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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, November 25, 2004 - Vol. 38 N° 85

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'aide aux personnes et aux familles


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures treize minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Parce qu'il varie un peu, je vous rappelle le mandat. Nous sommes réunis afin de compléter et non pas de poursuivre ? on poursuit, mais on va compléter ? la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.

Je vous rappelle, chers collègues ainsi que tous les membres du public ici présents, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle pour ne pas nuire aux travaux de la commission, et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski) va être remplacée par M. Valois (Joliette).

Le Président (M. Copeman): Très bien. L'ordre du jour: nous allons entendre quatre groupes, aujourd'hui, avant de procéder à nos remarques finales, vers la fin de l'après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Regroupement des assistés sociaux de Joliette métropolitain qui sera suivi par le Mouvement pour l'intégration et la rétention en emploi. Une suspension, de 13 heures à peu près ? un petit peu passé 13 heures ? jusqu'à 15 heures. Nous allons reprendre à 15 heures avec Social and Entreprise Development Innovations qui sera suivi par une présentation du Mission Old Brewery, et nous allons conclure avec des remarques finales. Et on prévoit l'ajournement autour de 17 h 30.

Auditions (suite)

Alors, c'est un plaisir d'accueillir les représentants du Regroupement des assistés sociaux de Joliette métropolitain. Bonjour, messieurs dames. Je ne sais pas si c'est Mme Boissel qui...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): C'est Mme Roy qui va faire la présentation. Alors, Mme Roy, je vous explique très brièvement nos façons de fonctionner. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Regroupement des assistés sociaux
du Joliette métropolitain (RASJM)

Mme Roy (Lorraine): Merci. Bonjour, mesdames messieurs de la commission et bonjour aussi aux autres personnes qui sont ici. Je me présente. Mon nom est Lorraine Roy. Je suis responsable du volet alphabétisation et formatrice au Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain. Je suis accompagnée de Jacqueline Catherine Boissel, qui est une participante dans nos ateliers d'alphabétisation, qui est également bénévole et présidente de notre organisme et prestataire d'aide sociale. J'ai à mes côtés, ici, M. Raymond Ouellet, un bénévole militant, également prestataire d'aide sociale; et, à l'extrémité droite de moi, Line Leblanc, responsable du volet de défense collective et individuelle des droits, toujours dans notre organisme; et, à ma gauche, Jacques Patenaude, qui agit en qualité d'aide technique et de personne-ressource auprès de notre organisme. Nous sommes également accompagnés d'autres personnes qui sont venues ici avec nous, dont M. Guy Beauchamp, qui est dans notre équipe de défense des droits et qui a participé activement à la recherche.

Je vais vous faire une brève présentation de notre organisme, le Regroupement des assistés sociaux de Joliette métropolitain, qui existe depuis 1973 et qui est le porte-parole des personnes à faibles revenus et analphabètes de la MRC de Joliette tout en répondant à des demandes d'information et d'aide qui proviennent de toute la région de Lanaudière. Notre organisme travaille à l'amélioration des conditions socioéconomiques des personnes par le biais de l'information, de la défense collective et individuelle de leurs droits et des ateliers d'alphabétisation. Nous venons de célébrer nos 30 ans d'existence. L'organisme est né de la volonté d'un noyau, d'un petit noyau de personnes assistées sociales de se donner des moyens pour améliorer leur sort. Depuis, le RASJM n'a cessé de connaître un achalandage qui témoigne bien des besoins auxquels il répond en défense des droits comme en alphabétisation.

À l'instar de celui que nous avions acheminé et présenté en commission parlementaire, dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n° 112, ce mémoire, aujourd'hui, est le fruit de la réflexion de quelques personnes en situation de pauvreté impliquées au RASJM et qui ont accepté de participer à la démarche.

Dans notre exercice, nous avons choisi d'aborder le projet de loi n° 57 dans son ensemble plutôt que d'y aller systématiquement article par article. Nous avons également eu la préoccupation de confronter les principes que l'on retrouve dans le projet de loi avec ceux qui guident notre travail en défense des droits et qui ont trait, entre autres, à l'équité, la justice ainsi qu'à la reconnaissance et au respect de la personne et de son potentiel. Nous avons aussi regardé les impacts de ce projet de loi sur la vie quotidienne des personnes en situation de pauvreté.

Notre mémoire contient 16 recommandations. Toutefois, nous avons choisi, dans la présentation qui va suivre, de nous en tenir à la lecture des passages de notre mémoire qui viennent étayer les six recommandations qui sont plus spécifiques au RASJM. Dans le résumé de notre mémoire, ça correspond aux recommandations 1, 3 et 4 ainsi qu'aux trois dernières recommandations, soit les recommandations 14, 15 et 16.

En tant que porte-parole des personnes à faibles revenus et analphabètes de la MRC de Joliette, nous trouvions important que le RASJM fasse écho à ce que les personnes en situation de pauvreté vivent et ont à dire, surtout que nous en accueillons et en côtoyons plusieurs chaque jour et que nous sommes au coeur même des réalités qu'elles vivent, des difficultés qu'elles rencontrent et de leurs besoins. Enfin, notre organisme parraine et encadre un projet qui a pour objectif, entre autres, de réaliser un portrait de la pauvreté dans la MRC de Joliette.

n (11 h 20) n

Dans son effort pour tendre vers un Québec sans pauvreté, le gouvernement propose, dans son plan d'action, certaines mesures favorables à la famille, aux enfants et aux travailleurs. Dans son projet de loi n° 57, le seul pas en avant concerne l'abolition des pénalités pour refus de mesure ou d'emploi. On trouvera, dans la présentation que nous allons faire, une analyse et des recommandations que nous avons trouvé pertinent de faire dans l'intérêt des personnes en situation de pauvreté.

Je passe la parole à Jacqueline Catherine Boissel.

Mme Boissel (Jacqueline Catherine): Dans le mémoire que nous avons présenté, en commission parlementaire, dans le cadre de la consultation sur le projet de la loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, nous avions recommandé que, dans un objectif d'éducation et de changement des mentalités, le gouvernement soit le promoteur d'une campagne d'éducation à l'échelle provinciale, avec des publicités sociétales visant à contrer les préjugés et à changer le regard que l'on porte, à l'heure actuelle, sur les personnes appauvries.

Nous avons le sentiment d'avoir été mal compris, étant donné qu'il n'y a pas eu de suite à cette recommandation et que le présent projet de loi nous apparaît être une vaste campagne de désinformation qui vient plutôt renforcer les préjugés à l'endroit des personnes appauvries, et particulièrement de celles qui sont considérées aptes au travail. La distinction que l'on fait dans la loi entre les personnes aptes et inaptes au travail a pour résultat d'ancrer davantage dans l'esprit des gens l'idée des bons et des mauvais pauvres et celle, déjà répandue, que les prestataires d'aide sociale sont des paresseux, alors qu'ils ne font que se tourner vers un dernier recours qui devrait avoir été mis en place d'abord et avant tout pour répondre aux besoins essentiels. C'est un grave préjugé de présumer que la personne qui a recours à l'aide sociale a automatiquement perdu son autonomie et sa débrouillardise en chemin.

Le gouvernement, dans un excès de paternalisme, prétend en effet inciter au travail, comme si l'intention de travailler n'était pas déjà présente chez les personnes en situation de pauvreté et qu'elles seraient heureuses de se retrouver sans travail. Or, rien n'est plus faux. Dans l'expression populaire, ne dit-on pas que l'on tombe sur l'aide sociale et que l'on décroche, cherche ou trouve un emploi? Et entend-on beaucoup de gens dire qu'ils souhaitent perdre leurs jobs?

Nous constatons d'autre part, à la lecture du projet de loi, que les contraintes à l'emploi sont toujours imputables à la personne elle-même plutôt qu'à la conjoncture: réalité socioéconomique d'une municipalité ou d'une région, fermeture ou déménagement d'usines ou d'entreprises, fin de projets qui généraient plusieurs emplois indirects, etc., ce qui nous fait dire que, si la notion de péché s'est relativisée au sein de l'église, elle s'est accentuée dans notre gouvernement. Enfin, dans la foulée du Collectif pour un Québec sans pauvreté, nous croyons que l'une des façons de mettre fin aux nombreux préjugés qui sont véhiculés sur le dos des personnes assistées sociales réside dans l'instauration d'un régime du revenu garanti.

Suite à ces constats ainsi qu'à d'autres qui vont suivre, nous recommandons au gouvernement de s'excuser pour le ton moralisateur et certains articles qui, dans le projet de loi, viennent consolider les préjugés à l'endroit des personnes prestataires de l'aide sociale; de tenir une campagne d'éducation à l'échelle provinciale visant à contrer les préjugés à l'égard des personnes appauvries; d'organiser une tournée des régions pour permettre aux personnes appauvries de prendre la parole en rapport avec leur vécu et leurs attentes et en s'assurant d'une couverture médiatique d'égale importance à celle qui entoure les tournées de consultation habituelles.

Je passe la parole à ma collègue Line Leblanc.

Mme Leblanc (Line): Une autre recommandation et non la moindre, un autre sujet, celui du respect par les fonctionnaires de la durée indiquée par les médecins et les psychiatres en matière de contraintes sévères ou temporaires à l'emploi. Nous faisions mention, dans le mémoire présenté dans le cadre de la consultation générale entourant la loi n° 112, du fait que des fonctionnaires ne respectaient pas et réévaluaient la durée recommandée par les médecins et les psychiatres. Comme nous ne retrouvons rien dans le projet de loi qui entend remédier à la chose, nous revenons une fois de plus à la charge en affirmant, pour reprendre notre slogan, que «les contraintes sévères ou temporaires, ce n'est pas l'affaire des fonctionnaires» et en recommandant que l'on mette fin à cette procédurite.

En revoyant à la baisse la durée indiquée suite au diagnostic, on oblige automatiquement les personnes à demander un autre rendez-vous chez le médecin. Cela n'est souvent pas simple quand on sait combien c'est difficile d'avoir un médecin de famille et, quand on en a un, d'obtenir un rendez-vous dans un délai raisonnable, sans compter les frais qu'occasionnent ces démarches. On pourrait se demander par ailleurs qui, au bout du compte, paie le médecin ou le psychiatre pour ces demandes supplémentaires, car on peut penser à juste titre que ceux-ci ne font pas de bénévolat. Nous recommandons donc au gouvernement de transmettre une directive aux fonctionnaires du ministère concerné par ce projet de loi à l'effet de respecter la durée indiquée par les médecins et les psychiatres en matière de contraintes sévères ou temporaires.

Je vais repasser la parole à Mme Roy.

Mme Roy (Lorraine): Nous assistons à une complexification de la loi qui n'est pas sans créer de maux de tête aux personnes prestataires d'aide sociale. Ces dernières trouvent souvent ardu, pour ne pas dire décourageant, de devoir passer par tous les méandres des règles, de la paperasse et des démarches, un peu comme si elles devaient mériter l'aide financière qui leur est accordée.

Nous désirons attirer votre attention sur la correspondance adressée aux prestataires, laquelle bien souvent est pour le moins hermétique et, pour des raisons d'uniformisation, pas toujours adaptée aux situations vécues par les personnes, ce qui crée fréquemment chez elles de l'insécurité et des craintes, surtout que plusieurs de ces personnes éprouvent déjà des difficultés importantes avec l'écrit et avec la compréhension d'un texte quel qu'il soit. Pour avoir été souvent témoin au RASJM de leur désarroi lorsqu'elles font appel à nous, nous recommandons au gouvernement de simplifier, dans l'intérêt des prestataires, les règles, les écrits et les démarches en lien avec la loi d'aide sociale et d'adapter le plus possible aux situations des personnes la correspondance qui leur est adressée.

Nous avons été par ailleurs passablement surpris de ne pas retrouver dans le projet de loi n° 57 le maintien du Bureau des renseignements et plaintes. Nous avons l'habitude de communiquer souvent avec cette instance qui nous est d'une grande utilité dans notre travail auprès des personnes prestataires d'aide sociale. On peut présumer que ce dont on nous parle dans le projet de loi est fort différent de la ressource spécialisée à laquelle nous avons présentement accès. Référer au ministre par le biais d'agents ou de chefs de service qui risquent de se retrouver à la fois juge et parti, en région ou localement, plutôt que d'avoir accès directement à la ressource mise en place jusqu'ici nous fait craindre de ne pas retrouver dans cette formule le mandat d'analyse et d'intervention qui incombait au Bureau des renseignements et plaintes. Il faudrait en outre se demander s'il ne faut pas voir derrière ce changement une volonté gouvernementale de réaliser des économies de bouts de chandelles, et ce, au détriment des personnes appauvries qui seraient privées de l'accès rapide à de l'information et à un canal plus neutre pour l'acheminement des plaintes. En état de cause, nous recommandons donc d'assurer le maintien, dans le projet de loi, du Bureau des renseignements et plaintes.

Je vais maintenant passer la parole à M. Raymond Ouellet, et je conclurai ensuite.

n (11 h 30) n

M. Ouellet (Raymond): Bonjour, messieurs dames du... commission parlementaire sur le... je veux dire, l'aide, la loi n° 57. Moi, mon programme, disons, c'est... Vous ne l'avez pas par écrit, je vous en ai donné un petit peu en annexe avec leur mémoire, mais, aujourd'hui, j'aimerais procéder plutôt par exemples de la vie courante, de ce que ça implique. Puis j'aimerais essayer, un peu comme nous autres au 17 octobre sur la... qui est la Journée mondiale du refus de la misère, bien j'aimerais que, si c'est possible, un jour on ait au Québec un refus de la misère des Québécois, en particulier à l'aide sociale puis même d'autres domaines où les gens sont pauvres, y compris au salaire minimum. Ça fait que c'est pour ça que je vais procéder uniquement à peu près par, disons, exemples de la vie quotidienne.

Parce que, moi, au départ, moi, quand j'ai travaillé pour faire mon mémoire, je me suis aperçu... je me suis demandé c'était pourquoi, un gouvernement. Moi, j'en ai conclu, puis il y a d'autres personnes qui en ont conclu qu'un gouvernement, c'était pour essayer de voir établir un peu d'équité entre les individus dans une société, un groupe, une nation. Appelez ça comme vous voulez, je m'en fous totalement. Mais un gouvernement, en principe, ça devrait servir à ça. Malheureusement, je pense qu'on s'en va dans une société où on veut de moins en moins de gouvernement parce que, pour faire plaisir à une catégorie de la population qu'on appelle les riches, entre guillemets, les personnes morales, eux autres ont tous les droits, puis, à l'autre extrémité, les plus pauvres, il n'en ont plus, zéro droit. Bien, oui, il en reste un, c'est le droit d'être pauvre, mais le restant, là... On a établi des chartes, la charte de l'ONU, la charte canadienne, la charte québécoise, avec des droits extraordinaires: trois camions de 45 pieds à la porte. Messieurs dames, des droits, on en a. Mais, quand vient le temps de les faire appliquer, selon où tu te situes dans l'échelle sociale, je regrette, quand tu es en bas, là, oublie ça, tu n'en as plus, de droits. Il te reste le droit d'être pauvre, point à la ligne.

Ça fait que maintenant je vais procéder à quelques exemples. Par exemple, on dit que, soit au chômage ou à l'assistance-emploi, vous donnez des subventions à l'emploi pour que les gens s'aident à se relocaliser dans le marché du travail. Ça, c'est votre version à vous autres. Mais ça se pourrait-u que ce soit... les subventions en réalité, là, qu'elles soient données à l'employeur? Je vais vous donner un exemple. Vous donnez une subvention pour quoi? 26 semaines, 35 heures. Ça fait 910 heures qui donnent le droit de passer de l'assistance-emploi à l'assurance-emploi. O.K. Vous changez de colonne, ce n'est pas le même payeur, mais dans le fond, au niveau de la société, c'est le même. Mais, vous autres, ça fait votre bonheur. Vous débarquez, vous payez ça. Parce que la personne, là, qu'elle ait...

J'ai pris, moi, un exemple chez nous ? je pense que monsieur en connaît, là ? dans ce qu'on appelle des centres d'accueil que, moi, j'appelle des centres d'écueil. Vous donnez des subventions pour que les gens aillent travailler là-dedans. Que les gens aient été compétents ou pas pendant le six mois de subventions, qu'ils aient aimé ça, qu'ils veuillent continuer ou pas, c'est bien de valeur, mais, au bout des 26 semaines de subvention, la personne est transférée de colonne à l'assistance-emploi... à l'assurance-emploi. Mais, par exemple, l'employeur, lui, qu'est-ce qu'il fait? Il se dépêche de réengager une autre personne à qui vous allez lui offrir une autre subvention de 26 semaines. Bon. Ça fait qu'à qui ça profite, M. le ministre? À qui ça profite? À la personne? Oui, elle en a profité pendant 26 semaines, mais l'employeur, lui, il en profite pendant 52 semaines puis il va en profiter encore tant que le système va durer. Parce que la personne, elle, là, ça lui prend tant d'années avant de pouvoir avoir droit à une nouvelle subvention. Ça fait que, excusez-moi, là... puis même je ne m'excuse même pas. Quand vous dites: C'est une subvention à l'emploi pour la personne, je regrette, c'est une subvention pour l'employeur.

On va passer à un autre exemple. O.K. Vous parlez des rencontres sur le marché du travail. Vous offrez, par exemple, des cours à quelqu'un. O.K., excellent, je n'ai rien contre ça. Mais l'accompagnement de ça. Je vais vous donner un exemple. Quelqu'un, une jeune femme avec un enfant, demeure à Joliette. Vous lui offrez un cours du soir dans une polyvalente à Repentigny. La madame n'a pas d'auto. Avez-vous idée, M. le ministre, de ce que ça peut représenter comme problème de transport en cours du soir, de Joliette à Repentigny? Avez-vous une idée? Oui, oui, M. le ministre. Avez-vous une idée?

Le Président (M. Copeman): M. Ouellet, vous êtes.... Vous vous adressez à la Commission des affaires sociales. Nous sommes...

M. Ouellet (Raymond): Oui?

Le Président (M. Copeman): M. Ouellet, nous sommes plusieurs députés autour de la table. L'habitude, la pratique, c'est que vous vous adressez à la présidence. Vos questions intéressent plus que seulement le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Nous sommes tous intéressés. J'apprécierais que vous dépersonnalisiez un peu vos questions.

M. Ouellet (Raymond): Parfait, M. le Président. O.K. En tout cas, vous avez cette question-là pour vous autres. Je vais vous parler d'une autre affaire: la question du remboursement des frais de transport. Un jour, dans un atelier, il y a deux représentants, deux fonctionnaires du ministère de l'aide sociale qui sont venus nous expliquer le fonctionnement puis des diagrammes de frais de transport dans la MRC chez nous. Mais comment est-ce qu'il se fait que, quand tu es à l'aide sociale, tu as droit à un remboursement de 0,135 $ du kilomètre? Exemple, moi, je dois aller faire une visite médicale à Laval, j'ai droit à 0,135 $ du kilomètre. Le fonctionnaire qui est venu m'expliquer, il est payé à combien, lui? 0,39 $, 0,40 $, peut-être 0,42 $, aujourd'hui, du kilomètre. Est-ce que la voiture de quelqu'un qui est sur le bonheur social, elle coûte moins cher à opérer? Ça coûte moins cher d'assurance, oui, parce que la valeur est moins. Par contre, tu risques d'avoir plus de réparations à mettre dessus. Je ne sais pas, là. Il me semble qu'on devrait avoir un minimum, là. Quand on parle d'un décalage entre 0,135 $ puis une quarantaine de sous du kilomètre, je ne le sais pas. Je pense que ça encourage la pauvreté. On est rendu qu'on paie, sacrifice, pour aller chez le médecin.

J'ai ici, tiens... J'ai été chercher, juste avant de partir lundi, là, un beau document à propos du logement... je ne sais pas si on peut appeler ça social, c'est écrit «abordable». O.K. Dernièrement, j'avais eu une prise de... croisé le fer avec une bonne madame qui est représentante dans un atelier sur la pauvreté dans notre région, que les logements abordables, là, c'est des subventions que vous donnez à un propriétaire qui construit des logements mais qui va respecter par la suite certaines conditions. O.K. Logement abordable, vous donnez, par exemple ? je vais vous éviter les petits détails techniques, là, par qui c'est payé, là, 50 % fédéral, tant, tant, tant, bon ? pour un logement avec une chambre à coucher, vous donnez 8 100 $ par logement; pour un deux-chambres à coucher, vous donnez 10 600 $; 13 200 $ pour trois chambres à coucher; et 15 700 $. On va prendre un exemple simple: un deux-chambres à coucher, un quatre et demie qu'on appelle, c'est assez commun, ça, ça fait 10 000 $. Un six-logements, ça donnait au propriétaire quoi? 60 000 quelques dollars de subvention.

Est-ce que, en réalité, ce n'est pas 60 000 $ de moins d'hypothèque pour le propriétaire? Puis vous appelez ça... Par contre, lui, dans les conditions qu'il faut qu'il respecte, là, dans un logement construit après le 1er septembre 2003, avec énergie ? ça va veut dire chauffage, eau chaude, électricité compris ? une chambre à coucher, là, il va pouvoir louer ça 605 $. Deux chambres à coucher, comme on parlait tout à l'heure, là, 690 $. J'ai beaucoup de difficulté à considérer ça comme un logement abordable quand, à l'aide sociale, sans contraintes vous donnez 533 $ puis avec contraintes sévères vous donnez 803 $, puis vous accordez au propriétaire le droit de louer son logement 690 $, puis vous appelez ça une politique des logements abordables.

Le Président (M. Copeman): Messieurs dames, nous avons déjà largement dépassé les 20 minutes. Vos questions et exemples sont fort pertinents, M. Ouellet, mais j'ai cru comprendre que Mme Roy voulait intervenir également. Alors, il faudrait aller immédiatement à la conclusion.

M. Ouellet (Raymond): Avant la conclusion, est-ce que vous pourriez faire distribuer ces petits pamphlets, qui proviennent de l'aide sociale, à la commission? Puis je n'ai pas eu le temps d'utiliser des lunettes pour vous permettre de pouvoir changer de regard s'il vous plaît.

Le Président (M. Copeman): Les lunettes, on va laisser faire. Les dépliants, on va faire la diffusion. Mme Roy.

Mme Roy (Lorraine): Nous conclurions en disant que la pauvreté, au Québec, ne saurait disparaître que si le gouvernement a le cran de résister au courant d'un néolibéralisme dogmatique. L'objectif d'un gouvernement n'est d'ailleurs pas de satisfaire les attentes insatiables des mieux nantis mais de faire justice par une redistribution des richesses. C'est à travers la multiplication des lois et des règlements que les travailleurs et les plus pauvres sont contrôlés. Par des modifications et une simplification de la loi actuelle le gouvernement manifesterait une volonté réelle d'équité.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs dames. Afin de débuter l'échange, je cède la parole à M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

n (11 h 40) n .

M. Béchard: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, messieurs dames, en commission parlementaire. D'abord, je veux voir avec vous... sur la question du débat public, on en est aujourd'hui à notre 18e séance. On va entendre au-delà de 60 groupes et plus de 70, 75 mémoires, et beaucoup, beaucoup de ces groupes-là et beaucoup de ces mémoires-là se ressemblaient. Et je vous dirais sincèrement qu'il y a plusieurs groupes qui viennent de régions, qui viennent, vous dans le cas de Joliette, d'autres sont venus du Bas-Saint-Laurent, d'un peu partout, et avec des messages qui parfois se ressemblaient beaucoup, qui avaient un lien avec bien sûr les regroupements de lutte à la pauvreté. Et je vous dirais que je pense que sincèrement le débat a été public, là. Les gens sont venus ici, se sont exprimés, et peut-être qu'il y a d'autres formules, peut-être qu'il y a d'autres façons. On a consulté beaucoup, 18 séances, sept semaines.

Ce que je comprends de votre intervention, là: dans le fond, vous souhaiteriez qu'on augmente bien sûr les prestations, les bénéfices, et tout ça. Est-ce que vous seriez d'accord avec le fait qu'on coupe par exemple, je vous donne un exemple, qu'on coupe 1 milliard dans l'aide aux entreprises et qu'on retourne ça dans les poches des contribuables? Est-ce que ça, vous seriez d'accord avec ça?

M. Ouellet (Raymond): Voulez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?

M. Béchard: Disons qu'on couperait 1 milliard dans l'aide aux entreprises, là, et qu'on retournerait ça dans des mesures pour aider les familles les plus démunies, les gens qui sont en difficulté, les travailleurs à très faibles revenus. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Ouellet (Raymond): Coupez aux entreprises si vous voulez.

M. Béchard: Oui. Couper 1 milliard. Je vais répéter: couper 1 milliard dans l'aide aux entreprises et retourner ça dans les poches des familles, des contribuables à très faibles revenus, des gens au niveau de la sécurité du revenu. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Ouellet (Raymond): Si c'est pour aller dans les plus démunis, pour essayer de remettre un peu d'équité, oui, monsieur, je suis d'accord parce qu'il y a déjà amplement...

M. Béchard: Bon, bien, parfait. Bien, parfait parce que c'est exactement ce qu'on a fait. C'est exactement ce qu'on a fait dans la dernière année. Dans la dernière année, là, on a diminué de 1 milliard l'aide aux entreprises, les subventions, les crédits d'impôt, 1 milliard. On a remis 1 milliard: Soutien aux enfants, 550 millions; la prime au travail, 220 millions à peu près; puis en plus on a baissé les impôts, là, de 200 quelques millions. On a réduit, là, le fardeau fiscal des Québécois mais surtout pour les familles à faibles revenus avec le plan de lutte à la pauvreté. C'est ce qu'on a fait. Alors, moi, quand on fait ça, vous me dites que vous êtes d'accord avec ça. C'est exactement ce qu'on a fait. Alors, je ne comprends pas pourquoi je me fais traiter de gouvernement néolibéral dogmatique, à matin, là. Je ne comprends pas. Alors, c'est exactement ce qu'on a fait.

Dans leur temps, il y avait 1 milliard de plus dans l'aide aux entreprises; on l'a enlevé. On l'a retourné dans le Soutien aux enfants, dans la prime au travail, qui ne se retrouvent pas dans la projet de loi n° 57. Pourquoi? Parce que ce sont des mesures fiscales qui se retrouvent dans un autre projet de loi. Mais, à la fin de l'année, ce qui est important, c'est que l'argent, elle, se retrouve dans les poches des familles et les familles les plus démunies. 550 millions de Soutien aux enfants, c'est les familles qui sont sur la sécurité du revenu, les familles au salaire minimum.

Alors, je pense que là-dessus... On n'a peut-être pas tout fait dans la première année, on n'a peut-être pas tout fait, mais qu'on vienne me dire qu'on est un gouvernement néolibéral dogmatique, je m'excuse. On vient juste de couper 1 milliard dans l'aide aux entreprises, et je peux vous dire une chose, que présentement j'en suis très, très fier, du plan de lutte à la pauvreté qu'on a déposé. Et, quand on arrive avec ces choses-là, je comprends que c'est facile à dire, c'est facile à lancer, mais la réalité, c'est ça: 1 milliard de moins aux entreprises; 1 milliard de plus dans les poches du monde. C'est ça qu'on a fait dans la dernière année.

Alors, je veux, après avoir établi ce fait-là... Vous arrivez, dans votre mémoire, à nous proposer, dans vos recommandations, «de simplifier, dans l'intérêt des prestataires, les règles, les écrits et les démarches en lien avec la loi de l'aide sociale, et d'adapter le plus possible aux situations des personnes la correspondance qui leur est adressée». De simplifier, ça, je suis d'accord avec ça. J'avoue qu'il y a peut-être des choses qui sont bien compliquées. On a tous des exemples de pamphlets et de formulaires qui peuvent être compliqués. Mais la mise en place, dans le projet de loi  n° 57, du régime de solidarité sociale, ça veut justement simplifier les pratiques, simplifier les façons de faire, les contrôles, les règles pour les gens qui, aujourd'hui, ont des contraintes sévères et de faire en sorte que le régime soit plus souple pour ces gens-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette approche-là, de dire que, pour les gens avec contraintes sévères, là, qu'on réussisse à diminuer les contrôles qu'on exerce puis qu'on simplifie le régime de sécurité du revenu pour ces gens-là?

Mme Leblanc (Line): Je vais répondre à cette question-là. Quand on parle de simplifier les formulaires, nous autres, c'est au niveau du ton qu'on retrouve dans les formulaires. La personne reçoit une lettre qui demande tout simplement de faire parvenir des documents, et on va retrouver toujours la petite phrase: «Le fait de ne pas fournir les documents demandés pourrait entraîner le refus de votre demande, la révision de votre dossier, la réduction ou l'annulation de vos prestations.» Comment pensez-vous que les personnes... ils arrivent... quand ils arrivent dans notre organisme, puis qu'ils ont reçu une lettre comme ça? Ils ont eu de la misère premièrement à comprendre qu'est-ce qu'il y avait d'écrit là-dessus. On les aide à comprendre, mais il y a toujours ce ton-là. Alors, c'est le ton, c'est là-dessus qu'on vous demandait d'ailleurs de vous excuser, pour le ton que vous utilisez envers les personnes démunies.

M. Béchard: Bien, dans cet esprit-là, je devrais demander aussi au ministre du Revenu de s'excuser. Je devrais demander à plein d'autres ministres de s'excuser. Quand je signe mon rapport d'impôts ou n'importe quelle demande, il y a toujours la petite phrase: Si les renseignements fournis ne sont pas bons, vous êtes passible de ci et de ça. C'est une phrase qui est là, qui se retrouve dans tous les documents dans lesquels on est invité à transmettre des renseignements.

Mme Roy (Lorraine) Oui, mais c'est un peu...

M. Béchard: C'est le même ton au niveau du ministère du Revenu aussi. C'est juste parce qu'on souhaite que les renseignements soient les plus justes possible. Même chose quand on fait une demande de carte de crédit. Je comprends qu'il y a certaines choses des fois que le ton n'est peut-être pas bon, là, mais des choses qu'il faut indiquer.

Mme Roy (Lorraine): Oui, sauf que c'est une autre réalité quand il s'agit de personnes qui vivent déjà beaucoup d'insécurité face à l'écrit et qui doivent comprendre aussi la teneur d'une lettre et qui souvent la voient comme menaçante et intimidante. Alors, ce sont des personnes souvent qui n'ont pas beaucoup de prise sur l'écrit, donc il faut considérer ça. Ce n'est pas la même chose que nous qui possédons bien l'écrit et la compréhension des textes. Alors, c'est tout à fait autre chose.

M. Béchard: O.K.

Mme Roy (Lorraine): Moi, je voudrais juste revenir, si je peux le faire, sur la question, la première question que vous nous aviez posée, à savoir les argents que vous aviez déjà mis. Bon. Il reste qu'il y a toute la question, hein, de nos ressources naturelles, l'eau, la forêt, et tout ça, et nous croyons qu'il y a des argents à aller chercher là, de ce côté-là, et ce serait une avenue à considérer, selon nous.

M. Béchard: Bien, merci. Merci de nous appuyer dans notre idée d'exporter de l'hydroélectricité pour faire en sorte que le Québec soit plus riche et de faire en sorte que les gens paient les vrais tarifs, qu'on arrête de donner notre énergie comme c'était le cas dans une entente entre autres avec Alcoa sur la Côte-Nord et à Deschambault. Et c'est exactement, je dirais, dans l'esprit qui nous anime: c'est arrêter de donner nos choses puis faire en sorte qu'on ait le plus de retombées possible ici, au Québec.

Dans les recommandations que vous amenez, vous parlez d'adapter le plus possible aux situations des personnes la correspondance qui leur est adressée, mais, si je poussais plus loin, je dirais d'adapter le plus possible aux situations des personnes les différents programmes qui existent, et ça... Je vais revenir sur Alternative jeunesse parce que, au-delà de la documentation, un des points qu'on veut améliorer, ce sont les programmes qu'on peut offrir aux gens, et on a déjà mis en place un certain nombre de programmes plus particuliers. Moi, je souhaite qu'on aille encore plus loin. Les situations sont différentes, les besoins peuvent être différents. Est-ce que c'est une approche ? à savoir des programmes plus particuliers, entre autres, pour les jeunes, puis après ça peut-être pour, je dirais, l'ensemble des prestataires ? est-ce que c'est une approche qui selon vous correspond à une réalité que vous voyez de plus en plus, c'est-à-dire que les situations de pauvreté sont différentes, les gens sont différents, on a besoin d'outils différents pour intervenir? Est-ce que ça, c'est une démarche qui vous plaît?

Mme Leblanc (Line): Dans cette approche-là, ce qu'on trouve qui est un peu pernicieux là-dedans, c'est la catégorisation ? et ça, ce n'est pas la première fois que vous l'entendez en commission, on est en fin de commission, tout le monde vous l'a dit, et on est d'accord, nous autres aussi, là-dessus ? le fait de catégoriser les bons pauvres, les mauvais pauvres, là, bien, c'est ça. Et vos programmes là-dedans, ça fait juste de renforcir cette idée-là. Oui, c'est bien beau de dire: On va mettre des programmes en place, là. Mais déjà, au départ, c'est comme s'il y avait une catégorisation, et on la voit: les programmes d'aide sociale, programmes d'assistance sociale, alors que dans la vie ce n'est pas tranché au couteau comme ça. On ne devient pas un bon pauvre ou un mauvais pauvre, on a de la misère, c'est tout. On a besoin d'aide. Et c'est au moment où les personnes sont les plus vulnérables que les embûches, on dirait qu'elles sont les plus grandes. Quand tu es plus à l'aise financièrement, tu as toujours du monde pour t'aider, puis ça va bien. Mais c'est quand tu es dans le trou que, là, c'est donc facile d'écraser les gens.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont et adjoint parlementaire au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

n(11 h 50)n

M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Bien, j'ai été intéressé de vos commentaires au niveau de la réalité que pouvaient vivre, bon, les gens sur... les prestataires lorsqu'ils recevaient des lettres ou des communications. Moi, j'ai eu le privilège de faire une tournée auprès des gens, des agents qui donnent le service à la population, et le commentaire qu'ils me faisaient, c'est un petit peu également de leur côté une certaine... et je sais qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits pour justement simplifier la réalité de terrain, quand les gens rencontraient les agents. Il y a maintenant des centres de services plus aménagés pour justement leur permettre d'aller chercher de l'information, il y a des gens qui sont présents pour justement donner de l'information. Mais, quand vous avez fait un commentaire au niveau de la lettre, la lettre qui est transmise: avec le nouveau projet de loi, on élimine tous les facteurs au niveau de refus de fournir des documents, refus de fournir... parce que ? là je vais faire un petit peu au niveau des agents ? les agents nous ont dit dans ces rencontres-là que, de leur côté, ce qu'ils trouvaient très difficile, c'est d'envoyer des suivis, et des suivis, et des suivis pour permettre d'arriver à aider aussi, à donner le service. Et ce n'est pas leur objectif de couper la population ou de leur dire: Écoutez, là, demain matin, vous ne donnez pas les formulaires, on vous met de côté. Leur objectif, eux autres, est de traiter le plus rapidement possible l'aide pour permettre aux prestataires d'avoir les services, avoir droit aux documents.

Donc, c'est vrai que peut-être le ton peut sembler dur pour quelqu'un qui a, comme vous dites... ? puis je peux comprendre ça, la réalité de terrain, je l'ai vécue beaucoup dans l'aide alimentaire ? mais il faut quand même être capable d'arriver puis de dire: Bien, écoutez, regardez, il faut fournir les documents si vous voulez qu'on puisse vous aider. On a besoin de ces renseignements-là. Les renseignements, ce n'est pas l'agent, ce n'est pas le ton de l'agent, c'est plutôt pour permettre de donner le service. Est-ce qu'il y a un moyen, de votre côté, de part et d'autre, parce que vous êtes quand même un organisme qui vient aider les assistés sociaux à justement fonctionner dans ce système-là, un peu comme un député qui est un facilitateur dans tout le système, est-ce que vous avez des moyens d'aider justement les agents à permettre de donner le service plus facilement et peut-être de façon plus agréable?

Mme Roy (Lorraine): Nous, nous pensons que les gens, les gens en place, devraient être sensibilisés à cet aspect-là. Nous, nous faisons déjà un travail auprès des gens que nous recevons pour les aider dans ce sens-là, mais il y a aussi tout le fait... On parle de l'accès à l'information, mais ça touche aussi le maintien du Bureau des renseignements et plaintes dont nous parlions tantôt. Nous, nous voudrions partir d'ici avec l'assurance que ce bureau-là va être maintenu, parce qu'il n'apparaît pas dans la loi, et, à ce moment-là, nous, devant quelque chose qu'on ignore, mon Dieu, on ne peut pas présumer du meilleur. Alors, on se dit: Si on devait référer à un bureau local ? advenant qu'il est maintenu et que ce soit localement ? où les fonctionnaires se retrouveraient juge et partie, pour nos personnes encore là ? il était question d'accès à l'information ? ce serait pénalisant et...

M. Auclair: Je pourrais vous rassurer tout de suite, même le ministre insiste pour que j'intervienne, et je m'excuse, pour vous dire que vous pouvez partir rassurés d'ici: le bureau va demeurer et l'intérêt... mais encore là, pour les agents, il n'y a pas d'intérêt pour les agents, dans les commentaires que, moi, j'ai reçus, de jouer justement à être... de prendre une décision puis juger, être juge et partie en même temps. Ils n'ont pas d'intérêt à ça. Eux, ce qu'ils veulent, c'est donner le meilleur service et justement aider la population. Moi, je peux vous dire que j'ai rencontré des gens qui avaient toutes les facettes possibles, on pouvait parler de... c'étaient presque des psychologues, des thérapeutes, des amis, des parents, pour aider justement... aider les plus démunis, de sortir et d'aller chercher les meilleurs programmes possible pour répondre à leurs besoins. Donc, vous pouvez être assurés qu'eux autres non plus ils ne sont pas intéressés à devenir juge et partie d'un jury. Donc, ils sont très... tout le monde est, même le ministre, pour qu'on maintienne ce bureau-là.

Le Président (M. Copeman): M. Patenaude, oui.

M. Patenaude (Jacques): Oui. Je voudrais revenir sur la première question du ministre concernant 500 ? le nombre de millions, je ne m'en rappelle plus, là ? 500 millions d'aide. Mais, quand on regarde son aboutissement en chiffres plus concrets, annuellement c'est 36 $ pour une personne seule, c'est 120 $ pour une personne au niveau de l'indexation, et c'est vrai qu'il y a des mesures plus encourageantes pour les couples avec les enfants, les contraintes sévères, mais le présenter tel quel avec des grands chiffres, je le comprends, ça paraît bien, mais ça ne changera pas grand-chose dans la vie de la personne apte ? seule ? au travail, au quotidien.

Alors, oui, il y a un progrès, mais il ne faudrait peut-être pas, pour prendre une expression populaire, se péter trop les bretelles avec ça. On reconnaît aussi, dans notre mémoire... c'est ça. Et je ne sais pas si, nous autres... le ministre ou en tout cas, là, la commission tente de consulter et fait un effort pour consulter la population. Et souvent dans les groupes ?  c'est sûr que je ne voudrais pas reprendre ? il y a tout un esprit, on devient presque timides ou gênés, aujourd'hui, de dire: Voici, d'après notre vie quotidienne, d'après le quotidien des personnes qu'on accueille au regroupement, si on partait des besoins... et si on partait des besoins, ce serait quoi pour une personne seule? Le besoin de se trouver un logement.

Nous autres, on a imaginé que, si le gouvernement, avec l'accord des différents partis politiques, donc l'ensemble du Québec, se réinterrogeait et se disait: Quand l'aide sociale a été instaurée en 1969, le montant mensuel d'aide sociale était de 217 $. Est-ce que c'est possible, pour cette partie-là, de faire distribuer ces feuilles-là, M. le Président? Tout le monde verrait un peu... parce qu'on vient en commission parlementaire pour suggérer au ministre des pistes, ce sont nos pistes. Alors, on n'a pas la possibilité, nous autres, d'avoir des recherchistes, là, des actuaires, c'est possible qu'on se trompe, mais, par rapport à la vie quotidienne, on s'est même interrogés sur le fait que, si 25 députés de l'Assemblée nationale ont vécu une expérience avec le Collectif sur la pauvreté, on s'est dit: Mais, mon Dieu, ces personnes-là vont être véritablement sensibilisées: Comment je peux me débrouiller avec 534 $ par mois? Donc, je reviens. Alors, c'est nos pistes. C'est marqué «recommandations», ça peut s'appeler «pistes». La prestation d'aide sociale mensuelle actuelle est de 533 $; en 1969, elle était de 217 $. Notre recommandation ou piste est à l'effet d'indexer la prestation à partir de 1970. Si on l'indexe, comme l'ont été les différents régimes de pension, rentes du Québec, CSST, pension du Canada, elle passerait à 1 151 $ par mois. Bon.

Prestation d'aide sociale annuelle. La prestation annuelle actuelle est de 6 396 $. Indexée, elle passerait à 13 815,36 $, soit une augmentation annuelle de 7 420 $, une augmentation ? n'ayons pas peur des chiffres ? de 116 %. Mais, si on regarde les chiffres ? on peut les regarder des deux côtés ? l'augmentation actuelle, ça représente des décimales, là, ce n'est pas une augmentation, c'est une indexation...

Le Président (M. Copeman): M. Patenaude, nous sommes dans une période d'échange avec les parlementaires. Le document a été distribué. Malheureusement, il ne reste plus de temps pour des questions et des échanges avec ma droite. Je vais aller à ma gauche. Je vais demander à M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille de poursuivre les échanges avec nos invités.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Roy, Mme Leblanc, Mme Boissel, M. Ouellet, M. Patenaude. M. Patenaude, j'ai votre document en main, là, soyez bien sûr qu'on va le parcourir avec soin. Je veux tout simplement souligner qu'un groupe avant vous, hier, a établi le seuil de pauvreté à 15 000 $. Vous l'établissez à 19 000 $. La nouvelle mesure du panier de consommation l'établit à 11 200 $ pour une seule personne. Ça ne vient pas attaquer le fond de l'argument, mais ça vient souligner comment c'est important que l'on puisse avoir un comité consultatif qui soit actif le plus rapidement possible à partir de la loi n° 112 pour faire des recommandations éclairées au gouvernement, à l'ensemble des parlementaires sur ce niveau ou sur ce seuil à partir duquel on pourra porter un jugement sur nos efforts collectifs à diminuer la pauvreté, sur nos efforts, nos succès et peut-être des fois aussi nos échecs à le faire, mais je pense que votre document au moins souligne cela.

n(12 heures)n

D'autre part, M. Patenaude, je pense aussi que vous soulignez l'importance de toute la question de l'indexation. Et là-dessus le ministre a été interpellé souvent, comme nous l'avons été d'ailleurs de ce côté-ci, à l'effet d'une indexation pleine et entière de la prestation, ce que ne prévoit pas le projet de loi n° 57 maintenant, mais ce qui pourrait apparaître si le ministre apporte un amendement en ce sens. Et nous travaillons, tous que nous en sommes, là, à écouter sérieusement puis rigoureusement les arguments que vous apportez à cet effet-là ? et je pense que c'est le but de votre démonstration ? de telle sorte à ce qu'on puisse améliorer le plus possible le sort des personnes qui sont à l'aide sociale et leur capacité de rencontrer les exigences d'une vie décente. En cela, là, vous participez aux efforts d'un ensemble de personnes qui sont venues ici, et en même temps je pense que vous venez donner un coup de main à l'ensemble des parlementaires, et notamment au ministre, dans cette voie-là. En tous les cas, on l'espère. Nous serons très vigilants là-dessus puis nous allons encourager tous les efforts en ce sens.

J'aimerais revenir sur certains points précis que vous êtes les premiers à souligner mais qui m'apparaissent importants, parce que notamment... pas parce que, mais notamment on les rencontre souvent, ces situations-là, dans nos bureaux de députés. Comme, par exemple, il y a dans la loi une disposition ? dans la loi actuelle, et ce serait peut-être intéressant de la revoir à l'occasion de la réouverture de la loi ou de la création d'une nouvelle loi, là, si celle-ci n'est pas retirée, si ce projet de loi n'est pas retiré, mais ? cette histoire de l'obligation pour les personnes à l'aide sociale de demander leur rente à 60 ans. J'aimerais vous entendre sur la question de l'équité, à ce propos. Parce que vous le soulevez dans votre mémoire, là, vous n'avez pas eu le temps, je pense, de le commenter. Je vous donne l'occasion de le faire.

M. Ouellet (Raymond): Bien, disons, j'en suis l'exemple dans un mois prochain, là. Il y a une loi de la Régie des rentes, au Québec, qui permet de prendre sa retraite... en tout cas de percevoir sa rente à partir de 60 et 70 ans, avec un maximum à 65 ans. De général, les gens la prennent à 65 ans dans notre société, O.K.? La loi permet de la prendre ? une variation ? mais, si vous êtes à l'aide sociale, là, la loi de l'aide sociale a priorité et ne vous permet pas de la prendre à 65 ans; elle vous oblige à la prendre à 60 ans, avec la pénalité de 30 % que cela implique. J'ai eu comme réponse que la différence est comblée par... de 60 à 65 ans, la différence va être comblée par l'aide sociale. Admettons cela.

Moi, j'ai pris une moyenne, selon les statistiques, là, l'espérance de vie, 78 ans pour un homme puis 81 ans pour une femme. Bien, de 65 ans aller à 78 ? ou 81 dans le cas d'une femme ? je serai toujours privé de ce 30 %. Vous allez me dire que je vais être compensé par, comment est-ce qu'on appelle ça au niveau fédéral, là, le surplus de je ne sais pas trop quoi, là, bon, mais «anyway» vous me mettez dans une situation contraignante de pauvreté, vous me maintenez dans la pauvreté. Est-ce qu'à partir de 65 ans je n'aurais pas le droit au moins de recevoir ma pleine rente du Québec?

Tu sais, c'est bien beau... Tu sais, j'ai l'impression, là, que vous nous calez pour nous aider. C'est ça, le problème à l'aide sociale. Je l'ai déjà fait, des caricatures, hein? On nous permet, là, de respirer par le nez seulement. Si, malheur, on s'étire le cou, là, un petit peu en dehors de l'eau, là ? mais là on a l'occasion de parler, c'est rare, aujourd'hui, je l'ai, l'occasion, bien j'en profite ? malheureusement on se dépêche tout de suite de nous recaler financièrement. C'étaient différentes manières, ça, pour ne pas réellement nous entendre. On te permet de respirer par le nez, ça s'arrête là.

Une affaire. Le petit pamphlet que je vous ai fait distribuer, là, hein, bien, si vous voulez l'ouvrir puis regarder qu'est-ce qui est écrit en haut... Ouvrez-le et regardez en haut. À l'assistance-emploi, c'est différent. Pourtant, on a des chartes, que j'ai énumérées tantôt ? je peux vous donner les articles ? qu'on n'est pas supposé d'avoir de discrimination en vertu de la pauvreté. C'est un des critères, ça, hein? Pas de discrimination. La race, le sexe, la couleur, l'âge, nommez-les tous. Aïe! la condition sociale, est-ce que ce n'est pas de la discrimination? Ce n'est pas moi qui l'invente, ça, monsieur, c'est un dépliant. Ce n'est même pas du ministre actuel, ça date de 2000, O.K.? Mois de juin. Quand vous regardez de côté, là, c'est marqué 2000-05. Je présume que ça a été fait en 2000-05. Bon. Moi, je demande le respect des droits. Je demande le respect de la charte. Ça, ça s'applique. Pourquoi vous baissez...

La notion de conjoint. À l'aide sociale, vous forcez le monde à devenir conjoints après un an. Il y a quelques années, vous avez enlevé ? supposément enlevé ? la pénalité pour partage de logement. Est-ce qu'on... Quand tu es dans la pauvreté, tu n'as pas le droit de partager un logement à 536 $ puis même à 800 $ par mois, quand de l'autre côté ? c'est un exemple que je n'ai pas eu le temps de donner tantôt ? deux professionnels, deux ingénieurs, deux architectes, nommez-les, hein, ils ont le droit, eux autres, je pense, de partager le même local, ils ont le droit de partager le même secrétariat, le même téléphone, le même photocopieur, le même ordinateur. Ça, de ce côté-là, les gens ont le droit. Ils ne sont pas pénalisés. Tu es à l'aide sociale, tu es dans la misère, tu as le salaire minimum, si on peut dire, puis là, là, tu veux t'entraider, on va partager... Aïe! Je vous ai donné tantôt des logements abordables à 690 $, avec un chèque de 800 $, même en contraintes sévères. Bon. Deux personnes veulent s'entraider, deux pauvres veulent s'entraider: Oh, oh, oh! On te marie parce que, nous autres, ça va nous permettre, au bout d'un an, de... Au lieu de deux chèques de 543 $, vous allez tomber sous la catégorie des couples à 800 $ et quelque chose. Bien, je regrette, là. Pourquoi deux professionnels ont le droit, eux autres, puis deux parmi les plus pauvres n'ont pas le droit de s'entraider?

Je vous ai donné... Dans mes textes, vous pouvez lire, là ? ça vient dans ma partie à moi, là ? des arguments qui ont été utilisés au niveau du TAQ pour convaincre des gens qui étaient conjoints de fait. Ça en est presque... ce n'en est pas presque, c'est ridicule. Une personne va conduire une dame voir sa mère à l'hôpital. Sacrifice, là! On appelle ça un ministère de la Solidarité, puis, parce que tu es solidaire de quelqu'un ? monsieur faisait le ménage, madame faisait le lavage ? aïe, vous êtes conjoints de fait. Tu sais, à un moment donné... Ça s'appelle le ministère de la Solidarité sociale. Je pense qu'on a un sérieux problème, monsieur, de vocabulaire au Québec, non seulement à l'aide sociale, mais dans beaucoup d'autres domaines.

Le Président (M. Copeman): Puis, à un moment donné, M. Ouellet, on aimerait poursuivre l'échange. Alors, M. le député de Vachon, allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Je pense que je vous ai donné l'occasion, M. Ouellet, d'illustrer correctement, là, et complètement la discrimination que vous percevez dans le système et je vous remercie de l'avoir fait.

Cependant, j'aimerais aussi ouvrir la question, si vous me permettez, de la simplification et de l'assouplissement des règles, puisque vous l'abordez aussi, M. Ouellet, mais j'imagine que vous avez une opinion là-dessus, Mme Roy, aussi sur l'assouplissement des règles. Parce que, tout à l'heure, le ministre vous a dit: Le Programme de solidarité sociale que nous envisageons, c'est un programme qui va nous permettre d'assouplir les règles. Moi, je ne doute pas de la bonne foi, là, du gouvernement lorsqu'il nous l'affirme. Je lis le Programme de solidarité sociale cependant et je ne peux trouver là-dedans autre chose qu'un assouplissement sur deux items, là, sur «la possession de biens, de sommes versées dans un régime de retraite ou d'actifs reçus» et «les conditions d'admissibilité à certaines prestations spéciales». Mais autrement, là, ce que vous nous dites par rapport, par exemple, à la révision des diagnostics, aux multiples règles et vérifications dont font l'objet les personnes à l'aide sociale, je ne vois rien là-dedans. J'imagine que ça pourrait être éventuellement dans le règlement. Est-ce que vous avez des propositions à faire? Moi, ce que j'aimerais entendre de votre part, c'est: La première disposition dont le gouvernement pourrait s'inspirer pour simplifier son programme, ce serait quoi?

n(12 h 10)n

M. Ouellet (Raymond): En remontant les seuils, là. C'est qu'on a l'impression... Ce n'est pas une impression, c'est la réalité. Actuellement, les règles sont telles, là, que... Je vous ai donné l'exemple tantôt, là, de l'eau ici puis de l'eau là. Les règles sont faites de telle manière qu'il faut que la personne soit la tête dans l'eau, tu sais. Ce que vous demandez comme valeur d'automobile, valeur de logement ou valeur de maison, valeur de biens, tu sais, on tombe dans le minimum des minimums. Y aurait-u un moyen de remonter ça un petit peu puis... C'est parce que vous semblez oublier que, quand les gens sont rendus là ? je l'ai vécu, je peux en parler ? vous êtes rendu en bas. Il y a bien des affaires, là. Il n'y a pas rien que le niveau physique, le niveau économique, il y a le niveau moral aussi, qu'à un moment donné, là, à un moment donné vous vous sentez tellement écrasé que vous n'avez même plus le goût de vous battre pour aller chercher du travail. Tandis que, si vous remontez tout ça un peu puis arrêtez de nous concevoir comme des fraudeurs...

Sacrifice! Laissez-nous un petit peu d'air à respirer. Là, ça me donne l'impression, pour vous donner une autre image, hein, vous mettez le pied sur le tube d'oxygène de quelqu'un qui est malade puis là vous dites: Bien, aïe, si tu respires un petit peu plus que tant de coups par minute, là, dis-moi-le, je vais remettre le pied sur le tube. C'est à peu près ça.

Mme Roy (Lorraine): Il y a aussi toute la question de l'analphabétisme au Québec. C'est une grosse problématique et, nous, il y a quelque chose à faire de ce côté-là. Alors, nous, notre organisme fait partie du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec. Nous sommes un regroupement de plus de 75 membres et nous faisons vraiment un travail important de ce côté-là avec les personnes, mais il faudrait peut-être, à ce moment-là, subventionner davantage ces groupes-là pour qu'ils puissent justement... On nous demande ce qu'on peut faire de plus et de donner des suggestions. On en a, des suggestions et des choses à faire, encore faut-il qu'on ait les ressources humaines et financières suffisantes pour pouvoir se faire entendre et agir de ce côté-là aussi.

Et, moi, ça m'amène à toute la question... Il y a une recommandation qui nous tenait beaucoup à coeur qui a été d'organiser une tournée des régions. Donc, les personnes, comme on le disait dans le cadre de la loi  n° 112, les personnes directement concernées auraient des choses à vous dire, de ce côté-là. Et, à ce moment-là, nous, on voudrait que cette tournée-là des régions soit organisée pour qu'on puisse écouter les personnes concernées par la pauvreté. Et, quand on dit ça, c'est personnes assistées sociales, personnes au salaire minimum, travailleurs saisonniers, chômeurs, et on souhaiterait que le gouvernement invite à ces rencontres-là les élus de tous les partis politiques, les élus municipaux, les instances comme les CRE et les agences aussi, puis les principaux acteurs aux plans économique, social, culturel, et tout ça. Et les groupes. On nous demande souvent qu'est-ce qu'on peut faire. Les groupes en défense des droits locaux et régionaux pourraient animer ces rencontres-là. Et les attachés politiques pourraient peut-être s'impliquer, là, dans la promotion de tout ça.

Parce que cette tournée-là des régions s'inscrirait dans quelque chose de plus vaste, qu'on a proposé, qui est de tenir une campagne d'éducation à l'échelle provinciale en lien avec les préjugés qui sont véhiculés, une campagne du genre de celles qui ont déjà été mises en place par le gouvernement sur l'alcool au volant, par exemple, ou la sécurité au travail. Donc, à ce moment-là, on trouve que c'est important. On utiliserait les médias écrits et parlés, et tout ça. Et cette campagne-là aurait comme objectif, entre autres, de défaire le mythe de la personne assistée sociale qui est la seule responsable de sa situation puis défaire le mythe aussi des travailleurs dont on dit qu'ils sont souvent, trop souvent sur le chômage, et des choses comme ça. Alors, je sais qu'ici on a un débat, oui, on nous permet d'être ici, mais je pense qu'il y a beaucoup d'autres choses qu'il faudrait entendre en région, et que ça, ce soit publicisé, et qu'on en fasse la promotion au même titre qu'on fait la promotion des tournées que les gouvernements font.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion... M. le député de Joliette.

M. Valois: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Juste d'abord vous saluer. Bien content de voir des gens de la région qui viennent ici, à Québec, à l'Assemblée nationale, présenter une réflexion qui vous appartient et qui saura certainement enrichir nos travaux. Et je crois que c'était très important que vous parliez de cette tournée de sensibilisation là parce que vous avez commencé votre présentation en nous parlant, d'abord et avant tout, de cette importance de l'éducation, de la sensibilisation, de la lutte aux préjugés finalement comme étant un point très fort.

Et puis la première question du ministre était un peu spéciale par rapport au milliard en aide aux entreprises versus 1 milliard en aide aux personnes, et certainement que, vous, ça vous a déconcertés du sens où est-ce que vous vivez tous les jours et vous vous dites: Où est-ce qu'il est allé, ce milliard-là? Qu'est-ce qui s'est passé? Et vous regardiez vos feuilles et vous disiez: Bien, par individu, ça signifie peu, tout ça. Bien, c'est parce que la réalité, c'est que, avant le 1er janvier 2005, ce milliard-là d'aide aux individus n'est pas là, O.K.? C'est une décision qui a été prise l'an passé. Elle a été accueillie, cette décision-là, certainement, mais l'essentiel de l'effort gouvernemental n'arrivera pas avant janvier 2005. Alors, c'est pour ça que, sur le terrain, vous, vous vous dites, là: Pourquoi est-ce que le ministre nous parle qu'il y a 1 milliard qui serait supposément arrivé, alors que, nous, dans notre quotidien de tous les jours, pour ce qui est de la lutte à la pauvreté, et tout ça, on n'a pas vu cette espèce d'aide ou de chose qui était significative, et il faut bien le comprendre aussi.

Et ce que vous devez voir et ce que vous devez vivre, si vous êtes en lien aussi ? et vous êtes sûrement en lien avec l'ACEF, là, qui est à Joliette ? c'est qu'il y a eu aussi des hausses de tarifs pour les garderies, 5 $ à 7 $. Il y a eu aussi des hausses de tarifs d'hydroélectricité. Transport en commun, on n'y échappe pas non plus à Joliette, nous autres aussi, par rapport aux hausses de tarifs de ce côté-là. Il y a eu différentes hausses de tarifs qui sont arrivées et qui ont fait en sorte que, même si un effort soutenu pourrait arriver le 1er janvier 2005, il y a quand même eu une hausse de tarifs pour à peu près l'équivalent de ça, 1 milliard, qui est arrivée, et ça, ça a été cette année, ça a été très réel, c'est là, on le vit présentement.

Alors, je peux comprendre, là, le fait que vous ayez été déconcertés par cette première question là, parce que, dans les faits, lorsqu'on replace les choses, c'est comme ça que ça s'est passé et c'est comme ça que les choses se sont déroulées pour ce qui est de l'année 2004.

Mais quand même votre premier travail, vous, c'est évidemment de recevoir ces gens-là ? j'en reçois, moi aussi, évidemment, au bureau de circonscription ? et vous recevez ces gens-là, et une des premières choses que vous nous dites ? et je reviens à mon début de préambule ? c'est de dire: Il faut travailler sur l'éducation, la sensibilisation et la lutte aux préjugés, et vous nous parlez même d'une tournée. Expliquez-moi en quoi... Cet élément-là et ce projet de loi là, est-ce qu'ils contribuent à la lutte aux préjugés ou est-ce qu'ils ne contribuent pas au contraire à alimenter encore plus les préjugés envers les personnes assistées sociales?

Mme Leblanc (Line): La lutte aux préjugés, là, c'est quelque chose qui ne se fera pas... ça ne se fait pas facilement, O.K., parce qu'il faut savoir où toucher, il faut savoir qui toucher, et présentement les gens qui ont le plus de préjugés à l'endroit des personnes assistées sociales, c'est peut-être la classe moyenne, qui est la moins consciente de ce qui se passe vraiment. Pourquoi? Parce qu'on la maintient dans l'inconscience, et ce n'est pas facile de réveiller le monde. On a une façon de faire, nous autres, au regroupement. On se pose toujours trois questions quand on lit quelque chose. On dit: Qu'est-ce que ça dit? Qu'est-ce que ça ne dit pas? Puis à qui est-ce que ça profite, cette affaire-là? Nous autres, à la lecture du projet de loi n° 57, ce qu'on voit, là, c'est qu'on se dit que ça ne profite pas aux personnes pauvres.

Une lutte aux préjugés, c'est quelque chose qui s'inscrit dans un processus qui va être long à faire, on en est conscient, mais ça commence par réveiller tout le monde. Puis, la journée où les 27 députés sont venus ici avec le collectif pour faire l'exercice, on espère qu'il y en a qui ont été sensibilisés un petit peu. Mais ce qu'on sait par contre, c'est que, quand l'exercice a été fini, ils ont remonté dans leurs autos puis ils sont partis dans leurs foyers où tout était correct et leurs repas les attendaient, un bon bain chaud, puis tout ça. C'est difficile, quand on n'est pas dans le trou, de se mettre à la place d'une autre personne. Mais, si un gouvernement ne se donne pas comme responsabilité d'éduquer la population à ça et même prend des décisions qui vont plaire aux gens qui ne comprennent pas et qui vont plaire encore plus aux grosses entreprises qui comprennent très bien qu'est-ce qu'il se passe, qui sont très conscientes de ce qui se passe, bien, là, qui va le faire?

Alors là, les groupes de défense des droits, c'est ce qu'on essaie de faire avec le peu de moyens qu'on a. Mais un des bons moyens, par exemple, c'est de donner la parole aux personnes qui la vivent, cette situation-là, et la tournée en région permettrait ça.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Malheureusement, nous avons largement dépassé le temps qui était imparti pour l'exposé et l'échange. Alors, Mme Roy, Mme Boissel, Mme Leblanc, M. Ouellet, M. Patenaude, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Regroupement des assistés sociaux de Joliette métropolitain.

J'invite les représentants du Mouvement pour l'intégration et la rétention en emploi à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 24)

Le Président (M. Copeman): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons M. Harvey, directeur du Mouvement pour l'intégration et la rétention en emploi. M. Harvey, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange avec les parlementaires des deux côtés de la table. Nous vous écoutons.

Mouvement pour l'intégration
et la rétention en emploi (MIRE)

M. Harvey (Sylvain): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, c'est avec grand plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui. Mon nom est Sylvain Harvey. Je suis directeur du programme MIRE.

Le Mouvement pour l'intégration et la rétention en emploi, mieux connu sous le nom de MIRE, a été conçu et mis en place par la Fondation Lucie et André Chagnon et le programme de Portage relatif à la dépendance de la drogue, avec comme objectif le développement d'une approche efficace et novatrice à l'intégration des jeunes adultes dans le marché du travail. Les résultats à ce jour sont probants. Avec un taux de placement de 54 %, MIRE a, au cours des deux dernières années, placé plus de 244 personnes, avec un coût par personne de 6 000 $, soit l'équivalent de 12 mois de prestations d'assistance-emploi.

Malheureusement, dans le système actuel, MIRE fait face à des obstacles qui l'empêchent d'assurer la pérennité de son projet, et c'est dans l'espoir que le ministère tienne compte de ces obstacles dans son projet de Loi sur l'aide aux personnes et aux familles que nous appuyons certains des changements proposés. Nous croyons en effet que le projet de loi n° 57 doit servir avant tout à la population québécoise, et ce, en cautionnant le développement de nouvelles façons de faire qui soient en même temps plus efficaces dans le domaine de l'insertion à l'emploi.

MIRE est un organisme à but non lucratif qui a pour mission d'aider les jeunes adultes exclus socialement à briser le cycle de non-employabilité chronique et à atteindre une autonomie financière. Le programme MIRE fut mis en place en 2001, comme je le disais précédemment, par la Fondation Lucie et André Chagnon, en partenariat avec le programme de Portage relatif à la dépendance de la drogue, dans un but commun de développer une approche efficace et novatrice pour intégrer des jeunes adultes dans le marché du travail. L'approche de MIRE s'inspire d'un programme américain, Strive, et de l'approche des communautés thérapeutiques.

Le taux de placement de 54 % en emploi des participants de MIRE est un taux considéré comme un grand succès, en comparaison aux programmes existants, tout en considérant l'âge du programme et la clientèle cible. Le coût de 6 000 $ par participant placé en emploi équivaut aussi à un an de prestations d'assistance-emploi.

La clientèle de MIRE se démarque par les caractéristiques sociodémographiques suivantes: 44 % des participants ont entre 17 et 24 ans, et 34 % entre 25 et 34 ans; 68 % des participants n'ont pas terminé leurs études secondaires; 51 % des participants étaient précédemment des prestataires de l'assistance-emploi; et 40 % des participants sont sans revenus, communément appelés les «sans-chèque». Cette clientèle provenant de quartiers défavorisés de Montréal se caractérise par les problématiques suivantes: 26 % ont eu des démêlés avec la justice; 43 % ont peu d'expérience de travail; 67 % ont des comportements inadéquats en emploi; 44 % n'ont aucune activité économique au cours des six derniers mois; et 25 % ont eu des problèmes psychologiques, telles la toxicomanie, dépression et autres.

MIRE a réussi à joindre une clientèle fortement défavorisée et à la réinsérer avec succès dans le marché du travail. La durée de huit semaines du programme, donc relativement court et peu onéreux, est un des avantages du programme MIRE, qui offre aussi à ses participants une banque d'employeurs de plus de 70 entreprises qui se sont engagées à embaucher des gens de MIRE, un réseau social avec rencontres chez MIRE à toutes les semaines, un suivi de deux ans avec «mentoring» en emploi et une approche humaine et non intimidante du personnel. Cette approche particulière au programme MIRE est appuyée par nos partenaires, comme en témoignent les lettres d'appui à l'annexe A de notre mémoire.

Les obstacles auxquels l'organisme doit faire face dans le système actuel nuisent à la bonne marche du programme, affectent le recrutement, le financement et la flexibilité du programme. MIRE recrute plus de 300 participants par année et vise à en recruter 444 en 2007. L'impact de ce recrutement sur la sécurité du revenu et sur le marché du travail n'est pas négligeable. Par contre, MIRE doit être en mesure d'attirer la clientèle ciblée par ce programme. Les obstacles au recrutement sont les suivants.

Un candidat qui se joint au programme MIRE et qui est prestataire de l'assistance-emploi risque de perdre une partie de ses prestations s'il ne termine pas le programme avec succès et retourne à l'aide. Parce que cela comporte un risque élevé pour le candidat, celui-ci refuse souvent de participer au programme. Compte tenu que nous versons une allocation de formation sous forme de rémunération, le candidat perd tous les avantages auxquels il aurait droit s'il était dans une démarche avec Emploi-Québec, soit de garder son chèque d'assistance-emploi, une allocation de formation et son carnet de médicaments, frais dentaires et autres.

MIRE ne peut se permettre de donner aux prestataires de l'assistance-emploi un supplément monétaire de formation tel qu'offert par Emploi-Québec, car cela réduirait du même montant la prestation du candidat. MIRE ne peut donc pas offrir de mesures incitatives à ses candidats.

La sécurité du revenu ne peut référer à MIRE que sa clientèle de prestataires de plus de trois ans à l'aide. MIRE perd alors l'opportunité d'aider des nouveaux candidats qui auraient pu intégrer le marché du travail.

n(12 h 30)n

Plus de 184 000 individus, dans tout le Québec, pourraient bénéficier des services de MIRE s'ils y avaient accès. Il nous apparaît pourtant d'une grande importance de soutenir cette population d'une façon efficace.

Jusqu'à maintenant, MIRE a été reconnu comme projet de démonstration soutenu par des fonds privés. Il reste cependant que MIRE remplit des fonctions qui sont la responsabilité de l'État. Nous sommes donc d'avis, puisque le projet démontre une plus grande efficacité que certains programmes soutenus actuellement par le gouvernement, que ce dernier devrait s'intéresser sinon adopter le modèle du projet MIRE.

MIRE se trouve à remplacer les prestations des participants antérieurement prestataires de l'assistance-emploi et à leur payer un supplément monétaire pendant la période de formation. Ces coûts onéreux sont déjà absorbés par l'État par l'entremise de la sécurité du revenu et du supplément versé par Emploi-Québec pour la formation. MIRE pourrait réduire ces coûts actuels d'environ 42 % ou 3 500 $ par participant si les prestations et le supplément étaient payés par le gouvernement, ce qui rendrait le projet économiquement plus attrayant.

MIRE est conçu pour évoluer rapidement en fonction des changements dans les milieux défavorisés et dans le marché du travail. MIRE est en mesure de s'améliorer constamment grâce à un processus d'évaluation et à une culture qui vise à améliorer continuellement.

MIRE fait face à des questions d'accréditation par Emploi-Québec. La question principale, pour MIRE, est de savoir s'il devrait demander l'accréditation et s'adapter aux normes d'Emploi-Québec ou rester à l'extérieur du système. Un recrutement efficace et une autonomie financière requièrent que MIRE demande l'accréditation, mais souscrire aux normes d'Emploi-Québec dénaturerait le programme. Cet enjeu est clé pour MIRE. Il a été contourné temporairement grâce au soutien financier des partenaires. Maintenant que l'impact du projet a été démontré, les partenaires de MIRE demandent qu'il s'intègre au système actuel. Cette intégration mettrait en péril les éléments de base qui ont contribué au succès du programme.

En conclusion, MIRE désire exprimer à la commission ses inquiétudes quant au système actuel. Le programme MIRE s'inscrit dans le développement d'une continuité de services intégrés qui est désignée à répondre rapidement aux besoins particuliers d'individus y faisant appel. MIRE se veut le lien entre les sources de référence, les services communautaires, les programmes gouvernementaux et les futurs employeurs, dans un esprit de partenariat, pour aider le client à développer l'attitude et les habiletés qui non seulement le guideront dans ses démarches, mais l'aideront aussi à trouver et à conserver un emploi. Cette dynamique a un impact positif chez le client ainsi que sa famille, à travers son engagement social, mais par-dessus tout elle lui apporte une indépendance financière.

MIRE souhaite que la nouvelle loi considère ces inquiétudes pour assurer un système qui remplit ses responsabilités vis-à-vis les contribuables. De plus, MIRE souhaite informer le gouvernement que plusieurs de ces enjeux sont engendrés dans la façon de faire du système actuel. Donc, une loi qui adresse ces enjeux est un point de départ. Mais l'interprétation et l'application d'une telle loi, en conjonction avec les façons de faire renouvelées, feront que notre système s'améliore et livre des résultats prometteurs à la société. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Harvey. Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Harvey. Bienvenue. Merci pour votre présentation. Et je veux vous dire, d'entrée de jeu, que le projet MIRE et ce que vous nous présentez, pour ne pas prêter flanc à des critiques de mes amis d'en face, le projet m'intéresse beaucoup, nous intéresse beaucoup, au ministère. D'ailleurs, je pense qu'on a déjà eu des rencontres, dans les dernières semaines, à ce niveau-là. Et je vous dirais que voici le bel exemple de ce qu'on veut faire dans la loi n° 57, de ce qu'on veut faire à l'avenir, au niveau de la sécurité du revenu et d'Emploi-Québec, c'est-à-dire s'allier des partenaires qui peuvent apporter aux gens, aux individus une expérience ou une aide que, dans certains cas, nous aurions de la difficulté à apporter en raison de certaines particularités.

Alors, ce que vous présentez, ce qui est votre projet, ce qui est le projet MIRE, pour nous, c'est un atout, et je dirais qu'on va travailler à aplanir les quelques écueils qui peuvent faire en sorte qu'on a de la difficulté présentement à en arriver à une collaboration pleine et entière. Mais voici, là, l'esprit de ce qu'on veut faire avec le projet de loi n° 57 et ce qu'on veut faire à l'avenir. J'ose espérer que les gens d'en face sont d'accord avec nous là-dessus.

Des voix: ...

M. Béchard: Oui, absolument. J'espère qu'ils vont le répéter. Mais je pense qu'il y a une place... Et c'est pour ça qu'à un moment donné les gens nous disent: Oui, mais là vous allez privatiser l'aide sociale. Est-ce que de collaborer avec vous, c'est de privatiser l'aide sociale? Je ne pense pas. Bon. Alors, il faut faire attention des fois dans le vocabulaire qu'on prend. Mais, moi, je vais vous dire, là, en partant, que, votre projet, je le trouve très intéressant et qu'il s'agit là d'un outil, pour nous, qui est bien important pour l'avenir.

Et je voyais que vous étiez en faveur, entre autres, là, de prime à la participation, de ce type d'aide financière là. Moi, j'aimerais avoir vos commentaires ou vos propositions sur comment on devrait mettre en place prime à la participation. Qu'est-ce que vous nous proposez de faire? De quelle façon on peut mettre en place prime à la participation? Et de quelle façon ça pourrait cadrer aussi dans le cadre du projet MIRE? Est-ce que vous pourriez être des partenaires avec nous dans le cadre de ce projet-là? Est-ce qu'il y a des écueils qu'on doit éviter? Est-ce qu'il y a des choses qu'on doit éviter de faire avec prime à la participation, si on se fie sur les expériences que vous avez déjà menées et que vous menez toujours?

M. Harvey (Sylvain): Je vais répondre en deux temps. Dans un premier temps, nous, la prime à la participation, oui, on est pour, dans le sens que présentement les personnes qui viennent à MIRE, un des prérequis pour être admissibles au programme, ils doivent quitter l'assistance-emploi. Donc, ils sont rémunérés au salaire minimum pendant tout le temps de la formation. Et, comparativement à plusieurs programmes d'Emploi-Québec, où ils gardent leurs chèques et qu'il y a une prime à la participation dans un programme de formation d'Emploi-Québec... Est-ce que c'est ce modèle-là qui pourrait être privilégié? Peut-être que oui, peut-être que non.

Je pense que la loi n° 57 pourrait permettre de faire un projet pilote, de voir la meilleure façon de faire les choses. D'aussi amener un certain... que ce projet-là soit aussi intéressant pour les prestataires de l'assistance-emploi. Parce que, quand les gens se présentent chez nous pour utiliser, là... excusez l'expression, ils sont poqués, le monde. Quand ils sont à l'aide depuis deux puis trois ans puis... ce n'est pas évident de les remettre en action, ces gens-là. Donc, il faut, pour les remettre en action, qu'il y ait un incitatif. C'est certain qu'il y a toute la partie psychosociale du programme qui est un incitatif pour eux, mais il doit aussi y en avoir une qui est monétaire. Parce qu'eux doivent quand même réaliser qu'il y a un avantage. C'est certain qu'on leur dit: En bout de ligne, oui, il y a un emploi qui t'attend, mais juste de dire: Oui, il y a un emploi qui t'attend, ce n'est pas assez. Donc, à ce moment-là, ce serait de voir de quelle façon on pourrait rendre la participation des gens intéressante et d'avoir aussi un incitatif pour que ces gens-là puissent participer au programme.

M. Béchard: Je voyais, dans vos documents et dans le programme, vous intervenez aussi au niveau pas juste 18-25, mais 17 ans aussi, moins que 18. Est-ce qu'il y a là, pour vous, là... Quelles sont les particularités? Parce que j'ai souvent mentionné, au niveau d'Alternative jeunesse mais aussi, je dirais, de la stratégie jeunesse qui s'en vient, de la continuité de services, il faut s'attaquer aussi aux 16-18, en ce sens qu'il y a la fin de la fréquentation scolaire obligatoire, il y a plusieurs problématiques sociales qui arrivent entre 16 et 18 ans. Finalement, on les laisse sortir de l'école, mais on ne les entre pas nulle part ailleurs, si ce n'est que dans des centres jeunesse, dans certains cas, parce que chez nous on les prend à 18, on commence un petit peu... Mais le 16-18 ans, là, est-ce qu'il y a là, je dirais, une problématique particulière, à votre sens, et comment la décrire, surtout comment intervenir au niveau de cette tranche d'âge là qui, je dirais... Pour moi, je trouve qu'il y a là peut-être beaucoup d'interventions qui feraient en sorte qu'à 18, 19, 20 ans on éviterait de reprendre des gens qui, comme vous le dites, là, sont parfois assez poqués, justement en raison de cette tranche d'âge là où qu'il y a très peu de choses qui peuvent arriver pour les aider.

M. Harvey (Sylvain): O.K. MIRE, c'est un programme en employabilité, mais c'est beaucoup plus que ça. C'est une approche globale. Nous, on regarde... on a une entente avec les centres jeunesse, pour donner un exemple, les centres jeunesse de Montréal, qui nous réfèrent une clientèle de 17 ans. Donc, après un certain parcours qu'ils ont à faire dans les centres jeunesse, ils peuvent être admissibles à venir à MIRE.

C'est certain que, nous, si nous avons devant nous un individu qui a la capacité et qui a le désir pas seulement d'intégrer le marché du travail, mais de retourner aux études... Parce qu'on sait très bien qu'une personne, à 17 ans, qui n'a pas de secondaire V, l'encouragement est beaucoup plus que cette personne-là puisse retourner dans le système et faire ses études plutôt que de l'envoyer sur le marché du travail. Sauf qu'on comprend aussi que souvent ils ne sont pas là. Dans leurs décisions ou dans leurs choix, ils ne sont pas là.

n(12 h 40)n

Donc, nous, on fait un suivi de deux ans. Les gens, quand ils viennent à MIRE, le programme de formation est de huit semaines, mais on les suit pendant deux ans. Et on a un projet avec eux parce qu'on les suit en entreprise, les agents de main-d'oeuvre vont les voir en entreprise, et on veut aussi les faire cheminer. Notre but, ce n'est pas seulement de leur trouver un emploi. Parce que, si c'est seulement de leur trouver un emploi, on n'a pas réglé leurs problèmes. Donc, ces gens-là, c'est de les amener aussi à une certaine réflexion et de voir... Des fois, ils vont travailler dans une entreprise qu'ils vont voir l'opportunité de faire une formation en boucher et qu'eux autres, ça les intéresserait. Donc, nous, on va pouvoir les supporter à l'intérieur de ça.

Mais je pense que, quand on a des jeunes de 17 ans qui n'ont aucun intérêt à retourner à l'école, même si on essaie de taper sur le clou, de dire: Tu vas retourner à l'école, je pense que ce n'est pas... on s'en va dans la mauvaise direction. Mais je pense que c'est de les remettre actifs. Et, à partir de ce moment-là, quand ils sont en action, ils sont beaucoup plus faciles à amener et sont beaucoup plus ouverts à regarder d'autres alternatives. Mais, à partir du moment qu'ils ne sont pas en action, c'est extrêmement difficile d'arriver à ces fins-là.

M. Béchard: Dans quel secteur, dans quel genre d'entreprise ils retournent? Est-ce que c'est très varié ou vous avez certains créneaux où vous ciblez davantage, où ça vous semble plus facile de réintégrer les gens?

M. Harvey (Sylvain): C'est très varié, et je dirais que toutes les entreprises qui font partie de la banque d'employeurs de MIRE, donc plus de 70 entreprises, quand ils adhèrent à la banque d'employeurs, ils adhèrent aussi à la mission de MIRE. Donc, ce n'est pas seulement les employeurs qui disent: Regarde, moi, j'ai besoin du monde, là, je veux que tu m'envoies des gens ici.

Une entreprise qui fait affaire avec nous doit absolument ouvrir son entreprise. Donc, elle ne dit pas: Moi, les gens de MIRE seulement, je vais les faire travailler dans le «shipping». Si tu as une compagnie qui a la possibilité d'avancement et qu'il y a des postes qui sont affichés, les gens qui viennent de MIRE doivent avoir la possibilité de postuler sur ces emplois-là. Et ça, c'est le but ultime de MIRE. C'est que ces gens-là souvent vont commencer dans un poste d'entrée ? mais c'est varié, là, on est en alimentation, on est en transport, en services à la clientèle, il y a une multitude de secteurs d'activité où est-ce qu'on retrouve des employeurs qui font partie de notre banque d'employeurs ? mais on s'assure que, lorsqu'une personne est embauchée par un employeur, à partir de ce moment-là elle va pouvoir cheminer, soit à l'intérieur de l'entreprise... Et, si elle ne peut pas à l'intérieur de cette entreprise-là parce que l'entreprise n'offre pas cette possibilité-là, bien on voit souvent, nous... Une personne peut travailler un an dans une entreprise, elle acquiert une certaine expérience. J'ai des exemples, telle une personne qui a commencé à travailler chez Compass, qui est une compagnie de gestion de cuisine dans des grandes entreprises. Il ne savait pas comment utiliser une machine pour laver la vaisselle, un Hobart. Il a travaillé là un an, mais après ça il a été capable de postuler. Aujourd'hui, il a un poste au casino, il lave la vaisselle, mais à 17 $ de l'heure, comparativement à 8 $ qu'il gagnait quand il est rentré chez Compass. Et c'est toujours ça. C'est toujours l'amélioration et de ne pas...

Nous, une entreprise qui dirait: Bien, moi, je veux du monde, envoie-moi-z-en, envoie-moi-z-en, puis qu'on s'aperçoit qu'il n'y a pas de cheminement de carrière ou qu'il n'y a pas d'opportunité pour ces gens-là, une entreprise comme celle-là ne ferait pas partie de la banque d'employeurs de MIRE. Donc, on ne doit pas seulement dire: Oui, moi, je veux embaucher des gens chez vous, mais je veux embaucher des gens, je veux aider, j'adhère à la mission que vous avez. Et d'accepter aussi que la clientèle qu'il va recevoir chez eux, bien, après deux fois qu'elle arrive en retard, bien ce n'est pas le congédiement ultime. Il va nous appeler, on a une entente tripartite avec nos employeurs qui permet justement à ces gens-là de pouvoir cheminer.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. Harvey, bonjour. Une petite question. Dans votre document, vous parlez des obstacles actuels du système. Au niveau du recrutement, entre autres, le point 1, vous dites qu'un candidat qui est prestataire de l'assistance-emploi risque de perdre en partie... Avec la nouvelle loi, avec le projet de loi n° 57, on retrouve quand même... ce problème-là serait réglé parce qu'il y aurait le maintien des possibilités de revenir avec tous les avantages si jamais ça ne fonctionnait pas. Donc, on retirerait un irritant.

Une question de... «La sécurité du revenu ne peut référer à MIRE que sa clientèle de prestataires de plus de trois ans.» Donc, dans la clientèle que vous avez en ce moment, M. Harvey, c'est surtout une clientèle de 17 ans-24 ans, donc généralement c'est une clientèle qui n'a pas encore trop... ou n'a pas bénéficié... parce que 17 ans, mais... ou encore qui n'est pas demeurée très longtemps sur l'assistance sociale. Donc, c'est pour ça que vous avez un ratio quand même intéressant de résultats probants qui est très positif. Est-ce que vous pensez que, si vous vous adressiez à une... que vous vous attaquiez justement à une clientèle plus lourde, plus poquée, comme vous dites, les résultats au niveau de MIRE, est-ce que vous pensez que les résultats seraient les mêmes ou il y aurait peut-être des ajustements à apporter, plus longue durée? Parce que, là, c'est huit semaines. Est-ce qu'il y a une possibilité d'étendre la durée du projet?

M. Harvey (Sylvain): Oui, il y aurait une possibilité d'étendre la durée. Mais je veux juste revenir sur le fait que cette clientèle poquée là qu'on parle, elle est à MIRE présentement. C'est certain qu'il y a un pourcentage entre 17 et 24 ans, mais la moyenne d'âge dans le programme, c'est 28 ans. Donc, quand on regarde tous les chiffres, la moyenne d'âge, c'est 28 ans. Présentement, on a une entente avec la sécurité du revenu de la ville de Montréal, et elle peut seulement nous référer la clientèle de trois ans et plus à l'aide parce qu'ils ont déjà, à l'intérieur du même ministère, d'autres programmes qui adressent... On parle de Solidarité jeunesse et des gens qui sont de deux ans et moins. Donc, deux ans et moins, il y a plusieurs programmes à l'intérieur du même ministère, donc on ne pouvait pas avoir cette entente-là. Donc, ils nous réfèrent les trois ans et plus.

Sauf que ça, c'est dans l'entente qu'on a. Mais, dans la réalité, l'agent qui est dans son bureau et qui a une personne en avant de lui que ça fait un an et demi ou deux ans qu'il est à l'aide, puis qui sent que la personne...  parce qu'on a une collaboration qui est très grande avec la sécurité du revenu à Montréal, bien elle nous la réfère des fois, cette personne-là, nonobstant de peut-être cette entente-là. Elle considère que de venir à MIRE, c'est une chance peut-être plus grande que de la référer dans un autre programme.

Mais le programme est conçu justement pour desservir cette clientèle-là, et c'est pourquoi qu'on fait un suivi de deux ans et c'est pourquoi qu'on a une approche globale, qu'on ne travaille pas... Notre but, ce n'est pas de trouver un emploi, parce qu'on sait qu'on ne règle aucun problème en leur trouvant un emploi. Ces gens-là ont plusieurs problématiques au niveau social, qui fait que, si on ne travaille pas sur le problème de fond, ces gens-là, ils ne le garderont pas, leur emploi. Donc, c'est une approche vraiment globale.

Et qu'on retrouve des gens de deux et trois ans... Même si la personne des fois est à l'aide depuis un an, il y a toute la problématique d'intergénérationnel aussi, de culture, de... qui entoure tout ça. On a des gens qui viennent chez nous et qui font une démarche, mais, quand ils retournent chez eux, le soir, ils sont souvent démotivés par une personne qui va dire: Bien, écoute, pourquoi tu fais cette démarche-là? Tu vas gagner... tu gagnes 7 $ de l'heure et... Donc, il y a beaucoup de travail, il y a beaucoup de sensibilisation à faire, et c'est pourquoi, nous, on est assez impliqués aussi dans Hochelaga-Maisonneuve, compte tenu que le programme est situé dans le secteur, et on travaille avec la CDEC, avec les Rendez-vous du mois. À tous les mois, on a un kiosque à côté de la caisse populaire. On travaille avec l'Armée du Salut. On travaille où est-ce qu'elle est, notre clientèle. Elle est à la sécurité du revenu, mais elle n'est pas toujours rejoignable par la sécurité du revenu. Donc, on a mis en place beaucoup de moyens justement pour aller la chercher, cette clientèle-là.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): Alors, bonjour, monsieur. C'est un programme à mon avis extrêmement intéressant mais mystérieux. J'aimerais ça en savoir plus sur ce qui constitue les huit semaines en question parce que je pense que vous n'avez pas eu l'occasion vraiment d'en parler, là.

Et la deuxième question, c'est sur la question des employeurs. Parce que j'ai déjà eu, moi, des échanges assez fréquents avec les employeurs qui me disaient: Il ne s'agit pas simplement de référer quelqu'un chez nous, mais, nous aussi, on a besoin d'aide pour accompagner ou pour accueillir et accompagner convenablement ces personnes dont on parle ou ces jeunes-là, dépendant du cas.

Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux aspects-là, sur le contenu du huit semaines et le deux ans dont vous nous parlez. Est-ce qu'il y a quelque chose de spécifique pour les employeurs?

M. Harvey (Sylvain): Bien, le deux ans, il est en majeure partie consacré aux employeurs, ce qui veut dire qu'il y a des agents de main-d'oeuvre qui se présentent à partir du moment qu'un participant est référé chez un employeur. Dans la première semaine, il y a une entente tripartite entre les trois parties. On parle de l'employeur, le participant et MIRE. Il y a des rencontres hebdomadaires qui se font en entreprise où est-ce qu'on va visiter l'employeur.

Quand vous parlez... vous dites: Les employeurs... C'est clair que, nous, ce qu'on vend à nos employeurs, ce n'est pas des diplômés. Ce n'est pas des gens qui ont un diplôme universitaire, c'est des gens qui, dans la plupart des cas, n'ont pas de secondaire V, n'ont pas de bonnes habitudes de travail, ont une mauvaise connaissance du marché du travail. Donc, l'employeur, il dit: Écoute, moi, je suis prêt, là, à travailler avec lui, mais j'ai besoin de support, il faut que vous m'aidiez. Et c'est pour ça que, nous, exemple, il y a un problème avec un employé, on va sur les lieux de travail. L'employeur travaille avec nous. Plutôt que de le congédier, ce qui serait probablement la chose qu'il devrait faire, mais il travaille. L'agent de main-d'oeuvre y va, il y a une entente, on s'assoit, on continue. Donc, ce support à l'entreprise, il est à partir du moment que la personne est placée en emploi et il se continue, là, se perpétue dans le temps sur le deux ans.

n(12 h 50)n

Le huit semaines, je dois dire, on retrouve probablement beaucoup d'éléments qu'on retrouve dans plusieurs autres programmes en employabilité, ne serait-ce que des ateliers sur la connaissance de soi, sur l'estime de soi, sur la gestion du stress, et c'est sûr qu'on fait la rédaction d'un C.V., lettre de présentation, préparation à l'entrevue, sauf que, nous, le programme, l'activité dans le programme, ce qu'on a voulu recréer, c'est un environnement de travail et ça se passe à tous les niveaux. Donc, c'est certain qu'on va faire... Mais, pour une personne que ça fait, je ne sais pas, trois ans, quatre ans qu'elle n'a pas travaillé, faire un C.V., là, c'est une page de papier, et donc ce n'est pas là-dessus qu'on va travailler.

Nous, on travaille principalement sur les attitudes et les comportements des gens, et la méthode d'intervention que, nous, on emploie, c'est la communauté thérapeutique. Donc, c'est vraiment de travailler avec les pairs. Donc, ce n'est pas des gens qui vont dire: Écoute, c'est ça qu'il faut que tu fasses pour arriver à ça, mais c'est plutôt qu'en collectivité, en groupe, comment tu vas pouvoir avoir aussi une certaine rétroinformation de tes pairs sur les comportements que tu as. Donc, c'est une approche qui est quand même assez spéciale, qu'on ne voit pas en employabilité, avec la clientèle avec laquelle on travaille ou, si on la voit, ce n'est pas... ce n'était pas quelque chose de... dans la forme que, nous, on avait vue à Strive, aux États-Unis, ce n'était pas quelque chose qu'on retrouvait. Donc, si on parle du contenu, on retrouve tout le contenu d'un programme en employabilité, sauf que tout ça, c'est adapté à la clientèle avec laquelle on travaille.

M. Bouchard (Vachon): Alors, ce que je comprends, c'est que vous avez hérité d'un patrimoine d'intervention à partir de Portage dans le fond avec la communauté thérapeutique.

M. Harvey (Sylvain): Effectivement, oui.

M. Bouchard (Vachon): Et c'est intéressant, cette idée d'investir dans l'entreprise qui accueille la personne. Et on a des exemples de ça dans plusieurs domaines d'intervention publics ou parapublics où notre capacité d'accompagner les personnes qui accueillent et de les soutenir est quasiment à zéro. Et là je fais le parallèle avec, par exemple, les familles d'accueil, dans le système de protection de la jeunesse, où on a un effort extraordinaire à consentir si on veut aider à la fois ces familles et à la fois ces enfants à cheminer ensemble.

On a cette espèce de croyance habituellement, dans notre société ? mais ce n'est pas uniquement dans notre société ? à penser que, lorsqu'on crée un service, le problème est réglé. Bien non. On crée le service parce qu'on veut régler le problème, et il faut, comme vous le faites sans doute, là, mettre beaucoup d'énergie et de soin à l'accueil de cette personne-là, à l'accompagnement de celle ou de celui qui aide cette personne-là, et je suis particulièrement intéressé par cette partie de votre intervention, et j'aimerais... j'aimerai en apprendre plus éventuellement à partir de cette expérience.

Maintenant, quand vous dites que vous avez un taux de placement en emploi de participants de 54 % et que c'est un grand succès en comparaison des programmes existants, vous avez fait une étude d'évaluation comparative là-dessus ou... Comment vous...

M. Harvey (Sylvain): Oui, on a fait une étude comparative sur d'autres programmes, et ça, c'est basé sur... On a un taux de placement, disons... À MIRE, nous avons un taux de placement de 94 %, si on le regarde... C'est 94 %. Sauf que, si on exclut... Et on a un taux de rétention d'aux alentours de 50 %. Donc, on a dit 54 % du 50 % plutôt que de dire 94 %. En fait, ce n'est pas... 94 % de ceux qui ont terminé la démarche. Donc, c'est 50 % en fait quand on fait l'autre calcul.

M. Bouchard (Vachon): ...votre critère, c'est un critère basé sur la pérennité, là, la longévité, la durée ou la rétention de personnes en emploi.

M. Harvey (Sylvain): La rétention. Sur les participants qui ont... On a placé 244 personnes...

M. Bouchard (Vachon): D'accord.

M. Harvey (Sylvain): ...mettons, en deux ans, mais on en a reçu quelque 500. Donc, sur ces 244 là qui ont terminé, on en a placé 94 % qui sont en emploi. Et, dans la plupart du temps, les gens sont placés en emploi dans la première semaine qu'ils ont terminé. Parce que déjà, pendant la formation, nous, il y a déjà des contacts de faits, il y a des employeurs qui viennent faire des entrevues directement dans nos locaux, qui viennent nous rencontrer, qui viennent faire des entrevues, qui viennent faire la présentation de leurs entreprises.

M. Bouchard (Vachon): Et ? dernière question, M. le Président ? vous avez formé un réseau d'entreprises, là, vous en avez au-delà de 70, dites-vous, maintenant. Quelle est votre stratégie de recrutement et de rétention de ces entreprises dans votre projet? Quelle est la principale motivation de ces employeurs?

M. Harvey (Sylvain): Je ne vous cacherai pas que le fait d'avoir été partenaires avec la Fondation Lucie et André Chagnon nous a donné un bon coup de main au départ. Il y avait quand même certaines personnes qui avaient fait un comité de bénévoles pour approcher certaines entreprises. Mais ça, je dirais, c'est au début des opérations de MIRE. Et souvent les entreprises qui avaient été approchées aussi à l'époque étaient de grandes entreprises. Et on a vite réalisé que ce n'était pas si facile, avec les syndicats, de pouvoir faire embaucher des gens, etc. Donc, à ce moment-là, on a eu à faire un petit travail et à regarder, bon, dans quels secteurs d'activité... c'est quoi, les postes qui sont pour les personnes.

On a un coordonnateur du développement de l'emploi, nous, qui se promène, qui est présent dans les foires de l'emploi, qui fait de la présentation. Et, nous, ce qu'on fait, on invite les gens à venir chez nous, on fait un premier contact avec l'employeur, on va visiter l'entreprise, on voit quels postes qui peuvent être disponibles et on regarde aussi la pertinence de ça. Tu sais, il y a des entreprises qui nous approchent et qui disent: Aie! Moi, oui, j'en veux, des gens de MIRE, mais, à partir du moment qu'on va voir, on dit: Ce n'est peut-être pas l'environnement dans lequel on aimerait que nos gens se retrouvent... Donc, il y a un processus, mais il y a un développement, là. Le coordonnateur du développement de l'emploi et les agents de main-d'oeuvre, c'est le département qui s'occupe de ça.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Harvey, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Mouvement pour l'intégration et les... et la rétention, pardon, en emploi. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

 

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et je suis heureux de constater que nous sommes dans le dernier droit. Il nous reste deux groupes à entendre et échanger avec, et nous allons conclure, c'est-à-dire: le Social and Enterprise Development Innovations et la Mission Old Brewery, et nous allons terminer autour de 17 heures, avec les remarques finales de part et d'autre, de chaque côté de la table.

Alors, sans plus tarder, it's with pleasure that we welcome the representatives of the Social and Enterprise Development Innovations. M. Nares, Mme Robson-Haddow, bienvenue. Je vais vous expliquer brièvement nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes, une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes chaque côté de la table. Étant donné que je vous ai présentés, il n'est pas forcément nécessaire de répéter les présentations, et nous sommes ici pour vous écouter. Alors, allez-y.

Social and Enterprise Development
Innovations (SEDI)

M. Nares (Peter): Je m'appelle Peter Nares et je suis le fondateur et directeur exécutif de SEDI, ou Innovations en développement social d'entreprises. Je suis, aujourd'hui, en compagnie de ma collègue Jennifer Robson-Haddow, notre directrice en recherche et développement des politiques.

Je ferai une brève introduction à notre présentation, puis je donnerai ensuite la parole à ma collègue; vous constaterez sûrement que son français est bien meilleur que le mien.

Au nom du SEDI, je désire remercier le comité de nous avoir offert cette occasion de présenter notre position sur le projet de loi n° 57. Nous sommes très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

SEDI est un organisme de bienfaisance national qui élabore des politiques sociales innovatrices, y compris la promotion, la mise à l'essai et même la gestion dans certaines circonstances. Nous travaillons actuellement dans trois domaines: les jeunes en détresse, le travail indépendant et l'accumulation d'actifs.

n(15 h 10)n

Dans le domaine des politiques sociales, nous nous positionnons socialement comme un intermédiaire entre les expériences communautaires et l'élaboration de politiques publiques. Nous travaillons donc avec les gouvernements et des partenaires communautaires pour fournir les témoignages dont les décideurs ont besoin pour élaborer des politiques et des programmes efficaces.

Since our inception, in 1986, and through our policy research, and program design, and management efforts, we have assisted over 12,000 low-income people to start their own businesses, we have helped thousands of youth at risk to become more self-sufficient and have assisted over 4,000 people to save and accumulate assets.

To enable this work, we have partenered with over 500 community agencies in every province and territory in the country. Our experience in Québec, while more limited than in some of the other provinces, has included partnerships in all three of our policy-priority areas. And I would also like to point out that Mr. James Hughes, who is the director general of the Old Brewery Mission and who will be presenting to you next, is a member of the SEDI Board of Directors.

We are here today to present you with our views on the concept of savings and asset-building, and more specifically to highlight how Bill 57 can be used as a legislative tool to enable savings and asset-building by welfare recipients. We firmly believe this approach will reduce welfare dependency by promoting and enabling self-sufficiency.

It has been our experience that most low-income people have the desire to be self-sufficient and, if given the right tools, have the capacity to achieve this goal. We believe that savings and asset-building is a new tool for the social policy toolbox. And Mme Robson-Haddow will now give you the specifics.

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Merci. M. le Président et membres de la commission. Nos commentaires, aujourd'hui, s'adressent principalement au traitement des biens et avoirs. Depuis 1996, SEDI est chef de file dans le domaine du développement de l'accumulation d'actifs au Canada. Celui-ci s'appuie sur la prémisse que, pour surmonter la pauvreté, les occasions d'épargner et d'investir dans un avenir plus prometteur sont tout aussi critiques que le revenu même.

La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale inclut, dans la définition de la pauvreté, la privation des ressources et des moyens. Dans notre estimation, une vision cohérente reconnaît que ces même ressources et moyens incluent non seulement le revenu, mais aussi les biens et les avoirs.

Traditionally, social assistance policy has been at odds with the idea that savings and assets matter, and not just to wealthy families and individuals. But this need not be the case. I want to be clear: savings and assets are, in our view, a complementary strategy to ? and not replacement for ? adequate income support and social services. Progressive social policy that aims to increase participation, inclusion and equity can and should be achieved through a number of coordinated measures. Adequate income is necessary to enable families and individuals to meet day-to-day needs. Accessible and responsive social programs are necessary to deliver public goods that we all rely upon and to meet the non-financial needs of families and individuals.

However, opportunities to accumulate and preserve savings and assets are also necessary and must be part of any comprehensive strategy to address poverty and exclusion. The presence of savings and assets can play a role, first, in protecting against poverty and dependence from social assistance, and, second, may enable persons currently living in poverty to achieve greater self-sufficiency.

Les épargnes et les biens peuvent avoir un effet multiplicateur sur un nouveau revenu, servent à créer de nouvelles occasions d'apprentissage et de développement ou permettre de prendre des risques productifs et de développer le capital social en favorisant l'inclusion et la participation. L'épargne peut aussi agir en tant que filet de sécurité en servant, par exemple, de marge de sécurité pour ceux qui tentent de se sortir de la pauvreté ou pour éviter la privation occasionnée par une perte de revenus. Lorsque les personnes ont accès à l'accumulation des biens et aux services de soutien qui s'y rattachent, ils sont mieux équipés pour manoeuvrer les diverses étapes de transition dans leur vie et pour établir et maintenir leur niveau d'autosuffisance.

Divers gouvernements et organismes internationaux reconnaissent les mérites de l'accumulation d'actifs, et inclus sont: l'OCDE, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie.

Comparativement aux autres provinces, le Québec connaît un écart plus important entre les citoyens qui bénéficient d'épargnes et d'actifs et ceux qui sont dépourvus. Le 50 % le plus pauvre des Québécois et Québécoises ne possède que 5 % de l'ensemble de la richesse de la province. Seule la province de la Colombie-Britannique connaît un écart plus prononcé.

Comparé aux autres régions, le Québec a bénéficié d'une croissance de richesses la plus élevée au cours des 30 dernières années. Toutefois, comme dans d'autres régions, les données semblent indiquer que cette hausse a peu profité les familles Québécoises les plus pauvres. Mais qu'est-ce que ça signifie, en termes de véritable sécurité financière, pour les familles? Le 20 % le plus pauvre des familles n'a assez d'actifs que pour remplacer environ cinq semaines de perte de revenus à leur niveau actuel. Il n'est donc pas surprenant que le tiers de ces familles indiquent qu'elles accusent un retard de deux mois ou plus dans le paiement de factures, d'hypothèques, ou de loyers, ou de prêts.

En dépit du fait que l'impôt fédéral sur le revenu et les dépenses de programmes fédéraux sont en partie responsables de cette distribution de richesses fautive, les programmes provinciaux de soutien du revenu qui imposent des restrictions sur les actif jouent eux aussi un rôle important. Le Québec figure parmi les trois seules provinces au Canada qui ont introduit une hausse nominale dans les limites d'actifs pour les bénéficiaires du bien-être social avec dépendants entre 1985 et 2002. Cependant, après la prise en compte de l'inflation, le résultat réel indique une baisse de 700 $.

Le paragraphe 15.3° de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale demande que le gouvernement du Québec propose des modifications au Programme d'assistance-emploi afin «de permettre aux adultes et aux familles de posséder des biens et des avoirs liquides d'une valeur [plus élevée] afin de favoriser l'autonomie des personnes ou pour tenir compte de difficultés économiques transitoires». Now, in considering Bill 57, you have a unique opportunity, supported by the principles of Bill 112, to begin to address at least one part of the barriers to savings and assets faced by Québec families and individuals living in poverty.

Malgré le fait que le but réel des limites d'actifs et de biens est de s'assurer que les demandeurs d'assistance-emploi et APPORT soient légitimes, elles sont aussi contraires à... dans le sens que, premièrement, elles entraînent la dépense rapide et parfois improductive des actif liquides, et, deuxièmement, elles prolongent la dépendance.

Parmi notre réseau d'agences communautaires de première ligne, SEDI a souvent entendu dire que les familles à faibles revenus qui ont recours au bien-être social se heurtent contre un mur non seulement du point de vue de leur libération du programme de bien-être social, mais aussi en termes de leur admissibilité. Dans plusieurs cas, les familles et les individus sont tenus de vendre, de dépenser, de liquider une partie des épargnes et des biens qui autrement auraient pu leur permettre de devenir autosuffisants ou d'éviter que leurs enfants répètent le même cycle.

Il semblerait que les directives respectives qui gouvernent l'accumulation d'actifs chez les prestataires d'assistance-emploi et APPORT sont fondées sur la présomption que les familles et les individus à faibles revenus n'accumulent pas d'actifs et ne sont pas en mesure d'en accumuler. Or, il s'agit d'une fausse présomption pour deux raisons. Premièrement, même parmi les citoyens et citoyennes les plus pauvres, plusieurs reçoivent des sommes forfaitaires ou inattendues provenant, par exemple, de petites successions ou de règlements judiciaires. Les récipiendaires d'aide sociale pourraient très bien garder ces actifs en réserve et établir leur autosuffisance, mais ils sont généralement obligés de liquider ces sommes rapidement de peur qu'ils ne perdent leur droit aux prestations. Deuxièmement, les recherches sur les programmes de compte individuel de développement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et ici, au Canada, démontrent que même les individus à revenus très faibles peuvent épargner de l'argent et le font effectivement lorsqu'ils ont les incitations et les appuis nécessaires.

n(15 h 20)n

Présentement, à Montréal, 150 habitants à faibles revenus participent au projet $avoir en banque, y compris 25 prestataires d'assistance-emploi. Il s'agit d'un projet national réalisé et géré par SEDI en partenariat avec la société de recherche et... recherche sociale appliquée RBC Banque Royale, la caisse d'économie Desjardins et un réseau d'organismes à base communautaire. $avoir en banque offre à des adultes à faibles revenus l'occasion d'épargner de l'argent et de recevoir un crédit de contrepartie de 2 $ à 5 $ pour chaque dollar qu'ils déposent dans un compte d'apprentissage. Ils ont aussi la chance d'investir dans leur propre éducation et apprentissage. Depuis leur inscription au projet, les participants du sud de Montréal avaient épargné un total de 91 millions... pardon, 91 milliers de dollars, soit une moyenne de 630 $ par participant et 26 $ par mois. Une fois ajouté aux crédits en contrepartie, le résultat est de 481 000 $ en investissement vers de l'éducation pour les adultes.

Selon SEDI, les objectifs de l'accumulation d'actifs sont compatibles avec ceux des politiques d'aide sociale progressives et leur sont un bon accompagnement. Nous croyons que l'accumulation d'actifs, supplémentée des services sociaux et un revenu adéquat, est l'élément clé de toute stratégie efficace visant à s'assurer l'inclusion sociale et économique.

Le projet de loi n° 57 souligne que le gouvernement a l'intention d'inclure dans son nouveau Programme d'aide sociale une disposition selon laquelle un prestataire peut posséder certains biens ou avoirs liquides afin de l'aider à recouvrer son autonomie économique. SEDI appuie l'engagement du gouvernement du Québec à offrir plus de flexibilité pour les limites d'actifs dans le cadre du nouveau programme. Nous croyons que cet énoncé signale une approche très positive et progressive qui tient compte du rôle critique que viennent jouer les épargnes et les actifs dans l'inclusion sociale et économique. Alors que le gouvernement et ses conseillers contemplent leurs options pour l'opération des règlements sur le projet de loi et la réalisation de nouveaux changements programmatiques, SEDI les encourage fortement à entretenir les propositions suivantes.

Premièrement, conforme au paragraphe 15.3° de la Loi visant à lutter contre la pauvreté, nous suggérons le gouvernement d'assurer, dans le projet de loi n° 57, que les familles et les adultes seront permis de posséder des biens et des avoirs liquides d'une valeur supérieure à celle permise présentement.

Deuxièmement, nous encourageons le gouvernement d'être aussi flexible que possible lorsqu'il impose les limites sur les biens et les avoirs liquides des candidats et récipiendaires d'aide sociale. Il ne suffit pas simplement d'augmenter les limites d'actifs énoncées dans les règlements, mais bien de prêter une attention particulière au type et à la nature des biens et avoirs inclus dans le test. Nous encourageons fortement le gouvernement à établir une exemption aussi large que possible pour les actifs financiers et les actifs fixes qui pourrait mener à plus d'autosuffisance parmi les récipiendaires du bien-être social et leurs enfants.

Third, we know that, in paragraph 38 of the proposed bill, applicants for the new Social Assistance Program who are deemed unillegible due to assets over the applicable limit will be expected to serve a waiting period about to one month before reapplying, and we understand this is currently the case under assistance-emploi as of December 1st. Recognizing that this measure may discourage some of the rapid and needless expenditure of savings to meet eligibility test, we strongly encourage the Government to consider alternative options and reduce the delay before income benefits could be paid. For example, applicants could be offer the choice to preserve some of their savings for future productive uses that would contribute to their long-term self-sufficiency. A mechanism such as an IDA or similar restricted savings account might be a suitable model for this purpose.

Quatrièmement, nous encourageons le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour adresser les interactions inattendues qui pourraient avoir lieu entre les limites d'actifs d'aide sociale et autres programmes et politiques visant à augmenter l'accumulation d'avoirs tels que le bon d'études canadien nouvellement proposé.

Fifth, we strongly recommend that the Government invest in financial capability education and training for social assistance recipients as part of a more holistic and individualized approach to programming and service delivery. Investments in financial capability education and training may also help working poors and other disadvantaged groups to maintain on... self-sufficiency and avoid a cycle of dependence on welfare.

Financial capability is a critical and basic skill set for all members of society. However, disadvantaged groups face more limited access to existing sources of relevant information. This is not simply about learning to budget and manage money, and in fact many low-income families and individuals probably have more skills in stretching a dollar than any of us in this room, but there are range of others skills that are part of financial capability.

Un tel apprentissage fournit aux citoyens les connaissances et la confiance dont ils ont besoin pour diriger et gérer leur vie financière et de participer comme membres bien informés de la société. Les individus compétents en finance ont également l'information, les habiletés et la confiance qui leur faut pour déchiffrer les documents et les processus de demande qui peuvent s'avérer embêtants ou intimidants.

L'apprentissage en matière de capacité financière joue aussi un rôle direct dans l'accumulation d'actifs en permettant à des citoyens de composer avec l'infrastructure des services financiers qui est à la base de pratiquement tous les programmes d'épargnes et d'actifs. Ils peuvent surmonter les obstacles qui les empêchent d'épargner, tels que les dettes personnelles, puis établir et atteindre ensuite leurs objectifs d'épargne.

Les gouvernements ont un rôle à jouer pour permettre à tous les citoyens et citoyennes de parfaire leurs connaissances dans le domaine des capacités financières, et nous croyons que ce projet de loi invite au gouvernement de verser de tels investissements. Finalement, nous croyons également qu'une fois qu'il aurait pris conscience du rôle primordial des épargnes et actifs, le gouvernement voudra prendre certaines mesures pour encourager le développement de nouveaux actifs parmi les Québécois et Québécoises à faibles revenus, y compris les récipiendaires d'aide sociale.

On note que le projet de loi n° 57 donne au ministre l'autorité de conclure des ententes dans le cadre de projets pilotes et d'établir des programmes spécifiques afin de préserver l'autonomie et d'améliorer la situation économique et sociale des personnes. Tel que discuté, un pas dans la bonne voie serait d'éliminer des obstacles à l'épargne retrouvés dans les règlements. Par contre, le développement et la sauvegarde d'actifs parmi les citoyens à faibles à revenus exigent aussi des investissements tels que des incitatifs financiers offrant des avantages réels pour les familles et individus à faibles revenus. De fait, la plupart des incitatifs à l'épargne sont offerts par l'entremise de crédits d'impôt qui n'offrent peu ou même pas d'avantages à ceux qui ont très peu ou pas d'impôt sur les bénéfices à payer. C'est la raison pour laquelle SEDI favorise des mesures qui offrent un avantage direct aux familles et individus à faibles revenus, y compris mais aucunement limité aux comptes individuels de développement et aux dotations tels que le bon d'étude canadien.

Measures to tackle financial services exclusion are also needed to ensure that all citizens have access to and can participate in affordable and appropriate mainstream financial services. These services are increasingly complex but also increasingly crucial for delivering financial entitlements as governments move increasingly to account-based systems. We note that Québec, like most other jurisdictions, strongly encourages social assistance recipients to receive their benefits through direct deposit, something that is only possible in an account with a mainstream bank or caisse.

Il nous ferait plaisir de discuter des présentes recommandations avec les membres de la commission, et nous vous remercions de votre attention aujourd'hui.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Robson-Haddow et Mr. Nares. Alors, afin de «députer» les... débuter, pardon! ? mais c'est également pertinent, un député ? afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à notre commission parlementaire. Vous amenez, je vous dirais, un éclairage nouveau. Sur plus de 70 groupes que nous avons entendus et, je vous dirais, sept semaines de consultation, dans un large débat public, ouvert et dans un climat serein, en plus... serein en général, sauf quelques exceptions, mais serein en général, c'est la première fois qu'on entend parler de cette approche. Et je vous dirais que ça pique beaucoup ma curiosité, parce qu'on s'est tellement fait dire que les prestations étaient tellement basses et que finalement, si on n'atteignait pas un revenu minimum garanti, il n'y aurait à peu près rien à faire dans quelque domaine que ce soit. L'approche que vous amenez est très différente, et non seulement vous ne proposez pas uniquement un modèle théorique, vous l'avez essayé.

n(15 h 30)n

Et je j'aimerais ça, comme première question, avoir une idée sur qu'est-ce que ça déclenche envers quelqu'un, et j'imagine quelqu'un qui, depuis cinq ans, 10 ans, a de la difficulté et que tout à coup il se rend compte qu'il peut, oui, épargner, qu'est-ce que ça déclenche comme valeur individuelle? Est-ce que ça l'amène à, oui, se reprendre en main, vouloir épargner davantage? Qu'est-ce que ça provoque? Qu'est-ce qui vous a allumé à dire: Oui, on va essayer cette façon-là de faire?

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Cette approche, ça vient vraiment de l'expérience de SEDI dans le domaine du développement des entreprises à faibles revenus, bon, les petites et moyennes entreprises. Et là on a vu que, lorsque les individus ont la chance de créer leurs propres options, ça fait une énorme différence dans leur autosuffisance non seulement à court terme, mais à long terme aussi.

Nous avons aussi établi un partenariat avec un organisme dans les États-Unis, qui s'appelle The Corporation for Entreprise Development, et c'était un professeur, Michael Sherraden, qui avait écrit un livre qui s'appelle Assets and the poor ? les actifs et les pauvres ? qui avait premièrement proposé que les actifs et les épargnes peuvent avoir vraiment un énorme effet sur la pauvreté. Bon. Aux États-Unis, ça avait été développé dans un programme de projet pilote qui s'appelle The Assets for Independant... sorry, Down Payments on the American Dream Demonstration, et c'était après 1995, je pense, qu'on avait vu les premiers effets de ce projet aux États-Unis. Il n'y avait pas vraiment d'information au niveau des statistiques, c'était vraiment le pouvoir des histoires personnelles des participants à ce programme pilote aux États-Unis.

Et c'est la même chose qu'on voit maintenant dans le projet $avoir en banque. Les participants nous disent que leur participation dans ce projet, le fait d'avoir leur propre compte de développement individuel, ça leur donne l'espoir pour l'avenir et que faire les dépenses, faire les dépôts dans leurs comptes, c'est le prix de cet espoir. Alors, c'est vraiment une histoire très encourageante.

M. Béchard: Parce que présentement, avec la loi actuelle, on aurait un certain nombre de difficultés à aller de l'avant, sauf qu'avec la nouvelle loi et la possibilité de partenariat qui est en place ça ouvre un certain nombre de possibilités à vos projets et à avoir des conditions plus particulières.

On m'a reproché pendant toute la commission que ce serait épouvantable si le ministre avait plus de pouvoirs discrétionnaires. Mais voici un exemple de ce qu'on pourrait faire avec ces pouvoirs discrétionnaires là. Et, moi, je trouve ça extrêmement intéressant, parce que voici quelque chose qu'on pourrait essayer et creuser davantage, dans le cadre de projets pilotes, et de voir, bon, bien quels sont les effets, avant de l'étendre plus, de changer certaines choses, bien on pourrait l'essayer de cette façon-là.

Mais, pour ça, j'aimerais voir c'est quoi, le type d'ententes que vous avez? Vous parlez d'une entente avec Développement des ressources humaines Canada, avec les banques, et tout ça. Sur le type d'ententes, c'est quoi, la contrepartie de ces organismes-là? Et bien sûr ils fournissent une partie de l'épargne, j'imagine, avec Développement des ressources humaines? Non? Même pas? O.K.

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Non. Le projet $avoir en banque est financé directement par le Développement des ressources humaines du Canada. Cependant, les organismes à but non lucratif tels que le YMCA, à Montréal, et d'autres organismes communautaires offrent des services aux participants. C'est un projet pilote, alors nous sommes présentement dans l'année cinq de ce projet. De notre point de vue, ça a été extrêmement positif jusqu'à ce point. Nous avons déjà, je pense...

Une voix: ...

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Il y a 4 000 participants dans ce projet parmi le Canada. Alors, oui, c'est un projet pilote, mais, comme vous avez dit, nous espérons que, dans le cadre de ce projet de loi, il y aurait peut-être moyen d'en faire d'autres, investissements de même.

M. Béchard: Bien, moi, j'aime beaucoup votre approche puis je me dis: On est à la recherche de solutions différentes, on essaie d'innover pour aider les gens, et je vous l'ai dit en commençant mais c'est vraiment rafraîchissant d'entendre d'autres moyens que de se faire dire la même chose, là, pendant je ne sais pas combien d'heures, là.

Mais, à ce niveau-là, vous proposez beaucoup... vous misez beaucoup sur la hausse des avoirs liquides permis. C'est compréhensible. Ça a toujours été aussi important, à l'intérieur du ministère, d'avoir une approche qui est davantage reliée aux extensions de revenus plutôt qu'à la participation financière dans l'épargne. La philosophie de la sécurité du revenu au Québec, c'est de permettre à quelqu'un de gagner plus sans diminuer sa prestation. Ça a toujours été ça. On peut l'augmenter, on peut le faire varier, là, mais c'est toujours plus ça que de dire que, comme ministère, pour 1 $, on va mettre 1 $.

Mais est-ce que vous croyez qu'il y a moyen quand même, à l'intérieur de cette philosophie-là, d'augmenter ou de préserver le niveau d'avoirs liquides et à la limite de gains de travail ou de gains de participation? Parce qu'on parle aussi de primes à la participation. Est-ce que ça, c'est quand même compatible avec ce que vous nous proposez, au lieu de dire: Bien, écoutez, pour chaque dollar épargné, on va remettre 1 $?

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Absolutely. I don't think that there is anything incompatible with an approach to increase household incomes and an approach to increase household savings. I think that, in the past, we have seen those approaches as incompatible, and I think that the idea that you suggest is certainly worth further exploration, in terms of encouraging participants who are gaining income through employment to, for example, be able to preserve some of those dollars in a special account. There are also occasions where people come into lump sums savings, for example, through court decisions or small inheritances, those sorts of things. So, those are situations where people already on social assistance and have a sort of windfalls are being encouraged to an income. And, absolutely, we would strongly encourage opportunities in testing a variety of different models to allow them to preserve some of those assets so that they can invest in their own human capital development and perhaps physical capital needs as well. I think that it's important to remember there are some things in life that cannot be supported through income alone. I'm thinking, for example, of the purchase of a house or a car. Unless you have an extraordinarily high income, it is virtually impossible to do that without some savings.

We also know that the effects that savings has on personal well-being is somewhat different than income alone. But I would still encourage the Government to consider not just measures for people who are on social assistance currently. And I know that your current regulations are somewhat more favorable for people who are already on social assistance. I believe the assets limit is about $1 500 for a single person who is deemed employable. That same person, when they are applying for social assistance, is expected to have a little more than just half that. So, again we would strongly encourage the Government to look at both groups, both those applying and are currently on.

M. Béchard: Dites-moi à partir selon vous de quel niveau ou à partir de quel montant les gens peuvent-ils commencer à épargner? La première question. Et la deuxième question: Comment faites-vous pour vous assurer que, je ne sais pas, quelqu'un qui, au bout de deux, trois mois, réussit à épargner 100 $, ou 200 $, ou 300 $, qu'il ne revienne pas le rechercher parce qu'il y a une urgence ou parce qu'il y a un besoin de consommation immédiat, que ce soit... On nous a parlé souvent du frigo qui tombait en panne, mais, à un moment donné, on veut bien l'épargne, mais il y a des choses qui arrivent et auxquelles on veut subvenir tout de suite. Comment faites-vous dans ces deux cas-là, puis à quel niveau on peut dire que les gens peuvent commencer à épargner?

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Oui. Bon. Il y a vraiment quatre choses. Ce n'est pas toutes les familles et individus à faibles revenus qui pourront se faire des épargnes dans un compte d'épargne. Il faut prendre ça en note. Nous pensons que c'est une approche qui a du mérite pour un grand nombre de personnes, mais ce n'est pas la solution, la seule solution pour tous ceux et celles qui vivent dans la pauvreté.

Deuxième chose, nos informations du projet $avoir en banque indiquent que les familles ou individus à faibles revenus peuvent faire des épargnes mensuelles d'à peu près 25 $, 26 $. Alors, c'est une somme assez importante pour ces familles et individus.

n(15 h 40)n

Vous avez demandé la question de la retraite, des épargnes. Bon. Dans le projet $avoir en banque, il y a vraiment deux sommes qui sont envisagées: il y a la somme que l'individu dépose dans le compte individuel de développement puis il y a aussi des crédits de contrepartie. Les individus qui participent n'ont jamais accès directement à ces crédits de contrepartie, c'est seulement au moment qu'ils sont prêts de faire leurs dépenses, d'investir dans un cours d'éducation, de formation, que ces crédits de contrepartie sont donnés directement à l'institution ou bien l'école.

Mais nous pensons que les épargnes, les dépôts qui ont été versés par l'individu dans leurs comptes de $avoir en banque, c'est vraiment... c'est leur argent, alors, si jamais il y a, comme vous avez dit, une urgence, ils ont accès à ces argents, mais ils ont une pénalité que... les crédits de contrepartie, ça baisse d'un niveau.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont, c'est bien ça?

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je sais, vous êtes le député de Vimont...

M. Auclair: Merci. Merci de me le rappeller.

Le Président (M. Copeman): ...ce qu'il faut savoir, c'est: Est-ce que vous désirez intervenir?

M. Auclair: Non, c'est correct. Je pense que le ministre a bien répondu à la question.

Le Président (M. Copeman): Ça va? O.K. Alors, I have perhaps a couple of questions for Mr. Nares and Mrs Robson-Haddow. I'm trying to better understand because, as I think the minister indicated, this is, certainly for me, one of the first time we've heard about these types of plans; certainly it is the first time in this Parliamentary Committee. My colleague on the left, I think, is probably aware of them from a former life that he lived. But I thought we would, you know, share with everybody today.

Just in some of the details, if I understood your answer to the minister correctly, in terms of access to some of these learn$ave, in particular the Individual Development Accounts, the individual contributes, there's a contribution from another source, that other source is essentially governmental, that's correct? And you get access to it for the purposes for which it was intended. And I guess for me the best analogy is various tuition savings plans that exist, where you... you know, sort of the equivalent of... I don't know what they are called, but it's the RRSP equivalent for the education aspect, where you can put moneys in, it's a little bit of a tax shelter, and then, when your child gets access to higher education, you can use that money. This, I understand, is a little bit different because there is the contribution from Government.

The moneys that are contributed by the individual, are they accessible at any time? Lets say the persons change their mind, you know, the fridge breaks. Can they depend at anytime to use those funds in a non-restrictive manner? And then what's the consequence on the part that's been contributed from Government? If you would explain that perhaps a little bit more clearly to me, I would appreciate.

M. Nares (Peter): ...try that. I think it's important to remember that, prior to making that decision to take or withdraw out, if that's the decision an individual or family makes, they will have participated in a financial management training program. The products of the financial management training process are a savings goal and a savings plan. So, the decision to make a withdrawal is not an unconscious one, it's one that they will because they've gone through the other process, they will understand the implications of it.

In direct response to your question, the answer is yes. It's their money, they can take it out if they feel they need to do that and for whatever purpose they feel they need to do that for. But the cost to them in doing that is that they don't have access to their match credit and they have to... I mean, in the case of... The way we've designed $avoir en banque is that you need to replace that withdrawal and then you kick back into earning your credits after that. But the philosophy is it's their money, you know, the personal savings is their money.

The other part I would add is in terms of to prevent fraud, in other words to prevent people from using the Government's funding. And I should point out the source may not just be Government, I mean, Desjardins could contribute to a fund, for example, that when in... so it doesn't have to be just Government. In fact, I would argue that the best model is Government leveraging funds from other sources to sort of leverage as much money as you can for it, but the money that has been donated to the individuals, has been credited to the individuals actually goes to what we call the vendor. So, after saving to go to university, for example, then the matching credit check would be paid directly to the university. So, it's not going into the hands of the saver, and that way you protect the integrity of the funds.

Le Président (M. Copeman): From just about the beginning of the work of this standing committee, we've heard from a number of community groups and organizations that work with people on social assistance who have told us essentially that the vast majority of welfare recipients cannot make ends meet at the end of the month, that the current benefit levels are so below either low income levels or poverty levels that, you know, you run out of money on sometimes the 15th of the month, sometimes on the 21st of the month. And, almost unanimously, people have said to us: By the end of the month, there's very little left.

It appears, Mr. Nares, somewhat incongruous to have a group come before this committee and say: For these categories of people or some of these categories of people, they can save money. That message is a little bit in contradiction with the majority message that we've been hearing. And I think that was a little bit the minister's question, at what... You know, you indicate that research in the U.S. and U.K. has demonstrated that individuals with even very low income can and do save, and, you know, the minister has asked you at what levels and you were a little imprecise in your response. Perhaps you can't get more precise for us.

But, as I say, you know, the current... the base, the base benefit level for a single person, in this province, on welfare, is $533 a month. And I understand, you know, Mrs. Robson-Haddow to say: Clearly, not everybody can benefit. And I think intuitively we understand it. But is it really realistic to think that people in various categories... We have several categories, we've got people alone, we've got couples, we've got non-couples living together, we've got people with «contraintes sévères à l'emploi» that get certain levels. Is it really realistic to assume that people at these levels can engage in this type of a program?

You know, I know that you've got a pilot project running. It would be interesting to know, you know... you've got 25 social assistance recipients in, I think, Montréal: Are they people without... «sans contraintes sévères à l'emploi, contraintes temporaires»? Are these... You know, it might give us a little better sense of how useful this type of project can really be.

M. Nares (Peter): Why don't I start and maybe you could do the Montréal.

Mme Robson-Haddow (Jennifer): Sure.

M. Nares (Peter): Well, I don't think it's unusual for the non-profit sector to have different groups contradicting themselves at different times, so... I mean that is the nature of the sector, I think, to some extent. I mean, our viewpoint is based on the evidence that we've looked at, and, I mean, it is important to reiterate that this isn't a magic bullet, this is not something that we are proposing is going to solve the poverty issues of all people. It isn't. There isn't any one thing in my view that's going to do that. And we would probably also argue that your welfare rates are to low and you should raise them. And so, for us it's not an «either or» kind of thing, it's an issue of complementarity and, as I said on the opening, this is a tool.n(15 h 50)n

And we know, from our own experience and not just from $avoir en banque, that there's other projects in Calgary, and Winnipeg, and in other parts of the country that are working with the same group of people, that are producing the same results. And the keyword to keep in mind, in all this, is the word «incentive». We are talking about providing a financial incentive that has a positive impact on someone's behavior. That's what we're talking about. And, for people who only need this incentive at this time in their lives, it could be enough to get them to go the extra mile to do what they need to do to participate in a project. That's what we're talking about.

Mme Robson-Haddow (Jennifer): I cannot also share with you a little bit of the information. I regret, I actually don't know the exact income threshold at which... I don't know that it has ever been evaluated in that way, shape or form. But I can tell you that the data from the United States ? and I regret I don't have any Canadian data to bring you because we're just not that far along yet in our project ? show that actually people at the very lowest levels of income who are taking part in IDAs save the same proportion of their income as people in higher levels.

Now, I grant you, yes, there is certainly questions about how are they managing this, as in the example you gave where people are indicating concerns that $531 is not sufficient to just manage the cost from one start of the month through to the end. But that doesn't actually bear itself out when you look specifically at IDA participants. And again, I think it's important to know this is not necessarily the magic bullet solution for everyone. But what IDA participants do, in terms of their strategies for saving, at least in terms of self-report, is they say they treat this as another bill that they need to pay, and so it's often smaller sums then what we might be traditionally accustomed to thinking of in terms of savings.

But I do have a few numbers here, in terms of Montréal, that I thought you might find useful. What I do have here is a breakdown in terms of total household income levels for the year 2003, and, in our Montréal site, a little more than a third of our participants had a household income of less than $10,000, and they are still actively participating in a learn$ave project and saving an average of about $26 a month. I don't know how many of those in that third would be on social assistance, but I suspect the majority of them.

Le Président (M. Copeman): Thank you. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): Alors, bonjour. Je suis extrêmement heureux de vous rencontrer, parce que j'entends parler de vous depuis longtemps et je n'avais pas eu l'occasion de vous rencontrer en face à face. De fait, j'ai connu un projet semblable, il y a quelques années, à Atlanta. Ils ont été parmi les pionniers, je pense, à emprunter cette voie de l'accompte... ou du compte de développement personnel, et ils avaient, à Atlanta, à peu près 70 familles à l'époque qui étaient inscrites dans un projet où les gens pouvaient, à part la formation, investir des sous pour faire l'acquisition d'une maison dans leur quartier, et dans le cadre d'un autre programme de revitalisation des quartiers populaires ou des quartiers pauvres d'Atlanta.

Il y a aussi un ouvrage qui a été fait à l'époque, et qui est disponible au ministère de la Solidarité sociale, qui a été fait par un économiste, François Thérien, que vous connaissez peut-être. Il est à la Direction de la santé publique, à Montréal, et il milite depuis fort longtemps pour faire connaître ce type d'approche. Je sais qu'à l'époque cela avait été accueilli avec beaucoup de sympathie et beaucoup d'intérêt par le ministre d'alors, M. Jean Rochon, et par le président des Caisses Desjardins, M. Alban d'Amours. Et je suis persuadé, moi, que, comme vous le dites, pour... D'abord, j'apprécie énormément la première affirmation que vous avez faite, à l'effet que la grande majorité des personnes qui sont inscrites à l'aide sociale ont envie de s'en sortir. Et je pense que cette seule affirmation, au point de départ, de la part d'observateurs communautaires qui ne sont pas directement inscrits dans des groupes de défense d'intérêts, c'est extrêmement important que d'entendre ça dans cette commission.

Mais je pense que vous constatez cette volonté de s'en sortir chez des personnes chez qui vous créez un espoir de s'en sortir et à qui vous offrez une possibilité quelque part de s'en sortir. Et ce que vous recommandez, dans le fond, au gouvernement, c'est: Un, allez dans la direction du rehaussement des actifs, mais pas n'importe lesquels actifs, vous dites des actifs financiers et des actifs fixes; levez les barrières à l'épargne; et allez au-delà de l'intention, autrement dit engagez-vous dans des projets pilotes, engagez-vous dans des expérimentations où on pourra constater les bénéfices de cette approche-là.

Ce que je peux vous dire, c'est que les membres de l'opposition vont collaborer à ce type d'approche, parce que nous sortons, avec cela, d'une philosophie du dénuement pour aller vers une philosophie du développement, et ça, c'est extrêmement important. Ça ne règle pas tous les autres problèmes de demi-indexation des prestations, parce que justement c'est contre-indiqué. Si on veut que les gens épargnent, il faut qu'ils puissent avoir un minimum de revenus pour épargner. Ça ne contredit pas non plus toute la question de la protection des droits. Mais ça vient quelque part indiquer à la société québécoise qu'il y a des possibilités et des moyens d'aider les personnes à se développer, développer leurs propres actifs, à se développer et à s'inscrire comme des acteurs économiques et des citoyens à part entière dans leurs quartiers, dans leurs communautés.

Alors, ceci dit, j'ai peut-être une couple de questions parce que... Est-ce qu'il y a des différences entre implanter un projet à Montréal et implanter un projet à Toronto ou à Vancouver? Est-ce que vous voyez des... Est-ce que votre analyse vous permet de faire des comparaisons entre les divers sites que vous avez dans votre programme learn$ave? Est-ce qu'il y a des obstacles particuliers que vous rencontrez à Montréal? Est-ce qu'il y a des obstacles particuliers que vous rencontrez ailleurs ou alors des atouts qu'il y aurait ici qu'on ne rencontrerait pas ailleurs?

M. Nares (Peter): ...your question correctly, which was: Are there any major differences in the experience of learn$ave in these different places?

M. Bouchard (Vachon): The various sites... Yes.

M. Nares (Peter): I can tell you that Montréal was fully subscribed either as the first or second site of the 10 sites. By that, I mean we had no difficulty recruiting low-income people to the project in Montréal.

M. Bouchard (Vachon): But... and how about financing the project?

M. Nares (Peter): In terms of how much they are saving...

M. Bouchard (Vachon): No, in terms of the various sources you have to invest in the program. For example, the... Well, you got the Government money, but you also have other sources, I think.

M. Nares (Peter): No, not in terms of money, no.

M. Bouchard (Vachon): Not Montréal... O.K.

M. Nares (Peter): No, it's just Royal Bank and Desjardins are both involved in providing the financial services to the project, and they were very easy to recruit to the project as well.

M. Bouchard (Vachon): Ma deuxième question est à propos des individus qui peuvent davantage profiter de ce type de programme. Vous avez dit: Ce ne sont pas tous les individus qui peuvent profiter de ce type de programme. Est-ce que vous pourriez être plus spécifiques quant à ça? Est-ce que vous référez au niveau de revenu ou est-ce que vous vous référez aux structures, par exemple, familiales? Comme, est-ce que des gens qui sont inscrits à l'aide sociale et qui sont seuls sont plus avantagés ou moins avantagés que des personnes inscrites à l'aide sociale et qui sont chefs de famille, par exemple? Est-ce que vous pouvez déjà avoir des observations, faire des observations spécifiques là-dessus?

M. Nares (Peter): I keep looking at Jennifer because I think it's better to respond en français then en anglais, but...

M. Bouchard (Vachon): No, no, no. Go ahead. Go ahead.

M. Nares (Peter): Is the question: Are there circumstances where people should not be...

M. Bouchard (Vachon): Are there any groups of individuals that are more comfortable or respond better to that type of approach? For example, lone individuals versus single parents or...

n(16 heures)n

M. Nares (Peter): I think it's... I don't think I can honestly give you a scientifically definitive answer to that. What we think we are seeing is, for example... And it makes sense if you think about it, I mean, single mothers, the most important thing in their lives are their children, and so, if you provide them with an opportunity to do something that will improve the future of their children, they're very motivated to participate in that. And we heard that over, and over, and over again from people who were in ? women ? $avoir en banque.

The other group that seems to be very attracted to this is people that are interested in starting a «micro-entreprise», becoming «emplois autonomes». So, that's a good... Because, again, they are motivated and just need some help.

So, it's a mix, but it's a very... The opportunity to get something that they also... in English, there's a phrase called mutual obligation, in that sense of you're not getting something for nothing, you're contributing to it as well, seems to be a... But I don't think we know sort of, yet, it's right for them and it's not right for them, kind of, or these are the people that would be most likely to participate and these are the people that wouldn't. I don't think that we know that yet. I think we're starting to see it, but...

Mme Robson-Haddow (Jennifer): I would just like to add a few comments in addition to that. In all of our sites, including in Montréal, although the spaces that we had allocated available to persons on social assistance were quite a bit more limited, social assistance recipients were by far the fastest and earliest enrollees in the program. We did a very broad and very open outreach and recruitment process, and it was really people on social assistance who were the first through the door in virtually all of our sites, including in Montréal.

J'en ai aussi, quelques données, ici de notre site à Montréal qui pourraient être peut-être intéressantes. Les participants, il y en a 150 en tout à Montréal. 101 des participants sont des femmes, 104 sont des familles «single parent», «single person». Quoi d'autre? Vous avez demandé auparavant des différences entre nos sites $avoir en banque. Dans les villes de Toronto et Vancouver, nous avons vu une très grande réponse des nouveaux Canadiens, des immigrants, immigrantes, mais, à Montréal, ce n'était pas le cas vraiment. Nous avons seulement 14 personnes qui se disent immigrants au Québec. La majorité des participants, c'étaient des Québécois et des Québécoises. Et aussi la majorité de nos participants sont présentement employés à temps plein.

M. Bouchard (Vachon): Une dernière question, si vous permettez. What's the next step in Québec? What should we do?

M. Nares (Peter): Thank you for asking that question. Well, I think... I mean, obviously, we very much believe in the power of the idea that we're talking to and we think there are groups that work in Québec communities that are also interested in this. I think you'll hear from one in a minute. I mean our sense is, because this is a fairly new idea, that it makes sense to do some pilots, to test things out in communities to see how well they work or don't work. Do that first, learn from that experience and then move on from there. So, I mean, our sense would be that... is to partner with some community groups, and try some of these things, and see how they work.

M. Bouchard (Vachon): Alors, merci, M. le... Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Mr. Nares, Mme Robson-Haddow, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire, au nom... pardon, du Social and Enterprise Development Innovations. Je suis sûr que nous allons suivre de très près cette expérience à Montréal et tenter d'en tirer des conclusions.

Et j'invite maintenant les représentants du Mission Old Brewery à prendre place à la table, et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Mission Old Brewery. M. Hughes... Me Hughes, vous connaissez les règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de... période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Mission Old Brewery

M. Hughes (James D.): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, nous sommes très, très heureux d'être parmi vous cet après-midi, dernière journée des auditions, et donc très contents peut-être d'être les dernières personnes à vous présenter notre perspective sur le projet de loi n° 57.

Une voix: ...

M. Hughes (James D.): Merci.

Le Président (M. Copeman): Pas d'interruption. Allez-y, M. Hughes.

M. Hughes (James D.): Donc, j'ai le plaisir de présenter, à ma gauche, Mme Jill Martis, une membre bénévole de notre conseil d'administration, qui va parler dans un premier temps; à ma droite, Mme Brigitte Germain, notre directrice de développement chez la Mission Old Brewery qui, comme vous le savez, est un organisme qui dessert les itinérants et itinérantes de Montréal, donc les personnes en extrême pauvreté sans domicile fixe. Voilà. Donc, Mme Martis.

Mme Martis (Jill): Mesdames et messieurs, membres de la commission, je vous remercie de me donner la possibilité de prendre la parole devant vous, aujourd'hui. Comme James disait, je m'appelle Jill Martis, et je suis membre du conseil d'administration de la Mission Old Brewery, et je suis aussi présidente du comité des services de la mission.

n(16 h 10)n

Depuis 1889, la Mission Old Brewery se consacre au bien-être des sans-abri et des citoyennes et des citoyens démunis de Montréal. Ce qui a commencé comme un refuge et une soupe populaire pour hommes est devenu, au fil des années, le plus grand centre pour sans-abri itinérants et itinérantes au Québec et davantage. Aujourd'hui, on y offre des services d'hébergement pour 46 femmes qui ont besoin d'un refuge temporaire pour la nuit et jusqu'à 38 lits pour les résidentes en transition. L'organisme offre aussi de l'hébergement pour 342 hommes, y compris 85 lits pour les cas de traitement transitionnel en établissement. Nous avons également un autre centre de 42 chambres privées, réservé exclusivement aux hommes sans-abri, dont certains peuvent parfois se réintégrer à la communauté.

Chacune de ces sections offre un hébergement propre et sécuritaire, des repas nourrissants, des installations sanitaires et des vêtements. Par le biais de notre personnel, nous tentons de faciliter l'accès à un éventail de services communautaires médicaux et sociaux.

Pendant les mois d'hiver, on aperçoit souvent l'autobus de la Mission Old Brewery dans les rues de Montréal. Elle offre de la soupe chaude, un transport aux sites d'hébergement et une aide d'urgence selon les besoins. Notre objectif général est de soutenir et d'aider notre clientèle au fil de leurs démarches vers une plus grande stabilité, une autonomie et une intégration dans la société.

Alors, qui sont les clients de la Mission Old Brewery? Ce sont des individus qui bénéficieraient de cette loi. Ce sont des gens pauvres. Ce sont des patients d'hôpitaux qui ne les accueillent plus. Ce sont ceux qui, selon la police, ne sont pas trop en état d'ivresse et dont la conduite n'est pas trop désordonnée, qu'ils nous amènent. Ce sont ceux qui ont fui des situations de violence à la maison, de la violence conjugale. Ce sont des esseulés. Ce sont des aînés ou des gens dans la fleur de l'âge. Ce sont des diplômés du doctorat, des analphabètes, des professionnels ou ouvriers qui vivent des périodes difficiles dans leur vie. Ce sont des chômeurs de passage. Ce sont des gens sans abri.

Depuis que je me suis jointe au conseil d'administration de la Mission Old Brewery, non seulement le nombre de clients a-t-il augmenté, mais nos services aussi. Par exemple, en 2003, grâce à une subvention de l'IPAC, nous avons ajouté 56 lits à notre centre d'hébergement principal pour hommes. Il y a trois ans, la ville de Montréal nous a demandé de prendre en charge l'opération Annexe, un service d'urgence de 70 lits pour accueillir l'excédent de sans-abri que les refuges de la ville ne pouvaient loger pendant les mois d'hiver. Nous avons créé un nouveau service de réinsertion sociale au sein de notre mission, dont le but est d'aider nos résidentes et résidents à long terme à réintégrer la communauté. Présentement, on nous demande de mettre sur pied un centre d'évaluation et de référence pour les clients qui ne peuvent être accueillis dans les refuges de Montréal en raison de troubles de comportement. De plus, nous travaillons de concert avec la ville en vue de lancer un nouveau projet de logement social pour 30 sans-logis.

De toute évidence, la Mission Old Brewery est maintenant un organisme qui fournit un service essentiel aux citoyennes et citoyens les plus pauvres de Montréal. Dans le processus, nous sommes devenus une ressource essentielle pour les partenaires de la communauté, des institutions entièrement subventionnées, comme par exemple la police, les hôpitaux, les organismes de services sociaux et les CLSC. Nous avons pu accomplir ces réalisations grâce en très grande partie aux efforts de notre personnel et de nos bénévoles et grâce à la générosité de la communauté montréalaise.

Toutefois, on ne peut s'attendre que tout le poids de cette oeuvre repose sur les épaules de nos bienfaiteurs et de notre personnel surchargé. Le financement gouvernemental ne compte, pour l'instant, que pour 17 % du budget total de la Mission Old Brewery. Avec des coûts annuels qui frisent de plus en plus les 5 millions de dollars et avec un déficit anticipé de près de 1 million de dollars pour l'exercice 2004-2005, nous ne pouvons espérer obtenir l'argent nécessaire annuellement auprès des donateurs quand il y a tant de projets et de causes importantes qui rivalisent pour le soutien financier de généreux souscripteurs du secteur privé. Il est temps que la Mission Old Brewery et d'autres services semblables obtiennent le financement gouvernemental nécessaire pour mener à bien sa mission qui est, comme la vôtre, de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Merci.

Mme Germain (Brigitte): M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme Germain, allez-y, oui.

Mme Germain (Brigitte): M. le Président, membres de la commission, bonjour et merci de nous laisser l'opportunité de venir partager avec vous le vécu de la Mission Old Brewery. Le sujet que j'aborderai, aujourd'hui, avec vous concerne principalement les changements que nous vivons jour après jour avec l'itinérance et les solutions que nous avons dénombrées.

Il y a 30 ans, le mot «itinérant» ou «sans-abri» était mieux connu sous les mots «clochard» ou «robineux» et plus souvent qu'autrement associé à une personne de sexe masculin, âgée de 50 ans et plus, ayant des problèmes de boisson ou de drogue plus ou moins conventionnels. Aujourd'hui, l'itinérance a complètement changé de visage, puisque maintenant, à la Mission Old Brewery du moins, la moyenne d'âge est passée de 50 à 38 ans, et non seulement ces gens souffrent de problèmes de consommation d'alcool et de drogues fortes, mais nous avons aussi maintenant le nouveau phénomène du «gambling» depuis 10 ans.

Et, encore plus problématique, depuis la désinstitutionnalisation, plus de 35 % de notre clientèle a de graves problèmes en santé mentale tels que schizophrénie et paranoïa. Et pourquoi ils se retrouvent chez nous? Tout simplement parce qu'ils ont peu ou pas de suivi sur la prise de leurs médicaments. La majeure partie du temps, associé à une maladie mentale s'y ajoute un problème de consommation, ce qui en fait des personnes ayant double diagnostic. Dans les années quatre-vingt, nous avions 110 lits au total à la mission. Aujourd'hui, nous parlons de 300 lits d'urgence et 164 lits pour résidents permanents. Toujours dans les années quatre-vingt, à la mission, nous n'accueillions seulement que des hommes. Mais, vu le nombre grandissant de femmes itinérantes au milieu des années quatre-vingt-dix, la mission a donc ouvert, en 1998, un centre pour femmes itinérantes. Vous remarquez comment le visage a changé? Nous n'en sommes plus du tout au clochard sur un banc de parc. La majorité de notre clientèle est bénéficiaire de l'aide sociale.

Nous remarquons aussi que, depuis qu'une personne n'est plus obligée d'avoir une adresse fixe ou permanente pour recevoir son chèque, car ils peuvent se le procurer dans un CLE, les deux ou trois premiers jours de chaque mois, il y a une baisse remarquable d'achalandage chez nous. Pourquoi? Tout simplement parce qu'ils profitent de leurs chèques au maximum et ils reviennent au bout de la quatrième journée sans un sou en attente du prochain chèque. Nous avons surnommé ce phénomène les «millionnaires d'un jour». Bien souvent, ces gens se demandent pourquoi ils changeraient. Ils se découragent, deviennent de plus en plus casaniers et renfermés sur eux-mêmes et reviennent chez nous, jour après jour, jusqu'au prochain jackpot, c'est-à-dire le premier du mois suivant.

Parmi notre clientèle, il y a des gens qui seraient aptes au travail, mais auraient besoin d'aide afin de se retrouver un emploi, mais, bien avant l'emploi, auraient besoin d'aide afin de se réintégrer dans un milieu social sain. Cependant, outre ces gens, la majeure partie de notre clientèle est inapte au travail, soit pour leur condition physique, mentale ou leur âge. Il est d'une grande importance que ces gens soient reconnus comme tels et puissent bénéficier d'une aide directe. À la mission, nous aimerions être reconnus comme étant une instance primordiale au réseau de la santé et des services sociaux. Nous croyons être en mesure de détecter les premières problématiques, car n'oubliez pas que c'est chez nous que cette clientèle se tourne, puisqu'elle est majoritairement refusée ou rejetée des autres instances.

n(16 h 20)n

Nous désirons continuer à recevoir ces gens, car la première solution à leurs problèmes est de leur fournir un toit, de la nourriture, des vêtements de saison et une hygiène personnelle appropriée. Mais, au-delà de ces quatre services de base, nous aimerions leur apporter une aide réelle, que ce soit à la réinsertion sociale et à l'emploi, en ayant les moyens de les diriger vers les instances appropriées, mais aussi en aidant les personnes moins chanceuses, étant inaptes au travail ou encore inaptes à une vie sociale dite normale. Pour ces personnes, nous aimerions être présents et les accompagner à retrouver sérénité, sécurité et, eux aussi, les diriger vers leurs instances appropriées à leurs besoins, qui sont bien différentes d'une personne apte au retour à une vie sociale. M. Hughes.

M. Hughes (James D.): Dans le projet de loi, on prévoit quatre différentes catégories de prestataires: les aptes, les prestataires avec contraintes temporaires, les prestataires de solidarité sociale et tout ce qui a trait à l'Alternative jeunesse. Mais l'objectif pour chacune des quatre catégories est le même: c'est de les aider à sortir de la dépendance, d'aller de l'avant avec l'intégration en emploi ou la participation sociale. Pour réaliser cet objectif-là, ça prend deux choses: ça prend les ressources financières raisonnables pour vivre en dignité et ça prend aussi l'accompagnement, ça prend les services de sortir des fois d'un état de vie très difficile. Et l'aide sociale évidemment constitue l'outil de base pour effectuer cette sortie-là.

Mais le problème ? et c'est un thème déjà soulevé tout à l'heure, et je dois commencer avec cette observation-là, comme l'ont fait peut-être tous les autres groupes aussi ? est que ce n'est pas assez, le 533 $. Ce n'est simplement pas assez pour réaliser cet objectif-là, en cas de personnes aptes. En fait, des fois, c'est si peu que ça garde les personnes en pauvreté, n'est-ce pas, et des fois, souvent ? et on le voit chez nous ? ça garde les personnes en itinérance, en état d'itinérance. Donc, bien sûr, notre première recommandation, c'est de l'augmenter de façon significative, mais nous croyons qu'avec les personnes aptes la meilleure façon de le faire, c'est via la prime de participation. La somme, en termes de qu'est-ce qui serait approprié pour cette prime-là, doit être suffisamment importante pour créer l'incitatif justement de sortir... On a parlé aussi, tout à l'heure, de la motivation. La motivation d'intégrer comme il faut un emploi, ça prend des sous, et un 130 $ d'extra par mois selon nous n'est pas assez. Une somme très importante doit être ajoutée à ça, et nous recommandons que le gouvernement le considère.

La prochaine catégorie ? et nous voyons ça très souvent chez nous, à l'Old Brewery Mission ? c'est les gens avec les contraintes temporaires. Par contre, selon l'article 44.1° du projet de loi, comme c'est le cas maintenant, un rapport médical est exigé, selon la première des neuf catégories, pour permettre à la personne de bénéficier du supplémentaire dans cette catégorie de prestation. Par contre, pour notre clientèle, comme nous avons mentionné dans le mémoire, c'est souvent très difficile d'avoir le certificat médical. Ils ont peur, notre clientèle, ils ne sont pas habitués à utiliser les services de santé et services sociaux. Par contre, ils restent chez nous. Donc, nous recommandons aussi au ministre, au gouvernement, de considérer de faire en sorte que plus de médecins ou personnes aptes à émettre ces certificats-là viennent dans les centres, pas juste l'Old Brewery Mission, mais tous les autres centres aussi, parce qu'il y a la possibilité, là, de permettre à ces personnes-là d'accéder à plus d'argent. Et ça, c'est, nous pensons, très, très important.

Ma collègue Brigitte a mentionné le nombre de personnes dans nos services ayant des contraintes en termes d'addiction et problèmes de santé mentale. C'est jusqu'à 67 % des clientèles itinérantes qui ont l'une, l'autre ou les deux en même temps, donc le double diagnostic. Nous avons même pensé à peut-être vous suggérer une addition aux listes de critères qui permettront aux personnes d'accéder à une somme d'argent supplémentaire dans le contexte des contraintes temporaires de prestataires, qui soit 44.10° peut-être: une personne qui est itinérante chronique ou sans domicile fixe. Quelqu'un, même n'ayant aucun autre problème, qui est itinérant chronique ? qui est défini... selon toute la littérature, c'est quelqu'un qui est itinérant depuis au moins un an ? est quelqu'un qui n'est pas apte à s'intégrer, à justement... par le fait même de l'itinérance, est contraint... Il n'y a pas, dans les autres neuf catégories, une section qui couvrira une telle situation. Donc, nous vous suggérons que peut-être la commission considère le rajout d'un item pareil.

En termes de prestataires avec des contraintes permanentes, encore une fois je me répète, en ce qui concerne le rapport médical, c'est la même chose pour cette clientèle-là, qui ne vont pas rechercher le certificat. C'est très difficile pour eux de les avoir. Donc, amener les médecins et les autres spécialistes dans les centres plus souvent. Mais on est très satisfaits, si vous me permettez, du langage dans la section 61, qui parle spécifiquement des possibilités et des contributions que peut faire cette clientèle-là aussi. Les personnes atteintes de problèmes permanents, eux, ils peuvent aussi contribuer. C'est une belle addition à la loi.

Moi, j'aimerais rajouter mes propres commentaires concernant tout ce qui a été dit tout à l'heure concernant les comptes de développement, comme le $avoir en banque. Comme Peter vient de vous dire, je suis membre du conseil d'administration de SEDI, je suis très fier d'être membre de ce «board»-là. Mais les comptes de développement peuvent prendre toutes sortes de différentes formes. Et, selon l'article 50 de la loi entre autres, le gouvernement a maintenant la discrétion peut-être de considérer toutes sortes de différents comptes pareils. Pour les itinérants, il y a un compte maintenant qui est en réflexion et sera essayé bientôt, qui s'appelle the Independant Living Account ou le compte de vie indépendante, qui permettra à quelqu'un en résidence transitionnelle... Et nous avons chez nous 164 résidents transitionnels pareils qui seront peut-être intéressés à participer dans un tel projet pilote.

Une voix: ...

M. Hughes (James D.): Dans deux minutes... dans moins de deux minutes... Le projet, comme tous les autres, ce serait une contribution du prestataire, de la personne qui reste en résidence transitionnelle, matchée à une somme par le gouvernement ou par une tierce partie bailleur de fonds, qui seront mis dans un compte de banque à part pour permettre à la personne d'avoir... de cheminer vers une vie plus indépendante. En d'autres termes, peut contribuer quelques dollars par mois, matchés pour avoir suffisamment de fonds pour le dépôt pour un appartement privé, pour le transport dans un appartement, donc de l'instance transitionnelle, pour acheter les meubles et pour les assurer aussi. Ça ne prend pas des milliers et des milliers de dollars pour ça, mais c'est un actif complémentaire au revenu pour permettre à la personne de s'intégrer justement pas en logement social, mais en logement privé, qui peut être une belle addition au programme déjà en place. Et, chez l'Old Brewery, c'est certainement une de nos cibles, de mettre en place un tel projet, avec les autres instances intéressées, dans les plus brefs délais.

En conclusion, le mot «itinérant» ou le mot «itinérance» n'appert pas dans la loi. Il n'y a pas actuellement un plan gouvernemental pour lutter contre l'itinérance. Il n'y a pas de ministre nommé responsable pour lutter contre l'itinérance. Cet hiver-là, ils n'en ont plus, de l'argent mis à part pour protéger les itinérants pendant les grands froids ou autrement. Notre dernière recommandation à la commission et au gouvernement, c'est de considérer la mise en oeuvre d'un plan national contre l'itinérance, peut-être de considérer de nommer un ministre responsable directement pour lutter contre ce phénomène de plus en plus important et complexe, et d'assurer que les fonds sont là, en place, pour aider les organismes à aider cette clientèle-là à s'insérer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Hughes. Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

n(16 h 30)n

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Hughes, mesdames, bienvenue. Merci de votre présentation. J'aime toujours beaucoup entendre les gens qui, jour après jour, travaillent auprès des gens les plus démunis et qui ne sont pas seulement dans la théorie, mais dans la pratique et qui sont sur le terrain. Et je vous dirais que j'accueille beaucoup de vos commentaires et en même temps je soulève un certain nombre de questions plus particulières que nous aurons peut-être l'occasion d'éclaircir au cours de l'échange.

Ce que je dénote, c'est que, sur la philosophie globale du projet de loi n° 57, vous êtes en accord. On peut dire que la prestation n'est pas assez élevée, puis, je l'ai mentionné à plusieurs reprises, on souhaiterait tous l'élever, et tout ça, mais, sur la philosophie du projet de loi n° 57, ça ne vous pose pas de problème, que ce soit avec prime à la participation, à la possibilité de mettre en place des projets pilotes, les différents programmes qui sont mis. Sur la philosophie de base, ça va, à ce niveau-là?

M. Hughes (James D.): Oui, nous ne sommes pas là, cet après-midi, pour vous demander de retirer la loi. Je sais que beaucoup de groupes l'ont demandé. Nous pensons qu'il y a bien des choses qui peuvent être améliorées, mais nous pensons que, là-dedans, il y a le jus pour justement réaliser les objectifs, soit l'insertion des plus démunis de la province.

M. Béchard: O.K. Vous mentionnez... Et ça, je suis content de l'entendre, puis, comme je le mentionne, c'est toujours intéressant de voir les gens qui sont sur le terrain, qui travaillent avec des démunis, qui sont d'accord avec les orientations qu'on amène.

Je veux qu'on parle un petit peu de prime à la participation. Parce que vous mentionnez que vous êtes d'accord avec prime à la participation, à la page 5 de votre mémoire, et que «le défi est de s'assurer que le montant [soit] suffisant afin de permettre sérieusement la préparation à une transition personnelle». Et vous recommandez une prime de 300 $ par mois disponible aux adultes aptes à l'emploi. Qu'est-ce qui, selon vous... Pourquoi cette...

Parce que, moi, j'y crois, à la prime à la participation, parce qu'il y a beaucoup de gens ? et sans doute dans ceux que vous rencontrez ? pour qui la mise en parcours, que ce soit vers la formation ou en parcours pour l'emploi, ils ne sont pas nécessairement prêts tout de suite à ça. Il y a comme une étape avant qui est une reconnaissance de leur participation, de leur donner des habitudes, des aptitudes, une notion, je dirais, qu'on peut apporter quelque chose et qu'on peut faire quelque chose, et c'est ça, prime à la participation. Mais en même temps il y a un certain nombre de dangers qui sont reliés à la prime à la participation. Il y a des gens qui sont venus nous dire: Il ne faut pas que ça remplace des emplois qui sont déjà là. Il ne faut pas que ça devienne du «cheap labor». D'un autre côté, il y a des gens qui nous ont proposé: Pourquoi ne pas y aller par activités? Ça veut dire tel type d'activité va être admissible à une prime à la participation, tel autre type ne le sera pas.

Vous, en ce qui a trait à prime à la participation, quel serait la... Parce que le défi, c'est de mettre en place une prime à la participation, peu importe le montant, là. Nous, on parle de 130 $, 150 $, vous parlez de 300 $. Mais, sur la base... Je ne peux pas avoir une prime à la participation qui va coûter 400 $ à gérer, alors que la prime est de 300 $, ou de 150 $, ou peu importe, là. Vous comprenez ce que je veux dire? Comment on peut faire pour que cette prime-là soit efficace, porte fruit mais surtout qu'elle ne soit pas un fardeau supplémentaire soit pour vous, soit pour les organismes communautaires, soit, peu importe, même pour le ministère, qui auront à gérer cette prime-là, vu l'importance que, vous-mêmes, vous lui accordez dans votre présentation?

M. Hughes (James D.): Bon. Je pense, dans un premier temps, la prime à la participation, c'est un mécanisme, semble-t-il, qui peut être utilisé dans un cas-par-cas pour aider les gens à réaliser l'objectif de la loi s'ils sont aptes à l'emploi. Et bien sûr la prime à la participation, je pense, ça permettra à une personne pas juste d'aller directement en stage ou autrement dans les entreprises, mais aussi, comme ils le font maintenant, de participer dans des programmes d'employabilité ou même des programmes de préemployabilité, comme vous avez mentionné. Mais, comme je l'ai dit dans un premier temps dans ma présentation, juste de donner plus d'argent, ce n'est pas... ce n'est jamais la solution. Ça prend un accompagnement, donc ça prend les organismes experts, quel que soit le domaine, de vraiment aider la personne à se retrouver et passer à la prochaine étape.

Donc, quand vous dites: Oui, ça peut coûter cher au gouvernement de financer les organismes pour payer davantage des clients pour rentrer dans des programmes, c'est vrai, c'est sûr que les argents doivent être mis sur la table, mais c'est la seule façon à réussir. C'est pour moi des investissements qui se font pour permettre aux personnes de justement s'insérer. Autrement, on risque d'avoir plus de millionnaires pour un jour, parlant de notre clientèle spécifiquement, si c'est juste de l'argent. Et, juste de mettre plus d'argent dans les organismes sans donner l'incitatif à la personne, nous aurons des organismes sans clients. Donc, c'est un peu ma perspective sur ce sujet.

M. Béchard: Vous nous parlez d'un phénomène que vous observez souvent chez vous, qui est celui du millionnaire d'un jour, et c'est un peu aussi ce que nous ont amené d'autres groupes en mentionnant que, peu importe le montant de la prestation, il y a cette journée où, pour toutes sortes de raisons, qui sont parfois hors de la portée des individus que ça touche, là, aussi, mais, pour toutes sortes de raisons, font en sorte que les gens peuvent, pendant deux, trois jours, partir, et vous ne les voyez pas, comme vous le mentionnez, et vivent le reste du mois de façon très, très précaire.

Il y a présentement la possibilité qu'au niveau de la remise des chèques ce soit fait dans les... posté à des organismes communautaires, CLSC, un centre local d'emploi. Juste, parce que j'ai d'autres questions par la suite, mais juste sur ce niveau-là, sur la remise comme telle du chèque, qu'est-ce qui peut être fait de plus, à ce moment précis là, pour éviter le phénomène, que vous décrivez, de millionnaire d'un jour, que les gens le prennent et partent? Puis vous avez un projet plus tard, et on en reparlera, mais, dans la remise comme telle, dans l'opération, là, parce qu'on en remet à différents endroits, là, pour entre autres les sans-abri, comment faire pour nous assurer ou pour essayer ? parce qu'il y a quand même des chartes, quand même des libertés à respecter aussi ? pour éviter, là, que les gens partent comme ça pendant deux, trois jours? Est-ce qu'il y aurait quelque chose à améliorer à ce niveau-là?

Mme Germain (Brigitte): Je crois que c'est quelque chose qui ne se ferait pas au premier mois mais peut-être un petit peu plus à long terme. C'est que, si la personne désignée ? un exemple, on va parler de chez nous, à la mission ? comme étant la personne qui va remettre l'argent, l'argent du chèque, étant un travailleur social ou quelque chose comme ça, elle a un premier contact avec le client, elle ne fait pas nécessairement que dire: Voilà, monsieur X, merci, bonjour, au mois prochain. C'est qu'elle peut l'approcher et le préparer graduellement peut-être, dire: Tu n'aimerais pas peut-être qu'on gère ton chèque pour peut-être que tu ne le dépenses pas tout en même temps? Est-ce que tu aimerais ça t'en mettre un peu de côté? Est-ce que tu aimerais assister à un programme ou des choses comme ça? Elle aurait un contact direct avec le client, ce qui, aujourd'hui, n'existe pas puisque c'est comme une caissière qui remet le chèque tout simplement.

M. Béchard: Et ça, selon vous, ça se ferait de façon volontaire? Comment vous voyez cette... Parce que... Puis on va aller dans le projet que vous nous proposez aussi parce que ça se situe un peu dans le même esprit du projet de fiducie volontaire dont nous a parlé la Maison de l'Auberivière aussi, cette espèce d'accompagnement-là, de façon volontaire, vers un retour à l'activité, vers un retour à la prise en charge de nos choses, est-ce que ça irait dans le même sens que...

M. Hughes (James D.): Oui, oui. Nous serons bien sûr avec l'Auberivière à être vraiment sur la même ligne d'onde pour la gestion du chèque. D'ailleurs, c'est les clients qui viennent nous voir des fois pour nous dire: Aidez-nous. Aidez-nous à attaquer à cette addiction que j'ai, soit du «gambling», ou de l'alcool, ou «whatever». Mais ça prend des ressources pour gérer le chèque. Ce n'est pas si facile.

Le premier du mois, comme vous savez, au club Saint-Alexandre à Montréal, il y a 700 clients qui se préparent pour aller chercher le chèque. Il n'y a pas de temps pour faire d'autres choses que de donner le chèque pareil. Ce n'est pas facile pour eux, j'en constate. Les organismes, je pense qu'ils ne sont pas prêts à le faire non plus sans les ressources nécessaires pour apporter de plus, apporter de l'aide aux clients sans... Juste de donner le chèque, encore une fois ça amène vers peut-être l'abus qu'on voit maintenant.

M. Béchard: Je trouve ça bien intéressant parce que, dans le cadre de nos échanges avec vous qui travaillez jour après jour avec les gens qui ont des difficultés, on voit des problèmes bien pratiques, là. Et, moi, on m'a déjà parlé justement de cette fameuse remise de chèques au niveau du club Saint-Alexandre, où à la limite, si les agents ou les gens avaient le malheur de prendre plus de temps à les remettre, ça occasionnerait d'autres problèmes.

n(16 h 40)n

Mais il y a là un déclic important, et c'est souvent là, dans les choses qui peuvent paraître très simples, bien c'est là qu'il y a un moment critique, dans les quelques secondes, les quelques minutes... Ou on retient quelqu'un et on lui fait passer un meilleur mois ou on perd ces quelques minutes là puis on le perd pendant un mois aussi. En tout cas, si vous avez des suggestions là-dessus, sur ce fameux moment là... Parce qu'on en a déjà parlé, au niveau du ministère, puis on se disait: Bien, il y a le défi aussi que les gens qui viennent le chercher, le chèque, ils veulent l'avoir, et ce n'est pas la bonne journée ou ce n'est pas le bon moment nécessairement pour commencer à élaborer un certain nombre de théories sur la façon qu'ils pourraient passer un meilleur temps, ou dépenser mieux, ou quoi que ce soit. Alors, il y a comme une zone, là, de quelques minutes, dans certains cas, qui est critique.

Mais, dans ce que vous proposez comme projet, qu'est-ce qui fait en sorte que les gens se rendent à dire: Bien, écoutez, prenez en charge mon chèque, aidez-moi à me réorganiser, si on veut, ou à réorganiser mes affaires pour justement que je passe un meilleur moment que de passer une journée ou deux journées bien, bien le fun puis, le reste, du mauvais temps pendant les 29 autres jours?

M. Hughes (James D.): Bien, ce n'est pas facile. Vous avez entièrement raison, les itinérants chroniques qui sont dans le trou noir de l'itinérance, donc où le temps, ça ralentit, où c'est très difficile de le sortir, risquent d'être très difficilement rejoints. Et donc de les convaincre de travailler avec pour les sortir de cet état-là, ce n'est pas facile. Pour moi, personnellement parlant, ça prend la carotte et le bâton tout en même temps. Ça prend les incitatifs positifs de liens professionnels pour les encourager, les sommes monétaires suffisamment importantes pour les encourager. Mais aussi, des fois, on va... des limites. C'est où est-ce que la responsabilité de l'État, ça termine et la responsabilité du personnel, ça commence? C'est justement là où on va avec la question et on constate que justement ce n'est pas facile.

Mme Martis (Jill): Si je peux aussi ajouter un peu, vous avez parlé comment on peut mettre l'idée dans la tête ou faire des suggestions pour une personne pour décider: Écoutez, voulez-vous nous aider, s'il vous plaît? Ça ne se passe pas comme ça, juste comme ça. Quand quelqu'un vient chez nous, il y a certains parmi eux qui ont un type de trajectoire, d'expérience chez la Mission Old Brewery. Par exemple, ils commencent dans la ligne, c'est-à-dire, à tous les soirs, ils viennent chez nous pour prendre leur repas et pour coucher chez nous, ils prennent leur petit déjeuner et ensuite ils partent dans la rue encore un autre jour. Alors, ils reviennent, ils reviennent, ils reviennent. Et, après une certaine période de temps, avec le rapport qu'ils établissent avec les préposés qui travaillent chez nous, nous avons d'autres options pour ces personnes-là.

S'ils sont prêts, c'est de passer par notre résidence transitionnelle, s'ils sont intéressés. Et, une fois qu'ils sont rendus à l'intérieur de la mission comme résidents quasiment permanents, alors comme ça c'est un autre niveau d'engagement. Juste le fait qu'ils décident d'avoir une adresse plus ou moins permanente, au lieu de venir nous visiter un soir ici, un soir là, déjà c'est une... ? excusez-moi, le mot, ce n'est pas le bon non, mais ? c'est juste un différent niveau de trajectoire, c'est-à-dire on commence par une fois ici et là ou tous les jours, le soir, ensuite c'est de décider de vivre chez nous, et après ça, avec la suite qui s'est faite avec les préposés, peut-être nous avons la chance de l'aider à passer par une autre étape. Et ça, c'est peut-être dans ? comment on dit «social housing»...

M. Hughes (James D.): Le logement social.

Mme Martis (Jill): ... ? le logement social et après ça dans les logements privés. Alors, peu à peu à peu, avec une approche un peu sensible, peut-être, on pourrait établir quelque chose de cet effet.

M. Béchard: Il y a un certain nombre de choses bien intéressantes dans ce que vous amenez et qui, je pense, pourraient, grâce au projet de loi n° 57, voir le jour, ne serait-ce que dans un projet pilote ou quelques orientations qu'on pourrait prendre, mais aussi à partir d'un autre élément dans lequel, moi, je crois beaucoup, c'est-à-dire la continuité de services. Moi, je dis souvent justement: On n'est pas seuls au niveau du ministère, il y a beaucoup de problématiques qui peuvent se régler ou tenter de se régler en lien avec le ministère de l'Éducation et le ministère aussi de la Santé et des Services sociaux.

Et une des approches qu'on est en train de développer est de faire en sorte qu'on ne dise pas non à quelqu'un: Non, ce n'est pas ici. Donc, que quelqu'un vienne voir le gouvernement, peu importe qui, avec une problématique, ce n'est pas parce qu'on a réglé sa problématique de toxicomanie qu'automatiquement elle est prête à retourner en société puis comme si rien n'était. Et trop souvent, entre l'un et l'autre, on arrête. On dit: Moi, j'ai réglé ma problématique, ce n'est plus mon problème, c'est l'autre ministère ou c'est l'autre service. Et la continuité de services, c'est ça. À un moment donné, on va régler le problème de toxicomanie, ou de jeu, ou d'alcoolisme, mais il faut quand même, après ça, ramener un certain nombre d'habitudes, un certain nombre d'aptitudes, avant même de ramener quelqu'un dans un programme de formation. Et je pense qu'à partir de ça il y a peut-être une façon, là, de mieux encadrer, je dirais, la fameuse remise du chèque au millionnaire d'un jour, c'est-à-dire de travailler avant, pendant et l'après.

Et, moi, ça, c'est quelque chose qu'avec vous j'aimerais beaucoup qu'on revienne et qu'on regarde de nouveau s'il n'y a pas moyen, là, d'essayer un certain nombre de choses dans ce cadre-là et dans le cadre que nous donne le projet de loi n° 57 comme possibilité de mettre en place des programmes spécifiques, des projets pilotes et d'utiliser justement le pouvoir discrétionnaire du ministre à bon escient, voir si on peut faire quelque chose d'intéressant.

M. Hughes (James D.): Mille fois d'accord avec cela. Bravo! Parce que justement on s'enligne, je pense, en communautaire et en ce qui concerne tous les ministères du gouvernement du Québec, d'essayer, je pense, d'avoir un plan pour le client, un plan seulement. Donc, on travaille tous ensemble. Donc, voilà la continuité de services. Merci.

M. Béchard: Peu importe à qui, comme vous dites, le client s'adresse, qu'on lui dise: Oui, on va s'occuper de toi, au lieu de dire: Non, ce n'est pas ici.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Monsieur, madame, bonjour. Il me fait plaisir d'entendre vos commentaires à beaucoup d'égards, surtout que, suite à une rencontre qui a été... une tournée qui a été organisée, j'ai consulté les employés, les agents avec qui d'ailleurs vous faisiez référence au niveau des CLE. Et à cet égard-là, M. le Président, j'aimerais faire le dépôt justement de la synthèse de la rencontre qui a eu lieu puis dont...

Une voix: ...

M. Auclair: Ou des rencontres, parce qu'il y a quand même eu sept rencontres d'organisées avec plus de 80 agents. Et, à l'égard des rencontres, il y a un commentaire qui était très intéressant, qui a été soulevé, et vous l'avez soulevé au niveau des... Et j'aimerais voir un peu votre point de vue là-dessus. Comment vous voyez les ententes potentielles qui peuvent être signées entre les centres locaux d'emploi et le ministère... et le gouvernement? Localement, bien sûr, des ententes locales, beaucoup plus que des ententes, là, initiées du ministère même, mais beaucoup plus pour respecter les réalités terrain de chaque région. Parce qu'on sait très bien que la réalité de Montréal, l'itinérance, est une réalité qui ne se retrouvera pas en région, pas de la même façon. Il peut y en avoir mais de façon totalement différente. Et comment vous voyez ces ententes-là particulières? Parce que je sais qu'il y en a déjà avec certains organismes, mais de votre côté, the Old Brewery Mission et les CLE de votre région, comment ça fonctionne chez vous?

M. Hughes (James D.): O.K. Ça fonctionne... on est en contact très régulier. Les gens, les clients qui restent chez nous vont souvent aller chercher le chèque chez eux. Donc, nous avons l'obligation de garder un contact. La remise des chèques, ça se fait en termes de notre clientèle, notre accueil de nuit, les 300 personnes dont Jill a mentionné... eux et elles, ils vont souvent au CLE pour ramasser les chèques, tandis que nos clients en résidence transitionnelle, eux, ils ramassent le chèque chez nous parce qu'on est leur résidence nommée dans l'application. Donc, nous avons l'expérience et nous sommes très contents de travailler avec.

Le problème de dire... Bon. On n'est pas équipés, d'être très francs avec vous, nonobstant que ces clients viennent chez nous, de remettre le chèque. Parce que ce serait identique à ce que vous faites dans les CLE. La gestion par panique n'est pas toujours facile d'assurer, même quand les chèques sont remis dans les délais. La façon la meilleure de le faire, c'est de dire: Bon, nous avons un agent pour un «caseload» de tant de personnes pour céduler les rencontres avec les personnes pour la remise de chèque, même un 15 minutes, un 30 minutes, pour une trentaine de personnes, une cinquantaine de personnes. Et voilà. Pendant la journée, peut-être, on peut apporter un peu plus qu'on a apporté le dernier mois.

Donc, nous sommes très ouverts, hein, de regarder les possibilités, là. D'ailleurs, je dirais même que les autres refuges risquent d'être ouverts à cela aussi parce que nous partageons tous le même but de faire un petit peu plus pour cette clientèle-là, ces âmes perdues. Parce que, là, la situation actuelle, c'est inacceptable.

n(16 h 50)n

M. Auclair: Vous ne voyez pas ça comme de la privatisation des services, ou de la sécurité du revenu, ou des services sociaux? Parce que certains groupes sont venus nous dire que ce type d'entente là serait beaucoup plus un délaissement de la part du gouvernement puis qu'on viendrait privatiser indirectement les devoirs de l'État face à nos plus démunis.

M. Hugues (James D.): Bien, moi, personnellement parlant, encore une fois je trouve qu'on doit juste simplement se parler des résultats. C'est dans quelle instance est-ce qu'on peut faire le mieux pour cette clientèle-là? Et, si c'est dans le communautaire que ça peut se faire, bien faites-le. Si c'est dans le CLE, faites-le.

M. Auclair: Merci beaucoup.

Document déposé

Le Président (M. Copeman): J'autorise le dépôt du document synthèse des propos recueillis lors d'une tournée de consultation auprès du personnel de première ligne d'Emploi-Québec et de la sécurité du revenu par le député de Vimont. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, bonjour Mme Germain, Mme Martis, M. Hugues. «There was a cry for help, right at the beginning of your presentation.» Vous avez mentionné que vous faisiez face à un déficit important de 1 million de dollars, c'est bien ce que j'ai compris? Est-ce que vous aviez des attentes vis-à-vis de cela en venant en commission ou...

Mme Martis (Jill): Les attentes que j'ai, c'est peut-être d'être reconnus comme un organisme essentiel. Donc, nous avons besoin de votre aide parce que l'appui gouvernemental que nous avons, au point de vue financier, c'est seulement 17 % de notre budget. Alors, pour un organisme comme le nôtre qui donne appui à d'autres services subventionnés, il me semble que c'est le temps que nous sommes reconnus comme un service essentiel et, comme tel, que nous méritons... ou, pour faire notre devoir, pour faire notre possible, nous avons besoin de beaucoup plus d'argent que les 17 % que le gouvernement nous donne. Alors ça, c'était l'objectif actuellement, juste de constater cette réalité pour nous.

M. Bouchard (Vachon): Et de quelle source... Comment êtes-vous financés par le gouvernement, à travers le Programme de soutien à l'action communautaire?

Mme Martis (Jill): ...passer à James parce que je ne sais pas.

M. Hugues (James D.): Oui. Justement, sur notre budget de 5 millions de dollars, ça comprend 460 000 $ du programme SOC...

M. Bouchard (Vachon): Combien?

M. Hugues (James D.): ...460 000 $ du programme SOC ainsi qu'une subvention annuelle de la ville de Montréal. Il y a quelques petits programmes aussi, mais, comme Jill disait, c'est pour les types de services qu'on donne, pour la nature essentielle des services, parce que, tel que défini dans la loi, si les services n'existaient pas, ça mettrait justement en péril la santé et sécurité de milliers de personnes. Nous réalisons maintenant qu'on ne peut plus travailler de même et donc nous regardons dans le très proche avenir de nous faire reconnaître comme il faut. Si la commission sera en mesure de nous aider à cet égard-là, fantastique, mais nous devons aller de l'avant avec des autres demandes aussi.

M. Bouchard (Vachon): Mais la commission est un bon endroit, en tous les cas, pour en parler et pour se faire entendre, alors j'espère que vous serez entendus. Et, à comparer, par exemple, à d'autres organismes ? je pense à l'Accueil Bonneau, par exemple ? est-ce que vous êtes au courant de... Comment vous vous comparez en termes d'appui gouvernemental et...

M. Hugues (James D.): L'Accueil Bonneau, c'est un centre de jour, donc largement c'est très différent que nous autres. Mais par contre La Maison du père, à Montréal, la Mission Bon Accueil, les deux autres grands refuges pour hommes, je peux vous dire et vous constater qu'eux, ils rencontrent des problèmes très importants à ce niveau-là aussi. C'est un problème du domaine, hein, parce que l'achalandage, les besoins sont si énormes, la complexité est si importante que ça devient pratiquement important de continuer de faire ce qu'on a fait avant. C'est que, comme Brigitte a dit tout à l'heure, on a presque triplé le nombre de clients depuis 10, 15 ans. Donc, ce n'est pas évident.

Mme Martis (Jill): Et aussi nous offrons, parmi nos services, des services résidentiels à long terme. Alors, je crois que les gens ne... Et peut-être c'est notre faute aussi de ne pas bien expliquer la vocation que nous avons. C'est pour les gens... les sans-abri, les plus démunis. Vous avez parlé auparavant que c'est important de ne pas dire non. Nous, nous ne disons non à aucune personne. Ils sont les bienvenus chez nous, on les accepte. Mais nous essayons d'offrir beaucoup de services pour lesquels nous ne sommes pas appuyés au point de vue financier. Alors, c'est vraiment un grand défi d'offrir ces services d'une façon pertinente, efficace et avec des résultats parce que, si nous continuons avec cette attitude d'itinérance qu'il y a en général, nous allons seulement... la situation va s'augmenter. Il y a des choses très concrètes à faire, nous sommes prêts pour les faire. Il y a des programmes, nous avons des idées formidables. Nous pensons que nous pouvons faire quelque chose pour peut-être mettre à fin... pas à fin, mais d'essayer de faire notre possible pour mettre à fin l'itinérance.

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Dans un autre ordre d'idées, vous avez discuté, tout à l'heure, avec le ministre de la prime à la participation. Nous ne sommes pas nécessairement contre, comme le prétend le ministre. Il me le souffle à l'oreille: Vous êtes contre. Non, on n'est pas nécessairement contre. On est contre l'idée cependant que la prime à la participation soit offerte comme compensation pour une prestation. Ce que vous avez souligné dans votre présentation et ce que je retiens, c'est que la prestation est insuffisante. Nous offrons, comme État, là, une prestation de 533 $ pour un individu seul qui serait apte au travail ou sans contraintes sévères à l'emploi, et, dans les premiers moments de cette commission, et peut-être que cela s'est-il dilué par la suite, là, mais, dans les premiers moments de cette commission, on semblait vouloir présenter la prime à la participation comme un moyen de pallier à l'insuffisance de la prestation.

Alors, je vous l'explique pour être bien clair là-dessus et j'aimerais avoir votre opinion sur cet item en particulier, notamment dans un contexte où les personnes qui ne présentent pas de contraintes sévères à l'emploi verraient leurs prestations augmentées, c'est-à-dire indexées de la demie de l'augmentation du coût de la vie, alors que les personnes qui présentent une contrainte sévère seront augmentées à l'entièreté de l'augmentation du coût de la vie. Alors, j'aimerais avoir votre réaction à cela.

M. Hughes (James D.): Pour nous, la prestation de base doit être indexée. Ça, pour moi, cela va sans dire. C'est la moindre des choses que le gouvernement doit faire. Mais, pour les personnes aptes au travail, on se demande la question de leur responsabilité de faire leur possible de s'insérer et d'être incitées par le gouvernement de le faire comme il faut. Donc, finalement, c'est l'argent dans la poche qui compte. C'est quoi, le net dans la poche qui compte? Si c'est une augmentation de la prime de base ou si c'est la prime participation? Finalement, pour nous, c'est combien d'argent que la personne peut avoir par mois pour payer tout ce qu'il faut, pour préparer pour la prochaine étape en paix, en dignité et donc, encore une fois, vu la responsabilité, pour moi, personnelle de chaque personne de faire son possible s'il est ou elle est apte. La prime de participation lui donne la chance d'avoir les sous pour justement faire ce que, d'une certaine mesure, l'État veut qu'il fasse et que, lui, il est responsable de faire aussi. Donc, ça donne des sous, peut-être pas suffisants mais beaucoup mieux qu'il reçoit maintenant, pour justement commencer le processus de se retrouver et s'insérer.

M. Bouchard (Vachon): Quelle serait une prime de participation, pour vous, qui serait suffisante? Vous avez une idée là-dessus? Vous avez déjà...

n(17 heures)n

M. Hughes (James D.): Mais c'est très difficile parce que bien sûr c'est connecté avec le taux minimum. Il y a beaucoup d'autres facteurs en place, et ça change bien sûr de ville en ville, mais le 130 $ qu'ils reçoivent maintenant avec le 533 $, ce n'est pas assez. C'est sûr, on a suggéré un chiffre là-dedans, dans notre mémoire, de 300 $ de prime qui donnera donc 833 $ par mois. C'est moins que 40 heures par semaine, taux minimum, c'est sûr, mais c'est assez d'argent pour inciter, je pense, les personnes provenant du domaine d'employabilité. Nous pensons que ça risque d'être beaucoup mieux que c'est maintenant pour réaliser l'objectif de la loi, ce que ça ne réalise pas suffisamment maintenant.

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Je retiens ce chiffre-là parce que, quelque part dans les réflexions que nous tiendrons ultérieurement concernant la couverture des besoins des personnes ? parce que c'est de ça dont on parle à la fin, ultimement ? ce n'est pas évident que ce dont dispose le ministre maintenant comme budget puisse répondre à vos attentes. C'est très loin de ça. Mais vous posez quand même là un seuil ou un critère intéressant à examiner. Je...

Le Président (M. Copeman): J'ai compris. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Donc, dans votre mémoire, dans la conclusion, vous insistez sur l'idée de la non-saisie des chèques. Pourquoi cette idée vous semble importante? Vous concluez en disant: «L'indexation et la non-saisie des prestations sont terriblement importantes», pour vous. Donc, cette idée-là...

M. Hughes (James D.): Je ne sais pas exactement où dans le mémoire nous parlons de la non-saisie du chèque.

Mme Lefebvre: Bien, à la page 8, en conclusion, vous dites: «Nous encourageons les membres de la Commission des affaires sociales qu'ils s'assurent que le montant de la prime à la participation, la Prime au travail et la prestation du Programme à la solidarité sociale [soient] suffisamment importants afin de réaliser l'objectif ultime qui est d'aider...»

M. Hughes (James D.): Je m'excuse. Merci. Donc, bien sûr la non-saisie des chèques, c'est primordial, c'est crucial pour protéger en fait le premier des deux objectifs de la loi, qui est soit un revenu de dernier recours pour tout Québécois et Québécoise. Et 533 $ saisis même pour... peut-être avec de belles intentions et de bonne foi par des créanciers, c'est mettre justement en péril la survie de la personne. Et franchement c'est aussi simple que ça, notre intention de rajouter ce langage-là dans la conclusion.

Mme Lefebvre: Puis, dans l'ensemble des propositions que vous amenez, si vous deviez choisir une des propositions qui devrait réellement demeurer au terme de l'exercice, ce serait laquelle? Parce que vous parlez de la pleine indexation, vous parlez d'au moins 300 $ pour la prime à la participation, la non-saisie du chèque, donc s'il y en avait une de primordiale?

M. Hughes (James D.): Finalement, bien sûr il y a autant de sujets qu'on a soulevés qu'on n'est pas certains de quel serait le plus important, mais certainement le message le plus important qu'on veut vous envoyer, c'est le message que les prestataires de toutes catégories ne reçoivent pas assez d'argent.

Mme Lefebvre: Ce que je comprends, c'est que l'ensemble des propositions que vous faites, c'est dans un ensemble pour que chaque individu puisse atteindre un niveau de dignité puis qu'il puisse, à l'aide de sa prestation, couvrir ses besoins essentiels. Donc, moi, je le comprends dans le sens où chaque mesure est importante. Mais il demeure que le projet de loi, tel qu'il a été amené, c'est qu'il y a des décisions qui devront être prises suite à des contraintes budgétaires, parce que le gouvernement actuel fait des choix, par exemple, dans des baisses d'impôts ou d'autres mesures. Donc, il va y avoir un choix à être pris. Donc...

M. Hughes (James D.): Non, vous avez raison, ce n'est pas facile. Bien sûr, on a demandé que le gouvernement mette plus d'argent sur la table pour les prestataires, c'est certain, et ce n'est pas facile vu le contexte financier de la province, c'est évident. Mais, en termes de priorité nationale ici, au Québec, et en termes du but principal, de quelque gouvernement que ce soit, je pense, d'aider les plus démunis avec plus d'argent sera finalement la plus importante des priorités dans notre mémoire.

Mme Lefebvre: Puis dernière petite chose: Si le projet de loi n° 57 devait rester intact, est-ce que vous considérez que ce projet de loi répond aux exigences fixées dans le projet de loi n° 112 afin d'arriver à un Québec sans pauvreté?

M. Hughes (James D.): Non. Vu le seuil de pauvreté établi par différentes études, quelqu'un qui reçoit le bien-être social est en extrême pauvreté, veux veux pas. Et donc je pense qu'il y a des améliorations dans la loi versus la loi actuelle en place, il y a, je pense, des possibilités de faire mieux là-dedans. Mais est-ce que le Québec sera bientôt dans un état de pouvoir dire que la pauvreté n'existe plus? Je ne pense pas.

Mme Lefebvre: Je vous remercie. J'espère que le ministre est à l'écoute et puis qu'il saura apporter un minimum d'amendements afin de lutter contre la pauvreté et d'arriver enfin à ce Québec sans pauvreté dont nous avons fait consensus il y a quelques années.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme Martis, Mme Germain, M. Hughes, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Mission Old Brewery. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

 

(Reprise à 17 h 12)

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, la commission reprend ses travaux. Alors, cette importante consultation tire à sa fin. Nous avons quelques détails à régler, puis par la suite il y aura des remarques finales.

Mémoires déposés

Dans un premier temps, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants, qui n'ont pas été entendus: l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, l'Association des juristes en droit social, le Collectif de lutte et d'action contre la pauvreté, région de Québec, le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées, la Commission des services juridiques, le Curateur public, Dynamique des handicapés de l'Estrie incorporée, le Groupement pour la défense des droits sociaux de Trois-Rivières, Logemen'occupe, Mouvement d'éducation populaire autonome de Lanaudière, le Réseau québécois du crédit communautaire, Michel Robichaud, Solidarité populaire Richelieu-Yamaska et le Syndicat de la fonction publique du Québec.

Je rappelle à tous ceux qui suivent les travaux de la commission que l'ensemble des 76 mémoires reçus dans le cadre de la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, seront disponibles et pourront être consultés, d'ici 48 heures, sur le site de l'Assemblée nationale.

Document déposé

Et je termine, chers collègues, avec le dépôt d'une liste de personnes et d'organismes qui ont fait parvenir une lettre d'appui au mémoire du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Remarques finales

En ce qui concerne les remarques finales, nous avons une période prévue de 30 minutes: 15 minutes dévolues à l'opposition officielle, 15 minutes au gouvernement. Sans plus tarder, je cède la parole à M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle bien sûr en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour vous remercier de la façon dont vous avez dirigé ces travaux et souligner avec quel doigté vous avez gardé et conservé, protégé le climat de sérénité et studieux autour de cette table. Je remercie aussi beaucoup toutes les citoyennes et les citoyens qui nous ont fait part de leurs opinions et de leurs analyses. Elles ont été, ces opinions et analyses, extrêmement utiles à la réflexion de ce groupe de parlementaires que je représente et, je suis persuadé, pour l'autre groupe aussi.

De fait, nous avons entendu, depuis plus de... maintenant presque deux mois ? je pense que c'est 61 ou 62 groupes ? 62 groupes, alors nous en avons tiré un certain nombre de constats, et j'aimerais peut-être, d'une façon un peu télégraphique, M. le Président, vous les présenter.

Il y a 55 % des groupes qui nous ont visités qui ont demandé le retrait de la loi. Il y a 86 % de ces groupes qui ont demandé que le ministre entreprenne plutôt une réforme qui couvrirait les besoins essentiels. 72 % d'entre eux ont revendiqué l'indexation annuelle automatique de toutes les prestations. 60 % ont demandé l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant. 38 % ont très fortement suggéré au ministre de déposer ses projets de règlement afin qu'on puisse étudier la loi correctement. 78 % ont appuyé très fortement l'idée de retirer l'article 53, sur la saisie des chèques pour le non-paiement du loyer. 38 % ont demandé le maintien du Bureau des renseignements et plaintes, 50 %, le maintien de l'aide additionnelle aux personnes de 55 ans et plus, donc de respécifier l'âge dans la loi. 24 % ont demandé que soient publiées les études d'impact requises par l'article 20 de la loi n° 112. 69 % ont exigé l'assurance que les droits de recours soient clairement établis en ce qui concerne le programme Alternative jeunesse et les programmes spécifiques. 67 % ont demandé que soit abandonnée l'approche par catégories.

La calculatrice s'est arrêtée là, M. le Président, mais je pense que ça indique très clairement que le projet de loi a suscité énormément de réticences et a été, disons-le, là, très mal reçu par la plupart des groupes que nous avons entendus et dont la mission est de veiller au bien-être et aux droits des personnes les plus démunies. Et là je pense aux groupes qui sont très souvent composés de bénévoles, qui peuvent compter sur quelques permanents, mais aussi sur nos grandes institutions de vigie, comme par exemple la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ou encore la Protectrice du citoyen. Alors, non seulement ces groupes ont-ils été très critiques à l'égard du projet, mais plusieurs considèrent qu'il s'agit d'un recul vis-à-vis de la loi présente et vis-à-vis surtout de la loi n° 112, qui, je le répète, et je l'ai dit souvent, aura été, pour les dernières décennies, un sursaut de conscience de notre société. Et plusieurs ont répété, et je pense que le ministre l'a entendu comme moi, comme nous: Cette loi serait une négation de l'esprit et ? ce projet de loi ? de la lettre de la loi n° 112 adoptée à l'Assemblée nationale, en décembre 2002, à l'unanimité.

Concernant cette dernière remarque, le ministre a tenté d'amener les groupes à dire que, puisque la loi  n° 112 ne faisait qu'évoquer l'instauration d'une prestation minimale, sans référence à une couverture de besoins essentiels, son projet respectait la loi n° 112. Cependant, j'ai plusieurs fois fait remarquer au ministre que, contrairement à ses affirmations, l'article 9.1° de la loi fait explicitement référence à la nécessité de rehausser le revenu des personnes en situation de pauvreté en fonction d'une couverture des besoins essentiels.

Et, pour fins de mémoire, là, je citerai deux articles, M. le Président, si vous le permettez. On lit, dans la loi n° 112: «Afin d'atteindre les buts poursuivis par la stratégie nationale ? l'article 7 ? les actions menées par l'ensemble de la société québécoise et par le gouvernement, dans la mesure prévue par la loi [et] aux conditions qu'elle détermine, doivent s'articuler autour des cinq orientations suivantes ? et, parmi les orientations, je vous ferai remarquer, là, c'est le 2°: renforcer le filet de sécurité sociale et économique.» Et, plus loin, à l'article 9, on prévoit que ? et je cite ? «les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique doivent notamment viser à rehausser le revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en tenant compte notamment de leur situation particulière».

n(17 h 20)n

Et là je fais une petite parenthèse parce que je pense que le ministre connaît très bien cet article 9.1°, parce qu'il se fonde sur la première moitié de cet article-là pour offrir des programmes spécifiques. Parce que les situations... Et il invoque les situations particulières des gens pour pouvoir ouvrir un chapitre IV dans le titre II, je pense, là, sur les programmes spécifiques. Mais malheureusement il omet ou il ignore la deuxième partie de 9.1°, à savoir: rehausser le revenu accordé aux personnes en tenant compte des ressources dont elles disposent pour couvrir leurs besoins essentiels.

M. le Président, cet élément critique du projet de loi n° 57 est fondamental. En effet, nulle part le projet ne fait-il référence à un objectif... Et ça, c'est majeur dans l'écriture du projet de loi, et je profite du fait que les gens qui entourent le ministre sont là pour le souligner: nulle part le projet ne fait référence à un objectif d'assurer aux personnes inscrites à l'aide sociale un revenu qui leur permettrait, sans distinction de groupe ou de catégorie, de couvrir leurs besoins essentiels. Je rappelle que 86 % des mémoires soulèvent ce problème, dont notamment les grandes organisations vigies dont je faisais mention tout à l'heure, comme par exemple la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse et la Protectrice du citoyen.

Seuls apparaissent au projet de loi les objectifs d'autonomie financière et d'intégration à l'emploi, des objectifs qui sont légitimes et qui sont nobles à leur face même. Ce qui témoigne cependant d'une omission ou d'une ignorance totale du respect des droits de la personne et de la couverture de leurs besoins pour une vie décente. Et ce qui faisait dire au président de la CSQ ? puis là je le rappelle de façon sereine au ministre ? et je cite le président de la CSQ: Je plains un peu le ministre dans le fond parce qu'il est le ministre de la Solidarité sociale, alors qu'on a un projet qui fait plus dans l'insécurité sociale.

Alors, si le ministre, malgré les nombreuses demandes qui lui sont faites de retirer le projet n° 57, persiste et signe, si le ministre donc refuse de retirer le projet ? mais je l'invite toujours à le retirer puis je vous dirai pourquoi tantôt, j'ai seulement 15 minutes, mais j'en aurai suffisamment pour vous convaincre, M. le ministre, je suis sûr de ça ? il aura fort à faire pour corriger cette lacune importante, majeure de son projet.

Il n'y a plus de sécurité du revenu à la sécurité du revenu. Il n'y a désormais que la reconnaissance de l'effort ou du mérite, et là le ministre s'engage sur une drôle de piste. Plusieurs intervenants lui ont suggéré de séparer la fonction de couverture des besoins essentiels de la fonction de l'insertion et de l'intégration à l'emploi. Il me semble que c'est là une voie prometteuse, que j'invite le ministre à explorer sérieusement, sinon... et évidemment sérieusement s'il veut entreprendre une véritable réforme, sinon il est condamné à faire vivre les gens qu'il prétend aider dans un système fondé sur la devise Aide-toi et le ciel t'aidera, alors qu'il sait pertinemment que le ciel dont il parle n'a pas les ressources pour offrir à toutes et à tous l'aide dont ils ont besoin.

Il le sait et tente de pallier à ce problème en présentant un projet sans queue ni tête, où les primes à la participation, largement insuffisantes, viendraient compenser des prestations insuffisantes pour couvrir les besoins essentiels et qui ne seraient indexées qu'à la moitié de l'augmentation du coût de la vie pour les personnes sans contraintes à l'emploi, dans une manoeuvre douteuse de rendre la situation à ce point intolérable pour les prestataires, qui seraient ainsi forcés à quitter l'aide sociale. On remplace donc les pénalités, qu'on a heureusement éliminées avec l'article 49, par une approche inacceptable de la situation «aversive» dont il faut s'échapper, sous le couvert d'un vocable plus noble mais tout de même gênant d'incitation au travail, comme si les prestataires n'y étaient pas intéressés au point de départ.

M. le Président, je pense que cela heurte de plein fouet l'esprit et la lettre de 112, la loi n° 112. Et le ministre, s'il persistait dans cette voie, va entraîner les plus démunis vers un plus grand appauvrissement. Il va lui-même traîner ça comme un boulet. Il va vraiment traîner ça comme un véritable boulet. De fait, par cette seule disposition de l'indexation partielle, avec laquelle il ne retire que quelques milliers de dollars par année, il réinvente d'une autre façon la création de préjugés à l'égard des personnes inscrites à l'aide sociale.

Je citerai, pour fins de mémoire, Jean-Guy Ouellet, du Barreau du Québec, dans la consultation qu'ils nous ont faite le 11 novembre: «Ce que je vous dirais, c'est qu'essentiellement, comme la Commission des droits de la personne vous l'a dit, toutes les mesures de prime à la participation, toutes ces mesures qui semblent indiquer que les personnes assistées sociales sont en partie responsables de leur propre situation véhiculent des préjugés [et] des stéréotypes...»

Je lui suggère donc, poliment mais fermement, de suivre sagement les conseils de la Protectrice du citoyen, qui disait ceci ? et j'ouvre les guillemets: «Est-il indispensable de faire marche arrière et d'instaurer une inégalité de traitement pour des catégories de personnes qui somme toute connaissent les mêmes difficultés financières?» On parle de l'indexation ici, M. le Président, la demie-indexation au coût de la vie. «En d'autres termes, l'indexation ne devrait-elle pas être accordée à tous les prestataires sans égard à leur statut, puisque le marché, lui ? le marché, lui ? ne crée pas de distinction?»

Le ministre, s'il va dans cette direction d'une augmentation automatique et complète de la prestation, pourra compter sur notre appui. Il est en position, «il est en position», pour éviter que ses successeurs, pour éviter que ses successeurs ou lui-même soient tentés de diminuer la prestation par le jeu de l'annulation, complète ou partielle, de l'indexation, il est en position pour prévenir cela. Nous l'encourageons donc à le faire. Et, ma foi, à deux reprises, le ministre a donné certaines indications à l'effet qu'il y pensait.

Il reste trois minutes, M. le Président. Deux minutes? Deux. Alors, le principal du message est fait, mais je voudrais faire une petite liste du travail qui attend cette commission. Nous devons absolument discuter d'amendements autour des points suivants: d'abord, l'indexation dont je viens de parler; deuxièmement, l'introduction d'un principe de couverture des besoins essentiels; troisièmement, réintroduire la référence à la Commission des partenaires du monde du travail et à Emploi-Québec; ensuite, maintenir le Bureau de renseignements et plaintes dans la loi; retirer l'article 53 ? c'est comme une massue, cette affaire-là, pour tuer un maringouin; assurer les droits de recours dans tous les programmes et les mêmes droits de recours partout, donc l'article 96 et 49 en particulier doivent être revus, et repositionner l'article 49 dans ce contexte-là est très important; offrir et assurer une indexation automatique et complète au coût de la vie ? j'en ai parlé; reconsidérer la notion du barème plancher complètement, de façon à le protéger plus que contre des pénalités; revoir la prime à la participation et y développer une vision qui soit inscrite dans la loi et non pas une vision qu'on est en train de vouloir développer constamment ? de fait, M. le Président, 129 millions pour cinq ans ou pour, disons, même trois ans, pour la prime à la participation, ça n'en fait pas épais pour chaque personne; retirer à mon avis les règlements du 22 septembre, qui encouragent les préjugés et appauvrissent les gens déjà les plus démunis dans le contexte de révision de la loi, m'apparaît important; l'exemption des pensions alimentaires du calcul de la prestation a été très souvent évoquée aussi, il faudrait y revenir; toute la question de l'évaluation des actifs et du rehaussement des actifs devra être spécifiée dans la loi ? parce que, comme c'est là, on ne sait pas dans quelle direction ça s'en va; publication des règlements avant l'étude article par article m'apparaît une chose importante et un travail important à faire pour le ministre avant qu'on puisse procéder à l'étude; que l'on sache également quelle sera la composition du comité consultatif ? tout le long des séances, si on avait eu déjà cet instrument-là, ça nous aurait aidés; revoir la question de la contribution parentale; revoir le positionnement des CTE et des CIT dans la loi; reconsidérer la disponibilité et l'accessibilité des mesures d'emploi.

n(17 h 30)n

Bref, il y a tellement de trucs à considérer que je réitère l'invitation que je faisais au ministre de retirer son projet de loi pour qu'on puisse avoir le temps, sacrebleu, de considérer ça sérieusement et rigoureusement, de façon à ce qu'on puisse ensemble construire une loi ? j'en ai pour 30 secondes ? une loi plus simple, une loi plus respectueuse des droits, moins discriminatoire, une loi fondée sur le développement des personnes, une loi efficace dans sa capacité de couvrir les besoins essentiels et une loi qui serait plus appuyée sur une mobilisation et une participation larges de la société et au premier chef des premiers concernés.

Et, M. le Président, j'aimerais déposer les tableaux qui nous ont servi à calculer les pourcentages dont j'ai parlé au tout début de ma présentation. C'est du travail qui sera déjà fait pour les membres de la commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): C'est moi qui vous remercie, M. le député de Vachon. Sans plus tarder, je cède la parole à M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille pour ses remarques finales.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir qu'on procédera à nos remarques finales. Et je vous dirais que ce fut une consultation très large, qui a commencé le 6 octobre dernier.

Et je vous dirais d'entrée de jeu qu'à entendre le député de Vachon nous apporter ses commentaires je ne peux qu'avoir une réflexion, c'est à quel point il faut avoir du front, du côté de l'opposition officielle, pour venir nous dire que ce n'est pas assez, quand vous n'avez été même pas en mesure de donner ce que les gens demandaient au minimum. Vous étiez dans un régime de coupures, vous étiez dans un régime d'une approche punitive, punitive au point même de pénaliser la participation. Et, aujourd'hui, ces gens-là veulent venir nous donner des leçons. Vous parlez des besoins essentiels, vous n'étiez même pas prêts à un barème plancher à 100 %. Vous avez voté contre l'amendement de mon collègue de Laurier-Dorion, vous avez voté contre l'addition de... ils ont voté contre l'addition de 290 millions en crédits supplémentaires il y a moins d'un an. Et, aujourd'hui, ces gens-là viennent nous faire la leçon. Je dirais au député de Vachon qu'à l'entendre et surtout à entendre l'attitude et à voir l'attitude passée et présente de son parti il ne lui reste qu'une option: l'Option citoyenne.

M. le Président, je veux ramener que le projet de loi n° 57 introduit une nouvelle philosophie dans le système d'aide sociale: l'approche punitive est abandonnée au profit d'une approche incitative avec l'abolition des pénalités et l'instauration d'un barème plancher et d'une prime à la participation. Ce qui reflète ce que nous avons dit avant, pendant et après la dernière élection générale, contrairement à ce qu'on a entendu de la part de l'opposition officielle aujourd'hui. C'est une nouvelle approche basée sur l'adaptation aux besoins particuliers des personnes, notamment avec le Programme de solidarité sociale et le programme Alternative jeunesse.

Durant cette commission parlementaire qui a fait un débat public très large: 76 mémoires déposés, 62 organismes et individus entendus, qui ont témoigné au cours des derniers mois. Même je vous dirais que même certaines personnes sont revenues à deux reprises, et d'autres personnes ont véhiculé le même message à plusieurs reprises.

Ce projet de loi est une nouvelle approche qui est en lien avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, M. le Président. Il faut réaliser que la réduction progressive de la pauvreté est un objectif au cours des 10 prochaines années, bien important de le souligner. Et c'est d'ailleurs ce qui est inclus dans la loi n° 112, entre autres au niveau de l'article 9.1°. Et deux mesures qui visent justement à améliorer le revenu des personnes et des individus, Soutien aux enfants et Prime au travail, sont déjà les fondations de l'aide gouvernementale pour les prochaines années.

Ce projet de loi nous permet de mettre en application la nouvelle philosophie au niveau du plan de lutte à la pauvreté et de l'exclusion sociale, soit la réinsertion en emploi par une approche incitative, ce qui était largement souhaité dans le débat relié au projet de loi n° 112. Depuis près de deux ans, notre gouvernement n'a pas attendu en mettant de l'avant d'autres mesures de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, comme par exemple l'indexation des prestations ? on est loin du zéro d'indexation des quatre années du gouvernement du Parti québécois; révision annuelle du salaire minimum, encore ? qui avait été gelé pendant quatre ans sous l'ancien gouvernement; la mise en place de Prime au travail et de Soutien aux enfants ? reconnues comme étant de bonnes mesures même par l'opposition officielle et par plusieurs groupes; la construction de 16 000 logements sociaux et l'adaptation de plus de 6 000 logements pour personnes handicapées, 329 millions en cinq ans; stabilisation du financement du réseau de crédits communautaires; création de près de 20 000 places dans les garderies à contribution réduite. Pour reprendre une expression du député de Vachon: sacrebleu, toute une année! Sans oublier bien sûr les développements importants dans le cadre du régime d'assurance parentale auxquels plusieurs familles à faibles revenus bénéficieront.

Le projet de loi est conforme aux objectifs du Plan gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ainsi qu'à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, notamment: en favorisant l'accès à l'emploi et en valorisant le travail, l'article 7; en adaptant les actions gouvernementales selon les besoins particuliers des individus, article 7 et article 16; en rehaussant le revenu accordé aux familles et en favorisant le maintien et l'intégration au travail, et ce, en conjonction avec les nouvelles mesures de Soutien aux enfants et de Prime au travail, et la révision annuelle du salaire minimum, article 9; en intensifiant l'aide à l'emploi avec la prime à la participation, article 10; en soutenant les initiatives locales et régionales, article 11; en introduisant le principe d'une prestation minimale, article 15 ? et je tiens à rappeler que les gens d'en face ne voulaient pas voter pour un amendement, M. le Président, qui visait à garantir la prestation minimale comme étant la prestation la plus basse à 533 $, ils voulaient couper davantage; en prévoyant la possibilité de conclure des ententes avec des partenaires, article 18.

Et ce fut, M. le Président, un des plus beaux témoignages que nous avons entendus lors de cette commission, de voir le grand nombre d'organismes, de partenaires qui veulent nous aider à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui veulent participer à cette lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, voici un des points les plus positifs de cette commission. Et je suis très heureux de voir que le projet de loi n° 57 nous permettra de miser sur l'expertise de tous ces partenaires. Je suis heureux de constater que la vaste majorité des organismes se sont montrés en accord avec l'abolition des pénalités. J'ai été très touché par le témoignage de parents d'enfants handicapés, qui consacrent des efforts exemplaires pour aider et soutenir leurs enfants, et nous les aiderons aussi. Je constate qu'il y a aussi des inquiétudes quant au pouvoir de créer des programmes spécifiques, des inquiétudes, comme je m'amuse à le rappeler, qui ne sont sûrement pas en regard du ministre actuel mais de ses successeurs.

La souplesse et la flexibilité sont des éléments essentiels pour offrir des services qui sont adaptés selon les besoins. De nombreux groupes ont exprimé leur satisfaction face à la volonté du gouvernement d'améliorer les services, que ce soit le Protecteur du citoyen, le Conseil de la famille et de l'enfance, le Curateur public, l'Office des personnes handicapées du Québec, le Comité aviseur-jeunes, le Réseau des carrefours jeunesse-emploi, Maison Lauberivière et Mission Old Brewery, le Regroupement ? aussi ? des parents des personnes ayant une déficience intellectuelle de Montréal.

Oui, il faut conserver de la souplesse dans la loi, mais il faut aussi garantir la transparence dans ce processus. De nombreux organismes qui oeuvrent directement sur le terrain considèrent que l'accompagnement social est un élément important pour le développement de l'autonomie socioéconomique des individus et saluent l'instauration d'une approche incitative, par exemple le Conseil de la famille et de l'enfance, l'Office des personnes handicapées du Québec, la Curatrice public, le Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité, le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, le Collectif des entreprises d'insertion, l'Association des clubs de recherche d'emploi du Québec de même que la Fondation Lucie et André Chagnon, avec leur projet MIRE.

Quant au non-paiement de loyer, cette consultation nous a permis de discuter de quelques pistes de solution, que ce soit la fiducie volontaire, le dépôt volontaire. Mais nous aurons une solution et nous apporterons à ce niveau-là des suggestions qui, je l'espère, auront l'appui de l'opposition officielle, qui a laissé ce dossier fermé pendant plus de six ans.

Donc, en conclusion, M. le Président, j'aurai l'occasion, dans les prochains jours, de faire connaître les orientations ministérielles et gouvernementales face aux suites des travaux de cette commission parlementaire. Et il y aura donc, pour reprendre les statistiques du député de Vachon, un grand pourcentage de gens qui seront satisfaits. Mais je vous annoncerai aussi, dans les prochains jours, les amendements qui seront apportés, qui visent bien sûr à démontrer non seulement que nous avons écouté lors de cette commission parlementaire, mais aussi que nous avons compris. Nous avons compris que notre philosophie est la bonne, nous avons compris aussi qu'il y a certaines inquiétudes et nous avons compris qu'il y a certains points qu'il faut améliorer. Donc, nous le ferons, et je ferai connaître la nature de ces amendements dans les prochains jours.

n(17 h 40)n

Mais je veux rassurer le député de Vachon que je suis conscient que, malgré tous les amendements que je pourrais apporter, j'ai beaucoup de doutes face au fait qu'il puisse appuyer le projet de loi n° 57, puisqu'il en demande tout simplement le retrait. Mais, contrairement à l'attitude du Parti québécois qui a retardé pendant plusieurs années des débats importants en ce qui a trait à la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, qui a fait en sorte que le projet de loi est entré en vigueur seulement à quelques jours de la dernière élection générale, nous n'avons pas l'intention de mettre cette question sur la glace, nous avons l'intention de continuer à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, avec le même discours, M. le Président, que nous avions avant la dernière campagne électorale, pendant la dernière campagne électorale et depuis la dernière campagne électorale.

Donc, en terminant, je tiens bien sûr à remercier tous les organismes, tous les individus qui sont venus nous rencontrer et témoigner; bien sûr, vous, le président de la commission parlementaire, M. le Président, et qui avez été, tout au long des derniers mois, beaucoup plus que le président de la commission parlementaire, mais aussi un allié et un atout formidable dans la mise en place du plan de lutte à la pauvreté et de l'exclusion sociale, et je tiens à vous le dire ici, aujourd'hui, de même que dans la préparation et aussi les modifications qui seront apportées au niveau du projet de loi n° 57, et je tiens à vous en remercier publiquement; bien sûr, les députés ministériels, mon adjointe parlementaire la députée de Soulanges, qui m'a remplacé alors que j'étais retenu à Ottawa, pas contre mon gré mais pour les intérêts du Québec, et qui a fait un travail exceptionnel; le collègue de l'Abitibi aussi qui a été là, et tous les députés qui ont participé; et aussi la tournée qu'a faite le député de Vimont, notre adjoint parlementaire, qui a permis d'aller voir sur le terrain, dans les centres locaux d'emploi, un point de vue des personnes qui jour après jour travaillent au niveau de la sécurité du revenu; donc, aussi tous les services au niveau du ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, qui nous ont accompagnés tout au long de cette commission et tout au long de la préparation de ce projet de loi là, de même que les conseillers politiques qui nous ont accompagnés.

Alors, nous aurons les prochaines semaines chargées, et j'ose espérer que nous pourrons adopter ce projet de loi n° 57 qui se situe dans la continuité du plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Et, puisque le député de Vachon a oublié ? j'imagine involontairement ? dans son enthousiasme, de remercier sa collaboratrice et ses collaborateurs, je vais le faire pour lui, et je remercie l'ensemble des collaborateurs qui nous ont aidés dans cette commission. Merci beaucoup, bonne fin de journée.

Document déposé

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, j'autorise le dépôt des tableaux présentés par le député de Vachon et préparés par le Service de recherche de l'aile parlementaire du Parti québécois le 4 octobre 2004. Nous allons faire les copies nécessaires, les transmettre aux membres de la commission.

Et je remercie évidemment notre secrétaire de la commission, les services de secrétariat de la commission de nous aider tous ensemble à mener à terme ces importantes consultations; évidemment, vous, chers collègues membres de l'Assemblée nationale, pour votre excellente collaboration tout au long de cette commission.

Et les mots que j'attendais avec tellement d'anticipation: Mes chers collègues, ayant accompli le mandat, ayant accompli notre mandat, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 43)


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