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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, March 18, 2004 - Vol. 38 N° 43

Consultation générale sur le projet de loi n° 38 - Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Russell Copeman, président

M. Philippe Couillard

Mme Louise Harel

Mme Charlotte L'Écuyer

M. Camil Bouchard

Mme Lorraine Richard

M. Janvier Grondin

M. Daniel Bernard

* M. Norbert Rodrigue, OPHQ

* Mme Anne Hébert, idem

* Mme Isabelle Tremblay, AQRIPH

* Mme Hélène Morin, idem

* Mme Florence Thomas, FIIQ

* M. Daniel Gilbert, idem

* M. Yves Lamontagne, CMQ

* M. Yves Robert, idem

* M. André Garon, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 38, Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): J'espère que vous avez passé une agréable journée hier. Je vous rappelle... je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires est interdit dans la salle pendant nos travaux. D'ailleurs, j'ai commencé à prendre note des points de démérite de chaque côté de la table à chaque fois qu'il y a un téléphone cellulaire qui sonne. Je vous annoncerai les résultats de cette enquête à la fin de la commission, mais déjà il y a des points de démérite de chaque côté de la table. Alors...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): La présidence ne parle pas de vibrations.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): L'ordre du jour de ce matin: nous allons très bientôt débuter avec la présentation et l'échange avec l'Office des personnes handicapées du Québec; il sera suivi par l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AQRIPH; et on terminera, ce matin, avec la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, M. le président Rodrigue, vous êtes, vous et votre équipe, maintenant évidemment, depuis un certain temps, des habitués des commissions parlementaires. Vous savez les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour faire une présentation qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, merci. M. le ministre, distingués membres de la commission, mesdames, messieurs. Des habitués, M. le Président? On ne s'habitue jamais. Pour moi, j'ai 63 ans, et c'est toujours nouveau de venir exprimer une opinion devant ceux et celles qui gèrent mon État. Alors, j'accorde beaucoup d'importance à cela. Mme Anne Hébert, à ma gauche, qui est directrice générale adjointe, et Mme Céline Marchand, à ma droite, qui est dans notre équipe d'analyse, d'évaluation et de l'intégration sociale.

Alors, M. le ministre, M. le Président, au moment de l'adoption de la loi qui assure l'exercice des droits des personnes handicapées en 1978, le gouvernement du Québec s'est donné une orientation fondamentale en faveur de l'intégration sociale des personnes handicapées. Né de cette loi, l'Office des personnes handicapées a pour mandat général de veiller à la coordination des services dispensés aux personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration sociale, professionnelle et scolaire.

n (9 h 40) n

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous signaler que les personnes handicapées, quant à nous, sont très concernées par le projet de loi n° 38, Loi sur le Commissaire à la santé. Vous conviendrez sûrement que les personnes handicapées comptent parmi les citoyens qui recourent davantage au réseau de la santé et services sociaux. Ils sont confrontés aux questions de toute nature, d'accessibilité, d'équité, de qualité de services du réseau sociosanitaire, ainsi qu'aux questions éthiques, majeures parfois, et aux questions des interventions.

L'office appuie les grandes lignes du projet de loi, qui crée le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, et reconnaît la pertinence des responsabilités qu'on lui confierait. Nous croyons que son rôle d'évaluation pourrait concourir à préciser et à bonifier la contribution du réseau sociosanitaire à l'intégration et à la participation sociale des personnes handicapées. Nous désirons proposer quelques bonifications au projet de loi, notamment en ce qui a trait au rattachement, au rôle consultatif, à la disponibilité des données inhérentes à l'exercice de la fonction, et nous voulons aussi faire part de certaines attentes à l'égard du Commissaire par rapport à la réalité avec laquelle on travaille, celle des personnes handicapées.

D'entrée de jeu, M. le ministre, l'office considère qu'il est important d'asseoir la légitimité de la fonction de Commissaire à la santé et au bien-être dans le cadre d'une loi constitutive comme celle qui est proposée ici. Nous croyons cependant que la crédibilité et l'indépendance du futur Commissaire seraient davantage renforcées s'il relevait directement de l'Assemblée nationale. L'idée de créer un rôle de commissaire, on l'a entendu exprimé, comparable à celui d'un vérificateur général est intéressante parce qu'elle permet de porter un regard neutre et critique sur notre système de santé et de services sociaux. Nous pensons toutefois que le Commissaire devrait jouir d'une plus grande indépendance par rapport au ministre pour garantir, je dirais, leur crédibilité ? pas sa crédibilité, leur crédibilité, à celle du ministre aussi, on pourra échanger, si vous voulez, là-dessus ? donc leur crédibilité respective face à la population et aux professionnels du réseau de la santé et des services sociaux.

Du rôle consultatif, nous pensons que les responsabilités du Commissaire ne devraient pas dédoubler cependant les expertises spécifiques développées par les organismes qui se partagent le rôle consultatif dans l'ensemble du rôle relatif à la santé, mais plutôt s'inscrire dans un rôle intégrateur des perspectives. Selon nous, la mise en place de mécanismes formels de collaboration pour assurer la circulation et le partage des connaissances et expertises est une condition essentielle à la réalisation du mandat du futur Commissaire. Aussi, compte tenu que le Commissaire sera substitué au Conseil de la santé et du bien-être et au Conseil médical du Québec, l'office est d'avis qu'il faut trouver des moyens de préserver l'expertise et de préserver le point de vue des membres issus de la société civile qui composent ces deux organismes-conseils, au moment où on se parle.

Par ailleurs, l'office se réjouit que le Commissaire dispose entre autres de pouvoirs d'enquête. À notre avis, celui-ci doit être en mesure de faire enquête sur n'importe quelle question reliée à la santé ou aux services sociaux et d'assurer le suivi des propositions qu'il formule afin d'améliorer l'efficacité et l'efficience du système. Nous considérons essentiel que le Commissaire dispose d'outils lui permettant de poser des diagnostics sur le système de santé et de services sociaux. Il doit absolument avoir accès à des données fiables et parfois même inédites sur les services offerts et les besoins à couvrir. Or, compte tenu des lacunes importantes en cette matière, l'office croit que le Commissaire, première job, devrait être explicitement mandaté pour suggérer au ministre et au gouvernement les moyens de se procurer des informations pertinentes. On pourra aussi échanger là-dessus.

En ce qui concerne le traitement des plaintes, nous croyons sincèrement que le Commissaire doit s'intéresser au suivi des plaintes en tant qu'indicateurs qui révèlent les lacunes du système, mais nous ne sommes pas d'avis que la responsabilité de leur traitement lui revienne. Nous pensons plutôt que, même si des améliorations doivent y être apportées, l'actuel mécanisme d'examen des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux doit être maintenu. Du point de vue de la population, l'office trouve important que le Commissaire favorise la participation de la population au débat sur les grands enjeux auxquels est confronté le système.

Maintenant, de la place du social par rapport au médical, vous savez, au Québec, ça fait plusieurs années qu'on traite de ces questions. Puisque le Commissaire intégrera les mandats du Conseil médical et du Conseil de la santé et du bien-être, nous voulons vous souligner qu'il est important que la dimension sociale des déterminants de la santé continue d'occuper toute la place qui lui revient dans l'exercice du mandat qui sera conféré au Commissaire. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le Commissaire joue un rôle de guide pour l'élaboration de la politique de la santé et du bien-être. Nous maintenons, quant à nous, l'importance du caractère intersectoriel de cette politique. Nous croyons que le futur Commissaire aurait avantage à s'intéresser de près au développement social et au développement des communautés. En effet, l'office est d'avis que les interventions dans ces deux domaines sont des éléments incontournables pour l'amélioration de la santé et du bien-être des individus et des communautés.

Je voudrais juste rappeler quelques souvenirs ? j'ai 63 ans, j'en ai deux, trois. Rappelons que, dans sa définition des conditions préalables à la santé, l'OMS identifie en tout premier lieu la paix, définie non seulement comme l'absence de guerre, mais comme un sentiment positif de bien-être et de sécurité des habitants de tous les pays, incluant la possibilité de disposer librement de leur propre sort et d'exploiter pleinement leur potentiel humain.

La commission Castonguay-Nepveu, un peu plus tard ou un petit peu avant, parle à son tour du développement social en ces termes: «Une politique du développement social doit assurer une organisation harmonieuse de la société afin que chaque citoyen, quels que soient son état et sa condition, puisse s'épanouir selon ses aspirations propres. Cet épanouissement ou cet état de bien-être demeure toujours l'objectif ultime que la société doit atteindre.»

Et, plus tard, la commission Rochon disait: «Une véritable politique de développement social doit permettre que se réalise sinon une synthèse, du moins une convergence et une coordination des activités de ces secteurs afin que le système de santé et de services sociaux n'ait pas à assumer des responsabilités qui dépassent son mandat.»

De quelques éléments ultérieurs ou supplémentaires qu'il faut considérer, l'office croit que la situation de l'intégration sociale des personnes handicapées devrait occuper une place importante dans les préoccupations du futur Commissaire. L'évaluation de cette situation et les recommandations qui en découlent devraient pouvoir influencer les choix et les avis que le Commissaire sera appelé à formuler en regard de la contribution du réseau sociosanitaire à l'intégration sociale des personnes handicapées.

Le système de santé et de services sociaux bien sûr assume la responsabilité d'un vaste champ d'intervention, qui va de la prévention des déficiences, de la réadaptation, le soutien à l'intégration des personnes ayant des incapacités, mais chacun de ces secteurs couvre une diversité de réalités et d'interventions. Le développement par le réseau de la santé et des services sociaux de services destinés aux personnes handicapées est relativement récent. Il a été marqué, ces dernières années, par des problèmes de sous-financement récurrents, soulagés de manière ponctuelle cependant, selon les disponibilités budgétaires gouvernementales. Ce sous-financement a eu comme conséquence, entre autres ? on le sait tous, il vaut mieux se l'avouer ? de créer des listes d'attente pour l'obtention de services, d'obliger certaines personnes à recourir, à leurs frais, à des services privés ou, dans d'autres cas, à se déplacer dans une région pour recevoir les services que requiert leur état.

Par ailleurs, des problèmes marqués d'iniquité existent entre les services de traitement, de réadaptation et de soutien à l'intégration sociale financés par les régimes publics, comme la CSST, l'assurance automobile, et ceux financés directement par les régimes généraux. En plus de cette distinction selon la cause d'incapacité, on relève des disparités importantes dans l'offre de service entre les différentes régions et entre les établissements du réseau. Le fait d'avoir des incapacités est déjà en soi un facteur d'appauvrissement et d'isolement social. Ne pas couvrir suffisamment les besoins peut avoir un impact majeur, à la fois sur l'aggravation des incapacités et sur la participation sociale. La participation sociale des personnes handicapées n'est pas seulement l'affaire du réseau de la santé et des services sociaux ? je vous l'ai déjà exprimé, ça, puis je le répète ? c'est en fait une réalité intersectorielle. Les personnes handicapées constituent donc une population à desservir pour le réseau de la santé et des services sociaux mais aussi pour les autres secteurs d'intervention, tels que l'éducation, l'emploi, le transport, le loisir et le travail.

Au plan individuel, le réseau de la santé et des services sociaux est souvent celui qui se trouve en situation de devoir se coordonner avec d'autres réseaux pour favoriser la participation sociale des personnes handicapées. Il faudrait que les autres soient obligés de se coordonner avec la santé aussi. Et j'ouvrirais une parenthèse, M. le ministre, pour vous dire... Il y a quelques jours, j'étais devant votre collègue, le ministre Séguin, et un autre de vos collègues était présent, M. Bachand, dans sa consultation prébudgétaire, et M. Séguin me disait: M. Rodrigue, il y a 300 mesures qui s'adressent aux personnes handicapées. C'est beaucoup de mesures ? puis il m'a dit qu'il vous en avait parlé un petit peu, qu'il vous en parlerait en tout cas ? puis en disant: Il faudrait s'asseoir pour voir comment on peut faire en sorte que 300 mesures, 16 ministères, 150 programmes, on puisse coordonner ça un petit peu mieux. Je vous souligne ça parce que j'ai accepté l'invitation d'une table ronde éventuellement.

Alors, l'intégration sociale, par contre, des personnes handicapées interpelle plusieurs secteurs de l'action gouvernementale, comme je viens de le dire, comme le travail, le transport. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le mandat général de coordination et d'intervention intersectorielles est dévolu à l'office. À ce mandat général est aussi associée une responsabilité d'évaluation de l'intégration sociale qui déborde de la contribution du réseau sociosanitaire en regard de l'exercice des droits des personnes handicapées et de leur intégration sociale. C'est pourquoi la complémentarité et la collaboration entre l'office et le Commissaire est souhaitable et devrait être largement favorisée. On présume qu'elle va se réaliser, mais on souhaite qu'on y voie. L'office pourrait collaborer effectivement avec le Commissaire en lui fournissant un portrait de l'évolution, ainsi qu'un compte rendu des progrès et obstacles rencontrés dans l'intégration sociale des personnes handicapées, en regard du secteur de la santé et des services sociaux, afin qu'il puisse conseiller adéquatement le gouvernement à l'égard des différentes politiques de santé et de services sociaux.

n(9 h 50)n

Nous désirons vous rappeler aussi que l'office est probablement ? puis ça, on ne veut pas être prétentieux, là ? est probablement le seul organisme à pouvoir offrir au Commissaire un ensemble de données complètes et inédites sur la situation des personnes handicapées et de leur intégration sociale. Le rôle de l'office en regard de l'évaluation de l'intégration sociale permettra une complémentarité au rôle dévolu au futur Commissaire à la santé, particulièrement en ce qui concerne ou en ce qui a trait à son mandat d'évaluation. L'ensemble de ces éléments fait en sorte que l'office devrait avoir un rôle à jouer, consultatif au moins, un peu incontournable pour le futur Commissaire, s'il veut prendre en compte l'ensemble des besoins, l'ensemble de la réalité puis l'ensemble de l'évolution.

En conclusion, M. le Président ? je me fie sur vous pour me rappeler à l'ordre dans le temps ? l'office appuie dans les grandes lignes le projet de loi créant un commissaire à la santé et au bien-être. Nous pensons, comme nous l'avons dit, que ce dernier devrait jouir d'une plus grande indépendance. Nous considérons qu'il est important de mettre en place des mécanismes formels de collaboration entre le Commissaire et les autres organismes qui exercent un rôle conseil et de veille en matière de santé et de services sociaux. Nous croyons aussi que l'examen des plaintes individuelles des services ne devrait pas faire partie de son mandat. Nous plaidons en faveur d'une amélioration du mécanisme actuel d'examen des plaintes. Nous voulons aussi nous assurer que la dimension sociale de la santé et du bien-être ne soit pas occultée des préoccupations du Commissaire et continue au contraire d'occuper une place importante.

Encore une fois, le système de santé assume la responsabilité d'un vaste champ d'interventions, relativement aux personnes ayant des incapacités, mais à cet égard nous croyons que la situation de l'intégration sociale des personnes handicapées devrait interpeller au premier chef le futur Commissaire.

En terminant, l'Office des personnes handicapées du Québec, par son rôle d'évaluation, souhaite devenir en tout cas une ressource, un partenaire incontournable pour le Commissaire à la santé et au bien-être en regard des questions concernant les personnes handicapées. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président. La nature concise de votre présentation me donne l'occasion de corriger un lapsus que... J'aurais dû noter au début de la matinée, je pense, en félicitant, au nom de tout le monde, notre collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour avoir accédé au grade de l'insigne de Grand-Croix, de l'Ordre de la Pléiade, hier soir, lors de...

Alors, merci beaucoup, M. Rodrigue, d'avoir fait votre présentation dans le temps dévolu. Et, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Rodrigue, mesdames, vous avez lancé plusieurs perches pour discussion et échange, pendant votre présentation, ce qui témoigne de votre grande expérience, je suppose, de ces travaux. La première de ces perches était en lien avec le statut du Commissaire. Et là vous avez abordé la question sur un angle, je dois dire, différent de ceux qui vous ont précédés, parce que tout le monde, sauf... même pas exception... Je pense que tout le monde remarque la question de la supériorité du rattachement ou de la nomination du Commissaire à l'Assemblée nationale, mais en général l'argument qui est donné, c'est de donner plus de crédibilité à la personne elle-même détenant le poste. Et, vous, vous dites: Ce n'est pas juste pour la crédibilité de la personne qui occupe le poste de Commissaire, c'est pour la crédibilité de l'instance politique également. Alors, pourriez-vous élaborer là-dessus?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, à titre de vieux singe, là, ce que je peux vous dire sur cette question-là, c'est: Oui, les gens sont préoccupés par, bon, le caractère d'indépendance de la personne qui va exercer le rôle. Mais, quand on a vécu 50 ans dans une société puis on a vu l'ensemble des dynamiques, on peut se dire, je pense, aussi que le ministre qui est responsable d'un secteur aussi large que la santé et les services sociaux, qui est de 20 milliards en termes de budget, lorsqu'il confie une responsabilité comme celle-là à une personne dont le caractère ou le rattachement est plus indépendant, personne ne peut accuser le ministre de manipuler la personne ou de lui indiquer ou de lui imposer quoi dire. Ça marche dans les deux sens, ça, hein? Je veux dire, il y a des boulevards à deux sens, il y a des rues à sens unique. Moi, je souhaite que le boulevard soit à deux sens dans l'explication de ce processus-là. Et alors c'est un peu ça qu'on veut dire. Alors, à cet égard-là, le ministre... Bien sûr, le Commissaire, il serait indépendant, mais le ministre aussi aurait une certaine indépendance ou une crédibilité renforcée parce qu'on ne pourrait pas l'accuser de manipuler la pensée de ce Commissaire.

M. Couillard: Oui. Et pour les fins de l'argument, qui est intéressant, est-ce que vous avez l'impression que les conseils actuels, les organismes-conseils actuels, qui sont nommés, sont perçus comme étant manipulés ou dépendants?

M. Rodrigue (Norbert): Non.

M. Couillard: Non, mais est-ce que c'est votre perception...

M. Rodrigue (Norbert): Ce n'est pas ma perception, à moi.

M. Couillard: ...ou la perception du public?

M. Rodrigue (Norbert): Ce n'est pas ma perception, à moi, mais vous savez qu'il y a... Dans le public, des fois, il y a des gens qui disent... Malgré toute la notoriété de nos organisations, il y a des gens qui vont dire: Le BAPE n'a pas été fort, à ce moment-ci, là, à telle place, là. Bon. Il y a d'autre monde qui vont dire autre chose. Alors, les gens sont, comment dirais-je?, sont légitimés parfois de douter. Alors, dans ce cas-là, je pense que ça enlèverait beaucoup de doutes.

M. Couillard: Deuxième point ou deuxième perche, la question du mandat initial ou du mandat prioritaire que cette personne devrait... sur laquelle elle devrait apporter son attention. Vous avez parlé de l'importance de se doter d'un mécanisme de collection et de validation de données. Je dois dire qu'on est assez inondés de données. Je peux vous dire que, des données, il y en a plus qu'on en... puis plus qu'on peut en absorber. Elles ne sont pas toutes encore assez bien organisées, notamment celles sur les listes d'attente, dont on travaille actuellement à améliorer la validité puis la fiabilité. Mais, des données, il y en a, il y en a à gauche et à droite, là, de sorte qu'il faut peut-être plutôt viser à la validation de ces données-là, à leur organisation, plutôt qu'à la création de nouvelles banques de données, parce que je peux vous dire qu'il y en a, de ça.

Nous, le premier mandat qu'on pensait lui donner, ça allait dans le sens d'une déclaration des droits et responsabilités des personnes, parce qu'on sait que les droits sont déjà énoncés dans plusieurs textes législatifs, mais que plusieurs nous font remarquer que les citoyens en sont généralement peu informés. Donc, on pensait qu'il s'agissait là du mandat prioritaire qu'on devrait donner au Commissaire. Alors, vous voyez, on a à choisir entre deux priorités.

M. Rodrigue (Norbert): Je pense que... Écoutez, la hiérarchie, en termes d'importance de ces deux questions, pour moi, là, il n'y en a pas. Je veux dire, les deux sont de caractère important.

En ce qui concerne les droits, etc., nous, on est ouverts à toute formule, dans la mesure où il y a une cohérence avec les instruments qu'on a déjà dans la société québécoise sur l'exercice des droits, la reconnaissance des droits. Je pense que ça, c'est aussi très important. Si jamais on abordait la question des droits ou encore faire un effort supplémentaire pour faire connaître ces droits-là aux personnes concernées ou à la population, je pense que c'est non seulement légitime, mais c'est nécessaire en tout temps.

Quant aux données, vous me permettrez de vous dire... Je partage d'abord votre avis sur la quantité de données. Mais ça fait 25 ans que je me confronte à des données incompatibles, je veux dire des systèmes qui ne se parlent pas, ou encore ? et là-dessus, c'est une suggestion ? je vous suggère fortement ? et l'office est de cet avis ? de transiger avec la Commission d'accès à l'information pour permettre... ou demander à cette commission de vous suggérer des mécanismes acceptables, en termes d'éthique, en termes de droit, pour qu'on puisse utiliser les données qui sont à notre disposition pour des fins d'évaluation du système.

Entre nous, moi, j'ai traité de ça il y a 30 ans, l'évaluation du système. Puis, il y a 25 ans à peu près, je traitais de la question des données. Mais les systèmes ne se sont pas corrigés à ce point pour qu'on puisse, un ministère comme le vôtre, par exemple, s'accaparer un certain nombre d'informations qui sont compatibles pour vraiment aller jusqu'au bout de l'évaluation. Et, dans ce sens-là, on a un peu de travail à faire, puis il y a des collaborations qui devraient être faites par d'autres organismes, comme la Commission d'accès.

M. Couillard: Mais il faut quand même noter que ces données-là, que l'on reçoit en grande quantité, vous le dites vous-même, ne sont pas des données nominatives, là. Ce qu'on reçoit, ce sont des données d'accessibilité...

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui, oui.

M. Couillard: ...des données de volume de service, des données financières, etc.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui, une grande partie. Une grande partie, mais j'ai déjà vu des données non nominatives qui sont devenues nominatives, selon l'analyste. Oui.

M. Couillard: Je n'ai pas vu ça encore, mais je...

M. Rodrigue (Norbert): Ah, merci. Ah, bien je suis bien content pour vous. Je suis bien content pour vous.

M. Couillard: Un autre point important: la dimension sociale de la santé. Vous allez être bien sûr encore mieux placé que beaucoup d'autres personnes ici pour savoir qu'au Québec on a innové, il y a plus de 30 ans, dans l'intégration de la dimension sociale des soins de santé, raison pour laquelle on parle du Commissaire santé et bien-être, et non pas seulement du Commissaire à la santé. Quelle serait la façon, là, de rendre ça concret, cette préoccupation pour le volet social de la santé, en pratique, soit dans le texte de loi, soit dans les mandats qu'on confierait au Commissaire?

n(10 heures)n

M. Rodrigue (Norbert): Eh, mon Dieu! Invitez-moi pas trop à parler sur cette question. D'abord, je voudrais souligner que, sur la question du lien entre la santé et le bien-être, je pense, selon mes observations, que, dans le monde, il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde où ils ont lié les deux puis ils les ont intégrés dans un même système, les deux. Bon. Beaucoup d'endroits ont des préoccupations bien sûr pour harmoniser, mais l'intégration n'est pas faite partout.

Deuxièmement, vous savez, j'ai plaidé souvent, dans ma vie, que j'étais content d'avoir un système de santé qui faisait que le médecin était discriminant, et que lui déterminait ce qui était médicalement requis, puis que ma société payait. J'étais heureux de ça. Mais j'ai plaidé aussi pour qu'au plan social on ait des discriminants qui permettent de reconnaître ce que j'appellerais les besoins sociaux qui sont requis. Mais, dans le social, c'est les services disponibles qui déterminent ce qui est requis et ce qu'on finance. Alors, quand on propose cette question et quand je traite de cette question, c'est que la préoccupation du développement social et du bien-être doit être constamment présente, et elle devra être présente dans le rôle du Commissaire d'une manière importante. Et, moi, je vous dirais même, M. le ministre, j'ai rêvé, depuis les cinq ministres que j'ai connus comme mes patrons, qu'un jour un de ceux-là ou une de celles-là prenne le leadership sur le développement social au Québec puis dire: On va se donner une politique de développement social et puis on va aller au bout pour permettre aux communautés, à la population en général non seulement de demander, mais de prendre en compte... et de se prendre en main à plusieurs égards.

Juste une anecdote. On a fait, il y a quelques années, une démarche sur le développement social au Québec. J'ai fait le Québec en entier. Dans les forums régionaux, beaucoup de communautés n'ont rien demandé au gouvernement, se sont assises et ont regardé les problématiques qu'elles avaient, puis elles ont décidé de dire: Qu'est-ce qu'on peut faire, nous, relativement à ces problèmes-là? Et elles ont décidé de prendre des moyens. Ce que je veux dire par là, c'est que cette question de développement social, aussi complexe soit-elle et aussi dangereuse soit-elle, pour ne pas me faire traiter de pelleteux de nuages ? parce que des fois on me traite de pelleteux de nuages quand je traite de cette question-là ? elle est d'une importance capitale. Et, vous, comme ministre de la Santé, si cette importance-là est trop relative ou trop abandonnée, vous avez de la misère à assumer, comme ministère, les conséquences, l'ensemble des gestes de l'ensemble des autres acteurs dans la société québécoise.

Alors, l'importance pour le Commissaire de prendre en compte le développement social, c'est à mon avis toutes ces questions-là qui lui permettront ? puis je sais que c'est difficile ? mais qui lui permettraient de mieux, je pense, guider et la politique santé et bien-être, qui fait référence aux déterminants de la santé et du bien-être, et le ministère, et le ministre, et le gouvernement dans son ensemble.

M. Couillard: Vous avez raison, M. Rodrigue, raison pour laquelle j'insiste toujours pour qu'on se réfère à mon titre comme celui de ministre de la Santé et des Services sociaux.

Une voix: ...

M. Couillard: Hein?

Une voix: ...

M. Couillard: Non, non, mais c'est important quand même de mentionner les deux aspects, puis on a trop tendance à l'oublier.

On parle d'information et de données, là. On a discuté avec d'autres groupes là-dessus, sur quelles seraient les informations dont la population a soif sur le système de santé. On sent que les gens veulent en savoir plus de ce qui se passe vraiment dans le système de santé puis des résultats. Alors là, on peut avoir une approche quantitative, on peut aligner des colonnes de chiffres sur les différents indices d'accessibilité et comment y ajouter un aspect qualitatif également sur la qualité puis l'impact sur la santé de la population. Donc, quel est le type d'information, si vous étiez, vous, Commissaire, là, que vous iriez chercher en priorité?

M. Rodrigue (Norbert): Si j'étais Commissaire, je commencerais par me poser la question exactement de cette nature-là. C'est-à-dire, il y a quelques années, dans un certain forum que j'ai trouvé important, j'ai participé à des discussions qui ont duré au moins deux mois, en tout, là, sur cette question de l'information à la population. Ma mère puis ti-Coune, à Baie-Saint-Paul, tout ce qu'ils veulent savoir, c'est comment ça marche. Puis, si la population savait comment ça marche, on réglerait déjà un bout de problème. Alors, quand? C'est quoi? Où tu t'en vas quand tu as un problème de telle nature? Qu'est-ce que la porte qui t'attend a comme mission? C'est assez simple, ça. Bon. Outre ça, il y a plein d'information, après ça, qu'on pourrait donner à la population, mais, moi, je vous dirais que c'est très de base, ce que la population a besoin pour le fonctionnement du système de santé et de services sociaux. Mais on ne l'a pas fait très souvent. Je dirais même qu'on ne l'a... En tout cas, c'est un jugement que je porte à mes risques, mais je pense qu'on ne l'a jamais fait d'une manière systématique, de dire à la population comment fonctionnait le système. Et c'est pour ça qu'on se plaint que les urgences sont pleines pour des rhumes, c'est pour ça qu'on se plaint que les CLSC ne sont pas assez fréquentés, c'est pour ça, etc. Et on réglerait un certain nombre de choses.

Quant à la réalité avec laquelle nous travaillons tous les jours, je demanderais à ma compagne, Anne Hébert, d'ajouter à mes commentaires ou de faire des commentaires sur l'information relative à la réalité, nous autres, qui nous confronte tous les jours.

Mme Hébert (Anne): Oui, il existe beaucoup de données sur les programmes en santé et services sociaux, mais, quand on le regarde sous l'angle d'une personne handicapée, on a de la difficulté, nous, à obtenir des données de programmes plus spécifiques sur les personnes handicapées. Les données de programmes, là, par exemple de réadaptation, elles ne donnent pas parfois une information plus précise, plus pointue sur l'obtention des services par les personnes handicapées. C'est souvent fondu dans un ensemble. Donc, pour nous, il y a un travail à faire pour être plus en mesure d'identifier, là, par exemple les listes d'attente ou le nombre de services offerts pour cette clientèle-là. Et c'est souvent fondu dans un ensemble, les données.

Par ailleurs, pour répondre à votre question sur quels types de données qualitatives, l'office a un rôle d'évaluation, comme on l'a souligné dans notre mémoire, puis, en raison de cette responsabilité-là, on a essayé de travailler, dans les dernières années, pour essayer de réfléchir sur des indicateurs de l'intégration sociale. Et, nous, ce qui nous intéresse, comme données qualitatives, c'est toute la notion d'obstacles rencontrés par les personnes dans l'exercice de leur participation sociale ou de leurs droits. Et ça, ce travail-là est à poursuivre. Et ce n'est pas nécessairement tout le temps les obstacles rencontrés en termes de non-accès aux services, mais d'autres types d'obstacles qui peuvent être assez parlants sur les difficultés que rencontrent les personnes, là, dans la vie de tous les jours, qui pourraient être intéressantes, là, à aller plus loin. On a peut-être un travail de base, là, sur ça, mais il y a tout un raffinement à faire, là, sur la notion d'obstacle, la perception qu'ont les personnes des obstacles qu'elles rencontrent dans leur intégration sociale ou participation sociale.

M. Couillard: D'ailleurs, ces obstacles, M. le président, sont au coeur de nos discussions. Vous savez bien sûr que nous sommes en train de travailler sur la mise à jour, pourrait-on dire, de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. C'est important de la libeller comme ça plutôt que la loi sur l'Office de protection, hein?

Des voix: Oui. Oui.

M. Rodrigue (Norbert): C'est son vrai nom.

M. Couillard: Puis je pense que cette préoccupation de transversalité puis de diminuer le nombre d'obstacles est au coeur de nos démarches actuelles.

Dans votre mémoire, vous faites allusion, je crois, brièvement au mécanisme des plaintes. Vous en avez parlé également. Et, comme d'autres et comme nous également, vous ne souhaitez pas que le mécanisme de traitement des plaintes individuelles soit intégré au mandat du Commissaire. Il nous est apparu également qu'il y avait une contradiction entre les deux, qu'il n'était pas souhaitable de les unir. Cependant, vous semblez faire état de dysfonctions, là, du système de traitement des plaintes. Est-ce que vous avez réfléchi sur les... Parce que vous savez que, parallèlement à ce projet de loi, il y a également une démarche de révision du mécanisme des plaintes. Quelles seraient vos suggestions à cet effet?

M. Rodrigue (Norbert): Oui. Nous sommes heureux de participer d'ailleurs à cette réflexion sur le mécanisme des plaintes, là. On est de la gang qui réfléchit. Je suis-tu protégé par l'immunité parlementaire, moi, ici?

Le Président (M. Copeman): La réponse est non.

n(10 h 10)n

M. Rodrigue (Norbert): Non, mais écoutez, farce à part, sérieusement, quand on parle de l'amélioration du mécanisme, notre pensée profonde, à nous, c'est que la responsabilité, ça commence quelque part. La responsabilité relativement aux conditions d'hébergement, aux conditions de traitement, ça commence par l'institution. Et je pense que les institutions ont une responsabilité dont elles doivent améliorer l'exercice, prendre en compte davantage la réalité. Puis là je ne juge personne, mais, en nommant quelqu'un qui est significatif, qui va s'occuper des plaintes à travers le mécanisme, en faisant en sorte que l'institution se donne des moyens de régler les problèmes à la base avant que ça monte à l'agence, puis au Commissaire, puis... pas au Commissaire mais au Protecteur, puis ensuite au ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est un processus qu'il nous faut encore améliorer, dans la prise de responsabilités notamment.

Quant aux conditions, aux multiples conditions, les étapes, la hiérarchie, ça aussi, il faut revoir ça et rendre ça le plus simple possible. Mais à la base, là, ça commence en bas, et c'est ce genre de mécanisme ou de réflexion là qu'on se fait, nous, quand on réfléchit à la condition du monde qui sont hébergés.

M. Couillard: D'ailleurs, c'est une constatation que d'autres partagent également, que la dysfonction fondamentale du système de plaintes se situe au niveau local, et dans la divulgation des problèmes, et dans la transformation d'une plainte en amélioration subséquente de la qualité, et que les niveaux supérieurs du mécanisme sont peut-être beaucoup moins prioritaires que ce niveau-là, local.

M. Rodrigue (Norbert): Il ne faut pas que les gens aient peur d'abord de recourir au système de plaintes, il faut qu'ils soient à l'aise pour y recourir, mais il faut qu'ils sachent ou qu'ils commencent à savoir qu'il va y avoir une réponse aussi à tous les niveaux, je veux dire. Et, si le niveau n° 1, le premier, de base, ne peut pas répondre, bien, s'il justifie le moindrement l'incapacité de répondre, la personne va avoir un choix plus éclairé pour aller au deuxième niveau, etc. Et, à cet égard-là, pourquoi on dit que le Commissaire ne devrait pas avoir ce mandat-là? Pour nous, il y a une question de conflit d'intérêts aussi, là. Moi, si vous me nommiez pour déterminer, vous savez, les finances que le gouvernement va accorder à Santé et Services sociaux, puis demain matin votre frère vient se plaindre à moi pour dire: Bien, je n'ai pas été bien servi, je me trouverais dans un conflit d'intérêts, là. Je vous aurais dit la veille: Écoute, ne fais pas ça, puis, le lendemain, je répondrais à votre frère que ce n'est pas correct, ce que vous avez fait la veille. Alors, je serais mal à l'aise.

M. Couillard: Puis il me semble également qu'il y a un conflit important entre les deux rôles, là, l'évaluation macroscopique du système de santé et ce rôle-là.

Bien, je vous remercie, M. Rodrigue. C'était fort éclairant, comme d'habitude, la discussion avec vous.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Rodrigue, Mme Hébert et Mme Marchand, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Je sais que mes collègues de Duplessis et de Vachon veulent également participer à cet échange, alors j'irai droit au sujet, là. Sur la question du rattachement à l'Assemblée nationale, le ministre vous l'a dit, en fait notre position, à ce sixième jour d'audition en commission parlementaire, n'est pas inédite, puisqu'elle est unanimement exprimée par tous les porte-parole des organismes qui se sont présentés devant nous, pour des raisons similaires à celles que vous invoquez.

Moi, j'aimerais également peut-être insister sur le recul que constitue l'absence de participation citoyenne. Alors, vous en parlez également, mais beaucoup d'autres, également, porte-parole en ont parlé, cette participation citoyenne qu'on retrouvait au Conseil santé et bien-être et qu'on ne retrouve plus, là, avec le projet de loi n° 38.

Et je pense que l'aspect peut-être important que vous soulevez aujourd'hui, quelques-uns des mémoires que nous avons reçus le soulignent également, c'est la dimension sociale des déterminants de la santé, et là aussi il peut y avoir un recul important. Pourquoi? Parce qu'il y a une confusion des genres entre la fonction conseil et la fonction évaluation. Et autant tous s'entendent ou presque, là, à ma connaissance, pour distinguer la fonction protection... traitement, plutôt, des droits des usagers au plan local, ce qui n'empêche pas un regard du Commissaire à la santé sur l'aspect systémique, là, du régime de traitement de plaintes, mais il en va autant pour la fonction conseil. Et on trouve que vous avez jeté la serviette bien vite en acquiesçant à la disparition du Conseil santé et bien-être. Plusieurs en ont réclamé le maintien parce que cette fonction conseil, le danger, même avec la meilleure des bonnes volontés du monde, même avec une nomination de l'Assemblée nationale aux deux tiers des voix, elle va être peut-être le parent pauvre de la fonction évaluation des résultats, évaluation au sens, là, vérification, vérificateur. Alors, comment faire pour renforcer la fonction conseil? Plusieurs ont dit: La meilleure des façons, c'est de la distinguer, de maintenir un Conseil santé et bien-être qui a acquis cette crédibilité qu'on lui connaît au cours des 13 dernières années et vraiment de confier au Commissaire à la santé ce rôle d'évaluateur en fait, autant rétrospectif que prospectif.

Alors, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Rodrigue (Norbert): D'abord, je n'ai pas jeté la serviette. Je suis très peiné, et mon organisation aussi, du fait que les deux conseils disparaissent, dans un sens. Mais en même temps je ne veux pas refaire le monde. Je veux dire, j'ai une loi devant moi, je traite de cette loi-là et je transmets le souci de la participation citoyenne en disant que le Commissaire ne devrait pas oeuvrer seul. Et on a discuté, chez nous, de cette question-là en conseil d'administration, et le conseil d'administration est très soucieux de cet accompagnement, de la société civile, du Commissaire dans sa démarche, etc.

Je vous avoue qu'on ne s'est pas prononcés sur l'hypothèse d'un commissaire d'un conseil. On ne s'est pas prononcés. On pense que l'évaluation du système, c'est important. On pense cependant qu'elle ne peut pas se faire d'une manière déracinée et d'une manière qui fait fi de tout l'aspect social et de tout l'aspect du bien-être. Le fait que le Commissaire ait la responsabilité de conseiller sur la politique santé et bien-être, ça paraissait un cran d'accrochage pour justement nous ramener à ce rôle que le conseil jouait précédemment en ce qui concerne les déterminants de la santé. Alors, à cet égard-là, moi et mon conseil d'administration, on dit au ministre: Il faut que ce Commissaire-là soit accompagné par la société civile. On n'a pas proposé de modèle. C'est-u un conseil d'administration? Est-ce que c'est un conseil aviseur au Commissaire? Mais il faut absolument un accompagnement à la société civile. Parce qu'il y a une expertise, là, à ne pas délaisser. Moi, je partage cette opinion-là.

Mme Harel: Je sais que mes collègues ont des questions importantes... ou enfin un échange important à faire avec vous. Peut-être, simplement à la page 9 de votre mémoire, quand vous parlez des stratégies de désassurance de services, de contribution des usagers et de création de régimes contributifs, à quoi faites-vous référence? Création de régimes contributifs. Pensez-vous d'une caisse santé? Parlez-vous d'une caisse santé?

M. Rodrigue (Norbert): Non. Bien, pensons au régime d'assurance médicaments, par exemple. Dans certains cas, pour certains individus, c'est un régime contributif. Les primes ne sont pas payées par le gouvernement ou par les autres. Il y a des gens qui travaillent qui paient leurs primes. Dans certaines entreprises, par exemple, où il y a des assurances collectives, ça va. Mais où il n'y a pas d'assurance collective, les gens absorbent au plan contributif ces coûts-là. Alors, on pense à ça, entre autres.

Et éventuellement on n'a pas examiné la perspective d'une caisse santé dans ce cadre de discussion là. On avait entendu parler, dans l'histoire, d'une caisse vieillesse. On a toujours dit, quant à nous, s'il doit y avoir une caisse au Québec, elle devrait être une caisse sur les incapacités. On l'a dit à la commission Clair, notamment.

Le Président (M. Copeman): Je vais aller à ma droite pour une brève question de la part de la députée de Pontiac et, après ça, je reviendrai à gauche.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. J'ai une minute. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez d'intégration, qui est un phénomène intersectoriel. Quel rôle et quel mécanisme le Commissaire, pour arriver à faire un arrimage avec l'intersectoriel, pourrait jouer et quels sont les mécanismes qui pourraient être utilisés?

n(10 h 20)n

M. Rodrigue (Norbert): Je m'attendais bien à cette question-là, là. Ça fait deux semaines que je dis: On va l'avoir, la question. On n'a pas de modèle à vous proposer, mais on est prêts, nous, à collaborer à la réflexion sur ça. Mais il y a une chose qui est certaine, on ne peut pas laisser ça dans le vide. C'est-à-dire, il y a trop d'instruments, de bons instruments qui existent pour conseiller le gouvernement puis les différents ministres pour qu'on ne trouve pas une articulation entre, même juste au sein du ministère, sous votre juridiction, M. Couillard, vous le savez, un comité sur le médicament, un groupe de travail sur cette question-là, etc. Il faut lier ce monde-là pour que le Commissaire puisse avoir toute l'information. Et puis, entre nous, là, à la question de Mme Harel tout à l'heure, le Commissaire, il va avoir une job. Évaluer le système, c'est important. Nous autres, on ne s'oppose pas au reste de son rôle, là, mais le rôle d'évaluation du système de santé, c'est important.

Juste un exemple. Nous, on travaille d'une manière intersectorielle. Des fois, il y a des ministères même qui nous demandent de présider des tables de travail intersectorielles parce qu'il n'y a pas d'autre moyen pour y arriver. Il y a juste l'office, qui a un visage un peu neutre, qui peut rassembler tout le monde. Je donne un exemple. Je risque. Dans le transport, ça fait des années que je plaide pour l'harmonisation des moyens dans le transport. On a mis un comité interministériel sur pied, je n'ai pas siégé depuis deux ans et demi. Pourquoi harmoniser des moyens dans le transport? Parce qu'on a un réseau de transport régulier, on a un réseau de transport scolaire, on a un réseau de transport pour personnes handicapées et, selon la source du paiement ou du budget et selon l'endroit où je paie, ces gens-là ne se parlent pas. On a réussi, là, quelques expériences dans le transport collectif dans les régions, ça commence à être intéressant. Mais il faut que, pour le Commissaire, ces gens-là se parlent.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Peut-être une remarque au point de départ. Nous avons entendu différents groupes à propos de la disparition, prévue dans le projet de loi, du Conseil santé et bien-être et du Conseil des médecins. Et ce que je peux faire comme observation, ça ne demandera pas certainement de réponse, mais j'aimerais ça que vous l'écoutiez, cette remarque. C'est qu'on voit très bien que le Conseil des médecins est défendu avec âpreté par des ordres et des corporations qui croient à la compétence de leur monde pour représenter les intérêts de la profession médicale, mais aussi pour amener les connaissances médicales à bon port dans les décisions qui sont prises. Il nous manque des corporations de citoyens qui viennent dire devant cette commission: Il y a aussi la vision des citoyens, la participation des citoyens qui est importante, et on ne peut faire... la loi ne peut faire l'économie d'un tel conseil.

Hier, là, ce qu'on a entendu de la part des médecins, c'est: Il n'y a pas d'alternative à un conseil des médecins, vous devez le maintenir, sans ça, retirez votre projet de loi. Et aujourd'hui, ce qu'on entend et ce qu'on a entendu aussi, même de la part du Conseil santé et bien-être, c'est: La mort dans l'âme, on va tenter de bonifier votre projet en insérant, dans le projet de loi, de la participation citoyenne, et c'est la mort dans l'âme qu'on constate la disparition... Et ça, ça me fait dire que ce, entre autres, pourquoi les dimensions sociales de la santé ne sont pas considérées, c'est qu'on attend que les choses soient à ce point détériorées et on n'a pas de corporation, ou d'ordre, ou de truc bien orchestré pour venir défendre le bien-fondé d'organisations qui ont déjà fait leurs preuves et qui sont la voix des citoyens. Fin de la remarque.

Début de la question. M. le président, j'ai eu connaissance ? puis, M. Rodrigue ou Mme Hébert, vous pourrez commenter cette observation et la question ? j'ai eu connaissance d'un drôle de phénomène qui a été porté à mon attention en tant que député. Les gens reçoivent une indexation de l'aide sociale, un montant donné, et d'un autre côté la RAMQ indexe ses propres tarifs d'hébergement du même montant, si bien que les personnes qui sont hébergées dans des ressources de la communauté pour personnes handicapées, ou pour personnes déficientes, ou personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, leur revenu net, là, c'est zéro cenne à la fin du mois, parce que le ministère de la Santé n'entend pas ou ne voit pas ce que fait le ministère de la Sécurité du revenu.

Et, suivant cet exemple-là, j'aimerais savoir quel pourrait être votre lien spécifique ou privilégié entre l'office et le Commissaire, et ce que le Commissaire pourrait faire dans un tel état de choses.

M. Rodrigue (Norbert): Avant de demander à Mme Hébert d'ajouter des commentaires sur ce volet-là, quant au Conseil médical et au Conseil santé et bien-être, je me rappelle bien de l'histoire de la naissance de ces organismes-là, j'y ai participé. Et j'ai aussi participé pendant quelques années, j'ai été heureux de le faire. Et en conséquence, vous savez, moi, je me dis: Dans les circonstances actuelles... C'est pour ça que j'affirme qu'il serait important d'avoir une politique de développement social, parce qu'elle réunirait justement les communautés ou elle les mobiliserait d'une manière différente, puis elle réussirait à influencer des décideurs d'une manière différente. Alors, ceci étant dit, la participation civile en conseil au Commissaire, elle est importante. Je le partage, ce sentiment-là. Mais notre conseil d'administration n'a pas cru bon de proposer des structures multipliées, quoi. On propose plutôt l'harmonisation.

Anne, sur les autres volets.

Mme Hébert (Anne): Sur quels pourraient être les mécanismes de collaboration entre le Commissaire et l'office, l'office a un rôle de veille, de surveillance assez important, donc on essaie, là, de vraiment être à l'affût de tout ce qui se passe en termes d'orientation, de politique, de modification aux règlements, le genre de situation, là, que vous soulevez. Donc, ça, ça pourrait être un lieu de collaboration important. Donc, comme on exerce ce rôle de veille là, on pourrait signaler les problèmes importants, les obstacles importants au Commissaire. On peut le faire par la surveillance sur les lois, les politiques et les règlements, mais l'office aussi a un rôle d'intervention individuelle. On accompagne les personnes handicapées dans leur démarche pour obtenir des services, puis il y a beaucoup de cas problèmes qui nous sont signalés, puis on a tout un système d'information, de gestion de ces demandes-là, de ces accompagnements qui pourrait être une source d'information très intéressante pour le Commissaire.

Par ailleurs, en raison de notre rôle d'évaluation, on a fait tout un travail important sur les données sur les programmes, sur des données statistiques sur la population handicapée, puis on fait tout un travail d'élaboration d'indicateurs, là, très important, qui pourrait aussi être un lieu de collaboration très important avec le Commissaire.

M. Bouchard (Vachon): M. le président, est-ce que vous souhaitez que la loi soit plus précise quant au lien entre le Commissaire et les offices, notamment l'Office des personnes handicapées, plus explicite ou vous pensez que ça va se construire au fil de la fréquentation?

M. Rodrigue (Norbert): Je dirais... Il y a deux facteurs qui vont intervenir, à mon point de vue, là. Je ne peux pas présumer de l'avenir, là, mais, tu sais, la collaboration imposée, moi, j'ai bien de la misère avec ça. Elle peut être imposée, mais ça collabore mal. Il faut développer...

Une voix: ...

M. Rodrigue (Norbert): Il faut développer. Il faut développer les habitudes. D'autre part, il y a la Loi sur l'exercice des droits, M. le ministre en a parlé tout à l'heure, il y a un travail qui se fait là-dessus et, si jamais cette loi-là trouvait, comment dirais-je, un moment, là, où elle est déposée, étudiée, discutée, etc., je pense qu'à travers notre choix déjà, la loi existante et la future correction on va trouver des moyens de lier ces deux mécanismes-là. On exprime le souci, parce que, vous le savez comme moi, M. Bouchard, hein, il faut répéter dans notre vie. Ils sont fous de ces enfants, nous sommes fous de nos enfants. Combien de fois pour arriver à convaincre? Moi, ma job, c'est de convaincre, convaincre et convaincre. Alors, dans ce sens-là, je vais utiliser tous les moyens qui sont à ma disposition pour répéter.

Le Président (M. Copeman): Oui. Ça va?

M. Bouchard (Vachon): Non.

Le Président (M. Copeman): Allez-y. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): À moins qu'il y ait... O.K. Oui, vas-y, Lorraine.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci. M. Rodrigue, M. Hébert... c'est-à-dire Mme Hébert, Mme Marchand, bonjour. Vous savez, l'Office des protections des personnes handicapées du Québec a un rôle d'évaluation. Vous évaluez, vous faites des recommandations quand vous le pouvez. Comment voyez-vous le rôle du Commissaire? Parce que le Commissaire aussi va avoir un rôle d'évaluation, de recommandation auprès du ministre. En quelque part, vous allez avoir à chevaucher tous les deux, votre organisme avec le Commissaire, vous avez... Comment vous voyez ça, au niveau de l'évaluation? On va avoir deux organismes qui vont évaluer et qui font encore des recommandations auprès du ministre.

n(10 h 30)n

M. Rodrigue (Norbert): Le Commissaire, il a le mandat d'évaluer le système de santé et de services sociaux en fonction de la santé et du bien-être. Nous, nous évaluons l'intégration sociale, ce qui est une responsabilité qui traverse tous les secteurs d'activité. Bien sûr, quand on s'adresse spécifiquement à la santé et au bien-être, il va y avoir ? puis c'est pour ça qu'on plaide pour la collaboration puis la capacité d'entrer en relation avec le rôle d'évaluation du Commissaire ? il va y avoir des compléments, puis il va peut-être y avoir des moments où on ne sera pas d'accord avec lui, puis on va l'exprimer. Je veux dire, je ne peux pas présumer non plus de l'avenir, mais notre rôle à nous est beaucoup plus large que celui du Commissaire dans l'évaluation de l'intégration sociale. Ça va du scolaire à aller au travail, au transport, à l'éducation. Moi, je suis habitué d'oeuvrer dans plusieurs secteurs, mais, depuis que je suis à l'office, ça m'impressionne à chaque fois quand on a un cas individuel. D'ailleurs, vous êtes plusieurs à nous en envoyer des fois, quand les difficultés sont assez fortes. Quand on a un cas individuel, vous ne savez pas ce que ça veut dire, on traverse tous les secteurs d'activité. Pour amener un enfant à l'école, il faut aller voir la municipalité des fois, il faut aller voir le transporteur scolaire, il faut aller voir la commission scolaire, il faut s'assurer que le père puis la mère vont continuer à travailler, parce que souvent ils sont obligés de perdre leurs jobs ou laisser leurs jobs pour ça. Alors, notre rôle d'évaluation en intégration sociale, il est large, hein?

Toi qui es jeune, là, puis qui es à l'office depuis plus longtemps que moi, tu peux peut-être en dire un mot.

Mme Richard: Je le sais, M. Rodrigue, combien votre rôle peut être large puis combien vous faites affaire aussi avec différents ministères, vous avez dit, bon, l'intégration à l'école, tout son milieu familial, mais le Commissaire à la santé va devoir lui aussi évaluer, là. Il va falloir trouver une unité de mesure semblable. Comment vous voyez ça? Ça va se chevaucher en quelque part. Puis là vous avez... Tantôt, vous avez dit, bon: On a beaucoup de structures, on a beaucoup de choses aussi, des fois, là. Vous l'avez faite, la remarque, vous-même: le simple citoyen ne s'y retrouve pas.

Mme Hébert (Anne): On offre notre... On pense que c'est un champ de collaboration possible et on offre notre expertise au futur Commissaire. Nous, on pense qu'il ne faut pas dédoubler les expertises mais rendre disponible notre expertise au Commissaire pour la santé et bien-être. Mais effectivement notre rôle d'évaluation est beaucoup plus large que santé et bien-être. Mais ça peut être aussi... Le fait que c'est plus large puis qu'on a développé une expertise plus large que celle de santé et bien-être, ça peut être aussi très intéressant, pour un futur commissaire en santé, d'avoir l'information plus large que dans le domaine de la santé et services sociaux aussi, pour évaluer certaines questions.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: M. le Président, moi, on dévie un peu peut-être du projet de loi n° 38, mais j'ai le goût de vous emmener un autre problème qui est apparu, à un moment donné, à mon bureau de comté: une personne qui est sur l'aide sociale, parce que les handicapés souvent se retrouvent sur l'aide sociale, qui désire aller travailler. Parce que, quand on est capable de les intégrer au marché du travail, ces personnes-là sont heureuses, elles aiment ça, puis souvent, surtout en région, on n'a pas toujours les industries pour les accueillir, ces personnes-là.

Ce n'est pas toutes les industries qui sont adaptées pour recevoir des personnes handicapées. Alors, souvent ils sont obligés soit de déménager, de prendre un loyer. Alors, ça leur occasionne soit des dépenses de transport soit des dépenses de loyer, et puis là ils arrivent devant un problème. Là, c'est les parents qui viennent nous voir, ils disent: Oui, il veut aller travailler, il aime ça puis il voudrait garder sa job, mais il faut payer pour l'envoyer travailler. Tandis que, quand il reste sur le bien-être social, il reste à la maison puis il a son chèque. Je ne sais pas si vous avez une méthode pour répondre à ma question, mais c'est une chose qui m'arrive, qui m'est arrivée à quelques reprises à mon bureau.

M. Rodrigue (Norbert): D'abord, écoutez, moi, je ne donne jamais de conseil à personne, mais ne dites jamais qu'il n'y a pas d'industrie qui peut faire travailler ce monde-là. Il y a des industries qui pourraient accueillir les personnes handicapées, c'est une question d'ouverture, une question de volonté, parfois une question de moyens, une question d'adaptation, mais il y a des industries qui peuvent les accueillir.

Au Québec, on n'est pas très avancé malheureusement dans l'industrie, en général. Les dernières statistiques qu'on a là-dessus, c'est 0,5 % de la main-d'oeuvre qui est intégré dans l'entreprise régulière. Dans l'entreprise adaptée, c'est une autre question. Mais il y a des programmes qui existent pour l'industrie de votre village ou de votre ville. Puis je viens du même coin, là, tu sais, M. Dutil, il a quelques postes de travail dans ses entreprises, là, puis, bon, Pomerleau aussi, dans la construction. Bien, on pourrait en traiter longtemps, c'est une question d'ouverture. Alors, ce que je veux dire là-dedans, c'est que, dans l'entreprise régulière, il y a des programmes qui existent pour intégrer les personnes handicapées, qu'on appelle les contrats d'intégration au travail, qui sont gérés maintenant par Emploi-Québec; avant, c'était l'office qui les gérait. Ça peut supporter l'entreprise pour la non-productivité de la personne qui vit avec une incapacité. Ça ne règle pas tout, mais, s'il y a une ouverture, s'ils sont sensibilisés, on va réussir.

Le problème que vous soulevez, malheureusement il arrive à cause de ce manque d'ouverture là des fois, où l'entreprise ne l'intègre pas. Il n'y a pas de centre de travail adapté, comme à Saint-Joseph ou à Saint-Georges, si on est dans la vallée, bon, et là la personne peut être obligée de se déplacer. Et souvent, nous, on plaide, hein, auprès d'Emploi-Québec pour justement qu'on ait des mesures qui évitent ce que vous dites, c'est-à-dire que la personne trouve ça plus payant de rester à la maison que d'aller travailler.

Et, dans l'histoire, il y a eu des créations importantes de moyens, par exemple transformer les mesures passives en mesures actives, hein: sécurité du revenu qui participe pour un montant d'argent, avec le contrat d'intégration au travail, pour intégrer une personne handicapée, mais on vient de sortir quelqu'un de la sécurité du revenu, on vient de l'inscrire au travail, l'inscrire en participation sociale par ce moyen-là. Et il y a un certain nombre de millions de consacrés à ça. Nous autres, on trouve qu'il n'y en a pas assez, mais on plaide pour qu'il y en ait plus. Mais il y a des moyens. Mais, quand je vous disais, là, «des entreprises, il y en a», là, c'est vrai qu'il y en a.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Rodrigue, Mme Hébert, Mme Marchand, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentantes de l'AQRIPH de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 39)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre! C'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de l'Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Mme Tremblay, Mme Morin, bienvenue. Vous savez évidemment les règles de fonctionnement: vous avez une présentation à faire d'une durée maximale de 20 minutes, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder... Je ne sais pas qui commence...

Mme Tremblay (Isabelle): C'est moi.

Le Président (M. Copeman): C'est vous. Alors, allez-y, Mme Tremblay, puis bienvenue.

Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration
des personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Tremblay (Isabelle): Merci, M. le Président, M. le ministre. Alors, je me présente: mon nom est Isabelle Tremblay. Je suis la coordonnatrice de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, communément appelée l'AQRIPH.

n(10 h 40)n

Alors, en résumé, l'AQRIPH est formée de 19 regroupements régionaux. Ce sont des organismes de promotion et de défense des droits des personnes handicapées, qui sont présents dans toutes les régions du Québec, et eux rassemblent environ 350 organismes de base de parents et de personnes handicapées.

Je vous fais distribuer présentement notre pochette, dans laquelle il y a la brochure qui explique qu'est-ce que c'est, l'AQRIPH, et il y a certains documents de référence dont on va traiter pendant notre présentation. Et je vous présente Mme Hélène Morin, qui est agente de promotion au Comité régional des associations pour la déficience intellectuelle de Montréal. Mme Morin est un ROP, membre de l'AQRIPH, représente un ROP, et elle est parent d'une jeune femme qui a une déficience intellectuelle.

Alors, tout d'abord on voudrait vous remercier de nous avoir invitées à présenter notre mémoire. Nous, notre présentation est très axée sur la personne et non pas sur les structures. Quand on a pris connaissance du projet de loi n° 38, dans le cadre de la réingénierie, ce sur quoi on voudrait attirer votre attention, c'est que, lors de l'adoption de projets de loi, on voudrait que les droits des personnes soient respectés. Et, dans la pochette qu'on vous a remise et qu'on a déjà distribuée à tous les députés et ministres, on a préparé cette année un manifeste de l'AQRIPH pour rappeler au gouvernement que, lors de l'adoption de certaines lois, il y a des droits qui doivent être respectés, des droits pour toutes les personnes et des droits particuliers aux personnes handicapées. Alors, ce manifeste-là, on vous l'a redonné dans notre pochette et on aimerait que, lors de l'adoption de lois, vous ayez quand même toujours à l'esprit de respecter ces droits.

Nous, on était heureux de pouvoir intervenir sur ce projet de loi dans le sens qu'il apporte quand même plusieurs changements au niveau de la Charte des droits des patients, de l'indépendance du Commissaire, du contrôle de la qualité des services, et c'est ce dernier élément là qui attirait le plus notre attention. On s'est dit: Enfin, un moment opportun pour parler de la protection des personnes vulnérables. Alors, Mme Morin va vous dresser un portrait de l'état de situation au Québec.

Le Président (M. Copeman): Mme Morin.

Mme Morin (Hélène): Merci. Je vais faire ça quand même brièvement. Alors, d'abord quelques informations pertinentes sur les personnes handicapées, les personnes handicapées qui représentent 15 % de la population québécoise, c'est-à-dire environ 1 200 000 personnes. Elles sont généralement plus pauvres que la moyenne de la population. Elles sont aussi en moyenne moins scolarisées que la population québécoise, ce qui entraîne une certaine précarité quand vient le temps de se faire soigner dans un système de soins qui est très complexe, et ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle légère.

Quand on parle des personnes handicapées et de l'utilisation des services, il faut souligner qu'elles font régulièrement affaire avec le système de santé sur deux plans. D'abord, celui des soins de base, c'est-à-dire les soins que n'importe quel citoyen requiert, et aussi celui des services plus spécifiques. Côté soins de santé, on constate, entre autres, que ce ne sont pas tous les médecins et les professionnels de la santé qui connaissent les déficiences et qui sont aptes à faire la distinction entre ce qui est causé par la déficience et ce qui est causé par d'autres facteurs. Bon.

Tantôt, je disais qu'elles avaient aussi besoin de services spécialisés de réadaptation pour acquérir les habiletés qui leur garantiront un maximum d'autonomie et qui vont faciliter leur intégration sociale. Par contre, pour ce côté-là, les personnes doivent souvent attendre plutôt longtemps pour les services dont elles ont besoin. Juste à titre d'exemple, il y a de l'attente pour les diagnostics pour les petits enfants, ce qui peut compromettre le reste de leur vie.

Il y a aussi une attente considérable en services résidentiels pour les adultes qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus assurer eux-mêmes leur bien-être ou encore quand c'est leurs parents qui ne sont plus capables de s'occuper d'eux question de santé ou question de vieillissement. Un autre point à souligner, c'est que non seulement les personnes qui ont une déficience physique ou intellectuelle ne constituent pas une priorité à l'heure actuelle dans les politiques, mais elles ne sont pas non plus considérées comme des personnes faisant partie des clientèles dites vulnérables. L'attente de services et, dans certains cas, les services inadéquats, voire même la piètre qualité de certains de ces services amènent les personnes handicapées ou encore leurs familles à formuler des plaintes. Donc, les personnes handicapées et leurs familles sont dans un bassin de population qui pourrait éventuellement formuler souvent des plaintes.

Toutefois, l'absence de mécanismes de contrôle de la qualité des services dans les ressources résidentielles et en particulier dans les ressources privées contractuelles du réseau de la santé, entre autres les ressources de type familial, les ressources intermédiaires, et on amène ce point-là parce qu'on sait qu'à l'heure actuelle il y a un vent, là, de fermer les ressources du réseau qu'on appelle les résidences communautaires, en particulier dans le réseau de la déficience intellectuelle, pour s'en aller vers des ressources privées, alors le fait qu'il y ait une absence de mécanismes de contrôle dans ces ressources ou encore le fait que les mécanismes qui existent manquent d'efficacité, ça rend les personnes hébergées, les personnes handicapées hébergées très fragiles.

Nous voulons aussi signifier que les contrôles effectués par les établissements ne sont pas suffisants. On pense en particulier que c'est difficile pour les établissements d'être à la fois juge et partie. Dans les organismes de base qui sont membres, par exemple, dans des regroupements d'organismes comme le nôtre, comme le CRADI, on entend parler de bien des situations aberrantes, et je dois vous dire que ce qui est dit dans les médias, c'est souvent seulement la pointe de l'iceberg.

Il n'y a pas non plus de moyens ou de mécanismes pour protéger les personnes vulnérables. Quand je parle de personnes vulnérables, j'entends celles qui ne peuvent ni exercer leurs droits, ni se défendre, ni exprimer leurs insatisfactions. Certaines d'entre elles sont totalement dépendantes d'un tiers pour leurs besoins de base, d'autres sont non verbales ou déficientes profondes. Alors, ces gens-là sont à la merci de n'importe qui. On ne veut pas laisser entendre que tout le monde, dans les services, est inadéquat, mais on se trouve souvent confrontés à des gens qui ne sont pas à leur place. Rien ne permet non plus d'agir rapidement si l'on soupçonne qu'une personne est maltraitée ou encore qu'elle est abusée. À cet effet-là, est-ce que vous saviez que 80 % des femmes qui présentent une déficience intellectuelle sont abusées sexuellement à un moment donné ou l'autre de leur vie?

Maintenant, je vais apporter quelques éléments d'analyse du projet de loi. Alors, une charte des droits des patients aurait représenté un pas dans le sens de la reconnaissance et de l'exercice des droits des personnes concernées. Malheureusement, aucun engagement ferme ne va dans ce sens ? c'est probablement des points qui ont été amenés par d'autres groupes qui sont intervenus, mais en tout cas on se permet de les ramener. L'union des aspects santé et services sociaux risque de se faire au détriment du deuxième, c'est-à-dire au détriment du côté social. L'assujettissement des CLSC aux centres hospitaliers vient confirmer cette orientation. De plus, en éliminant le Conseil de la santé et du bien-être ? on amène quelque chose, là, qui a été dit tout à l'heure ? le projet de loi met de côté la notion de participation citoyenne, qui est pourtant essentielle pour des populations de grands utilisateurs de services.

Autre commentaire: le fait que le Commissaire relève du ministère de la Santé nuit, quant à nous, à son indépendance et à son impartialité. Enfin, on constate que le Commissaire n'aura pas de fonction de protecteur des usagers. Dans le fond, on pense qu'il va s'intéresser seulement aux structures du système, et, nous, ce qu'on se dit, c'est que c'est pourtant de protection que bon nombre de personnes handicapées ont besoin. Alors, je repasse la parole à Mme Tremblay, qui va vous parler plus longuement de la question de la protection des personnes handicapées.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, dans ce contexte de protection, le présent projet de loi veut doter le Québec d'outils pour améliorer la santé et le bien-être. Nous, à l'AQRIPH, qu'on parle de commissaire aux plaintes, de protecteur des usagers ou maintenant de Commissaire à la santé et au bien-être, la situation reste la même pour les personnes vulnérables. Peu importent les structures, il y a effectivement, au Québec, un manque de protection pour les personnes plus vulnérables de notre société. Ce qu'on trouve qu'il manque dans le projet de loi, c'est ce pas important. Parce qu'on vit une grosse problématique au Québec, qui est maintenant médiatisée, c'est que les personnes vulnérables ne sont pas adéquatement protégées contre les abus et les négligences. Vous avez, à la page 13 de notre mémoire, la définition d'une personne vulnérable.

n(10 h 50)n

Et j'aimerais attirer votre attention, parce que, nous, à l'AQRIPH, on a commencé des travaux, à peu près à l'an 2002, parce qu'on avait su qu'il existait au Québec... aux États-Unis, pardon, le système d'«advocacy», et on s'est dit: Qu'est-ce qui se passe au Québec? Quelles sont les lois, les structures, les instances qui existent pour protéger les personnes plus vulnérables? Quelle est la situation juridique du Québec concernant ces personnes? Dans le cadre de l'étude, on avait une collaboration avec l'Université Laval, et un étudiant en droit de troisième année avait fait une analyse des structures qui existaient. Et on s'est rendu compte que, malgré qu'il y ait plusieurs moyens qui sont mis en place, il y a des grandes problématiques concernant le contrôle de la qualité des services.

Évidement, il y a la Commission des droits de la personne qui existe. Il y a, dans la charte, une protection contre l'exploitation, l'article 48, mais c'est toujours curatif. Et c'est ce qui ressort de l'existence des instances et des lois au Québec, c'est que c'est toujours curatif, les interventions qu'ils font: la curatelle publique, le Protecteur des usagers, toujours curatif; le Comité des usagers, la même chose; le Protecteur du citoyen, aucun pouvoir coercitif, ne peut faire enquête. On a des beaux textes aussi. Moi, je pense que l'article 3 de la loi sur la santé et les services sociaux est le plus bel article qui ne peut pas exister concernant la protection des personnes au Québec. Sauf que, dans l'application, ça ne nous empêche pas, malgré ces instances et ces textes, qu'il y ait tant de cas d'abus et de négligence.

Dans la pochette que je vous ai remise, il y a un résumé de la revue de presse. On s'est dit: Qu'est-ce qui se passe? Depuis janvier 2003, on n'est pas allés loin, là, janvier 2003 aller jusqu'à mars 2004, c'est la revue de presse sur les cas d'exploitation des personnes vulnérables, que j'ai ici, que je pourrai vous laisser. Ça fait 160 pages, et puis on a énormément de cas qui sont répertoriés dans la revue de presse. Ce qu'on veut vous dire ici aujourd'hui, c'est: Au Québec, on en veut combien de pouces pour réagir? Et on trouve que ce pan-là, s'il n'est pas inséré dans un cadre législatif, comme une loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être, où est-ce que ça peut être? Parce qu'on n'a pas... Dans les centres de réadaptation, on en a, des belles chartes des droits et des valeurs des patients. Il y en avait une à Saint-Charles-Borromée puis il y en a dans tous les centres de réadaptation. C'est dans l'applicabilité qu'on trouve qu'il y a effectivement des problématiques.

On lit aussi beaucoup, parce que les dossiers sont médiatisés, quelques dossiers sont médiatisés, on a de plus en plus de formation sur les responsabilités, les mécanismes de protection, de la formation permanente du Barreau, les pouvoirs publics et la protection. On en entend beaucoup depuis les dernières années puis, comme je vous dis, on n'a pas reculé avant janvier 2003 pour notre présentation d'aujourd'hui.

Concernant la jurisprudence, au niveau de la situation juridique, dans de nombreuses causes québécoises et canadiennes, il fut possible de comprendre l'étendue des atrocités et des manquements à l'intégrité des personnes handicapées vivant dans des centres divers, c'est une décision du Tribunal des droits de la personne contre Coutu: aucune des lois ayant pour but de protéger ces personnes n'est venue à leur secours et, nonobstant l'intervention d'un tiers, jamais ces scandales n'auraient été mis à jour.

On a... Je voudrais attirer votre attention également sur un article qui est paru dans l'édition du mois de décembre 2003 de Justice-Santé, où le Comité de la protection des malades nous dit, après avoir élaboré quelques cas vécus, où certaines personnes, par exemple, avant l'heure du souper, vont rester dans leurs couches souillées parce que, bon, ils n'ont pas le temps de changer les personnes avant le repas, bien ils nous disent, le Comité de la protection des malades, que ces quelques exemples sont des cas véridiques et des centaines de situations semblables sont dénoncées au conseil à chaque année. À notre avis, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, car, pour chaque cas rapporté, il y a des dizaines d'autres personnes qui n'osent pas parler.

Ces faits vécus m'amènent à tenter de répondre à la question suivante: Pourquoi est-il si difficile pour les usagers du réseau de la santé de faire respecter les droits qui leur sont reconnus? Nous, on pense que le problème qui doit être réglé par le projet de loi n° 38, c'est l'information des personnes. Par une grande information, on va pouvoir assurer une protection et éviter... Nous, là, l'idéal, ce serait qu'il n'existe pas, le Commissaire à la santé et au bien-être. Comme les médecins, on est contre ça, des médecins. S'il n'y en avait pas... bien, on rêve qu'un jour on n'ait plus besoin de médecins. Si on n'en a plus besoin, c'est qu'on ne sera plus malade. Mais on aimerait ça, là, qu'il n'existe pas, le Commissaire aux plaintes, le Protecteur des usagers. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait... On n'en veut plus...

On ne veut plus en lire, dans les journaux, des histoires d'horreur. Alors, ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est... On entendait M. Rodrigue tantôt, qui est toujours très intéressant, expliquer comment il pourrait y avoir de la collaboration, les structures, et tout. Ce n'est pas ça qu'on veut, on ne veut pas avoir d'intervention... on ne veut pas vous faire des interventions là-dessus aujourd'hui. Nous, ce qu'on veut vous dire, c'est: Est-ce que c'est possible, dans ce projet de loi là, de mettre la personne en priorité pour éviter qu'il y ait des cas d'abus et pour éviter qu'il y ait des plaintes qui soient portées? Parce que je comprends que ce n'est pas moi qui pose les questions aujourd'hui, mais j'aimerais quand même ça en poser une, c'est: En quoi le projet de loi n° 38, qui va créer le Commissaire à la santé et au bien-être, va venir changer la situation de protection des personnes vulnérables et qu'on n'en aura plus, des histoires d'horreur, au Québec? Moi, je ne suis pas capable de répondre à cette question-là en lisant le projet de loi. Je ne la vois pas, la garantie de contrôle de qualité des services.

J'aimerais aussi vous donner un indice, si vous voulez, on pourra vous fournir en documentation, mais on s'est dit: Bon, si ça ne fonctionne pas au Québec comme ça, qu'est-ce qu'on pourrait faire qui pourrait fonctionner? En Ontario, il y a une loi concernant la prestation de services d'intervention en faveur des personnes vulnérables, ça n'a pas été en vigueur longtemps, mais c'est quand même une loi qui existe, et il y a un portrait qui est tracé, on l'appelle l'«Advocacy Act»; c'est quand même grandement inspiré de ce qui existe aux États-Unis. On ne dit pas qu'il faut prendre cette loi-là puis faire du copier-coller pour le Québec. Mais on dit par contre que c'est un excellent outil pour s'inspirer, pour mettre effectivement un régime de protection des personnes vulnérables au Québec.

On pourrait aller chercher des articles là-dedans, parce que les «advocates»... et je m'excuse pour le terme, mais, malgré que ça fait plusieurs années qu'on travaille sur ce dossier-là, on n'a jamais réussi à avoir le terme français pour définir les «advocates». Alors, ceux-ci ont quand même des pouvoirs accrus de pénétrer dans les résidences, dans les ressources, et c'est de la prévention qu'ils font, et ça, ça peut éviter des situations d'abus. Évidemment, comme je vous disais, ce projet de loi là n'a pas été en vigueur très longtemps, par contre il est écrit. Les statistiques qui avaient été faites, c'était que ça prenait 3 millions de dollars en Ontario pour mettre en vigueur le régime d'«advocacy», mais, quand le gouvernement conservateur est entré au pouvoir, lui, il a décidé que le travail était fait par les familles, les bénévoles et les organismes, et que c'était correct.

Alors, nous, ce qu'on veut vous dire aujourd'hui, c'est que l'«Advocacy Act» de l'Ontario est certainement une voie à suivre pour la protection des personnes vulnérables. Et que ce soit l'«advocacy» ou autrement, nous, ça ne nous dérange pas, c'est comme les structures, ça ne nous dérange pas, la finalité, c'est vraiment la personne. Et le principe le plus important que le gouvernement devrait considérer dans l'élaboration de la législation, c'est qu'il doit avoir une vision de coopération et non de confrontation. Si on peut éviter certains abus, parce qu'il s'en commet, à l'heure où je vous parle, je ne sais pas combien encore, si on peut en éviter, bien on pense qu'avec le projet de loi n° 38 il y a un grand oubli qui a été fait, et c'était celui de la prévention et de l'information.

En terminant, je veux juste vous dire ? j'écoutais M. Rodrigue tantôt sur l'information ? j'ai animé, il y a à peu près deux ans, une rencontre sur les services qui sont donnés au soutien aux familles. Il y avait un couple qui était âgé dans les 70 ans, avec leur fils de 42 ans, qui était avec eux, qui avait une déficience intellectuelle importante, et ces gens-là ne savaient pas qu'ils avaient droit à du répit. Ça faisait 42 ans qu'ils avaient leur fils avec eux, qu'ils s'étaient mis une serrure à l'intérieur de leur chambre parce que, lui, il aurait donc voulu aller dormir entre ses deux parents. Ils ne savaient pas, à leur CLSC, qu'ils avaient droit à du répit, ils n'ont jamais eu de gardiennage, jamais eu de ressource de répit. Ces gens-là sont venus me voir après la journée, et puis j'avais comme fait leur vie. Je trouvais ça épouvantable que ces gens-là ne soient pas informés.

Malheureusement, au Québec, bien on n'a pas le pire système, là, je ne dis pas que j'aimerais vivre ailleurs, sauf que les informations qui sont données par les gouvernements ou par les partis politiques, on les voit surtout en campagne électorale. Mais ce serait bon que la population soit informée davantage des services qui existent. Parce que, moi, d'apprendre que leur fils, pendant 42 ans, ils n'avaient jamais pu le laisser, bien je trouve que c'est complètement inadmissible. Et puis, bien, nous, on voudrait vraiment que, dans le projet de loi, vous axiez sur la prévention et la protection des personnes vulnérables.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre présentation. Je pense que tous ici, et toutes, partageons votre préoccupation pour les personnes vulnérables. Vous, vous la vivez au quotidien dans le concret, avec les personnes qui ont recours à vos services.

n(11 heures)n

Je commencerais par un bref commentaire sur le fait que, bien sûr, il faut connaître ces situations-là, et une partie de la solution est dans l'information et la connaissance de ces situations-là. Mais lorsqu'on parle de la pointe de l'iceberg, c'est vrai, il y a probablement beaucoup de cas qu'on ne connaît pas, mais n'oublions jamais qu'il y a également beaucoup d'endroits où ça va bien, où les soins sont bons, où les gens sont dévoués, et il faut toujours être prudent dans l'impression à la population qu'on laisse, parfois involontairement, qu'il n'y a pas un seul endroit au Québec dans le milieu de soins prolongés, de réhabilitation, où les soins ne sont pas épouvantables. Il faut quand même rétablir; je pense qu'il y a un équilibre ici.

Le cas de l'information, d'après moi, est tout à fait critique. La connaissance des événements. Prenons le cas de Saint-Charles-Borromée. On va en discuter comme ça au hasard ? pas vraiment au hasard, parce que c'est un cas, là, assez exemplaire ? vous savez, l'autre jour, quand ? l'autre jour! il y a quelques semaines ? quand j'étudiais ce triste événement là, on m'a montré des coupures de journaux de 1971 qui décrivaient exactement la même situation que celle qui a été mise à jour récemment. C'est quand même impressionnant, là. On est à 33 ans de distance et puis on a exactement les mêmes faits puis les mêmes situations qui sont relevés.

Là, il y a un espoir pour Saint-Charles-Borromée, à cause de la tragédie qu'on a vécue à l'automne. Ça a été tellement mis au premier plan dans l'opinion publique, que, là, le message a pu passer qu'il n'y avait pas de tolérance ni de la part des autorités ni de la part du public pour ce genre de situation là. Et je dois dire qu'enfin on aperçoit un vent de changement dans cette institution-là, qui va être difficile à mettre en place parce qu'on a un lourd historique.

De la même façon, tous les événements que vous mentionnez dans votre revue depuis janvier 2003, dans tous les cas, il y a eu des réactions publiques, il y a eu des actions locales qui ont été faites. Je disais l'autre jour, lorsque j'ai parlé de la question de la résidence Cooke à Trois-Rivières, qu'on n'a pas vu souvent dans le milieu de la santé et de services sociaux au Québec, convoquer les médias pour leur faire part d'une situation dans un établissement. Et ça, le but de cette opération-là, c'est de montrer à la population et à ceux et celles qui travaillent dans nos établissements que la question du traitement des personnes vulnérables, du respect de la dignité, ce n'est pas des choses à négocier, c'est des choses qui sont des absolues nécessités.

On reconnaît également qu'il y a un problème de ressources également ? vous faisiez allusion aux gens qui sont nourris plus ou moins bien parce que les gens n'ont pas le temps d'en prendre soin ? il y a un problème de ressources, mais il faut faire également garde à n'en faire qu'un problème de ressources, et, au-delà d'un problème de ressources, je dirais qu'il y a un problème de silence dans ce milieu-là, que vous avez bien illustré tantôt, et un problème de peut-être non-priorisation de ce problème-là. Moi, je me souviens bien, des dernières années ? puis ça traverse tous les gouvernements, là ? le milieu des soins prolongés, c'était comme quelque chose qui était en marge du système de santé, et il y avait les hôpitaux de soins aigus, il y avait les CLSC, il y avait le réseau, puis il y avait les milieux de soins prolongés, mais c'était un peu une grisaille puis un brouillard, puis on ne savait pas vraiment ce qui arrivait dans ces milieux-là.

Alors, je crois, moi, que la question de l'information ? puis là je vous rejoins là-dessus ? est au coeur de l'amélioration. Puis effectivement, ce n'est pas le fait de faire une charte puis le fait de nommer un commissaire qui va faire que les gens vont être informés. Cependant, il faut reconnaître que, dans le projet du Commissaire, même avec les imperfections actuelles qu'on veut améliorer, la question de l'information puis la divulgation de l'état réel du système de santé et de services sociaux ? les deux, quand on parle de santé et bien-être, on invite les deux versants ? la question de l'information de la population est à la base de ça. Et je pense que ce qu'il faut faire parallèlement, c'est améliorer également le système de traitement des plaintes, et on pourra y revenir au cours de la discussion. Mais je voulais juste apporter ces nuances dans votre intervention.

L'autre nuance que je me dois d'apporter: lorsque vous avez fait une remarque sur les CLSC en disant qu'ils étaient assujettis aux hôpitaux, je dois dire que ça ne correspond pas tout à fait à la réalité ni à l'esprit de la loi n° 25. Puis les gens partout au Québec s'en rendent compte maintenant que ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, l'idée; c'est la formation d'un réseau d'établissements au service d'une personne. Puis s'il y a quelque chose, là, les hôpitaux se demandent s'ils ne vont pas être assujettis aux CLSC actuellement. En passant.

La Charte des droits et responsabilités des personnes et des usagers, on y fait allusion dans le texte parce qu'on dit que c'est la première mission, le premier mandat que le Commissaire devrait se voir confié. Et là on se rejoint sur l'information, parce qu'on a constaté que les lois existent. Vous l'avez dit vous-même, vous avez cité un article de la Loi sur la santé et services sociaux. Cet article de loi existe, mais combien de gens de la population le connaissent, cet article de loi? Même chose pour les autres droits qui existent. Alors, ce qu'on pense qu'il faut faire, c'est informer la population de ces droits-là. Donc, le premier mandat confié au Commissaire, c'est d'élaborer la meilleure façon de divulguer ou d'informer la population de ses droits et de ses responsabilités. Est-ce que vous pensez que ce serait également, pour vous, le mandat prioritaire qu'on devrait lui confier?

Mme Tremblay (Isabelle): Absolument. Écoutez, lors de ma présentation, j'ai parlé que, effectivement, il y avait un important manque d'information. Quand je regarde l'article 2 du mandat du Commissaire, on dit que le Commissaire est responsable d'apprécier les résultats atteints par le système de santé et des services sociaux. Nous, ce qu'on veut dire, c'est qu'il faudrait, avant d'évaluer les résultats, qu'il y ait un mécanisme qui existe pour informer les gens et puis contrôler la qualité des services. Vous aviez commencé quelque chose lors des... lorsque vous avez annoncé qu'il allait y avoir des visites dans les CHSLD, et vous avez juste à reprendre qu'est-ce que vous avez mis comme critères d'évaluation. Je pense que, en commençant, en intégrant dans un projet de loi... il faut commencer à la base. Alors, si les gens savent: là, il y a des visites dans les CHSLD, on en pointe certains, on va le faire... bon, il y a eu des médiatisations de cas, bon, et ce ne sera pas ad vitam aeternam, c'est pour une période, parce que ça a été effectivement médiatisé, on ne sait pas trop, là. Mais est-ce que c'est justement parce qu'il y a cette vague-là? Parce que vous savez, Saint-Charles-Borromée, pour en reparler, quand il y a des gens qui ont commencé à briser la loi du silence, il y en a d'autres qui sont sortis.

Nous, à l'AQRIPH, on a une cassette vidéo de gens de Saint-Charles-Borromée qui parlent, qui a été préparée par Handicap-Vie-Dignité, un groupe de Montréal dont fait partie Mme Hélène Rumak et Johanne Ravenda, et il y a des gens de Saint-Charles qui parlent, qui sont sur le comité des usagers, qui disaient: Bien, regarde. Moi, là, je suis dans une civière, je ne bouge pas. Tout ce que je fais, c'est parler. Comment voulez-vous que je me plaigne? Parce que aussitôt que je dénonce quelque chose, bien: Toi, en fin de semaine, tu vas rester là ou, toi, à soir, tu n'iras pas là. Il y a des conséquences. Alors, il faut effectivement la briser, la loi du silence. À Saint-Charles, c'est arrivé. Le fait que ce soit médiatisé, bon, ça a incité d'autres personnes à parler.

Mais, moi, je pense que, au niveau de l'information, vous avez des éléments super importants qui ont été ressortis ici, dans le cadre des visites des CHSLD, et que le mandat du Commissaire, informer et... que ça devrait effectivement être intégré parce qu'on trouve que c'est trop curatif encore qu'est-ce qu'il doit faire. Il va évaluer, il va faire des recommandations, alors je comprends que je ne pose pas les questions mais, dans un autre cadre, on vous la posera directement: En quoi ça va changer quelque chose pour les personnes?

M. Couillard: Bien là je vais vous répondre. Vous avez le droit de poser des questions.

Mme Tremblay (Isabelle): Ah, oui? Ah, c'est le fun!

M. Couillard: Bien oui.

Mme Tremblay (Isabelle): On le saura pour l'avenir, qu'on a le droit de poser des questions.

M. Couillard: Il faut distinguer les choses. Et là le but du Commissaire à la santé, c'est de porter un regard systémique sur le système de santé. Et là il peut par exemple étudier le fonctionnement du système de plaintes, il peut regarder les résultats atteints en santé et services sociaux, il peut conseiller le gouvernement sur ce qu'on appelle la politique santé et bien-être, qui va donc bien au-delà de ce que vous appelez le curatif.

Il y a parallèlement à ça le Protecteur des usagers et le traitement des plaintes qu'on est en train de réviser, qui s'occupe de la relation individuelle entre la personne dans les établissements ou dans le réseau à l'extérieur des établissements, quant à la qualité et... la personne quant à la qualité des soins qu'elle reçoit et le traitement des plaintes. Donc, c'est une combinaison de ça.

Et, moi, je dis toujours, la liberté commence avec l'information et la connaissance. Quand on ne sait pas, quand on ne connaît pas, on ne peut pas être libre de ses choix puis on ne peut pas porter de jugement éclairé. Alors, ça, c'est l'élément, là, fondamental qui manque dans le réseau de la santé depuis des années. Moi, ça me frappait quand j'étais un citoyen, là, avant d'être un élu. Je regardais les discussions puis je n'avais aucune idée, puis probablement que c'est encore le cas maintenant. C'est quoi exactement, le système de santé et de services sociaux? Comment ça marche, comme disait M. Rodrigue tantôt. C'est quoi, les résultats? C'est-u vrai que là ça va mieux? C'est-u vrai que là ça va moins bien? Je n'étais pas capable, moi, comme citoyen, de me faire une idée juste de ça. Et je pense qu'au moment où on aura une source d'information crédible, indépendante ? puis je remarque vos suggestions quant au statut parce que vous n'êtes pas... tout le monde la fait, cette remarque-là ? au moment où on aura une source d'information indépendante, extérieure, qui dit à la population une fois par année: Voici, votre système de santé et de services sociaux, ce qu'il fait de bien, ce qu'il fait de moins bien, puis comment on pense qu'on devrait l'améliorer. Et là la responsabilité de l'élu, par la suite, de n'importe quel parti politique qui est au gouvernement, c'est de prendre ces conseils-là et ces recommandations-là et de décider de les appliquer ou non. Et l'année suivante, le Commissaire revient, il dit: Vous savez, je vous avais recommandé de faire ça et vous ne l'avez pas fait; et regardez ce qui est arrivé parce que vous n'avez pas fait ça, puis ceci, ceci, cela. Et là, l'élu, encore une fois, et encore plus qu'il ne le fait tous les jours, doit se justifier devant la population des actions qui ont été posées. Mais tant qu'il n'y a pas, à la base de ce système-là, un mécanisme d'information crédible, on ne peut pas avoir ce genre de débat là, à mon avis. Et, encore une fois, la liberté de choix puis l'éclairage qu'on apporte à un système commencent par la qualité de l'information et la connaissance.

n(11 h 10)n

Alors, vous voyez, je reviens à votre question: En quoi ça va améliorer la condition de vie des gens dans les résidences privées ou dans les CHSLD? Bien, je dirais que c'est une combinaison de tout ça. Ce serait bien illusoire de penser que, parce qu'on fait un commissaire, parce qu'on fait une déclaration de droits, en soi, ça va changer quelque chose. C'est l'ensemble de ces actions-là qui sont basées autour d'une considération qui est la connaissance et l'information.

Regardez ce qui arrive actuellement dans les CHSLD, là. Ce n'est pas drôle, ce qu'on entend, puis les médias en font état. Mais le fait d'en parler, moi, je suis convaincu actuellement que le fait d'en parler et, chaque fois qu'il y a un cas, d'en discuter le mécanisme puis l'origine, en soi, ça a un mécanisme d'amélioration puis d'éveil de la conscience dans le réseau. Alors, c'est une tâche qui intéresse tout le monde, toute la population, tout le réseau, puis ce n'est pas vrai que c'est une action du gouvernement ou une pièce de projet de loi qui va, en soi, apporter l'amélioration. C'est la conjonction de toutes les actions qui doivent aller dans cette direction-là. Donc, vous voyez, c'est une vision intégrée que je vous présente suite à votre question.

Mme Morin (Hélène): Je peux réagir à ça?

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Morin (Hélène): Bon. Moi, je comprends assez bien l'idée, là, que c'est un ensemble de mécanismes. Mais j'entends aussi ce que vous dites. C'est sûr, l'information, ça amène une liberté de choix. Par contre, pour les personnes qui ne peuvent pas exercer cette liberté-là, nous, on a une grande préoccupation. Les gens, mettons, qui ont une déficience profonde, les gens qui ne parlent pas, les gens qui ont des troubles de comportement tellement importants qu'ils passent une partie de la journée attachés, qui ne sont pas capables d'exprimer... Il y en a qui ont les familles proches, mais il y en a qui n'ont pas les familles. Ceux-là, qu'on le veuille ou non, ils ne peuvent même pas exercer leur liberté de choix. Puis c'est pour ces gens-là en particulier que, nous, on réclame un mécanisme de protection parce que ces gens-là sont souvent laissés seuls. Quand il y a des changements, quand ils ont des compressions budgétaires, c'est souvent les premiers à en être victimes parce qu'il n'y a personne pour s'occuper d'eux. Oui, il existe des mécanismes, mais, en tout cas, on a vu, avec la... on retourne un petit peu en arrière, mais avec les événements de Rivière-des-Prairies, on a vu qu'il y avait des structures qui n'étaient pas nécessairement adéquates. Je pense à la curatelle entre autres qui, à un moment donné, est responsable de ces personnes-là. Mais je ne sais pas si avec deux visites par année, moi, c'est suffisant pour savoir vraiment quel est l'état de la personne.

Donc, on a une préoccupation pour, dans le fond, les plus vulnérables de la société, et ces gens-là sont laissés à eux-mêmes, sont les premiers qui paient pour les compressions budgétaires, pour les modifications, les changements de services à l'intérieur du réseau. Moi, je parle beaucoup, là, du réseau de la déficience intellectuelle. C'est clair, je ne reviendrai pas sur le fait qu'il y a un gros manque d'argent dans ce réseau-là. Je pense que de part et d'autre, ici, vous avez été souvent interpellés sur ce dossier-là. Mais, nous, on pense qu'il faut aller vers un mécanisme de protection puis que c'est un incontournable pour s'assurer du bien-être de ces gens-là. Puis je pense que, si on a un tel système, on n'ira peut-être même pas, dans bien des cas, aux plaintes; ça n'ira pas là parce que les choses ne se passeront pas. Et c'est ce qu'on voudrait souhaiter parce qu'il y aura tous les systèmes de bout de ligne, mettons, n'empêche que la personne va avoir vécu des sévices, puis, en tout cas, quand on est parent de ces personnes-là, moi, je peux vous dire que, pour être en contact très souvent avec des parents, puis d'entendre les parents dire: Moi, je souhaite que lui ou elle parte avant moi, ce n'est pas dans l'ordre des choses, ça. La vie ne devrait pas être comme ça, mais les gens n'ont pas une grande confiance dans les services, même si c'est vrai qu'il y en a d'excellents, services, mais à cause de ce qui se passe, on se dit: Et si c'est mon fils, et si c'est ma fille qui tombe là-dessus, bien là ce n'est plus 2 % ou 3 % ou 10 %, là, que ça ne va pas bien; c'est 100 %, quand ça vous arrive à vous.

Alors, moi, je pense qu'il faut à tout prix donner une possibilité aussi à ces familles-là de se dire à un moment donné qu'ils vont mourir en paix en se disant: Mon fils, ma fille, là, bien il est pris en charge correctement, les gens vont s'en occuper puis les protéger, parce qu'on parle... On cite cette clientèle-là entre autres, dont on parle, pour ce qui est de la protection, parce que ces gens-là, ils n'en ont pas, de ressources, puis ils ne peuvent pas exprimer ? ça, c'est une chose dont vous devez être conscients, tout le monde, là ? ces gens-là ne peuvent pas... ils ne disent même pas des fois qu'est-ce qui s'est passé. Ils ont été battus, ils ont été violés, avec à l'heure actuelle, dans le réseau de la santé, l'habitude de recourir des fois à du personnel d'agence qui arrive là pas formé, on ne sait pas de qui il s'agit. Il est arrivé... en tout cas, à l'été 2002, dans le seul secteur est de Montréal, dans un seul mois, il est arrivé trois abus sexuels dans les résidences. Moi, je me dis que c'est inadmissible. Ça, c'est ce qu'on sait. Il y en a qu'on ne sait pas.

M. Couillard: Vous parliez des parents. Moi, je me souviens quand on est intervenu dans le dossier de la désinstitutionnalisation à Rivière-des-Prairies, là, ce que les parents me disaient le plus souvent: Ce que je voudrais, c'est ? parce qu'on parle de gens qui sont rendus à 60, 70 ans lorsque leur enfant est rendu à 30, 40 ans ? c'est avoir l'impression que, lorsque je vais mourir, mon enfant va être en sécurité. C'est ça qui les animait au plus profond.

Je vais parler brièvement de la question des visites parce que c'est une autre question que vous m'avez posée tantôt, là. Les visites de CHSLD qu'on fait actuellement, on trouve que c'est un bon outil, effectivement, compte tenu de la façon dont on les fait. Puis d'ailleurs, la revue Justice-Santé, à laquelle vous faisiez allusion, commentait dans le même sens. On pense actuellement très sérieusement à les rendre permanentes et à inclure dans les visites non pas uniquement les CHSLD, mais tous les milieux où on retrouve des clientèles vulnérables, des milieux de vie, là, où on retrouve des clientèles vulnérables. On pense que, ça, en soi, c'est porteur, je dirais, d'une... jamais d'une garantie, mais d'un certain espoir d'amélioration.

Je vais revenir à un cas concret que vous avez illustré tantôt, pour voir comment est-ce que vous pensez qu'on lutte contre ce genre de phénomènes. Vous avez parlé de la personne qui est sur une civière, là, vous avez utilisé l'exemple de Saint-Charles-Borromée, puis qui dit: Bien, si je me plains, je sais qu'on va me dire: Bien, toi, tu restes là ? je reprends vos mots, là ? toi, tu restes là, toi, tu ne bouges pas de là, toi, tu n'auras pas ça. Ce n'est pas le budget qui va régler ça, là. Comment est-ce qu'on va régler ce problème-là, de silence, de crainte, de représailles? La seule façon, c'est l'information, puis en changeant l'attitude et la culture des gens. Ce n'est pas en ajoutant 1 million demain dans cet établissement-là que ce genre d'attitude là va changer. Comprenez-vous? Donc, comment est-ce qu'on la fait changer, cette culture-là?

Mme Tremblay (Isabelle): Bien, il faut que la peur des représailles cesse. Quand on lit la littérature, les gens ne portent pas plainte parce qu'ils ont peur des représailles. La Protectrice des usagers, elle n'en a pas, de plaintes. Pourtant, il y en a, des cas, ils sortent dans les journaux. Pourquoi elle ne les a pas eus avant, elle? Elle aurait pu réagir. Comme le Commissaire à la santé, ça va être pareil. Est-ce que ça va encore sortir dans les journaux? Pourquoi ce n'est pas lui qui l'a reçu? Pourquoi, au niveau local, il n'y a pas eu cette plainte-là? Pourquoi les gens ne veulent pas parler? Parce qu'ils ont peur des conséquences.

Si on fait un parallèle avec le système de justice, les personnes qui sont victimes d'actes sexuels, d'abus sexuels, il y en a plusieurs qui ne parlent pas parce qu'ils voient comment ça se passe dans les médias. Est-ce que ça inspire les jeunes de parler, les jeunes filles qui sont victimes d'abus sexuels? Moi, je suis avocate de formation, j'ai fait de la jeunesse pendant 10 ans. C'est très difficile de faire témoigner les jeunes. Je fais un parallèle parce que c'est la même chose, quand on fait une plainte. Il faut que tu racontes ton histoire à un policier, à une intervenante sociale, tu la répètes. Tu la répètes, après ça, au Procureur de la couronne qui fait l'enquête préliminaire; tu changes de Procureur de la couronne la veille, tu la répètes en procès et tu as l'accusé devant toi.

Bien, au Commissaire aux plaintes, c'est pareil, et puis ils ont peur des représailles, ces gens-là, parce que c'est beau de porter plainte, mais ils restent dans la même institution. Et ce n'est pas tout d'informer les gens qui bénéficient des services, mais les personnes qui travaillent à l'intérieur... L'infirmière-chef qui volait les personnes les plus vulnérables dans son centre était en situation d'autorité. Ces gens-là, il faut que ce soit tolérance zéro.

Alors, ce n'est pas juste d'informer les gens de leurs droits. Les gens ne connaissent pas leurs droits. Mais, dans ce cas-là, il y a des gens qui ont parlé parce qu'il y a des familles, à un moment donné, qui sont arrivées puis qui ont dit: Aïe, qu'est-ce qui se passe avec ton compte? Mais une personne qui ne parle pas, les personnes les plus vulnérables de la société, qui va parler pour elles? Elles ont les mêmes droits. C'est très beau, les articles qu'ils ont pour eux, mais comment on va les inciter à parler? Je pense qu'il y a deux côtés qu'il faut regarder aussi: les droits des personnes puis les responsabilités des gens qui sont autour de ces personnes-là aussi.

M. Couillard: En fait, ça se complique encore plus parce que, dans les cas que vous mentionnez, il y a eu effectivement des plaintes, il y eu des plaintes traitées au niveau local, il y a même eu des plaintes qui se sont rendues au Protecteur des usagers. Puis plainte après plainte après plainte, on se ramasse avec un incident qui est médiatisé. Ça fait que ça va encore plus loin que ce que vous dites.

Mais l'exemple que vous citiez, ça se passe dans une chambre; il y a juste deux personnes dans la chambre. Il y a la personne qui dit ça à la personne qui est dans la civière. Ça, comment est-ce qu'on change ça? Comment est-ce qu'on imprime cette tolérance zéro, cette notion fondamentale de respect humain, là, qui n'est pas le cas de la majorité des employés, loin de là. La majorité des gens, ce sont des gens très dévoués, très attentionnés aux soins des personnes. Mais ça arrive, ce genre de chose là. Je le sais que ça arrive; on me l'a dit, que ça arrive, dans les établissements. Mais ça se passe entre deux personnes dans une chambre dont la porte est fermée. Donc, comment est-ce qu'on va changer ça?

n(11 h 20)n

M. Tremblay (Isabelle): Vous voyez que mon parallèle avec les abus sexuels était bon. Ça aussi, ça se passe toujours entre deux personnes. Quand quelqu'un dit: Je vais commettre un abus sexuel, il ne dit pas: Je vais aller chercher mon frère, ma mère, puis le voisin pour qu'ils me voient en train de le faire. Ça se passe toujours entre deux personnes. Nous, on pense que ? quand on disait que l'«Advocacy Act» pourrait être une inspiration ? tout le côté prévention peut peut-être éviter... Quand, dans une ressource résidentielle ou dans un établissement, on ne sait jamais quand une personne qui est là pour protéger les personnes vulnérables va arriver, bien je pense qu'on fait plus attention. Si tu as 15 ans puis tu décides de faire un party chez toi, puis tu sais que tes parents vont arriver à 11 heures, bien, à 10 h 45, tu vas faire sortir un peu d'amis, tu vas faire un peu de ménage. Mais si, par malheur, ils arrivent à 9 h 30, bien là c'est ça. Alors, je pense que le rôle des «advocates» est important dans le sens qu'ils ont des pouvoirs d'enquête, d'inquisition. Ils peuvent entrer dans les ressources. C'est ce qui était prévu, c'est ce qui se passe aux États-Unis et c'est le gouvernement qui paie pour ça; chaque État doit avoir un financement pour payer les «advocates» qui sont, dans la plupart des cas, des juristes. Mais ce n'est pas un système de confrontation, c'est pour éviter qu'il y ait des abus.

Alors, je pense que, M. le ministre, il n'y a pas personne qui va commettre des abus contre des gens en allant chercher des témoins. Et le fait de débarquer, de voir, de constater... C'est comme les enfants qui sont victimes de négligence. Les intervenants sociaux entrent dans la résidence, ils s'aperçoivent qu'il n'y a rien dans le frigo: Bien, regarde, on va s'en occuper. C'est des pouvoirs comme ça qui vont éviter des abus. Ne cherchez pas des témoins. On n'en trouvera pas, jamais.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de l'opposition officielle, vous souhaiter la bienvenue, Mme Tremblay et Mme Morin. Mes collègues et particulièrement la députée de Duplessis veulent également participer à cet échange, alors j'irai au plus pressé.

Alors, nous avons beaucoup parlé ce matin du régime de traitement des plaintes des usagers. Et il y a une révision qui est en cours présentement, alors j'aimerais vous demander si vous y participez, sous quelle forme vous y participez et si le ministère vous a invitées à y participer. Ça, c'est ma première question.

La deuxième, c'est: Regardons les visites éclair. Bon, qu'est-ce qu'elles provoquent? J'ai en tête la situation qui est survenue à Trois-Rivières avec le CHSLD Cooke, là, le pavillon Cooke, là, du CHSLD Trifluvien. Alors, la famille avait écrit au ministre une lettre de six pages, le 13 octobre, mais la famille indique qu'elle avait d'abord formulé des plaintes à la directrice de l'unité des soins de Cooke, à la directrice des soins, à la directrice générale, au commissaire local aux plaintes, au comité de la protection des malades, au Protecteur des usagers et, enfin, au ministre, l'automne dernier. Alors, il y a eu des visites éclair, mais là c'est l'avocat. Vous voyez, le processus est le suivant: c'est donc... À la demande de leur avocat, Me Jean-Pierre Ménard, les enfants ont pu rencontrer les enquêteurs du ministère de la Santé qui travaillent dans les visites éclair, là. Alors, la question que je me pose, c'est: Qu'est-ce qui fait défaut? Parce que, là, il y en avait beaucoup, là: il y avait tous ces directeurs, directrices, comités, protecteur et ministre. Et finalement c'est l'avocat qui déclenche un processus avec la famille. Bon. C'est un peu la même chose aussi qui s'est produit dans le cas de Saint-Charles-Borromée, c'est le même avocat.

Cependant, ces visites éclair ont quelque chose de très, très bon, c'est qu'elles déclenchent des visites des familles. Il paraît. Ce qu'on m'a dit, là. Moi, je vais assez régulièrement à Saint-Charles-Borromée, et on m'a dit qu'il y a une recrudescence de la visite des familles élargies, pas nécessairement toujours la famille nucléaire, parfois c'est la famille élargie. Et, en vous écoutant, je me suis posé la question: Beaucoup de ces personnes vulnérables sont abandonnées, mais par qui le sont-elles, aussi? Je pense qu'il faut se poser la question aussi.

Mais, dans le projet de loi qu'on étudie, qu'est-ce qu'on peut améliorer pour donner suite à vos représentations de ce matin qui, je suis sûre, nous touchent tous? On est émus par ce que vous dites là, soyez sûrs de ça. Qu'est-ce qu'on peut faire?

Alors, je pense que, si on veut donner suite à la vision intégrée dont parle le ministre, il faut introduire le mot «qualité». Après avoir lu votre mémoire, là, j'ai revu le projet de loi avec mes collègues et je me suis dit: Dans les fonctions du Commissaire à la santé et au bien-être, il faut introduire le mot «qualité», sinon ce que ça donne, c'est: il va apprécier des résultats quantitatifs mais pas qualitatifs, c'est-à-dire il va dire: Ils n'ont pas juste un, ils ont deux bains par semaine. Oui, mais qualitativement, c'est quoi, là? Et vous voyez, par exemple, le troisième alinéa, toujours, des fonctions du Commissaire: «Il rend publiques les informations permettant un débat au sein de la population sur les enjeux, les choix nécessaires à la viabilité...» On pourrait mettre: et la qualité du système. Si on n'introduit pas l'élément qualité, bien, en fait, on est quantitatif, des résultats comptables, mais on n'est qualitatif. Puis tout ce dont vous nous parlez, ça rejoint le qualitatif. Il y a des rapports d'autorité, mais ça devient des rapports de pouvoir. Comment on corrige des rapports de pouvoir? Moi, personnellement, je sais qu'on n'est pas immortels, on aura toujours besoin, si vous voulez, de médecins, mais, en même temps, on n'est pas parfaits. Donc, on aura toujours besoin de mécanismes de régulation des rapports de pouvoir, des rapports d'autorité.

Alors, comment on fait ça? Bon, ce n'est pas... Vous allez me dire aussi: Il faut un financement adéquat, hein. Puis ça, ce n'est pas indifférent et c'est un aspect important aussi parce que les services, c'est évident que, si on a 10 personnes à faire manger, Alzheimer, ce n'est pas la même chose que si on en a deux ou trois. Mais ? il y a bien des choses ? mais je pense que, avec vous, l'aspect le plus intéressant qu'on peut travailler, c'est l'aspect qualitatif. C'est ça, dans le fond, que vous introduisez. Parce que vous nous dites: Il y a énormément de dispositions législatives, il y a énormément de recours, mais la personne, pour toutes sortes de raisons exposées à la page 7 de votre mémoire, que vous nous exposez très bien, pour toutes sortes de raisons, elle est trop vulnérable même, souvent, pour utiliser ces recours.

Et là la solution que vous nous présentez, c'est celle de l'«advocacy», et celle-là est intéressante. Dans ce contexte, je reviens au régime de révision du traitement des plaintes des usagers en cours présentement. Est-ce que vous pouvez leur présenter cette proposition d'«advocacy»? Est-ce qu'on peut s'assurer qu'elle va être étudiée sérieusement?

Mme Tremblay (Isabelle): Nous, on demande juste à aller la présenter. Écoutez, ça fait quand même quelques années qu'on parle de contrôle de la qualité des services. C'est comme ça que, quand on parle de la protection des vulnérables, on utilise ces terminologies-là. Non, elle n'a pas été invitée à participer à la révision qui a cours actuellement concernant le processus des plaintes. Et, nous, on trouve que l'«advocacy» ou quelque chose qui ressemble à ça, avec le nom que vous voudrez parce que, vous voyez, on ne s'enfarge pas dans les structures, dans les noms, dans les titres, pas du tout. On ne veut juste pas que le Commissaire, ça fasse comme avec M. Jacoby qui est venu à chaque année dire à l'Assemblée nationale: Est-ce qu'il y a moyen qu'il y ait une indépendance de ce Commissaire-là? Ça, je pense que c'est important, puis on n'insiste pas beaucoup aujourd'hui parce que vous l'entendez depuis plusieurs journées. Comme on vous disait, les structures pour nous, ça importe peu, c'est vraiment le contrôle de la qualité des services pour les personnes plus vulnérables de notre société.

Les personnes handicapées qui ont une famille très proche et qui sont en institution, ou en ressources, ou en établissement, bien, sont moins vulnérables parce qu'il y en a un, contrôle de qualité: la famille est là. Ma grand-mère était dans un centre d'hébergement pour personnes âgées. Tout le monde tutoyait les autres personnes et les appelait par leur prénom, sauf ma grand-mère qu'ils appelaient Mme Duchesne parce que ma mère et sa soeur étaient toujours là. Les autres, c'était «Rose» et «tu», et, moi, je trouvais ça complètement inadmissible, là, j'étais plus jeune, là, mais... Peut-être qu'aujourd'hui je réagirais, mais, à l'époque, c'était: Bon, moi, ma grand-mère, elle les vouvoyait, bon. Parce que le contrôle de la qualité, les personnes qu'on vous parle, n'est pas fait par la famille parce que ce sont des personnes vulnérables, seules. Quand la famille est proche, bien, ça diminue.

Et quand vous parliez de financement tout à l'heure, on n'a pas parlé d'argent jusqu'à maintenant, nous. On n'a pas dit: Mettez 30 millions, ça va régler les problèmes. On se dit que, si vous prenez la peine de légiférer puis de faire des lois, bien ce n'est pas juste pour les encadrer. On espère que vous allez mettre les argents nécessaires pour que ces droits-là soient appliqués.

Il y a Mme Morin qui voudrait ajouter quelque chose. C'est possible?

Mme Morin (Hélène): Mme Harel, par rapport à ce que vous avez dit sur la recrudescence des visites des familles, en lien avec les événements de Saint-Charles, ce que je veux souligner, c'est que, dans les ressources privées, c'est moins évident, ce qu'on appelle les RTF, ressources de type familial, ressources intermédiaires où on entend des parents nous dire: Bien, moi, je suis obligé de rester dans le portique, je n'ai pas le droit d'aller plus loin. Et c'est fréquent, puis c'est comme pas évident, là, de jouer avec ça; on se retrouve dans le privé, là, en particulier dans les ressources intermédiaires qui sont souvent une forme d'entreprise. On dit aux parents: Vous restez là, vous ne bougez pas. Puis il y a même des parents où on leur dit: On ne veut pas vous voir. Alors, bon, il y a cet élément-là quand les enfants, les fils, les filles adultes sont placés dans des ressources qu'on dit, là, contractuelles du réseau de la santé.

n(11 h 30)n

Puis quand vous avez parlé... C'est vrai qu'il y a des personnes vulnérables abandonnées, puis on en est bien tristes, nous aussi, mais il faut dire que celles-là qui sont des gens, des fois, qui ont 30 ans, 40 ans, les parents se sont fait dire, quand ces personnes-là sont venues au monde: Monsieur, madame, laissez-les dans les établissements. Dans le temps, des genres d'orphelinat ou les anciens centres d'accueil, là ? laissez-les là. De toute façon, vous, vous ne pouvez rien faire, eux autres vont les aider.

Alors, il y a beaucoup de parents, devant cette situation-là, souvent tellement pénible individuellement, qui ont coupé. Je ne dis pas que je justifie ça, mais en même temps il faut... bon, leur réalité n'était peut-être pas évidente. Puis c'est ce qu'on leur disait. Non seulement le médecin, mais le curé du village disait: Madame, placez-le. Alors, c'est ce qui s'est passé aussi qui fait que bon nombre sont abandonnés.

Le Président (M. Copeman): Ça va. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Mme Tremblay, Mme Morin, moi, je vous félicite pour les propos que vous avez tenus ce matin, et vous décrivez réellement la situation terrain.

J'ai travaillé auprès des clientèles lourdement handicapées, qu'elles soient intellectuelles ou physiques, j'ai travaillé en soins de longue durée, et c'est vrai que ? j'arrive au même constat que vous ? on a beaucoup de structures qui sont mises en place pour respecter les droits des usagers, les droits des clients contre l'abus verbal souvent ou physique. Je ne crois pas qu'on a réussi, surtout avec le genre de clientèle en déficience intellectuelle, comme vous l'avez dit, qui sont souvent laissés à eux-mêmes, bon, des fois qui ne peuvent pas bouger, qui sont sur une civière, comme vous l'avez décrit.

Et ce que j'ai cru comprendre, puis en tout cas vous me le direz, si je me trompe, c'est que, bon, avec le projet de loi n° 38, avec le Commissaire à la santé ? puis ce n'est pas juste dans le cas des personnes handicapées, on s'intéresse tous à la santé, hein? ? on a cru que, bon, le Commissaire à la santé viendrait régler un paquet de problèmes, qu'il aurait beaucoup plus de pouvoirs. Et, vous en faites référence dans votre mémoire, quand vous avez lu le programme libéral, vous avez eu une lueur d'espoir. Ça ne réglait pas tout. Vous avez cru qu'il allait pouvoir intervenir, qu'il allait avoir une certaine latitude, puis peut-être sur des mécanismes. Vous vous rendez compte qu'en bout de piste ce n'est pas ça.

Moi, je voudrais revenir sur trois thèmes que vous avez dits. Là, on a parlé de protection, de prévention et d'information. Bon, c'est sûr que le Commissaire, il va se doter sûrement de mesures d'évaluation, il va faire des recommandations au ministre, mais qu'est-ce que ça va donner pour une clientèle de personnes handicapées lourdement, changer tout ce système-là? Puis, on le sait aussi, la santé, là, il ne faut pas se le cacher, la santé et les urgences, hein, tout ce qui se passe au niveau de la santé, là, au niveau hospitalier prend une place. Là, après, quand on arrive avec les personnes handicapées, on parle aussi de bien-être de ces personnes-là. Ce n'est pas des personnes qui ont besoin d'un médecin puis d'avoir une place à l'urgence, là.

Puis vous avez parlé aussi de mécanismes. C'est pour ça que j'en reviens, là, avec protection, information et prévention; un mécanisme à mettre en place peut-être avant. Et ce que ma collègue disait, Mme Harel, sur la qualité. On va, c'est vrai, dans les centres de santé, puis ils ont des chartes, puis, bon, il y a des choses qui se disent, puis, on l'a vu avec Saint-Charles-Borromée, c'est quand c'est médiatisé beaucoup que, là, on intervient. Puis c'est sûr qu'on annonce des visites d'avance. Puis, moi, je vous disais que je travaillais juste dans un petit centre de santé, puis, si le directeur général venait la journée, je peux-tu vous dire que, regardez, les personnes âgées, quand c'était le temps, si c'était sur l'heure du dîner, il n'y avait rien qui débordait, puis les filles prenaient leur temps de les faire manger, hein? Le midi où il n'y avait pas de visite puis que tu en as sept à faire manger...

Moi, je voudrais que vous élaboriez sur un mécanisme, tout en conservant la qualité qui, je crois, a fait défaut beaucoup au cours des dernières années dans notre système de santé, mais sur le mécanisme qu'on pourrait mettre en place, peut-être qui viendrait aider cet éventuel Commissaire à la santé. Parce que, vous savez, le projet de loi, il est passé, on ne pourra pas y échapper, là, mais qu'il tienne compte d'un mécanisme qu'on met en place puis qu'il en tienne compte aussi avec la qualité de vie qu'on veut retrouver au niveau des personnes, là, qui sont dans des milieux...

Puis même en ressources. Vous avez fait mention, les types de ressources intermédiaires, c'est du privé. Puis c'est encore plus difficile, je vous dirais, dans ces milieux-là, là. Il va falloir, à un moment donné, évaluer ces ressources-là. Puis je me dis... Vous le décrivez, ça fait nombre d'années, et le ministre en a fait référence tantôt, à des cas semblables si on retourne 30 ans en arrière. Est-ce qu'on va... Moi, je ne serai pas là, mais, dans 30 ans, on va-tu vivre la même situation?

Il faut vraiment, moi, je crois, mettre des mécanismes en place dès le départ, pas juste être une question d'évaluer puis d'évaluer puis de dire: Bon, on a eu telle plainte cette année, on va corriger. Vous savez, tout ce temps-là, c'est les personnes, là, qui sont sans voix, là, les personnes qui n'ont pas de famille qui n'auront jamais le droit à ces services de qualité.

J'aimerais juste... si vous pouviez élaborer, là, sur les mécanismes puis sur la qualité, là, qu'on devrait axer là-dessus, et faire un lien avec le Commissaire à la santé qui, moi, je crois que, dans le contexte actuel en tout cas, de ce que le ministre décrit comment sera le Commissaire à la santé, il ne répond pas à mes attentes puis il ne répond pas aux attentes des gens en tout cas qu'on a vus en commission.

Mme Tremblay (Isabelle) Le mécanisme que, nous, on imagine, c'est celui de l'«advocacy», parce que, avec les études qu'on a faites depuis l'an 2000, c'est ce qu'on trouve qui pourrait le plus facilement s'importer au Québec. Et je peux vous dire que, quand on a trouvé l'«Advocacy Act» de l'Ontario, on s'est dit: Bon, il y a quelqu'un ailleurs au Canada qui a fait le travail pour nous. Ça n'a pas été appliqué, mais quand même le texte législatif est là et ça reprend, au niveau canadien en fait, le système d'«advocacy» qui existe aux États-Unis.

Alors, comme mécanisme, nous, ce qu'on dit au gouvernement aujourd'hui, c'est qu'il faudrait grandement s'inspirer, s'inspirer de ce système-là, parce que, nous, c'est ce qu'on a trouvé de mieux pour contrôler la qualité des services. Il faut qu'il y ait un mécanisme de contrôle. Parce que je n'aime pas ça quand je lis l'article 2 du projet de loi puis qu'on me dit que «le Commissaire est responsable d'apprécier les résultats atteints par le système de santé». Je ne veux pas qu'il agisse après. Dans ma tête, ça reste du curatif. Je veux qu'il y ait du préventif de fait pour éviter...

Je vous disais tantôt que je suis contre les médecins, je ne veux pas offusquer personne, là, en disant ça, là, mais je serais contre le Commissaire aux plaintes aussi. Et puis qu'il s'appelle n'importe comment... Moi, j'ai entendu quelqu'un dire: Avant, j'étais un infirme; après ça, je suis devenu un invalide; au fil des années, je suis devenu un handicapé; maintenant, je suis personne handicapée. Mais je suis en fauteuil roulant puis, quand j'arrive devant un escalier, j'ai le même maudit problème que quand j'étais un infirme ou que je suis devenu une personne handicapée. Le titre de la personne, on s'en importe peu. Nous, on veut qu'il ait des réels pouvoirs. Et on peut s'inspirer justement des visites qui sont faites pour créer des «advocates» au Québec, on les appellera comme on voudra, mais donner des pouvoirs d'enquête à ces gens-là. Ça s'inscrirait très bien dans la loi, là, ce mécanisme de contrôle de la qualité des services.

Mme Richard: Je vous remercie beaucoup, et j'espère que le ministre va en tenir compte. Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va. Alors, merci beaucoup, Mme Tremblay, Mme Morin, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

 

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. M. Gilbert, dans les circonstances, vous êtes assez facile à identifier. Malheureusement, nous avons soit Mme Savard ou Mme Poulin devant nous, on ne sait pas laquelle, on s'excuse.

Mme Thomas (Florence): Mme Thomas.

Le Président (M. Copeman): Mme Thomas, bienvenue à cette commission. Vous avez une présentation d'une durée maximale de 20 minutes à faire et qui sera suivie avec un échange plus ou moins de 20 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous invite à débuter votre présentation, M. Gilbert.

Fédération des infirmières
et infirmiers du Québec (FIIQ)

M. Gilbert (Daniel): Eh bien, bonjour. D'entrée de jeu, je tiens à me présenter. Je suis Daniel Gilbert, deuxième vice-président à la Fédération des infirmières. Je suis accompagné de Mme Florence Thomas, conseillère au secteur santé à la fédération.

Donc, je tiens à vous remercier, M. le Président, ainsi que M. le ministre, M. Couillard, ainsi que les membres de la commission d'avoir bien voulu nous accueillir et de nous entendre concernant les commentaires de la fédération concernant le projet de loi n° 38.

Comme vous savez, la FIIQ représente 45 500 infirmières au Québec, donc approximativement 72 % des infirmières syndiquées qui oeuvrent comme travailleuses professionnelles au niveau du réseau de la santé, qui sont également usagères à quelques reprises de ce même réseau. Ces infirmières-là exercent leur profession dans plus de 453 établissements. Et la FIIQ, comme vous le savez, a toujours également participé aux différentes formes de consultation parce que, pour la Fédération, d'émettre notre opinion concernant ce qui concerne le réseau de la santé est une priorité, et c'est également une priorité pour l'ensemble des infirmières que nous représentons. Et c'est dans ce contexte qu'à plusieurs reprises la FIIQ a également démontré qu'elle attachait beaucoup d'importance à la promotion et à la prévention de la santé et que la FIIQ a, à quelques reprises également, mis en garde les décideurs de notre gouvernement concernant certaines décisions qui pourraient être prises, décisions qui pourraient être dictées par les grands diktats économiques, donc des impératifs économiques.

Donc, comme vous le savez, au quotidien les infirmières sont témoins des multiples effets des inégalités au niveau socioculturel, socioéconomique, sociodémographique également, donc elles sont fortement préoccupées par le projet de loi n° 38 qui est à l'étude présentement.

Comme le prévoyait le programme du Parti libéral, nous nous retrouvons aujourd'hui à discuter du projet de loi concernant la création du Commissaire à la santé. Dans le programme du Parti libéral, on prévoyait une charte des droits et des responsabilités du patient. Cette charte devait préciser et viser à assurer la défense des droits des citoyens et des citoyennes, visait également à examiner le système sous l'angle des choix scientifiques, éthiques, économiques et sociaux. Le projet de loi ne concorde pas avec ce qui avait été annoncé. Selon nous, il est trompeur, il menace les acquis et les valeurs que la société s'est donnés.

Le projet de loi n° 38 prévoit la nomination d'un commissaire responsable d'apprécier les résultats atteints par le système de santé. Pour la FIIQ, ce projet, porteur de changements significatifs au niveau des orientations, menace les acquis de notre système de santé et sa gouvernance. Le projet de loi abolit deux organismes avec des missions distinctes en santé, et ces deux organismes assurent une représentativité des intervenants et de la société civile. Rappelons-nous que le Conseil médical doit conseiller le ministre surtout sur les questions et les services médicaux. Quant à lui, le Conseil de la santé et du bien-être, cet organisme doit conseiller le ministre sur les meilleurs moyens à prendre pour améliorer la santé de la population, sur les meilleurs moyens également à prendre pour agir sur les déterminants de la santé. Et d'ailleurs c'est ce conseil qui a la responsabilité d'assurer le suivi et l'évaluation de la Politique de santé et bien-être adoptée par le gouvernement libéral.

Nous constatons un changement radical entre la représentativité actuelle et le projet de loi, puisque le Commissaire sera le seul pour remplacer et assumer les fonctions que 19 membres assumaient antérieurement. Nous savons que la santé est la priorité de la population. L'abandon du caractère représentatif est de très mauvais augure, selon nous. Pour la FIIQ, la création de cet organisme pourrait avoir pour effet de limiter la capacité aux citoyens et intervenants du réseau de jeter un regard critique sur le système par le biais d'un organisme public indépendant.

Le présent projet de loi ne prévoit pas que les avis du Commissaire prendront appui sur la politique. Rappelons que les orientations de la politique sont basées sur une approche préventive, objective et qui nous permet également de prévoir à même cette politique-là de déterminer les moyens pour agir sur les déterminants de la santé. La FIIQ est d'avis qu'il y a tout lieu de croire à un changement en regard de l'approche préventive, qualifiée bien souvent de plus coûteuse et privilégiée par la politique, puisque le projet n'oblige pas le Commissaire à en tenir compte.

La FIIQ ne peut surseoir à un tel changement. Nous nous sommes prononcés à plusieurs occasions sur la nécessité d'investir en promotion et en prévention, et en aucun cas l'argument économique qui veut qu'un système doive faire preuve d'efficacité et d'efficience ne doit supplanter la capacité de ce système à répondre aux besoins de santé de sa population.

Ce changement d'orientation est confirmé par les fonctions octroyées au Commissaire. Celui-ci devra apprécier les résultats obtenus, informer le ministre et proposer des changements afin d'améliorer l'efficacité et l'efficience. Dans un contexte de sous-financement chronique, de telles orientations risquent de confirmer le virage vers une approche plutôt curative et l'abandon de l'approche préventive prévue à la Politique de santé et bien-être. Rappelons-nous que c'est le ministre Marc-Yvan Côté, au nom du Parti libéral, qui a piloté l'élaboration et l'adoption de la politique. Contrairement au mandat du Conseil de la santé et du bien-être, qui consiste à identifier les meilleurs moyens pour améliorer la santé, incluant les interventions sur les déterminants de la santé, celui du Commissaire consiste principalement à apprécier les résultats. Les infirmières ont à coeur de prodiguer des soins de qualité, et l'efficacité fait partie de nos préoccupations.

Le projet de loi, selon nous, est inutile puisqu'il n'apporte rien de nouveau par rapport à la politique toujours en vigueur. Le projet de loi a comme objectif principal la performance, alors que l'amélioration de la santé et du bien-être de la population aurait dû se retrouver en premier lieu.

Par ailleurs, il y a lieu de questionner l'utilisation du verbe «apprécier». On peut émettre des doutes quant au sens qu'il pourra prendre lorsqu'il s'agira d'évaluer l'accroissement des dépenses de l'État. Le projet de loi est suffisamment flou pour ne pas permettre de comprendre quel type d'évaluation le Commissaire devra faire. En conséquence, la FIIQ ne peut souscrire à cette orientation qui vise à transformer l'amélioration de la qualité en un mandat d'évaluation de la performance globale.

La FIIQ a dénoncé l'entreprise de la réingénierie de l'État, car celle-ci vise à recentrer ses missions essentielles par des mesures structurantes qui doivent procurer des rendements budgétaires significatifs. Les objectifs de performance que le Commissaire devra apprécier cadrent parfaitement avec ce processus. Ce présent projet de loi s'arrime parfaitement avec les autres projets de loi ou lois déjà entérinés. Maintenant, avec la Loi sur le Commissaire, le gouvernement se donnera les outils pour poursuivre une réforme qui rencontre beaucoup d'hostilité de la part de la population en général. Tout laisse croire que les principes de la réingénierie sont susceptibles de menacer l'intégralité du système de santé, sans compter les impacts sur l'amélioration de la santé de la population québécoise. Selon nous, l'examen par le Commissaire des grands enjeux qui menacent la viabilité du système public pourrait servir d'argument pour réduire les dépenses et remettre en question le financement public du système de santé. La FIIQ s'oppose formellement à la privatisation et à la désassurance des soins et des services de santé.

n(11 h 50)n

M. le ministre, vous avez, en juillet dernier, souligné la volonté de dépolitiser partiellement le système de santé, surtout en ce qui concerne l'arbitrage des choix, en particulier l'accessibilité, les nouvelles technologies. En outre, le Commissaire nommé par l'Assemblée nationale, donc indépendant, devait disposer de l'autorité morale pour implanter une culture d'excellence. De plus, le Commissaire devait ajouter une dimension nouvelle sans supprimer le Conseil de la santé et le Conseil médical du Québec. Or, le projet de loi présenté ne concorde pas avec ce qui avait été annoncé. Ce mode de nomination, où des doutes quant à l'indépendance peuvent surgir, cela signifie qu'il agira définitivement sous la responsabilité du ministre. L'abolition du Conseil de la santé concentre les pouvoirs et les responsabilités à une seule personne, alors qu'avant une équipe d'experts pouvait conseiller le ministère et le ministre directement.

Le projet de loi est flou quant à l'interprétation qui sera donnée à l'expression «viabilité du système». Est-il besoin de rappeler les conclusions du rapport Romanow à l'effet que le système est viable, d'où la nécessité d'avoir la volonté politique de financer convenablement la viabilité de ce système. Selon la FIIQ, certains indices permettent de croire que les orientations du ministère et la politique de réingénierie influenceront grandement les travaux du Commissaire.

Outre le changements d'orientation et les effets appréhendés par l'intrusion de nouvelles valeurs, qui menacent les valeurs et principes défendus par la population québécoise, ce virage remet en question les fondements de notre système de santé. L'article 10 du projet met en relation les notions de performance, d'efficacité et de soins nécessaires à la viabilité du système. Selon la FIIQ, cette notion est introduite pour deux raisons: la première, l'augmentation des coûts, ajoutée au sous-financement chronique du réseau, représente une pression pour le gouvernement qui a promis des diminutions d'impôts; deuxièmement, le gouvernement a démontré la volonté de diminuer les services que fournit l'État et d'offrir des opportunités d'affaires au secteur privé ? c'est le privé au service du public. Le seul constat qui peut être fait est qu'un système privé parallèle semble fournir de meilleurs soins aux personnes plus aisées.

Cette liberté de choix du privé s'oppose au concept du droit à la santé, qui oblige les gouvernements à obéir au principe d'équité et d'accessibilité. Selon la FIIQ, l'introduction de la notion de choix vise à légitimer des décisions politiques qui remettent en question l'offre de service et l'assurabilité des services. Toute diminution de service entraînée par ces changements serait inacceptable et irait à l'encontre des attentes des citoyens et des citoyennes.

Le Commissaire aura à apprécier les résultats atteints par le système de santé, et cette responsabilité sera exercée en regard de différents critères. Ces dits critères d'évaluation entrent en conflit selon nous avec certains principes de la Loi canadienne sur la santé. La notion d'assurabilité vient compromettre le principe d'intégralité de la loi canadienne. Pourquoi mentionner le critère de l'assurabilité si ce n'est pas pour réviser le panier de services à la baisse? La FIIQ trouve alarmant de remettre en question le principe de l'intégralité, car une telle décision pénaliserait les plus démunis. La FIIQ est d'avis que le projet de loi va à l'encontre du respect des valeurs présent dans la Loi canadienne de la santé.

De plus, il y a lieu de questionner la signification de «responsabilités corollaires». Une utilisation inadéquate des services engendra-t-elle des conséquences économiques pour le patient? Le projet de loi n'apporte aucune précision relative aux indicateurs de performance. Comment se fait-il que la responsabilité de l'individu soit alors questionnée? Le glissement de la notion de responsabilité partagée vers celle de la responsabilité individuelle nous apparaît alarmante.

En terminant, le projet de loi soulève de nombreuses craintes de notre côté, car il prête à interprétation et ne nous permet pas de cerner clairement les objectifs du législateur. Selon nous, le projet de loi transforme le mandat d'amélioration de la santé en mandat d'évaluation de la performance globale du système et ne garantit pas l'indépendance du Commissaire. Évaluer la performance du réseau de la santé, prendre à témoin les citoyens pour faire des choix ne ressemble plus au mandat qu'assumait le Conseil de la santé et du bien-être. En ce sens, la FIIQ recommande les modifications suivantes:

Que le Commissaire à la santé et au bien-être soit nommé par l'Assemblée nationale et que son indépendance à l'égard du ministère de la Santé et des Services sociaux et de son ministre soit circonscrite dans le projet de loi;

Que la représentativité de la société civile et des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux soit assurée au sein de l'organisme créé par le projet de loi;

Que le Commissaire à la santé et au bien-être ait l'obligation de tenir des audiences publiques et d'assurer la participation citoyenne, incluant les consultations d'organismes non institutionnels, associations et regroupements d'acteurs impliqués dans l'amélioration de la qualité et du bien-être;

Que le Commissaire à la santé et au bien-être soit tenu de se conformer à la Politique de la santé et du bien-être afin que l'amélioration de la santé et du bien-être et particulièrement la promotion et la prévention de la santé demeurent des priorités pour le ministère de la Santé et des Services sociaux.

À défaut de retenir ces recommandations, nous recommandons, le cas échéant, que le nom du Commissaire à la santé et au bien-être soit remplacé par celui de «vérificateur à la performance globale du système de santé et des services sociaux». Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Gilbert, Mme Thomas, bonjour, merci pour votre communication. D'entrée de jeu, je dirais que vos remarques sur le processus de nomination et la participation citoyenne font suite à d'autres remarques dans le même sens et que, comme je l'ai déjà indiqué, nous les considérons très activement.

Maintenant, là, on a, je dirais, un problème général qui va nous amener à échanger un peu. Vous évoquez l'apparition d'un système privé parallèle pour donner accès aux gens plus fortunés aux services. En aucun cas, c'est ce que nous préconisons. Moi, je suis venu en politique, au contraire, pour conserver l'équité puis conserver le système public, de la gestion publique, tel que reconnu dans la loi canadienne; la gestion publique qui veut dire que l'argent doit être financé par le public. Mais certaines prestations de services peuvent être faites dans le système privé, en autant que ce n'est pas le patient qui paie. Ça, ça a déjà été fait par tous les gouvernements, ça se fait actuellement, ce n'est pas nouveau. Donc, la question de préserver notre système public de santé puis l'équité sociale qui est à sa base, là, on partage le même objectif.

Et justement, au coeur de cet objectif-là, on va venir tantôt à la question économique et la question d'informer de façon objective la population sur l'état réel de son système de santé, sur l'état de santé de la population suite à la Politique santé et bien-être et sur les résultats atteints par le système de santé sur plusieurs fronts ? il faudra effectivement probablement les préciser ? tels que la qualité, l'accessibilité, les efforts de prévention et de promotion. Tout ça, ce sont des éléments très utiles de notre système de santé.

Maintenant, je voulais juste être certain de comprendre votre point de vue, parce que vous semblez ? je suis certain que ce n'est pas ça que vous voulez dire ? dire qu'il ne faut pas tenir compte des problèmes économiques. Le fait que le système de santé augmente en coût, c'est une variable qu'il faut écarter du terrain et ne pas en tenir compte, le fait, par exemple, qu'actuellement c'est près de 42 % des dépenses de l'État et que, selon toutes probabilités, ça va continuer à augmenter. On connaît les causes de ces augmentations-là: les changements de la population, technologies, médicaments, le déséquilibre fiscal avec le gouvernement canadien, tout ça est très, très bien connu, mais jusqu'à quel point est-ce qu'on amenuise les autres missions de l'État comme l'éducation, la protection de l'environnement et autres pour financer ce système-là? Est-ce que ce n'est pas là qu'est l'essence des choix à faire?

Vous semblez dire qu'il n'y a pas de choix à faire. Mais oui, il y a des choix à faire, forcément qu'il y a des choix à faire. Dans tous les systèmes de santé, il y a des choix à faire. Le seul système de santé où il n'y a pas de choix à faire, c'est celui où le patient paie pour tous les services qu'il veut, n'importe quand, selon sa fortune personnelle. Ça, dans ce système-là, il n'y a aucun choix à faire. Mais un système public dont on partage entre nous, les Québécois, le financement, avec des ressources publiques qui par définition sont limitées, forcément il y a des choix à faire. Alors, je ne comprends pas qu'on veuille laisser entendre à la population que c'est un système qui n'a pas de limite et dans lequel il n'y aura jamais de choix important à faire.

M. Gilbert (Daniel): Non, on ne dit pas qu'on n'est pas conscient de l'augmentation des coûts et qu'il ne faut pas tenir compte de l'augmentation des coûts. Ce qu'on veut faire ressortir ici, c'est que la population québécoise a également réitéré qu'elle tient à avoir un service de santé accessible, universel pour tous, où reposent également ces principes-là sur une valeur d'équité entre la population québécoise. Donc, avant de dire qu'on veut désassurer des services importants auprès de la population ou de laisser émerger un système privé parallèle au secteur public, donc un débat s'impose, donc un vrai débat avec la population où des choix pourront être faits.

Donc, c'est à la population que revient de choisir ce qu'elle veut se donner comme système de santé public et non pas par le biais d'un commissaire qui a la responsabilité d'évaluer la performance d'un réseau, faire des recommandations, de venir désassurer des pans de services importants, qui encore une fois va venir pénaliser les plus démunis au niveau de la population québécoise.

n(12 heures)n

Donc, c'est ça que, nous, on a comme crainte, étant donné que la responsabilité de tenir compte de la politique de santé publique, qui est axée davantage sur la promotion et la prévention de la santé, est en 4° au niveau de l'article 10, chapitre II, alors que le premier est axé sur les résultats, sur l'efficience, etc. Notre préoccupation est que, par ce biais-là, on fasse la démonstration que notre réseau n'est plus viable sans avoir de réels débats au niveau de la société québécoise, et qu'on dirige directement le gouvernement à venir couper et à venir diminuer le panier de services. C'est ça, nos préoccupations concernant le projet de loi n° 38.

M. Couillard: Moi, je dois vous dire que le souci que j'ai pour notre système de santé, c'est de l'autre sens que je le prends. C'est qu'actuellement la population québécoise, elle dépense 42 % de son revenu collectif pour financer le système de santé, avec des résultats qui la satisfont peu. Soyons honnête, là, les gens sont assez peu satisfaits des résultats, surtout en termes non pas de qualité, les gens sont contents de la qualité des soins, mais en termes d'accessibilité.

Moi, ce qui m'inquiète, ce n'est pas les actions des gouvernements, c'est la réaction de la population: jusqu'à quel point la population va accepter de consacrer une portion de plus en plus importante de son revenu collectif à un système dont elle n'est pas satisfaite. C'est ça qui est l'enjeu, ici. Puis la perte de confiance de la population envers le réseau aura beaucoup plus d'impact que le type de parti politique qui va être au gouvernement. Et ça, c'est quelque chose qui nous guette et qui est certainement réel, et c'est quelque chose qu'on voit poindre à l'horizon également, et c'est quelque chose que, moi, je ne voudrais pas voir arriver. Donc, on est là pour réfléchir aux façons de préserver les valeurs que vous mentionnez, les valeurs d'équité, d'accessibilité, d'universalité, et c'est pour ça qu'on est tous ici dans cette salle, aujourd'hui.

Mais vous êtes certainement d'accord qu'au coeur de ce débat-là la notion ou la nécessité d'informer les gens, la population... Il faut qu'ils soient informés. Comment est-ce que les gens peuvent juger actuellement de ce qui se passe réellement dans le système de santé, non seulement de la qualité, mais des priorités qu'on donne? Vous avez parlé de l'importance de la prévention, par exemple. Qu'est-ce qui permet à la population actuellement d'avoir les connaissances pour savoir où sont les priorités d'investissement, quels sont les résultats en termes de services ou en termes de résultats sur la santé globale de la population? Il me semble que là il y a une mission absolument essentielle.

Si on veut protéger notre système de santé, qui est le système public, le service public auquel on tient le plus, il faut qu'on en connaisse vraiment la structure, la priorisation, le financement et également, quelque part, les résultats que les citoyens en retirent soit individuellement, soit collectivement. Alors, cette façon d'informer me semble, là, tout à fait, là, centrale pour assurer la pérennité de ce que vous-même vous souhaitez puis que je souhaite également.

M. Gilbert (Daniel): Écoutez, la façon d'informer la population de comment est constitué le réseau, quels sont les services qui sont disponibles auprès de la population et à quoi je suis en droit, comme citoyen et citoyenne, de m'attendre comme services, je pense qu'il y a des éléments là-dedans qui peuvent se regrouper sous le couvert de la prévention et la promotion de la santé. Quand on éduque une population à se prendre en main et à prendre sa santé en main justement dans le but d'éviter des coûts rattachés aux soins de santé au Québec, déjà là on ferait un bon pas. Et vous êtes sans savoir que c'est des éléments qui ont toujours été négligés, de la part du gouvernement ou des différents gouvernement québécois, en termes d'investissements au niveau de la promotion et la prévention de la santé.

Qu'on ait un commissaire qui vienne nous dire comment est constitué le réseau de la santé, on ne vient pas d'agir sur les déterminants, également, de la santé d'une population. Donc, c'est vraiment en l'éduquant, cette population-là, donc en se donnant les moyens de l'éduquer, la sensibiliser justement aux répercussions de ne pas prendre sa santé en main, qu'on pourra atteindre des résultats, des diminutions de coûts au niveau du réseau de la santé, pas nécessairement en optant directement et immédiatement en diminuant le panier de services, en privant des populations très démunies de services auxquels elles ont besoin et des services qui sont requis par leur état de santé, qu'on va leur permettre de comprendre comment le réseau est composé, est structuré, puis comprendre la logique pour laquelle on ne doit plus ou qu'on n'est plus capable de financer ce réseau-là.

Donc, je pense que c'est vraiment en misant sur différentes formules, donc la prévention et la promotion, qui est à la base, et on le répète, de la Politique de santé et bien-être qui nous tient à coeur, et dans lequel on a également des moyens et que le Conseil de la santé avait comme mandat d'assurer un suivi au niveau de ça, et qui devait également faire des recommandations sur les moyens pour agir sur les déterminants de la santé. Ça, on y tient beaucoup. Et ce n'est pas juste par un rapport annuel ou à deux fois par année par un commissaire qu'on va être en mesure de sensibiliser la population.

M. Couillard: Mais est-ce que vous pensez que, réintroduire dans le projet ? parce que c'est un projet qui peut être... qui doit être bonifié, là ? réintroduire la participation citoyenne telle que celle qu'on connaît actuellement au Conseil santé bien-être, ça pourrait rétablir cet équilibre entre, d'une part, la fonction conseil pour la Politique santé bien-être, d'autre part la partie évaluation de la fonction? Est-ce que vous pensez que c'est une avenue qu'on devrait considérer?

M. Gilbert (Daniel): Oui. D'ailleurs, on vous l'a fait, comme recommandation, de vraiment s'assurer la participation citoyenne au niveau de ce nouvel organisme.

M. Couillard: Pour ce qui est de la charte, vous y avez fait allusion dans votre présentation, il y a un article du projet de loi qui indique que le premier mandat du Commissaire sera de se voir confier la tâche d'élaborer une déclaration des droits et des responsabilités des usagers ou des personnes. Parce que ces droits-là sont connus, hein, dans les textes législatifs... c'est-à-dire, ils ne sont pas connus, ils sont inscrits dans les textes législatifs, pardon, mais ils sont peu connus de la population. Et il y a des expériences internationales qui montrent que le seul fait d'inscrire un droit pour un usager n'a aucun impact réel démontrable, quelques années plus tard, sur l'accessibilité et la qualité des services; c'est la connaissance du public de ces droits-là qui est la clé pour que vraiment ces droits-là aient une transcription concrète.

Donc, c'est ce qu'on a... On n'a pas abandonné le projet de la charte, de la déclaration, c'est en fait le premier mandat qui va être confié au Commissaire de la santé et au bien-être, d'élaborer cette déclaration. Alors, pensez-vous que c'est effectivement une tâche prioritaire pour le Commissaire?

M. Gilbert (Daniel): Oui. Pour nous, c'est une des priorités qu'on doit retrouver au niveau du mandat du Commissaire.

M. Couillard: O.K. C'est bien.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga... Hochelaga-Maisonneuve ? je vais l'avoir, ça va prendre quelque temps.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Monsieur... Oui? Oui, je vous laisse.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, madame. Excusez.

Mme Thomas (Florence): Je voulais juste intervenir au sujet de la notion de choix, à laquelle vous faisiez allusion tout à l'heure. La FIIQ n'est pas contre le fait de faire des choix; par contre, il faudrait désigner quels types de choix on ferait pour le système de santé. Vous parliez de financement et de coûts; actuellement, on sait très bien que ce ne sont pas les soins de première ligne, qui sont à peu près 80 % des activités, qui coûtent le plus cher. Par exemple, pour l'île de Montréal, ça coûte 36 % pour la région montréalaise alors que, le reste, les services spécialisés et surspécialisés coûtent 46 %. On sait que ce sont les technologies qui coûtent très cher et les médicaments. Alors, quand on parle de choix, on dit de regarder les bonnes affaires.

En ce moment, on est en train de faire la réforme du réseau de la santé et on est encore en train de regarder les gens en première ligne, les travailleurs, les gens qui sont depuis plusieurs années coupés de toutes les façons, et on est encore en train de leur dire: C'est à vous que... on met la balle dans votre camp. Alors, quand on dit «faire des choix», il faut s'adresser aux bonnes personnes. On sait que l'industrie pharmaceutique est un milieu en pleine expansion et que le gouvernement et l'État, aussi, est un... enfin, le système public est un marché absolument faramineux pour ces entreprises-là. Alors, quand on dit de faire des choix et de regarder, d'évaluer un système de santé, il faut regarder aux bons endroits. Voilà.

M. Couillard: ...

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, M. le ministre, il vous reste du temps, oui.

M. Couillard: Un point d'information; j'ai appris ça il y a quelques jours puis ça m'a fasciné. Parce qu'on a l'impression que l'addition hospitalière, au cours des dernières années, a grossi au détriment des autres missions dans le système de santé. Or, les chiffres montrent le contraire, puis ça, tous gouvernements confondus. Le budget actuel des hôpitaux est inférieur à ce qu'il était en 1991, en termes de dollars réels. Alors, effectivement, il y a eu un transfert des financements vers la première ligne, vers les services sociaux, et on peut même démontrer que, si on scinde les dépenses per capita, santé et services sociaux du Québec, les dépenses services sociaux sont à un plus haut rang canadien que le sont les dépenses santé. Alors, moi, c'est une information qui m'a tout à fait intéressé et que je pensais utile de partager.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée.

Mme Harel: Je crois que, dans notre règlement, lorsqu'on cite des chiffres, on peut demander le dépôt en commission.

Une voix: ...

Mme Harel: Oui. Mais ce serait intéressant, le dépôt de ce document.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Oui. Le règlement, Mme la députée, parle que, quand on cite un document... Si le ministre nous dit qu'il n'a pas cité un document... Il ne peut pas déposer quelque chose dont il n'a pas cité.

Mme Harel: ...par la Loi de l'accès à l'information. Non? Très bien. Merci. Non, j'avais pensé que le ministre voulait nous partager ces informations en déposant... Je ne sais de quelle source il s'agit, si ce n'est pas un document, en fait, une note de service ou autre, là. Enfin. Très bien.

Alors, bon, je reprends donc. M. Gilbert et Mme Thomas, votre mémoire, pour moi, joue un rôle extrêmement important parce qu'il nous interdit de regarder le projet de loi de la même façon, et vous posez des questions qui sont essentielles, hein, qui sont névralgiques: la question, notamment, en regard du projet de loi, de l'introduction de l'assurabilité versus l'intégralité, principe que l'on retrouve dans la loi canadienne; et vous posez la question de la viabilité. Et vous les posez de telle façon qu'en l'absence de réponses aux questions que vous posez, une vive inquiétude surgit, hein?

n(12 h 10)n

Vous dites, à l'article 2 du projet de loi n° 38: «L'évaluation de la performance [...] [devra] se faire en regard de l'assurabilité des services.» Et vous dites: «...l'introduction de la notion d'assurabilité vient compromettre le principe d'intégralité inscrit dans la Loi canadienne sur la santé. [Est-ce qu'il s'agira] pour le commissaire de suivre une idée antérieurement exprimée à l'effet de distinguer entre deux catégories de biens: les "biens publics" ? assurables ? et les "biens privés" ? non assurables?»

Vous savez en plus que, là, traîne partout cette rumeur que le prochain budget contiendrait des dispositions sur une caisse santé. Alors, de quoi s'agit-il et pourquoi introduire cette notion d'assurabilité? Je pense que, dans le préambule, là, de votre mémoire, vous posez cette problématique.

Et vous la reprenez d'ailleurs, à la page 12 de votre mémoire, quand vous dites trouver «alarmant de remettre en question le principe de l'intégralité ? en faisant référence, entre autres, aux soins à domicile, qui devraient selon vous faire partie de l'intégralité d'un système, puisque c'est la première ligne, disons, la plus essentielle ? sachant très bien qu'une telle décision ? bon ? [pénalise] les plus démunis [...] réduisant le panier de services publics et [...] instaurant un régime à deux vitesses», un régime d'assurabilité. Et quel est le mode, bon... En tout cas, vous posez des questions extrêmement importantes, et vous êtes les premiers à le faire.

Alors, évidemment, je ne reviens pas sur vos recommandations, qui finalement ont été reprises par tous les organismes qui sont venus devant nous, à savoir qu'il fallait, pour assurer l'impartialité du Commissaire, qu'il soit rattaché à l'Assemblée nationale; qu'il fallait absolument que le recul que contient le projet de loi n° 38 sur la participation citoyenne soit corrigé; d'autres nous ont dit qu'il fallait introduire des indicateurs de qualité, à défaut de quoi, c'est un super sous-ministre comptable vérificateur, comme vous le dites d'ailleurs dans votre projet de loi... dans votre mémoire, excusez-moi. Et, dans vos recommandations, vous nous dites: S'il n'y a pas des modifications importantes, c'est le nom même du projet de loi qu'il faut modifier: de Commissaire à la santé et au bien-être en «vérificateur à la performance du système de santé et de services sociaux».

Moi, ce sur quoi j'aimerais vous entendre, c'est sur cet élément inédit, aussi, de votre mémoire en regard de la Politique de la santé et du bien-être. Vous développez, dans votre mémoire, cette idée que les éléments de la politique, adoptée par un gouvernement libéral il y a quelques années déjà, les éléments de la politique sont en partie absents des fonctions et responsabilités accordées au Commissaire, et vous recommandez fortement qu'il y ait...

Une voix: ...

Mme Harel: ... ? page 15, merci ? vous recommandez fortement qu'il y ait une obligation de conformité du Commissaire à la Politique santé et bien-être, qui, elle, prévoyait spécifiquement l'amélioration de la santé et du bien-être en regard de la promotion et de la prévention. J'aimerais ça que vous nous repreniez ces éléments de votre mémoire.

M. Gilbert (Daniel): Écoutez, concernant la Politique de santé et bien-être, comme on l'a tout à l'heure soulevé, les principes de base de cette politique-là reposaient beaucoup sur la promotion et la prévention... de la politique également. On devait aussi s'assurer, et c'était un des mandats que le Conseil de santé et de bien-être avait, en termes de suivi, c'était aussi de s'assurer de faire des recommandations quant aux moyens pour agir sur les déterminants de la santé, donc de vraiment pouvoir concrétiser, agir avant l'épisode de maladie ou quoi que ce soit, vraiment, de contrer les différents déterminants qui agissent directement sur l'état de santé d'une population.

Quand on reprend le projet de loi qu'on a en main, au niveau du chapitre II, en termes de fonctions du Commissaire à la santé et au bien-être, à l'article 10, on commence à parler de la Politique de santé et bien-être seulement au niveau de la quatrième responsabilité. On dit: «[d'analyser rétrospectivement] des impacts [de la politique gouvernementale] sur cet état, et il lui propose en conséquence des grandes orientations aptes à guider l'élaboration de la Politique de la santé et du bien-être». Avant le quatrième point, on parle du résultat obtenu au niveau du système de santé; on parle de performance globale; on parle d'enjeux et des choix nécessaires à la viabilité du système; et, en quatrième seulement, on commence à parler à peine de la Politique de santé et bien-être, alors qu'on sait toutes et tous que, quand on parle de promotion et de prévention, c'est l'élément qu'on qualifie de plus dispendieux dans un système de santé, parce que ce n'est pas à courte échéance qu'on voit les résultats, mais bien sur une longue période qu'on voit les résultats concrets d'un investissement au niveau de la prévention et de la promotion de la santé.

Donc, d'où l'inquiétude que nous avons que, compte tenu déjà du sous-financement, des coûts incontrôlables en termes d'augmentation au niveau du système de santé, qu'on glisse directement vers juste l'approche curative et qu'on délaisse totalement et carrément l'approche préventive, qui est à la base de notre Politique de santé et de bien-être. C'est ça, notre préoccupation.

Mme Harel: Alors donc, il y a un questionnement nécessaire sur l'introduction des notions telles l'assurabilité versus l'intégralité, telle l'absence, si vous voulez, d'un dispositif qui subordonne tout cet examen d'évaluation, appréciation aux éléments de la Politique santé et bien-être. Alors, plutôt que d'être soumis à la politique, ils vont en fait... le Commissaire, il serait quasi chargé de la modifier. Ça, c'est l'article 4... alinéa 4° que vous nous citez.

Et le troisième élément, c'est la question de la viabilité. Ça, on retrouve ça à la page 8 de votre mémoire. Vous dites: Quand on introduit la viabilité, le critère de viabilité... Alors là, vous dites: Il faut encore une fois «une démarche transparente» et qui ne peut pas se faire sans «clarification sémantique en ce qui concerne la viabilité du système de santé». Et là vous reprenez, à la page 8 de votre mémoire, cette question qui a été dans le rapport Romanow et qui déjà préconisait la prudence quant à l'interprétation de ce mot de «viabilité». Vous dites: «Le projet de loi est flou quant à l'interprétation [...] donnée à l'expression "viabilité[...]". [Et] elle porte [...] un jugement sur cette viabilité, puisqu'en le questionnant, elle suppose la non-viabilité. Est-il besoin de rappeler ? dites-vous ? [...]les conclusions du rapport Romanow à l'effet que le système de santé est viable. Et, d'autre part, la nécessaire volonté politique de financer [...] cette viabilité à travers la politique du gouvernement...», la politique budgétaire et fiscale.

Je pense que ça, ça pose vraiment des problèmes de fond. Et je vous en remercie, parce que dans le fond ça pose le problème du sous-financement. Ce n'est pas que le système n'est pas viable, c'est qu'il est sous-financé, et il est sous-financé en grande partie à cause du déséquilibre fiscal. Voyons! ils mettent 1 million et demi dans les journaux pour dire qu'il y a un déséquilibre fiscal, que la contribution fédérale est de 16 %, alors qu'elle était de... elle était de 50 % au moment où les systèmes sont mis en place ? et là on souhaiterait qu'elle soit à 25 %.

Et je relisais ce matin les déclarations du député de Châteauguay, qui est actuellement ministre ? à l'époque, il était porte-parole de l'opposition en santé ? alors, tout ce qu'il disait sur le sous-financement... C'est-à-dire, il ne parlait pas du sous-financement, il parlait du système, jamais du sous-financement. Il n'y avait pas de sous-financement, c'est le système qui marchait mal. Alors, il y a des pages, il y a une anthologie sur la dépréciation, le discrédit, pendant des années répété, répété, répété, répété, sur le système lui-même et non pas sur le sous-financement.

Alors, je pense que le mot «viabilité», vous avez bien raison de nous alerter sur cette notion-là. Et je ne sais si... Vous venez de le faire maintenant. Ça vous convient, ce que j'ai dit?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Moi, j'ai été renversé d'entendre le ministre tantôt dire qu'une de ses plus grandes préoccupations, c'était la dépréciation du système de santé pour la population elle-même, alors que nous avons entendu, pour faire la suite de l'intervention de ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, durant des années, une discréditation quasi quotidienne du système de santé, sans tenir compte des limites qui étaient imposées par une coupure du transfert canadien, qui était une coupure très, très, très opportune pour le gouvernement canadien, à l'époque.

Ceci étant dit, je vous ramène à la page 8 de votre mémoire, où vous parlez... où vous affirmez ceci: «Le cumul des fonctions nous semble quelque peu irréaliste ? en parlant des fonctions du Commissaire, bien entendu ? et laisse sous-entendre que la priorité sera accordée à l'évaluation de la performance au détriment des autres mandats, d'une part, mais révèle surtout, d'autre part, la volonté de concentrer les pouvoirs au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux.»

n(12 h 20)n

Le commentaire que ça évoque chez moi, c'est qu'il y avait des fonctions qui étaient assumées par le Conseil des médecins et le Conseil santé et bien-être, qui apparemment, selon tous les témoignages qu'on en a, étaient bien assumées; on les fait disparaître et on les transfère chez le Commissaire. Et vous abordez cette question-là, bien entendu, lorsque vous faites des recommandations sur la participation citoyenne.

Mais l'analyse qu'on peut faire, c'est celle-ci: c'est que le ministre, en faisant ça, il se coupe peut-être de deux sources d'information directes à lui, d'une certaine façon. Les conseils lui sont prodigués directement à lui via le ministère et les conseils existants, alors que, dans la nouvelle configuration, les conseils vont être filtrés par le Commissaire vers le ministre. Deuxième conspiration: le Commissaire va être obligé de se prononcer sur ce qu'a fait le ministre de ses propres conseils, il va être obligé de défendre ses propres conseils vis-à-vis l'Assemblée nationale, il va dire: J'ai donné des conseils au ministre puis il ne les a pas écoutés. Alors, il est partie prenante à la fois du conseil et de l'évaluation de ce que fait le ministre à propos de ces mêmes conseils.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous prenez partie sur l'idée qu'il y ait une participation citoyenne importante à recouvrer, oui, mais vous ne vous prononcez pas sur... enfin, sur la dynamique que ça engendre, la nouvelle configuration.

Mme Thomas (Florence): Oui. Bien, évidemment, comme vous avez pu le constater, nous, on est contre l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être. Quelle que soit l'issue de ce projet de loi, on trouvait aberrant que disparaisse cette somme de ? on les a nommés dans notre mémoire ? cette somme d'intervenants qui venaient de tous horizons et de concentrer ça entre les mains d'un commissaire qui, en plus de toutes les autres tâches qu'il a à faire, doit évaluer la performance globale du système de santé.

Pour nous, il y a un antagonisme entre les deux fonctions, un antagonisme au niveau du regard qu'il doit porter sur le système de santé et aussi un antagonisme en termes, comment dire, de représentativité, puisqu'il ne peut pas être tout seul à apprécier ? en plus, le projet de loi utilise le mot «apprécier», qui, selon nous, fait appel à un jugement de valeur. Comment peut-il être représentatif du réseau de la santé?

Donc, c'est là où on dit que c'est irréaliste et irréalisable, dans le sens que la tâche est beaucoup trop grande pour le Commissaire et qu'il a deux mandats: un qui est plutôt de vérificateur et l'autre qui serait d'observateur. Alors, on a beaucoup de difficultés à vivre avec cette contradiction dans le projet de loi. Voilà.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. Gilbert, Mme Thomas, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Et je suspens les travaux de la commission jusqu'à 15 h 30. On m'avise que la salle sera barrée pendant l'intervalle; on peut laisser certaines choses ici, dans la salle. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

 

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Nous avons seulement un groupe cet après-midi. Alors, ça nous fait grand plaisir d'accueillir les représentants du Collège des médecins du Québec.

Dr Lamontagne, vous connaissez nos règles de fonctionnement: vous avez une présentation d'une durée maximale de 20 minutes à votre disposition, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Je vous prierais d'identifier les docteurs qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Je vous présente d'abord le Dr André Garon, à ma droite, qui est directeur général du Collège des médecins du Québec, de même que le Dr Yves Robert, qui est directeur général adjoint.

Et je vous dirais que je profite de l'occasion aussi pour féliciter Mme Harel, qui a obtenu l'Ordre de la Pléiade. Je vous félicite, madame.

Le Collège des médecins donc vous remercie de nous permettre de venir vous présenter le résultat de nos réflexions relativement au projet de loi n° 38. Selon nous, évidemment, l'idée d'avoir un commissaire à la santé, tel que proposé dans le programme du Parti libéral du Québec, est excellente. On y lit en effet, au chapitre IV, que la création du poste du Commissaire à la santé s'inscrit dans une démarche où «il faut redonner confiance aux citoyens» dans leur système de santé. Et Dieu sait qu'ils en ont besoin.

Cet objectif commande de donner au Commissaire à la santé l'indépendance et les outils requis pour assurer une pleine défense des droits des citoyens au sein du réseau de la santé et des services sociaux, tel que décrit à la page 110, et ce, consécutivement à l'adoption de la charte des droits et responsabilités du patient devant être adoptée dès la première année du mandat du gouvernement du Parti libéral, tel qu'il est mentionné à la page 107.

Son mandat impliquait notamment, toujours dans le même document: «il disposera de moyens, de l'autorité morale suffisante pour implanter concrètement une culture d'excellence et de performance dans l'organisation et le fonctionnement de services; le bureau du Commissaire à la santé sera composé de spécialistes hautement crédibles provenant de diverses sphères du milieu, qui sauront éclairer le gouvernement dans les choix scientifiques, éthiques, technologiques, économiques, sociaux et de santé publique qui doivent être faits; son regard pourra se porter sur tous les établissements du réseau, tous les partenaires du réseau, incluant la Régie de l'assurance maladie du Québec; [enfin,] il fera rapport à la population chaque année, par le biais de l'Assemblée nationale, sur la performance du système et sur l'utilisation des sommes consacrées à la santé; [...] [enfin,] il agira en totale indépendance du gouvernement».

Autrement dit, l'engagement était de créer un poste analogue au modèle du Vérificateur général mais centré sur les objectifs et les résultats du réseau de la santé et des services sociaux dans son ensemble, incluant le ministère de la Santé et des Services sociaux lui-même.

Selon nous, ce Commissaire à la santé doit avoir comme mandat principal d'agir comme un évaluateur externe du système de santé libre et indépendant pour le dynamiser, questionner les façons de faire, forcer la réflexion, identifier les faiblesses et proposer des solutions en agissant comme outil d'assurance qualité, avec comme résultat attendu, évidemment, une confiance renouvelée des citoyens envers leur système de santé.

Un tel rôle est plus que jamais nécessaire. Vous le savez, depuis longtemps nous disons qu'il faut dépolitiser la santé. Le concept d'Hydro-santé, que nous avions lancé il y a quelques années et qui revient périodiquement dans le discours public, visait cet objectif. Un commissaire à la santé indépendant aurait été un pas sans aucun doute dans cette direction. Malheureusement, on doit constater que ce projet de loi est loin des besoins et des attentes, et surtout de l'engagement qui avait été pris à cet égard.

D'abord, la distance et l'indépendance face à la politique. On constate, dès l'article 1, que c'est le gouvernement qui nomme le Commissaire. Comme beaucoup d'autres intervenants, nous voulons une nomination et une reddition de comptes devant l'Assemblée nationale, donc devant l'ensemble de la population. Une telle position consoliderait la distance et l'indépendance du Commissaire, comme c'est le cas d'autres fonctions analogues, par exemple le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, le Directeur général des élections et le Commissaire au lobbyisme.

De tous les éléments du projet de loi, c'est probablement celui qui nous apparaît, et de loin, le plus décevant par rapport au projet annoncé de création du poste de Commissaire à la santé. Si l'occasion était belle de donner un message clair d'une dépolitisation de la santé, l'effet est grandement atténué en assujettissant le Commissaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.

Le travail du Commissaire à la santé et au bien-être doit être d'amener des changements continus et, par conséquent, d'avoir un effet incitatif auprès du décideur pour agir.

En conséquence, selon le Collège des médecins, le Commissaire à la santé et au bien-être doit: relever de l'Assemblée nationale; disposer de pouvoirs d'enquête, d'inspection et de vérification requis par sa fonction d'évaluateur externe du système de santé; évaluer dans son ensemble et de façon intégrée toutes les composantes du système de santé, incluant le ministère de la Santé et des Services sociaux lui-même, en fonction des objectifs du système, des ressources disponibles, des processus suivis et des résultats obtenus; rendre compte à la population, par le biais de l'Assemblée nationale, du résultat de son évaluation au moins annuellement ou selon l'échéancier qu'il juge approprié; avoir le pouvoir d'effectuer des consultations, de recevoir et d'entendre des requêtes de personnes, d'organismes ou d'associations et de prendre la parole publiquement sur les sujets et de la façon qu'il juge appropriée; identifier ce qui doit être évalué; et, enfin, disposer d'un mandat et de pouvoirs clairement établis afin que les citoyennes et les citoyens en saisissent toute la pertinence, l'ampleur et la portée.

Si ces conditions ne sont pas respectées, le Commissaire à la santé et au bien-être ne sera rien de plus, dans l'esprit du public, que le changement de nom et de structure d'une autre organisation consultative auprès du ministre, comme il en existe déjà. Ce rôle et son modèle ne sont pas nouveaux. Aux États-Unis, le «Surgeon General», qui est médecin, peut émettre des avis en toute indépendance du politicien qui le nomme. Un modèle similaire existe aussi en Grande-Bretagne, avec le «Medical Officer». La crédibilité des avis émis repose sur la position indépendante de la fonction et de la compétence de la personne qui l'assume. À notre avis, ces caractéristiques devraient être recherchées impérativement par le projet de loi.

Deuxièmement, préciser l'étendue des responsabilités et éviter les dédoublements. Outre le positionnement du Commissaire qui en garantirait l'indépendance, d'autres questionnements surgissent à la lecture du projet de loi.

Notre premier questionnement concerne les responsabilités qu'on se propose de lui confier. Le titre même du projet de loi ne le limite pas à la santé, vous le savez comme moi, vaste sujet en soi que la santé publique n'épuise pas. Il inclut également le bien-être, donc tous les services sociaux, mais aussi les déterminants du bien-être dont tous les membres du Conseil des ministres se préoccupent, qu'ils soient titulaires d'un ministère à vocation économique, éducative, culturelle, sociale ou autre. Si la nécessité d'indépendance justifiait qu'à elle seule de placer le Commissaire sous la responsabilité de l'Assemblée nationale, l'étendue du mandat ajoute sans aucun doute à la nécessité structurelle et stratégique une nécessité fonctionnelle. La santé, le bien-être et ses déterminants n'interpellent pas que le réseau de la santé et des services sociaux et son ministère, qui s'intéressent principalement aux conséquences, mais l'ensemble des politiques et des orientations gouvernementales qui ont le pouvoir d'agir sur les causes.

Ainsi, à bien des égards, le Commissaire à la santé et au bien-être pourrait, par son positionnement et son mandat, devenir un allié objectif et crédible au ministre de la Santé et des Services sociaux face aux choix gouvernementaux, notamment quant à l'exercice de la responsabilité que lui confie l'article 54 de la Loi sur la santé publique, et qui se lit comme suit: «Le ministre est d'office le conseiller du gouvernement sur toute question de santé publique. Il donne aux autres ministres tout avis qu'il estime opportun pour promouvoir la santé et adopter des politiques aptes à favoriser une amélioration de l'état de santé et de bien-être de la population.

«À ce titre, il doit être consulté lors de l'élaboration des mesures prévues par les lois et règlements qui pourraient avoir un impact significatif sur la santé de la population.» Fin de la citation.

n(15 h 40)n

Nous nous préoccupons de la capacité qu'aura le Commissaire à la santé et au bien-être à s'intéresser efficacement à un champ aussi vaste dont s'occupaient jusqu'à maintenant non pas un, mais deux conseils consultatifs, qu'on se propose d'abolir. Le commissaire devra avoir l'assurance de moyens à la mesure de son mandat.

Et, à cet effet, nous sommes convaincus que, ce qui préoccupe d'abord les Québécois, c'est la santé, en particulier les services de santé et les ressources qui sont dédiées à la santé. Pour éviter de se disperser, le Commissaire devrait donc, selon nous, prioriser la santé, du moins dans un premier temps, et plus particulièrement l'organisation et la distribution des services de santé.

Notre deuxième questionnement concerne le dédoublement possible des champs d'intervention. À cet effet, l'article 2 décrit des domaines d'intervention très larges tels la qualité, l'accessibilité, l'intégration, l'assurabilité, le financement des services, l'éthique et l'évaluation des médicaments et des technologies. Ce n'est pas seulement l'étendue du mandat qui frappe, mais la possibilité de dédoublements d'intervention avec d'autres interlocuteurs, comme le Conseil du médicament, l'Agence d'évaluation des technologies médicales et d'intervention en santé, le Directeur national de la santé publique et l'Institut national de santé publique. Un effort de concertation et de complémentarité doit déjà être prévu.

Autre question: Qui est le Commissaire à la santé et au bien-être? Une fois déterminées les responsabilités, vient la question d'identifier le profil de la personne requise pour les assumer. S'agit-il d'un médecin? S'agit-il d'un autre professionnel de la santé? S'agit-il d'un haut fonctionnaire? Bref, quelles sont les qualités que devrait avoir le Commissaire à la santé et au bien-être?

Compte tenu de ce qui précède, on imaginerait mal un commissaire qui ne connaisse pas le domaine de la santé, à tout le moins pour assurer une crédibilité minimale à ses avis.

Ici, le projet de loi est muet. Nous sommes d'avis que, comme aux États-Unis et en Angleterre, le Commissaire doit être un médecin reconnu par l'Assemblée nationale pour des états de service qui témoignent d'une grande capacité d'analyse et de synthèse, d'un sens aigu de la diplomatie et de talents de communicateur, ainsi que d'une intégrité sans faille.

De plus...

Une voix: ...déjà occupé.

M. Lamontagne (Yves): Il est déjà occupé?

Une voix: ...

M. Lamontagne (Yves): Ah, oui! C'est bien de valeur! De plus, l'article 4 donne le pouvoir au Commissaire de nommer un ou plusieurs adjoints. On ne fait pas non plus mention des qualités requises par ces adjoints ainsi que de leur nombre maximal, sinon optimal.

Les fonctions du Commissaire. Le chapitre II décrit les fonctions du Commissaire. Encore ici, plusieurs questions méritent notre attention.

À l'article 10, le paragraphe 1° mentionne l'évaluation périodique des résultats du système de santé en fonction des ressources et des attentes raisonnables. Disposera-t-il de toutes les informations, ou indicateurs, ou autres ressources requises pour cette tâche? On n'en sait rien.

Le paragraphe 2° demande d'informer sur la performance globale du système pour en améliorer l'efficience et l'efficacité. N'aura-t-on pas également besoin d'informations sur la performance de secteurs spécifiques qui nécessiteraient des interventions concrètes et ciblées?

Le paragraphe 3° parle de rendre publiques les informations nécessaires permettant un débat sur les enjeux et les choix. Est-ce à dire qu'il aura le pouvoir d'initier des débats?

Le paragraphe 4° confie une fonction touchant l'évolution de l'état de santé et de bien-être de la population. Ce mandat n'est-il pas déjà confié au Directeur national de la santé publique, à l'article 10 de la Loi sur la santé publique?

Enfin, le paragraphe 5° limite l'intervention du Commissaire, pour qu'il ne donne des avis sur les grands enjeux du système de santé qu'en regard des ressources financières disponibles. S'il relevait de l'Assemblée nationale, ne s'intéresserait-il pas également au livre des crédits?

Quant à l'article 12, il initie timidement, par l'absence d'un échéancier précis et l'utilisation de termes comme «informer» et «sensibiliser», une démarche visant à définir les droits et devoirs du citoyen en matière de santé, qui deviendront, dans un avenir pas si lointain, un des enjeux majeurs de l'évolution de notre système de santé et des services sociaux dans notre société vieillissante.

Parlons maintenant des pouvoirs du Commissaire. Le chapitre III décrit les pouvoirs du Commissaire à la santé. L'article 14 lui donne le pouvoir de tenir des audiences publiques. L'idée n'est pas mauvaise, en autant qu'elle ne donne pas lieu à un nouveau... à nouveau, plutôt, à un coûteux exercice bureaucratique. Il faut cependant y mettre des balises réalistes et cibler l'exercice sur des questions précises, dans des délais raisonnables.

Par contre, l'article 16, qui prévoit des pouvoirs d'enquête conformément à la Loi sur les commissions d'enquête, est une disposition essentielle pour la fonction de Commissaire à la santé et au bien-être. Et, nécessairement, il faut la conserver.

Enfin, l'obligation créée par l'article 17 de produire un rapport annuel pour l'Assemblée nationale est aussi une disposition qu'il faut conserver, de même que sa transmission pour étude à sa commission compétente.

Dans la logique que nous présentions plus haut concernant le mandat du Commissaire à la santé, il nous apparaît indispensable qu'il ait le pouvoir de s'adresser directement à la population lorsqu'il le juge nécessaire, suivant des modalités qu'il reste à déterminer.

Enfin, en ce qui a trait à la dissolution de conseils existants, le projet de loi prévoit aussi la dissolution du Conseil de la santé et du bien-être et du Conseil médical du Québec et le transfert de leur personnel et de leurs dossiers au Commissaire à la santé et au bien-être. Ces deux conseils ont toujours été consultatifs au ministre de la Santé et des Services sociaux, ce qui les conduisait généralement à la prudence quant aux suites à donner à leurs avis. Ils ne pouvaient pas trop brusquer la machine administrative, au risque que certains de leurs avis restent sur une tablette. Voilà ce qu'il ne faut plus tolérer.

Rappelons aussi qu'en ce qui concerne le Conseil médical du Québec, il est né en décembre 1991, à la demande de la profession médicale, pour combler l'absence de lien formel entre l'appareil gouvernemental et la profession médicale et professionnelle du réseau de la santé. Il permettait ainsi aux médecins et à d'autres professionnels de la santé de participer activement aux décisions qui affectent le fonctionnement du réseau de la santé et d'évaluer l'impact des différentes mesures proposées sur leur pratique, de même que sur l'accessibilité aux services de santé et sur la qualité des soins.

Assurons-nous donc que le Commissaire à la santé ne perdra pas l'accès aux compétences très étendues et disponibles sans frais offertes par ces deux conseils, en particulier celle apportée par les médecins par l'intermédiaire du Conseil médical du Québec. D'autre part, en plus de l'expertise, il ne faudrait pas oublier le rôle de canal de communication formel entre la profession médicale et les autorités gouvernementales, qu'il faudrait éventuellement remplacer si le projet de loi était adopté sans modification.

Nous avons besoin davantage que d'une simple structure de consultation. Il faut une instance qui, sans être décisionnelle, crée des obligations de résultat de la part du décideur. D'où l'importance, nous le répétons, de créer et de préserver une indépendance du Commissaire à la santé et au bien-être.

En conclusion, selon nous, le Commissaire à la santé et au bien-être doit être un outil qui dynamise l'appareil gouvernemental dans son ensemble et le réseau de la santé et des services sociaux en particulier; il doit être indépendant de l'appareil politique et, pour ce faire, relever de l'Assemblée nationale du Québec, comme cela avait été initialement annoncé; il doit avoir un mandat qui touche l'ensemble des prérogatives gouvernementales en priorisant dans un premier temps la santé et l'organisation des services de santé; il doit exercer son mandat de façon analogue aux autres postes relevant de l'Assemblée nationale en complémentarité avec les autres fonctions touchant les mêmes domaines; il doit pouvoir effectuer des consultations, recevoir et entendre des requêtes de personnes, d'organismes ou d'associations et prendre la parole publiquement sur les sujets et de la façon qu'il juge appropriée; il doit posséder les qualités requises et être identifié à partir de critères précis préalablement définis dans la loi; il doit avoir accès aux compétences et à l'expertise disponibles auprès du Conseil de la santé et du bien-être et du Conseil médical du Québec; et il doit permettre enfin au ministre de la Santé et des Services sociaux de maintenir un canal de communication privilégié avec la profession médicale.

Voilà. Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer sur ce projet de loi et nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Drs Lamontagne, Robert et Garon. Évidemment, vous avez beaucoup axé votre présentation sur l'indépendance puis le caractère symbolique à cet effet du mode de nomination. Je dois dire que tous les groupes jusqu'à maintenant, sans exception, nous font cette remarque. Donc, il doit y avoir quelque chose là, comme on dit entre nous.

Évidemment, ce n'est pas une garantie automatique. Le mode de nomination en tant que tel, à mon avis, n'est pas une garantie automatique d'indépendance. Je pense qu'il s'agit plutôt de crédibilité vis-à-vis de la population. Parce que, vous-même, vous avez mentionné des organismes qui sont nommés par le gouvernement mais qui jouissent quand même d'un haut degré de crédibilité.

n(15 h 50)n

Mais est-ce que j'ai compris que, dans votre esprit, l'étendue du mandat, l'aspect transversal du regard de la personne et l'importance que les citoyens attachent à la santé sont des éléments qui vous amènent à suggérer la modification vers une nomination par l'Assemblée nationale? Est-ce que je résume bien vos...

M. Lamontagne (Yves): Tout à fait.

M. Couillard: Et j'aimerais échanger avec vous sur la question de l'Hydro-santé. Dr Lamontagne, vous en avez parlé déjà depuis quelque temps; je dois vous dire que, là-dessus, on sera possiblement en désaccord sur le concept même, je pense que... des deux côtés, probablement, de cette table. Étant donné du fait que les dépenses de santé représentent une si large part des dépenses publiques, n'est-il pas essentiel de conserver, pour cette mission essentielle, l'imputabilité, et la reddition de comptes, et la transparence au niveau de l'élu qui doit rendre compte directement et fréquemment à la population?

Et d'en faire une société d'État indépendante, à la lumière de ce qui est vécu... sans critiquer, là, les sociétés d'État, qui font un excellent travail, mais à la lumière de ce qui est vécu dans la communication entre les citoyens et certaines sociétés d'État à l'occasion, je ne pense pas que ça ajouterait nécessairement à la transparence et à la reddition de comptes. Et donc, autant sur le plan de l'impact sur le but qu'on veut poursuivre que sur le principe même qui, à mon avis, mine notre système démocratique, je ne crois pas, personnellement, que ce soit une avenue à privilégier. Mais vous semblez encore même dire que ce Commissaire, pour vous, est une étape vers la création d'une Hydro-santé ou corporation indépendante pour le système de santé. Est-ce que vous avez encore cette opinion?

M. Lamontagne (Yves): Je suis content que vous mentionniez ça, M. le ministre, parce que, avec le concept d'Hydro-santé, ça fait à peu près trois ans que je parle de ça, et je suis bien content parce que j'ai comme l'impression que, juste à parler de ça, ça fait bouger des affaires. Mais je suis bien conscient qu'il n'y a pas un politicien qui va donner 40 % du budget à quelque chose de privé. Mais ça ne fait rien, je continue d'en parler parce que ça fait bouger d'autres affaires.

Le poste de Commissaire à la santé, c'est déjà de mettre un peu de distance entre la politicaillerie puis les choses, les vraies choses qu'il faut parler. C'est déjà un pas dans un sens de séparer la politique et de faire des politiques de santé. J'aime ça, chatouiller comme ça, je vais vous avouer. Et je vais vous dire bien candidement, mon but en bout de ligne, quand on parle d'Hydro-santé: si on arrivait juste à mettre en marche la proposition, la recommandation 31 de la commission Clair, qui dit: «Que le gouvernement confie à un groupe de travail le mandat de le conseiller sur diverses options ? ça va un peu avec le Commissaire à la santé, ça, hein? mais ? notamment, le renouvellement du ministère, la création d'une agence nationale et toute autre proposition visant à adapter la gouverne nationale aux défis de l'avenir; que ce groupe de travail soit composé d'administrateurs publics reconnus, de gestionnaires expérimentés du monde des affaires, de professionnels de la santé et [des] citoyens.» Moi, je vous avoue, si on arrivait juste à appliquer la recommandation de la commission Clair, je serais bien content. Donc, je vais continuer d'en parler pour que ça arrive à ça, éventuellement.

M. Couillard: Quel est, d'après vous, le type d'information que le public voudrait avoir ou dont il a soif, là? Un des buts visés par ce projet de loi à l'institution de cette fonction, c'est d'informer de façon crédible et indépendante, annuellement, la population sur l'état réel du système de santé et de services sociaux. Donc, quel serait, d'après vous... Si c'était vous, là, qui étiez le Commissaire, qu'est-ce que vous voudriez communiquer chaque année comme information à la population?

M. Lamontagne (Yves): Je ne veux pas vous retourner la bourde qu'on a faite tantôt; je n'en voudrais pas, être Commissaire, parce qu'à mon avis, c'est assez gros, cette affaire-là.

M. Couillard: Ça m'apparaît un défi très intéressant, cependant, hein?

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui. Mais, moi, je vous avouerais bien candidement, je pense que les gens, ce qu'ils voudraient d'abord savoir avant tout, ce n'est pas les problèmes, parce que les gens les connaissent, les problèmes; c'est les solutions. Et le Commissaire, en ayant fait une revue des problèmes ? parce que je présume que celui qui va être nommé là va être un peu conscient des problèmes qui existent dans le système de santé ? puisse arriver, soit par des consultations avec le monde de la santé ou même le grand public, puisqu'il pourrait y aller, qu'il puisse arriver puis dire: Bien, voici, il y a un problème là puis, pour régler ce problème-là ? pour en prendre un en particulier ? voilà, moi, j'ai fait le tour de la question puis, si on veut régler ce problème-là, c'est ça qu'il faut faire.

Parce que, peut-être que je ne suis pas correct, mais il me semble que, et je ne suis pas tout seul à penser comme ça, vous savez, les problèmes, on les connaît depuis longtemps. Clair est sorti en 2000, on est rendus en 2004, puis il y a beaucoup de gens qui connaissent les problèmes. Puis c'est un peu d'arriver et de dire: Mais on peut-u arriver à des solutions à un moment donné? Donc, c'est dans ce sens-là. Si le Commissaire à la santé peut arriver en bout de ligne et dire: Voilà, là, j'ai fait le tour de la question, j'ai des experts en arrière de moi qui m'ont aidé, j'ai consulté la population, puis, pour telle affaire, là, je pense que c'est ça qui devrait être fait, en tenant compte bien sûr des disponibilités financières, de structure, d'organisation, et tout ça.

Mais, pour donner... Ce qui manque, je vous dirais, c'est un peu, et même dans le milieu de la santé, à l'intérieur du système et même avec le grand public, c'est de redonner de l'espoir qu'on peut faire quelque chose. Puis il va falloir innover. De l'argent, il n'y en a pas. Alors, il va falloir innover, il va falloir se creuser la tête pour trouver des nouveaux moyens. Puis il y en a, des formules de nouveaux moyens: que ce soit par le partenariat privé-public, c'est un exemple. Il y en a, des nouveaux moyens.

Je regardais juste, là, parce que j'ai une autre affaire à donner demain justement sur le partenariat privé-public, juste ce qui est dans notre document à nous, en disant: On ne peut plus avoir tout partout; il faut faire les choses différemment. Donc, la loi n° 90, qui nous aide pour avoir des actes partagés avec d'autres professionnels; ce qui a été fait à Montréal, par exemple, de concentrer toutes les chirurgies du genou et de la hanche à Jean-Talon, c'est excellent. On ne peut plus avoir tout partout, on ne peut plus avoir un orthopédiste à tous les coins de rue. Ça, c'est concret, c'est réaliste. Puis il y a des cas qui ont été faits en plus, cette année, ça a diminué les listes d'attente; c'est ça que les gens veulent.

Et donc, si le Commissaire à la santé arrivait avec des trucs comme ça puis dire: On fait ça, bien là je pense que la population reprendrait espoir et, je vous dirais, non seulement la population, les gens qui travaillent dans le milieu de la santé reprendraient aussi espoir. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.

M. Couillard: Oui, oui, bien sûr. Cependant, dans ce contexte-là, il resterait à l'élu ou au gouvernement en général à décider de, oui ou non, suivre les recommandations...

M. Lamontagne (Yves): Tout à fait.

M. Couillard: ...du Commissaire et d'en répondre par la suite, de dire: Je n'ai pas suivi les recommandations 1, 2, 3, j'ai suivi la 4 mais pas la 5, pour telle ou telle raison; et là la population juge à ce moment-là. Et je suppose que, dans son rapport subséquent, le Commissaire reviendrait probablement sur la question.

M. Lamontagne (Yves): Il y a de fortes chances, oui.

M. Couillard: Oui. Vous êtes le premier groupe, là, qui vous prononcez sur le profil du candidat ou de la candidate idéal au poste de Commissaire, là. Bien sûr, vous suggérez qu'il s'agisse d'un disciple d'Esculape, comme nous sommes nous-mêmes. Est-ce qu'il s'agit pour vous d'une condition sine qua non, ou un autre type de personne pourrait également exercer ce poste-là?

M. Lamontagne (Yves): Je ne sais pas si mes collègues vont ajouter là-dessus. Moi, je vous dirais évidemment, quand on dit ça, que ça devrait être un médecin, là. Je ne veux pas qu'on passe pour faire du corporatisme puis des choses comme ça, mais on ne peut pas tout inventer non plus. Comment ça se fait qu'aux États-Unis le «Surgeon General», c'est un médecin? Comment ça se fait que le «Medical Officer», en Angleterre, c'est un médecin? Et de l'histoire, ils en ont, eux autres, là, puis ce n'est pas d'hier que ça a été créé, ça. Donc, si ça marche là, bien, il faudrait peut-être ? à moins d'inventer une autre sorte de gourou ? peut-être se dire: Si c'est appliqué comme ça dans d'autres pays qui ont beaucoup d'expérience avec ces choses-là, bien, peut-être que ce ne serait pas si bête de nommer un médecin.

Et quand je dis ça, là, ce n'est pas du tout pour... on veut à tout prix que ce soit un docteur qui soit là, là. Non, non. C'est essayer de voir c'est qui, la personne la plus crédible. Et, même là, on pourrait bien dire: Un médecin. Mais là, je vous dirai: Attention, quel médecin? Parce que, lui, il va avoir de la vente à faire, autant au niveau du public qu'au niveau du gouvernement. Donc, il faut que ce soit quelqu'un qui a une tête sur les épaules, qui a une expérience très grande, qui est une personne excessivement crédible. Il va falloir qu'il soit choisi de façon très, très attentive, et c'est dans ce sens-là.

Mais, comme je vous dis, ce n'est pas une question, absolument pas, de corporatisme à ce niveau-là puis de se défendre à mort. Mais je pense que c'est un peu logique, et, compte tenu de l'histoire des autres pays qui fonctionnent déjà comme ça puis qui ont de l'histoire en arrière de ça, bien, il nous semblait logique que ce soit un peu la même chose ici.

M. Robert (Yves): En complément de commentaire là-dessus...

Le Président (M. Copeman): Oui, Dr Robert.

M. Robert (Yves): Simplement pour dire que ça dépend un peu de l'orientation qu'on veut lui donner. Si on veut lui donner une orientation plus bien-être, donc avec une vision un peu plus sociale, bien là ça pourrait évidemment changer la nature du candidat. Mais, dans notre logique, c'est que, si on priorise la santé, bien il faudrait au moins que ce soit quelqu'un qui connaisse bien le domaine de la santé.

D'autre part, les qualités sont particulièrement importantes, puis je dirais que, au-delà de la définition du profil du Commissaire à la santé au sens large, ce qui va être particulièrement important, c'est de choisir le premier Commissaire à la santé et au bien-être, qui, généralement, va incarner et faire vivre un modèle qu'on testera à ce moment-là. On aura beau écrire tous les mandats possibles en théorie dans une loi, c'est le premier candidat souvent qui donne le ton, si je peux dire. Et donc le premier va être particulièrement important.

Une voix: Dr Garon

M. Garon (André): M. le ministre.

Le Président (M. Copeman): Dr Garon.

M. Garon (André): Si vous permettez, avant de penser à qui, j'aimerais revenir aux trois préalables, là, qui est le mandat, les pouvoirs et les conditions d'exercice de ces pouvoirs-là.

Le mandat, je vous ferais une analogie. Vous êtes médecin; vous savez qu'en médecine on a d'abord des obligations de moyen, hein? Au fond, de plus en plus, les gens interpellent les institutions, que ce soit la nôtre, au collège, celle du ministre, le ministère lui-même ou d'autres, pour voir s'il y a des obligations raisonnables de moyen qui ont été prises par le système, par ceux qui décident. Ça fait même l'objet, si je comprends bien, d'amorce de recours dans des tribunaux. Au fond, le travail, c'est d'évaluer est-ce que ces obligations de moyen là sont présentes, ont été prises, puis en proposer, des obligations de moyen, qui sont raisonnables aussi. Il y a quelque chose là de fondamental. Voilà pour le mandat.

n(16 heures)n

Pour ce qui est des pouvoirs, il y a des choses importantes dans ce projet de loi là que je veux souligner. D'expérience, les pouvoirs d'enquête, c'est quelque chose d'important, à un bras de distance des politiciens aussi. S'il fallait que l'enquêteur soit orienté ou empêché d'agir par le ministre, même indirectement, ça ressemblerait aux commandites un peu. Il faut faire attention. Le pouvoir d'informer aussi, il est important: le pouvoir d'informer des résultats d'enquête, de faire des recommandations. Il y a un exercice de transparence autour de ça, là, qui entraîne une plus grande responsabilisation, nous semble-t-il, des citoyens, ce qui devrait être recherché, et donc un rehaussement de la conscience de ce qui se passe, puis des choix qui doivent être faits, puis de la responsabilité qui doit être prise par eux-mêmes. Tout ça pour dire que, pour que de tels pouvoirs soient bien assumés, il nous semble que la distance est une condition d'exercice qui est importante. Je ne sais pas si la Vérificatrice générale du fédéral aurait pu faire ce qu'elle a fait si elle n'avait pas eu les conditions à son exercice. Je m'arrête là-dessus.

M. Couillard: Pour ce qui est du dédoublement perçu entre des organismes tels que l'AETMIS et le Conseil du médicament, par exemple, pour nous, la démarcation est claire, mais elle n'est peut-être pas assez claire dans le texte. Par exemple, l'AETMIS se prononce sur une technologie en particulier, sur un... le Conseil du médicament, sur un médicament à ajouter ou non à la liste, le Commissaire se prononce sur la façon dont on introduit des technologies, la priorisation entre l'introduction des technologies et des efforts de prévention.

Prenons l'exemple des défibrillateurs cardiaques, par exemple, qu'est-ce qui est le plus efficace: investir massivement dans les défibrillateurs cardiaques ou investir en prévention, promotion des maladies... de la santé cardiovasculaire? Même chose qu'au Conseil du médicament, le Commissaire porte son regard en général sur la politique du médicament qu'un gouvernement se donne, sur son application et ses effets, mais pas sur l'inscription individuelle ou non des médicaments dans la liste. Donc, c'est, nous, le sens qu'on y voit, mais pensez-vous qu'il faudrait préciser ça ou si intuitivement ce que je dis vous semble correct?

M. Lamontagne (Yves): Moi, j'ai comme l'impression que ça ne ferait pas de tort de préciser en tout cas, parce que, si ça ne nous est pas apparu clair, alors que pour vous c'est clair, pour bien d'autres, ça n'apparaîtra pas clair non plus.

M. Couillard: Puis c'est la même chose pour l'Institut national de santé publique, qui conseille le ministre sur les actions de santé publique, évaluation de la santé, etc., les efforts de promotion, mais c'est dans notre esprit différent de ce que le Commissaire apportera en éclairage.

On a fait allusion à la charte ou la déclaration des droits des patients, nous, on dit: des droits et des responsabilités. Ce qu'on a constaté et que d'autres groupes nous ont mentionné, c'est que ces droits existent dans plusieurs textes législatifs. Si on regarde la loi santé et services sociaux, la Charte des droits et libertés, d'autres textes de loi, tous ces droits-là, qui sont importants, sont mentionnés. Il semble que le problème se situe au niveau du degré d'information de la population par rapport à ces droits. Donc, à notre avis, il n'est pas nécessaire de légiférer ou d'inscrire encore une fois, dans le texte législatif, ces droits, mais plutôt de trouver le moyen efficace d'en informer la population, et c'est le premier mandat qu'on veut donner au Commissaire. Pensez-vous que ce soit justifié d'aborder la question de cette façon?

M. Lamontagne (Yves): Moi, à prime abord ? je sens qu'André va vous dire quelque chose là-dessus aussi ? à prime abord, je trouve ça intéressant que vous disiez: C'est indiqué dans telle loi, c'est indiqué dans telle autre loi. Et là je vous parlerai du côté de la population. Moi, j'ai toujours beaucoup, beaucoup de misère à être au courant de 152 articles dans 152 lois différentes. J'aimerais mieux juste avoir un tableau qui me dit: Voici, là, dans l'ensemble, là, le résumé, c'est ça, puis les obligations, c'est ça, puis les devoirs, c'est ça. J'ai déjà assez de la misère juste avec mes avocats, au Collège des médecins, à comprendre le 15.4 puis 42.7, puis telle loi que vous vous imaginez que, quand on tombe dans le grand public, puis la loi de ci, puis telle autre loi de ça, là, c'est un capharnaüm tant que... pour les gens, là, ordinaires. Et je peux comprendre que ce soit ainsi.

M. Couillard: Oui, c'est un milieu qui est parfois difficile, mais c'est également fascinant ? en tout cas, moi, je trouve ? de se plonger dans un autre univers professionnel. En passant, j'aime ça, hein? Pour nous, se plonger dans l'univers des gens de loi, ou des architectes, ou des ingénieurs, moi, c'est une source de renouveau intellectuel que je qualifierais d'essentiel, hein?

M. Lamontagne (Yves): Ah! je ne suis pas contre. Je ne suis pas contre le renouveau intellectuel, mais j'aime mieux l'architecture que le droit, je vous avoue.

M. Couillard: L'architecture, oui? Ou l'architecture des lois. Écoutez, je pense que ça va terminer là la partie de l'échange que je voulais faire, mais je suis sûr que mes collègues, consoeurs pourront me succéder.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de l'opposition officielle, souhaiter la bienvenue au Dr Lamontagne, aux Drs Garon et Robert et leur...

Évidemment, j'ai beaucoup apprécié la comparaison que le Dr Garon a faite sur un sujet d'actualité qui est celui du rapport de la Vérificatrice générale à Ottawa, et l'exemple m'est venu de la différence, dans la perception du public, du Commissaire à l'éthique, nommé par le gouvernement, et de la Vérificatrice générale, nommée par la Chambre des communes. Est-ce que c'est juste lié à leur mode de nomination ou aux personnes? Quoi qu'il en soit, c'est une question de perception, comme vous mentionniez, Dr Lamontagne. Alors, c'est tellement consensuel que ça en est unanime. Nous en sommes à la sixième journée d'auditions en commission parlementaire, et je crois que ça a été unanime jusqu'à maintenant, n'est-ce pas? Alors, j'imagine que le ministre va donner suite à cette recommandation unanime qui lui a été faite et qu'il en convaincra son gouvernement.

En regard de ce que vous disiez, Dr Lamontagne, sur l'interface public-privé, hein ? vous parliez d'une conférence que vous allez prononcer demain, je pense, sur le partenariat public-privé ? la question m'est venue, à savoir: Ne serait-il pas nécessaire, dans ce projet de loi n° 38, de clarifier la responsabilité du Commissaire à la santé en regard également de la dimension de prestations privées? Puisque, tel que rédigé, on me dit qu'il doit s'interpréter comme ne s'appliquant qu'au système public. Alors, compte tenu justement des instances locales, des...

Une voix: ...

Mme Harel: Voilà. Et puis de cette interface, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir élargissement du mandat?

M. Lamontagne (Yves): Bien, je vais vous répondre par la positive, tout d'abord. Deuxièmement, quand vous dites «élargissement du mandat», je vous prie de me croire que c'est déjà large pas à peu près.

Mme Harel: Oui, mais je pense au privé.

M. Lamontagne (Yves): J'espère qu'ils vont avoir l'énergie puis la capacité d'être capables de tout faire ça. Et je pense que, là-dedans, il doit y avoir des priorités aussi. Et encore là c'est de valeur, parce que j'aurais pu apporter beaucoup d'autres pages de la commission Clair. Et je vous rappellerai la commission Arpin également, qui a sorti son rapport en 1999 puis qui parlait du partenariat privé-public ? moi, je n'en avais plus jamais entendu parler depuis 1999, et il y avait des choses intéressantes ? que notre système de santé reste public, mais qu'on développe des liens de partenariat privé-public. Les gens oublient, depuis 1977 qu'il y a des centres privés conventionnés dans les CHSLD. On pourrait agrandir ça encore. Je n'ai jamais entendu parler de grève là-dedans, puis ça va bien, puis tout ça.

Vous savez, un peu ce que je disais tantôt, là, je pense qu'il faut être réalistes. Moi, il y a quelqu'un qui m'a déjà dit... puis je le dis ici parce que je pense que c'est important, il y a quelqu'un qui m'a déjà dit: Si on ne pense pas à nous autres, Lamontagne, il faut penser à nos enfants, parce que, en bout de ligne, là, ça va leur coûter cher pas à peu près pour des erreurs qu'on a faites depuis plusieurs années. Bien, il est temps qu'on se questionne puis il est temps qu'on retourne ça de côté un peu.

Puis notre système public, là, on a un des systèmes les plus publics au monde, on ne peut pas lui demander plus que ça. Puis, comme il n'y a pas beaucoup d'argent, puis comme la population est vieillissante, puis que les technologies coûtent cher, puis la pharmacologie coûte cher, bien il va falloir innover, il va falloir expérimenter, il va falloir appliquer ici des choses qui se font ailleurs puis qui marchent. Mais il va falloir le faire. Et c'est dans ce sens-là, c'est pour ça que je vous disais: Dans le partenariat privé-public, c'était également dans la commission Clair, je ne me souviens plus quelle recommandation, mais c'est là, ça aussi, mais il faut juste le faire. Parce qu'on ne peut plus s'en tenir au statu quo, c'est fini ce temps-là. Je veux dire, on va crever si on continue à rester bêtement dans un système qui est fermé, puis qu'on n'innove pas, puis qu'on n'avance pas dans ce système-là, donc, sans aucun doute, sans aucun doute.

n(16 h 10)n

Et vous savez, quand on parle de partenariat privé-public, je vais être bien candide avec vous, moi, j'ai changé mon choix aussi, parce que, avant ça, je parlais du privé puis je me suis aperçu, quand j'allais à la télévision, le monde, il s'énervait avec ça. Bien, voyons donc, ça ne mange pas le monde, ça. Alors, j'ai changé, je ne parle plus jamais de privé maintenant, je parle de partenariat privé-public, parce que c'est ça que je voulais dire, finalement. Mais il faut le faire.

Et ça, les partenariats, là, ça se fait dans le monde des affaires puis dans l'industrie. Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables de faire la même chose en santé; ça ne mange pas le monde, ça. Puis, si on sauve de l'argent, puis si on est efficaces, puis si on est plus efficients de cette façon-là, bien je pense qu'il faut vendre ça au public. Parce que le public, lui, quand il entend «privé», là, c'est comme si c'était scandaleux: c'est l'enfer, c'est épouvantable, c'est sale. Bien, il faut expliquer au public que ça ne mange pas le monde, ça, des bons partenariats, mais il va falloir qu'il y ait une volonté de le faire. Et, là-dessus, je peux vous dire que, nous autres, dans les documents qu'on publie, le collège, c'est ce qu'on prône, si on veut se sortir un peu du guêpier dans lequel on est depuis déjà, je dirais, pas mal d'années, là. Puis on est prêts à collaborer avec les politiciens pour vendre ça aussi, sans aucun doute, parce que, sans ça, on ne s'en sortira pas.

Mme Harel: Vous parlez d'expérimentation et d'innovation, et je lisais, là, dans votre mémoire, que vous recommandez en priorité en fait au Commissaire en termes, disons, d'intervention... Et si, par exemple, le Commissaire décidait, là, de regarder toute la question de la rémunération à l'acte? Ce qui n'est pas impossible en fait quand on lit, là, l'article 2: «...en prenant en compte l'ensemble des éléments systémiques interactifs». Alors, ce pourrait être une des dimensions que le Commissaire à la santé choisisse de regarder. Est-ce que ça vous semble être une de ses priorités?

M. Lamontagne (Yves): Je vais passer la parole au Dr Garon, mais je voudrais juste vous dire que j'aimerais mieux que vous posiez ça aux fédérations qu'au Collège des médecins, parce que, nous autres, ce n'est pas notre rôle de s'occuper des dollars, vous comprenez, puis de savoir: C'est-y mieux à l'acte? Puis je connais moins ça maintenant, là, j'ai une petite idée là-dessus, mais je ne pense pas que ce soit au Collège des médecins à répondre à une question de façon spécifique comme ça.

André, tu voulais-tu ajouter quelque chose?

M. Garon (André): Peut-être simplement dire que les modes d'allocation de ressources, que ce soient des modes d'allocation de ressources aux médecins ou aux établissements, c'est quelque chose d'important, ce n'est pas neutre. La manière dont on fait ça, ce n'est jamais neutre. Les conditions qu'on attache à des décisions, à du pouvoir de dépenser qu'on exerce, ce n'est jamais neutre. C'est sûr que, si la question est posée à nouveau, parce qu'elle a été posée au Conseil médical, le Conseil médical a déjà répondu à ça ? peut-être qu'il faut qu'il y en ait un autre qui y réfléchisse ? bien il faudra voir à quelle sorte de conclusion un commissaire à la santé et au bien-être pourrait arriver, si différente du Conseil médical, à cet effet. Mais, vous avez raison, c'est une question importante. C'est une question importante comme d'autres choix qui sont importants: le choix d'investir en prévention versus d'investir dans la salle d'op, le choix de développer du service à domicile versus... Au fond, les obligations de moyen au niveau du décideur au plan du Québec, des régions, des établissements sont-elles bien assumées? C'est ça qui est la question.

Mme Harel: Il y a plusieurs mémoires qui préconisent de distinguer les fonctions, qui considèrent qu'il y a une confusion des genres dans ce qui est proposé dans le projet de loi n° 38: confusion entre la fonction conseil, qui est une fonction qui était déjà assumée par le Conseil médical et par le Conseil santé et bien-être, et la fonction d'évaluation, qui est assez, si vous voulez, priorisée dans le projet de loi, mais que vous considérez ? vous-mêmes le disiez tantôt ? comme étant prioritaire. Alors, est-ce qu'il faut lire votre mémoire comme recommandant en fait le maintien du Conseil médical et du Conseil santé et bien-être, comme l'ont fait plusieurs autres intervenants, donc que la fonction conseil demeure, et puis que le Commissaire puisse se consacrer, si vous voulez, en priorité à la fonction évaluation?

M. Garon (André): Chez nous, on en a discuté beaucoup bien sûr, au collège, à l'interne, tout ça. C'est sûr qu'il y a un risque à sédimenter les structures, là. Toutefois, il faut voir qu'est-ce que ça veut dire exactement. Les conseils en question, là, c'est 20 personnes d'un côté, peut-être, là, peut-être 18, enfin, et 25 de l'autre côté; des gens qui viennent de tous horizons, qui ont une expertise, qui ont de l'énergie, qui sont capables de donner du temps, du bon temps, qui font des avis dont le rapport coûts-bénéfices, là, il est pas mal extraordinaire, les deux conseils.

Remarquez, je suis biaisé, je suis passé par un des deux, mais j'y crois beaucoup. Je vous dirais qu'asseoir ces personnes-là, ce n'est pas ça qui coûte cher, ça coûte les frais de déplacement et séjour. On ne paie pas leur salaire, ce monde-là. Les conseils ne coûtent pas cher. Les appareils, les secrétariats qui les soutiennent, il faut regarder ce qu'il y a à faire avec ça, mais les gens qui sont réunis, les expertises qui sont là, nous, ce qu'on dit là-dedans, c'est: Il ne faudrait pas perdre ça. Maintenant, est-ce qu'il y a lieu vraiment de maintenir, superposer ces structures-là? C'est une bonne question aussi. Si le Commissaire à la santé peut... a une marge de manoeuvre pour aller consulter des gens compétents, bien peut-être qu'il va en réunir quelques-uns du genre, là, assez rapidement.

Le Président (M. Copeman): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Je voudrais juste ajouter, Mme Harel, à ce qu'André vient de dire. C'est que je pense que, le Commissaire, il faut aussi qu'il ait des gens autour du lui qui le conseillent bien et que donc il y avait déjà ces deux conseils-là. La seule crainte que j'aurais, si on parle de la réingénierie de l'État, bien je ne souhaiterais pas qu'on augmente encore la structure, si tel était le cas, alors qu'on veut la diminuer puis la rendre plus souple. Si c'est un amoncellement de: on ramasse ça, on ramasse ça puis on ajoute ça, bien là on grossit la structure, puis, moi, je suis antistructurite, épouvantable. Si, au total, ça arrive que c'est plus efficace avec moins de monde, mais il faut des conseillers... et, un peu comme André disait, bien, selon... de la façon dont ça se ferait.

Maintenant, je vais vous avouer que, l'image qui me vient, pour prendre un exemple bien, bien pratique, il y a trois ans, moi, j'ai déjà vu être ici, à Québec, au ministère, puis je ne vous dirai pas quel conseil, là, parmi ceux-là, mais le directeur de ce conseil-là d'avoir dit: Écoutez, ça fait quatre rapports que je vous donne, où je vous donne des suggestions pour faire quelque chose, puis il n'y a rien qui se fait. Je suis là pour rien, vous seriez bien mieux de fermer ça, parce que, moi, je vous fais des rapports pour dire «Fais quelque chose», puis il n'y a jamais rien qui se passe.

Alors, vous voyez, ce n'est pas mieux, ça, non plus. C'est mieux d'avoir peut-être un peu plus serré, où que, quand il y a un rapport qui est fait, on sait qu'il y a quelque chose qui va se passer. Et ça, c'est un des présidents d'un des conseils, là, parmi les nombreux conseils qu'on a nommés, là. Moi, j'étais estomaqué d'entendre ça, et lui-même dire: Vous me payez pour rien. Alors ça, ça donne quoi si c'est ça? Ça ne donne pas grand-chose.

Mme Harel: Mais ceux qui participent n'étaient pas payés, je crois? C'est bénévolement. Le président?

M. Lamontagne (Yves): Oui.

Une voix: Oui, il y a seulement le président.

M. Lamontagne (Yves): Seulement le président.

Mme Harel: O.K. C'est ça. Il y a une fédération, pour ne pas la nommer, la Fédération des médecins spécialistes, je pense, qui mettait en garde le ministre d'un état d'esprit comptable, c'est-à-dire: on abandonne deux conseils pour le prix d'un commissaire. Bon. Ça a l'air d'être en diminution. Mais ils introduisaient l'idée qu'il fallait non pas une analyse, si vous voulez, mathématique comme celle qui avait prévalu au début des années quatre-vingt-dix quant aux effectifs médicaux à la... mais une analyse analytique: à quoi ça va servir, quels sont les besoins.

Et, si les besoins sont à l'effet justement de maintenir cette participation du milieu sociomédical, là, hein, et si le besoin est de maintenir la participation citoyenne, ce que tout le monde dit dans le fond, c'est que... Je crois, presque tous ont dit: Il faut une participation citoyenne, et les porte-parole des médecins ont dit, et des autres professionnels: Il faut une participation interprofessionnelle, non corporative, et ça, c'est une valeur ajoutée. Alors, s'il y a une valeur ajoutée, pourquoi l'abandonner dans le fond? C'était ça, la question que beaucoup posaient concernant le maintien ou pas des deux conseils. Parce qu'il faut faire attention, la réingénierie, si c'est l'idée d'abandonner ce qui marchait bien, je pense que là on est perdants, là, c'est un recul, ce n'est pas...

M. Robert (Yves): Si vous me permettez. En fait, j'aurais tendance à dire que l'objectif, ce n'est pas les structures. La structure, c'est un moyen, c'est un outil qui permet d'atteindre un objectif. Donc, la question, c'est de savoir c'est quoi, l'objectif qu'on poursuit, puis d'adapter la structure en fonction de ce qu'on poursuit comme objectif. Donc, est-ce que c'est le Conseil médical qui est le meilleur outil? Est-ce que c'est le Conseil de la santé et du bien-être? Est-ce que c'est le Commissaire à la santé? Est-ce que le Commissaire à la santé peut utiliser des tribunes comme des audiences publiques ou autre chose pour atteindre le même objectif de consultation? On parle de modalités ici.

Mais l'objectif, c'est quoi? D'avoir la réponse à nos questions, de bien informer le public, d'avoir de la qualité, d'offrir le meilleur service possible et la plus grande efficience, en avoir pour son argent. M. le ministre posait la question: Quels sont les genres d'information que le public se pose? Certainement qu'une des questions, c'est: Est-ce que j'en ai pour mon argent dans ce système de santé là et qui est à même de me répondre à cette question et d'avoir une vision extérieure? Ça peut aider à avoir une certaine idée de ce qui se passe là-dedans. Donc, la structure, c'est une chose. L'objectif qu'on poursuit, je crois que la structure doit s'assujettir à l'objectif et non l'inverse.

Mme Harel: Vous avez raison, parce que là vous parlez d'un objectif d'information de la population, alors que l'objectif dont on nous a parlé en commission, c'est d'une participation citoyenne. Donc, ça dépend de l'objectif qu'on poursuit, effectivement.

n(16 h 20)n

M. Garon (André): Si vous permettez. On disait tout à l'heure que des avis fort bien faits étaient sur la tablette. C'est difficile pour un conseil qui est aviseur à un ministre de mobiliser à partir d'un avis que le ministre n'a pas fait sien.

Mme Harel: Oui, mais on discutait justement sur l'avis du Conseil médical sur les inscriptions dans les facultés, en 1998, avec l'effet qu'il a eu dès l'entrée en 1999, je pense, hein, et on se disait qu'en 1999-2003 ça a augmenté, les inscriptions, de 64 %. Tous les avis ne sont peut-être pas reçus de la même façon, mais certains ont eu quand même beaucoup d'impact.

M. Lamontagne (Yves): J'aurais tendance, moi, à vous dire, Mme Harel, pour avoir assisté à beaucoup de trucs consultatifs comme ça, que, si, moi, je prends l'ensemble, avec les gens du collège qui ont assisté à des choses comme ça, il y en a peut-être quelques-uns qui ont sorti, mais en général laissez-moi vous dire que ça consultait beaucoup, mais ça agissait très peu. Je vais vous prendre un exemple bien simple, entre autres, je vous cite ça, là, les commissions médicales régionales.

Nous autres, au collège, à un moment donné, on envoyait les administrateurs à chacune des commissions médicales régionales. C'était très bien, les commissions médicales régionales offraient des choses à la régie régionale, puis, dans 90 % du temps, il n'y avait rien qui était accepté puis il n'y a rien qui passait. À un point tel qu'à un moment donné... et tout le monde autour de la table était d'accord. Au collège, moi, je payais pour envoyer des gens là, comme observateurs, imaginez. Alors, je leur ai demandé: Ça vaut-u la peine de vous envoyer là? Ils ont tous répondu non, vous sauvez pas mal d'argent, puis ils sont tous restés à la maison, parce qu'ils s'apercevaient que ça ne donnait rien. Mais c'est ça, là, c'est un peu tannant, ça, à la longue, où ça se rencontre des soirées de temps à jaspiner puis à faire des beaux projets, à envoyer ça à la régie régionale, puis, en bout de ligne, là, ils prennent trois lignes de l'affaire. À un moment donné, ça devient choquant, je vais vous avouer. Et donc, nous autres, on a débarqué tout le monde de là parce qu'on trouvait que c'était totalement inefficace. Il n'y a rien qui se passait; c'est ça, l'affaire.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. M. Lamontagne, Dr Robert, Dr Garon, bonjour. Je voudrais vous ramener à la partie inférieure de la page 3 de votre mémoire puis le haut de la page 4, où vous parlez de la notion de bien-être puis de ses déterminants. Vous exprimez, là, très bien là-dedans que la notion de bien-être, ça implique souvent des relations autres que le ministère de la Santé puis ça peut être... plusieurs ministres peuvent être interpellés et différents ministères.

Puis la question que je voulais savoir... Puis, moi, à la lecture du projet de loi, deux choses. Premièrement, est-ce que vous pensez que la notion de bien-être est assez bien exprimée dans le projet de loi ou elle devrait être bonifiée pour bien exprimer cette dimension-là? Et, deuxièmement, est-ce que... Dans la lecture que vous en faites, au niveau des autres ministres qui pourraient être interpellés, est-ce que cette notion-là devrait être également incluse ou que le bien-être soit adressé tout simplement via le ministre de la Santé, et lui adresserait des avis aux autres ministres concernés? Donc, je ne sais pas si c'est à...

M. Lamontagne (Yves): Je vais répondre à ça. Mais, moi, je vais vous avouer bien candidement que, quand on parle de bien-être, moi, je n'ai pas encore connu quelqu'un qui m'a fait une bonne définition du bien-être, parce que mon bien-être est différent du vôtre, j'espère bien. Puis la définition du bien-être, c'est beau ça, le bien-être, mais on va se rendre jusqu'où avec ça, là, puis comment est-ce qu'on définit ça, là? À mon avis, ça, c'est très, très, très flou. C'est beau comme nuance, le bien-être, tout le monde est bien, puis tout ça, mais laissez-moi vous dire que de rendre ça concret, c'est une autre paire de manches, puis, si on veut, à un moment donné, tenir ça assez vigoureux, ça commence où puis ça finit où, ça? Ça peut être immensément grand, mais, à un moment donné, tu ne peux pas... L'État ne peut pas aller ad infinitum dans le bien-être, là. Alors, moi, je suis un peu... C'est gros, ça, le bien-être, vous savez, là, puis, à un moment donné, bien il faudra bien être à s'occuper aussi des affaires qui sont un peu plus petites puis qui ne marchent pas, puis s'arranger pour que ça, ça marche. Je ne veux pas dire qu'il faut laisser le bien-être de côté, mais, moi, j'ai un peu une ambivalence quand on parle de bien-être.

M. Garon (André): C'est sûr que les déterminants de la santé, appelons-le du bien-être aussi, sont multiples. On sait bien que les décisions qui sont prises concernant les revenus des gens, l'éducation sont importantes, sont très structurantes pour l'avenir des personnes, puis dès le bas âge. Alors, un ministre qui est avisé par un commissaire sur de telles questions, assez larges, inévitablement il va se retrouver à, comment dire, être dans le jardin de plusieurs, là. C'est très intersectoriel. D'où l'intérêt, l'importance qu'on disait: Bien là, si c'est ça, ça va être difficile de faire autrement que d'y voir un lien avec l'Assemblée nationale. C'est un peu ce qu'on a voulu développer là.

Vous savez, le ministère de la Santé, c'est le ministère des conséquences. C'est le ministère des conséquences des gestes puis des décisions qui sont prises par les autres. Lui, il ramasse puis il essaie de recouvrer la santé. À un moment donné, il dit: Bien coudon, ça se pourrait-tu que vous ne pourriez pas faire telle chose, telle chose, telle chose dans vos secteurs? Alors, c'est sûr que, si la perspective est large, ça conduit davantage à un lien avec un niveau qui est large aussi. C'est ce qu'on voulait dire.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Si vous permettez, M. le Président, je vais poursuivre sur ce thème-là, sur cette lancée. Ce matin, nous avons entendu la FIIQ, et ce que nous avons entendu là posait une question à mon avis fondamentale quant au rôle du Commissaire eu égard à la Politique de santé et bien-être.

L'article... l'alinéa 4° de l'article 10 au chapitre II du projet de loi stipule que le Commissaire peut éventuellement guider les orientations de la Politique santé et bien-être, alors que la FIIQ prétendait que le Commissaire devait être plutôt soumis à la Politique santé et bien-être, c'est-à-dire qu'il devait se conformer, dans son rôle, à la Politique santé et bien-être. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, puisque... puisque vous mentionnez qu'il doit avoir un mandat qui touche l'ensemble des prérogatives gouvernementales. Donc, on revient à cette idée que l'ensemble des actions gouvernementales ont un impact sur la santé et le bien-être, là. Donc, je pense que vous faites allusion là à la Politique, dans le fond, de santé et bien-être.

M. Garon (André): La Politique santé et bien-être n'a jamais été une politique gouvernementale, à ma connaissance. Ça a toujours été une politique ministérielle. En tout cas, il faudrait voir, là.

M. Bouchard (Vachon): Non, mais ça, là-dessus, j'ai eu l'occasion, dans les années... le début des années quatre-vingt-dix, d'en discuter souvent avec M. Marc-Yvan Côté, et sa prétention, c'était qu'il avait proposé à son gouvernement une politique de santé et de bien-être, c'est-à-dire que ça a été entériné par l'ensemble du conseil et par l'Assemblée nationale. Bon. Ceci étant dit, qu'est-ce que vous pensez: est-ce que le Commissaire devrait être davantage soumis à la Politique santé et bien-être ou devrait-il plutôt l'influencer, en être le guide, «en être le guide»?

M. Garon (André): Bien, pour être cohérent, là, avec ce qu'on a dit, c'est certain qu'il ne devrait pas être emprisonné. Il ne devrait pas être dans une camisole, même pas la camisole imposée par une politique de santé et de bien-être. Il doit interpeller plus largement, nous semble-t-il. C'est une question de cohérence du début à la fin. Ou bien on rétrécit un petit peu le mandat puis là on dit: «Oui, ça a du bon sens qu'il ne relève pas de l'Assemblée nationale», ou bien on le garde large, mais là...

M. Bouchard (Vachon): Vous permettez?

Mme Harel: On m'indique que ce n'est pas une loi. J'ai induit mon collègue en erreur.

M. Bouchard (Vachon): Comme disait quelqu'un qu'on... comme disait quelqu'un en quelque part: «J'ai été introduit en erreur.» Mais dites...

Le Président (M. Copeman): Brièvement, s'il vous plaît, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Alors, qu'est-ce qui inspire l'action du Commissaire si ce n'est pas une politique de santé et de bien-être? Sur quoi fait-il reposer ses interventions?

M. Garon (André): Bien, la politique, c'est sûr qu'elle devrait inspirer beaucoup de personnes, à tous les niveaux, incluant le ministre, le gouvernement. Le Commissaire, c'est sûr, il va certainement regarder quels sont les objectifs et les stratégies d'intervention qu'il y a dans une telle politique puis voir comment les gens se comportent par rapport à ça. Mais, encore une fois, si on voit son rôle comme étant un rôle de quelqu'un qui interpelle, qui dynamise, mais qui s'intéresse beaucoup aux obligations de moyen, à la manière dont les décideurs, aux niveaux central, régional, local, font leur travail, et pour également faire des suggestions à ces décideurs-là, il nous semble qu'on aurait un plus, là, qu'on n'a pas actuellement.

n(16 h 30)n

Puis c'est des décisions qui sont quand même assez générales. Il ne s'agit pas de faire des personnalités, là, par rapport à un directeur général d'un hôpital ou... ce n'est pas ça du tout, l'idée. Je pense que là, quand on est rendu dans ces choses-là, peut-être qu'on se rapproche davantage du Protecteur des usagers qui doit traiter des plaintes puis qui peut-être doit rentrer un petit peu plus proactivement dans les établissements que réactivement puis faire de l'information à tout le monde sur leurs droits. Mais l'idée est de regarder ça plus globalement, mais d'interpeller les décideurs.

Le Président (M. Copeman): Brièvement, Dr Robert.

M. Robert (Yves): Oui, très brièvement. Ce qui doit guider le Commissaire, dans notre esprit, c'est la santé et le bien-être de la population, pas la Politique de la santé et du bien-être de la population. Et, dans ce sens-là, si la politique peut servir de guide, de grille d'analyse, parfait. S'il y a des ajustements à apporter à la Politique santé et bien-être, je ne vois pas pourquoi le Commissaire ne pourrait pas se prononcer là-dessus.

Le Président (M. Copeman): Dr Lamontagne, Dr Garon, Dr Robert, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Avant d'ajourner, je vous rappelle, aux membres de la Commission des affaires sociales, que nous sommes convoqués pour effectuer un autre mandat demain, 10 heures, dans la Salle de l'Assemblée nationale, afin d'exécuter l'interpellation de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve au ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant: En matière de santé: engagements du gouvernement du Québec et transferts fédéraux. Sur ça, j'ajourne les travaux de la commission, dans le cadre du présent mandat, jusqu'à mardi le 23 mars, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 32)

 


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