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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, March 16, 2004 - Vol. 38 N° 41

Consultation générale sur le projet de loi n° 38 - Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Russell Copeman, président

Mme Lucie Charlebois, présidente suppléante

M. Philippe Couillard

Mme Louise Harel

Mme Charlotte L'Écuyer

M. Janvier Grondin

M. Camil Bouchard

M. Daniel Bernard

* Mme Nathalie Ross, FQSA

* Mme Danielle Rodrigue, idem

* Mme Hélène Thibault, idem

* Mme Nicole Poirier, idem

* M. Luc Labbé, CAAP-Montréal

* Mme Élyse Laurin, idem

* M. Raymond Forget, FTQ

* Mme Lucie Richard, idem

* Mme Astrid Gagnon, idem

* Mme Louise Chabot, CSQ

* Mme Hélène Le Brun, idem

* Mme Denise Boucher, CSN

* Mme Andrée Lapierre, idem

* Mme Josée Roy, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Copeman): Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle le mandat de la commission: nous sommes réunis encore afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 38, Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Pas de remplacement. Je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires est interdit dans la salle.

L'ordre du jour ce matin: nous allons entendre et échanger avec trois groupes. Nous débutons dans quelques instants avec la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, qui sera suivie par le Centre d'assistance et d'accompagnement aux plaintes ? Montréal, et nous allons terminer la matinée avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle, il y aura également une séance cet après-midi, avec deux groupes, après la période des affaires courantes.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer. Mesdames, vous savez, j'imagine, comment ça fonctionne. Vous avez une période d'une durée maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes, de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, je ne sais pas qui... C'est Mme Ross qui va...

Mme Ross (Nathalie): Oui. Bien, je vais présenter mes collègues.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr!

Fédération québécoise
des sociétés Alzheimer (FQSA)

Mme Ross (Nathalie): Alors donc, moi, je suis Nathalie Ross, de la fédération; et Hélène Thibault, qui est de la société de Québec; Nicole Poirier, de la société de la Mauricie et de la maison Carpe Diem; et Danielle Rodrigue, de la société de Laval. Alors, on va chacune s'épauler parce que c'est quand même assez impressionnant de vous avoir tous devant nous. Alors, ça va nous alléger, chacune, de se relayer pour présenter notre mémoire.

Le Président (M. Copeman): Nous ne mordons pas, de façon générale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Ross (Nathalie): Merci de nous rassurer.

Le Président (M. Copeman): Entre nous autres, parfois, mais rarement avec les invités.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Ross (Nathalie): Alors, depuis cet automne, il y a eu plusieurs articles qui ont été publiés dans les journaux concernant les mauvais traitements des personnes atteintes... ou des personnes âgées dans les centres d'hébergement. L'apogée de la crise est évidemment ce qui est arrivé à Saint-Charles-Borromée, lorsque deux soeurs ont enregistré des propos diffamatoires à propos de leur propre soeur. C'est dans ce contexte politique en fait que la loi n° 38 a été élaborée et déposée par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Afin de vous parler de notre présentation pour le projet de loi, on va situer un petit peu qui nous sommes, la fédération et les sociétés Alzheimer, puis on va revoir dans quel contexte la loi a été déposée, et on va aussi parler des principes qu'on considère qui devraient être dans la loi et qui ne le sont pas, donc, par exemple, sur la charte des droits, qui avait été annoncé, et l'indépendance politique du Commissaire, qui avait été annoncé dans la plateforme électorale du Parti libéral.

Alors, je vais laisser Danielle présenter le mouvement Alzheimer.

Mme Rodrigue (Danielle): Alors, la maladie d'Alzheimer est devenue une préoccupation sociale, dû à l'accroissement du nombre de personnes âgées dans notre population et aux coûts qui y sont associés. La maladie d'Alzheimer est une maladie qui provoque des lésions au cerveau. Elle ne fait pas partie du processus normal du vieillissement. La maladie d'Alzheimer se manifeste par des difficultés au niveau du fonctionnement quotidien. Celles-ci varient d'une personne à l'autre. Il est important de comprendre que chaque personne réagit différemment face à la maladie, selon sa personnalité, son caractère, son environnement familial et social, son état de santé physique et psychologique, son histoire, ses valeurs et sa culture. Chaque personne garde donc, malgré la maladie, son caractère particulier et unique.

Au Québec, il est estimé que 91 000 personnes sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une affection connexe. Par ailleurs, avec le vieillissement accéléré de la population, le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et d'affections connexes augmentera de façon alarmante au cours des 50 prochaines années. Ainsi, d'ici 25 ans, ce nombre aura plus que doublé. De plus, nous estimons à environ 5,5 milliards de dollars le coût annuel de la maladie d'Alzheimer au Canada. Face à cette ampleur, il y a urgence et nécessité de mobilisation sociale.

Alors, si on fait un peu l'historique, c'est en 1977 que la Société Alzheimer du Canada a vu le jour. Dès cette date et jusqu'en 1986, cinq sociétés régionales ont été créées sur le territoire du Québec. En 1986, ces sociétés se sont regroupées en une fédération, la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, ayant pour fonctions de servir de lien entre les différentes sociétés et les représenter auprès des diverses instances. Actuellement, le mouvement compte 21 sociétés régionales réparties sur le territoire du Québec. Notre mouvement a pour mission de représenter les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et leurs familles, de les soutenir et de défendre leurs droits.

n (9 h 40) n

Le rôle des sociétés régionales est d'aider les personnes confrontées à la maladie d'Alzheimer en offrant des programmes et les ressources nécessaires. Ces ressources peuvent être variées et différer d'une région à l'autre, mais en règle générale les sociétés offrent des ressources telles que le soutien téléphonique, les groupes de soutien, du répit, de l'aide à domicile, des centres de jour ou encore des maisons d'hébergement. Les sociétés Alzheimer québécoises ont également pour mission d'encourager l'information et la sensibilisation auprès du public.

Les sociétés Alzheimer régionales ont été amenées, au fil des années, à développer des services innovateurs. Ceci a été rendu possible grâce à un réseau de bénévoles qui s'est considérablement développé, pour atteindre près de 1 000 bénévoles, et grâce à l'enrichissement des apports et de la compétence des différents professionnels. Parmi ces services novateurs, il y a notamment des programmes d'activités et de stimulation à domicile, les groupes de soutien qui accueillent les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer en phase précoce ainsi qu'un nouveau concept d'accompagnement et d'hébergement.

Quant à la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, son rôle primordial consiste à agir comme catalyseur des forces du mouvement Alzheimer au Québec. La fédération prend en charge les représentations médiatiques et politiques du mouvement Alzheimer. Notre leitmotiv est donc de soutenir et de défendre la cause ainsi que de préserver les droits des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de leurs familles. La pierre d'assise des revendications que mène la fédération depuis quelque temps est le premier Forum québécois sur la maladie d'Alzheimer, qui s'est tenu en 1999. Alors, je vais laisser la parole à Mme Thibault.

Mme Thibault (Hélène): Alors, les origines du projet de loi. Dans le projet de loi du Parti libéral, un document intitulé Partenaires pour la santé fait état des recommandations émises lors de la campagne électorale, ainsi qu'un chapitre est dédié à la recréation d'une charte des droits et des responsabilités du patient ainsi qu'à l'établissement du mandat du Commissaire à la santé. Nous pouvons donc y lire ce qui suit, c'est que le gouvernement libéral du Québec, «afin d'assurer l'application de la charte des droits et responsabilités du patient, établira le mandat du Commissaire à la santé et lui donnera l'indépendance et les outils requis pour assurer une pleine défense des droits des citoyens au sein du réseau de la santé et des services sociaux».

En outre, parmi les mandats que le Parti libéral du Québec voulait conférer au Commissaire à la santé, il y en a quatre qui retiennent notre attention, soit les suivants: il recevra et examinera les plaintes des usagers en regard de tous les droits qui leur sont garantis par la charte, incluant le respect des délais d'accès; il fera rapport à la population chaque année, par le biais de l'Assemblée nationale, sur la performance du système et sur l'utilisation des sommes consacrées à la santé; il agira en totale indépendance du gouvernement; il intégrera les fonctions actuellement dévolues au Protecteur des usagers et à l'Agence de l'évaluation des technologies.

Le projet de loi. Le projet de loi n° 38 définit clairement le rôle, les responsabilités, les fonctions et les pouvoirs du Commissaire à la santé et au bien-être. Le Commissaire relèvera du ministre de la Santé et des Services sociaux. En outre, les principales responsabilité du Commissaire sont d'apprécier les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux, d'informer le ministre et la population de la performance globale du système de santé et de services sociaux, des changements qu'il propose, et de donner des avis au ministre sur l'évolution et l'état de santé et de bien-être de la population et sur les enjeux du système de santé et de services sociaux.

Dans son éditorial du 23 décembre 2003, Jean-Robert Sansfaçon faisait la constatation suivante: «Force est de constater que le ministre et le gouvernement viennent de négocier un virage radical par rapport au programme. Exit la charte des droits, dont il n'est plus question dans ce projet, qui ne porte désormais que sur la création d'un poste de Commissaire. Quant à ce dernier, il n'aura pas à faire appliquer quoi que ce soit, encore moins à voir au redressement des torts des uns [et] des autres, pas plus qu'il ne relèvera de l'Assemblée nationale. Son patron, ce sera le ministre, ce qui le privera évidemment de l'indépendance promise. Les usagers devront donc continuer de frapper à la porte [des protecteurs] des usagers, sans plus d'efficacité que par le passé.»

Nous ne pouvons qu'appuyer les réticences formulées par M. Sansfaçon, surtout dans le contexte social actuel où les médias n'ont pas cessé de divulguer les problèmes rencontrés par les personnes hébergées dans le centre d'hébergement Saint-Charles-Borromée et dans certains centres d'hébergement privés pour personnes ayant des problèmes de santé mentale. En outre, nous avons également porté à l'attention du ministre, cet été, un cas de négligence flagrant concernant une femme atteinte de la maladie d'Alzheimer qui est hébergée au Centre Cloutier-du Rivage, en Mauricie, et qui s'est retrouvée, bon, avec un doigt sectionné. Je laisse à ma collègue...

Mme Ross (Nathalie): Les intentions, audacieuses au départ, dans le projet de loi, qui concernent, entre autres, la charte des droits, l'indépendance du Commissaire et revoir le processus de plainte, n'ont malheureusement pas tenu la route. La charte des droits, pour nous, ça aurait été très intéressant qu'il y ait cette charte des droits là parce que les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et leurs familles sont les principales victimes de la carence de services qui sont offerts dans le réseau de la santé et des services sociaux. À l'heure actuelle, on estime que de 70 % à 80 % des services à domicile sont donnés par les proches, sont donnés par les familles. Alors, elles sont de plus en plus épuisées, les familles, et elles épuisent aussi leurs ressources financières afin de combler les défaillances du système de santé et de services sociaux, qui est présentement en péril.

De plus, la piètre qualité des services qui sont offerts en centre d'hébergement de soins de longue durée... Par exemple, on voit, au niveau du taux de réponse des besoins, qu'on est rendu à répondre à 63 % des besoins des personnes qui sont présentement hébergées. Alors, les personnes atteintes qui sont hébergées font partie des personnes qui sont les plus vulnérables, donc les plus susceptibles de subir la maltraitance, la violence et l'atteinte à leurs droits. Elles sont aussi plus susceptibles de subir aussi ce qu'on appelle l'utilisation des contentions. Ces personnes-là sont sous contention physique et chimique à un point tel que même certains, dans leur conception traditionnelle des soins, ont dit qu'elle fait partie du traitement pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, pour gérer les comportements perturbateurs. En plus, on utilise les contentions d'une façon abusive et on le justifie par le manque de personnel et par sécurité. Alors que les médias et les recherches confirment et dénoncent les abus de pouvoir et les mauvais traitements envers les personnes devenues vulnérables à cause de leur maladie, le projet de loi élimine tout espoir de briser la loi du silence, les dynamiques insidieuses de pouvoir et les gestes de violence en éliminant la création d'une charte des droits pour les usagers.

L'indépendance politique du Commissaire à la santé et aux services sociaux a été décriée, le fait qu'elle était absente. Cette indépendance aurait assuré une plus grande confiance de la population dans l'efficacité probante des mandats du Commissaire et lui assurerait une plus grande marge de manoeuvre quant à l'analyse des ratés du réseau de la santé et des services sociaux et aux solutions pour y remédier. En guise d'exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux n'a aucune autorité quant à l'application obligatoire de ses orientations ministérielles. Par ailleurs, l'utilisation des contentions physiques et chimiques continue à être le recours quotidien des intervenantes et des intervenants en CHSLD auprès des personnes atteintes de déficits cognitifs, et ce, malgré les orientations ministérielles qui visent leur réduction. L'indépendance du Commissaire permettrait à celui-ci d'exiger la mise en place d'un véritable plan d'action visant la réduction efficace et efficiente des contentions sur une période prédéterminée.

Alors que les conditions de vie dégradantes dans les CHSLD sont mises à jour et inquiètent la population, comment ne pas être troublé en constatant que le gouvernement ait l'audace de renier ses engagements et d'évacuer principalement les aspects humains qui étaient les plus porteurs d'espoir, les plus courageux et les plus rassurants? Que faut-il de plus au gouvernement pour qu'il place l'intégrité humaine et le respect des droits fondamentaux au-dessus de toute considération politique? Alors que les finances publiques sont vérifiées par une instance indépendante, pourquoi se heurte-t-on à tant de résistance lorsqu'il est question de droits humains et de la santé? Et pourtant les enjeux liés à la santé cumulent d'énormes considérations à la fois humaines et financières. Un commissaire à la santé et au bien-être indépendant de toute allégeance politique ne signifie pas la création d'un ministère parallèle mais plutôt l'assurance que les citoyennes et les citoyens seront entendus et protégés. Nicole.

n(9 h 50)n

Mme Poirier (Nicole): Alors, au niveau du processus de plainte, nous voulons faire remarquer que le processus de plainte actuel est à ce point inefficace que nous constatons, lors de l'accompagnement des familles, qu'elles se résignent à ne pas donner suite à leurs plaintes à cause justement d'une perception d'absence d'impartialité au niveau du processus. En effet, lorsqu'une famille dépose une plainte au Commissaire aux plaintes, embauché et payé par l'établissement en question, la famille sait déjà qu'il y a un processus vicié et que la bataille est à peu près perdue d'avance.

D'ailleurs, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a déjà déposé un rapport sur l'exploitation des personnes âgées, et on y mentionnait qu'il y a 25 000 personnes âgées au Québec et que seulement une trentaine de demandes par année sont acheminées à la commission. Donc, c'est qu'il se passe quelque chose. Il y a des canaux qui ne fonctionnent pas. Et de plus le rapport relate que le quart des plaignants se désistent, et les raisons qu'on invoque pour se désister, donc la première, c'est la peur des représailles, principalement pour le parent, une non-confiance dans le système de plainte, une non-confiance dans l'examen qui en sera fait, la fragilité et la vulnérabilité des personnes hébergées qui ont été abusées et la crainte des réactions de la part des intervenants, entre autres. Ce sont les principales réponses qu'on a obtenues là-dessus.

Et pourtant il y a consensus que le processus de plainte doit être révisé, au niveau particulièrement des CHSLD. D'ailleurs, on vous a fait mention des différents articles de la Charte des droits et libertés, la charte canadienne, particulièrement l'article 12, qui parle de la protection contre tous... pour tous de traitements ou de peines cruels et inusités. On parle aussi que la loi ne fait pas exception et s'applique également à tous, sans discrimination, particulièrement en rapport à l'âge et aux déficiences mentales et physiques.

Il y a aussi la Charte des droits et libertés de la personne québécoise qui parle, dans l'article 1, que tout être humain a droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne, l'article 9 qui mentionne aussi que les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec et que toute personne handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection, à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu.

Ensuite, on aborde le point d'inefficacité, particulièrement au niveau du Protecteur des usagers. On vous mentionne, dans le mémoire, l'exemple qui a été mentionné tout à l'heure, dans la région de la Mauricie, d'une dame qui se serait, selon l'hypothèse initiale, qui se serait rongé un doigt, alors une dame atteinte de la maladie d'Alzheimer. Et, suite à diverses interventions, dont celle du ministre, il y a eu un rapport et une enquête précise qui ont été faits, et on a quand même maintenu l'hypothèse que la dame aurait pu se ronger le doigt, alors que les experts internationaux ont démontré que ce n'était jamais arrivé. Alors, à la lumière de cette enquête-là, on dit que le Protecteur des usagers, dans son rapport, recommande aussi que, dans le cas de cette personne, «l'établissement revoie, avec les mandataires de celle-ci, les divers moyens de contention possibles, à la lumière de l'évolution de la situation et des observations effectuées, et qu'il assure que les moyens de contention utilisés soient respectueux des préférences qu'ils expriment». Comment peut-on demander à une famille de faire un choix sur le moyen qu'on veut qu'ils attachent leur parent? Donc, c'étaient les conclusions du rapport du Protecteur des usagers.

Un autre exemple qui n'est pas dans le mémoire mais que je veux porter à votre attention... d'une dame, encore dans la région de Trois-Rivières, qui ne se retourne pas de bord dans son lit. Donc, on doit la manipuler. Elle est complètement... en très grande perte d'autonomie. Elle se retrouve, du jour au lendemain, avec une épaule disloquée, et ça nécessite une intervention chirurgicale, une anesthésie générale, et, suite à toute la démarche qui a été faite par la famille selon le processus, la Protectrice des usagers mentionne que malheureusement on n'a pas pu savoir qu'est-ce qui s'était passé dans ce cas-là. Alors, on ne faisait pas appel à une centaine d'intervenants, là. Il y avait une enquête qui devait être faite, et on n'a pas réussi à faire la lumière là-dessus. Mais pourtant il a été fait consensus, même au niveau de l'Association des hôpitaux du Québec et des chercheurs de l'Université Laval, dont le Dr Durand, que la surutilisation des contentions physiques et chimiques est à dénoncer dans les établissements. Donc, l'atteinte aux droits, à la dignité, à l'intégrité et à la liberté des personnes inaptes revêt une acuité importante, particulière, avec le phénomène de la contention physique.

Qualifiée de véritable fléau dans les institutions, la contention constitue en fait, chez nous, à la différence de d'autres sociétés, davantage une pratique courante qu'une mesure d'exception. Et même, on a parlé de statistiques, une étude menée auprès de 29 CHSLD a démontré que, en 1998, 33 % des résidents font l'objet d'au moins une contention par jour, d'une durée moyenne de 11,5 heures, 11 h 30 min. Et, si on compare avec d'autres pays, dont la Grande-Bretagne, le Danemark et la Suède, seulement 4 % des gens sont sous contention dans ces établissements-là. Et, quand on analyse comment ils y arrivent, ce n'est pas par des protocoles ou par des mesures techniques qu'ils y arrivent; ils y arrivent par des changements de culture organisationnelle.

Et même les contentions physiques et chimiques ne concernent pas toutes les personnes qui sont, par exemple, enfermées derrière des demi-portes ou enfermées derrière des étiquettes, des étiquettes de personnes perturbatrices, violentes, agressives, et toutes les autres formes de contention, que ce soient les sacs de toile qui entourent les mains des gens pour éviter qu'elles tentent de se libérer de leurs culottes d'incontinence souillées, aussi toutes les visites de famille dont on prive la personne, toutes celles qui ne peuvent avoir accès à leurs propres vêtements. Ce sont des signaux qu'il y a une dynamique de contrôle qui s'installe, et tout ce qui est mis en oeuvre au niveau des moyens de contrôle pour éviter que les personnes dérangent ou, par exemple, sortent à l'extérieur... C'est normal qu'une personne devienne un peu frustrée et agressive quand ça fait des mois qu'elle n'a pas respiré l'air frais de l'extérieur. Donc, ce sont toutes ces formes d'abus qui sont passées sous silence et qui en tout cas devront être mises à jour dans les prochaines interventions.

Mme Ross (Nathalie): C'est dans le contexte que Nicole vient de mentionner qu'on avait réclamé d'ailleurs une tenue d'une commission d'enquête sur les conditions de vie dans les CHSLD, parce qu'on croit qu'il y a vraiment un problème à la base, au niveau de la vision qu'on a des soins qu'on donne dans les centres d'hébergement. Il faut revoir en profondeur comment les gens sont traités, la gestion, la manière dont on envisage un CHSLD. On parle d'un milieu de vie, mais on ne voit jamais la vie dans ces centres d'hébergement. Alors, la fédération, comme on a comme mandat...

Le Président (M. Copeman): Mme Ross, je dois vous inviter à conclure.

Mme Ross (Nathalie): D'accord. Alors, bien je pense qu'on peut conclure là-dessus, et allez-y avec vos questions, ça va nous faire plaisir d'aller davantage en profondeur dans nos réponses à vos questions.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, mesdames, Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je voulais commencer la discussion avec vous sur la question de la charte des droits des patients, des usagers, de la population, droits et responsabilités en général ? j'ajoute toujours le deuxième également. Les intervenants qui vous ont précédées de même que notre analyse ont mis en évidence le fait que, dans le cadre législatif actuel, tous les droits fondamentaux des patients, des usagers sont présents quelque part dans une loi, soit la loi sur la santé et les services sociaux soit la Charte des droits et libertés ? vous avez vous-mêmes énuméré plusieurs articles de loi qui mettent ça en évidence ? de sorte que la conclusion a été que, plutôt que d'établir un nouveau texte de loi qui ne ferait que répéter les articles de loi déjà écrits, il s'agit de faire en sorte que la population soit informée de ces droits, parce qu'il semble que c'est là que le problème se situe, non pas dans l'existence de ces droits dans le texte législatif mais dans la connaissance que la population a de ces droits, de sorte que l'approche était une déclaration ou une méthode d'informer la population de ces droits. Et, si vous regardez dans le texte du projet de loi, c'est indiqué qu'en fait un des premiers mandats ou sinon le premier mandat que le Commissaire se verrait confier, ce serait d'élaborer la meilleure façon d'informer la population de ces droits et de déclarer de façon formelle quels sont ces droits et responsabilités.

Est-ce que vous trouvez que c'est une approche qui est correcte?

Mme Ross (Nathalie): Je ne la verrais pas suffisante parce que justement, quand on a regardé les chartes, on a remarqué qu'il y avait beaucoup d'articles qui protégeaient particulièrement les détenus. On trouvait que les détenus étaient mieux protégés contre l'utilisation des contentions que les personnes âgées dans les centres d'hébergement. Ça nous avait vraiment frappées. Alors, justement on pense qu'il manque probablement un volet plus spécifiquement sur la manière dont les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont traitées dans les centres d'hébergement. Il faudrait peut-être en ajouter, parce que, on regarde au niveau des détenus, ils sont plus protégés que les personnes âgées, et c'était frappant. Je ne sais pas si, Nicole, tu aurais quelque chose à rajouter?

Mme Poirier (Nicole): Non. C'est ça.

n(10 heures)n

M. Couillard: De la même façon également, d'autres intervenants ont fait remarquer qu'il était probablement judicieux de séparer l'évaluation macroscopique des performances du système de santé, rôle que nous confions au Commissaire, de l'aspect plus individuel de la relation du citoyen avec le système, dans le cadre du traitement des plaintes, et donc que d'alourdir encore plus le rôle du Commissaire en lui incorporant la gestion des plaintes ne serait probablement pas justifié. Et on nous a recommandé même de garder les deux fonctions séparées: le Commissaire pour le fonctionnement global du système et le système de traitement des plaintes, que nous sommes en train, comme vous le savez, de réviser, pour la relation entre l'usager et l'établissement en question ou le professionnel. Je veux vous entendre là-dessus.

Mme Ross (Nathalie): Bien, quand j'ai rencontré la Protectrice des usagers en matière de santé et de services sociaux, elle me disait qu'elle ne recevait quasiment aucune plainte ? je pense qu'elle avait, elle m'a dit, comme trois plaintes ? provenant des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Donc, le mécanisme actuel ne permet même pas d'avoir des plaintes qui se rendent d'une façon adéquate jusqu'au Protecteur des usagers. À l'heure actuelle, si on se disait qu'on les scindait... Je pense qu'elle semble même dire qu'elle manque de travail à cet effet-là, en tout cas surtout au niveau des centres d'hébergement.

Si on a un processus de plainte qui est plus adéquat, est-ce que ça va alourdir son travail? Je ne le sais pas. Je me dis que c'est à la base aussi où ça doit changer parce que je pense que c'est surtout à la base qu'est le problème, ce qui fait que, si, à la base, on changeait déjà le processus, la manière dont la plainte... ou à qui on la dépose, si c'était déjà une institution indépendante de l'établissement de santé où est-ce qu'on fait notre plainte, je ne suis pas certaine que ça va nécessairement alourdir l'ouvrage de la Commissaire ou du Commissaire à la santé et au bien-être, mais certainement ça mettrait cette personne-là au courant de ce qui se passe dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et le fait de les scinder pourrait faire en sorte qu'il y ait aussi un manque de circulation d'information.

M. Couillard: Mais ce qu'on veut dire, en fait, c'est que le Commissaire pourrait vérifier le fonctionnement du système de plainte mais non pas intervenir dans la plainte individuelle, qui demeurerait du côté du Protecteur des usagers.

Mme Ross (Nathalie): Oui. D'accord.

M. Couillard: D'ailleurs, je faisais allusion au fait que nous sommes en train de réviser ce système de traitement des plaintes. Quelles seraient vos recommandations quant à la lacune principale du système actuel? Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait faire en priorité pour améliorer ce système de traitement des plaintes?

Mme Ross (Nathalie): J'aimerais en parler, mais j'aimerais ça aussi peut-être que les autres puissent ajouter... Pour moi, la lacune principale, je l'ai mentionné, c'est qu'on fait une plainte à l'établissement même. Il n'y a pas d'indépendance. Je me souviens, dans un cas, où la lettre qui avait été envoyée à la famille, c'étaient les arguments que l'administration avait donnés depuis le début. C'étaient exactement les mêmes arguments. Donc, l'administration avait pris le dossier en main et la plainte a été carrément tassée et même pas regardée comme étant une plainte officielle. Je ne sais pas si, Nicole ou Danielle, vous avez des choses à ajouter?

Mme Poirier (Nicole): Bien, moi, je dirais qu'évidemment donner plus d'impartialité... Il y a des tribunaux qui révisent des décisions parce qu'on peut démontrer qu'il y a une absence d'impartialité dans certaines décisions. Alors, pourquoi, quand ça concerne la vie des gens, leur dignité et leur respect, il n'y aurait pas plus, en plus de l'apparence d'impartialité, vraiment un système impartial? Mais ça ne suffira pas à aider les gestionnaires, qui se doivent d'être accompagnés dans leur vie quotidienne, dans la gestion quotidienne auprès de leurs intervenants.

Et je pense qu'aussi ce qu'il faut faire ressortir, c'est que, lorsqu'on est rendu à des faits publics, lorsqu'on est rendu à des mesures qui sont soit disciplinaires ou des sanctions, on est déjà dans la perte de contrôle, on est déjà trop tard, il y a déjà des indices qui nous ont été... qui auraient pu être relevés, qui n'ont pas été relevés. Et, lorsqu'on arrive à des sanctions, bien on arrive à des mesures qui sont dans le même registre que la faute qu'on veut éliminer. Et c'est facile... Puis je pense qu'il faudrait faire attention à l'effet pervers de tout ce qui est sanction, et punition, et rôle correcteur du Protecteur, quel qu'il soit, parce que je pense qu'on attaque beaucoup la dernière chaîne d'un maillon, le maillon qui avait un système complet qui est en soi parfois violent envers les gens. Ici, on fait juste regarder de quelle façon... On ne parlera même pas du financement, d'autres le font. Et, le financement, ce serait trop facile de le blâmer, mais peut-être regarder la logique du financement qui fait que les gens sont évalués ou sont réduits à un score, à une lourdeur, à un nombre d'heures-soins. Il n'y a pas d'humain qui mérite d'être réduit à une étiquette comme ça. Et la logique est telle que plus la personne est cotée lourdement, plus l'établissement est payé et reçoit du financement. Donc, on trouve un avantage déjà financier à trouver des pertes chez les gens. Alors, c'est beau, blâmer les intervenants, mais au départ il y a une logique qui est même externe à l'établissement.

Et même on pourrait remonter à nous personnellement comme société, quelle est notre vision de la personne âgée et son rôle dans notre société. Et il y a aussi d'autres aspects dans le système qui doivent être analysés. Le Protecteur... la protection... la personne qui va analyser les plaintes, elle doit aussi analyser toute la structure.

Quand on parle de la hiérarchisation énorme qu'il y a dans les structures de soins, en soi c'en est une forme de violence, c'est le pouvoir d'un individu sur l'autre, et sur l'autre, et sur l'autre, et celui qui est en bout de piste, c'est l'intervenant, qui n'a plus de pouvoir. Et les études ont démontré que la détresse des soignants relève, entre autres, oui, de la tâche, mais surtout de l'absence de pouvoir sur son rôle. Et où est-ce qu'il le prend, son pouvoir, cet intervenant-là? Bien, il le prend parfois sur les collègues avec... Bien, on le voit dans la violence organisationnelle, il y a des études là-dessus, mais aussi on le prend sur les gens les plus vulnérables. Alors, c'est un cycle de violence qu'il faut dénoncer, ce n'est pas juste d'arriver en bout de ligne puis taper sur les gens qu'on a mis de côté ou qu'on n'a pas réussi à soutenir.

Il y a aussi toute l'organisation du travail. C'est important. Tout est compartimenté. On s'est inspiré, on pourrait dire, du monde industriel pour bâtir un système de soins où chacun fait son petit rôle et se cache même derrière sa tâche. À la limite, cette forme d'organisation là est violente. Donc, il faudrait faire attention, avant d'arriver puis de blâmer en bout de ligne, d'émettre des mesures qui finalement sont l'expression d'une perte de contrôle pour soi-même, je dirais. Donc, oui, il y a une question de structures. Vous nous parlez beaucoup: Est-ce qu'on devrait fusionner, défusionner? Je pense que les structures, c'est facile en quelque sorte à modeler, mais les cultures, ça, ce n'est pas facile à déloger dans les institutions. Et c'est ça que soit le Commissaire ou soit une instance devraient aider, devraient voir comment on en arrive là, plutôt qu'arriver puis dire: Voici comment est-ce que c'est effrayant, ce qui s'est passé. Bien oui, mais il y a une logique derrière tout ça, il y a des petits signes qui doivent être relevés, et ça, je ne vois pas ça beaucoup. Je vois beaucoup de structures, mais je ne vois pas beaucoup d'accompagnement des gens.

Les gestionnaires doivent avoir une vision aiguisée de ce que c'est, un abus. Tu sais, un abus, ça ne commence pas... on ne commence pas toujours par des gestes violents; il y a du non-verbal, il y a des paroles, il y a des frontières de brisées, au niveau du quotidien, qui doivent être relevées pour éviter que ça devienne une forme institutionnalisée de manque de respect. Donc, c'est difficile pour nous de dire quelle structure est la meilleure ou la pire, mais plutôt... dire: Allons voir comment on en arrive là, puis je pense qu'on va avoir des réponses.

M. Couillard: Évidemment, avec les événements publicisés au cours des derniers mois, on a tendance à peindre un tableau, je dirais, globalement sombre de la qualité de vie en CHSLD. Je pense qu'il faut être un peu plus nuancé que ça. Il existe des CHSLD où les résultats, en termes de qualité de vie, sont très bons. J'en ai visité moi-même puis je les ai vus.

D'après vous, quel est l'élément qui fait que certains établissements ont du succès, entre guillemets, dans l'établissement d'un milieu de vie correct et digne pour les gens, dans un même cadre budgétaire, que d'autres qui n'ont de toute évidence pas compris ou pas réussi à atteindre cet idéal de milieu de vie? Quel est l'ingrédient, là, qui fait la différence entre un bon milieu et un mauvais milieu?

Mme Poirier (Nicole): Bien, personnellement, moi, je pense que ça part d'une philosophie d'intervention qui doit être partagée et une structure, oui, qui doit protéger cette philosophie d'intervention là. Et ensuite c'est travailler sur le regard: C'est quoi, le regard qu'on a d'une personne âgée, d'un humain? Et, ce regard-là, si on prend les personnes qui sont atteintes d'Alzheimer, les gens qui ont un regard aussi simpliste que de dire: Les gens atteints d'Alzheimer, ils n'ont plus conscience de rien, on peut faire ce qu'on veut finalement avec eux, bien, leur regard, on va le voir dans des gestes concrets: ils vont ignorer les gens, ça va être les dernières personnes qui vont être accompagnées. Le regard traduit la vision, la croyance. Donc, moi, je dirais: Un projet ou une philosophie et où les intervenants y adhèrent, je pense une gestion aussi, c'est...

On parle beaucoup de formation, mais il y a aussi la question du savoir-être avec les gens. Moi, je pense que les milieux qui réussissent sont des milieux qui sont capables de déceler des petits abus qui, s'ils ne sont pas décelés, en deviennent des grands. Et c'est dans la culture organisationnelle, où la culture devient tellement forte, au niveau du respect des gens, que le milieu, les équipes de travail ne tolèrent pas la loi du silence. Mais parfois... Et c'est ces milieux-là qui font qu'on réussit à ne pas sombrer dans des manques de respect. Mais je pense...

n(10 h 10)n

Mme Ross (Nathalie): Une philosophie d'intervention aussi, c'est qu'on ne va pas demander à des employés de nourrir 10 personnes en une demi-heure, puis là on va tous les enligner sur le bord du mur puis on va les nourrir rapidement à la cuillère. Alors, il y a aussi... Quand on parle d'une philosophie, ça va jusque-là.

Mme Poirier (Nicole): Puis j'aimerais juste ajouter aussi: il n'y a pas beaucoup d'alternatives quand on est avec des gens qui sont vulnérables. On a deux choix quand on intervient. Est-ce qu'on est dans une dynamique de contrôle, où est-ce qu'on décide que nos normes sont celles qu'on doit imposer aux gens? Le contrôle, ça va dans l'évaluation des gens, mais ça va aussi dans toutes sortes de petites mesures quotidiennes. Donc, est-ce qu'on est dans le contrôle ou est-ce qu'on est dans la relation de confiance?

Et il y a des gens... Et justement ça va jamais dans la sélection du personnel, ça va jusque dans le suivi quotidien, et on doit se dire: Est-ce que je suis en train d'essayer de prendre le pouvoir sur la personne, ou je suis en train d'essayer de l'accompagner? Donc, c'est des notions que les gens ne discutent jamais dans leurs réunions d'équipe, ne discutent pas, même pas dans leur formation. On apprend des techniques, mais on n'apprend pas à développer des relations de confiance.

M. Couillard: Pour ce qui est de la façon d'obtenir une image juste de ce qui se passe dans les milieux de soins prolongés, et nommément dans les CHSLD, nous avons adopté l'attitude de procéder, comme vous le savez, à des visites inopinées dans les centres, avec un membre de l'agence, un membre du ministère, un membre du Conseil de protection des malades et également un représentant de la Table régionale des aînés. Pour ma part, moi, je suis... sans être jamais convaincu de rien ? c'est dangereux de n'être persuadé et de n'être certain de rien en général ? que c'est la façon dont on va pouvoir vraiment savoir ce qui se passe pour de vrai dans ces établissements-là. Et le Conseil de la protection des malades nous disait récemment que c'était également leur avis, que c'était de loin très supérieur à une commission d'enquête où les gens viennent témoigner dans un forum semblable, et on est à des kilomètres et des années-lumière de la réalité quotidienne des gens dans les milieux de soins prolongés. Et je réfléchissais même à la possibilité ? et je le fais encore ? de rendre ces visites, ou ces tournées-visites, permanentes; alors qu'on a initialement ciblé une quarantaine d'établissements ou un peu plus de 40 établissements, d'instituer un mécanisme où il y aurait une rotation puis des visites permanentes des milieux où il y a des personnes défavorisées ou vulnérables.

Et je vois que, vous, vous semblez également plutôt tenir à la prestation d'une commission d'enquête, ce qui à mon avis n'est pas une garantie du tout de connaître la réalité puis surtout pas d'apporter une amélioration, étant donné que, lorsqu'on fait une visite, comme on le fait actuellement, dès qu'on a identifié un problème, on agit immédiatement plutôt que d'attendre six mois, un an, un an et demi avant qu'une commission d'enquête se réunisse, fasse son rapport, qu'il soit discuté et que, là, on se réunisse encore pour déterminer qu'est-ce qu'on fait avec le rapport puis quels sont les changements de l'organisation, qui prendront des mois avant de se rendre jusqu'à la base, comme vous le disiez vous-mêmes. Il me semble que d'avoir un mécanisme d'information près des gens dans les chambres des personnes, c'est de loin supérieur à une commission d'enquête.

Mme Ross (Nathalie): Je peux intervenir? La raison pour laquelle on demandait une commission d'enquête... Je vais reprendre l'exemple des contentions. Les contentions, c'est rentré tellement dans la culture de l'organisation que ça fait partie d'un plan de soins. Ce n'est même pas identifié comme étant un abus à la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Et je n'ai pas eu accès au compte rendu des visites. Le seul accès que j'ai eu, c'est le même que le reste de la population, c'est l'histoire de Cooke. Donc, sur 14 ou 20 ? je n'ai plus le nombre en tête ? qui ont été visités, il y a eu juste un cas où ça n'allait pas bien. Et, moi, ma question a été... Et je ne fais que poser une question. Je ne fais pas de relation de fait, je ne sais même pas dans quels centres vous êtes allé. Mais ma question est la suivante: Est-ce que, dans les autres centres d'hébergement, ils ont tous réduit l'utilisation des contentions?

M. Couillard: Bien, comme vous le savez, vous y avez fait allusion, il y a les orientations ministérielles, qui datent déjà de quelque temps, sur les contentions physiques et chimiques, et on donne la responsabilité aux établissements de nous présenter ? en fait, au cours des prochaines semaines; ça devrait être disponible théoriquement fin avril ou au printemps ? l'état des lieux, où est-ce qu'ils en sont dans l'application de ces orientations ministérielles là. Et, lorsque les équipes visitent les milieux dont je vous parle, les milieux de soins prolongés, ils vérifient spécifiquement l'application des orientations ministérielles, autant pour les contentions que pour le principe du milieu de vie, de sorte que, de ce côté-là également, je crois qu'il y a des choses qui progressent.

Mais je dois dire que votre contribution là-dedans est très utile. Moi, je suis allé visiter la maison Carpe Diem, là, à Trois-Rivières avec madame et j'ai été très impressionné de voir le recours quasi nul à des mécanismes de contrôle puis de contention de gens qui de toute évidence avaient des problèmes cognitifs très importants.

M. Ross (Nathalie): C'est ce qu'on voudrait voir partout. C'est la raison pour laquelle on insiste autant sur une commission d'enquête. On pense que le modèle Carpe Diem devrait être à la disponibilité de toutes les personnes atteintes du Québec, même du monde. Mais enfin ce n'est pas notre mandat.

M. Couillard: Est-ce qu'on a besoin d'une commission d'enquête pour faire ça? Si on décide que c'est le modèle à appliquer, on peut se concerter puis dire que c'est le modèle à appliquer.

Mme Ross (Nathalie): Si vous me dites que vous appuyez la... qu'on continue à développer le modèle Cape Diem ou qu'on permet, par exemple, une deuxième ouverture, à Trois-Rivières, d'une deuxième maison Carpe Diem et qu'on va continuer, bien c'est sûr que, si vous vous engagez ici dans cette voie, on n'exigera pas de commission d'enquête, personne, ici.

M. Couillard: ...tentative, et je vous félicite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Je ne sais pas si mes collègues avaient des questions à ajouter?

Le Président (M. Copeman): Je vais aller à ma gauche en premier lieu. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Mme Ross, Mme Poirier et Mmes Rodrigue et Thibault, bienvenue au nom de l'opposition. Merci d'être parmi nous ce matin et de nous faire cette importante contribution aux travaux de la commission.

À la page 9 de votre mémoire, vous dites une phrase qui, je pense, résume en partie certainement la problématique que vous nous exposez. Elle semble simple de prime abord, mais il y a beaucoup derrière. Vous dites: «Ces formes d'abus [...] sont la conséquence d'une conception des soins qui conduit à privilégier les besoins des organisations au détriment de ceux des personnes...» Et vous avez fait une comparaison. Je pense que c'était Mme Rodrigue, je crois. Vous êtes de Laval, hein? Non, de la Mauricie. Vous êtes de la Mauricie. C'est ça. Alors, vous êtes... c'est Mme Poirier. Vous avez fait une comparaison qui me semble très éclairante. Vous avez dit: Finalement, les établissements ont des avantages financiers à trouver des pertes aux personnes hébergées, et ça m'a fait penser au système d'éducation qui avait des avantages à trouver en fait des enfants atteints de problèmes d'apprentissage et de comportement. Alors, on a pour 1 milliard de dollars, n'est-ce pas, versés aux commissions scolaires pour la problématique de ces enfants à cause de troubles d'apprentissage ou de comportement. Alors, il y a un taux exceptionnellement élevé par rapport aux autres sociétés auxquelles on devrait se comparer.

Voyez-vous, ça, vraiment je dois vous dire, là, que la démonstration que vous nous faites, ce matin, sur l'importance d'une philosophie, d'une culture d'intervention, ça m'a rappelé... Mon père a des problèmes cognitifs, il est hébergé en CHSLD, et ça me rappelle beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses, à savoir que, c'est sans mauvaise intention aucune, n'est-ce pas, mais la surprise ayant été que toute la famille s'intéresse de très, très, très près à chaque chose qui lui arrive, y compris à chaque pilule qu'on lui donne, et à chaque fois on nous dit: Bien, voyons! On ne peut pas vous demander la permission. Et puis il n'en avait jamais pris de toute sa vie. Alors, la dernière fois, c'était en janvier. Lorsqu'on veut avoir un aperçu global, où il en est, alors on nous dit: Bien, écoutez, c'est exceptionnel, il prend seulement quatre pilules et demie. Alors, pour nous, c'était énorme. Ils nous ont dit: Ah, mon Dieu, non, c'est celui qui en prend le moins dans toute la résidence. Mais on se dit: Mais comment ça? Mais pourquoi en prendre tant?

Enfin, je ne veux pas aborder un cas particulier, mais je pense à d'autres CHSLD que j'ai visités. Par exemple, il y avait des grandes fenêtres panoramiques dans la salle à manger, la cafétéria, etc., et c'étaient toujours les employés qui s'assoyaient près de là où il y avait les jardins, les grandes fenêtres panoramiques, etc. Ça a l'air peut-être un geste qui semble anodin, mais, je me dis, voyons, elle sont là pour qui?

C'est comme une amie qui me racontait être allée au jour de l'An cette année, et puis tous les patients hébergés avaient été couchés plus tôt pour que le personnel puisse se faire un souper du jour de l'An sur l'étage. Alors, c'est des détails, vous allez me dire, mais on pourrait... C'est une conception... Les patients étaient bien lavés, bien, si vous voulez, couchés, etc.

C'est pour ça que l'enquête que vous demandez, moi, elle me questionne, dans le sens où cette enquête-là, c'est une commission d'enquête. Si vous me disiez un type de commission comme la commission Parent... Vous vous rappelez? La commission Parent, ce n'est pas une commission d'enquête, la commission Parent. Ce n'était pas une commission pour savoir qu'est-ce qui ne marchait pas, c'était une commission pour savoir qu'est-ce qui devait se faire. Ce n'est pas pareil, là. On est dans deux univers. Qu'est-ce qui doit se faire? Sinon, on en est...

Moi, les visites éclair, je crois à ça beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mais peut-être que ce n'est pas suffisant. Mais des visites éclair, c'est juste pour vérifier si concrètement quotidiennement les bains ont été donnés, bon, etc. Mais ça, ça ne change pas la culture d'une organisation. Et la culture, c'est peut-être même la société. Il faut aussi que la famille soit plus proche et il faut que l'institution soit contente que la famille s'en occupe.

n(10 h 20)n

C'est un peu comme les parents à l'école. Ils ne sont pas toujours bienvenus, les parents, à l'école. Ils dérangent souvent, là. Alors, c'est un peu pareil, les institutions ont une tendance à l'exclusion, hein, parce que leur organisation finalement est sous contrôle. Alors, moi, j'ai toujours dit, dans mon quartier ou j'habite depuis 23 ans: Les enseignants adorent les enfants mais détestent leur quartier. C'est compliqué, ça, tu sais, les enfants ont comme à choisir entre deux légitimités, dans le fond. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire?

Vous avez Carpe Diem. J'aimerais vous entendre sur Carpe Diem puis j'aimerais vous entendre sur la sorte de commission que vous voudriez. Puis il me semble qu'une commission d'enquête, là... J'ai l'impression qu'on regarderait dans le rétroviseur plutôt que de regarder ce qui s'en vient par en avant.

Mme Ross (Nathalie): Bien, je vais vous dire, quand on a fait notre plateforme politique, la philosophie du mouvement Alzheimer, on a été... C'était un groupe de personnes, donc il y avait Nicole et une autre intervenante de la société de... bien de la maison Carpe diem. Il y avait des intervenantes aussi de la maison Fleur-Ange et d'autres membres, d'autres conseillères d'autres sociétés. La première chose qu'on a faite, c'est de dire qu'est-ce qu'on ne veut plus.

Et je pense que c'était important de commencer par regarder qu'est-ce qui est là et de dire qu'est-ce qu'on ne veut plus, pour pouvoir construire sur... C'est en fonction de ce qu'on ne veut plus qu'on peut construire, dire: Bien, il faut installer... ou instaurer ce type d'approche pour pallier justement à ce qu'on ne veut plus. Alors, ce qu'on ne veut plus, c'est justement la vision que la maladie d'Alzheimer provoque des comportements perturbateurs. Donc, si on est dans cette conception-là, on veut tout de suite avoir une nouvelle philosophie, une autre conception de la maladie. Et, à partir d'une nouvelle conception, on peut construire.

Donc, que ce soit commission d'enquête, je ne veux pas... ce n'est pas les mots sur lesquels je veux... Peut-être que vous avez raison, là, on n'est pas... Je suis d'accord avec l'idée de la commission Parent, mais il faut d'abord voir ce qui ne va pas dans son ensemble. Parce que, déjà là, si on lit, on regarde, il y a des visions différentes. Nous, on a une vision où on parle beaucoup au niveau de l'approche d'intervention, alors ça va plus loin. On parle aussi de l'importance au niveau de la gestion, de changer l'approche de la gestion, que les gestionnaires aient une gestion tout à fait différente. Donc, c'est plus global qu'uniquement l'idée d'instaurer un milieu de vie, par exemple. Ça va beaucoup plus loin que ça.

Et j'aimerais ça que Nicole aille plus en profondeur.

Mme Poirier (Nicole): Bien, l'idée qu'on... Bien, avant de parler de Carpe Diem, je voudrais juste revenir sur l'idée de la commission d'enquête. Il y avait à la fois dans l'idée d'aller voir ce qui se passe ? peut-être que les visites éclair sont un moyen encore plus rapide et efficace pour voir ce qui se passe au niveau des établissements ? mais l'autre volet qu'on trouvait intéressant dans la commission d'enquête, c'est dans l'objectif de changer la vision de notre société par rapport aux personnes âgées.

Si on fait juste regarder au niveau de la conduite automobile en état d'ébriété, il y a 25 ans, on ne trouvait rien de criminel à conduire en état d'ébriété, puis, aujourd'hui, ça a changé parce qu'il y a eu un changement de cap. On a décidé de voir les choses autrement puis on a mis de l'avant nos valeurs. La commission d'enquête, ça peut être autre chose, ça peut être une autre structure, mais l'objectif serait vraiment de mettre la population à contribution parce qu'on se sent tous concernés par ce qui se passe dans les établissements, puis la commission d'enquête nous apparaissait un moyen. C'est peut-être un autre moyen qu'il faut, mais il ne faut pas essayer juste de changer au niveau d'institution par institution, il faut aller au niveau de notre société au grand complet. C'était le but un peu de notre propos là-dessus.

Juste au niveau... M. le ministre a parlé des contentions et des protocoles qui sont actuellement en train de se développer dans les centres d'hébergement. Bien, je voudrais juste apporter une nuance, c'est que ces protocoles-là, en tout cas ce que j'en ai vu dans ma région, excluent la contention chimique, excluent la formation au personnel, excluent des mesures alternatives. Donc, je pense que ces protocoles-là, en tout cas en ce moment, excluent l'essentiel. Parce que, si on veut enlever la contention physique puis qu'on ne traite pas des contentions chimiques, bien, au lieu de les attacher avec des ceintures, on va les attacher avec des pilules. C'est ça qu'on va faire.

Puis demandez à n'importe quelle infirmière qui a de la route dans les centres d'hébergement, elle va vous dire: Vous avez enlevé les contentions physiques? Bien, ça va juste faire augmenter les contentions chimiques. Puis qu'est-ce qu'on va donner aux équipes de travail en échange de la contention physique, qui les sécurise, eux aussi, là? C'est une question de sécurité d'équipe, là. Qu'est-ce qu'on va leur donner en échange? Pas de formation? Pas de moyens alternatifs? Quand on dit «dernier recours», dernier recours, dans une institution, ça peut être après s'être fait faire des gros yeux puis lever le poing. C'est ça, le dernier recours, puis on utilise la contention. Puis, dans un milieu qui est souple, qui est créatif, qui innove, le dernier recours, on ne l'atteint jamais parce qu'on trouve inacceptable, inhumain d'en venir à contentionner une personne. Ça fait que je pense qu'il y a des...

Puis la loi ? je pense que c'est la 118 ? au niveau des mesures de contention, je vous rappelle que ça a été voté en 1998, puis ça a pris quatre ans avant d'avoir des orientations ministérielles, puis ça fait déjà un autre deux ans que ces orientations ministérielles là sont accessibles. Ça fait donc six ans. Moi, je pense que ça montre qu'on n'est pas bien, bien pressé quand on prend six ans pour en arriver à un demi-protocole. Ça fait qu'en tout cas à ce niveau-là... Puis c'est pour ça qu'on pense qu'il faut aller au niveau de la société, au niveau des pratiques.

Puis, juste pour répondre à la question au niveau de Carpe Diem, bien c'est une ressource communautaire qui a été mise sur pied suite à l'initiative de familles et de gens de la Société Alzheimer de la Mauricie, et on a décidé d'un petit peu tirer des enseignements de ce qu'on ne veut pas qui se fasse, de ce qu'on voit puis qu'on ne veut pas répéter. Par exemple, bien, particulièrement au niveau de l'intervention, on a la conception que la personne est une personne à part entière et on voit la personne avant de voir sa maladie. Même dans la façon de regarder la personne, il n'y a aucune étiquette de type comportement perturbateur, agressif, errance, fugueur, fouilleur, errant. Juste cette analyse-là de la personne l'emprisonne dans une première étiquette et lui donne tout le problème, alors que, nous, ce qu'on dit, c'est: si la personne est frustrée puis montre de l'agressivité, il y a un problème derrière ça, il faut aller le trouver, il faut l'accompagner là-dedans. Alors, c'est toute une philosophie d'accompagnement très humaniste au niveau de l'accompagnement et qui est d'éviter toutes les mesures de contrôle. Donc, si une personne se lève la nuit, ce n'est pas dans nos normes de se lever la nuit, mais le but, ce n'est pas qu'elle se recouche.

Puis il n'y a aucune raison d'ordre organisationnel, financier et d'équipe qui peut justifier qu'une personne soit attachée. Puis la preuve, c'est qu'il y a des escaliers, puis les gens... Au niveau de la sécurité, il y a des escaliers, puis les gens continuent de circuler dans les escaliers, alors que, dans un milieu traditionnel, ce serait vu comme complètement dangereux, de laisser les gens... Alors, ce qu'on a voulu éviter, c'est de devenir un milieu sécuritaire, mais plutôt un milieu sécurisant.

Et il y a aussi au niveau de l'organisation du travail, où les tâches ne sont pas compartimentées, comme on voit dans les organismes traditionnels. Il y a aussi l'absence de hiérarchie. Il n'y a pas de hiérarchie, il n'y a pas l'infirmière par-dessus l'auxiliaire par-dessus le préposé, chaque intervenant doit être polyvalent et doit accompagner la personne dans son quotidien, et ça aussi... Il y a une foule d'autres activités. Les gens participent à la vie quotidienne comme dans une maison, comme s'ils étaient à la maison. C'est vraiment un prolongement du domicile, et on a voulu mettre en échec justement la rigidité organisationnelle avec une philosophie de gestion qui est cohérente avec la philosophie d'intervention. Ce serait long à expliquer, mais...

Mme Harel: Est-ce que je peux aller visiter, moi aussi?

Une voix: Bien sûr! Vous êtes invitée.

Mme Harel: Écoutez, je vous entends, là, puis c'est de la musique à mon oreille, de la musique à mon oreille, parce que je regardais, à la page 9, vous savez, la liste des constatations qui concernent les personnes immobilisées, attachées dans leurs lits ou coincées sur des chaises. Quand on lit ça, on a toujours l'impression que ça se fait, si vous voulez, d'une manière inhumaine, mais les intervenants nous disent qu'ils le font pour la protection de la personne. Et je regardais, là, la liste, il y a huit, huit points que vous nous mentionnez: par exemple, fermer à clé pour empêcher les comportements dits de fouille, en fait, ou encore attacher pour ne pas que la personne se déplace, etc. C'est très, très fréquent, ça, là.

n(10 h 30)n

Je pense que, dans ce que vous nous décrivez à la page 9, là, si, de prime abord, on n'est pas familier avec des institutions, des établissements, on a l'impression que vous exagérez. Mais, quand on l'est, familier, on se rend compte que ça, ce sont des agissements qui se font dans le sens de la protection de la personne. Ce n'est pas pour mal faire, comme on dit, que tout ça est fait, là, ce n'est pas par méchanceté, ce n'est pas... Il y a peut-être de la méchanceté, tu sais, personne n'est... Même ici, à l'Assemblée, là, tu sais, personne... Il n'y a aucune institution qui est exempte, n'est immunisée contre la méchanceté. Mais ce n'est pas pour ces raisons-là. Alors, il y a une philosophie derrière ça, il y a une culture organisationnelle derrière ça, il y a une logique, comme vous dites, derrière ça.

En conclusion, vous nous disiez... Bon, je ne reviens pas sur des questions qui sont quand même celles de votre mémoire. C'est-à-dire, le Commissaire n'a pas suffisamment d'indépendance et d'impartialité.

C'est terminé?

Le Président (M. Copeman): Non, non. Pas du tout. Non.

Mme Harel: Ah! Parce que ça, c'est finalement, sans exception, je pense, tous les mémoires, hein, qui le constatent. Mais vous dites quelque chose qui m'a intéressée à la page 10. Vous dites «la formation qui est offerte par les sociétés Alzheimer». Quelle sorte de formation? Ça, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Puis, vous nous dites: «Les pratiques alternatives qui ont été élaborées par les sociétés d'Alzheimer régionales nous permettent concrètement de proposer de nouvelles solutions.» J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Ross (Nathalie): Mais la nouvelle solution, c'est sûr que c'est le modèle Carpe Diem. C'est vraiment le modèle qu'on a mis en place. On a parlé de Carpe Diem, mais il y a aussi la maison Fleur-Ange, en Outaouais, et présentement il y a une maison qui est en train d'être terminée d'être rénovée à Longueuil, qui va aussi ouvrir, accueillir des nouvelles résidentes au courant du printemps de cette année. Et la Société de Laval sont présentement à la recherche d'une maison pour accueillir aussi des personnes atteintes. Donc, c'est quelque chose qu'on veut davantage pousser à l'intérieur des sociétés Alzheimer.

C'est sûr que la formation avec les sociétés qui ont des maisons, c'est une formation qui est davantage axée sur aussi leur vécu. Elles peuvent donner une formation en fonction de ce qu'elles vivent et expérimentent jour après jour dans ces maisons-là. Toutefois, la Société de l'Outaouais québécois, qui a la maison Fleur-Ange, a mis sur pied un projet de formation qui a été dispensé et donné via le fonds de partenariat qui avait été initié par les compagnies pharmaceutiques et le ministère de la Santé et des Services sociaux, a pu former toutes les conseillères ou les intervenants de chacune des sociétés à travers le Québec. Donc, on a l'opportunité de donner la même formation à travers le Québec sur ce projet-là qui a été monté par l'Outaouais québécois. Et c'est un programme de formation de 33 heures, qui est en lien avec ce que Nicole disait, là, ce que Nicole disait au niveau des principes de base, puis elle pourrait peut-être juste glisser quelques mots pour finir.

Mme Poirier (Nicole): Au niveau de la formation, juste pour dire que l'importance dans la formation, c'est d'abord que les intervenants voient et sentent vraiment ce que la personne vit, se mettent dans la peau de la personne. Je vous donne des exemples qu'on utilise en formation: donc, vivre avec des exercices, des mises en situation où l'intervenant ferme ses yeux puis se met dans la peau d'une personne pour comprendre qu'est-ce que la personne peut vivre, d'abord le savoir-être, le savoir-faire, aussi toutes les questions de travail d'équipe, qui sont souvent manquantes, donc une formation au niveau des relations à l'intérieur de l'équipe.

Une voix: ...

Mme Thibault (Hélène): Excusez-moi. Mais, outre les centres, nous, nous n'avons pas de maison à Québec comme telle, mais par contre c'est un processus en devenir éventuellement. Mais pour l'instant on favorise beaucoup, dans un premier temps, au début de la maladie, des rencontres et de former des personnes, d'informer des personnes qui vivent avec ces personnes-là, donc de leur donner cette formation, et toutes les personnes qui habitent autour ou sont au service de ces gens atteints. Alors, pour l'instant, nous, c'est le démarrage d'un ADI à la phase de III à VII, si vous voulez. Alors, les sociétés, on est là aussi avant qu'ils entrent en hébergement... au moins de les garder à domicile et de former des gens qui sont autour d'eux et qui vivent autour d'eux.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Pontiac, il reste deux minutes à ma droite.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. La société d'Alzheimer, c'est quelque chose que je connais un peu, ma mère est décédée de l'Alzheimer, a été hébergée pendant sept ans dans un centre d'hébergement public. Je peux vous assurer, et je réenchéris sur ce que dit notre ministre, que ce n'est pas tous les centres qui vivent les mêmes problématiques que vous décrivez, Dieu merci! Je peux vous assurer aussi que les garde-robes n'étaient pas sous clé, et on pouvait retrouver maman, le matin, avec cinq robes sur le dos et qui se levait la nuit, qui allait répondre au téléphone.

Je pense que ça existe, dans notre système, des centres d'hébergement qui ont à coeur et qui ont aussi le souci du bien-être de la personne. Je peux vous dire que l'ensemble des centres d'hébergement du Pontiac ont suivi la formation Fleur-Ange, de l'Outaouais. L'ensemble des intervenants viennent de compléter cette formation. Ça fait que c'est pour vous démontrer que, même dans le public, on a le souci de bien traiter nos gens qui souffrent de la maladie d'Alzheimer. Et c'est quelque chose qui est en train de se faire un peu partout. Des visites inopinées sont, je pense, la clé qui va faire que les gens vont se reprendre en main et amener un changement de culture.

J'aimerais qu'on revienne un peu aux fonctions du Commissaire. Vous en parlez peu dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de la charte des droits, traitement des plaintes, et je me demande si ce n'est pas important, compte tenu des ressources qui sont investies dans le secteur de la santé et des services sociaux, qu'une instance comme le Commissaire à la santé et au bien-être ait le mandat, premièrement, de tenir la population informée des résultats obtenus quand on regarde tout ce qui se passe actuellement avec les visites et ces choses-là, en plus de nous éclairer sur les grands enjeux de la société et des choix que nous allons faire.

Tantôt, vous disiez, madame, qu'il faut avoir une vision de la société, il faut avoir une vision de l'avenir. J'aimerais ça vous entendre quelques minutes sur le rôle du Commissaire justement dans les grands enjeux de la société qui vont nous interpeller, surtout concernant le système de santé et des services sociaux, pour les années à venir.

Le Président (M. Copeman): Je pense qu'on aurait beaucoup aimé vous entendre quelques minutes sur le sujet, mais malheureusement il nous reste quelques secondes.

Mme Poirier (Nicole): Bien, moi, c'est parce que, dans votre intervention, il y a quelque chose que je veux absolument dire, c'est que, oui, il y a énormément d'endroits où le respect est de mise dans les établissements. Puis je veux vous dire qu'il n'y a pas personne qui s'enligne dans une carrière avec des personnes âgées, qui s'en va là dans le but d'utiliser des contentions ou dans le but de brimer la liberté des gens. Mais il faut comprendre comment on en vient là, et c'est peut-être le rôle du Commissaire à la santé de comprendre c'est quoi, les mécanismes qui s'installent puis qui font qu'on arrive en bout de ligne avec des situations qui sont hors contrôle.

Et je voudrais ramener le rôle des agences aussi, les agences régionales. C'est parce que ce n'est pas facile de faire la différence entre... Parce que les agences ont déjà des mandats, par exemple de faire des suivis sur divers indicateurs. On voit que les agences sont capables de dire: Est-ce qu'on atteint les objectifs dans les centres hospitaliers? Est-ce que les urgences fonctionnent bien? Est-ce qu'au niveau des spécialités... Je trouve qu'on a beaucoup d'informations qui sont colligées dans les agences, et il faudrait peut-être voir un peu à ce que les choses ne se dédoublent pas.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Beauce-Nord, il vous reste à peine deux minutes.

M. Grondin: On va faire ça vite. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Je dois vous féliciter parce que, à vous écouter, on sent que nos malades, en tout cas avec vous, ils doivent être en sécurité, parce que vous avez l'air à les aimer, on le sent.

Alors, moi, je voulais... Sur la maison Carpe Diem que vous parlez, c'est privé? C'est un centre privé?

Mme Poirier (Nicole): C'est un organisme communautaire d'hébergement, donc c'est...

M. Grondin: Combien ça coûte pour les personnes âgées? Est-ce que c'est payé par la régie? Est-ce que c'est payé par les personnes elles-mêmes?

Mme Poirier (Nicole): Oui. Bien, il y a une contribution des personnes qui tourne autour de 1 500 $ à 1 600 $ par mois. Les gens qui ne peuvent pas payer le montant, on a mis sur pied une fondation qui aide les familles à payer le montant, là, si éventuellement il y a des familles qui n'ont pas les argents. Actuellement, juste dans notre budget actuel, on a au-dessus de 20 000 $ d'argent non perçu chez des gens qui n'ont pas les moyens de payer. Donc, le moyen financier n'est pas une exclusion.

L'autre partie, c'est nos levées de fonds, nos propres moyens de financement. On peut émettre des reçus pour dons de charité. Puis l'autre partie, c'est une subvention qu'on a finalement reçue de la part de notre régie régionale. Donc, on dirait que peut-être le tiers vient des personnes, le tiers vient du gouvernement puis le tiers vient de nos moyens.

M. Grondin: Moi, j'ai... On a vu, à la télévision, quand ont commencé à se faire des dénonciations de personnes qui étaient brutalisées dans les centres, on voyait les personnes qui faisaient les dénonciations. Il y avait une peur, ils avaient peur de... Je voudrais savoir de quoi ils avaient peur. Est-ce qu'ils avaient peur des représailles des employés? De la direction? De quoi?

n(10 h 40)n

Mme Poirier (Nicole): Ils ont peur, premièrement, pour leurs parents, qu'il y ait des représailles par rapport au niveau de leurs parents, mais ils ont peur aussi... C'est que, quand ils vont visiter... Je connais des gens. Après avoir fait une plainte, là, ils ont été des mois à se présenter au centre d'hébergement avec quelqu'un pour ne pas être seuls, juste parce que c'était le silence. Avant, les gens leur parlaient un peu, puis, après avoir fait la plainte, personne ne leur parlait. C'était comme une représaille insidieuse. Bien, c'en est une. Les gens disent: Je suis mal maintenant d'y retourner parce qu'il y a un climat de violence non verbale. Donc, c'est pour ça aussi. Quand tu as à visiter ton parent trois fois par semaine, puis que tu y vas, puis que tu n'as pas l'impression d'être bien reçu, ça doit être un peu...

Mme Ross (Nathalie): Ou limiter les heures de visite. Il y a des familles qui se font limiter les heures de visite après avoir déposé des plaintes.

M. Grondin: On peut constater qu'il y a quelque chose à faire dans ce domaine-là.

Mme Poirier (Nicole): Oui, il y a beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Mmes Ross, Poirier, Thibault, Rodrigue, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants du Centre d'assistance et d'accompagnement aux plaintes?Montréal de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 10 h 41)

 

(Reprise à 10 h 42)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Il faudrait qu'on continue nos travaux.

Alors, on souhaite la bienvenue à M. Labbé, Mme Laurin, du Centre d'assistance et d'accompagnement aux plaintes ? Montréal, le CAAP-Montréal. Comme vous le savez, vous avez un temps d'une durée maximale de 20 minutes pour faire votre présentation. Il y aura un échange d'à peu près 20 minutes, de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, M. le président, je vous prierais de débuter votre présentation.

Centre d'assistance et d'accompagnement
aux plaintes 
? Montréal (CAAP-Montréal)

M. Labbé (Luc): Bonjour. D'abord, moi et Mme Laurin, la directrice du Centre d'assistance et accompagnement aux plaintes santé et services sociaux Montréal, on veut vous remercier, M. le Président, M. le ministre, également MM. et Mmes les députés, d'abord d'avoir reçu notre mémoire, mais aussi d'accepter de nous entendre sur ce mémoire.

Comme vous le savez sûrement, le CAAP-Montréal est un des CAAP, parmi tous les CAAP, qui offrent un service d'assistance et accompagnement à travers le Québec. Je crois que vous n'êtes pas sans ignorer également que le CAAP-Montréal évolue dans un environnement un peu particulier, avec de nombreuses spécificités, que ce soit en termes de réseau santé et services sociaux, de volume d'établissements et aussi d'établissements qui vont du CLSC en passant par le centre jeunesse jusqu'au centre hyper spécialisé, centre de réadaptation, etc., ce qui a amené le conseil d'administration du CAAP-Montréal à se donner une structure, une organisation à la fois démocratique. Donc, nous avons un membership composé de différentes catégories de membres, dont des membres individuels, des organismes communautaires, comités d'usagers d'établissement et autres partenaires aussi qui évoluent dans le réseau santé et services sociaux sur l'île de Montréal. Et d'autre part, au niveau de sa permanence, le CAAP s'est doté de professionnels détenant une expertise maintenant, je crois, assez bien reconnue dans le réseau en ce qui a trait à l'assistance et à l'accompagnement des usagers dans le cheminement de leurs plaintes, à l'intérieur du régime d'examen des plaintes.

Ceci étant dit, dans le contexte de la réorganisation du réseau santé et services sociaux, aussi dans le contexte de la volonté exprimée d'introduire une certaine forme de partenariat privé-public à l'intérieur du réseau santé et services sociaux, nous avons cru, nous avons estimé qu'il était de notre devoir, de notre responsabilité d'intervenir dans le cadre du projet de loi n° 38 visant à instituer la fonction d'un commissaire à la santé et au bien-être, et ça, c'est.... En fait, cette volonté-là résulte de l'expérience que le CAAP-Montréal a de l'exercice de sa responsabilité et de son expertise en assistance et accompagnement. Elle résulte également de l'observation du fonctionnement du régime d'examen des plaintes sur le terrain. Elle résulte aussi de l'interaction avec les différents partenaires dans le réseau, parce qu'on a un bon réseau de partenaires, on échange sur une base régulière avec les différents partenaires à l'intérieur du réseau, et de ça découlent des motivations, des motivations à soumettre un mémoire dans le cadre de ce projet de loi là.

Ce qui nous motive d'abord, ça se situe bien sûr au niveau des valeurs, des valeurs et des principes de participation citoyenne, d'indépendance, mais aussi et surtout d'imputabilité. Alors, vous allez voir, je vais demander à Mme Laurin, la directrice, de faire peut-être une présentation plus formelle de notre mémoire, et, dans ce mémoire, c'est le résultat effectivement de l'expérience, de la réflexion, et vous verrez aussi quelle est la nature des recommandations que nous avons par rapport plus spécifiquement à la fonction de Commissaire à la santé et services sociaux relativement au régime d'examen des plaintes, le fonctionnement du régime d'examen des plaintes. Ça se veut une contribution humble mais en même temps fondée sur une expérience terrain.

Alors, Élyse, s'il te plaît.

Le Président (M. Copeman): Mme Laurin.

Mme Laurin (Élyse): Merci. Bonjour, tout le monde. Alors, le CAAP-Montréal considère que le régime de traitement des plaintes est un instrument privilégié, pour l'évaluation du système de santé et des services sociaux, à la portée des usagères et des usagers de ce réseau de services publics, à titre individuel et par retombée pour l'intérêt général des citoyens. Plusieurs usagers fondent cette démarche de plainte parce qu'ils ne veulent pas que ça arrive à d'autres, parce qu'ils ne veulent pas que ça se répète. Aujourd'hui, M. le Président, nous sommes venus vous dire que le régime de traitement des plaintes doit être considéré comme un élément important d'information sur les résultats, sur l'efficience et sur l'efficacité du système. Il est une source d'information précieuse sur les zones à risque qui nécessitent une amélioration. Donc, il peut y avoir aussi des liens à faire avec les comités de gestion des risques, le registre local ou national de la gestion des risques qui devra se mettre en place éventuellement.

Ce régime nous apparaît non seulement un regard porté sur son fonctionnement, mais il est aussi essentiel pour apporter un feed-back de l'usager, une vision des usagers sur leurs besoins, leurs attentes, leurs droits reconnus et sur leur parcours au sein du système de santé et de services sociaux. Le régime de traitement des plaintes devrait être un instrument fiable pour rééquilibrer les forces et recentrer le citoyen au coeur du système de santé et de services sociaux.

Les préoccupations soulevées par les plaintes parmi la population ou les incidents, les accidents ou les erreurs de système devraient être analysés par un programme d'évaluation de haut niveau qui devrait assurer une indépendance exemplaire. Le gouvernement devrait faire en sorte que le traitement des plaintes devienne une priorité. Il faut que le gouvernement dise, non seulement dise, mais démontre clairement une priorité. Pour cela, nous estimons que le ministre de la Santé et des Services sociaux doit déléguer une responsabilité dédiée à ce volet, et à l'amélioration, et à la surveillance de la qualité des services au Commissaire à la santé et au bien-être, par rapport au régime actuel en place qui est intégré au réseau.

n(10 h 50)n

Le mécanisme actuel, articulé autour des commissaires locaux à la qualité des services et de médecins examinateurs au comité de révision dans chaque établissement, n'assure pas l'indépendance, l'impartialité, la rigueur et le respect des droits des usagers que cet exercice exige. Malgré la bonne volonté de ces acteurs et du temps investi de leur part dans la mise en place de ce régime, ce dernier ne peut atteindre, par sa constitution même, des résultats performants.

Nous le constatons depuis sa mise en oeuvre et dernièrement nous le constations publiquement, le régime d'examen des plaintes n'atteint pas les objectifs visés par le législateur. Il ne démontre pas son efficacité. Il a plutôt étendu l'écart entre les attentes des usagers face à la qualité du système de santé et de services sociaux et sa capacité à s'améliorer ou à offrir une écoute aux usagers pour améliorer les services. Dans le système, il s'agit d'un service ignoré, peu intégré à l'organisation, peu influent, de courte portée, sans retombées réelles et satisfaisantes pour l'usager et sans apport significatif pour les établissements. Le régime des plaintes devrait permettre d'exercer un droit de contester les habitudes, les moeurs et les cultures organisationnelles au sein des services de santé et des services sociaux sans faire craindre les représailles aux usagers.

Nous retrouvons, dans l'actuel régime de plaintes, deux visions que nous qualifions de diluées. Ces deux visions jumelées dans un... bien il s'agit des finalités du régime actuel, qui sont le respect des droits des usagers, et la finalité qui est d'améliorer les services. Ces deux visions jumelées dans un même examen de la plainte diluent la performance du mécanisme, chaque vision atténuant le plein potentiel de l'autre, freinant les ardeurs à une résolution raisonnée des problèmes et à la conciliation des parties. Les attentes de la population face au système de santé limité par les ressources disponibles demeurent irréconciliables dans certaines situations. Malheureusement, l'usager se retrouve souvent plus insatisfait qu'au départ.

Cette perception subjective d'un problème ne peut trouver d'issue que par le biais d'une conciliation où les deux parties ont un pouvoir décisionnel. Pour ce que nous connaissons de l'expérience des usagers dans le réseau, l'usager ne possède pas de pouvoir décisionnel autour de sa santé. De plus, comme client il n'a bien souvent aucun pouvoir de rompre le contrat de prestation de services, compte tenu de sa condition de santé et qu'aucune autre solution satisfaisante n'est mise à sa disposition. Le déséquilibre des forces est considérable. Souvent, pour lui, c'est à prendre ou à laisser, raison de plus pour que l'État et ses gestionnaires assurent, selon les valeurs propres au secteur public, une garantie de qualité de services et d'intérêt public.

Le régime des plaintes doit relever d'une fonction spécifique du Commissaire à la santé et au bien-être. Le régime d'examen des plaintes ne doit pas être vu simplement comme une procédure, un cheminement bureaucratique, une série de délais à respecter, isolé de l'ensemble de l'organisation, mais doit être inclus dans les programmes d'appréciation de la qualité et de gestion des risques. Le Commissaire doit être le mandataire du gouvernement, imputable du bon fonctionnement d'un régime crédible des plaintes des citoyens qui accordent leur confiance en ce mécanisme.

Le Commissaire à la santé et au bien-être doit exercer des responsabilités notamment en prenant en compte l'ensemble des éléments de ce dernier, par exemple s'assurer le respect des procédures, développer une approche avec la clientèle auprès des commissaires à la qualité, développer une approche éthique, une éthique organisationnelle ou une bioéthique, quand on étudie une plainte, développer des compétences, formation et perfectionnement du personnel concerné, supporter la mise en oeuvre des procédures de plaintes tant administratives que médicales, offrir un programme d'information à la population, offrir aussi un support informationnel aux organismes d'assistance et d'accompagnement, veiller, par toute mesure appropriée, au respect, tenir des enquêtes et ordonner, le cas échéant, aux établissements publics de prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité des services et, sur signalement du Protecteur des usagers, intervenir s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une situation l'exige. Il s'agit d'assurer une crédibilité, une transparence des processus, une impartialité et une indépendance et d'appliquer un véritable processus d'amélioration de la qualité des services et de respect des droits reconnus aux usagers. Le Commissaire à la santé et au bien-être, assumant ainsi cette part de responsabilité, libérerait l'actuel Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux de sa relation étroite avec la gestion des services publics et des services sociaux.

Dans cette optique, l'actuelle Loi du Protecteur des usagers verrait modifier l'article 7, qui lui attribue une fonction de veille sur la procédure de traitement des plaintes dans les établissements et les régies régionales, pour ainsi attribuer une fonction exclusive de veille au respect des usagers et des droits qui leur sont reconnus. Ce dernier exercerait exclusivement une fonction d'examen des plaintes au deuxième palier d'intervention ? pouvoir d'initiative, signalement.

Il poursuivrait ses missions de révision en deuxième instance des plaintes et pourrait se reporter, à sa discrétion, au Commissaire à la santé et au bien-être pour agir sur les situations problématiques dans les établissements, auprès des commissaires à la qualité, parmi les rouages du réseau des services de santé et de services sociaux.

Dans le projet de loi aussi, on voit, au chapitre III, article 13, que le Commissaire aura certains pouvoirs, dont ceux d'avoir recours à des experts, tenir des audiences et avoir accès à certains documents. Alors, comme nous l'avons remarqué, le régime actuel d'examen des plaintes démontre des lacunes structurelles, politiques et organisationnelles. La complexité de sa structure, la dispersion géographique des partenaires du régime, un commissaire local à la qualité dans chaque établissement, l'isolement des partenaires au régime, l'organisation instable du processus d'examen des plaintes, l'absence d'autorité des CLQS... des CLQS, des commissaires locaux à la qualité requièrent une redéfinition de la structure plainte au Québec. Outre l'aspect politique de ce secteur, sa structure doit être améliorée et favorisée: une meilleure communication, une coordination et un contrôle de ses actions. Plus la complexité d'une organisation est élevée, plus les opérations doivent converger ensemble vers l'atteinte des objectifs.

Tel que mentionné en début de notre mémoire, pour être crédible, efficace, impartial et pertinent, le régime d'examen des plaintes doit être sous la gouverne d'une autorité exécutive comme le Commissaire à la santé et au bien-être. Sa structure doit en découler et assurer un rayonnement jusqu'auprès des usagers du réseau. Alors, le CAAP-Montréal recommande le développement d'une structure centralisée au niveau du bureau du Commissaire à la santé et au bien-être et décentralisée au niveau des services directs aux usagers. À l'intérieur du mémoire, on a eu la prétention de vous fournir un organigramme ? alors, c'est ça ? une vision d'une structure externe au réseau des services de santé dans le régime de traitement des plaintes. Si vous avez des questions, ça nous fera plaisir d'y répondre par la suite.

Un nouveau pouvoir que nous voulons donner au Commissaire, qui est une question d'avoir un pouvoir de redressement... Le Commissaire à la santé et au bien-être doit donc tenir un rôle d'autorité et être investi d'un pouvoir de redressement sur le fonctionnement du traitement des plaintes. Il doit pouvoir agir dans l'immédiat dans certains cas et de manière systémique dans d'autres cas, mais il doit faire reconnaître l'obligation des établissements et du corps médical et professionnel à rencontrer des standards de qualité attendus par la population. Ainsi, l'optique d'une mesure de redressement possible facilitera l'implantation de moyens préventifs pour maintenir les standards de qualité. Actuellement, l'autorité morale n'est pas suffisante pour faire agir les acteurs, un pouvoir décisionnel s'impose.

Alors, on pourrait voir, par exemple, un cheminement d'une plainte concernant, par exemple, les infections nosocomiales. On sait que c'est reconnu publiquement en ce moment. On a eu dernièrement une usagère qui a été infectée à trois reprises dans un établissement. Elle a été mise dans une chambre privée isolée pendant plusieurs mois et elle a reçu une facture pour une chambre privée d'un montant assez important. Alors, la famille désire déposer une plainte et... C'est ça. Donc, la famille vient nous voir, nous assistons la famille. Par la suite, la plainte est déposée au commissaire local, l'établissement rend ses conclusions. La famille n'est pas satisfaite des conclusions, va en deuxième instance... Bien là elle n'est pas rendue à ce recours-là, mais je vous fais un exemple d'une possibilité de redressement. La famille ira au Protecteur des usagers, dépose la plainte, étude de la plainte. Ensuite, conclusion, recommandations à l'établissement, l'établissement ne respecte pas les conclusions. Donc, à ce moment-là, le Protecteur pourrait saisir le Commissaire sur la question et le Commissaire pourrait tenir une rencontre avec le Protecteur des usagers, qui en fait représenterait les usagers et l'établissement, et il y aurait une décision de prise à ce égard-là. Alors, ça pourrait être un modèle qui pourrait être développé.

En ce qui concerne l'évaluation citoyenne, l'évaluation citoyenne du système de santé et des services sociaux devrait être une préoccupation omniprésente et évolutive du Commissaire à la santé et au bien-être. Outre le fait de la bonne gestion, des structures performantes et des notions d'efficacité, la finalité des services de santé et des services sociaux doit se recentrer sur le citoyen, ses besoins, ses attentes et ses droits à des services de qualité. En continuité avec cette idée, si l'on compte sur la participation citoyenne et l'évaluation citoyenne pour faire pression sur les gestionnaires imputables de la qualité des services, il est primordial que ces citoyens soient supportés adéquatement. En effet, les conditions dans lesquelles les citoyens doivent s'impliquer pour se faire entendre sont parfois déplorables et inéquitables. Le manque d'encadrement, le manque d'information de base et de formation continue ne permettent pas aux citoyens d'actualiser leurs connaissances sur le système de santé et de services sociaux.

n(11 heures)n

Par ailleurs, le droit à l'assistance et à l'accompagnement est non seulement reconnu dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, mais demeure une condition requise à l'accueil et au bon cheminement de la plainte dans le processus complexe du traitement des plaintes. C'est seulement depuis quelques années que la population découvre ce droit. Le droit à l'information est une valeur fondamentale individuelle et collective que possèdent tous les citoyens. Plus particulièrement en matière d'examen des plaintes, nous le répétons, le mécanisme de traitement des plaintes est un instrument privilégié pour l'évaluation du système de santé et de services sociaux. Nous espérons, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, mesdames, messieurs, que le régime de traitement des plaintes, lors de son étude au groupe de travail, aura toute l'attention nécessaire pour doter le système de santé et le Québec d'un processus crédible, efficace et rigoureux. Nous vous remercions de votre écoute.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, monsieur dame, pour votre présentation. Et d'entrée de jeu je dirais: Étant donné que votre préoccupation essentielle, c'est le traitement des plaintes et l'amélioration à apporter au régime de traitement des plaintes, vous savez qu'on a un travail en cours là-dessus, et on va s'assurer bien sûr que votre mémoire va être transmis à ce groupe-là.

J'aimerais d'abord, pour comprendre la philosophie de votre organisation, que vous nous expliquiez en quoi elle diffère de l'autre organisation qu'on a reçue plus tôt, qui est le Regroupement provincial des organismes communautaires d'assistance. Êtes-vous membres de ce regroupement ou vous situez-vous en marge? Il ne s'agit pas d'une critique ou de rien, c'est juste que je veux comprendre quelle est la différence d'approche entre vous et ce groupe qui est venu nous voir, disant représenter l'ensemble des groupes d'accompagnement du Québec.

M. Labbé (Luc): Écoutez, il y a des liens qui sont avec le regroupement en question. Nous ne sommes pas membres du regroupement. Par contre, nous partageons certains services, dont, entre autres, la ligne sans frais pour les usagers. Le pourquoi que le CAAP-Montréal n'est pas membre du regroupement québécois, c'est en bonne partie parce que... Je le disais au départ très brièvement, c'est en raison de certaines distinctions par rapport à la complexité du territoire et puis des réalités socioéconomiques dans lesquelles le CAAP-Montréal évolue. Ceci étant dit, c'est qu'il y a, entre le CAAP-Montréal et le regroupement, un besoin pour nous de garder une certaine forme d'autonomie et d'indépendance, et, dans certains des critères pour être membre du regroupement, nous considérions que ça venait comme à l'encontre de cette autonomie et indépendance là que nous souhaitions préserver, du fait que nous avons développé, à Montréal, une façon de fonctionner, au niveau de l'expertise en assistance et accompagnement, qui se distingue de par, comme je le disais, le volume des établissements, la différence au niveau du cheminement d'une plainte dans les différents établissements et aussi le profil ethnique de la population du Grand Montréal.

Élyse, je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose là-dessus, là.

Une voix: ...

M. Couillard: Et bien sûr on va prendre quelques minutes pour discuter du système actuel de traitement des plaintes. Si je résume les autres interventions qui ont précédé de même que celles qui sont faites à notre groupe de travail actuel, essentiellement elles portent sur deux grands ordres de dysfonction: d'une part, le manque perçu d'indépendance des commissaires locaux par rapport au réseau; d'autre part, le manque de suivi entre le traitement d'une plainte et l'amélioration de la qualité qui devrait suivre dans le réseau de la santé.

Prenons d'abord le premier élément, qui est l'élément de dépendance ou d'indépendance, selon le côté où on l'observe, du commissaire local. On a eu des suggestions à ce sujet-là. J'y reviendrais dans quelques instants. Mais quelle serait votre suggestion afin d'assurer son indépendance au niveau local?

Mme Laurin (Élyse): Bien, il est certain qu'il y a peu d'indépendance actuellement, même si on prévoyait, dans la loi, qu'il y ait des mesures pour assurer l'indépendance. En tout cas, à tout le moins, je n'en ai pas observé. Il n'y a pas de mesures nécessairement. Bien, nous, ce qu'on voit, c'est carrément une structure indépendante à l'extérieur des établissements. On ne voit pas une possibilité, à l'intérieur des établissements, qu'il y ait cette indépendance-là. Le commissaire local à la qualité est un membre à part entière du personnel de l'établissement. Qu'il soit nommé par le conseil d'administration, ou une nomination recommandée par le D.G., ou qu'il y ait un choix volontaire fait à l'intérieur de l'établissement, il n'est pas possible qu'il garde cette indépendance-là et cette impartialité. Il est difficile pour un commissaire local, quand il n'y a qu'un certain nombre, par exemple, de préposés... Et là, savoir que, si cette personne-là a une plainte, bon, il peut y avoir des réactions de la part du préposé, ou d'une infirmière, ou peu importe, d'un membre du personnel, il va y avoir des retombées sur l'intervention de la personne, sur son travail, c'est pas mal certain. Alors, c'est toujours ce jeu-là entre l'organisation interne, l'efficacité, la qualité et l'exigence de traiter une plainte, l'exigence que la personne va avoir un recul suffisant pour s'assurer que le travail qui va être effectué sera d'une grande qualité quand même.

M. Couillard: À cet effet, certaines personnes, ou organismes, recommandent le fait que le commissaire local soit nommé directement par les conseils d'administration.

Mme Laurin (Élyse): Bien, il l'est déjà. Il l'est déjà.

M. Couillard: Oui, mais sans lien direct avec le côté administratif de l'hôpital, uniquement en lien et dépendant du conseil d'administration, avec un comité permanent du conseil d'administration, pas le régime d'examen des plaintes. Est-ce que vous trouvez que ce serait une façon de...

Mme Laurin (Élyse): Moi, je vous dirais: Écoutez, nous, on a brassé ça sous toutes ses coutures. Traiter une plainte, ce n'est pas traiter une plainte à la légère. Je ne veux pas dire que les gens le font à la légère, loin de là. C'est sûr que présentement c'est comme une tâche supplémentaire par-dessus d'autres tâches, là, mais il faut avoir une compétence, une formation pour traiter les plaintes. On parle d'éthique, on parle de droit, souvent ça concerne les droits des usagers, l'intégrité de la personne, la dignité de la personne. Il faut avoir cette connaissance-là de ce que c'est, traiter une plainte, parce qu'on a, dans la question des plaintes, un spectre large. On a une plainte très simple qui peut concerner des problèmes d'alimentation, d'hygiène ou de ménage sur l'étage, jusqu'à des plaintes plus graves qui peuvent aller jusqu'à un décès d'une personne. Alors, ça concerne différents droits de la personne, différents aspects administratifs, responsabilités hospitalières. Alors, on navigue dans des zones sophistiquées, je vous dirais.

Le Président (M. Copeman): M. le président.

M. Labbé (Luc): Mais, M. le ministre, si vous permettez, pour aller dans le sens d'une intervention que vous avez faite précédemment avec le groupe qui nous a précédés, à l'effet qu'il y a des établissements où ça fonctionne bien versus d'autres endroits où c'est plus problématique, c'est là qu'on a, disons, par l'expérience de l'exercice de la responsabilité puis de l'expertise en assistance et accompagnement, c'est là qu'on en est venus à la conclusion que, oui, effectivement il y a des établissements où ça se passe relativement bien parce qu'il y a une culture organisationnelle, il y a une culture de livraison de services qui est telle que c'est propice à une bonne gestion, à un bon traitement de plaintes. Mais est-ce que ces modèles-là peuvent être appliqués ailleurs? Parce que, comme Élyse le disait précédemment, c'est l'exercice d'un pouvoir ou d'une volonté morale.

Nous, on pense qu'il faut aller au-delà de ça, il faut aller vers un système, vers une organisation où c'est plus cadré, où c'est plus... Alors, c'est à vous, les législateurs... Parce que, pour nous, les lois existantes, les droits... Parce que vous faisiez référence à ça plus tôt aussi. On pense effectivement que les intentions du législateur jusqu'à maintenant nous apparaissent non seulement valables, et fondées, et tout à fait pertinentes... C'est dans son application, là, que le problème se pose, et notre but, ce n'est pas de lancer la pierre à l'ensemble des commissaires locaux dans les établissements ou aux directions ou administrations d'établissement, c'est de dire qu'il y a là, dans l'exercice du traitement des plaintes, il y a là des disparités qui vont du meilleur au pire, et ce qu'on propose, nous, bien c'est justement pour s'assurer d'éviter cette disparité-là ou ces disparités-là.

n(11 h 10)n

M. Couillard: Le deuxième aspect dysfonctionnel, nous dit-on, du système de plaintes, outre l'indépendance du Commissaire qu'on vient de discuter, c'est la nécessaire courroie de transmission entre la conclusion du processus d'examen des plaintes et le processus d'amélioration de la qualité, parce que, on l'indiquait plus tôt, beaucoup de gens portent plainte dans l'espoir que les situations ne se répètent pas pour d'autres personnes, outre le fait d'avoir justice pour eux-mêmes. Alors, quelle serait pour vous la façon d'assurer cette nécessaire transmission? Et on a constaté, je dois dire, à la lumière d'événements récents, que souvent effectivement les plaintes sont traitées de façon correcte, administrativement parlant. Tout le processus se fait, mais la transmission de l'information ou la leçon retirée de la plainte n'est pas intégrée dans l'établissement après. Alors, comment est-ce que vous pourriez nous suggérer d'améliorer cela?

Mme Laurin (Élyse): Nous, de par notre expérience, c'est sûr que c'est à plus petite échelle que, par exemple le Protecteur des usagers, où là il y a beaucoup plus de plaintes. Mais, les plaintes que nous assistons, je vous dirais qu'il y a eu très, très, très peu de recommandations, de la part du commissaire local à la qualité, au conseil d'administration, ou aux directions de services infirmiers, ou aux services professionnels. Alors, déjà là, qu'il y ait des recommandations émises, un traitement en profondeur, pas juste une cueillette d'information, un traitement où on analyse tous les aspects, où on rencontre tous les intervenants et l'usager, déjà c'est un pas en avant, des recommandations rigoureuses et par la suite donc dépôt soit aux directions ou au conseil d'administration. Lorsqu'il y a un comité de gestion des risques, un comité à la qualité d'instauré dans l'établissement, bien selon moi ce serait à eux de voir à l'application des recommandations ou des programmes qui sont élaborés dans l'établissement.

De toute façon, dans le modèle que nous proposons, que ce soit la structure extérieure qui... le traitement de la plainte, la réception de la plainte-traitement, qui selon nous doit être à l'extérieur pour assurer un traitement équitable, de toute façon ça s'en irait par la suite dans l'établissement. Alors, ça pourrait être un comité...

M. Couillard: Alors, merci, M. le président.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Labbé et Mme Laurin, bienvenue de la part de l'opposition. Alors, vous avez certainement mis beaucoup d'énergie et beaucoup de temps à la préparation de votre mémoire, j'en suis convaincue. Vous nous dites d'ailleurs que l'ensemble... En fait, vous nous présentez un nouveau modèle, hein, sur l'ensemble du régime de traitement des plaintes?

Mme Laurin (Élyse): Oui.

Mme Harel: De haut en bas, hein, n'est-ce pas?

Mme Laurin (Élyse): Oui.

Mme Harel: Est-ce que le groupe de travail, là, qui a été constitué pour réviser ce régime de traitement des plaintes vous a entendus à cet effet?

Mme Laurin (Élyse): Non, malheureusement. Nous avions fait des représentations pour être membres du groupe de travail. Par contre, ce dont on nous a informés, c'est que nous allons être consultés éventuellement.

Mme Harel: C'est-à-dire que vous n'avez pas pu transmettre les...

Mme Laurin (Élyse): Bien, nous aurions pu les transmettre, là, mais il n'y a pas eu d'invitation formelle à rencontrer le groupe de travail. Par contre, nous avons eu une invitation à participer à une consultation dont nous aurons, j'imagine, les détails bientôt.

Mme Harel: Une consultation de nature publique ou privée?

Mme Laurin (Élyse): Non. Bien, je n'en ai aucune idée.

Mme Harel: Ah bon! Parce que, évidemment, cette révision du système de traitement des plaintes s'impose assez à court terme, à cause de tous ces changements survenus suite à l'adoption de la loi n° 25. Si le ministre veut éviter une sorte de no man's land, un genre de vacuum, là, qui va se présenter dans les mois qui suivront la mise en place des instances, prévue pour juin, donc, dans les mois de juillet, août, septembre, octobre, en fait jusqu'à ce que la Chambre reprenne ses travaux, ça suppose que ce système de traitement des plaintes soit adapté en fait à ces superstructures, là, qui sont mises en place dans les établissements présentement, à défaut de quoi je ne vois pas comment les instances locales vont avoir un mandat à cet égard-là, puisque la loi ne les prévoyait pas, en fait. Est-ce que c'est votre point de vue également?

Mme Laurin (Élyse): Tout à fait, oui. Nous avions déjà mentionné par ailleurs que, le système de plaintes, la question de la qualité des services et le traitement des plaintes devaient être pris en même temps que la transformation du réseau, de manière...

Une voix: Concomitante.

Mme Laurin (Élyse): ...concomitante. Tout à fait.

M. Labbé (Luc): Et d'ailleurs une des motivations de la préparation de la réflexion et du dépôt du présent mémoire résulte de cette... ce n'est pas une ambition, mais de cette préoccupation qu'on a, nous, les membres bénévoles du conseil d'administration, et aussi les professionnels qui travaillent à la permanence du CAAP, cette préoccupation de s'assurer, là, qu'il n'y ait pas un problème, comme vous le dites, Mme Harel, un vacuum. Et le pourquoi nous recommandons qu'il y ait une autorité du Commissaire sur le régime d'examen des plaintes, c'est en fonction du principe d'imputabilité. On pense que le régime d'examen des plaintes, malgré toutes les bonnes intentions... Ils disent que l'enfer est pavé de bonnes intentions, là. Malgré toutes les bonnes intentions, s'il n'y a pas une imputabilité à quelque part, on pense que ça risque de demeurer au stade des voeux pieux.

Mme Harel: Chose certaine, je dirais que la population présentement est beaucoup, beaucoup plus préoccupée par la question de ce régime de traitement de plaintes que par la question, si vous voulez, des structures, hein? On l'a vu récemment. Mais tout ce brassage de structures va avoir des conséquences.

Mme Laurin (Élyse): Et c'est pour ça qu'encore une fois nous retirons le régime de traitement des plaintes de l'intérieur du réseau, pour justement que la question des plaintes individuelles, hein... On est là, dans le réseau de la santé et des services sociaux, parce qu'on a un problème de santé, on a un problème... peu importe, là. Alors, on consulte sur une base individuelle au départ. Alors, c'est une question fondamentale pour chaque personne, chaque citoyen du Québec. Et ensuite, s'il faut assurer la qualité des services aux usagers, il ne faut pas que cette qualité-là soit tributaire d'une réorganisation ou d'un fonctionnement, d'un mécanisme, d'une structure. On veut s'assurer qu'il y ait toujours une mise en garde, des chiens de garde pour assurer la qualité des services aux citoyens.

Mme Harel: Dans le mémoire que vous déposez ce matin, vous abordez la question de la participation des citoyens ? vous en avez parlé, d'ailleurs, M. Labbé, là, en introduction de la présentation de votre mémoire ? et vous vous inquiétez du fait qu'il y a absence de participation citoyenne dans le cadre du projet de loi qui est déposé, là, le projet de loi n° 38. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Labbé (Luc): Bien, écoutez, essentiellement la participation citoyenne, c'est une assurance que se donnerait le réseau pour rester ce qu'on appelle en termes... sur le terrain, pour rester groundé, avoir du feed-back, là. C'est important d'avoir le feed-back des usagers. Les usagers, c'est les citoyens, et il y a toute la dimension de ce que sera le rôle, la responsabilité qui seront attribués à ce qu'on... les comités d'usagers dans les établissements, avec les regroupements qu'on connaît actuellement, là, centres hospitaliers, CLSC, etc. Donc, c'est une préoccupation parce qu'on comprend que c'est nécessaire, pour des raisons budgétaires ou autres, là, qu'il y ait une réorganisation. Mais il ne faut pas qu'elle se fasse au détriment de la participation citoyenne et aussi du service, de la qualité du service aussi au citoyen. Donc, c'est un point qu'on voulait soulever. Élyse, peut-être que tu veux...

Mme Laurin (Élyse): Bien, la participation citoyenne peut y être selon, bon, la question traditionnelle plus des comités consultatifs. On dit, dans notre mémoire, notamment que les comités des usagers devraient être toujours en amont. Il ne faut pas qu'ils soient là lorsqu'il y a une plainte mais avant d'avoir des plaintes. Ils doivent être consultés lors de l'élaboration de services, de satisfaction... prestation de services, lors de questionnaires d'évaluation de la satisfaction. Alors, les comités d'usagers devraient être consultés sur l'ensemble des services mis en place dans l'établissement, être là pour exprimer les besoins des personnes. C'est eux qui connaissent le mieux la situation des personnes, et, quand qu'il y a une plainte, bien, à ce moment-là, on y voit plus aussi une assistance à l'extérieur du comité des usagers.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. Labbé, Mme Leduc, merci beaucoup... Laurin, pardon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

 

(Reprise à 11 h 24)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. Forget, Mme Richard, Mme Gagnon, bonjour. Vous êtes tous, je pense, des habitués des commissions parlementaires, vous connaissez nos règles de fonctionnement. Vous avez une présentation d'une durée maximale de 20 minutes à faire, qui sera suivie par un échange de 20 minutes chaque côté de la table. Sans plus tarder, M. Forget, je vous invite à débuter votre présentation.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Forget (Raymond): Oui. Bonjour, M. le Président, aux membres de la commission. Nous sommes bien heureux de se retrouver ici pour vous faire part soit de certaines inquiétudes ou des recommandations en ce qui a trait à des positions de la FTQ. Bon, une brève présentation de la Fédération des travailleurs du Québec. Vous savez qu'on représente plus d'un demi-million de travailleurs, travailleuses qui sont, avec leurs familles, des usagers du réseau de la santé et des services sociaux. De plus, la FTQ, par le biais de ses affiliés principaux dans le secteur de la santé et des services sociaux ? deux syndicats, le Syndicat québécois des employés de service et le Syndicat canadien de la fonction publique ? représente plus de 45 000 travailleurs qui oeuvrent quotidiennement dans la santé et les services sociaux.

La FTQ et ses syndicats affiliés ont toujours participé activement aux consultations menées par les différents gouvernements dans le domaine de la santé et des services sociaux, avec en toile de fond le maintien et l'application des grands principes de la Loi canadienne de la santé, soit son caractère public, la gratuité, l'accessibilité, l'intégralité et l'universalité du système. La FTQ milite d'ailleurs depuis plusieurs années pour que ces grands principes soient enchâssés dans une loi-cadre québécoise de la santé. Nous y reviendrons plus loin dans notre mémoire.

D'entrée de jeu, la FTQ salue la volonté du gouvernement de mettre en place un commissariat à la santé et au bien-être. Un certain nombre de questions se posent toutefois sur l'imputabilité du Commissaire, son mode de nomination, son mandat, les ressources dont il disposera, sa transparence, ses études et évaluations. Nous tenterons donc, par un certain nombre de recommandations, de suggérer des avenues pour bonifier ce projet de loi à l'occasion des consultations ministérielles.

Alors, quelques éléments que nous voulons discuter avec vous, particulièrement sur le mode de nomination et l'imputabilité, sont le conseil d'administration du commissariat, l'étendue de la portée du mandat, de l'évaluation et de la mesure qu'on pourra permettre au Commissaire de prendre, et le calendrier de rapports et transparence, et les recommandations de la FTQ. Alors, Mme Richard va vous faire part de notre position, de nos inquiétudes en ce qui a trait au mode de nomination et à l'imputabilité.

Le Président (M. Copeman): Mme Richard, bonjour.

Mme Richard (Lucie): Bonjour. Alors, parmi les questions que nous avons à vous soumettre, vous verrez qu'il en émane quelques recommandations dont la première traite de la nomination et de l'imputabilité du Commissaire à la santé. Première constatation qu'on a faite, c'est que le projet de loi avancé par le gouvernement était infidèle, si je peux m'exprimer ainsi, au programme de son propre parti, puisque, dans le programme, il était clairement indiqué, prévu et proposé que le Commissaire à la santé relève de l'Assemblée nationale. Nous recommandons bien sûr que cette nomination puisse relever de l'Assemblée nationale, que son imputabilité y soit redevable aussi. Il nous apparaît impératif que, pour donner un tant soit peu une certaine crédibilité, aux yeux de la population, au Commissaire à la santé, il doit être complètement dégagé, là, de toute ingérence partisane ou de toute tendance partisane. Comme le bon vieux dicton le dit, on ne mord pas la main qui nous nourrit. Alors, il nous semblerait tout à fait judicieux, à propos que le Commissaire à la santé soit nommé par l'Assemblée nationale. C'est la première recommandation qu'on a à vous soumettre parmi six, si je ne m'abuse.

M. Forget (Raymond): Pour faire suite à cette première recommandation de la nomination et de l'imputabilité du Commissaire de la santé, on veut que ce Commissaire soit bien entouré. D'ailleurs, c'est une question qu'on va poser aujourd'hui au ministre, voir quel rôle les experts, c'est-à-dire les travailleurs puis les travailleuses qui sont au quotidien, qui oeuvrent au quotidien dans notre service de santé, joueront-ils eu égard au projet de loi n° 38, au rôle du Commissaire. Nous pensons qu'un conseil d'administration du commissariat à la santé et au bien-être devrait être mis sur pied, et, à ce titre-là, les travailleurs et travailleuses pourraient être représentés dans ce C.A.. Bien sûr, groupements sociaux, communautaires, citoyens et citoyennes devraient aussi avoir une place importante au sein de ce C.A. Et la question qu'on pose au ministre, c'est: Quel rôle... et quelle place vous allez faire aux travailleurs, aux travailleuses au niveau du rôle du Commissaire à la santé?

n(11 h 30)n

Mme Gagnon va nous faire part de la recommandation de la FTQ en ce qui a trait à l'étendue et à la portée du mandat, l'évaluation et les mesures.

Mme Gagnon (Astrid): Alors, c'est certain que l'idée de Commissaire à la santé est une excellente idée, si tant est qu'il soit indépendant, évidemment. Excellente idée pour la FTQ parce qu'il y a une donnée, dans notre système de santé, qui fait défaut depuis de nombreuses années, c'est l'évaluation du système de santé. Si on avait eu des mesures d'évaluation fiables depuis le début, depuis la naissance de ce système-là, on se serait probablement épargné beaucoup de changements de structures, de changements philosophiques. On avait déjà des dimensions essentielles de base au système de santé qu'on veut toujours encore préserver, qui sont l'universalité et l'accessibilité d'un système public. Alors, à partir de là, nous, on a toujours pensé, à la FTQ, parce que c'est notre approche qui est pragmatique, de dire: Quand ça va mal dans un réseau de santé, il faut regarder où ça va mal et corriger, puis, là où ça va bien, laisser les choses se faire bien... Et, depuis des décennies, on assiste... Évidemment, les ministres de la Santé se succèdent, mais les travailleurs et les travailleuses du réseau puis leurs représentants sont là, et demeurent, et assistent depuis de nombreuses années à des modifications de structures interminables, souvent inefficaces, et on pense que de se doter d'un organisme qui va voir à évaluer les services de santé et les services sociaux, c'est une bonne idée. Par contre, je le répète, il faut que ce soit indépendant du ministère.

Deuxièmement, on insiste beaucoup sur la question de la fiabilité des instruments de mesure, d'évaluation. Donc, il faut vraiment travailler là-dessus comme partie intégrante du rôle du Commissaire à la santé. Et on attire votre attention sur le fait que l'évaluation ne soit pas seulement quantitative, mais qu'elle soit aussi qualitative, ce qui est un peu plus compliqué des fois à mesurer mais qui se mesure très bien. On vous soumet tout de suite qu'on a des experts dans le système de santé, qui sont ceux qui donnent les services, qui sont capables d'évaluer la qualité des services qu'ils sont en mesure de donner ou de ne pas donner.

On attire aussi votre attention sur le fait que, à l'article 10, à l'alinéa 1°, on spécifie un peu qu'est-ce que c'est, l'évaluation qui va être faite, mais on trouve que cet item-là en particulier est beaucoup trop restrictif. Quand on dit qu'il faut apprécier périodiquement les résultats obtenus par le système de santé en fonction des ressources qui y sont affectées, alors c'est sûr que, si on regarde: Bien, je te donne trois ressources, tu as fait ça avec, c'est correct, on ne va pas très loin dans l'évaluation. Alors ça, c'est un peu restrictif. Et, des attentes raisonnables qui peuvent en découler, alors qu'est-ce que c'est, des attentes raisonnables? Je vous donne comme exemple les centres hospitaliers de soins de longue durée où actuellement, dans plusieurs endroits, on répond à 67 %, 68 %, 70 % des besoins. Est-ce que ça, c'est raisonnable, le 30 % qui n'est pas donné? Alors, est-ce qu'on s'est questionné? Est-ce qu'on est capable de le dire? Nous, on est capables de le dire, qu'est-ce que c'est, le 30 % qui n'est pas donné, là, en grande partie. C'est pour ça que je vous soumets que les travailleurs qu'on représente, et les travailleuses, sont des experts en cette matière. Donc, sur la question de l'évaluation, c'est une chose qui est très importante, et on est d'accord avec le fait de le faire mais de ne pas trop restreindre ce mandat-là.

Concernant la question du Conseil de la santé et du bien-être et de sa disparition, franchement on se questionne sérieusement sur cette proposition-là, étant donné que le Conseil de la santé et du bien-être a quand même un rôle déterminant sur les politiques de santé et de bien-être et qu'il doit voir à identifier les facteurs déterminants de la santé et du bien-être et à faire des propositions en fonction de ça, ce qui nous amène sur la prévention.

On a regardé dans le projet de loi n° 38. On a dit: Est-ce qu'il y a quelque chose qui ressemble à ça dans le projet de loi n° 38? Bien, à l'alinéa 4°, il y a quelque chose qui ressemble... en tout cas qui s'appelle... de donner avis au ministre sur l'évolution de la santé et du bien-être. Mais, encore là, l'alinéa 4° est trop restrictif, si tant est que vous mainteniez cette décision de couper le Conseil de la santé et du bien-être.

Et, soit dit en passant, on aimerait bien savoir, M. le ministre, pourquoi vous voulez faire disparaître ce conseil-là qui à maints égards est précieux pour le système et qui remplit une fonction qui n'est pas prévue vraiment complètement, et d'autant plus qu'on voit... Oui, le Conseil de santé et bien-être et le commissariat... le Commissaire à la santé pourraient avoir des rôles complémentaires, ça, c'est certain. Si ces deux instances-là étaient là, il faudrait qu'elles se parlent. Mais en même temps c'est un peu risqué de demander à celui qui va évaluer les services de santé et services sociaux d'évaluer en même temps comment il a fait pour agir sur les déterminants de la santé. On sait qu'agir sur les déterminants de la santé, ce n'est pas une chose qui est absolue, là. On peut dire: On a des programmes de prévention, on le sait très bien, les programmes de prévention sont appliqués, mais ils n'ont pas tout le temps tous les résultats à 100 % qu'on peut escompter. Alors, c'est deux dynamiques différentes mais complémentaires auxquelles on pense qu'il faut s'attarder, les deux, mais là c'est la façon dont tout ça est fait qui nous questionne beaucoup.

Concernant le rôle du Protecteur des usagers, alors on a compris que le Protecteur des usagers est maintenu et on aimerait ça que le ministre nous le confirme, si tel est le cas. Le rôle du Protecteur des usagers aussi devrait être joué en complémentarité avec le Commissaire à la santé, dans le sens suivant: quand le Protecteur des usagers finit par accumuler un certain nombre de plaintes sur des dossiers x ? je vous donne, pas par hasard, l'exemple des cas de violence dans des établissements ? j'imagine que le Protecteur des usagers le soumet au Commissaire à la santé, qui, lui, doit prendre ce dossier-là de façon plus globale, l'analyser de façon plus globale pour trouver des solutions. Puis je fais référence à votre enquête actuellement. Bien, si on avait un commissaire à la santé, moi, je pense que le Commissaire à la santé devrait obligatoirement se poser les questions: Pourquoi ces situations-là arrivent-elles dans le réseau de la santé et des services sociaux?, et non se contenter uniquement d'aller détecter des cas puis de rétablir... Ce qu'il faut qu'il soit fait, on est d'accord avec ça, mais il faut aller plus loin puis il faut se demander pourquoi. Alors, le rôle du Commissaire à la santé... En fait, le Protecteur des usagers alimenterait le Commissaire à la santé à partir de cas concrets.

Pour la partie évaluation, on a donc deux recommandations, c'est la mise en place d'instruments de mesure fiables et financés dans un budget à part et le maintien du Conseil de la santé et du bien-être.

M. Forget (Raymond): Si vous permettez, avant de rappeler nos recommandations aux membres de la commission, deux autres éléments qui sont fort importants pour la FTQ, un notamment. On veut vous faire part que nous sommes très, très déçus que le projet de loi n° 38 ne prévoie pas de pouvoir enchâsser les grands principes de la Loi canadienne de la santé. On aurait voulu voir une loi-cadre du Québec qui pourrait intégrer, par exemple, une charte des droits des patients qui serait préconisée par le gouvernement. La FTQ, depuis de nombreuses années, on a pris ces positions-là, on a réclamé, de gouvernement en gouvernement, qu'on puisse développer cette charte importante pour les citoyens et citoyennes du Québec. Alors, le projet de loi n° 38, il me semble qu'il était une occasion extraordinaire de pouvoir regarder cet angle sur une charte des droits des patients. Alors, c'est un élément important pour la FTQ.

Un autre élément important, on voit que, dans le projet de loi, en ce qui a trait au rapport du Commissaire, il y a un petit peu de flou, là. On se questionne, on s'interroge, particulièrement à l'article 18, et je cite, là, un bout du projet de loi: «Dès qu'il est disposé à présenter [ses] conclusions ou à déposer un avis sur une question qui relève de ses fonctions, le Commissaire peut transmettre au ministre un rapport particulier en faisant état ou il peut choisir d'inclure ses conclusions...» Alors là, là, on a des doutes vraiment à savoir s'il peut choisir. On aurait aimé voir un élément beaucoup plus concret: «devra faire rapport». Il me semble qu'il y a une obligation qui devrait suivre pour encadrer le calendrier des rapports, et surtout en ce qui a trait à la transparence du rôle du Commissaire. Alors ça, on est vraiment déçus. Parce que souvent les grandes réformes, dans les dernières années, les interventions dans le réseau se font trop souvent en réaction à des situations ponctuelles, et on vient de le voir tout récemment, qu'on parle de Saint-Charles-Borromée, Sainte-Justine, l'Hôpital Jean-Talon. Alors, on se demande s'il ne pourrait pas y avoir des éléments beaucoup plus larges qui devraient être favorisés par le projet de loi n° 38.

Alors, je vous rappelle en conclusion les recommandations. Il y en a six auxquelles nous tenons.

n(11 h 40)n

La première, c'est que le Commissaire soit nommé par l'Assemblée nationale, et qu'il soit redevable devant celle-ci, et que le budget de fonctionnement du commissariat soit voté par l'Assemblée nationale.

Notre deuxième recommandation, c'est que le projet de loi n° 38 doit intégrer un conseil d'administration du commissariat à la santé et au bien-être représentatif des travailleurs et travailleuses, des différents intervenants dans le réseau et des groupes d'usagers. Les membres de ce C.A. devraient être cooptés par le gouvernement et les différents groupes.

Notre troisième recommandation, c'est que la FTQ demande que les grands principes de la Loi canadienne de la santé soient enchâssés dans une loi-cadre au Québec qui pourrait intégrer, par exemple, la Charte des droits des patients préconisée par le gouvernement.

Notre quatrième recommandation: le développement et la mise en place d'instruments d'évaluation et de mesure devraient faire l'objet d'un financement non récurrent et non imputable au budget propre du commissariat.

Notre cinquième recommandation: nous demandons le maintien du Conseil de la santé et du bien-être.

Et notre dernière et non la moindre: le projet de loi n° 38 doit faire obligation au Commissaire à la santé et au bien-être de faire rapport publiquement à l'Assemblée nationale de façon statutaire au moins une fois l'an.

Alors, c'étaient nos recommandations. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, monsieur dames. Vous avez abordé plusieurs points très importants du projet de loi et certainement des suggestions d'améliorations qu'on pourra discuter. Je vais les prendre un par un dans le temps qui nous est imparti.

D'abord, pour ce qui est du statut, le mode de nomination, c'est une question très importante, tous les groupes mentionnent cette question d'indépendance perçue, là, par la population de la fonction de Commissaire à la santé. Puis on a également indiqué qu'on est ouverts à considérer ces diverses suggestions, dont celles que vous faites actuellement. Mais, dans le but d'alimenter la discussion puis l'argumentation ici, je dirais que, dans ce rôle-là, il faut savoir naviguer entre deux écueils. D'une part, on veut garder à la fonction l'imputabilité qui lui donne toute sa crédibilité et le crédit également que la population peut lui donner. D'autre part, on ne veut pas non plus créer d'instance décisionnelle exécutive parallèle au gouvernement et avoir un mécanisme où l'imputabilité finale des élus est réduite. Et je pense que, en ce qui a trait à la population, c'est ce qui est important également, c'est que les personnes qui sont élues démocratiquement soient les personnes imputables. On a également fait le parallèle avec d'autres institutions gouvernementales comme le Conseil santé... pardon, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ou d'autres organismes qui ne sont pas nommés par l'Assemblée nationale mais dont personne cependant ne met en doute l'indépendance.

Alors, dans le but de soutenir vos arguments, comment est-ce que vous faites la différence entre cette fonction de Commissaire et d'autres organismes qui sont actuellement nommés par le gouvernement mais dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils jouissent d'une bonne crédibilité?

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon va répondre.

Mme Gagnon (Astrid): Si je ne m'abuse, le Protecteur du citoyen est nommé par l'Assemblée nationale.

M. Couillard: Le Protecteur du citoyen? Oui.

Mme Gagnon (Astrid): Alors, pour nous, cette fonction-là de Commissaire à la santé est aussi importante que celle du Protecteur du citoyen. Alors, c'est tout simplement ça, la raison qui motive notre désir de voir cette instance-là indépendante. C'est exactement la même chose. Le Protecteur du citoyen peut faire des recommandations, peut déposer ses rapports à l'Assemblée nationale, est nommé par l'Assemblée nationale. Alors, on ne voit pas pourquoi ce serait autrement que ça.

M. Couillard: Donc, l'argument, c'est l'équivalence du niveau de fonction, là, entre ce qu'on propose et...

Mme Gagnon (Astrid): De l'importance de la fonction.

M. Couillard: L'importance de la fonction.

Autre élément, et vous êtes le deuxième groupe qui nous parle de ça, c'est la question d'inclure éventuellement les principes de la loi canadienne dans le cadre législatif québécois. Rappelons-les, là. Il s'agit de la gestion publique, de l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité et la transférabilité, et deux interdits spécifiques qui sont le ticket modérateur et la question de la surfacturation médicale. Pourriez-vous élaborer? Parce que vous dites que ça fait plusieurs années que vous recommandez cette inclusion-là. Est-ce que c'est des principes transposés exactement tels qu'ils sont de la Loi canadienne sur la santé, ou il y en a certains que vous voudriez voir modifiés, ou améliorés, ou détaillés plus?

M. Forget (Raymond): Bien, disons que brièvement les grands principes généraux qu'on retrouve dans la loi canadienne seraient un élément important qui constituerait quant à nous une protection pour les droits des patients, des usagers et usagères. Quand vous parlez d'accessibilité, d'universalité, de la gratuité des services, je pense que ce sont des éléments fort importants qui devraient être déterminés dans une charte.

L'autre élément qu'on n'aborde pas souvent, c'est toute l'éthique, l'éthique en ce qui a trait aux soins que les citoyens et citoyennes sont en droit de recevoir. On peut nommer un exemple. Une personne qui, sur la fin de sa vie, à 75 ans, a un cancer, a besoin de traitements spécifiques, on sait qu'il y a un tri qui se fait, là. Alors, ces éléments devraient être justement enchâssés dans une charte des droits du patient pour que l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec aient le droit à l'ensemble du panier de services, peu importent certains éléments qui pourraient causer préjudice à avoir des soins auxquels les patients sont en droit de recevoir. Alors, ces éléments-là pour nous sont fort importants et détermineraient l'ensemble du panier de services que tout citoyen au Québec serait en droit de recevoir. En tout cas, c'est une partie des éléments importants qu'on voudrait voir dans une charte des droits des patients.

M. Couillard: Vous avez abordé également la question des rôles respectifs de ce qui est actuellement le Conseil de la santé et bien-être et du Conseil médical, parce que c'est l'autre organisme également qui est visé par la loi. Le raisonnement qu'on a fait est le suivant, c'est qu'il s'agissait des deux seuls organismes-conseils qui avaient une vision macroscopique d'ensemble sur le réseau, et, plutôt que d'ajouter une structure, il s'agissait de les rendre complémentaires et unifiés.

Maintenant, lorsque le Conseil de santé et bien-être est venu présenter... bien sûr ils n'étaient pas dans l'enthousiasme de voir leur propre structure disparaître, mais ils nous disaient que, si c'était le cas, ils nous recommandaient de façon spécifique d'ajouter au projet de loi actuel un dispositif tel qu'un forum du citoyen, un peu comme ce qui existe actuellement au Conseil de santé et bien-être, sous forme de bénévolat, là. Les gens participent aux discussions puis élaborent les différents avis du Conseil de santé et bien-être. Donc, ils nous recommandaient d'inclure dans le texte de loi la nécessité pour le Commissaire de se doter d'un forum du citoyen à peu près calqué sur le modèle de ce qui existe au conseil, au CSBE, Conseil de santé et bien-être, et ils ajoutaient même la présence de deux députés, deux membres de l'Assemblée nationale dans ce forum du citoyen. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?

M. Forget (Raymond): Ce n'est pas mauvais, mais là on se questionne sur la représentation, le caractère représentatif des membres qui feraient partie de ce forum de citoyens. Nous, on voudrait... en tout cas on est très déterminés à avoir une représentation des travailleurs et travailleuses pour qu'ils puissent exprimer à tous égards, sur certaines problématiques, leur position. Je pense que vous le savez aussi bien que moi, M. le ministre, que les travailleurs qui sont au quotidien en proximité avec les usagers du système... Je pense que leur position, leurs recommandations, leur questionnement seraient forts importants dans tout le rôle que pourrait avoir le Commissaire à la santé ou le forum des citoyens. Et de plus je pense qu'on pourrait rajouter, à ce niveau, Mme Gagnon, un élément important à souligner.

Mme Gagnon (Astrid): Vous parlez du Conseil médical. Justement, le Conseil médical, si j'ai bien compris, a deux fonctions, ou grosso modo il a une fonction qui est liée aux services médicaux puis une fonction qui est liée plus à l'évolution de la pratique médicale. Alors là c'est là, pour nous, qu'est le dilemme. Il y a tout l'aspect services. Est-ce que les services qui sont mis en place sont adéquats, de qualité, en quantité suffisante, etc., ça, on pense que ça devrait relever du Commissaire à la santé. Mais est-ce que la population du Québec est en santé, est-ce qu'on fait tout pour la maintenir en santé, d'après nous, ça devait relever du Conseil de la santé et du bien-être, ou, si c'est à l'intérieur de la fonction Commissaire à la santé, il va falloir vraiment diviser les deux fonctions, parce que ça ne peut pas être un fourre-tout, de même que la fonction du Conseil médical, qui est d'évaluer la pratique médicale, ça ne peut pas être connecté directement aux services médicaux. Ça, c'est une chose, entre autres, que, si on la regardait de plus proche, l'évolution de la pratique médicale, on ne serait pas pris à tout bout de champ avec des lacunes, des médecins en quantité insuffisante, pas assez formés, pas assez présents, pas assez présents dans les régions. Donc, il y a une job à faire là, qui est de l'ordre de l'évolution de la pratique médicale, puis il y a une autre partie du travail qui est l'évaluation des services médicaux comme telle.

Alors, si tout ça est mis sous le chapeau du Commissaire à la santé, ça va prendre minimalement une structure qui divise les missions, qui leur permet aussi de se parler puis d'être complémentaires, mais qui les divise, parce que ce n'est pas un fourre-tout, là.

M. Couillard: Pour ce qui est du rapport annuel, vous mentionniez la nécessité qu'on remplace le terme «peut» par le terme «doit», là, si je comprends bien. Mais quand même admettons que, dans le projet de loi actuel, il y a l'obligation pour le Commissaire, une fois par année, de déposer son rapport. Donc, il y a quelque part une obligation ? c'est quel article, là? l'article 17 ? qu'au plus tard le 31 octobre le Commissaire dépose ce rapport devant l'Assemblée nationale via le ministre actuellement, mais qui est déposé à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il n'y a donc pas là une obligation assez formelle pour le Commissaire d'informer la population de ses conclusions? Et ce qui va devenir un événement d'après moi annuel assez important: de même que le rapport du Vérificateur général est attendu par la population, je pense que le rapport annuel du Commissaire à la santé et au bien-être va également devenir un élément d'appréciation commune, là, collective de notre système de santé.

n(11 h 50)n

M. Forget (Raymond): Bon, on voit bien que l'intention du ministre, c'est que l'Assemblée nationale soit saisie de ce rapport. On n'en doute pas, d'ailleurs, que ce serait important que, les suites... ou les recommandations que le Commissaire pourrait faire à l'Assemblée nationale, il y ait un suivi. Maintenant, on ne voit pas, là, si le Commissaire, dans ses conclusions ou dans son avis qu'il transmettrait à l'Assemblée nationale... les suites qui seraient données justement au rapport du Commissaire. Alors ça, c'est une inquiétude aussi que nous avons en ce qui a trait au projet de loi, et l'article 18 aurait pu élargir sur la suite des événements ou des positions que le Commissaire pourrait donner à l'Assemblée nationale.

M. Couillard: M. le Président, dans les suites, on mentionne que l'Assemblée nationale transmet, par exemple, le rapport annuel à cette commission, qui en fait l'étude publique, à ce moment-là. Mais je vois là un forum également d'intervention et de discussion du rapport annuel qui m'apparaît utile. C'est l'Assemblée qui en décide. C'est l'Assemblée nationale qui en décide. Qu'est-ce que vous pensez de ce mécanisme?

M. Forget (Raymond): Bon, disons qu'on n'a pas porté une réflexion concrète à ce genre de position, mais nous pensons... nous maintenons que c'est l'Assemblée nationale qui devrait être saisie du rapport et que, les suites en ce qui a trait aux recommandations du Commissaire, l'Assemblée nationale en soit saisie. Comme ça, ça rassurerait les citoyens et citoyennes du suivi à donner aux recommandations du Commissaire. Puis c'est une question d'obligation de traiter les éléments qui seraient contenus dans le rapport. Il faut absolument qu'il y ait des suites qui soient données, sinon le rôle du Commissaire devient un peu... On sait que souvent, dans ces recommandations-là, il y a des dossiers qui dorment longtemps sur des tablettes. Alors, il faut s'assurer que, les recommandations, il y ait un suivi, sinon...

M. Couillard: Mais il me semble que justement c'est là le rôle du pouvoir élu puis de l'exécutif. C'est que, lorsque ce rapport est déposé au vu et au su de l'Assemblée nationale et de la population, qu'il contient des recommandations spécifiques, bien c'est la responsabilité de l'élu de les appliquer ou non et, s'il ne les a pas appliquées ou s'il les a ignorées, de justifier cette action-là par la suite à la population, parce que je suis certain que le Commissaire, dans son rapport subséquent, nous ferait remarquer que telle, telle, telle recommandation du rapport précédent n'a pas été suivie d'une action, et là toute l'imputabilité, la reddition de comptes de l'élu face à la population à mon avis prend tout son sens. Il ne faut pas demander au Commissaire lui-même de mettre en place les recommandations qu'il soumet, ce n'est pas le pouvoir exécutif. C'est un pouvoir d'évaluation et de recommandation. Et c'est la responsabilité du gouvernement élu de le faire ou de ne pas le faire et, si on ne le fait pas, de justifier les raisons pour lesquelles on ne le fait pas, devant la population qui en juge, à ce moment-là.

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon va vous faire...

Mme Gagnon (Astrid): Bien, nous, on pense que, bon, comme on l'a dit tout à l'heure, le Commissaire à la santé, c'est une excellente idée. Ce serait rassurant même d'en avoir un qui soit indépendant, qui veille au grain entre les changements, entre autres, de gouvernement, de ministres, de ci, de ça, pour ne pas toujours refaire les devoirs. On est à jour tout le temps, nous, les citoyens et citoyennes, dans notre système de santé, et ceux qui prennent la tête des directions, O.K., ils savent où est-ce qu'ils mettent les pieds quand ils arrivent au pouvoir.

Si on acceptait, comme citoyens et citoyennes, de mettre nos impôts, de dépenser nos impôts pour un commissaire à la santé, c'est avec des garanties que ça va donner quelque chose. Il faut qu'il y ait des obligations quelque part de résultat, autrement ça ne donne rien de le faire puis ça va être une structure de plus qui va venir on ne sait pas trop quoi faire, là? Confirmer des orientations, quoi? Nous, on veut que...

J'écoutais le groupe qui passait juste en avant de nous autres, qui parlait de chien de garde, tout ça. Je n'aime pas... C'est une expression comme une autre, là, mais il faut veiller sur ce système de santé là, et, nous, on a perçu, dans le projet de loi n° 38, une belle occasion de se donner un moyen de veiller sur le système de santé. Mais pour ça il y a des conditions à remplir, puis elles ne sont pas toutes remplies dans le projet de loi n° 38 pour que, nous, on adhère à ça complètement.

M. Couillard: De la même façon, je dirais, M. le Président, par exemple, que le rapport ou le travail du Vérificateur général en soi n'est pas une garantie que les fonds publics sont gérés de façon responsable. C'est le fait de publier ce rapport et le fait d'observer la réaction du gouvernement élu à ce rapport et les actions qui s'ensuivent qui sont la garantie d'amélioration du système. Ce n'est pas le Vérificateur lui-même qui va sur le terrain puis qui rectifie la gestion des fonds publics. Il illustre les déficiences, il donne même des exemples concrets qui sont parfois assez frappants et il fait des recommandations, et c'est le gouvernement qui en dispose par la suite et qui les applique, et c'est à sa charge d'expliquer pourquoi il ne le fait pas. Alors, j'aurais de la difficulté à comprendre pourquoi il y aurait deux mécanismes différents puis qu'on créerait, en fait, dans les faits, une sorte de ministère parallèle.

Si quelqu'un peut aller immédiatement lui-même appliquer ses recommandations, à quoi sert le gouvernement élu, à ce moment-là? On est aussi bien, comme disaient certains, de tout sortir la santé du gouvernement puis faire une sorte d'hydro-santé, là, comme certaines personnes recommandent, ce que, moi, je ne trouve pas du tout envisageable et souhaitable pour la population.

M. Forget (Raymond): Mme Richard, je vois qu'elle a envie de vous dire un mot, M. le ministre.

Mme Richard (Lucie): Juste un petit commentaire ou deux supplémentaires à cet égard, M. le ministre. Le Vérificateur est redevable à l'Assemblée nationale et non au ministre des Finances, d'une part. D'autre part, je trouve qu'il serait malheureux, dans une société comme la nôtre, qu'on doive attendre que l'Assemblée nationale... ou suivre les actions de l'Assemblée nationale, comme population, pour juger d'une responsabilité dont elle se serait assumée ou pas. Non, mais regardez, là. Je comprends qu'on peut dire qu'il est légitime que le gouvernement décide de traiter ou non les recommandations, mais je pense qu'on devrait se donner des garanties supplémentaires si on veut vraiment donner à ce Commissaire-là une transparence, une indépendance, une crédibilité, une légitimité et un rayon d'action. Il me semble qu'on a un tant soit peu de liberté et d'obligation de l'Assemblée nationale de rendre des comptes à la population sur le rapport qui sera soumis par ce Commissaire-là et sur la façon dont il entend traiter, le cas échéant, ces recommandations. C'est un minimum de démocratie et de garantie de la compétence et de la fiabilité de notre Assemblée nationale et de notre gouvernement.

M. Couillard: Je ne suis pas tout à fait certain de vous suivre sur ce terrain parce que vous semblez mettre en place un mécanisme qui outrepasse l'autorité de l'Assemblée nationale, dans un sens.

Mme Richard (Lucie): Pas du tout.

M. Couillard: On n'a pas vraiment malheureusement tout le temps de discuter de cette intéressante question.

Mme Richard (Lucie): On pourra se reprendre.

M. Couillard: Je lisais une... je lis, dans l'article 17 du projet de loi tel que libellé actuellement, la façon de lever un peu l'ambiguïté sur ce qui a été dit tantôt: Le rapport du Commissaire «est transmis à la commission compétente de l'Assemblée nationale pour étude». Donc, il n'y a pas «peut être transmis», c'est «est transmis».

Mme Richard (Lucie): Non, mais il peut faire des recommandations.

M. Couillard: Non. Non, non. Bien, il en fait toujours dans son rapport. Je dirai que le dernier élément... Je pense que vous avez bien reflété l'intention, la relation entre la fonction de Protecteur des usagers puis le Commissaire, le Protecteur des usagers qui agit pour l'individu, qui suit le traitement d'une plainte et les suites qui en sont données, et le Commissaire qui évalue le fonctionnement du système de plaintes et les résultats de ce système de plaintes sur l'amélioration des services. Je pense que c'est exactement l'intention que nous nous étions fixée.

Quant à la charte des droits et responsabilités pour les usagers, vous savez qu'actuellement on a fait des comparaisons avec ce qui a existé dans d'autres pays ou dans d'autres juridictions pour constater que, dans le cadre législatif québécois, mis à part les principes de la loi canadienne que vous souhaitez y voir inclus, il existe, à plusieurs endroits, des garanties de droit assez formelles. Il semble que le problème se situe dans le manque d'information de la population quant à la connaissance de ces droits-là. Donc, un mécanisme de divulgation ou de déclaration de ces droits-là qui sont déjà dans le cadre législatif devrait être tel que ça apparaît dans le projet, un des premiers mandats qu'on confierait au Commissaire. Est-ce que c'est une orientation qui répondrait à vos souhaits?

M. Forget (Raymond): Oui, bien c'est-à-dire une partie, en tout cas, à tout le moins. On salue l'orientation du ministre dans ce cadre-là, mais nous pensons que la charte, en ce qui a trait à la qualité, au panier de services pour les citoyens et citoyennes, devrait contenir d'autres éléments importants eu égard aux usagers du système. Bon, je ne sais pas si le ministre a d'autres orientations plus précises en ce qui a trait à ces éléments-là, mais ce serait fort intéressant de pouvoir échanger plus longuement, à un certain autre rendez-vous, pour élaborer sur cette charte à laquelle la FTQ tient beaucoup.

M. Couillard: Moi, il y a un exemple international qui m'a beaucoup intéressé puis qui m'apparaît très significatif, c'est l'exemple de la Grande-Bretagne où, en 1992, on a inscrit dans le texte de loi une charte des patients qui comportait même des modalités pour les délais d'attente. Dieu sait que les gens sont préoccupés par l'accessibilité aux soins. Donc, on disait que, oui, voici le droit d'être traité à l'intérieur du délai, etc.

n(12 heures)n

10 ans plus tard, on a fait une évaluation de l'impact de cette charte-là et on constate qu'il n'y a eu aucun impact de l'inscription législative de cette noble intention sur l'accessibilité puis les délais d'attente. Et il a fallu par la suite des actions de type administratif finalement du gouvernement Blair actuel pour, je dois dire, et avec une certaine admiration dans leur cas, faire une encoche vraiment significative dans les problèmes de liste d'attente. Donc, en d'autres termes, ce n'est pas le fait d'avoir mis dans le texte de loi que les gens avaient une garantie d'accès dans des délais raisonnables qui a changé quoi que ce soit à la réalité sur le terrain, c'est la volonté politique administrative de faire en sorte que ça se réalise, qu'il y ait une action.

M. Forget (Raymond): Bien, c'est une nuance que vous apportez qui est importante, mais il faut se rappeler que, dans une charte où est-ce qu'on garantit des services aux citoyens, ça n'enlèverait pas les problématiques, exemple, qu'on vit à ce moment-ci ? et là je ne voudrais pas ouvrir une boîte de Pandore dans les discussions ? en ce qui a trait aux droits individuels et aux droits collectifs, particulièrement dans les garanties aux citoyens et aux citoyennes de recevoir des soins de qualité et naturellement dans certains délais, fort importants pour certains qui ont des problèmes plus aigus ou plus graves. Maintenant, ceci étant dit, il faudrait voir dans son ensemble, sur les éléments que vous citez... On n'en a pas fait part, je n'ai pas pris de consultation à ces effets-là, mais il faudrait voir dans son ensemble, là, les impacts que ça pourrait avoir. Mme Gagnon a peut-être un élément à rajouter à ce sujet-là.

Mme Gagnon (Astrid): La réflexion sur ce que vous dites, on pourrait la faire au même titre que... Vous savez très bien que, dans les établissements de santé, il y a des codes d'éthique, puis on a imposé à tous les établissements des codes d'éthique parce que c'était bien important. Alors, moi, je vous dirais, M. le ministre, que, les codes d'éthique, on peut toujours en faire, mais, s'il n'y a pas de ressources dans le système, les codes d'éthique, ils en prennent pour leur rhume. Alors, c'est certain qu'il faut en quelque part avoir des documents, des textes de loi qui nous assurent d'un certain nombre de choses. Ce n'est pas pour rien qu'on tient tant au fait que les principes du système de santé canadien soient enchâssés dans une loi. C'est parce qu'à tout bout de champ ces principes-là sont remis en cause, remis en question, puis il y a des nouveautés, puis il y a du privé qui veut rentrer dans le système, puis... Alors, ce n'est pas pour rien qu'on tient à ça, là. C'est parce que ça nous permet minimalement de protéger ces principes-là. Puis, au même titre qu'un code d'éthique, s'il n'y a pas de ressources avec, il vaut ce qu'il vaut.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons légèrement dépassé le temps imparti. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. Forget, Mme Richard et Mme Gagnon, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Alors, en écoutant le ministre échanger avec vous sur cette question de charte des droits et argumenter au non-fondé en fait d'une telle charte, je me disais que la population a certainement un sentiment d'avoir été piégée, parce que l'engagement du Parti libéral, Partenaires pour la santé, prévoyait l'adoption d'une telle charte, prévoyait la nomination d'un commissaire à la santé nommé par l'Assemblée nationale pour assurer son indépendance et une pleine autorité morale et enfin, et ainsi de suite. Et je me dis que ce qui brille par son absence dans le nouveau document, c'est justement ces engagements qui ont été pris il y a à peine... moins d'un an.

Alors, je pense qu'il y a un élément, dans l'échange que vous aviez, qui est vraiment important. Le ministre a beaucoup insisté sur la comparaison avec le Vérificateur général, et avec raison. Mme Richard, vous avez fait valoir que, si le rapport du Vérificateur général est attendu avec autant d'intérêt par la population, les médias, l'opinion publique, c'est parce que le Vérificateur général est perçu comme étant au-dessus de toute partisanerie politique. Le Vérificateur général est perçu comme n'ayant pas à donner des comptes à un ministre des Finances, mais donnant des comptes, via l'Assemblée nationale, à la population. Alors, si vous voulez, c'est la condition manquante, là, c'est l'élément absent, n'est-ce pas, pour que le Commissaire à la santé... pour que le rapport du Commissaire à la santé soit attendu avec autant, si vous voulez, d'intérêt et de façon aussi crédible que l'est le rapport du Vérificateur général. Alors, on voit bien que...

Par exemple, est-ce que le Commissaire à la santé, dans le mode actuel de nomination, comme le prévoit le projet de loi n° 38, pourrait, dans un rapport éventuel, par exemple aborder la question du démantèlement du réseau des CLSC dans le cadre de la réorganisation des établissements ou pourrait examiner la logique hospitalocentrique qui est en train de se dégager de toutes les interventions du ministère de la Santé et du ministre présentement? Est-ce qu'on peut sérieusement penser que, avec une nomination partisane, là, comme celle qui est prévue dans le projet de loi n° 38, qui que ce soit qui serait nommé au poste de Commissaire aurait la liberté de réflexion, d'analyse, de manoeuvre pour pouvoir remettre en question de telles orientations de structure?

M. Forget (Raymond): Mme Richard.

Mme Richard (Lucie): Il est clair qu'à partir du moment où le Commissaire à la santé est redevable au ministre, pour nous, en tout cas, on l'a mentionné et je le réitère, il lui faut une indépendance totale afin qu'il soit au-dessus de tout soupçon. Il sera de ce fait capable de se bâtir une crédibilité, capable aussi de soumettre des recommandations qui iront dans le sens de ses constats et qui permettront peut-être d'amorcer de nouvelles réflexions. C'est pour ça qu'on rattachait aussi à ça l'élément du traitement des recommandations.

Je comprends que le ministre nous cite, et j'en suis ravie, ses lectures par rapport aux expériences en Angleterre et je suis tout à fait d'accord avec lui quand il nous soulève le point que le discours doit se vérifier dans l'action. Ça, c'est tout à fait juste, j'abonde, et ça milite en faveur de ce qu'on soumet comme recommandation aussi. On dit: À partir du moment où on met en place un commissaire à la santé, qu'on lui donne les moyens d'être en accord avec ce qu'on a proposé minimalement dans le programme du parti et qu'on lui donne aussi la marge de manoeuvre et l'indépendance nécessaires à l'éclosion d'une crédibilité.

Mme Harel: Dans le cadre du projet de loi, le ministre a fait état justement d'un dispositif qui prévoit que le Commissaire fasse connaître... ou divulgue en fait ce qui pourrait être une charte individuelle de droits. Je comprends que vous prônez une charte collective non pas qui s'adresse à l'usager seulement, là, comme le code d'éthique auquel vous faisiez référence, mais une charte de droits collectifs qui s'adresse aux citoyens, alors aux citoyens qui peuvent ou pas éventuellement utiliser le système de santé, mais non pas à ceux seulement d'entre eux et elles qui sont des usagers. C'est ce qu'on doit comprendre, qui est absent actuellement, n'est-ce pas? Il y a beaucoup de choses qui brillent par leur absence, là, hein, dans le projet de loi n° 38?

M. Forget (Raymond): Si vous permettez, Mme Harel, dans ces positions auxquelles nous sommes très inquiets, bien sûr, tout le caractère public, hein, tout le caractère public en ce qui a trait aux soins de santé auxquels les citoyens du Québec ont accès et dans l'obligation aussi du gouvernement d'offrir ce panier de services là, alors c'est tout à fait en ligne avec le caractère d'accessibilité et d'universalité pour l'ensemble des citoyens. Alors, vous comprendrez que, pour la FTQ, nous favorisons bien sûr une responsabilité ou des éléments plus collectifs qu'individuels dans les responsabilités et les engagements d'un gouvernement eu égard à cette charte.

Mme Harel: À la page 6 de votre mémoire, vous recommandez que le Commissaire aux plaintes, n'est-ce pas ? enfin, le Protecteur des usagers, plutôt ? vous dites: «Le Commissaire doit avoir juridiction tant sur les établissements ou activités relevant du public que ceux relevant du privé.» Je comprends que vous faites référence au Commissaire tel que proposé dans le projet de loi n° 38. Et vous rappelez que le Protecteur de l'usager est complémentaire... son rôle est complémentaire à celui du Commissaire. Le Protecteur des usagers présentement n'a pas mandat sur le privé. Alors, bon, je veux savoir, puisqu'il y a une révision du traitement des plaintes, là, du régime de traitement des plaintes des usagers: Est-ce qu'on doit introduire cette dimension privée, étant donné les appels au partenariat public-privé, là, qui se multiplient? Et est-ce que, le Commissaire, la lecture que vous faites du projet de loi vous amène à penser, si ce n'est pas spécifiquement énoncé, qu'il n'aurait pas mandat sur le privé, sur le secteur privé de la santé?

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon va répondre.

n(12 h 10)n

Mme Gagnon (Astrid): C'est certain que... Je ne sais pas si vous vous rappelez, Mme Harel, mais on a déjà eu, dans le système de santé, un service du contrôle de la qualité qui était efficace. On appelait là, on disait: Il y a un problème de qualité, puis ça couvrait le public puis le privé. C'était clair comme ça. Et on s'en est servis beaucoup, à la FTQ, de ce service de contrôle de la qualité, qui a disparu à un moment donné, dont la fonction a été répartie dans les régies régionales. C'est clair pour la FTQ que tout ce qui touche la santé et les services sociaux pour les citoyens et citoyennes du Québec doit être couvert par le système de santé. On donne des permis au privé pour exploiter des services de santé, des services d'hébergement. Alors, c'est évident que cette partie-là des services ne peut pas échapper au contrôle ni du Commissaire ni du Protecteur des usagers.

Et je reviendrai un peu sur votre commentaire. Tout à l'heure, vous parliez, là, de la réforme en cours. Ce matin, en déjeunant, on se disait: Si, aujourd'hui, on avait un commissaire à la santé, qu'est-ce qu'il dirait au gouvernement actuel concernant sa réforme? Il faudrait qu'il lui pose absolument la question: Est-ce que votre réforme va répondre aux besoins en matière de services de santé et de services sociaux? Ce serait un de ses mandats, c'est certain. On n'en a pas, là, mais, si on faisait l'hypothèse qu'il y avait un commissaire à la santé, il interviendrait là-dessus assurément.

Mme Harel: Non seulement il poserait la question, mais un commissaire à la santé devrait donner une réponse. Parce que, si vous posez la question, c'est la pensée magique: ça va tout régler, la réforme. Vous savez, on a passé des heures en commission parlementaire pour se le faire répéter.

Ce qui m'a surprise dans votre mémoire... Je comprends et je souscris au maintien du Conseil de santé et bien-être parce que, si la logique, telle qu'exposée par le ministre, est à l'effet de remplacer les deux conseils, qui ont une approche plus systémique, horizontale, comme il le mentionnait, à ce moment-là, l'Institut national de santé publique a aussi une approche systémique, horizontale et a même des mandats absolument équivalents ? il y a un organisme qui est venu en faire la démonstration devant la commission ? absolument équivalents. Donc, il va y avoir un chevauchement de mandats entre l'Institut national de la santé publique et le mandat du Commissaire si le projet de loi n° 38 était adopté tel quel. Donc, il y a une autre logique, là, parce qu'il y a une entorse à la logique avec l'Institut national de santé publique. Mais, si la participation citoyenne est... pourquoi remplacer ce qui marche bien? Le Conseil de santé et bien-être, tout le monde le dit, tout le monde, des deux côtés de la table, le ministre, tout le monde dit que ça marche, ça a donné des bons, si vous voulez, des bons résultats, ça a joué le rôle qui était attendu, malgré que ce n'est pas complet, et c'est pour ça qu'il faut un commissaire à la santé. Mais est-ce que selon vous... Si le maintien du Conseil de santé et bien-être finalement est retenu par le ministre, faut-il encore un conseil d'administration au Commissaire? Vous voyez? Est-ce que ça ne fait pas double emploi?

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Astrid): Bien, pour nous autres, les fonctions du Commissaire, les fonctions du Conseil de santé et bien-être sont différentes, ça, c'est très clair. Le Conseil de santé et de bien-être a vraiment une fonction sur politique de santé, facteurs déterminants de la santé. Donc, pour nous, c'est deux problématiques différentes mais complémentaires. Évidemment, on parle toujours de la même santé puis des services qui sont donnés pour maintenir les gens en santé, sauf que l'approche est différente. Puis on trouve ça risqué de mettre cette approche-là sous le couvert du Commissaire à la santé, parce que c'est une approche qui ne s'est pas encore vraiment tout à fait déployée. C'est vrai que le Conseil de santé et bien-être fait du bon travail. Puis je vous dirais franchement qu'on s'est questionnés, parce que, moi, j'avais devant moi un article du 28 janvier 2004 où le Conseil de la santé et du bien-être prenait position carrément en disant que le financement privé des services n'était pas une solution. Je me suis dit: Ils sont-u trop agaçants, ou quoi? Moi, comme citoyenne, je me suis sentie traitée avec intelligence et jugement quand on m'a donné ça comme réponse. Et c'est pour ça que c'est important que cet organisme reste là, pour ne pas toujours avoir le même discours qui est toujours à même teneur.

Alors, c'est certain que c'est deux fonctions différentes. Mais, si tant est qu'il n'y avait pas moyen de convaincre le ministre de protéger absolument cette fonction-là du Conseil de santé et bien-être, bien il va falloir qu'il élargisse le mandat dans le projet de loi n° 38 puis il va falloir que ces gens-là répondent aussi à un forum de citoyens et citoyennes, là, pour... Je comprends que le ministre nous a dit, puis je trouve ça très intéressant, que c'est pour éviter de faire des structures, mais il y a des fois qu'il y en a certaines qui sont bonnes.

Mme Harel: C'est intéressant. Ha, ha, ha! Sur les déterminants de la santé, mon collègue le député de Vachon... mon collègue le député de Vachon ? je dis toujours «Saint-Hubert»; c'est la principale ville du comté de Vachon ? me disait à quel point c'était important de maintenir une veille, si vous voulez, sur les déterminants de la santé, à défaut de quoi, là, c'est vraiment l'hospitalocentrisme. Alors, je ne sais pas si vous voulez commenter cela.

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Astrid): C'est évident. Ça, là, je pense que, depuis les années soixante-dix au moins, on parle de ça comme étant quelque chose d'important, d'agir sur les facteurs déterminants de la santé. Et, pour nous, à la FTQ... Donc, on parle de prévention, et, pour nous, à la FTQ, s'il y a un moyen civilisé de réduire les coûts du système de santé, c'est celui de maintenir les gens en santé. Donc, c'est pour ça que c'est une fonction qui est majeure, qui n'est pas tout le temps prise en compte, parce qu'on est pris à discuter de structures, puis de services, puis tout ça, puis parce qu'on n'a pas... Mais, si on décidait, demain, qu'on met vraiment tout, toutes les énergies et tout le financement possible pour prévenir les maladies, je pense qu'on finirait par les réduire, les coûts de santé.

Mme Harel: Je constatais avec effarement qu'il y a pour 400 millions par année de médicaments contre le cholestérol dans le régime, là, je pense. Je ne sais pas si ça comprend aussi les assurances privées, mais je pense que c'est, à l'égard du régime public, 400 millions contre le cholestérol. Je ne sais pas, mais il peut y avoir certainement des alternatives.

Une voix: ...

Mme Harel: Non, pas du tout. Je ne prône pas l'abolition, je propose des alternatives. Qu'est-ce que c'est, une alternative, hein? Ce peut être faire de la prévention, des grandes campagnes de sensibilisation. Quelqu'un nous disait que ça avait donné des résultats contre l'alcool au volant, n'est-ce pas? Bon, bien on peut faire aussi des campagnes sociétales, et c'est ça qu'il nous manque présentement, là, ce genre de grande campagne sociétale. Évidemment, si on ne croit pas ni à l'homéopathie, ni à l'ostéopathie, ni à l'acupuncture, ni à la marche dominicale ou vespérale, ni à ci, ni à ça, ni à d'autre chose, bien peut-être qu'il n'y a que les médicaments. Mais je pense que, oui, il y a des alternatives certainement.

J'aimerais entendre le ministre là-dessus. Me permettez-vous?

M. Forget (Raymond): Oui, oui. Allez-y, allez-y.

Le Président (M. Copeman): Il y a consentement? Consentement.

M. Couillard: Bien, on est entièrement d'accord qu'il y a des alternatives aux médicaments, mais, demain, qu'est-ce qu'on fait avec la personne qui a un taux de cholestérol élevé, qui vient de faire un infarctus? Donc, on sait que la médication anticholestérol réduit la mortalité de 25 %, 30 %, 35 %. Alors, c'est toujours l'éternel dilemme. Il faut faire des actions en prévention, puis on les continue dans l'axe du plan national de santé public, mais, demain, il faut s'occuper de la personne à la salle d'urgence puis qui est malade.

Mme Harel: C'est pour ça qu'il faut avoir assez d'argent pour qu'il y ait un défibrillateur et non pas qu'il attende juste au 1er avril que les nouveaux crédits soient adoptés.

M. Couillard: Vous savez, M. le Président, que, cette année, le gouvernement a augmenté le nombre de défibrillateurs de 15 % au Québec et qu'on est l'endroit au Canada où il y a le plus de défibrillateurs internes par population qui s'installent actuellement. Je pense qu'on a de quoi être fiers de cet équilibre parfait... presque parfait entre l'action hospitalocentriste des années précédentes et la prévention...

Le Président (M. Copeman): Je pense que le... Je sens que nos invités aimeraient dire quelque chose.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: C'est le mot... C'est le mot «parfait» qui me bouleverse, parce que les listes d'attente sont impressionnantes.

Le Président (M. Copeman): Bon. Oui. Moi, je suis impressionné par les commentaires que vont faire nos invités. Alors, allez-y.

M. Forget (Raymond): Mme Gagnon est impatiente de rajouter quelques mots.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Gagnon.

n(12 h 20)n

Mme Gagnon (Astrid): C'est parce que... Oui, je suis fébrile, je ne suis pas défibrillée encore. Mme Harel, vous parlez: Bon, quand on parle des déterminants de la santé... Si je peux me permettre, là, vous avez parlé des habitudes de vie, mais on peut parler d'autre chose. On peut parler de la santé et sécurité au travail, on peut parler de l'environnement. Alors, tout ça, c'est des points qui sont fondamentaux. Nous, on a des gens qui se tuent à la tâche actuellement. Ça coûte au système de santé. Ça coûte d'abord aux individus sur le plan humain, mais ça coûte beaucoup d'argent. Alors, déjà si on avait une meilleure prévention au travail, si on traitait les travailleurs et les travailleuses de façon plus humaine, disons-le, ça aussi, c'est un beau canal de solution. Et, l'environnement, bien je n'ai pas besoin de vous faire des grands discours là-dessus. Alors ça, c'en est, des facteurs déterminants de la santé, puis je ne pense pas qu'on doit minimiser ça puis mettre ça comme quelque chose de complémentaire à d'autre chose. C'est une fonction en soi. C'est pour ça qu'on tient tant à ce que ça reste sous l'égide d'un conseil qui fonctionne bien.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Bonjour. Toujours à propos des déterminants de la santé, à supposer que, dans un monde idéal, on maintienne le Conseil de santé et bien-être, qu'il puisse continuer à donner des avis éclairés directement au ministre dans sa Politique de santé et de bien-être et que notamment il recommande au ministre de s'entendre avec le ministre de l'Environnement sur un certain nombre de dispositions concernant la santé des Québécoises et des Québécois, en bas de la page 5, vous mentionnez que le Commissaire devrait «se concentrer sur l'évaluation du système, sur la protection des droits, sur le caractère et les incidences systémiques des plaintes». Est-ce que vous pensez que, de la façon dont vous libellez votre recommandation, le Commissaire pourrait être entendu par l'Assemblée nationale sur l'évaluation qu'il fait des efforts du ministre en relation avec les recommandations du Conseil de santé et bien-être en matière d'environnement? Parce que vous parlez du système, là. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gagnon (Astrid): On l'a dit, il faut que ce soit complémentaire. Alors, si on fait des études, puis qu'on découvre que finalement, en bout de ligne ? je reprends l'exemple du cholestérol, ou on pourrait en prendre un autre ? on n'a pas réussi à mettre en place les mesures préventives pour prévenir le cholestérol, puis que le système est toujours, en termes de services, surchargé à défrayer des coûts pour des services pour le cholestérol, là il y a un arrimage qui doit se faire, c'est obligatoire. C'est l'arrimage qu'on a toujours attendu entre le préventif puis le curatif. Ça n'a pas besoin d'être... Ce n'est surtout pas en regroupant les deux instances, mais c'est en instituant une façon de faire qui dit: Nous, dans le système de santé, en termes de services, il y a une augmentation des services pour tel type de maladies. On va aller voir pourquoi ces maladies-là, d'où elles viennent, leur source, puis on va agir sur la source. Puis on attend ça depuis les années soixante-dix, le lien entre le préventif puis le curatif, le social puis le médical. Si un patient va voir son médecin 12 fois pour un ulcère d'estomac dans l'année, le médecin devrait être en mesure de se questionner sur la vie de ce patient-là, comment il fonctionne, et ça, on sait que, dans les CLSC, ça se fait. Ça, on sait que, dans les CLSC, ça se fait, mais ça ne se fait pas dans les polycliniques privées, je m'excuse, là, ou très rarement.

Le Président (M. Copeman): Monsieur, malheureusement il ne reste plus de temps. M. Forget, Mme Richard, Mme Gagnon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

J'avise les parlementaires qu'il ne faut pas laisser des articles dans la salle, il y a un autre événement, il y a une autre activité dans la salle. Alors, il faut ramasser toutes nos affaires. Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 h 30, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

 

(Reprise à 15 h 35)

La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare les travaux de la Commission des affaires sociales ouverts et je vous rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, l'usage des téléphones cellulaires et téléavertisseurs est interdit dans la salle. Alors, je demanderais aux personnes qui en font usage de bien vouloir les fermer pendant la durée de la séance.

Cet après-midi, nous allons entendre la Centrale des syndicats du Québec, et je demanderais à Mme Chabot de nous introduire ses invités. Vous connaissez la procédure, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, ensuite ça va être suivi d'une période d'échange entre les deux formations. Allez-y.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise): Bonjour, tout le monde. Merci beaucoup pour cette invitation à participer à la commission parlementaire. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Hélène Le Brun. Hélène est conseillère aux dossiers sociopolitiques, santé et services sociaux et vie professionnelle. Et, à ma droite, René Beauséjour, qui est président de la Fédération des professionnels de la santé et des services sociaux à la CSQ.

Je vais d'abord, M. Couillard, vous dire... M. le ministre, qu'on n'a pas de cadeau aujourd'hui, mais on espère que... Bien, l'invitation d'un projet de loi qui concerne la création d'un commissaire à la santé... On a pris le temps et le soin d'analyser avec intérêt même, je dirais, ce projet de loi là, et nous allons nous inscrire en proposition ou en bonification du projet de loi donc pour le voir amélioré et faire en sorte que la création d'une nouvelle institution soit une valeur ajoutée dans notre système de santé et de services sociaux pour le bien commun de la société québécoise.

Bien, d'entrée de jeu on voit, par rapport à ce qu'on avait pu lire dans le programme du parti, qu'effectivement il y a eu une évolution, mais il y a une évolution... Particulièrement sur le caractère de l'autonomie et de l'indépendance d'action du Commissaire à la santé par rapport au projet initial, pour nous, il y aurait un recul. C'est pour ça que vous retrouverez, dans nos recommandations, qu'on va insister beaucoup sur le fait de donner une pleine mesure à l'autonomie et à l'indépendance du nouveau Commissaire à la santé.

On déplore aussi que ça entraîne la disparition... ou la suppression du Conseil de santé et bien-être. Je pense que c'est un conseil qui a été, au fil des années, grandement reconnu pour sa crédibilité. Il avait des atouts très importants, dont un qui n'est pas le moindre, de pouvoir compter, dans ses avis et dans ses conseils, sur une large participation citoyenne et démocratique, et dans ce sens-là, bien le projet de loi ne nous a pas vraiment démontré la nécessité d'abolir... ou d'abroger le Conseil de santé et bien-être.

À un certain moment donné, on s'est même dit: Le Conseil de santé et bien-être aurait pu, avec certaines modifications, devenir le conseil qui aurait pu prendre les responsabilités rattachées à la nouvelle fonction du Commissaire. Mais enfin tout ça pour dire que, dans tous les cas... il sera encore le temps de le faire, mais, dans tous les cas, il y a un minimum, pour nous, par ce projet de loi là, un minimum qui nous apparaît essentiel, c'est d'ajouter une participation démocratique, donc un conseil consultatif qui viendrait se joindre au poste de Commissaire à la santé, parce qu'on pense que, si l'objectif est encore là, qu'il était là initialement, de redonner, par cette institution-là qui est un commissaire à la santé, une confiance au citoyen à l'égard du système, ça nous apparaît important, pour développer ce sentiment de confiance là, que les personnes, les citoyens se sentent concernés dans les prises de décisions, les avis. Et donc, pour nous, ce sera assez déterminant en termes de recommandation.

On admet quand même que le Commissaire à la santé et au bien-être peut constituer un atout majeur parce qu'on croit que l'appréciation rigoureuse du système est devenue une nécessité. Et ce qui distingue surtout une fonction de Commissaire de celle d'une fonction conseil, c'est le pouvoir de surveillance, de vérification et d'enquête qui lui serait accordé. Donc, en aucun cas on n'en fait mention, que la fonction du Commissaire à la santé et au bien-être ne peut se substituer aux responsabilités politiques bien sûr du gouvernement, et du ministère, et du ministre en matière de santé et de services sociaux. Pour nous, la responsabilité étatique doit demeurer pleine et entière, puis ça inclut, pour nous, que ça veut dire que la fonction étatique peut évaluer les résultats et aussi appliquer les politiques, les orientations en matière de santé et de services sociaux.

n(15 h 40)n

Donc, comme je le disais d'entrée de jeu, on a travaillé à bonifier le projet de loi dans une vision... à des valeurs et des critères que la centrale croit qui seraient plus socialement progressistes et qui répondraient mieux au bien commun et à la justice sociale.

C'est sûr qu'on aurait pu... On a regardé aussi différentes institutions, mais, particulièrement quand on met en place un commissaire à la santé et aux services sociaux ? on est dans le domaine de la santé et des services sociaux ? on trouve qu'il y a des questions éthiques très importantes. C'est un vaste champ, donc ça doit prédominer en termes de responsabilités et fonctions pour un poste de cette nature. Et vous retrouverez, à la page 9, je pense, des dimensions importantes, comment ça se traduit, pour nous, en cinq éléments, donc que la fonction d'un commissaire doit reposer sur des valeurs consensuelles de notre société ? et ça, on pourra le voir tout à l'heure; je pense qu'il y a des valeurs consensuelles de justice, d'égalité, d'intégralité, d'accessibilité qui ont été maintes fois largement partagées ? que l'action du Commissaire doit pouvoir s'exercer en pleine autonomie et indépendance du gouvernement, que le Commissaire doit pouvoir agir aussi en toute transparence, et sa reddition de comptes doit être publique, que l'exercice des fonctions du Commissaire doit se faire dans un cadre démocratique qui privilégie la participation citoyenne et bien sûr que l'organisme doit pouvoir disposer de ressources humaines et financières qui sont suffisantes pour exercer pleinement ce mandat.

Dans les valeurs à mettre de l'avant, ce que nous rappelons, c'est que, depuis déjà plus de 30 ans, la société québécoise a fait le choix de services de santé publics, universels et gratuits. Le Québec a aussi fait le choix d'adhérer à une vision globale de la santé, donc qui intègre à la fois les soins de santé et les services sociaux, ils ne sont pas dissociés. Et on croit que, le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, que la loi qui le constitue, bien sûr, qui est la loi... qui sera la loi de la santé et des services sociaux ? mais il y a une loi particulière qui va le constituer ? devrait inscrire explicitement que ses rôles et fonctions s'inscriront dans le cadre de ces valeurs-là, particulièrement dans le contexte où on sait qu'il y a beaucoup de pression dans le réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement en termes de performance, en termes de résultats. On voit aussi que, dans les fonctions qui sont attribuées, on en parle beaucoup, de l'efficacité, de l'efficience. Ça semble même prendre préséance sur d'autres fonctions qui seraient un caractère plus large ou plus humaniste. Et donc, pour nous, ce sera une de nos premières recommandations que vous retrouvez...

On recommande d'inscrire donc à l'article 2 du projet de loi que les responsabilités et les fonctions du Commissaire s'exercent dans le respect des valeurs fondamentales d'accessibilité, d'universalité, d'intégralité et du caractère public propres au système québécois de services de santé et de services sociaux. Ce ne sera pas la première fois que la CSQ affirme que c'est nécessaire, même nécessaire... On trouverait nécessaire d'inscrire dans la loi sur la santé et les services sociaux ces principes-là, ces valeurs-là qui doivent guider notre action et en même temps l'observation du système. Mais on pense que du moins, dans le projet de loi cadre pour le Commissaire à la santé, si, d'entrée de jeu, ces valeurs-là étaient mises de l'avant, bien je pense que ça nous donnerait déjà une volonté que la confiance qu'on doit donner aux citoyens s'appuie sur des valeurs beaucoup plus humanistes que strictement dans une logique d'entreprise.

En termes d'autonomie et indépendance d'action, lorsque nous avons analysé les pouvoirs et les fonctions du Commissaire, on a vu que c'était très large. On ne les remet pas en question. Et on sait aussi qu'il y a une part du budget québécois qui est attribuée au ministère de la Santé qui est importante, qu'il y a des pressions économiques qui sont de plus en plus grandes pour accroître les privatisations, ou du moins ce qu'on appelle les PPP. Et donc, pour nous, toutes ces pressions-là qui s'exercent sur le système, à notre avis ça milite en faveur de renforcer le caractère indépendant du poste de Commissaire par rapport aux pouvoir exécutif du gouvernement et par rapport aussi au pouvoir du ministre.

Je pense que c'est important pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois qu'ils aient l'impression, ou du moins même, je dirais, la certitude que le Commissaire, que le poste de Commissaire à la santé et au bien-être ne soit pas un poste de Commissaire au ministère de la Santé ou au ministre de la Santé, mais que sa présomption d'indépendance doit être légalement assurée. On retrouve une déclaration dans la loi, à l'article 6, mais on pense qu'il faut y aller de façon beaucoup plus forte. Je pense qu'il en va de la crédibilité même de l'organisme.

Ça fait que je vous invite donc, au niveau des prochaines recommandations, la 2, la 3, la 4, la 5 et la 6... C'est la façon donc qu'on a de concrétiser cette volonté que l'action du Commissaire soit autonome et indépendante. Donc, la première: que le Commissaire soit nommé par l'Assemblée nationale sur proposition du premier ministre approuvée par les deux tiers de ses membres. Et c'est de l'Assemblée nationale aussi qu'il devrait recevoir les budgets de fonctionnement et... faire rapport de ses activités.

On sait que ce qui distingue beaucoup la fonction d'un conseil supérieur à une fonction de Commissaire, c'est beaucoup dans le rôle de surveillance, de vérification et d'enquête. En ce sens-là, nos recommandations en 3, 4 et 5 viennent soutenir cela, et nous proposons que le Commissaire exerce ses responsabilités en regard également de l'action gouvernementale sur les déterminants de la santé, ce qui pourrait être un ajout à l'article 2. En voulant dire ça, dans le fond c'est qu'on veut qu'il puisse prendre en compte l'ensemble des besoins de la population dans le système, qu'il aille de la prévention à la réalisation, en passant par toute la gamme, et aussi de l'ensemble des missions qui sont dans le réseau.

La quatrième, c'est que le Commissaire dispose de pouvoirs d'enquête, d'inspection et de vérification, qui sera un ajout au chapitre III, et donc sur des sujets qui sont plus englobants, et que ce ne soit pas finalement juste une simple collecte de données, mais de réels pouvoirs.

Et que le Commissaire apprécie périodiquement les conséquences sur la santé et le bien-être de la population des politiques, plans et programmes adoptés dans les ministères. Je pense que c'est ce qui fait notre force. Et, nous, on se plaît à croire qu'on doit poursuivre dans ce sens-là, qu'on a un système de santé qui se veut dans une approche systémique et globale. Et on sait que la santé, ce n'est pas juste une absence de maladie. Donc, il y a beaucoup de facteurs qui peuvent venir influer sur l'état de santé d'un individu, dont les déterminants de la santé, et on sait qu'une société particulièrement qui vivrait... La pauvreté dans une société peut être un facteur déterminant, donc c'est le sens de la cinquième, c'est comment le Commissaire peut avoir une vue globale pour évaluer, apprécier à la fois le système et aussi pouvoir le faire dans une dynamique qui est plus englobante, comme les différentes politiques et l'impact que ça peut avoir sur la santé et le bien-être de la population.

Et la dernière, c'est que le Commissaire puisse agir aussi de sa propre initiative pour entreprendre des enquêtes, particulièrement sur l'organisation et la prestation de services, et qu'il puisse les faire à la suite de requêtes de citoyens, s'il le juge à propos. Ce serait un ajout au chapitre III.

Une participation démocratique à introduire, bien c'est ce qui nous a frappés. C'est que, pour un poste comme ça, qui aura d'aussi larges fonctions et pouvoirs, de le confier à une seule personne, à un commissaire sans commission, ça nous apparaît une faiblesse importante de ce projet de loi là. Je pense que la participation collégiale est une condition essentielle à la gouvernance des systèmes publics, particulièrement en santé et services sociaux. Les objets d'intervention sont de nature hautement éthique, et le système, je pense, exige qu'il y ait cette transparence, gestion transparente et démocratique qui met à contribution l'ensemble des acteurs, y incluant la population.

Au même titre que les valeurs qui transcendent notre système, on peut dire aussi que, depuis 30 ans, l'action citoyenne de prendre part aux décisions collectives, je pense que c'est intimement lié au développement de notre réseau, de notre système public de santé québécois, bien qu'on ait pu voir des reculs. Puis, sans vous en faire la lecture, je pense que l'utilité d'une telle participation citoyenne n'est pas à faire parce qu'on vient effectivement mettre en commun souvent des citoyens qui peuvent être usagers à divers titres, qui peuvent dialoguer, comprendre, avoir des informations avec des personnes qui donnent des soins, avec des personnes qui ont l'information, et donc mettre à profit, en collégialité, autant les besoins de la population que ceux qui ont l'expertise pour les offrir ou identifier l'organisation des soins. Je pense que ça ne peut être que bénéfique. Et sincèrement on se demanderait pourquoi on priverait une telle personne qui pourrait être nommée très démocratiquement, en toute transparence par l'Assemblée nationale de ce rayonnement-là pour conduire ses fonctions d'une commission citoyennes et citoyens.

n(15 h 50)n

D'ailleurs, le Conseil de santé et bien-être l'avait bien dit, lors de son avis sur le projet de loi, que la participation citoyenne contribue non seulement à la qualité et à l'efficience de la gestion, mais aussi à la santé et au développement des communautés. Donc, on voit un rôle très important, et, pour nous, c'est un instrument qui est indispensable à l'amélioration du réseau et, comme je le soulignais, pour rétablir aussi ce lien de confiance là. D'ailleurs, ce sera probablement une belle occasion, parce que, quand on regarde...

Pour donner un exemple plus récent, avec les agences de développement et avec tout ce qui tourne autour de la création des agences de développement, les nouveaux réseaux locaux intégrés de services, on a vu comment les nominations ont été faites pour le remplacement des régies par les agences. Donc, très peu de possibilités de participation citoyenne, ça a été des nominations qui ont été faites directement par le ministre.

Je vous nommerais un autre exemple qui n'est pas dans le secteur de la santé et des services sociaux. Quand on parle de recul démocratique, le projet de loi n° 34 sur la nouvelle... qui est maintenant une loi, sur la Conférence régionale des élus, je pense qu'on a perdu beaucoup par rapport à la participation citoyenne multisectorielle des CRD que nous avions dans les régions. Donc, je pense qu'il faut... Au sein du système de santé et de services sociaux, déjà le projet de loi, par le passé, a été modifié, on a vu une certaine réduction, mais je pense qu'il y a place, dans ce projet de loi là, à recréer une participation citoyenne démocratique, et je pense que, dans ce sens-là...

C'est pour ça qu'on disait que l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être, prévue par le projet de loi, ça pourrait renforcer aussi les risques de contrôle étatique. On passerait à un commissaire qui est dépendant du ministre de la Santé et seul responsable des réflexions et de la surveillance de notre système de santé et de services sociaux. C'est très questionnable. Donc, on croit que l'État doit garantir des pratiques de gestion qui assurent l'intégrité et la transparence en maintenant le développement des espaces de participation démocratique, que le poste de Commissaire ne peut y échapper, que la participation démocratique doit dépasser la simple collecte des besoins et attentes de la population et la simple transmission d'information. Elle ne doit donc pas se limiter à des sondages, à la création de comités de travail ad hoc ou à des audiences publiques.

Le Commissaire doit pouvoir appuyer ses orientations sur un comité consultatif représentatif des divers acteurs du réseau et des milieux signifiants, comme en bénéficiait par ailleurs le Conseil de la santé et du bien-être, et c'est dans cette optique... C'est vrai que, si on avait maintenu le conseil, ça aurait été plus simple, mais en tout cas notre propos, c'est du moins d'avoir l'équivalent, et on souhaite que vous puissiez réfléchir en termes d'amendement au projet de loi.

Il y a, dans ce projet de loi, aussi, je pense, des fonctions très importantes qu'on va attribuer au Commissaire de la santé, c'est l'appréciation du système de santé et de services sociaux et aussi toute la question de l'information des citoyennes et citoyens de leurs droits, de leurs droits et de leurs responsabilités corollaires. Et on pense que, dans ce cadre-là, où ça pourrait être créateur et même novateur, c'est que de confier à un commissaire ce rôle-là, qui est un rôle très important, et de pouvoir y associer une commission qui développerait conjointement, mais avec un appui de la population, les outils pour développer le cadre dans lequel se fera l'appréciation du système en même temps que de développer l'outil qui sera source d'information des droits, je pense que ça ne peut qu'être enrichissant, parce que les citoyennes et les citoyens sauront, lorsqu'il y aura appréciation du système de santé dans le sens global, sur quelle base on s'est donné des balises pour pouvoir apprécier le système, à partir de quels critères, de quels indicateurs, à partir de quels besoins. Donc, ça pourrait être vraiment une plus-value. Et au même titre je pense qu'on ne peut pas...

Déjà, pour nous, les droits et responsabilités sont largement consacrés dans la loi de santé et services sociaux. Mais de vouloir faire un outil de sensibilisation, d'information qui... On peut être favorables, mais ça, il faut absolument que ça aille beaucoup plus loin que la seule responsabilité d'un commissaire, d'où l'importance d'une commission qui serait destinée à l'appuyer et même, nous dirions plus, d'une consultation large de la population.

Donc, vous retrouvez, en recommandations 7, 8, 9, les principales recommandations qui visent la participation démocratique intersectorielle. Donc, ce qu'on propose, c'est un conseil consultatif intersectoriel composé plus ou moins de 20 membres qui ont un droit de vote et représentatifs des divers acteurs issus du domaine de la santé et du domaine des services sociaux, mais aussi de d'autres secteurs de la société québécoise dont l'action peut avoir un impact sur la santé et le bien-être de la population, qui sera un ajout au chapitre I.

Au niveau de la recommandation 8, on propose que, dans la première année de son mandat, le Commissaire et le conseil consultatif élaborent, à la suite des mécanismes de participation citoyenne, un cadre normatif pour apprécier le système de santé et de services sociaux. Et la recommandation 9 vise à ce que le Commissaire et le conseil consultatif, après consultation de la population, donnent un avis sur l'outil le plus approprié pour informer la population sur ses droits et responsabilités.

En dernier lieu, même si ça ne fait pas l'objet de plusieurs pages ? mais c'est quand même important ? on pense que, pour pouvoir agir en toute transparence et avec des fonctions qu'on veut attribuer au Commissaire, il faudra les ressources humaines et matérielles suffisantes pour qu'il puisse remplir ses...

J'ai déjà pris mon 20 minutes?

Une voix: ...

Mme Chabot (Louise): En conclusion, je vous dirais que le projet de loi, tel que déposé, avec les amendements qu'on propose, je pense, pourrait être un atout pour le système de santé et le système de services sociaux.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Chabot. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, monsieur, pour votre présentation. J'aimerais ouvrir la discussion sur la question de ce que vous appelez le conseil consultatif et ce que le Conseil de santé et bien-être nous a recommandé d'appeler le Forum citoyen, dans un esprit de continuité avec ce qui existe actuellement au Conseil de la santé et bien-être. Juste m'éclairer sur votre mémoire et vos recommandations. J'ai cru comprendre que vous recommandiez que les membres du conseil consultatif, ou Forum citoyen, soient nommés par le gouvernement. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Chabot (Louise): On s'est inspirés effectivement... les membres de la Commission des droits des personnes et de la jeunesse ou du Conseil de santé et bien-être actuellement, mais principalement par des secteurs... Si vous regardez la recommandation 9, là...

Mme Le Brun (Hélène): Ils seraient nommés par le gouvernement, mais sur proposition de noms...

Mme Chabot (Louise): Sur proposition des comités, là.

Mme Le Brun (Hélène): ...des groupes, associations représentatifs du milieu, un peu comme fait le Conseil supérieur de l'éducation. Ça va même plus loin que le Conseil de santé et bien-être. Ils font donc appel à des candidatures, donc ils demandent aux organisations concernées, aux organisations tant syndicales que sociales, que communautaires de leur proposer des noms, et c'est à partir de ces noms-là qu'il nomme.

M. Couillard: M. le Président, comment on fait la distinction... Parce que le but principal du Commissaire, c'est d'informer la population, le citoyen. Si on veut un forum citoyen, c'est plus des représentants de la population qu'on devrait y retrouver, plutôt que des gens du milieu ou du réseau de la santé. Comment est-ce que vous faites l'équilibre entre... Parce que, si toutes les associations professionnelles, les syndicats, les associations d'établissements au niveau de ce forum-là... Qu'est-ce qu'on a de plus, là, en termes de moyens de représentation ou en termes de moyens d'expression?

Mme Chabot (Louise): Bien, je pense que, nous, notre vision, c'est que, si le Commissaire peut s'appuyer sur une commission intersectorielle qui est vraiment large, qui implique tous les acteurs, pour le Commissaire ça doit être un appui dans les outils puis dans les cadres de travail dont il va se servir pour remplir ses fonctions. Mais ça ne vient pas disposer un conseil consultatif de son droit et de son pouvoir d'informer la population beaucoup plus large, mais ça lui servira effectivement, on pense, plus largement d'appui pour développer ses pouvoirs et sa mission, dans ce sens-là. Plutôt que d'être une seule personne, un commissaire lui-même qui décide de quelle manière et de quelle façon on le fait, on pense que ça ne vient pas disposer du tout de ce rôle-là d'informer largement la population, mais en s'appuyant sur des experts, entre guillemets, du milieu qui ont un intérêt dans notre système de santé et de services sociaux.

Mme Le Brun (Hélène): Donc, ça n'émerge pas que d'une seule vision, mais de la diversité des visions présentes au sein des acteurs du milieu, qui incluent des représentants citoyens.

M. Couillard: Quelles seraient d'après vous les informations qui seraient... Si, aujourd'hui, on avait à produire le premier rapport du Commissaire, là, mis à part la déclaration des droits et responsabilités, à laquelle on reviendra tantôt... Quel est le type d'informations qui d'après vous sont nécessaires pour la population, pour lui permettre d'apprécier la performance ou l'état de son système de santé et de services sociaux? De quoi allez-vous penser que les gens... en tant que nature de l'information? Les chiffres? Les listes d'attente? Les durées d'accès? Quoi exactement?

n(16 heures)n

Mme Chabot (Louise): Mes collègues pourront compléter. Je pense que la population... À notre avis, le type d'information, puisque c'est là-dessus qu'on se base aussi, ne doit pas être strictement comptable; au contraire, d'avoir juste des statistiques sur les listes d'attente en chirurgie ou avoir juste des statistiques ? et je ne dis pas que ce n'est pas important ? sur des durées de séjour dans les urgences, en termes d'information à la population, je pense que la population doit être en mesure d'apprécier, par rapport aux besoins de la population, le comment le système de santé et de services sociaux répond au sens large dans tous les volets de sa mission. Ça fait que c'est autant qualitatif que quantitatif.

On ne voudrait pas se retrouver en situation d'instaurer des genres de bulletins qui ne seraient que quantitatifs et qui ne donneraient pas une vraie réalité du portrait du réseau. Par exemple, quand on observe et qu'on donne l'information à la population de ce qui se passe dans les urgences, comment on est capable d'informer la population des causes de cela ? puis probablement qu'on va la mettre en situation d'agir ou de se mettre en proposition de solution ? je pense que ça ne doit pas être juste des informations quantitatives, mais une appréciation de qualité, comment le système répond aux besoins, donc regarder à peu près tous les indicateurs qui pourraient...

M. Couillard: Oui, parce que, si on regarde les différentes enquêtes qui ont été faites auprès du public en général, les gens, règle générale, sont satisfaits de la qualité des services qu'ils reçoivent, autant en santé et services sociaux, et sont très préoccupés par l'accès aux services, que ça se manifeste par l'engorgement de la salle d'urgence, les listes d'attente en chirurgie ou en radio-oncologie. C'est ce qui préoccupe les gens le plus, l'accès aux services. Donc, si on veut les informer sur ce qui les préoccupe le plus, vous avez raison, d'une part, il faut donner les chiffres, mais, d'autre part, il faut faire les commentaires sur les raisons de ces retards-là ou de ces délais-là et proposer des solutions. Je pense que c'est ce que vous voulez exprimer, hein?

Mme Chabot (Louise): Oui, puis de plus, je dirais, lorsque... En tout cas, les premières enquêtes comme ça, où on voit effectivement un taux de satisfaction important en termes de qualité de soins... On pouvait dès lors affirmer que les personnes qui avaient eu besoin de soins ont été en mesure d'apprécier la qualité de l'ensemble du personnel dans la prestation de services. Mais ce qui est difficile, c'est comment... On peut apprécier une qualité, mais comment apprécier un besoin? Est-ce que, dans le système de santé et de services sociaux, il y a un besoin pour la population qui n'est pas répondu? Ça, on n'est pas capables de le chiffrer. On répond en fonction qu'on a eu un besoin puis qu'on a eu à l'exercer, mais c'est quoi, le... Comment on fait l'évaluation des besoins que le système devrait... Comment le système devrait répondre pour répondre aux besoins? Parce qu'il y a peut-être des besoins qui ne sont pas satisfaits du tout aussi, puis je pense qu'il faut aller un peu plus loin dans ces termes d'enquête là.

M. Couillard: Oui, puis le défi est également de définir les besoins, parce que, si vous prenez 100 personnes et vous leur demandez de définir les besoins du système de santé et de services sociaux, vous risquez d'avoir des réponses assez variées mais qui vont en général tourner au tour de la question d'accessibilité. On pourrait le soutenir d'une évaluation un peu partielle du système. Il n'en demeure pas moins que c'est le reflet des dysfonctions du système, ces problèmes d'accessibilité là.

Mme Chabot (Louise): Des besoins d'accessibilité, mais des besoins aussi qu'on pourrait retrouver avec soit une large consultation ou un conseil consultatif, des besoins qu'on pourrait exprimer, que, pour répondre justement à telle déficience du système, il faut peut-être agir sur de la prévention, ou de la promotion, ou de la réadaptation. Donc, je pense qu'il y a des besoins qui peuvent s'exprimer à travers... Je pense que l'accessibilité, c'est normal, hein, de pouvoir y répondre. D'ailleurs, l'accessibilité 24 heures par jour, sept jours par semaine, un jour il faudra avoir cette capacité-là d'évaluer comment on y répond. Ça fait partie des questions.

Mme Le Brun (Hélène): Bien, c'est simplement pour ajouter qu'effectivement c'est un champ qui... L'appréciation des systèmes de santé, c'est un champ qui est très vaste et qui est assez jeune aussi, hein? Donc, à l'heure actuelle, dans le cadre actuel des choses, on pourrait, oui, avoir diverses façons de répondre à ça. Mais c'est, entre autres, pour ça que, dans notre mémoire, on recommande que cette évaluation-là, ce rapport-là qui serait transmis par le Commissaire, etc., se base sur un cadre normatif pour l'appréciation, qui, lui, émerge de la réalité québécoise et qui émerge aussi encore une fois d'une diversité de visions.

Quand on a participé, par exemple, au dernier Colloque de santé et bien-être, bon, on a vu qu'il en existait plusieurs systèmes d'appréciation des systèmes de santé et services sociaux. Il faut en choisir un qui nous ressemble, qui nous convienne et qui réponde effectivement aux aspirations tant des acteurs que de la population. Je pense que, comme Mme Chabot l'a dit, on n'était pas satisfaits que ce ne soit qu'un simple bulletin de santé qui sorte. Bon, on ne serait pas nécessairement plus satisfaits que ce soient juste des indicateurs de «on a réduit le temps de séjour à l'urgence, mais on ne sait pas combien sont revenus par la suite dans le système», etc. Donc, je pense que c'est quelque chose qui est assez complexe, assez systémique.

Il faut prendre le temps d'étudier les différentes possibilités et d'élaborer un cadre qui ressemble et qui réponde aux besoins de la société québécoise. Donc, la question que vous posiez, je pense que c'est à ça qu'on répond, que ça doit être élaboré conjointement, collectivement, avec une diversité de visions.

M. Couillard: Et est-ce que vous pensez que cette fonction nouvelle de Commissaire à la santé et au bien-être pourrait nous aider ou nous amener sur le chemin de l'arbitrage, toujours difficile, entre les besoins individuels et les besoins collectifs qu'on vit, finalement? C'est le défi presque quotidien, le système de santé, où le citoyen peut être d'accord en théorie qu'il faut mettre la priorité sur tel, tel ou tel secteur du système de santé, mais, lorsque individuellement il ou elle est face avec un problème de santé qui lui est propre, ces considérations tendent à s'effacer, et à juste titre la personne se concentre sur ses besoins à elle par rapport à ce qui est possible, disponible ailleurs, par exemple, dans tel ou tel type de pathologie. Alors, comment est-ce que le fait d'avoir le Commissaire avec, ou sans, ou probablement plus avec le Forum citoyen peut amener ce débat-là dans la société entre les besoins collectifs puis les besoins individuels? Comment est-ce que vous l'introduiriez, ce débat-là?

Mme Chabot (Louise): Bien, je pense... Bien, c'est peut-être un élément qu'on a fait valoir. Si d'entrée de jeu c'est assez clair, les valeurs qui vont transcender dans le fond le rôle et la fonction du commissaire associé, des valeurs dans le système qui sont assez claires, je pense, qu'on partage, d'accessibilité, de transférabilité, à ce moment-là, c'est dans tous les domaines, là, hein, où, quand tu es touché personnellement, bien des fois tu es porté à regarder ton besoin, et je pense qu'il faut avoir cette capacité-là de voir comment collectivement notre système répond aux besoins. Puis, s'il y a une réponse collective qui s'appuie sur des valeurs qui sont partagées, il me semble que la réponse individuelle ou le besoin individuel va...

Je dirais qu'il y a des valeurs comme la justice sociale, l'équité qui ne s'imposent pas, qui sont partagées, puis je pense que c'est comme ça qu'on va pouvoir faire l'arbitrage entre deux et non pas avoir à choisir. Puis, si on a à choisir, bien, au moins, que ce soit partagé collectivement.

M. Couillard: Et c'est de là votre suggestion, et vous n'êtes pas les premiers à la faire, d'introduire les principes directeurs de la loi canadienne, dont la gestion publique, l'universalité. Vous les avez citées tantôt dans le cadre... En quoi c'est nécessaire de faire ça, puisque la loi existe déjà au niveau fédéral puis qu'elle conditionne les transferts fédéraux? Qu'est-ce qu'on aurait comme valeur ajoutée d'inclure ça dans le cadre législatif québécois?

Mme Chabot (Louise): Bien, on l'a toujours vu comme étant... Effectivement, c'est inclus dans la loi canadienne, mais je pense que... Si, comme gouvernement ou comme société québécoise, c'est des valeurs qui nous sont chères et qui nous sont propres, on pense que de l'inclure dans notre propre loi-cadre... Parce qu'on sait aussi que le Québec, en matière d'organisation de soins et de services, a les compétences pour organiser les soins et les services. D'avoir comme assise dans notre propre loi que c'est sur ces principes-là et ces valeurs-là qu'on s'appuie, je pense que ça pourrait juste rendre d'autant plus transparente et claire l'action du gouvernement dans le sens de la santé et des services sociaux. Puis, sans présumer non plus de ce qu'il pourrait advenir des principes de la loi canadienne, je pense qu'on doit nous-mêmes, nous-mêmes... Si on y croit, si on croit à un système public universel accessible selon ces principes-là, ce serait quoi, la crainte qu'on aurait de l'introduire dans notre propre loi? C'est ce qui doit nous guider.

Mme Le Brun (Hélène): Et le Québec n'en est pas là, mais, bon, il y a eu des tentations, du côté de l'Alberta, de renoncer même à certains transferts fédéraux pour amener davantage de privatisation. Donc, on ne veut pas que ça arrive au Québec et on pense qu'on est assez compétents et autonomes pour les faire nôtres, ces valeurs-là. Et, moi, comme citoyenne québécoise, quelle que soit l'allégeance politique, je n'aime pas beaucoup ça que le verrou de vigilance soit à papa Ottawa.

M. Couillard: Bien sûr, le cas de l'Alberta est particulier, ils sont assis sur de vastes ressources financières, hein, qui ne sont pas malheureusement disponibles ici. Ha, ha, ha!

Mme Chabot (Louise): C'est noir.

Mme Le Brun (Hélène): C'est noir. Ha, ha, ha! C'est de l'argent pas au noir, ça. Ha, ha, ha! De l'or noir.

M. Couillard: Vous suggérez qu'on élabore ou que le Commissaire lui-même, avec son conseil, élabore un cadre normatif, là, de fonctionnement d'évaluation. Je fais le parallèle avec le Conseil de santé et bien-être dont on a tous souligné la valeur en termes de valeur et pertinence des avis qui ont été déposés au cours des dernières années. Pourtant, la loi constitutive du Conseil de santé et bien-être ne comprend pas de cadre normatif, et il ne s'en fera pas vraiment donner un de façon très stricte, et ça ne les a pas empêchés de se doter et de produire des avis de grande qualité.

Donc, est-ce que le fait d'avoir ou de ne pas avoir ce cadre normatif est en soi un gage de pertinence et de qualité des avis qui pourraient...

n(16 h 10)n

Mme Le Brun (Hélène): Le Conseil de santé et de bien-être n'avait pas, dans ses mandats, une mission d'appréciation du système. Il avait dans ses mandats une mission... des avis sur, oui, l'évolution de la santé et du bien-être de la population, des avis sur des dossiers ad hoc qui étaient présentés, mais il n'avait pas, au coeur même de sa mission, l'appréciation du système. D'ailleurs, le Conseil de santé et bien-être recommandait, que ce soit Commissaire ou autre type d'institution, que le Québec se dote d'un tel cadre. Je pense que ça fera d'ailleurs l'objet de peut-être un de ses derniers avis avant qu'il se voie saboté. Et, nous, on pense que c'est un champ incontournable lorsque la mission principale de l'institution est celle-là.

M. Couillard: Oui, tout à fait.

Mme Chabot (Louise): Puis, dans une appréciation, puis on a bien vu la fonction du système au sens large, comme on le propose, je pense qu'il nous apparaît tout à fait opportun de disposer d'un cadre dans lequel va s'inscrire cette appréciation-là du système. Ça permet à la fois à la population de comprendre dans quel cadre on évalue, et je pense que ça peut être une grille qui soit...

Mme Le Brun (Hélène): Mais c'est d'ailleurs sur la base de cette fonction principale là que, lors de son avis préliminaire, sans se saboter lui-même, le Conseil de santé et bien-être recommandait, oui, que c'était une valeur de société de plus, l'institution d'un commissaire à la santé, parce qu'il disait que cette fonction-là d'appréciation du système ne relevait pas selon eux de strictement le conseil consultatif, mais d'une position qui est un peu un rôle d'inspecteur supérieur, de vérificateur supérieur, et donc c'est pour ça qu'on dit que, nous, on pense que le Conseil de santé et bien-être aurait pu se voir ajouter cette fonction-là, mais, s'il s'était vu l'ajouter, il aurait fallu un encadrement, un rattachement, avec plus de pouvoirs et plus de...

M. Couillard: M. le Président, je pense qu'on a encore du temps, ou...

Le Président (M. Copeman): Il reste quatre minutes, M. le ministre.

M. Couillard: On suggère, dans le texte législatif tel que proposé actuellement, qu'une de ses premières tâches, à ce Commissaire ou cette Commissaire, serait d'élaborer la déclaration. Et j'ai apprécié le fait que vous exprimiez également la réalité qu'il existe des textes de loi un peu partout qui déclarent les droits des gens, mais que souvent la population n'en est que peu informée. Donc, il s'agit de trouver un outil de diffusion de ces droits-là.

Est-ce que vous partagez notre avis que ça devrait être là essentiellement la première tâche majeure du Commissaire de produire ce projet de déclaration? Oui?

Mme Chabot (Louise): Dans notre mémoire, on précisait que, dans la première année, ce serait sur le cadre d'appréciation. Il me semble que ça... Si on le regarde en logique, ça peut être notre logique qui peut être contestée, mais d'abord le rôle principal du Commissaire dans l'appréciation du système... Il me semble que, si d'abord on se donnait ce cadre-là de référence pour être en mesure de bien évaluer, apprécier notre système, on serait peut-être plus en mesure d'élaborer après les droits et les responsabilités qu'on s'attend de nos citoyens. On voyait plus comme première tâche d'élaborer le cadre relatif à l'appréciation.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Chabot, Mme Le Brun et M. Perreault. Alors... Pardon?

Mme Le Brun (Hélène): Beauséjour.

Mme Harel: Beauséjour. Oh! oui, c'est vrai. Mme Perreault est en arrière. M. Beauséjour. M. Beauséjour, bienvenue.

Alors, Mme Chabot et les personnes qui vous accompagnent, de la Centrale des syndicats du Québec, je veux d'abord vous souhaiter la bienvenue au nom de l'opposition et vous féliciter. Vous pourriez légitimement, là, pour d'autres raisons, ne pas avoir l'attitude constructive que vous démontrez depuis le début des travaux de la présente commission. Vous venez, et vous le dites d'ailleurs dans votre mémoire et dans un communiqué qui l'accompagne aujourd'hui, vous demandez des bonifications et vous venez dans un esprit constructif. Je crois que c'est là tout à votre honneur.

Alors, vous nous présentez un mémoire, bien que court, qui est très dense, et je vous félicite, parce que, en général, faire long, ça ne signifie pas qu'on fait bon pour autant. Vous savez qu'au Conseil des ministres un mémoire, ça ne devait pas avoir plus que cinq pages. Je ne sais pas où c'en est rendu maintenant, mais les thèses... C'est plus que ça, maintenant? Non?

Une voix: Ils n'en font pas.

Mme Harel: Ils n'en font pas. Ah! Ils ne le font pas. Ah bon! Ils n'en font pas, de mémoire.

Une voix: C'est réglé.

Mme Harel: C'est réglé. C'est pour ça qu'on est rendus là où on est, devant les tribunaux. Quand ça se règle trop vite au Parlement, c'est devant les tribunaux que ça se retrouve.

Alors, vous nous dites que cette fonction de Commissaire, elle doit reposer sur des valeurs consensuelles ? vous les énumérez dans votre mémoire, l'accessibilité, l'universalité, l'égalité, la justice sociale, le caractère public de ces valeurs consensuelles ? à défaut de quoi il faut comprendre que le Commissaire à la santé, quel que soit son mode de nomination, mais sans doute encore plus si, comme le prévoit le projet de loi n° 38, il était nommé par le ministre, mais le Commissaire à la santé n'aurait pas des orientations claires de la société québécoise, hein, qui lui serviraient en quelque part de garde-fous, là, en matière, si vous voulez... de ces valeurs que vous nous dites consensuelles et qui sont cependant requestionnées. J'en veux à preuve un communiqué de presse de l'ADQ, l'Action démocratique du Québec, dès la semaine dernière, qui concluait, devant le constat d'un nombre accru de personnes en attente hors délai médicalement acceptable de traitement de cancer de sein et de prostate, qui concluait qu'il fallait donc que le secteur privé soit mis à contribution en permettant directement aux personnes de payer pour des services qui sont évidemment attendus impatiemment. Alors, ça reste un débat de société, on ne peut pas prendre pour acquis que ce débat est terminé.

Alors, vous nous dites: Il faudrait que ce débat ait lieu ici, dans le Parlement, à l'Assemblée nationale, et que ce débat se conclue démocratiquement notamment non pas en plaidant que c'est dans la loi fédérale, mais en plaidant que c'est dans une loi démocratiquement adoptée ici, dans le Parlement, qui contient ces dispositions-là. C'est ce qu'on doit comprendre.

Mme Chabot (Louise): Tout à fait. On pense que c'est... De toute façon, on élabore un peu, hein? On le voit, que, de plus en plus, on va être porté, avec la pression qui se fait dans le réseau ? puis on ne peut pas se le cacher ? puis même dans les fonctions qu'il semble plus y avoir du Commissaire, bien qu'on évalue plus l'efficience, sa performance, des critères quantitatifs qui semblent plus être ? ça nous inquiète beaucoup ? qui semblent plus être des critères comptables ou d'entreprise, puis dans une période où, on ne se le cache pas, on a beaucoup de craintes, beaucoup de craintes de voir s'instaurer un système de santé comme dans d'autres secteurs, que nos services publics se voient réduire. Donc, je pense que c'est essentiel de confirmer ces valeurs-là. Ça ne dispose de rien, mais au moins ça nous assoit sur des valeurs communes puis, on pense, qui sont partagées par la population.

Mme Harel: À la page 10, d'ailleurs vous faites référence aux pressions économiques vers des élans accrus de privatisation, ou du moins de partenariat public-privé, et vous dites que ces pressions sont très fortes, et les facteurs inflationnistes sur les coûts de prestation, de plus en plus présents. Donc, il y a une combinaison, là, de facteurs certainement qui vont tendre vers une sorte de recherche de solutions à l'extérieur des balises que l'on connaît présentement.

Dans ce que vous nous présentez, vous faites une nette distinction ? je l'apprécie beaucoup, là, parce que c'est très clair ? entre fonction conseil, d'une part, et fonction de surveillance, de vérification et d'enquête, d'autre part. Et ce qui nous étonne, c'est que vous n'ayez pas réclamé le maintien du Conseil de santé et bien-être pour la fonction conseil. Peut-être a-t-on l'impression en fait que vous avez jeté la serviette trop rapidement, parce que cette fonction conseil, si elle est combinée avec la fonction surveillance, vérification et enquête, bon, bien ça fait une drôle, disons, de bouillabaisse, non?

Mme Chabot (Louise): Bien là en tout cas j'insisterais sur le fait que, non, vous avez raison de dire... On n'a pas jeté la serviette, pas du tout, même. Ce n'est pas parce qu'on ne réclame pas le maintien tel quel du Conseil de santé et de bien-être... Même, on le dit en début de mémoire, on pense que, même avec ce qui est devant nous, ça aurait été peut-être plus simple, et même c'est encore le temps, de dire: Le Conseil de santé et bien-être maintient ses fonctions, on le rend imputable, par diverses modifications, avec les fonctions, puis il aurait très bien pu jouer son rôle.

n(16 h 20)n

On disait: À défaut que ce soit cela et que le projet de loi reste avec le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, c'est à ce point important qu'il faut du moins y associer un comité consultatif interdisciplinaire, intersectoriel qui aurait pu être... On ne s'est pas arrêtés sur: Est-ce que ça aurait dû être le conseil ou une formule qui est la même?, mais je pense qu'il faut bien retenir du propos que, en l'absence, en l'absence de l'indépendance et en l'absence d'un forum démocratique qui vient appuyer le Commissaire, bien là je pense qu'il faut comprendre de notre mémoire que, là, on pense qu'on serait tout à fait à côté de la track.

Je pense que pour nous, là, c'est très fondamental, c'est lié. Surtout si on a bien lu, et avec lequel on est en accord, que ce moyen-là est un peu un organisme supra qui a un pouvoir d'enquête, de vérification, pas juste d'appréciation puis d'avis, mais beaucoup plus large, et qu'on veut, par ce biais-là, redonner confiance aux citoyennes et aux citoyens, il faut absolument que ça s'appuie sur ces deux volets-là.

Mme Le Brun (Hélène): Et aussi c'est qu'on s'est attachés fondamentalement à ne pas faire de débat de nos structures. Aussi, je dirais, on a dénoncé le fait que le projet de loi n° 25 et la loi n° 25 passaient sous, bon, la prédominance du besoin d'intégration des services, qui est très faisable, avec un débat de structures, et on ne voulait pas remettre ça sur la table. Donc, on disait: Nous, au Québec, on a besoin que ces trois fonctions-là puissent exister, c'est-à-dire une fonction conseil, une fonction d'inspection et de vérification de type supérieur et une fonction d'interaction en termes d'information avec la population, collecte de besoins, etc., et que donc, que ce soit sous le chapeau d'une structure ou d'une autre, ce qui est important, c'est de conserver l'autonomie de fonctionnement, l'indépendance et la participation démocratique intersectorielle.

C'est pour ça qu'on disait: Nous, on pense que, oui, le Conseil de santé et bien-être aurait pu recevoir ce nouveau mandat, mais qu'il aurait fallu lui attacher un peu plus de pouvoirs qu'un simple pouvoir consultatif et qu'à cet égard-là, étant donné que le conseil avait lui-même dit qu'une fonction de Commissaire pouvait être un ajout... On dit: Bon, d'accord, mais ne jetez pas l'instance. Donc, pour nous, qu'il s'appelle bureau du Commissaire, Conseil de santé et bien-être, Council of, bon, il doit surtout répondre à des paramètres et à des indicateurs qui soient très présents: l'indépendance et la participation.

Mme Harel: Je voudrais vous parler de cette question de paramètres. Vous avez échangé sur le système d'appréciation que le Commissaire pouvait utiliser, et j'ai demandé à ce qu'on me rende disponible le dictionnaire, parce que, dans un système d'appréciation, vous savez, il y a des nouvelles données qui ne sont pas simples. Je pense au mot «attente». Il y a un an exactement, en mars, là, le Parti libéral annonçait un combat sans merci à l'attente. Alors, c'était le mot honni dans les communiqués. On dit: Le mot honni ? c'est un communiqué, ça, du 27 février 2003 ? le mot que le gouvernement du Parti libéral veut combattre: «attente» ? attente à l'urgence, attente d'une chirurgie, attente d'un examen ? alors que, là, maintenant, dans le nouveau document publié la semaine dernière, on retrouve une nouvelle définition qui est la suivante: «sans délai d'attente exagéré». Donc, c'est le mot «exagéré» maintenant qu'il faut apprécier.

Donc, j'ai regardé dans le dictionnaire qu'est-ce que ça voulait dire, «sans délai d'attente exagéré». Alors, ça veut dire «qui dépasse la mesure». Mais qui fixe la mesure? Et on revient donc en position de départ: Qui fixe la mesure de ce qui est exagéré? Est-ce que c'est juste médical, auquel cas c'est comptable, hein? On peut dire: C'est tant de semaines en délai médicalement acceptable, mais on ne tient pas compte de l'ensemble des autres considérations: l'angoisse, la détresse, etc. Donc, «qui dépasse la mesure».

On voit bien que ces systèmes d'appréciation sont très influencés, finalement, peuvent l'être en tout cas par une foule de facteurs, d'où la nécessité absolue que le Commissaire ait les coudées franches et donc la nécessité absolue d'une nomination indépendante et qui assure son caractère impartial.

Mme Chabot (Louise): Oui, et d'autre part que ça fait donc partie du type d'indicateur d'un cadre d'appréciation et, je dirais encore plus, de l'importance qu'il soit appuyé par un conseil consultatif qui pourra débattre, en tout cas discuter de ces normes. Parce que, une fois qu'on aura apprécié, le nombre devient important, le critère, mais la solution l'est tout autant. Et des fois, justement dans une définition d'un mot, bien si on dit: On n'est plus capable d'y répondre, puis que la solution se retrouve à l'externe, ce n'est pas plus gagnant. Donc, c'est bien, bien important d'avoir les deux dimensions à votre propos.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Il reste à peu près... un peu moins de trois minutes.

M. Bernard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Une question rapide. Vous avez beaucoup parlé du conseil consultatif. Cette question-là a été passablement abordée également par les précédents groupes que nous avons rencontrés. L'idée, moi, me plaît beaucoup au départ, mais, au cours des derniers jours, je me suis quand même posé quelques questionnements par rapport à son rôle. Parce que vous avez surtout... Puis je vais me rattacher à votre recommandation n° 7 à cet égard-là parce que vous avez beaucoup mentionné que le Commissaire doit être indépendant par rapport au gouvernement. Puis une de mes inquiétudes, des réflexions que j'ai par rapport au conseil consultatif, c'est qu'aussi je voudrais que quelque part le Commissaire puisse demeurer indépendant envers beaucoup de groupes, par exemple des acteurs du réseau de la santé. O.K.?

Qu'est-ce que je veux dire par là, c'est que je crois que le Commissaire doit s'assurer d'être indépendant envers les acteurs du système puis des intérêts corporatifs qu'il peut y avoir dans le système, autant les médecins, etc., que les directeurs d'institution, etc. Puis, à ce moment-là, moi...

Dans votre mémoire, entre autres, quand vous dites: Que soit institué, auprès du Commissaire à la santé, un conseil consultatif intersectoriel composé de plus ou moins 20 membres ayant droit de vote, à ce moment-là, je me dis: Avoir un conseil consultatif, droit de vote, est-ce qu'à ce moment-là le Commissaire ne devient pas imputable auprès d'un conseil d'administration, entre guillemets, même s'il est nommé à l'Assemblée nationale, au lieu d'être redevable à l'Assemblée nationale? Puis c'est là, là, la dimension...

J'ai de la difficulté, je vous dirais, à me faire une image comme il faut d'un conseil consultatif s'il devient qu'il a un droit de vote et que le Commissaire doit se rapporter à ce comité-là et non à l'Assemblée nationale, premièrement. Alors, j'aimerais, là, avoir un peu votre vision là-dessus, parce que, moi, je veux m'assurer, pour le bien-être de la population, que le Commissaire demeure indépendant, oui, du gouvernement, mais surtout des intérêts corporatifs; des intérêts, mais des intérêts corporatifs.

Mme Chabot (Louise): Là, je pense que les deux vont de pair. Mais, quand on parle d'un commissaire à la santé et d'un conseil consultatif intersectoriel, si vous avez bien regardé ce qu'on propose, ce n'est pas un conseil consultatif d'intérêt corporatif, au contraire. Là, on parle d'une réelle participation citoyenne démocratique, et c'est là-dessus qu'on veut que le Commissaire puisse s'appuyer et, oui, qu'il reste indépendant. Il aura des avis à fournir à l'Assemblée nationale, mais ce qu'on veut, c'est qu'il soit capable de s'appuyer sur des avis puis que les gens effectivement aient une réelle participation, sans ça ça va devenir informatif ou participatif et sur des points bien précis aussi qu'on avait mentionnés dans notre projet.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Beauce-Nord, suivi par M. le député de Vachon.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, ma question, elle ne sera pas tellement longue. On dit souvent que toutes les lois, les règlements, tout ça, ça vient d'en haut vers la base, mais que les gouvernements souvent sont déconnectés, ne savent pas les réels besoins, et que, de temps en temps, on devrait écouter la base. Demain matin, là, si vous seriez ministre de la Santé, pour sauver de l'argent, pour le problème qu'on a avec les infirmières, qu'il y a un manque d'infirmières, ce serait quoi, votre solution?

Mme Chabot (Louise): Il reste combien de minutes, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Il faut les partager avec le député de Vachon, alors...

Mme Chabot (Louise): Non, mais j'aurais une réponse.

Une voix: Lisez notre plateforme syndicale.

Mme Chabot (Louise): Oui. J'aurais une réponse. Je pense qu'une des fonctions premières... Mais j'imagine que ce n'est pas facile d'être ministre de la Santé et des Services sociaux, pas plus que d'être vice-présidente d'une centrale syndicale parfois, mais...

Une voix: ...

Mme Chabot (Louise): Ah, bien, peut-être, oui, l'histoire d'un jour. Mais je dirais que je partirais de valeurs quand même puis... que toute action gouvernementale ou une action d'un ministre, quelle qu'elle soit, soit basée sur effectivement des valeurs où c'est le bien commun qui doit dominer notre action. Donc, le bien commun, ça s'inspire effectivement de valeurs importantes, puis je pense que ce serait la ligne de force et non pas une ligne strictement économique.

M. Grondin: Je trouve que votre réponse est bien. Moi, je pense que vous devriez regarder la politique de près. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Je veux faire écho à la position du député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue qui affirme qu'il est d'accord avec le fait que le Commissaire doit être indépendant du gouvernement et donc qui sans doute appuie l'idée de nomination par l'Assemblée nationale et d'un rapport direct avec l'Assemblée nationale. Et, pour les fins de notre discussion avec nos invités, je voudrais revenir sur la question de la disparition du Conseil de santé et bien-être prévue par la loi.

n(16 h 30)n

Je sais que vous ne voulez pas parler de structures, mais c'est à votre corps défendant, puisque ce n'est pas vous qui avez suscité ce débat au point de départ. C'est la première version du projet de loi qu'on a devant nous qui prévoit la disparition du conseil en même temps qu'il ne prévoit pas une nomination indépendante. Dans les deux cas, là, on parle à la fois de structures qui ont un impact considérable sur la façon dont la fonction de surveillance et la fonction conseil pourraient être éventuellement jouées par les instances...

Alors, voici ma question. La Fédération des travailleurs du Québec disait, ce matin: Il faut maintenir le conseil parce que le conseil peut donner des avis directement au gouvernement... c'est-à-dire au ministre, qui ensuite peut ou non décider d'appliquer ses recommandations, alors que le Commissaire serait peut-être malvenu de le faire parce qu'il serait en conflit d'intérêts avec ses deux missions. Autrement dit, le Commissaire plaiderait auprès du ministre un certain nombre de recommandations puis ensuite se retournerait vers l'Assemblée nationale et dirait: Le ministre a fait ou n'a pas fait ce que je lui ai demandé de faire en tant que Commissaire. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et j'aimerais aussi vous entendre sur le fait que certains ont prétendu, devant cette commission, que la même fonction, le même Commissaire pourrait peut-être difficilement, de toute façon, voir aussi bien à la surveillance du système de santé et en même temps voir à la santé beaucoup plus globalement de la population du Québec et à son bien-être à travers les politiques et à travers l'étude des grands déterminants de la santé. J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects de la question, si vous permettez.

Mme Chabot (Louise): Bien, sur la première chose, je vous inviterais quand même à... Je pense qu'Hélène a répondu, là, sur... On n'a pas voulu faire de débat bien...

Je tiens à reconnaître que le Conseil de santé et bien-être, là, pour nous, c'était de haute qualité, puis je pense que ses avis... Puis on va même plus loin en disant que le projet de loi ne nous a pas démontré l'utilité qu'on devait se départir du Conseil de santé et bien-être.

M. Bouchard (Vachon): J'ai bien lu ça, oui.

Mme Chabot (Louise): Puis là on est actuellement dans le cadre d'une restructuration où on voit qu'il y a des organismes qui peuvent disparaître ou être remplacés. Ça ne nous apparaît pas toujours évident puis ce n'est pas probant. Mais, cela dit, ce qu'on a vu quand même comme différence ? on n'a pas voulu faire un débat de qui devrait le reprendre ? entre un rôle de Commissaire à la santé par rapport au rôle Conseil de santé et bien-être, c'est justement quand on faisait la distinction d'un rôle de Conseil supérieur par rapport à un rôle de Commissaire, toute la fonction de surveillance, d'enquête et d'appréciation aussi des politiques gouvernementales en matière de santé et de services sociaux, qui n'était pas dans le rôle initialement prévu du Conseil de santé et bien-être. Pour nous, je pense que c'étaient deux rôles très distincts. C'est pour ça que, comme on le prétendait, pour le Commissaire, je pense qu'il y a une fonction plus proche, je vais le dire dans mes termes... Mais il faut être capable de maintenir cette fonction-là conseil qui demeure nécessaire quand même à des avis éclairés pour cette personne-là, dans le but de fournir des avis éclairés à l'Assemblée nationale. C'est un peu comme ça qu'on l'a vu.

Le Président (M. Copeman): Il reste deux minutes, monsieur.

M. Bouchard (Vachon): Alors, si je comprends bien, vous n'êtes peut-être pas convaincus ni persuadés, mais vous pensez qu'un même commissaire pourrait à la fois assumer ces fonctions d'analyste de la santé, des politiques de santé, des grands déterminants de la santé et du bien-être des Québécois, puis à la fois porter son attention plus spécifique sur le fonctionnement du système et comment le système répond à ces grands besoins. C'est ce que je comprends de votre position.

Mme Chabot (Louise): Bien, c'est parce qu'il y a des dimensions, dans ça, de santé publique. Mais on a vu un rôle d'appréciation du système qui va faire une différence quand même avec l'évaluation. Mais, oui, on a vu la lecture qu'il pouvait... Mais c'est possible, là, c'est possible ? puis on n'a pas tout regardé ? il peut y avoir des conjugaisons, ou des zones grises, ou peut-être un dédoublement peut-être avec d'autres fonctions. Mais on l'a vu quand même comme au-dessus de tout ça.

Par exemple, si on prend la santé publique, l'Institut national de santé publique, c'est un institut qui a un certain rôle d'avis sur santé et bien-être, effectivement, mais qui est un organisme qui est déjà présent dans notre système de santé et de services sociaux. Et, pour le Commissaire, un commissaire appuyé, c'est aussi sa fonction d'évaluer ou d'apprécier le rôle des organismes. Donc, on faisait là une distinction, oui, effectivement.

Mme Le Brun (Hélène): C'est pour ça qu'on disait que, pour nous, le Commissaire à la santé et au bien-être ne se substituait, en aucun cas, ni au ministre, ni au ministère, ni aux missions du ministère. Donc, pour nous, il est clair que la Santé publique a la mission de faire l'analyse de la santé de la population, de faire les programmes, les appliquer, etc. Ce n'est pas le Commissaire qui a cette mission-là. Il se situe à l'extérieur, en vigie de ces fonctions-là.

Le Président (M. Copeman): Mme Chabot, Mme Le Brun, M. Beauséjour, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

 

(Reprise à 16 h 40)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! À l'ordre! Ça nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de la Confédération des syndicats nationaux, Mmes Boucher, Roy et Lapierre. Mme Boucher, vous savez comment ça marche, vous avez une présentation à faire d'une durée maximale de 20 minutes, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous invite à débuter votre présentation.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Boucher (Denise): Merci, M. le Président. M. le ministre, délégués de l'opposition, alors, pour la CSN, la présente commission parlementaire consacrée à l'étude du projet de loi n° 38 instituant un commissaire à la santé et au bien-être offre une occasion d'exprimer nos attentes en matière de transparence, de démocratisation et d'évaluation des réseaux public et privé de services de santé et de services sociaux. En effet, dans le contexte où d'importants bouleversements frappent à nouveau nos établissements publics, les personnels qui y travaillent et les personnes qu'ils desservent, la question de l'évaluation soulevée par le projet de loi n° 38 ne manque pas de pertinence.

Avec un budget de 19 milliards en 2003-2004, les services de santé et les services sociaux accaparent maintenant 41,7 % des dépenses gouvernementales. C'est là une somme considérable, et bien sûr, comme le formulait l'économiste Robert Evans devant la commission Clair, il est légitime de nous demander ce que nous obtenons en retour pour les efforts que nous investissons. Nous convenons qu'il est important d'y voir clair, car maintes analyses prédisent que les dépenses de santé continueront de croître avec le vieillissement de la population, le développement des technologies médicales, l'apparition de nouvelles maladies, etc.

Depuis longtemps, bien avant la réforme amorcée par l'ancien ministre libéral Marc-Yvan Côté, visant à mettre le citoyen au centre du système, nous sommes, à la CSN, du camp qui réclame qu'une politique de santé et de bien-être serve de cadre formel d'orientation et d'évaluation pour la gouverne du système de santé et de services sociaux du Québec dans le respect intégral des cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Mais les gouvernements qui se sont succédé à Québec n'ont pas eu cette logique, puisque les réformes de structures se sont succédé indépendamment de la Politique de la santé et du bien-être adoptée en 1992. Pourtant, celle-ci fixait une série d'objectifs d'amélioration de la santé et du bien-être à atteindre sur une période de 10 ans. Considérant des facteurs déterminants en matière de santé et de bien-être, cette politique identifiait six stratégies d'action orientées vers les objectifs énoncés. Malheureusement, cette politique a été éclipsée derrière la priorité absolue accordée aux économies budgétaires. On s'est donc retrouvé dans une suite de changements de structures sans véritables objectifs liés à la mission du système.

Nous considérons néanmoins que cette première Politique de la santé et du bien-être indique la voie à suivre pour introduire des objectifs de résultats en santé, lesquels devraient se retrouver sur les tableaux de bord des gestionnaires du réseau. C'est dans cette perspective que nous abordons le projet de loi n° 38.

Précisons d'entrée de jeu que, pour ce faire, nous avons bénéficié de l'éclairage de l'avis L'institution d'un Commissaire à la santé, produit par le Conseil de la santé et du bien-être, de même que du colloque qu'il organisait, en décembre dernier, sur le thème de l'évaluation et intitulé Comment faire mieux pour apprécier à sa juste valeur le système québécois de services de santé et de services sociaux pour et avec la population?

Pour commencer, faisons notre propre survol de la situation en matière d'évaluation et de reddition de comptes des diverses composantes du système de services de santé et de services sociaux. Présentement, un très grand nombre d'acteurs se partagent des responsabilités de reddition de comptes, d'évaluation et de suivi, et plusieurs aspects du système font l'objet d'évaluations spécifiques dont la responsabilité incombe à des instances distinctes. Dans l'état actuel des choses, on peut différencier trois grand niveaux de responsabilités: à l'échelle la plus large, l'évaluation générale de l'état de santé et de bien-être de la population relève de la mission de la santé publique; à l'échelle du réseau, la reddition de comptes et le suivi du système de services de santé et de services sociaux dans le contexte des politiques, programmes et orientations ministérielles relève du ministère de la Santé et des Services sociaux et des agences régionales; enfin, une responsabilité d'évaluation au niveau d'objets plus restreints et plus spécialisés, comme l'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, qui relève de l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, ou encore l'évaluation de la qualité des services, qui relève des organismes d'agrément opérant en collaboration avec les établissements.

D'autres organismes exercent des responsabilités d'évaluation ou de suivi. Les ordres professionnels surveillent et encadrent les pratiques professionnelles selon leurs champs respectifs. Le Vérificateur général du Québec à l'occasion analyse la gestion de certaines politiques publiques. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à la suite de plaintes, évalue des situations problématiques touchant des personnes aînées, des jeunes, etc. Le champ de l'évaluation et de la reddition de comptes en santé se présente donc comme un enchevêtrement complexe de responsabilités et d'acteurs qui livrent des informations certes rigoureuses mais souvent partielles, discontinues et disparates, faute d'intégration suffisante des outils, des efforts et des résultats.

Il en résulte des suivis incomplets et des visions fragmentées ou floues des transformations menées à l'enseigne du virage ambulatoire ou entreprises en santé mentale, en déficience intellectuelle ou physique. Il en résulte aussi des lacunes persistantes d'imputabilité et de zones troubles sur plusieurs questions brûlantes, tels les services sociaux, les médicaments et les technologies médicales, les partenariats public-privé ou encore les systèmes d'information et les données sensibles des dossiers médicaux, les aspects éthiques de la recherche, etc.

Par ailleurs, au quotidien, nous constatons l'absence flagrante de participation des usagers et des citoyens dans le suivi de l'évaluation du système de santé, à l'exception des enquêtes de satisfaction individuelles faites par les établissements. Au total, pour la CSN, les capacités actuelles d'évaluation et de reddition de comptes ne sont pas à la hauteur des attentes et des défis à relever, alors que d'autres provinces et d'autres pays font beaucoup mieux à cet égard.

Dans son avis, le Conseil de la santé et du bien-être concluait qu'un commissaire chargé d'évaluer systématiquement résultats et performance à une certaine distance du ministère, dans une perspective globale, large et continue, pourrait constituer une innovation intéressante, puisque nulle instance actuelle n'a précisément ce mandat, non plus que les moyens de l'exercer. En outre, le conseil a formulé des recommandations pour que les progrès en matière d'évaluation s'appuient sur une promotion et une reconnaissance effective des droits collectifs des citoyens face à leur système: droit à un système de qualité, droit à une information juste et transparente, droit de participer à sa gestion.

Rappelant un précédent mémoire dédié à la participation publique au système de services de santés et de services sociaux, le conseil souligne «qu'une population bien informée qui participe à la gestion des services publics avec des moyens et la confiance appropriés et qui suscite des coopérations contribue non seulement à la qualité et à l'efficience de la gestion, mais aussi à la santé et au développement des communautés». À la CSN, c'est sur la base de ce cadre d'analyse et de nos valeurs de justice, d'équité et de solidarité avec l'ensemble des groupes préoccupés par la préservation et la consolidation de notre système public de santé et de services sociaux que nous abordons maintenant le projet de loi n° 38.

Dans ses grandes lignes, le projet de loi n° 38 propose, dans une perspective d'amélioration de la santé et du bien-être, la création d'un nouveau poste de Commissaire à la santé et au bien-être venant se substituer au Conseil de la santé et du bien-être et au Conseil médical du Québec. C'est le gouvernement qui nomme le Commissaire et détermine sa rémunération et ses conditions de travail. Les membres de son personnel sont nommés conformément à la Loi sur la fonction publique.

L'article 10 du projet de loi prévoit trois grandes responsabilités au Commissaire: l'appréciation des résultats et de la performance globale du système; la production d'information au gouvernement et à la population pour une compréhension globale des grands enjeux des services de santé et services sociaux, notamment la qualité, l'accessibilité, l'intégration, l'assurabilité, le financement, les aspects éthiques, les médicaments et les technologies; troisièmement, la formulation d'orientations et d'avis pour améliorer, d'une part, l'efficacité ou l'efficience du système et, d'autre part, l'état de santé et du bien-être de la population, notamment par l'analyse rétrospective des impacts des politiques gouvernementales et la suggestion d'orientations pour élaborer la Politique de la santé et du bien-être.

En outre, l'article 12 lui assigne la responsabilité particulière, au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi, de proposer un avis au ministre et aux établissements de santé et de services sociaux sur la manière d'informer la population de ses droits et responsabilités en santé. C'est, sans la nommer explicitement, l'idée de charte des droits et responsabilités des citoyens dont parlait le programme libéral.

Un vaste ensemble de fonctions et de pouvoirs sont octroyés au Commissaire pour exercer ses responsabilités: effectuer ou faire effectuer des études, enquêtes ou sondages, former des comités de travail, consulter et solliciter des opinions, recevoir ou entendre des requêtes, requérir la collaboration du ministre et de ses organismes, ainsi que la possibilité de se désigner des commissaires adjoints.

Au chapitre de ses obligations, le Commissaire doit également déposer un rapport annuel d'activité ainsi qu'un rapport financier au ministre, qui les dépose ensuite, dans les 30 jours, à l'Assemblée nationale pour étude. Enfin, il doit produire un rapport sur la mise en oeuvre de la loi au plus tard cinq ans après son entrée en vigueur. Le projet de loi prévoit également que le mandat du Commissaire est de cinq ans, renouvelable une seule fois, et que c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux qui est responsable de l'application de cette loi.

Pour l'essentiel, le projet de loi n° 38 retient le choix d'une mission principale centrée sur l'évaluation de la performance du système et l'information à ce sujet. C'est un choix légitime qui correspond à une nécessité reconnue et que partage la CSN. Cependant, sa mise en place requiert de substantielles améliorations afin que l'action du Commissaire s'inscrive dans la perspective du développement de la santé et du bien-être sur l'ensemble du territoire québécois et de la consolidation d'un système de santé et de services sociaux public, accessible et universel. À cet égard, deux préoccupations nous habitent.

n(16 h 50)n

Première préoccupation, il faut que cette nouvelle institution favorise la reconnaissance et la promotion des droits en matière de santé et de services sociaux: droit à un système et à des services de qualité, accessibles et universels; droit à une information juste et transparente; droit de participer à la gestion du système; droit à un environnement sain.

L'éventuelle charte des droits évoquée dans le projet de loi sera la première responsabilité du Commissaire à se concrétiser. Elle devra réaffirmer les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé et fournir à la population la liste de ses droits individuels et collectifs en matière de santé et de services sociaux. Son élaboration devra se faire de manière démocratique, en faisant participer autant les usagers et les citoyens que les acteurs du réseau et les experts en droit, et s'appuyer sur de larges débats publics avant son adoption.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans son rapport-bilan soulignant les 25 ans de la Charte québécoise des droits et libertés, formule précisément les orientations en ce sens: «L'attachement aux valeurs de solidarité propres à l'État social revêt une importance cruciale dans un monde où se creusent les inégalités et où la pauvreté prend des formes nouvelles.»

En matière de droit à la santé, elle recommande «que la charte reconnaisse le droit de toute personne de bénéficier des programmes, biens, services, installations et conditions lui permettant de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu'elle puisse atteindre».

En outre, elle signale que la Charte sociale européenne reconnaît un droit à la protection de la santé et qu'au Sommet de la Terre de Rio, en 1992, le droit à un environnement sain a progressé avec la déclaration que «les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive, en harmonie avec la nature.» C'est ce que nous avons à l'esprit en regard de l'éventuelle charte des droits en matière de santé et de services sociaux, afin qu'elle définisse les assises juridiques pour agir et nous mobiliser collectivement dans une perspective de développement durable et d'amélioration de la santé et du bien-être.

Notre deuxième préoccupation porte spécifiquement sur le droit de la population de participer à la gestion et à l'évaluation du système de santé. Dans cette optique, nous proposons que le projet de loi n° 38 crée une commission citoyenne rattachée au Commissaire de la santé et au bien-être, comme cela existe, par exemple, au Royaume-Uni et en Saskatchewan. Dans notre proposition, cette commission jouerait un rôle stratégique essentiel auprès du Commissaire afin de baliser et guider l'orientation de ses travaux. Par sa composition, cette commission véhiculerait auprès du Commissaire les préoccupations présentes dans la population concernant l'état du système de santé et de bien-être. Elle pourrait jouer un rôle conseil sur les sujets devant faire l'objet d'études ou de consultations populaires. Elle pourrait également conseiller le Commissaire sur la manière de rendre accessibles les analyses et informations qu'il produit au plus grand nombre de personnes et d'organismes dans la population. Bref, nous croyons que la création d'une telle commission citoyenne pourrait contribuer à une plus large compréhension des enjeux touchant le système de santé et de services sociaux et ajouter de la crédibilité à cette nouvelle institution qu'est le Commissaire à la santé et au bien-être.

Étant donné l'apport positif des travaux et avis réalisés par le Conseil de la santé et du bien-être, nous suggérons que la composition de cette commission citoyenne rattachée au Commissaire s'inspire de celle du défunt conseil.

Par ailleurs, la CSN déplore l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être, dont les contributions ont nourri la société québécoise et suscité des débats novateurs à l'échelle des régions puis du Forum national sur le développement social en 1998. Comme plusieurs, nous aurions préféré conserver le conseil, en bonifier le mandat. À défaut, une commission citoyenne devra poursuivre sa fonction d'alliée de la population.

Cette perspective d'ensemble maintenant établie, examinons plus attentivement certains éléments du projet de loi. Diverses précisions et modifications s'imposent à l'égard des finalités et responsabilités envisagées.

L'énoncé des buts, à l'article 2 du projet de loi, nous semble manquer de clarté, particulièrement quand on évoque «l'ensemble des éléments systémiques interactifs». Quel poids auront, dans cet ensemble, les besoins et attentes de la population face aux considérations budgétaires? Quelle place sera accordée à l'évaluation des services privés de santé et de services sociaux? Comment seront traitées les questions concernant la reconnaissance et l'encadrement des médecines alternatives? Voilà autant de questions qui mènent à considérer la nécessité de doter le Commissaire d'un cadre formel d'évaluation pour en préciser les contenus et les limites. Pour la CSN, ce cadre doit être défini avec l'adoption d'une nouvelle politique de la santé et du bien-être précisant les objectifs à atteindre et les stratégies à déployer pour les prochaines années.

D'autre part, il serait utile que le projet de loi précise que le ministère, les agences régionales, les établissements locaux et leurs partenaires doivent continuer à évaluer leurs résultats et à rendre des comptes à la population localement et à l'instance appropriée du réseau de santé et de services sociaux. De cette façon, nous comprenons que la mise en place du Commissaire s'inscrit en continuité avec les responsabilités actuelles dévolues à la Direction de la santé publique, notamment en termes de surveillance et d'information de la population sur l'efficacité des interventions et sur les mesures de protection de santé et de bien-être.

Cela dit, il y aurait lieu que soit clarifiée la fonction du Commissaire portant sur le suivi de l'état de santé et du bien-être de la population, puisque cette fonction correspond à celle dévolue aux autorités de la santé publique en vertu de la Loi sur la santé publique de 2001 et spécifiée dans le Programme national de santé publique 2003-2012. Nous souhaitons que la Santé publique continue d'être le maître d'oeuvre de cette évaluation et que soient clarifiées les fonctions et la collaboration avec le Commissaire.

Par ailleurs, nous jugeons essentiel d'ajouter au projet de loi deux objets d'évaluation devant relever du mandat du Commissaire: la manière dont les organisations du système de santé et de services sociaux s'acquittent de leurs responsabilités à la fois en matière d'information aux citoyens et de participation de la population. Ces ajouts nous semblent des mesures propices à responsabiliser les gestionnaires à une reddition de comptes plus complète et transparente et à favoriser le fait que les citoyens d'un territoire se sentent directement impliqués dans leur système de services, contribuant à tisser des liens entre les usagers, les citoyennes et les citoyens et les responsables locaux et régionaux de services. Dans notre esprit, il faut reconnaître à la population le droit d'être un acteur à part entière et d'influencer vraiment les décisions. Cette participation améliore les décisions des administrateurs et permet de rétablir la confiance envers les services publics, de sorte qu'en bout de ligne l'obligation de transparence incite à la performance.

Cependant, comme l'exprimait Deena White au récent colloque sur l'évaluation du Conseil de la santé et du bien-être, il faut soutenir cette participation de diverses manières. D'abord, il y a lieu de reconnaître le déséquilibre existant entre les usagers et les usagères, se percevant petits dans le système de soins et services, comparativement aux professionnels du réseau, se percevant volontiers comme puissants ou savants. Cette hiérarchie des perceptions doit être prise en considération par celles et ceux qui ont le pouvoir afin de faire évoluer les attitudes dans le sens d'une réelle écoute des opinions exprimées par la population. À cet égard, l'expérience des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes est éloquente pour démontrer que la participation demande du temps, de l'accueil, du respect et donc forcément un savoir-faire et des ressources appropriées. L'expérience du Bureau d'audiences publiques en environnement depuis 25 ans est également probante à ce sujet, puisqu'elle révèle une participation croissante de la population aux activités du Bureau d'audiences. D'ailleurs, le BAPE est formellement mandaté pour mettre en oeuvre les moyens nécessaires à cette participation.

En portant spécifiquement attention aux façons dont les organisations des services de santé et des services sociaux s'acquittent de leurs responsabilités en matière d'information aux citoyennes et citoyens et de participation de la population, le projet de loi enverra un signal puissant et encourageant pour que les gestionnaires développent des canaux les rapprochant véritablement des personnes à qui les services s'adressent.

Étant donné l'importance du mandat qui doit être confié au Commissaire à la santé et au bien-être en matière d'évaluation, d'information, de recommandation et compte tenu des difficultés qui traversent le système sociosanitaire québécois depuis plusieurs années, il nous apparaît essentiel que soit garantie au Commissaire l'indépendance nécessaire vis-à-vis l'autorité gouvernementale et celle du ministre concerné.

L'article 1 du projet de loi prévoit que le Commissaire à la santé et au bien-être est nommé par le gouvernement. Nous croyons que cette disposition est susceptible d'entraver cette indépendance nécessaire. Sans prétendre que les personnes ou les organismes qui se voient confier des mandats par le gouvernement sont obligatoirement contraints par les impératifs politiques inscrits à l'agenda de ce gouvernement, nous croyons, dans le contexte actuel des services de santé et des services sociaux, qu'il faut à la fois assurer l'indépendance et l'apparence d'indépendance du Commissaire dans le but de favoriser la crédibilité de ses travaux. C'est pourquoi nous demandons que l'article 1 soit modifié afin que le Commissaire à la santé et au bien-être soit nommé directement par l'Assemblée nationale, avec approbation d'au moins les deux tiers de ses membres. C'est ce type de disposition qui prévaut pour le Vérificateur général ou pour le Protecteur du citoyen. C'est aussi ce que proposait le programme électoral du Parti libéral du Québec.

Conséquemment, comme pour ces autres institutions, l'article 17 du projet de loi doit être modifié afin de prévoir que le Commissaire remette le rapport annuel de ses activités au président de l'Assemblée nationale, lequel le dépose devant l'Assemblée nationale dans les trois jours suivant sa réception. Cela dit, nous croyons que les dispositions des articles 10 et 11 traitant de la collaboration entre le ministère et le Commissaire à la santé et au bien-être doivent être maintenues. Pour être efficace, le rôle du Commissaire doit aussi s'adresser au pouvoir exécutif.

n(17 heures)n

Autre point non négligeable, le Commissaire à la santé et au bien-être doit disposer de ressources budgétaires suffisantes pour assurer et assumer ses fonctions et l'importance du mandat qui lui est confié. À notre avis, ce serait une grave erreur d'inscrire la création de cette nouvelle institution dans le processus de réingénierie visant à réduire les dépenses publiques. Il est vrai que cette nouvelle institution se substituera à deux organismes existants, le Conseil de la santé et bien-être et le Conseil médical du Québec, mais ses fonctions et son mandat sont plus larges et importants que ceux confiés aux deux autres organismes qui disparaissent. Conséquemment, il ne peut y avoir d'économie dans l'opération. Le budget alloué au Commissaire à la santé et au bien-être doit être nettement supérieur à celui alloué aux deux organismes qu'il représente.

Le Président (M. Copeman): En conclusion, s'il vous plaît, Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): J'ai terminé.

Le Président (M. Copeman): Parfait. Je ne savais pas que j'avais autant d'influence, mais c'est bien apprécié. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, mesdames. Merci, madame, pour votre présentation. Je dois dire que la rédaction en est particulièrement élégante. J'ai apprécié la qualité de la langue française qui est contenue dans ce mémoire, entre autres, et évidemment le contenu également.

Vous avez posé, dès l'entrée de jeu, le défi fondamental du système de santé, de tous les systèmes de santé occidentaux, qui est la part croissante dans les dépenses publiques vis-à-vis des revenus publics, qui n'augmentent pas aussi rapidement, et les pressions structurelles très importantes amenées pas le vieillissement, les technologies et les médicaments, entre autres, mais surtout. Est-ce que vous pensez que l'introduction d'un commissaire, avec les modifications que vous soulevez, peut nous aider à réaliser ce difficile arbitrage, là, entre finalement les besoins collectifs et les besoins individuels, dans le cadre de ces limitations dans les moyens de payer finalement de toutes les sociétés?

Mme Boucher (Denise): Bien, nous, nous croyons au Commissaire, on l'indique dans notre rapport. Je pense qu'il y a une erreur à laquelle il ne faudrait pas souscrire, c'est celle de vouloir lier la question de réduction budgétaire dans le réseau de la santé et des services sociaux et qu'il ait à jouer ce rôle-là. S'il devait jouer ce rôle-là, le Commissaire, à notre avis ce serait le très mauvais rôle.

C'est vrai qu'il y a des pressions, mais vous n'êtes pas sans savoir... On aurait peut-être dû le mettre dans notre mémoire, mais il y a un déséquilibre fiscal qui est dû aussi... et il y a une lutte à faire avec le fédéral, et on l'a souvent dit, et on le dit à chaque fois: Si vous voulez faire une lutte à cet égard sur la question du déséquilibre fiscal, la CSN s'inscrira en arrière de vous pour aller chercher ces sous-là au fédéral. Je pense que, oui, il y a des pressions, elles sont importantes, mais en même temps ne faites pas jouer ce rôle au Commissaire, d'être celui qui va être l'agent du Service du budget. À notre avis, ce n'est pas ça. On est capables de résoudre... et on peut travailler sur différents facteurs, mais en même temps il faut qu'on fasse les bonnes évaluations, et, je vous le dis, si ça doit s'inscrire dans le cadre de la réingénierie, ce serait bien malheureux.

M. Couillard: Mais évidemment on n'est pas dans le contexte actuellement qu'on a connu dans les différentes années de réduction budgétaire, là. On a augmenté les crédits de 7,2 % en santé l'an dernier et on va encore les augmenter cette année, de sorte que, là, on n'est pas dans une perspective de coupures, là, on est dans une perspective de limiter, je dirais, la croissance des dépenses, dans une perspective d'ajout annuel, compte tenu des revenus du gouvernement. Alors, c'est ça, l'essence des choix, là. Les seuls systèmes de santé au monde où on peut tout avoir tout de suite, c'est ceux où le patient ou la personne paie directement selon ses moyens, et on sait que c'est foncièrement socialement inacceptable pour le Québec d'avoir un système comme ça. Donc, quelque part il y a un arbitrage à faire, là, et à mon avis l'arbitrage essentiel, c'est entre les besoins collectifs de la population...

Puis Mme la députée, ce matin, l'illustrait avec la question des médicaments pour le cholestérol, par exemple, qui coûtent des centaines de millions de dollars. D'autres diraient: Bien, il faudrait plutôt investir dans les habitudes de vie, l'exercice, etc. Mais la personne, elle, qui se présente chez le médecin, elle, elle veut avoir son médicament pour le cholestérol. Puis on peut faire la même remarque pour les technologies. Alors, est-ce que vous pensez que ce débat-là peut être éclairé par le Commissaire? Est-ce que ça peut aider à résoudre ces questions-là, peut-être comme prise de conscience de la population?

Mme Boucher (Denise): Avant de laisser la parole à Andrée, si j'ai fait la mise en garde, c'est parce que c'est dans le discours qu'on entend, tu sais, sur la réduction de la dette et tout. Alors, comme on commence à être un peu frileux, frileuses, c'est pour ça que je faisais la mise en garde tout de suite.

En même temps, par rapport aux médicaments, on a déjà souligné l'importance aussi d'avoir une politique du médicament, et ça, on est toujours en attente de ça. Et ça, ça pourrait être un des éléments pour lesquels on pourrait avoir du contrôle. Mais je laisse la parole à Andrée.

Mme Lapierre (Andrée): Je pense qu'effectivement un cadre d'évaluation formel... Ce n'est pas tant le Commissaire que le cadre d'évaluation qui va nous permettre, je pense, de faire les choix. Le degré de participation des acteurs privés dans le système a une influence sur les coûts, c'est connu. Le degré d'investissement qu'on a dans les hôpitaux plutôt qu'en première ligne, ça aussi, ça a de l'influence. Les facteurs croissants des dépenses, on le voit, c'est médicaments, médecins aussi très récemment. Dans les ajouts qu'il y a dans le système de santé, malheureusement très peu aboutissent à développer réellement des services nouveaux. Il y a un problème là, puis c'est sûr qu'un cadre d'évaluation devrait permettre...

Par contre, moi, je pense que, dans les lacunes d'évaluation qu'on doit constater, c'est qu'effectivement on n'est pas capables de faire le suivi du virage ambulatoire, de la Politique en santé mentale, de la Politique en déficience intellectuelle, de la Politique à l'égard des personnes handicapées parce qu'il y a eu des pinottes d'investies dans la communauté puis que l'argent reste toujours pris dans le système, dans le réseau comme tel, et je ne pense pas que c'est les partenaires privés qui vont venir aider à faire ça, mais un cadre formel sur lequel on va se fixer des objectifs clairs, et c'est pour ça que c'est la Politique de santé et bien-être qui doit être maître d'oeuvre de ça.

M. Couillard: M. le Président, vous avez raison, les dernières années ont été, je dirais, l'âge d'or de l'hospitalocentrisme, mais heureusement nous avons tourné le dos à cette époque depuis l'an dernier.

Vous avez utilisé le parallèle du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement tantôt. Je suis intéressé parce que vous accordez beaucoup de crédibilité à cet organisme alors qu'il s'agit d'un organisme nommé par le gouvernement. Et vous avez fait attention dans vos remarques. J'ai apprécié la distinction. Vous avez dit: Ce n'est pas nécessairement parce que quelqu'un est nommé qu'il n'a pas de crédibilité ou d'indépendance, et il y a des exemples également. Mais vous insistez quand même... que le Commissaire soit nommé par l'Assemblée nationale, je crois, pour la perception, la crédibilité que ça donnerait auprès du public.

Est-ce que c'est la raison principale? Parce qu'on ne peut pas préjuger de l'indépendance d'esprit ou de l'honnêteté intellectuelle et de la rigueur d'une personne d'après son statut seulement. Donc, je suppose que c'est le message que ça envoie à la population. C'est ça, pour vous, qui est...

Une voix: Mme Roy.

Le Président (M. Copeman): Mme Roy.

Mme Roy (Josée): Par rapport au BAPE, bon, le mode de nomination, on a mis nos réserves là-dessus. Par rapport au système de santé, le degré de confiance est tellement à rétablir qu'on parle aussi d'indépendance et d'apparence d'indépendance. Alors, on pense que le pas de la nomination par l'Assemblée nationale dans le cas du Commissaire à la santé est assez incontournable.

Par rapport au BAPE, on en parle particulièrement dans le chapitre de la participation de la population, où, par le fait qu'il a un mandat d'aider la population à se prononcer, à venir faire des représentations, avec les règles qu'il a établies pour la participation de la population, eh bien, on constate que ça réussit et que la population participe de plus en plus. Quand on parle de participation de la population, il y a eu beaucoup de... les représentants de la population ont été sortis des conseils d'administration dans les dernières années. Nous, on croit que ça a été fait de façon prématurée. On pense que la participation de la population, c'est quelque chose qui a besoin d'être soutenu, que les gens ont besoin d'être aidés dans leur participation. Et, le modèle du BAPE, on l'amène ici dans ce sens-là.

On pense que c'est vrai qu'il y a eu des ratés dans certains cas par rapport à la participation de la population dans certains conseils d'administration, mais on pense qu'il n'y a pas eu assez d'efforts de mis pour aider la population à participer et on continue de croire que cette participation-là est essentielle dans un système qui nous touche d'aussi proche que le système de santé et de services sociaux.

M. Couillard: La question du Forum citoyen, là... Puis c'est le Conseil de santé et bien-être également qui nous a recommandé, évidemment un peu la tristesse dans l'âme, mais, dans l'éventualité de leur disparition, qu'on intègre ce Forum citoyen au rôle ou au mandat du Commissaire. Ils nous ont même fait des recommandations assez précises sur la composition de ce forum-là, qui s'approche beaucoup de la composition actuelle. Mais ils ont ajouté également la présence de deux députés de l'Assemblée nationale au forum.

Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?

Mme Boucher (Denise): Moi, je vous dirais que je ne verrais pas d'opposition. Nous, on n'a pas donné de modèle sur à quoi pourrait ressembler le forum. La seule indication qu'on dit, c'est qu'il faudrait que ça puisse être similaire à ce qu'on connaît déjà au Conseil de santé et bien-être. Alors, si on veut y ajouter deux membres de l'Assemblée, moi, je vais vous dire, je ne pense pas que... On ne fera pas de chicane là-dessus, je vous le dis tout de suite. À mon avis, là, ça, ce n'est pas majeur, selon nous.

M. Couillard: Pour ce qui est de la déclaration des droits et responsabilités des usagers ou de la population, là, est-ce que vous partagez l'avis émis par plusieurs que ces droits-là existent déjà dans le cadre législatif et qu'il s'agit de les ramasser sous forme de déclaration d'information, puisqu'il semble que le problème ne soit pas tellement l'inexistence de ces droits, mais plutôt le fait que la population en soit relativement peu informée? Parce qu'on peut trouver, dans les différents textes législatifs, l'ensemble des garanties de droits que la population souhaite instinctivement ou intuitivement avoir. Mais, si on pose la question aux gens: Êtes-vous au courant que vous avez tel, tel, tel droit?, la plupart des gens ne le savent pas.

Le meilleur exemple, c'est le mécanisme de traitement des plaintes, par exemple. Donc, est-ce que vous pensez que cette déclaration, là, est une façon d'informer correctement les gens? Et comment est-ce que vous le feriez? Comment est-ce que vous suggéreriez au Commissaire d'informer la population de ses droits?

Mme Boucher (Denise): C'est sûr que quelqu'un qui rentre à l'hôpital n'arrive pas avec ses droits d'usager en dessous du bras, hein? Généralement, il va peut-être plus arriver avec du matériel, pensant être hospitalisé.

n(17 h 10)n

C'est vrai qu'il y en a beaucoup, mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'ils doivent progresser, et ils doivent progresser dans un contexte où il y a un contexte de pauvreté, il y a, on en parle, un contexte économique et où ça ne doit pas être attaché qu'à l'individu. Il faut qu'on puisse faire en sorte que la santé et santé, bien-être puissent être vus comme quelque chose d'approprié collectivement et que les gens puissent supporter ça. C'est vrai qu'il y en a beaucoup. Il faut progresser, il faut avancer là-dessus.

Si on avait des indications... On les dit d'ailleurs dans notre mémoire. On dit que c'est la première chose qu'il doit faire. On voudrait qu'il y ait une consultation large à cet égard-là pour faire progresser ces droits-là. Et on le permet même en disant: Il faudrait même que, au-delà de la consultation, avant que ce soit écrit... Sans aucun doute, on pourrait passer par le biais d'une commission parlementaire ou d'autres forums pour effectivement voir si ça répond à ces besoins-là.

Mais, au-delà du juste besoin des droits usagers, il y en a déjà dans la Politique de la santé et de services sociaux, il y en a, mais en même temps collectifs: s'approprier plus largement... et faire en sorte que les gens saisissent quels sont leurs droits. Et, vous avez raison, c'est vrai que les gens ne savent pas qu'il y a un comité de plaintes, qu'ils peuvent faire des plaintes, qu'ils ont des droits à ci, des droits à ça. Dans quelques endroits, on les voit affichés, hein, dans certains CHSLD, dans certains CH: Voici vos droits. Mais en même temps tout le monde sait très bien que le premier droit auquel ils veulent avoir droit, c'est celui d'être soignés. Et l'autre droit, si on en avait à ajouter, qu'ils devienne universel. Et ça, on pourrait continuer, un peu comme ceux qu'on retrouve dans la charte canadienne. Et d'ailleurs c'est pour ça que l'on dit qu'il faudrait que ça aussi, ce soit inscrit. Ce n'est pas inscrit, les cinq droits canadiens, ce n'est pas inscrit au Québec. On nous a déjà dit que c'était marqué dans la loi, mais ça doit être écrit de façon très, très, très floue, parce qu'on ne les a jamais vus indiqués très clairement. Ça, je pense que ça en fait partie. C'est plus facile aux gens de reconnaître cinq principes que de partir avec les droits des usagers en dessous du bras.

M. Couillard: Là, vous parlez spécifiquement des cinq principes, là: gestion publique, universalité, accessibilité, intégralité, transférabilité. Comme tels, vous les transféreriez dans le cadre législatif québécois?

Mme Boucher (Denise): Je pense que le Québec devrait s'en approprier, c'est une garantie. C'est une garantie pour effectivement faire en sorte qu'on puisse consolider notre réseau. Mais du même coup je dirais que la population apprécierait, parce que la crainte, c'est toute la question de la privatisation et qu'on se retrouve dans un réseau où on se retrouverait avec deux lignes de services, et la tendance est forte. Alors ça, ça pourrait garantir... Je le sais. D'ailleurs, vous avez déjà dit: Non, il n'y a pas de problème, je ne veux pas tout... je veux que ça demeure public. Je pense que la meilleure façon de mettre cette garantie-là, ce serait, en partant, dans les droits, dans la charte.

M. Couillard: Surtout que la loi canadienne offre déjà de la flexibilité dans ce domaine-là. Elle parle de la gestion publique, ce qui est le principe le plus important. Et Roy Romanow suggérait d'ajouter un sixième principe qui était celui de l'imputabilité. Qu'est-ce que vous pensez de...

Mme Lapierre (Andrée): Bien, c'est ça, tout à fait. Je pense qu'on veut que... Si on avait une charte québécoise, ça devrait reprendre minimalement les cinq principes puis possiblement les bonifier avec un principe comme l'imputabilité. Puis il y a le droit de la population à gérer, à avoir l'information sur le système. Alors, ce n'est pas juste recevoir des services, là, c'est le droit... Ça nous appartient, c'est un service public. Alors, c'est concrétiser ce droit-là qui est l'enjeu. Si on se donne un instrument comme un commissaire puis une charte, bien c'est pour faire progresser ça, pas pour... Puis après ça, bien quels services? On sait que, dans la loi canadienne, c'est le «médicalement requis». Mais ça ne couvre pas les services à domicile, ça ne couvre pas les services diagnostiques, ça ne couvre pas les médicaments, puis on ne parle pas des services sociaux encore. Ça fait que, moi, je pense qu'il y a de la place pour qu'au Québec... Si on se donne un instrument, bien on va aussi bonifier puis spécifier qu'est-ce que ça couvre.

M. Couillard: Oui, parce que bien sûr il faut le rappeler à nos concitoyens et concitoyennes. J'étais à Vancouver, en fin de semaine, avec les gens des autres provinces, et on est le seul endroit où les services de santé et les services sociaux sont intégrés. Tous les gens regardent ça avec beaucoup d'intérêt et un peu d'envie, mais ils ne font pas le pas, eux, de les intégrer, je suppose pour d'autres raisons. Donc, cette intégration-là, elle est là pour refléter, je suppose et je l'imagine, le concept plus global de la santé qu'on a voulu se donner ici, au Québec.

Mme Lapierre (Andrée): On a des atouts du Québec qu'il faut protéger en santé. Les CLSC en sont aussi, hein? Alors, ça fait partie des choses que... On espère que ça va traverser même la mise en place des réseaux locaux puis qu'on va garder l'étiquette CLSC, et pas juste l'étiquette CLSC, mais l'ensemble des services qui sont donnés. L'ensemble.

M. Couillard: C'est bien.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Boucher, Mme Roy et Mme Lapierre. Alors, bienvenue au nom de l'opposition. Malheureusement, la loi sur la santé et les services sociaux prévoyait que, dans le cadre de regroupements d'établissements, il y avait deux conditions à respecter: les missions et les territoires. Et c'est finalement les missions et le territoire de CLSC, et les missions des établissements, notamment du CLSC, ce sont ces deux conditions qui ont été écartées du projet de loi n° 25 adopté sous bâillon, là, en décembre dernier.

Alors, votre mémoire est excellent et il affirme d'emblée que vous appuyez finalement, avec des modifications substantielles... avec des améliorations substantielles, mais vous appuyez cette proposition d'une institution, tel le Commissaire à la santé. Alors, vous avez décliné ces améliorations substantielles qu'il faut selon vous y apporter, et j'aimerais peut-être avec vous examiner la question de l'article 2 du projet de loi. On retrouve cela à la page 7 de votre mémoire. Notamment, là, si votre mémoire est bien écrit, le projet de loi, à l'article 2, il manque de clarté. Je cite, là. On évoque «l'ensemble des éléments systémiques interactifs». Je mets quiconque au défi, ici, de savoir de quoi il s'agit.

En ouvrant une petite parenthèse, quand j'ai été ministre de l'Immigration, on nous parlait de l'espace public commun. J'avais demandé si c'était un stationnement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Parce qu'il y a, comme ça, des hyperboles, là, qui ne veulent plus rien dire aux citoyens. Alors, je pense que ça mériterait, ça, d'être précisé, «l'ensemble des éléments systémiques interactifs».

Bon, ceci dit, ceci dit, vous posez une question aussi sur l'évaluation des services privés de santé et de services sociaux, et, si je comprends bien, votre analyse du projet de loi vous amène à croire que ça, ce serait écarté du mandat du Commissaire. Je pense que ça, là-dessus, j'aimerais vous entendre.

Et faudra-t-il rappeler que, lorsque le Conseil de santé et bien-être rédige et publie son avis en septembre, il ne pensait pas qu'il disparaîtrait? Il croyait que, la fonction conseil, il la garderait et que le Commissaire aurait une fonction enquête, évaluation, appréciation. Et, à la question posée ici même, en commission, le Conseil de santé et bien-être, c'est, si vous voulez, pour sauver les meubles qu'il a proposé autre chose. Mais l'idéal, ce serait de maintenir la fonction conseil au Conseil de santé et bien-être.

Mais, vous, vous dites qu'il faut aller plus loin qu'à l'article 10, ce qui concerne ? là, il y a eu plusieurs alinéas à l'article 10 ? mais ce qui concerne le suivi de l'état de santé et de bien-être de la population pour en fait éviter les chevauchements et, comme c'est déjà prévu dans la Loi sur la santé publique, que ça demeure, si vous voulez, le mandat de l'Institut national de santé publique, hein? C'est bien ce que je dois comprendre? Bon.

Et je termine peut-être notre échange, là, pour vous entendre sur la question du cadre d'évaluation. Tantôt, il y a eu un petit aparté, hein, sur le financement, et le ministre a dit: On a augmenté, cette année, substantiellement le financement. Il est vrai, mais c'est avec l'argent du fédéral. Vous allez me dire: C'est de l'argent québécois que le fédéral nous renvoie, là, mais ça reste de l'argent du fédéral, sur trois ans seulement. Donc, ils ont pris deux années déjà, hein? Cette année, il faut qu'ils remettent l'argent qu'ils ont... C'est-à-dire, l'an prochain, l'exercice qui commencera au 1er avril, il faut qu'ils remboursent l'argent de la deuxième année qu'ils ont prise d'avance l'an passé. Alors, je ne sais pas s'ils vont faire de la fuite en avant pour aller chercher d'avance, cette année, la deuxième année, l'argent qui était mis de côté pour la troisième, mais, chose certaine, Anne, ma soeur Anne, ils n'ont rien vu venir de la part du fédéral en matière de nouvel argent.

Il y a beaucoup de Québécois qui ont cru que le 2 milliards dont il était question à la rencontre des premiers ministres, là, c'était pour le Québec. Non, c'était pour le Canada. Là-dessus, le Québec en avait 472 millions, et en plus c'était, dans le budget de M. Séguin en juin, escompté et déjà dépensé. Alors donc, on est, pour tout de suite, en tout et pour tout, là, devant une autre année, si vous voulez, d'argent fédéral qui avait été négocié l'année passée. Bon. Alors, on va se retrouver devant quoi, là? Il y a quand même un fossé, hein, il y a quand même un fossé. On verra le budget de M. Martin la semaine prochaine. Enfin, les mauvaises nouvelles, c'est toujours avant. Aujourd'hui, les nouvelles étaient tellement mauvaises que je me suis dit: Non, on va attendre la semaine prochaine. Mais les coûts de croissance...

Vous avez entendu ces mauvaises nouvelles ? non? ? à la radio? Non? Dans les médias, aujourd'hui, ils faisaient état que... C'étaient le Globe et le National Post en fait qui publiaient qu'il y aurait vraiment... ce serait très conservateur puis il n'y aurait rien de particulier pour la santé. Enfin, on verra bien.

Ceci dit, revenons donc au cadre d'évaluation. Le gouvernement l'a fixé à 5,1, hein, n'est-ce pas, le financement qui est nécessaire en santé, hein? Il l'a fixé à 5,1. Il l'a fixé dans ses engagements, le gouvernement, l'an passé, ses porte-parole l'ont répété à satiété. Alors, une croissance de dépenses en bas de 5,1, c'est comme si finalement on passait à côté des vrais besoins, hein? C'est ce qu'il faut comprendre. Donc, il ne faut pas juste surveiller la croissance des dépenses, il faut surveiller que la croissance des dépenses soit adéquate en regard de ce qui avait été considéré comme étant essentiel. Bon. Est-ce que le Commissaire... S'il apprécie, par exemple, que la croissance des dépenses est insuffisante, est-il en mesure de le faire, compte tenu de la lecture que vous avez faite du projet de loi?

n(17 h 20)n

Mme Boucher (Denise): Sur le cadre d'évaluation, ça va être Andrée, mais je vais répondre à un commentaire. Vous avez parlé de la question des missions. Je ne vous cacherai pas que la plus grande préoccupation chez nos membres, c'est le fait que, dans la modification à la suite du projet de loi n° 25... c'est la perte d'expertise et de la mission des CLSC. Vous avez soulevé le commentaire, je tiens à vous le dire.

Et, quand vous nous demandez par rapport à ce que... À la page 8, en fait. Je vous ramène au deuxième paragraphe. On le dit, hein, parce que vous nous parlez qu'on puisse voir qu'est-ce qui se fait aussi chez les cliniques, les cliniques privées. Ce n'est pas précisé. On ne le sait pas. Mais nous pensons qu'il faut que... Le ministère, c'est de l'argent. Il y a de l'argent du public qui va dans ces cliniques privées là, et il faut qu'on puisse avoir une reddition de comptes d'eux aussi. Et, quand ça devient privé, généralement ce qu'on se fait dire ? et on peut le voir aussi dans des centres d'hébergement de longue durée où c'est privé ? quand on demande, hein, à des CLSC ou à des CHSLD qui donnent en sous-contrat... à des maisons privées d'y aller, on se fait dire: Non, on n'a pas besoin d'y aller parce que c'est privé. Il ne faut pas y aller parce que c'est privé. Donc, on n'a pas le droit de regard dans leur gestion, et, nous, ça, ça nous préoccupe parce qu'il y a une tendance lourde à vouloir se délester. Et d'ailleurs il y a eu un projet de loi aussi qui ouvre à la sous-traitance, qui a été déposé dans le même cadre que 25 et 30, qui est le 31. Donc, nous, on pense qu'on doit avoir un droit de regard là-dessus et que c'est important.

Et on a vu des choses terribles, dernièrement, autour, entre autres, de centres d'hébergement privés sur lesquels, là, maintenant, parce qu'il y a une crise, on y va puis là on jette un oeil dessus. C'est malheureux, mais ça prend toujours un peu de sang, dans la santé, pour que les gens réagissent et qu'on puisse intervenir. Nous, on pense que le Commissaire, il doit avoir cette responsabilité-là. Il faut qu'on modifie les lois pour qu'on ait un regard là-dessus, sinon je pense qu'on va se retrouver avec un système complètement chaotique où les gagnants seront dans les bons endroits et les perdants, ou les plus malheureux, ou les plus pauvres, ou les plus démunis se retrouveront dans des conditions tout à fait inacceptables. En même temps, du même coup ils auront droit aussi à des fonds publics pour pouvoir avancer. Alors ça, c'est une de nos préoccupations.

Pour l'autre volet, cadre d'évaluation, je le laisse à Andrée.

Le Président (M. Copeman): Mme Lapierre.

Mme Lapierre (Andrée): Bien, c'est ça. Pour ce qui concerne le cadre d'évaluation, c'est évident que, bon, le point de l'article 2, qui est ambigu, «les éléments systémiques et interactifs», c'est... Est-ce que c'est une façon de dire «en fonction des ressources disponibles», hein? Et puis, à cause de ça... C'est bien beau, on a tout ça...

C'est parce que les gens en santé mentale, les gens qui vivent avec des déficiences, là, c'est au nom de ça qu'ils n'ont rien maintenant. Le cadre législatif, lui, il n'a pas été changé, là. Bien, c'est au nom de ça qu'on a de la misère à savoir qu'est-ce qu'on leur donne. Puis, quand on arrive pour en avoir, bien on a des petits progrès. Puis je pense que les études rigoureuses, là, je pense, sur les soins à domicile... Le Dr Hébert, là, en Montérégie, trouve qu'on répond à 8 % des besoins. Alors, c'est clair qu'on veut mettre plus d'argent dans les services à domicile, qu'il faut rehausser les taux de satisfaction des besoins.

Maintenant, ce qu'on ne veut pas, c'est que le Commissaire... Puis je pense que le gouvernement, il n'a pas besoin du Commissaire à la santé pour faire d'autres coupures dans la santé ou pour les camoufler. Ce qu'on veut, c'est faire un progrès d'évaluation réel, et c'est pour ça qu'on pense que ça prend la participation citoyenne puis que ça prend du support quand un organisme, quand des citoyens vont demander qu'est-ce qu'il en est des partenariats public-privé.

On avait une présentation, récemment, de Mme Lamothe, en administration de la santé, qui expliquait comment, dans les systèmes d'information, par exemple, bien les intérêts des partenaires privés par rapport aux gestionnaires locaux sont très divergents. Ils veulent l'accès à un marché puis ils veulent vendre de la technologie. Nous autres, on veut assurer la pérennité des systèmes. Et là il faut voir...

On sait comment, ces choses-là, il y a des coûts importants. Les partages des risques dans les PPP, c'est loin d'être clair. Là, dans la santé, ça a l'air qu'on va y aller beaucoup, beaucoup, là, puis c'est supposé d'être ça, la solution. Si le cadre d'évaluation ne nous donne pas des progrès d'imputabilité sur ça, bien on pellette des nuages, là. Alors, je pense que c'est important de s'assurer que le cadre d'évaluation permet ça.

C'est sûr que le cadre d'évaluation, il est là pour rendre compte des argents publics. Aïe, c'est 42 % du budget gouvernemental, il faut vraiment être capable de savoir. On n'est pas capables de connaître les investissements fédéraux en santé. Après ça, c'est sûr qu'il faut connaître dans quel secteur il faut le mettre. Là, on est dans un système où est-ce que ça va être une mégapatente. On va avoir bien de la misère à savoir où est-ce que va l'argent. Alors, il ne faut pas reculer, là. Alors, ce n'est pas le Commissaire qui va faire toute la job, et c'est important que des droits... puis que l'imputabilité, elle soit gagnée et au niveau local et au niveau de chaque instance puis que chaque partenaire du réseau de santé ait des comptes à rendre, puis pas juste qu'est-ce qu'il veut, là. Les médecins, maintenant, ils vont avoir le droit, là, de s'associer entre eux. Quelle imputabilité on va avoir de ça? Parce que, là, là, les partenaires, ils sont tout fous.

C'est vrai qu'il y a une difficulté objective de rajouter d'autre argent, mais, moi, je pense que c'est nos institutions, là, c'est de ça qu'on parle quand on parle du Commissaire. On va-tu progresser puis on va-tu vraiment mieux suivre? On voit comment les bricolages comptables permettent d'évaluer puis de cacher des choses, là. Nous autres, on veut que ça avance. Il faut qu'il y ait de la stabilité dans les indicateurs puis qu'on puisse dire: Bien, c'est ce que ça prend. Les gens, si on leur donne la chance, ils vont le dire, ce qu'ils veulent, pour suivre correctement. Mais actuellement c'est comme les experts qui décident. Le panier de services, qui décide ça? Il faut que ce soit la population qui décide ces choses-là. Où on doit donner les services? Là, on va avoir du détricotage dans les arrière-régions, là, au nom des réseaux locaux. Les gens vont venir le dire.

Mme Harel: Aux articles 17 et 18 du projet de loi, on prévoit, à l'article 17, un rapport du Commissaire remis au ministre et ensuite que le ministre dépose à l'Assemblée, et, 18, on prévoit la possibilité d'avis du Commissaire sur une question ou l'autre qui relève de son mandat, que le ministre peut... que le Commissaire peut transmettre au ministre en fait dans un rapport particulier, ou encore l'inclure dans son rapport. En d'autres termes, il peut y avoir un avis privé ou un rapport public. Est-ce que c'est votre lecture des articles 17 et 18?

Mme Lapierre (Andrée): Bien, on n'a pas fait une analyse plus poussée que ça d'un certain nombre de niveaux, mais c'est sûr que c'est aussi ça, des enjeux d'imputabilité. On conçoit que le rôle conseil, il peut être de dire: Bien, ça, on ne le dit pas, puis ça, on le dit. Et c'est ça, les risques, hein? Il y a des gens qui sont très sceptiques sur le Commissaire, en disant: Quoi encore? Il y a même une étude récemment qui disait: Ce n'est pas tant d'un nouvel organisme qu'on a besoin, c'est la confiance, c'est la transparence.

Mme Boucher (Denise): Et c'est pour ça qu'on veut aussi que les travaux du Commissaire puissent être déposés à l'Assemblée. Ça devient public, à ce moment-là.

Mme Lapierre (Andrée): Dans la mesure où il relève directement de l'Assemblée nationale, bien on a tout.

Mme Boucher (Denise): Tout à fait. C'est notre lecture.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Boucher, Mme Roy, Mme Lapierre, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission. Et sur ce j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain, mercredi le 17 mars.

(Fin de la séance à 17 h 29)

 

 


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