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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, September 23, 2004 - Vol. 38 N° 64

Consultation générale sur le projet de loi n° 56 - Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): Alors, chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.

Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives, Bill 56, An Act to amend the Act to secure the handicapped in the exercise of their rights and other legislative provisions.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement.

Nous avons également aujourd'hui une journée chargée. Nous allons échanger avec trois groupes ce matin, cinq groupes cet après-midi. Alors, je vais faire appel à la discipline extraordinaire de mes collègues, telle que démontrée hier, pour qu'on puisse terminer aussi près que possible à notre horaire prédéfini, autour de 19 heures ce soir, et je vais également demander à nos invités le même acte de discipline en ce qui concerne le respect des temps alloués pour les présentations.

Je vous rappelle simplement quelques mesures qui ont été prises par la Commission des affaires sociales en collaboration avec l'Office des personnes handicapées du Québec et d'autres autorités du Parlement. Nous avons, pour la durée du mandat, un service d'interprétariat qui est fourni aux personnes qui présenteront un mémoire devant la Commission des affaires sociales et qui en auront fait la demande. Pour les personnes qui assisteront aux travaux de la commission, un service d'interprétariat en langage des signes du Québec est disponible sur les moniteurs placés dans la salle, à la vue du public. Et finalement, à la fin de la consultation et des auditions publiques de notre commission sur le projet de loi n° 56, les personnes intéressées pourront obtenir sans frais l'intégralité des travaux de la commission avec superposition d'un interprète gestuel, en format VHS ou en disque laser, en CD. Et ça, on peut se le procurer en s'adressant à l'Office des personnes handicapées du Québec, encore une fois sans frais.

Auditions (suite)

Alors, avec une efficacité hors pair, nos invités, nos premiers invités sont déjà assis à la table. M. Tremblay, Mme Gagnon, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, bienvenue. J'imagine que vous êtes au courant de nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Je ne sais pas qui commence, mais, sans plus tarder, je vous souhaite la bienvenue et je vous prie de débuter votre présentation.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Tremblay (André): Bonjour. Mon nom est André Tremblay. Je suis conseiller technique auprès du président et du secrétaire général de la FTQ. D'ailleurs, M. Massé s'excuse de ne pas être présent ce matin, il est retenu ailleurs, alors il m'a demandé de le remplacer. Je suis accompagné de Mme Denise Gagnon, qui est permanente à la FTQ et également responsable technique du comité permanent FTQ des personnes handicapées.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec réagit positivement au deuxième projet de loi déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Elle le considère encore comme un pas dans la bonne direction, mais estime que le projet devrait être assorti des mêmes règles d'accès à l'égalité reconnues à l'ensemble des citoyens et citoyennes et étendues au secteur privé. Nous insistons sur certains aspects qui devront être bonifiés pour élargir significativement les perspectives d'emploi des personnes handicapées aux prises avec une situation de sous-emploi encore très endémique.

Notre principe est de considérer d'abord la personne handicapée comme une travailleuse ou un travailleur, quelle que soit sa situation d'emploi et, à ce titre, de lui reconnaître tous les droits qui se rattachent à ce statut. Depuis fort longtemps, la FTQ préconise des mesures concrètes axées sur la reconnaissance pleine et entière des droits des personnes handicapées pour favoriser leur intégration et le maintien en emploi. Malgré certains résultats encourageants sur les plans de l'embauche et du maintien en emploi, la situation des personnes handicapées demeure nettement discriminatoire en regard des droits reconnus aux autres groupes de citoyens et citoyennes du Québec.

Il va sans dire que, plus de cinq ans après la dernière consultation de l'Office des personnes handicapées et 25 ans après l'adoption de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées par l'Assemblée nationale du Québec, la FTQ est plus que favorable à une amélioration du cadre législatif pouvant permettre la réalisation de nos objectifs d'équité en emploi. Cependant, nous estimons que le projet de loi ne va pas assez loin en limitant l'application et l'assujettissement des programmes d'accès à l'égalité en emploi à trop de personnes handicapées.

Les programmes d'accès à l'égalité axés sur une obligation de résultat reposent sur des mesures d'égalité, d'accès et de soutien. Il faut toutefois être conscient que le succès de tels programmes nécessite des mesures concrètes d'application, notamment dans le domaine des relations du travail et l'établissement de points de comparaison entre le marché local d'emploi et la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée dans la population ciblée. Or, la trop longue exclusion des personnes handicapées des milieux scolaires et du travail nécessite une approche législative différenciée.

Les programmes d'accès à l'égalité devraient prévoir des véritables obligations de résultat pour les entreprises et une obligation d'accommodement raisonnable qui existe déjà en vertu des décisions de la Cour suprême du Canada et qui sont applicables partout au Canada, dans tous les domaines du droit du travail. Ce droit découle du droit fondamental: le droit à l'égalité. En outre, d'importants efforts et des... et de ressources doivent être aussi consacrés à la reconnaissance des acquis, à la formation de base et à la formation professionnelle des personnes handicapées qui accusent encore un sérieux retard à ce chapitre. Les initiatives du secteur privé et communautaire développées, entre autres, par les partenaires du marché du travail au sein du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées doivent être prises en compte et mieux soutenues. Ces efforts devront aussi se conjuguer avec une intensification des programmes de sensibilisation et d'éducation vis-à-vis des partenaires du monde du travail et des personnes handicapées face à leurs possibilités d'emploi.

n (9 h 40) n

Enfin, toutes ces mesures doivent également s'harmoniser avec les différents programmes existants. Il nous faut des moyens pour faciliter l'accès à l'éducation, au transport adapté dans les milieux de travail, par exemple accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et adaptation architecturale et environnementale. On doit également inclure les programmes touchant les personnes devenues handicapées visées par d'autres législations du travail pour ne pas que l'intervention soit limitée par d'autres obstacles administratifs qui seraient de nature à alourdir la tâche des personnes qui devront appliquer ces nouvelles mesures. Il doit y avoir une préoccupation d'harmonisation pour les principaux acteurs du milieu.

Nous saluons l'amendement visant à préciser le rôle de tremplin vers le marché régulier du travail que doivent avoir les centres de travail adapté pour faciliter leur insertion professionnelle et permettre l'entrée à des travailleuses et travailleurs souvent cantonnés dans des centres de réadaptation. Toutefois, l'augmentation de la norme d'embauche de personnes handicapées dans les CTA nous fait craindre la perte d'emplois de qualité pour les personnes handicapées dans certains secteurs, notamment dans les secteurs où les travailleuses et travailleurs sont isolés dans des petits milieux de travail, exemples: l'entretien ménager et le domaine de la sécurité.

Vu le large consensus développé depuis près de 20 ans sur la pertinence et l'utilité du programme Contrat d'intégration au travail, programme de soutien à l'intégration en milieu régulier auprès de l'ensemble des partenaires, et vu le succès des projets pilotes assurant un financement permanent de cette mesure, nous aurions souhaité que le législateur élargisse la mesure actuelle pour la bonifier afin d'intégrer un plus grand nombre de personnes en milieu régulier.

Concernant les droits fondamentaux prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, il y aurait lieu de préciser, pour éviter toute confusion, comme ce fut le cas par le passé: «Les nouvelles dispositions s'appliquent malgré et en complémentarité avec la charte.» Ainsi, les programmes d'accès à l'égalité visant l'ensemble des groupes discriminés s'appliqueront aussi et la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées viendra en préciser les contours en prévoyant les particularités du programme pour ce groupe et en complémentant certains aspects. Nous considérons que le projet de loi n° 56 manque de dents et qu'il semble diluer le droit à l'égalité prévu dans nos chartes des droits de la personne.

Nous estimons que les recours en matière d'accès à l'égalité doivent être les mêmes pour tous et toutes et exercés auprès de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui détient une expertise à cet égard. Nous estimons que l'OPHQ, par notre expérience, n'a ni l'expertise du marché du travail ni celle du droit à l'égalité en emploi. Nous reconnaissons toutefois sa grande expertise quant à son rôle conseil, de promotion et de coordination qui lui est dévolu au plan de l'intégration sociale. Aussi, nous soumettons humblement que l'OPHQ, pour bien jouer ces rôles, doit se tenir loin des recours juridiques des personnes et des institutions qu'il doit soutenir au plan de la promotion.

La loi devrait prévoir en outre un recours pour les personnes salariées et leurs associations en cas de non-respect de la loi. Plusieurs études démontrent que l'accueil des pairs en milieu de travail est un facteur déterminant pour la réussite d'une intégration et peut diminuer substantiellement leur rétention en emploi. Dans tous les cas, les projets d'insertion professionnelle devraient toujours être faits en collaboration étroite avec les travailleuses et travailleurs en entreprise, comme l'expérience nous l'enseigne.

Tous et toutes reconnaissent, y incluant les employeurs, que l'exclusion sociale a un coût économique important pour la société. En plus de se priver des talents dont nous aurons bien besoin dans un avenir proche, nous compromettons l'objectif ultime de ce projet de loi, à savoir le droit à l'égalité pour tous les citoyens et citoyennes du Québec.

Au Québec, la population vieillit, l'ensemble de la main-d'oeuvre aussi; l'exclusion augmente. Pourtant, les technologies progressent à grande vitesse. Les modèles de formation évoluent aussi. Ce contexte devrait permettre, dans ce début du deuxième millénaire, de prendre un temps d'arrêt pour rendre nos milieux de travail plus inclusifs.

La question de l'emploi des personnes handicapées n'est plus à résoudre en fonction de la conjoncture. C'est une nécessité absolue.

Et à ce moment-ci je demanderais à Mme Gagnon d'aller un peu plus en détail sur certains aspects de notre mémoire.

Le Président (M. Copeman): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Denise): Merci. Vous m'entendez bien, oui? Je vais revenir sur certains aspects qui définissent nos principes et les propositions que nous vous faisons ici, ce matin.

Dans un premier temps, quand on réfère au statut de travailleur et travailleuse pour même les personnes handicapées qui n'ont pas d'emploi ou qui n'en ont jamais eu, ça tient du fait qu'on repose cette analyse sur les conventions internationales, là, concernant le droit à l'emploi, concernant la question du droit à la réadaptation aussi. Et c'est un peu le débat qui est à l'origine de la mise sur pied d'ailleurs du projet des centres de travail adapté: de reconnaître ce statut de travailleur et de travailleuse à des personnes qui auparavant étaient dans des ateliers protégés, qu'on appelait «protégés», et qui n'avaient pas de statut de travailleur et travailleuse. Donc, c'est un peu notre prémisse de départ.

Quant à la définition de «personne handicapée» proposée par le projet de loi, nous désirons souligner que nous avons un problème avec la notion de... je veux reprendre le terme exact, là, excusez-moi, on dit «persistante», en tout cas, bon. La définition nous pose un problème parce que typiquement on a vécu des problèmes, notamment dans les cas de santé mentale, déficience intellectuelle, où souvent les gens n'étaient pas reconnus au sens de la définition de l'Office des personnes handicapées, alors qu'ils pouvaient l'être évidemment au sens de la charte. Et ça, on voudrait éviter, là, toute forme d'exclusion.

La situation de l'emploi. Je pense que vous avez entendu, toute la semaine, les différents comptes rendus des gens qui sont passés ici, la situation de l'emploi qui est loin de s'améliorer mais qui, dans certains secteurs, se détériore.

Concernant les centres de travail adapté, bon, la FTQ représente des milliers de travailleurs et travailleuses handicapés dans ses rangs, au sein de nos 500 000 membres, mais on en représente un certain nombre dans 11 CTA qui sont membres de nos syndicats affiliés et donc qui vivent des situations quelquefois un peu difficiles. Et sans aucune hésitation nous approuvons, et on pense que ça aurait dû être fait depuis longtemps, l'idée que ces lieux de travail soient vraiment des tremplins, c'est-à-dire des lieux qui permettent l'amélioration des compétences pour accéder au marché régulier du travail. Et pour avoir personnellement, là, représenté... négocié des conventions collectives dans ces secteurs-là, je peux vous dire que bien souvent on a des travailleurs et des travailleuses qui sont très aptes à intégrer le marché régulier du travail et qui se trouvent, là, cantonnés.

D'un autre côté, on peut comprendre la situation des entreprises qui ont... les entreprises adaptées toujours, qui ont une espèce de conflit de mission parce qu'ils doivent être rentables et en même temps se départir de leurs meilleurs éléments. Le problème, c'est que bon nombre de futurs travailleurs ou travailleuses qui sont dans des centres de réadaptation ou dans d'autres réseaux ne peuvent accéder aux CTA parce que ça crée une espèce de goulot d'étranglement, d'une part, et parce que les places sont quand même limitées compte tenu des contraintes budgétaires dans ce programme, et ceux qui auraient les qualifications pour intégrer n'ont pas toujours le support voulu. Et ça, les associations, les services de main-d'oeuvre spécialisée peuvent vous le confirmer, c'est très difficile pour eux d'accompagner les personnes à qui ils doivent offrir un certain nombre de services pour le développement de l'employabilité dans ces milieux-là. Alors, c'est des milieux qui sont assez opaques, où les gens sont souvent placés, là, dans des situations d'emploi plutôt précaires, parce qu'on sait que, dans ces milieux-là, les conditions de travail sont au minimum.

Quant au projet de loi et le droit à l'égalité, évidemment on salue l'initiative que la fonction publique québécoise, tout comme pour les autres groupes victimes de discrimination systémique, fasse une ouverture aux personnes handicapées. Et comme mon confrère l'a souligné, on souhaiterait que ce soit beaucoup plus large, mais on pense que c'est un pas dans la bonne direction. Cependant, la terminologie qui est utilisée et qui, quant à nous, vient atténuer ce droit fondamental à l'égalité devrait être revue de façon prioritaire. Quand on nous dit «en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent», c'est là une terminologie qui va nous amener dans une neutralité, c'est-à-dire une inaction. Et d'expérience on le sait, on l'a vu avec les plans d'embauche, ce programme, il n'y a pas eu de percée significative. Alors, pour qu'il y ait un droit réel, il faut qu'on en reconnaisse une application réelle aussi. Et nous vous soumettons bien humblement que cette terminologie devrait être rayée du projet de loi comme tel.

Évidemment, d'autres vous diront, et nous serons d'accord avec eux, qu'on devra consacrer les ressources financières autant à l'office dans son rôle de promotion qu'aux institutions qui doivent assurer le respect de ces droits-là. C'est le cas pour la Commission des droits de la personne et de la jeunesse... pour d'autres organisations.

n (9 h 50) n

Également, nous pensons que des ressources doivent être accordées au sein des milieux de travail pour faciliter la formation des milieux qui ont à recevoir des personnes handicapées. Historiquement, les personnes ont été exclues du milieu scolaire. Et, nous, quand on fait de la formation chez nous avec les travailleurs sur ces dimensions-là, ce qu'ils nous disent, c'est que, bon, on ne sait pas trop comment se comporter, on ne sait pas comment réagir pour, entre autres, dû au fait ? et c'est moins vrai aujourd'hui, mais c'était beaucoup vrai par le passé... on n'avait pas de personnes handicapées dans nos classes, donc on n'avait pas à côtoyer des personnes qui étaient différentes de nous soit sur le plan moteur ou sur le plan intellectuel à différents niveaux. Donc, on ne sait pas comment réagir, et ça crée un effet d'isolement. Alors, pour briser cet effet d'isolement, c'est impératif et, nous, on s'était donné, depuis déjà 20 ans, tout un programme de formation de sensibilisation. Mais, tant que les personnes ne seront pas véritablement incluses dans les milieux de travail, il y aura ce travail d'éducation qui est impératif pour le maintien en emploi, la rétention en emploi des personnes qu'on veut intégrer.

Donc, voilà quelques commentaires. Pour le reste, je pense qu'on pourrait répondre à vos questions. Évidemment, tout l'aspect ? et je pense que des associations d'employeurs étaient d'accord avec nous là-dessus ? de l'accès à la formation des postes disponibles, c'est quelque chose qu'il va falloir améliorer aussi. Il y a, dans notre droit canadien, québécois maintenant, reconnue, et de plus en plus devant nos tribunaux administratifs, en arbitrage notamment, la notion d'accommodement raisonnable. Nous, on veut s'assurer que cette notion-là ne soit pas diluée par ce projet de loi ici, parce qu'au moment où on se parle, dans nos milieux de travail, et très concrètement, les arbitres de griefs, par exemple, vont reconnaître cette notion-là, et ça nous donne une prise pour être capable d'assurer un maintien dans l'emploi ou une meilleure intégration au travail. Donc, c'est très important de ne pas diluer ce qu'on a déjà acquis sur le plan jurisprudentiel pour l'accommodement raisonnable, là. Mais, on le constate dans la société, il manque d'information sur ces droits qui sont existants déjà et qui souvent ne sont pas appliqués ou reconnus.

Alors, en conclusion, on pense qu'il est plus que temps... M. Tremblay le disait, ça ne doit plus être une question de conjoncture économique quand on parle d'appliquer des droits fondamentaux. On a participé, nous, à la FTQ, à plusieurs consultations, maintes consultations, notamment celles sur le projet de loi n° 155, les consultations précédentes. Bref, depuis 20 ans, on est consultés à tous égards sur cette question-là et on s'entend là qu'on a une percée véritable, là, dans le secteur de l'emploi, de l'insertion professionnelle. Alors, il est plus que temps, et tant mieux si on réussit à avancer avec des ajustements nécessaires.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Tremblay, Mme Gagnon, pour votre visite ce matin. Évidemment, on accueille favorablement vos remarques générales sur la nécessité d'aller plus loin que ce qui existe actuellement dans le cadre législatif quant au respect des droits des personnes handicapées et également vos commentaires quant aux façons que vous suggérez d'améliorer ce projet de loi.

Je mentionne au passage que la question de l'accommodement raisonnable, en ce qui concerne les juristes, est déjà quelque chose qui est inscrit dans le cadre juridique sous forme d'un droit positif. C'est un droit qui est bien reconnu puis, comme vous l'avez dit vous-mêmes, qui a été assis dans la jurisprudence, de sorte qu'à notre avis il n'est en rien diminué ou dilué dans ce projet de loi là. Vous remarquez qu'il est mentionné explicitement pour une des dispositions, qui est la transmission des documents publics, parce qu'il s'agit d'un nouveau devoir qu'on confie à l'État et on veut rappeler, faisant cela, que ce devoir est également assujetti à la notion d'accommodement raisonnable qui, par ailleurs, se retrouve au-dessus de tout ça, puisqu'elle a été bien, encore une fois, assise, comme vous l'avez vous-mêmes mentionné, assise dans la jurisprudence.

J'ai mentionné que vous aviez fait plusieurs interventions qui tournaient autour de l'employabilité ou l'accès des personnes handicapées au marché de l'emploi. D'abord, sur l'aspect intersectoriel des efforts, on remarque dans votre mémoire que vous parlez de plusieurs éléments qui jouent un rôle dans cette accessibilité: le transport, la formation, la reconnaissance des acquis, tous ces problèmes qui se conjuguent lorsqu'on veut essayer d'intégrer la personne handicapée au marché de l'emploi. Il y a, dans le projet tel qu'il est actuellement rédigé, une obligation qui est donnée au ministre de l'Emploi d'élaborer sa stratégie d'inclusion et de maintien en emploi pour les personnes handicapées, donc largement comprise et incluant également ces aspects-là. Est-ce que ça vous semble une bonne façon de progresser dans cette direction que nous souhaitons tous, le fait de confier au ministre de l'Emploi la responsabilité nominale quant à l'élaboration et la mise en oeuvre de cette stratégie-là qu'on veut, qui vise l'intégration des personnes handicapées au marché du travail?

Mme Gagnon (Denise): Bien, la stratégie d'inclusion, je pense qu'elle reposait beaucoup sur un consensus et même une demande des associations patronales à l'époque au Comité d'adaptation de main-d'oeuvre, qu'on avait appuyée, pour travailler sur ces champs-là qui étaient prioritaires. Bien, aujourd'hui, on se rend compte que, sur le plan des compétences ? en tout cas, notre jeunesse, c'est encourageant ? nous, on participe à des remises de bourses pour les étudiants au postsecondaire, les étudiants handicapés, puis on voit qu'il y a un potentiel énorme de personnes qui ont les compétences, mais ce n'est pas toujours le cas pour nous, les travailleurs, la majorité des travailleurs et travailleuses qu'on représente qui ont souvent des compétences minimales. Alors, c'est certain que ça, c'est un aspect, mais il ne doit pas être le seul, il doit se conjuguer avec l'application concrète du droit.

M. Couillard: Pour ce qui est des centres de travail adapté, j'aimerais que vous clarifiiez votre position quant à la question du pourcentage de personnes handicapées, le fameux 60 %. Vous avez des craintes à l'égard de... le fait de maintenir ce chiffre-là.

Mme Gagnon (Denise): Bon. Dans l'ensemble, on ne peut qu'être d'accord que ces milieux-là qui sont prévus, surtout si on centre la mission sur le rôle tremplin pour faciliter l'insertion des personnes handicapées, ça doit être majoritairement des personnes handicapées. Ceci étant dit, il y a certains secteurs particuliers donc en pratique où il faut être prudent: les secteurs où les travailleurs sont dans les petits milieux de travail isolés, par exemple dans l'entretien ménager des édifices publics, souvent sur les quarts de nuit ou de soir, les gens sont... une personne ou deux par étage.

Alors, si on oblige, nous, les entrepreneurs à... dire: Bien, il faut que tu aies 60 % de personnes handicapées au sein du CTA, que ce ne soit plus possible d'avoir du personnel, des collègues de travail, des compagnes, des compagnons qui vont accompagner cette personne-là, donner un support nécessaire quand c'est requis, de telle sorte que les entrepreneurs risquent de dire: Bien là ce n'est plus possible de fonctionner comme ça; moi, j'ai des contingences au niveau de mon contrat de productivité, etc., donc on risque d'avoir un impact négatif sur l'emploi.

Ceci étant dit, on ne dit pas ça pour tous les secteurs, on dit ça pour les secteurs de ce type-là, comme les agents de sécurité dans les édifices, comme... donc des milieux. Et il y a une pratique, ces dernières années, qui s'est développée ? bon, ça fait quand même 15 ans ? où les centres de travail au Québec ont un programme de location de main-d'oeuvre; on loue de la main-d'oeuvre dans des entreprises, là, à gauche et à droite. Donc, ça fait des gens qui sont un peu isolés. Alors ? et c'est pourquoi on insistait sur le développement de l'employabilité ? en termes de soutien, d'encadrement de la personne, bien ça pose problème.

M. Couillard: À l'inverse, on pourrait craindre qu'une entreprise, étant d'abord... visant d'abord la rentabilité, comme vous le savez, se trouvant libérée de cette obligation, elle trouve plus facile d'atteindre la rentabilité en diminuant le nombre de travailleurs adaptés. Est-ce que ce n'est pas un risque potentiel de baisser le seuil ou d'abandonner cette limite?

Mme Gagnon (Denise): Bien, nous, ce qu'on dit... Pour ces secteurs-là, c'est qu'on était très confortable avec le 50 % qui existait. C'est de le faire progresser, là, qui risque d'avoir un effet. On ne serait pas d'accord, par exemple, de dire: On va mettre ça à 40 %. Pas du tout.

M. Couillard: Qu'est-ce que vous pensez de... Il y a eu des discussions, hier, là-dessus, sur les plans d'embauche, les objectifs chiffrés d'embauche en termes de pourcentage ou de nombre de postes. Est-ce que c'est une stratégie qui, dans le passé, vous a semblé réussir? Est-ce que vous trouvez que c'est une façon qui est réaliste d'aborder la question?

Mme Gagnon (Denise): Si on parle du plan d'embauche avec des mesures strictement incitatives, quant à nous, ça a été complètement nul, tant et si bien que, même dans le secteur public ? et je me rappelle, Dr Couillard, vous êtes dans le secteur de la santé... Dans certains établissements, on essayait d'avoir la version de l'employeur, alors que l'article 63 prévoyait une participation avec les travailleurs, on essayait d'avoir une simple copie de ce qui avait été fait et on devait s'adresser à la Commission d'accès à l'information. Alors, pour vous dire comment c'était difficile d'essayer de travailler ensemble strictement avec des mesures incitatives. Donc, pour nous, le plan d'embauche, c'est résultat zéro. Ça a été un poids administratif de plus pour nos organisations syndicales sans résultat concret.

M. Tremblay (André): Et là-dessus, M. le ministre, si vous me permettez. Avant que j'arrive à la FTQ, j'ai été président de ma section locale. On avait 1 600 travailleurs ? pour ne pas la nommer, une entreprise... une société d'État qui était Sidbec-Dosco ? on avait réussi à en faire entrer un, employé handicapé sur les 1 600. Alors, faites le pourcentage que ça représente. Et ça a été beaucoup, beaucoup de négociations avec l'employeur parce que, pour eux, il n'en était pas question, c'était trop... ça devenait trop compliqué. C'est un peu ça, leur réponse.

Et dans le même... peut-être, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

n (10 heures) n

M. Tremblay (André): À la FTQ, on travaille sur un projet depuis au-delà de un an avec le Fonds de solidarité. On a appelé ça, le projet de création d'un service d'intégration au travail. Le projet va être finalisé le 27 septembre. Il y a trois partenaires là-dedans. Il y a la FTQ, le Fonds de solidarité et la Fondation Chagnon. Et le projet comme tel a pour rôle de faciliter l'intégration des personnes handicapées au travail chez nos affiliés et également chez les entreprises partenaires au Fonds de solidarité. Alors, on espère... d'ailleurs, on a un type, là, on a embauché un gars qui a été longtemps à la Paralysie cérébrale, la Fondation paralysie cérébrale, qui va s'occuper de ce projet-là, et on devrait être en mesure, d'ici quelques mois, là, d'avoir des résultats, en tout cas on espère, avec nos syndicats affiliés, pour qu'on puisse accélérer et aussi favoriser l'embauche puis la réinsertion d'employés handicapés, que ce soient des accidents de travail...

Parce que vous savez qu'on a même, à l'intérieur, avec leurs employés... Souvent, on a de la difficulté... On en a parlé tout à l'heure, de l'accommodement, la procédure d'accommodement... Mais même avec des travailleurs qui ont eu un accident de travail, qui sont des travailleurs de l'entreprise, souvent, les entreprises ont de la difficulté à reconnaître, là, qu'on devrait peut-être essayer de faire un effort pour permettre à ces gens-là de revenir sur le marché du travail. En tout cas, on espère bien qu'avec ce projet-là... qu'on puisse vous donner un coup de main dans votre projet de loi, pour l'application.

M. Couillard: Oui. Vous avez... et je pense que vous entérinez cette notion de tremplin, que les centres de travail adapté doivent donner des tremplins pour le marché du travail régulier ou usuel. Cependant, certains nous disent qu'il faut être prudents, que cette notion de tremplin n'est pas universelle, que, pour certaines personnes, il est préférable d'envisager un séjour à long terme en centre de travail adapté plutôt que d'envisager ça comme une étape en vue d'intégrer de façon automatique le marché du travail régulier. Et là il y a toute la question de l'accessibilité, que vous avez à fort juste titre soulignée, parce que ces gens restant dans les centres de travail adapté, ça ne développe pas de nouvelles places pour les personnes qui voudraient y accéder. Donc, comment est-ce qu'on fait l'arbitrage entre le tremplin pour tous et puis pour certains tout en maintenant l'accessibilité?

Mme Gagnon (Denise): D'une part, on est conscient qu'un certain nombre de personnes, et pas nécessairement la majorité, peuvent se retrouver plusieurs années effectivement en centre de travail adapté, que ça leur convienne mieux comme tel, et c'est très correct. Mais il y a un certain nombre d'autres personnes qui pourraient être, par un coup de pouce, développées davantage et accéder au marché régulier de l'emploi. Ceci étant dit, la difficulté, c'est qu'à l'interne, souvent les services de main-d'oeuvre n'ont pas la capacité... ils ont la capacité et la volonté de le faire, mais ils sont bloqués à l'entrée, on ne leur permet pas un suivi adéquat à des personnes qui sont dans ces centres-là, et ça, c'est un réel problème.

De la même façon qu'au comité, à l'interne, où on gère un peu les dossiers individuels, les travailleurs et les travailleuses ne sont pas absolument représentés sur ces comités-là. Même quand c'est les milieux ? il y a 11 CTA sur 44 syndiqués ? même là où on a les syndicats, on n'a pas de représentant des travailleurs sur ces comités qui placent un certain nombre d'objectifs, de plans de travail, etc. Donc, la mission tremplin ne se fait pas. Et on croit qu'elle doit se faire et on insiste sur cet aspect-là.

Il y a des centaines de personnes actuellement dans les centres de réadaptation. Il y a un projet pilote en déficience intellectuelle actuellement qui est conduit par le groupe Action main-d'oeuvre qui n'attend que de bouger. Les gens sont prêts à accéder à des CTA plutôt que rester en centre de réadaptation ? puis on sait combien que ça coûte ? mais qui... Le projet ne va pas de l'avant parce qu'il y a ce goulot d'étranglement. Et d'autre part les travailleurs et travailleuses en centre de travail adapté, bien ils sont plutôt insécures face au marché de l'emploi. Ils se disent: Bien, est-ce que je vais être vraiment capable d'accéder? Donc, si on ne donne pas vraiment des ressources d'information, de soutien et de formation professionnelle, on restera pris toujours avec ce problème de goulot d'étranglement.

M. Couillard: Je voudrais, M. le Président, terminer sur un point technique, là. Dans votre mémoire, vous demandez qu'il y ait une harmonisation qui soit faite quant aux délais d'entrée en vigueur de certains articles. Est-ce que vous pourriez préciser cette question-là, exactement de quels articles vous parlez et pourquoi vous faites cette recommandation-là? C'est aux pages 13 et 17 de votre mémoire. Mais, si vous voulez, on pourrait y revenir par une autre voie plus tard. Vous pourriez peut-être nous envoyer une...

Mme Gagnon (Denise): ...vous n'êtes pas sans savoir qu'on est confronté à plusieurs projets de réforme ici et là...

M. Couillard: Oui, c'est ça.

Mme Gagnon (Denise): ...au niveau de l'emploi, au niveau de la sécurité sociale. Tout ça, c'est un peu lié. Alors, on se dit: Là, en quelque part, il va falloir qu'on s'harmonise, là.

M. Couillard: O.K. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour. Merci de votre présence ici, aujourd'hui. J'aurais deux petites questions qui m'intéressent, c'est par intérêt personnel, puis... mais en même temps c'est pour m'aider à mieux cerner les difficultés au niveau d'employabilité.

Moi, je suis député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue, donc: beaucoup d'industries primaires, région très rurale également. On a des entreprises, des CTA dans notre secteur puis également beaucoup d'industries reliées aux ressources naturelles, que ce soit de fabrication ou... etc. Beaucoup d'emplois... Rouyn-Noranda... on est chanceux parce qu'on a beaucoup de directions régionales des ministères, donc des emplois plus scolarisés puis également où que même des personnes ayant une incapacité physique, d'une certaine manière, peuvent travailler.

Mais une des questions que je me demandais, au niveau des employeurs... deux questions... une question que je me suis toujours demandée, à deux volets, à savoir: qu'est-ce qui pouvait peut-être restreindre l'embauche de personnes handicapées intellectuelles ou physiques? La première, c'était le transport adapté. On en parle beaucoup ces temps-ci, puis je vais vous donner un exemple. On avait ? M. Rodrigue est là, il va s'en rappeler... On a une entreprise, un CTA chez nous, qui faisait une phase d'agrandissement. Elle voulait passer de 60 à 100 personnes, et le projet a été retardé pendant plus de un an pour trouver un lieu physique pour installer le CTA parce qu'une des problématiques était le transport adapté. Alors donc l'entreprise a subi des retards parce qu'à un moment donné c'était un facteur qui n'était pas dans son contrôle d'entreprise, était donc un service public qui n'aidait pas à l'embauche.

Puis le deuxième point, c'est l'aménagement des espaces de travail. Je regarde, encore beaucoup de nouvelles entreprises se construisent et, je pense, encore les méthodes de construction et d'aménagement des espaces physiques se font encore sur l'ancienne méthode. Elles ne se font pas pour favoriser l'embauche de personnes handicapées, entre autres si on pense tout simplement à des ascenseurs pour des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant. Si on regarde, souvent des emplois administratifs... dans bien des cas, des entreprises, au niveau du sol, ce sont les emplois manuels, puis beaucoup d'emplois administratifs se trouvent au deuxième étage, et souvent les édifices à deux étages n'ont pas d'ascenseur. Donc, en partant, on crée des environnements d'aménagement difficiles pour les personnes handicapées.

La question que je me demandais: Est-ce qu'on a... On fait beaucoup de mesures au niveau salarial pour faciliter l'emploi, que ce soit dans un CTA, etc., mais, pour des entreprises intéressées, est-ce que ça ne prendrait pas des programmes également, ou peut-être qu'ils existent puis que je ne le sais pas, mais pour aider, à ce moment-là, à l'aménagement des espaces de travail qu'il faut que tu modifies pour pouvoir des fois engager des personnes handicapées? Donc, est-ce que ces deux points-là ne sont pas des freins à l'embauche?

Mme Gagnon (Denise): Je peux répondre, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Denise): Bien, je dirais d'entrée de jeu que l'obstacle numéro un, c'est les préjugés, avant de parler de toutes ces considérations-là. D'abord, parce que, au niveau de l'aménagement architectural, bien sûr on a une réglementation. Il y a énormément de travail à faire de ce côté-là, les groupes plus spécialisés que nous peuvent vous le dire. Même chose avec la construction du prochain métro à Laval. Bon, en tout cas, c'est un dossier en soi, là, l'adaptation architecturale.

Cependant, ce qu'il faut savoir, c'est que la grande et la très grande majorité des adaptations ? puis il y a eu des études très sérieuses sur la question ? ont des coûts inférieurs à 500 $, et ça, là, c'est dans 80 % des cas, c'est vraiment des adaptations mineures. Ça fait que souvent on a l'idée ou la fausse croyance de dire: Bien, il faut adapter le milieu de travail, ça coûte cher. Alors, c'est déjà un frein pour les employeurs. Il faut faire tomber ce mythe-là et regarder concrètement ce que ça implique.

Effectivement, des services administratifs qui sont souvent au deuxième étage, bien, ça peut être un problème particulier. Là, je... en tout cas, peut-être qu'André plus que moi, là, qui était dans le secteur de la santé et sécurité... pour les accidentés du travail, il peut y avoir des ressources financières qui sont accordées dans l'adaptation de certains postes. Est-ce qu'on devrait faire l'équivalent dans le cas de travailleurs qui n'ont pas d'emploi et qui intègrent le marché du travail? Là, c'est une question que je laisse ouverte. Mais rappelons-nous que, dans la majorité des cas, les adaptations sont vraiment mineures.

Deuxième chose, le transport adapté. Il faut avoir une approche un peu holistique. Bien sûr, le transport adapté, ce n'est pas facile, je le vois. On a, nous, des travailleurs et des travailleuses handicapés qui restent sur des coins de rues, là, une demi-heure, trois quarts d'heure, en plein hiver, à attendre leur transport. On a eu des cas de congédiements dans des entreprises parce que le transport adapté avait changé son horaire et on a dû aller devant un arbitre régler ces questions-là. Mais il y a une chose qui doit être, quand je dis «une approche holistique», prise en compte, c'est qu'on parle beaucoup de la conciliation travail-famille ces temps-ci, mais les entreprises devraient assouplir leurs règles. Quand une personne doit prendre son transport adapté une demi-heure plus tôt ou une demi-heure plus tard, il me semble qu'il y a moyen, en regardant avec les autres travailleuses et les autres travailleurs... comment on peut couvrir cette demi-heure-là pour que la personne puisse conserver son emploi et avoir accès au transport adapté.

n (10 h 10) n

Donc, il faut un ensemble de mesures qui, à défaut de ressources, puis, dans une région comme la vôtre, c'est assez criant... pour s'assurer qu'on développe à la fois la souplesse mais aussi des services corrects, là, en transport adapté. Alors, sur l'accès aux ressources, bien là je pense que c'est un autre débat. Enfin, on n'est pas en mesure de répondre en tout cas de façon large, sauf peut-être dans le domaine de la santé et sécurité au travail.

M. Bernard: Donc, suite à vos propos, on voit qu'on a encore du travail à faire au niveau de sensibilisation et d'information également.

Mme Gagnon (Denise): Tout à fait. On a un outil, nous, qu'on appelle la «boîte à mythes», où on essaie de déboulonner un certain nombre de mythes, et ça, ça fait partie des mythes comme tels.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin, il reste à peine deux minutes.

M. Marsan: Oui. Bien, merci. Et je vous salue d'emblée. Vous mentionnez, à la page 6 de votre mémoire, que votre fédération, vous avez réalisé plusieurs avancées allant de pair avec vos principes fondamentaux pour le droit au travail des personnes handicapées, et vous donnez des exemples par la suite. Vous avez négocié des programmes d'accès à l'égalité volontaires et des mesures de soutien dans plusieurs conventions collectives.

Nous, quand on rencontre les personnes handicapées ou certaines organisations, on nous dit toujours que l'ensemble des intervenants sur le marché du travail, puis ça pourrait être aussi bien le gouvernement que les employeurs, que les syndicats, ne font pas assez pour trouver des emplois aux personnes handicapées. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette mesure qui semble avoir donné des résultats. Mais je voudrais aussi vous demander si vous seriez d'accord pour que, soit à l'intérieur des conventions collectives ou dans des ententes particulières, on pourrait identifier certains postes réservés aux personnes handicapées?

Mme Gagnon (Denise): Il y a deux volets à votre question. D'abord, effectivement, pendant de nombreuses années, on entendait souvent dire: Bien, on ne peut pas intégrer telle personne. Et le conseiller en main-d'oeuvre qui allait, par exemple, auprès d'une entreprise se faisait dire: Bien, je ne peux pas intégrer personne, j'ai une convention collective. Sauf que le conseiller ou la conseillère n'avait pas le réflexe d'aller voir l'organisation syndicale à l'interne pour essayer d'identifier des postes de travail. Aujourd'hui, ça se fait, parce qu'on a fait un travail de sensibilisation dans ces organismes-là.

Là où on a eu des réussites, puis je suis un peu contente que vous me posiez la question, c'est parce que, au niveau fédéral, on avait, dans des entreprises sous compétence fédérale notamment, l'obligation contractuelle qui s'appliquait à ce groupe-là, qui ne s'applique pas au Québec. Alors, des entreprises comme l'Office national du film, etc., on arrivait à négocier des programmes volontaires. Dans certains milieux où notre rapport de force était peut-être mieux sous les compétences provinciales, on arrivait à négocier, là, dans le cadre des programmes d'accès à l'égalité, malgré le fait qu'il n'y avait pas d'obligation légale, des mesures. Et le Conseil du patronat du Québec a fait un sondage ? là, je n'ai pas l'année en tête ? au début des années quatre-vingt-dix, auprès de ces entreprises, avec Léger & Léger, qui a démontré qu'effectivement, dans les entreprises syndiquées, il y avait eu un taux d'intégration plus élevé que dans les entreprises non syndiquées. Donc, ça venait briser ce mythe-là que, le fait d'avoir un syndicat, c'est un problème pour faire de l'intégration, au contraire. Mais il faut aller un petit peu plus loin puis mettre les travailleurs et travailleuses à contribution dans ces processus-là.

Pour terminer, en ce qui concerne les ententes particulières, on a certaines conventions qui ont des ententes particulières, mais ce n'est pas, et ceci en conformité avec les principes de la conférence À part... égale en 1985, la piste qu'on va suivre. On essaie d'avoir des droits égaux, sans privilège, et ça, c'est reconnu aussi par les associations de personnes handicapées. Parce que, si vous commencez à faire des exceptions, toujours des exceptions, les gens se retrouvent isolés. Alors, ce n'est peut-être pas l'effet qu'on recherche, là.

Et il faut savoir... Juste un exemple, l'ancienneté, parce que ça, c'est souvent soulevé. Là où on a fait des gains, c'est quand on a réussi à élargir la notion d'ancienneté à l'ancienneté générale plutôt que l'ancienneté de département. Parce que, souvent, il y a des postes d'entrée que les personnes handicapées ne peuvent pas occuper, et, si on se contraint à l'ancienneté de département, puis ça, ce n'est pas nous autres qui le veut, c'est souvent les employeurs, la personne est obligée de passer ? c'était le cas à la Société des alcools du Québec ? par le poste de l'entrepôt avant d'être caissier, des choses comme ça, puis on n'arrivait pas à faire appliquer l'ancienneté générale, là, à cause de cette contrainte-là. Donc, il y a des choses à travailler. Mais des ententes particulières, c'est du cas à cas, et on n'en fait pas une politique comme telle, mais on incite nos gens à regarder toutes les solutions possibles.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.

Mme Richard: Merci. Bonjour, M. Tremblay, Mme Gagnon. Merci de vos propos, et bienvenue ici.

La plupart des groupes qu'on a rencontrés ont fait référence à l'article 1.3, et, vous, vous n'en faites pas mention dans votre rapport. C'est une clause, pour nous, une clause limitative qui fait en sorte que, bon, certains organismes, certaines municipalités pourraient invoquer un manque de ressources humaines, matérielles ou financières.

Mme Gagnon (Denise): On y fait référence, je pense qu'on a insisté beaucoup sur ça, la terminologie, là, tout à l'heure.

Mme Richard: Pardon?

Mme Gagnon (Denise): Au niveau de la terminologie.

Mme Richard: Oui, mais qu'est-ce que vous... Parce que cette clause-là fait en sorte que, bon, que ce soit pour établir, disons, une politique, dans une certaine municipalité, sur le droit d'accès à de la documentation ou... Quel autre exemple que je pourrais vous donner, là? Ça vient limiter en sorte les municipalités ou les organismes qui pourraient invoquer cette clause-là pour ne pas développer davantage de politiques, pour ne pas plus rendre accessible, exemple... La plupart des groupes ont fait référence à cet article-là, et je voulais savoir, bon, au niveau du travail...

Mme Gagnon (Denise): O.K. Bien, on n'a pas fait référence à l'article explicitement, mais, à la page 11 de notre mémoire, la version longue, on fait référence à cette terminologie. On dit qu'en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent ça vient diluer le droit à l'égalité et que, dans ce sens-là, ça devrait être complètement rayé des textes.

Mme Richard: Donc, vous seriez pour le retrait de l'article.

Mme Gagnon (Denise): Oui, oui, tout à fait, parce que, nous, on a l'expérience dans nos conventions collectives. À partir du moment où on se met à faire des textes qui disent «dans la mesure du possible», bien on sait que ça ne vaut pas grand-chose, ça.

Mme Richard: Merci. Vous faites référence aussi, dans votre mémoire, puis M. le ministre vous a posé la question aussi... Par rapport, bon, aux CTA, est-ce qu'il faut vraiment que ce soit un tremplin pour les personnes vers un marché du travail, disons, plus normal, si on veut, entre guillemets? Mais, dans les centres de travail adapté, vous le savez, ça devient... C'est des entreprises. Ça devient de plus en plus compétitif. Il faut que cette entreprise-là soit rentable au niveau financier. Et, comme il faut avoir un seuil de rentabilité, souvent on est très exigeant. Même dans d'autres entreprises, on est exigeants envers nos employés, on veut que, bon, ils soient... Il faut être compétitif. Et j'ai noté que vous disiez: Comme c'est de plus en plus exigeant, vous faites face à plusieurs congédiements. Est-ce que, par rapport à l'expérience que vous avez, vous diriez que, bon, il y a plus de congédiements dans les CTA que par rapport à d'autres entreprises?

Mme Gagnon (Denise): Bien, ce qu'on dit, c'est que, dans le monde du travail dans lequel on vit actuellement, qui est très pressurisé, il y a une pression énorme et une augmentation des exigences d'emploi, pas... On ne visait pas strictement les CTA quand on disait ça. Mais pour faire éjecter des gens en emploi... Donc, c'était une des conclusions dans notre colloque sur le vieillissement de la main-d'oeuvre qu'on a tenu voilà deux ans, là...

M. Tremblay (André): L'an passé.

Mme Gagnon (Denise): L'an passé. Dans les CTA, le problème des exigences, c'est que les exigences d'emploi ont augmenté, si bien, par exemple, qu'en déficience intellectuelle, pour prendre cet exemple-là, on arrivait assez facilement, par le passé, à intégrer des gens dans les CTA avant leur inclusion au marché régulier de l'emploi. Ce n'est presque plus possible aujourd'hui. Oui, c'est très difficile parce que les exigences sont trop élevées. C'est évident que, si, au départ, on demande un secondaire V pour un travail d'emballage, la personne qu'on doit placer en emploi... Alors que, juste pour prendre l'exemple d'Action main-d'œuvre ? parce que je le connais mieux; j'étais impliquée comme bénévole au conseil d'administration ? on a placé, dans les 10, 15 dernières années, 6 000 personnes déficientes intellectuelles dans des emplois réguliers. Donc, c'est faisable, là. Il y a un préjugé, et le préjugé, il se retrouve aussi quelque part dans les CTA, parce que ça n'a pas de bon sens de demander des exigences comme celles-là, là.

Mme Richard: Merci. D'autres groupes aussi nous ont fait... pas d'autres groupes, c'est plus un groupe, le conseil québécois pour les centres de travail adapté, nous disait que, bon, vous savez, cette clientèle-là est souvent sous médication. Quand on parle de centres de travail adapté, les employés...

Mme Gagnon (Denise): ...je n'ai pas compris.

Mme Richard: Je vais rapprocher le micro un petit peu ou parler plus fort ce matin.

Mme Gagnon (Denise): Je m'excuse.

n (10 h 20) n

Mme Richard: Je disais que le conseil québécois qui regroupe les centres de travail adapté ? ils sont représentants de plusieurs centres au Québec... sont venus ici et ils nous disaient que ça causait des problèmes au niveau des coûts de médicaments, les coûts d'assurance médicaments, parce que, souvent, les employés qu'on retrouve ? des fois, c'est 40 % dans certains centres, d'autres fois, c'est 50 %, 60 %... Ces personnes-là étaient sous médication, et c'était extrêmement onéreux. Et ils disaient que, bon, à court, à moyen, à moyen terme, on aurait un problème. Est-ce que vous avez des pistes de solution ou est-ce que vous en avez déjà discuté? Parce que vous avez une expertise dans plusieurs domaines. Est-ce que cet aspect-là a été envisagé?

Mme Gagnon (Denise): En particulier pour les centres de travail adapté, c'est un problème assez important, la question des assurances collectives, la nécessité de mutualiser aussi les risques à cet égard, et je vous dirai que, dans le marché régulier, c'est aussi un problème au moment où on se parle. Entre autres, on voit une explosion de problématiques, là, en santé mentale au travail et des absences de longue durée.

Mais plus particulièrement dans les CTA, pour y revenir, la question des assurances collectives... actuellement ? mais c'est embryonnaire ? on veut faire une réflexion avec le Chantier de l'économie sociale pour voir un peu le même type de réflexion qu'on fait au niveau des centres de la petite enfance: comment on peut se donner en commun, proposer en tout cas des services autant au niveau de l'assurance collective que des autres avantages sociaux, parce que... Des fonds de retraite, il n'y en a pas. Il n'y a rien, là, en termes de filet de sécurité sociale pour les personnes à la sortie. Et l'assurance... Mais il faut faire attention, sous médicaments, il ne faut pas répercuter non plus le mythe qu'une personne handicapée, c'est une personne malade, ce n'est pas le cas. Comme tout travailleur ou travailleuse qui peut avoir des problèmes de santé en emploi... C'est particulièrement vrai parce qu'il y a, entre autres, des équipements qui sont requis, que ce soit une personne en fauteuil roulant, un paraplégique qui doit avoir accès à un certain nombre d'équipements. Bon, il y a des coûts au niveau de l'assurance pour ça. On ne nie pas qu'il y a un problème là, mais on pense qu'il y a moyen de trouver des solutions et de mise en commun des ressources.

M. Tremblay (André): Mais ce n'est pas un problème qui est particulier aux CTA parce que, comme Mme Gagnon vient de dire, une forte majorité de la population qui vieillit à cause... qui vieillissent, particulièrement chez les travailleurs et les travailleuses, il y en a plusieurs qui sont aux pilules, comme on dit, dans le moment, là. Je pense que le gouvernement est à même de savoir comment ça coûte.

Mme Richard: Merci. Je vais céder la parole à mon collègue député de Vachon qui a quelques questions.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mme Gagnon, M. Tremblay. Mme Gagnon, heureux de vous retrouver. Je pense qu'on s'est déjà... on a déjà travaillé ensemble, je pense, à Centraide du Grand Montréal.

Mme Gagnon (Denise): Oui, au conseil d'administration.

M. Bouchard (Vachon): Au conseil d'administration.

J'aimerais revenir sur l'article 63, paragraphe 2°, sur cette question à l'effet que les centres de travail adapté devraient favoriser l'intégration des personnes handicapées au marché du travail autre qu'adapté. Donc, ce que vous... Vous référez à cela, à la clause tremplin, le concept qu'ils devraient agir en tant que tremplin. Je suis particulièrement sensible à cette dimension du problème.

Dans l'autre univers que j'occupais antérieurement, nous avions fait le suivi de 800 personnes qui présentaient une déficience intellectuelle, sur quatre ans, et pour s'apercevoir à la fin, lorsqu'on examinait l'ensemble de ces 800 personnes et on tentait de les regrouper, ce qu'on appelle techniquement une mise en grade de ces personnes autour d'un certain nombre de caractéristiques... on s'apercevait que, quelle que soit la sévérité du handicap, les personnes déficientes les plus sévères et les plus légères se retrouvaient dans les mêmes grades d'individus en ce qui concerne leurs activités quotidiennes d'intégration. Autrement dit, les personnes déficientes intellectuelles légères ne faisaient pas plus d'activités que les personnes déficientes intellectuelles sévères en institution, se retrouvaient très souvent devant un menu d'activités très mince, sans accompagnement ou très peu d'accompagnement, sans diversité dans leurs relations sociales, etc., tout simplement parce qu'elles étaient laissées à elles-mêmes.

Et ce à quoi vous référez, je pense, c'est à ce genre de phénomène, c'est-à-dire que, dans la mesure où les travailleurs dans les centres de travail adapté montrent qu'ils sont autonomes, capables d'occuper un emploi, on fait peut-être l'erreur de penser que le passage au milieu de travail régulier peut se faire assez aisément. Et ce que vous soulevez comme question, c'est la question de l'accompagnement, la question des ressources supplémentaires que ça prend pour que cette personne-là puisse continuer d'être soutenue, encadrée, accompagnée, de même que le nouvel employeur.

Alors, la question qui vient à l'esprit évidemment, c'est que... Si le législateur demande aux centres de travail adapté de favoriser l'intégration de ces personnes au marché du travail régulier, il y a deux questions qui se posent: Qui devrait vraiment le faire? Quels sont les acteurs qui sont impliqués là-dedans? Et quelles sont les ressources nécessaires pour le faire? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gagnon (Denise): M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Denise): O.K. Bien, d'abord, on ne parle pas ici de ressources additionnelles. Déjà, au départ... peut-être, là, si on veut améliorer, mais il y a déjà des services spécialisés de main-d'oeuvre qui font un bon boulot à cet égard-là. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas capables d'entrer dans les CTA, ils se font couper. Pas dans tous, mais, dans un certain nombre, ils ne se font pas ouvrir la porte facilement. Alors, déjà, ça, c'est un problème. Donc, c'est un acteur important, le réseau des services spécialisés, soit multidéficience ou par spécialité, comme tel.

L'autre problème, et ça, nous, on le vit à l'interne, c'est la représentation des travailleurs et travailleuses elles-mêmes pour identifier leurs besoins. Il y a encore, malgré des efforts d'éducation et de sensibilisation, une attitude de paternalisme dans certains CTA ? je ne dis pas dans tous, mais dans certains CTA ? une attitude qui dit: «Bien, bon, vos personnes handicapées, ils ne sont pas capables de donner leur point de vue, là; on s'occupe d'eux autres», alors qu'ils ont un point de vue, ils savent qu'est-ce qu'ils veulent, ce sur quoi ils veulent travailler pour améliorer leurs compétences. Donc, il faut les associer à ce processus-là ou à tout le moins leur représentant dûment élu. Donc, il y a un travail de démocratisation à l'interne à faire et il y a un travail d'ouverture aux services qui sont déjà existants et pour lesquels la société québécoise paie déjà des taxes. Donc, il faut permettre aux gens de faire leur boulot.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner un aperçu peut-être un petit peu plus concret du genre d'intervention que ces services spécialisés d'accompagnement font auprès de ces employés et des employeurs?

Mme Gagnon (Denise): À l'intérieur du CTA, ça peut se traduire par de l'aide à identifier des objectifs de travail, des points à améliorer, bon, comme tout travailleur et travailleuse dans l'entreprise, là, d'accès à l'information. Par exemple, en déficience intellectuelle, bon, on a des gens qui vont travailler dans des services alimentaires. Bon, on va adapter la façon dont ils vont écrire les menus des gens qui vont... Donc, ça, c'est des ressources spécialisées. Il y a toute une expertise au Québec, et on devrait en être fier, pour aider à faire cet accompagnement-là.

Un employé qui vit une situation de crise dans le milieu de travail, en particulier dans les CTA, bien, la ressource est là aussi pour aider à dire comment on essaie de sortir de cette crise-là pour éviter que le problème se complique puis, en bout de piste, que la personne soit congédiée. Donc, il y a une intervention préventive à faire dans certains cas. On a vu, puis je ne suis pas gênée de le nommer, le centre de travail CAPEQ, un travailleur de près de 20 ans d'expérience dans le secteur de la récupération qui a été congédié parce qu'on disait qu'il n'était plus productif, sans recours aux ressources spécialisées. Nous-mêmes, la FTQ, il n'était pas syndiqué, puis on est allé le représenter devant le Tribunal du travail, puis on a réglé à l'amiable, on a eu gain de cause. Ça n'avait pas de bon sens. Alors, on s'est dit: Écoutez, on a justement là des centres qui doivent reconnaître que les gens n'ont pas la même productivité que dans le marché régulier du travail puis on les congédie parce qu'ils ne sont pas productifs. C'est quoi, l'affaire, là? Donc, parce que le réseau des ressources n'avait pas accès, il y avait trop d'opacité.

M. Bouchard (Vachon): Dernière question là-dessus. Ma question portait plus spécifiquement... Je comprends le genre de problème que vous soulevez puis je pense que c'est important qu'on puisse en être informés et en discuter, mais ma question portait plus sur les ressources spécialisées qui pourraient faciliter le passage de centre de travail adapté au milieu régulier. Et, moi, il me semble que, là, on touche un point névralgique dans la question de la facilitation. Donc, il y a l'accès au CTA, mais il y a aussi ce transfert, là. Et est-ce que vous avez des exemples d'intervention en tête à nous donner?

Mme Gagnon (Denise): Bien, avec les services de main-d'oeuvre ou...

M. Bouchard (Vachon): Avec les services spécialisés dont vous avez fait mention tout à l'heure.

n (10 h 30) n

Mme Gagnon (Denise): Bien, moi, les expériences que j'ai eues avec des travailleurs et travailleuses de CTA, souvent c'était eux-mêmes, là, qui faisaient la démarche d'aller chercher les ressources, là. Le CTA est une ressource en soi, doit accompagner... Mais, à cause de cette ambiguïté dans la mission... Moi, je peux comprendre le problème, là, des entreprises qui disent: Bien, regarde, cet élément-là est intéressante, est productive, on ne veut pas la perdre. Donc, la personne, d'elle-même, si elle a la chance d'avoir accès à de l'information, va dire: Bien, regarde, je vais regarder ailleurs; je pourrais être secrétaire dans tel bureau ou faire tel autre type de fonction. Je pense que les services... Là, on n'a peut-être pas cette ressource-là sur le plan du financement des services de main-d'oeuvre, pour la sortie, comme vous dites. Là, peut-être qu'il y aurait des besoins.

Et je pense que l'autre ressources, c'est le milieu de travail lui-même. Si on forme nos travailleurs, nos travailleuses à recevoir les gens, à les accompagner, ça fait toute la différence au monde, là. Puis nous, dans nos milieux, quand il y a eu des «success stories», si vous me pardonnez l'expression anglophone, c'est parce qu'il y avait eu un tissu social, là, qui était très serré, qui avait accompagné la personne. Donc, en tant que tel, les travailleurs et travailleuses sont une ressource aussi.

M. Bouchard (Vachon): Je suis très heureux d'entendre cette dernière remarque. Il y a une thèse de doctorat qui a été publiée à l'UQAM, qui est fort intéressante, sur le sujet, et qui s'appelle... et qui a donné naissance à une nouvelle théorie, la théorie de la normalité ajustée. Et on s'est aperçu que les milieux d'intégration les plus efficaces, c'étaient les milieux où les gens ne faisaient pas semblant que les personnes qui présentaient un handicap n'en avaient pas, autrement dit qu'ils voyaient la différence, qu'ils nommaient la différence et qu'ils ajustaient le milieu à cette différence. Et je pense que ce que vous évoquez là est très important.

Mais je remarque aussi, dans votre réponse, qu'il y a une zone grise, là, en ce qui concerne le 63.2°, deuxième paragraphe, là, dans le fait de demander aux CTA de favoriser leur intégration. C'est-à-dire, ce que vous dites, vous, c'est que les CTA devraient s'ouvrir davantage à des services spécialisés. Mais la zone grise, ce serait, je pense, obliger les CTA à assurer eux-mêmes l'accueil et le transfert de cette personne-là dans le milieu régulier, et je pense que la loi ne devrait pas à tout le moins introduire cette espèce de zone grise dans cette volonté d'intégration. Autrement dit, peut-être que le législateur devrait pouvoir préciser davantage où se situe le rôle du CTA dans la facilitation mais aussi nommer d'autres étapes où les services spécialisés peuvent intervenir et faciliter l'accueil dans le milieu régulier.

Moi, j'ai peur qu'on piège les CTA, là, à accompagner la personne jusqu'à l'intégration complète dans le milieu régulier, puis ils n'auront pas les ressources ni la capacité de le faire.

Mme Gagnon (Denise): Oui, je comprends.

M. Bouchard (Vachon): Et vous mentionnez en même temps qu'ils sont pris dans une espèce, M. le Président, de «double bind», hein, de double message, de double mission, de double contrainte.

Mme Gagnon (Denise): Oui, c'est ça. Même si on précise le volet tremplin, moi, j'ai peur... Il y a cette résistance, qui est un peu légitime, là. Donc, pour moi, le soutien financier aux ressources extérieures, ressources spécialisées devient important parce qu, eux, ils sont en terrain neutre, là.

M. Bouchard (Vachon): Je suis très heureux de vous l'entendre dire. Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci beaucoup, M. Tremblay, Mme Gagnon, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

J'invite le représentant de l'Association québécoise des centres de la petite enfance de prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et ça nous fait plaisir d'accueillir M. Jean-Pierre Pfisterer, représentant de l'Association québécoise des centres de la petite enfance. Bienvenue, M. Pfisterer. Vous avez, comme vous le savez, une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par une période d'échange, 20 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Alors, on vous écoute.

Association québécoise des centres
de la petite enfance (AQCPE)

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Je vous remercie. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs. Alors, l'Association québécoise remercie les membres de cette commission de bien vouloir se pencher sur le mémoire que nous avons déposé. En premier, je dois excuser, et je vous demanderais de l'excuser, Mme Potvin, Hélène Potvin, qui est la présidente de l'association, mais des engagements antérieurs ont fait qu'il lui a été impossible de se dégager. Elle en est désolée, croyez-moi.

Alors, écoutez, ce que je vous proposerais, c'est peut-être de relire, comme tels, certains éléments du mémoire, et, si vous m'autorisez, j'interromprai à certains moments la lecture pour faire certains commentaires, là, qui sont explicatifs.

Le Président (M. Copeman): Les 20 minutes sont à vous de gérer, M. Pfisterer.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Bon. Bien, merci. Alors, écoutez, vous avez pu voir que ce document est divisé en deux parties: d'abord, une brève introduction et ensuite une présentation de nos réflexions à l'égard de certains articles de loi.

On va regarder peut-être tout de suite l'introduction. C'est sûr que l'Association québécoise des centres de la petite enfance, en déposant ce projet de loi, d'entrée de jeu, immédiatement, ce que nous constatons, c'est... on souligne l'importance que représente pour le réseau des centres de la petite enfance le projet de loi n° 56. Évidemment, vous le savez, malheureusement, nous autres aussi, à l'intérieur de nos établissements des centres de la petite enfance, nous accueillons et nous faisons de l'inclusion auprès des enfants qui ont des besoins particuliers. Je reviendrai un peu plus tard sur le concept d'enfant particulier.

Avec ce projet de loi, nous croyons percevoir une volonté gouvernementale d'accroître le rôle de l'Office des personnes handicapées du Québec dans ses responsabilités d'évaluation de l'intégration, de vigile au niveau des principes et des règles que la loi édicte, mais aussi de jouer un rôle déterminant en matière de conseil, de coordination et de concertation. Pour nous, cette dimension concertation est particulièrement importante. Nous ne sommes pas un réseau très fort, nous sommes un réseau qui est relativement jeune, et c'est évident que, dans le domaine de l'intégration, même si nous en faisons depuis très longtemps, nous avons besoin de partenaires, et l'office, pour nous, est un partenaire majeur.

L'Association québécoise des centres de la petite enfance ne peut être que satisfaite de cette orientation qui accroît les responsabilités d'un partenaire qui, pour nous, est un acteur majeur, comme je viens de le dire, et qui saura soutenir efficacement les centres de la petite enfance face aux obstacles malheureusement toujours présents qui jalonnent la mise en place des valeurs et des mécanismes valorisant l'inclusion des enfants handicapés dans notre réseau.

De plus, nous constatons que plusieurs articles de loi rejoignent nombreuses de nos préoccupations au quotidien. En effet, nous pouvons affirmer aux membres de cette commission que tous les intervenants et intervenantes du réseau des CPE sont, seront ou ont été un jour confrontés à la réalité d'avoir à gérer l'intégration d'un enfant handicapé ou présentant des besoins particuliers.

n (10 h 40) n

Vous me permettrez ici de venir très rapidement sur le concept que nous entendons, nous, «besoins particuliers», parce qu'il déborde d'une certaine façon le cadre de cette loi comme tel. C'est qu'un enfant pour nous, un enfant handicapé, c'est un enfant qui a été reconnu vivant avec un handicap... avec des déficiences, pardon, et ce qui ouvre la porte bien sûr à certaines allocations financières. Mais il y a d'autres enfants, et, en bas de cinq ans, vous le savez évidemment, qu'il est extrêmement difficile de poser certains diagnostics en termes de handicap. Mais la réalité est que nous avons ces enfants-là quand même à l'intérieur. Et les problèmes que nous avons à gérer, même si le diagnostic n'a pas été posé, à ce moment-là, il n'est pas soutenu. Alors, pour nous, nous parlons, oui, d'enfants handicapés, mais règle générale, dans le réseau des CPE, nous parlons d'enfants avec des besoins particuliers. Mais je suis conscient que ça ne s'applique pas nécessairement dans le concept de cette loi. Mais c'est important peut-être de le souligner.

Alors, cette loi, d'une façon ou d'une autre, les rejoindra donc ? notre personnel ? dans leurs actions de chaque jour. En effet, le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, auquel les centres de la petite enfance sont rattachés, est à mettre à jour sa politique en matière d'intégration des enfants ayant une déficience entraînant des incapacités significatives et persistantes dans les services de garde. En guise d'introduction à cette politique, Mme Théberge, ministre déléguée à la Famille n'écrit-elle pas, au mois... au printemps dernier, en introduction donc à son document: «Le développement des enfants et l'égalité des chances sont au coeur des priorités gouvernementales. Plusieurs de nos politiques en font foi. L'intégration des enfants ayant une déficience dans les services de garde s'inscrit dans le cadre de ces préoccupations. L'attention portée dès la petite enfance est toujours favorable, elle est même essentielle»?

Alors, l'Association des centres de la petite enfance s'associe pleinement à un tel énoncé de principes, et nous constatons que ce projet de loi s'arrime relativement bien avec un des objectifs que nous appuyons et qui prévaut actuellement dans la politique familiale, à savoir le développement des enfants et l'égalité des chances.

Ce dernier objectif, l'égalité des chances, pour atteindre pleinement son but, doit être nécessairement attaché à un ensemble cohérent de mesures. Aussi, nous pensons que ce projet de loi présente un potentiel de soutien intéressant pour les enfants qui présentent des besoins particuliers. Toutefois, nous nous permettons de questionner le législateur sur l'oubli apparent que nous décelons dans quelques articles de loi. Il nous semble en effet que les textes ne reflètent pas toute l'importance qu'il y a à favoriser des interventions auprès des enfants handicapés dès la petite enfance. Nous savons tous que ces recherches démontrent que plus les actions d'intégration sont effectuées rapidement dans la vie de l'enfant, plus cet enfant aura de... saura gérer sainement son handicap.

L'absence de référence au réseau des centres de... des services de garde et à l'enfance nous paraît grave de conséquences pour ces enfants, car cela envoie un message: avant l'âge scolaire, il n'y a pas de problème. On se pose la question. Nous espérons que le ministère de la Santé et des Services sociaux entendra notre suggestion face à cette omission.

Les réactions de l'AQCPE à l'égard de certains articles de loi. Alors, premièrement, le titre de la loi donc assurant l'exercice des droits des personnes handicapées est remplacé par le suivant; la nomination de cette loi s'inscrit en disant: C'est une loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. C'est un peu ce que je vous disais en introduction. On se pose... on trouve dommage que le concept de petite enfance n'ait pas été intégré dès le début dans le titre de la loi. Alors, ce que nous proposons, c'est que la formulation est peut-être à réévaluer, c'est: la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration dans le milieu des services éducatifs et de garde à l'enfance et leur intégration scolaire, professionnelle et sociale.

Deuxièmement, l'article 6.1... l'article 6, pardon: «Le sous-ministre des Affaires municipales [et de la Métropole], le sous-ministre de l'Éducation, le sous-ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et de la Famille, le sous-ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux [et] le sous-ministre des Transports [et] leurs délégués sont aussi, d'office, membres de l'office, mais n'ont pas droit de vote.» Alors, nous sommes également préoccupés par cet énoncé.

Lors de la dernière commission parlementaire sur le projet de loi n° 55, nous supportions pleinement la présence du ministère de la Famille et de l'Enfance en qualité de membre d'office de l'office. Cette présence en faisait un partenaire et un observateur à part entière pour toutes les questions qui réfèrent à la problématique de l'intégration des personnes handicapées, notamment en ce qui concerne les enfants, dès leur naissance et jusqu'à l'âge de cinq ans. Nous soulignions alors dans notre mémoire qu'advenant une restructuration du ministère de la Famille et de l'Enfance il serait fondamental qu'un représentant du réseau des centres de la petite enfance soit toujours membre d'office de l'office. C'était peut-être un paragraphe prémonitoire. Aujourd'hui, nous constatons qu'il n'est rien de ce souhait.

Sans préjuger des futures décisions du ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille quant au représentant de son ministère à l'office, nous pensons que, si notre société veut envoyer un message clair au regard de l'intégration, elle se doit de prendre des mesures fondamentales qui vont exprimer sa détermination et user d'une approche qui saura rappeler que l'intégration des personnes handicapées commence dès la naissance.

L'article 25 de cette loi est modifié par le remplacement du premier alinéa par le suivant... Alors, vous faites un énoncé du nouvel article. Alors, on est tout à fait d'accord avec cette décision.

En ce qui a trait aux actions relatives à l'élaboration et à la prestation des services, nous trouvons particulièrement intéressant d'élargir et de renforcer le rôle de coordonnateur de l'office.

Pour ce qui est de favoriser et d'évaluer sur une base collective l'intégration, nous ne pouvons qu'applaudir. Nos expériences sur le terrain impliquant plusieurs partenaires ont démontré qu'il est essentiel d'avoir quelqu'un qui a donc un leadership fort. Il nous paraît particulièrement intéressant que ce mandat devienne une prérogative de l'office.

De plus, cet article nous semble consolider et préciser le rôle conseil de l'office auprès du gouvernement, un rôle de soutien, de référence auprès des personnes handicapées et surtout, nous l'avons dit plus haut, un rôle important en matière de concertation.

Toutefois, afin de renforcer l'énoncé de l'article 6.1 et de confirmer la nécessité d'une présence d'un représentant pour la Famille, il nous semblerait pertinent de préciser que l'intégration peut s'effectuer dès la petite enfance. Aussi, nous suggérons que le second alinéa de l'article 25 se lise comme suit... Et je vous ferai grâce de la lecture, parce que ça revient en fait fondamentalement au titre, à ce moment-là, que nous proposons, donc d'inclure le concept d'intégration, dès la petite enfance, dans les milieux des services éducatifs et de garde à l'enfance, les milieux scolaires, professionnels et sociaux. Et ceci est valable également pour la fin de notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Pfisterer. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, monsieur, pour votre présentation. Je me demande si, pour commencer l'échange, il ne serait pas utile pour l'ensemble des collègues et les citoyens qui nous écoutent que vous nous décriviez un peu comment ça se passe si un parent vous appelle. Prenons une situation concrète, avec un enfant qui a une déficience intellectuelle ou l'autisme. Qu'est-ce qui se produit par la suite? Comment est-ce que vous intégrez cet enfant-là dans vos groupes? Comment est-ce que vous faites en sorte qu'il soit reconnu, comme vous le dites, comme un enfant particulier? Quelles conséquences pratiques ça a au niveau des subventions? Décrivez-nous un peu le cheminement d'un cas semblable.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): D'accord. Alors, écoutez, bon, d'abord, la première des choses, un enfant handicapé, pour les centres de la petite enfance, c'est un enfant, au départ, comme les autres. C'est donc une famille comme les autres. Et, vous le savez, actuellement il y a des problèmes de disponibilité de places, donc cette famille va inscrire son enfant sur la liste, et, quand viendra son tour, à ce moment-là, nous interviendrons.

n (10 h 50) n

Alors, quand le temps s'est écoulé, plus ou moins long évidemment, à ce moment-là, nous accueillons l'enfant exactement de la même façon que tous les autres enfants. Il n'y a aucune différence. Il est inscrit, il est intégré, il est réparti dans un groupe en fonction de son âge. Et, à ce moment-là, la direction du centre de la petite enfance va inscrire cet enfant-là, bon, selon les normes administratives, pour qu'une allocation soit déposée au CPE. L'allocation, actuellement, il y a une allocation globale, à l'inscription, qui est de 2 200 $, soit 400 $ pour la dimension administrative, et l'autre c'est en fonction des besoins particuliers de l'enfant, qui pourraient être une chaise roulante adaptée, une table, en tout cas différents éléments, et ensuite il y a un per diem de 25 $ par jour, si ma mémoire ne fait pas défaut, là, je pense que c'est ça, et pendant tout le temps de son séjour.

Si cet enfant sort... Alors ça, c'est pour tout le temps. Le 2 200 $ sera pour tout le temps qu'il va rester dans ce CPE. Si, éventuellement, cet enfant, pour une raison ou pour une autre, la famille déménage et change de CPE, va ailleurs, à ce moment-là, bon, outre le processus d'inscription que je vous ai dit tout à l'heure, la demande de subvention va encore être versée pour cet enfant, donc en fonction des besoins qui sont là, donc 2 200 $ qui seront versés à ce nouveau CPE, et ce, à chaque fois qu'il devrait déménager, cette allocation serait versée, le per diem restant toujours le même. Bon, je ne sais pas si ça répond pleinement à votre question?

M. Couillard: Évidemment, je suis très familier avec le concept de liste d'attente, mais beaucoup moins avec le milieu des centres de la petite enfance, et je profite de votre présence pour m'instruire, là, et pour éclairer nos concitoyens. Le montant à l'inscription, est-ce que vous avez dit qu'il est différent selon qu'il s'agit d'un enfant avec des besoins particuliers, par rapport à un enfant habituel, de même que le per diem? Est-ce qu'il y a une différence dans ces montants-là?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): O.K. Alors, un enfant... Pour avoir droit à l'allocation de 2 200 $ et au per diem, il faut que cet enfant soit reconnu, soit qu'il soit inscrit à la Régie des rentes, là, donc qu'il reçoive l'allocation d'handicapé ou à ce moment-là qu'il y ait un certificat médical qui atteste de son handicap. Point. Ce sont les deux conditions, les deux critères.

Mais, comme vous le savez, il y a des enfants qui évidemment vont rentrer qui ont des déficiences et qui ne peuvent pas ou être très difficilement diagnostiquées. Alors, des fois, on demande aux parents ? et il y a toujours une concertation et une entente ? d'aller consulter, de mettre en marche le processus ? bon, c'est tout le jeu de la concertation entre le réseau des CPE et le réseau des établissements de santé et services sociaux, là, CRDI, CRDP, CLSC, etc. ? alors pour essayer d'en arriver à un résultat de diagnostic, si effectivement il y a quelque chose. Sauf que, bien souvent, des fois, l'enfant a passé son temps au CPE et il est parti, mais les CPE ont effectué tout le travail, évidemment, et sans soutien particulier.

M. Couillard: Il doit donc arriver à l'occasion que c'est le CPE qui initie la démarche de diagnostic ou d'évaluation? Est-ce que c'est le cas?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Bien oui, ça arrive, ça arrive. Et même, je vous avouerais que, pour les éducatrices et pour les directions de CPE, des fois, ça soulève un certain problème, parce que, bon, il y a le phénomène de négation évidemment pour une famille où on commence à constater: Bon, avant, l'enfant, ce n'était pas évident peut-être dans sa famille, bon, il était là, il était... bon, quels que soient les facteurs qu'on pouvait constater. Mais, quand même, bon, nos éducatrices ont une formation qui leur permet de déceler, là, certains petits troubles de comportement. Nous ne faisons pas de diagnostics, là, mais disons qu'on peut sonner l'alarme, et, bien souvent, bon, la réaction peut être très négative à l'égard du CPE, en disant: Bon... Alors, disons qu'à ce niveau-là le rôle de l'office, là, au niveau d'une formation de notre personnel, au niveau de certaines choses, vous savez, c'est à envisager, bien sûr.

M. Couillard: Ce que je constate donc, c'est que, lorsque l'enfant a fait l'objet d'un diagnostic, ou d'une évaluation, ou d'une certification médicale, il dispose, entre guillemets, d'un statut particulier sur le plan de la subvention qui est versée au CPE. Donc, on reconnaît là la différence et que le problème se situe surtout, pour vous, pour les enfants qui n'ont pas cet avantage, entre guillemets, d'avoir eu le diagnostic, ou l'évaluation, ou la certification. Et là votre intervention se rapproche un peu de celle du milieu scolaire, qui fait un peu la même remarque. Mais, à notre avis, ce n'est pas dans le cadre de cette loi que nécessairement on doit s'occuper des enfants en milieu scolaire avec un professeur particulier ou en milieu préscolaire, lorsqu'un diagnostic n'a pas été touché.

Donc, devant le fait qu'effectivement il existe déjà des mécanismes d'accommodement lorsque le diagnostic est posé ou la certification médicale établie, qu'est-ce qu'on pourrait... Je comprends votre préoccupation centrale et j'essaie de vous la faire développer ici, du fait que vous avez l'impression que le projet de loi ne tient pas compte de ce qui se passe avant l'âge scolaire. J'ai retenu ça de votre présentation. Mais qu'est-ce que vous pensez que ça amènerait de plus, concrètement, le fait de rajouter les phrases que vous mentionnez dans votre mémoire, étant donné qu'il existe déjà des mécanismes qui prennent compte de la différence?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Oui. Bon. Je vous ai dit tout à l'heure que notre réseau est un réseau jeune, relativement. Ça fait longtemps qu'on fait de l'intégration, mais ce n'est que depuis 1997 en fait que nous commençons à structurer un réseau. Ce qui veut dire que les CPE travaillent actuellement... ils travaillaient, je devrais dire, de façon très décentralisée, même localisée à un certain moment donnée, donc il n'y avait pas véritablement de structure d'accompagnement. Ce que nous faisons depuis quelques années, c'est que justement nous mettons en place des structures de partenariat. La politique que je vous ai dit, qui est actuellement en réécriture au ministère de l'Enfance... pardon, de l'Emploi, Solidarité sociale et Famille, bon, envisage effectivement cette restructuration. Vous le savez aussi, le réseau de l'éducation vient de mettre en place lui aussi, de son côté, il y a quelques mois, toute une structure de concertation. Alors, nous sommes aussi en train de faire ça.

Mais, actuellement, sauf sur une base que je dirais qui n'est pas régulière dans toutes les régions, il y a un certain partenariat qui s'établit avec l'office. Du côté de... à Québec, moi, je travaille au regroupement des CPE de Québec?Chaudière-Appalaches, je peux vous assurer que la collaboration est excellente. Nous avons même un comité... un groupe-conseil où les deux représentants des deux régions de l'OPHQ siègent à notre comité. Alors, vous voyez, c'est un peu cette préoccupation. Ce n'est pas vrai pour les autres régions.

Alors, si, déjà dans le cadre d'une loi, on se préoccupe... Et une loi a une fonction fondamentale, au départ, c'est justement de favoriser une certaine restructuration, alors c'est un peu dans cet esprit-là que nous avons fait cette recommandation.

Si vous me permettez, je voudrais revenir sur les enfants... tout à l'heure, le concept d'enfants avec des besoins particuliers. Je suis tout à fait d'accord avec vous que ce n'est pas dans le cadre de cette loi. Mais, voyez-vous, lorsque l'on parle de cette loi, si nous avons des représentants tel l'OPHQ qui va porter à un moment donné nos... Je pense que ça deviendrait un porteur, un messager absolument privilégié auprès d'un gouvernement et des gouvernements pour justement faire les études nécessaires suite aux études et porter aux ministères éventuellement cette interrogation, ce questionnement.

Également, vous nous avez dit: Il y a une autre dimension, il y a aussi des enfants qui sont gravement handicapés, très gravement handicapés. Le ministère... Dans la région, nous avons eu deux expérimentations qui ont été faites avec les anciennes régies régionales ? aujourd'hui les agences ? tant à Québec que dans Chaudière-Appalaches, où des fonds ont été dégagés pour supporter l'accompagnement d'enfants qui étaient très gravement handicapés. Alors, au-delà de l'allocation qu'ils recevaient, il y a eu autre chose. Bon.

Mais, vous voyez, ce sont des exemples que je vous apporte où, si, dans le cadre d'une loi de l'OPHQ, on reconnaît l'existence de problématiques qui touchent la petite enfance, il nous semble déjà que nous ouvrons la porte pour un oxygène, de quelque ordre qu'il soit, en fonction des études qui seront faites, et du moment, et du temps. Je ne sais pas si je réponds à votre...

M. Couillard: Ce qui nous ramène au rôle de concertation et de coordination régionales de l'office, sur lequel vous venez encore une fois d'insister. Pourriez-vous nous rappeler encore une fois en quoi ce rôle est important et dans quelle mesure on peut soit, d'une part, le préserver, mais également, possiblement, le bonifier?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): O.K. Si vous me permettez, je vais prendre l'exemple que nous sommes à construire dans Québec?Chaudière-Appalaches, qui n'est pas vrai... qui est vrai partiellement pour la région de la Montérégie, et c'est à peu près tout, dans les régions du Québec, cette structure que nous avons. Alors, nous sommes à peu près les deux seules régions administratives... les trois, je devrais dire ? on en a deux ici ? qui sont à restructurer cette concertation.

n (11 heures) n

Ce que nous avons fait, nous avons élaboré, nous, à Québec et Chaudière-Appalaches, une politique régionale d'intégration des enfants à partir de la politique qui existait... qui est en vigueur depuis 1982. Alors, nous nous sommes inspirés de cette politique du ministère de la Famille de 1982 et nous l'avons adaptée mais sur une base régionale. Et ce que nous avons fait, c'est que nous avons proposé des structures de concertation, structures régionales... birégionales, je devrais dire, où des représentants des régies régionales sont là, des représentants de l'OPHQ, évidemment des représentants de directions de CPE chez nous. Et notre interrogation, le mandat et la responsabilité de ce groupe birégional, c'est justement de faire émerger tout le questionnement et de voir comment on va pouvoir maintenant harmoniser les ententes beaucoup plus terrain. Notamment, il y a toutes les ententes... Vous avez dû en entendre parler, puisque le ministère de la Santé et des Services sociaux est preneur de cette entente de places réservées, dans les CPE, pour les familles qui ont des besoins particuliers. Bon. Alors, les CPE signent des places réservées, jusqu'à 5 % de leurs places, qui est supporté par notre ministère, à ce moment-là, même si la place est vide. On s'entend?

Bon. Il y a ensuite des ententes à négocier, et négocier avec l'IRDPQ, CRDI pour Québec, également avec les centres jeunesse. Alors, actuellement, on voit que nous avons des familles qui peuvent rentrer dans un CPE par le biais du CLSC parce que la famille est suivie par le CLSC. Alors, ils vont avoir une place, mais il y a des enfants qui sont suivis par le CRDI, le CRDP, qui, eux, n'ont aucune possibilité. Alors, vous voyez, notre politique de concertation régionale vise à essayer de regarder quels sont les mécanismes que l'on pourrait implanter pour favoriser l'intégration et l'inclusion de ces enfants-là. Alors, je ne sais pas si ça répond encore, là.

Le Président (M. Copeman): Ça va? J'avais peut-être une petite question pour vous, M. Pfisterer, et... peut-être également pourrait nous amener à une clarification de la part du ministre. Vous faites référence, dans votre mémoire, au fait qu'il n'y a pas de mention explicite au réseau, et même vous allez plus loin en disant que... en tout cas, vous soulevez la possibilité que le réseau de CPE soit exclu un peu de l'application de la loi. Je pense que c'est quelque chose qu'on pourrait clarifier, sinon pas maintenant, sous peu.

À l'article 1.2 de la nouvelle loi, la proposition indique: «Dans l'application des mesures prévues [à] la présente loi, les orientations suivantes guident l'office, les ministères et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics ou privés.» A priori, je crois ? je ne suis pas un juriste, là ? mais a priori je crois que, quand on dit «les ministères et leurs réseaux», ça pourrait s'appliquer aux CPE. Peut-être que le ministre peut clarifier maintenant afin d'éclaircir tout le monde. On pourrait toujours avoir la discussion: Est-ce que, même si c'est inclus selon les légistes, il ne devrait pas y avoir une référence précise? Mais là ça ouvre la discussion: Est-ce qu'on va du général au particulier ou vice versa? Mais je ne sais pas, M. le ministre, si vous avez des éléments de réponse déjà.

M. Couillard: Bien, M. le Président, pour nous, quand on mentionne «ministères et réseaux», bien, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est le réseau des établissements de santé, pour le ministère de l'Éducation, c'est le réseau des établissements scolaires et bien sûr, pour le ministère de l'Emploi et de la Famille, c'est le réseau des CPE. Donc, pour nous, c'est implicite, mais je constate que, pour nos visiteurs, ce n'est pas assez explicite, alors c'est pour ça qu'on essaie de faire ressortir les raisons qui sont sous-jacentes à cette demande. Mais, pour nous, c'est clair que, lorsqu'on parle des ministères et leurs réseaux, dans le cas du ministère de la Famille, bien sûr ça définit le réseau des CPE.

Le Président (M. Copeman): Il y a peut-être la discussion à faire: Est-ce que ça touche également les garderies privées ou des garderies à but lucratif?, mais ça, c'est une autre discussion. En tout cas, en commission parlementaire, advenant l'adoption du principe du projet de loi, on pourrait toujours, rendus là, faire le débat à l'étude article par article là-dessus, mais... M. le ministre, oui?

M. Couillard: Il est également fait mention de façon spécifique, dans le projet de loi, à l'article 16, des services de garde ? et je me permets de le lire: «...fournir aux personnes handicapées, à leurs familles, aux organismes de promotion ainsi qu'aux milieux d'intégration, notamment les services de garde, les écoles et les milieux de travail...» Donc, il y a ici une mention explicite, en plus de celle des réseaux que je mentionnais tantôt.

Le Président (M. Copeman): Est-ce que ça vous rassure un tout petit peu, M. Pfisterer?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Oui. J'entends effectivement vos commentaires. Ça me rassure, je vais vous dire, un peu, un peu. L'article 16, j'essaie de le retrouver dans les documents. Je ne le retrouve pas, là, spontanément.

Par contre, ce que vous soulignez à l'article 1.2, bon, je rejoins M. le ministre en disant, quand on parle des ministères et leurs réseaux effectivement, bon, ce sont vos réseaux officiels ou semi-officiels. C'est que la position des centres de la petite enfance et du réseau des centres de la petite enfance, c'est un réseau qui est totalement parallèle, d'une certaine façon. C'est que ce sont beaucoup plus des organismes dans le cadre de l'économie sociale comme telle. Donc, nous ne sommes pas apparentés véritablement, il n'y a pas... Vous voyez ce que je veux dire? Donc, l'interrogation, elle reste ouverte, là. Je comprends très bien le sens de votre intervention, mais, moi non plus, je ne suis pas légiste, là, et... Bon, c'est ça. Alors, ça soulève, disons... Mais je pense que, comme on dit, c'est un pas dans la bonne direction, ce que vous dites.

Le Président (M. Copeman): Mais parfois également les textes de projet de loi ne sont pas nécessairement faciles, pour le commun des mortels, de décortiquer. On se rabat souvent sur l'intention du législateur. Je pense qu'on a eu une première indication... quelle est l'intention du législateur. L'intention est que le réseau des CPE soit inclus dans la définition de 1.2. Est-ce qu'il faut le préciser? Bien là on fera le débat à un moment approprié dans les travaux de notre commission. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci. Bonjour, M. Pfisterer.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Bonjour, madame.

Mme Richard: Ça va? J'espère que je le prononce bien.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Oui, très bien.

Mme Richard: On vient de faire référence, bon, au ministère et au réseau. Votre ministère, c'est le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille. Est-ce que vous pensez, pour faire le plan d'action, que c'est le ministère qui est le plus en mesure de faire le plan d'action ou que c'est le réseau des CPE?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Pardon, quel plan d'action? Vous voulez préciser?

Mme Richard: Parce qu'à l'article 30 on dit que, bon, l'office... Il y a l'article 16 où on dit que l'office doit veiller à ce que les ministères et organismes mettent en place un plan d'action, et ensuite on a l'article 30, qui dit que «chaque ministère et organisme public qui emploie au moins 50 personnes ainsi que chaque municipalité qui compte[...] ? bon, je ne vous lirai pas tout l'article, là ? [doit faire] un plan d'action identifiant les obstacles à l'intégration des personnes handicapées aux activités relevant de ses attributions», etc. D'après vous, est-ce que c'est le ministère ou le réseau qui est le mieux placé pour mettre de l'avant ce plan d'action?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Bon. J'ai une certaine difficulté à vous répondre par un oui ou par un non. Encore une fois, ce que je comprends de... l'interprétation que j'en fais et avec toutes les limites que cela comporte, c'est qu'on parle d'organismes ministériels. Il y a une responsabilité pour chaque ministère dans le cadre de leurs réseaux. Mais, comme nous ne sommes pas un réseau apparenté au ministère, moi, je me dis: Est-ce que cet article va s'appliquer pour le réseau des CPE? Alors, c'est beaucoup plus... Je réponds à votre questionnement par un autre questionnement, autrement dit.

Actuellement, si je me réfère à ça avec l'interprétation que j'en aurais, moi, j'aurais tendance à croire qu'il n'appartient pas à notre ministère de faire ce plan d'action pour les CPE. Ce que je vois, par exemple, l'ouverture que je pourrais voir, c'est à travers la future politique d'intégration qui s'en vient, à ce moment-là, qui serait édictée par le ministère, qui rejoint les CPE. Alors, peut-être que, par le biais de cette politique, il y aurait lieu de se pencher, et de reprendre cette loi, et de l'intégrer dans la politique qui va être écrite prochainement et déposée. Je ne sais pas, là, moi non plus, si je réponds bien à votre questionnement.

Mme Richard: C'est bien. Merci. Est-ce que vous le savez ou est-ce que vous pourriez nous le fournir, combien d'enfants souffrant... je m'excuse, pas souffrant, ayant un handicap, qu'il soit visuel ou autre, fréquentent les CPE à travers le Québec?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Alors, écoutez, c'est notre ministère qui tient ces statistiques. Nous ne les possédons pas. Ce que je peux vous dire, c'est que certaines études sont faites par sondage sur certains territoires, et je dirais qu'à peu près 10 % d'enfants sont dans les CPE, comme personnes handicapées. Et, si on élargit au questionnement avec l'ensemble des troubles de comportement, etc., donc avec des besoins particuliers, ça fluctue entre 20 % et 25 % d'enfants qui ont des problèmes. Il y a une énorme augmentation actuellement de troubles de comportement chez les enfants, etc., mais, comme je vous dis, on est un peu à la marge, à ce moment-là, des préoccupations de cette loi.

n (11 h 10) n

Mme Richard: Pour mon information, là, vous pouvez prendre n'importe quel exemple de votre réseau, mettons un CPE qui compte 20 places, combien garde-t-on de places pour des enfants handicapés?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Alors, il n'y a pas de place gardée. Il n'y a aucune politique dans ce sens-là. Il y a quelques CPE qui traditionnellement ont, je dirais, un regard très favorable à l'égard des enfants handicapés. Ils ont développé une certaine expertise. Mais ce sont des initiatives très locales.

Mme Richard: Donc, si je vous comprends bien, à travers tout le Québec, tous nos CPE n'ont pas développé une politique d'intégration des enfants handicapés. Il n'y a pas de places attribuées pour ces enfants-là.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Répondre par oui, par non, c'est un non. À travers le Québec, on s'entend. Il peut y avoir des exceptions.

Mme Richard: O.K. Dans les exceptions, est-ce que vous en connaissez un, CPE, où on fait de l'intégration de ces enfants?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Oui, je peux vous en nommer un tout de suite, qui est à Québec, c'est La Ribouldingue, notamment. Il y en a d'autres.

Mme Richard: Oui. Est-ce que vous pouvez nous parler des difficultés structurelles que ces CPE là, ceux qui font l'intégration de ces enfants-là, rencontrent pour rendre soit les lieux accessibles ou même au niveau des techniciennes en techniques de garde? On sait, bon, qu'il y a une formation collégiale, et tout ça, mais est-ce que ces CPE là, qui acceptent ces enfants-là, ont une formation? Est-ce qu'ils sont bien encadrés? On a-tu développé, là... Parce que je sais que ça ne se fait pas à travers le Québec, mais, où ça se fait, est-ce qu'on a développé une expertise qu'on pourrait prendre ailleurs au Québec?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Alors, compte tenu, bon, de l'allocation, et on va partir des questions financières, c'est que ? et c'est un message que nous passons dans les regroupements auprès de nos CPE ? plus un CPE va intégrer des enfants, à ce moment-là, il va atteindre une masse salariale supplémentaire qui va lui permettre d'engager du personnel spécialisé, notamment des éducateurs spécialisés, ou ça peut être un psychoéducateur, qui va, à ce moment-là, coordonner et supporter l'action des éducatrices régulières. Alors, c'est le message que l'on fait auprès de nos CPE. L'intégration ou l'inclusion n'est pas un problème. Au contraire, plus on va intégrer dans notre réseau, plus il sera facile pour ces enfants-là d'avoir du soutien et du support. Alors, vous voyez, on est un peu dans un paradoxe, là, hein, mais il faut changer une culture.

Mme Richard: Je vous remercie, moi, de ces informations-là parce que, bon, moi, je suis chanceuse, mes enfants sont grands maintenant et ils ne souffrent pas de handicaps physiques ou intellectuels. Mais, si j'étais parent d'un enfant et que ? d'âge préscolaire ? je voudrais lui faire fréquenter un CPE, ce que je me rends compte, comme la plupart de ces parents-là, ce serait une autre difficulté de plus pour moi.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Je partage votre point de vue, madame.

Mme Richard: Merci. Je vais céder la parole à mon collègue député de Vachon.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, merci. J'ai écouté attentivement votre argumentation concernant la préoccupation, et votre suggestion à l'effet d'être beaucoup plus explicite en ce qui concerne ce groupe d'enfants, 0-5 ans, et les institutions qui les accueillent, dans l'énoncé même de la loi, son titre, et dans certains autres paragraphes. Cependant, je dois vous avouer que j'ai un petit problème avec, dans votre mémoire, le paragraphe où vous énoncez l'affirmation suivante: «Parler, nommément, d'intégration scolaire, professionnelle et sociale se trouve à couvrir l'ensemble des activités humaines, sauf qu'un enfant de moins de cinq ans n'est nullement rejoint par cette dénomination. On ne peut parler pour lui d'intégration scolaire, professionnelle ou sociale.»

Il y a peut-être là un noeud important parce qu'en effet, si on suit cette affirmation-là, on est quasiment obligé de les nommer explicitement dans la loi. Mais, si par ailleurs on s'entendait pour dire que la première mission des services de garde est une mission de socialisation des enfants, d'assurer leur bien-être quotidiennement et de favoriser leur développement, on est quasiment en train de parler, n'est-ce pas, de la notion d'intégration sociale. C'est-à-dire qu'un enfant qui fréquente ces établissements ou ces environnements est dans un milieu dans lequel il... c'est un milieu social dans lequel il s'intègre. Alors, je comprends mal votre énoncé, là, votre affirmation à cet effet-là que l'intégration sociale ne concernerait pas ces jeunes enfants.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Bon. Je pense qu'il faut le mettre en parallèle avec le concept qui a été mis de l'avant, où on parle d'éducation, où l'éducation est formellement nommée comme... bon, avec un réseau. Alors, on parle d'intégration scolaire, professionnelle et sociale. Social, c'est au... Si on le met ? on va faire peut-être un peu de sémantique, je m'en excuse ? mais c'est que, si on le met dans le... «Social», nous l'avons compris, à l'association, en termes de sociétal, tout ce qui... tous les organismes qui gravitent dans la société comme telle. Mais, par opposition à l'éducation, il y a nommément un secteur véritablement social, qui est le secteur de l'éducation. Il y a le secteur professionnel et il y a le secteur social. Mais, à partir de ce moment-là, il y a une absence parce que ça a l'air de vouloir dire ? ça a été notre interprétation ? qu'avant le monde de l'éducation, bien on n'était pas là.

Alors, je ne sais pas... C'est la nuance que nous avons apportée. Oui, nous sommes un mouvement social, c'est évident, mais, à ce moment-là, est-il nécessaire de porter dans le titre le concept d'éducation et de professionnel? Est-ce qu'à ce moment-là, en effaçant ces mots, on ne rejoint pas tout le monde en disant leur «intégration sociale», point? Vous voyez, c'est un peu la réflexion que nous avons faite. Alors, on vous la soumet.

M. Bouchard (Vachon): Merci bien.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: ...M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Il vous reste 2 min 30 s, trois minutes.

Mme L'Écuyer: Je vais essayer de faire ça plus court. Bonjour, M. Jean-Pierre Pfisterer. Deux questions. Vous avez parlé tantôt des besoins particuliers. Quand un enfant, il a un handicap reconnu, automatiquement il y a un montant, il y a une allocation supplémentaire qui vient avec, mais il y a de la difficulté avec les enfants non diagnostiqués de 0-5 ans. Est-ce que, à ce moment-là, le ratio éducateur, éducatrice change, compte tenu que ces enfants-là présentent certains problèmes? Et la question, c'est: Combien de temps ça prend, quand un éducateur ou une responsable de CPE a identifié soit un handicap mental, ou bien une déficience intellectuelle, ou une déficience physique, combien de temps ça peut prendre pour que ce soit reconnu?

Vous avez aussi parlé de demander des montants d'argent supplémentaires pour un enfant qui a un multihandicap. Est-ce qu'il y a déjà eu des propositions de modulation par handicap dans les CPE ? il y a des enfants qui vont être admis dans un CPE avec une déficience légère, il y en a que ça va être multihandicapé ? ou si le montant est le même pour tout le monde?

Il y a une affirmation que vous avez dite tantôt que, dans les CPE, il n'y a pas de politique d'intégration obligatoire nulle part dans les CPE. Ça fait qu'on pourrait, dans cinq ans, avoir des CPE qui n'ont jamais accepté d'enfant avec un handicap parce qu'il y a des listes d'attente ou... Il y aurait une façon de s'assurer dans le fond, jusqu'à un certain point, de ne pas recevoir d'handicapé à cause de la lourdeur. Pensez-vous que ça pourrait être le rôle de l'OPHQ d'avoir une politique d'intégration des enfants qui sont... au niveau des CPE ou si c'est un automatisme?

M. Pfisterer (Jean-Pierre): O.K. D'abord, je me permets juste de rectifier. Si j'ai dit telle chose, c'est une aberration parce qu'il y a quand même, dans les CPE... Puis il y a plusieurs CPE qui ont des politiques, puisque je vous ai dit que la politique provinciale de 1982 est en application. Alors, à l'intérieur de cette orientation qui avait été donnée à l'époque, il y a plusieurs CPE qui ont élaboré des politiques. Et de toute façon, actuellement... En tout cas, moi, ça va faire cinq ans que je suis dans ce réseau, et on travaille très, très fort autour de l'éthique et de justement l'élaboration de politiques d'intégration par CPE. Alors ça, c'est la première partie.

n(11 h 20)n

Au niveau du ratio, l'étude des ratios des enfants... au niveau de l'intégration des enfants, bon, il y a... ça fait partie des calculs normatifs au niveau de voir la capacité d'absorber des enfants avec des besoins particuliers. Vous m'excuserez, c'est vraiment le langage, là, mais je vais dire «handicapés». C'est que, pour certains enfants, dépendamment de la nature du handicap, il est peut-être préférable de diminuer le ratio, à ce moment-là, du groupe d'enfants, le ratio éducateur-enfants, et pour permettre... Mais, à ce moment-là, c'est le CPE qui va assumer les coûts effectivement parce qu'il y aura un enfant de moins dans ce groupe-là, un enfant sans... qui n'est pas handicapé, alors on va se retrouver avec un enfant en moins. Ici, donc, c'est le CPE qui va... Alors, inutile de vous dire que ce n'est pas une pratique qui est très, très à l'avant-garde de nos actions, mais elle existe.

Le temps de reconnaissance? Je ne peux vraiment pas vous répondre sur le temps de reconnaissance. Il ne faut pas oublier qu'il y a un travail aussi d'éducation et avec les parents. Ce n'est pas le CPE qui a le mandat et la responsabilité de faire les demandes de reconnaissance; c'est toujours un processus familial. Donc, ce sont les parents. Alors, des fois, ça va vite. Ça dépend aussi des temps d'attente dans les établissements de santé et ça dépend, bon, en tout cas de différents facteurs. Donc, c'est très difficile de vous répondre sur la question du temps.

Votre dernière question, parlant de la modulation, pouvez-vous juste...

Mme L'Écuyer: C'est qu'à un moment donné ? merci, M. le Président ? vous avez dit: L'agence avait réservé une enveloppe pour aider les CPE qui recevaient des enfants avec des handicaps très lourds.

M. Pfisterer (Jean-Pierre): Oui. O.K. Bon. Alors, ça fait partie des travaux que nous sommes à mener actuellement. Justement, c'est de se requestionner ? ce n'est pas un scoop que je vous donne, là, tout le monde le sait dans le réseau ? c'est que nous sommes en train de nous interroger sur la nature du modèle d'allocation qui est versé aux CPE. Alors, c'est une réflexion qui est en cours actuellement. Et l'hypothèse que vous avancez, c'est une des hypothèses que nous avons retenues aussi pour aller voir qu'est-ce que ça voudrait dire.

Mme L'Écuyer: Merci, monsieur.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Merci beaucoup, M. Pfisterer, d'avoir participé, au nom de l'Association québécoise des centres de la petite enfance, à cette commission parlementaire. Et j'invite les représentants de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 23)

 

(Reprise à 11 h 34)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous recevons les représentants de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, l'AGIDD-SMQ. M. Plourde, président, bienvenue. Et, vous aussi, vous êtes au courant de la façon dans laquelle ça fonctionne. Vous avez une période 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange avec les parlementaires de grosso modo 20 minutes chaque côté de la table. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Association des groupes d'intervention
en défense des droits en santé mentale
du Québec (AGIDD-SMQ)

M. Plourde (Guy): Oui. Merci. Ils vont se présenter, eux-mêmes, là.

M. Winter (François): François Winter, administrateur de l'AGIDD, coordonnateur de L'A-DROIT, de Chaudière-Appalaches.

Mme Provencher (Doris): Doris Provencher, coordonnatrice de l'association provinciale.

Le Président (M. Copeman): Bien.

M. Plourde (Guy): Guy Plourde, président. Je tiens à remercier au départ la commission parlementaire sur la loi n° 56 de nous avoir invités.

Bon, l'AGIDD-SMQ. Formée en 1990, l'Association des groupes d'intervention en défense des droits, bon, ça regroupe 30 organismes, 15 groupes de défense de droits, dans chacune des régions, et des groupes d'aide et d'accompagnement, bon, puis de promotion et vigilance, puis des comités d'usagers. Bon.

L'AGIDD-SMQ, pour sa part, travaille essentiellement sur les dossiers systématiques. Elle assure la libération, et la diffusion, et la formation portant sur les droits et recours, et ce, auprès des groupes communautaires et des personnes vivant un problème de santé mentale. L'association provoque des débats importants sur les droits des personnes vivant un problème de santé mentale. Bon. En voici quelques thèmes: le consentement aux soins, la désinstitutionnalisation, l'isolement et contention, l'information sur les médicaments de l'âme, la confidentialité et l'information, la garde en établissement, etc.

Mme Provencher (Doris): Oui? Ça va aller pour la présentation. Alors, écoutez, on va faire un peu d'histoire, hein? En 1989, il y a eu une politique de santé mentale, et c'est là d'ailleurs que sont nés les groupes de promotion et défense de droits pour les gens qui ont un problème de santé mentale. Donc, au-delà de la reconnaissance de la participation des personnes, la politique de santé mentale privilégiait une approche biopsychosociale des problèmes de santé mentale. Les problèmes sociaux sont souvent à la base de la désorganisation psychologique. La pauvreté, la violence, le chômage, ce ne sont pas des maladies et ça ne se traite pas avec des pilules.

Le bilan de la politique de santé mentale, en 1997, confirmait à nouveau le principe de la primauté de la personne et déplorait du même coup la timidité des actions entreprises dans ce sens. Seul le déploiement des organismes de promotion, de protection et de défense des droits avait concrètement été réalisé, la pratique institutionnelle et traditionnelle résistant aux changements nécessaires. La vague de désinstitutionnalisation créait un besoin urgent de mettre des ressources nécessaires dans la communauté pour répondre aux besoins des personnes vivant un problème de santé mentale. Malgré le discours politique des dernières années et certaines actions posées afin de rapprocher les services de santé mentale des personnes qui les requièrent, la plus grande part des ressources financières est demeurée au sein des établissements de santé.

L'an dernier, nous avons assisté, inquiets, à plusieurs changements au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux. Selon nous, ça ne va pas nécessairement dans le sens de l'appropriation du pouvoir des personnes vivant un problème de santé mentale, entre autres, l'abolition du Comité de santé mentale, après 33 ans d'existence, où toutes les tendances se côtoyaient pour rendre des avis solides sur différents thèmes importants. Dorénavant, ce sont des experts et des expertes qui seront appelés à conseiller notre ministre de la Santé et des Services sociaux pour les questions qui touchent le domaine de la santé mentale. Si les expertes et les experts consultés se limitent à représenter l'approche biopsychiatrique, l'essence même de la politique de santé mentale de 1989, selon nous, sera reniée, et on risque alors d'assister à une plus grande psychiatrisation des problèmes sociaux. Par contre, si l'expertise des personnes vivant un problème de santé mentale et celle des organismes communautaires qui oeuvrent auprès d'elles reçoivent la même considération, on croit que le Québec va continuer d'être innovateur. Parce que le Québec est très innovateur au niveau de la santé mentale, tant au niveau des droits qu'au niveau des alternatives à la psychiatrie.

Donc, les personnes membres des organismes de défense de droits ne se sont jamais identifiées tout à fait évidemment comme étant des personnes handicapées. Donc, elles ont rarement revendiqué les droits rattachés à la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Malgré cette difficulté d'identification, la réalité quotidienne des personnes est touchée par cette loi. Qui plus est, la loi a plutôt contribué à présenter le problème de santé mentale des personnes comme étant une maladie ou une déficience reliée à un problème organique, biologique ou héréditaire. La loi a donc évacué toute la dimension sociale d'un problème de santé mentale.

Il y a plusieurs facteurs qui font en sorte que les personnes se retrouvent dans des situations handicapantes pour elles. Ces facteurs limitent considérablement leur autonomie. Un des éléments qui est difficile à gérer, c'est souvent le stress qui peut amener des difficultés encore plus grandes. Il y a aussi toute la question de la médication psychiatrique. Nous, on appelle ça la médication de l'âme, dans notre jargon à nous. Les psychotropes qui sont prescrits en général ont des effets secondaires assez importants qui empêchent la personne de fonctionner. Donc, ça amène encore une situation handicapante pour les personnes.

n(11 h 40)n

Évidemment, aussi, il y a la pauvreté. Souvent, les personnes qui vivent un problème de santé mentale se retrouvent sur l'aide sociale. Donc, elles sont souvent moins scolarisées; elles développent des problèmes de santé physique importants; elles vivent beaucoup de solitude parce qu'elles sont rejetées, bon, par la famille, par la société, etc.

Les problèmes se complexifient. Depuis 15 ans ou près de 15 ans qu'il y a des organismes de promotion en défense de droits en santé mentale, on se rend compte que la situation des personnes se complexifie et se détériore, depuis les cinq dernières années en particulier. La lourdeur des diagnostics et la chronicité qui en découle aussi font en sorte que... amènent cette complexité. Malgré tous les efforts qui sont réalisés dans le domaine de la santé mentale, tant du côté de la réinsertion sociale que de la volonté d'offrir de nouveaux services dans la communauté, les personnes se retrouvent prises dans un engrenage qui les mène inexorablement vers des situations de grande vulnérabilité.

On se rend compte aussi... L'accessibilité au niveau des services est souvent conditionnelle à la prise de médication. Par exemple, pour accéder à de l'hébergement dans la communauté, l'un des critères d'entrée est de vérifier si la personne prend ses médicaments. Ça peut se répéter aussi au niveau du travail.

Je passe la parole à mon collègue.

Le Président (M. Copeman): M. Winter.

M. Winter (François): Merci. Je vais faire un résumé du mémoire de l'AGIDD concernant le projet de loi n° 56. Donc, tout d'abord, l'AGIDD désire souligner le respect de l'engagement du premier ministre, pris lors de son discours inaugural, à l'effet de revoir la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et autres dispositions législatives.

Également, nous tenons à mentionner que nous sentons une volonté et une intention, de la part du législateur, d'améliorer et de protéger les droits des personnes vivant avec des limitations. Or, le projet de loi ne modifie pas en profondeur la loi mais y apporte quelques changements. Ça semble être davantage le projet de loi de l'Office des personnes handicapées du Québec que celui des personnes concernées, car il porte principalement sur les rôles et sur les pouvoirs de l'office.

Pour ce qui est du titre et de la définition de la loi, donc on peut dire qu'il ne rejoint pas les personnes vivant, ayant vécu avec un problème de santé mentale, tout comme la loi d'ailleurs. On ne se sent pas inclus par cette dernière. La définition n'est pas inclusive, car les personnes vivant avec un problème de santé mentale ne se reconnaissent pas dans l'image que la société projette d'une personne handicapée. Parce que souvent, nous, les groupes de promotion en défense de droits, dans les commentaires qu'on reçoit dans la population, on a souvent à faire la différence, la distinction entre déficience intellectuelle, santé mentale. Les gens ne font pas toujours cette distinction-là.

Donc, afin d'inclure les personnes vivant, ayant vécu avec un problème de santé mentale dans cette loi, nous proposons la définition suivante donc pour les personnes ayant une limitation fonctionnelle ou vivant un problème de santé mentale: toute personne ayant une déficience qui entraîne ou risque d'entraîner une incapacité sévère et persistante, incluant cyclique, ou toute personne vivant un problème de santé mentale qui vit ou qui est susceptible de vivre des situations de handicap ayant pour effet de réduire leur pleine participation sociale et citoyenne.

Nous avons également remarqué que le projet de loi élargit le champ d'action de l'OPHQ, mais il ne révise pas son rôle. L'AGIDD-SMQ a demandé en 2003, et nous réitérons cette demande, aujourd'hui, à l'effet que l'instance représentative soit liée soit au bureau du premier ministre, à l'Assemblée nationale ou à un ministère intersectoriel ayant une réelle influence sur l'ensemble du gouvernement. Nous souhaitons que la future loi n° 56 ait un réel pouvoir transversal, et le projet de loi ne répond pas à cette attente.

Pour ce qui est de la représentativité, nous nous demandons pourquoi ? ceci dit sans faire de personnalisation ? malgré la volonté du législateur d'augmenter la représentativité de l'instance, le poste de la présidence n'est pas obligatoirement comblé par une personne ayant des limitations fonctionnelles. Donc, nous souhaitons que ce soit changé dans la loi.

Donc, à notre avis, l'instance devrait pouvoir agir afin de protéger les droits des personnes. Le droit à l'accommodement, tout comme l'ensemble des droits inclus dans cette loi, se devrait d'être davantage publicisé, en particulier pour les personnes qui vivent et qui ont vécu avec un problème de santé mentale, pour en favoriser la connaissance chez les personnes et dans la population en général, parmi les employeurs, dans la population. Donc, nous tenons à mentionner au passage qu'on a été étonné, l'AGIDD, que l'OPHQ gardait, dans le projet de loi n° 56, le pouvoir d'accorder des subventions aux organismes de promotion, puisque ça va à l'encontre de la politique d'action communautaire votée par le gouvernement, là, antérieurement.

Pour ce qui est de l'insertion professionnelle maintenant, les conditions permettant l'accès à l'emploi sont déjà fort bien définies. C'est dans l'application qu'il y a un énorme travail à faire. En effet, on ne devrait pas suggérer des moyens d'accès à l'emploi aux entreprises recevant des subventions de l'OPHQ, mais on se doit de les imposer. Donc, l'expérience des groupes de promotion et de défense des droits en santé mentale nous indique que, lorsque des droits sont laissés à la merci des considérations de la vie quotidienne, ou de l'organisation des services, ou de l'entreprise, les droits ne seront pas à prime abord respectés. Les possibilités d'une insertion de qualité seront améliorées si elles sont incluses dans une loi. Nous tenons à noter que, pour qu'une insertion soit réussie, la compréhension de l'employeur des particularités de chaque type de limitation est importante. Il y a donc un travail d'éducation à faire.

Également, nous tenons à mentionner que les personnes sont déjà insuffisamment protégées. Il est dangereux de confier l'intégration à des organisations dont la connaissance des limitations n'a pas été démontrée. Donc, en ce qui concerne l'insertion professionnelle, si le passé est garant de l'avenir, ça n'ira pas en s'améliorant, sauf si on rajoute des actes, dans une perspective législative, au voeu d'inclusion.

Donc, je vais y aller avec les recommandations de l'AGIDD:

Recommandation n° 1: L'AGIDD-SMQ recommande, de concert avec le milieu associatif, que, sous l'égide du premier ministre du Québec, soit mise en oeuvre une véritable stratégie gouvernementale à l'égard des personnes ayant des limitations fonctionnelles ou vivant un problème de santé mentale, basée entre autres sur les principes suivants: l'inclusion pleine et entière; la participation sociale; le droit à l'égalité; le droit à l'accommodement et à son application; et la reconnaissance et la pleine compensation des coûts liés aux incapacités.

Recommandation n° 2: L'AGIDD-SMQ recommande la modification du titre du projet de loi pour loi assurant l'exercice des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles et des personnes vivant un problème de santé mentale.

Recommandation n° 3: L'AGIDD recommande que le projet de loi voulant assurer l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale devienne véritablement une loi-cadre, une loi qui a des dents et qui autorise la nouvelle instance à agir plus précisément et directement sur les différents acteurs sociaux visés par cette loi.

Recommandation n° 4: L'AGIDD-SMQ recommande que les 15 orientations de la politique d'ensemble À part... égale, adoptée par le gouvernement du Québec en 1985, deviennent les objectifs fondamentaux de l'action gouvernementale envers les personnes ayant des limitations fonctionnelles après en avoir actualisé le contenu.

Recommandation n° 5: L'AGIDD-SMQ recommande que soit inclus le droit à l'accommodement dans le chapitre I.1, Droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés, de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, de la même façon qu'il a été inclus dans la Loi canadienne des droits de la personne.

Recommandation n° 6: L'AGIDD recommande que le poste de la présidence soit obligatoirement occupé par une personne ayant des limitations fonctionnelles.

Recommandation n° 7: L'AGIDD-SMQ recommande que le droit à la compensation des coûts liés aux incapacités soit spécifié et prévu dans la loi et que tous les secteurs visés par cette modification réalisent les changements nécessaires.

Recommandation n° 8: L'AGIDD-SMQ recommande que l'instance qui découlera de cette loi ait de réels pouvoirs afin de bien représenter les besoins et les demandes des personnes ayant des limitations fonctionnelles et les personnes vivant un problème de santé mentale, et ce, tant auprès de l'appareil gouvernemental que de la société québécoise en général.

Recommandation n° 9: L'AGIDD-SMQ demande que l'article 22 soit retiré du projet de loi n° 56 et que, si l'Office des personnes handicapées du Québec possède encore de l'argent à ce niveau, qu'il soit redistribué équitablement entre les organismes visés par ce programme.

Recommandation n° 10: L'AGIDD-SMQ recommande que les procédures d'insertion professionnelle trouvent une assise légale dans le projet de loi n° 56.

Et, pour terminer, recommandation n° 11: L'AGIDD-SMQ recommande le maintien de l'article 13 sur le conflit d'intérêts.

M. Plourde (Guy): Pour...

M. Winter (François): Oui, vas-y.

M. Plourde (Guy): Pour conclure, depuis plusieurs années, l'AGIDD-SMQ a fait plusieurs représentations pour différents travaux et à différents niveaux. Il est impératif que les revendications du milieu associatif soient enfin entendues.

Nous avons plutôt besoin d'une loi qui favorise la participation des personnes et qui prône une stratégie gouvernementale globale et nationale afin d'assurer une réelle existence des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles ou vivant un problème de santé mentale.

n(11 h 50)n

Nous remercions la Commission des affaires sociales de nous avoir permis de faire entendre la voix des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Il ne reste plus maintenant qu'à modifier la présente loi dans le sens de nos revendications afin que nous puissions enfin dire que ces personnes sont des citoyennes et des citoyens à part entière.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Heureux de vous revoir. Je vais commencer par une introduction qui va un peu dans l'axe de ce que vous avez mentionné au début de votre intervention. D'abord, si on fait un survol historique des 10 à 15 dernières années, pour ce qui a trait aux investissements en santé mentale, on constate que, dans les faits, alors que 90 % des sommes, il y a quelques années, étaient investies en établissement et seulement 10 %, en milieu communautaire, progressivement la balance est en train de s'inverser, et actuellement on est autour de 50-50. Donc, il ne faudrait pas présenter la chose comme étant une chose figée dans le temps, qui ne s'est pas ajustée. Effectivement, on s'est ajustés, dans le système de santé, tous gouvernements confondus, de façon progressive, alliés vers cet objectif d'équilibrer l'intervention communautaire ou en communauté par rapport à l'intervention en établissement, avec le but d'aller le plus possible en communauté et à l'extérieur des établissements.

Comme vous le savez, nous rencontrons et nous nous tenons en contact avec les groupes qui représentent les personnes atteintes, leurs familles. Et d'ailleurs, dans le groupe-conseil qui nous a conseillés et qui vient nous déposer son rapport sur le plan d'action en matière de santé mentale, il y avait de nombreux membres non médecins, si ça peut vous rassurer, de même que des représentants de groupes qui représentaient les personnes elles-mêmes, les familles, et également d'autres types de population.

Comme vous le savez également, j'ai, en santé mentale, deux objectifs que je défends personnellement avec beaucoup de vigueur. Le premier, qui va certainement vous rejoindre, c'est que l'action des groupes communautaires soit prise en compte et soutenue, et je pense que vous pourrez témoigner du fait que, dans les investissements récents, on a... et j'ai personnellement insisté pour que les groupes communautaires soient mieux soutenus, et notamment ceux qui s'occupent de la défense des droits des personnes.

L'autre objectif que je poursuis, et puis c'est là qu'on est peut-être un peu, là, en porte-à-faux, c'est que j'essaie de faire en sorte que, dans la perception de la population, ce milieu de la santé mentale ne soit pas considéré comme un milieu à part, ou séparé, ou mystérieux, obscur un peu, comme il a été laissé pendant de nombreuses années, et notamment de dire, dans mon discours, et je le répète très fréquemment, que, vous savez, on a beaucoup de facilité, entre guillemets, à annoncer à des groupes d'amis qu'on a eu une chirurgie cardiaque, ou qu'on a été hospitalisé pour un anévrisme, ou toutes sortes de maladies, là, qui ont une connotation un peu, je ne dirais pas glorieuse parce que le mot ne s'applique pas à une maladie, mais quelque chose dont on peut, à la rigueur, discuter, discuter dans une conversation sociale, alors que peu de personnes vont dire, dans une réunion sociale, que soit eux ou leur enfant vient d'être victime d'un problème de santé mentale, avec hospitalisation pour un court séjour, par la suite médication, etc. Et je fais beaucoup d'efforts personnellement pour changer cette perception-là.

Et je me demande à quel point votre demande qu'on inclue les personnes vivant des problèmes de santé mentale dans le cadre de cette loi-là ne va pas à l'encontre de ce but qu'on... Je pense qu'on s'entend sur le but recherché, mais je me demande si le fait de nommer spécifiquement des gens qui ont des problèmes de santé mentale comme étant à l'extérieur donc de ce qu'on doit faire en termes d'activité ou d'unification avec le reste du réseau de la santé et des services sociaux, si ce n'est pas un peu contre-productif. Je comprends pourquoi vous voulez ça, mais je me demande si le but atteint va être celui que vous recherchez.

M. Winter (François): Je peux peut-être y aller. Ce qu'on mentionnait tout à l'heure, c'est qu'en ce qui a trait aux limitations, c'est-à-dire que la définition de personne handicapée, si on parle des perceptions dans la population en général, les gens associent ça beaucoup à un handicap physique, à un handicap qui va être intellectuel aussi, mais les gens n'associent pas les limitations d'ordre peut-être psychologique, là, en vertu du vécu, bon, émotionnel de la personne.

Bref, concrètement, sur le terrain, on travaille très peu avec cette loi-là parce qu'on se sent peu concerné ou les personnes ne se sentent pas familières avec les recours qui sont à l'intérieur de cette loi-là. Donc, d'ajouter justement à la définition de la loi les personnes vivant, ayant vécu avec un problème de santé mentale pourrait davantage permettre l'inclusion, à notre avis. Ce n'est pas pour faire à part, ou pour distinguer, ou pour faire une distinction, c'est vraiment pour inclure les personnes parce que, si la loi était appliquée dans le sens évidemment de nos revendications, c'est quelque chose dont on pourrait se servir pour aider, protéger les droits des personnes.

Mme Provencher (Doris): Si je peux me permettre aussi, en termes de... Parce que de toute façon, les personnes ayant un problème de santé mentale, elles sont incluses dans la loi, de toute façon. Alors, pourquoi ne pas nommer un chat un chat? Et je vous ramène à la définition qui est proposée, où on parle: «Toute personne ayant une déficience entraînant...» Alors, le mot «déficience», on comprend la déficience, en termes de difficultés ou de... Bon. Mais évidemment, quand on fait référence au mot «déficience», qu'est-ce qui nous vient en tête, c'est plus la déficience intellectuelle. Même les intervenants du réseau public confondent. Tout le monde confond ces notions-là. Alors, dans ce sens-là, comme vous dites, M. le ministre, effectivement vous faites de gros efforts, puis on le voit bien, puis on l'entend, et on l'a vu aussi financièrement, effectivement, au niveau que la santé mentale soit vraiment à l'avant-plan, et les services, et de dédramatiser, et de... Alors, pourquoi ne pas appeler un chat un chat finalement aussi? C'est de dire que, étant donné qu'elles sont dedans, pourquoi ne pas le dire?

M. Couillard: Bien, je dirais la même réponse que j'ai dite à d'autres groupes qui vous ont précédés, avec leurs points de vue particuliers sur cette loi-là, dépendant du groupe qu'ils représentaient, c'est que, d'aller dans une élaboration ou une énumération de diagnostics ou de groupes de personnes, là on ouvre la porte à des problèmes majeurs, parce que là on n'aura pas couvert tel groupe ou tel groupe, ou tel nouveau groupe va se rajouter, puis là il va falloir faire un amendement législatif pour le rajouter, à ce moment-là, alors que, pour nous, et vous l'avez dit vous-même, la définition qui est proposée actuellement est assez large pour effectivement comprendre une bonne partie des gens qui ont des ? pas tous, et je vais revenir là-dessus ? une bonne partie des gens qui ont des problèmes de santé mentale.

Parce qu'il ne faut pas non plus à mon avis donner l'impression à la population qu'un problème de santé mentale en soi, c'est toujours significatif et persistant. Il y a des gens qui guérissent du problème de santé mentale qu'ils ont eu une ou deux fois dans leur vie, qui n'ont pas de récidive ou qui sont soit contrôlés, entre autres, par les moyens pharmacologiques ou d'autres traitements de support. Et il faut reconnaître également cette réalité-là et on connaît tous des gens qui ont traversé ces périodes difficiles là et qui ont récupéré.

Je vais revenir maintenant à la philosophie générale de la loi, puis vous demandiez tantôt, M. Winter... Votre revendication était que la loi ait un caractère transversal et... Mais c'est exactement ce qu'on... peut-être naïvement, là, et peut-être qu'on n'a pas réussi, mais c'est exactement ce qu'on veut faire. Autant la loi n° 155 que ce qu'on a ajouté ici. C'est exactement le regard transversal qu'on veut donner et que ce n'est pas une loi de l'OPHQ, c'est une loi pour cette action transversale et dont l'OPHQ est l'instance responsable de surveiller l'application, et non pas un projet axé sur l'organisation, la structure qu'est l'Office des personnes handicapées du Québec. Et c'est dans cet esprit-là qu'on rédige et qu'on dépose ce projet de loi, justement pour que ce regard transversal, qui existe dans d'autres secteurs...

Vous savez, moi, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, par exemple, j'ai une responsabilité législative d'avoir un regard transversal sur les questions de santé publique. Par exemple, si un autre ministère pose une action ou une politique qui met en danger la santé publique, j'ai une obligation, en vertu d'un article de la loi de santé et de services sociaux, d'intervenir. Alors, ce genre de regard-là n'est pas inhabituel. Et...

Bon. Est-ce que le ministère de la Santé et des Services sociaux, au-delà de la personne qui occupe le poste, là, est-ce que le poste en question ou le ministère en question est l'endroit approprié? Évidemment, la discussion est ouverte là-dessus. Mais, étant donné que c'est en soi un ministère qui a un regard assez large sur la société, il ne me semble pas que ce soit inapproprié.

Je voudrais également mentionner la question des subventions. Vous avez touché un peu la question du pouvoir de subvention, là, de l'OPHQ. Il faut savoir qu'il y a une grande partie de ce programme-là qui a déjà été transférée à l'organisme géré par le SACA, là, pour la promotion des droits individuels, etc. Ce qu'il reste, c'est un tout petit budget qui est très limité, je pense que c'est environ 100 000 $, qui vise notamment à financer un organisme qui est un expert en classification internationale justement des déficiences et un petit projet intellectuel... pardon, ponctuel qui pourrait arriver, et non pas des activités récurrentes, là. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de conflit entre cette possibilité de subventionner pour l'OPHQ et ce que vous avez énoncé comme principe au niveau de l'action communautaire.

M. Winter (François): C'est un questionnement qu'on avait à ce niveau-là. Ça, je pense, ça répond bien à notre question, là. En ce qui a trait au rôle transversal, j'aimerais vous ramener sur ce que j'avais mentionné tout à l'heure, en termes des moyens, des subventions, là, de l'OPHQ, là, pour l'accès à l'emploi. On parlait de mesures d'accommodement tout à l'heure. Si l'office n'a que le pouvoir de suggérer des mesures ou de suggérer des critères d'insertion, à ce moment-là, comme j'ai mentionné, j'insiste particulièrement là-dessus, le résultat ne sera peut-être pas à la hauteur finalement des attentes qu'on va avoir, là, par rapport à l'insertion professionnelle. Donc, oui, je pense qu'il y a une volonté, c'est bien sûr, là, qu'il y ait un rôle transversal, mais concrètement, dans la vie quotidienne, s'il n'y a pas quelqu'un qui a des réels pouvoirs à ce niveau-là, ça ne fonctionnera pas, malheureusement, là. Notre expérience en tout cas nous indique que ce genre de choses là est voué à l'échec.

Peut-être, Doris...

Mme Provencher (Doris): Bien, c'est sûr qu'on sent... Bien sûr, il y a... Je pense qu'il y a eu beaucoup de travail de fait aussi pour effectivement faire en sorte de faire que ce soit transversal et que l'office ou l'instance ait quand même des pouvoirs. C'est comme un droit de regard. Bien sûr qu'il y a un pouvoir moral, si je peux m'exprimer ainsi, effectivement, que les organismes vont devoir répondre à l'office, et tout ça, mais pour nous, c'est ça, ça manque de dents. Ce qu'on dit, c'est que ça manque de dents. Et ce que M. Winter dit, c'est que, dans le vécu, dans le quotidien des choses, il y a des abus qui vont se faire et qui vont... ça ne réglera pas nécessairement...

n(12 heures)n

Et aussi pourquoi on dit que ça devrait sortir au niveau du ministère de la Santé? C'est parce que les personnes handicapées, associées au ministère de la Santé... je sais bien que c'est Santé et Services sociaux, mais ça a encore l'image... Ce n'est pas des malades, les personnes handicapées. C'est ça aussi que ça fait. Et d'envoyer un message très clair à la société qu'une personne ayant des limitations ou handicapée c'est un citoyen ou une citoyenne à part entière, c'est dans ce sens-là aussi, la demande qu'on a, qu'on a amenée.

M. Couillard: Remarquez bien, M. le Président, et j'ai une vision assez large du rôle qu'occupe le ministère de la Santé et des Services sociaux, et ça s'est incarné, par exemple, comme dans la notion de responsabilité de population au niveau des réseaux locaux, et non pas de responsabilité de patient ou de personne qui utilise des services. Mais ça, c'est un autre débat sur lequel on pourra revenir.

J'aimerais également qu'on clarifie la question des orientations d'À part... égale, parce que je voudrais comprendre exactement votre position là-dessus. Nous, on a intégré les orientations d'À part... égale, plusieurs des orientations d'À part... égale dans ce projet de loi là en donnant également par la suite un mandat d'actualisation de cette politique-là. Et je n'ai pas trop compris en quoi votre position est différente là-dessus.

Mme Provencher (Doris): Oui. Bien, écoutez, oui, c'est sûr qu'elles ont été adoptées, mais c'est toujours le même principe, la même... c'est que ce sont des orientations. Un petit peu ce qu'on a vécu au niveau de la santé mentale, au niveau de la politique de santé mentale, 1989, la politique était excessivement claire au niveau des orientations, au niveau vraiment du changement de la modification, et vraiment l'axe s'en allait sur la primauté de la personne, et tout ça. Ça fait plus de 15 ans, et, dans la vraie vie, ce n'est pas nécessairement ça qui se passe. Moi, je suis toujours frappée d'entendre... On parle beaucoup de problème d'attitude des gens, et c'est encore là qu'il y a les problèmes au niveau de la santé mentale.

Alors, nous, ce qu'on dit, on ne voudrait pas que ça se répète avec les orientations d'À part... égale, c'est-à-dire, que ça reste au niveau des orientations, ça demeure là, mais que, dans l'application, ce soit un petit peu... comment je dirais ça? que ce ne soit pas vraiment intégré au niveau des intervenants qui ont à travailler, qui ont à oeuvrer auprès des personnes. C'est un petit peu... c'est au niveau de ce danger-là, c'est une lumière jaune qu'on allume. On ne doute pas de la volonté. Comme on l'a dit tantôt, au niveau de la volonté, je pense qu'on la sent quand même, il y a des efforts. Mais ce qu'on vous demande, c'est de dire que, au-delà de la volonté, puis peut-être que ce n'est peut-être pas au législateur à faire... peut-être que son pouvoir ne s'étend pas jusque-là, mais il faut que ça aille plus loin que des orientations. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Plourde, M. Winter, Mme Provencher. Merci pour vos propos. Et je vais être honnête avec vous, je vous comprends un peu, puis je comprends que la situation est difficile. Parce que, comme vous avez fait référence, Mme Provencher, tantôt, les personnes souffrant de santé mentale ont des limitations qui sont d'ordre psychologique. C'est une déficience souvent en soi, que ce soit pour l'intégration au travail, que ce soit au quotidien. Et vous ne vous retrouvez pas dans cette loi-là. Vous avez de la difficulté au quotidien... et même M. le ministre en a fait référence tantôt, quand on souffre de problème de santé mentale, on ne va pas le crier sur les toits, c'est difficile.

Mais comment voyez-vous que le ministère de la Santé et des Services sociaux, en partenariat avec vous, peut trouver une sorte de modèle qui répondrait, dans un premier temps, à certaines attentes que vous avez? Ce qu'on fait pour les personnes handicapées, comment on pourrait arrimer ça pour le faire avec des personnes souffrant de santé mentale?

Mme Provencher (Doris): Bien, écoutez, je pense que, de un, comme on le dit puis on le répète, les personnes ayant un problème de santé mentale sont incluses au niveau légal dans cette loi-là. Bon, c'est sûr aussi... au niveau de la Charte des droits et libertés, quand une personne... pas «souffre», a une difficulté au niveau de la discrimination, elle en appelle du handicap, parce que c'est au nom du handicap. Bon. Étant donné qu'elle est dedans, la personne, je pense qu'il faudrait à un moment donné, comme je le disais tantôt, appeler un chat un chat et faire un travail, je pense, de fond pour vraiment que les personnes qui ont des recours, qui ont des droits en vertu de cette loi-là puissent utiliser les recours aussi qui sont mis à leur disposition.

Donc, est-ce qu'il y aurait un travail au niveau de promotion, de sensibilisation, de... et, je pense, pour tout le monde. Parce que, comme disait M. Winter aussi, dans nos organisations mêmes, on n'a pas le réflexe d'utiliser non plus cette loi-là parce que... et ce sont les personnes qui nous disent: Écoute, je ne suis pas une personne handicapée, j'ai un problème de santé mentale. Donc, est-ce qu'il y aurait un travail qui pourrait être fait en collaboration, effectivement, de sensibilisation ou de... Oui, oui, je pense qu'il y aurait quelque chose qui pourrait être fait à ce niveau-là. Au niveau aussi, je pense... Il y a les centres de travail... les centres de travail... pas adapté...

M. Winter (François): Adapté, oui.

Mme Provencher (Doris): ...adapté, oui, merci, où il y a beaucoup de personnes qui ont un problème de santé mentale qui se retrouvent. Et je pense que mes deux collègues ont peut-être des exemples.

M. Winter (François): Oui. Oui, effectivement, dans certains centres de travail adapté, bon, on peut tenir compte de limitations physiques des personnes, on peut tenir compte, bon, d'autres types de limitations. Mais, pour ce qui est de la santé mentale, souvent les gens ont des difficultés à composer avec le stress. Puis, bon, moi, des gens... j'ai même un membre de ma famille immédiate qui a travaillé dans un de ces centres-là. Souvent, ce qui est utilisé comme modèle, si on veut, c'est que les gens, leur meilleure journée, si on veut, on fixe ça comme barème pour les autres journées, leur journée où est-ce qu'ils vont être plus productifs. Et puis, dans ce sens-là, les gens sentent une pression, puis, bon, ça crée des situations qui justement ne leur seront pas nécessairement favorables. On parlait du droit à l'accommodement, je pense que c'en serait une, façon justement de considérer les personnes avec un problème de santé mentale, d'inclure, de bonifier, de mettre des dents justement à la notion d'accommodement.

Mme Provencher (Doris): L'AGIDD, on a travaillé aussi à un moment donné... on a développé un outil qui s'appelle À vos trousses, justement pour que les personnes qui retournent sur le marché du travail, qui ont un problème de santé mentale... d'aider... Et c'est une trousse qui a été faite pour les employeurs et les... Ça n'a pas marché fort auprès des employeurs, mais enfin c'est une trousse qui existe, et là on donne des... Mais ça, c'est le travail. Oui.

M. Winter (François): Il y a eu une diffusion nationale d'ailleurs de la trousse.

Mme Provencher (Doris): Oui.

Mme Richard: Je comprends très bien la situation que vous décrivez. Vos membres ne se retrouvent pas dans l'instance de ce qui est l'office de la protection des droits des personnes handicapées. Ce n'est pas un handicap en soi. Je peux souffrir d'un problème de santé mentale et je ne suis pas une personne handicapée, mais je peux avoir quand même des limitations. Et je ne crois pas que... Oui, je pense qu'on peut bonifier le projet de loi n° 56, mais je ne pense pas qu'il va répondre à toutes vos attentes. Puis il va falloir que nous, comme parlementaires, essayions de trouver des solutions par rapport à la discrimination que vous vivez à chaque jour. Ce n'est pas juste au niveau du travail, là, c'est au niveau familial, au niveau... On a des personnes... Moi, je connais des personnes... J'ai travaillé dans un petit milieu, dans un centre hospitalier, il y a des personnes qui souffrent de santé mentale qui ont besoin d'aidants, des aidants naturels. C'est tout un problème sur lequel il va falloir vraiment que, comme société, on se penche.

Mais vous avez fait référence, M. Winter, aux centres de travail adapté. Vous devez sûrement avoir de vos membres qui fréquentent... vous l'avez dit. Est-ce qu'il y a une forte proportion? Parce qu'on a entendu des groupes qui nous ont parlé, bon, du coût des médicaments, combien les centres de travail adapté, c'est maintenant... ça l'est, ça l'a toujours été, c'est une entreprise, une entreprise, il faut qu'elle fasse des profits. Puis on sait comment c'est complexe, les problèmes de santé mentale: une journée, ça va ? vous l'avez dit ? une journée, ça ne va pas, là. Est-ce que vos membres ont de la difficulté à insérer le marché du travail via les centres, les CTA?

M. Winter (François): Par rapport aux centres de travail adapté?

Mme Richard: Oui.

M. Winter (François): Je dois vous dire que ça dépend peut-être.. Chaque centre a sa philosophie, son mandat qui est différent d'un autre, là. En général, si les gens ont des difficultés... il y a des gens pour qui... ils vont se sentir à l'aise dans un endroit. Là, je ne voudrais pas qu'on commence à faire du cas par...

Mme Richard: Je ne veux pas non plus.

M. Winter (François): ...du cas par cas, là, mais, en général...

Mme Richard: En général.

M. Winter (François): ...il n'y a pas une si grande proportion que ça, dans les centres de travail adapté, des personnes qui ont un problème de santé mentale. Donc, peut-être que ce serait quelque chose, là, à améliorer.

Mme Richard: Et quand vos membres rappellent chez vous qu'ils souffrent de discrimination par rapport à un emploi ? ils peuvent avoir eu un très bon emploi pendant des années et, du jour au lendemain, bon, ils vivent un problème de santé mentale, ça les met en incapacité d'occuper l'emploi qu'ils avaient... Quand vous les référez à l'office... Bon, vous dites qu'ils ne se retrouvaient pas parce que c'est l'Office des personnes handicapées. Mais est-ce que l'office a toute une expertise? Est-ce qu'elle est en mesure souvent d'aider ces gens-là ou ils reviennent chez vous puis ils disent: Bon, je ne m'y retrouve pas ? c'est ce que vous dites ? je ne m'y retrouve pas, je n'ai pas eu de service, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais?

M. Winter (François): En fait, ça va faire bientôt quatre ans que je suis dans un groupe de promotion de défense de droits en santé mentale et puis jamais on n'a fait appel à l'Office des personnes handicapées par... je ne dirai pas par méconnaissance, mais ça ne s'applique pas vraiment à nous. En tout cas, on ne se sentait pas inclus dans la définition de «personne handicapée», les recours qu'il y avait autour de ça, là, donc...

n(12 h 10)n

Mme Richard: Donc, si, moi, je souffre d'un problème de santé mentale, je ne me réfère qu'à votre organisme qui fait... si j'ai des questionnements.

M. Plourde (Guy): Moi, Mme Richard, je vous répondrais, moi, par mon cas personnel, là, que j'ai fait mon épuisement total en 1987. Bon, je ne suis pas tellement le gars pour pouvoir lire des choses, mais de la capacité de travail, j'en ai toujours eu après un an d'adaptation. Mais ça, le système, et la société, puis le côté médical n'acceptent pas ça. Moi, j'ai eu l'étiquette pour toujours, là, je n'ai jamais pu retravailler, c'est le pourquoi que je me bats pour des causes comme ça.

Et comme j'ai déjà dit à M. Couillard lors de d'autres commissions parlementaires, si on ne regarde pas ces choses-là sérieuses... Cessons de compliquer le simple. Les personnes, c'est simple, puis la vie... Je suis rendu grand-papa d'une petite fille; c'est simple, il s'agissait d'avoir des enfants pour en avoir. Non, mais c'est sérieux, c'est très sérieux.

Et qu'est-ce que j'allais dire: si on ne regarde pas les choses sérieuses, faire face, appeler les moutons par moutons, puis ainsi de suite, là, puis arrêtons de compliquer, si on ne change pas ça, laissez-moi vous dire qu'il n'y en aura peut-être pas gros parmi vous autres qui n'aurez pas connu un épuisement total ou quelque chose de la sorte, si vous faites votre travail ? je n'en doute pas que vous le faites sérieusement... Moi, c'est par le sérieux de mon travail, par les obligations de la vie... qui m'avaient amené un épuisement total.

Face aux centres réadaptés, bon... Moi, je sais qu'il y a des gens présentement... À PLAIDD-BF, à Rimouski, l'organisme de défense de droits régional, on en a un depuis ça ne fait pas tout à fait un an, un administrateur. Et c'est ça, ça couvre une certaine limite. L'individu, il y a un bout, là, il l'arrête. Tu sais, à part que la production, ça s'arrête là. Puis quoi c'est qu'il semblait, lui, avoir amélioré un bout de temps, il détériore le service ou l'accompagnement, si on veut. Moi, en tout cas, je trouve ça très... pour donner mon opinion personnelle. Parce que, moi, j'ai en tête un projet d'intégration sociale différent que ça, là. Ça, c'était peut-être bon dans le temps, il y a peut-être place à amélioration, ou ainsi de suite, mais je crois qu'en 2004 ? on a quand bien même changé de siècle... Moi, j'ai un projet, j'ai hâte de percer.

D'ailleurs, je dois être en contact avec un psychiatre d'ici quelques jours, là, du Bas-Saint-Laurent. Puis c'est important, il faut regarder ça sérieux. Je finis avec ça: quand tu as eu quelque chose, soit une dépression ou qu'est-ce qui touche la santé mentale, tu es un ci puis tu es un ça. Ça finit là, ça, hein? Faisons-nous pas accroire... des fleurs, pas parce que je suis assis ici, là... aïe! j'ai vécu en santé mentale. Merci.

Mme Provencher (Doris): Il y a aussi... Si je peux me permettre aussi, on a vu, au fil des ans, beaucoup de personnes qui travaillent, par exemple, parce que, au début... Bon, moi, ça fait 15 ans que je travaille dans ce domaine-là, et, au début, c'étaient beaucoup des gens qui étaient sur l'aide sociale, qui étaient... Bon. Et, au fil des ans, de plus en plus, on a vu des gens qui travaillaient qui, à un moment donné, tombaient en arrêt maladie, et là, au niveau des assurances, au niveau... ils ont des problèmes incroyables. Ils n'ont pas d'aide de leur employeur, pas d'aide souvent de leur syndicat, et ils sont vraiment les parias et les... et c'est des gens qui fonctionnaient, qui travaillaient, puis tout à coup... comme Guy dit. Alors, quand ils viennent nous voir, ces gens-là, effectivement, pour revenir à votre question, on a... Moi, je n'ai jamais eu le réflexe de référer au niveau de l'Office des personnes handicapées parce que: Écoutez bien, je ne suis pas handicapé, j'ai un problème de santé mentale. Donc, c'est dans ce sens-là. Mais ça se complexifie de plus en plus.

M. Plourde (Guy): C'est sûr aussi... J'avais oublié le point. Moi, qu'est-ce que j'ai trouvé horrible, c'est: quand j'avais fait ça pour me rétablir, j'ai perdu des assurances sur le prêt de ma maison, il a fallu que je m'essaie... C'est ingrat, tu sais. C'est différent que de vivre ici, là, je peux vous dire ça, moi. La réalité terrain est quelque chose.

Mme Richard: Je vous remercie beaucoup, M. Plourde, et je suis sûre que tous les parlementaires que nous sommes, nous sommes conscients des réalités que vous vivez. Personne n'est à l'abri d'un problème de santé mentale. Je vous dirais qu'il y a quelques années, le burnout ou l'épuisement professionnel, ce n'était pas connu, et on voit qu'il y a un certain progrès; les compagnies commencent à mettre en place..., bon, des psychologues pour venir en aide à ces personnes-là. Mais c'est sûr que, du jour au lendemain, tu souffres d'un épuisement professionnel ou autre chose, vous l'avez dit, vous perdez vos assurances, vous perdez votre dignité, et c'est difficile pour la famille, c'est difficile pour l'entourage. Et ça, je pense que, tous, ici, nous sommes conscients des réalités que vous vivez chaque jour, et je crois qu'on aura un travail à faire pour sensibiliser davantage la société à ce que vivent les gens qui souffrent de santé mentale. Je vous remercie beaucoup pour vos propos, Mme Provencher, M. Winter, M. Plourde. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Merci de vos propos. Ce n'est pas une question que je vous pose. Je vais vous parler d'un fait vécu, le mien, parce que j'ai déjà... Par deux fois, j'ai fait des fatigues de travail, un bon burnout en bon français. Le dernier, il remonte à quand même pas très longtemps, puis c'est peut-être ça qui fait que je suis rendu en politique. C'est quand même drôle où ça peut mener, des dépressions, peut-être. Non, mais. joke à part, le fait... Qu'est-ce que vous parlez, c'est vraiment véridique. Parce que j'ai fait un épuisement professionnel à la fin des années 2001. Après ça, j'ai travaillé comme consultant.

L'année dernière, je me suis racheté une maison et effectivement je n'ai pas d'assurance hypothécaire. Puis malgré tout... mon médecin a envoyé une lettre et a rempli un questionnaire, et malgré tout je n'ai pas récupéré mon assurance hypothécaire, puis pourtant je me dis que je ne suis pas un cas... en tout cas, à moins qu'ils me considèrent à risque ou que le secteur politique fait que je sois rendu une personne à risque ou moins considérée, mais je n'ai pas réussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bernard: Je n'ai pas réussi, aussi bizarre... Et pourtant l'avis du médical n'a pas été retenu. Alors, il y a vraiment du travail à faire, définitivement, à cet égard-là.

Mme Provencher (Doris): Il y a du travail au niveau effectivement de la sensibilisation, et je pense que le ministre travaille fort là-dessus. Alors, moi, je ne suis pas sûre qu'on va voir ça de notre vivant, ce que vous amenez, M. Couillard, en termes de dire que bien quelqu'un qui a un problème physique, qui peut partager ça et... Vous voyez, je pense qu'on a des exemples. Et je crois qu'au niveau de la sensibilisation puis qu'est-ce qu'on voit dans les médias et dans les... hein, problèmes de santé mentale, c'est violent, c'est des tueurs en série, c'est des... Alors donc, c'est tout ça qui est...

M. Bernard: ...un député libéral.

Mme Provencher (Doris): ...un député libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Provencher (Doris): Alors, oui, il y a du boulot. Puis on veut aider, on est là aussi pour travailler dans ce sens-là.

Le Président (M. Copeman): Ça va. M. Plourde, Mme Provencher, M. Winter, merci beaucoup d'avoir participé, au nom de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, à cette commission parlementaire. Et je remercie les collègues pour leur collaboration. Ça a très bien été ce matin. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures, cet après-midi, évidemment en cette même salle. Et on m'informe qu'on peut laisser nos effets sur la table, la salle sera barrée. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, de l'AQRIPH, M. Lemay, président. Je ne sais pas qui fait la présentation. Est-ce que c'est vous qui allez commercer? De toute façon, vous connaissez nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale d'à peu près 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Et je vous prierais peut-être, pour les fins de notre enregistrement, de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite de débuter votre présentation à votre façon.

Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration
des personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, M. Copeman, Isabelle Tremblay. Je suis la coordonnatrice de l'AQRIPH et je vais faire la présentation des personnes qui représentent l'AQRIPH aujourd'hui. Alors, directement à ma droite, M. Pierre-Yves Lévesque, de la région de Montréal, qui est vice-président à l'AQRIPH; M. Michel Lemay, de la région Chaudière-Appalaches, qui est notre président à l'AQRIPH; Mme Cyd Lamirande, du regroupement Bas-Saint-Laurent; Mme Francine Gagnon, du regroupement Saguenay; et M. Yves Gascon, du regroupement de l'Estrie.

Et, avant de céder la parole à M. Lemay, je voudrais juste vous dire que vous avez pu constater, sur la page couverture de notre mémoire, que, cette année, on avait décidé d'écrire une chanson pour attirer l'attention des parlementaires, soit La complainte des personnes handicapées. Au Québec, on a La complainte du phoque en Alaska, qui a été écrite, en 1974, par Beau Dommage, et ça fait 30 ans qu'on chante cette chanson-là. On espère juste que, la nôtre, on ne la chantera pas pendant 30 ans. Alors, je cède la parole à M. Lemay pour le début de la présentation.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Lemay, la parole est à vous.

M. Lemay (Michel): Oui. Bonjour. Dans un premier temps, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux gens qui nous ont accompagnés aujourd'hui qui proviennent de toutes les régions... de la majorité des régions du Québec, qui sont venus nous appuyer dans cette présentation.

Tout d'abord, nous sommes heureux, M. le ministre, que vous ayez tenu votre engagement à l'effet de revoir la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées dans votre mandat et aussi d'une façon aussi rapide. Bon, vous savez, cette loi a 25 ans et elle a contribué, nous croyons, à l'amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées, et ce, de façon quand même significative si on regarde depuis 25 ans.

Nous déplorons cependant le fait que vous n'ayez pas pu nous accorder l'accommodement pour permettre à un de nos participants, M. Pierre-Yves Lévesque, de pouvoir avoir le temps de s'exprimer.

L'AQRIPH...

Le Président (M. Copeman): M. Martel, je vais vous arrêter immédiatement... M. Lemay, excusez-moi. J'avais indiqué, au début des travaux de la commission, qu'il y aura une certaine souplesse dans l'attribution des temps. Par consentement, la commission peut faire n'importe quoi, presque. Alors, je ne veux pas que vous débutiez votre intervention avec l'idée que nous sommes fermés à quoi que ce soit. Si, à la fin de 20 minutes, vous désirez continuer, je vais demander le consentement de mes collègues. Je ne peux pas présumer comment ils vont agir, mais j'ai une certaine sensibilité que nous allons être souples et flexibles.

n(14 h 10)n

M. Lemay (Michel): Merci beaucoup. Je vous dirais que c'est la première fois que je viens à une commission, donc j'apprends beaucoup aujourd'hui.

Cependant, l'AQRIPH ne peut appuyer ce projet de loi tel qu'il est formulé, car, pour nous, il est important d'avoir en tête qu'il faut que cette loi amène des obligations, puis des obligations qui vont avoir une obligation de résultat, et c'est un des éléments importants, parce que, si on veut que des choses changent, bien il faut vraiment, là, s'obliger à faire certaines actions.

Je passerai la parole à Pierre-Yves qui, lui, va poursuivre un peu pour faire état des revendications principales.

Le Président (M. Copeman): M. Lévesque, on vous écoute.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Bonjour, tout le monde. Pourquoi on ne peut pas appuyer ce projet de loi là... le projet de loi... administratif... des droits des personnes handicapées. Maintenant, Isabelle, elle va essayer de répéter pour moi.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, Pierre-Yves dit, en terminant: Je vais arrêter là, Isabelle va essayer de répéter pour moi. Alors, c'est de la manière qu'on va fonctionner, je vais répéter pour M. Lévesque, lors de sa présentation.

Alors, bonjour, tout le monde. On va vous expliquer pourquoi l'AQRIPH ne peut appuyer le projet de loi tel qu'il est rédigé. Pour nous, le projet de loi, c'est un projet de loi plus administratif qui définit davantage les rôles de l'Office des personnes handicapées que les droits des personnes handicapées.

M. Lévesque (Pierre-Yves): ...il y a une décision... il y a eu... dans la nouvelle loi.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, il manque toute la notion de la compensation des déficiences. Il y a eu une décision du Conseil des ministres en 1988 et, si on veut qu'elle ait une force de loi, il faut qu'elle soit inscrite dans la loi.

M. Lévesque (Pierre-Yves): ...dans le projet de loi, on parle d'intégration, mais on ne parle pas d'inclusion des personnes handicapées, et il y a toute une différence entre... des personnes handicapées dans notre société.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, dans le projet de loi, on parle d'intégration et non d'inclusion des personnes handicapées. Il y a toute une différence entre l'inclusion des personnes handicapées et l'intégration dans notre société.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Elle est pas pire, hein?

Mme Tremblay (Isabelle): Pierre-Yves dit que je suis pas pire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lévesque (Pierre-Yves): ...le gouvernement du Québec a accepté... qui définit un peu... parce que c'est très important que ces politiques-là soient intégrées dans la nouvelle loi des personnes handicapées... qui a été accepté par le gouvernement du Québec.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, en 1985, le gouvernement du Québec a accepté la politique d'ensemble À part... égale pour les personnes handicapées, et on doit intégrer les principes pour l'inclusion sociale des personnes handicapées dans la loi. C'est important qu'ils soient intégrés dans la loi parce que c'est une politique qui avait été acceptée par le gouvernement québécois.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Il n'y a pas, dans le projet de loi... il n'y a pas de mesures concrètes qui vont obliger le ministère... qu'on informe tout le monde. À un moment donné... dans une loi, nous autres, on parle... Il y a beaucoup d'intentions, mais il n'y a pas d'obligation.

Je termine en vous remerciant de votre attention et en remerciant Isabelle d'avoir répété pour moi.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, il n'y a pas, dans le projet de loi, de mesures concrètes qui vont obliger les ministères et organismes à prendre leurs responsabilités. Ça fait longtemps qu'on sensibilise, qu'on informe; ça va prendre des obligations dans la loi. Le projet de loi... dans celui-ci, il y a beaucoup d'intentions mais pas beaucoup d'obligations.

Alors, je termine en vous remerciant pour votre attention et en remerciant Isabelle d'avoir répété pour moi.

Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui désire prendre la parole?

Mme Tremblay (Isabelle): Oui. Maintenant, on va céder la parole à Francine Gagnon.

Le Président (M. Copeman): Mme Gagnon, allez-y.

Mme Gagnon (Francine): Oui. M. le ministre, à la lecture du projet de loi, on s'est posé un certain nombre de questions, on a pensé à des faits précis, on s'est demandé comment le projet de loi pourrait aider à répondre, à trouver des solutions aux faits que... auxquels on a pensé. On a pensé de vous en exposer quelques-uns.

Dernièrement, à l'été 2004, une petite fille autiste fréquentant un terrain de jeu municipal s'est vu obligée de descendre d'un bateau de croisière, le Louis Jolliet, car sa condition dérangeait. Elle a été traitée de mongole et a dû attendre sur le quai les deux heures que la croisière a duré, et ce, malgré le fait qu'elle avait une accompagnatrice juste pour elle. Comment le projet de loi permettra-t-il de ne plus vivre une telle situation?

Une autre situation. Un homme de 41 ans est rendu quadraplégique à la suite d'une maladie. Il a besoin d'aide à domicile, en plus d'une adaptation de sa demeure. Le Programme d'adaptation de domicile a une attente de plusieurs années, et le médecin à domicile n'a plus de budget. Cet homme de 41 ans est obligé de se faire admettre dans un CHSLD pour personnes âgées. On se demande aussi comment le projet de loi permettra de ne plus vivre une telle situation.

Yves peut vous en exposer encore quelques-unes.

Le Président (M. Copeman): M. Gascon.

M. Gascon (Yves): Oui, Yves Gascon. Pour continuer dans la même ligne, lorsqu'un enfant de cinq ans qui a une limite intellectuelle doit commencer l'école, il doit prouver qu'il peut être inclus dans un groupe, alors qu'un enfant dit normal n'a rien à prouver. L'odieux revient toujours à la famille à prouver que l'enfant peut être inclus dans son groupe de base. Comment le projet de loi permettra de ne plus vivre une telle situation?

Au niveau des contrats d'intégration au travail qui sont des mesures d'accommodement, depuis quelques années, la mesure a été transférée au ministère de l'Emploi. Ce qu'on vit actuellement, c'est qu'à chaque renouvellement il faut toujours que l'employeur se batte pour conserver le même niveau de support, car le subventionneur, en l'occurrence Emploi-Québec, désire diminuer ses coûts au détriment de la personne handicapée. Et on sait pertinemment qu'après un certain temps les capacités de cette dernière vont demeurer stables, et ce, pour la plupart des personnes qui vivent avec des limitations fonctionnelles. Est-ce que le projet de loi va soutenir la personne handicapée selon ses besoins ou bien selon les ressources et le bon vouloir du subventionneur? Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): Bonjour, M. le Président, M. le ministre. Alors, dans le but d'obtenir un éclairage extérieur que l'on pourrait qualifier de non partisan, l'AQRIPH a demandé un avis juridique à Me Sylvie Côté, qui est une médiatrice accréditée, sur le projet de loi. Alors, je vais vous exposer les principaux constats de Me Côté quant au projet de loi n° 56.

Alors, Me Côté s'est attardée beaucoup sur la persistance des insatisfactions, sur les raisons des pressions permanentes que réalise le milieu associatif depuis au-delà de 20 ans et sur les désespoirs qui s'expriment trop souvent. Elle a dégagé trois grandes raisons à ces insatisfactions: la première est la version souvent simplificatrice et réductrice que l'on a du champ formé par l'ensemble des personnes handicapées; la difficulté d'écoute et de perception des demandes émanant de ces personnes; et la dernière, c'est la connaissance insuffisante, dans une province comme la nôtre, des données concrètes concernant les populations concernées.

n(14 h 20)n

En plus, il y a deux motifs qui sont beaucoup plus actuels à cette insatisfaction permanente. La première, c'est la persistance d'un décalage trop important entre les discours, les textes et la réalité. Les délais de promulgation des lois, les dispositions législatives et les délais pour obtenir des réponses sont très longs pour les personnes. Il y a aussi un décalage souvent visible ou perceptible entre notre province et d'autres provinces et pays.

Suite à cela, au niveau des... ce que Me Côté amène, c'est que le projet de loi, dans les mesures plus concrètes, devrait devenir une véritable loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et devrait obligatoirement contenir un énoncé de droits, le principe de la compensation équitable comme article de loi, les orientations de la politique À part... égale dont on a parlé précédemment, la mise de l'avant de l'inclusion des personnes handicapées, des moyens pour vérifier l'utilisation des sommes dédiées, des mesures coercitives et la reconnaissance de tous les membres de la famille de la personne handicapée.

Selon Me Côté, le projet de loi n° 56, dans sa forme actuelle, ne donne aucune base juridique claire pour fonder des actions spécifiques allant en ce sens. Elle mentionne de plus que le législateur québécois devra notamment choisir d'adopter une attitude antidiscriminatoire, fondée sur la Charte des droits, et prévoir des dispositions légales où l'intégration naturelle y est la règle.

Donc, certains points que Me Côté amène concernant le projet de loi... Il y a donc lieu de rappeler certains points, entre autres la garantie des droits fondamentaux des personnes. Elle dit que le texte de loi actuel ne place pas la personne handicapée au premier plan. Il place plutôt l'Office des personnes handicapées en lui conférant des rôles et des missions. Donc, la révision des rôles de l'office selon elle est la majeure de ce projet de loi et non la personne. À son avis, le projet de loi n'apporte que trop peu de solutions aux personnes handicapées, puisque son texte demeure théorique, sans réelle sanction pour le ministère, ou l'organisme, ou encore la personne qui fait défaut, et, à ce moment-là, la personne demeure sans recours et elle demeure soumise et en attente de résultats d'un quelconque rapport, d'une recommandation d'un ministère ou d'un organisme.

Le projet de loi devrait aussi prévoir une alliance légale et un travail de collaboration entre l'office ou l'instance et le milieu associatif, un droit à la compensation ? comme je vous le mentionnais précédemment. Et, au texte de loi, elle mentionnait qu'il y avait, à certains niveaux et sous certaines conditions, l'obligation pour des ministères, des municipalités d'établir un plan d'action ou un plan d'intervention. À cet effet, je vous rappellerai, il y a plusieurs années, la notion du plan d'embauche qui avait été mise en place par l'Office des personnes handicapées, une mesure qui était en soi fort louable et pourtant qui n'a eu pour ainsi dire que très peu d'impact sur l'embauche réelle des personnes. Les organismes, les entreprises ont élaboré des plans d'action, et c'est demeuré lettre morte, sur la 13e tablette, bien souvent.

Quant au projet de loi, je rappellerai aussi que l'ex-député M. Russell Williams avait à maintes reprises, entre autres lors du projet de loi n° 155 et lors d'auditions préalables, mentionné que le projet de loi selon lui devait avoir des dents, devait permettre qu'on puisse faire en sorte que les droits des personnes handicapées soient vraiment respectés.

Donc, toujours selon Me Côté, qui nous a fourni l'avis juridique, la loi doit prévoir des sanctions appropriées, sans préjudice des dispositions relatives à la discrimination et autres recours pour les personnes handicapées.

Alors, à l'heure actuelle et en terminant, Me Côté mentionne: «Le projet de loi n° 56 crée actuellement une énorme distance entre la personne handicapée et le pouvoir public due à la multiplicité des [administrateurs] concernés, à la superposition des dispositions législatives purement théoriques, à l'absence d'une politique multisectorielle et globale.» Elle déplore de plus que la toile de fond de ce projet de loi n'est pas là, c'est-à-dire le respect de la dignité et la participation de la personne handicapée aux décisions qui la concernent. Je vous remercie.

Mme Tremblay (Isabelle): M. le Président, je pourrais vous remettre 25 copies de l'opinion juridique qu'on rend publique aujourd'hui.

M. Lemay (Michel): En terminant, je tiens à vous remercier pour nous avoir écoutés et je demeure confiant que vous allez prendre en considération les éléments que nous vous avons transmis aujourd'hui et qu'on pourra tous ensemble pouvoir améliorer la qualité de vie des personnes handicapées. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Lemay. La présentation a été faite en dedans de 20 minutes.

Mme Tremblay (Isabelle): ...avec la traduction que je devais faire, alors on...

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs dames, pour votre présentation faite, comme on l'a vu, dans les limites de temps, avec beaucoup d'efficacité. Je voudrais reprendre certains points de votre présentation avant d'engager les échanges avec vous. Mes collègues voudront également participer à la discussion.

J'ai noté, M. Lemay, que vous avez mentionné, au début, que vous trouviez que la loi initiale, celle qui date maintenant de 25 ans, avait permis quand même quelques progrès significatifs dans la condition de vie des personnes handicapées, sujet qui nous amène autour de cette table aujourd'hui. Donc, il n'est pas illusoire ou impossible effectivement d'apporter des améliorations concrètes dans la vie des gens avec un projet de loi. Je pense que c'est le message que je reçois également.

D'autre part, vous avez mentionné la nécessité, par rapport au projet de loi n° 155, de lui apporter un peu plus... vous avez utilisé le terme «de dents», disons «de force», et on s'est efforcé de faire ça, certainement avec un résultat imparfait en ce qui concerne votre évaluation, mais c'est l'esprit dans lequel on s'est inscrit dans ce travail-là.

Quelques mots d'abord au sujet de la question des définitions. On ne se bombardera pas les uns les autres de définitions de dictionnaires, là, ce n'est pas ça que les gens ont envie d'entendre, mais pour vous indiquer, comme je l'ai fait ce matin, que, dans notre esprit, le mot «d'intégration» au contraire est plus large que le mot «d'inclusion», beaucoup plus large, et que ça s'appuie sur le sens réel des mots, le sens commun des mots, tel que défini dans la langue française, également le sens juridique, tel qu'il existe dans d'autres projets de loi. Il faut faire attention parce que... On l'a mentionné ce matin, ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est un groupe qui nous rencontrait, que les mêmes mots en anglais n'ont pas la même signification relative un par rapport à l'autre, et c'est souvent ce qui mène à ces difficultés d'interprétation.

À notre avis, le projet de loi comporte quand même quelques qualités. D'abord, c'est qu'il intègre plusieurs des orientations de la politique À part... égale, et bien sûr on va l'actualiser également, cette politique, et qu'il y ait également un caractère d'obligation qui est contenu. Je pense qu'il ne faudrait pas non plus laisser l'impression qu'il n'y a aucune obligation dans le projet de loi. Je pense que ce que vous dites, c'est que ces obligations à votre avis ne sont pas significatives et suffisantes ou n'auront pas d'impact. Bien, je mentionne qu'il y a des obligations pour les ministères, les municipalités, clause d'impact, etc., pour les transports en commun. Je ne vous ferai pas la liste exhaustive, mais il y a plusieurs obligations. Et, avec justesse, vous mentionnez que, si on se fie aux exemples antérieurs, prenons, par exemple, le plan d'embauche, de telles obligations n'apportent pas nécessairement un résultat concret.

Je vous dirais que ça prouve également que ce n'est pas en légiférant sur des choses qui dépendent essentiellement de changement d'attitude, de culture puis de sensibilité des gens qu'on réussit à obtenir des résultats. Ça m'a beaucoup touché, l'exemple de la petite fille ? un d'entre vous ou une d'entre vous a mentionné la petite fille, je pense que c'est monsieur à l'extrémité gauche de la table, ou madame ? la petite fille à qui on a demandé de quitter un bateau de croisière dans le cadre d'une activité de loisir. Et je ne sais pas si ses parents étaient avec elle quand c'est arrivé, mais ça a dû être très douloureux pour eux, et bien sûr pour elle, lorsque cet événement est survenu là. Mais voici, en ce qui me concerne, exactement l'exemple d'un problème sur lequel on ne peut pas légiférer parce que l'obstacle que cette petite fille a rencontré ce jour-là, et sa famille, c'est un obstacle d'attitude puis de sensibilité à la réalité de ce que c'est d'être une personne handicapée. Et ça, à mon avis, peut-être que je suis cynique ou je suis peut-être un peu défaitiste, mais vous ne pouvez pas légiférer le changement d'attitude, ou le changement de sensibilité, ou le changement de culture dans une société. Vous le faites en introduisant un nouvel état d'esprit, une nouvelle préoccupation visible, et souvent ce qui se fait à l'intérieur du gouvernement devient un levier pour ce qui se fait à l'extérieur du gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi est bâti de cette façon.

Vous avez mentionné des difficultés dans le maintien à domicile. Je vous suis tout à fait là-dedans. On a eu beaucoup d'exemples publicisés, il y a quelques mois, au sujet de personnes qui étaient obligées d'être dans un CHSLD et qui ne pouvaient pas le quitter parce qu'on n'avait pas de logements adaptés pour eux ou de ressources semblables. Il y a encore certainement beaucoup de personnes dans cette situation-là. J'en profite pour vous rappeler qu'il y a eu, lors du dernier budget, des investissements importants pour l'adaptation des logements, et également, pour le programme d'AccèsLogis, un meilleur arrimage entre les services du réseau de la santé à domicile et les logements. Parce que ce qui est arrivé en pratique, c'est que souvent le logement était prêt à ouvrir ou à construire, mais qu'il n'y avait pas de garantie de services en même temps par les institutions du système de santé, et on s'est assuré d'améliorer ça, et certainement qu'il y a encore du travail à faire de ce côté-là.

Je vous remercie d'avoir déposé l'avis légal. On va en prendre connaissance avec intérêt. Nos équipes juridiques vont l'étudier avec énormément d'attention puis en retirer les messages qui s'imposent.

Et je terminerais mes remarques d'introduction en disant que, vous savez, vous avez fait parler... mention de la question des besoins et des ressources, tu sais, les ressources disponibles, les assujettir, ces besoins, aux ressources disponibles. Bien, il se trouve que, dans la réalité, notre société fonctionne comme ça et fonctionnera toujours comme ça. C'est l'arbitrage ou l'équilibre entre les besoins exprimés, qui sont plus ou moins grands, et les ressources disponibles puis les moyens qu'une société se donne, dont une société se dote pour subvenir à ces besoins-là.

n(14 h 30)n

Et je prends l'exemple du réseau de la santé plus largement que ce qui nous occupe aujourd'hui, je pense qu'on peut s'entendre sur le fait que les besoins dans ce domaine-là sont infinis. On n'arrivera jamais à combler tous les besoins du système de santé. Mais il y a une sorte de consensus ou de conclusion générale de la société qui fait qu'il y a une obligation de prendre tous les moyens pour subvenir à ces besoins-là.

Et le législateur bien justement a introduit dans la loi de santé et services sociaux une clause qui met en relation ces besoins-là et les moyens. Il y a une clause comme ça dans la loi de santé et de services sociaux, clause qui n'a jamais été modifiée par aucun des différents gouvernements qui se sont succédé, parce qu'elle apparaît éminemment logique et, je dirais, dans la continuité d'une gestion responsable d'un gouvernement, ou de fonds publics, ou d'actions collectives.

Alors, je vais terminer là mon introduction en allant directement à une question de discussion avec vous qui va au coeur de ce que vous revendiquez, je crois, autour de cette table. Estimez-vous vraiment qu'on ne peut pas faire de progrès sans faire de coercition, qu'il n'y a pas d'autres moyens que la coercition pour faire des progrès dans un dossier comme celui qui vous amène ici, aujourd'hui?

Le Président (M. Copeman): M. Lemay.

M. Lemay (Michel): Peut-être, dans un premier temps, je vous donnerais peut-être un exemple. Vous savez, il y a des stationnements de réservés aux personnes handicapées. S'il n'y avait pas d'amende pour ces stationnements-là, ce serait encore pire que qu'est-ce que c'est maintenant. Déjà qu'il y a une amélioration, il y a encore... mais le fait qu'il y ait un moyen coercitif, je pense que ça amène les gens à réfléchir. Ce n'est pas nécessairement mauvais en partant. Dans un premier temps, je vous dirais un peu ça, c'est...

Puis je pense qu'il faut aussi les peser, ces choses-là. Mais, nous, on croit très fort que ça prend un énoncé de droits si on veut que tous les établissements ou organismes puissent vraiment, là, aller dans un sens puis que des... un énoncé de droits qui ne porte pas à interprétation. Pour nous, c'est beaucoup dans cet esprit-là, je pense, qu'on vous demande ça, et puis avec une obligation de résultat. Est-ce qu'il y en a d'autres qui voudraient...

Le Président (M. Copeman): Mme Tremblay, allez-y.

Mme Tremblay (Isabelle): Écoutez, on a suivi les travaux depuis le début de la commission parlementaire et puis on s'aperçoit qu'effectivement vous revenez souvent là-dessus en disant: Qu'est-ce que ça va donner de donner des mesures coercitives? On en a déjà eues dans certaines lois puis ça n'a pas toujours eu les résultats escomptés.

Évidemment, vous dites... vous avez répété que vous favorisez l'éducation des gens et c'est pour ça que vous n'avez pas l'intention de mettre des mesures coercitives dans la loi. Vous savez, ça fait 25 ans qu'on a cette loi, et on a voulu apprendre à la société québécoise à dire le terme «personne handicapée». On aurait aimé, nous, en tant qu'organisme de défense des droits, qu'au moins les parlementaires, les députés, les ministres utilisent cette expression-là, et ce n'est pas le cas, malheureusement. On entend souvent des gens parler dans les médias et dire: les handicapés, les handicapés. Ça fait 25 ans qu'on essaie de faire cette éducation-là qui est simple.

On est arrivés tout à l'heure, on s'est stationnés au H, je pense. Je ne suis pas très bonne, là, dans les édifices, ici, mais on arrive, puis c'est un édifice gouvernemental, le H, c'est une loi du Québec et c'est écrit: «Stationnement pour handicapés». Nous, là, ça nous décourage d'essayer de faire l'éducation de la société québécoise, parce qu'on n'est même pas capables de faire dire aux parlementaires et aux députés... La population, c'est une autre affaire, ils sont censés être moins sensibilisés aux lois, même si nul n'est censé ignorer la loi.

Donc, l'éducation, oui, on y croit effectivement, mais ça a ses limites. Et, dans le respect des droits des personnes, on ne pense pas que ça va tout régler. Puis, vous, on a confiance en vous, vous êtes un ministre qui a une très, très bonne crédibilité. Mais on sait aussi que les gouvernements, ça change, par des remaniements ministériels, puis on a peur que, quand vous ne serez plus là, là, que l'autre ministre, il ne soit pas capable, comme vous, de faire l'éducation des parlementaires et des médias. Alors, sur ce sujet-là, on aimerait ça vous croire, puis on aimerait ça que vous soyez là éternellement, mais... pas trop de contrôle.

Une voix: ...

Mme Tremblay (Isabelle): Non, non, il n'y a rien de personnel là-dedans. Nous, écoutez, ça fait 25 ans qu'on répète les mêmes choses, on essaie, nous aussi, d'éduquer la population et les parlementaires.

J'aimerais revenir aussi. Vous savez, ce n'est pas si épeurant que ça, des mesures coercitives. Il y a en a dans toutes les lois, puis je pense que ça sert à ça, une loi, aussi, là. La loi de l'Ontario oblige le gouvernement à avoir des sites accessibles, puis personne ne s'est levé tant que ça, là, pour respecter ce droit qui est dans le fond fondamental, que les gens reçoivent la même information que tous les citoyens.

Et dans, tantôt, vos remarques préliminaires, vous avez parlé du terme... de la terminologie «inclusion» versus «intégration». Ça, je l'ai entendu souvent aussi dans les échanges que vous avez eus avec les groupes. Nous, là, on demande juste à vous croire quand vous nous dites: Écoutez, j'ai des linguistes, j'ai des sémantistes ? ou je ne sais pas trop comment ils s'appellent ? et j'ai des juristes autour de moi puis vous vous trompez, les organismes de défense des droits, «intégration», c'est plus fort qu'«inclusion». Bien, nous, on demande juste à vous croire. Nous, on suit les courants des grands chercheurs qui nous écrivent des textes puis qui nous disent le contraire, là. On ne sait pas qui a raison. Une opinion juridique en vaut une autre, hein, vous le savez. Mais, dans notre esprit puis dans ce qu'on a lu depuis les dernières années, le terme «inclusion» était plus fort.

Par exemple, les Paralympiques, pour nous, ce n'est pas de l'inclusion. Le fait d'avoir des olympiques six mois après tout le monde, le fait que ce ne soit pas couvert par des médias francophones, que ça intéresse le Québec parce qu'on a une athlète qui gagne des médailles, nous, pour nous, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, de l'inclusion. Nous, ce qu'on voudrait, dans notre tête, une loi inclusive, ce serait que tout le monde est aux Olympiques en même temps, peu importe la condition.

Alors, si, vous, vous nous dites, en tant que ministre, en 2004, en septembre: Écoutez, «intégration» c'est beaucoup plus fort, on demande juste à vous croire puis on vous demanderait, parce que les paroles s'envolent puis les écrits restent, de l'écrire dans la loi: «Définition». Il y a un article «Définition», là? Écrivez qu'est-ce que ça veut dire dans votre esprit actuellement, qu'est-ce que c'est «intégration», puis, nous, on va l'utiliser après parce qu'on va savoir clairement qu'est-ce que c'est puis on n'aura plus de problème d'interprétation. Parce que là on en a un: vous dites quelque chose puis, nous, on dit: Non, ce n'est pas le bon terme. Puis c'est plate de faire des débats de sémantique comme ça. Si on se comprend, bien qu'on l'écrive. Comme vous avez entendu des groupes de défense comme l'AQIS, qui venaient dire: Il y a un problème d'interprétation dans la loi concernant la définition «significatif» et «persistant». Puis, vous, vous dites: Bien non, voyons, la déficience intellectuelle légère, c'est sûr qu'elle est intégrée dans cette définition-là. Mais, quand on arrive au ministère de l'Éducation, ils n'ont pas le même discours.

Donc, je pense que, si c'est clair dans les définitions, bien, après, on n'aura pas à revenir puis à dire à d'autres parlementaires: Aïe, écoutez, nous, on a eu un super ministre, en 2004, qui nous a fait des super modifications à la loi puis qui a écrit qu'est-ce que ça voulait dire; il n'y a pas un tribunal qui a besoin d'interpréter ça, c'est clair.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre, je ferais remarquer simplement à nos invités que, dans le cas des débats à l'Assemblée nationale, nos paroles s'envolent aussi, mais elles restent, parce qu'elles sont transcrites, elles sont disponibles, elles sont écrites. Alors, ce n'est pas tout à fait vrai que, dans le cas des parlementaires en session, que ce soit en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, nos paroles s'envolent uniquement.

Mme Tremblay (Isabelle): ...pour terminer là-dessus, j'ai rarement vu un juriste arriver au tribunal en disant: Voici ce que M. Williams a dit, et c'est le verbatim de l'Assemblée nationale. J'aimerais mieux qu'il l'écrive, vu que c'est le temps d'écrire une loi. C'est juste dans cette optique-là.

Le Président (M. Copeman): On ne partira pas un débat là-dessus, Mme Tremblay, mais, je vous le dis, je suis quand même un député avec un certain nombre d'années d'expérience, que l'intention du législateur est utilisée dans des causes, quand un texte de loi n'est pas assez clair. Alors, il ne faut pas minimiser non plus. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Puis effectivement on ne fera pas de débat interminable de sémantique. Je retiens la dernière chose que vous avez dite: Reprécisons-le, le sens du mot. Je pense que c'est quelque chose qu'on va certainement regarder.

Pour reprendre votre exemple des Paralympiques, moi, je dirais qu'à la rigueur c'est un exemple d'inclusion mais certainement pas un exemple d'intégration. Alors, vous voyez, on est dans la même situation.

Pour ce qui est de vos remarques initiales sur les changements de gouvernements, laissez-moi vous dire que je suis très pénétré du caractère éphémère de ma fonction, et tous les soirs avant de me coucher, je m'en rappelle. Mais, vu qu'on est là pour deux ou trois mandats, n'est-ce pas, chers collègues, on a le temps de s'habituer au caractère relatif de l'éphémérité.

Écoutez, je vais, avant de céder la parole aux gens qui... aux collègues qui sont autour de la table, là, qui veulent échanger avec vous, s'il y avait une chose qui est symbolique de vos revendications... je ne vous demande pas de dire que les autres choses ne sont pas importantes, mais l'aspect de la loi que vous trouvez le plus significatif, dans lequel vous désirez qu'il y ait des changements, est-ce que... si vous pouviez en choisir un, lequel est le plus emblématique, pour vous, de ce que vous voulez?

Mme Tremblay (Isabelle): L'énoncé de droits.

M. Couillard: L'énoncé de droits?

Mme Tremblay (Isabelle): Écoutez, on ne peut pas avoir une loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées sans nommer ces droits-là. Si on fait un parallèle avec les chartes, la Charte des droits et libertés, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la canadienne et la québécoise, ce sont des chartes qui parlent des droits des personnes, et qu'est-ce qu'on fait dans ces chartes-là? Dans chaque article, on parle des droits et on les nomme: Toute personne a droit à la vie, à la dignité, bon, etc. Alors, nous, on ne comprend pas comment une loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées peut ne pas avoir une liste de ces droits-là qui doivent être respectés.

n(14 h 40)n

Alors, pour nous, si on avait... D'ailleurs, ça ressemble à un de nos premiers arguments: il faut absolument que ces droits soient nommés pour que les gens sachent de quoi on parle. Et c'est le reproche qu'on faisait aussi au projet de loi, de trop parler de l'office. On aurait pu faire ça par règlement, hein, ça aurait comme allégé le texte. On aurait parlé juste des droits: quels sont ces droits, comment on les applique et les obligations de chacun. Mais effectivement, si on ne nomme pas les droits... Puis on vous a aidés, on a fait un petit exercice d'écriture, là, pour vous inspirer. Et on l'a dit aussi, lors de notre passage à la commission pour le projet de loi n° 155, on ne peut pas parler d'une loi sur un exercice des droits si on ne nomme pas ces droits-là.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux... Mme Lamirande, est-ce que vous voulez réagir immédiatement?

Mme Lamirande (Cyd): Peut-être juste en complément de l'intervention d'Isabelle.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Lamirande (Cyd): C'est que d'ailleurs, dans l'avis juridique, c'est un des principaux constats de Me Côté, l'absence d'énoncé de droits. Et je me permettrai aussi de vous dire qu'on parle de droits fondamentaux. À part... égale, en 1984, parlait «sans discrimination ni privilèges». En aucun moment, dans le mémoire de l'AQRIPH, on ne parle de privilèges. On parle de droits fondamentaux des personnes.

Je vous donnerai juste un petit exemple. Est-ce qu'un parent... Moi, lorsque mon fils est entré à l'école, je n'ai pas eu à me battre pour dire: Il a le droit d'aller à l'école. Mais encore aujourd'hui, en 2004, il y a des parents qui doivent se battre et se battre pour qu'on intègre leur enfant à l'école. Pour moi, c'est un droit fondamental et ça fait partie... je n'appellerais peut-être pas ça une mesure coercitive, mais un respect fondamental de la dignité humaine et du droit des personnes. Et ça, c'est le plus bel exemple. Comment il se fait qu'en 2004 des parents doivent encore se battre pour que leur enfant aille à l'école au même titre que tous les autres enfants, même si la Loi sur l'instruction publique dit qu'il y a une obligation de fréquentation scolaire jusqu'à 16 ans?

Le Président (M. Copeman): Mme Gagnon et, après, M. Lévesque.

Mme Gagnon (Francine): Oui. Je voulais revenir, parce que vous parliez, M. le ministre, de besoin de sensibiliser et d'éduquer la population. Je vous rappellerai que, depuis 25 ans, c'est ce que le milieu associatif fait et c'est ce que l'office fait aussi, et on a encore des piètres résultats de tout ça. Donc, moi, juste à la lueur de ça, je trouve que ça mérite d'avoir une loi avec beaucoup plus de force.

Jusqu'où peut aller la coercition? Je ne le sais pas. Mais je vous donne un exemple. Au Québec, je pense que tout le monde a toujours su que conduire en état d'ébriété, c'est dangereux. Mais, tant qu'on n'a pas eu une loi forte qui l'interdisait avec des sanctions sévères, on n'a pas vu de résultats de sensibilisation. Ça a été pareil pour le port de ceinture de sécurité.

Donc, je pense qu'il y a certains éléments dans la loi qui mériteraient d'être plus encadrés, plus balisés, plus... en tout cas, qu'il y ait des clauses d'impact et des sanctions, là, pour certaines choses, sans que la loi soit un énoncé, là, de règlements et de sanctions, là, qui vont avec, là. Mais je pense qu'elle peut avoir beaucoup plus de force.

Le Président (M. Copeman): M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Tantôt, M. le ministre a posé une question... le plus important pour... handicapée... la même chose que tout le monde... Il n'y a pas quelque chose qui est plus importante que d'autres... il faut fonctionner dans la société. Et il faut que nos élus comprennent qu'il faut que l'ensemble des services soient accessibles aux personnes handicapées... qu'il y a des priorités... Mais ça, on l'a entendu souvent... Ce n'est pas facile à dire, Isabelle, elle va comprendre. Parce qu'il faut continuer à sensibiliser. Mais, s'il n'y a pas de moyens coercitifs, on va attendre longtemps puis on va peut-être mourir avant d'avoir les résultats. Et moi... Je vais arrêter là parce que...

Le Président (M. Copeman): ...faites bien. Allez-y, Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, tantôt, M. le ministre a posé une question: C'est quoi, le plus important pour vous? Moi, comme personne handicapée, il faut comprendre que la personne handicapée vit la même chose que tout le monde. On a une vie à vivre, il faut la vivre en fonction qu'on soit tous ensemble et que la transversalité s'applique dans les ministères pour les personnes handicapées. Il y a des priorités qui sont faites par le gouvernement, et on nous parle souvent des limites financières; on l'a entendue souvent, celle-là. Mais il faut que les élus comprennent que la transversalité, c'est important. Il faut continuer à sensibiliser, mais, si on n'a pas de moyens coercitifs, les résultats ne seront pas concrets, puis je vais peut-être mourir en attente des résultats parce que là, moi, je suis vieux.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, merci, M. le Président et merci à vous, M. Lemay et aux gens qui vous accompagnent. Je voudrais d'abord souligner tout de suite... dans votre introduction, M. Lévesque, vous avez signifié au ministre, là, le fait qu'il avait rapidement répondu à un engagement en présentant un projet de loi. Et je voudrais vous assurer que ça vient du ministre, du ministère, mais aussi de tous les parlementaires des deux côtés de la Chambre. Et ce qu'on veut faire, et je pense que vous l'avez bien senti, c'est de le faire sans partisanerie pour qu'on puisse aider le plus vite possible les personnes handicapées.

Moi, j'aimerais revenir sur votre priorité, que vous nous dites priorité numéro un, qui est l'énoncé de droits. Je voudrais... et je trouve votre idée sûrement des plus intéressantes, mais j'aimerais aussi comprendre, et vous l'indiquiez ici tout de suite, à la page 18: «Les droits des personnes handicapées sont évidemment, comme pour toute autre personne, définis par la Charte des droits et libertés de la personne.» Ce sont les droits de toute personne. Puis vous ajoutez: «En pratique, cela n'est pas suffisant.»

Alors, la question que je vous poserais, c'est: Est-ce qu'on n'est pas en train soit de dédoubler la Charte des droits des personnes ou est-ce qu'on ne devrait pas, plutôt qu'amender la loi, faire une modification à la Charte des personnes, pour vraiment atteindre l'objectif commun que nous avons tous, là, qui est de faire reconnaître les droits fondamentaux des personnes handicapées?

Mme Tremblay (Isabelle): Nous, que ce soit dans la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées ou que ce soit dans la charte ? puis je plaide souvent la même chose quand je viens en commission parlementaire ? nous, on ne s'enfarge pas dans les titres, ce qui est important pour nous, c'est la finalité.

Alors, peut-être aussi qu'on n'aurait plus besoin de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées si tout était dans la Charte. Bon, la Charte s'applique pour tous les droits, mais ce n'est pas tout le monde, dans notre société, qui a besoin d'un droit à la compensation équitable, qui a besoin de services qui vont favoriser son inclusion sociale, à l'accommodement raisonnable. Quand on demande des documents en braille, ce n'est pas tout le monde qui en a besoin, là. Alors, ce sont des droits particuliers qui doivent être reconnus. Qu'on le fasse dans la Charte ou qu'on le fasse dans une loi particulière, pour nous, ça va avoir le même impact. Ce qui est important, c'est qu'il y ait une force de loi et puis qu'on reconnaisse ces droits-là.

Mais, si vous voulez proposer... Au début, vous dites ça quand vous changez des lois, là: Ça va avoir un impact sur telle loi, telle loi. Nous, on n'a pas de problème avec ça, là. Ce qui est important, c'est la finalité, que ces droits-là soient reconnus. Puis, ce n'est pas de ségréguer certains droits, c'est de les reconnaître parce que ce sont des droits particuliers à certaines personnes.

Et puis tantôt, là, je voudrais revenir sur quelque chose que vous avez dit, que, oui, on a été surpris de la rapidité à laquelle est sorti ce projet de loi. Ça n'a pas été évident non plus de faire notre consultation de nos regroupements pendant l'été. Heureusement, on avait étudié le projet de loi n° 155, il y a 18 mois, donc on avait fait un travail, là, d'exploration de terrain, puis c'est encore actuel, qu'est-ce qu'on dit.

Mais vous dites: Tous les parlementaires sont sensibilisés et puis ils sont là pour peut-être accélérer le processus. On le sait, que tous les parlementaires sont là, on en a eu la preuve, c'est qu'on a entendu que certains ministres pensaient que l'AQRIPH était fâchée. On lit vos communiqués de presse, l'AQRIPH, on lit vos mémoires, on lit vos interventions publiques, vos lettres ouvertes dans Le Devoir de ce matin ou quoi que ce soit et puis... Bien, là, notre ministre, il pense que vous êtes fâchés. Mais non, on ne parle pas de vous, on parle des autres, on dit...

Effectivement, qu'on entend dire... Quand vous dites que tous les parlementaires sont impliqués dans le processus, on le croit, parce qu'on s'est dit: Ah! regarde donc, il y a d'autres ministres qui s'intéressent à notre loi. Mais vous voyez aujourd'hui... Des fois, on lit quelque chose, mais c'est toujours mieux d'avoir les gens. Ça sert à ça, les commissions parlementaires. On n'est pas fâchés, là, pas du tout.

n(14 h 50)n

M. Couillard: Ceux qui me connaissent savent que je ne me fâche jamais, madame.

Le Président (M. Copeman): Ou plutôt rarement. Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): Peut-être en complément de ce qu'Isabelle a amené par rapport à la question de M. le député, c'est... Au fond, les droits fondamentaux de tout individu sont les mêmes. O.K.? Mais Isabelle a donné des exemples, et, nous, ce qu'on déplore, c'est que, malgré qu'il y ait une charte des droits, il y a encore des personnes, en 2004, qui ne sont pas capables d'entrer dans un édifice parce que ce n'est pas accessible.

Et je ne parle pas de commerces privés, je ne parle pas de magasins de vêtements. Je trouve tout à fait inadmissible qu'en 2004, dans une société dite évoluée comme la nôtre, des gens soient encore obligés de se battre pour pouvoir rentrer au bureau de poste, à la pharmacie ou pour aller faire leur épicerie. Ces droits-là, les droits à l'égalité et toute la panoplie qui sont inscrits dans les chartes ne disent pas que tout le monde a le droit de faire son épicerie avec les accommodements raisonnables. Nous, ce qu'on dit, c'est que les droits doivent faire en sorte qu'on donne aux personnes qui vivent avec des limitations fonctionnelles les moyens d'avoir une participation sociale active, comme M., Mme Tout-le-monde, et ce n'est malheureusement pas encore le cas.

Quand M. le ministre parlait précédemment de restrictions budgétaires, tout le monde doit composer avec ça, je le conçois. Je vois mal, par exemple, qu'on pourrait dire à un parent d'un enfant dit normal ? et je le mets entre guillemets ? qu'on ne peut pas intégrer son enfant à l'école parce qu'il n'y a pas d'argent pour le faire. Ça, on ne le ferait pas. Par contre, on le dit à des parents d'enfants qui sont handicapés: On ne peut pas intégrer votre enfant parce qu'on n'a pas les ressources nécessaires pour le faire. Moi, je n'aurais pas accepté qu'on me dise ça, comme parent de mon enfant, qu'on ne peut pas intégrer mon enfant parce qu'il n'y a pas d'argent. C'est un droit fondamental. Mais ce qu'on déplore, nous, c'est que c'est tributaire de ressources.

Ce qu'on dit au gouvernement, c'est: Écoutez, on est conscients des limites budgétaires de l'appareil gouvernemental, ça, je pense que tout le monde en est conscient. Cependant, je pense qu'il y a des mesures qui peuvent être prises. Il y a à la base, je pense, de la bonne foi et du bon sens qui peuvent faire en sorte qu'on puisse permettre aux personnes handicapées de pouvoir participer comme tout le monde.

On a trop souvent une conception erronée qu'intégrer une personne handicapée ça coûte cher. Je vous donne l'exemple d'un dépanneur: faire une rampe d'accès ou faire un escalier, ça coûte à peu près le même prix. Et ce n'est pas juste pour les personnes en fauteuil, ça va être très bon pour une maman qui promène son bébé dans une poussette. Donc, on a une conception que les personnes handicapées, c'est toujours plus, ce qu'ils veulent. Ce n'est pas le cas.

L'éducation, on en fait. On l'a dit précédemment, ça fait 25 ans et plus qu'on défend les droits des personnes handicapées. Je pense qu'on est rendu à une étape ultérieure. La sensibilisation, le travail qu'elle devait faire, elle l'a fait. On a vu les résultats: ce n'est pas concret, ce n'est pas concluant. Il faut passer à autre chose. Et ce autre chose là, Francine l'a dit, dans d'autres lois, il y a des mesures coercitives et il n'y a personne qui est tombé en bas de sa chaise. Donc, c'est ça qu'il faut faire dans cette loi-là aussi.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard: Merci, M. le Président. M. Lemay, bonjour. Mesdames, messieurs qui vous accompagnent. Merci beaucoup d'avoir fait référence à des cas concrets, à ce que vivent quotidiennement des personnes handicapées au Québec.

On a parlé beaucoup d'éducation, d'information. Puis je vais être d'accord avec vous, ça fait de nombreuses années qu'on informe, qu'on éduque les gens, et ce que je me rends compte, moi, comme nouvelle parlementaire, mais je m'en rendais compte auparavant, c'est que la cause des personnes handicapées n'a pas avancé. Il y a eu quelques améliorations, on voit des édifices publics, des fois des commerces privés où il y a des rampes d'accès, on voit un peu plus de stationnements réservés aux personnes handicapées, mais ça n'a pas amélioré pour autant votre quotidien à tous les jours. Et je crois sincèrement que tous ici, les parlementaires, puis ça, peu importe de quel côté on se trouve puis au-delà de nos allégeances politiques, on a tous à coeur d'améliorer notre société, et les personnes handicapées sont inclues, sont intégrées à notre société.

Je crois que, dans le projet de loi qu'on va débattre prochainement article par article, il faudrait qu'il y ait des mesures coercitives. Il ne faut pas juste éduquer. Vous l'avez vu, moi, je l'ai vu aussi, je l'ai vu dans mon milieu, comment c'est difficile pour une personne vivant avec un handicap de faire face, au quotidien, à des obstacles. Et ça peut nous arriver à nous tous qui sommes ici. On peut avoir un accident, on peut se retrouver avec une section de la moelle épinière et être en fauteuil roulant. Comment je me rendrais au travail, si j'étais concierge, si j'étais secrétaire? C'est tout ça que vous vivez au quotidien. Et je dois dire que je vous trouve très bons, très bons et très bonnes, vous tous qui êtes ici.

Mais, vous savez, même si on est des parlementaires, on ne peut pas tout changer du jour au lendemain, mais il faut faire un pas en avant avec ce projet de loi là. Ça, absolument, moi, je pense qu'on a une chance aujourd'hui, là, puis dans les jours qui vont venir, de changer un peu les choses. L'histoire de la petite fille sur le bateau, là, ça ne changera rien, là, pour elle, si le projet de loi est adopté tel quel; il va encore y avoir de la discrimination.

Il y a des articles où on parle beaucoup d'informer, d'éduquer. On a une clause dont vous n'avez pas fait référence, il y a une clause qui, selon moi, est fondamentale aussi dans le projet de loi, c'est l'article 1.3, où on met une clause limitative à tout organisme, à toute municipalité qui pourrait, pour manque de ressources humaines, manque de ressources financières, dire: Bien, moi, je ne peux pas.

Et pourtant, au Québec, on est innovateur dans beaucoup de domaines. Puis j'ai aimé l'exemple que vous avez donné sur l'alcool au volant. Écoutez, là, il y a 20 ans, tu prenais quelques verres de vin, puis tu t'en allais avec ton auto, puis, comme diraient les jeunes, il n'y avait rien là. Là, aujourd'hui, là, écoute, tu peux faire de la prison; c'est dangereux, là. Parce qu'il y a eu des mesures qui ont été mises en place, qui disent: Si tu fais telle chose, il va y avoir une sanction. C'est sûr que ça a évolué, puis même nous, les mamans, on n'aime plus sanctionner les enfants. C'est rendu que, la fessée, écoutez, là, tu vas peut-être te ramasser devant la DPJ. Mais il faut qu'il y ait des mesures coercitives qui soient mises en place, parce qu'on ne peut pas toujours informer puis éduquer, en quelque part, quand ça ne marche pas, surtout quand il y a des millions de personnes. Vous êtes un million quelques de personnes handicapées au Québec, là. Il faut absolument qu'on réussisse à changer les choses.

Et, moi, je suis convaincue qu'on ne pourra pas tout changer demain matin, dans les jours qui vont suivre, mais ce qui sera possible de faire... Et c'est comme ça, moi, que j'aborde cette commission-là. C'est mon premier projet de loi que je défends, puis c'est au-delà de toute partisanerie, ça, soyez-en assurés, je me dis: Si, nous, on n'est pas capables de changer les choses, qui va le faire? On dit tout le temps: C'est la machine, c'est le système. C'est qui, le système, là, puis c'est qui, la machine, si ce n'est pas nous autres? Moi, je pense qu'on est capables. Puis il va falloir le faire, parce que ce projet de loi là, il va être adopté, là, pour des années et des années. Je voudrais vous entendre sur... J'ai quelques questionnements puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Oui?

n(15 heures)n

Mme Tremblay (Isabelle): ...peut réagir déjà. On se fie sur vous, hein, lors de l'étude article par article. Vous avez un rôle aussi à jouer. Vous parlez beaucoup d'informer et éduquer. Nous, on aurait aimé que le projet de loi, il soit innovateur. On aurait aimé être encore une fois, le Québec, un modèle pour d'autres pays parce qu'on l'a été à quelques reprises.

Si on fait un parallèle avec la Loi sur les normes du travail et le harcèlement psychologique, c'est donc plaisant de lire les journaux et puis de regarder dans les médias que le Québec peut être un modèle pour d'autres pays. On aurait aimé ça que, pour la cause des personnes handicapées, le Québec soit aussi un modèle, parce qu'on sait qu'on n'est pas un des pires pays pour les personnes handicapées, mais on n'a pas décelé ça.

Concernant l'article 1.3, quand je l'ai lu, et je l'ai relu, et je regardais les contraintes financières, je me disais: Bon, si, moi, on m'écrit: Isabelle, dans ta vie, tu vas favoriser ton inscription à un cours de golf en mesure de tes capacités financières... Je n'aime pas ça, le golf, moi. Moi, tirer sur une petite boule quand on me dit: Tire par là, mais le trou est à gauche, je n'aime pas ça. Bien, avant de favoriser ça, là, chez nous, là, le jeu de golf, là, je vais m'inscrire au théâtre, je vais m'inscrire aux Grands Explorateurs, puis quand je vais arriver là, je vais dire: Ah merde! ce n'est pas encore cette année ? excusez le gros mot, c'est le golf qui me fait ça ? ce n'est pas encore cette année que je vais jouer au golf. Alors, c'est sûr que ça prend des moyens coercitifs dans la loi. Favorisez mon inscription... Si vous m'obligez, bien je vais peut-être finir par aimer ça puis...

Est-ce que je peux vous éduquer un petit peu aujourd'hui? Est-ce que je peux me permettre? Parce que, nous, on est venus en commission parlementaire à quelques reprises, quand Pierre-Yves était président, et je me souviens que, vers les années 2000, on était arrivés ? Pierre-Yves était en fauteuil ? par la porte 5. On nous avait dit: Entrez par la porte 5, c'est la porte accessible aux fauteuils roulants. Et ici, bon, on nous dit: C'est la maison du peuple ? j'aime ça faire de l'éducation, je vais en faire aussi, on va bien s'entendre là-dessus. Alors là, on arrive à la porte 5, et l'agent de sécurité qui est là pour nous recevoir nous dit: Ah, bien là, par exemple, les stationnements... On peut bien vous ouvrir la porte, puis vous avez une rampe, mais les stationnements pour personnes handicapées sont au G. Ça fait que vous allez vous stationner au G, puis il n'y en a pas ici. Ça, c'est pour nos parlementaires, nos députés. Les noms sont presque écrits. Alors là, on a dit: Ça n'a pas d'allure.

Donc, Pierre-Yves avait dit, en commission parlementaire... C'est Mme Harel qui était là à l'époque. Aïe, là, ça s'était levé. On l'avait dénoncé, que ça n'avait pas de bon sens d'avoir une entrée accessible, au parlement, mais pas de stationnement à côté. On a eu la réponse à ça, mais ils ont mis les stationnements à la porte 7, mais on rentre encore par la porte 5. Mais là vous avez des camions, puis tout ça. Bien là je vous éduque puis je n'haïs pas ça non plus, éduquer les parlementaires. Bien, vous pourriez mettre les stationnements proche de la porte parce que c'est plus pratique pour les personnes qui accompagnent les personnes handicapées ou celles qui sont en fauteuil. Parce que ce n'est pas... Il y a des personnes qui sont en fauteuil qui conduisent leur véhicule. Donc, ils peuvent arriver à côté de la porte, mais il faut qu'ils aillent stationner leur véhicule là-bas puis s'en venir en fauteuil.

Si je peux avoir réussi ça en tout cas, c'est déjà un petit pas. Puis on se comprend sur l'éducation. Ça peut avoir des résultats. On va voir. On en a eu, là, avec Mme Harel, mais c'était un peu bizarre parce que le stationnement n'était pas à côté de la bonne porte. Là, c'est cinq, sept, 30, là. Mêlez-vous pas, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Richard: Merci de nous avoir éduqués de nouveau. On peut faire ça à la blague, mais ce que je me rends compte... Vous avez donné un exemple frappant combien des fois ce n'est pas juste une question financière. Oui, il y a une question financière, mais souvent c'est une question, à différents organismes, ou ministères, ou peu importe, de concertation et de penser... Si on avait cette pensée-là, si on était... s'il y avait des moyens de mis en place pour dire: Il faut penser aux personnes handicapées, là, qui vont venir, bon... Notre lieu public, à l'Assemblée nationale... On ne peut pas stationner à une porte puis... porte 5 puis entrer à la porte 6 ou vice versa, là. Souvent, c'est des mesures comme ça qui malheureusement font défaut dans la société.

J'aimerais vous entendre parler sur... On a parlé beaucoup de compensation pour les personnes handicapées. Quel serait selon vous le meilleur modèle pour une compensation équitable?

Mme Tremblay (Isabelle): ...la décision du Conseil des ministres. On a juste à faire copier-coller. Je ne sais pas si, à l'époque, il y avait des ordinateurs en 1988? On n'a qu'à reprendre le texte de la décision du Conseil des ministres et puis la mettre comme un article de loi. Nous, c'est ce qu'on demande dans notre mémoire: de reconnaître le principe de la compensation des limitations pour les personnes.

Parce que, vous savez, nous, on défend les droits des personnes handicapées mais on a deux catégories de personnes handicapées au Québec. On a celles qui sont sous des régimes assurantiels, qui sont devenues handicapées et qui bénéficient de ces régimes-là, qui sont la CSST et l'assurance automobile, où il n'y en a pas, de liste d'attente, là, pour le programme d'adaptation de domicile. Il n'y en a pas non plus pour ton véhicule. Mais quelqu'un qui naît handicapé ou qui le devient suite à une maladie, bien ça prend une compensation, et ça, c'est une question de société. Alors, tant que ce ne sera pas écrit dans une loi...

On l'a vu, qu'est-ce que ça a donné, la décision de 1988. M. Séguin a mis de l'argent dans le programme PAD parce qu'il avait sauté pas mal quand on s'est présentés aux consultations prébudgétaires et puis qu'on lui a dit: Écoutez, on va vous parler de trois dossiers aujourd'hui. On se reverra plus tard, là, parce que des budgets, il y en a chaque année. Et on lui avait dit qu'il y avait un délai d'attente de neuf ans pour le Programme d'adaptation de domicile. Il a mis de l'argent dans le programme. Sauf que là on dit aux personnes qui ont un revenu de 23 000 $ et plus: Bien, vous allez payer selon vos revenus. Et le principe de la compensation est complètement bafoué, là, dans un cas comme ça. Parce qu'une personne qui naît handicapée ou qui le devient, bien c'était ça, le principe de la compensation des limitations. C'était que tu n'as pas à pallier pour combler ta déficience. C'est la société qui doit assumer ça. Et ce n'est pas toujours facile de représenter les catégories de personnes handicapées parce qu'elles n'ont pas du tout, du tout les mêmes services.

Le Président (M. Copeman): Il y a M. Gascon, Mme Lamirande et M. Lévesque qui aimeraient ajouter quelque chose. Alors, allez-y, M. Gascon.

M. Gascon (Yves): O.K. La question de la compensation équitable, ce n'est pas une affaire qui va se régler du jour au lendemain, là. Par contre, si on adoptait une attitude de regarder les besoins spécifiques des personnes handicapées et des familles qui les supportent, je pense qu'on ferait un bon pas en avant. Depuis 25 ans... bien, il y a 25 ans, quand on a eu notre première loi, c'est vrai, c'est une loi qui intégrait des personnes qui n'étaient pas dans la société, hein? On a mis en place différentes mesures qui ont fait qu'à la longue, de mieux en mieux, on a réussi à intégrer... Aujourd'hui, on revendique l'inclusion. On ne veut pas juste l'intégration, là, on veut être considérés a priori. Pour toute nouvelle loi, pour toute nouvelle mesure ou n'importe quoi, il y a des besoins spécifiques aux personnes handicapées. C'est ça qu'on veut faire reconnaître dans cette loi-là, dans notre nouvelle loi qu'on va peut-être vivre encore un autre 25 ans avec.

Alors, à ce chapitre-là, il y aurait lieu de regarder qu'est-ce qui se passe dans la société québécoise présentement. C'est que les 25 ans d'expérimentation... Grâce, entre autres, aux travaux de l'OPHQ, avec les mesures qu'ils ont soutenues et les expérimentations, les nouveaux programmes pour les personnes handicapées, on se retrouve avec peut-être une petite longueur d'avance pour les besoins des personnes aînées. Mais c'est un danger, ça. Ce qu'on vit aujourd'hui, c'est que ce qui a été développé pour les personnes handicapées est de plus en plus utilisé par notre population vieillissante, donc moins d'espace encore une fois pour les personnes handicapées. Puis c'est pour ça, la loi. C'est ça qu'on a besoin.

On a besoin d'une loi pour protéger des personnes qui vont se faire tasser plus facilement que d'autres parce qu'ils n'ont pas le même background social que les personnes qui arrivent à un certain âge, qui sont capables de se défendre parce qu'ils ont eu un vécu social, eux autres, tandis que, nous autres, nos personnes sont exclues en partant, à l'école, dans les garderies. C'est pour ça qu'on parle de coercition aussi. Ça fait que je vous laisse là-dessus, mais c'est un fait réel que les services aux personnes handicapées sont dilués, depuis une dizaine d'années, dans la population en général. On regarde les budgets en maintien à domicile, entre autres. À chaque année, la part réservée aux personnes handicapées diminue, celle aux personnes âgées augmente. C'est normal parce que... Mais c'est qui qui en paie les frais? Alors, on a besoin d'une loi qui a des dents. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): Deux éléments. Le premier, en complément de ce qu'Yves vient de dire, puis là je vais vous parler d'un cas concret. Dans le réseau de la santé, il y peut-être sept ou huit ans, la régie régionale à l'époque avait dû intervenir auprès d'un CLSC parce qu'il voulait faire une ponction d'à peu près 50 % de l'enveloppe «maintien à domicile-personnes handicapées» pour la transférer «personnes âgées» parce qu'il manquait d'argent. Quand on parle de personnes qui ne peuvent pas se défendre, qui n'ont peut-être pas le volume ou la masse nécessaire pour arriver à faire respecter leurs droits, c'est dans des cas comme ça, c'est des choses comme ça qui arrivent. Là, on parlait, parce que des personnes âgées parlaient plus fort, de limiter l'accès au maintien à domicile des personnes handicapées en faisant une ponction dans ce budget-là. Et ça je vous parle d'un cas concret où une régie régionale a dû intervenir auprès d'un directeur de CLSC. Si on n'avait pas gueulé, parce qu'il faut toujours gueuler pour avoir quelque chose, il y a des personnes handicapées qui se seraient retrouvées, d'une année financière qu'on parle 1er avril-31 mars, à partir du 1er octobre jusqu'au 31 mars suivant, pas une cenne au maintien à domicile parce qu'un directeur avait décidé que les personnes âgées en avaient besoin. Ça, c'est un cas concret, O.K.?

Donc, quand on vous dit qu'on doit se battre, on doit même se battre par rapport à des budgets dédiés, où il y a des petites passes administratives qui font qu'on en a besoin plus dans un programme que dans un autre. C'est tout à fait inadmissible, aujourd'hui, que des personnes dont les droits fondamentaux devraient être respectés, qu'on ait encore à se battre pour des cas comme ça.

n(15 h 10)n

Quand Mme la députée parlait tantôt: Qu'est-ce qu'on devrait faire, quel système on devrait mettre en place?, je pense qu'Isabelle a amené des éléments au niveau de la comparaison avec les régimes assurantiels. Je pense que c'est vrai qu'il y a deux catégories de personnes handicapées au Québec. Mais ce qu'on déplore beaucoup aussi, c'est le manque de cohérence dans les décisions ministérielles. Prenons le haut de l'échelle: un ministère. Prenez le cas de l'accessibilité, les normes au niveau des nouveaux édifices construits après 1976. C'est une belle directive. Mais allez voir dans les municipalités, ceux qui donnent les permis, qui surveillent les chantiers de construction, voir si c'est accessible. C'est ce que j'appelle de l'incohérence. En haut, on émet des directives, on édicte des règlements, mais on ne prend pas les mesures nécessaires pour s'assurer qu'à la base ce soit respecté.

C'est la même chose au niveau scolaire. Il y a des énoncés, dans le plan d'action d'intégration scolaire, au niveau du ministère de l'Éducation. Cependant, l'autonomie des commissions scolaires et la... appelons ça la nébulosité sur l'utilisation des budgets font en sorte qu'on ne sait pas vraiment si l'argent se rend jusqu'aux élèves, en bas. Et il y aurait plein de ministères où on pourrait amener cette incohérence-là.

Donc, qu'on parle de compensation, qu'on parle de sous, d'une part je pense qu'on doit avoir cette cohérence-là pour que les gens puissent avoir ce à quoi ils ont droit. Parce que, si, en plus, ce à quoi ils ont droit, ils ne l'ont pas, là on est vraiment mal pris. Et, si on parle de compensation, on parle de dire à une personne: Écoute, t'es devenue handicapée... Et, Mme la députée l'a très bien dit, ça peut être notre cas, à plein de monde, ici, demain matin. Est-ce que, nous aussi, on va avoir à se battre pour avoir du maintien à domicile si on n'est pas sur un régime assurantiel? Qu'est-ce qu'on va dire à ces personnes-là? Vous êtes des citoyens de deuxième catégorie parce que vous ne participez pas à un régime cotisé? On tient compte de votre revenu pour faire adapter votre domicile?

Moi, il y a une personne que j'ai aidée par rapport à la Société d'habitation du Québec. La personne avait des limitations qui faisaient en sorte qu'elle devait faire adapter son domicile. On lui a donné le choix: Ou bien on adapte pour que tu montes à ta chambre ou bien on adapte pour que tu descendes à ton poêle à bois au sous-sol. Choisis. La personne a dit: Bien, je vais peut-être choisir d'aller à ma chambre, hein? Donc, qui de nous accepterait, demain matin, de se faire dire: Bon, tu choisis quel étage de ta maison où tu veux aller ou encore t'attends neuf ans pour pouvoir prendre ton bain? Je connais une dame qui demeure dans un HLM, O.K.? La dame doit aller prendre son bain chez le voisin, parce qu'elle ne peut pas faire adapter sa salle de bain. Je n'appelle pas ça de la compensation, je n'appelle pas ça le respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Et, des cas comme ça, on pourrait vous en donner à la pelle.

Donc, ce qu'on vous dit aujourd'hui: il faut un projet de loi où il y a des mesures qui vont faire en sorte que les gens n'auront plus à gueuler pour obtenir ce à quoi ils ont droit, qu'il y ait de la cohérence dans l'appareil gouvernemental sur l'application de ces mesures-là et qu'on fasse en sorte qu'en plus d'avoir à se battre quotidiennement avec les limites que la société et que leur environnement leur imposent, les personnes handicapées n'aient pas en plus à se battre contre les décideurs qui devraient normalement les aider.

Le Président (M. Copeman): M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Moi aussi, je... compensation. Pour moi, c'est bien important qu'on comprenne... Tantôt, on a... programme d'aide pour les personnes de 23 000 $ et plus... plus que ça... peu importe ton revenu... le monde dans les... Les personnes handicapées peuvent payer selon... revenus. Le monde... payer comme tout le monde. Non. Une personne... a le choix. Une personne handicapée n'a pas le choix: elle n'a pas le droit... faire faire son ménage. De plus en plus, dans les CLSC, on parle du revenu, et même il y a des CLSC qui demandent... de voir le compte de banque de la personne avant de donner les services qu'elle veut. Et plus ça va, moins... est respecté. Si on s'amuse à sensibiliser le monde sur la compensation, puis si on n'a pas... je ne pense pas que ça va être respecté. J'ai fini.

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, moi, je veux revenir sur la compensation. Pour moi, c'est bien important qu'on comprenne l'obligation d'avoir un article sur la compensation. Au niveau du programme PAD, on a parlé tout à l'heure du fait qu'il y avait des personnes qui devaient payer, quand leurs revenus étaient en haut de 23 000 $, mais il y a plus que ça. En maintien à domicile, peu importe ton revenu, il y a plusieurs CLSC qui vont référer les personnes handicapées aux entreprises d'économie sociale et qui vont alors payer pour des services selon leurs revenus. Une personne qui n'est pas handicapée qui veut embaucher quelqu'un pour faire son ménage, bien c'est son choix. Elle paiera pour le faire. Mais une personne handicapée n'a pas le choix. Dans certains cas, effectivement, elle doit payer. Elle doit avoir les services, là, d'une personne pour faire le ménage, et on l'oblige à payer. De plus en plus, même, les CLSC demandent de voir le compte de banque des personnes avant d'offrir les services. Alors, plus ça va, moins le principe de la compensation est respecté. Si on s'amuse à sensibiliser les gens sur ce principe-là, il n'y aura pas tellement de résultats, d'où l'importance d'avoir des mesures coercitives.

Le Président (M. Copeman): M. Lemay, M. Lévesque, Mme Tremblay, Mme Gagnon, Mme Lamirande, M. Gascon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.

Et j'inviterais la représentante de La Dynamique des handicapés de l'Estrie inc. ? je l'ai dit tel qu'il est écrit, hein ? à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 17)

 

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, chers collègues! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons la représentante de La Dynamique des handicapés de l'Estrie, Mme Bérard. Bonjour. Je vous explique un peu nos règlements de fonctionnement. Vous avez un temps maximum de 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'à peu près 20 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Dès qu'on a un peu d'ordre dans la salle, je vais vous inviter à débuter, pour s'assurer qu'on vous entend. Allez-y, Mme Bérard, on vous écoute.

La Dynamique des handicapés
de l'Estrie inc. (DHE)

Mme Bérard (Luce S.): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mmes, MM. les commissaires. Moi, Luce Bérard, je suis la présidente de La Dynamique des handicapés mais aussi une personne handicapée invalide. Dans le passé, j'ai été chercheur scientifique en biologie et, comme j'ai la sclérose en plaque, il y a un temps où on ne peut plus travailler ou les gens pensent qu'on ne peut plus travailler. Dans le cheminement vers l'invalidité, j'ai fait un diplôme en médecine, santé communautaire, et j'ai aussi fait un diplôme de deuxième cycle en éthique, ce qui colore un petit peu mon mémoire.

La Dynamique des handicapés est un organisme sans but lucratif de promotion et de défense de droits. Au 1er septembre, elle entamait sa quinzième année d'existence. Depuis que je suis à la présidence, depuis deux ans, nous avons présenté un mémoire sur la loi n° 155, aussi un mémoire sur la réforme du régime de rentes et quelques mémoires, deux mémoires, au niveau national et de l'agence sur la loi n° 25.

Notre organisme fait connaître les droits principalement par voie de son journal, Le Billet, qui est diffusé dans la MRC de La Haute-Yamaska mais aussi dans les MRC voisines et même, à demande, par abonnement, à l'extérieur.

Pour débuter mon exposé, je vais aller directement au coeur de nos préoccupations. C'est celle de la définition de personne handicapée. Nous trouvons que le législateur a une définition trop restrictive. Nous voulons que cette définition soit inclusive de toutes les formes de handicaps et tous les degrés de sévérité. C'est un non-sens que de ne traiter que des cas sévères. Dans cette loi, on parle entre autres que la définition de personne handicapée va aussi s'adresser à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi. Et, si on ne définit comme personnes handicapées que des cas sévères qui sont destinés ou proches d'arriver à l'invalidité, bien les personnes qui seraient en mesure de profiter du bénéfice pour être intégrées en emploi ne pourront pas l'être. Il faut avoir une définition inclusive.

Et je voudrais aussi briser un mythe à l'effet qu'un handicap léger n'a pas de conséquence. C'est bien au contraire. J'évoque un exemple à l'effet qu'une personne qui avait le bout des doigts brûlés avait pour tâche de classer des factures. Puis, un bon jour, elle n'est pas arrivée à en séparer deux, si bien qu'il y a un fournisseur qui n'a pas été payé, puis là elle a été renvoyée. L'adaptation requise, c'était uniquement des douilles hérisson en caoutchouc pour lui permettre de mieux séparer ses papiers. Ça ne coûte pas cher. Mais, à petites déficiences, petites incapacités, si on n'adapte pas, si on ne reconnaît pas la personne handicapée, peut arriver un grand handicap. C'est souvent ce problème-là qui se pose.

La Commission des droits de la personne prône justement une définition plus inclusive puis elle a peut-être raison de le faire parce que, tant au fédéral et que la commission canadienne, le motif du handicap est le premier motif de plainte. En l'an 2002, il y avait 43 % des plaintes qui étaient pour motif du handicap, alors que les motifs dans la Charte sont très nombreux, peut-être 10 % ou 15 %, puis c'est la même chose au Québec: 27 %, 30 % des plaintes, le premier motif qui est aussi le handicap.

Nous préconisons une définition de personne handicapée où il suffit d'avoir une définition de rencontrer des obstacles dans ses activités propres, dans ses rôles spécifiques, que ce soient personnels, professionnels et sociaux, et que soient adaptés aussi des emplois spécifiques.

Je vais donner des exemples. Par exemple, le cas d'un psychiatre. Un jeune étudiant en médecine qui saute dans la piscine, puis il se casse le cou, puis là il ne peut plus finir sa médecine parce qu'il ne pourra pas faire ses cours de neurologie. Ce monsieur a pu devenir psychiatre. On a consenti à adapter un poste spécifique. Dans mon cas, j'étais chercheur en biologie. C'est assez exigeant parce qu'il faut faire du terrain. J'aurais sans doute pu me retrouver un poste adapté. Mais, non, on exclut. Et la subtilité d'adapter des postes. Aujourd'hui...

Je vais prendre un exemple qui est assez connu. C'est celui du joueur de hockey qui a une dextérité visuospatiale à voir les rondelles extraordinaire. Mais, après le jour où il est rentré dans la bande puis il a eu un traumatisme crânien, il est un petit peu moins bon. C'est à peine mesurable dans un neuro-test, mais, dans la réalité, il n'arrive plus à garder les buts de façon efficace puis il va perdre sa job. On n'aura peut-être pas trop de peine, parce qu'on se dit qu'ils ont des gros salaires. Mais, dans notre région, à nous, on est dans une région industrielle où on est à la recherche de chercheurs spécialisés, où est-ce que l'informatique est importante puis certains éléments de dextérité cognitive pourraient être affectés, ce qui fait que c'est important.

Pour des petites déficiences en apparence, il peut y avoir des grandes conséquences, et d'adapter les postes spécifiques... Dans notre région, souvent on prend des handicapés puis on les envoie sur un poste de commis comptable, comme si on ne pouvait pas accéder à d'autres postes.

n(15 h 30)n

J'ajoute aussi une définition d'aidant naturel de personne handicapée d'une part parce que, pour les prochains 30 ans, ce rôle va être grandement sollicité, et devient un pilier pour notre société, et qu'il est important de le reconnaître, mais aussi parce qu'à l'inverse il peut y avoir des aidants ? et ça se passe dans le milieu privé ? qui abusent, qui violentent, qui exploitent, qui négligent ou qui abandonnent leurs proches handicapés. Je vous donne un exemple théorique, là. Si, au CHSLD Saint-Charles-Borromée, les préposés aux bénéficiaires n'auraient pas été dans l'institution mais auraient été en maison, ils auraient été confondus avec le rôle d'aidant. Le problème, là, d'abus n'aurait pas pu être dénoncé. Puis, quand on regarde uniquement du côté administratif, on se rend compte qu'il y a eu une grande tension au niveau de l'administration de cet établissement pour résoudre le problème. Dans une petite famille, comment est-ce qu'elle va être résout, cette tension?

Là, je vous ai parlé d'un cas théorique. Nous, on a eu à être conscientisés d'un problème où est-ce que c'est qu'une personne âgée handicapée était maltraitée par son enfant, qui la bourrassait, puis que, par bouts de temps, il partait, puis il l'abandonnait. On a fait une plainte au CLSC et, après à peu près un an et demi, la travailleuse sociale s'est pointée pour résoudre le problème. Puis, la conséquence de ceci, c'est que la petite famille, quand elle a su que ses affaires internes étaient connues, ils ont décidé de ne plus avoir d'infirmière qui venait à la maison. Mais on a contribué à isoler encore plus cette personne-là.

Moi, je veux une loi qui définit le rôle d'aidant puis aussi qui nous donne des moyens. L'article 48 de la Charte prévoit de ne pas exploiter les personnes handicapées, mais, dans la pratique, ça ne se passe pas comme ça. Dans votre loi n° 56, à l'article 17, paragraphe a.1, il y a un début de législation sur cet aspect-là. Mais, je vous le dis, ce n'est pas assez puissant. Nous, les organismes de défense de droits, on ne peut pas aller aussi loin que ça.

Le rôle de l'OPHQ nécessairement est défini dans cette loi. On voit des problèmes de coordination: conseil, promotion des droits et évaluation. Je pense que c'est nécessaire, mais j'ai des doutes sur certains articles de la loi, entre autres, le 74.3, 74.4 et 74.5, qui définissent une certaine immunité juridique aux fonctionnaires de l'OPHQ. Je ne vois pas que c'est nécessaire. J'y verrais même un certain conflit entre le rôle du citoyen usager... Je pense que ça va de soi, tout fonctionnaire de bonne foi ne devrait pas être harcelé de procédures juridiques, mais on ne devrait pas non plus créer une immunité juridique à ce point que le citoyen en perd des droits.

J'ai un souci pour éviter le conflit d'intérêts des personnes, avoir un éthicien-conseil pour le conseil d'administration, avoir des éthiciens à la recherche, même des fois quand c'est recherche et développement.

Et j'ai aussi un souci sur l'article 20 de l'ancienne loi. C'est sur la clause de confidentialité. Il faudrait même amender peut-être la Loi sur la fonction publique. J'ai observé, dans ma région pas nécessairement des fonctionnaires de l'OPHQ mais des fonctionnaires du centre local d'emploi qui, eux, documentent des dossiers à l'aide sociale sur des personnes handicapées. À un moment donné, un fonctionnaire quitte, devient ex-fonctionnaire puis devient comme la source de référence, pour ne pas dire de commérages, pour des agents de personnel qui s'informent. Il devrait y avoir une clause de confidentialité après mandat, de sorte qu'un agent, fonctionnaire de l'État, quand il quitte, pour toute considération d'ordre de la santé sur la condition du handicap, ne puisse pas le répéter par la suite puis servir de pool d'information.

J'apprécie que la loi interpelle des partenaires comme les ministères et leurs réseaux, les municipalités, les établissements scolaires et d'éducation supérieure. Nous, dans notre petite région, notre principal lieu de revendication, c'est au niveau municipal. La loi désigne que, pour 50 employés et plus et 20 000 de population, elle s'appliquera. Et, moi, je spécifie ici qu'il faut éviter le piège de la privatisation. On peut avoir une ville qui a 47 employés l'été; l'hiver, elle en aurait 56 pour le déneigement puis, pour éviter d'avoir le plan d'action, passé 50, elle va les mettre à contrat. Moi, je veux que, si les contrats sont donnés pour 10 000 et plus, le personnel du contrat rentre dans leur calcul des effectifs. Je veux aussi que les municipalités comme... ne comprennent pas le sens strict de ville, comprennent aussi le niveau municipalité régionale de comté et même les conférences régionales d'élus, comme elles ont été définies dans la loi n° 34. Il faut que la condition handicapée ne soit pas juste des conditions d'adaptation dans des petites villes de 20 000 et plus puis qu'en dehors le territoire soit non adapté. Il faut que ce soit à la grandeur du territoire, et la loi n° 34 justement nous donne un forum et une porte ouverte de ce côté-là.

Dans notre cas précis, chez nous, dans la ville de Granby, il y a tellement peu de logements abordables adaptés que trois de nos membres ont dû quitter la ville pour aller demeurer à l'extérieur, où les loyers sont plus bas, dans des petits villages de moins de 20 000. Puis, par la suite, quand ils veulent revenir à nos organismes, à nos réunions, ils ne peuvent plus revenir parce qu'ils n'ont plus l'argent pour le transport intercités. Et d'autre part ces petites villes sont moins de 20 000 puis elles ne sont pas adaptées. Ça fait qu'ils ne peuvent quasiment pas sortir de l'endroit où ils sont logés. Je veux que les municipalités aient un plan d'action qui identifie les obstacles mais aussi qu'il y ait des mesures de mise en oeuvre évidentes et que ces mesures soient mises dans des délais raisonnables.

Nous, on rencontre un problème entre le logement et le transport, entre autres nos personnes qui ont dû s'exiler à l'extérieur du territoire de la ville de Granby, qui ne peuvent pas facilement revenir. Mais aussi le transport intercités nous cause des problèmes, en ce sens qu'il dit à un monsieur qui marche en béquilles: On va te prendre, la prochaine fois, à condition que tu aies une chaise roulante. Mais, lui, il ne peut pas rentrer chez eux parce que son logement, il n'est pas adapté. Il y a donc un conflit.

On voit aussi le transporteur, dans un autre cas, qui prenait les gens à partir de la porte patio dans un logement Office municipal d'habitation. Il a dit: Je ne vous prendrai plus par la porte patio. Dorénavant vous irez vous placer sur la rue. Puis pour ça il faut qu'il passe par le portique avant, où il y a trois portes avec des gros pistons. Ces portes sont si puissantes à se refermer que, pour les ouvrir, il faut s'y prendre à deux mains. Mais les personnes qui restent là, deux de ces personnes sont paralysées d'un côté. Elles ont juste une main pour bouger le piton de leur chaise roulante motrice. Ça fait que c'est impossible pour eux de passer par la porte avant. C'est anormal. Il ne suffit pas juste de donner un service horaire, il faut aussi qu'il y ait des prescriptions pour que ce service respecte les adaptations réciproques, entre autres logement ou encore de d'autres natures, pour la personne handicapée.

Je remarque que, dans votre loi n° 56, à l'article 7f, on demande, on prescrit des moyens facilitant la recherche de logis accessibles. Pour nous, là, ce n'est pas assez directif. À quoi ça sert de faire un répertoire des logis accessibles s'il n'y en a pas? La vraie réalité, c'est qu'il faut obliger les municipalités à construire des logis accessibles, et ça presse. Quand on voit l'exode des handicapés, là, on est rendus à la limite où on ne peut plus même se trouver un lieu pour résider.

Un aspect intéressant de la loi, c'est la volonté d'intégrer professionnellement... Moi, j'y vois des obstacles. Entre autres, la définition de personne handicapée n'est pas la même partout. Aux Droits de la personne, dans la loi n° 56, la Loi d'accès à l'égalité, soit elle peut l'être, mais, si on a uniquement les cas sévères, elle n'aura pas de portée. À la CSST, bien souvent, pour les handicaps légers ou moyens, il y a peut-être une tendance à nier, à ne pas donner de physiothérapie puis à développer un handicap plus récurrent, par la suite. Aux Normes du travail aussi, j'ai des doutes sur leur compréhension de ce qu'est le «harcèlement psychologique sur motif du handicap». On entend souvent parler de harcèlement sexuel, mais je ne suis pas sûre que les Droits de la personne comprennent ce qu'est «harcèlement psychologique sur motif du handicap». La loi n° 112 puis la loi n° 57 aussi, qui ont des définitions de personne handicapée, devraient être aussi considérées dans cette loi, pour avoir une harmonisation complète, uniforme dans toutes ces lois.

Un cas particulier qu'on observe chez nous: on a un service externe de main-d'oeuvre pour les personnes handicapées, où ces personnes, qui sont aptes au travail mais qui ont un rythme de travail plus lent, pourront être compensées. La liste d'attente est tellement longue que d'autres personnes handicapées, au lieu d'attendre un an et demi, préfèrent rentrer dans le réseau régulier de placement, vont rentrer dans un poste de travail où le poste ne sera pas adapté. Puis par la suite ils voient qu'ils ne sont pas capables de fonctionner, ils sortent du réseau. Puis il y a comme une boucle en cercle comme ça.

Un autre non-sens qu'on observe, c'est: on a une coop de maintien à domicile, et ces personnes-là embauchent des personnes handicapées légères pour les envoyer travailler chez des grands handicapés en chaise roulante. Une personne handicapée légère qui avait été embauchée par la coop, peut-être sur un programme de subventions salariales, a dit: Moi, j'ai eu des déchirures au dos. Je ne peux pas lever la chaudière d'eau pour laver le plancher. Mais la personne grande handicapée, elle ne peut pas le faire non plus. Ça fait que c'est comme un non-sens, là. L'intégration au travail, ce n'est pas d'envoyer les handicapés travailler chez les handicapés. C'est de permettre aux handicapés d'aller travailler dans des secteurs où il y a un ensemble de travailleurs bien portants et les autres compensent, intègrent cette personne-là, acceptent de partager des tâches.

On a un grand souci d'intégration professionnelle. Sans doute, en arrière-tête, on a un souci d'autonomie financière, mais il faut aussi penser à l'intégration sociale, qui est très valorisante pour les personnes handicapées. Entre autres, rendu à l'âge où on est invalide ou encore quand on est une personne âgée, qu'on le soit avant 65 ans ou qu'on le devienne après 65 ans, c'est important d'avoir des activités pour l'intégration.

n(15 h 40)n

Dans notre groupe communautaire, la plupart de nos membres sont arrivés à cette phase d'invalidité. On a beaucoup de personnes âgées qui ont connu une vie où ils pouvaient fonctionner dans la ville, puis, aujourd'hui, après une amputation, à cause d'une grande maladie, sont un petit peu déconcertées, et ça les rassure de voir qu'on fait des actions pour les soutenir. Entre autres, on les soutient peut-être au niveau de la circulation urbaine, l'intégration dans les loisirs, ainsi de suite, puis même au niveau du réseau de la santé.

Notre groupe communautaire est donc formé d'un C.A., qui est principalement formé de personnes handicapées invalides, ce qui nous donne un drôle de rôle, parce que c'est comme si on était l'usager de l'hôpital puis en même temps le patron. Et il y a certains organismes avec lesquels on se relie, parce qu'on est une entreprise, qui ne comprennent pas tout à fait ça, qu'on ne peut pas se revirer très, très vite, entre autres les Normes du travail puis la CSST, qui nous traitent un petit peu avec rudesse puis pas toujours avec compréhension par rapport à nos limites fonctionnelles.

J'arrive à la même question que les autres ont soulevée. C'est: Cette loi a des énoncés intéressants. Peut-être qu'ils ne sont pas dits de façon assez nette, mais il faut que la loi ait du mordant, qu'elle soit mise en oeuvre de façon efficace. Et là j'ai deux approches, puis les deux approches s'imbriquent l'une dans l'autre. Ce n'est pas l'une qui s'oppose à l'autre, c'est qu'il faut une clause de constat, obligation de résultats. C'est peut-être moins prescriptif qu'une stricte clause juridique qui sanctionne, mais j'ajoute à ceci: Peut-être une base juridique est intéressante, mais, sur ce pilier de base, il faut ajouter des arguments éthiques.

Moi, je suis formée en éthique puis, quand je vais négocier pour résoudre un conflit avec une personne malade ou handicapée, j'utilise des valeurs pour argumenter. Par exemple, au CLSC, je vais prendre le code d'éthique, puis ça me sert d'appui pour arriver, avec l'intervenant, à résoudre. Et je sais que M. le ministre, dans ses entrevues de presse, même dans l'entrevue qu'il a donnée à la revue L'intégration, énonce des belles valeurs dans son discours. On sent en arrière-tête qu'il a déjà été sur un comité d'éthique certainement et on aimerait que, dans la loi, il énonce ces valeurs. Travailler pour changer les attitudes, ça va de soi, et il faut que la loi soit prescriptive à ce niveau.

Nommer les valeurs, c'est comme un début pour changer la culture sociale. Souvent, on emploie le mot «culture» dans le sens de culture artistique puis on emploie aussi le mot «culture» comme culture agricole. Tous ces mots sont communs. Si, moi, je veux faire un jardin puis je sème des carottes puis des betteraves, c'est ma belle intention, mais, si je n'y vais pas durant l'année, puis je ne m'attends pas à avoir une belle récolte, il va pousser des mauvaises herbes. Avoir une gestion de la culture à travers cette loi-là, ce serait intéressant.

Nous, on veut une culture solidaire, inclusive, sans obstacle. Il y a plusieurs groupes communautaires qui l'ont déjà répété, et on voudrait que Mme la ministre Line Beauchamp soit impliquée dans cette loi, qu'elle siège, par exemple, au conseil d'administration de l'OPHQ et qu'elle ait des projets. Entre autres, on a un projet pour les édifices anciens où est-ce que c'est que, à Granby, pour l'église Sainte-Famille, on a investi 1,2 million. De ça, 700 000 $ venaient des deniers de l'État, ministère de la Culture, Programme au patrimoine religieux. Comment on peut accepter que l'argent qui vient de tous les citoyens ne serve qu'à des citoyens bien portants, puisque l'église n'a pas été adaptée? Et 5 % du 1,2 million aurait suffi à avoir un ascenseur. Si le législateur prescrit l'obligation d'adapter pour tout investissement, subvention municipale ou provinciale de 100 000 $ et plus, on l'a résout, notre problème. Ils auraient eu la volonté de faire une levée de fonds pour 5 % de plus, mais, comme ce n'est pas obligé, ils ne l'ont pas fait.

Voilà. Ceci termine mon exposé. Je vais ajouter une dernière conclusion, à savoir: assurer le plein exercice des droits. Si la définition de «personne handicapée» est restrictive, si l'accessibilité des édifices avant 1976 n'est pas assurée, s'il y a des délais d'attente très longs pour adapter les logements, si on ne construit pas de logements adaptés dans des délais raisonnables, s'il y a uniquement les municipalités de 20 000 et plus qui sont avec des plans d'action, et si l'emploi est une quasi-exception parce que la définition de personne handicapée est trop sévère, et si on ne traite que des organismes publics puis qu'on oublie le secteur privé, on n'aura pas le plein exercice des droits, et, dans ce sens-là, le mot «assurer» ne veut pas du tout dire «assurer».

En 25 ans, on a franchi un pas. Là, ça fait 25 ans, puis je pense qu'il faut marcher plus vite que ça. On veut maintenant un grand pas et un pas qui permette à des organismes comme nous de ne pas juste dépenser de l'énergie et de faire du sur-place. Pour avoir de la force pour négocier, il faut avoir une loi qui nous donne la latitude pour le faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Bérard. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Mme Bérard, bienvenue et merci pour votre présentation. Parlons d'abord de la définition. Vous ne serez pas surprise de voir que je diffère un peu d'avis par rapport à ce que vous avez énoncé. Je pense qu'au contraire la définition qui est proposée est assez large et prête beaucoup, justement, à l'interprétation et à la capacité d'élargir la définition de ce qu'est une personne handicapée. Et il n'y a pas le mot «sévère», dans la définition. Il y a les mots «significatif» et «persistant», et vous êtes certainement au fait que «significatif» et «sévère» veulent dire deux choses très différentes, je dirais, dans la jurisprudence et dans la façon dont on entend les mots dans leur sens commun. Un.

Deuxièmement, votre remarque pour le ministère de la Culture, je la trouve intéressante. Vous êtes la première qui vient à la commission... Il y en aura peut-être d'autres, au cours des prochains jours, qui feront cette remarque-là également, et l'exemple que vous avez cité pour la rénovation, avec des deniers publics, d'édifices, je trouve que c'est un point intéressant.

Je vous demanderais de clarifier la question des aidants naturels. J'ai compris à quelle situation vous faisiez allusion, mais je n'ai pas vraiment compris quelle était la finalité de votre argument. Vous ne voulez certainement pas dire qu'il faut tout mettre ce monde-là en institution. Je suis certain que ce n'est pas ça que vous...

Mme Bérard (Luce S.): Non, à ce moment-là, pour l'aidant naturel, je n'ai pas parlé de montant à investir. J'ai plutôt...

M. Couillard: Non, non, je ne parle pas de montant, je parle de définition.

Mme Bérard (Luce S.): De définition. La définition d'aidant naturel d'une personne handicapée, là.

M. Couillard: C'est quoi qu'il faudrait changer? J'essaie de comprendre parce que...

Mme Bérard (Luce S.): Mais il n'y en a pas, il n'y en a pas, de définition, dans la loi présentement. Il faut d'abord en mettre une, et je sais, M. le ministre, que vous allez venir à Granby, le 16 ou le 17 novembre, à un colloque sur les aidants. Peut-être que ça va être le lieu pour la définir.

M. Couillard: Mais... parce que vous racontiez l'histoire de cette famille, là, où...

Mme Bérard (Luce S.): Bien, d'une part, c'est que c'est bien d'avoir une définition. Les finalités, dans mon souci de donner une définition, c'est d'une part de donner la reconnaissance aux aidants qui se dévouent. Puis, vous savez, ces gens-là se dévouent 24 heures par jour puis souvent sans soutien du réseau public, parce que le CLSC, chez nous, il aide peut-être pour 7 % des tâches auprès des personnes en perte d'autonomie de tous âges, là. Ça fait que donner de la reconnaissance puis, deuxièmement, se donner une marge au cas où il y a abus, parce qu'on ne sait pas ce qui se passe dans les milieux privés. Et, nous, là, quand la famille a demandé à ne plus avoir le CLSC à la maison, là, le CLSC, il a dit oui, ça le soulageait; dans le maintien à domicile, il y a tellement d'autres affaires à faire. Il y a une complicité dans le mal, là.

Il faut se donner une latitude pour empêcher l'abus des personnes âgées, puis souvent, là, la culture familiale, c'est une sorte de loi d'omerta. On ne peut pas facilement rentrer là-dedans, même si on voit les personnes handicapées abusées. Des fois, c'est simplement par abandon, mais une personne qui est abandonnée, qui n'est même pas capable de sortir de son lit, c'est comme dire qu'elle n'a pas mangé, qu'elle n'ira pas à la toilette.

M. Couillard: Pour ce qui est du transport, c'est un problème important pour les personnes handicapées, l'accès au transport adapté. Il y a une obligation ici qui est faite aux municipalités d'offrir le transport, de contracter avec une personne morale pour offrir le transport. Plus tôt dans la commission, on a eu des représentations des municipalités, qui souhaitaient que cette responsabilité soit plutôt confiée aux municipalités régionales de comté par rapport aux municipalités. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un progrès, là, qui devrait nous permettre d'améliorer les choses?

Mme Bérard (Luce S.): Certainement. Dans la prescription de la loi, là, on modifie le code des cités et villes et le Code municipal pour avoir le transport intercités puis un transport urbain. Nous, ce qu'on a relaté, là, c'est plutôt des attitudes du transporteur qui dénie l'adaptation du logement parce que, lui, ça fait plus son affaire de passer par tel autre chemin ou des fois de faire attendre des gens sur la rue en hiver. Quand ils sont paralysés, ils ne sentent pas le froid puis ils gèlent, ils ne s'en rendent pas compte. Il faut que... peut-être pas juste prescrire des horaires ou des transports par la municipalité mais aussi donner un souci de qualité dans le service. Là aussi, là, avec mes valeurs éthiques dans la loi, maintenant que c'est prescrit, le transport, je peux aller l'argumenter, mais, si je n'ai pas ça, là, je parle dans le beurre. Comme c'est là, là, on parle avec le transporteur, puis il nous renvoie toujours, puis il nous arrive toujours avec un autre cas où est-ce qu'il fait niaiser une autre personne handicapée.

M. Couillard: On va donc souhaiter que le projet de loi soit rapidement adopté.

La question des édifices construits avant 1976 est importante, puis j'en parlais tantôt. Moi, j'ai essayé de déménager mon bureau de député dans un de ces édifices puis je n'ai pas pu parce que le propriétaire trouvait la construction d'une rampe d'accès inesthétique. Alors, j'ai dû abandonner ce projet-là, mais ça m'a fait doublement plaisir de voir qu'on s'y attaque en demandant d'abord un bilan de ce qu'il y a à faire, dans ce parc immobilier là, et on demande également au ministre concerné de déposer encore une fois un plan d'action. Est-ce que vous pensez que ça va nous aider à faire du progrès dans ce parc d'immeubles?

n(15 h 50)n

Mme Bérard (Luce S.): Eh oui, puis même je peux vous faire une suggestion pour votre plan d'action. Ce qu'on met dans notre mémoire aussi, c'est qu'on a bien du regret que notre église Sainte-Famille ne soit pas adaptée. C'est un bel édifice, là. Il est neuf. Il a tout été refait à neuf dans la brique puis dans le ciment, et on aimerait que la prescription d'adapter soit rétroactive aux cinq ans passés, de sorte que notre église puisse avoir l'obligation d'adapter. Comme c'est là, là, les commentaires que j'ai eus, entre autres des gens sur la fabrique, c'est que, ah, l'État ne paie pas pour ça. Mais il faut arrêter de penser que l'adaptation... Il suffit juste peut-être d'avoir une obligation prescriptive, puis ils l'auraient trouvée, la levée de fonds. Ils ont été capables de trouver 340 000 $ à partir des dons privés. Il y a... 5 % de plus, ils auraient été capables de le faire sur le coup.

Le Président (M. Copeman): Ca va? Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Mme Bérard, bonjour. Vous venez de Granby, je crois. Merci pour vos propos. C'est fort intéressant. Je voudrais vous poser une question. Est-ce que, dans votre région, vous avez subi, disons, des contrecoups des coupures qu'il y a eu dans les bureaux régionaux à l'OPHQ?

Mme Bérard (Luce S.): Statistiquement, là, je n'ai pas de données là-dessus, mais on a des personnes qui nous arrivent au cas par cas, entre autres pour les programmes d'adaptation des domiciles, qui se plaignent. Il y a une autre personne, qui avait huit heures de services par semaine du CLSC, qui s'est vue comprimer à trois heures, qui est une personne grande handicapée. Puis là c'est comme dire qu'elle ne peut quasiment plus entretenir sa maison, là. Elle est obligée de vivre dans sa crasse. Ça fait que je les vois au cas par cas, mais statistiquement, là, je n'ai pas les données complètes.

Mais ce que je dois dire, c'est que, dans ma région, en Haute-Yamaska, on concentre le nombre de personnes âgées parce qu'il y a comme des migrations des autres régions du Québec vers la Montérégie, puis en particulier vers la région de Granby, peut-être parce que les loyers sont moins chers que de rester à Longueuil ou à Brossard, et puis, deuxièmement, c'est que le taux de personnes handicapées est à peu près 1 % plus élevé qu'ailleurs. D'après les statistiques de la DSP, il y aurait 14 300 personnes avec des limites fonctionnelles, ce qui n'est pas nécessairement la définition de personne handicapée, mais ces personnes-là, quand elles ont une limite fonctionnelle, elles peuvent survenir chez nous puis demander un service. Ça fait que c'est quand même beaucoup de monde.

Mme Richard: Tantôt, vous avez parlé des aidants naturels. Je m'excuse si j'ai peut-être perdu un petit bout, là. Vous avez fait référence que des personnes handicapées aideraient des personnes handicapées.

Mme Bérard (Luce S.): Là, ce n'était pas l'aidant naturel. C'est qu'on a un service, Coop Autonomie Chez-Soi, qui fonctionne pour envoyer des... Eux, leur programme, là, c'est d'envoyer des travailleurs à domicile faire le ménage. Et ils ont eu ? je ne sais pas si c'est eux ou si c'est le service local d'emploi... d'envoyer une personne qui avait un handicap léger, entre autres qui avait une déchirure à l'épaule, apparemment le grand trapèze, là ? c'est le diagnostic du travailleur sur place, auprès de la personne, là, je n'ai pas un diagnostic réel ? qui disait: Je ne peux pas lever la chaudière d'eau, puis la personne handicapée ne peut pas faire son ménage non plus, ce qui fait que le ménage n'a pas été fait. Et cette notion-là de... peut-être que c'est au centre local d'emploi que ça se situe, ça, d'envoyer les handicapés travailler pour d'autres handicapés, là. Je ne suis pas d'accord avec ça, moi. Je veux que ce soit l'intégration dans la masse des travailleurs bien portants.

Mme Richard: Vous dites que c'est une coop.

Mme Bérard (Luce S.): Coop Autonomie Chez-soi. C'est un service coopératif qui engage des personnes ? présentement il y a 60 personnes ? qui vont faire le ménage chez des gens malades, handicapés, personnes âgées, à domicile.

Mme Richard: Mais... Oui. Et, je m'excuse, est-ce qu'on retrouve d'autres types d'emploi dans cette coop-là? Est-ce que...

Mme Bérard (Luce S.): Non. Bien, il y a des travaux légers... Bien, je ne pourrais pas vous parler de l'organisme en détail, là, parce que ce n'est pas l'organisme que j'administre, mais il y a des travaux lourds qu'ils font, comme faucher le gazon, réparer la corniche d'une vieille madame ou il y a des travaux légers qui consistent à faire le ménage, là. Mais ce sont des travailleurs. On est dans une relation travailleur-client. Puis souvent il y a une interaction. C'est... Si le client handicapé est très pauvre, c'est le CLSC, par un programme, qui paie le travailleur.

Mme Richard: Est-ce que vous trouvez par ailleurs que c'est une bonne idée que de transférer aux MRC la responsabilité de mettre en place du transport adapté sur un territoire?

Mme Bérard (Luce S.): Je ne parle pas de transférer, là. C'est comme responsabiliser tous les niveaux pour que le discours sur le développement social ne soit pas épuré. Chez nous, M. le maire de la ville de Granby est aussi le préfet de la MRC. Je ne veux pas que M. le maire, quand il est à Granby, il dise: Oui, on parle transport adapté, puis quand il arrive à la MRC, il dise: Ah, on ne parle pas de ça. Il faut qu'il se responsabilise parce qu'une MRC... Si, à Granby, on a 40 000 de population, dans la MRC nécessairement il y en a plus, et les municipalités régionales de comté devraient avoir une vision de développement social qui prévoie aussi des plans d'action pour les personnes handicapées, pour lever les obstacles.

Mme Richard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci beaucoup, Mme Bérard, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de La Dynamique des handicapés de l'Estrie inc. Et j'invite immédiatement les représentants de la Confédération des syndicats nationaux de prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

 

(Reprise à 15 h 57)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre! La commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Et je ne sais pas qui va faire la présentation.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Roy (Josée): Oui. Je m'appelle Josée Roy...

Le Président (M. Copeman): Mme Roy.

Mme Roy (Josée): ...et je suis adjointe au comité exécutif de la CSN.

Le Président (M. Copeman): Oui, très bien.

Mme Roy (Josée): Et je veux juste mentionner que je dois excuser l'absence de M. Louis Roy, vice-président de la CSN, qui est retenu au conseil confédéral en ce moment. Alors, je vais faire la présentation à sa place. Et M. Marc-André Houle est du Service de recherche de la CSN.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, vous avez une période maximale de 20 minutes pour votre présentation, qui sera suivie par un échange avec les parlementaires. Nous vous écoutons.

Mme Roy (Josée): Merci. Alors, la Confédération des syndicats nationaux, connue pour ses convictions de justice et de solidarité, est heureuse de participer à cette commission à propos de l'exercice des droits des personnes handicapées du Québec afin d'appuyer les efforts visant à améliorer leurs conditions de vie et leur permettre d'accéder à une citoyenneté pleine et entière.

La CSN est d'autant plus heureuse d'y participer qu'il s'agit d'une problématique sur laquelle l'actualité se penche, hélas, trop rarement, contribuant à laisser dans l'ombre les besoins et les pistes de solution que proposent les divers groupes de personnes touchés ou les organismes et ministères concernés. Ainsi dévalorisées et marginalisées, aussi bien par les politiciens que les médias derrière les grosses nouvelles d'actualité, les questions touchant l'intégration sociale des personnes handicapées sont pourtant essentielles au développement humain, économique et social que nous souhaitons au Québec.

La CSN, qui représente plus de 180 000 travailleuses et travailleurs dans plus de 2 800 syndicats regroupés dans des fédérations sectorielles aussi bien que sur une base régionale, est reconnue pour sa volonté et sa constance à encourager partout et toujours la participation des populations aux défis qui les confrontent de même que celles des associations citoyennes et syndicales afin d'exprimer et défendre les intérêts communs au sein de leurs communautés et y rallier les appuis.

Juste rappeler que nous n'en sommes pas à notre première intervention. Dans le passé, la CSN a applaudi l'arrivée de la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, en 1978, et s'est aussi manifestée lors de diverses commissions parlementaires ou conférences dédiées à leur intégration professionnelle et sociale. Dès 1980, la CSN a réclamé des programmes d'accès à l'égalité pour les principaux groupes victimes de discrimination. Elle a salué l'engagement gouvernemental qu'a constitué la politique d'ensemble À part... égale en 1985.

En 1991, la CSN a participé à la commission d'enquête sur la situation des personnes handicapées organisée par la COPHA. Dans le contexte d'alors, marqué par la réforme annoncée du système de santé et les politiques prônant la désinstitutionnalisation en déficience intellectuelle et en santé mentale, la CSN s'est surtout intéressée aux problèmes vécus par les personnes handicapées sur les plans de la santé et de l'emploi. Elle a constaté l'ampleur des problèmes: insuffisance et besoin de transformation de plusieurs services, préjugés tenaces, difficultés d'accès aux lieux publics et au transport, indifférence, voire résistance des employeurs et aussi des collègues de travail. D'emblée, elle a fondé sa vision sur l'obligation d'accommodement des salariés handicapés à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et sur des plans d'embauche obligatoires pour les employeurs de 50 salariés et plus. Elle a aussi préconisé la participation systématique des personnes handicapées aux décisions qui les concernent et la sensibilisation de la population aux réalités des discriminations.

n(16 heures)n

Enfin, la CSN a pris elle-même des engagements, qu'elle a remplis par la suite: développer une démarche et des outils d'appui afin que les syndicats s'impliquent dans la négociation de programmes d'accès à l'égalité dans leur milieu de travail et aussi dans l'information, la sensibilisation et la formation des personnes aux réalités et besoins des personnes handicapées. Elle s'est dotée d'un groupe de travail, a publié une brochure et participé à la fondation et la gestion d'un CAMO-Personnes handicapées. Elle a aussi encouragé ses conseils centraux, ses organisations régionales, à s'impliquer aux tables régionales de concertation sur l'intégration, avec l'OPHQ.

Et, en 1995, elle est intervenue au niveau fédéral, sur l'implantation des programmes d'accès à l'égalité, lors d'une discussion de la loi sur l'égalité en matière d'emploi et sur la réglementation des programmes.

Ses dernières interventions spécifiques datent de 1997 alors qu'elle a renouvelé son appui à l'OPHQ devant l'importance de redoubler d'ardeur face au troublant constat de recul en matière d'emploi et la persistance de discrimination avec leurs terribles conséquences: pauvreté, isolement, problèmes d'accessibilité aux services et supports, aggravation multiple des impacts de déficience, incapacités et handicaps, inéquités de toutes sortes.

S'appuyant notamment sur l'exemple de l'Americans with Disabilities Act, la CSN a réitéré l'incontournable nécessité d'une législation sur l'obligation d'accommodement de même que sur des obligations d'embauche aux employeurs. Elle a aussi demandé des mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées. Et enfin elle a souligné le besoin de renforcer certaines dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour interdire la discrimination et faciliter les plaintes.

Les préoccupations actuelles: la situation des personnes handicapées et de leurs services. C'est à l'aune de ces quelques repères que la CSN aborde maintenant le projet de loi, reconnaissant d'emblée la pertinence d'une vraie vision aussi bien de la loi que du mandat de l'OPHQ. Après plus de 25 ans d'existence, c'est en effet nécessaire de faire le point sur l'évolution des rôles confiés à l'office et à d'autres organismes pour coordonner notre démarche collective en faveur de l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées.

D'entrée de jeu cependant, la CSN remarque que le gouvernement concentre beaucoup la réflexion sur le mandat de l'office, sans avoir fait l'examen préalable des impacts de la politique gouvernementale À part... égale, sortie en 1985, sur la situation des personnes handicapées. Ce choix nous semble regrettable, car il contribue à diluer la volonté gouvernementale, alors qu'à notre avis il est urgent d'élargir la réflexion et surtout l'action à l'égard d'une clientèle si vulnérable. Un exercice d'autant plus nécessaire que, d'une part, cette population hétérogène va et ira grandissant et que, d'autre part, avec plus de 300 programmes et services viennent et persisteront également des préoccupations d'information, d'efficacité et d'équité d'accès et de financement.

C'est dans cet esprit que nous appuyons le mandat d'actualisation de la politique intitulée À part... égale, que reçoit l'OPHQ dans le cadre de ce projet de loi, un an après sa sanction. Pour nous, il s'agit de veiller à la satisfaction des personnes concernées et des organismes qui les représentent tout autant que cerner les problèmes et les pistes de solution entre les divers réseaux de partenaires de personnes handicapées et de l'OPHQ.

Depuis la sortie, en février 2001, d'un livre blanc, en passant par le dépôt du projet de loi n° 155 par le précédent gouvernement, qui n'a pas pris le temps de le faire adopter avant le déclenchement des élections, les principaux éléments de changement qu'avance maintenant le projet de loi n° 56 sont bien connus et sont l'objet de discussions depuis un bon moment. Le projet de loi n° 56 revoit de fond en comble la loi actuelle et change la dénomination actuelle de la loi qui devient la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration sociale, professionnelle et sociale. Cette nouvelle appellation symbolise bien les modifications que le présent gouvernement veut apporter au plan des objets et des orientations de la loi ainsi qu'au plan de la mission, des devoirs et des pouvoirs dévolus à l'OPHQ.

Sur le contenu même, si le projet de loi reprend l'objet de l'actuelle loi, assurer l'exercice des droits des personnes handicapées et favoriser leur intégration à la société au même titre que tous les citoyens, il ajoute un deuxième objet, soit de permettre à l'OPHQ, en collaboration avec les ministères et leurs réseaux, les municipalités ainsi que les organismes publics et privés, de s'acquitter de multiples rôles: évaluer l'intégration des personnes handicapées; veiller au respect des principes et des règles édictées par la loi; conseiller, coordonner, concerter en vue de l'amélioration des possibilités offertes aux personnes handicapées.

Le projet de loi propose, dans le même ordre d'idées, de nouvelles orientations pour guider autant l'action de l'OPHQ que celle de l'ensemble des partenaires mentionnés plus haut. Les orientations offrent une large palette. L'OPHQ reçoit ainsi de nouvelles fonctions qui ont des implications plus collectives, en substitution des fonctions d'intérêt individuel des personnes handicapées transférées vers les réseaux de la santé et du travail.

L'ajout au mandat de l'office de la responsabilité d'évaluer le niveau collectif, et non seulement le niveau individuel, de l'intégration sociale des personnes handicapées vise à renforcer ses rôles de coordination, de vigie et de promotion pour améliorer la réponse aux besoins des personnes, optimiser l'efficience des ressources offertes et poursuivre les efforts relativement aux problématiques d'intégration comme l'emploi, le transport adapté, l'accessibilité des édifices et l'accès aux documents publics.

En complément, l'office reçoit le mandat d'actualiser, un an après la sanction de la loi, la politique d'ensemble À part... égale en concertation avec les partenaires concernés. Le projet de loi responsabilise aussi d'autres acteurs, notamment le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, chargé d'élaborer une stratégie nationale sur l'emploi des personnes handicapées, et le ministère des Transports du Québec, chargé d'encadrer le transport adapté et de proposer des balises sur l'accessibilité des édifices publics construits avant 1976.

De manière globale, nous applaudissons à l'idée que l'OPHQ puisse contribuer d'une manière active à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées et à favoriser leur intégration à la société au même titre que l'ensemble des citoyens. Cependant, nous retenons que ces dispositions sont dépendantes des ressources humaines, matérielles et financières dont vont disposer les instances qui sont chargées de réaliser concrètement les actions permettant l'exercice des droits et l'intégration professionnelle, scolaire et sociale des personnes handicapées. C'est ainsi que nous comprenons le nouvel article 1.3.

Dans le contexte où l'actuel gouvernement semble vouloir amputer les pouvoirs publics, que ce soit par son exercice de rationalisation des organismes de l'État québécois, par son projet de loi sur l'Agence des partenariats public-privé ou alors par son cadre budgétaire étroit, il faut se demander si l'OPHQ n'hérite pas d'une coquille vide. Car la mission de faire advenir les conditions concrètes de la citoyenneté pour les personnes handicapées nécessite une action politique qui ne peut pas seulement prendre appui sur une loi. La capacité d'intervention publique s'évalue aussi par une capacité de mettre en oeuvre, avec des leviers financiers adéquats, les mesures nécessaires à l'intégration globale des personnes handicapées.

Regardons quelques éléments du projet de loi. Sur la définition, on ne s'étendra pas. De façon générale, on s'estime satisfaits de la nouvelle définition proposée. On est conscients qu'il y a encore des débats avec les organismes ou certaines associations qui représentent les personnes handicapées et on se place plutôt en observateurs sur ce point-là.

Quant à la nouvelle composition du conseil d'administration, elle se définit en trois points: l'élargissement du conseil de 14 à 16, l'augmentation de la représentation des personnes handicapées et deux sièges pour les ordres professionnels et les organismes de promotion. Nous pensons qu'il y a un réel progrès. Dans le même esprit, nous recommandons de limiter à trois sièges sur neuf le nombre de parents ou de conjoints de personnes handicapées au conseil, de manière à maximiser la présence des personnes handicapées elles-mêmes pour défendre leurs intérêts collectifs en matière de ressources et services. Malgré tout, il faudra, par un fonctionnement rassembleur, veiller à satisfaire les besoins pour l'ensemble des types de limitations fonctionnelles et des régions et progresser dans la correction des injustices.

En complément de cette progression de la représentation au conseil d'administration, la CSN suggère que le gouvernement reconnaisse aussi le besoin de susciter la participation de ces personnes et des organismes qui les représentent dans chacun des secteurs de services qui les concernent. Compte tenu de l'importance d'adapter les services aux besoins des personnes et compte tenu également de la situation souvent modeste des ressources des personnes et organismes en cause, la CSN encourage le gouvernement à préciser un engagement concret sur cette question.

Sur le plan des grandes fonctions de l'office et de ses devoirs et pouvoirs, le projet de loi introduit plusieurs modifications au mandat original. En premier lieu, la fonction générale de l'OPHQ s'élargit et s'enrichit en prenant la forme de deux missions. Auparavant, l'office avait la fonction de veiller à la coordination des services dispensés aux personnes handicapées, de les informer et de les conseiller, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration à la société dans toutes ses composantes. Désormais, deux grandes missions viennent circonscrire son action.

Avant tout, l'OPHQ doit veiller au respect des principes et des règles énoncés dans la loi et s'assurer auprès des partenaires identifiés qu'ils poursuivent leurs efforts pour améliorer l'intégration et la participation des personnes handicapées à la société.

n(16 h 10)n

La deuxième mission, la coordination des services, s'étend maintenant à la coordination des actions relatives à l'élaboration et à la prestation des services destinés aux personnes handicapées et leurs familles. À cela s'ajoute la mission d'assister et de représenter les personnes handicapées à la fois sur une base individuelle et sur une base collective. Ensuite, la fonction de favoriser l'intégration est enrichie d'un rôle d'évaluation sur une base collective. Enfin, les deux autres fonctions d'informer et conseiller les personnes handicapées et celle de promouvoir leurs intérêts restent les mêmes.

Le projet de loi annonce des modifications substantielles donc quant à la mission, aux devoirs et aux pouvoirs de l'OPHQ. L'office acquiert un statut multiple approfondi en étant tout à la fois l'instance: qui surveille l'application des principes de la loi et l'effort réalisé par les acteurs institutionnels ou organisationnels de la dynamique de l'intégration des personnes handicapées; qui coordonne les actions touchant l'élaboration et la prestation de services; qui évalue l'intégration sociale des personnes handicapées; qui fait la promotion de leurs intérêts; qui les informe; qui les défend tant au plan individuel et collectif.

Alors, ça nous pose deux questions. En premier lieu: Est-ce que les moyens mis à la disposition de l'OPHQ seront à la hauteur des nouvelles prétentions que le gouvernement lui assigne? Et ensuite: Est-ce que le gouvernement lui-même lui donnera les moyens pour que l'intégration des personnes handicapées dans la société ne soit pas un vain mot? Et nous souhaitons évidemment que la réponse soit positive à ces questions.

Quant à l'approche de planification multisectorielle, le projet de loi mandate l'office d'en faire la promotion. De plus, l'office pourra faire davantage de représentations. Il pourra demander des enquêtes, imposer des amendes lorsqu'il y a des problèmes soulevés. À ce chapitre-là aussi, on espère que l'office dispose lui-même des moyens adéquats pour s'acquitter promptement de ces demandes. Nous trouvons que la modification législative à cet égard est pertinente, et la recommandation à cet effet, c'est que la CSN appuie le développement de la fonction de promotion de l'office à l'égard de l'approche multisectorielle et qu'elle recommande de préciser l'échéancier de mise en oeuvre du plan multisectoriel des services individuels pour les personnes handicapées. Un tel plan devra déterminer quelle instance aura la responsabilité de sa réalisation, avec le cadre de réalisation envisagé, c'est-à-dire la participation souhaitée des personnes handicapées, les modalités d'implication, l'échéancier, les ressources, etc.

En ce qui concerne la fonction d'évaluation collective de l'intégration des personnes handicapées, cet élément-là du projet de loi, nous le qualifions de pièce majeure. La nouvelle fonction d'évaluation collective de l'intégration des personnes handicapées découle d'une actualisation des mandats confiés à l'office dès 1993 et en janvier 1996.

Avec ces nouveaux devoirs de conseil et d'évaluation, le projet de loi ajoute les nouvelles responsabilités de recommandation de solutions visant l'abolition des obstacles à l'intégration sociale et de promotion de l'identification de solutions visant à réduire les disparités dans les services offerts aux personnes handicapées, qui découlent de l'âge, du lieu de résidence, de la cause de la déficience. En ce qui concerne le dernier devoir, nous pensons que l'OPHQ est en mesure de faire mieux que de promouvoir l'identification de solutions. En effet, il faudrait mieux procéder à l'identification des solutions pour réduire ces disparités et recommander carrément ces solutions dans une approche plus proactive. C'est les recommandations qu'on fait à ce chapitre-là.

Si on regarde par secteur d'intervention, en ce qui concerne l'éducation et la formation professionnelle, notre recommandation à cet effet-là est que l'office devrait s'assurer que les programmes de formation offerts dans tous les établissements et organismes d'enseignement comprennent des éléments relatifs à l'adaptation des interventions et services aux personnes handicapées et non seulement en faire la promotion. Il devrait aussi s'assurer que c'est fait.

Dans le contexte du mandat de l'office d'organiser avec des partenaires des campagnes d'information visant l'embauche des personnes handicapées, le projet de loi apporte certaines précisions. À cet égard-là, nous sommes conscients que le mouvement associatif refuse souvent que l'OPHQ parle au nom des personnes handicapées et, à cet effet-là, nous réclamerions que les personnes handicapées s'expriment elles-mêmes au moyen... excusez-moi, nous recommanderions d'organiser, dans un cours délai, une discussion publique large afin de clarifier les rôles et attentes mutuelles entre les organisations qui représentent les personnes handicapées et l'OPHQ et de même que préciser les modalités entre les différents acteurs en matière d'information et de représentation des besoins des personnes handicapées.

Pour ce qui est de l'adaptation des services et l'accès aux documents, nous trouvons que le projet de loi demeure timide à cet effet et nous recommanderions de renforcer l'article 26.5 ? il y a une coquille dans notre mémoire à ce point-là, c'est 26.5 plutôt que 26.2 ? et que le gouvernement établisse, après consultation de l'office, une politique obligeant les ministères et organismes, compte tenu de leurs particularités et ressources, à se doter de mesures d'accommodement raisonnables permettant aux personnes handicapées d'avoir accès aux services et documents publics. À cet effet, nous pensons que le gouvernement doit servir de modèle.

Si je passe au plan du travail, le projet de loi touche trois questions dont l'une des pièces majeures est le nouveau mandat confié au ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille. Alors, c'est au ministère que... Le mandat est d'établir une stratégie nationale pour le travail. Ces nouveautés constituent des orientations légitimes ? là, j'essaie de me ramasser un peu parce que je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. C'est un volet en effet qui nous touche étant donné qu'il constitue notre terrain de jeu. Le projet de loi attribue le mandat à l'OPHQ de s'associer à ces travaux dans les étapes d'élaboration, de coordination, d'évaluation et de présentation de l'état d'avancement avec l'identification d'objectifs et de résultat. Cependant, le projet de loi mandate uniquement le ministère d'effectuer la révision et l'évaluation de la stratégie. On croirait que l'office devrait être aussi impliqué dans cette révision-là.

Si je passe rapidement à la conclusion...

Le Président (M. Copeman): C'est une très bonne chose, Mme Roy.

Mme Roy (Josée): ...dans une perspective de résultats concrets pour les personnes handicapées, l'actuel projet de loi ne nous rassure pas totalement. On a beau ajouter des précisions et des responsabilités, ça ne masque pas le manque de fermeté et de priorités claires du gouvernement pour stimuler la société comme les instruments gouvernementaux à l'urgence d'une large mobilisation en faveur des développements sociaux requis pour intégrer davantage les personnes handicapées à la vie collective.

En premier lieu, c'est le gouvernement lui-même qui banalise l'énorme retard à combler les besoins des personnes handicapées et évite de s'engager, par exemple en matière de travail adapté où les progrès sont si minces. L'État se donne bien du temps pour élaborer une stratégie nationale sans même un mot des principes du droit au travail adapté, d'obligation d'accommodement ou d'obligation d'embauche de personnes handicapées. Même attitude en matière de santé ou en regard des problèmes d'accès aux documents et édifices publics où le maître mot semble être: Selon nos moyens. Comme si l'État n'était pas là pour stimuler le sens de la solidarité et baissait les bras.

En second lieu, le statut même de l'office doit être examiné. D'un côté, on transforme et élargit sa mission, ses devoirs et ses pouvoirs pour qu'il obtienne le rôle de vigie-conseil-évaluateur, sans oublier celui de coordonnateur, défenseur, promoteur auprès de nombreux ministères, municipalités ainsi que des organismes publics et privés sur tout ce qui concerne les droits et l'intégration des personnes handicapées. De l'autre, on lui laisse sa situation d'organisme périphérique du ministère de la Santé et des Services sociaux sans lui donner le poids politique qui l'aiderait à assumer ses mandats. Il lui faut donc un statut bien différent vis-à-vis du gouvernement et des ministères et les moyens d'accomplir sa mission et ses devoirs.

Et, en troisième point, l'augmentation de ces capacités d'évaluer la situation et de recommander au gouvernement des solutions doit s'apprécier justement au fait que l'actuel gouvernement, dans sa vision marchande, s'apprête à décapiter le pouvoir public d'agir de l'État québécois. Pour la CSN, l'office joue un rôle essentiel et original, avec de nombreuses contributions de qualité dans un vaste ensemble de secteurs, et cela doit se poursuivre. Cependant, nous constatons qu'une grande partie de son travail reste méconnue et sans trop d'effets ni d'engagements. L'OPHQ ne peut seul assurer l'engagement gouvernemental pris envers les personnes handicapées dans la politique d'ensemble. Il ne peut non plus compenser le manque de volonté politique réelle d'agir. Faudra-t-il le répéter encore lorsque, dans quelques années, l'office présentera l'actualisation de la politique À part... égale? Nous considérons donc positivement la venue des nouvelles responsabilités dévolues à l'OPHQ comme une manière de veiller à ce que le gouvernement demeure actif dans sa mission de voir à l'intégration de l'ensemble des individus, et donc des personnes handicapées, comme citoyens et citoyennes.

Enfin, face aux multiples acteurs interpellés par la situation des personnes handicapées, notamment face à l'important développement d'organismes de promotion qui s'activent auprès d'elles, il serait souhaitable que la législation favorise une participation accrue des personnes handicapées ou de leurs représentants à l'orientation de la planification et la gestion des services dans chacun des réseaux qui les concerne, par exemple au moyen de sièges réservés et de budgets de participation pour les comités et instances concernés. Pour la CSN, cette actualisation législative doit être envisagée dans une perspective d'avenir, dans le but de garantir des actions décisives et des coordinations déterminantes qui amèneront des gains significatifs pour les personnes handicapées et pour toute la population sur le plan de la cohésion de nos services et réseaux publics et des succès collectifs en matière d'intégration sociale. Alors, voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Roy. Afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. Mme Roy, M. Houle, merci pour votre présentation. Je constate avec plaisir qu'il y a plusieurs points de convergence, avec bien sûr de votre part des suggestions d'amélioration et de bonification du projet.

n(16 h 20)n

J'aimerais aborder la question de l'intégration professionnelle qui certainement, pour un syndicat, a une grande importance. On sait que le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille a la mission, suite au projet de loi, de développer une stratégie nationale pour favoriser cette intégration professionnelle. D'après vous, qu'est-ce que devrait contenir cette stratégie? Comment voyez-vous le rôle des syndicats, d'une organisation comme la vôtre, dans l'élaboration de cette stratégie-là?

Mme Roy (Josée): Bien, justement on parlait, cette semaine, du rôle que les syndicats devraient jouer. Dans la Loi sur l'accès à l'égalité, qui a été votée en 2001, on s'inquiétait du fait qu'à ce jour les syndicats n'ont pas été beaucoup interpellés, là, dans le processus de mise en place des programmes d'accès à l'égalité dans les établissements et le réseau de la santé public. Dans une stratégie plus globale d'emploi, un peu comme ça se fait pour les autres types de clientèles, nous sommes présents comme organisation syndicale. Nous avons été présents à l'élaboration de la stratégie envers les femmes. Nous sommes présents au comité aviseur pour les personnes âgées, d'Emploi-Québec, de la Commission des partenaires du marché du travail. On a été présents à l'élaboration des moyens à mettre en oeuvre pour favoriser l'emploi pour tous les groupes en difficulté: femmes, jeunes, personnes de 45 ans et plus. Alors, de la même façon, on pense qu'on peut apporter quelque chose à l'élaboration aussi de la stratégie de main-d'oeuvre pour les personnes handicapées, comme on a toujours fourni notre soutien à l'élaboration de stratégies de ce type-là. Mais on rappelle aussi que déjà il y a des plans d'accès à l'égalité qui sont en élaboration dans le secteur public et, à cet égard-là, on répète que nous sommes disponibles à participer à l'élaboration de ces plans-là.

M. Couillard: Et plus spécifiquement on propose d'accroître la participation. On veut tous atteindre cet objectif d'accroître la participation et la présence des personnes handicapées dans les différentes organisations. On a eu, au cours de la commission, jusqu'à maintenant des points de vue qui différaient quant à l'opportunité d'utiliser des moyens plus coercitifs pour arriver à cette obligation-là. Qu'est-ce que vous pensez de cette position entre la coercition et une certaine pression commune de la société et du gouvernement dans la même direction?

Mme Roy (Josée): Mais je vous dirais qu'à cet égard-là des mesures coercitives seules, ça risque de braquer les gens. Par contre, le dossier des personnes handicapées, c'est un dossier pour lequel il faut toujours remettre l'ouvrage. Comme on le dit dans notre introduction, c'est un dossier qui passe toujours bien en dessous. La pile du dessous est toujours cachée par la quantité d'informations et d'autres dossiers, entre guillemets, plus importants. Alors, une de nos recommandations vise à ce que l'office puisse faire non pas un rapport d'activité, mais un rapport de contenu annuellement et que cet événement-là, la publication de leur rapport, soit accompagné de forums, en tout cas que ça devienne un événement qui permette, à chaque année, de sensibiliser et de garder le dossier sous un éclairage assez fort pour que le chemin puisse se faire.

On pense à cet effet-là, oui, que l'État aussi devrait jouer un rôle de modèle, on le répète à plusieurs fois dans notre mémoire, parce qu'à part les endroits où les gens y voient un intérêt plus commercial ce n'est pas tellement... Le dossier des personnes handicapées surnage difficilement, et l'État doit effectivement jouer un rôle moteur et donner l'exemple dans plusieurs des dossiers. Alors, je pense que c'est un ensemble de choses. Il peut y avoir des mesures incitatives, il peut y avoir certaines mesures coercitives, mais ce doit être un ensemble où la sensibilisation tient un grand rôle.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour. Vous exprimez, à la page 18 de votre mémoire, une recommandation à l'effet qu'en matière d'éducation et de formation professionnelle l'office devrait faire plus que promouvoir l'inclusion d'éléments relatifs à l'adaptation des interventions et des services. J'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus. Et aussi j'aimerais aussi que vous m'entreteniez sur la considération que vous avez par rapport au conseil d'administration, la nouvelle formation. Vous semblez satisfaite.

Mme Roy (Josée): Oui. Bien, sur la formation professionnelle, en fait on souhaite... D'accord, l'office devrait faire la promotion dans les programmes de formation, qu'on parle des personnes handicapées, ça fait partie de l'ensemble des mesures dont je vous parlais tout à l'heure, là. Quand on parle de sensibilisation, il faut que ça se fasse à tous les niveaux, y compris dans le système d'éducation et de formation. Et on pense à cet effet-là qu'il ne suffit pas de faire une promotion mais que l'office devrait aussi s'assurer que ça se fait: un monitoring plus qu'un encouragement, une promotion mais aussi une vérification des résultats de la promotion qu'elle doit faire à cet égard-là.

Pour ce qui est de la composition du conseil d'administration, de façon générale, effectivement, on est satisfaits. La recommandation qu'on fait est qu'il y ait un juste équilibre, là, entre la présence des familles ou des conjoints versus les personnes handicapées elles-mêmes pour qu'au conseil d'administration de l'office les personnes handicapées soient majoritairement présentes, là.

Mme Charlebois: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Roy, M. Houle. Merci. Votre mémoire est assez volumineux, assez éloquent. Je vais vous amener plus particulièrement à la recommandation 10, sur la pleine compensation des coûts découlant des limitations fonctionnelles. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus?

Mme Roy (Josée): Attendez un petit peu que je me retrouve moi-même.

Mme Richard: Page 32.

Mme Roy (Josée): Oui. En fait, on rappelle qu'en 1988 le gouvernement avait reconnu le principe d'une pleine compensation pour les coûts découlant des incapacités dans un décret sur la compensation des limitations fonctionnelles des personnes handicapées, et notre recommandation est une réponse à notre questionnement à l'effet que cet engagement-là aurait dû se retrouver dans la loi. C'est un engagement finalement à compenser les coûts... Ça coûte cher, être une personne handicapée. Il y a tellement de produits qu'on doit s'acheter, d'adaptation qu'on doit faire, d'aide technique qu'on doit... Moi, dans mon autre vie, avant d'être adjointe au comité exécutif de la CSN, j'étais ergothérapeute en réadaptation. Donc, j'étais très bien placée pour voir ce que ça pouvait coûter, puisque la majeure partie de mon temps était occupée à faire des demandes de subvention. Alors, effectivement, on pense que cet engagement-là qui avait été reconnu comme principe dans le décret de 1988 devrait se retrouver aussi dans la loi.

Mme Richard: J'essaie de le trouver dans la page pour vous dire le numéro. Vous faites référence aux ressources intermédiaires, aux ressources... Page 24, vous parlez de ressources intermédiaires, des ressources de type familial. Bon. Puis, on le sait, là, les budgets qui sont alloués ne couvrent pas tout, mais... puis l'office constate toujours qu'il manque de plus en plus de ressources. Mais vous avez abordé... vous nous faites un état de situation, mais est-ce que vous avez des éléments de réponse pour corriger cette situation?

n(16 h 30)n

Mme Roy (Josée): Bien, en fait ce qu'on souligne ici, c'est que les budgets alloués ne couvrent que 50 % des coûts et qu'on craint pour la préservation des acquis au plan des services et pour le personnel, parce que, bien, on sait que... vous savez certainement qu'on a fait une bataille, là, sur le projet de loi n° 8 qui empêche la syndicalisation des ressources de type familial et intermédiaire. Et, à cet égard-là, on a une préoccupation autant pour les personnes handicapées elles-mêmes qui sont dans ces ressources que pour les personnes qui donnent les services à ces gens-là et on pense que les ressources et les budgets devraient être ajustés en conséquence de fournir des conditions de logement et des conditions de services aux personnes adéquates mais aussi des conditions de travail aux dispensateurs de services qui sont aussi adéquates, parce que c'est un engagement énorme pour ces personnes qui donnent les services à ces personnes handicapées, qui sont généralement plus lourdement handicapées que celles qui peuvent habiter en logement.

Mme Richard: Oui. Qu'est-ce que vous pensez, pour les centres de travail adapté, de la barre du 60 %?

Mme Roy (Josée): On était d'accord avec ça, si je ne m'abuse. On a écrit ça à plusieurs, puis, moi, je remplace à la dernière minute, alors j'essaie de me rajuster. Mais essentiellement on était d'accord avec ça, il n'y avait pas...

Mme Richard: D'accord. Une dernière petite question. L'article 1.3, je l'appelle la clause limitative, là, qui vient faire en sorte qu'une municipalité ou un organisme... Bon, vous connaissez cette clause-là. Est-ce que je peux avoir votre opinion?

Mme Roy (Josée): Bien, cette clause-là, d'entrée de jeu, bon, on avait remarqué de toute façon que c'était aussi dans le projet de loi n° 155. C'était un peu plus disséminé, mais là c'est dans les articles sur l'orientation. Évidemment, une clause comme ça met des freins, et c'est ce qui nous fait poser la question, à savoir: Est-ce que l'office aura les moyens d'exercer tous les devoirs et les pouvoirs qu'on lui accorde et est-ce que les nouvelles responsabilités qui sont données aux ministères... qu'on salue d'ailleurs.

On salue qu'on responsabilise les ministères, les municipalités et organismes. On trouve que les engagements sont timides, mais, comme on le disait tantôt, le gouvernement et ses créatures, si on veut appeler ça comme ça, doivent être l'exemple à donner à l'ensemble de la société dans un dossier comme celui-là, surtout que c'est un dossier qui a beaucoup de difficultés à tenir la tête hors de l'eau. Alors, les moyens doivent être mis. Si les moyens n'y sont pas, on va se retrouver dans 10 ans à faire les mêmes constats.

Il y a beaucoup de choses qui ont avancé depuis 1978, mais, quand on regarde les chiffres ? je vous les ai épargnés, mais je pense que tout le monde les connaît bien, là ? les chiffres sont assez éloquents en termes de problèmes d'inclusion, parce que... des personnes handicapées à la vie citoyenne en général.

Mme Richard: Merci beaucoup. Je suis d'accord avec les propos que vous... Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Roy, M. Houle, merci beaucoup d'avoir participé au nom de la Confédération des syndicats nationaux à cette commission parlementaire. Et je demanderais aux prochains participants, c'est-à-dire MM. Dholandas, Paquette et Pelletier, de prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et ça nous fait plaisir d'accueillir M. Dholandas, M. Paquette et M. Pelletier. Bienvenue à cette commission parlementaire. Nos façons de fonctionner sont très claires: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, puis il y aura un échange à parts égales, d'à peu près une trentaine de minutes, peut-être une quarantaine de minutes, des parlementaires des deux côtés de la table. Alors, si vous voulez bien vous identifier et aller immédiatement à votre présentation.

MM. Carl Dholandas, Jonathan Paquette
et Sébastien Pelletier

M. Paquette (Jonathan): Parfait. À ma gauche, mon collègue...

M. Pelletier (Sébastien): Sébastien Pelletier. Je suis étudiant à la maîtrise en éthique.

M. Dholandas (Carl): Carl Dholandas, étudiant en droit.

M. Paquette (Jonathan): Jonathan Paquette. Je suis étudiant au doctorat à l'ENAP.

Le Président (M. Copeman): Avec une voix un peu plus forte. Allez-y.

M. Paquette (Jonathan): Je vous remercie. Bon. M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, nous sommes bien heureux d'avoir eu l'invitation de venir présenter ici notre mémoire. Je vous remercie du temps que vous nous accordez ici, dans le cadre de l'audience. Nous présenterons notre mémoire de façon succincte, brièvement, puisque la majorité des gens ont probablement pris connaissance du contenu du mémoire.

Alors, dans un premier temps, je crois que c'est intéressant peut-être d'aborder la question de nos motivations, ce qui nous a poussés enfin à écrire ce mémoire, puisque nous ne sommes pas un organisme mais trois personnes qui viennent présenter à titre indépendant. Donc, plusieurs motifs nous ont poussés à présenter ce mémoire à la Commission des affaires sociales.

Dans un premier temps, il s'agit là d'une démarche qui s'inscrit dans un engagement personnel qui correspond au principe de responsabilité, principe éthique s'il en est. Il s'agit donc de là d'une démarche fondamentalement citoyenne. En prenant connaissance du projet de loi, certains aspects ont attiré notre attention: l'intégration scolaire et professionnelle, les démarches en vue d'une uniformité de l'application des normes d'accès sans obstacle et la démarche visant à préciser la mission de l'OPHQ, en abordant notamment les aspects d'évaluation, de coordination et du rôle d'innovation et le rôle de recommandation.

Notre démarche. Pour ce qui concerne notre démarche maintenant, nous avons abordé le sujet, lors des discussions, d'un point de vue proprement global, et cependant notre mémoire, dans sa rédaction, s'en est tenu à une présentation abrégée et aux savoirs qui sont actionnables, justifiant ainsi la possibilité que notre constat puisse être tant utile qu'inspirant pour la commission. Nous abordons cet exercice certainement avec beaucoup d'humilité. Nous sommes conscients des limites de nos connaissances et des limites associées à notre perspective, puisqu'il s'agit bien évidemment de nos points de vue. Enfin, nous sommes absolument conscients des fautes de style qui peuvent entourer certainement le mémoire et sa présentation, et nous vous prions de nous en excuser. À titre d'exemple, si parfois nous sommes allés jusqu'à proposer certaines propositions quant à la modification du libellé de la loi, c'est essentiellement par souci d'apporter plus de précisions quant à nos souhaits concernant ce projet de loi n° 56.

n(16 h 50)n

Nous avons regroupé nos propositions dans deux ensembles de réflexion. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux délais administratifs. Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés à l'évaluation comme aspect abordé dans le cadre du projet de loi.

En ce qui concerne notre réflexion sur les délais institutionnels, le point de départ de la réflexion est le suivant: le projet de loi, possiblement en raison d'une tradition administrative, prévoit que les délais de traitement d'une demande d'information ou les délais relatifs à une prise de décision administrative puissent prendre jusqu'à 90 jours suivant la demande écrite.

Pour ce qui suit, nous avons tenu compte des aspects suivants. D'abord, le temps d'attente est une composante de la qualité d'un service. Le cas des services de santé en est un très bon exemple: certains citoyens reconnaissent qu'une fois le délai d'attente comblé, le service est en lui-même satisfaisant. Ceci dit, le service au moment où les citoyens s'adressent aux instances concernées, le service proprement administratif au moment où les citoyens s'adressent aux instances concernées est un service qui est différent dans sa nature. Si on prend le service de santé, on attend bien évidemment un traitement. Par contre, le service administratif est beaucoup plus occulte pour le citoyen. On ne peut pas tout voir ce qui se passe dans la boîte noire.

Ce que disent les scientifiques à ce sujet confirme les évidences du sens commun: l'angoisse de l'attente est nécessairement un facteur irritant. De plus, des délais de 90 jours pour traiter une demande peuvent entraîner une dégradation de la qualité de vie d'un citoyen ayant un handicap. 90 jours, c'est trois mois, c'est une session scolaire pour un étudiant et c'est une saison dans la vie d'une personne. Et ça, on est seulement, dans la loi, dans un niveau d'une marge de manoeuvre administrative, un maximum de 90 jours. Il s'agit là bien évidemment d'un réflexe hautement bureaucratique.

Ce que nous proposons, c'est de rendre une information adéquate au citoyen, de donner des éléments qui permettent de rationaliser le traitement d'un dossier. Savoir, par exemple, qu'une expertise peut prendre trois jours pour faire un rapport, qu'une réunion se fera dans les 10 jours, et ainsi de suite, c'est de donner au citoyen l'information qui lui permet de rendre son traitement moins occulte. Ces éléments permettent de donner le parfum au citoyen sur la prise de décisions administratives. Ainsi, nous suggérons le traitement personnalisé en ce qui a trait à l'information, que ce soit par le biais d'un formulaire ou de toute autre démarche de communication. Il est à noter que cet aspect pourrait bien contribuer de plus aux missions d'évaluation de l'OPHQ.

De plus, nous voulons attirer votre attention sur le contexte de coproduction. Ainsi, le secteur public, dans sa spécificité, engendre une relation État-citoyen qui est contraire à... qui se distingue de la relation entre... pardon, de celle du secteur privé où on a une relation producteur-client. Le citoyen est donc directement impliqué dans la production de son service en fournissant les informations nécessaires au traitement de ses demandes.

En considérant que le projet de loi n° 56 attribue à l'OPHQ un leadership en matière d'innovation, en considérant que la contribution du citoyen contribue à la qualité du service, nous croyons qu'un programme de communication qui soulignerait l'excellence de la collaboration des différentes parties prenantes serait une entreprise qui irait dans le sens de l'innovation et de la qualité. Évidemment, il ne s'agit pas là d'une mesure qui est applicable dans le seul contexte des relations entre les citoyens et l'OPHQ et les différentes institutions gouvernementales. Cependant, considérant l'esprit d'innovation qui est compris dans le projet de loi n° 56, en ce sens, on est devant une belle opportunité.

Sous chacune de ces recommandations se profilent une conception de l'être humain et un espoir d'avant-garde en matière de services publics. Nous avons tous une relation intime et individuelle avec le temps. Le temps qui passe est, entre autres, source d'angoisse. Un brillant philosophe contemporain en ce sens, Martin Heidegger, nous disait que l'être ne pouvait se comprendre que par le temps. En somme, le traitement administratif des dossiers des personnes handicapées devrait se rapprocher de la nature des autres traitements, et j'ai en tête ici les traitements en soins de santé. La médecine traite le corps. Elle a pour objet la santé et pour sujet, le patient. Dans le contexte spécifique du traitement administratif des citoyens handicapés, l'État doit avoir la citoyenneté pour objet et traiter son sujet, le citoyen.

Pour ce qui est du volet évaluation, il nous apparaît essentiel de dire a priori que tout ce qui suit n'est pas une alternative à l'objectif de réduction des disparités régionales quant aux normes d'accès sans obstacle. De plus, nous croyons que, en ce qui a trait à l'évaluation, nous croyons que cette évaluation des services régionale permet de rendre saillantes les disparités régionales. Nous sommes parfaitement conscients que l'OPHQ a déjà des statistiques. Cependant, pour le bien de toute la population, il serait intéressant de pouvoir disposer de données au niveau local, de données présentant l'intégration des personnes handicapées sur le plan local, qui pourraient donner une indication sur le plan ordinal, et des données accessibles annuellement, enfin des données globales permettant de comprendre statistiquement le décalage entre les citoyens handicapés et les citoyens qui ne le sont pas. C'est à cet effet que nous souhaiterions voir dans la loi une précision du mandat de l'OPHQ à ce sujet. Alors, sur cette somme... C'est ma conclusion ici.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, afin de débuter l'échange, je reconnais le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Et, si je prends un aspect concret de votre mémoire, la question des délais de transmission des renseignements demandés, qui est de 90 jours, s'appuie sur le fait qu'en pratique c'est ça, le temps que ça va prendre pour avoir les documents. Est-ce que le fait de... parce que j'ai vu... dans votre projet, vous soumettez la possibilité que l'OPHQ se donne un formulaire de justification de délai?

M. Paquette (Jonathan): Oui.

M. Couillard: Ça me semble que quasiment tous les cas vont produire un formulaire de justification de délai. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il est mieux d'aller vers un objectif dont on sait qu'il peut être atteint dans 95 % des cas que de se fixer un objectif très ambitieux, qui va donner lieu à une paperasse, là, absolument immense par la suite?

M. Paquette (Jonathan): Alors, à mon sens, une alternative à cette proposition, et considérant que, dans la pratique, il est probable que les 90 jours soient bien évidemment remplis, il serait au moins intéressant d'informer le citoyen à toutes ces démarches du traitement de son dossier. Je pourrais donner, à titre d'exemple, le cas du ministère de l'Éducation, avec le traitement des demandes des affaires étudiantes: là, on sait à quelle étape la demande en est dans son traitement. Peut-être est-ce que voilà une alternative. Nous... peut-être est-ce que c'est un peu ambitieux, mais c'est peut-être une alternative évidemment à ce qu'on proposait si effectivement les demandes se remplissent généralement dans les 90 jours.

M. Couillard: Un autre point que vous mentionnez, c'est le fait de ne pas réduire les rapports entre l'État et le citoyen à un rapport de producteur de services envers un client. Il n'en reste pas moins que quelque part ce type de rapport là favorise une approche individualisée et une sorte de responsabilisation de celui qui a à donner le service plutôt que de considérer la personne qui demande ce service comme une masse, une partie anonyme d'une grande masse de personnes. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faut équilibrer les deux?

M. Paquette (Jonathan): Ah! sur ce sujet-là, je suis d'accord, c'est un grand débat de l'Administration publique, évidemment. Pour ce qui est des traitements individualisés: sans problème. Maintenant, il faut reconnaître que le rapport spécifique entre citoyen et État est un rapport qui se distingue de celui de producteur et... Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas tenir compte des demandes particulières et spécifiques du citoyen, loin de là, et je suis d'accord avec vous.

M. Couillard: M. le Président, je pense que mon collègue le député de Vimont voudrait intervenir.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, M. le Président. M. Dholandas, M. Paquette, M. Pelletier, bonjour. Moi, ce qui m'a intéressé beaucoup, c'est votre commentaire, un commentaire positif au niveau de l'esprit novateur de la loi. Je pense que c'est à la page 10 de votre mémoire. Vous parlez justement que l'on donne à l'office la possibilité de solutions novatrices, de projets novateurs. Est-ce que vous pouvez un petit peu élaborer à ce niveau-là? Quel genre de projets novateurs de votre côté vous souligneriez ou vous salueriez encore plus que juste les grands paramètres?

M. Paquette (Jonathan): Nous, ici, dans ce qu'on a proposé, peut-être est-ce que c'est, bon, une petite parcelle, et donc ça appartient aussi aux gens qui sont intégrés dans le débat d'une façon plus spécifique à développer là-dessus. Par contre, nous, on croit que de souligner l'excellence des rapports, des relations entre les citoyens, les différents organismes et les institutions gouvernementales, ce serait, en ce sens-là, très novateur. Donc ça, c'était déjà peut-être un pas dans cette direction. Mais le seul fait de donner une marge de manoeuvre à l'OPHQ pour l'expérimentation, nous, on a accueilli ça d'une façon très... on a été très satisfaits de cette...

M. Auclair: C'est un concept que vous... Vous appuyez le concept en général...

M. Paquette (Jonathan): Bien évidemment, oui.

M. Auclair: Excellent. Merci.

M. Paquette (Jonathan): Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Moi, j'aurais une petite question que votre section sur l'évaluation, pages 12 et 13 de votre rapport... de votre mémoire, pardon, m'a soulevée. Je suis d'accord avec vous, entre autres, la qualité de l'information, si on veut prendre des bonnes décisions ou informer les gens, la qualité de l'information devient pertinente puis également au niveau de l'évaluation.

n(17 heures)n

Quand je lis vos propos, la question que je me demandais ? moi, je viens de Rouyn-Noranda? Témiscamingue, des régions: Est-ce que votre mémoire actuellement c'est plus un concept théorique que vous présentez vers lequel qu'il faut aller ou actuellement vous avez, de votre côté, observé ou fait un constat sur des disparités au type de... sur l'information actuellement disponible puis... est-ce qu'il y a des lacunes à cet égard-là? Donc, est-ce que c'est des faits ou c'est simplement une volonté que vous exprimez?

M. Paquette (Jonathan): C'est des faits et à la fois une volonté. On ne critique pas ici le travail de l'OPHQ. On croit que des données qui sont disponibles sont nécessairement des données qui sont utiles pour des chercheurs, mais il ne s'agit pas de données qui donnent une bonne information rapidement aux citoyens.

Si on regarde le cas des données pour les Laurentides, alors il y a une personne handicapée statistiquement créée par les Laurentides... pardon, pour les Laurentides, et là on ne sait pas trop... Alors, les Laurentides, on sait... Moi, je viens de Deux-Montagnes et je suis certain que la situation spécifique pour les personnes de Mont-Laurier, ce n'est pas la même chose. Alors, on n'a pas une image très claire, là. C'est une image bien globale. Bien que c'est bien intéressant, le citoyen, lui, je crois qu'il n'est pas... il ne dispose pas de l'information rapidement et facilement pour pouvoir au moins se situer.

M. Bernard: O.K. Parce que c'est... La question que je me demande, à ce moment-là, suite à vos propos... Moi, à Rouyn-Noranda, entre autres en Abitibi-Témiscamingue, on a un organisme qui est présent, la Ressource, puis on a plusieurs organismes présents sur le territoire, puis, moi, à moins que je me trompe, je suis convaincu que, quand quelqu'un arrive puis que... Disons qu'un enfant arriverait puis qu'une famille se retrouve à avoir besoin de services pour des personnes handicapées, je crois qu'il y a des ressources sur le territoire qui ont toute l'information concrète, et peut-être que l'information au niveau local est peut-être meilleure, est peut-être très pertinente, mais peut-être donc que c'est une collecte d'information du côté de l'OPHQ qui serait différente.

Mais, moi, je suis convaincu actuellement que quelqu'un sur le terrain comme en Abitibi-Témiscamingue, tu arrives... qu'il arrive quelque chose à Rouyn-Noranda, les gens ont les données pertinentes pour prendre des décisions. Parce que, entre autres, quand vous dites: «Le choix de s'établir dans une municipalité plutôt que dans une autre en raison des possibilités...», on sait déjà pertinemment que, plus tu t'en vas vers une grande ville, plus que tu as déjà les services disponibles, et d'ailleurs, indirectement, tu n'as pas le choix... J'ai vu même des gens partir de l'Abitibi-Témiscamingue s'en aller vers Montréal, parce qu'ils savent pertinemment, à cause de leur handicap... ils sont obligés de se rapprocher des points de services, que ce soit médical ou autre, et également universitaire, etc. Donc, je pense qu'à ce niveau-là il y a déjà des choses existantes.

Le Président (M. Copeman): M. Dholandas.

M. Dholandas (Carl): Si je peux commenter un peu, et ensuite mon collègue va commenter aussi. Il est fort possible que les gens... D'ailleurs, nous constatons la même chose, les gens partent parfois de leur région pour aller en ville ou dans les autres régions qui disposent de plus de services. Ce que nous voulons, et peut-être c'est sujet à controverse, mais il y a tendance, et je n'utilise pas nécessairement des exemples concrets ou des exemples précis ici, je ne suis pas ici pour accuser qui que ce soit, mais il est toujours possible, dans l'administration, qu'il y ait ce qu'on appelle parfois «a race to the bottom», dans le sens qu'il n'y a peut-être pas autant de raisons, quand il y a des contraintes budgétaires, de promouvoir tous les services possibles.

Nous, ce qu'on veut inciter, c'est une course vers le haut. En informant le citoyen des ressources disponibles dans chaque région du Québec, le citoyen aura un ensemble d'informations et là pourrait prendre des décisions sur son cas particulier. De plus, ça inciterait un certain effort de la part de toutes les régions, et je dis ça pas pour accuser qui que ce soit, il faut être clair sur ce sujet, mais par contre il peut avoir un effet bénéfique.

M. Paquette (Jonathan): Je crois à cet effet...

M. Bernard: Excusez.

Le Président (M. Copeman): M. Paquette, allez-y.

M. Paquette (Jonathan): ...qu'un classement ordinaire permettrait justement... bon, une statistique qui permettrait au moins de voir où est-ce qu'il y a vraiment, au niveau local, au niveau institutionnel, des entrepreneurs de la compassion, des gens qui vont vraiment se dépasser et aller au-delà. Et puis je crois que malheureusement, bon, au-delà du capital politique que ça peut procurer au niveau local, au-delà de ça, il faut trouver un moyen pour féliciter ces gens-là puis ces efforts. Et ces gens-là, comme dans toute autre entreprise, sont toujours à la recherche d'une certaine... En fait, il faut féliciter l'excellence du travail qu'ils font, et je pense que justement le classement ? un classement ? de la qualité et de l'offre de services, en fait de l'esprit d'entreprise sociale serait nécessairement une façon d'engendrer au moins des comportements positifs en ce sens.

M. Bernard: C'est parfait.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous savez, on est tous ici, je crois, comme parlementaires, par souci d'améliorer au quotidien la qualité de vie des personnes handicapées. L'exposé que vous avez fait est fort intéressant. Comment appliquer ce que vous nous dites en théorie, comment appliquer ça au quotidien pour faire en sorte qu'on va améliorer le sort des personnes handicapées?

M. Paquette (Jonathan): Bien évidemment, nous, on s'est intéressés à certains aspects plutôt programmatiques, où on était nécessairement plus à l'aise de traiter. Mais je crois que, pour ce qui est du délai de traitement... Bon, on a parlé d'avoir plus d'information possible. Pour ce qui est de notre considération sur l'esprit d'innovation, on s'est intéressés possiblement à essayer de créer au moins une zone d'intercompréhension entre les personnes qui sont des milieux associatifs, les gens de l'OPHQ et les différentes institutions. Et ça, bon, ça reste... Cette prise de décision là, à savoir: Est-ce que c'est un gala? à savoir: Est-ce que c'est un événement annuel, une remise de prix?, ça, ça appartient vraiment aux gens au niveau de l'application des politiques. Pour ce qui est des statistiques, bien là c'est clair. Ce qu'on demande, c'est vraiment d'avoir un classement compétitif des différentes institutions. Alors, à mon sens, je crois qu'un classement compétitif pourrait nécessairement engendrer enfin des avancées au niveau local.

Mme Richard: Quand vous avez parlé tantôt du délai de 90 jours, là, puis vous dites que c'est un service administratif, vous avez fait référence aux services de santé... Moi, si je suis en attente d'une chirurgie, on me dit: Bon, c'est dans deux mois; on me dit, si j'ai des prises de sang: Telle date, puis, bon, après... Mais c'est sûr que, quand on arrive, bon, que ce soit pour une plainte au niveau de l'office puis que...

Comme si je serais une personne handicapée puis qu'on me dit que le délai est de 90 jours, je trouverais ça normal, oui, d'avoir de l'information, mais d'avoir à remplir un formulaire, puis c'est pour ça que je veux échanger un petit peu avec vous, sur tel type d'information, qu'on me mette au... Parce qu'on sait que déjà le délai de 90 jours, ça crée de l'inquiétude quand on est une personne handicapée, puis on trouve ça long, puis c'est tout un dédale administratif. Mais, si, en plus, il faut qu'on m'envoie un formulaire pour me dire où est-ce qu'on est rendu, à chaque fois... C'est là que je voudrais entendre votre point de vue là-dessus. Vous n'avez pas peur que ça vienne un petit peu plus lourd pour la personne?

M. Dholandas (Carl): Justement, nous, nous envisageons un formulaire très court, et ce serait rempli par la personne-ressource de l'Administration. Et ça pourrait aider en fait à économiser le temps au lieu d'en gaspiller, parce que, si le résultat va être qu'on va voir, au fil d'une très brève analyse, que ça va prendre seulement 80 jours au lieu de 90, ça pourrait être utile. Là, on a une démarche qui s'inscrit dans une compassion administrative plus qu'une simple justice administrative; on peut aller au-delà et on peut dire: Bon, nous allons fournir un traitement sur mesure, et cela, tout en économisant le temps.

n(17 h 10)n

M. Paquette (Jonathan): Je crois qu'à ce sujet les récents développements, par exemple dans les sciences assez avant-gardistes comme celles du nursing où, en Suède, ils appellent ça maintenant des... c'est des facultés de «caring studies», de «science du souci», alors là ces gens-là ont une approche vraiment interdisciplinaire intégrée, et je pense que juste de regarder un peu dans cette direction-là, pour le Québec, ce serait au moins quelque chose de positif.

Mme Richard: Par rapport à la gamme de services... Bon, vous avez fait référence que les régions ne sont pas toutes semblables au Québec. C'est vrai. Moi, je viens d'une région, la région de la Côte-Nord, puis ce n'est pas le même vécu que si je venais de la Gaspésie. Moi aussi, je pense que les gens ont droit à plus d'information possible, mais... Je suis d'accord qu'il y ait de l'information au niveau de la région puis qu'on la diffuse. Il faut que je... c'est pour ça que je veux voir votre idée là-dessus. Je veux savoir aussi, si je suis une personne handicapée, qu'est-ce qui s'offre à moi en dehors de ma région. Et là vous n'avez pas peur qu'à un moment donné on les inonde d'information? Ça va faire plusieurs canaux, là, pour... Parce que, on le sait, la personne handicapée, là, souvent elle est démunie, elle est seule. Il faut simplifier l'information. Juste vous dire qu'ils nous en parlent souvent. Puis, même moi, là, je suis une personne, entre guillemets, dite normale, puis, si je fais affaire avec un répondeur, soyez certains que je suis très impatiente. Quand j'appelle, que ce soit ma compagnie de téléphone qui me dit: Faites le 1, faites le 2, puis... Là, on est dans un monde où on est inondé d'information, là.

M. Paquette (Jonathan): Justement, l'idée d'une statistique qui soit accessible aux citoyens, vraiment, sur le plan d'un classement des performances, à notre sens, c'est une façon rapide, pas très compliquée. Peut-être une statistique qui n'est pas neutre évidemment, mais c'est un peu la volonté qu'il y a derrière cet exercice-là. On veut souligner les gens qui ont l'esprit d'entreprise en termes social. Et ça, c'est vraiment d'offrir le capital... Parce que vous savez, dans une petite communauté, ça peut engendrer un certain nombre... Certaines mesures peuvent engendrer des coûts ? bon, vous savez qu'ils sont assez onéreux ? et il faut être capable d'au moins donner une rétribution politique aux personnes qui sont les décideurs et de dire: Bien, voyez, vous avez été capables de vous classer à tel rang, vous avez fait une grande avancée. C'est une façon de voir un peu, de conceptualiser, puis rapidement dire: Bien, mon élu local, l'administrateur local a fait quelque chose pour nous, et je sens que, bon, notre communauté se débrouille bien. C'est une histoire... c'est pour avoir un peu un certain ordre, pour voir un peu l'ordre des choses.

Mme Richard: Moi, je veux vous féliciter, parce que voir des jeunes comme vous qui mettez des choses qui semblent avant-gardistes, de l'avant, c'est toujours intéressant. Merci beaucoup.

M. Paquette (Jonathan): Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. Paquette, M. Dholandas, M. Pelletier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement les représentants du Conseil de la famille et de l'enfance à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

 

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, souhaitant la bienvenue aux représentantes du Conseil de la famille et de l'enfance. Je sais, Mme Blais, vous n'êtes pas à votre première expérience devant une commission parlementaire, mais je vous rappelle brièvement nos façons de faire. Vous avez, vous et vos collègues, une période maximale d'à peu près 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec des parlementaires des deux côtés de la table. Sans plus tarder, je vous inviterais à présenter les mesdames qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Blais (Marguerite): Merci, M. le Président. Alors, je vous présente, à ma droite, Mme Isabelle Bitaudeau, qui est secrétaire générale du conseil, ainsi que Mme Lise Bourcier, qui est la responsable du dossier, qui est professionnelle au conseil.

Nous remercions les membres de la commission de l'occasion qui nous est offerte de contribuer au débat sur l'intégration des personnes handicapées et des moyens pour la réaliser. Soyez assurés que le Conseil de la famille et de l'enfance est toujours intéressé à participer aux réflexions sur les questions en lien avec sa mission. Rappelons que son mandat est de conseiller le gouvernement du Québec au regard de la famille et de l'enfance. Ses avis, ses rapports s'inspirent tant des réalités familiales observées lors de consultations publiques que des recherches issues de divers milieux sur les questions d'intérêt familial.

J'ai eu le plaisir d'assister au débat que la commission a tenu, le 21 mai dernier, suite à la publication de l'avis du conseil Vieillissement et santé fragile: un choc pour la famille? Le fait que vous ayez débattu de l'impact du vieillissement de la population sur la société civile et la famille montre l'importance de cette problématique et nous stimule à reprendre notre message.

Les impacts du changement démographique sur l'économie et les finances publiques sont bien connus, et notre gouvernement est engagé dans la recherche de solutions. Afin de préserver un certain équilibre social, il est nécessaire de considérer également les impacts sur la société et sur les responsabilités familiales, comme le démontre l'avis du conseil. C'est pourquoi vous reconnaîtrez dans nos propos concernant l'intégration des personnes handicapées certaines préoccupations qui nous animent depuis la production de cet avis.

En effet, nous avons choisi d'examiner des changements proposés sur la loi concernant les droits des personnes handicapées sous l'angle du vieillissement de la population et de l'avenir des familles au Québec. Le conseil a préféré se concentrer sur des aspects en lien avec ses travaux récents. Il considère que la population des personnes handicapées de tous âges mérite de meilleures mesures d'intégration. En aménageant mieux l'environnement physique et social, la société permet aux personnes handicapées de participer pleinement à tous les aspects de la vie sociale et allège la responsabilité des familles. Ces mesures facilitent également l'apprentissage chez les enfants et elles retardent l'apparition d'incapacités chez les adultes. Bref, toute la société en tire des bénéfices.

Je viens de ralentir le débit. Parce que je tiens également à vous féliciter. Je vois qu'aujourd'hui vous avez un interprète pour les personnes sourdes, et ça me préoccupe énormément, l'intégration des personnes sourdes dans notre société. Alors, je viens de réaliser que je parlais un peu vite. Et je tiens à vous féliciter pour cette initiative et j'espère qu'elle va se répéter ici, à l'Assemblée nationale.

Le conseil fait le postulat que le vieillissement de la population risque d'entraîner un plus grand nombre de personnes handicapées. Le nombre de personnes âgées a doublé en 25 ans et il doublera encore dans les 25 prochaines années. Or, l'âge est un facteur important de handicap. Il vient au deuxième rang après la maladie mais avant les traumatismes et les accidents génétiques. À l'heure actuelle, les personnes âgées constituent le tiers de la population des personnes vivant avec des incapacités, alors qu'elles ne forment que 13 % de la population. De plus, si on considère les personnes dont l'incapacité résulte en une dépendance modérée ou forte, la majorité de ces personnes sont âgées.

n(17 h 20)n

On peut donc se demander qui fera bientôt partie de la population des personnes handicapées lorsqu'un adulte sur trois sera âgé. S'il suffisait d'une simple règle de trois pour faire un portrait du futur, assurément une très grande part des personnes handicapées seraient âgées. Mais d'autres facteurs entrent en jeu dans le développement d'incapacités parmi la population, notamment l'environnement, les techniques médicales, l'accessibilité des services et les habitudes de vie. On ne peut donc pas prédire avec certitude l'évolution de la population de personnes handicapées. Tout dépend de notre capacité à réaliser de nouveaux gains en matière de santé publique.

Il est légitime de se demander ce qui changera dans le contexte où les personnes handicapées sont plus nombreuses et plus âgées. D'abord, on doit prévoir les pressions qui seront exercées sur la capacité de la société à les intégrer et à leur fournir l'aide dont elles ont besoin à chaque jour. Les services seront appelés à évoluer, et l'intégration des personnes revêtira un caractère différent.

De plus, les familles pourront être plus nombreuses à devoir soutenir une personne handicapée, ce qui changera leur style de vie de même que la capacité des individus à exercer d'autres rôles sociaux. C'est un fait connu, la majorité des personnes vivant des incapacités ont besoin d'aide dans leur vie quotidienne, et celle-ci est avant tout dispensée par la famille. Or, la taille des familles tend à diminuer, alors que les générations se superposent. Plusieurs personnes aidantes pourraient se trouver avec des difficultés importantes à concilier les besoins de tous les membres de la famille, dont les leurs.

Nous avons déjà exprimé combien la mouvance des réalités familiales entraîne une nécessité d'adapter le rôle de l'État et d'appliquer des changements législatifs. Nous considérons que le projet de loi n° 56 s'inscrit dans cette volonté d'adapter le fonctionnement de l'État aux réalités d'aujourd'hui et nous pouvons féliciter les législateurs de leur intérêt manifesté en ce sens.

D'après le conseil, en confiant à l'Office des personnes handicapées du Québec une mission davantage axée sur la vigie, le projet de loi n° 56 fournit à la société québécoise les instruments pour préparer cette transformation sociale dans toutes les sphères d'intégration des personnes handicapées. L'efficacité de cette mission repose sur la qualité des pouvoirs attribués à l'OPHQ pour l'exercice de ses fonctions.

Notons que l'intégration sociale des personnes handicapées ne repose pas seulement sur leur formation et leurs fonctions professionnelles. La nouvelle réalité d'un plus grand nombre de personnes handicapées et vieillissantes fait en sorte que la société québécoise devra les soutenir et les intégrer d'une façon différente. Elle commandera des efforts supplémentaires. Ainsi, l'intégration sociale des personnes handicapées reposera davantage sur un meilleur accès à des lieux adaptés ainsi qu'à des activités sociorécréatives, lesquelles devront être axées sur leurs capacités et leur intérêt. La prévention des incapacités sera capitale, de même que les services de soutien à domicile.

Le conseil désire attirer l'attention de la commission sur deux points du mémoire qui lui apparaissent fondamentaux: la coordination des services et le partenariat avec les familles.

L'efficacité des services gouvernementaux passe par l'intégration des services. Le gouvernement adhère à ce principe, puisqu'il en a fait l'un des enjeux du plan de modernisation de l'État. Il a en effet annoncé la mise en place de Services Québec, une agence qui proposera aux citoyens un guichet unique et offrira des services intégrés. Mais, dans le cas de personnes handicapées, l'accessibilité à un guichet unique et la coordination des services sont particulièrement importantes, étant donné leurs limitations. Un guichet unique devrait leur être proposé pour offrir une gamme de services tels que soutien financier, aide technique, aide à domicile, services de santé, transport adapté, ateliers protégés, et le reste.

Le projet de loi n° 56 reconnaît la nécessité de coordonner les services, puisque, dès l'article 1, il inscrit que l'office, les ministères et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics ou privés doivent être guidés par le principe de favoriser la coordination continue pour la gestion et la complémentarité des ressources ainsi que la permanence et l'intégration maximale des services. Le conseil s'est interrogé sur la facilité, sur la façon dont peut s'articuler ce principe. À l'échelle collective, cette coordination s'exerce généralement dans le cadre des tables de concertation multisectorielle. Puis, à l'échelle individuelle, auprès de chaque personne handicapée, c'est par le plan de services et la gestion des cas que cette coordination s'opère.

Or, il nous apparaît que le projet de loi propose peu de moyens de concrétiser ce principe de coordination et d'intégration des services. Certes, l'office est responsable de faire la promotion du plan de services en plus de s'assurer de la mise en oeuvre d'actions intersectorielles et de participer, sur demande, à la coordination de ces actions. De plus, l'office conserve la responsabilité de voir à la préparation d'un plan de services lorsqu'une personne handicapée en fait la demande. Le conseil désire cependant sensibiliser le législateur au fait que retirer à l'office la majorité des services directs à la population, comme l'aide matérielle et les subventions à l'adaptation des postes de travail, risque de faire diminuer considérablement les demandes. On peut entrevoir que les personnes handicapées s'adresseront à l'office seulement en dernier recours, après avoir frappé à toutes les portes des organismes gouvernementaux et s'être vu refuser les services demandés.

De plus, les intervenants réunis pour élaborer un plan de services seront peu tentés de convoquer ceux de l'office, puisqu'il n'aura pas de service direct à offrir. Comment l'office pourra-t-il faire la promotion d'une pratique, celle des plans de services, dont il risque d'être de moins en moins partie prenante? Comment pourra-t-il influencer des partenaires avec lesquels il sera de moins en moins lié?

Pour le conseil, l'intégration des services est très importante. Il constate que les familles se perdent souvent dans les dédales des organismes gouvernementaux, elles se découragent devant les obstacles administratifs et finalement elles ne reçoivent pas les services auxquels elles ont droit.

L'augmentation des familles dont un membre a une incapacité dictera l'importance de services de soutien aux proches aidants: répit, gardiennage, soutien financier, soutien psychologique, information et formation sur les incapacités, consultations juridiques. La reconnaissance des besoins de ces familles devra être manifeste dans l'ensemble des programmes gouvernementaux si on veut prévenir leur épuisement et leur démission. La politique familiale en particulier devra être explicite sur le soutien aux familles aidantes.

Déjà, dans le projet de loi n° 56, on note un net progrès. Le mot «famille» apparaît à plusieurs reprises pour signifier une reconnaissance des besoins des familles dont un membre est handicapé. Notamment, le conseil accueille avec satisfaction le principe de favoriser l'adaptation du milieu aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles et celui de viser une qualité de vie décente pour les personnes handicapées et leurs familles. De plus, le projet de loi indique que l'office a un rôle à jouer dans l'élaboration et la prestation des services qui concernent non seulement les personnes handicapées, mais aussi leurs familles, tout en assurant la promotion de leurs intérêts et leurs représentations.

Cette préoccupation pour les besoins des familles aidantes aurait pu être également manifeste en ce qui concerne le rôle de prévention et d'évaluation de l'OPHQ. Ainsi, celui-ci pourrait se voir confier un rôle de prévention auprès des familles. Par exemple, il pourrait être engagé dans la promotion de saines habitudes de vie auprès des aidants afin de réduire leur stress, de maintenir leur propre autonomie et leur qualité de vie.

n(17 h 30)n

De plus, comme la loi actuelle prescrit à l'office le devoir de préparer des inventaires établissant les besoins des personnes handicapées et leurs ressources existantes, cette pratique pourrait être élargie aux besoins des familles comprenant une personne handicapée. De même, les responsabilités dans la planification de services pourraient être étendues aux services destinés à ces familles.

Enfin, un travail de promotion auprès des employeurs pour favoriser des mesures de conciliation famille-travail est encore plus important pour ces familles dont le nombre risque d'augmenter avec le vieillissement de la population. Il y a lieu d'analyser les lois et les programmes au regard de leur incidence sur les familles et de conseiller le gouvernement à ce sujet. Ainsi, la politique familiale devra être examinée quant au soutien apporté aux familles dont un membre vit des incapacités.

Dans l'ensemble, le Conseil de la famille et de l'enfance considère que ce projet de loi apporte une bonification quant aux principes qui le sous-tendent et qu'il définit plus précisément la mission de l'Office des personnes handicapées du Québec. Le rôle transversal que le projet de loi lui attribue dans les actions des ministères et organismes publics est de première importance. De même, la clause d'impact obligeant à consulter le ministre responsable de la loi lors de l'élaboration de mesures qui pourraient avoir un impact significatif sur les personnes handicapées permettra de mieux protéger les droits des personnes handicapées.

Cependant, le conseil redoute que le transfert de responsabilités directes envers les personnes handicapées, comme celles de l'aide matérielle et des centres de travail adapté, cantonne l'OPHQ dans un rôle plus administratif. Cela pourrait provoquer un éloignement de l'OPHQ face à la réalité quotidienne des personnes handicapées. Il craint que les pouvoirs accordés à l'OPHQ manquent de vigueur et déplore que le projet de loi n'impute pas la coordination des plans de services à un organisme en particulier. Le fait qu'il n'y ait pas de responsable désigné pour coordonner les plans de services entraîne une confusion parmi les intervenants de différents domaines. Le conseil encourage le gouvernement à considérer ce dernier point comme étant essentiel pour assurer une efficacité des services au moment où l'augmentation de la demande prévue avec le vieillissement de la population menace leur qualité.

Je vous remercie de l'attention que vous m'avez accordée, que vous avez accordée au conseil par mon intermédiaire.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Blais. Alors, pour débuter l'échange avec les parlementaires, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Mme Blais, Mme Bilodeau, Mme Bourcier, merci pour votre visite. On aura constaté, M. le Président, que Mme Blais suivait de près le rythme de l'interprète gestuel devant elle...

Le Président (M. Copeman): ...M. le ministre.

M. Couillard: ...et, pour moi, c'est difficile, parce qu'on me dit tout le temps que je parle trop vite, alors... Mais je remarquais qu'elle s'ajustait très bien au rythme de l'interprète. Et, pour les gens qui nous écoutent, il est bon de savoir que Mme Blais s'exprime couramment dans la langue québécoise des signes, et c'est quelque chose à voir. J'ai été témoin de sa capacité à s'exprimer dans cette langue lors du Congrès international des sourds, où j'avais d'ailleurs vécu une expérience que je recommande à tous: rentrer dans une pièce où plusieurs centaines de personnes conversent à des niveaux d'abstraction tout à fait comparables à ceux qu'on utilise dans la langue verbale, et on n'entend pas un son dans la pièce. C'est assez impressionnant comme expérience.

Mais revenons à notre sujet d'aujourd'hui. Vous remarquez donc que, dans le projet de loi, on introduit la notion de la famille qui était absente auparavant dans tout ce qui a trait à la personne handicapée. En fait, on l'introduit de deux façons: d'une part, de celle que vous avez mentionnée quant à la mention directe du mot «famille» dans certaines missions qu'on attribue à l'office et également aux ministères et organismes et, également, quant à la composition même du conseil d'administration, où on indique que des membres doivent être soit des personnes handicapées elles-mêmes ou membres de leurs familles. Et, plus tôt, on a eu des représentations de personnes qui nous indiquaient à limiter le nombre de ces personnes représentant les familles par rapport aux personnes handicapées elles-mêmes.

Alors, où est l'équilibre, selon vous? Est-ce qu'on doit faire une règle comme ça, de répartition? Parce que, tel qu'il est formulé, le projet de loi n'indique pas la proportion dans le conseil d'administration entre les personnes handicapées elles-mêmes et leurs familles, ça peut être un ou l'autre, pour un nombre déterminé de places. Est-ce que vous pensez qu'il faut aller plus loin dans la détermination du rapport entre les deux?

Mme Blais (Marguerite): On croit qu'il faut aller un petit peu plus loin sur le soutien que cette loi pourrait apporter aux familles. Évidemment, nous avons jeté un regard concernant le vieillissement de la population comme tel, et on se rend compte qu'une des grandes complications, c'est tout le rapport avec les aidants naturels ou les aidants proches. Si on remarque qu'à l'âge de 85 ans il y a huit personnes sur 10 qui ont des incapacités, donc ce sont souvent les membres de la famille qui sont responsables de ces personnes vieillissantes, et ces membres de la famille sont aussi des personnes actives dans la société, des personnes qui ont des familles, des personnes qui ont des responsabilités et qui, à un moment donné, bien, délaissent un peu leur travail parce qu'elles ont cette responsabilité de s'occuper d'une personne en perte d'autonomie ou même, parfois, c'est une personne handicapée.

Et on le voit. J'ai rencontré des parents qui sont venus me rencontrer au conseil, qui étaient complètement, complètement... qui avaient délaissé leur carrière professionnelle et avaient eu des ruptures conjugales parce qu'il y avait un enfant qui était handicapé dans la famille, et qui avaient beaucoup de difficultés à se retrouver dans tout ça, et qui manquaient de temps pour elles-mêmes, de temps de répit.

Et j'ai le souvenir de cette dame, entre autres, qui me disait qu'elle avait quelques heures par semaine, on lui accordait quelques heures par semaine de répit; c'est quelqu'un qui venait prendre soin de son enfant à la maison. Mais ces quelques heures de repos, ce n'était pas assez pour elle pour pouvoir récupérer. Ces quelques heures de repos lui permettaient bien souvent de faire des courses ou de faire des choses qu'elle ne pouvait pas faire autrement parce qu'elle devait s'occuper de cet enfant presque 24 heures sur 24. Donc, je pense que c'est important aussi de considérer les familles et leurs besoins.

Et je reviens au vieillissement de la population, c'est que, si les personnes qui s'occupent d'un personne handicapée ou en perte d'autonomie, ces personnes deviennent malades à leur tour, ce n'est pas non plus... ça ne vient pas aider non plus la société comme telle, parce que ces personnes vont développer à leur tour des maladies. Puis je pense qu'on pourrait peut-être aller un petit peu plus loin. Et ce que nous avons beaucoup aimé, c'est tout le rôle de promotion que vous accordez à l'Office des personnes handicapées. Donc, il pourrait y avoir toute cette promotion de faite pour favoriser, entre autres, de saines habitudes de vie et pour ces personnes et faire en sorte qu'elles...

Oui, je vois ici qu'elles sont en train d'écrire, m'écrire toutes sortes de notes. Alors, Lise, qui a travaillé sur le dossier, pourrait peut-être aller un petit peu plus loin.

Mme Bourcier (Lise): Bien, en fait, je voulais répondre autrement à la question, que le Conseil ne s'est pas attardé à la composition du conseil d'administration. Mais on peut comprendre les personnes handicapées d'être eux-mêmes représentés plutôt que les membres de la famille. Mais on sait qu'il y a des personnes handicapées qui ne peuvent pas être représentées parce qu'elles sont, bon, elles peuvent être déficientes profondes ou... En tout cas, elles ne sont pas aptes à siéger sur un conseil d'administration. Mais finalement, je veux dire, le conseil ne s'est pas prononcé là-dessus. Alors, il y a...

Mme Blais (Marguerite): Si je comprends bien, je ne répondais pas à la question que vous m'aviez posée, M. le ministre. C'est très bien qu'elle ait répondu à ma place; je la remercie beaucoup.

M. Couillard: Je prenais des leçons en vous écoutant, Mme Blais.

Mme Blais (Marguerite): Je pense que vous m'avez impressionnée une fois de plus.

M. Couillard: Non, je prenais des leçons en vous écoutant, Mme Blais.

Pourriez-vous nous donner des exemples d'une collaboration future entre votre organisme et l'Office des personnes handicapées? Parce que c'est nouveau donc, cette introduction de la notion des familles. Alors, comment est-ce que vous pourriez, en lien avec l'office, avoir un impact direct dans ce que vous recommandez?

Mme Blais (Marguerite): Bien, nous avons déjà commencé à élaborer un plan de collaboration avec l'Office des personnes handicapées et son président, M. Norbert Rodrigue. Entre autres, M. Rodrigue nous a invités à des séminaires, et nous avons assisté. Et le Conseil de la famille et de l'enfance ne s'est pas énormément penché jusqu'à maintenant sur enfants handicapés et familles ou parents handicapés et enfants, parce que, ça aussi, ça existe. Et nous avons l'intention, dans les prochains mois ? d'ailleurs, ça a été adopté par les membres du conseil lors de notre dernière réunion pour notre plan d'action 2004-2005 ? de travailler sur... de brosser des portraits de familles ayant des enfants handicapés, ou vice versa, et nous allons le faire avec l'Office des personnes handicapées, en tout cas avec la collaboration de l'Office des personnes handicapées, pour faire en sorte qu'il y ait une meilleure promotion... en tout cas, aller voir quels sont vraiment les vrais problèmes des familles, comprendre cette sensibilité-là au-delà des dédales administratifs, essayer de voir tout l'aspect émotif aussi, parce qu'il y a cet aspect émotif quand on vit avec une personne handicapée et on veut lui donner une qualité de vie extraordinaire. Et c'est la même chose quand on a une personne âgée; son parent à domicile, on veut le garder le plus possible autonome et faire en sorte que sa vie soit, jusqu'à la fin, extraordinaire. Alors, je pense que dans ce sens-là on va avoir une bonne collaboration de M. Rodrigue.

n(17 h 40)n

Mme Bitaudeau, est-ce qu'elle a quelque chose à... Elle a mis un petit mot, là, sur son petit papier.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Ça complétait. Vous l'avez déjà bien brossé, le portrait. Effectivement, les modes de collaboration pour l'instant, qui sont en élaboration, sont plutôt sur des aspects de recherche et de portraits familiaux. Mais c'est certain que le but, pour le Conseil de la famille en tout cas, c'est d'arriver à mettre en évidence les besoins des familles avec des personnes handicapées surtout dans la perspective où ces familles risquent d'être beaucoup plus nombreuses qu'actuellement dans un avenir assez proche.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Merci. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.

Mme Richard: Bonjour, mesdames, Mme Blais, Mme Bourcier, Mme Bilodeau. Je vous dirais que, dans les groupes, c'est presque la première fois que c'est juste des femmes qui sont devant nous.

Mme Blais (Marguerite): Au conseil, vous savez, à la permanence du conseil, nous avons un homme. Nous sommes 11, nous avons un homme. Nous sommes majoritairement des femmes. Je ne sais pas s'il est heureux avec nous, mais il le semble, il reste avec nous.

Mme Richard: Ça démontre que, comme pour les personnes handicapées, la famille, il y a encore du chemin à faire, de l'éducation à faire pour démontrer que ce n'est pas juste l'affaire des femmes.

J'ai trouvé vos propos fort intéressants, Mme Blais, et vous avez toute une expertise. Puis ce qui m'a intéressée particulièrement, vous avez fait un rapprochement par rapport aux personnes handicapées avec le vieillissement de la population. Et je vous dirais que, pour moi qui viens d'une région, c'est problématique, parce que je viens d'une région où, bon, on fait face, nous aussi, au vieillissement de la population, à l'exode des jeunes. l'exode des familles, et j'ai eu à faire face, moi aussi, à une famille qui devait garder une mère malade, elle avait fait un ACV, c'était une personne âgée. Et dans le village, là, on n'avait pas tellement de ressources, pour dire... pas de ressources, que ce soit pour garder une personne âgée à domicile ou pour une personne handicapée. Et je vous dirais que, même comme députée, j'avais des limitations à leur trouver des ressources. Dans notre société en général, dans les régions, on va avoir à se questionner par rapport à ça prochainement.

Mme Blais (Marguerite): Mme la députée de Duplessis, je ne sais pas si on a une très grande expertise, c'est bien humblement qu'on est venues aujourd'hui, mais on a pensé, au conseil, que c'était une occasion aussi de... Il faut prévoir, hein, comme notre population est vieillissante, qu'il y aura 2 millions de personnes âgées et en perte d'autonomie, donc avec des incapacités. Et, avec la nouvelle définition de la personne handicapée, où il n'y a pas d'âge, où on intègre à la fois le médical et le social, c'est le temps de vraiment réfléchir et de faire en sorte pour mettre en place des mesures, des mesures d'adaptation à nos structures environnementales, et d'ailleurs c'est prévu dans la loi.

Le transport est une chose extrêmement importante. Vous donnez des exemples personnels. Je peux vous dire que, l'autre jour, j'attendais l'autobus, et il y avait une personne en fauteuil roulant à côté de moi ? et, moi, je parle à tout le monde, dans le métro, l'autobus, j'aime ça ? et elle me disait... je trouve ça fantastique, parce qu'elle me disait: Dans les années cinquante, mon fauteuil pesait 50 lb; maintenant, avec une nouvelle technologie, avec l'amélioration, il en pèse 25, donc il est plus léger, je peux mieux le manipuler; et en plus, maintenant, il y a des autobus, donc je peux voyager d'un endroit à l'autre à Montréal. Et quand on regarde... c'est important qu'il y ait de plus en plus de transport aménagé. Quand on a construit le métro à Montréal à une certaine époque, dans les années soixante, bien on n'a pas pensé à faire des ascenseurs. Donc, nos personnes âgées, nos personnes handicapées ont de la difficulté à utiliser le métro. À Paris, on est en train d'installer des ascenseurs. Ça ne sert pas seulement aux personnes handicapées, ça sert aux mères de famille avec leur poussette et leur bébé pour pouvoir mieux se transporter. Donc, il y a de multiples utilisations. Et cette femme-là qui est en fauteuil roulant ? je reviens à mon histoire de personne qui attendait l'autobus ? elle était ravie, elle était autonome parce qu'elle pouvait se promener seule dans la ville de Montréal. Et ça, je trouve que c'est de pousser les limitations.

Et il y a le handicap physique et médical, mais le handicap social, c'est celui qui est créé par la société. Et, si on est capable d'amoindrir les handicaps de la société et permettre à plus de personnes handicapées de pouvoir être autonomes avec leurs limitations, c'est procurer aussi de la joie de vivre. Donc, dans certains pays, actuellement, des pays nordiques, on est en train de faire en sorte que les planchers... de faire en sorte d'avoir des planchers pour que les personnes, lorsqu'elles marchent, risquent moins de tomber. Donc, on est en train d'aménager les structures, et ça, on va devoir, on n'a pas le choix.

Et aussi nos personnes qui vont vieillir... Dans nos entreprises, on va devoir aménager les postes de travail et on va devoir aussi sensibiliser les entrepreneurs, qui bien souvent préfèrent une main-d'oeuvre plus jeune, à garder en emploi nos personnes plus âgées et leur dire qu'à chaque fois que vous essayez de mettre une personne plus âgée à la porte c'est toute une bibliothèque, ce sont des archives, ce sont des expériences de vie qui partent. Peut-être que la personne ne travaillera plus autant d'heures par semaine, mais elle pourrait devenir un mentor, aider un plus jeune, former un plus jeune. Mais, ça aussi, on va devoir le faire, parce que nos entreprises, là, elles ne sont pas là pour faire de la philanthropie, elles sont là pour faire des profits. Et il y a beaucoup d'entreprises qui privilégient la jeunesse plutôt que de privilégier aussi les personnes plus âgées, qui arrivent à un certain âge et qui se retrouvent évidemment dans un cercle d'appauvrissement à la fois matériel, mais à la fois psychologique, parce que ça fait aussi une pression: quand tu n'as pas de travail, quand tu n'as pas de statut social, tu vis une désinsertion sociale et tu deviens malade.

Mme Bourcier (Lise): J'aimerais ajouter au sujet des...

Le Président (M. Copeman): Mme Bourcier.

Mme Bourcier (Lise): Vous me permettez? Au sujet des réalités régionales, que, oui, on a parlé longtemps d'exode des jeunes, mais on risque d'avoir aussi un exode des personnes âgées s'il n'y a pas de services pour les aider à... pour les soutenir dans leur quotidien.

Mme Blais (Marguerite): On le voit déjà.

Mme Bourcier (Lise): Je donnerais l'exemple d'une personne de La Tuque qui est obligée de descendre à Trois-Rivières une fois par semaine pour avoir, je ne sais plus quels soins, là, je pense que c'est au niveau des reins, là...

Une voix: ...

Mme Bourcier (Lise): C'est ça. Et bientôt cette personne-là ne pourra plus le faire parce que c'est très épuisant pour elle déjà d'avoir ce traitement-là, mais, en plus, de voyager pendant quatre heures, ça ajoute à ses difficultés, là. Alors, oui, il risque d'y avoir un exode des régions par les personnes âgées.

Mme Richard: C'est exact. C'est des jeunes, c'est des familles, c'est des personnes âgées.

Et tout ça m'amène à un article du projet de loi. Comme je vous l'ai dit, je viens d'une région. Vous en faites référence, vous aussi, dans certains cas. Mme Blais, vous disiez l'histoire de la madame dans le métro, elle veut améliorer sa condition de vie, le fauteuil roulant est moins lourd, et tout ça. Et vous savez que la clause 1.3 qui vient faire en sorte de... c'est un peu une clause limitative, et je me dis, autant pour votre madame à vous qui a vu sa situation améliorée parce qu'on a adapté du transport, peut-être qu'une autre fois elle aura besoin d'un tel organisme qui pourra invoquer cette clause-là pour ne pas rendre accessible telle ou telle chose, et plus particulièrement dans les régions, les...

Je prends en exemple aussi le transport adapté. C'est difficile, là, dans les petits milieux, là. Puis on a parlé d'isolement puis d'exode. On pourra dire: Bien, on n'a pas les moyens financiers, on n'a pas les moyens en ressources humaines, donc on ne pourra pas offrir aux personnes handicapées telle ou telle sorte de services. On n'a pas discuté beaucoup, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de l'article 1.3, là, qui fait en sorte que c'est une clause limitative, qu'on pourra regarder puis dire: Bien, moi, je ne peux pas, je ne peux pas faire plus, je ne peux pas avancer, je n'ai pas les moyens de le faire?

Mme Blais (Marguerite): Bien, je pense que ça revient à dire un peu que, si j'ai bien compris ? et vous allez me reprendre, hein, si je n'ai pas bien compris ? c'est que l'office aura le pouvoir d'aller dans chaque ministère et de faire des recommandations. Le ministère en question aura 90 jours pour répondre. Et, entre autres, le ministère pourra invoquer: Bien, faute de moyens financiers, on n'est pas capable de pouvoir répondre à cette demande. Or, l'office par la suite pourra aller voir le ministre responsable de l'office et lui rapporter ce qui se passe. Il faut absolument que le ministre en question ait aussi le pouvoir de faire changer les choses. Je ne sais pas si, dans cette loi, le ministre responsable de l'office a le pouvoir.

Je vais vous donner un exemple puis vous me direz... je suis peut-être à côté, là, je suis peut-être à côté de mes pompes complètement. Concernant l'environnement, il y a le Bureau d'audiences publiques, le BAPE, et le ministre responsable du BAPE a le pouvoir d'accepter ou de refuser une recommandation du BAPE, mais il peut aussi... il a le pouvoir face aux autres ministres. Tandis que, dans cette loi, on ne voit pas tellement si le ministre responsable de l'office a ce pouvoir-là. Donc, peut-être qu'il faudrait que le rapport de l'office soit présenté à l'Assemblée nationale ou au Conseil exécutif. Là, il y aurait peut-être un peu plus de poids pour faire en sorte que ses recommandations soient écoutées. C'est en ce sens-là où on était un peu inquiet par rapport au pouvoir que l'Office des personnes handicapées aura pour faire respecter ses recommandations. Si l'office a seulement un pouvoir symbolique, ce serait un peu ennuyant, parce que c'est un très beau rôle qu'on lui confie, le rôle de promotion, le rôle de vigie, le rôle de travailler plus en étroite collaboration, hein, le rôle aussi d'établir... Oui, madame? Glissez-moi à l'oreille ce que vous voulez me dire.

n(17 h 50)n

Une voix: De coordination.

Mme Blais (Marguerite): De coordination. Elle est gênée de me le dire, mais c'est correct, je ne sais pas tout, hein? Alors, on trouve que c'est un très beau rôle, et essentiel. Mais il faut aussi que l'office ait le pouvoir que ses recommandations soient respectées, et ça, on ne le voit pas très clairement dans la loi. Est-ce que je suis à côté de la track? Non?

Mme Richard: Je dirais que vous avez raison en partie, en tout cas selon moi. Moi, c'est sûr que j'ai une crainte qu'on puisse invoquer cet article-là pas juste, bon, pour faire un plan d'action. Et je vais vous lire l'article, puis je vais terminer là-dessus parce que je sais que mon collègue le député de Joliette a quelques questions, puis vous allez voir pourquoi j'ai certaines craintes.

À l'article 1.3, on dit: «Les différentes dispositions de la présente loi s'appliquent, dans la mesure qui y est prévue, aux ministères et à leurs réseaux, aux municipalités et aux organismes publics et privés en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent.» Et c'est là que je me dis: Ce n'est pas juste pour un plan d'action qu'on pourrait invoquer cette clause-là, et d'où la référence que je faisais, bon, pour des services en région, dans les petites municipalités.

Je vais céder la parole à mon collègue. Merci beaucoup.

Mme Blais (Marguerite): Merci, madame.

Le Président (M. Copeman): À moins que vous souhaitiez réagir, mesdames; ne soyez pas gênées, hein?

Mme Blais (Marguerite): Non, mais on partage cette crainte-là, et c'est l'une des raisons aussi pourquoi, dans le mémoire, on évoque qu'il devrait y avoir un budget protégé, entre autres, pour les centres de travail adapté.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion évidemment, là, de lire vos documents, notamment ceux qui parlaient, là, de tout ce qui avait trait au vieillissement de la population, lorsque vous les avez rendus publics. Et ce que j'avais trouvé intéressant dans ces documents-là, c'est justement le fait que votre organisme nous rappelait souvent de dire qu'il ne fallait pas trop en mettre sur le dos du vieillissement de la population parce qu'il y a quand même des limites à ce qu'on peut anticiper comme catastrophe aussi, là, étant donné que le contexte du vieillissement de la population se vivra certainement dans... autre que ce qu'on a connu, et puis les relations avec les personnes âgées, puis ce que vivaient les personnes âgées, puis le type de services que pouvaient avoir les personnes âgées d'une époque versus ce qu'on pourrait avoir dans le Québec de demain.

Maintenant, je dois vous admettre que certains organismes... notamment l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées nous a fait part d'une crainte par rapport au vieillissement de la population, mais une crainte réelle par rapport à une pression sur une offre de service qui est limitée. Ces personnes-là qui représentent les personnes handicapées se disent: Qu'arrivera-t-il avec l'offre de service limitée que nous avons pour tout de suite si, dans le cadre justement du vieillissement de la population... Parce que ce qu'il faut comprendre, c'est que ces personnes-là nous ont donné quelques exemples, notamment d'aide domestique, voire même de subventions pour adaptation au logement, où les personnes en perte d'autonomie avaient une partie du budget qui aurait pu être allouée à des personnes handicapées. Et on comprend très bien, là, que, dans la définition de... l'idée, là, ce n'est pas l'idée préconçue qu'on peut se faire d'une personne handicapée, mais toute personne ayant une limitation fonctionnelle jusqu'à un certain point. Mais ces personnes-là sont quand même venues nous voir en disant... Et c'est pour ça que vous parliez d'enveloppes protégées, bon, pour un aspect, mais certaines personnes nous parlent aussi des ressources: Est-ce que les ressources vont suivre, étant donné justement qu'il y a un vieillissement de la population? Alors, est-ce que vous partagez ces craintes-là ou est-ce que vous êtes un peu plus positives par rapport à ce vieillissement-là et à notre capacité de pouvoir offrir ce type de services, comprenant que, dès aujourd'hui, on voit des cas où il semble y avoir justement, là, des enveloppes qui passent d'un à l'autre?

Mme Blais (Marguerite): Je trouve que c'est une très belle discussion aujourd'hui. C'est un moment extraordinaire de confier immédiatement à l'Office des personnes handicapées cette vigie, cette promotion, cette mise en place de programme de sensibilisation au vieillissement de la population, puisque c'est un fait, on ne peut pas l'éviter, on ne peut pas passer à côté. On ne peut pas guérir le vieillissement, on peut allonger la vie, mais il n'y a pas de remède au vieillissement de la population, et on le sait, que la population vieillit. Alors, on est mieux de prévenir d'une certaine manière certaines situations. C'est évident que, si on a de meilleures habitudes de vie, on va peut-être prévenir des maladies chroniques qui ne vont pas se déclencher immédiatement.

Il ne faudrait pas non plus que les personnes handicapées pensent qu'il n'y a pas assez de ressources pour elles, il va falloir qu'on le prévoie dans ce contexte-là. Mais on ne peut pas dire que les personnes âgées... que le vieillissement de la population avec une déficience ne pourra pas non plus être regardé à la même lumière. On ne peut pas non plus catégoriser juste les personnes handicapées d'un côté puis le vieillissement de la population de l'autre côté; je pense qu'il faut maintenant le regarder de façon globale. Et c'est dès maintenant qu'on doit faire en sorte de travailler avec les familles, de faire une solidarité familiale et une solidarité de la société pour changer notre façon de percevoir les choses, changer nos habitudes, transformer nos... adapter la société au vieillissement de la population. On n'a pas le choix.

Aujourd'hui, j'en parlais avec Lise, on était en train de se préparer. Moi, je trouve ça toujours stressant de venir en commission parlementaire, parce que vous avez toujours des questions que vous sortez de votre chapeau, et puis je ne sais jamais quelle question que vous allez sortir. Si j'avais les questions avant, ce serait extraordinaire, mais on ne les a pas avant. Et on se disait qu'il y a une couple d'années, on voyait très peu de personnes en fauteuil roulant dans les rues et on était toujours un petit peu intrigués. Il y a eu une très grande promotion, sensibilisation. On a vu des athlètes en fauteuil roulant. D'ailleurs, les Paralympiques, là, ça devrait être intégré, ça ne devrait pas être à côté. On a une médaillée, là ? deux médailles d'or ? extraordinaire qui démontre que ce n'est pas parce que tu es en fauteuil roulant que tu ne peux pas réaliser des choses fantastiques dans la vie. Alors, le fait d'avoir fait cette promotion-là, le fait d'avoir mis des actions en marche, ça a changé notre perception des choses, mais je pense que c'est le temps de le faire aussi par rapport au vieillissement de la population. C'est quand on va changer les perceptions, quand on va changer nos façons de voir... On peut prévenir.

J'entendais, ce matin, le sous-ministre à la Santé, le Dr Poirier, qui disait comment c'est important non seulement de guérir, mais de prévenir, prévenir par de saines habitudes de vie, et on n'en parle pas assez, de saines habitudes de vie. Vous savez, on parle de personnes handicapées. Je lisais dans L'Express, la semaine dernière, une revue française, qu'une femme qui devient enceinte, immédiatement, si elle boit un verre de vin, bien ça peut endommager son foetus. Mais on n'en parle pas beaucoup de ça, de cette promotion-là. Donc, ça peut provoquer un déficit d'attention et, un déficit d'attention, ça devient une incapacité.

Donc, faire de la promotion pour prévenir certains handicaps et faire de la promotion aussi pour prévenir certaines maladies chroniques, faire en sorte qu'on puisse vivre avec une meilleure qualité de vie, je pense que c'est déjà un rôle extraordinaire qui pourrait être confié à l'Office des personnes handicapées. L'office pourrait être en lien aussi avec toute cette famille, ces organismes.

Depuis qu'on a fait un avis sur le vieillissement de la population, je me suis rendu compte qu'il y avait des organismes pour les aidants et les aidantes naturelles qui faisaient de la promotion pour aller chercher des bénévoles pour les former et aussi pour aider les familles qui en avaient de besoin, mais ça, c'est aussi travailler en contact direct avec les organismes qui travaillent auprès de cette population-là, et je pense que l'office pourrait coordonner ça, comme il pourrait aussi coordonner les plans de services, parce que, ça, c'est un autre aspect, ça, la coordination des plans de services qui ne sont pas tous les mêmes. Je pense que ça va être intéressant si, un jour, il y a un plan de services assez uniforme pour permettre à tout le monde d'avoir à peu près le même langage, et ça, l'office pourrait jouer ce rôle-là.

n(18 heures)n

J'ai encore dépassé la question que vous aviez posée, hein, M. Valois?

Le Président (M. Copeman): Il reste à peine une minute, M. le député.

M. Valois: D'accord et merci, M. le Président. Alors, pour ce qui est de la pression sur les familles, ce que vous nous dites, c'est que c'est bien beau d'intégrer le mot «famille» dans un projet de loi, mais encore faut-il regarder ce que l'office peut faire avec ça, le type de ressources, voire même demander une responsabilité qu'on peut lui donner, pour que justement il y ait un impact sur cette pression-là que les familles, bien... ou que les familles des personnes handicapées peuvent vivre.

Mme Blais (Marguerite): C'est la raison pour laquelle on a demandé aussi qu'on pourrait faire un inventaire des besoins des familles, pas seulement un inventaire des besoins des personnes handicapées, un inventaire des besoins des familles. Quand il y a une personne handicapée, en général il y a une famille. Alors, ça va ensemble.

M. Valois: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme Blais, Mme Bitaudeau, Mme Bourcier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil de la famille et de l'enfance.

Étant donné que l'ordre du jour est épuisé, j'ajourne les travaux de la commission au mardi le 28 septembre, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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