To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, April 21, 2005 - Vol. 38 N° 117

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, pour la durée du mandat, Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) va remplacer Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues ainsi qu'aux personnes qui assistent aux travaux de la commission, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite. Alors, je vous prierais de les mettre hors tension. Je vous donne lecture de l'ordre du jour: nous allons débuter, dans quelques instants, avec les représentants de l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre; ce sera suivi par l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées; et terminer la matinée avec l'Association canadienne du médicament générique; et nous allons ajourner nos travaux autour de 12 h 30. Je vous rappelle que le temps consacré à l'audition de chaque groupe est de 60 minutes: 20 minutes pour les présentations, et des échanges avec les parlementaires de chaque côté de la table d'une durée maximale de 20 minutes.

Auditions (suite)

Et c'est avec plaisir que nous accueillons M. Gerry Harrington, directeur des affaires publiques à l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre. Bienvenue. «Welcome». Comme j'ai expliqué, M. Harrington, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? je suis dans l'obligation d'être assez sévère dans l'utilisation du temps ? et par la suite il y aura un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Association canadienne de l'industrie
des médicaments en vente libre (ACIMVL)

M. Harrington (Gerry): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous remercier et remercier tous les membres du comité de bien vouloir me permettre de m'exprimer ici, aujourd'hui, au nom de l'industrie des médicaments en vente libre, dans le cadre de cette consultation sur la Politique du médicaments proposée par le gouvernement du Québec.

L'organisation que je représente, l'ACIMVL ou l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre, représente à son tour les fabricants de certains produits qui ne viennent pas immédiatement à l'esprit lorsque l'on soulève la question de la politique sur les médicaments. En effet, les médicaments en vente libre ne représentent qu'une infime partie de l'univers pharmaceutique. Au Québec, ils occupent tout juste 6,2 % du marché global des médicaments. Et, puisqu'ils ne sont généralement remboursés par aucun régime d'assurance médicaments, ils n'exercent aucune incidence considérable sur les régimes publics de remboursement des médicaments.

Ceci dit, cela ne signifie aucunement que les médicaments en vente libre n'ont pas d'incidence sur les objectifs de la politique proposée en matière de médicaments ni sur la santé globale des Québécois et la viabilité de leur système de santé. Au contraire, nous estimons qu'un examen approfondi des questions relatives aux médicaments en vente libre et aux autosoins, d'un point de vue général, permettrait un renforcement considérable de cette politique.

Les autosoins, qui désignent les décisions et les mesures prises par une personne pour se garder en santé et prévenir ou traiter certaines maladies, constituent un élément vital et souvent sous-évalué des soins de santé. Pourtant, de plus en plus de preuves tendent à confirmer que le soutien des autosoins se traduit par une amélioration de la santé et de la qualité de vie, par une augmentation du taux de satisfaction chez les patients et par des effets bénéfiques notables sur l'utilisation des services, notamment une diminution du nombre de consultations en clinique et en salle d'urgence.

L'utilisation responsable des médicaments sans ordonnance joue un rôle essentiel dans le domaine des soins de santé et constitue un moyen éprouvé de réduire les coûts globaux associés au régime d'assurance médicaments en plus d'exercer une incidence positive sur la santé des patients. Nous comprenons que le comité s'intéresse en priorité à l'aspect de la politique portant sur les médicaments d'ordonnance, qui drainent une grande partie des coûts du régime, mais cependant la politique doit aussi offrir une réponse aux questions concernant les produits en vente libre, pour les deux raisons suivantes. Premièrement, les politiques sur les médicaments vendus sur ordonnance peuvent avoir, ce que les faits confirment souvent, des répercussions inattendues mais non moins importantes sur les produits en vente libre et les autosoins. Deuxièmement, et par le même effet de rebond, une politique sur les médicaments qui propose des avenues efficaces et constructives en matière d'autosoins peut avoir une incidence positive sur l'usage et le coût des médicaments vendus sur ordonnance.

Un sondage national mené dernièrement par Ipsos-Reid révèle que 44 % des Canadiens, et à comparer à peu près 48 % des Québécois, avaient eu plus souvent recours à des pratiques d'autosoins au cours des 12 derniers mois que les années précédentes, alors que 49 % n'avaient rien changé à cet égard, et 7 % y avaient eu moins recours que par le passé. Selon le même sondage, 52 % des Canadiens ou 46 % des Québécois envisageaient d'opter de plus en plus pour les autosoins. Ces résultats corroborent d'autres recherches menées dans le monde: partout les gens veulent jouer un rôle plus actif dans la gestion de leur propre santé.

n (9 h 40) n

Une recherche qualitative menée par notre organisation en 2003 indique que, pour y arriver, il faudra mettre à la disposition des Québécois de l'information claire, fiable et plus accessible. Ce constat a été confirmé par un sondage mené en 2004 par Ipsos-Reid, selon lequel trois Canadiens sur quatre se disent d'accord avec l'affirmation voulant qu'un accès plus facile à de l'information claire et fiable sur les autosoins leur permettrait de mieux prendre leur santé en main.

À la lumière de tels résultats, l'ACIMVL ne peut que souscrire à la recommandation 20 concernant la diffusion d'information auprès du public pour assurer un usage optimal des médicaments au Québec. À notre avis, la campagne d'information proposée relativement à l'usage responsable des médicaments devrait accorder la priorité à la responsabilisation concernant l'autoadministration de médicaments sans ordonnance et d'autres produits de santé naturelle en vente libre. Nous croyons fortement que ces services d'information, tel que dit dans le document, devraient être axés sur l'importance d'une bonne communication entre les patients et les professionnels de la santé en ce qui concerne les autosoins.

Nous sommes absolument certains qu'une telle campagne dans ce sens rejoindra la population qui attend avec impatience d'avoir accès à de l'information claire et fiable qu'elle pourra intégrer à des stratégies d'autosoins de plus en plus nombreuses. Toujours selon le sondage mené en 2004 par Ipsos-Reid, neuf Canadiens sur 10 sont d'accord avec l'affirmation suivante: Pour garantir la viabilité de notre système de santé, il est de plus en plus urgent que les gouvernements fournissent aux Québécois les outils nécessaires pour assurer une autogestion responsable de leur santé et un mode de vie sain. L'un de ces outils pourrait être la campagne d'information proposée dans le document.

Un autre outil possible consisterait d'élargir l'offre de nouveaux produits de santé en vente libre par changement de classification de certains médicaments vendus jusqu'ici sur ordonnance. Au cours des 20 dernières années, de nombreux changements de classification ont permis aux Canadiens d'avoir accès à de nouveaux produits, nouveaux médicaments sûrs et efficaces vendus sans ordonnance à moindres frais pour eux-mêmes et pour le système de santé. Notamment, une étude réalisée en 1994, à l'Université Queen's, révélait que le changement de classification des médicaments contre les allergies non sédatifs avait donné lieu à des économies de 11,6 millions de dollars pour le système de santé en Ontario et de 4,4 millions de dollars pour les personnes souffrant des allergies, moins obligées de prendre des congés.

Et ici il y a une matière importante au niveau des provinces. Une fois que Santé Canada a rendu une décision concernant la vente d'un médicament sans ordonnance, les gouvernements provinciaux établissent dans quelle mesure les citoyens auront accès audit produit. Partout au Canada, sauf au Québec, la décision est prise par la foi des recommandations d'un comité interprovincial consultatif national sur les annexes de médicament, le CCNAM. Jusqu'à maintenant, le CCNAM a rendu prestement des décisions à l'égard des médicaments visés par un changement de classification, favorisant l'accès plus généralisé aux produits en cause et, partant, l'abaissement des coûts pour le système de santé après l'annonce de la décision réglementaire du fédéral.

Au Québec, cependant, les médicaments visés par un changement de classification au fédéral sont automatiquement consignés dans la zone non accessible au public dans les pharmacies, ce qui en limite beaucoup l'accès. Le processus d'examen de l'Office des professions du Québec visant le déplacement de ces produits dans les aires accessibles au public des pharmacies ou l'offre généralisée dans les magasins au détail s'est avéré extrêmement laborieux et peu efficace, franchement. Dans les huit années qui ont suivi l'adoption du règlement actuel, un seul changement de classification, une seule mise à jour du règlement a été entérinée, alors que le système harmonisé interprovincial dans les autres neuf provinces en a autorisé une vingtaine dans la même période. L'ACIMVL recommande instamment que, dans la nouvelle politique sur le médicament, le Québec propose au ministre de la Justice d'examiner la possibilité d'une réévaluation du règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments en vente libre.

L'ACIMVL souscrit à l'effort du gouvernement québécois qui cherche à comprendre et à influencer dans la mesure du possible les répercussions des méthodes de marketing sur les régimes d'assurance médicaments et les coûts des soins de santé en général. Néanmoins, nous voulons faire comprendre au comité que les politiques axées sur les pratiques de marketing des médicaments sur ordonnance ne doivent en aucun cas rejaillir sur celles qui régissent les produits de santé vendus sans ordonnance qui ne coûtent rien au régime de santé ni à celui de l'assurance médicaments.

Ainsi, afin d'éviter qu'une telle pratique n'influence les choix des médecins pour les produits, et donc le coût des assurances médicaments, une politique qui interdirait la distribution d'échantillons de médicaments d'ordonnance aux médecins ne devrait pas être structurée de façon à empêcher la distribution d'échantillons de produits en vente libre chez le médecin. Ces derniers étant souvent utilisés pour soulager des symptômes, la rapidité avec laquelle le médicament est transmis du médecin au patient recèle un avantage non négligeable pour ce dernier. Les médicaments en vente libre n'étant pas normalement remboursés par les régimes d'assurance médicaments, la distribution d'échantillons aux médecins n'a aucune incidence sur les coûts du régime.

De plus, la distribution d'échantillons aux médecins ouvre la voie à des échanges très précieux avec le patient sur les médicaments sans ordonnance au cours desquels le médecin pourra insister sur le fait qu'ils doivent être pris au sérieux et qu'il faut les utiliser de façon responsable. Cela est important parce qu'au Canada le nombre de telles consultations portant sur les médicaments en vente libre entre patients et docteurs... ou médecins sont beaucoup moins élevées que dans plusieurs autres pays, notamment les États-Unis. Le fait d'inclure les produits d'autosoins dans la recommandation 26 qui vise à interdire la distribution d'échantillons risque de réduire encore plus la fréquence de ces interactions essentielles entre les médecins et les patients.

M. le Président, Mmes, MM. les membres du comité, l'ACIMVL souscrit à l'intention du gouvernement du Québec d'élaborer une politique en matière de médicaments qui garantira aux Québécois un accès libre à des thérapies efficaces ainsi que la viabilité et l'équité du régime d'assurance qui permet cet accès. Après avoir constaté que la politique sera axée essentiellement sur les médicaments vendus sur ordonnance, nous invitons le gouvernement à la plus grande prudence afin d'éviter que les mesures prises pour régler les problèmes liés à ces médicaments ou pour réduire les coûts du régime d'assurance médicaments n'aient des conséquences inopportunes sur les produits de santé de vente libre.

Je vous remercie. Il me fait grand plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci bien, M. Harrington. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Harrington, pour votre visite et votre présentation.

Dans votre mémoire vous indiquez que la configuration actuelle des régimes d'assurance médicaments amène des distorsions dans le choix de traitement entre les médicaments d'ordonnance et les médicaments en vente libre. Pourriez-vous détailler, donner des exemples de ces distorsions et ce que vous recommanderiez pour qu'elles soient amoindries?

n (9 h 50) n

M. Harrington (Gerry): Il existe, dans presque toutes les catégories thérapeutiques, ce qu'on appelle en anglais un «overlap», une coïncidence d'options quant aux soins et d'interaction professionnelle. Alors, on peut donner plusieurs exemples. Au Québec, par exemple, à peu près 25 % de la population qui ont souffert de différents rhumes, l'année passée, ont fait une visite chez le médecin à cause de ce rhume, tandis que 75 % se sont autotraités, ont pratiqué l'autosoins. À l'autre extrême, on sait qu'environ 25 % des Québécois encore ont pris des mesures d'autosoins pour traiter des conditions comme le cholestérol. Alors, les deux extrêmes des maladies, il y a des options de chaque côté, des options professionnelles dans le système de santé propre et des options d'autosoins. Alors, il est un peu inévitable, avec la différence entre le coût des médicaments d'ordonnance et les coûts des médicaments en vente libre, que la priorité est de donner les assurances qui couvrent les médicaments d'ordonnance.

Mais il faut, au lieu de penser en termes de mettre de nouvelles limites sur les médicaments d'ordonnance ou d'essayer de faire entrer dans le système d'assurance médicaments les médicaments en vente libre, il faut considérer les autres dimensions du système, au Québec, qui peuvent avoir un effet équilibrant, c'est-à-dire que, comme, par exemple, le système qu'on parlait dans la présentation, le système de conditions et modalités de vente, les fameuses annexes de médicaments qui contrôlent la place et la condition de vente pour les médicaments en vente libre, c'est le régime le plus restrictif au Canada, c'est peut-être dans ces lieux qu'on peut faire des compensations qui pourraient retourner une sorte de balance dans les incitatifs, dans le système. Alors, on ne propose pas des changements au système d'assurance médicaments lui-même, c'est les conditions dans le contexte qu'on trouve ces assurances.

M. Couillard: Mais vous serez certainement d'accord avec nous pour dire qu'une forme de régulation s'impose pour les médicaments en vente libre, par exemple le nombre de comprimés par contenant. C'est important dans certaines catégories de médicaments en vente libre. Malheureusement, certains de ces médicaments peuvent parfois servir de véhicule à l'intoxication médicamenteuse volontaire, là. Alors...

M. Harrington (Gerry): Tout médicament, oui.

M. Couillard: ...il faut vraiment avoir une attention particulièrement.

Et, d'autre part, certaines propositions comme on a vu dans d'autres pays, comme l'introduction des statines pour le cholestérol en vente libre, n'ont pas été démontrées comme ayant été finalement utiles pour l'état de santé des gens. Alors, je pense qu'une attitude de surveillance prudente et de réglementation m'apparaît quand même essentielle, là.

M. Harrington (Gerry): Sans doute, et le système qui a été mis en place dans les autres neuf provinces est un système qui était basé sur des propositions ici, au Québec. Alors, un système qui donne quatre catégories de vente de médicaments, qui reconnaît le rôle très important du pharmacien comme consultant, comme source d'information, c'est absolument essentiel pour garantir l'usage optimal des médicaments en vente libre. Mais en même temps il faut se poser la question que certaines différences qui existent entre le système en place ici, au Québec, à comparé avec le système interprovincial, vraiment est-ce qu'on donne des données qui peuvent appuyer la restriction, l'additionnelle... les limites sur l'accès, au Québec.

Alors, on sait que les pharmaciens et les pharmaciennes, au Québec, on joué un rôle élevé à comparé avec le reste du Canada dans l'automédicamentation. Il n'est pas question de ça. Les pharmaciens, au Québec, travaillent avec des exigences professionnelles au niveau des médicaments en vente libre élevées à comparé avec le reste du Canada. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on ne veut pas changer. Mais en même temps, bien, il faut se poser la question, comme, par exemple, des médicaments qui sont présentement tenus derrière le comptoir, dans les pharmacies québécoises, est-ce qu'il y a une valeur mesurable? Dans quelles restrictions d'accès?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui, merci beaucoup, M. le Président. M. Harrington, bonjour. Vous nous dites, dans votre document, que le processus d'examen de l'Office des professions s'avère laborieux et peu efficace. Pouvez-vous nous illustrer ça un peu plus et nous dire surtout quelles suggestions vous pourriez apporter pour rendre ce processus-là peut-être plus facilitant?

M. Harrington (Gerry): C'est un système qui... D'une manière, c'est un peu étonnant, parce que les critères, la structure du système actuel, c'est-à-dire les catégories de médicaments en vente libre, les critères que l'on se sert pour établir où chaque médicament sera placé dans ces catégories sont presque identiques dans le système, ici, au Québec, et le système interprovincial. C'est surtout le processus qui est très, très différent.

Dans le système interprovincial mené par l'ANORP, l'Association nationale des organismes réglementaires de la pharmacie, on a un système très public alors où les organismes qui cherchent un changement de classification peuvent faire présentation au comité dans un lieu public, où le comité fait sa décision avec tous les critères considérés publiés dans la décision et où les règlements provinciaux adoptent automatiquement ou de façon de référence les recommandations du comité.

Par contre, au Québec, on a un système où l'Office des professions a un comité consultatif aussi, mais ce comité consultatif ne permet pas de réunions publiques. Son horaire pour considérer des changements est un horaire moins menable, disons, à des recommandations externes. Alors, on va souvent passer un an, deux ans entre réunions du comité consultatif. Finalement, quand le comité fait une recommandation, cette recommandation ne donne pas les raisons pour lesquelles la recommandation a été donnée. Et finalement on peut passer quelques ans entre la recommandation du comité consultatif et le changement actuel du règlement, comme au moment où on a vu une seule mise à jour dans le règlement depuis 1998, et je crois qu'il y a eu plusieurs recommandations du comité, mais il y en a plusieurs qui sont toujours seulement des recommandations après deux ans.

Alors, c'est un peu frustrant parce qu'au niveau fédéral ça prend peut-être deux, trois ans pour faire un changement de classification. D'être obligé d'attendre un autre deux, trois ans avant que le changement de classification soit mis en place au niveau provincial, ça veut dire que, pour un fabricant, la période totale peut être de cinq ans ou plus avant que les citoyens ont accès à un tel médicament.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Harrington, au nom de l'opposition officielle. Alors, vous nous mentionnez, je pense, dans le mémoire que vous présentez, que les médicaments en vente libre constituent 6 %... 6 % avez-vous dit?

M. Harrington (Gerry): Oui.

Mme Harel: 6 % des médicaments consommés?

M. Harrington (Gerry): Médicaments consommés. C'est-à-dire, à peu près un peu plus que 300 millions d'un total d'environ 5 milliards.

Mme Harel: Oui. Donc, c'est 6 % du coût, hein?

M. Harrington (Gerry): Du coût, oui.

Mme Harel: En fait, si on...

M. Harrington (Gerry): Pour la consommation... Je m'excuse. O.K. Je n'ai peut-être pas bien compris. Pour la consommation, en termes d'unités de médicament, il est en réalité à peu près... même un peu plus haut dans le cas du médicament en vente libre. Alors, c'est difficile de faire une comparaison directe parce que les conditions de consommation sont différentes. Mais on peut dire qu'à peu près le même nombre de Québécois se sert d'un médicament en vente libre que d'un médicament sur ordonnance.

Mme Harel: C'est donc dire que, sur 3 milliards, là, parce que finalement, si on soustrait le financement des services, qui sont de 1,5 milliard, c'est à peu près 3 milliards, 3,5 milliards, ou un peu plus... Peut-être avec le régime privé, ça, hein, le 5 milliards à partir duquel vous additionnez finalement le 6 %. Et combien y a-t-il de ces médicaments qui sont fabriqués au Québec?

M. Harrington (Gerry): Qui sont fabriqués au Québec?

Mme Harel: Oui.

M. Harrington (Gerry): Il y a plusieurs compagnies qui ont des établissements ici. Je n'aurai pas un chiffre exact. La minorité sont fabriqués au Canada, point final, mais il y a des établissements ici, au Québec et au reste du Canada, qui fabriquent pour le marché en Amérique du Nord, même global. Alors, c'est difficile d'établir exactement le pourcentage. Mais des membres de notre association, comme Santé Naturelle Adrien Gagnon, ont des usines importantes ici, au Québec, ainsi que des autres compagnies pharmaceutiques majeures...

Mme Harel: Alors, dans votre association... Vous mentionniez la marque Adrien Gagnon, qui est plus une marque de produits naturels. Alors, au sein de votre association, il y a à la fois les firmes qui produisent des médicaments et celles qui produisent des produits en fait...

M. Harrington (Gerry): De santé naturelle, oui.

n (10 heures) n

Mme Harel: De santé naturelle. L'homéopathie également?

M. Harrington (Gerry): Pardon?

Mme Harel: Dans le secteur de l'homéopathie également?

M. Harrington (Gerry): Quelques-unes. Mais en ce moment je crois... On avait un membre qui faisait des médicaments homéopathiques et je ne sais pas s'il est toujours membre de l'association. Je ne pourrais pas être certain.

Mme Harel: Alors, votre mémoire essentiellement, je crois, en tout cas, repose sur deux demandes que vous exprimez de façon élégante: la première étant de ne pas vous voir interdire la distribution d'échantillons de produits en vente libre, et la deuxième étant de vous voir faciliter l'accès direct, si vous voulez, des produits qui sont conformes une fois que Santé Canada a rendu une décision, hein?

M. Harrington (Gerry): Justement.

Mme Harel: On résume la chose, finalement. Alors, revenons sur la distribution d'échantillons de produits en vente libre aux médecins. Est-ce que c'est une distribution qui se fait aux médecins et aux pharmaciens ou seulement aux médecins?

M. Harrington (Gerry): Généralement, seulement aux médecins pour les échantillons qui sont donnés directement aux patients par les professionnels de santé, c'est généralement le médecin.

Mme Harel: Et est-ce que ça n'incite pas justement... Est-ce que ce n'est pas contraire à l'autogestion de la santé dont vous parlez dans le mémoire, l'autogestion en matière de santé, justement? Puis avec raison vous faites valoir des chiffres éloquents, là, sur le fait que de plus en plus, dites-vous, les gens veulent jouer un rôle actif dans la gestion de leur santé. Est-ce que justement ce rôle actif dans la gestion de la santé devrait leur faire éviter d'aller voir des professionnels de la santé? Pourquoi est-ce que les professionnels leur remettraient des échantillons gratuits de produits en vente libre, alors qu'ils doivent autogérer sans avoir à passer par un professionnel?

M. Harrington (Gerry): C'est une des questions très importantes pour nous. Quand on parle des autosoins, c'est très important de souligner que, même si on parle des actions dans le long terme qui sont assez indépendantes, c'est très important qu'il y ait aussi un lien avec des professionnels de santé, parce que c'est un morceau dans la gestion de santé générale qui est tellement important.

Une des questions qui est très importante en ce moment, c'est que les professionnels de la santé ne sont pas toujours à jour avec leurs patients sur les méthodes d'autosoins dont les patients se servent. Alors, les pharmaciens, les médecins qui pensent à une thérapie pour une telle condition ont besoin de savoir que le patient se sert aussi non seulement des médicaments ordonnancés, mais peut-être des médicaments en vente libre qui pourraient être en conflit avec des médicaments sur ordonnance.

Alors, c'est très, très important qu'il y ait un dialogue entre les professionnels de santé et les patients sur les questions d'autosoins, et en même temps avec les pharmaciens et pharmaciennes, parce que des fois il peut y avoir des conflits entre les activités d'autosoins et les interventions professionnelles. Alors, on parle des autosoins, mais ce n'est pas quelque chose complètement isolé des professionnels de la santé.

Mme Harel: On l'a bien vu avec la vitamine E, n'est-ce pas, encore récemment, ça a certainement suscité beaucoup d'inquiétudes et de craintes et amené certainement une sorte de questionnement dans la population sur tout ce qui est en vente libre, à savoir toutes les combinaisons qui peuvent être faites avec médicaments d'ordonnance et autres en vente libre, quel est l'impact chimique final de tout cela, là. Je pense que ça a suscité quand même beaucoup de questionnement.

Cependant, bien évidemment, la question est que, lorsque c'est administré par un professionnel, par un médecin, le médicament en vente libre prend toute une autre dimension pour beaucoup de gens, c'est-à-dire qu'il y a comme un imprimatur, c'est comme le label de certification que le médicament soigne. Et il n'y a pas un danger justement, là? Quelle est la proportion de distribution de médicaments en vente libre... d'échantillons, selon vous, là, que vous distribuez?

M. Harrington (Gerry): Ce n'est pas quelque chose de si important, d'aussi commun qu'on voit dans des médicaments d'ordonnance, mais permettez-moi de vous donner un exemple. Disons qu'on a un jeune qui rentre chez un dermatologue pour le traitement de l'acné, et le dermatologue généralement... le traitement de première ligne là-dessus, ce serait le peroxyde de benzoyle, étant un médicament en vente libre et un médicament avec un profil de sûreté extrêmement fort et extrêmement... C'est un médicament extrêmement sûr à comparer avec les options d'ordonnance, comme l'Accutane, où, on sait, il y a beaucoup d'effets secondaires très importants. Le patient veut sortir de cette consultation avec quelque chose, et, si on ne donne par l'opportunité au dermatologue de confirmer un choix important, un choix valide et un choix du premier rang ? en passant un échantillon, oui ou non, ce n'est pas nécessaire, mais certainement ça fait partie du dialogue ? on peut avoir un effet sur l'incidence. Et du même bord il y a des effets sur le coût, parce que, si le patient a des bons résultats avec le peroxyde de benzoyle, c'est quelque chose qui est payé par le patient même, pas par les assurances médicaments.

Mme Harel: Vous parliez tantôt du cholestérol et de l'autogestion, si vous voulez, alors vous faisiez référence à quoi, par exemple?

M. Harrington (Gerry): ...il y a beaucoup, et certainement... même au niveau de l'alimentation, le monde prennent un contrôle souvent. Ils...

Mme Harel: Ils n'ont pas besoin de médicaments en vente libre pour prendre des marches.

M. Harrington (Gerry): Non, ils n'ont pas besoin dans ce coup-là.

Mme Harel: C'est ça.

M. Harrington (Gerry): Mais c'est pour ça qu'on veut dire qu'il y a un... on dit en anglais «a continuum», O.K., il y a un spectre complet. Il y a aussi les produits de santé naturelle qui s'adressent à ce problème. Et, comme le ministre l'a remarqué, dans plusieurs juridictions, il y a beaucoup de discussions sur la question de faire... disponible en vente libre les médicaments pour contrôler le cholestérol, c'est-à-dire les statines. Et c'est une possibilité qui a toujours été mise en place au Royaume-Uni, et c'est une question qui, je crois, on va faire face ici, au Canada, dès l'avenir assez proche.

Mme Harel: Parlez-nous du mécanisme public d'examen de classification et de changement de classification. Comment cela opère de manière publique, là?

M. Harrington (Gerry): Il y a deux niveaux. Le premier, si on fait comme début un médicament d'ordonnance, le processus commence au fédéral. Alors, c'est l'annexe F des règlements d'aliments et drogues, et le processus-là peut prendre dans le bout de deux ou trois ans, y compris une consultation publique, mais, pour la plupart, c'est une évaluation interne par Santé Canada, avec la décision qui fait partie d'une consultation publique.

Rendu au point où le gouvernement, le fédéral fait l'annonce d'une proposition d'un changement de classification, généralement le fabricant d'un tel médicament va faire application, va faire soumission chez le Comité consultatif à l'interprovincial. Et ce comité aura une réunion où le fabricant peut faire sa présentation, et n'importe quel organisme peut faire application pour être entendu, et la décision sera annoncée généralement entre... de 30 jours, 60 jours après la réunion et aura opportunité de faire le commentaire.

Dans plusieurs provinces, l'instant où l'annonce est faite par le comité interprovincial, elle vient en effet au niveau provincial. D'autres provinces ont un mécanisme pour mettre en place les recommandations de façon indépendante. Et finalement, naturellement, il y a ici, au Québec, où on a un système complètement différent où la décision... les recommandations viennent de l'Office des professions du Québec.

n (10 h 10) n

Mme Harel: C'est donc dire que c'est un processus qui est public, le processus d'audition devant le Comité consultatif national. Et, quand vous dites dans le mémoire: Il y a par la suite un accès plus généralisé au produit lorsque la décision à l'égard du médicament a été prise par ce comité, là, et vous dites: En conséquence, il y a abaissement des coûts pour le système de santé. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Harrington (Gerry): Il y a beaucoup d'études qui ont été faites qui proposent en général qu'un accès plus libre à des médicaments en vente libre donne les résultats qu'on parle. Les autres observations qu'on peut vous donner, c'est dans le rapport qui a été récemment sorti par l'Institut canadien de l'information sur la santé. On a présenté des données sur la consommation, les ventes au juste des médicaments sur ordonnance et les médicaments en vente libre à travers le Canada. Et on trouve que le développement du marché de médicaments en vente libre... c'est-à-dire la vente de médicaments en vente libre au Québec est peu croissante depuis sept, huit ans à comparé avec le reste du Canada, où il y a une croissance un peu plus élevée. En même temps, on voit que la croissance du côté du médicament sur ordonnance est beaucoup plus élevée au Québec, significativement, que la moyenne nationale. Alors, il y a beaucoup de données qui pointent, qui nous dirigent dans cette direction.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Copeman): Brièvement, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui. M. Harrington, vers la fin de votre présentation de ce matin, l'avant-dernière page de votre présentation, vous mentionnez ceci: votre association souscrit à l'intention du gouvernement d'élaborer une politique en matière de médicaments qui garantira aux Québécois un accès libre à des thérapies efficaces ainsi que la viabilité et l'équité du régime d'assurance qui permet cet accès. J'aimerais vous entendre un tout petit peu plus sur ce que vous aviez en tête lorsque vous avez abordé le sujet de l'équité.

M. Harrington (Gerry): Justement, nous comprenons que c'est bien le défi pour un gouvernement, et je suis très conscient que, quand on parle d'une régie d'assurance médicaments, ce n'est pas quelque chose qui frappe directement sur notre industrie de la même manière que les médicaments d'ordonnance. Mais nous prenons compte que le défi, c'est, d'un bord, de faire parvenir l'accès... de garantir l'accès à un certain niveau pour la population et en même temps un accès à un niveau avec un système qui est rentable, qui ne produit pas des coûts non viables pour la bourse publique. Alors, c'est en termes généraux que nous sommes sympathiques avec le défi que le gouvernement fait face. C'est que nous proposons des mesures qui pourraient réduire d'un tel degré ce défi parce que nous croyons que de réduire les barrières que les Québécois font face quand ils considèrent les autosoins peut donner l'appui aux objectifs du gouvernement dans la politique du médicament.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Il reste à peine trois minutes, puis Mme la députée de Lotbinière souhaite poser une question.

M. Bouchard (Vachon): Ah! Bien, je ne voudrais pas l'empêcher de poser une question.

Le Président (M. Copeman): C'est gentil. Merci, M. le député de Vachon. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Bonjour. Au nom de l'Action démocratique, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Ma question est assez pratique. Vous avez mentionné qu'un seul des médicaments est passé de sous ordonnance à vente libre et que, en Ontario, il y en avait eu 20. Je voudrais savoir si le médicament qui est passé de vente, ici, est inclus dans les autres, les 20 autres, un. Deux, avez-vous fait des études, si, admettons, on avait suivi le même rythme qu'en Ontario, qu'est-ce que ça aurait eu comme incidence au niveau des coûts? Et puis finalement aussi: Qu'est-ce que ça a comme incidence au niveau de la santé des gens?

M. Harrington (Gerry): O.K. Pour commencer, je veux corriger une impression. Il y a eu un changement au niveau provincial, une mise à jour. Mais les changements au niveau fédéral prennent effet automatiquement. La différence, c'est qu'en Ontario et les autres provinces, disons... Prenons l'exemple de l'ibuprofène 400 mg. Quand c'est devenu un médicament sans ordonnance au niveau fédéral, dans les neuf autres provinces ils ont donné l'accès dans la partie de la pharmacie ouverte au public. Au Québec, ils n'ont pas encore considéré, ils n'ont pas encore pris action sur ce médicament. Alors, il est automatiquement derrière le comptoir, dans les pharmacies. Alors, il y a une différence d'accès...

Mme Roy: Mais sans ordonnance.

M. Harrington (Gerry): Mais c'est sans ordonnance. Oui. Alors, j'espère que j'ai... C'est la différence encore entre les deux responsabilités, les juridictions.

Deuxièmement, votre question... et, comparé avec l'Ontario, on voit généralement un accès plus généreux, disons, moins restrictif. Mais, non, nous n'avons pas d'étude pour démontrer les effets sur les coûts. On a eu une étude qui a été tentée à l'Université d'Ottawa qui a démontré des effets généraux, mais en fin de compte l'étude n'a pas été complétée. Ça démontrait une tendance dans le cas des «H2 blockers», c'est-à-dire les médicaments comme le Pepcid, Zantac, qui est rendu en vente libre. Et on a vu que les économisations réalisées en Ontario étaient plus fortes qu'au Québec. Mais l'analyse, définitivement, je peux donner cette analyse au groupe, mais ça n'a jamais été publié. Alors, c'est des évidences un peu limitées.

Mme Roy: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Harrington, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre.

Et j'invite les représentants de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Nous vous attendons, M. Salembier. Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l'AQDR. M. le président Salembier, bonjour.

M. Salembier (Henri): Bonjour.

n (10 h 20) n

Le Président (M. Copeman): Je sais pertinemment bien que nous n'êtes pas à votre première participation à une commission parlementaire, mais je vous rappelle nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous demande de présenter vos collaborateurs et par la suite de débuter votre présentation.

Association québécoise de
défense des droits des personnes
retraitées et préretraitées (AQDR)

M. Salembier (Henri): Oui. Je vous présente Ronald St-Jean, Ronald est administrateur au niveau du conseil d'administration de l'AQDR provinciale et est également le porteur du dossier en ce qui concerne les médicaments; et, à ma droite, j'ai M. Michel Roy, qui est président en fait de l'AQDR du Centre-de-la-Mauricie, c'est-à-dire Shawinigan, et qui se spécialise plus vers tout le domaine de la fiscalité.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. de la commission, je dois vous dire que nous sommes très heureux que le ministre ait déposé une politique du médicament. J'étais, au mois de juin, au symposium sur les médicaments, et je pense que ça prend quand même un certain courage pour entrer dans un dossier pareil. Je crois que, cette politique-là, nous l'attendions depuis plusieurs années, et également je pense qu'elle n'est peut-être pas parfaite telle que déposée, mais il y a une chose au moins, c'est qu'on a un document pour pouvoir discuter dessus.

Alors, on vous a parlé de l'AQDR. Alors, l'AQDR a comme mission officielle la défense des droits des personnes retraitées et préretraitées. Les activités sociopolitiques constituent les démarches fondamentales de l'association. En considération de sa vision du vieillissement, les prises de position de l'AQDR s'inscrivent dans toutes les problématiques qui concernent les personnes de 50 ans et plus: domicile, médication, transport, vie quotidienne, la vie sociale et tout. Notre intervention va se faire beaucoup plus au niveau, si vous voulez, de toute la dimension de nos membres qui vivent dans la pauvreté, et c'est pourquoi on ne s'est peut-être pas penchés directement sur toute la dimension des médicaments très spécialisés comme tel, mais bien sur des bases terrain sur lesquelles notre association travaille.

Alors, je vais passer la parole à Ronald qui va vous donner la lecture du mémoire.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. St-Jean.

M. St-Jean (Ronald): M. le Président, M. le ministre, les autres députés autour de la table, ici, à l'avant. Alors, en ce qui concerne l'introduction, le Parti libéral du Québec prônait, lors des dernières élections, une révision d'une politique du médicament. D'un gouvernement à l'autre, depuis près d'une décennie, nous attendons des gestes concrets de la part du gouvernement. Les promesses, les engagements, l'espoir de voir la gratuité des médicaments pour les aînés démunis de notre société s'estompaient au mois d'avril 2004. Le ministre de la Santé confirmait que les primes de l'assurance médicaments devraient encore croître largement en juillet 2004, même s'il avait promis de limiter les hausses. Pourtant, l'équipe du premier ministre avait donné sa parole: «Nous limiterons la hausse des coûts des médicaments assumés par les consommateurs ? entre parenthèses, primes, coûts, assurances, franchises ? à la hausse du coût de la vie.»

Si on va à la page 2... 3. Page 2, dernière ligne, en bas, le mémoire de l'AQDR qui a été déposé au mois de mars, en l'an 2002. C'est arrivé à peu près... juste un peu avant les nouvelles élections. C'était le Parti québécois qui était au pouvoir, et, je crois, mars, avril, un ou deux mois plus tard, c'est les libéraux qui sont venus au pouvoir.

Alors, l'AQDR, en date du 25 mars 2002, lors des audiences publiques à l'hôtel Hilton, à Québec, un mémoire sur l'avenir de l'assurance maladie/médicaments a été déposé. Il faut revenir sur ce mémoire à un passage toujours d'actualité: «Considérant l'accroissement substantiel des coûts des médicaments et l'importance de ces derniers dans les soins de santé requis par les personnes âgées, l'AQDR se préoccupe de façon particulière des médicaments, de leur coût et de leur impact sur la qualité de vie des aînés. C'est ainsi que l'AQDR se questionne sur le fait que ce que l'on considère comme une valeur réelle prescrite par des professionnels de la santé, les médecins, ne soit pas médicalement nécessaire selon la Loi sur la santé canadienne de 1984.»

Les personnes de 65 ans et plus représentent 13 % de la population et consomment jusqu'à 40 % des médicaments sous ordonnance et 35 % en vente libre. En vieillissant, plusieurs problèmes de santé touchent les aînés. Nous devons nous poser des questions: Avons-nous vraiment besoin de nouveaux médicaments? Les médicaments demeurent depuis plusieurs années le plus lourd fardeau inflationniste du système. Le rapport annuel du CEPMB, le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés, mentionne: «La valeur au Canada des ventes au prix départ-usine de tous les médicaments pour les usages humains a augmenté de 14,5 % en 2003 par rapport à 2002 pour se situer à 15 milliards de dollars. Quant à la valeur des ventes des médicaments brevetés, elle a augmenté de 14,8 % pour se situer à 10,1 milliards de dollars. Les médicaments brevetés ont, comme l'année précédente, accaparé 6,7 % de l'ensemble des ventes de médicaments.»

La Régie de l'assurance maladie du Québec a remboursé, en 2003, près de 2 071 000 000 $, soit 1 milliard de plus qu'en 2002, et cela, sans comprendre le coût de l'achat des médicaments dans les hôpitaux.

Nous prenons en considération que les médicaments font partie absolue du système de santé. Malheureusement, même en 2005, plusieurs personnes âgées et de nombreux assistés sociaux ne peuvent pas se procurer les médicaments nécessaires pour leur santé. L'AQDR est régulièrement informée à l'effet que des gens les moins nantis coupent donc dans leurs médicaments pour allonger à deux mois leurs prescriptions, faute d'argent. D'autres se privent de bien se nourrir pour faire l'acquisition des médicaments nécessaires à leur survie. Résultat: une nouvelle visite à l'urgence et possiblement une hospitalisation additionnelle. C'est une situation qui s'avère beaucoup plus dispendieuse pour le système de santé.

Si on passe à l'autre partie, c'est la fiscalité. Nous avons donné des exemples pour les personnes âgées ou les personnes démunies de notre société. Alors, nous portons à votre attention les nombreuses lacunes lors des calculs des revenus des contribuables selon certaines situations dans le cadre des déclarations de revenus. Prenons quelques exemples basés sur les déclarations en 2004:

1° une personne vivant seule et gagnant moins de 20 000 $ est cotisée proportionnellement à son revenu;

2° une personne vivant seule et gagnant moins de 12 240 $ n'a rien à payer;

3° une personne vivant seule gagnant 21 000 $ paie le même montant que le millionnaire, 494 $;

4° deux personnes gagnant chacune 18 000 $ paient le maximum, 494 $, si elles vivent ensemble;

5° les couples gagnant entre 10 000 $ et 20 000 $ sont pénalisés avec des revenus semblables;

6° pour les personnes d'un couple gagnant l'une 10 000 $ et l'autre 25 000 $, chacun paie le maximum;

7° toutes les personnes vivant en couple et totalisant 35 000 $ de revenus doivent payer chacun le maximum, autrement dit, ensemble, ça fait 988 $ pour le couple;

8° une personne gagnant 2 000 $ ? celle-là, elle est bonne, celle-là ? gagnant 2 000 $ paie le maximum si elle vit en couple avec une autre personne qui a 33 000 $;

9° les retraités de 65 ans sont particulièrement visés par ce système auquel ils sont contraints pour la plupart;

10° il est avantageux de vivre en couple si un revenu total est de moins de 28 147 $;

11° il est pénalisant de vivre en couple avec un revenu supérieur à 28 147 $.

n(10 h 30)n

Vous avez un tableau en annexe. Mon confrère, M. Roy, vous l'expliquera.

Alors, voici comment assurer les médicaments. C'est notre opinion. Et les faits: Au Québec, les médicaments sont assurés depuis quelques années. Il s'agit là d'une heureuse initiative gouvernementale. Par contre, le financement de cette loi pose un problème. Au début du programme, les adhérents se voyaient cotisés pour 150 $ sur leurs rapports d'impôts. Ce montant est passé à 300 $, à 385 $ et maintenant à 494 $, et on annonce dernièrement que ça peut encore augmenter. Et ce n'est pas terminé, car le plan ne se finance pas encore.

Nous disons: a) le programme est mal planifié quant au financement; b) les cotisations sont en progression constante; c) le programme couvre surtout les personnes à faibles revenus; d) l'échelle des cotisations est injuste; e) la cotisation n'est pas proportionnelle aux revenus.

Alors, cette formule d'assurance n'est pas viable à long terme. Elle explose. Il faut se rendre à l'évidence que les personnes assurées demeurent les cas les plus lourds potentiellement. En effet, pratiquement seules les personnes les plus mal en point sont assurées. Chez les assistés sociaux et les personnes âgées, les premiers sont démunis et les autres sont en besoin. La grande partie de la population se retrouve non assurée par ce système, et pourtant elle aurait le moyen de le payer. En laissant les meilleurs cas aux compagnies privées, le gouvernement s'est gardé les cas les plus difficiles. Ce serait une bonne solution de tout laisser aux compagnies ou de prendre toute la responsabilité. C'est la seule solution à long terme.

La présence des compagnies pharmaceutiques. En mai 2003, l'AQDR a pris connaissance de la Demande d'enquête publique sur les pratiques commerciales douteuses de l'industrie pharmaceutique rédigée par la Coalition Solidarité Santé. Près de 25 exemples ou raisons de pratiques fort questionnables sur le rôle joué par les compagnies pharmaceutiques avec l'appui du gouvernement témoignaient de l'urgence à exercer un meilleur contrôle sur l'industrie pharmaceutique. Le gouvernement a-t-il répondu à cette demande d'enquête publique? Je ne le sais pas.

Une année difficile pour l'industrie pharmaceutique. Des médicaments efficaces qui sont potentiellement dangereux sont retirés du marché, des pressions renforcées pour la commercialisation de nouvelles molécules, des bénéfices en stagnation: 2004 restera, pour l'industrie pharmaceutique, l'annus horribilis.

La compétition avec les génériques pose des problèmes aux firmes Bristol-Myers et Schering-Plough ? j'espère que je prononce le bon nom. Pfizer évalue à plus de 10 milliards d'euros ? non pas en argent canadien, d'euros ? les pertes des trois prochaines années dues à l'implantation des médicaments génériques; des pertes que, de leur côté, les analystes revoient à la hausse pour les seuls Celebrex et Bextra, les deux nouveaux anti-inflammatoires de la firme Pfizer, du fait des risques cardiovasculaires qu'ils font courir. Les analystes avaient misé sur une croissance de 8,37 %, cette année, pour l'industrie pharmaceutique mondiale, une augmentation de 4,75 % par rapport à 2003. Mais selon eux ce chiffre devrait redescendre à 7 % en 2005-2006.

Si on regarde le côté positif de l'industrie pharmaceutique, plusieurs laboratoires de recherche fondamentale se trouvent au Québec: près de 12 000 employés, 2,4 milliards injectés dans l'économie québécoise en 2002. Les citoyens désirent le meilleur traitement, les meilleurs médicaments et l'universalité des soins, tout cela pour améliorer l'espérance et la qualité de vie, de donner lieu à une diminution des coûts d'hospitalisation, mais à quel prix?

Prenons la question directement: L'augmentation vertigineuse des prix des médicaments est déterminée par qui et qui en retire les plus gros bénéfices?

Alors, l'approche québécoise face aux médicaments, ça, c'est encore dans le mémoire du 25 mars 2002. Nous revenons à la charge, puisque le mémoire déposé le 25 mars 2002, et qui demeure toujours d'actualité ? tel que mentionné antérieurement, c'est le Parti québécois qui était au pouvoir ? peut avoir glissé sur une tablette sans que le nouveau gouvernement en prenne connaissance. Dans sa présentation, le mémoire mentionnait: «L'industrie pharmaceutique est traitée "aux petits oignons" au Canada, et particulièrement au Québec, mais non pour sa valeur pour la santé des Canadiens et Canadiennes, mais pour la valeur économique. Plutôt que de regarder les médicaments selon leur dimension "traitement médical nécessaire alternatif aux hospitalisations", on les regarde comme des biens produits par une industrie segmentée, des médicaments brevetés versus génériques, des médicaments d'ordonnance versus en vente libre.»

Au Québec, on privilégie nettement les médicaments brevetés non pas pour leur valeur réelle, mais pour leur contribution au développement économique. Le gouvernement du Québec ? 2002 ? a donc choisi une approche à trois volets pour supporter et stimuler l'industrie pharmaceutique brevetée sans égard aux coûts pour le ou les citoyens. Ça fait que, M. le Président, le temps va vite.

Le Président (M. Copeman): En effet, M. St-Jean, il reste trois minutes.

M. St-Jean (Ronald): Alors, je vais sauter par-dessus la règle du 15, je crois que les gens du gouvernement sont très au courant de la règle de 15 ans. S'il reste trois minutes, on va aller directement à la page 8, ce que l'AQDR préconise dès maintenant.

Sur la complexité de la cotisation pour les médicaments: une simplification importante du régime; l'élimination de l'annexe K pour le calcul ? ceux qui ont des textes, il y a une autre phrase qui suit, «un taux de 1 % pour tous les assurés», si vous voulez rayer ça, c'est un bout de phrase qui a été inséré là par mégarde, ça ne devrait pas être là; un régime universel, c'est-à-dire un régime qui couvre tous les citoyens québécois individuellement; quatre, l'intégration complète de la cotisation au calcul de base de l'impôt. Pourquoi? Pour simplifier l'administration; pour assurer le financement complet de l'opération; trois, pour assurer un juste équilibre dans les cotisations; quatre, pour simplifier les déclarations des revenus; cinq, pour éviter que le millionnaire paie le même montant que la personne gagnant 21 000 $.

Le contrôle sur la hausse des médicaments: un, c'est l'implication plus rapide de la gratuité des médicaments pour les assistés sociaux et les personnes âgées et non seulement les personnes admissibles au maximum du supplément de revenu garanti, mais également les personnes âgées vivant sous le seuil de pauvreté; deux, un meilleur contrôle des prix des médicaments reliés directement aux profits des compagnies pharmaceutiques; trois, voir à contrer les augmentations abusives des médicaments par les pharmaciens; quatre, voir à ce que tous les citoyens contribuent financièrement au système de santé et de médicaments. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, merci, messieurs. Pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Salembier, M. St-Jean et M. Roy, pour votre présentation. Chaque fois que vous venez vous présenter en commission et que vous décrivez votre association, je suis toujours intéressé par le fait que, chaque fois, il me reste moins de temps avant d'être éligible pour être membre de votre association. Un peu plus de deux ans, non, un peu plus de 12 ans, encore.

Vous touchez plusieurs points très importants. Effectivement, on a fait un premier pas avec l'annonce de la gratuité pour les personnes âgées disposant du maximum de supplément de revenu garanti, et le but de la présentation de la politique du médicament, c'est de nous doter de mécanismes qui génèrent des marges de manoeuvre pour augmenter l'accessibilité pour les gens les plus démunis et notamment la gratuité. Alors, c'est pour ça qu'on avait besoin d'une politique du médicament.

n(10 h 40)n

La question des primes, je vais commencer avec ça parce que c'est un point important qui va revenir souvent dans la commission. Vous savez qu'on est ici donc pour adopter une politique qui pourra mener éventuellement à des changements législatifs, réglementaires ou administratifs qui mettront en vigueur la politique. Et actuellement le calcul de la prime, il n'y a pas de marge de manoeuvre, la prime est fixée par la loi, la loi qui dit qu'on doit la calculer chaque année d'après l'augmentation du coût chez les adhérents, et l'État, il faut le rappeler, paie deux tiers des coûts du régime et un tiers pour les personnes qui en sont assurées.

Et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a un problème dans l'échelle de cotisation de la prime actuelle, de sorte qu'on atteint le niveau maximum de la prime à un revenu assez bas, relativement bas, qui est 21 000 $ ou 22 000 $. La raison de ceci, c'est que le profil des personnes qui sont des participants au régime général d'assurance médicaments fait en sorte que les gens à plus haut revenu ne sont pas en très grand nombre. Le bassin de cotisation pour les plus hauts revenus n'est pas très grand, étant donné la séparation entre les populations qui sont dans les régimes privés collectifs et le régime général d'assurance médicaments. Mais il y a certainement moyen de rendre ça plus progressif parce qu'heureusement il y a quand même des bonnes nouvelles. Pour nos aîné et les plus en santé, avec les REER et les autres dispositions, il y en a de plus en plus qui ont des revenus quand même relativement satisfaisants. On peut voir, dans l'avenir, une redistribution du profil du revenu, là, qui serait plus conforme à la possibilité d'aller étaler davantage la perception des primes.

Est-ce que vous avez réfléchi, vous, à une façon de la rendre plus progressive, cette perception des primes? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire dans ce domaine?

M. Roy (Michel): Alors, voilà, M. le ministre, oui, on a réfléchi beaucoup au problème peut-être de complexité puis d'injustice, là. Vous avez touché des éléments, c'est exact.

Sur un premier plan d'abord, peut-être, où on regarde la partie complexité. Vous ne l'avez peut-être pas dans les mains, mais j'ai un tableau que je pourrais vous laisser après la rencontre. Vous avez, dans le formulaire K, deux pages assez complexes que les personnes sont obligées de remplir avec des échelles pour les célibataires et pour les couples. Si je vous lis, par exemple, l'échelle des célibataires, il faut soustraire 12 240 qui correspond à la pension de vieillesse et à la sécurité du revenu au complet, là. Il faut multiplier ça par 4,95, bon, 4,95, déjà... soustraire, si on a plus, un autre 5 000 $, multiplier le résultat par 7,44, mais additionner 247,50, pour un maximum, en 2004, de 477 $.

Alors, quand on regarde cette partie-là, là, il y aurait moyen de la simplifier. Parce qu'on a fait un travail supplémentaire récemment. Le fait de passer à la soustraction de 5 000 $ de plus ne touche que les personnes gagnant entre 17 240 $ et 21 876 $. Seulement ces personnes-là sont touchées par la deuxième partie de la cotisation, de la formule. Et ces gens-là, à ce moment-là, se retrouvent, disons, avec un montant d'argent qui est un peu particulier, là. Donc, il y a peut-être seulement quelque chose comme 280 000 personnes de touchées probablement par cette partie de la formule que tous les citoyens sont obligés de lire et d'appliquer. Puis, pour l'avoir fait en comité, nous, il faut se reprendre trois fois pour ne pas faire d'erreur dans les échelles. Alors, il y aurait certainement moyen d'enlever la partie centrale de votre échelle.

Si vous enleviez la partie soustraire 5 000, multiplier le résultat par 7,44, puis additionner 247, vous auriez la première partie de la formule seulement, et cette première partie donnerait des montants sensiblement les mêmes que les autres avec quelque chose de plus simple pour les citoyens. Parce que les personnes qui gagnent le moindrement en haut de 17 000 $ doivent s'astreindre à remplir des calculs pour lesquels on fait à peu près erreur à chaque fois qu'on fait le premier calcul. Et, d'autre part, 4,95, on peut se demander pourquoi. Pourquoi ne pas y aller tout simplement à 5 %. Ce n'est pas tous les gens qui ont une calculatrice sous la main puis qui sont obligés de faire les calculs. Puis on se demande pourquoi 4,95. Alors, en faisant un petit tableau, en éliminant ça puis en simplifiant votre formule, il y aurait peut-être, puis c'est ce qu'on peut imaginer, un écart de 11 millions que vous pourriez reprendre ailleurs, là.

Dans l'ensemble, on ne discute pas donc les montants trop bas ou trop élevés, là, ce n'est pas tellement ça qu'on regarde, sinon que, pour nos personnes âgées, remplir le formulaire, c'est quelque chose. Et dernièrement j'ai eu l'occasion de le faire pour une personne qui n'avait que la pension de vieillesse et son supplément, donc 12 240 $. Et, pour obtenir son remboursement de taxe de vente, elle est obligée de remplir son rapport d'impôts, pour lequel elle n'a rien payé, son crédit remboursable auquel elle aurait droit, elle n'en a pas. Mais, là, il faut remplir les formulaires pour un remboursement de taxe de vente, 273 $, et il faut passer à travers tout le rapport, y compris lire les échelles qui sont là.

Alors, je pense qu'au niveau de la complexité, pour simplifier la vie des gens, pour qu'on comprenne au moins ce qu'on fait et ce qu'on a à payer, il y aurait lieu, il me semble, de simplifier la formule. Mais pas nécessairement de faire payer plus ou moins les gens. Ce n'était pas dans notre esprit à ce moment-ci. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Couillard: Oui. C'est intéressant, puis on va analyser votre suggestion. Je suppose que votre tableau a été déposé. Il fait partie de votre...

M. Roy (Michel): On en a une copie ici.

M. Couillard: O.K.

Une voix: On l'a dans le mémoire.

M. Couillard: On l'a dans le mémoire? Bon. Parce que ça fait un bout de temps, moi, que je réfléchis à ce régime. Puis on arrive effectivement initialement en disant: C'est bien trop compliqué. Il doit y avoir moyen de mettre ça plus simple. Sauf qu'on se rend compte avec le temps que ce qu'il y a d'équité dans le régime est la genèse de sa complexité. C'est-à-dire que, plus on tend à le simplifier, moins on le rend équitable, pour plusieurs raisons. Et on a fait plusieurs simulations qui nous mènent dans la même direction. Mais, si on peut faire cette opération de simplification à coût nul, moi, je trouve que c'est intéressant de la considérer. On va certainement l'analyser.

Deuxième point, c'est la question des personnes seules par rapport aux personnes en couple. Vous avez raison parce qu'on tient compte du revenu familial plutôt que du revenu de la personne seule. Mais, advenant le cas ? je vous pose un problème très pratique, là ? où on ferait le changement pour aller vers le revenu de la personne seule plutôt que le revenu familial, nécessairement ça veut dire une diminution du revenu de prime. Donc, si on diminue le revenu de prime, il faut le compenser en augmentant la prime de la personne seule. Alors, je ne suis pas sûr que le résultat net au final va être si avantageux, de passer du calcul du revenu familial à celui de la personne seule.

M. Roy (Michel): Vous avez raison probablement quand vous dites ça, de faire la part des choses entre un groupe ou l'autre. Mais il reste quand même qu'on prend le cas qu'on a ajouté ici en disant: Dans un couple, une personne n'aurait pas de revenus ? il y en a ? et, si le conjoint gagne 35 000 $, les deux paient la prime maximale. Alors, là, comme une personne n'a pas de revenus, vous venez de dire, à ce moment-là, que la personne qui gagne 35 000 $ avec un conjoint qui n'a pas de revenus, cette personne-là paie une double prime. Peut-être que cela augmenterait la cotisation des personnes seules ou les montants maximum. Mais, dans l'ensemble, je pense qu'il y a une injustice flagrante avec le fait du revenu familial, et finalement je dirais que c'est une formule discriminatoire.

Parce que finalement l'objection, la seule objection dans nos études qui nous sont parvenues, c'est: Oui, mais on veut favoriser les personnes qui vivent seules. Ah! Bien, ce n'est pas tout à fait exact parce que nos recherches, à moins qu'on ait fait erreur... Mais on a fouillé la question. Deux personnes qui vivent ensemble... Par exemple, deux hommes vivraient ensemble sans relation personnelle, ils vont payer une prime personnelle et non pas familiale. Le père avec son fils, la mère avec sa fille, ou ainsi de suite, tous les autres groupes de deux personnes ne paient pas de prime familiale ou de prime de couple. Donc, il y a une formule qui à notre sens est discriminatoire. Et je pense qu'on vous demanderait de l'examiner très sérieusement parce qu'il y a des gens qui vraiment disent: Il va falloir faire... et aller plus loin de ce côté-là.

M. Couillard: On va certainement donc examiner votre suggestion. Ce qui est intéressant dans votre mémoire, entre autres, c'est que vous touchez plusieurs points qui vont revenir à de nombreuses reprises au cours de la commission. Alors, par exemple, on va avoir des groupes qui vont nous demander d'instituer un régime universel privé. On va avoir des groupes qui vont nous demander d'instituer un régime universel public, puis on va certainement en avoir d'autres qui ne diront rien, donc qui vont nous dire à ce sujet-là: Conservez le régime tel qu'il est. Et il faudra faire la part des choses et voir les avantages et les inconvénients.

Il y a une autre question également qui est abordée dans votre mémoire, qui est celle du soutien, au Québec, de l'industrie pharmaceutique. Je voudrais prendre quelques minutes pour en discuter avec vous parce que c'est un point absolument fondamental. Vous avez bien discuté la question dans votre mémoire. Vous savez qu'au Québec on a une société qui a plusieurs caractéristiques, dont la solidarité. Je pense qu'il faut le reconnaître. Les régimes sociaux dont on s'est doté au Québec sont plus généreux qu'ailleurs au Canada. Il n'y a pas de quoi s'en excuser, mais plutôt en être fier. Le paradoxe cependant, c'est que ça s'accompagne d'une génération de richesse ou de prospérité qui est moindre qu'ailleurs au Canada. Alors, on est dans la situation paradoxale où on se paie des régimes sociaux extrêmement généreux et on génère des revenus par habitant ou des portions de PIB par habitant plus faibles qu'ailleurs.

n(10 h 50)n

Alors, comment faire pour assurer qu'au Québec on augmente la création de cette prospérité qui nous permet de redistribuer cette richesse par le biais de programmes sociaux? Alors, quelles sont les industries de pointe dont on dispose actuellement au Québec et qui correspondent à l'avenir ? autant qu'on puisse prédire l'avenir ? pour le XXIe siècle ou la première partie du XXIe siècle? Alors, au Québec, par exemple, on a l'aéronautique, les technologies de l'information, qui sont des secteurs de pointe très, très actifs. Et on a également tout le secteur biomédical ou biopharmaceutique ? et vous l'avez dit vous-même ? qui injecte une quantité phénoménale importante de ressources financières qui sont recyclées sous forme de taxes, impôts, etc., et qui nous servent à nous payer nos programmes sociaux.

Alors, c'est important de prendre le temps de discuter, puis on reviendra souvent sur cette discussion. Évidemment, les citoyens se demandent comment ça se fait qu'au Québec... Et, là, tous gouvernements confondus, autant le Parti québécois que le Parti libéral, on a fait ce raisonnement de vouloir créer la prospérité et accorder certains mécanismes de bonification à cette industrie, particulièrement l'industrie innovatrice, de façon à ce qu'elle soit intéressée à rester chez nous, qu'elle crée de l'emploi, qu'elle crée de la richesse de façon à protéger ce genre de programmes là.

Alors, votre suggestion d'annuler ces avantages, parce que je crois que vous recommandez d'annuler la règle de 15 ans, par exemple, et les autres mécanismes de soutien de l'industrie, à mon avis, bien qu'elle soit attrayante à première vue, présente des dangers sur le plan de la croissance économique du Québec, la création de la prospérité, qui vont mettre en danger ce même programme que vous dites comme nous vouloir préserver et protéger, parce que l'argent pour le payer il faut qu'il vienne de quelque part. Et la gamme d'industries possibles pour le Québec pour les prochaines décennies n'est pas immense et il faut absolument préserver ce qu'on a chez nous, d'autant plus qu'il s'agit d'industries extrêmement mobiles. Et les concurrents maintenant, vous savez, ce n'est pas les autres provinces canadiennes ou les États-Unis, c'est la Chine, c'est l'Inde où ces industries de plus en plus vont s'établir. Alors, il m'apparaît, moi, que le choix que tous les gouvernements successifs ont fait, encore une fois les deux formations politiques, le choix raisonné d'accorder ce soutien à l'industrie pharmaceutique est un choix qui se justifie et qui est correct. Mais j'aimerais ça savoir comment vous réagissez à mes propos.

M. St-Jean (Ronald): M. le ministre, lorsqu'on regarde les banques, les profits qu'ils font: des milliards. On va sur le côté pétrole, les profits: encore des milliards. Beaucoup de grosses entreprises comme telles font des milliards. Si on s'en vient côté médicament ou pharmaceutique, vous avez raison de mentionner que c'est nécessaire, c'est une utilité. Malgré que dans le fond c'est tous, chacun de nous, qui contribuent au gouvernement pour que le gouvernement puisse subventionner les compagnies, et c'est encore notre argent. Mais, lorsque les compagnies pharmaceutiques mentionnent qu'ils ont fait 350 millions de profit ou 500 millions de profit, les personnes âgées, la question que je pose: Ils font des millions, puis c'est nous autres qui paient, puis on a de la misère à arriver. Ça, je ne blâme pas les compagnies pharmaceutiques, que... Lorsque vous voyez les gros profits qui se font et la personne démunie en bas qui regarde ça, ça pose de sérieuses questions, puis c'est là qu'ils viennent nous voir pour dire: Vous faites quoi? C'est difficile pour nous autres de renverser une compagnie pétrolière. On n'est même pas dans le portrait. C'est la partie que les gens âgés nous posent le plus souvent: Pourquoi les gros profits et, nous, on est obligés de payer?

M. Couillard: Effectivement, il y a parfois des profits, quoique, comme vous l'avez dit, l'industrie pharmaceutique traverse actuellement des périodes difficiles, mais c'est cyclique, il y a des hauts puis des bas. Mais tous ces profits-là ne sont pas faits au Québec, hein, ils sont faits dans les ventes internationales de ces compagnies-là. Mais la question finalement qu'on vous poserait, puis en pensant non seulement à vos membres, mais à vos enfants et vos petits-enfants: Est-ce que, comme citoyens québécois, on est prêts à prendre le risque d'adopter une politique qui verrait, qui amènerait au départ de ces industries-là, à la perte de milliers d'emplois et d'une partie importante de notre activité économique? Est-ce qu'on est prêt comme société à prendre ce risque-là? Puis après on va voir si, oui ou non, on avait raison d'être inquiet.

M. Salembier (Henri): Oui, M. le ministre. Je crois que vous avez raison, on ne vient pas contre l'industrie pharmaceutique, ou encore par rapport aux pharmaciens, ou aux médecins. Cependant, je vais vous conter une petite anecdote qui est arrivée à un des mes amis qui est un aîné. Et, à un moment donné, il avait 23 médicaments différents et il est allé voir un spécialiste parce qu'il faisait du diabète. Puis le spécialiste s'est mis à regarder ça, il dit: Vous avez des médicaments pour contrer un effet secondaire par rapport à un autre médicament, et finalement mon copain, il était en train de mourir. Et il lui a enlevé... il lui en a resté neuf, et, à ce moment-là, depuis ce temps-là qu'il va très, très bien. Alors, je me pose des questions en tant qu'individu et en tant qu'association: Comment ça se fait que ça peut se passer dans notre système? Et même on voit, même au niveau des pharmaciens, des passes assez comiques qu'on a déclarées dernièrement.

On n'est pas contre les pharmaciens, maintenant il faudrait... ni contre les médecins. Seulement, il faudrait qu'à un moment donné il y ait quelqu'un... Et je pense que la politique du médicament va apporter peut-être certaines règles de jeu par rapport à ça, et on va peut-être récupérer également des sommes d'argent. Et également on va, je pense, par rapport à cette politique-là, nous permettre, à un moment donné, de récupérer de l'argent en quelque part, et je pense que ça va être bien. C'est tout.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président. Merci. M. Salembier, M. Roy, M. St-Jean, merci pour votre présentation. Moi-même, j'aimerais vous poser une question dans la même veine que le ministre par rapport au soutien de l'industrie. M. Salembier, j'ai vu que vous vouliez l'aborder dans votre mémoire... par manque de temps, alors peut-être que je vais vous permettre de répondre, puis particulièrement à la question de la règle de 15 ans. J'ai pu constater également que vous êtes contre cet avantage, à la page 7 de votre mémoire, et le ministre l'a abordé sous le côté économique, mais, moi, j'aimerais vous entendre sur les impacts potentiels sur l'abolition de cette règle-là, étant donné... on a parlé des avantages de l'industrie par rapport à l'économie, mais aussi j'aimerais vous entendre sur leur contribution sur la santé.

Parce que je peux vous dire, entre autres, dans le comté de Nelligan, qu'il y a eu trois découvertes importantes qui ont été faites, et ces découvertes-là ont eu des impacts importants sur la santé des Québécois, entre autres, et je me dis que peut-être, sans cet avantage-là de la règle de 15 ans, ces découvertes-là n'auraient pas pu être faites au Québec.

Alors, sur ça, j'aimerais vous entendre, sur les impacts de ne pas avoir ces avantages-là par rapport à non seulement les conditions pour l'industrie, mais les découvertes potentielles, parce que, d'après ce que j'ai pu comprendre, les découvertes dans l'industrie pharmaceutique ne se font pas du jour au lendemain, elles se font par étape. Alors, comment réagissez-vous à ça?

M. St-Jean (Ronald): Dans le texte, là, des règles de 15 ans ? je vais essayer de répondre du mieux de mes connaissances, là ? si vous regardez au milieu de la page: «L'aide financière d'Investissement Québec aux entreprises pharmaceutiques», et un peu plus haut: «Le Québec est la seule province membre de cette association par l'intermédiaire d'Investissement Québec.» Il arrive quoi avec les autres provinces? Elles ne sont pas d'accord avec le Québec, ou le Québec est la seule à avoir le pas? Je vous retourne votre question.

Mme James: Mais, d'après ce que j'ai pu comprendre, les découvertes ne sont pas faites dans les autres provinces aussi, elles sont faites au Québec justement parce qu'on a les conditions qui ont fait en sorte que l'industrie a pu s'établir ici. C'était juste un commentaire.

M. St-Jean (Ronald): Je ne peux pas aller plus loin dans toute la complexité du 15 ans, du 20 ans. Vous parliez d'un médicament tout à l'heure. Si je prends ma bible qui est ici, je ne la lirai pas toute parce qu'on ne finirait plus, vous avez au moins 112 médicaments qui ont été retirés; sur les 112, vous en avez 20 qui étaient dangereux. Est-ce qu'on les garde longtemps, ces médicaments-là? Je ne peux pas... Je suis loin d'être médecin, là. Alors, les compagnies pharmaceutiques font quoi, là? Parce que, chacun de nous, on devient des cobayes. On va attendre au bout de sept, huit, neuf ans, puis tout d'un coup ? oup! ? ça ne marche plus, la pilule. Mais on les a pris pendant huit, neuf ans, là. On est pris peut-être bien avec une autre maladie.

n(11 heures)n

Puis, moi, je considère ? l'image n'est peut-être pas gentille ? l'être humain avec un véhicule, et je m'explique. Vous rentrez pour une crevaison; vous sortez de là, vous avez fait réparer la suspension, les pneus sont à changer, plusieurs choses. Vous allez chez le médecin peut-être pour un mal de tête, mais là vous avez le cholestérol, ça prend un médicament; vous avez le diabète, c'est un autre médicament; puis, à chaque fois que vous allez rencontrer médecin, vous sortez avec un nouveau médicament. Ça fait que, quand vous arrivez à peu près à notre âge, là, vous faites comme moi, vous en avez six ou sept, pilules. Il y en a d'autres qui en ont 23, pilules, tel que M. Salembier a mentionné. Ça n'en prenait pas 23; neuf et le monsieur était correct.

Alors, le surplus, là, comme je dis à l'intérieur, ici, je pourrais vous parler, ils font des... Aujourd'hui, ils font des programmes, à la télévision, basés sur les pilules. C'est un punch, aujourd'hui. Il faut avoir des pilules, il faut vivre longtemps. On prend des pilules, on est stressés, on prend des pilules. Vous regarderez la télévision, en voulez-vous, des annonces, des pilules, des produits naturels? Envoye par là! Puis les personnes âgées des fois ça ne prend pas grand-chose, hein? Ça doit être bon, hein, ça doit être bon. Bien, là, ils prennent des produits pharmaceutiques avec des produits naturels, ils mélangent ça. Là, ça vient faire un beau cocktail, puis, à un moment donné, bien, j'ai des crampes ici puis des crampes là.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. St-Jean. J'avais un petit commentaire peut-être au sujet, M. Roy, du calcul de revenu familial. Je ne suis pas insensible à cette question, au contraire, je représente la circonscription avec la deuxième plus importante concentration des personnes âgées, 65 ans et plus, au Québec, la deuxième plus importante concentration, et je suis très sensible à toutes ces questions.

On comprend, moi, je comprends très bien, le calcul, qu'est-ce que ça impose, le revenu familial pour la prime d'assurance médicaments. Par contre, je pense que la problématique est beaucoup plus large, plus vaste que simplement dans le calcul de la prime pour l'assurance médicaments, dans le sens suivant: il y a plusieurs avantages fiscaux et autres programmes sociaux de nature fiscale qui dépendent d'un calcul de revenu familial. Je pense aux mesures Soutien aux enfants, qui est basée sur un calcul de revenu familial, je pense au remboursement pour l'impôt foncier, qui est basé également sur un calcul de revenu familial. Il y a peut-être des choses à faire, je suis d'accord, mais je ne pense pas qu'on peut... en tout cas, moi, je trouve ça peut-être délicat de commencer à travailler ça en vase clos.

Je pense que, si on veut l'aborder, la question, il faut le faire avec une vue d'ensemble sur la fiscalité québécoise, la nécessité de procéder à des calculs de revenu familial pour plusieurs programmes, ce qui n'est pas impossible, mais c'est sûr que ça rend la tâche un peu plus complexe que simplement jouer sur un des éléments. Si j'ai appris une chose ici, à l'Assemblée nationale, en 11 ans, c'est que les choses qui paraissent plus simples ont parfois un effet sur d'autres éléments, et surtout en fiscalité. Quand on commence à modifier un élément, il y a des effets, des retombées parfois néfastes à d'autres mesures. Alors, on n'est pas insensibles à ça, mais je pense que ça mérite une réflexion un peu plus large au sujet de toute la fiscalité québécoise. Ça va?

Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Salembier, bienvenue, M. St-Jean et M. Roy. Alors, j'apprécie votre implication. Je sais que vous êtes des citoyens bénévolement engagés au sein de l'AQDR. Vous y étiez, M. Salembier, il y a quelques semaines à peine, sur le dossier du projet de loi n° 83 concernant l'hébergement des personnes âgées en résidence privée, notamment. Alors, je vous écoutais... C'est M. St-Jean qui êtes responsable, hein, du dossier du médicament?

M. St-Jean (Ronald): Oui, madame.

Mme Harel: Je vous écoutais et je me disais: Mon Dieu que ma mère serait contente! Elle, elle a 83 ans, et la première fois de sa vie qu'elle a fait remplir une prescription, c'était l'automne dernier. Alors, elle ne connaissait pas le fonctionnement du régime, là, il a fallu que je le lui explique. Cependant, on était très contents, lorsque mon père a présenté des troubles cognitifs importants, d'avoir le nouveau médicament sur l'alzheimer et puis en même temps, quand un grand ami à moi finalement a eu la sclérose en plaques, d'avoir ce médicament qui a pu, pendant quelque temps, faciliter sa vie. Alors, il est sûr qu'on est ambivalents. Vous l'êtes, on l'est, tout le monde l'est, ambivalent envers le médicament. On le veut quand c'est nécessaire, puis on voudrait s'en passer parce que c'est associé à la maladie, c'est bien évident.

Mais, dans votre mémoire, vous mentionnez que 13 %... voyons, vous nous dites qu'il y a chez les personnes de plus de 65 ans, à la page 3 de votre mémoire, 13 %... En fait, ça représente 13 % de la population, les personnes de 65 ans et plus, et elles consomment jusqu'à 40 % des médicaments sous ordonnance. Et les choses vont aller finalement en augmentant. Parce que la vraie cohorte des personnes âgées viendra surtout avec les baby-boomers, qui est ma génération. Alors, les 65 ans et plus vont constituer beaucoup plus que 13 %, ça va aller en augmentant constamment, du fait qu'on a un quatrième âge maintenant, qui est là à toute évidence. Entre 60 et 80, il y a autant de différence qu'entre 20 et 40 ou 40 et 60, et on s'attend à un cinquième âge.

Alors, dans ce contexte, j'aimerais beaucoup partager votre optimisme, M. Salembier, quand vous disiez tantôt: On va récupérer de l'argent, là, en quelque part. Mais le fait est qu'avec le vieillissement c'est le contraire, c'est qu'on va de plus en plus en dépenser, du fait même des chiffres que vous nous transmettez aujourd'hui, parce qu'une bonne partie finalement des médicaments sont consommés aux troisième, quatrième et cinquième âges.

M. Salembier (Henri): C'est vrai et c'est faux, dans le sens que je pense que toute la génération des baby-boomers qui arrive a peut-être un bilan de santé qui est meilleur que celui précédent pour plusieurs choses. Parce que, un, peut-être qu'il y a une génération qui prend des médicaments peut-être plus facilement, et il y en a même, je pense, des personnes qui cherchent à en prendre, des médicaments. Alors, c'est là que les actions des médecins sont importantes et des pharmaciens également, parce qu'on devrait... Et je pense que j'ai l'idée d'approcher, à un moment donné, M. le ministre concernant une campagne de sensibilisation qu'on devrait faire auprès de nos aînés, parce qu'on a peut-être plus les pieds dans la base comme telle que quand on fait une campagne de sensibilisation qui vient du gouvernement. Ça, c'est une chose. Et je pense aussi que, si on arrête... par une loi, on oblige les compagnies pharmaceutiques à arrêter de donner des cadeaux, à arrêter de donner des produits, parce qu'il y a quelqu'un qui paie ces produits-là, les produits qui sont donnés comme essai, là, alors, si on arrêtait ça, peut-être qu'on récupérerait encore là de l'argent. Je pense qu'il y a une espèce de cercle vicieux qui s'est fait, et il faut l'arrêter.

Mme Harel: Alors, le régime est ainsi fait qu'à 65 ans automatiquement tout le monde passe sur le régime public. N'est-ce pas?

M. Salembier (Henri): Non, pas nécessairement, madame.

Mme Harel: Non, pas automatiquement, vous avez raison, à l'exception des personnes qui souhaitent rester sur le régime privé. Mais le fait est qu'elles constituent à peine, je crois, 3 ou 4 %. Vous êtes au courant de tout ça?

À la page 5 de votre mémoire, alors vous dites qu'en fait la bonne solution, c'est: tout laisser aux compagnies ou tout prendre, donc tout privé ou tout public. Évidemment, si c'est tout privé, l'État ne pourra pas être juste un bar ouvert, en payant, il y aura aussi un contrôle. Et on revient finalement à la case départ, hein, d'une certaine façon, à savoir les primes, les franchises, à savoir les listes, la publication de listes de médicaments d'ordonnance, soit des listes générales ou des listes d'exception, etc., etc.

Mais est-ce que justement cette question, là, du financement à 65 ans, est-ce qu'elle vous apparaît, donc, chez vos membres... Par exemple, la plupart ne veulent plus continuer dans le régime privé parce que ça coûte trop cher, le régime public leur coûte beaucoup moins cher que le régime privé. Est-ce que je me trompe?

n(11 h 10)n

M. Salembier (Henri): Non, c'est réel. Et ce que vous apportez, c'est vrai, il y a peut-être 4 à 5 % des gens... Ce sont surtout les professions comme les professeurs, les infirmières qui gardent leur système parce qu'il est plus avantageux, à un moment donné, que celui qu'on donne.

Mme Harel: Vous savez que présentement il y a un drôle de phénomène qui se produit du côté des professions. Par exemple, de plus en plus, les professionnels, je pense aux avocats, le Barreau, en particulier ? puis, là, de plus en plus d'autres sont tentés de les imiter ? passent leurs membres au système public. Et donc le système public de plus en plus grossit, en fait.

M. Salembier (Henri): On a posé une question dans laquelle on a dit: Bon. Est-ce que ça devrait tout s'en aller au système privé ou tout s'en aller au système public? C'est beaucoup plus une question qu'on se posait que... Je pense que le système qu'on a présentement répond aux besoins des Québécois. Et je pense également qu'on peut modifier des choses. Si on veut protéger notre population, on ne peut pas l'envoyer nécessairement au système privé, parce qu'il y a un coût à ça, et de tout ramener au système public, il faudrait voir.

Mme Harel: M. Salembier, vous avez mentionné avoir déposé un mémoire en 2002, vous mentionnez le 25 mars, à l'hôtel Hilton, à Québec. Ce n'était pas sur le projet de loi étudié ici, en commission parlementaire, en 2002. Qui avait organisé cette consultation?

M. Salembier (Henri): Je ne me rappelle pas, je regrette, là.

Mme Harel: Je le dis dans le sens où il y a eu évidemment deux projets de loi, dont celui de 2002, la commission parlementaire a eu lieu. Il y a eu plusieurs jours de commission en mai, en juin. Mais, en mars, en fait, ça m'intéressait juste de voir quelle avait été, disons, la démarche à ce moment-là.

D'abord, c'est sûr que là il y a ce qu'on peut appeler un avant-projet de politique, on l'appellerait, dans la gouverne, si on utilisait les bonnes références, un livre vert. Un livre vert, ça, ça signifie que des choix sont à faire, que c'est encore ouvert. Parce qu'il y a peu de choix finalement dans ce qui nous est présenté là, il n'y a pas de choix précis.

Je vais vous donner un exemple. Est-ce que vous savez si la hausse du coût de médicaments va être au niveau de la hausse du coût de la vie? Il n'y a pas de décision de prise, pourtant c'était un engagement du gouvernement, il y a deux ans, pendant la campagne électorale. Ils l'ont écrit dans Partenaires pour la santé: «Limiter la hausse des coûts des médicaments assumés par les consommateurs ? prime, coassurance, franchise ? à la hausse du coût de la vie», à la page 149 du programme libéral électoral. Alors, ce n'est pas dans la politique. Ensuite: «Rétablir la gratuité des médicaments pour tous les prestataires de la sécurité du revenu et pour les aînés qui reçoivent le supplément de revenu.» Alors, ça n'est pas non plus dans la politique.

Donc, on peut penser que c'est un avant-projet, ça vaut aussi pour le dégel des prix. On dit qu'il va y avoir des ententes de partenariat, mais on ne dit pas que ça doit être à coût nul. Une politique, c'est quand on dit ce qu'on va faire puis comment on va le faire. Là, on pose le problème en nous donnant un éventail de ce qui pourrait être fait, mais sans nous indiquer ce que le gouvernement a choisi de faire. Ça s'appelle une consultation et sur un projet non pas de politique, mais en fait ce qu'on pourrait appeler de livre vert.

Ceci étant dit, pour vous, qu'est-ce qui est la priorité? Quand le gouvernement... Je ne sais pas si c'est à vous que M. Charest avait écrit ou à ATD Quart Monde. Je pense, moi, j'ai copie de la lettre de M. Charest sept jours avant l'élection, qui garantissait, promettait la gratuité de manière urgente, hein, urgent de rétablir la gratuité. Bon. Là, actuellement, ce que le projet de politique fait, c'est d'annoncer pour les personnes qui ont le supplément de revenu garanti maximal.

Alors, je regardais les chiffres, supplément de revenu garanti, sur l'ensemble des personnes âgées, c'est finalement 52 000 personnes. Mais, pour toutes les personnes âgées qui reçoivent le supplément mais de manière partielle, c'est 350 000, donc c'est 10 %, simplement. Il y a un autre 90 % à qui on a promis et qui finalement ne le connaîtront que, si, si, si, s'il y a des économies, lesquelles économies viendraient soit corriger la situation que vous décrivez avec force détails, là, dans votre mémoire ou soit... Parce que l'engagement, c'est de donner la gratuité, la gratuité à la fois à celles des personnes âgées qui reçoivent le supplément de revenu garanti et aussi aux prestataires. Est-ce que vous avez pu évaluer, grosso modo, là, le coût de la correction de la formule discriminatoire, là, que vous nous avez bien décrite, là, ce matin?

M. Roy (Michel): Oui, quelque peu, là. Je ne sais pas si ça va répondre à votre question. On pensait quand même que... Bien, peut-être pas vraiment la formule discriminatoire pour les couples ou pour les personnes seules. On a fait nos calculs, on arrivait probablement, avec ce qu'on sait, à 11 millions, pour simplifier la formule. Pour la partie discriminatoire, on ne l'a pas fait, mais ce serait quand même assez facile de faire déjà une première ébauche rapide, là, que des fonctionnaires pourraient perfectionner. Mais il me semble qu'il y a moyen de réaliser quelque chose assez facilement là-dessus.

Mme Harel: Alors, pour vous, ça apparaît la priorité en regard de la gratuité?

M. Salembier (Henri): C'est-à-dire que je pense qu'il faut aussi considérer... On parlait, nous autres, des aînés avec le supplément de revenu garanti. Parce qu'il faut aussi penser à une chose. J'étais au Forum des générations. À un moment donné, il faut regarder ce que le peuple du Québec est capable de payer aussi. À un moment donné, il y a une fin en quelque part. Je veux dire, on peut bien se payer une Cadillac, seulement, si on n'est pas capable de se la payer, qu'on est capable de se payer un Volkswagen, bien il va falloir faire des choix. Et, tout à l'heure, il va y avoir des choix de société.

Mme Harel: Le problème, M. Salembier, c'est d'avoir promis la Cadillac à la population. Je comprends parfaitement votre...

M. Salembier (Henri): Je ne voudrais pas embarquer au niveau de la politique, dans le sens que peut-être qu'on a découvert qu'à un moment donné on était plus pauvre qu'on pensait à la réalité. En tout cas, moi, je pense...

Mme Harel: On ne le savait pas avant puis on l'aurait su après.

M. Salembier (Henri): Oui, je pense. Il y a une autre chose peut-être que je voudrais attirer votre attention, c'est au niveau du symposium au mois de juin. Il y avait un médecin qui est un spécialiste de l'Université de Toronto, qui disait: Moi, je prends un médicament qui me coûte 0,01 $ par jour. Ils ont modifié le médicament, puis il coûte maintenant 1 $. Lui, parce qu'il était médecin, il savait que ça lui coûtait 0,01 $ pour le médicament et qu'on a... Alors, on modifie, à un moment donné, tout simplement des médicaments qui arrivent à terme, en ajoutant quelques petits composés, puis il devient un nouveau médicament. Alors, il faudrait peut-être regarder ça. Et également le même orateur disait: En Ontario, sur 100 médicaments, je pense que l'Ontario en accepte 20, 29, quelque chose du genre, et qu'on en a approuvé, nous autres, au Québec, 80. Alors, il y a peut-être un problème en quelque part.

Mme Harel: Je ne sais pas s'il y aurait intérêt ? je m'adresse au président ou au secrétaire de la commission ? peut-être d'avoir les chiffres, hein, d'avoir les chiffres exacts, là, des médicaments en Ontario, des médicaments au Québec, et puis de pouvoir les mettre à la disposition des membres de la commission, et de vous les faire parvenir, pour avoir des chiffres très, très exacts sur ces questions-là.

Dans votre mémoire ? je termine là-dessus ? vous dites ceci: «L'AQDR est [...] informée à l'effet que des gens, les moins nantis, coupent la dose de leurs médicaments pour allonger à deux mois leurs prescriptions faute d'argent. D'autres se privent de bien se nourrir pour faire l'acquisition des médicaments nécessaires à leur survie. Résultat: nouvelle visite à l'urgence, possiblement hospitalisation additionnelle. C'est une situation qui s'avère beaucoup plus dispendieuse pour le système de santé.» Alors, je lis ça du mémoire de l'AQDR, mais vous venez de nous dire autre chose, là, M. Salembier. Vous venez de nous dire: Il ne faut se payer que ce qu'on peut s'offrir.

M. Salembier (Henri): On a toujours des voeux pieux, je pense. Seulement, c'est sûr qu'on vise le maximum et peut-être pour atteindre une moyenne qu'on va être capable de se payer.

Mme Harel: Je comprends que pour vous c'est un voeu pieux, ce qu'on retrouve dans votre mémoire.

M. Salembier (Henri): Que?

Mme Harel: Pour vous, c'est un voeu pieux, ce qu'on retrouve à la page 3 de votre mémoire?

M. Salembier (Henri): Pas nécessairement. Seulement, je veux dire... Ronald pourrait peut-être vous répondre.

n(11 h 20)n

M. St-Jean (Ronald): Pour répondre un peu à votre question, Mme Harel, je demeure pas très, très, très loin de votre comté. Mon comté, officieusement c'est Montréal-Nord, le comté de Mme Line Beauchamp. Et Montréal-Nord est calculée comme plus ou moins la pauvre dans toute la province en ce qui concerne les personnes âgées et détresse, choses et autres. Et, à Montréal-Nord, effectivement, je reçois des commentaires à l'effet qu'à chaque fois que les médicaments augmentent ils disent: Il n'y a pas seulement les médicaments, tout à l'heure c'est le transport, c'est d'autres choses, d'autres choses, on reçoit à peu près 1 % du fédéral, ça nous en coûte 4 %, 5 %. La disparité entre le pauvre et le riche s'élargit d'année en année. Alors, lorsqu'ils viennent nous voir: Qu'est-ce que vous êtes capables de faire, à l'AQDR? La seule chose, c'est de rencontrer les gens du gouvernement, exposer vos doléances en espérant qu'ils vous écoutent.

Comme de raison, peut-être, sur 10 personnes, il y en a deux qui sont peut-être démunies, pauvres ou à 12 500 quelques. Les huit autres au-dessus, ça, ça va bien. Je suis à ma pension et je suis capable, disons, de payer mes assurances. Il n'y a pas de problème. Mais je regarde tout le temps les personnes démunies, c'est eux autres qu'on essaie de protéger le plus possible. Ce n'est pas des reproches qu'on fait au gouvernement quel qu'il soit, nonobstant la couleur, c'est des constatations. Les constatations, lorsqu'on fait nos rencontres, ils reviennent tout le temps avec la même chose: Le gouvernement fait quoi? Toujours bien prêt à leur répondre, je peux bien dire: Ils ne font rien ou ils font tout. Là, l'argent, on n'a plus d'argent. Toutes les raisons sont toutes là, puis vous avez tous raison, en avant. Il s'agit, à un moment donné, de trouver un juste milieu en quelque part plus équilibré pour aider les démunis. Quand je parle des démunis, là, ce n'est pas les 65 ans et plus, je parle de toute la société en général, les pauvres, appelez-ça de même, on est poli, on dit «les démunis», mais tous les pauvres de la société. La séparation entre le bien nanti et le moins, le fossé s'élargit, puis on s'en va tout le temps en le grandissant. On n'est même pas capable de l'équilibrer.

Mme Harel: Vous avez bien raison, avec les hausses, entre autres, de coût d'électricité, les hausses de tarifs de transport en commun, c'est certain que ça joue beaucoup, là, sur des revenus qui sont plus stables, là, mais que l'écart s'accroît. Je crois que M. Roy voulait...

Le Président (M. Copeman): M. Roy, allez-y.

M. Roy (Michel): En complément de réponse à Mme Harel, à votre question tantôt de formule discriminatoire pour les couples, je regarde le tableau, là, puis j'ai retrouvé une réponse qu'on peut vous donner, pas globale mais partielle. C'est: toutes les personnes en bas de 10 000 $ ne sont pas touchées par cette clause-là, et toutes les personnes en haut de 20 325 $ ne sont pas touchées non plus. Donc, c'est l'écart de ces personnes-là qui serait touché par la clause discriminatoire. Il s'agirait de fixer le nombre de personnes dans chaque cas de revenus pour trouver le nombre de millions en cause.

Mme Harel: Bien, je vous remercie, M. Roy. Merci.

Le Président (M. Copeman): En ce qui concerne votre demande, Mme la députée, la commission ne dispose pas de ces chiffres-là par rapport à l'Ontario, là. Si quelqu'un a un document qu'on souhaite déposer, bien on va le déposer, là, mais je ne peux pas inventer des documents, là.

Mme Harel: Non. Mais je pense bien que les chiffres de M. Salembier ayant été déposés au symposium, on pourrait au moins faire la demande pour les obtenir.

Le Président (M. Copeman): Mais, si quelqu'un au moins nous donne une indication où trouver ces chiffres-là, on va évidemment faire l'effort de le faire. M. Salembier, vous indiquez qu'ils faisaient partie d'une présentation devant le symposium? C'est bien ça?

M. Salembier (Henri): Oui. Disons que ce que je vous donnais tout à l'heure, c'est un conférencier qui venait de l'Université de Toronto, qui était un médecin, et qui nous disait ces chiffres-là. Seulement, je pourrais les retrouver et, à un moment donné, je pourrais vous donner...

Le Président (M. Copeman): En tout cas, c'est ça.

M. Salembier (Henri): Et je pourrais vous envoyer, M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Absolument. Et, nous, on va s'assurer de la diffusion du document.

Alors, M. Salembier, M. Roy, M. St-Jean, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission au nom de l'AQDR.

Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association canadienne du médicament générique à prendre place à la table.

Mais je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

 

(Reprise à 11 h 33)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association canadienne du médicament générique.

J'ai cru comprendre que c'est M. Goulet qui va en tout cas débuter la présentation. Alors, M. Goulet, je vous rappelle ? et messieurs ? nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Je vais vous prévenir rendu à 18. Ça va vous donner deux petites minutes pour faire votre conclusion. Et, sans plus tarder, je vous prierais, M. Goulet, de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Association canadienne du
médicament générique (ACMG)

M. Goulet (Jean-Guy): Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Bonjours, mesdames et messieurs, membres de la commission. Je tiens tout d'abord à vous remercier de bien vouloir entendre l'industrie des médicaments génériques, que je représente.

Comme vous le mentionniez, M. le Président, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à mon extrême gauche, M. Morris Goodman, qui est président du conseil et fondateur de Pharmascience, et je pense qu'il est membre de votre comté, M. le ministre, je crois bien; M. Jim Keon, à ma droite, ici, président de l'Association canadienne du médicament générique, mieux connue sous l'acronyme ACMG pour lequel je vais faire référence dans mon texte; À ma gauche immédiate, M. Yves Dupré, directeur exécutif pour le Québec de l'ACMG; et, à mon extrême droite, M. Mario Deschamps, président de Pharmascience; et, moi-même, Jean-Guy Goulet, président du conseil de l'ACMG et président et chef des opérations de Ratiopharm.

Je tiens en outre à souligner la présence derrière moi de dirigeants de plusieurs fabricants de compagnies génériques, dont M. Richard Barbeau, président d'Apotex Québec; M. Barry Fishman, vice-président principal de Novopharm; le Dr Frank Heidemann, président et chef des opérations de RhoxalPharma; et Terry Fretz, président de Cobalt Pharma.

Cette participation en grand nombre des dirigeants des principaux fabricants de médicaments génériques au Québec et au Canada témoigne éloquemment, je crois, de l'importance que nous accordons au projet de politique du médicament qui nous a été soumis.

Vous me permettrez, M. le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet, de corriger certains préjugés tenaces au sujet des médicaments génériques et que j'aime bien adresser. Le premier et probablement le plus répandu, c'est que les fabricants de génériques sont tous des Ontariens. Eh bien, c'est faux, je peux vous dire que... En fait, sept de nos 20 membres, dont plusieurs sont présents ici, aujourd'hui, ont leurs sièges sociaux au Québec. Ils soutiennent ensemble plus de 2 500 emplois de qualité et participent activement à la vie économique du Québec tant au niveau de l'implication dans leur milieu respectif qu'au niveau des taxes et des impôts versés, des mandats confiés aussi à divers sous-traitants du Québec.

Deuxième préjugé, également bien ancré malheureusement, c'est celui qui veut que les fabricants de génériques ne fassent pas de recherche et de développement. Ce préjugé est aussi faux. Nos membres consacrent en moyenne 15 % de leur chiffre de vente à la recherche et au développement. Pour fins de comparaison, rappelons que les fabricants de médicaments d'origine ne consacrent que 8,8 % de leur chiffre d'affaire à la recherche et au développement.

Un autre préjugé, qui tend à s'estomper toutefois, c'est que les génériques ne sont que des copies de piètre qualité. Évidemment, c'est faux. En fait, comme vous le savez certes, M. le Président, les médicaments génériques sont soumis aux mêmes règles sévères de Santé Canada que tous les autres médicaments. D'ailleurs, ils sont exportés dans plus de 120 pays, où ils jouissent d'une réputation enviable.

Enfin, un autre préjugé veut que la croissance des ventes de génériques entraîne irrémédiablement la disparition des médicaments d'origine. Eh bien, c'est faux, totalement faux, M. le Président. La réalité est tout autre. La part des génériques dans le marché du Québec n'est que de 12 % en termes de dollars, alors que celle des médicaments d'origine est de 88 %. Même si vous décidiez de retirer la controversée règle de 15 ans, que nous avons entendue un peu plus tôt, on pourrait imaginer que les génériques gagnent tout au plus quelques points de pourcentage, les médicaments d'origine dominant toujours et très largement le marché.

Signalons au passage, M. le Président, que l'utilisation des génériques en tant que part de marché au Canada est de 16 %. En excluant le Québec, la part de marché des génériques serait de 18 %. Si le Québec avait le même niveau d'utilisation, il économiserait ainsi 200 millions de dollars qui viendraient s'ajouter aux 300 millions que les génériques font déjà économiser annuellement aux Québécois et aux Québécoises.

Nous comprenons parfaitement la volonté du gouvernement de réaliser des économies et de réduire les coûts. Nous contribuons déjà, comme nous venons de le signaler, à une économie de 300 millions de dollars annuellement. Nous assumons de plus des frais de distribution de plus de 11 millions de dollars. À noter que c'est le contraire pour les médicaments d'origine: le gouvernement du Québec paie les frais de distribution des médicaments d'origine, qui occupent la très grande partie de la part de marché, ce qui coûte au gouvernement, selon le mémoire, tout près de 80 millions de dollars annuellement. Et c'est sans compter les dizaines de millions que nous investissons en recherche clinique auprès des fournisseurs québécois. Non, M. le Président, les génériques ne constituent pas un problème, au contraire, ils font partie de la solution.

Venons-en au projet de la politique. Nous avons noté avec satisfaction que vous avez retenu notre suggestion d'inscrire plus rapidement les génériques au formulaire et que la politique aborde, pardon, un peu plus loin une solution originale très prometteuse, nous semble-t-il.

n(11 h 40)n

En effet, l'agence indépendante proposée offre plusieurs avantages qui méritent un examen plus attentif. Le projet de politique de médicament est avare de détails sur l'agence en question. Toutefois, l'ACMG comprend que votre vision d'une telle agence s'articule autour des points suivants: que le directeur exécutif de l'agence soit nommé par le gouvernement du Québec; que le conseil de supervision non administratif de l'agence soit composé d'un petit nombre de personnes, peut-être quatre, avec une représentation de l'industrie du médicament générique, du gouvernement et des autres intervenants de la chaîne d'approvisionnement; et que le directeur exécutif de l'agence en soit membre d'office.

Et nous comprenons que la responsabilité de l'agence serait définie comme suit. L'élaboration d'un code de pratiques de marketing acceptable qui régirait la façon dont les fabricants de médicaments génériques peuvent commercialiser leurs produits auprès de leurs clients. Une vérification des livres des fabricants de médicaments génériques sur une base régulière afin de s'assurer de la conformité avec le code des pratiques de marketing acceptable. Il serait proposé que les pénalités pour non-conformité soient sévères. Il est certain que, du point de vue de l'ACMG, le retrait du produit d'une société du formulaire pharmaceutique provincial ne serait pas une pénalité déraisonnable, spécialement pour une infraction répétée. La gestion d'un budget qui serait utilisé à des activités éducatives et d'autres services publics reliés à un usage responsable des médicaments d'ordonnance. Ces activités seraient mises sur pied conjointement avec les représentants du gouvernement et ne seraient pas considérées comme des fonds promotionnels pour l'industrie des médicaments génériques. Le conseil d'administration de l'agence approuverait ces activités sur une base annuelle. Le financement de telles activités ferait partie du budget annuel de l'agence, et aussi la publication d'un rapport public sur une base annuelle.

Nous sommes, M. le Président, prêts à avancer dans cette direction et accueillons favorablement la perspective de travailler en concertation dans un environnement mieux réglementé. Mais il y a un préalable fondamental. Il faut mettre cette agence en place, lui donner le temps d'élaborer un code de pratiques commerciales et d'asseoir solidement les bases d'une saine concertation avant de procéder à une coupure de prix des médicaments génériques. En effet, la proposition de réduire de 14 % le prix des médicaments génériques est extrêmement étonnante et très dommageable pour notre industrie. Étonnante, dans ce sens que nous avons beaucoup de difficultés à comprendre comment une coupure dans le marché des génériques, qui ne représentent que 12 % du marché, et une augmentation dans 88 %, celui du marché des médicaments d'origine, peut se justifier. Nous sommes, vous le comprendrez, très perplexes. Et dommageable parce qu'une telle réduction aura, il ne faut pas en douter, un effet domino dans le reste du Canada. Nous estimons qu'une réduction de prix de cet ampleur sur l'ensemble des produits signifie pour notre industrie une perte de 350 millions de dollars, ce qui correspond presque exactement au total de nos ventes au Québec.

Et, même si la réduction ne s'appliquait qu'à quelques produits, chacun des fabricants devrait se demander s'il est toujours rentable d'inscrire un nouveau générique au formulaire du Québec. Si, bien entendu, le gouvernement choisit de donner un solide coup de hache dans nos prix, nous ne pourrons ni supporter l'agence ni continuer d'assumer les frais de distribution des médicaments. Nous croyons même que cela pourrait sérieusement mettre en péril les plus fragiles d'entre nous et probablement entraîner le retrait de certains produits au formulaire.

Par contre, nous avons la conviction qu'une fois ladite agence mise en place le gouvernement se sentira suffisamment en confiance pour abandonner l'actuel engagement du fabricant. Comme nous l'avons très souvent fait valoir, cet engagement est abusif en soi, nous nie toute possibilité de concurrence et envoie aux tribunaux ce qui devrait se régler entre intervenants responsables, ce que nous sommes. Nos membres sont décidés à investir énergie et argent dans un partenariat avec le gouvernement du Québec, qui respecte la réalité commerciale dans laquelle nous vivons, et ce, pour le bénéfice de tous.

En terminant, permettez-moi de revenir sur la controversée règle de 15 ans. Nous savons qu'il y a une volonté de la maintenir, mais nous demeurons convaincus qu'une telle subvention versée à des entreprises qui n'en ont nul besoin est très onéreuse pour le gouvernement et pour les contribuables. Permettez-moi de rappeler qu'en 2004 elle aurait coûté plus de 75 millions de dollars aux contribuables et atteindra les 100 millions de dollars d'ici peu. Mais nous n'insisterons pas, si ce n'est que pour réitérer que cette règle est nuisible à tous, les contribuables, le gouvernement et les fabricants de médicaments génériques.

Je me permets de répéter, M. le Président, que l'industrie des génériques souhaite travailler en partenariat avec le gouvernement. Nous sommes d'accord avec plusieurs de vos propositions, et en particulier avec la création d'une agence indépendante. Nous insistons toutefois pour que cette agence soit créée avant que toute décision de couper les prix sur les génériques soit faite. Nous ne demandons ni privilège ni passe-droit. Nous voulons simplement être reconnus pour ce que nous sommes: une part de la solution aux coûts croissants des médicaments au Québec. Je vous remercie de votre attention, et nous sommes disponibles, moi et mes collègues, à répondre à vos questions du mieux que nous le pourrons.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Goulet. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Goulet, M. Keon, M. Deschamps, M. Goodman et M. Dupré pour votre visite aujourd'hui, une des visites les plus importantes. Elles sont toutes importantes, mais votre visite est parmi, je dirais, les points importants des travaux de notre commission parce qu'elle permet de toucher plusieurs points excessivement importants dans la stratégie, non seulement la stratégie d'accès aux médicaments, mais la stratégie, on pourrait dire, économique au Québec en ce qui a trait à l'industrie biopharmaceutique.

Et je commencerais par dire qu'il s'agit d'une stratégie d'équilibre. Lorsque je faisais tantôt, avec les intervenants précédents, l'exposé de ma perception, ou de notre, plutôt, perception de la nécessité de générer la prospérité pour ensuite la redistribuer, lorsqu'on parle des industries biopharmaceutiques, c'est toujours dans un souci d'équilibre entre l'industrie d'innovation et l'industrie générique, et non pas aux dépens de l'industrie générique. Et certains économistes nous mentionnent même que, sur le plan de la planification économique à long terme, il serait probablement stratégique pour le Québec de se doter et continuer à se doter d'une solide base d'industrie générique, comme ce qu'on a actuellement chez nous, et on veut que ça continue comme ça. Et on ne partage pas non plus le préjugé que vous avez mentionné de la piètre qualité des médicaments. C'est quelque chose qui est sujet à des mécanismes d'inspection assez rigides, comme vous le savez très bien, et ce n'est pas notre opinion.

Cependant, il faut quand même dire que, malgré l'écart qui existe entre le Québec et le reste du Canada, que nous reconnaissons, la part des médicaments génériques sur le plan du nombre d'ordonnances et des coûts a augmenté au cours des dernières années. Je donne au public quelques exemples, et qui sont contenus d'ailleurs dans notre document, que vous avez, les collègues, sur le survol du régime général d'assurance médicaments. En termes du nombre d'ordonnances, les génériques sont passés de 39 % à 44 % entre 2000 et 2003, et, en termes de pourcentage de coûts, de déboursés, de 12,5 % à 13,7 %. Donc, il y a une progression de l'utilisation des génériques, certainement pas au niveau que vous souhaiteriez observer, mais une progression de ce côté. Et notre suggestion d'accélérer, lorsque c'est légalement possible, la mise en marché et la disponibilité des génériques sur la liste devrait contribuer à continuer à augmenter ce pourcentage.

Parlons de la fixation des prix, parce que c'est un élément qui est majeur dans votre exposé, c'est une question assez complexe pour les citoyens qui nous écoutent. Si je la résumais, vous me direz si ma description est correcte, on se base essentiellement sur un concept de moyenne canadienne, on se situe actuellement, je pense, autour de 64 % par rapport à l'innovateur à la moyenne canadienne...

M. Goulet (Jean-Guy): 63 %.

M. Couillard: 63 %, entre le premier générique qui est plus élevé puis le deuxième ou troisième générique pour la même molécule qui est plus bas. Bon. Et la raison pour laquelle on fait ce mouvement de diminution de ce pourcentage-là, c'est essentiellement qu'on nous fait observer ailleurs que l'écart des prix entre le Canada et les États-Unis pour les génériques est trop grand et qu'il faut le rétrécir; et qu'à l'inverse, paradoxalement, on nous dit qu'on ne paie pas assez cher pour les innovateurs, alors que certainement vous n'êtes pas entièrement d'accord avec cet énoncé-là, c'est ce que certains économistes nous disent. Et il serait intéressant, en passant, de voir quelle opinion vous avez de cet écart Canada?États-Unis depuis les dernières fluctuations du dollar. Comment est-ce qu'on se situe actuellement en termes de cet écart-là? Pourriez-vous nous éclairer sur cette question?

M. Goulet (Jean-Guy): Oui. Merci de la question, une très bonne question. Je pense que c'est un sujet... Fréquemment, on entend, on se fait poser la question, la différence de prix entre le Canada, les États-Unis et d'autres pays. D'entrée de jeu, dans un premier temps, je peux mentionner que, dans le cadre d'un contrôle de coûts grandissants dans l'enveloppe médicaments, nous sommes certains que les génériques ne sont pas la cause de cette augmentation de coûts là, nous offrons les produits à moindre coûts.

Donc, une utilisation plus accrue des médicaments génériques au Québec, pour revenir à ce que je mentionnais dans notre exposé... Nous faisons actuellement économiser pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises 300 millions de dollars, c'est l'utilisation qu'on en fait lorsqu'on regarde la part de marché. Et ce qu'on mentionnait aussi: si le Québec avait la même part de marché que le reste du Canada, ce serait des économies additionnelles de plus de 200 millions de dollars.

n(11 h 50)n

Donc, ce qu'on mentionne, c'est de s'assurer, si on veut être capable de contrôler les coûts grandissants dans les systèmes de santé... On parle d'une utilisation judicieuse du médicament. Évidemment, l'utilisation plus accrue du générique sauverait ça. En ce qui a trait plus spécifiquement donc... on est certain, on croit sincèrement que cette augmentation-là de coûts n'est pas tributaire au médicament générique.

En ce qui a trait à la comparaison du Canada versus les autres pays, il y a une multitude, une foule d'études, que j'ai ici, qui ont été faites, qui comparent les prix du générique, et certaines études vont mentionner que les prix au Canada sont plus élevés, d'autres études vont mentionner que les prix des génériques sont plus faibles. Et, même dans votre mémoire, dans la politique qui a été déposée, on en fait part aussi qu'il est très difficile de pouvoir comparer. Et je pense qu'une des faiblesses dans ces comparaisons-là, c'est qu'on a beaucoup de sources de données qui sont très disparates et elles donnent, par défaut, des résultats qui sont très variés.

Donc, répondre à votre question: Nous ne croyons pas que nos prix sont plus élevés que tout autre marché. Je pense que nous avons un juste prix et que le prix que nous avons actuellement offre des économies appréciables dans le réseau et pour le réseau de la santé.

M. Couillard: Est-ce que je comprends, M. Goulet, cependant que vous n'avez pas d'objection de principe pour qu'il y ait un mouvement de diminution ? on verra l'ampleur ? mais que vous voudriez que ce soit précédé par l'instauration de l'agence?

M. Goulet (Jean-Guy): Ce qu'on veut comprendre, c'est le modèle d'affaires. Entendons-nous. Vous proposez la création d'une agence. On parle aussi de la possibilité, pour notre industrie, de financer cette agence. On parle aussi de la possibilité de mettre en place des programmes pour lesquels nous pourrions contribuer, pour lesquels ils seraient gérés par cette agence, dans le but de faire la promotion. Et ça, nous sommes prêts à travailler avec vous, avec le gouvernement, M. le Président, pour vous aider. Donc, de ce fait, on veut comprendre le modèle d'affaires et par la suite, ayant une bonne donnée, de pouvoir parler après d'ajustement de prix, de parler de juste prix à ce moment. Actuellement, il y a trop de variables et pas assez d'équations pour nous permettre une réponse éclairée par rapport à ça.

M. Couillard: Puis, quant à l'écart ? j'y reviens brièvement ? entre le Canada et les États-Unis, vous avez raison. Et les études ne sont pas unanimes à cet effet. Sur cinq, je pense qu'il y en a trois qui disent que c'est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, deux qui disent que c'est l'inverse. Alors, il s'agit de faire l'arbitrage, et ce n'est pas évident de faire l'arbitrage dans ce genre d'études économiques là.

M. Goulet (Jean-Guy): Nous, on en a quatre, et pour lesquelles deux disent qu'on est plus haut, deux disent qu'on est plus bas, et une cinquième qui fait l'analyse de ces quatre et qui dit qu'il est impossible de comparer les prix, car les données sont tellement... il y a tellement de variables. Alors, c'est très difficile pour nous. Ce qu'on sait toutefois, encore une fois, c'est que les prix que nous avons, basés à 63 % du prix d'un médicament innovateur, qui est le prix d'entrée après une deuxième vague... En moyenne, nous vendons 40 % à 50 % moins cher nos produits et nous croyons que c'est un juste prix.

M. Couillard: Comment est-ce qu'on explique la différence de consommation de génériques au Québec par rapport au reste du Canada? Évidemment, la réponse facile et rapide, c'est de dire: la règle de 15 ans. C'est un des facteurs, mais est-ce qu'il n'y a pas d'autres facteurs qui s'ajoutent à ça, sur le plan du comportement des prescripteurs, des facteurs sociaux, des facteurs culturels chez les patients eux-mêmes également?

M. Goulet (Jean-Guy): Bien, je dirais que, plusieurs d'entre nous, on opère dans des secteurs de marketing, et, historique, le Québec est différent des autres marchés, dans ce sens que le marché du Québec est un marché qui est très fidèle à la marque. Vous avez les marques, pour ne pas les nommer, Choix du Président, les marques sans nom, et même ces bannières-là ont eu de la difficulté à pénétrer le marché. Le marché du Québec est un marché qui est propre à la marque, donc, je vous dirais, en partie.

Et évidemment la politique du 15 ans, la règle du 15 ans, effectivement c'est systémique. Alors, je peux vous répondre: On a certains produits pour lesquels les brevets expirent. Nous avons une part de marché de l'ordre de 60 %, 70 % lorsque le brevet a expiré à l'extérieur du Québec. Pour ce même produit, qui est toujours protégé par la politique du 15 ans, nous avons une très faible part de marché. Et spontanément, lorsque la politique du 15 ans expire, les prescriptions maintenant se déplacent vers le marché générique tout simplement parce que l'État ne rembourse, à ce moment-là, que le prix le plus bas. Alors, c'est systémique.

Tant que l'État n'impose pas le remboursement du prix le plus bas, la substitution ou la prescription ne se déplace pas vers le générique, d'où la base de données pour laquelle on calcule que maintenant cette politique du 15 ans coûte 75 millions à l'État. Nous mentionnions que très bientôt elle coûtera 100 millions à l'État. Et je m'explique pour ça, parce que je pense que c'est important de bien comprendre. C'est parce qu'on a plusieurs produits pour lesquels les brevets vont expirer au cours des prochaines années. Il y a tout près de 1 milliard de dollars de produits innovateurs qui vont expirer au cours des prochaines années. Alors, il va y avoir des médicaments génériques qui vont être disponibles pour l'ensemble du Canada. Le Québec ne pourra pas ou ne profitera pas de ces économies, alors ces différences de coûts viendront s'ajouter.

Alors, cette politique du 15 ans est une variable. Ce n'est pas une donnée que vous contrôlez, ça dépend des lancements de produits, ça dépend des expirations de brevets. Alors, vous définissez une politique, vous avez un budget, malheureusement cette donnée-là est variable, c'est une variable dans votre modèle. Alors, ce qu'on croit: cette politique du 15 ans là, elle est très coûteuse pour l'État.

Alors, aussi, l'autre aspect de cette politique du 15 ans ? on était là, pour plusieurs d'entre nous, à l'époque: pour quelle raison cette politique du 15 ans là avait été mise en place, au milieu des années quatre-vingt-dix. Ma compréhension était que le gouvernement voulait ou était d'accord avec l'argument de nos collègues innovateurs, qu'on devrait avoir à peu près 15 ans d'exclusivité commerciale. Je pense que votre politique du 15 ans a été dessinée de cette façon. Alors, aujourd'hui, Santé Canada et IMS nous indiquent que, à la fin de 2004, pour les 15 dernières années, la moyenne d'exclusivité commerciale des compagnies innovatrices a été tout près de 14 ans. Alors, les compagnies innovatrices ont cette exclusivité commerciale de tout près de 14 ans, alors à se questionner pourquoi avoir cette politique du 15 ans.

En 2004, les Américains ont modifié leur loi de brevets. Au niveau fédéral, si on parle brevet, on comprend bien que ce n'est pas des compétences pour le provincial mais au fédéral, mais, quand même, c'est un choix que le Québec a fait de dire: Nous allons donner une exclusivité commerciale, du moins payer pendant cette période-là. Aux États-Unis, l'exclusivité commerciale, le président Bush a mentionné 11 à 12 ans. Donc, le Canada est en avance au niveau de l'exclusivité commerciale, comme je le mentionnais: tout près de 14 ans.

Alors, si on revient à l'essence même de la règle du 15 ans, pourquoi cette règle-là a été mise en place, alors c'était pour donner 15 ans. Maintenant, nous sommes rendus à 14 ans, alors pourquoi avoir cette règle de 15 ans? Et pourquoi avantager un secteur, à l'intérieur de la fameuse grappe pharmaceutique, je me souviens, que nous avions à l'époque? Bien, là, pourquoi favoriser un secteur au détriment d'un autre?

Ce qu'on dit, c'est... J'aime votre expression, M. le ministre, d'équilibre, nous sommes tout à fait d'accord à l'équilibre, et c'est de trouver ce balancier, et ça se déplace à chaque fois. Ce qui était en 1994 est différent en 2004. Et on croit que ce balancier-là a bougé et maintenant que la pertinence à garder cette politique du 15 ans n'est plus valable. Et je pense qu'un des outils principaux du Québec, c'est d'avoir les crédits d'impôt. Je pense que, le Québec, si on l'isole, partout au monde, c'est l'endroit où est-ce que les crédits d'impôt sont les plus généreux. Et c'est une des raisons pourquoi il y a beaucoup de recherche et de développement, et c'est la raison pour laquelle notre industrie aussi fait beaucoup de recherche et développement ici, au Québec.

M. Couillard: Bien, là-dessus, c'est certain que c'est un débat important, mais je voudrais réitérer ce que j'ai dit un peu plus tôt. C'est que les études faites par le ministère des Finances et leurs collaborateurs montrent quand même que les retombées économiques financières pour le Québec dépassent le coût de la mise en place de la règle de 15 ans de plusieurs dizaines sinon centaines de millions. Sur le plan des chiffres, ce serait intéressant d'avoir vos bases de référence pour le coût de la règle de 15 ans, que vous évaluez à 75 à 100 millions. Nos chiffres sont plutôt de l'ordre de 35 à 40 millions. Alors, si vous pouviez nous communiquer votre analyse, ce serait intéressant.

M. Goulet (Jean-Guy): Absolument, oui, absolument.

M. Couillard: Et pourquoi favoriser l'industrie de l'innovation? J'expliquais plus tôt qu'on veut faire un équilibre. Il ne s'agit pas de nuire à l'industrie générique, mais cependant notre analyse, c'est que l'industrie de l'innovation comporte une dimension de valeur ajoutée en termes de développement de produits originaux qu'il est important de conserver au Québec. Ça ne nie pas le fait que vous faites également de la recherche et du développement, dans les applications cliniques de vos produits surtout, mais il s'agit de deux dimensions différentes, et je crois qu'il faut avoir un sain équilibre entre les deux. Et je répète encore que ce seuil d'équilibre doit également comporter la présence et la persistance, au Québec, d'une industrie générique. Lorsqu'on parle d'une industrie pharmaceutique dynamique, c'est un concept d'équilibre entre l'innovation et l'industrie générique.

n(12 heures)n

Un mot sur l'engagement du fabricant, qui est pour moi une des propositions essentielles de ce projet de politique du médicament parce qu'il permet de formaliser des engagements précis par rapport à l'utilisation optimale, par rapport aux pratiques commerciales, par ailleurs, et ça nous donne un outil extrêmement précieux à vous, l'industrie, et nous, le gouvernement, d'entériner de façon très formelle une entente commune sur la signification de ce concept-là. Parce que j'ai déjà dit ça à des membres de l'industrie qui ne sont pas à la table, ici, d'autres personnes, où on parle beaucoup de partenariat, et, nous, on veut être des partenaires avec l'industrie pharmaceutique. Mais définissons ce qu'on veut dire par partenariat, c'est ce que je leur indiquais avec une franchise parfois difficile mais qui m'apparaît essentielle. J'ai dit: Si vous dites, par exemple, que vous vendez 40 ou 50 millions du produit x, en sachant que 20 millions sur le 40 ou 50 millions est d'une utilisation non optimale, la définition du partenariat me semble difficile, il faut qu'on s'assoit ensemble et qu'on dise c'est quoi, le partenariat.

Et, moi, j'aimerais entendre votre opinion là-dessus, ce concept d'une utilisation optimale véritablement définie et véritablement exprimée, notamment dans les stratégies de marketing. Et je ne vous cacherais pas que, moi, ce qui me... le terme «irriter» est peut-être trop fort, mais ce qui me dérange toujours, lorsque j'ouvre L'Actualité médicale, qui est mon ancien périodique de pratique professionnelle, est que je vois parfois des annonces de produits pharmaceutiques, qui ne sont pas uniquement, en passant, des produits génériques, qui sont en contradiction avec des principes d'utilisation optimale sur lesquels pourtant on s'est entendus. J'ai de la difficulté avec ça. Il me semble que c'est pour ça qu'on a besoin d'un engagement formel, et l'engagement du fabricant me semble un excellent outil, autant pour nous, le gouvernement et l'État représentant les contribuables, que pour vous, l'industrie.

M. Goulet (Jean-Guy): En ce qui a trait à l'utilisation optimale, juste pour peut-être mettre dans le contexte l'industrie des médicaments génériques dans ce sens, en ce qui a trait à décider que la politique détermine que nous allons passer par une stratégie de première ligne, de deuxième ligne au niveau de la prescription à l'intérieur de certaines classes thérapeutiques, je pense que, comme industrie générique, il faut bien comprendre que d'emblée on n'initie pas la prescription. Alors, comme industrie, nous, notre marché où nous travaillons, nos partenaires, nos clients se situent au niveau de la pharmacie. Alors, lorsque le choix... ou, s'il y a une décision, lorsque le prescripteur décide de choisir le produit A ou le produit B à l'intérieur d'une classe thérapeutique, qui influence ce jugement, qu'il soit médiatique, qu'il soit par une rencontre autodidacte ou... et ça, pour ça, notre industrie, on n'intervient pas à ce niveau-là dans la chaîne d'approvisionnement.

Alors, une fois que la décision du prescripteur est faite, à savoir est-ce que le nom qu'on marque à l'intérieur d'une classe thérapeutique, le produit a un équivalent générique ou pas ? prenons cet exemple ? s'il n'y a pas d'équivalent générique, alors le coût dans le réseau descend jusqu'à la pharmacie, et finalement ce produit est remboursé, l'industrie générique n'est pas présente à ce niveau-là. Lorsque la décision du prescripteur est d'inscrire un produit pour lequel existe un médicament générique, à ce moment les professionnels de la santé... la prescription arrive au niveau du pharmacien, et c'est à ce moment-là... Nous, lorsque le brevet est expiré, nous sommes ici huit ou neuf compagnies dans plusieurs des cas, plusieurs produits, il y a neuf équivalents de ce même produit qui est vendu au même prix, qui est vendu à la même forme et couleur, qui est vendu de la même qualité et qui est vendu dans le même pot. Alors, évidemment, le pharmacien, lui, fait son choix et fait un choix avec quel partenaire générique il veut faire affaire.

Alors, pour répondre à votre question, en ce qui a trait à l'utilisation optimale, pour nous, une fois que la décision est prise, nous n'influençons pas cette décision. Ce que nous faisons, c'est, lorsque nous le pouvons, si un générique existe, nous pouvons offrir un produit à moindre coût et, de ce fait, aller générer les économies à l'intérieur du réseau. C'est notre contribution en ce qui a trait à l'utilisation optimale. Nous supportons ces positions-là. Peut-être que j'ai mal compris votre question, je vois Mme Gagnon...

M. Couillard: Non. Vous êtes dans le bon domaine, là. Par contre, il faut dire également qu'à moins que le médecin n'inscrive sur sa prescription «pas de substitution» il est toujours possible pour le pharmacien au comptoir de suggérer au client un générique plutôt que le médicament prescrit. Il y a de nombreux exemples quotidiens, au Québec, là-dessus.

M. Goulet (Jean-Guy): Absolument, et on est tout à fait... Et ce que je mentionnais, juste pour être sûr, ce que je mentionnais, c'est: La substitution va se faire et se fait, mais si le brevet est expiré ou s'il y a un équivalent générique. Je veux juste être clair si je me suis exprimé différemment.

M. Couillard: Vous avez parlé de l'agence qu'on voudrait mettre sur pied conjointement avec votre groupe. Quelle en serait la composition souhaitable?

M. Goulet (Jean-Guy): Je pense que ce qu'on comprend des besoins ou de vos besoins en ce qui a trait à cette agence, c'est la mise en place. On parlait d'un directeur de cette agence, avec des membres. Ce qui est important pour nous, à l'intérieur de cette agence: que tous les intervenants dans la chaîne de distribution... Parce qu'actuellement l'engagement du fabricant, plus spécifiquement au niveau de la transaction au niveau commercial, est surtout tributaire des compagnies génériques seulement. Alors, ce qu'on dit, c'est que tous les intervenants de la chaîne, que ce soit industrie du générique, que ce soient les pharmaciens, que ce soient les grossistes, soient alentour d'une table et qu'on puisse déterminer un code de pratiques commerciales. Parce que ce qu'on espère et ce qu'on croit: que le contrôle des activités commerciales passe par cette agence et qu'on puisse avoir tous les intervenants.

Nous avons un code et nous sommes tout à fait... d'emblée à dire qu'il doit être amélioré, qu'il peut être amélioré et ce qu'on voudrait: qu'il soit discuté à l'intérieur de cette agence avec les différents intervenants et qu'on puisse s'entendre, s'assurer que les pratiques commerciales vont subvenir aux besoins de l'État et que les activités à l'intérieur de ce code vont générer des valeurs ajoutées pour les Québécois et les Québécoises.

Le Président (M. Copeman): M. Goulet, en ce qui concerne votre analyse du coût de la règle de 15 ans, si vous pouvez la faire parvenir à la secrétaire de la commission, nous, on va s'assurer de la diffusion du document à tous les membres de la commission. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Goulet, M. Goodman, M. Dupré, M. Keon et vous-même, M. Deschamps. Dans le projet de politique publié par le ministre, il est fait mention ? et je le cite ? à la page 28: «Les fabricants de médicaments génériques n'ont pas à encourir des investissements importants en recherche et développement...» Alors, j'étais bien aise tantôt d'entendre le ministre dire qu'il ne participait pas aux préjugés sur votre industrie, mais je dois constater que, dans le document publié, on reprend cette idée que l'industrie des médicaments génériques ne fait pas de recherche et développement. Vous venez de mentionner en présentation de votre mémoire que vous effectuez de la recherche et développement. J'aimerais que vous nous en parliez.

M. Goulet (Jean-Guy): Oui. La recherche et le développement que nous faisons, eh bien, c'est différentes étapes de processus pour le développement d'un produit. Le temps de cycle du développement d'un produit générique, aujourd'hui, est de l'ordre de six et sept ans. Alors, c'est un processus qui est très long, passe par le développement galénique.

Dans nos sociétés, nous avons des pharmaciens, qui ont des Ph. D. en pharmacie, nous avons des chimistes, des Ph. D. en chimie, qui font le développement galénique, les analyses aussi, tout le développement analytique qui est fait. Et aussi nous faisons des études de biodisponibilité qui sont faites pour comparer nos produits en fonction des produits innovateurs. Alors, en ce qui a trait à ces investissements-là, ils sont substantiels pour notre industrie.

Seulement pour en citer une, nous avons une compagnie qui est membre de notre association, la compagnie s'appelle Apotex, et, selon la liste annuelle des sociétés, dans une publication, qui dépensent le plus en R & D au Canada, toutes sociétés pharmaceutiques confondues, innovateurs et génériques ? et ceci est publié par Research Infosource, en novembre 2004 ? la société Apotex, qui fabrique des médicaments génériques, était, en 2003, celle qui, parmi toutes les sociétés pharmaceutiques au Canada, investissait le plus en recherche et en développement. Ce n'est pas une compagnie innovatrice, une compagnie générique. Apotex a investi 154 millions de dollars en recherche et en développement, soit 18,4 % de ses profits d'exploitation. Les compagnies innovatrices en moyenne investissent de l'ordre de 8 % de leurs revenus d'exploitation, et, si on se souvient, en 1987, l'entente avait été de dépenser au minimum 10 %. Alors, on n'est pas à ce 10 %. Donc, lorsqu'on parle d'un investissement moyen de notre association de 15 % et Apotex qui a une part de marché tout près de 30 %, on est... c'est une des explications qu'on fait.

Mme Harel: J'aimerais bien que vous nous parliez de ce mécanisme de réglementation des prix avec le régime de fixation qui serait différent, si je comprends bien, pour le Québec des autres provinces canadiennes avec la proposition qui est contenue dans le projet de politique.

n(12 h 10)n

Dans le document du ministre, on peut lire ceci: Le Québec bénéficie de la mesure en fait de la fixation des prix. Ils la définissent à 70 % comme c'est le cas présentement et en fait, 90 % de 70 %, à 63 % pour les deuxièmes générations, là. On dit donc: «Le Québec bénéficie de cette mesure, puisque, en vertu de l'engagement du fabricant, ce dernier doit consentir au régime public québécois le meilleur prix en vigueur dans les régimes publics au Canada.» Alors, quel est en moyenne, là, selon les études que vous avez faites, le meilleur prix en vigueur qui est appliqué et pourquoi... En fait, la grande question, c'est: Pourquoi, sauf en fait pour peut-être récupérer... évidemment pour faire des économies, mais pourquoi le fixer à 60 % puis éventuellement 54 %, hein, pour les générations qui suivront? Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir un déplacement du marché, finalement, j'imagine, de l'Ontario vers le Québec?

M. Goulet (Jean-Guy): Si j'ai bien cerné votre question, l'Ontario actuellement a une politique qui dit que la première vague de générique est à 70 %, la deuxième vague est à 90 % de ce prix qui devient 63 %. Le Québec, à l'intérieur de l'engagement, comme vous avez très bien mentionné, a une mention qui dit qu'on doit offrir le plus bas prix au Québec de tous nos prix que nous vendons à l'intérieur des régimes publics au Canada. Donc, l'Ontario est à 63 %, le Québec demande... on ne peut pas vendre à un plus haut prix, on est à 63 %. Alors, c'est la façon pour laquelle ces prix sont fixés. Évidemment, il est certain, comme nous le mentionnons dans notre texte, qu'une réduction de prix au Québec si substantielle qui est mentionnée actuellement, comme je mentionnais plus tôt, cette baisse de prix, pourquoi l'indicateur de 60 % et 90 % de ce 60 %, ça, nous ne le savons pas.

Toutefois, ce qui est clair, c'est que cette... aurait des répercussions pancanadiennes, parce qu'il y a aussi d'autres formulaires qui vont aussi avoir le besoin d'avoir ce plus bas prix. Donc, pour nous, lorsqu'on regarde la part de marché que nous avons au Canada, et on applique cette baisse de prix de 14 %, c'est une perte de revenus instantanée pour nous qui serait de plus de 350 millions, et nos ventes totales au Québec sont un petit peu plus de 400 millions de dollars. Alors, il est évident que, pour certaines compagnies, ils vont devoir regarder attentivement ce que... faire des choix un peu, à savoir: Est-ce qu'en bout de piste vendre au formulaire du Québec à un prix de 14 % plus bas aurait des impacts, comme je le mentionnais, pancanadiens? Alors, on va devoir choisir: Est-ce qu'on vend au Québec ou on vend à l'extérieur du Québec?

Mme Harel: Je ne sais pas si je peux me permettre cette remarque, là, mais, pour ne pas qu'il y ait d'incommunicabilité, là, dans l'interprétation de votre présentation, je comprends que vous proposez de faire partie de l'agence et d'en être partenaire à part entière. Mais, dans la séquence, j'ai compris que le ministre interprétait: d'abord l'agence, ensuite la réduction des prix. Alors, vous, votre position, c'est plutôt: d'abord l'agence sans réduction des prix, est-ce que je me trompe?

M. Goulet (Jean-Guy): Écoutez, notre position est d'abord l'agence, de bien comprendre le modèle d'affaires, ce qui va nous être demandé en tant que contribution, ce qu'on finance, ça veut dire combien, on parle de quoi, programme de partenariat, et après ça s'asseoir, et nous sommes ouverts à une discussion sur les prix. Et, si ça passe par un ajustement de prix, absolument, notre industrie serait prête à avoir une discussion ouverte et basée sur une compréhension de ce que le modèle économique va être. Nous retournons et nous avons une discussion. Dans le passé, l'engagement du fabricant qui avait été mis en place en 1994, nous avions reçu ce bout de papier, et d'entrée de jeu cette politique-là ne fonctionnait pas. Du premier jour, c'était impossible pour nous d'opérer dans le cadre des engagements du fabricant, c'est-à-dire qu'il limitait la possibilité d'une industrie de pouvoir... des entreprises de se concurrencer une par rapport aux autres. Donc, nous sommes... avec beaucoup de plaisir la possibilité de pouvoir discuter, de pouvoir avoir cette possibilité d'échanger avec le gouvernement et avec tous les membres de cette commission pour pouvoir en arriver à ce statut. Mais cette réponse-là, oui nous allons être ouverts à cette discussion.

Mme Harel: Alors, je constate que, depuis le dépôt du mémoire au secrétariat de la commission, il y a eu évolution, puisque, dans votre mémoire, on y lit: L'industrie du médicament générique appuierait financièrement l'initiative d'un fonds, là, visant à promouvoir l'utilisation optimale des médicaments, la formation des professionnels, si ses prix sont maintenus. Alors, je comprends donc, de la réponse que vous venez de me faire, que vous êtes prêts à le faire sans avoir de garantie que les prix soient maintenus.

M. Goulet (Jean-Guy): Nous sommes ouverts à une discussion, absolument, sur cette notion-là.

Mme Harel: D'accord. Alors, également sur les pratiques commerciales. Alors, le projet de politique du ministre écrit ceci, là: «Le fait que [des] fabricants de médicaments génériques auraient versé des ristournes importantes à des pharmaciens-propriétaires témoigne de l'existence d'une profitabilité évidente de ces fabricants et de la capacité qu'ils auraient à abaisser le prix de certains de leurs produits tout en demeurant rentables.» Ça, c'est une affirmation que contient la politique. À combien évaluez-vous cette profitabilité évidente et finalement celle que vous pourriez mettre à la disposition du ministre?

M. Goulet (Jean-Guy): C'est une très bonne question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Goulet (Jean-Guy): Une très bonne question. Je vais tenter d'y répondre du mieux que je peux.

Une voix: Ça dépend du modèle d'affaires.

M. Goulet (Jean-Guy): Oui. Alors, en ce qui a trait à notre possibilité de nous différencier les uns par rapport aux autres, je pense que, dans toute industrie, qui soit innovatrice ou générique, les différentes sociétés ont la possibilité de se différencier, de faire des investissements en marketing, faire des dépenses marketing. Fait à noter, ici, la particularité, au Québec, c'est que les compagnies innovatrices peuvent, à travers publication directe au niveau des consommateurs, là, ou à travers de la publicité... On parlait avant d'échantillonnage, on parlait d'activités promotionnelles, la formation continue et autres, toutes ces activités sont incluses dans le prix du médicament innovateur qui, pour lui, est remboursé par l'État. C'est-à-dire que les activités de marketing des compagnies innovatrices, pour de quoi nous croyons qu'ils doivent avoir des activités de marketing, elles sont incluses dans le prix des médicaments innovateurs et pour lesquels l'État rembourse.

Dans notre cas, plus spécifiquement pour notre industrie, il est clairement mentionné qu'il est impossible pour nous d'avoir aucune dépense d'activités promotionnelles. Alors, il est impossible pour nous de pouvoir nous différencier les uns par rapport aux autres. Donc, ça crée beaucoup de difficultés pour les membres de notre association. On a des divergences d'opinions avec la RAMQ, avec le gouvernement, comme vous le savez, actuellement. Il y a des poursuites qui sont en cours actuellement. Alors, il est difficile pour moi actuellement de commenter en détail ces choses-là. Toutefois, nous nous réjouissons que la création de cette agence et aussi la mention dans le rapport, si on regarde vers l'avant, qui fait clairement mention que nous allons pouvoir nous différencier les uns par rapport aux autres... Et aussi ce qui est important de mentionner, c'est de s'assurer que cette agence, avec tous les intervenants, pourra déterminer clairement les activités qui vont pouvoir créer une valeur ajoutée aux Québécois et aux Québécoises. Et c'est ce sur quoi nous voulons mettre l'emphase et c'est ce sur quoi nous voulons discuter.

Mme Harel: En fait, ce que vous proposez, c'est donc qu'il y ait un code de pratiques commerciales, que ce code encadre les relations entre les fabricants de médicaments génériques et les professionnels avec lesquels ils sont en contact. Vous proposez également qu'il y ait un mécanisme de contrôle, là, pour surveiller, si vous voulez, ce code et ces pratiques commerciales. Mais vous nous dites également, dans votre mémoire, qu'il faut permettre un certain niveau de dépenses de marketing et d'en confier la surveillance à la nouvelle agence. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

n(12 h 20)n

M. Goulet (Jean-Guy): En ce qui a trait aux dépenses, aux activités, encore une fois les intervenants à l'intérieur de cette agence, les différents intervenants du réseau d'approvisionnement, on pourrait échanger, à savoir... et aussi le gouvernement serait présent, un membre de cette agence, à savoir... Vous mentionnez le terme «contrôle», je pense qu'on comprend bien le besoin de l'État de vouloir contrôler les activités de marketing dans tout son sens. Et, lors de ces rencontres, à l'intérieur de cette agence, nous pourrons discuter de ce qui serait le niveau de contrôle acceptable pour l'État et pour les différents intervenants. Parce qu'il y a une multitude de facettes, on comprend bien qu'il y a différents intervenants alentour de la table et, lorsqu'on va parler de contrôle au niveau des dépenses, que tous les intervenants doivent être là pour pouvoir faire part de leur point de vue et d'avoir un consensus. Je pense que ce qui est important, c'est de s'assurer que tous les intervenants vont pouvoir adhérer à ce code, et qu'on puisse aller de l'avant. Et, de ce fait, nous allons être sûrs que l'agence même et les contrôles que l'agence aura... de pouvoir s'assurer que ces pratiques-là soient suivies, qu'on n'aura plus besoin de l'engagement du fabricant et que l'outil de contrôle et les mesures seront à l'intérieur de cette agence-là.

Mme Harel: En fait, je comprends que vous voulez être un partenaire.

M. Goulet (Jean-Guy): Absolument.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Alors, monsieur...

Mme Charest (Rimouski): ...un instant?

Le Président (M. Copeman): Oui, oui, excusez, oui, bien sûr.

Mme Charest (Rimouski): Alors, j'aurais une question.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci. Alors, bonjour, messieurs. Je vois, dans votre mémoire, à la page I de l'annexe A, vous dites que l'Association du médicament générique a six sociétés qui ont leur siège social au Québec. Vous avez combien de membres? Et il y a combien d'entreprises du médicament générique au Québec?

M. Goulet (Jean-Guy): Nous avons, dans notre mémoire, j'ai mentionné le nombre exact ici... Sept sont basées au Québec, qui représentent 2 500 emplois.

Mme Charest (Rimouski): Vous me dites qu'il y a sept entreprises de médicaments génériques au Québec?

M. Goulet (Jean-Guy): Membres de notre association.

Mme Charest (Rimouski): Dont sept ont leur siège social...

M. Keon (Jim): Non, non, non, sept ont leur siège social au Québec. Sept compagnies, oui.

Mme Charest (Rimouski): C'est-u ça? Il y a juste sept compagnies de médicaments génériques...

M. Keon (Jim): Pharmascience, Pro Doc, Ratiopharm, RhoxalPharma, Algorithme, Anapharm et MDS Pharma.

Mme Charest (Rimouski): Pour les citoyens qui comme moi ne sont pas des spécialistes du réseau, ou de l'organisation, ou de la fabrication des médicaments, dans le document du ministre, à la page 29, on dit qu'il y a une autre particularité qui singularise le marché des médicaments génériques, c'est la difficulté qu'ont ses fabricants à se distinguer les uns par rapport aux autres puisqu'ils fabriquent tous des produits identiques. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que vous avez tous les mêmes produits, d'une entreprise à l'autre, et qu'il n'y a pas de distinction dans ce sens-là?

M. Goulet (Jean-Guy): La nature même de l'industrie est très réglementée au niveau des... Comme je mentionnais plus tôt, nous vendons tous nos produits au même prix, le prix qui est inscrit au formulaire.

Mme Charest (Rimouski): Je ne vous parle pas du prix, je vous parle des produits.

M. Goulet (Jean-Guy): Au niveau du produit, c'est la même forme et couleur, nous avons tous la même forme et couleur, nous sommes tous approuvés par la même institution. Nous comparons tous nos produits en fonction du même médicament de référence qui est le médicament innovateur, donc tous les produits sont interchangeables un par rapport au médicament innovateur. Donc, c'est la raison pour laquelle il mentionne qu'ils sont tous identiques. Donc, un professionnel de la santé, un pharmacien a à choisir souvent entre quatre, cinq ou six versions génériques qui sont toutes biodisponibles ou bioéquivalentes au produit innovateur.

Mme Charest (Rimouski): Donc, les sept entreprises qui fabriquent des médicaments génériques ont tous le même produit pour un type de pathologie donné?

M. Goulet (Jean-Guy): Absolument, absolument. Nous faisons tous les mêmes études. Le protocole, plutôt, pour être clinique, le protocole de bioéquivalence, il y a des normes très, très rigides et très sévères. Alors, nous devons nous assurer que notre matière première est identique, nous devons nous assurer que nos tests qu'on fait avec nos patients, le protocole est approuvé, alors ce n'est... c'est un document qui est un protocole et qui est très rigide et que nous devons suivre.

Mme Charest (Rimouski): C'est important que ce soit très clair pour les gens.

M. Goulet (Jean-Guy): Absolument.

Mme Charest (Rimouski): Vous dites, à la page 1 de votre mémoire, que l'Association canadienne appuie un grand nombre de propositions ministérielles, la réduction unilatérale de 14 % du prix des médicaments génériques nuirait beaucoup à l'industrie du médicament, menacerait des emplois, les investissements actuels et futurs du Québec, et pourrait limiter l'accès aux produits pharmaceutiques génériques économiques. Et ça, vous dites ça, d'une part. Et, à l'annexe A, page II, d'autre part, vous nous dites que vous avez développé un commerce international fructueux qui représente environ 20 % de son volume des ventes, grâce à l'exportation de produits pharmaceutiques de haute qualité dans 120 pays. Votre affirmation à la page 1 et celle de l'annexe A, est-ce que ce n'est pas un peu contradictoire? Expliquez-moi, là, en quoi tout ça est cohérent?

M. Goulet (Jean-Guy): Oui. Je pense que, dans un premier contexte, lorsqu'on parle de si on a une baisse de prix des produits, dans certains cas, on a un ensemble de produits, et nos prix sont gelés depuis 1994, alors on n'est pas permis d'avoir d'augmentations de coûts, d'augmenter son prix, pardon, et notre structure de coûts, quant à elle, a augmenté de façon substantielle au cours des dernières années. Donc, lorsqu'on regarde l'enveloppe produits, comme gestionnaire d'entreprise, on a un portefeuille produits, certains produits ont des marges plus élevées que d'autres. Ce qu'on dit: Une baisse aussi sévère de prix que plusieurs produits à l'intérieur du portefeuille de plusieurs entreprises... vont devoir avoir un choix. Les compagnies vont devoir regarder, dire: Est-ce qu'on doit retirer ces produits du formulaire? Ou tout simplement, si cette baisse de prix s'applique nationalement, de dire que certains produits ne seront plus compétitifs, et on devra les discontinuer.

En ce qui a trait à votre mention de l'exportation, certains membres de notre association font de l'exportation à partir des usines ici, au Canada. Donc, on regarde aussi les structures de coûts, qui est la même chose, et, dans certains cas, on est capable d'être compétitif dans certains marchés; dans d'autres marchés, on ne peut pas être compétitif parce qu'il y a une réglementation très rigoureuse ici, au Canada. Certains produits vont venir de certains marchés pour lesquels la réglementation est tout autre. Les coûts, les excipients, les coûts des actifs sont beaucoup plus faibles, donc ils leur permettent d'avoir des coûts... Ils font certains sacrifices un peu. En ce qui a trait à nous, on est compétitifs dans certains marchés. Lorsqu'on l'est, on exporte. Alors, c'est dépendant des prix que nous avons. Alors, au moins, on a un choix, on fait un choix. Si nous voulons exporter dans certains marchés à un certain prix, nous pouvons dire oui ou non. Lorsqu'on parle ici, au Canada, s'il y a baisse de prix, c'est notre marché, notre marché est ici, au Canada, si nous ne pouvons pas être compétitifs, il faut discontinuer nos produits.

Mme Charest (Rimouski): Et votre 20 % de volume des ventes dans 120 autres pays ne peut pas compenser à quelque part cette diminution qui pourrait exister en termes de prix, là, fixé?

M. Goulet (Jean-Guy): Non, parce que, si on parle du 80 %, la règle du 20-80, si on a de la difficulté à compétitionner, on est non-compétitif dans le 80 % du marché qui est ici, au Canada, ça va être difficile pour nous. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on a besoin de ces volumes ici, au Canada, pour nous permettre d'avoir des lots de fabrication assez grands pour pouvoir avoir des économies d'échelle, d'aller vendre, d'être compétitif. Si on ne peut pas être compétitif ici, au Québec, et que la politique fait en sorte qu'on n'est plus compétitif nationalement, on perd le volume de production ici, au Canada, qui nous permet, lui, d'amortir certains frais pour nous permettre d'exporter. Alors, c'est des vases communicants, et c'est un piège auquel il faut faire bien attention.

Et, lorsqu'on parle de création d'emplois, on a des usines ici, au Québec, et, lorsqu'on commence à retirer des produits, bon, bien, on exporte moins, on a besoin de moins d'emplois. Alors, je pense que c'est cet équilibre là qu'on parle, puis certainement on a besoin du générique. Si on veut certainement être capable de contrôler les coûts grandissants de l'enveloppe médicament, je pense qu'on doit passer par une utilisation optimale du médicament générique.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. Goulet, M. Deschamps, Mr. Keon, M. Dupré, Mr. Goodman, merci beaucoup pour votre contribution devant cette commission au nom de l'Association canadienne du médicament générique.

Et, sur ça, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain matin, 10 heures, afin d'effectuer un autre mandat, c'est-à-dire l'interpellation entre le député de Vachon et la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 28)


Document(s) related to the sitting