurait pu en faire des dizaines et on pourrait dire, bon, bien: Si c'est une travailleuse qui avait 60 ans au moment de son accident... Bon. Mais c'est des illustrations, et vous voyez que, dans tous les cas, quand un travailleur ou une travailleuse a une lésion professionnelle, ça a un impact minime ou très important sur sa rente, mais ça a un impact. Et la situation où ça a le moins d'impact, c'est quand un travailleur ou une travailleuse a une lésion qui dure plus de deux ans parce que, là, actuellement, on a une mesure de retranchement. Mais vous le voyez ? et je ne veux pas citer les chiffres qu'il y a là ? mais vous voyez que ça a un impact relativement important particulièrement chez les personnes qui vont bénéficier d'une indemnité de remplacement du revenu réduite parce que, évidemment, cette période-là se prolonge sur plusieurs années.

Vous avez, à côté, les chiffres au niveau de la réforme. Alors, vous voyez qu'en termes de proportion la mesure proposée va affecter encore plus les travailleurs accidentés, et, comme vous le voyez aussi, dépendant des situations, quand quelqu'un a un historique d'emploi plus ou moins stable... Parce que c'est sûr que, quand on cotise au maximum annuel assurable à toutes les années pendant 40 ou 45 ans, les impacts sont moins importants que lorsqu'on a un début d'emploi ? et c'est la majorité des gens, on pense ? ...à 18 ans, c'est rare qu'on fait 40 000 $ par année, et donc, vous le voyez, quelqu'un qui a un historique d'emploi un peu plus instable au début, ça a des impacts encore plus importants.

Et je veux quand même souligner qu'un des impacts très importants, maintenant qu'il n'y a plus de retranchement ? en tout cas, ce qu'on comprend, c'est qu'il n'y a plus de retranchement pour les lésions de plus de deux ans ? avec la réforme, là, on arrive à des diminutions de rentes de retraite qui dépassent les 50 %. Alors ça, ces gens-là, déjà, comme on le dit au début de notre mémoire, on dirige un peu les gens vers la pauvreté avec le régime actuel. Bien, ces gens-là, c'est sûr qu'ils vont être pauvres, là. Ils n'en auront plus, de rentes.

Alors, qu'est-ce que, nous, on propose pour corriger ça? Bien, vous l'avez dans le mémoire. Nous, ce qu'on demande, c'est que les indemnités de remplacement du revenu que les travailleurs et travailleuses reçoivent, bien, qu'on puisse verser des cotisations au Régime de rentes du Québec. Ce serait d'ailleurs administrativement très facile à faire parce que la CSST calcule déjà cette cotisation-là. Alors, on aurait besoin seulement d'un amendement législatif qui vient dire que c'est comparable à du salaire comme tout autre salaire, et on pourrait effectivement cotiser au Régime de rentes du Québec. Alors, est-ce que c'est une idée qu'on peut qualifier de farfelue? C'est un débat qui a cours depuis fort longtemps, et même la CSST, en 1980, lorsqu'on réfléchissait à la réforme qui a amené la loi actuelle sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, faisait cette proposition-là. Alors, vous avez dans le texte même l'amendement ou l'article que la CSST proposait, je ne le relirai pas, mais... Et donc, même la CSST, qui est un organisme public, faisait cette proposition-là. Et ce qu'on disait, bien c'est que ça replacerait les travailleurs dans une situation à peu près comparable à s'il n'y avait pas eu de lésions professionnelles. Alors, nous, ce qu'on vous demande...

Le Président (M. Copeman): Rapidement, M. Lafrance, on a déjà dépassé l'enveloppe du temps. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lafrance (Roch): Oui, je conclus là-dessus. Alors, ce qu'on vous demande là-dessus, c'est de prévoir que les victimes de lésions professionnelles puissent contribuer au Régime de rentes du Québec et donc que la CSST, à même le fonds d'accidents, verse la cotisation, la part du travailleur ou de la travailleuse ainsi que la part de l'employeur, et on pense que ce serait tout à fait positif au niveau du Régime de rentes du Québec parce que ça permettrait de mieux financer ce régime-là.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup de votre présentation. Juste pour reprendre votre dernier point. La proposition que vous nous faites là par rapport à la proposition de 1980 est différente. Il y a une différence entre les deux. Peut-être qu'il faut revenir pour bien l'éclaircir, parce que la proposition de 1980, ce n'est pas exactement ce que vous venez de nous proposer là.

M. Lafrance (Roch): En 1980, c'était une proposition de la CSST; nous, on vous en fait une. Si on l'amène, c'est que même la CSST constatait qu'il y avait une injustice là. La CSST faisait cette proposition-là. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le travailleur et la travailleuse... Le principe, au niveau de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est de réparer l'ensemble des conséquences d'une lésion professionnelle. On pense que les exemples qu'on donne démontrent assez clairement qu'il y a une conséquence au niveau du Régime de rentes du Québec. Il y a une façon de régler ça, c'est qu'on puisse contribuer. Nous, ce qu'on dit ? ça, c'est notre position à nous... Parce que la CSST, ce qu'elle disait, c'est: Nous, on va fournir la part de l'employeur, et on prélèverait, à partir de l'indemnité de remplacement du revenu, la part du travailleur. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: On n'a pas à fournir cette part-là, puisqu'elle est déjà calculée, hein? Quand on reçoit une indemnité de remplacement du revenu, c'est 90 % du salaire net, donc elle est calculée. Pourquoi on la paierait en plus? Alors, que la CSST, à partir du fonds d'accidents, le fasse.

M. Béchard: Ça, on va regarder avec la CSST qu'est-ce qui pourrait être fait puis où est-ce qu'ils en sont, si on fait quelque chose là-dessus. On va regarder avec le ministre du Travail pour voir s'il y a quelque chose à faire.

Je veux éclaircir un point ? parce que peut-être que c'est de notre faute, parce que notre document n'était peut-être pas assez clair, là ? dissiper un doute ou une crainte que vous avez en ce qui a trait aux années de retranchement actuelles, là. La façon dont on prévoit le faire, c'est qu'effectivement, puisqu'on enlève le 15 %, donc ça peut avoir un impact sur les possibilités de retrancher les années où des gens bénéficiaient de l'indemnité de remplacement du revenu. Ce qu'on propose de faire au lieu de ça, c'est que ces années-là où les gens ont une indemnité de remplacement du revenu, qu'on remplace ces années-là par la moyenne des années de revenus, ce qui, selon nos calculs, n'aurait pas d'effet pénalisant, c'est-à-dire que les années où les gens recevaient une indemnité de remplacement du revenu, on les enlève, mais, à la place, on prendrait la moyenne des années de revenus. Alors là, on pourra... Je vous lance ça comme ça, là, on pourra le réévaluer et voir s'il y a des impacts ou pas, puis quels sont les impacts, mais c'est ce qui à date est prévu pour éviter de pénaliser les travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, là.

n (17 h 10) n

Alors ça, on pourra en discuter, comme je vous dis; on a le temps, là, on n'est pas pressés par le temps, il y a différentes formules qui pourront être regardées. Mais peut-être qu'on n'a pas été de façon assez explicite dans le document de consultation, mais, moi, ce que je vous dis, là, c'est ça qui est prévu de faire pour regarder si ça ne pénalise pas. Moi, mon intention, là, c'est de ne pas vous pénaliser. Et ce n'est pas juste une intention, là, c'est ça qui va arriver. Alors, par rapport à la situation actuelle... Mais je veux que vous soyez conscients que, puisqu'on enlève les possibilités d'années de remplacement pour tout le monde, ce qu'on ferait pour vous, c'est que ces années de remplacement là seraient changées dans le calcul par la moyenne des années de revenus, ce qui, selon ce qu'on a calculé, serait l'équivalent de la situation actuelle. Donc, la nouvelle modification n'aurait pas d'effet pénalisant à ce niveau-là sur le calcul comme tel en bout de ligne. Mais je suis ouvert à vos commentaires, puis, s'il y a autre chose, on va le regarder, là. Je suis conscient que je vous lance ça comme ça, là.

M. Lafrance (Roch): O.K. Bien, c'est parce que, quand, nous, on a lu le document de consultation, on le voyait, on voyait cette mesure de retranchement là qui était clairement amenée au niveau, par exemple, des parents qui s'occupent d'un enfant jusqu'à sept ans. Ça, on reconduisait ça et on expliquait... Effectivement, on explique, dans le document, la mécanique, mais on ne voyait absolument pas l'équivalent au niveau des lésions professionnelles. Alors, on est contents de l'entendre. En même temps, c'est important de comprendre que ça ne répond pas à tout, parce que, lorsque la personne reçoit des indemnités de remplacement du revenu réduites, alors, est-ce qu'on enlève toutes ces années-là? Alors, vous comprenez que, là, vous allez devoir jouer à faire une courtepointe, là, parce que, ces années-là, cette personne-là travaille et reçoit des indemnités de remplacement du revenu. Alors, comment on peut régler le problème? Ça va devenir très complexe.

Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est: La meilleure façon de régler le problème, c'est que ces indemnités-là, on puisse cotiser là-dessus. Alors, on n'a plus besoin, là, de trouver toutes sortes d'accommodements un peu partout.

M. Béchard: Bien, c'est parce que je veux juste... Là, j'ai l'impression qu'on mélange deux choses. Moi, ce que je vous dis, c'est au niveau des années de remplacement, des années où vous aviez des indemnités de remplacement du revenu. Puis ça, je suis conscient de l'autre problématique, je vous l'ai mentionné, on peut regarder au niveau de la CSST, on va regarder qu'est-ce qui peut être fait dans les modifications ou quoi que ce soit. Ça, je suis prêt à le regarder avec le ministre du Travail pour voir qu'est-ce que ça peut donner comme impact et comme résultat. Moi, ce que je vous dis là, c'est que les années de remplacement qui étaient prévues avant, on prend exactement la même façon de faire, mais, au lieu d'avoir ces années-là de remplacement ou qui étaient calculées avec l'IRR, là on prend les moyennes de revenus, ce qui ? moi, ce qu'on me dit au niveau de la Régie des rentes ? ce qui ne devrait pas pénaliser personne. Et c'est ça, l'objectif qui est poursuivi.

L'autre problématique, j'en suis conscient, mais je ne veux pas qu'on les mélange toutes les deux, là, pour être sûr qu'on se comprend bien, là.

Mme Flibotte (Liane): Qu'on s'en tienne à la problématique de l'indemnité de remplacement du revenu. Les mesures qui existent actuellement sont des mesures qui s'adressent à une pleine indemnité de remplacement du revenu. Il y a de nombreux travailleurs et de nombreuses travailleuses qui reçoivent des indemnités de remplacement du revenu réduites qui sont des indemnités de remplacement du revenu, mais qui ne sont pas celles visées par les mesures de retranchement. Alors, c'est sûr qu'il faut aborder cela, en plus de la question de la cotisation. Donc, il y a les indemnités pleines de remplacement de revenu, il y a les indemnités réduites de remplacement de revenu, et ça pose des problématiques différentes. C'est sûr qu'on peut trouver une gamme de solutions à la pièce pour l'ensemble des situations.

Ce qu'on vous propose davantage d'examiner, c'est la possibilité qu'on annule l'effet négatif du versement d'une indemnité de remplacement du revenu en permettant une contribution effective au Régime des rentes du Québec. Bon, dans le contexte actuel, où on est inquiets quand même des fonds qui sont là, des sommes qui vont être disponibles, des prestations qu'on va pouvoir fournir aux gens ? puis je pense que c'est important qu'on se préoccupe de ça, comme société, c'est fondamental ? bien, nous, on vous dit: Il y a des gens devant vous, là, qui veulent contribuer au régime. Alors, est-ce qu'on peut essayer de mettre en place les mécanismes qui vont nous permettre de contribuer au régime, comme l'ensemble des citoyens et des citoyennes, et de vivre le moins de conséquences négatives possible, suite à une lésion professionnelle?

M. Béchard: Donc, cette proposition-là remplacerait tous les autres calculs qu'on a à faire, selon ce que vous nous dites, là. Ce que vous proposez là, ça va vous permettre de contribuer au niveau de la CSST, et tout ça; tout ce qui concerne les autres calculs, on pourrait enlever ça, là.

Mme Flibotte (Liane): Dans la mesure où les contributions sont versées comme si on avait continué de travailler, bien il n'y a absolument aucune raison de maintenir d'autres mesures alternatives. Ça couvre l'ensemble des situations. On s'assure que les travailleuses et les travailleurs auront contribué au régime comme s'ils avaient été maintenus en emploi.

M. Lafrance (Roch): Peut-être en complément. Quand les gens de la Régie des rentes du Québec vous disent qu'en procédant ainsi, c'est-à-dire avec les mesures de retranchement, ça n'a pas d'impact, c'est vrai dans une bonne partie des situations. Mais, si on prend l'exemple de notre madame ici, qui a une lésion professionnelle qui la rend inemployable ou invalide, là ? utilisons les termes... à la CSST, on parle plutôt d'inemployabilité ? sur une très longue période de temps et qui a eu un parcours d'emploi instable pendant les premières années, alors, pendant qu'elle a... Elle a son accident du travail alors qu'elle a un emploi bien rémunéré, tout ça, mais, les 10 premières années de sa vie, bien ça a été des emplois pendant qu'elle étudiait, tout ça, alors on voit dans l'exemple que ça a un impact majeur pour elle, alors que les gens qui ont un parcours d'emploi très stable, bien, c'est vrai qu'il n'y en a pas, d'impact. Alors, il faut faire attention. On est d'accord pour dire que cette mesure-là permet dans beaucoup de situations de régler le problème, mais dans plusieurs autres situations, particulièrement des gens qui ont eu des difficultés d'emploi, des difficultés... de bas salaires pendant les premières années, ça cause des impacts assez importants.

M. Béchard: Mais, en tout cas, c'est parce que je veux juste vous rassurer, parce que je pense que ce qu'on propose actuellement, ce que je vous ai expliqué qu'on proposait, c'est l'équivalent de ce qu'il y a. Donc, ce que je vous dis aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de diminution et il n'y a pas de perte. Vous me proposez un certain nombre d'améliorations qui ne dépendent pas uniquement de moi, qui dépendent aussi de la CSST. Ça, je vous dis que je peux en parler et je peux le regarder avec la CSST. Moi, ce que je vous dis, en ce qui me concerne, notre volonté au niveau de la Régie des rentes, c'est d'avoir la situation actuelle de ne pas pénaliser personne. La nouvelle méthode qu'on vous propose, de remplacer les années... non réduites par les années du salaire moyen, nous, on calcule qu'il n'y a pas de diminution, il n'y a pas de perte pour personne, puis, on se comprend, je pense, en ce qui a trait à ce que vous nous amenez, là, c'est des améliorations de la situation actuelle qui, indirectement, nous permettraient de régler aussi ou de simplifier un certain nombre de choses. On se comprend? J'ai bien compris? Je passe le test?

Une voix: Alléluia!

M. Béchard: Bon. C'est toujours important. O.K. Bon. L'autre point sur lequel je voulais vous amener aussi, c'est que, au niveau des taux de cotisation, si on change de registre, au niveau des taux de cotisation à la Régie des rentes, vous indiquez, là, qu'on devrait... «Pourquoi ne pas faire le choix d'une nouvelle hausse de cotisation afin d'augmenter le niveau de revenu offert?» Ça, ça amène sur un point dont on discute depuis le début puis, moi, qui me tient beaucoup à coeur: Est-ce qu'on doit, oui ou non, augmenter le taux de cotisation, de un? Nous, on a fait le choix que non pour toutes sortes de raisons qui sont là, puis, entre autres, sur la masse salariale, il y a de la compétition, les taxes sur la masse salariale, un certain nombre d'éléments qui sont là. Mais aussi ? et ça, je veux vous entendre là-dessus, parce que vous l'amenez un peu plus loin quand vous dites que finalement, si on ne bouge pas, ça amène des gens davantage vers la pauvreté ? c'est: Quel est le rôle du Régime de rentes du Québec? C'est un régime de rentes. Jusqu'à quel point ce régime de rentes là doit aussi être, je dirais, une politique sociale ou un régime social au-delà de la rente? Et ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, à partir du moment où on touche au taux de cotisation ? puis vous le mentionnez, c'est-à-dire, on diminue la partie assurance au profit du volet retraite ? ...bien, il ne faut pas oublier qu'on est dans un régime de retraite aussi, et, à partir du moment où on ne veut pas toucher au taux de cotisation, là il faut faire un certain nombre de choix, et c'est pour ça, là, que je veux vous entendre là-dessus. Vous seriez d'accord avec le fait que le Régime de rentes joue un rôle plus large qu'uniquement un régime de retraite mais devienne aussi un régime de protection sociale?

M. Lafrance (Roch): Bien, écoutez, un régime de retraite, là, ce n'est pas nécessairement un régime qui vise un remplacement du revenu à 25 %, hein? Je pense que tout le monde s'entend que le régime de retraite qu'on a au Québec, on pourrait viser 30 %, 40 %, 50 %; j'ai lu... la FTQ parlait de possiblement 50 % à 70 % du revenu. Il y a des groupes de femmes qui sont venus dire: Historiquement, nous, on vise 50 %. Alors, ça n'a rien de social que de dire qu'on veut que le niveau de remplacement du revenu soit de 25 % ou de 50 %. Ce qu'on dit, c'est que nous, quand on est face à un régime public ? parce que c'est de ça qu'on parle ? et que ce régime-là de toute évidence nous mène tout droit vers la pauvreté, bien pourquoi on en a un, régime public, hein? Moi, là, je rencontre des gens à tous les jours qui travaillent, puis ce n'est pas du monde en début de carrière. Les gens qu'on rencontre chez nous, là, ont une moyenne d'âge de 45-50 ans, des femmes qui sont opératrices de machine à coudre depuis 25, 30 ans, qui font 18 000 $ par année en faisant ? parce qu'elles travaillent à la pièce ? en faisant des heures supplémentaires. Et là ce qu'on entend du gouvernement du Québec, de la Régie des rentes, c'est: Préparez votre retraite, prenez des REER, parce que vous allez être pauvres. Mais, prendre des REER, je vais les prendre où, mes REER? Où je vais prendre l'argent pour ça?

n (17 h 20) n

Et ce qu'il faut comprendre, c'est que, dans la proposition... Si on gèle le taux de cotisation à 10 % ? moi, j'aime ça, les chiffres ronds, là ? à 10 %, qu'est-ce que ça signifie? Ça veut dire que, pour les travailleurs et les travailleuses, pour éviter d'être pauvres, nous, on devra cotiser à quelque chose d'autre pour un équivalent de possiblement un autre 10 % de notre salaire, et l'employeur ne cotise pas. Alors, dans les faits, ce qu'on nous dit, c'est qu'on veut que les employeurs ne paient pas plus mais que, nous, on paie plus, parce qu'on nous le dit à tous les jours, qu'il faut payer plus.

Alors, le taux de cotisation de 9,9 % dans ma vie à moi, là, si je ne veux pas être pauvre, bien, ça va être plus que ça. Alors, ça n'a rien de social que de dire: 35, 40, puis qu'il y ait un taux de cotisation de 15 %, par exemple. Bien, je suis persuadé qu'il y a plein de régimes de rentes qui ont un taux plus élevé puis... Si on a une indemnité, si on a une rente qui nous permet de vivre au bout, c'est un choix de société puis ce n'est pas si grave que ça. Si, au bout, les gens ont l'argent, c'est eux autres qui mettent l'argent dans ce régime-là mais aussi les employeurs. Et ce qu'on entend comme discours, c'est qu'on veut épargner les employeurs pour que les travailleurs et les travailleuses paient deux fois plus de cotisations, parce que c'est de ça qu'on parle.

Mme Flibotte (Liane): Je pense qu'il faut faire attention. Je pense que la compétitivité d'un pays ne se mesure pas au degré de pauvreté qu'il réussit à faire subir à sa population. Et on parle de personnes... Les gens que nous rejoignons sont des personnes à faibles revenus, et il y a là un impact majeur pour les femmes. On sait que les non-syndiqués sont principalement des femmes. On sait que les travailleurs qui oeuvrent au salaire minimum sont habituellement des travailleuses. Alors, il faut faire attention, parce que ce qu'on dit aux gens, c'est: Votre employeur ne contribuera pas davantage parce que nous serions moins compétitifs. Vous allez assumer personnellement le fait de vous sortir de la pauvreté au moment de la retraite. Mais on demande ça à des gens qui n'ont même pas les moyens de recourir à ces formes alternatives qui permettent de combler le régime public.

Alors, pour nous, le Régime des rentes du Québec doit avoir un objectif fondamental pour les travailleuses et les travailleurs, c'est de tenir la pauvreté à distance. Alors, on n'est pas en train de parler de rentes faramineuses, on est en train de vous dire: Tenez au moins à un objectif fondamental avec le Régime des rentes, c'est de tenir la pauvreté à distance. Il faut faire ça pour l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes, et il faut le faire particulièrement en ayant en tête la situation des femmes québécoises.

M. Béchard: Je veux juste un petit... C'est parce qu'il faut... J'en suis conscient, là, de ce que vous amenez, parce qu'au niveau de la lutte à la pauvreté on a aussi beaucoup de choses qu'on est en train de préparer là-dessus. Je veux bien situer le cadre et les limites du Régime des rentes, parce que le Régime de rentes, je pense, fait et réussit assez bien, dans une certaine mesure, à réduire les écarts et à aider les gens qui vivent des situations de pauvreté importantes, des petits salariés, comme vous le mentionnez, qui ne gagnent pas cher.

Cependant, le Régime des rentes ? la question qu'on doit se poser ? peut-il à lui seul faire en sorte qu'une personne à la retraite va avoir plus, selon une certaine équivalence, que ce qu'elle avait quand elle travaillait? Et c'est un peu ça que vous nous amenez, là. C'est amener un certain nombre de mesures pour, à la limite, faire en sorte qu'à la retraite le Régime des rentes bonifie, toutes proportions gardées, ce qu'une personne avait avant sa retraite. Et ça, c'est comme je vous dis, on est dans les... dans une certaine limite aussi que... Est-ce que c'est... Je reviens à ce que je disais tantôt. Est-ce que c'est le rôle du Régime de rentes du Québec de faire ça?

M. Lafrance (Roch): Non. Je pense que vous nous avez mal compris. Ce qu'on dit, c'est d'augmenter le taux de cotisation pour permettre aux gens d'avoir une part plus importante de leurs revenus de travail à la retraite. On ne dit pas que le Régime de rentes devrait uniformiser. Puis de dire: Bon, les gens, quand ils arrivent à la retraite, ils ont plus d'argent que lorsqu'ils travaillaient... Effectivement, on serait tout à fait contents que les pauvres, là, les gens qui travaillent au salaire minimum aient une retraite plus intéressante que leur vie au travail, mais ce n'est absolument pas ce qu'on propose.

Ce qu'on propose, c'est que ces gens-là, plutôt que de s'adresser à des institutions privées pour prendre des REER, cotiser 100 % de l'excédent qu'ils ont besoin ? parce que la Régie des rentes leur dit: Vous en avez besoin ? ...bien, qu'on fasse ça dans un cadre public, plutôt que d'aller prendre des REER, qu'on verse cet argent-là de REER dans notre régime public mais que l'employeur verse sa part aussi. Alors ça, c'est toute la différence du monde.

L'argument de la compétitivité. Vous savez, habituellement, là, quand on parle de mondialisation, les entreprises qui se retrouvent ici, là, qui ont besoin justement de compétitivité, c'est les multinationales. Et les multinationales sont habituées... habituellement, quand ils vont en Italie, ils n'ont pas un régime de rentes qui paie à 25 %, ils paient plus. Quand ils viennent au Canada, ils sont bien, bien contents d'avoir une assurance santé, une assurance hospitalisation et de payer moins qu'aux États-Unis; ils sont capables de s'adapter à ça. Alors, c'est un argument qui ne tient pas la route, à notre avis, dans le cadre d'un régime de sécurité sociale.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Mirabel et porte-parole de l'opposition officielle pour le Régime de rentes et de retraite.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Mme Flibotte, M. Lafrance, bienvenue à cette commission. L'on constate l'importance de votre participation par l'assistance dans la salle, ici. Je tiens à le mentionner pour les fins de l'enregistrement.

Mon intervention va être courte mais claire. En tant que porte-parole pour l'opposition officielle en matière de régime de rentes et de retraite, soyez assurés de mon entière collaboration pour que M. le ministre ne pénalise pas les travailleurs et travailleuses accidentés du Québec. Alors, on va surveiller ça de très près parce que vous avez certaines revendications qui sont justifiées, et je pense, par les propos de M. le ministre, qu'il va en tenir compte.

J'aurais simplement quelques petites questions. Concernant la rente de conjoint survivant, je suis un peu surprise par, disons, votre silence. Est-ce qu'il y a une raison à ce que vous n'en parliez pas?

Mme Flibotte (Liane): Alors, écoutez, vous comprenez que le Régime de rentes du Québec n'est pas notre univers principal. On voulait faire un véritable débat dans nos instances à partir des revendications que notre mouvement avait déjà. Alors, évidemment, on a tablé sur les choses qui étaient davantage, dans le temps que nous avions comme organisation, à notre portée. C'est pourquoi je disais en introduction qu'on allait tenter de contribuer au débat dans la mesure de nos compétences et de nos ressources. Alors, ce n'est pas parce que ce n'est pas quelque chose qui nous apparaît important, tout au contraire. Malheureusement, on n'a pas eu le temps, dans notre organisation, de faire des débats suffisamment larges là-dessus pour vous présenter une position. Alors, à défaut d'en avoir une, nous avons maintenu le silence.

Mme Beaudoin: Je comprends très bien. Mais, dans...

Mme Flibotte (Liane): ...cependant interpréter notre silence comme du désintérêt, bien au contraire.

Mme Beaudoin: Je comprends votre situation. J'aimerais savoir si vous avez présenté un mémoire en 1998 concernant cette réforme-là.

Mme Flibotte (Liane): Nous n'avions pas intervenu à l'époque.

Mme Beaudoin: Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Moi aussi, ça va être très bref. Vos propositions sont très claires, et vous avez utilisé votre expertise plus pointue sur les sujets qui vous touchaient particulièrement pour l'exercer.

n (17 h 30) n

Par contre, ce qu'on peut retenir aussi, le message est quand même clair au niveau de l'importance de ne pas appauvrir. Alors, toute mesure qui est proposée qui vient appauvrir ceux qui reçoivent les rentes du Québec, ce n'est évidemment pas des mesures dans lesquelles vous souhaitez que le gouvernement puisse se positionner. À cet égard-là, moi, je pense que la mesure de la rente de conjoint survivant est une mesure appauvrissante, là, et c'est la même chose au niveau de la rente d'invalidité. Donc, vous éliminez les mesures appauvrissantes.

On a eu une proposition, qui ressemblait un petit peu à la vôtre à ce niveau-là, de la possibilité de cotiser, et elle était étendue aussi à d'autres groupes. Lorsque l'examen va être fait de cette possibilité-là, est-ce que vous pensez que, par équité, il faudrait aussi examiner ceux qui, par exemple, reçoivent des prestations de l'assurance automobile du Québec? Est-ce que vous... Parce qu'ils vivent la même situation, est-ce qu'on devrait examiner cette piste-là aussi? Je sais que nous avions... Je n'ai pas vu les résultats, mais je sais que nous avions demandé des vérifications aussi au niveau de la possibilité de faire cotiser les femmes durant les absences pour raison de maternité, la possibilité qu'elles puissent cotiser pour regarder ce que ça pouvait donner, là, pour s'assurer qu'elles ne soient pas pénalisées. Alors, est-ce que vous pensez qu'il faut, en regardant pour la CSST, regarder pour d'autres catégories?

Mme Flibotte (Liane): C'est évident que, si on veut se pencher sérieusement sur le Régime des rentes du Québec, il faut le faire de façon exhaustive et de façon rigoureuse. Quelles seraient nos conclusions sur les diverses hypothèses que vous amenez? Évidemment, à ce moment-ci, on n'est pas en mesure de vous répondre, mais, chose certaine, il faut créer ce débat-là, il faut se poser chacune de ces questions-là, y apporter une réponse équitable et faire en sorte de bonifier le régime dans la mesure où c'est cohérent, conséquent et souhaitable. Alors, je pense que toutes les avenues doivent être explorées, et on souhaite ardemment pouvoir participer à ce débat-là, et que ce soit un débat qui se fasse parce que c'est déterminant pour plusieurs citoyennes, plusieurs citoyens et c'est aussi déterminant pour le régime et les cotisations qui peuvent y être versées.

Mme Caron: Je pense que vos messages sont très clairs, je... Oui, vous voulez ajouter? Oui.

M. Lafrance (Roch): J'aurais un petit complément d'information dans le même sens que Liane, mais c'est probablement plus facile de le faire au niveau des lésions professionnelles parce que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a déjà des dispositions qui assimilent la période où on est en arrêt de travail comme une période travaillée, hein? Il y a plein de dispositions où on continue à accumuler du service continu, où l'employeur, même s'il n'est pas content, doit continuer à contribuer au régime de pension privé, au régime d'assurance collective, etc., et le travailleur cotise aussi sa part. Il y a même une disposition à long terme dans les cas justement de régimes de pension, dans les cas d'invalidité où le travailleur ou la travailleuse ne peut plus travailler ? c'est à peu près la même définition d'ailleurs qu'au Régime de rentes du Québec: la CSST va payer la part de l'employeur dans le régime de pension privé. Alors, il y a déjà vraiment, au niveau de la structure de la Loi sur les accidents du travail, ce concept-là que les gens en arrêt de travail lors d'une lésion professionnelle, c'est assimilable à une période de travail.

Alors, c'est pour ça que, nous, on pense que c'est probablement... s'il faut le faire, le débat, c'est le meilleur exemple. Mais il faudrait consulter effectivement les autres accidentés. Par exemple, les accidentés de la route effectivement se retrouvent dans des situations similaires.

Mme Caron: Oui. Aussi, vous avez mentionné dans le document, je veux revenir là-dessus... Dans le fond, si ça n'a pas pu se réaliser en 1980, dans les arguments qu'on peut lire dans le mémoire, il y avait toute la question, là, de la juridiction différente au niveau fédéral. Est-ce que c'est la raison principale qui a fait achopper ou si on peut fonctionner quand même et aller de l'avant strictement avec la partie du gouvernement du Québec?

Mme Flibotte (Liane): Bien, en fait, c'était un peu ce que la CSST disait à l'époque en disant: Écoutez, on comprend que, pour la partie de l'assurance chômage, ça peut être un peu compliqué parce que là on parle de deux paliers de gouvernement. Cependant, comme on parle de la RRQ et de la CSST et qu'on est au même niveau gouvernemental, c'est quelque chose qui devrait pouvoir se faire sans trop de complications. Alors, on espère qu'on va continuer à ouvrir le chemin dans ce sens-là.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Je remercie aussi ceux et celles qui vous ont accompagnée, qui ont pris le temps de se déplacer pour soutenir votre mémoire. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Flibotte, M. Lafrance, merci d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain, jeudi le 4 mars.

(Fin de la séance à 17 h 36)


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