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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, August 30, 2005 - Vol. 38 N° 149

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Paquin (Saint-Jean) va être remplacé par Mme Hamel (La Peltrie); M. St-André (L'Assomption) par M. Charbonneau (Verchères). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle. Alors, je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons une journée assez chargée, avec des présentations et des échanges avec sept groupes. L'ordre du jour ce matin: nous allons débuter dans quelques instants avec les représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec, suivis par le Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal; terminer la matinée avec la Direction de la santé publique de la Montérégie; la suspension à 12 h 30. On poursuivra dans l'après-midi, je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.

Je vous rappelle simplement ? tout le monde est, je sais bien, déjà au courant ? qu'il s'agit des présentations d'une durée maximale de 20 minutes et des échanges également d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je ne sais pas si... M. Charron, porte-parole principal, bonjour. Alors, en sachant, vous avez 20 minutes pour votre exposé, je vous prierais de présenter vos collaborateurs et d'enchaîner immédiatement, par la suite, avec votre présentation.

Manufacturiers et exportateurs
du Québec (MEQ)

M. Charron (Daniel): Bien. Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés, bonjour et merci de nous accueillir dans le cadre des travaux de cette commission.

Comme vous le voyez, je suis bien accompagné, à ma gauche, par Germain Morin. M. Morin est vice-président exploitation chez Wyeth Canada. Vous aurez l'occasion de l'entendre un peu plus tard dans cette présentation. Et, à ma droite, M. Jean-Michel Laurin, qui est analyste chez nous en politiques économiques, chez les Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Un petit mot sur les Manufacturiers et exportateurs du Québec. Bien, c'est une association qui est une division québécoise de l'association des Manufacturiers et exportateurs du Canada. Au Québec, nous avons 650 membres; c'est l'équivalent d'à peu près 1 500 usines à travers le Québec. On est une association d'affaires donc qui vise à promouvoir et à défendre les intérêts du secteur manufacturier, de nos entreprises, dans des travaux comme ceux de cette commission et sur des enjeux que l'on juge prioritaires. Également, l'association organise beaucoup d'activités et de programmes qui visent à soutenir la compétitivité des entreprises qui sont membres chez nous.

Un mot sur le secteur manufacturier. Bien, comme vous le savez, c'est une locomotive de développement économique, à Montréal comme dans le reste du Québec, en région. C'est 630 000 emplois directs, le secteur manufacturier. C'est le cinquième de l'activité économique totale, et c'est un secteur qui a des effets multiplicateurs importants, qu'on pense aux secteurs de la finance, de la construction, du commerce, de l'administration publique. Et, quand on parle d'effets multiplicateurs, M. Morin, tout à l'heure, sera à même de nous dire comment une usine comme la sienne, située à Saint-Laurent, a des effets multiplicateurs sur son économie locale et même sur l'économie de l'ensemble du Québec.

Un des effets multiplicateurs importants du secteur manufacturier, et vous le savez sans doute, c'est via les exportations: 87 % des exportations de biens du Québec viennent de nos exportations. C'est 70 milliards d'argent frais qui rentre dans notre économie chaque année, c'est 40 % de notre niveau de vie. Et je n'ai pas besoin de convaincre personne pour dire que la force de nos exportations, bien c'est la force de notre économie, c'est la clé de notre prospérité de demain.

Pour qu'on se comprenne bien, les entreprises du secteur pharmaceutique sont des manufacturiers. Une entreprise pharmaceutique doit faire de la recherche et développement pour développer de nouveaux produits qui répondent aux besoins de ses clients; ils doivent faire l'ingénierie nécessaire pour passer du laboratoire à l'usine; ils doivent trouver et gérer des fournisseurs, fabriquer leurs produits et en faire le marketing; et finalement la livrer aux clients.

Dans l'industrie pharmaceutique ? et c'est le cas de tous les autres secteurs manufacturiers ? ces opérations, au sein d'une même entreprise, sont de plus en plus fragmentées. La recherche, l'ingénierie, la fabrication et le marketing peuvent se faire à des endroits bien différents, et les entreprises optimisent leurs ressources en faisant le «sourcing» de ces opérations, là où c'est possible de le faire le plus, économiquement parlant. Donc, compte tenu de son importance pour notre économie et compte tenu de la mise en contexte que je viens de faire, pour tirer son épingle du jeu, le Québec ne peut se passer d'un secteur manufacturier qui soit fort et dynamique, et le secteur manufacturier ne peut se passer d'un secteur pharmaceutique qui soit fort et dynamique.

Précisions au point de départ. Pourquoi nous sommes ici aujourd'hui? Quel est notre intérêt dans ce débat? Bien, nous, on croit, aux Manufacturiers et exportateurs du Québec, que ce débat déborde de la seule dimension des dépenses gouvernementales en santé, et on est heureux de voir que, dans le document de consultation qui a été préparé par le ministère, l'axe industriel fasse partie de cette consultation, donc de ce document. On pense que les défis en santé sont grands, puis vous parlez à des représentants du secteur manufacturier. En ce moment, les défis, on connaît ça, nous aussi. On pense que le manufacturier fait partie de la solution, puis, dans ce sens-là, on veut apporter des pistes de solution puis des pistes de réflexion importantes à la problématique.

Dans le cadre de cette consultation, et vous l'avez vu dans notre mémoire, dont je vous ferai grâce de la lecture intégrale puisque je présume que vous l'avez lu, nous, on aborde l'aspect strictement industriel de la question, laissant à d'autres groupes le soin d'aborder d'autres éléments, puisque de toute façon ils sont mieux équipés que nous pour le faire.

n (9 h 40) n

Les manufacturiers de médicaments, c'est une source importante pour le développement économique du Québec. Le secteur pharmaceutique joue un rôle important dans l'avenir du Québec et de son secteur manufacturier. En 2003-2004, on a fait une grande tournée à travers le Québec, et même qui a été reprise par notre association canadienne. Au Canada, on a rencontré 2 500 manufacturiers, au Québec, 400, pour parler un peu des défis que vivent les entreprises aujourd'hui, dans toutes les régions du Québec, et un peu avancer les pistes de solution. Et ce dont on s'est rendu compte, c'est qu'il y a vraiment une transformation profonde qui se fait non seulement au niveau de l'économie mondiale, comme on le sait, mais également au sein du secteur manufacturier canadien et québécois. On se rend compte qu'on parle de plus en plus d'un secteur manufacturier qu'on pourrait dire traditionnel vers un secteur manufacturier nouveau, et l'industrie pharmaceutique, c'est, si on veut, le symbole, un des symboles en tout cas de cette industrie manufacturière nouvelle. Pourquoi? Bien, c'est une industrie qui repose sur une main-d'oeuvre fortement qualifiée; c'est une industrie qui repose sur l'innovation, la recherche et développement; c'est une industrie également qui repose sur les partenariats, hein: les entreprises avec le gouvernement, les écoles, les centres de recherche, les universités, les collèges; et c'est une industrie qui repose sur des produits hautement différenciés, ce qu'on appelle, dans un autre langage, des créneaux. Donc, c'est vraiment un symbole de ce manufacturier nouveau. C'est un symbole en fait de l'avenir du secteur manufacturier, et c'est pour ça que le secteur pharmaceutique, c'est, pour le secteur manufacturier, pour nous comme association de manufacturiers, un secteur incontournable.

Le secteur pharmaceutique au Québec... puis je ne veux pas vous ennuyer avec des statistiques, là, il n'est pas 10 heures, le matin; je pense qu'il y a juste mon collège Jean-Michel qui est capable d'absorber des statistiques à 10 heures, le matin. Mais quand même je voudrais vous rappeler trois éléments importants: le secteur pharmaceutique, c'est 2 milliards de dollars annuellement dans le PIB du Québec. 2 milliards de dollars, ça nous paraît souvent bien virtuel, simples mortels, mais c'est l'équivalent des budgets de dépense de l'Assemblée nationale, du ministère du Développement économique, de l'Environnement, des Ressources naturelles, des Finances et du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Les budgets d'opération combinés de ces ministères-là équivalent à 2 milliards; 2 milliards, c'est donc beaucoup d'argent. Le secteur pharmaceutique, c'est 17 500 emplois directs au Québec, sans compter les effets indirects, puis M. Morin nous en parlera aussi tout à l'heure.

Je disais tout à l'heure que le secteur pharmaceutique, à l'avant-garde de ce qu'on dit être le manufacturier nouveau, c'est un secteur très intensif en recherche et développement. Vous savez, au Canada, le secteur pharmaceutique représente 2 % des livraisons manufacturières, alors qu'il représente 10 % des dépenses en recherche et développement de l'ensemble du secteur. Donc, quand on dit que l'avenir de notre économie repose sur la recherche, quand on dit que l'avenir de notre secteur manufacturier puis de nos entreprises repose sur la recherche, bien vous avez un bel exemple d'un secteur qui est à l'avant-garde de cette idée de développement économique via la recherche et l'innovation.

Dans ce contexte-là, ce serait dommage qu'on laisse ce secteur s'effriter. On parle sans cesse de l'importance de soutenir les secteurs de pointe, l'économie du savoir, la recherche et le développement, l'innovation, bien là on en a une, industrie, et des entreprises qui représentent ça. Donc, il faut s'assurer de les garder, il faut s'assurer de garder au Québec une industrie manufacturière qui soit forte, et ça passe par la conservation d'un secteur pharmaceutique qui le soit également.

Puis, s'il y a une chose que je veux que vous reteniez aujourd'hui de notre passage, c'est un secteur dont on doit être fiers, mais le contexte change. Le contexte international change, et il ne faut pas prendre pour acquis nos acquis. Au Québec, on a la chance de pouvoir, puis on en est fiers, on en entend beaucoup parler, que ce soit de la part du gouvernement, que ce soit de la part de groupes comme nous, d'autres commentateurs, combien on en est fiers d'avoir une présence d'une industrie pharmaceutique forte, au Québec, mais, pour conserver ces acquis, il va falloir garder les yeux bien ouverts parce que la concurrence, elle est féroce.

Dans le secteur manufacturier en général ? on parle beaucoup, bon, de la concurrence qui vient d'économies émergentes, qui a été accentuée par l'appréciation du dollar, des contraintes au niveau douanier aux États-Unis, et tout ça ? on avait l'impression que le secteur pharmaceutique était un peu protégé de ça, en se disant: Bon, bien, ce n'est quand même pas, certain... Ce n'est pas le secteur qui semblait être le plus vulnérable, mais ce qu'on comprend à force de discuter avec des représentants de l'industrie ? puis M. Morin, tout à l'heure, sera à même de vous le dire ? c'est un effet à retardement en fait. La concurrence, la concurrence internationale joue beaucoup dans ce secteur pharmaceutique, et on ne doit pas encore une fois prendre pour acquis nos acquis, au Québec. Juste un exemple: l'Inde et la Chine, ensemble, ont formé, l'an dernier, ont diplômé, l'an dernier, 500 000 ingénieurs; 60 000 aux États-Unis; puis, au Québec, c'est moins de 2 000. Donc, quand on parle d'économie du savoir, il y a un changement qui s'opère là.

Dans notre mémoire, vous avez vu, on a fait une sorte d'historique jusqu'en 2003 de la balance commerciale du secteur pharmaceutique, et on y constate que, sur une année seulement, donc de 2002 à 2003, le déficit commercial du secteur pharmaceutique, c'est-à-dire la différence entre importations et nos exportations, a doublé, autre signe de notre capacité concurrentielle qui se détériore. Il y a le dollar canadien également qui a joué énormément là-dedans. Donc, encore une fois, puis je vais me répéter: On a des acquis, on doit en être fiers, mais on ne peut pas les prendre pour acquis.

Donc, qu'est-ce qu'on doit faire, dans ce contexte qui est changeant, dans ce contexte concurrentiel qui est de plus en plus exigeant, pour qu'on conserve, au Québec, une industrie pharmaceutique qui soit forte et dynamique? Bien je pense qu'il faut miser avec les entreprises qu'on a en place, hein? On a la chance, au Québec, de les avoir. Vous savez, nos vrais démarcheurs, là, ceux qui vont chercher les milliards d'investissement, bien ce sont les M. Morin de ce monde qui vont vendre auprès de leurs bureaux corporatifs des propositions pour permettre d'amener au Québec des mandats de recherche, des mandats de fabrication dans ce secteur-là. Et, dans d'autres secteurs, c'est le même cas aussi. Donc, miser sur les entreprises qu'on a et ce qu'on a sur place, ce qu'on a ici, au Québec.

Elles sont caractérisées par quoi, ces entreprises-là? Bien, ce sont des grands joueurs mondiaux, et les décisions se prennent à l'extérieur. Donc, il faut en tenir compte, de ça, quand on essaie de soutenir ces gens, et les outiller pour qu'ils aillent chercher des milliards pour le Québec.

Quels sont les facteurs de décision, les facteurs de localisation qui expliquent qu'une entreprise comme Wyeth ou comme une autre va donner, au Québec ou ailleurs, un mandat d'investissement, que ce soit un mandat pour la recherche et développement ou encore pour la fabrication? En fait, il y a deux grands facteurs: il y a l'attrait du marché, ce qu'on appelle la politique de commercialisation de la juridiction en place, et également la politique d'innovation.

Qu'est-ce qui influence la politique de commercialisation? Bien, c'est la possibilité de vendre ses produits; deuxièmement, c'est la possibilité d'amener les produits sur le marché dans les meilleurs délais à des coûts raisonnables; et c'est la possibilité, troisièmement, de vendre ces produits à des prix profitables.

D'autre part, la politique d'innovation dépend quant à elle de l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée, donc d'une masse critique de chercheurs, d'ingénieurs. Et ça, c'est un travail de tous les jours, hein? On a, au Québec, un taux de décrochage qui est assez élevé. Nous, comme association, on met sur pied des programmes qui visent à valoriser les formations professionnelles, valoriser les formations également qui soient universitaires, qui mènent au secteur manufacturier. Donc ça, c'est un travail de tous les jours, mais il faut en tenir compte puis il faut le renforcer pour renforcer cette politique d'innovation.

Une politique d'innovation, ça dépend également, bien, de la protection de la propriété intellectuelle, ça dépend aussi de l'environnement fiscal et réglementaire. Les activités de recherche et développement, ce sont des activités qui sont très coûteuses, et très coûteuses en termes salarial. On a du rattrapage à faire en termes d'impôt sur les particuliers mais également en impôt sur les entreprises en particulier. Lorsqu'on parle de capital, on parle d'entreprises qui ont des technologies, des entreprises qui mettent dans les fonds... de la fabrication ici, donc des entreprises qui ont des équipements, mais il ne faut pas se donner un désavantage indu. Également, bien, une politique d'innovation dépend de l'accès au financement, notamment en capital de risque.

C'est un élément qui est important, hein, quand on parle de l'importance de garder, au Québec, si on veut, un avantage concurrentiel pour attirer des entreprises pharmaceutiques, puis plus qu'ailleurs au Canada, parce que, bon, M. Morin nous le dira tout à l'heure, de la façon dont cela fonctionne. Le Québec fait partie d'un ensemble. Sur les radars des multinationales, on ne divise pas les juridictions en fonction de notre division territoriale, dans notre constitution. Le Québec aurait le plus à perdre d'un effritement de l'avantage concurrentiel de l'ensemble canadien. 42 % des livraisons manufacturières, dans le secteur pharmaceutique, viennent du Québec, 40 % des emplois du secteur manufacturier sont présents au Québec, 40 % des emplois manufacturiers canadiens sont présents au Québec, 68 % des brevets canadiens de médicaments d'ordonnance émanent du Québec, et 42 % des dépenses en recherche et développement sont dépensés ici, au Québec.

Si vous me permettez, M. le Président, je passerais la parole à mon collègue, M. Morin. M. Morin, comme je vous le disais, est vice-président, exploitation, chez Wyeth Canada, une des plus grandes compagnies pharmaceutiques au monde. Vous connaissez plusieurs, certainement plusieurs de leurs produits, tels qu'Advil, Centrum, Dimetapp, Robitussin, mais Wyeth développe également des vaccins, des médicaments d'ordonnance dans plusieurs champs thérapeutiques, telles que les maladies cardiovasculaires, la dépression, les maladies gastro-intestinales, l'hémophilie, l'arthrite et l'oncologie.

M. Morin dirige l'usine de Saint-Laurent, de Wyeth, qui emploie 1 300 employés. L'usine de Saint-Laurent s'est spécialisée au fil des années dans la réalisation de mandats de production internationaux de petits lots complexes. Auparavant, il travaillait au siège social de la division pharmaceutique de Wyeth à Collegeville, en Pennsylvanie, où il était responsable de superviser cinq usines. M. Morin nous expliquera comment il est de plus en plus difficile d'attirer et même de conserver des mandats de recherche, de production à l'usine de Saint-Laurent, comment la course aux investissements est intense au sein de grandes entreprises pharmaceutiques comme la sienne, et comment il entrevoit l'avenir.

Le Président (M. Copeman): M. Morin.

M. Morin (Germain): Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs. Comme mon collègue, M. Charron, vient de le mentionner, moi, je vais vous parler plus spécifiquement de l'impact d'une usine comme la nôtre et des défis d'une usine comme la nôtre.

n (9 h 50) n

Parmi les 17 500 emplois au Québec, 1 300 sont chez nous, dans notre usine de développement, de production et de distribution de médicaments. On fabrique un peu plus de 200 médicaments qui sont distribués dans une soixantaine de pays au travers de la planète. Non seulement on emploie 1 300 personnes chez nous, mais ces emplois sont permanents, sont enrichissants et sont surtout très spécialisés. Pour vous donner un exemple plus précis de ça, le salaire moyen chez nous dépasse de plus de 50 % le salaire moyen de la population du Québec, donc on parle d'emplois qui sont très bien rémunérés et surtout très spécialisés. Ces salaires moyens là sont plus élevés à cause de leur spécialisation.

Au niveau des impacts indirects d'une organisation comme la nôtre ? et je vous le rappelle, je parle seulement d'une usine au Québec, je ne parle pas l'industrie au complet ? on dépense, à Saint-Laurent, environ 100 millions, en coûts d'opération et en coûts d'entretien, pour notre site de Saint-Laurent. On achète pour environ 60 millions par année en matières premières et en composantes d'emballage pour fabriquer et emballer nos médicaments. Cet argent-là est dépensé en grande partie chez des fournisseurs locaux. Donc, on a un impact important sur l'économie de la région, et on a réussi, dans le dernier cinq ans seulement, à attirer un peu plus de 100 millions en investissements... en immobilisations, investissements en capital, et à créer un peu plus de 300 nouveaux emplois permanents, seulement dans notre organisation. Donc, on a certainement une histoire à succès à raconter. Il y a moyen de tirer son épingle du jeu, mais tout ça est fait dans une organisation où l'impact de la globalisation est très important et où l'impact de la compétition se fait de plus en plus sentir.

Ce qu'il est important de comprendre, pour une usine comme la nôtre ? puis, s'il y a un message que je veux passer aujourd'hui, c'est celui-là ? c'est que la compétition, pour une usine pharmaceutique, ce n'est pas nécessairement les autres compagnies pharmaceutiques. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la compétition, pour moi, vient surtout de l'interne. Donc, pour mon usine, la vraie compétition, c'est les autres usines de ma propre compagnie qui sont installées soit dans des paradis fiscaux comme Singapour, comme Porto Rico ou l'Irlande, ou soit de plus en plus dans les pays comme la Chine ou l'Inde. Donc, toutes ces usines-là, donc toutes nos usines se battent pour les mêmes mandats, qui sont des mandats qui sont de plus en plus globaux. Donc, pour faire une histoire très simple, si ça coûte moins cher de fabriquer Advil à Porto Rico, par exemple, plutôt qu'à Montréal, on va tout simplement importer notre produit de Porto Rico pour le marché canadien; c'est ce que plusieurs compagnies pharmaceutiques font.

Donc, pour faire face à cette compétition-là, pour faire face à cette compétition interne, ce qu'on aurait pu faire dans les 10 dernières années, c'est d'avoir une approche que, moi, j'appelle une approche pessimiste. On aurait pu geler le salaire de nos employés, on aurait pu geler les prix de nos fournisseurs, mais ce qu'on a fait, on a fait une approche qu'on trouve aujourd'hui qui est plus approche gagnante, qui a été de travailler avec nos employés, travailler avec nos fournisseurs, de mettre en place des processus d'amélioration continue, de mettre en place des meilleurs processus de gestion, pour être en mesure aujourd'hui... dans les derniers 10 ans, on a réussi à doubler la productivité de notre usine. Donc, on ne parle pas de 10 % ou 15 % d'amélioration, on a réussi à doubler la productivité de notre usine, ce qui nous permet aujourd'hui d'avoir un impact très important sur l'économie québécoise. Puis, le message que je veux passer avec ça, c'est qu'il y a moyen, en étant créatifs puis en travaillant ensemble, de trouver des solutions à nos problèmes, où chacun va tirer son épingle du jeu, puis les manufacturiers pharmaceutiques sont prêts à travailler avec le gouvernement pour trouver des solutions où chacun va y tirer son compte, en ce qui a trait aux problématiques du système de santé québécois.

Le Président (M. Copeman): M. Morin, je ne veux pas vous chambarder, il vous reste deux minutes pour votre présentation.

M. Morin (Germain): Donc, sur ce, je vais passer la parole à mon collègue Charron qui va conclure.

M. Charron (Daniel): Intervention bien, bien, bien minutée.

Le Président (M. Copeman): Alors...

M. Charron (Daniel): Donc, j'ai deux minutes pour conclure, si je comprends bien. Écoutez, je n'en aurai pas besoin d'autant. Il y a deux choses, je pense, que je voudrais qui soient retenues.

Il y a une chose que, nous, on a retenue du document de consultation, c'est cette idée de créer un forum permanent d'échange, et ça, pour nous, c'est une chose que nous saluons parce que c'est nécessaire. On ne peut pas parler de l'industrie pharmaceutique, aux cinq à 10 ans, lorsqu'il y a une nouvelle politique du médicament. Le monde est en changement, et je pense que le gouvernement et les différents acteurs de l'industrie doivent pouvoir discuter ensemble et de prévoir, de prévenir en fait ce qui s'en vient, et ça, c'est un élément important.

Dans l'industrie automobile de l'Ontario, ça n'allait pas très bien dans les dernières années. En 2002, ils ont mis sur pied un type de forum... ce tel type de forum, et on a vu les résultats récemment: trois gros investissements de Toyota, GM et Ford, et ces investissements-là, selon ces compagnies, ne se seraient pas faits sans ce conseil, donc le conseil permanent d'échange. Qu'est-ce qu'on peut faire donc pour conserver... C'est un travail, je pense, main dans la main. Toutes les solutions ne sont pas dans notre mémoire; ces solutions-là, en fait, par contre, pourraient émaner dans un tel type de forum.

Également, là, et pour compléter, il y a une stratégie de développement économique qui va bientôt être déposée par le ministre du Développement économique, et je pense que dans ce document il va certainement y avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup d'insistance sur les secteurs de pointe et l'importance de les encourager. Bien là on en a un, et je pense qu'il est important que l'aspect économique, l'aspect industriel de la question des médicaments, de la santé, soit reconnu, comme ça a été fait dans le document, mais qu'on mette... qu'on continue, hein... C'est-à-dire que, nous, on va surveiller ce forum d'échange pour que cette discussion continue, pour qu'on puisse parler de ces questions-là de manière permanente et continue. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, afin de débuter l'échange.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Nous saluons votre retour parmi nous, même si nous n'avons aucune plainte à formuler pour l'excellent travail que votre collègue vice-président a accompli au cours des derniers jours.

Bonjour, M. Charron, M. Morin, M. Laurin. Merci pour votre présentation. Vous savez, cette commission qui discute du projet de politique du médicament se trouve essentiellement devant deux types de groupes ou d'associations. Il y a d'une part les groupes qui sont du côté de la création de la richesse, vous en êtes aujourd'hui; et il y a des groupes qui sont du côté de la redistribution de la richesse; et l'essentiel de la mission du gouvernement, c'est de faire l'équilibre entre les deux. Ça a l'air simple comme ça, mais, dans la vraie vie, ce n'est pas si évident.

Je commencerais par vous lancer un petit défi, là, que j'ai fait avec d'autres associations également comme la vôtre. C'est qu'il y a parfois l'impression, chez moi, d'une volatile incohérence dans les propos qui émanent du milieu des affaires en ce qui a trait spécifiquement au domaine du médicament, pour un aspect: c'est-à-dire que globalement et classiquement le milieu des affaires, les associations patronales recommandent au gouvernement de contrôler ses dépenses, de gérer rationnellement ses programmes, d'augmenter l'efficience ? vous connaissez, vous en avez fait vous-mêmes des démonstrations dans vos organisations ? et du même souffle on nous dit, par exemple: Dégelez les prix, de façon beaucoup plus agressive que vous le proposez dans votre document. Et donc: Augmentez vos dépenses, parce que, dans ce secteur-là, ça ferait notre affaire que vous augmentiez vos dépenses. Je vous lance un défi, vous voyez, un petit défi, là, intellectuel.

Parce que vous avez parlé de l'industrie automobile en Ontario et du fait que vous saluez avec plaisir le forum permanent d'échange que nous suggérons. Je pense également que c'est une bonne chose. Cependant, il y a une grosse différence entre l'automobile puis le médicament: c'est le produit, vous me direz, et c'est l'environnement également. C'est-à-dire qu'en Ontario le gros du soutien gouvernemental dans l'industrie automobile se fait par des programmes gouvernementaux de soutien à l'entreprise: crédits d'impôt, encouragement à l'importation, subventions pour installation d'une usine, tandis que, dans le domaine du médicament, au Québec comme ailleurs mais particulièrement au Québec, pour plusieurs raisons dont les accords commerciaux internationaux et d'autres facteurs, le gros du soutien à l'industrie pharmaceutique ou une bonne partie du soutien à l'industrie pharmaceutique se trouve à l'intérieur même du système de santé, qui est soumis aux pressions énormes que vous connaissez, dont le médicament. C'est-à-dire que le gouvernement, avec raison, tous les gouvernements de façon continue ont dit: Oui, nous devons soutenir, maintenir et voir prospérer l'industrie biopharmaceutique parce que c'est l'industrie de l'avenir, l'industrie de la valeur ajoutée. Ce que vous avez dit, nous le partageons, je crois, entièrement. Maintenant, dans les faits, le fardeau de ce soutien repose sur un système qui est déjà, comme vous le savez, étiré de façon considérable et sur la capacité de payer des contribuables.

Alors, comment est-ce qu'on fait l'équilibre entre les moyens de soutien de l'industrie? J'aurais, en terminant, une proposition concrète: Disons que le gouvernement retirait toutes ses propositions d'encouragement à l'industrie pharmaceutique. Exemple: la règle de 15 ans; exemple, le prix de référence; exemple, remettre le gel des prix, et disait à la place: On va faire l'équivalent en subventions directes ou en crédits d'impôt ou en autres aides classiques de l'économie. Quel serait l'effet de ce type de politique là?

M. Charron (Daniel): Il faudrait voir d'une part... mais, tout à l'heure, ce que je disais, c'est qu'en termes de facteurs de décision et en termes d'attributions de mandats ça repose sur deux choses, hein: politique de commercialisation, donc via le système de santé; politique d'innovation, donc via d'autres mécanismes, soit le développement économique.

Vous parlez de subventions, de crédits d'impôt. Et c'est deux choses qui sont à considérer en même temps, puis on ne peut pas... Je ne pense pas qu'une stratégie, disons, efficace serait, bien, à refaire du 0-100 ou du 100-0. Il y a toujours un équilibre à préserver, parce qu'en matière d'investissement, et ça, c'est une question que je connais bien, quand on parle d'investissements internationaux, dans les facteurs de localisation, il y en a deux, types: il y a les facteurs qualifiants puis il y a les facteurs déterminants.

n (10 heures) n

Les facteurs qualifiants, c'est ce qui fait que notre juridiction ou que le lieu de localisation est sur le radar. Les facteurs déterminants, c'est que, quand ça se joue entre quelques lieux qui sont sur le radar, bien là on a besoin d'éléments déterminants. Donc, souvent, dans le cas de l'automobile, bien c'est le dernier, le dernier package qui va être voté par la législation, en Alabama ou en tout cas par le gouvernement ontarien, donc qualifiants et déterminants. Et la politique de commercialisation et la façon dont on va gérer les médicaments dans le système de santé, ça fait partie à mon sens des facteurs qualifiants. Donc, cet équilibre, il est à maintenir.

Vous disiez tout à l'heure que l'industrie automobile et l'industrie pharmaceutique, c'étaient deux choses différentes, puis ça, on est tout à fait d'accord. Ce que je disais par contre, c'est qu'on saluait l'initiative. Compte tenu du succès qu'une initiative similaire avait eu ailleurs ? on a vu ce que ça a donné ? donc on a beaucoup d'espoir.

Vous me posiez un petit défi, puis c'est tout un défi, hein? Je ne pense pas qu'on va pouvoir... Si j'avais la réponse aujourd'hui, je pense qu'on serait tous heureux puis on pourrait fermer les livres. Mais, juste peut-être pour mentionner, je ne crois pas que l'équilibre des finances publiques repose sur le gel des prix des médicaments. C'est un élément certainement important, c'est un coût important, mais ça ne repose pas là-dessus. Donc, la question des finances publiques, c'est une question beaucoup plus large que celle du prix des médicaments.

Un autre élément, c'est que je ne pense pas que ce soit une stratégie qui soit durable que de geler le prix d'un intrant. En tout cas, nous, dans l'industrie, geler le prix d'un intrant, ça peut fonctionner à court terme, mais à long terme ça a certainement des effets. Et notre rôle, c'est un peu de rappeler ça puis de dire: Oui, le gouvernement peut décider de geler les prix d'un intrant ou le prix de quelque chose qu'il achète, comme d'un médicament, mais ça, ça peut avoir des dommages collatéraux par ailleurs. Ça peut affecter l'attrait du Québec comme lieu où investir, ce qui aurait donc des dommages collatéraux en termes de création de richesse. Donc, notre rôle un peu, c'est de dire ça. Et vous l'avez dit tout à l'heure, c'est cet équilibre entre la création et la distribution. Mais, lorsque les modes de distribution ont un effet sur la création, je pense que c'est important d'en prendre compte puis de voir comment l'un affecte l'autre.

M. Couillard: M. Morin, je ne sais pas où est votre siège social. Vous pourriez peut-être brièvement nous le dire, le siège social de Wyeth?

M. Morin (Germain): Au New Jersey. Madison, New Jersey.

M. Couillard: Alors, moi, je suis bien content qu'on propose cette Politique du médicament, parce qu'à ma connaissance il n'y a pas beaucoup de juridictions nord-américaines et même ailleurs dans le monde qui ont adopté une politique claire, clairement énoncée, de médicament d'un gouvernement. Mais je pense que ce sera tout à l'honneur du Québec de le faire.

Mettons-nous dans l'hypothèse, pour qu'on comprenne bien cette question, de ce que vous appelez l'environnement commercial interne ou propre à la juridiction qui propose l'accueil des entreprises, mettons-nous dans l'hypothèse où vous iriez au New Jersey voir vos patrons et vous leur présenteriez cette Politique du médicament. Je suppose qu'ils vont être intéressés ? parce qu'en général, quand un gouvernement fait quelque chose, dans une économie aussi ouverte que l'Amérique du Nord, d'autres gouvernements suivent un peu les traces ? et vous leur dites: Voici la Politique du médicament. La Politique du médicament confirme le gel des prix, retire la règle de 15 ans et adopte un prix de référence mais par contre propose que, dans la politique de développement économique, on ait des mécanismes encore plus vigoureux pour soutenir l'industrie. Donc, ce qu'en deux termes élégants vous leur dites, c'est que l'environnement commercial interne n'a pas été jugé un facteur majeur et on s'est plutôt qualifié... pour employer votre terme, on a utilisé les méthodes qualifiantes qui sont les mêmes que pour le reste de l'industrie. Comment est-ce que vous pensez, selon ce que vous avez vécu, comment est-ce que vous pensez que cette nouvelle-là serait accueillie?

M. Morin (Germain): Excusez-moi. Pour l'avoir vécu ? comme mon collègue l'a mentionné ici, j'ai travaillé à nos bureaux-chefs pendant près d'un an, peut-être plus qu'un an; pour l'avoir vécu ? ces initiatives-là sont toujours les bienvenues quand ça clarifie les choses. Donc, je salue l'initiative, parce que, comme vous le mentionniez, ça clarifie le terrain de jeu. Donc, il n'y a rien de pire que l'incertitude; donc le terrain de jeu est clarifié. Par contre, une situation de gel des prix long terme a toujours un impact négatif, donc donne un impact...

On a le côté tangible. Quand on prend des décisions comme ça, pour en avoir prises moi-même, quand on prend une décision sur un mandat, on a le côté tangible qui est le côté économique, donc que j'ai parlé tantôt, le contrôle de nos coûts d'opération, le contrôle de notre qualité, donc la perception de qualité, et on a le côté intangible, qui est important, qui va être de toutes sortes, qui va être au niveau de l'impact socioéconomique, l'intérêt de la région à recevoir le mandat, donc l'enthousiasme, aussi la situation politique. On n'ira pas s'installer en Colombie, pour vous donner cet exemple-là; ça semble assez simple. Mais, même si les coûts d'opération sont plus bas, si la situation politique est instable, on n'ira pas s'installer. Donc, le gel des prix, malgré tous les efforts qui sont faits autour pour compenser, donne une perception négative, donc surtout dans une organisation américaine, où l'offre et la demande ont tendance à être primées de beaucoup.

Donc, je ne vous dis pas que ça ferait une différence immense et qu'on perdrait tous nos mandats, là. Je ne suis pas alarmiste, puis, je vous l'ai dit tantôt, il y a moyen de tirer son épingle du jeu en travaillant ensemble et en mettant des solutions créatives en place, mais c'est un facteur parmi plusieurs facteurs qui donnerait une perception négative face à l'intérêt de la province à recevoir des mandats de cette sorte-là.

M. Couillard: Donc, compte tenu de la petite taille du marché québécois ? avouons-le, le marché québécois interne, en termes de distribution pharmaceutique, c'est une dimension microscopique...

M. Morin (Germain): C'est ça.

M. Couillard: ...à l'échelle nord-américaine et même internationale ? ces enjeux de type capacité d'accueil, enthousiasme d'accueil, qui se reflètent par la règle de 15 ans, par l'absence de prix de référence, par le dégel des prix, sont les enjeux que vous aviez plutôt classifiés dans la dimension intangible, un peu, la capacité ou l'enthousiasme ou l'intérêt d'une région à accueillir les industries. Donc, si je vous suis, la proposition du présent document de geler et d'encadrer l'augmentation des prix de façon à minimiser l'impact budgétaire ne devrait pas avoir d'impact significatif au niveau de votre bureau-chef?

M. Morin (Germain): Non, vous m'avez mal compris. Il ne faut pas mal comprendre l'aspect intangible. Quand je dis «intangible», ça veut dire que je ne peux pas mettre des chiffres directs dessus. Mais par contre je vous dirais qu'environ 50 % de la décision est prise avec les chiffres du côté tangible, et 50 % au moins de la décision est prise avec ces perceptions-là, parce que c'est des décisions long terme. Le tangible va changer; l'intangible, la situation socioéconomique, la compétence de nos gens, la solidité de nos systèmes d'éducation, c'est des choses qui sont en place et qui sont là à long terme. Donc, ça vient faire une grosse différence dans nos décisions.

M. Couillard: On s'est peut-être moins bien compris. Je parle spécifiquement de ce que nous proposons dans le document pour l'encadrement du dégel. Ce qui est proposé dans le document, c'est un dégel des prix, ce qui est déjà, à mon avis, compte tenu de la durée de cette politique ? qui a été, je crois, instaurée en 1993 et qui a été préservée jusqu'à maintenant... Le fait que le gouvernement du Québec dise: Bien, écoutez, nous allons maintenant réaliser le caractère artificiel et intenable, finalement, sur le plan international, de cette position, nous allons favoriser le dégel des prix, mais nous allons l'encadrer, autant en termes de l'importance du dégel permis ? et, comme vous voyez dans le document, nous prévoyons des cas particuliers pour les découvertes majeures, là, en termes d'innovation ? mais nous allons également, compte tenu du fait que c'est le système de santé du Québec qui soutient l'industrie, on vient d'en parler, faire en sorte de susciter des mécanismes compensatoires avec le fabricant de façon à minimiser l'impact budgétaire du dégel des prix. Ça me semble raisonnable et équilibré comme proposition. Est-ce que vous n'êtes pas de cet avis?

Le Président (M. Copeman): M. Charron, allez-y.

M. Charron (Daniel): Si je peux me permettre de parler ici, je pense que l'élément dégel des prix de manière encadrée est un élément qu'on reconnaît comme une bonne chose à moitié, parce que, le mécanisme de balancement, on ne le connaît pas encore, et souvent ce qui se passe, c'est que, comme on dit en anglais: «The devil is in the details», c'est de voir comment ce mécanisme sera contrebalancé, pour voir effectivement si au niveau tangible ça représente un plus ou si au niveau tangible ça représente un zéro, donc si ça fait varier ou non. Donc, je pense que c'est vraiment là où on mentionne dans notre mémoire où ça nous inquiète, mais l'inquiétude vient de cette incertitude. C'est qu'on sait qu'il va y avoir, d'une part, un dégel des prix; de l'autre côté, on sait qu'il va être encadré, mais on ne sait pas trop encore comment. Donc, c'est un peu cet élément-là. Et je pense que, pour répondre à la question, il va falloir voir le comment de comment ça va se refléter, d'une part, pour une entreprise, au niveau de ses chiffres et du tangible, comme M. Morin le signale, et, d'autre part, pour voir si finalement c'est un plus, un zéro ou même un négatif, ce dont je doute.

M. Couillard: Mais ? et je terminerais là-dessus, je crois que mon temps est bientôt expiré, M. le Président ? le comment est un peu dans votre camp aussi...

M. Charron (Daniel): C'est ça.

M. Couillard: ...ce n'est pas juste le gouvernement. Le gouvernement est là, il dit: Écoute, industrie, moi, gouvernement, là, il faut que tu fasses attention, parce que mon portefeuille déborde, là, puis j'ai de la difficulté, on va faire une entente de dégel pour tel produit, mais on va faire une... Qu'est-ce que vous avez à nous proposer pour que ça ne nous fasse pas trop mal sur le plan budgétaire, disons, à court terme, là?

Alors, il y a plusieurs outils, là.

M. Charron (Daniel): Exact.

M. Couillard: Il y a des outils basés sur le volume de distribution, il y a des outils basés, également, sur les ententes portant sur les pratiques éthiques et commerciales, sur la bonne utilisation des médecins, sur le type de marketing qu'on fait, en rapport avec la bonne utilisation. Il y a plusieurs façons de le faire, puis je pense que l'incertitude est là volontairement, pour que la créativité ne soit pas limitée.

Alors, je pense que, si l'industrie veut poser sa marque, elle a intérêt, lors d'une demande de prix, à susciter ou à proposer en même temps un mécanisme d'encadrement ou de compensation. Et, dans le monde commercial et industriel, il y a plein de mécanismes qui sont à notre portée, et, moi, je crois qu'effectivement...

n (10 h 10) n

Puis c'est une bonne chose, une façon équilibrée d'aborder la question. Vous savez que ce n'est pas tout le monde, au Québec, qui salue avec ferveur le dégel des prix proposé dans la politique actuelle; il y a des gens qui nous reprochent et qui nous reprocheront, d'ici la fin des travaux, d'implanter, dans une politique santé, des aspects qui touchent à la santé commerciale des entreprises. Nous, ce que nous disons, et ça a été répété par mon collègue de l'opposition officielle, c'est que c'est une proposition gouvernementale. Donc, il est essentiel d'y voir une intégration justement de ces deux considérations pour éviter des situations classiques que vous connaissez dans d'autres pays.

Moi, une fois, j'ai discuté avec mon collègue français, et le monde pharmaceutique en France, c'est assez compliqué aussi, hein, et il me disait: Moi, c'est très simple, quand les compagnies pharmaceutiques viennent me voir, je ne les écoute pas, je les envoie à mon collègue de l'Industrie. Alors là vous avez une partie de ping-pong ininterrompue entre les deux ministères, puis vous savez très bien quel genre d'environnement ça crée.

Alors, ce qu'on veut exprimer avec le document ici, c'est que le gouvernement du Québec, pas juste le ministère de la Santé et des Services sociaux, le gouvernement du Québec propose une politique du médicament. L'accès aux médicaments est au centre de cette politique. Qui dit accès dit moyens, qui dit moyens dit création de la richesse et de la prospérité, et on intègre donc dans notre document des propositions pour maintenir notre prospérité collective.

Mais là on tourne la vis un peu du côté de l'industrie quand même en leur disant: Écoutez, on va permettre le dégel des prix, mais on va l'encadrer. On va faire des accords sur les pratiques commerciales, sur l'utilisation optimale, l'engagement du fabricant, etc. Il y a là encore une fois quelque chose qui est, je dirais, classiquement canadien et québécois qui est le compromis, et espérons qu'il sera durable et porteur de développement.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup. Pour aller dans la même veine, messieurs, dans la mesure où l'État québécois, le gouvernement du Québec accepterait d'aller encore plus loin, c'est-à-dire... parce que finalement ça tourne beaucoup autour de la proposition ministérielle 13: permettre la conclusion d'ententes... Bon, il y a un dégel des prix qui est proposé; par la suite on permet «la conclusion d'ententes prévoyant la mise en place de mesures compensatoires afin de minimiser, voire d'annuler l'impact sur le régime public de la hausse du prix».

Alors, bon, un, c'est assez difficile, même pour nous, de mesurer la portée de ces mesures compensatoires, parce que dans le fond, si on dit que ça annule l'impact, vous autres, j'imagine, c'est ça que vous craignez, c'est-à-dire que ce qu'on vous donne d'une main, on vous l'enlève de l'autre. Bon.

Faisons l'hypothèse que le gouvernement dit: Très bien, on va aller plus loin, puis on oublie les mesures compensatoires, et on fait un dégel des prix sans l'assortir de conditions contraignantes. Quelle est la garantie que vos sièges sociaux vont vraiment considérer que c'est des facteurs déterminants, pour reprendre votre... et que finalement les entreprises qui sont au Québec, donc les filiales de leurs entreprises, les filiales québécoises, vont rester puis même vont se développer? Parce que, si finalement on met tout ça en place puis que, dans deux ans, cinq ans, vous décidez d'aller ouvrir finalement en Inde parce qu'il y a un grand nombre d'ingénieurs nouveaux ? dont vous parliez ? il y a un marché de consommation pas mal plus grand que le nôtre ? nous autres, on est 7,5 millions, ils sont 1,5 milliard ? et leurs problèmes de santé... disons que le marché des médicaments, il est très... il va être très florissant dans des pays à grand volume de population. Alors, c'est quoi, la garantie? Qu'est-ce que vous nous donnez en garantie pour penser que tout ça va valoir la peine et que finalement, quand on va dire aux groupes qui justement s'opposent au dégel: Bien, écoutez, on l'a fait parce que, un dans l'autre, on va vraiment être gagnants, puis pas juste à court terme, mais sur une longue période?

M. Charron (Daniel): Dans le monde économique d'aujourd'hui, il n'y a jamais de garantie, puis c'est bien malheureux, mais les choses en sont ainsi. Et la question, elle est toute juste... Enfin, quand vous dites: Bien, si on fait quelque chose d'un côté puis on convainc, on s'engage, nous, à convaincre d'autres groupes d'aller dans ce sens-là en contrepartie d'autre chose, comment on peut avoir une garantie sur la contrepartie? Comme je vous le disais, la contrepartie, elle est difficile à obtenir. Par contre, si on souhaite conserver une industrie forte puis qui se développe puis qui est créatrice de richesse et d'emplois, bien il faut s'en donner les moyens. Et ça, la question qu'on doit se poser comme gouvernement mais comme aussi autre acteur dans l'industrie, c'est: Lorsque je vois une industrie à laquelle je tiens, lorsque je vois une industrie dans laquelle j'y vois mon avenir économique, est-ce que je fais tout pour m'assurer qu'elle se renforce et se développe?

Et je pense que c'est ça, la question, et il n'y a jamais de garantie. Mais par contre aller dans des gestes qui visent à, si on veut, inciter ces sièges sociaux à regarder le Québec comme un endroit où il fait bon investir parce que les qualifiants puis les déterminants sont là, bien on se donne les chances. Et, aujourd'hui, dans le contexte concurrentiel, bien les chances sont de plus en plus difficiles à obtenir, donc il faut réellement se donner les moyens. Puis on a quelque chose au moins, on a un bon, excusez-moi l'expression, mais on a un bon «track record», là. On a, au Québec, une industrie qui s'est développée d'une manière forte. Donc, on part avec une base, et je pense que c'est cette base-là qu'il faut renforcer. Donc, non, il n'y a pas de garantie, mais on a quand même un historique puis un historique qui nous rend forts. Mais je pense que, si on veut continuer à voir cette industrie-là se renforcer, encore une fois il faut s'en donner les moyens. Puis ce n'est pas des paris risqués, mais, au moins, à la fin, à la fin de la journée, on peut dire: Bien, j'ai l'impression que j'ai fait tout ce que je pouvais pour le faire et que j'ai finalement mis les moyens à côté de mes besoins puis de mes intentions. Donc, c'est un peu dans ce sens-là, là, que je répondrai. Je ne sais pas si M. Morin peut ajouter là-dessus?

M. Morin (Germain): Oui, je peux ajouter quelques mots. Notre garantie, c'est nous. C'est à nous, puis je parle pour mon organisation puis pour l'industrie, c'est à nous à demeurer compétitifs, c'est à nous à s'assurer qu'on va attirer ces investissements-là, et non l'inverse. Il n'y a pas une organisation, que ce soit pharmaceutique ou dans n'importe quel milieu de l'économie, qui va garantir. C'est nous, dans le cas de Saint-Laurent, qui avons fait la différence. Nos gens sont bien formés ? merci à nos systèmes d'éducation; nos gens sont compétents et ils sont créatifs, il faut s'assurer qu'on leur donne le milieu socioéconomique qui va leur permettre de continuer d'attirer ces mandats-là.

M. Charbonneau: Ce que vous dites, c'est que, vous comme dirigeant de la filiale québécoise, vous seriez plus en mesure de convaincre votre siège social américain de rester au Québec si le gouvernement allait plus loin dans ses intentions, parce que là ce qu'on propose, c'est un dégel mais assorti de conditions, qui ne sont pas précisées actuellement, et conditions qui visent à annuler l'effet du dégel. Est-ce que je vous comprends?

M. Morin (Germain): On salue le dégel. On est conscients par contre, et ça, c'est vrai pour le reste du Canada, c'est vrai pour l'Amérique du Nord au complet, on est conscients qu'avec le vieillissement de la population, qu'avec l'économie qui change la pression du système de santé est de plus en plus grande. Donc, cette même pression là, vous allez la retrouver aux États-Unis. Donc, l'industrie est de plus en plus consciente de ça.

Ce qu'on veut, ce qu'on veut passer comme message, c'est qu'on doit continuer de travailler ensemble pour avoir un milieu socioéconomique qui ne donnera pas la perception qu'il est négatif à l'industrie. Le dégel, on le salue. Comment ça va s'appliquer et comment les mesures compensatoires vont s'appliquer, il s'agit d'être très créatifs et de le faire pour que chacun tire son épingle du jeu.

M. Charbonneau: C'est ça, mais le message que vous nous envoyez, c'est que ? puis je veux être bien sûr de comprendre ? c'est que, quand vous dites d'être créatifs, c'est que, si en bout de piste vous avez un dégel qui vous favorise, donc finalement il y a une dépense, c'est-à-dire qu'il y a une rentrée financière plus grande de votre côté, puis, si les mesures compensatoires annulent ces rentrées-là, il n'y a pas de... on est au statu quo, là, d'une certaine façon. Mieux vaut maintenir le gel avec pas de mesures compensatoires.

Autrement dit, moi, je n'ai pas fait mon lit encore, là, mais ce qui est clair, c'est que, si on propose un dégel avec des mesures compensatoires dont on ignore la teneur, et que l'objectif, c'est d'annuler l'impact au niveau du régime public, donc des coûts pour l'État, quelque part il y a quelqu'un qui va payer, là. Si ce n'est pas l'État, c'est vous autres. Est-ce que vous êtes conscients de ça?

M. Morin (Germain): Encore une fois, on salue le dégel, parce que le gel des médicaments donne une perception très négative sur l'influence du gouvernement dans l'économie. Quand on va, quand, moi, je vais à mon bureau-chef, cette portion-là est la portion intangible qui donne une influence très négative. Encore une fois, on parle d'hypothèses au niveau des mesures compensatoires. Si on peut trouver des mesures compensatoires qui n'ont pas cet impact-là ou qui ne donnent pas cette perception-là de ne pas favoriser une industrie de pointe ou d'être réfractaires à l'industrie de pointe ? puis on est sûrement capables d'en trouver en travaillant ensemble ? à ce moment-là c'est positif. Si au contraire les effets compensatoires ou les mesures compensatoires sont encore plus négatives, bien là, comme je vous dis, on demeure dans les hypothèses, l'avenir va nous permettre de voir comment ça va se passer.

M. Charbonneau: Vous dites à un moment donné que la conclusion d'ententes de partage de risques, qui est proposée dans la proposition 33, elle vous soulève des inquiétudes, dans le sens qu'elle pourrait risquer de contrecarrer les autres politiques servant à attirer l'investissement. C'est ça que vous dites, hein, si j'ai bien...

M. Charron (Daniel): C'est un peu le même raisonnement. Le raisonnement...

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: C'est ça. Autrement dit, c'est que c'est en relation avec la proposition 13. Vous dites: Les ententes de partage de risques, vous êtes bien prêts à en prendre jusqu'à une certaine limite. C'est ça que vous dites, là.

M. Charron (Daniel): C'est pour ça qu'on croit au forum permanent d'échange, parce que tout n'est pas dans le document de consultation puis tout n'est pas dans les mémoires que vous avez reçus comme membres de la commission. Puis, le forum permanent d'échange va permettre justement de susciter cette créativité, de créer ce dialogue qui est important pour que, bien, que la bonne intention, d'une part ? et je pense que l'intention, elle est là ? de dégeler les prix... Il y a une intention, que l'on comprend également, de s'assurer que les effets de ce dégel, bien, ils ne se transforment pas en augmentation impressionnante des dépenses publiques. Bien, M. le ministre l'a dit et vous l'avez dit, il y aura des manières créatives de les trouver, puis les créateurs, bien, il y en a chez vous, mais il y en a également dans l'industrie, mais il faut se parler.

Encore une fois, c'est dans ce sens-là que ce forum permanent d'échange va permettre d'apporter ces solutions puis de trouver ces équilibrages, qui seront à revoir, parce que le monde change de toute façon, mais qui va permettre justement de créer ça, pour éviter justement qu'il y ait trop d'années qui passent entre les différentes discussions qu'il y a sur ce sujet, entre l'industrie et le gouvernement, sur quelque chose qui est si important, parce que c'est une dépense publique importante mais également parce que c'est une industrie incontournable.

M. Charbonneau: Par rapport à ce qui se fait ailleurs, moi, je voudrais juste comprendre, là, parce que, d'une façon un peu simpliste... ce n'est pas compliqué, je veux dire: ou on vous donne plus d'argent, puis on vous en donne vraiment plus dans le sens où on dégèle les prix, ou bien on ne vous en donne pas vraiment plus, parce qu'on les dégèle puis on vous le reprend de l'autre poche, d'une autre façon. Alors, moi, je veux bien comprendre qu'on puisse être imaginatifs, mais ça voudrait dire quoi, l'imagination, dans votre esprit, qui ferait qu'on dégèlerait les prix mais en même temps que ça ne coûterait pas tellement plus cher au régime public, là?

M. Charron (Daniel): Bien, ça va dépendre...

M. Charbonneau: Puis que vous seriez satisfaits, en plus, là.

M. Charron (Daniel): Ça va dépendre beaucoup de la compensation. Comme M. Morin le disait, au niveau intangible, le gel de prix, appelons ça un irritant en fait pour les sièges sociaux, donc le fait d'aller dans un dégel du prix enlève un irritant, dans ce que M. Morin appelle les intangibles.

M. Charbonneau: Je comprends, mais, dans vos sièges sociaux, ils doivent calculer aussi, c'est-à-dire...

M. Charron (Daniel): Bien, c'est ça. Donc, ça va arriver au niveau des tangibles, cette question, à savoir si c'est un plus ou un moins. Dans le fond, c'est pour ça que je dis que ça va dépendre des mécanismes compensatoires. Est-ce que les mécanismes compensatoires vont retourner dans les facteurs intangibles puis...

Ce que M. Morin essaie de dire, ce que tout à l'heure j'essayais d'exprimer avec mes qualifiants, les déterminants, c'est qu'il y a deux colonnes en fait; la décision se prend à 50 % d'un côté puis 50 % selon une autre catégorie de raisonnement, les intangibles. Donc, si le plus et le moins se font dans l'intangible, on n'y gagnera pas. Dans le tangible, c'est là qu'on peut calculer. Donc, en d'autres mots, ça dépendra des mécanismes de compensation. Si les mécanismes de compensation touchent les tangibles, bien là, à ce moment-là on pourra voir s'il y a un plus ou un moins. Si ça reste dans les intangibles, bien ça risque d'avoir un effet finalement neutre ou nul, ce dégel des prix, parce que finalement on va, oui, enlever un irritant au niveau des intangibles mais en en recréer un autre au niveau des tangibles.

M. Charbonneau: Les partenaires qui participeraient à un forum permanent d'échange, pour vous, qui devraient-ils être?

M. Charron (Daniel): D'abord des gens qui sont intéressés à l'avenir de l'industrie pharmaceutique au Québec. Il y a certainement les acteurs... Comme je disais, notre plus grand actif dans l'industrie pharmaceutique, c'est les gens qui sont sur place, donc les entreprises qui sont sur place, dont je parle. Ils ont des associations industrielles représentatives, c'est important.

Tout à l'heure, je disais: C'est un secteur qui est à l'avant-garde du manufacturier nouveau. Pourquoi? Parce qu'ils agissent en partenariat. En partenariat avec qui? Le gouvernement. Mais, le gouvernement ? puis tout à l'heure le ministre le soulignait ? quand on parle de politique du médicament, ça ne concerne pas seulement le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais également le ministère des Finances et le ministère du Développement économique. Il y a donc également des gens des universités, des collèges, de tout ce qui touche à la recherche qui devraient être présents, mais encore une fois c'est des gens qui ont à coeur l'avenir de cette industrie et c'est des gens qui sont présents, qui sont impliqués, et je pense qu'ils devront être là-dessus. Des noms précis, je ne vous en donnerai pas aujourd'hui, mais vous avez...

M. Charbonneau: Je ne vous demande pas de noms, là.

M. Charron (Daniel): Mais je pense qu'au niveau gouvernemental il y aura au moins trois joueurs clés qui devront y être: le ministère des Finances, le ministère du Développement économique, les déterminants; le ministère de la Santé et des Services sociaux, au niveau des qualifiants, quand on parle de décisions d'investissement, les acteurs de l'industrie puis les acteurs... également les centres de recherche devront être très présents.

M. Charbonneau: Quand vous parlez des acteurs des centres de recherche, est-ce que vous pensez aussi au monde académique, c'est-à-dire aux universités?

M. Charron (Daniel): Bien, d'abord, il ne faut pas se fermer à la base. Quand on crée un forum permanent d'échange, on a la chance d'amener là des gens...Bon, il faudrait que ce soit un format qui permette un dialogue puis une discussion efficaces, mais il y a certainement des gens, à l'intérieur de l'université, qui seront fort intéressés tout à l'heure, je dirais, à amener des universités à la table; c'est des gens incontournables pour le développement de ce secteur. Et, oui, je pense qu'il y aurait certainement une présence qui devrait leur être accordée.

M. Charbonneau: Est-ce que vous auriez des objections à ce que, dans ce forum-là, on y inclue éventuellement des associations de consommateurs ou d'utilisateurs de médicaments?

M. Charron (Daniel): Bien, ce sera à voir. C'est-à-dire que, si le forum permanent d'échange a pour objectif de voir au développement et à la croissance de cette industrie, bien ce sera l'aspect industriel et économique qui devra être favorisé en termes... Les consommateurs et les groupes de patients, je pense qu'ils sont quelque part représentés par les représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, ça dépendra de l'objectif qu'on se donne, qu'on donne à ce ministère, à ce forum permanent.

Pour prendre l'exemple de l'Ontario, les acheteurs d'automobiles ou le CAA n'étaient pas présents autour de la table, parce que ce dont il était question, c'était l'avenir de l'industrie. Les grands de l'automobile, avec les syndicats, avec des fournisseurs du secteur se sont assis ensemble, ils ont dit: Nous, on a à coeur l'intérêt, on a à coeur l'intérêt du secteur, on veut des investissements de modernisation, on veut des investissements de nouvelles installations, et ils ont mis l'épaule à la roue. Donc, ça dépendra du focus. Mais, moi, je prioriserais un focus qui soit davantage économique et industriel dans le cadre de ce forum permanent d'échange.

M. Charbonneau: D'accord. Je comprends votre point de vue, mais est-ce que, justement, puisqu'il y a des résistances dans d'autres groupes de la société, est-ce qu'il y a une espèce de scepticisme aussi quant, d'une certaine façon, au résultat et puis au fait que... Ce n'est pas comme si on prenait de l'argent, là, chez les riches pour le donner aux pauvres. À la limite, les gens peuvent percevoir qu'on prend de l'argent chez les pauvres pour le donner aux riches, là. Alors, est-ce que vous ne trouveriez pas ça plus... en tout cas qu'il n'y aurait pas un avantage, même pour vous, en termes de perception, qu'il y ait des représentants, par exemple, des consommateurs ou des usagers, en fait des utilisateurs de médicaments?

M. Charron (Daniel): Je crois que ce qui est important sur ce forum, c'est que la discussion, il faudra qu'elle reste focussée en termes économiques, focussée en termes industriels. Parce que ce dont il sera question, c'est de création de richesse. Ce n'est pas un forum qui va discuter des aspects redistributeurs en fait de cette richesse. Donc, je pense que... Et a priori, là, ce n'est pas pour vous dire non, non à certains groupes, mais je tiens à ce que le focus reste là. Et, si l'intervention de ces groupes-là aurait pour effet de diluer le focus, je trouverais ça malheureux, puisque ce forum permanent devrait avoir un focus industriel et économique.

M. Charbonneau: Dans une société démocratique, ouverte au débat public puis à la discussion, de deux choses l'une, les gens réagissent après coup parce qu'ils n'étaient pas dans le coup, justement, puis, à tort ou à raison, finalement critiquent durement et ont une influence aussi sur les décideurs politiques. Puisqu'on est dans une société démocratique, finalement notre vie ? et survie ? politique dépend aussi de ce que les gens...

Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas une garantie, même si... Faisons l'hypothèse qu'effectivement on va dans une dynamique où ces forums-là, pour ce qui est proposé, sont reliés aux intérêts de développer une industrie puis de la maintenir, en fait de la maintenir et de la développer encore si possible. Mais, dans la mesure où les consommateurs auraient la conviction que ça ne se fait pas sur leur dos, justement parce qu'ils sont dans le coup, c'est un peu comme, finalement, dans une négociation, quelqu'un qui... la partie patronale ou le dirigeant ouvre les livres, met ça sur la table en disant: Regardez, là, c'est ça, ma situation, là. Est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt à ce qu'il y ait une espèce de plus grande ouverture à la participation justement de gens qui peuvent être sceptiques dès le départ? Puis vous le savez très bien.

M. Charron (Daniel): Comme je vous disais, l'idée est intéressante, parce que, vous le disiez, il y a du scepticisme, il y a souvent de la critique. Et est-ce qu'un forum comme cela, le fait d'impliquer des gens, ces gens qui pourraient être à la base sceptiques ou critiques, pourrait avoir un effet positif? Je dis: Pourvu que ça reste, que le focus reste sur l'industrie, l'aspect industriel, l'aspect économique.

Et, quand je regarde ce qui s'est fait ailleurs, moi, j'aime beaucoup regarder les meilleures pratiques. En Ontario, dans le groupe de l'automobile, ils ne l'ont pas fait. Ils en sont restés aux acteurs directement concernés. On a vu les succès que ça a donnés.

M. Charbonneau: La recherche et le développement, l'innovation, même sociale, ce n'est pas une mauvaise chose en soi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charron (Daniel): On est aussi dans...

M. Charbonneau: ...de pratique.

n (10 h 30) n

M. Charron (Daniel): ...dans les bonnes pratiques aussi, je veux dire. Donc, c'est à ce niveau-là. Mais il faudra absolument que sur ce comité, sur ce forum permanent, la discussion reste axée industrielle et économique, et sur d'autres forums pourraient avoir lieu d'autres discussions. Mais ce que je veux dire là-dedans... Et je ne pense pas que personne ne s'oppose à la création puis au renforcement d'un secteur pharmaceutique fortement rémunérateur qui se développe ici, au Québec, je ne crois pas que personne ne soit opposé à ça. Mais, vous avez raison de le dire, ce sera à l'industrie à bien démontrer comment, bien, cette création de richesse, ce développement ne se fait pas sur le dos de groupes comme les consommateurs. Ça, c'est important, et vous avez tout à fait raison de le mentionner. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Charron, M. Laurin, M. Morin, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

J'invite immédiatement les deux professeures associées avec le Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 31)

 

(Reprise à 10 h 34)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons Pre Savoie, Pre Moride, du Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal. Bonjour, Mmes les professeures. Comme je le fais avec chaque groupe, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires de chaque côté de la table d'une durée maximale de 20 minutes. Je vous prie de vous identifier et, par la suite, enchaîner avec votre présentation.

Groupe de recherche en gestion
thérapeutique de l'Université
de Montréal (GREGT)

Mme Savoie (Michelle): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je suis Michelle Savoie. Je suis directrice du Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal et professeure invitée à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal. Je suis accompagnée aujourd'hui du Dr Yola Moride, professeure agrégée à la Faculté de pharmacie, aussi, de l'Université de Montréal. Nous nous partagerons d'ailleurs la présentation de ce mémoire.

Alors, le Groupe de recherche en gestion thérapeutique vous remercie de lui permettre de présenter son point de vue et ses réflexions relativement au projet de politique du médicament rendu public en décembre dernier.

Le Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal a été créé dans le but d'implanter un programme de recherche novateur de même que de concevoir, d'implanter et d'évaluer diverses interventions visant l'utilisation optimale des ressources, incluant le médicament, et répondant aux enjeux actuels de prise en charge globale des patients dans le contexte de santé québécois.

La mission du groupe de recherche est d'accroître, par la conception et la mise en place de programmes d'intervention et par la poursuite d'activités de recherche appliquée, la capacité de production, d'évaluation et de transfert des connaissances en gestion thérapeutique, connaissances dotées d'un fort potentiel de transformation des politiques et des pratiques cliniques, organisationnelles et communautaires, et ce, dans une perspective de gain en efficacité réelle des soins et de l'utilisation des ressources.

Le groupe de recherche a initialement été créé dans le cadre d'une entente de partenariat entre l'Université de Montréal et le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique. Cette entente est née d'un constat par l'industrie pharmaceutique que la recherche en gestion thérapeutique doit, dans le meilleur intérêt de la collectivité, être réalisée dans un contexte scientifique dénué de tout intérêt corporatif et doit aussi être appuyée par une plateforme de transfert des connaissances, maximisant ainsi les retombées pratiques des résultats de recherche, et ce, tout en permettant de créer un forum d'échange entre les milieux académique et clinique, le milieu industriel et le milieu gouvernemental.

Des mécanismes et processus structurés favorisant un échange réel entre les milieux scientifique, professionnel, communautaire et privé sont d'ailleurs intégrés à même la structure de gouverne du groupe de recherche. En effet, les membres du comité de direction assurent une représentation active du milieu académique, de l'industrie et des gouvernements fédéral et provincial. Nous désirons d'ailleurs saluer la participation du ministère de la Santé et des Services sociaux au Groupe de recherche en gestion thérapeutique. La présence d'un représentant du ministère de la Santé et des Services sociaux sur le comité de direction y sera bénéfique pour les travaux du groupe et pour le secteur de santé.

Certains constats s'imposent avant d'aborder les thèmes de la gestion thérapeutique et de l'utilisation optimale des médicaments, discutés dans le projet de politique du médicament. Le médicament fait partie intégrante du processus de soins aux patients et est devenu au fil du temps le choix thérapeutique le plus fréquemment initié par les médecins. La recherche et l'innovation pharmaceutiques ont d'ailleurs contribué à la mise en oeuvre de la politique du virage ambulatoire en offrant des traitements en milieu communautaire et à domicile. Tel que défini dans le projet de politique du médicament, on observe un ralentissement de la croissance du coût total des médicaments depuis les dernières années, bien qu'elle se situe toujours au-delà de 10 %. En plus des causes identifiées dans le projet de politique du médicament, tels que le vieillissement de la population, l'arrivée de nouveaux médicaments et l'augmentation du nombre d'ordonnances et du coût moyen d'une ordonnance, d'autres facteurs contribueront à maintenir cette pression à la hausse, incluant l'augmentation de l'espérance de vie et l'avancement des connaissances dans le traitement de nouvelles pathologies ou de pathologies existantes.

Face à ces prévisions, nous croyons que l'utilisation optimale des médicaments, dans un contexte de gestion globale de la thérapie, soit la gestion thérapeutique, apparaît comme une voie prometteuse pour l'amélioration du processus de soins prodigués aux patients.

Dans un contexte d'optimisation des ressources, le besoin de fonder la prise de décision sur des données probantes se fait de plus en plus pressant. Les résultats d'études antérieures réalisées par le Conseil du médicament, par l'industrie pharmaceutique ou par d'autres chercheurs ont soulevé des problèmes liés à l'utilisation non optimale des médicaments. Bien que ces données soient disponibles, peu de mesures concrètes ont été mises en place pour résoudre les problèmes identifiés. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque de suivi, comme, par exemple, le manque d'objectivité perçu des données à cause notamment des biais associés aux promoteurs et/ou aux sources de financement des études, que ce soit publiques ou privées, de même que le manque de collaboration et de concertation entre les chercheurs et les intervenants de la santé tant au niveau de l'identification des problèmes, des méthodes de recherche que des solutions proposées.

n (10 h 40) n

De ces constats émergent quelques conclusions, dont le besoin de produire des données probantes, crédibles, de sources indépendantes, tant sur l'analyse des problèmes que sur l'identification des facteurs en cause, sur l'expérimentation de solutions visant les pratiques cliniques, sur l'organisation des services ou sur les politiques de santé dans une perspective de transfert et d'application des connaissances. Nous estimons que le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs passe par une plateforme neutre où les travaux sont réalisés par des scientifiques chevronnés ciblant des problématiques prioritaires identifiées avec la participation des principaux acteurs, soit les milieux académiques et cliniques, le gouvernement et l'industrie. Le milieu académique constitue un forum neutre de choix pour débattre des enjeux prioritaires de même que pour accroître la crédibilité des initiatives d'analyse et de transformation des pratiques, des services et des politiques.

Maintenant, quelques considérations générales sur la Politique du médicament. Le Groupe de recherche en gestion thérapeutique partage la vision énoncée dans le projet de politique du médicament qui vise l'utilisation optimale des médicaments au Québec et appuie les quatre objectifs énoncés dans ce projet de politique. Le groupe de recherche partage également la vision proposée qui souligne le rôle de la gestion thérapeutique comme support à l'utilisation optimale des médicaments de même que les inquiétudes quant à l'encadrement actuel de la recherche, du développement et de l'évaluation de programmes de gestion thérapeutique.

Les commentaires émis dans ce mémoire portent ainsi sur deux aspects de la Politique du médicament: d'une part, l'utilisation optimale des médicaments dans une perspective de gestion thérapeutique et, d'autre part, l'apport du milieu universitaire au forum permanent d'échange entre le ministère de la Santé, le ministère du Développement économique et régional et l'industrie pharmaceutique. Je vais maintenant céder ma parole à ma collègue, Dre Moride.

Mme Moride (Yola): Si on parle maintenant d'utilisation optimale des médicaments, le projet de politique du médicament présente une série de propositions en regard de l'utilisation optimale des médicaments et définit l'utilisation optimale comme étant l'usage qui maximise les bienfaits et minimise les risques pour la santé de la population en tenant compte des diverses options possibles, des coûts et des ressources disponibles, des valeurs des patients et des valeurs sociales. En corollaire, nous voulons préciser que l'utilisation sous-optimale peut être induite par une sur ou une sous-prescription de médicaments ou par le non-respect de la part des patients des directives reçues de leurs médecins et/ou de leurs pharmaciens. Les concepts de bienfaits, de valeurs des patients et de valeurs sociales devront être précisés de sorte que l'évaluation des bienfaits porte sur l'efficacité et l'efficience du résultat des soins et non seulement sur le potentiel de créer des économies dans le système de santé. Nous sommes persuadés du bien-fondé d'une perspective qui vise à maximiser le bienfait collectif et individuel de cet outil thérapeutique qu'est le médicament.

L'utilisation optimale des médicaments doit mobiliser plusieurs intervenants pour lesquels les objectifs poursuivis peuvent être et sont souvent différents, d'où l'importance d'effectuer la recherche, la communication et l'identification de solutions à partir d'une plateforme neuve. La mise en place et l'évaluation tant des projets pilotes identifiés dans le projet de politique que des autres mesures concrètes qui seront développées par le Conseil du médicament ou par la table de concertation devront alors privilégier l'interdisciplinarité et miser sur la concertation, la complémentarité et la collaboration de tous les acteurs concernés.

D'ailleurs, la composition prévue de la table de concertation n'inclut pas de représentant du milieu académique. Le mandat de formation universitaire des professionnels de la santé en matière d'utilisation optimale revient de facto au milieu académique. De par sa mission, le milieu académique se doit effectivement de participer à l'identification des problèmes, à la recherche de solutions de même qu'à la production et au transfert de connaissances basées sur l'évidence et la littérature probante. Cette mission s'applique tant à l'utilisation optimale des médicaments qu'à la gestion thérapeutique. La contribution d'un représentant du milieu académique à la table de concertation sera bénéfique notamment pour l'identification des problèmes, la planification d'activités d'évaluation, et ce, dès la conception des mesures d'intervention, de même que pour la recherche de solutions consensuelles. Nous croyons que le Groupe de recherche en gestion thérapeutique apporterait une contribution importante à la table de concertation étant donné sa plateforme de recherche académique tournée vers les transformations pratiques.

Le projet de politique du médicament prévoit aussi le développement de conditions que l'industrie devra respecter dans le cadre d'initiatives en gestion thérapeutique. On réfère ainsi à la proposition 25. L'encadrement des activités en matière de gestion thérapeutique est justifié, mais nous sommes d'avis que cet exercice ne devrait pas se limiter aux seules initiatives proposées par l'industrie. En fait, il faudra encourager le développement d'initiatives en gestion thérapeutique par le milieu académique et les milieux communautaires et institutionnels.

La gestion thérapeutique fait appel à une approche de prise en charge globale des patients et à des interventions centrées et ciblées sur les professionnels de la santé et les patients. La stratégie de développement des programmes de gestion thérapeutique est fondée sur des données probantes, créant ainsi un processus de rétroaction entre les résultats de recherche et la planification des programmes de gestion thérapeutique. La majorité des études répertoriées dans la littérature ont démontré des effets positifs notamment en matière de qualité des soins, de réduction de l'utilisation des services à l'urgence et de réduction d'hospitalisations et de réhospitalisations. Cependant, les avis sont partagés en ce qui concerne la réduction des coûts de soins de santé. Par ailleurs, les faiblesses méthodologiques liées à certaines de ces études concernant l'évaluation des effets, notamment l'absence de groupes de comparaison, rendent difficile l'évaluation des effets des différentes composantes de l'intervention, des effets sur la santé et sur la qualité de la vie à long terme et sur la possibilité d'extrapolation à d'autres populations ou à d'autres régions.

L'un des éléments qui peuvent influencer le succès d'un programme de gestion thérapeutique est la résistance au changement des intervenants dans la prise en charge. Par conséquent, le développement d'un processus et d'une plateforme d'expertise en transfert de connaissances est une priorité pour arrimer les recherches et les évaluations de ces programmes aux pratiques, aux organisations de même qu'aux politiques de santé.

Le bilan des connaissances nous a aussi permis d'identifier une série de composantes représentant le fondement d'un cadre conceptuel en matière de gestion thérapeutique. Ce cadre conceptuel assistera les chercheurs dans l'identification des axes et des cibles de recherche et pourrait aussi servir de guide pour l'élaboration de lignes directrices visant l'encadrement des initiatives en gestion thérapeutique. Le fondement du cadre conceptuel privilégié par le Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal inclut les six composantes suivantes.

Premièrement, la particularité de la gestion thérapeutique réside dans sa forme, c'est-à-dire que les interventions individuelles n'ont leur raison d'être que si elles sont intégrées dans une prise en charge globale. Ensuite, la gestion thérapeutique repose sur l'abolition des limites entre disciplines médicales et entre divers professionnels de la santé, soit le concept de multidisciplinarité et d'intégration de la prise en charge, ce qui exercera une demande accrue pour un réseau adapté de communication et de transfert des connaissances. Troisièmement, l'unité centrale d'intérêt est le patient. Les interventions, quant à elles, visent respectivement le patient, le médecin, le pharmacien, l'infirmier, les autres intervenants en santé et l'environnement familial du patient et des proches. Quatrièmement, les critères d'évaluation des programmes de gestion thérapeutique vont au-delà des paramètres cliniques. Cinquièmement, les maladies généralement ciblées sont celles ayant une étiologie multifactorielle, de prévalence élevée et responsables de coûts importants et/ou difficiles à gérer. Finalement, il faut dissocier autant que possible les programmes de gestion thérapeutique des intérêts financiers, d'où l'importance de mener des programmes dans un cadre universitaire.

Ainsi, les initiatives en gestion thérapeutique se différencient des programmes d'intervention actuellement en cours par la prise en charge globale des patients, plutôt que par des interventions en silo, et par le processus de rétroaction intégré dans la planification des programmes. On comprend alors que l'utilisation optimale de la thérapie médicamenteuse constitue l'une des composantes d'un programme intégré de gestion thérapeutique. Les chercheurs et intervenants en gestion thérapeutique, de par leurs activités de recherche et d'évaluation, seront des contributeurs importants pour la production et l'avancement des connaissances ainsi que pour la définition des balises visant l'encadrement des programmes en gestion thérapeutique.

Mme Savoie (Michelle): Le dernier élément de la Politique du médicament que nous voulons aborder est celui portant sur la création d'un forum permanent d'échange entre le ministère de la Santé, le ministère du Développement économique et régional ainsi que l'industrie, tant novatrice et générique. Le rôle de ce forum permanent sera d'assurer, et je cite, «le maintien de l'équilibre entre les politiques de santé et le développement économique». On réfère ici à la proposition 34. Nous croyons que la représentation du milieu académique au sein de ce forum permanent d'échange est non seulement souhaitable, mais essentielle au vu de son caractère neutre quant à l'identification des problématiques et des solutions, de même que la mise à bien de son expertise dans le développement et l'utilisation du médicament, ainsi que dans la production et le transfert des connaissances. À nouveau, nous sommes convaincus que le Groupe de recherche en gestion thérapeutique serait un partenaire important au sein de ce forum d'échange.

En conclusion, la croissance du coût total du régime général d'assurance médicaments devrait se maintenir au cours des prochaines années. Par ailleurs, les pressions se font croissantes pour assurer que chaque dollar investi dans le régime constitue une valeur ajoutée pour les citoyens. Dans ce contexte, l'utilisation optimale des médicaments dans une perspective de gestion globale de la thérapie apparaît comme une voie prometteuse à la fois pour favoriser l'amélioration du processus de soins des patients et pour permettre une utilisation optimale des ressources dans la gestion du régime général d'assurance médicaments.

n (10 h 50) n

Le projet de politique du médicament propose plusieurs points positifs, mais toutefois l'implication du milieu académique semble périphérique, et nous proposons que son rôle se situe au coeur des initiatives proposées. Les joueurs principaux pour atteindre les résultats attendus en matière d'utilisation optimale du médicament et de gestion thérapeutique sont déjà en place mais ont besoin d'actions concertées et scientifiquement crédibles. De par ses missions, ses objectifs et sa gouvernance, le Groupe de recherche en gestion thérapeutique pourra servir d'interface entre les communautés professionnelle, communautaire, scientifique et industrielle et les décideurs en matière de politique santé et ainsi pourra servir de levier efficace et crédible dans la réalisation de propositions portant sur l'utilisation optimale des médicaments et sur la gestion thérapeutique.

En fait, le Groupe de recherche en gestion thérapeutique est appelé à développer une alliance avec les différents intervenants de la santé, incluant les professionnels de la santé, les patients, les hôpitaux, les milieux académique, clinique et communautaire et le secteur privé. Les chercheurs du groupe de recherche seront également membres du plus large institut plurifacultaire récemment créé, soit l'Institut d'évaluation en santé. Directement ou par l'intermédiaire de ces différents intervenants, le groupe de recherche peut apporter une contribution importante pour mener la recherche appropriée relativement à l'utilisation optimale des médicaments et à la gestion thérapeutique. Les connaissances développées par ce réseau de chercheurs seront exportables et pourront contribuer à promouvoir l'expertise du groupe de recherche et le leadership du Québec en matière de gestion thérapeutique sur la scène internationale.

Le groupe de recherche ne propose pas une vue en silo ciblant les ressources en santé de façon individuelle mais plutôt une approche permettant d'identifier les solutions qui pourront faire consensus face à un problème donné. En soi, le groupe de recherche constitue un forum neutre pour discuter des enjeux, des problèmes et des pistes de solution. En plus de favoriser la collaboration et la concertation des différents intervenants lors de l'identification des problèmes et des pistes de solution, la création d'un forum neutre interpellant tous les intervenants facilitera l'acceptation des résultats par ces derniers.

Finalement, le caractère unique, au Canada, du Groupe de recherche en gestion thérapeutique et le fort potentiel de contribution aux objectifs visés par la Politique du médicament représentent une opportunité pour le Québec, d'une part, d'innover dans la création de partenariats académiques public-privé dans le cadre de la Politique du médicament et, d'autre part, de prendre un leadership international en gestion thérapeutique. On vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, docteures. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Savoie et Mme Moride, pour votre présentation. Je commencerais d'emblée en explorant la question de la gestion thérapeutique. Vous avez peut-être suivi nos travaux la semaine dernière, il y a une des grandes firmes pharmaceutiques, en fait une des plus grandes firmes pharmaceutiques au monde, qui donne l'exemple d'ententes de partenariat, parce que nous proposons la conclusion de partenariats, dans le document de consultation, autour de ce concept de gestion thérapeutique, et on nous donne un exemple, ce qui s'est fait dans la gestion des maladies cardiovasculaires en Floride, par exemple, dans un environnement où ce type de partenariat est arrivé. Il est clair qu'avec l'adoption éventuelle de la politique, des actes législatifs et réglementaires qui suivent, bien la porte va être ouverte pour que de tels partenariats soient proposés. Une fois qu'ils sont proposés, il faut qu'ils soient évalués et qu'on prenne la décision d'y adhérer ou non ou d'y adhérer avec des modifications.

Comment un groupe comme le vôtre ou le milieu académique en général peut-il s'insérer dans cette évaluation des partenariats qui vont être proposés par l'industrie pharmaceutique?

Mme Savoie (Michelle): Et je crois comprendre que vous faites probablement référence à la présentation... Je pense que c'est le groupe Pfizer qui effectivement présentait, la semaine dernière... Comme on a mentionné, il y a six composantes qui ont été identifiées comme étant six composantes de base pour un cadre conceptuel en gestion thérapeutique. Les composantes, telles qu'elles ont été définies par ma collègue, identifient les éléments qui devraient se retrouver effectivement à l'intérieur d'un programme de gestion thérapeutique, tous les concepts d'intégration de la prise en charge, l'interdisciplinarité des différents intervenants qui doivent être amenés à la table. Donc, je pense que les travaux du groupe de recherche pourraient permettre de développer un cadre qui nous permettrait d'évaluer les programmes de partenariat.

Je crois aussi qu'il serait important que dans le développement de programmes de partenariat... C'est une chose d'évaluer le concept du programme qui est proposé. Un des aspects qui est essentiel ou qui sera central, si on regarde ce qui a été fait et les leçons qu'on peut tirer de d'autres programmes qui ont été faits, l'intervention ou la participation des différents acteurs dès le développement des programmes qui sont mis en place est fort importante. Donc, ce sera important que le développement des programmes qui soit fait ait de prime abord permis la participation des différents acteurs.

M. Couillard: Mais comment voyez-vous, à ce moment-là, l'interface entre le milieu académique et l'organe auquel la loi reconnaît la mission d'évaluer l'utilisation optimale et de faire des projets d'utilisation d'optimale, notamment, nommément le Conseil du médicament? Quelle est la relation, là, que vous voyez entre... Je ne pense pas que vous voulez prendre la place du Conseil du médicament, mais comment voyez-vous la relation entre le milieu académique, ou votre université et les autres, et le Conseil du médicament, auquel la loi confie de façon très précise le mandat de favoriser l'utilisation optimale des médicaments?

Mme Savoie (Michelle): Non, jamais nous ne voudrions prendre la place du Conseil du médicament, nous tenons à notre milieu plus relax! Ceci étant dit, je pense que c'est plus dans un esprit de collaboration. C'est-à-dire que le milieu académique peut collaborer avec le Conseil du médicament dans le développement des programmes d'évaluation d'utilisation optimale des médicaments. On mentionnait précédemment qu'effectivement il y a plusieurs études qui ont été faites et qui ont démontré des problèmes d'utilisation non optimale des médicaments. Les études, les résultats sont souvent critiqués pour différents aspects, incluant la source de financement ou le promoteur du programme d'évaluation qui est fait. Donc, la participation, la collaboration du milieu académique au programme d'évaluation, ou même d'évaluer différentes interventions qui seraient mises en place par le Conseil du médicament ou par le ministère de la Santé, d'avoir un organe externe pour évaluer les interventions qui sont mises en place serait important, mais en, même temps, pour développer les programmes de revue d'utilisation optimale des médicaments, d'avoir la collaboration du milieu académique serait fort important. Donc, ce n'est pas en remplacement mais plutôt en collaboration.

M. Couillard: Passons maintenant à la proposition de création du forum permanent d'échange, auquel vous avez fait allusion. Et ça permet de clarifier un peu le mandat de ce... ou du moins le mandat proposé de ce forum tel qu'il apparaît au projet de politique. Et je vais lire la proposition, parce que c'est un peu différent de ce que vos prédécesseurs ont interprété comme étant l'intention du forum permanent d'échange, qui n'est pas un forum à pure visées industrielles, comme on a fait dans l'industrie automobile en Ontario, mais qui vise, et je cite, «à mettre en place un forum permanent d'échange pour le maintien de l'équilibre entre les politiques de santé et le développement économique». C'est un peu différent de ce qui a été fait en Ontario pour l'industrie automobile, où le focus était uniquement le développement de l'industrie et le développement économique. Ici, il s'agit de permettre la discussion ouverte, et l'arbitrage éventuel, et l'équilibre justement entre les missions de santé et les missions industrielles.

Bien sûr, tout le monde est conscient de la nécessité que ce forum-là soit fonctionnel et qu'il produise des résultats. Comment voyez-vous le rôle du milieu académique à l'intérieur de ce forum-là?

Mme Savoie (Michelle): Le rôle, tel que je le mentionnais, est... Lorsqu'on parle d'un maintien de l'équilibre entre les politiques santé et le développement économique, il va y avoir lieu d'évaluer effectivement de quelle façon... Il va y avoir lieu de définir des objectifs et d'évaluer à la fin: est-ce qu'on rencontre nos objectifs? Alors, entre le maintien de l'équilibre entre les politiques santé et le développement économique, ça va être important de planifier dès le départ les objectifs qu'on se donne, de quelle façon nous allons évaluer, au cours de la mise en place ou au cours des actions qui vont se faire: est-ce qu'on rencontre ou non nos objectifs?

Alors, la participation du milieu académique, neutre, permet effectivement, au niveau de l'identification des problématiques... mais de prévoir dès le départ l'évaluation de la façon dont on évaluera, si effectivement on maintient l'équilibre entre les politiques santé et le milieu industriel. Mais je ne le vois pas effectivement comme un organe de développement industriel seulement. Au contraire, il ne faut pas oublier l'apport de la recherche. Lorsqu'on parle du milieu industriel, c'est une chose, mais il y a un apport de recherche qui vient dès le départ. Il ne faudrait pas mettre de côté effectivement les représentants et les acteurs de ce milieu de recherche fondamentale, qui est souvent le milieu académique.

n (11 heures) n

Mme Moride (Yola): Moi, je voulais simplement rajouter le fait que, bon, pour les programmes soit en gestion thérapeutique ou des interventions qui visent l'utilisation optimale des médicaments, pour que ça marche, il faut que ce soit intégré dans le système de soins. Et, pour que ce soit intégré, il faut fournir de l'information aux professionnels de la santé, de l'information qui soit non biaisée, qui a été validée, fiable et juste, et là je crois que le Groupe de recherche en gestion thérapeutique apporte un support justement à toute cette communication d'information. Donc, on voit plutôt notre rôle comme ça.

M. Couillard: Mais encore une fois je pense qu'il faut éviter l'erreur de ne pas décentrer de l'autre côté le rôle du forum permanent d'échange. Ce n'est pas là que vont se discuter les concepts d'utilisation optimale puis les projets d'utilisation optimale. Ça, c'est le mandat du Conseil du médicament puis de la table de concertation. C'est là que vont se discuter les arbitrages dont on a fait mention dans l'intervention précédente entre, par exemple, le dégel des prix et les mesures compensatoires ou l'ajustement de ces dernières. Donc, il n'y a pas vraiment, là, de point, là, par rapport à ce que vous venez de dire, qui est discuté à un autre endroit.

Mais, lorsqu'on parle spécifiquement de l'impact des politiques économiques du gouvernement, que ce soit via le ministère de la Santé ou du Développement économique, sur l'industrie en termes de création de richesse, d'une part, et, d'autre part, en termes de protection de l'accessibilité des médicaments, c'est certain qu'on parle de facteurs tels que l'utilisation optimale, la formation des professionnels. Mais ce n'est pas là que de façon pointue va se dérouler la discussion sur ces questions-là. Je voulais être bien certain qu'on se comprenne bien.

Est-ce que, dans ce nouvel éclairage que je vous donne, vous voyez toujours une place pour votre groupe ou un groupe comme le vôtre?

Mme Savoie (Michelle): Dans ce nouvel éclairage que vous nous donnez, vous avez débuté en disant qu'effectivement, contrairement à ce que le groupe précédent mentionnait, où c'était vraiment basé sur le développement industriel au Québec... Dans le fond, ce que je viens de comprendre de votre dernière intervention, c'est que ce forum-là verrait plutôt à discuter des aspects qui touchent plus spécifiquement l'industrie et non pas nécessairement les aspects qui touchent les politiques santé. C'est les politiques santé sur l'industrie. Et encore une fois il est important de répéter que lorsqu'on parle de gestion thérapeutique on ne parle pas seulement que du médicament. Le médicament ? et je pense que, M. le ministre, on n'a pas à vous le rappeler ? ce n'est qu'une des interventions dans l'ensemble du processus de soins. Alors, on ne peut pas évaluer le seul impact d'une intervention sur un médicament sans prendre en charge l'aspect global du processus de soins. Alors, si vous me dites qu'effectivement ce n'est qu'un forum pour l'arbitrage des politiques, de l'impact des politiques sur le secteur pharmaceutique ou industriel, je suis d'accord avec vous. Si l'objectif est d'évaluer l'impact des politiques santé... Et, lorsque j'interprétais sur le développement économique, pour moi, le développement économique inclut aussi une population en santé, une population active, donc prise en charge globale de la santé. Donc, je l'interprétais dans un contexte plus large. Alors, ça dépend du contexte effectivement dans lequel il évoluera.

M. Couillard: Oui, parce qu'il s'agit d'un arbitrage entre deux grands types de politique gouvernementale et non pas de discussion pointue sur les questions d'utilisation optimale. Quant à l'effet transversal des médicaments sur le système de santé, comme vous le savez, le Conseil du médicament, au départ, avait quatre critères à utiliser pour l'approbation des médicaments, dont un porte spécifiquement sur l'évaluation de l'impact transversal ou horizontal, si vous voulez, du médicament dans le système de santé. Il semble qu'il y a là un rôle également très important, parce qu'on veut développer ce critère-là qui jusqu'à maintenant n'est pas utilisé, et voilà, je pense, l'endroit où le monde académique peut jouer un rôle absolument formidable, là, de validation et d'assistance. Parce que ça a l'air facile de dire comme ça: Bien, quand on va évaluer un médicament, on va tenir compte de son impact sur l'ensemble du système de santé de même que sur la population ? c'est également un des critères du Conseil du médicament qui doit être appliqué ? mais, une fois qu'on l'a dit, comment le faire, comment l'utiliser de façon valide, comment être certain que ce qu'on fait est correct sur le plan méthodologique, il me semble qu'il y a là une contribution, là, essentielle de votre groupe à ce niveau-là.

Mme Savoie (Michelle): Je suis tout à fait d'accord avec vous. Et effectivement vous mettez le point sur un aspect fort important, l'utilisation optimale des médicaments est une préoccupation du forum ici mais est une préoccupation du réseau de la santé publique aussi au Québec, parce qu'il faut... Effectivement, de quelle façon est-ce qu'on va évaluer la synergie de la thérapie médicamenteuse avec les autres aspects non pharmacologiques? Il y a encore bien du travail à faire. De quelle façon est-ce qu'on peut la mesurer? Et, lorsqu'on repense à la gestion thérapeutique, les programmes qui ont été faits à venir jusqu'à présent et probablement qui seront visés, une des composantes était celle où les populations ciblées souvent sont les populations qui souffrent de maladies chroniques, pathologies multiples. Et, dans les maladies chroniques, souvent les patients vont développer leur propre recette de la façon de prendre leurs médicaments, recette qui n'est pas toujours optimale. Alors effectivement ça devient à ce moment-là un enjeu puis une question importante de santé publique, l'utilisation optimale des médicaments.

M. Couillard: Et c'est là à mon avis que le Québec peut faire oeuvre de leadership international, parce que, pour avoir fait des revues de littérature beaucoup plus poussées que ce que, moi, j'ai fait, vous êtes certainement à même de constater que les outils de validation, ou les outils d'étude, ou les outils de recherche pour cette étude transversale et en corrélation des différents segments du système de santé à partir de l'introduction d'un intrant comme le médicament, il n'y a pas grand-chose qui a été fait, là, sur le plan systémique, là, internationalement. Il y a des expériences, il y a des papiers qui s'écrivent sur tel ou tel exemple, mais, en termes d'organisation systémique, je pense que le Québec, et avec peut-être la contribution du milieu académique, pourrait faire un rôle d'innovation, là. Vous ne partagez pas cet avis?

Mme Moride (Yola): Oui, je pense qu'effectivement le Québec peut se positionner à l'échelle internationale, parce que, même si on prend d'autres pays dans lesquels il y a des systèmes publics de soins, je prends, par exemple, la France, etc., les outils de mesure d'impact de santé publique des interventions, que ce soit le médicament ou autres, les méthodes sont là, mais ils n'ont pas les outils pour obtenir les données, des banques de données centralisées, etc., ils n'ont pas ça, donc effectivement le Québec peut très bien se positionner à ce niveau-là, oui.

M. Couillard: Parce que c'est des enjeux très complexes, ça. Il y a des éléments qui sont faciles à analyser. Je donne toujours l'exemple du médicament contre l'acidité gastrique, qui annule presque complètement la chirurgie pour l'ulcère. Ça, ça ne prend pas des grandes études très poussées pour calculer l'impact. Mais, comme vous le savez, c'est rarement aussi net que ça; il y a toutes sortes d'éléments primaires, secondaires, tertiaires qui viennent se modifier, et on a besoin de ces outils-là, et j'espère qu'on pourra collaborer, le gouvernement et vous, votre groupe, et les autres groupes académiques, pour développer ça.

J'aimerais savoir si votre groupe s'est penché également sur le concept de l'intention thérapeutique, dans vos travaux, en termes d'outil d'utilisation optimale, parce que, dans nos travaux, ici, nous avons eu d'une part les pharmaciens et certaines associations de patients qui pensaient que c'était un ajout valable, ce que nous avons à notre disposition; d'autres, surtout des médecins, qui y voient une possibilité ? comment dire? ? d'introduire une mainmise sur le diagnostic et la confidentialité également des informations. Je sais qu'il y a eu des études au Québec qui ont été faites à petite échelle sur cette question-là. Avez-vous une réflexion sur l'intention thérapeutique formée?

Mme Savoie (Michelle): Je peux peut-être dire quelques mots, puis après... Encore une fois, je reviendrais à... Lorsqu'on parle de gestion thérapeutique, on parle de gestion, de prise en charge globale du processus de soins ou de la thérapie. Donc, on fait référence ici à des interventions qui seront multiples et qui demandent une interdisciplinarité et intégration de la prise en charge. Donc, le besoin du transfert d'information entre les différents professionnels de la santé qui sont impliqués dans la prise en charge globale ne peut être probablement que bénéfique pour le résultat de soins du patient.

Par contre, si cette mesure était mise en place... Et encore une fois, lorsqu'on met en place un programme, il faut regarder les différentes interventions qui sont nécessaires. Et il ne doit pas s'agir que d'une intervention, mais c'est de multiples interventions, et le transfert de l'intention thérapeutique, à ce moment-là, devient une des interventions dans un programme de prise en charge globale du patient. Si on le regarde sur une base de recherche, lorsqu'on se positionne, nous, en tant que chercheurs, lorsqu'on évalue l'efficacité d'une intervention, il faut avoir plus d'information que la quantité d'une intervention qui est utilisée, le prix ou encore certaines caractéristiques sur le patient. C'est important de connaître le pourquoi. Si on veut pouvoir identifier est-ce que ça a été bien identifié, il faut savoir pourquoi on s'attendait à ce que ce soit identifié. Donc, dans une perspective de recherche, l'accès à l'information sur le pourquoi une intervention est désirée est pour nous effectivement un outil fort important.

Mme Moride (Yola): Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que ma collègue dit, je voulais juste renchérir aussi avec le fait que, quand on parle de l'utilisation optimale ou sous-optimale, il faut pouvoir le comparer à quelque chose, et en général on devrait se baser sur les lignes directrices ou sur des données probantes. Mais ces lignes directrices sont souvent faites à partir de... sont spécifiques à des maladies, donc c'est très important de savoir si un patient prend bien ou non son médicament, pourquoi il le prend au départ. Et à partir de ça on peut se référer aux normes en vigueur. Donc, nous, d'un point de vue méthodologique, on supporte l'intention thérapeutique, oui.

n (11 h 10) n

M. Couillard: Et je pense qu'on va prendre les deux dernières minutes qu'il doit me rester à peu près, M. le Président, pour parler brièvement du monde, je dirais, de l'éducation médicale continue et particulièrement de l'éducation à la prescription. Ayant moi-même oeuvré en pratique clinique pendant plus de 20 ans, là, je suis bien conscient du fait que l'acte de prescription n'est pas un acte aussi rationnel qu'on voudrait bien le croire ou l'espérer. C'est une bonne chose et une mauvaise chose à la fois. C'est une mauvaise chose parce qu'on n'est pas toujours armés pour critiquer les informations qui nous sont présentées par l'industrie ou par les autres groupes qui visent à augmenter la prescription. D'autre part, il faut laisser un peu d'initiative et ce qu'on appelle l'art dans la médecine, qui n'est pas une science exacte, ou l'initiative qui permet de s'adapter à chaque patient. On veut également que ceci soit préservé.

Est-ce que vous diriez que nos médecins actuellement disposent des outils nécessaires en termes de connaissances pour faire une critique, je dirais, lucide des interventions qui ont lieu auprès d'eux en termes de marketing ou de mise en marché des produits?

Mme Savoie (Michelle): Je vais vous dire, je pourrais difficilement m'exprimer sur ce point comme tel, n'étant pas assise du côté du médecin pour évaluer l'information qu'il reçoit pour prendre la décision. Je pense que le développement scientifique évolue à une vitesse telle que des outils qui faciliteraient ou qui mettraient à jour de façon continuelle les informations en utilisant les données probantes seraient sûrement un outil qui pourrait aider le médecin dans sa prise de décision, d'où toute l'importance de la mise en place d'une infrastructure technologique.

M. Couillard: Ça me paraît être un facteur central dans l'utilisation optimale, le comportement du prescripteur, hein? Je pense que c'est certainement utile de s'y attarder. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, j'ai l'impression qu'on est à deux niveaux quand on parle de la contribution académique. Je n'ai aucun problème à penser que les universitaires et les scientifiques, dans le fond les spécialistes des sciences de la santé du monde universitaire, donc ceux qui sont dans l'enseignement et la recherche, peuvent apporter une contribution significative sur la façon de gérer thérapeutiquement les médicaments, sur la valeur des produits pharmaceutiques qui sont développés à l'égard de la santé. J'ai de la difficulté à penser que vous auriez une contribution significative sur la santé économique. À l'inverse, je présume que vos collègues qui sont des scientifiques du domaine des sciences économiques pourraient avoir une contribution intéressante au domaine de la santé économique.

Mais est-ce qu'on peut parler, comme la proposition ministérielle 34 en parle, d'un équilibre entre les politiques de santé puis de développement économique? Est-ce qu'il n'y a pas une incompatibilité? C'est-à-dire, moi, je n'ai pas de problème à penser que la politique qui nous est présentée doit prendre en considération, que le gouvernement, l'État doit prendre en considération le développement, la création de la richesse au Québec, donc le maintien puis le développement d'une industrie pharmaceutique de pointe, au Québec, performante et productive, mais est-ce que nécessairement on doit parler d'un équilibre entre ça et les politiques de la santé? Est-ce que les politiques de la santé, ce n'est pas d'abord... La priorité, c'est-à-dire, pour l'État, c'est la santé des individus, et on le fait de différentes façons, y compris par une gestion thérapeutique plus efficace, supportée par une connaissance ou une contribution du monde universitaire plus intégrée, et d'autre part on peut en même temps se préoccuper... Mais est-ce qu'on peut vraiment parler d'un équilibre? Est-ce qu'il n'y a pas dans cette proposition-là une espèce de... puis je ne prête pas de mauvaise intention, là, au ministre, mais peut-être une illusion ou un abus de langage, en parlant d'équilibre entre les politiques de santé puis les politiques économiques?

Mme Savoie (Michelle): Encore une fois, lorsque vous parlez à savoir: est-ce que c'est une priorité de l'État?, je pense que vous êtes tous collectivement mieux placés que nous pour le juger. Encore une fois...

M. Charbonneau: ...que les citoyens aussi ont un mot à dire sur les choix des élus puis des dirigeants, sur les priorités qui sont faites, là, ce n'est pas juste à nous, là, à porter un jugement sur les priorités de l'État, là. D'ailleurs, si vous êtes ici, en commission, c'est parce que vous venez discuter, je veux dire, des propositions de priorités, là.

Mme Savoie (Michelle): On va discuter des priorités. Par contre, il y a certaines avenues sur lesquelles je n'irai pas. Alors, lorsqu'on parle effectivement des priorités de politiques santé, je pense qu'on est tous d'accord, même comme citoyens, effectivement que c'est une priorité, de la même façon que le développement économique est une priorité aussi, parce que les deux effectivement... les deux se nourrissent. Comme je l'ai mentionné précédemment, je pense que les participants à ce forum dépendront des objectifs ou de la mission de ce forum d'échange. Dépendamment de l'orientation qu'on voudra lui donner, à ce moment-là ce sera de voir est-ce qu'il y a lieu ou non de redéfinir la mission de sorte qu'elle soit claire pour tous les intervenants, tant ceux qui seront participants que ceux qui seront à l'externe.

M. Charbonneau: Mais, quand vous parlez d'une plateforme neutre, ce n'est pas à ça que vous faisiez référence, si je comprends bien.

Mme Savoie (Michelle): Non. La plateforme neutre à laquelle on fait référence est surtout la plateforme universitaire, parce que souvent la contribution des universitaires est non seulement la contribution du représentant universitaire, mais la contribution du réseau qui est derrière le représentant qui siège sur ces différents forums.

M. Charbonneau: Alors, une question qui me vient à l'esprit, c'est: Comment les scientifiques du milieu universitaire peuvent-ils être protégés des influences de l'industrie pharmaceutique? Par exemple, les universités qui sont présentes à ce forum pourraient subir, directement ou indirectement, des pressions des compagnies pharmaceutiques. Par exemple, finalement, vous avez du financement. Des groupes de recherche universitaires bénéficient de fonds privés, je pense que votre groupe aussi bénéficie de fonds privés. Jusqu'où vous pouvez être si neutres que ça, dans la mesure où vous avez un lien de financement qui...

Mme Savoie (Michelle): Effectivement, le financement de notre groupe de ? et il en est de même pour plusieurs groupes de recherche ? ...a du financement privé. On a aussi du financement qui vient de l'université et du financement public. Donc, de la même façon que les groupes de recherche maintiennent leur neutralité lorsqu'ils reçoivent du financement public, de différents ministères, pour faire des études particulières, de la même façon la neutralité est maintenue lorsqu'ils reçoivent du financement privé.

M. Charbonneau: C'est-à-dire, c'est un acte de foi, là.

Mme Moride (Yola): Bien, on a aussi la possibilité d'avoir du financement gouvernemental, donc il y a plusieurs sources de financement. Mais il y a des mécanismes mis en place, justement. On pense, par exemple, à un comité scientifique d'évaluation par des pairs, qui se fait de façon objective, et donc en fait ce sont des processus qui sont déjà intégrés dans la recherche universitaire, qui permettent justement d'éviter ce biais ou ces perceptions de conflits d'intérêts.

M. Charbonneau: Et d'éviter éventuellement qu'il y en ait, parce qu'il peut y avoir perception, mais il peut y avoir parfois...

Mme Moride (Yola): Effectivement, oui.

M. Charbonneau: Parce que, si on se met des code d'éthique, c'est parce que des fois il y a des gens qui contournent l'éthique, là. Et ce n'est pas parce qu'on a un diplôme universitaire qu'on est à l'abri, là, ce n'est pas un certificat de sainteté, ça, là, hein?

Mme Moride (Yola): On est tout à fait d'accord, et il y a des mécanismes qui existent, comme je vous dis, déjà au sein universitaire mais aussi extra-universitaires, supra-universitaires, avec des comités de pairs qui évaluent de façon objective les protocoles de recherche, les méthodes, les objectifs des projets. Donc, je crois que le système est déjà en place pour ça.

M. Charbonneau: C'est quoi, votre vision quant à l'accessibilité des médicaments pour les personnes les plus défavorisées? Est-ce que vous avez un point de vue sur ça?

Mme Savoie (Michelle): Je vous dirais que le groupe de recherche ne s'est pas penché particulièrement sur cet aspect-là de la Politique du médicament à ce point-ci.

M. Charbonneau: Dommage! Est-ce que...

Mme Savoie (Michelle): Ce sera une question de recherche sûrement très intéressante.

M. Charbonneau: Bien, j'imagine que d'autres universitaires, peut-être moins les spécialistes de la santé ? mais peut-être aussi ? mais peut-être des spécialistes en questions sociales éventuellement s'y intéresseraient. Est-ce qu'il existe des conditions organisationnelles ou structurelles qui sont nécessaires à la mise en place de la gestion thérapeutique, à votre point de vue, là?

n (11 h 20) n

Mme Savoie (Michelle): Oui. Il va y avoir des conditions. Comme on le mentionnait tout à l'heure, au sein des différentes composantes, effectivement ça va demander une organisation des soins. Et l'évaluation de la pertinence, ou de l'efficacité, ou de l'efficience de l'organisation des soins telle qu'elle existe présentement sera aussi au sein des questions de recherches qui doivent être faites en gestion thérapeutique. C'est une science qui est très jeune. Il y a énormément d'initiatives qui sont faites. Même au niveau du Québec... Il y avait un colloque au printemps, qui a été par les différents ordres professionnels, qui effectivement permettait à différents groupes au Québec de venir présenter des initiatives en... ? c'étaient des initiatives, d'une certaine façon, de gestion intégrée de la prise en charge ? et de voir le lien avec la loi... comment la loi n° 90 avait favorisé tout ça. Alors, il y a énormément d'initiatives qui sont faites présentement, et ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut regarder ces différentes initiatives là et d'évaluer qu'est-ce qui fonctionne bien, qu'est-ce qui peut être réplicable, qu'est-ce qui peut être transférable à d'autres groupes. Et d'ailleurs on a un projet avec le groupe des HEC afin d'analyser certaines de ces interventions ou de ces programmes-là qui ont été mis en place tant au Canada qu'à l'extérieur pour voir effectivement quels sont les éléments de succès dans les programmes, quels sont ceux sur lesquels on devrait travailler, donc toute la question alentour de l'organisation du système comme tel, effectivement.

Pour revenir à votre point précédent, lorsque vous disiez: Effectivement, c'est important que les groupes se penchent sur les groupes les plus démunis dans la société, lorsqu'on parle de prise en charge globale des patients, c'est un des aspects qui fait certainement partie... un des éléments de la prise en charge globale sur lequel il faut se pencher et on va devoir se pencher.

M. Charbonneau: Bien. Je sais que ma collègue voulait poser une question, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames, Dans votre mémoire, à la page 4, vous dites qu'on observe un ralentissement de la croissance du coût total des médicaments depuis les dernières années, même si cette croissance-là se situe au-delà de 10 %, et vous faites référence, dans la suite de votre paragraphe, aux facteurs qui ont contribué à la croissance importante du coût des médicaments. Qu'est-ce qui vous fait dire que le ralentissement de la croissance, là... À partir de quoi vous avez observé ce ralentissement-là?

Mme Savoie (Michelle): Vous aurez sûrement...

Mme Charest (Rimouski): Parce que les conditions objectives existent toujours, là, de nouvelles pathologies, l'espérance de vie, bon, etc., vous les avez énumérées pas mal toutes, là.

Mme Savoie (Michelle): Oui, effectivement. Et, lorsqu'on faisait cette mention, on faisait référence aux données qui étaient incluses dans le projet de politique du médicament. Donc, c'était vraiment à partir des données fournies dans le projet de politique du médicament qu'on pouvait effectivement noter qu'il y avait un ralentissement de la croissance, mais qu'il y a quand même toujours une croissance, mais un ralentissement. Et il y avait plusieurs éléments qui étaient énoncés, dont le vieillissement de la population, l'augmentation du coût moyen d'une ordonnance, l'augmentation du coût des médicaments. Et ce qu'on voulait spécifier, c'est qu'on ne croit pas que la croissance du coût des médicaments, du coût total des médicaments va ralentir ou va arrêter, en ce sens où on a des nouvelles pathologies et on a des nouveaux traitements pour les nouvelles pathologies, on a une population qui est vieillissante. Alors, c'était surtout pour faire le point que, même si on voit un ralentissement de la croissance, on croit qu'il va toujours y avoir quand même une croissance parce que le médicament est une des interventions importantes dans le processus de soins.

Mme Charest (Rimouski): Je reviendrais sur votre concept de gestion thérapeutique, là, qui est la gestion globale de la thérapie. Est-ce que ça a été expérimenté ailleurs dans le monde ou en quelque endroit que ce soit? Et est-ce qu'on est à même d'avoir des résultats, là, concrets qu'on peut mettre sur la table? Et, nous, si on l'appliquait au modèle québécois, ce serait quoi, les acquis ou enfin les résultats escomptés à partir de cette application de ce concept?

Mme Moride (Yola): Alors, à l'origine, la gestion thérapeutique a surtout été développée aux États-Unis dans le contexte des systèmes privés de type HMO, donc systèmes coercitifs, tandis que, bon, au Québec, dans un système de soins public et non coercitif...

Mme Charest (Rimouski): ...système coercitif, c'est parce qu'on oblige le prescripteur à prescrire...

Mme Moride (Yola): Oui, parce que les médecins sont des employés du HMO, et donc on leur donne des directives: Voilà, vous avez un patient qui a telles caractéristiques, vous devez d'abord suivre les lignes directrices et vous devez prescrire tel médicament plutôt qu'un autre, parce que ce sont vraiment des employés d'un système privé. Tandis qu'ici, bon, dans un système public où est-ce que... dans un système donc non coercitif, on ne peut pas directement appliquer ce qui a été fait aux États-Unis.

Par contre, quand vous demandez: Bon, est-ce qu'il y a des acquis qu'on peut appliquer?, il y a quand même eu de la recherche qui a démontré que telles interventions marchaient. Par exemple, des programmes de formation, de suivi de patients, ça, ça marche, d'un point de vue méthodologique, ça améliore les paramètres cliniques et non cliniques. Donc, là, un des défis que le groupe a, c'est de pouvoir transposer ces connaissances dans un contexte de soins publics. Et, à l'heure actuelle, à ma connaissance, il y a très, très peu de littérature ou d'expériences qui ont été faites dans d'autres contextes, par exemple dans d'autres pays où est-ce qu'il existe des systèmes de soins publics, et donc ça va être... un des défis du groupe, c'est de pouvoir intégrer ça dans le système québécois.

Maintenant, il y a eu quand même quelques programmes de gestion thérapeutique ? ça, il ne faut pas les oublier ? qui ont déjà été faits au Québec et... Bien, d'ailleurs, dans les mois qui viennent, on va les étudier, on va faire des études de cas de ces programmes, parce que très peu ont été publiés en fait, et de voir qu'est-ce qui a marché, qu'est-ce qui n'a pas marché et pouvoir faire des évaluations normatives.

Mme Charest (Rimouski): Au-delà de la démarche et du processus, ce que je comprends de la gestion thérapeutique, c'est que dans le fond vous proposez d'encadrer le geste médical, le privilège qu'ont les médecins de prescrire ce qu'eux pensent qu'ils doivent prescrire, et vous encadrez aussi... vous proposez d'encadrer le privilège du pharmacien. Alors, moi, suite à ça, je vous demande: Est-ce que vous avez validé auprès de ces professionnels le niveau d'acceptabilité de donner un cadre de pratique à ces deux corps de professionnels là, qui sont différents, qui doivent en principe se complémentariser? On a vu au cours des discussions que ce n'est pas toujours le cas et que, des fois, on a du chemin à faire pour que les gens se parlent. Alors, je veux bien qu'on mette plein de supports technologiques pour tout ça, pour la communication, mais ça part avant tout des individus, des professionnels comme tels. Alors, c'est quoi, le travail de préparation terrain que vous avez fait auprès de ces deux corps de professionnels là?

Mme Savoie (Michelle): Et je pense que tout est dans la définition du mot «encadrer». On peut prendre le mot «encadrer» d'une façon coercitive où, c'est-à-dire, vous agissez d'une telle façon, et l'encadrement auquel on fait référence, c'est de mettre à la disposition des professionnels de la santé les outils nécessaires pour pouvoir prendre la meilleure décision par rapport au type d'intervention ? et ce n'est pas que de prescrire un médicament ? à la meilleure intervention qui doit être faite pour le patient qu'il a en face de lui. Parce qu'un patient n'est pas comme un autre patient, n'est pas comme un autre patient, tous les patients sont très, très, très individuels.

On a eu des discussions effectivement avec les gens du Collège des médecins, on avait rencontré les gens de l'Ordre des pharmaciens aussi par rapport au concept, et je pense que tous les professionnels de la santé sont en accord qu'il faut... que l'objectif ultime est d'assurer le meilleur résultat pour le patient. Tout programme qui va être fait, toute ligne directrice qui va être développée doit être faite en collaboration avec tous les différents intervenants. La façon dont on fonctionne, c'est vraiment en réseau, en réseau tant avec les autres universités. On a à la table avec nous, lorsqu'on a nos discussions, le réseau de santé publique, les gens de la Direction de la santé publique. Notre objectif n'est pas de s'asseoir et de développer quelque chose qu'on irait par la suite essayer d'imposer, c'est vraiment... je vous dirais, c'est presque une nouvelle culture, c'est presque une philosophie, la gestion thérapeutique, un peu comme on avait vu avec la qualité, le processus continu de qualité, c'est-à-dire, c'est... On le voit initialement avec la loi n° 90, on veut amener les gens à travailler plus en interdisciplinarité, et la gestion thérapeutique, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a plusieurs initiatives qui se font, les intervenants... Plusieurs éléments de la recette sont disponibles. Ce qu'il faut, c'est que les gens effectivement adhèrent à ce concept de prise en charge globale. Donc, notre objectif n'est pas de développer des cadres rigides mais plutôt de le faire en partenariat ou en concertation, en collaboration avec les autres groupes.

Mme Charest (Rimouski): ...les éléments de rigidité ou de coercition, est-ce que dans le fond ça ne ressemble pas en quelque sorte ? peut-être que je me trompe royalement ? à des guides de pratique qui existent déjà de toute façon? Est-ce que c'est...

Mme Moride (Yola): Disons que ça peut aller au-delà des guides de pratique, ça peut être aussi de la formation. Et il ne faut pas oublier non plus que le patient fait partie intégrante de ces interventions-là. Ce sont des interventions multidisciplinaires qui sont... donc ciblent les médecins, les pharmaciens, d'autres professionnels de la santé, mais aussi le patient. Le patient va être mieux éduqué par rapport à sa prise en charge, et c'est lui qui peut même aller voir les professionnels pour demander certains changements, demander des précisions, et donc il va y avoir une plus grande... le patient va être beaucoup plus impliqué dans les décisions par rapport à sa prise en charge.

n (11 h 30) n

Mme Charest (Rimouski): Et en quoi votre participation au fameux comité que vous demandez d'avoir accès, là... La Politique du médicament veut, bon, faire profiter... Attendez une minute, là, j'ai vu ça dans votre mémoire, vous voulez que les représentants du milieu universitaire soient mieux représentés ou soient plus présents dans les lieux de concertation, parce que vous voulez faire profiter de votre expertise et de votre neutralité. Et, ces forums, en quoi ça pourrait les nourrir davantage? Parce que c'est quand même des spécialistes qui sont là aussi, et ce n'est pas strictement du domaine économique, ces forums-là ont des spécialistes en pharmaceutique, etc. En quoi votre participation et le monde universitaire seraient, de façon concrète, seraient un plus? C'est une méchante question, là, mais je veux vous faire sortir vos arguments.

Mme Savoie (Michelle): Oui, nos arguments, oui. Écoutez, je pense qu'ici vous faites référence à la table de concertation...

Mme Charest (Rimouski): Oui, c'est ça. Je cherchais la...

Mme Savoie (Michelle): Parfait. Oui. Oui. Alors effectivement les représentants... et c'est essentiel que les différents professionnels de la santé soient représentés autour de la table de concertation, mais en même temps il faut prendre en compte que chacun souvent des intervenants a ses objectifs, et souvent les objectifs peuvent différer d'un groupe d'intervenants à d'autres.

La représentation du milieu académique sur les tables de concertation permet d'amener une position neutre, une position qui est plus celle de recherche, d'aider au niveau de l'identification des priorités, l'identification de la définition des objectifs de recherche, des processus d'évaluation, de sorte à ce que, peu importe l'intervention ou le programme ou la direction qu'on prendra, qu'on s'assurera qu'il y aura un volet évaluation. Parce que trop souvent on voit des programmes être mis en place, et à la fin on tente de les évaluer, mais malheureusement on n'a pas prévu la cueillette des informations nécessaires pour pouvoir faire l'évaluation. Donc, c'est difficile de savoir est-ce qu'on peut le répliquer ou le remettre en place dans d'autres groupes ou dans d'autres secteurs.

Mme Charest (Rimouski): Merci, mesdames.

Mme Savoie (Michelle): Merci.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti pour cet échange. Dre Savoie, Dre Moride, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal.

Et j'invite immédiatement les représentants de la Direction de la santé publique de la Montérégie à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

 

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Direction de la Santé publique de la Montérégie.

Dr Moisan, bonjour. Comme je le fais avec tous les groupes, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent ce matin et d'enchaîner par la suite avec votre présentation.

Direction de la Santé publique
de la Montérégie

M. Moisan (Serge): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre de la Santé, Mmes et MM. les députés commissaires, c'est pour nous un honneur et un privilège de présenter devant vous un projet qui nous tient particulièrement à coeur et qui mérite d'attirer votre attention. Nous vous remercions pour l'opportunité que vous nous accordez et souhaitons la mettre pleinement à profit.

Permettez-moi d'abord de me présenter, de même que les personnes qui m'accompagnent. Mon nom est Serge Moisan. Je suis médecin spécialisé en santé communautaire et je pratique ma profession au sein de l'équipe Personnes âgées de la Direction de santé publique de la Montérégie. Depuis plus de 20 ans, j'entretiens un intérêt très particulier pour la promotion de la santé et les stratégies qui lui sont propres, dont l'éducation sanitaire pour l'amélioration des habitudes de vie. Je suis associé depuis 1996 au projet dont nous vous parlerons dans une minute. Je représente aujourd'hui la directrice de la Direction de santé publique de la Montérégie, la Dre Jocelyne Sauvé.

Je suis accompagné par Mme Nicole Hébert, directrice générale de la FADOQ en Montérégie, qui est partenaire du projet depuis son déploiement en Montérégie, en 1996. M'accompagne également Mme Marie-Jeanne Trottier, infirmière au Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, dont le siège social est situé à Longueuil et qui regroupe trois ex-territoires de CLSC. Mme Trottier est l'une des infirmières de CLSC qui, depuis 1998, animent les rencontres du projet. Elle agit de plus comme infirmière-conseil pour la formation des infirmières et celle des pairs coanimateurs du projet. Les membres de votre commission pourront bien sûr leur adresser les questions qu'ils jugeront appropriées.

Je désire vous rappeler sommairement la nature du projet dont il est question ici et qui est décrit en détail dans le mémoire déposé. Cette intervention s'inscrit parfaitement, il nous semble, à l'intérieur du projet de politique du médicament, à son volet Utilisation optimale des médicaments, à la section Informer les citoyens sur les médicaments et leur utilisation optimale afin de les responsabiliser par rapport au maintien et à l'amélioration de leur santé.

Ce projet est une intervention d'éducation pour la santé destinée aux aînés autonomes. Elle vise à favoriser de saines habitudes de vie et l'usage adéquat des médicaments. Sa perspective est celle de la responsabilisation et de l'appropriation de la santé par les individus, tout en les habilitant quant aux moyens pour y parvenir. Son approche s'avère efficace pour modifier les connaissances, attitudes et comportements.

Le projet vous a été cité comme exemple d'actions souhaitables par la FADOQ, Mouvement des aînés du Québec, lors de sa présentation devant vous, le 3 mai dernier. Consistant en une série de six rencontres offertes à un groupe de 15 à 20 individus de 55 ans et plus vivant hors établissement, les sessions de rencontres sont coanimées par une infirmière et un pair qui reçoivent une formation préalable. Les rencontres s'étalent habituellement sur une période de six semaines. Chacune des rencontres, d'une durée approximative de deux heures et demie, aborde les sujets suivants: les problèmes de santé fréquemment associés au vieillissement, l'usage approprié des médicaments, leurs alternatives et compléments pour répondre à certains de ces problèmes, la préparation de l'entrevue avec le médecin ou le pharmacien, et enfin l'inventaire des ressources disponibles dans le milieu qui peuvent être mises à profit pour régler un problème ou favoriser la santé. Bien sûr, les messages sur les médicaments ne visent pas à en déconseiller l'usage, mais ils insistent sur l'usage approprié, prudent et judicieux, selon les directives du médecin et du pharmacien.

n (11 h 40) n

Les thèmes des six rencontres sont les suivants. Une première rencontre donne l'information générale sur la nature et le déroulement de la session, sur le vieillissement et l'usage des médicaments. La deuxième traite du sommeil, de l'hygiène du sommeil et de l'usage des somnifères. La troisième porte sur les articulations, la santé articulaire et les médicaments anti-inflammatoires; on y aborde également l'importance de l'activité physique dans le maintien de la santé et de l'autonomie. La quatrième est consacrée à la digestion, l'hygiène digestive, la saine alimentation et l'usage des laxatifs. La cinquième aborde le stress et l'anxiété, l'hygiène mentale et l'usage des tranquillisants. Quant à la sixième et dernière rencontre, elle fait la synthèse des précédentes. On y traite de plus de la gestion des médicaments à domicile, du ménage de la pharmacie. Fréquemment, un pharmacien participe à cette dernière rencontre.

Une trousse détaillée d'animation comprenant sept cahiers sert de référence aux coanimateurs; j'ai ici un exemplaire de la trousse qui contient les sept cahiers. Donc, c'est un projet qui est très encadré. Cette animation est soutenue de plus par l'usage de vidéos, des jeux, du travail en atelier, des discussions et des jeux de rôles. L'approche se veut dynamique, positive, ludique et interactive. Chaque rencontre comprend une pause exercice et une collation santé. Une abondante documentation pertinente aux thèmes traités est distribuée ou rendue disponible. La trousse d'animation et plusieurs outils sont également disponibles en langue anglaise, 15 groupes anglophones ayant été rencontrés à ce jour.

La démarche pédagogique qui sous-tend ce projet de développement personnel repose sur les principes reconnus de formation des adultes, dont une participation active de l'apprenant, une autonomie de l'apprenant dans son apprentissage, une mise à profit des expériences personnelles et professionnelles de l'apprenant et une utilisation des ressources du groupe.

L'intervention que je viens de vous décrire est déployée sur l'ensemble du territoire de la Montérégie depuis janvier 1997. Conçue en Outaouais, elle portait alors le nom Les médicaments: Oui...Non...Mais! ? d'ailleurs, c'est l'affiche qui est au bout de la table, ici. Elle a été recommandée par la Stratégie d'action sur l'utilisation rationnelle des médicaments chez les personnes âgées, publiée en 1994 par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. En Montérégie, elle est de plus en plus connue sous le nom de En santé après 50 ans, nom beaucoup mieux adapté à son contenu et facilitant le recrutement des participants. Depuis 1997, plus de 750 sessions de six rencontres ont été offertes et 17 000 Montérégiens, ayant en moyenne 67 ans, ont participé au programme, qui est réalisé grâce à un partenariat entre la Direction de santé publique de la Montérégie, les 19 CLSC du territoire et la FADOQ en Montérégie.

Nous avons affirmé précédemment l'efficacité de l'intervention pour modifier de façon favorable et durable les connaissances, attitudes et comportements des participants. En effet, une étude publiée en 1995 par le Groupe de recherche en santé de l'Université de Montréal ? le GRIS ? et une étude d'envergure que nous avons récemment complétée supportent cette affirmation.

De plus, les témoignages des participants sont très explicites à cet égard, et les professionnels et gestionnaires impliqués sont maintenant convaincus. De fait, ces démonstrations et observations étonnent plusieurs intervenants sanitaires qui considèrent souvent comme immuables les comportements des aînés. Au contraire, cette intervention d'éducation pour la santé provoque des changements d'une surprenante importance et netteté. Inutile de vous signaler que cet étonnement et même ce scepticisme découlent de la méconnaissance et des stéréotypes que nous entretenons souvent à l'égard des personnes âgées. Nous vous signalons qu'une abondante littérature témoigne maintenant des capacités d'adaptation, de changement et de développement des aînés. Cependant, il faut leur offrir les conditions adéquates pour actualiser ces capacités.

Quelques mots sur la faisabilité de l'intervention. Nous ne vous cacherons pas que nous sommes particulièrement fiers des résultats atteints en Montérégie. Cette intervention, qui a été réalisée dans plusieurs régions du Québec, se maintient chez nous depuis huit ans, au rythme de 100 sessions et 2 000 participants chaque année, et il n'y a pas encore de signe d'essoufflement.

Par ailleurs, vous comprendrez facilement que certaines conditions favorisent une implantation réussie. Ces conditions sont précisées dans une évaluation détaillée de l'implantation réalisée trois ans après le début du déploiement dans notre région et qui est disponible à la Direction de santé publique. Parmi ces conditions favorables se trouvent le financement suffisant et stable à long terme, la formation et la stabilité des animateurs, le respect du contenu et de l'approche andragogique, le partenariat avec les organismes d'aînés et les suivis évaluatifs et de gestion appropriés.

Au début du projet, la collaboration de notre partenaire, la FADOQ en Montérégie, a été particulièrement utile à l'égard du recrutement, car les aînés et retraités sont très occupés et sélectifs pour leurs activités. Comme pour tout produit, même gratuit, il faut, pour obtenir leur participation, susciter l'intérêt et démontrer la crédibilité des promoteurs et intervenants. Sur le sujet de la crédibilité, il faut souligner celle des infirmières des CLSC qui animent les rencontres. Elles démontrent des qualités remarquables d'éducatrices, comme c'est la tradition de leur profession, et jouissent d'une réputation enviable auprès des aînés.

Nous ne voulons pas passer sous silence l'aspect du coût de l'intervention. Nous sommes bien conscients que les ressources de l'État et du système de santé sont limitées et précieuses et que la demande en services est presque illimitée. Cependant, nous croyons que les ressources financières et humaines consacrées à notre projet sont très bien investies, lorsque l'on considère les résultats obtenus.

Comme le mentionne notre mémoire, le coût total pour exposer un individu à plus de 15 heures d'éducation sanitaire s'établit, après neuf ans, à 249 $ par individu. L'espérance de vie de la population rencontrée s'établissant à 15 ans, le coût moyen par année d'espérance de vie est donc de 16,50 $. Nous vous signalons qu'en 2003 72 % des dépenses du régime public d'assurance médicaments étaient à l'intention des personnes de 65 ans et plus, la moyenne des dépenses par personne assurée de ce groupe d'âge s'établissant à 1 272 $. Si l'on ajoute à cette somme la franchise et la coassurance, de même que les coûts des médicaments en vente libre et des produits naturels, on réalisera combien cet investissement est dans les faits très raisonnable. En corollaire, nous vous rappelons le coût annuel moyen assumé par la RAMQ, en 2003, pour les services de santé physique pour les personnes de 65 ans et plus: il dépasse les 4 000 $ par individu.

Pour compléter le contexte, mettre notre projet en perspective et susciter votre réflexion, permettez-nous quelques observations et considérations complémentaires. Depuis le début des travaux de votre commission, un grand nombre d'intervenants, dont les groupes professionnels, les regroupements d'aînés, les représentants des consommateurs et même l'industrie du médicament, ont insisté sur l'importance de l'information des consommateurs, cette information devant bien sûr être adaptée aux différents groupes de la population afin de les alerter, les assister dans leur prise de décision et les sensibiliser. Nous sommes d'accord avec l'importance de l'information et les moyens que propose le projet de politique, mais nous voulons en souligner les limites comme déterminants des comportements.

En matière de modification du comportement, il faut parfois entreprendre l'action d'éduquer. Cette action est différente de celle d'informer. Elle cherche à faciliter la progression de l'individu dans l'acquisition d'un comportement souhaitable. Ce processus d'acquisition est complexe, on le sait. On croit généralement qu'il s'appuie sur le sentiment d'efficacité personnelle, sentiment que l'on peut contribuer à construire et renforcer en utilisant les stratégies appropriées. C'est sans doute pourquoi l'information seule n'a sur le comportement qu'une influence très relative, d'autres déterminants étant également impliqués.

Permettez-moi de vous citer ici un extrait des travaux de Koury et Leclerc, du Centre de recherche en gérontologie de l'Université de Sherbrooke. Cet extrait se lit comme suit: «Les interventions dirigées vers l'amélioration du sentiment d'efficacité personnelle modifient les comportements de santé et rendent les personnes qui en bénéficient plus aptes à autogérer leurs soins de santé et à améliorer leur état de santé.»

Lors de leur passage devant vous, les représentants des aînés vous ont signalé que les aînés considèrent souvent les médicaments comme une panacée pour tous leurs problèmes, que le contexte de la consultation médicale est très souvent non favorable à la communication, à l'information et à l'éducation, que les médecins ont tendance à médicaliser les phénomènes associés au vieillissement, que de nombreux aînés n'assument pas leur part de responsabilité à l'égard de la santé et de leurs soins, que de nombreux aînés cherchent à influencer le médecin dans son rôle de prescripteur. Dans ce contexte, il est bien évident qu'il faut chercher à informer et éduquer les aînés pour qu'ils puissent s'aider eux-mêmes, devenir de meilleurs partenaires de leurs soins et exercer une influence positive sur les professionnels qui leur prodiguent des soins.

n(11 h 50)n

Concernant les aînés, il faut insister à nouveau sur les éléments suivants, lesquels sont déterminants pour justifier notre intervention: les aînés peuvent modifier leurs comportements, les aînés veulent poursuivre leur développement personnel et s'améliorer. Pour les aînés, la santé est une valeur prioritaire, et ils comprennent l'importance de conserver leur autonomie le plus longtemps possible. La population des aînés constitue une population cible importante à prioriser pour les activités de promotion de la santé. Les bénéfices à anticiper, pour eux et le système de santé, sont considérables.

Finalement, comme dernière observation, nous désirons vous signaler que notre projet s'accorde parfaitement avec le récent Programme national de santé publique du Québec, lequel propose de s'attaquer aux habitudes de vie associées aux maladies chroniques, à l'usage inadéquat des médicaments psychotropes par les aînés et aux chutes chez les aînés, ces dernières étant associées entre autres à la polymédication, à l'usage des médicaments psychotropes. De plus, le programme de santé publique provoque comme stratégies d'action le renforcement du potentiel des personnes, le soutien aux groupes vulnérables et le soutien au développement des communautés.

Nous conclurons par une suggestion audacieuse mais sans doute très réalisable. Nous vous proposons de considérer avec sérieux que le projet En santé après 50 ans soit implanté sur l'ensemble du territoire québécois pour une période de 10 ans, à réévaluer; que son déploiement soit confié au système public de santé, en collaboration avec un ou plusieurs organismes d'aînés, selon les caractéristiques des régions; que le financement du projet provienne de l'industrie pharmaceutique, dont la contribution serait publiquement reconnue, mais qui ne s'impliquerait pas directement dans le contenu ou dans l'exécution du projet, sauf pour sa promotion.

Il nous semble qu'une telle entreprise est autant dans l'intérêt du système de santé que dans celui de l'industrie pharmaceutique, qui se dit, avec raison, fière de sa contribution à l'état de santé de la population et qui se préoccupe de l'usage que font les consommateurs de ses produits. Pourquoi ne pas en faire une entreprise conjointe? Un budget annuel de 3 millions de dollars suffirait à financer un déploiement provincial, un tel montant équivalant à un millième de la valeur totale des services pharmaceutiques fournis en vertu du régime public d'assurance médicaments. L'industrie pharmaceutique, qui investit volontiers dans la formation des professionnels de la santé, accepterait sans doute de le faire aussi pour le bénéfice des consommateurs de ses produits. Elle renforcerait ainsi son image de marque, protégerait son marché et se comporterait en partenaire corporatif responsable.

Ce texte de présentation, qui contient certains éléments non présents dans le texte de notre mémoire, peut être remis au secrétariat de la commission. Merci, Mmes et MM. les députés. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Moisan. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Moisan, Mme Trottier, Mme Hébert, pour votre présence et votre participation.

J'avais deux ordres de réflexion générale, à vous écouter: d'abord me rendre compte que, dans un peu plus de deux ans, je serai moi-même éligible à suivre votre formation...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: ...ce qui a un effet un peu... en anglais, on dit: «sobering», en français, on pourrait dire: quelque chose qui nous ramène à la réalité de nos vies.

M. Charbonneau: ...déjà visible, M. le ministre.

M. Couillard: J'espère que vous en avez profité amplement, M. le critique officiel en santé. Et l'autre aspect, qui est un peu plus sérieux, c'est la ? quoique mon état de santé est sérieux quand même, il faut le dire ? c'est la question de la qualité de nos institutions de santé publique au Québec, et c'est une réalisation combinée des gouvernements du Québec, quelque chose dont on peut être très fiers. Je le mentionne à chaque fois parce que peu de Québécois connaissent la rayonnement de notre organisation de santé publique, non seulement au niveau canadien, mais au niveau international, un rayonnement qui s'applique et qui s'appuie sur une sorte de tripode, trois pattes, là: une, c'est une Loi sur la santé publique; l'autre, des directions de santé publique, niveaux national, régional et maintenant local; et enfin un Institut de santé publique, qui donne l'expertise. Et je peux vous dire que, dans les contacts nationaux, canadiens, internationaux qu'on a, souvent notre organisation de santé publique est citée en exemple, et on nous demande beaucoup de questions sur cet aspect-là de notre système de santé.

Je suis intéressé par bien sûr votre projet En santé après 50 ans, on y reviendra tantôt; je peux vous dire d'emblée que, compte tenu de la qualité démontrée du projet, si l'industrie pharmaceutique ? je lance un appel à tous, qui sera certainement entendu; si l'industrie pharmaceutique ? veut ouvrir le pas des partenariats en s'engageant avec nous dans le financement de ce projet-là et en en assumant même la plus grande partie, compte tenu de ce que vous avez mentionné tantôt, notre porte est ouverte, de même que notre boîte à lettres, pour recevoir ces suggestions.

Je vois également, dans les projets pilotes que vous avez réalisés, en 2004, je vois que vous avez permis à des infirmières des services à domicile d'examiner les médicaments que les personnes âgées avaient en leur possession. J'aimerais en savoir un peu plus long, parce que, dans les propositions de notre politique, vous avez probablement vu, ce qu'on appelle en anglais, le Home Medecine Review, qui est mal traduit, là, par Revue de la médication à domicile, c'est une expérience australienne, comme vous le savez, qui a été décrite lors du Symposium sur l'utilisation optimale, qui vise à ce qu'un pharmacien, un médecin et certainement une infirmière ? ce serait bienvenu ? puissent revoir la médication qu'une personne âgée prend et en faire le ménage, dans tous les sens du mot.

Pourriez-vous nous dire un peu ce que vous avez pu constater, à la lumière de ce projet pilote là, en termes d'effort de rationalisation à faire ou de ménage à faire dans la pharmacopée de nos personnes âgées et quel impact ça a eu sur leur état de santé?

M. Moisan (Serge): Je pense, M. le ministre ? vous avez peut-être l'étude entre les mains, je ne l'ai pas moi-même, là ? effectivement j'ai... la Direction de la santé publique a fait une courte étude de démonstration sur un projet comme celui-là, qui était de faire faire le ménage de la pharmacie. On appelle ça «le ménage de la pharmacie», là, entendons-nous: c'est d'observer, de regarder qu'est-ce que les personnes âgées qui reçoivent des soins à domicile du CLSC ont comme médicaments à domicile, bien sûr avec...

On comprend la préoccupation, parce que souvent ce que les aînés nous disent lorsqu'on les visite, ils nous disent ce qui a été prescrit récemment, mais ils ne nous disent pas tout ce qu'il y a dans la pharmacie, hein? Ils ne nous disent pas les produits naturels, ils ne nous disent pas ce qui est ailleurs. Alors ça, cette intervention-là provenait, elle aussi, de la stratégie sur l'utilisation des médicaments chez les personnes âgées, du ministère en 1994, mais nous n'avions pas connaissance qu'aucun établissement de santé, CLSC ne l'avait appliquée et évaluée.

C'est ce que nous avons fait, et nous... je ne me souviens pas bien des chiffres, là, vous me pardonnerez, je crois que c'étaient 14 produits, en moyenne, par personne. Ça varie de zéro à 50 produits. Bien sûr, on observe toutes sortes de choses, là, les infirmières, Marie-Jeanne Trottier, qui est ici avec moi, Mme Trottier, qui a déjà été infirmière de soins à domicile, je pense, est très au courant de ça. Parfois, les infirmières partent avec un sac de poubelle plein, hein, plein de médicaments, d'échantillons, de toutes sortes d'autres choses, là, puis des produits, les pilules de la voisine puis du voisin. Puis bien sûr on ne dit pas toujours ça aux personnes. Si on ne nous le demande pas, on ne le dira pas, là. Donc, nous avions vu un certain nombre de personnes, dans le cadre de ce projet-là effectivement, parce que nous croyons que l'infirmière des soins à domicile a un contact très privilégié avec les clients. Et d'ailleurs il y avait un coroner qui avait reproché aux CLSC de ne pas avoir fait ce genre d'examen là suite au décès d'un client.

Donc, c'est faisable. C'est très faisable. Ça prend une demi-heure environ, 30 minutes par client, pour faire cette observation-là puis pour prendre en note et de dire: Bon, telle chose, vous devriez en parler à votre médecin, là. Je pense que là vous ne devriez pas prendre ces produits-là en même temps. Donc, ce n'est pas du tout revue d'utilisation des médicaments dans le sens où les pharmaciens peuvent l'utiliser ou que ça s'utilise... le terme s'utilise en centre hospitalier, là, qui est beaucoup plus rigoureux, là. C'est beaucoup plus sur l'aspect pharmacologique. Les autres aspects sont bien sûr touchés en même temps, lorsque le pharmacien ferait une visite à domicile. Mais nous croyons qu'avec la quantité de pharmaciens que nous avons aujourd'hui au Québec, avec la pénurie de pharmaciens, nous croyons qu'une infirmière qui arrive sur des situations particulièrement à risque pourrait indiquer au pharmacien du CSSS, du centre de santé et des services sociaux, qu'il y aurait sans doute une visite à faire à cet endroit-là.

Et là on pense qu'on... moi, je crois qu'on pourrait beaucoup valoriser le geste, à ce moment-là, du pharmacien ou même celui du médecin. Mais nous avions un protocole plus précis, parce que, comme on évaluait, on avait une approche assez rigoureuse, et bien sûr certaines infirmières même sont réticentes à aller voir qu'est-ce qu'il y a dans la chambre à coucher. Il faut demander, il faut demander au client, hein, pour se promener dans sa maison, pour aller voir dans son réfrigérateur. Mais c'est une... quant à moi, c'est une très bonne intervention.

M. Couillard: Pourriez-vous peut-être, Mme Trottier, décrire, pour les citoyens qui nous écoutent, en pratique, qu'est-ce que vous avez constaté, là?

n(12 heures)n

Mme Trottier (Marie-Jeanne): Disons qu'au niveau du CLSC, c'était le CLSC Saint-Hubert, alors, moi, je n'étais pas dans ce projet de recherche là. Alors, qu'est-ce qui est arrivé, par contre, comme étant infirmière autrefois aux soins à domicile? Je peux vous dire que c'est faisable, parce que justement, quand on voit des clients à tous les 15 jours, à tous les mois pendant des années, on a créé un climat de confiance. Alors, c'est assez facile, à un moment donné, avec l'intervention qu'on fait auprès des gens d'une façon répétée et ponctuelle, soit en allant prendre leur tension artérielle ou vérifier leur médication, c'est assez facile de rentrer dans leur pharmacie quand le climat de confiance est établi. Mais, comme je vous dis, on ne fait pas ça à la première visite, ça prend quand même plusieurs visites pour justement associer le client à se responsabiliser au niveau de sa pharmacie. Alors, je pense que c'était valable, c'est le seul CLSC, à Saint-Hubert, qui a accepté justement l'expertise avec leur infirmière sur le territoire. Moi, je n'en sais pas plus, parce que le projet, c'était à l'état quand même expérimental.

M. Moisan (Serge): Permettez-moi un commentaire supplémentaire. C'est que, dans le cadre du projet Les médicaments: Oui... Non... Mais! ? vous allez voir, dans la vraie vie, comment ça se passe ? c'est que Saint-Hubert n'avait pas pu réaliser le projet pendant un an; ils nous devaient 15 000 $. Alors, j'ai négocié de réaliser le projet avec eux, qu'ils nous permettent de libérer du temps, parce que bien sûr le temps de l'infirmière, c'est le temps de visite ? je crois qu'ils ont bien raison, hein, le temps de ces professionnels-là ? et c'est dans ce cadre-là que le CLSC de Saint-Hubert, qui a une unité de médecine familiale, d'ailleurs, d'enseignement, était intéressé avec nous. C'est pour ça que les autres CLSC n'ont pas réalisé. Mais par contre ils sont invités à procéder, mais comme toujours il faut trouver le temps et les ressources pour le faire.

M. Couillard: Pour revenir au projet global, là, En santé après 50 ans, vous dites que ça a été évalué puis qu'on a fait ressortir des résultats positifs. De façon plus précise, vous avez dit tantôt: Ça coûte 249 $ par année par personne pour l'éduquer dans le cadre de ce programme-là. Est-ce que vous avez documenté des changements significatifs dans le profil de consommation des médicaments, la fidélité au traitement, qui permettent de chiffrer les bénéfices, probablement considérables, du produit, là, du projet?

M. Moisan (Serge): C'est une des faiblesses de notre projet. Nous n'avons pas pu faire l'évaluation sur l'utilisation des médicaments, parce que les pharmaciens qui sont ici vont nous dire que bien sûr la seule façon crédible de le faire, c'est de regarder le dossier de médicaments du client à sa pharmacie, et, pour ça, c'est toute une procédure légale, qu'on imagine entre nous, là.

Par contre, ce que nous avons, c'est des témoignages. Bien sûr, les gens ont toujours l'impression de bien utiliser les médicaments, si on le leur demande. Alors, l'évaluation que nous avons faite est strictement une évaluation sur questionnaire, une évaluation sur les habitudes de vie, et c'est pour ça qu'on a changé. C'est un projet qui touche les médicaments, mais les médicaments comme participants de l'état de santé et des habitudes. C'est plus les habitudes de consommation des médicaments, mais, les autres habitudes de vie qui sont liées, ça touchait d'abord: Est-ce que vous faites plus d'activité physique? Est-ce que vous mangez mieux? Qu'est-ce que vous mangez? Donc, là, c'était très détaillé. Concernant aussi l'hygiène du sommeil: Qu'est-ce que vous faites pour favoriser votre sommeil? Avez-vous réussi à cesser votre médication pour dormir? Parce que les gens ne croient pas être capables, là; après quatre, cinq ans d'utilisation ou 15 ans, là, d'utilisation d'un somnifère, les gens ne croient plus à leur capacité de le faire. Par contre, en contact avec une infirmière et avec un coanimateur et la discussion qui a cours, ils vont prendre confiance en eux, ils vont l'essayer une fois, puis, avec les techniques qui leur sont données de comment se préparer au sommeil, et tout ça, ils vont effectivement changer.

Mais par contre votre question, M. le ministre, à savoir qu'est-ce que vous avez documenté comme changements dans l'utilisation des médicaments, est-ce qu'ils en utilisent moins, est-ce qu'ils les utilisent mieux? Je ne le sais pas. Est-ce que vous en utilisez plus? Est-ce que vous traitez bien votre hypertension, alors que vous ne la traitiez pas bien avant? Je pense aussi qu'il y a de la sous-utilisation de médicaments, chez les aînés comme chez les autres populations. On a réalisé que pour faire ce type d'étude là à laquelle vous faites allusion nous aurions dû avoir une autre étude parallèle qui était celle de l'examen de l'utilisation des médicaments en elle-même.

M. Couillard: Donc, si on avait une situation où on étendait ce programme au Québec, il faudrait certainement le doubler d'une évaluation, là, en temps réel, parce que tout ce qui est au coeur de la politique, c'est de générer de l'efficience et des marges de manoeuvre à l'intérieur du régime pour permettre d'en accentuer les bénéfices. Alors, encore faut-il démontrer ces bénéfices-là et ces marges de manoeuvre. Donc, il faudrait certainement que cette partie soit mieux évaluée, si on avait à le déployer sur le territoire du Québec, et je profite de l'occasion pour souligner qu'une fois le projet de loi n° 83 adopté nous disposerons maintenant des outils légaux pour faire circuler de l'information notamment sur le dossier pharmaceutique.

Alors, j'imagine ? je pense tout haut, là ? j'imagine une situation, dans votre programme de soins à domicile, où vous pourriez, une fois ce programme informatique établi, avoir un niveau d'alerte, que par exemple toute personne, dans votre programme de soins à domicile, consommant plus de x médicaments par jour soit immédiatement signalée par le système informatique à l'infirmière de soins à domicile ou au médecin. Il me semble qu'il y a là énormément de progrès à faire, là, dans la surveillance des médications de la population.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup. Alors, docteur, mesdames, vous êtes de ma région, un député de la Montérégie. Alors, je suis très content de votre initiative. Bon, moi, j'adhère totalement à cette approche-là que vous suggérez. Ce qui m'intéresse, c'est de voir jusqu'où on pourrait aller pour qu'il y ait un impact significatif.

Vous nous dites: Nous, on intervient auprès d'à peu près 2 000 participants par année, actuellement, en Montérégie. Vous proposez que, pour un budget de 3 millions de dollars par année, on puisse déployer ce programme-là sur l'ensemble du Québec. Avec 3 millions par année, on rejoindrait combien de personnes par année au Québec?

M. Moisan (Serge): Tout ce que je pourrais vous répondre, M. le député, c'est que, nous, on sait qu'on a 15 % des personnes âgées chez nous. On en voit 2 000 par année. On fait une...

M. Charbonneau: C'est ça, O.K. Je vous arrête tout de suite pour qu'on se comprenne bien.

M. Moisan (Serge): Oui! Oui.

M. Charbonneau: Il y a 15 % des personnes âgées de l'ensemble du Québec qui sont en Montérégie. C'est ça que vous dites?

M. Moisan (Serge): C'est ça, effectivement.

M. Charbonneau: Vous en voyez 2 000, mais ce 15 % là, ça représente combien de milliers de personnes, ou de dizaines de milliers de personnes plutôt?

M. Moisan (Serge): C'est 150 000.

M. Charbonneau: Ça veut dire que, 2 000 personnes, avant qu'on rejoigne tout le monde puis les cohortes qui s'ajoutent, ça veut dire qu'on est loin de pouvoir avoir un impact significatif sur l'ensemble de la population visée, là.

M. Moisan (Serge): Votre question est très intéressante, et bien sûr on se la pose, et Mme Trottier brûle d'y répondre. C'est que les personnes qu'on atteint, d'abord, il y a des choses... C'est intéressant, on voit 83 % de femmes, hein? Les messieurs ne viennent pas là. Ça ne vous surprend pas, et moi non plus, là, c'est dans tout ce type de programmes d'éducation pour la santé, ce sont des femmes. Et, comme pour toute nouveauté que l'on introduit dans le milieu, moi, j'avais comme objectif au début: si on se rend à 5 % de la population, on aura vu beaucoup de monde, tu sais, l'introduction de la nouveauté dans le milieu, et là on a des territoires de CLSC qui sont rendus à 17 % et 18 %. Il y a moyen d'avoir beaucoup plus d'intensité, c'est ce dont vous parlez, et peut-être même, si on veut avoir les gens à ces rencontres-là, il faut peut-être avoir l'intensité.

En marché, quand on vend des produits ou des beignes, on veut que tout le monde en mange puis que, quand tout le monde en mange, tout le monde en mange, tu sais? C'est facile, ton marché est établi puis ça roule. Mais, dans ce domaine-là, comme on ne pouvait pas avoir l'ambition d'avoir des infirmières... Là, on en a environ cinq ou six équivalents temps plein, pour la Montérégie, pour réaliser ce projet-là. Il a fallu avoir beaucoup de conviction pour convaincre les gestionnaires de nous libérer ces infirmières-là pour faire ça, alors qu'elles sont tellement requises pour faire autre chose. Donc, il y a l'opportunité aussi qui est là.

Mais, dans ce que vous dites, là, par ailleurs, ce qu'on n'analyse pas, c'est les retombées. La madame qui vient suivre notre cours, quand elle revient à la maison, bien sûr son mari, il passe là, hein, puis bien sûr, bien sûr, elle en parle à ses amies, de ce qu'il ne faut pas faire, et ça, c'est le type d'évaluation, en promotion de la santé, qui... il y a un rayonnement autour de ces projets-là, et on peut sûrement... Rapidement, il y a toutes sortes de retombées, qui sont progressives, bien sûr. On ne changera pas le monde du jour au lendemain. Mais par ailleurs il y a des retombées considérables, et ça, des témoignages de ce genre-là, Marie-Jeanne, qui a fait... Mme Trottier, qui a fait plus d'une centaine de groupes maintenant, vous en parlerait sans doute, en aurait sans doute un grand nombre...

Le Président (M. Copeman): Mme Trottier.

M. Moisan (Serge): Mme Trottier.

Mme Trottier (Marie-Jeanne): Alors, l'impact significatif, je reviens à votre question, c'est qu'on a les témoignages des gens, parce qu'on a toujours une évaluation après les six rencontres, et il y a une multiplication au niveau des enseignements qu'on leur donne.

Si, comme le Dr Moisan disait, la dame vient seule et que son mari ne prend pas ses médicaments avec suffisamment d'eau ou qu'il va les prendre avec du café, ou du thé, ou du Coke, ou une bière, bien, quand elle revient à la maison, elle lui passe quand même le message, le pourquoi qu'il faut qu'il prenne son médicament avec de l'eau.

Alors, voyez-vous que c'est important de penser qu'il y a une multiplication.

n(12 h 10)n

Aussi, je vous donne un autre exemple: les aidants naturels. Les groupes qu'on voit, au niveau des associations du diabète, associations de sclérose en plaques, les demi-sourds et les malentendants, je veux dire, en cours de route, tous les groupes communautaires sont vus, tous nos bénévoles des CHSLD, à soins prolongés, et même, je forme mes propres infirmières au niveau des CLSC, alors il y a certainement un impact sur le comportement, qu'on peut changer. Et, au bout d'un an, notre projet de recherche a quand même donné des résultats qui ont été révélateurs, parce que les gens qui prenaient leurs médicaments à des heures différentes maintenant connaissaient les impacts, alors ils ont changé. Il y a possibilité de changer certains comportements, et ces comportements-là vont demeurer un an après notre projet, qu'on les a vus.

M. Charbonneau: Bon. Écoutez, moi, je ne vois aucun doute sur la valeur de votre type d'intervention, aucun. En fait, ce que je cherche à savoir, puis je me mets dans la peau du ministre, si, demain matin, devant une suggestion de déployer un programme comme celui-là à travers le Québec et que je voulais le faire, je voudrais savoir combien ça me coûterait, et j'aurais besoin de combien de ressources, puis à quel rythme je pourrais rejoindre la majorité de la population.

Autrement dit, si, demain matin, il y a une épidémie majeure puis qu'on décide de vacciner tout le monde, bien, c'est-à-dire, on va... tu sais, ça va nous coûter tant, on va avoir besoin de tant de ressources, puis on se dit: Il nous faut rapidement pour rejoindre la population visée ? puis faisons l'hypothèse que c'est une épidémie qui fait qu'on veut vacciner 7,5 millions, là, juste pour fin de la discussion ? bien on sait que ça va nous coûter tant, ça va nous prendre tant de ressources, puis on va avoir réussi à vacciner 7,5 millions de personnes dans un délai x.

Dans le fond, si on veut avoir un impact significatif sur la santé publique, ce n'est pas à coups de 2 000 participants par année par région qu'on va y arriver, même si ce que vous dites est vrai. C'est-à-dire, ce que vous dites, c'est qu'il y a un effet d'entraînement. Pour une personne vue, vous pouvez peut-être dire: J'en touche trois, là. Faisons une hypothèse, vous n'avez pas de chiffres scientifiques, mais... Tu sais, c'est un peu comme les... Moi, j'étais journaliste avant. Quand on a fait un journal, on sait que, pour un journal acheté, il y en a tant, de personnes, qui lisent le même journal. Bon. Alors, ça peut être intéressant.

Mais, moi, ce que j'aimerais, c'est: Est-ce qu'on pourrait éventuellement mesurer le coût et le temps que ça pourrait prendre pour avoir un impact significatif sur une proportion importante de la population qui... Et, en plus, là, on est dans une dynamique où la population va vieillir. Si on se contente d'un rythme, je le dis, pépère par rapport aux besoins, on n'aura pas un impact significatif. Un des axes de la politique, c'est d'essayer de réduire le coût du système du régime d'assurance médicaments. Bon. Si on veut réduire le coût tout en ayant un impact positif sur la santé publique, je veux dire, il va falloir qu'on investisse dans la prévention.

Alors, vous, ce que vous disiez, en plus, tantôt: Bien, la prévention, elle pourrait aussi être payée par l'industrie. Ça, ça peut être... en tout cas une partie, là, ça pourrait être intéressant. Mais, dans un premier temps, c'est la masse critique, c'est-à-dire comment on peut faire pour... quels coûts ça pourrait signifier puis combien de temps ça pourrait prendre pour, par exemple, dans une région comme la Montérégie, dire: On a rejoint vraiment... Bon. On ne rejoindra jamais 100 % des gens, là, mais...

M. Moisan (Serge): Non, jamais, jamais. D'abord, les gens ne viendront pas, M. le député, parce que... ça, Mme Hébert pourra nous en parler aussi longuement. Alors, pour avoir 100 groupes par année, je prends ici à témoins les deux personnes qui m'accompagnent, c'est beaucoup de travail, et il y a beaucoup de découragement parfois. Vous avez beau leur offrir ça gratuit, là, ces gens-là ont bien d'autres choses à faire que de venir entendre parler de médicaments.

Alors, ce n'est pas facile. Il y a des gens qui ne s'intéresseront jamais à ça. Et Mme Hébert nous a beaucoup aidés à démarrer parce qu'elle nous a offert l'accès à ses clubs de l'âge d'or; au début, c'était 40 % qui étaient dans le réseau. Ensuite de ça, maintenant, il faut qu'elle les convainque à chaque année, il faut qu'elle leur dise... Ces gens-là, ils veulent faire autre chose que d'entendre parler de médicaments, et les infirmières ont pris la relève pour, beaucoup, aller à des endroits qui... en tout cas où elles ont plus ou moins d'accès. Mais c'est sûr qu'on peut s'essayer de s'imaginer qu'on rend ça disponible et qu'on voie 40 % de la population en cinq ans, des aînés de 50... des aînés... pardon, des gens de 55 ans et plus. Alors, on pourrait...

Mais, moi, dans ce que je comprends de la faisabilité de cette chose-là, en éducation pour la santé, je n'ai jamais vu... je n'ai pas de connaissance, d'expérience comme celle-là. Par contre, ça n'empêche pas de faire, de faire ce genre d'éducation pour la santé, là. Ça peut se faire avec des groupes très privilégiés, comme par exemple les femmes enceintes, hein, c'est un temps très particulier dans l'évolution de la personne. Là, c'est privilégié pour changer des comportements. Mais, chez les aînés, il y a des gens, d'abord, qui ne sortent pas de chez eux; en tout cas, toutes ces situations-là, on peut les énumérer.

Par contre, 17 000 personnes sur 150 000, je suis rendu à 10 %, là. Là, je suis rendu à 10 %. Demandez-moi pas l'influence sur la courbe d'utilisation des médicaments, en termes d'argent, en Montérégie, parce que ce n'est pas l'objectif.

M. Charbonneau: Non, non, non. Ça, c'est clair que ce n'est pas ça que je vous demande, d'ailleurs.

M. Moisan (Serge): Ce n'est pas l'objectif que je poursuis.

M. Charbonneau: Non, non. Je ne vous demandais pas ça, je vous demandais dans le fond... Vous dites: Pour 3 millions par année, on pourrait déployer, pour l'ensemble du Québec, 3 millions, si vous voyez non pas 2 000, juste la Montérégie, mais, je veux dire, je ne sais pas combien de milliers de personnes, pour l'ensemble du Québec, vous pourriez voir, par année, pour... 15 000, par année, pour le Québec. Bon.

M. Moisan (Serge): Pour 3 millions.

M. Charbonneau: Dans le fond, la question, ça pourrait être posé de la façon suivante: Est-ce qu'au lieu de viser un objectif de 15 000 par année on ne pourrait pas viser un objectif plus ambitieux avec un investissement plus significatif ? bien sûr on ne peut tout faire dans une seule année ? avec comme objectif d'avoir un impact sur la santé et sur les changements de comportements beaucoup plus rapides et beaucoup plus significatifs?

Parce qu'une autre question, puis vous l'avez abordée, je vous en pose une autre, et, celle-là, je voudrais aussi avoir une réponse, c'est: Est-ce que vous avez pu vérifier le taux de rétention de l'information? Puis il y a le taux aussi, comment je pourrais dire, de changement des comportements, c'est-à-dire quelqu'un qui est vu à 50 ans ou 55 ans, est-ce que, cinq ans plus tard, 10 ans plus tard, un, il va avoir continué de changer ses comportements? Est-ce qu'il va avoir dans le fond conservé les changements de comportements qu'il aurait pu adopter, puis est-ce que l'information ? parce que ça, c'est une autre réalité aussi, c'est que la mémoire est une faculté qui oublie, puis tout ça ? est-ce que l'information ne doit pas être répétée, puis à quel rythme?

M. Moisan (Serge): Mais, M. le député, vous posez des questions qui sont fort intéressantes, c'est mon domaine d'expertise. On a constaté des choses très paradoxales. Après, immédiatement après la dernière rencontre, les gens ont amélioré leurs connaissances, peu leurs comportements. Ah! Un an après, les connaissances ont diminué, les comportements se sont améliorés. Ah!

Moi, ce qui m'intéresse, ce n'est pas leurs connaissances; je m'excuse de vous dire ça comme ça, là, ce n'est pas une boutade. Ce que je veux, c'est qu'ils croient à l'activité physique. Peut-être qu'ils ont oublié des choses sur l'activité physique, mais maintenant ils marchent, ils vont marcher leurs 30 minutes. Ça, ils croient à ça, ils le font. C'est devenu partie intégrante de leur façon de vivre.

Leurs aliments: ils mangent des fruits et légumes, ils mangent leurs cinq, six portions.

Tu sais, alors c'est tous des messages de la Santé publique. Par ailleurs, au niveau... bien sûr, c'est un très beau projet de recherche. On a démontré, par exemple, pour la consultation du médecin, immédiatement après, les gens n'ont pas modifié leurs comportements; un an après, beaucoup. Bien sûr, tu vas dire: Ils n'ont pas consulté leur médecin, ils ne peuvent pas l'avoir amélioré, leur comportement. Mais, un an après, ça a beaucoup changé, c'est 0,0001, le P, là, comme on dit en statistique, là, tu sais, la probabilité est plus petite que ça que ça doit être dû au hasard. Donc, c'est des très gros changements.

C'est pour ça que je l'ai exprimé comme ça dans le texte que je vous ai lu. Il y a maintien après un an. Après cinq ans, j'aimerais beaucoup répondre à votre question, mais bien sûr ça prend un projet qui est rigoureux, qui est crédible après, parce que ça nous a demandé beaucoup d'efforts de réaliser un gros projet auprès de 450 individus, parce qu'on voulait avoir les nombres, hein? Si on en a juste 25, ils vont dire: Bien, écoute, tu en avais 25, ça ne fait pas un groupe comme les autres ? en tout cas, toutes les critiques qu'on peut faire à la recherche ? mais, avec 450, on pensait qu'on avait quelque chose qui se tenait debout.

On l'a fait pour un an. Si on voulait aller à cinq ans, ce serait une tout autre... bien, ce serait un beau projet. C'est un beau projet.

M. Charbonneau: Mais en fait ce que vous nous mettez sur la table comme défi puis comme problème, c'est: Jusqu'où une société comme la nôtre, puis un État comme le nôtre, est en mesure puis qui a la volonté, par ses décideurs, d'investir dans la prévention? Parce que, écoutez, si on veut avoir un impact minimal, on peut faire semblant de faire de la prévention ? puis je ne vous dis pas que vous faites semblant, là, je pense que c'est important, c'est significatif ? mais ce que je constate, c'est que ce n'est pas beaucoup, par rapport à la population concernée, c'est encore moins si on considère que la population que vous visez va augmenter dans les prochaines années d'une façon spectaculaire.

n(12 h 20)n

Quand le ministre et moi, dans quelques années, on ne sera pas juste au club d'âge d'or, parce qu'on aura l'âge d'avoir la carte de membre, là, mais qu'on sera peut-être dans notre chaise berçante, on va être pas mal dans notre chaise berçante à ce moment-là. Et si finalement on n'a pas fait une opération vraiment d'envergure en termes de changements de comportements, je veux dire, les coûts consécutifs aux comportements négatifs ou toxiques qu'on peut avoir individuellement vont être considérables. On s'entend?

M. Moisan (Serge): Oui. Oui. ...rien d'autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Je pense que c'est une bonne place pour arrêter là.

M. Charbonneau: C'est-u la bonne place pour arrêter, là? Hein?

Le Président (M. Copeman): Oui.

M. Charbonneau: Alors, bien, écoutez, j'aurais juste une dernière question, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): J'ai bien essayé, mais...

M. Charbonneau: Oui, je le sais que vous avez bien essayé, mais... Mais vous pouvez répondre plus longuement, là, puisque le président accorde quelques instants.

Juste une autre chose: Est-ce que... C'est quoi, le lien qu'on pourrait faire entre le type d'intervention que vous faites, ce dont on parle depuis quelques jours, là, c'est-à-dire la gestion thérapeutique, par exemple? Autrement dit, si on avait des processus de gestion thérapeutique plus serrés, si on avait un processus d'informatisation qui permette aux médecins, aux pharmaciens puis au trio, avec le patient, dans quelle mesure l'input ou l'action, par exemple d'un groupe comme le vôtre, pourrait être efficace puis dans quelle mesure vous auriez besoin d'avoir accès aux informations qui seraient disponibles éventuellement pour pouvoir avoir une efficacité plus grande sur l'intervention auprès des gens?

M. Moisan (Serge): M. le député, moi, ce sont toutes des informations qui m'intéressent beaucoup. Mais ce que je suis venu vous dire, c'est: Formez les consommateurs. Je suis venu vous dire ça.

M. Charbonneau: Ça!

M. Moisan (Serge): Parce qu'ils sont trois, là. Il y a un prescripteur, il y a un distributeur puis il y a un consommateur. Je trouve qu'on néglige beaucoup le consommateur, parce que, lui, il influence et son pharmacien et son médecin. Puis il l'influence beaucoup. C'est un marché, ça, hein?

M. Charbonneau: ...moi, je pense, vous avez raison, ça va être... Le vrai test, c'est, au cours des prochaines années, jusqu'où on investira pour l'informer, le consommateur dont vous parlez.

M. Moisan (Serge): Effectivement.

Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Moisan, Mme Hébert, Mme Trottier, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de la Direction de la santé publique de la Montérégie.

Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Je vais faire lecture de l'ordre du jour pour l'après-midi. Nous allons entendre et échanger avec quatre groupes: dans quelques instants, la société de distribution de produits pharmaceutiques Kohl & Frisch ltée; elle sera suivie, autour de 15 heures, par Projet Genèse; autour de 16 heures, McMahon Distributeur pharmaceutique inc.; pour terminer l'après-midi avec le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

Alors, sans plus tarder, it's a pleasure to welcome Mr. Frisch, President and CEO of la société de distribution de produits pharmaceutiques Kohl & Frisch ltée. Bienvenue, M. Frisch, à cette commission parlementaire. Vous avez, comme avec chaque groupe, 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires, d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Without further ado, if I could ask you to introduce the person who is accompanying you et par la suite débuter votre présentation.

Kohl & Frisch ltée

M. Frisch (Ronald): Thank you. Bonjour, mesdames et messieurs. Mon nom est Ron Frisch, et je suis le président et chef de la direction de Kohl & Frisch ltée. Je tiens d'abord à m'excuser de mon unilinguisme. M. Ken Rubin fera la présentation en français, et je répondrai ensuite aux questions en anglais. Ken.

M. Rubin (Kenneth): Merci, Ron. Comme M. Frisch vous avait dit, je suis Ken Rubin et je suis le chef national, Produits pharmaceutiques et Affaires réglementaires, de la société Kohl & Frisch.

Kohl & Frisch est une société distributeur grossiste de produits pharmaceutiques à propriété entièrement canadienne fondée en 1916 et dont les opérations s'étendent à l'échelle du pays. La compagnie sert des clients au Québec depuis 1994 et elle est devenue, en 1997, le principal fournisseur des magasins Wal-Mart au Québec. Nous livrons en moins de 24 heures, pour toutes les commandes de médicaments vendus aux 44 magasins Wal-Mart ainsi que pour l'ensemble de notre clientèle du Québec, à une ou deux exceptions. Nous pouvons garantir ce niveau de service grâce à des systèmes de gestion de pointe. Nos opérations sont basées à Concord, en Ontario, et nous livrons à tous nos clients québécois à partir de ces installations.

Le but de notre mémoire à la commission est de présenter nos préoccupations concernant la nouvelle Politique du médicament proposée, particulièrement en ce qui a trait à la rémunération des distributeurs grossistes. Malgré certaines préoccupations que nous avons concernant ceci, je dois vous dire que nous appuyons la proposition du gouvernement d'instaurer un régime de traitement qui serait enfin uniforme pour tous les distributeurs grossistes au Québec. Nous demandons cela depuis fort longtemps.

n(14 h 10)n

En plus de proposer un régime de traitement uniforme pour tous, le document propose un taux de marge bénéficiaire de base de 6 %. Quoique nous devrions être heureux de pouvoir bénéficier d'une augmentation de nos revenus avec cela, car nous ne recevons que 5 % depuis que nous opérons au Québec, nous vous signalons qu'une marge bénéficiaire de 6 % pour les distributeurs grossistes n'est pas dans l'intérêt des Québécois.

Mais, avant d'aller plus loin dans ce sens, nous abordons ici la question de traitement égal pour tous les distributeurs grossistes oeuvrant au Québec, un élément d'impartialité essentiel pour l'avenir, à notre avis.

Je commence avec un petit historique de notre expérience au Québec, avec la question des marges bénéficiaires accordées par le gouvernement. Il est à noter que le Québec était et demeure la seule province qui exerce un contrôle de marge bénéficiaire des distributeurs grossistes de médicaments d'ordonnance. Dans toutes les autres provinces, les forces du marché dictent les marges bénéficiaires réalisables par les distributeurs de ces produits. Le niveau de marge bénéficiaire généralement employé en Ontario, selon les règles du marché, est de l'ordre de 5 % et demeure stable au fil des ans.

En 1994, Kohl & Frisch débute ses opérations de distribution de produits pharmaceutiques au Québec en devenant le fournisseur principal d'une chaîne de 50 pharmacies dans la région montréalaise. En se servant de l'expérience vécue à la marge bénéficiaire moyenne de 5 % que la compagnie obtenait en Ontario, la compagnie demande au gouvernement du Québec une première marge bénéficiaire de 5 %, quitte à la réviser par la suite. Entre-temps, Kohl & Frisch apprend que les marges bénéficiaires accordées aux autres distributeurs grossistes oeuvrant au Québec étaient d'une grande variété, de 5 % pour certains comme nous jusqu'à 7,25 % pour d'autres, avec une moyenne de l'ordre de 6,25 %.

En 1997, Kohl & Frisch devient le fournisseur des produits pharmaceutiques pour tous les magasins Wal-Mart du Québec. Alors, de 1994 à 1998, la compagnie se rend compte jusqu'à quel point le traitement différent des autres distributeurs grossistes désavantageait notre compagnie sur le plan de rentabilité, tant au Québec que dans le reste du pays. En effet, nos concurrents au Québec touchaient de 25 % à 40 % de plus que nous ? marges allant jusqu'à 7,25 % versus notre marge de 5 % ? pour livrer le même service avec les mêmes frais d'exploitation, ce qui représentait un avantage énorme pour eux. De plus, Kohl & Frisch voyait bien que quelques-uns de ses concurrents se servaient de ce niveau de revenu plus élevé pour financer leurs opérations ailleurs et offrir des prix plus bas dans les autres régions du pays.

Au mois de janvier 1998, Kohl & Frisch demande au Conseil consultatif de pharmacologie du Québec une augmentation de sa marge bénéficiaire de façon à se trouver sur un pied d'égalité avec les autres fournisseurs pharmaceutiques au Québec. Elle fut cependant rejetée parce qu'elle coïncidait avec le maintien du gel des prix des produits pharmaceutiques décrété par le ministre. Malgré que le gel perpétue un traitement inégal, en plus d'un régime qui subventionnait les prix ailleurs au pays, il n'y avait rien à faire. Le gel ministériel était maintenu contre tout argument pour abolir cette inégalité.

En 2000, en 2001 et en 2003, nous sommes revenus à la charge auprès du bureau du ministre et des instances ministérielles de l'époque pour signaler cette inégalité ainsi que l'impact considérable des marges bénéficiaires en vigueur sur la facture des médicaments du gouvernement du Québec. Chaque intervention faisait face au même argument: Il y a un gel en vigueur, et le ministre ne peut pas agir.

En 2004, après d'autres interventions de notre part auprès du comité tripartite formé pour étudier tous les aspects du régime de médicaments au Québec, nous apprenons que le ministre entreprend une révision globale des politiques touchant le médicament. Nous étions heureux d'apprendre cela. Avec cette annonce, nous avons espéré voir une politique équitable pour tous les intervenants et possiblement la fin des subventions par le Québec ? non intentionnelles, j'en suis sûr ? des opérations des grossistes dans les autres marchés.

Quoique la nouvelle politique devant vous présentement propose un traitement équitable, le problème est le taux proposé. Sommairement, nous considérons qu'une marge de 6 % est trop élevée. La fixer à ce niveau sera une erreur pour le Québec, et cela, pour trois raisons.

Premièrement, une marge de 5 % est suffisante pour couvrir les frais d'exploitation des distributeurs grossistes au Québec, quels que soient leur taille ou le rayon géographique de leurs opérations. Nous l'avons fait depuis 10 ans, et les autres sont capables de le faire aussi. Nous opérons à l'échelle du Québec, dans toutes les régions. Malgré les exigences courantes de livraison juste-à-temps, des distances importantes impliquées dans le service de notre clientèle, d'Alma à Rimouski, de Sherbrooke à Val-d'Or et des points entre ces destinations, nous avons prouvé notre capacité de bien servir notre clientèle et à la fois rencontrer nos coûts avec une marge de 5 %. De ce fait, nous n'avons pas de problème avec une marge de 5 % à l'avenir, à condition que tous les distributeurs grossistes le reçoivent aussi.

Deuxième raison pour laquelle une marge de 6 % est trop élevée: une marge de 6 % perpétuerait une situation où le gouvernement du Québec continuerait de subventionner les opérations des distributeurs grossistes dans leurs opérations dans les autres régions du Canada. Essentiellement, avec une marge de 6 % plutôt que 5 % au Québec, ce qui est généralement le taux dicté par le marché dans les autres provinces, le revenu additionnel provenant du Québec permet aux distributeurs grossistes de couper leurs prix ailleurs, en fait de subventionner le prix des médicaments dans les autres provinces, sur le dos des Québécois. Ça fait des années que c'est comme ça, et ce, à cause des marges gonflées artificiellement à plus de 6 % chez plusieurs distributeurs opérant au Québec. La nouvelle politique, telle que proposée, ne changera rien à cela. Je ne suis pas sûr que le contribuable québécois voudrait qu'une politique de son gouvernement ainsi qu'une partie de ses impôts contribuent à subventionner le prix des médicaments dans les autres provinces.

Troisièmement, avec une marge de 6 % plutôt que 5 %, qui est suffisante pour opérer ici, le gouvernement laisse sur la table plusieurs millions de dollars qui pourraient être mis à l'oeuvre pour combler d'autres besoins dans le réseau de la santé au Québec. À titre d'information, 77 millions de dollars ont été versés aux distributeurs grossistes en marge bénéficiaire par le Québec en 2003. Si une marge de 5 % avait été accordée aux distributeurs plutôt que la moyenne en vigueur à ce moment-là, de 6,25 %, le Québec aurait pu épargner plus de 15 millions de dollars en 2003. Avec la croissance de consommation des médicaments, les économies possibles avec un taux de 5 % pourraient facilement atteindre 20 à 25 millions de dollars dans un avenir rapproché, et ce, année après année. Ces sommes pourraient être mises à l'oeuvre pour rencontrer les autres défis du gouvernement dans le réseau des soins de santé.

n(14 h 20)n

Par conséquent, avec une marge bénéficiaire de 6 %, telle que proposée dans le document devant vous, le gouvernement du Québec et le contribuable québécois surpaieront les services en question, subventionneront les prix plus bas de médicaments ailleurs au Canada et se passeront de plusieurs millions de dollars par année qui pourraient être utilisés pour d'autres fins.

Quoique nous acceptions un traitement équitable qui nous donnerait 6 % comme marge bénéficiaire, nous croyons que c'est dans les meilleurs intérêts des Québécois d'avoir un taux réaliste de 5 % pour tous. J'espère que ces réflexions vous aideront à élaborer une politique de rémunération des intervenants, dans la distribution des médicaments, qui est à la fois équitable et tenant en compte les intérêts supérieurs des Québécois.

Nous avons l'intention d'accroître nos activités et nos investissements au Québec, et j'espère pouvoir continuer notre partenariat avec vous dans le système de santé des Québécois et Québécoises. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci. Thank you, Mr. Frisch. Merci, M. Rubin. Je voudrais d'abord qu'on clarifie notre façon de procéder. Je veux bien poser les questions à M. Rubin pour avoir les réponses en français. Je vous félicite d'ailleurs pour la lecture de votre texte en français. Mais, si, chaque fois, il faut traduire les questions à vos collègues pour la réponse, j'aime autant procéder directement avec des questions en anglais. Alors, je ne sais pas ce que vous proposez, quel est votre...

Une voix: On préconise celle-ci. Si vous voulez poser les questions en anglais pour M. Frisch.

M. Couillard: Oui. Par souci de rapidité et d'efficacité, là. Well, I see... Your presentation is very interesting to us on many aspects, but certain aspects need to be discussed further. First, I would like you to comment about the situation that exists in other provinces. You say that we are the only province that actually regulates the beneficiary margin of the distributors and you say that, in Ontario, deregulation makes the reality such as the margin is 5%, the average margin is 5%. Could you project what situation would happen if we would deregulate this element of the system, just leave the market forces operate? What would happen?

M. Frisch (Ronald): Our projection is... I can project, but it's not scientific. This is just my experience. Our experience is that, I think, you would find that rates would be more comparable to the Ontario rates, that are market-driven, where really the market rate is about 5% as a gross rate because competition makes that happen sometimes. So, I think that's our experience.

It's also important to note or to not leave aside from the consideration that it's typical that there is a cash discount for payment that reduces the 5% even lower. So, it's typically 5% less a 2% cash discount, and I think for the most part that's what happens in Québec for all the distributors, where the rate is as published and as approved by the Government, but there's a 2% cash discount that comes down and reduces it even further. So, I think that's probably what would happen. In that kind of world, you'd find rates closer to the 5% that we operate in.

M. Couillard: Now, there are certain... a lot of common elements but a few differences between, let's say, the Québec market and the Ontario market. Let's stick with this comparison for the moment. We have here at least one operator that specializes itself in Québec, has its head office in Québec and distributes all over the territory, and this organization came in front of us a few days ago, and maybe you heard their presentation or you read it. Basically, their argument is that we should increase the margin more than 6% to take into account the fact that certain operators do provide services all across Québec, even in small rural localities, and they provide an added-value type of service. In fairness, I have to say with them that your organization... basically, unless I didn't understand well, you provide services to the Wal-Mart elements of the market in Québec, which is roughly 1.5% of the market distribution of medication here.

So, while I see the logic of your presentation and the fact that you say that 5% is perfectly compatible with the reality of operating all across Québec, I must also take into account the other side that has been presented to us, that in order to cover all of Québec and in particular the nonlucrative markets that are, you know, a small pharmacy in a very small locality in the North Shore of the Gulf or up North, then 5% would not be enough in order to compete. How do you react to that?

M. Frisch (Ronald): What you are describing, I certainly understand because I have experienced it with other provinces as well. My company is a national company. We distribute throughout the country. So, we have experience in all provinces, and some provinces are even more rural in nature, having smaller villages and towns than Québec has. Certainly, we have that in Ontario as well, where there's a huge geography, and yet we have to service the entire population of the province. Our distribution points in Québec cover about 85% of the Québec population. And while it's true there are small points, it's also true there are cities like Montréal. And the same thing holds true in Ontario, where there are small towns. In Northern Ontario, little towns just dot a lake around the northern part of the province, and we service them as well, but we also have the Toronto area with its large population.

What ends up happening is you end up with an average, and what we've described is that we have developed a system by being efficient in our business and looking for ways to improve our efficiency, so that 5% is a very doable rate for the business across Canada, and that's how we are able to operate. So, I'm not at all minimizing those towns. We do more than just Wal-Mart, by the way. The reason for mentioning Wal-Mart in our presentation is that, in 1997, when we became their distributor, we still were not allowed to have an increase of our rate to get a level playing field with other distributors, and that's why we put that into our submission. But we do a lot of drugstores throughout Canada and we use that as an example of our history in the Province of Québec.

M. Couillard: But do you feel that, if your clientele was much more than Wal-Mart and you had also to serve the small rural points of service across the territory, you would still be profitable at 5%?

M. Frisch (Ronald): We're doing it today, we're doing it today. We have that in Ontario. We have a similar marketplace in Ontario, with a lot of smaller towns, and we do the entire province, and that's the rate that is working in Ontario. So, it's not something I'm unaccustomed to.

M. Couillard: Now, the other aspect that is, I would say, more political than strictly business, although sometimes politics is also business and vice versa, is the fact that this organization basically operates in Québec and groups Québec pharmacists, has its head office in Québec and of course brings, you know, fringe benefits to the economy that go further than only the mission of the organization. How do you react to that argument?

M. Frisch (Ronald): I think it's important to differentiate between a distributor who has their own drugstores and a distributor who does not. Within the list of companies, my competitors primarily are not the kind of group that you're describing, and I appreciate they have a different set of dynamics than we do. But the competitors that I speak of are large companies, and it's primarily if not exclusively distribution only, not to owned stores, and that is the unequal playing field that exists. Retail pharmacies also have a whole other list of priorities and things they deal with as pharmacists to the public.

What we're talking about is the core service of buying product, getting pharmaceuticals and getting it to the pharmacy for dispensing to the population. We're able to do that from Toronto, at 5%, to Sept-Îles, Québec, and do it successfully. So, it can be done. The challenge needs to be put to business to do its best and do it at a reasonable rate. And when I tell you that the rate is at 5% elsewhere, believe me, if it wasn't, I would be saying 6% is a great rate. It's sort of contrariant for me to say: I'm advocating a lower rate. But, really, you know, I'm a proud Canadian and I look back and say: Well, how have we done 5% in Québec for the last 10 years and succeeded and grown? Because it can be done and because the world has changed in the last 10 years. Technologies and advancements have come that made business more efficient, and costs are lower, and at the same time, as you know, the price of pharmaceuticals has gone up. So a percentage based is a larger amount of money than it used to be. You bring those things together, and 5% has been a workable solution for us.

n(14 h 30)n

M. Couillard: Actually, I must agree with you on that aspect of your presentation, because when we review the benefits of this organization... others, we see that, in spite of what they are saying to us, their profits have been going up because of the volume basically and the increased price of medication.

So, I would conclude on that, Mr. Chairman. If you were to face a situation, in Québec, of a deregulated market and you would have to set your margin according to the need to cover all the territory, with 100% of the formulary, would you still set the margin at 5% in order to compete?

M. Frisch (Ronald): I would imagine that's where it will end up, sure.

M. Couillard: O.K.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, pour les mêmes raisons que le ministre, je vais faire l'inverse. Ma maîtrise de la langue de Shakespeare étant plus laborieuse, ça va être plus simple de vous poser les questions en français puis que vous puissiez répondre en anglais. Je n'ai pas de problème à comprendre, mais ça va être plus rapide si je pose ça dans la langue que je maîtrise bien, qui est...

Je reprendrais un peu ce que le ministre a dit. Est-ce que j'ai bien compris, vous fournissez les magasins Wal-Mart au Québec, mais est-ce que c'est les seuls fournisseurs que vous avez? C'est-à-dire est-ce que ce sont les seuls distributeurs de vos produits?

M. Frisch (Ronald): We supply other than Wal-Mart stores. As I mentioned, Wal-Mart was just as... We didn't name it but we started in Québec in pharmaceuticals, in 1994, with a chain called Cumberland Drugs, and then we ceased doing business with them, they were sold, and then Wal-Mart was a major recognizable name. So, we wanted to describe that even three years later, three years after coming to Québec and seeing that there was no change to the rate that was being given to us or approved for us, we still continued to come and do business in Québec, and we could have chosen not to, but we did because we know that if you're efficient in your business you can do business at those rates.

M. Charbonneau: Parce que dans le fond le choix est le suivant: ou bien on va... on répond à votre requête, puis à ce moment-là on dit que ça n'a pas de conséquence, par exemple, sur une entreprise québécoise, totalement québécoise, comme Familiprix, qui nous a dit, la semaine dernière, contrairement à vous, que, si on ne maintenait pas le statu quo puis si on abaissait la marge bénéficiaire, on mettait en péril le coût puis la qualité des services pharmaceutiques en milieu rural et puis on pénalisait indûment les grossistes soucieux d'offrir des services de qualité à beaucoup de gens.

C'est comme deux thèses contradictoires, là. Vous, vous dites: On n'a pas besoin de plus d'argent, puis eux disent: Bien, écoutez, nous, laissez ça comme c'est là, parce que ça nous permet, nous, de tirer notre épingle du jeu comme entreprise québécoise. Moi, je vais vous dire, je suis plus porté à être sensible à l'argument d'une entreprise québécoise qu'à une entreprise ontarienne qui nous dit: On fait affaire avec des gros puis, nous autres, on est capables de supporter une marge bénéficiaire plus petite.

En bout de piste, pourquoi, nous, au Québec, on mettrait en cause une entreprise québécoise pour finalement vous favoriser, à ce moment-là? Parce que c'est ça. En fait, le dilemme, il est aussi simple que ça, là. Vous avez un concurrent québécois qui est venu nous dire le contraire de ce que vous nous dites.

Le Président (M. Copeman): ...

M. Frisch (Ronald): Thank you. I understand the dilemma you have. I appreciate the dilemma and I think it needs consideration from you, I fully understand it. At the same time, it's important, I think, to realize that Québec probably has a few billion dollars of pharmaceuticals that are sold by wholesalers that are not like that company, who does not have the same interests or concerns. And so, I think it becomes a question of... if there is an opportunity to revamp a system and address the protection, if you will, of companies who deserve protection... But, at the same time, what I'm talking about in my presentation is that, over the next five years, there is a $100-million difference between 5% and 6%, and it's a lot of money to the Québec taxpayers and the Québec Government. And the protection that, I think, you speak of... There has to be a smart way of accommodating and an appropriate price to pay, so that the taxpayers of the entire province are protected from overpaying. Just to look after one particular company or one particular interest, I think it needs consideration, but I don't think you should lose sight of how much the Government can save through what we've recommended.

M. Charbonneau: Je comprends. Mais, dans un autre point de vue, de la même façon qu'on accepte d'une certaine façon de payer un certain prix plus élevé pour nos médicaments pour avoir une industrie de production pharmaceutique et de recherche et développement pharmaceutique au Québec, d'une certaine façon, est-ce qu'on ne doit pas aussi venir prendre en considération le fait qu'une entreprise québécoise nous dit: Écoutez, nous, on dessert des petits patelins dans des régions éloignées du territoire québécois, ce que ne font pas la plupart de nos concurrents, et que, si vous ne tenez pas compte de cette situation, nous allons encaisser durement le coup?

M. Frisch (Ronald): I think that's a judgment that... that's why you're here and hopefully listening to lots of reasons to, as I say, search for the right solution, but to be wise about it when there's so much involved. The gut reaction is always to say: I want to look after somebody, but the fact is... You know, I'm not suggesting for a minute that my company would get all the business that exists in the Province of Québec, not by a long shot, but the fact is that we feel that our delivery systems cover about 85% of the population. And there are others who are probably in between the wholesalers, as in other provinces, the entire population is covered. I think what you've described is a retail store operation as well that does bear considering its retail and wholesale and what is the difference in terms of relationship with Government in distribution, and in pharmacy, and fees that are... dealt with at a professional level.

So, I don't believe I'm equipped to tell you how to make that decision other than to make you realize that the amount of money involved here is so significant to Québec. And the fact is that wholesalers... My company has proved that wholesalers can do this kind of business effectively and efficiently so no consumer is lacking, and do it at a rate that is about 5%. We've done it and we're prepared to continue to do it, that's the point I'm trying to make to you.

M. Charbonneau: Remarquez, je comprends très bien votre point de vue. Je ne sais pas quelle sera la décision finale du gouvernement, mais personnellement j'aurais beaucoup de réticence à prendre le risque de mettre en cause la survie d'une entreprise québécoise, à la limite, pour permettre à des concurrents ontariens de prendre le marché, là. C'est aussi simple que ça, là. C'est dur à dire, mais c'est ça, la réalité, là.

M. Frisch (Ronald): Well, I think the question is about helping Ontario competitors, if I understood correctly. I'm not privy to anybody's financial statements into terms of whether somebody is at risk or they're not at risk. I think that if somebody makes that submission to you that you're probably verifying that it's either true or not true, what the impact would be. But I know you've characterized us as an Ontario wholesaler. We're a national wholesaler. My company is 90 years in business next year, I'm very proud of that, and I'm the second generation running it and very proud of that, and we've created a lot of value, you know. The fact that we've done all this business for the last 10 years at 5% means that my company inadvertently has saved the Québec Government 1% on several hundred million dollars of business. That's millions of dollars through the services my company has provided, and the drugstores we've served in Québec have not suffered. Not one drug, not one bottle has not been there on time for their customers.

n(14 h 40)n

And the fact that we're national... We're national and not with an establishment here, because we have an efficient model. We're not in British Columbia either, we're not in Nova Scotia either, we are in Moncton, Calgary and Toronto because that's our efficient business model. As our business grows, we will add other distribution centers, and, I will tell you, quite probably in Québec, but we're not there today, that's a true point. But other wholesalers on that list aren't in Québec either, they are headquartered in Ontario or in the United States. So, there are very few really who are based in Québec and only do business in Québec. And many of these other wholesalers do business in Québec but then they come into other provinces or other areas and they have a fund of extra revenue that's been subsidized by the Québec Government's higher rate.

So, while the Québec Government may be trying to protect that small run in some small village, the effect is there are people who take advantage of that and use that extra revenue, not the company you're talking about, but maybe others, because they get one rate and they can use it elsewhere in Canada, and that's the truth.

M Charbonneau: Bien, écoutez, je pense que c'est clair. Thank you. Merci.

Le Président (M. Copeman): If you permit me, Mr. Frisch, that presupposes however, the suggestion that the higher rate in Québec subsidizes potentially companies in other provinces, presupposes that their cost of doing business in Québec is lower than the rate they receive, you know. If you're suggesting there is a subsidy, it's because you're making the suggestion that the cost of doing business or their profit is, you know, more significant in Québec and it's allowing them to subsidize. That may or may not be true, you obviously believe that to be true, and I respect that. At the same time, you yourself mention that you're not privy to people's financial statements. I'm just wondering how you can support that type of a generalization without being perhaps aware of what the financial situation is, of some of those companies here, in Québec.

M. Frisch (Ronald): Well, I used the word «subsidy», it's really not an intentional subsidy, it's an inadvertent one, but it's a by-product of the system. What happens is that... And quite frankly... let's look at my company, because we ship into all these places in Québec from our distribution center north of Toronto, and our costs probably are higher than others who do not have that distance between the Toronto area and the Québec border, and yet we're able to do this business. And then we find it's very interesting how other wholesalers can have even lower prices as we fight the marketplace wars that exist in other areas. And where does that come from? The cost of... We know that we can handle the Québec business at 5% because we've been doing it for 10 years and can continue to. So, there has to be a differential somewhere.

I'm not saying that they necessarily take it from that pool, but every company takes a pool of money from their total revenue, and then they choose to do what they will with it. Some may choose to say: Let's expand into another province or another area. And how we're going to do that, how we pay for a distribution center, or for support staff, or lower pricing? It has to come from somewhere. And I'm pointing you back to the fact that if a typical market in Ontario is 5% or even lower, in Québec, it's 6% or higher, there is a disparity there, and something happens to that difference. And I'm telling you from my business experience, I see marketplace wars in other provinces that you don't see in Québec, because of the system.

Le Président (M. Copeman): Mr. Frisch, Mr. Rubin, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de Kohl & Frisch ltée. Thank you very much, gentlemen, for your participation here today. Et j'invite immédiatement les représentants du Projet Genèse à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

 

(Reprise à 14 h 48)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Projet Genèse. It is with great pleasure that we welcome the representatives of Project Genesis, and, comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires de chaque côté de la table, d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté. Si j'ai bien compris, Mme Lacelle, vous allez être chef d'orchestre?

Projet Genèse

Mme Lacelle (Denyse): Pour les premières 20 minutes. Ensuite, c'est votre rôle.

Le Président (M. Copeman): Exact. Alors, nous vous écoutons.

Mme Lacelle (Denyse): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, merci de nous recevoir, ça nous fait plaisir d'avoir cette possibilité d'échanger avec vous au sujet de la Politique du médicament. Permettez-moi d'entrée de jeu de vous présenter mes collègues. Mon nom est Denyse Lacelle, je suis organisatrice communautaire au Projet Genèse. À ma gauche, Leisel Urtnowski est un des membres du groupe d'action sociale, un des comités de travail de notre organisation, ainsi que Rema Moser; à ma droite, Jennifer Auchinleck, ma collègue, qui est aussi organisatrice communautaire; et Paul Ladouceur, qui est aussi un membre du groupe d'action sociale et membre du C.A.

Une voix: Et Leisel.

Mme Lacelle (Denyse): Et Leisel aussi. Oui, on a deux membres du C.A. avec nous.

Alors, comme je vous l'indiquais, plusieurs personnes vont prendre la parole. Paul va commencer.

M. Ladouceur (Paul): Alors, le Projet Genèse est un organisme communautaire oeuvrant avec les personnes à faibles revenus dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, depuis 1977. Notre travail quotidien avec des personnes recevant l'aide sociale, des personnes âgées et des travailleuses et travailleurs à faibles revenus nous permet de constater l'impact des politiques et priorités en matière de santé. C'est pourquoi la Politique du médicament nous interpelle.

n(14 h 50)n

Notre organisme travaille sur le dossier des médicaments depuis presque neuf ans. Depuis 1996, nous avons sans relâche tenté d'alerter les différents gouvernements quant aux problèmes importants que nous voyons dans notre groupe et proposé des modifications que nous jugeons essentielles. Une représentante du Projet Genèse a également siégé au Comité aviseur de l'évaluation du régime général d'assurance médicaments, l'étude commandée par le ministère. Si notre organisme intervient toujours sur cette question neuf ans plus tard, c'est parce que des problèmes majeurs persistent.

Une politique du médicament a toujours figuré parmi nos revendications dans ce dossier. Selon nous, une telle politique est essentielle pour assurer à l'ensemble des Québécoises et Québécois l'accès aux médicaments nécessaires à la protection et à l'amélioration de leur santé, de même que pour assurer la survie de notre système universel et public de santé et de services sociaux.

Nous devons signaler qu'une politique du médicament à nos yeux est une politique de santé. Le ministère de la Santé a la mission suivante: maintenir, améliorer et restaurer la santé et le bien-être des Québécoises et des Québécois en rendant accessibles un ensemble de services de santé et de services sociaux intégrés et de qualité, contribuant ainsi au développement social et économique du Québec.

Une politique du médicament n'est pas un instrument de développement économique pour l'industrie pharmaceutique. Toute la quatrième section de cette politique n'est carrément pas à sa place.

Une voix: Leisel.

Mme Urtnowski (Leisel): The most important issue that must be addressed in this policy is that of accessibility.

In 1996, when the current Drug Plan was set up, people receiving welfare and all senior citizens lost their access to free or almost free medication. Almost immediately, and still nine years later, our drop-in service at Project Genesis saw people facing an urgent problem, that of choosing between paying for rent, food, utilities or paying for their medication. Some people chose not to take their medication all the time, some cut out medications completely, some went into debt. We have seen many people whose health has suffered as a result. This often means that aspects of their daily functioning deteriorate. If you don't feel well, you're not up to going shopping, doing your housework, doing your child care or going to a job. And we all are aware, as you are, that poor people get sick more often than those with higher incomes and that their sicknesses are usually more serious or chronic.

The problem of access to medication as result of the Drug Plan has been consistently raised and documented by community organizations across Québec. It is confirmed by numerous studies which demonstrate that even small fees for medication have a negative impact on the health of people living on low incomes. The problem was perhaps most clearly confirmed by the Tamblyn Report, a study commission by the Parti québécois Government, in 1999, which showed that the changes made to the Drug Plan in 1996 provoked 1,946 undesirable events such as hospitalizations, institutionalizations and even deaths. There were 12,991 visits to emergency rooms, 16,092 visits to doctors in the first 10 months alone. The large majority of people covered by this study have seen no improvement at all. Even people who did not have coverage before, minimum-wage workers, part-time employed people, for example, are experiencing many problems.

Although we believe that was an important step to extend coverage to these people ? and for some it has indeed been a major help ? in practice the fees are often so high that for many families it's actually a step backward. A person with an income of $20,000 currently pays a premium of $521 a year and up to $71.42 per month, for a possible total of $1,371 per year. At the same time, seniors pay $46.67 per month even if their income in dollars is exactly the same as that of the low-wage worker. This means that the source of income seems to be more of a criteria than the amount in dollars.

Low-income people have been hit by many increases since the Liberal Government was elected. For example, in electricity, there have been three increases in the past two years; in bus passes, four increases in two years; day care fees raised last year, many other essential expenses. The reality is that many people simply can't make ends meet.

For those of us who see the impact every day, the human cost of the Drug Plan is clear and it is unacceptable. Yet, even on the financial level, it is a shortsighted policy. When people can't afford their medication, they become sick and they need more health services, which cost our society more both financially and socially. A much better strategy would be to prevent illness by decreasing poverty, by ensuring free access to medication for every person living in poverty in Québec. We have two examples to illustrate in concrete terms what this lack of access to medication means.

Mme Auchinleck (Jennifer): Alors, c'est moi qui vais commencer, avec un exemple de quelqu'un qui est venu à plusieurs reprises à notre centre de services individuels, qui ne pouvait pas malheureusement venir avec nous aujourd'hui mais qui voulait qu'on explique sa situation.

Alors, il s'agit d'une femme de 49 ans qui a perdu son emploi en 2003, elle a dû finalement faire une demande pour l'aide sociale en 2004. Actuellement, sa prestation est de 550 $ par mois. Elle a des problèmes de santé, des douleurs importantes, chroniques de dos, douleurs importantes aux genoux suite à une chirurgie, et prend des médicaments d'ordonnance. Elle a été refusée à la catégorie Contraintes sévères à l'emploi, à l'aide sociale, parce qu'on a jugé que ses problèmes de santé n'étaient pas assez sévères, en fait. Alors, elle doit composer avec les éléments suivants de budget: 555 $ de revenu, un loyer de 450 $, des frais d'Hydro minimums de 25 $ par mois, ce qui laisse 80 $ par mois pour le téléphone, les médicaments, la nourriture, le transport en commun, les imprévus et toutes les autres choses dont elle a besoin. Donc, c'est une femme qui doit nécessairement avoir recours régulièrement à une banque alimentaire pour manger, et, quand elle est venue récemment chez nous, elle avait des problèmes dentaires, elle n'était pas admissible pour une couverture à l'aide sociale, ça fait qu'elle devait payer ça en plus. C'est une femme qui aimerait bien sortir de l'aide sociale, mais qui ne peut pas se payer le transport en commun pour aller chercher un emploi, qui également ne peut pas se payer ses médicaments. Quand elle n'a pas les moyens de se payer ses médicaments, elle a énormément de douleur, elle a de la difficulté à travailler; il y a beaucoup d'emplois, ça l'empêche de travailler. Alors, c'est une vie précaire, c'est un stress énorme, et maintenant c'est une femme qui a recours au système de santé pour les troubles d'anxiété, des troubles psychologiques.

Le problème de fond ici, c'est évidemment la pauvreté, c'est les barèmes d'aide sociale, mais c'est clair que l'accès aux médicaments, ici, ferait une différence très importante, et c'est un des obstacles qui l'empêchent de sortir de l'aide sociale.

Mme Lacelle (Denyse): On revient à Paul.

M. Ladouceur (Paul): Oui, très bien. Alors là je parle pour moi-même. Je suis retraité depuis six ans. Je reçois la pension de vieillesse et un supplément partiel de revenu garanti, ce qui me donne un revenu annuel d'environ 15 000 $, ce qui est bien en dessous du seuil de faibles revenus. En 1996, j'ai subi un accident vasculaire cérébral et, en 1998, quatre pontages coronariens. J'ai des problèmes de haute pression, d'arthrose et de bronchite chronique. Chaque mois, je dois débourser 46,67 $ de franchise pour me procurer mes médicaments, et ma cotisation au régime d'assurance médicaments du Québec pour l'année 2004 était de 199,30 $, une augmentation de 25 $ par rapport à 2003, pour un total annuel de 759,34 $. Ma prime sera encore plus élevée l'année prochaine, car une augmentation de 5,4 % a été annoncée en juin. En ce qui concerne la prime pour le régime d'assurance médicaments, le gouvernement s'est engagé à limiter les augmentations au pourcentage du coût de la vie. Cependant, les augmentations subies en 2003, 2004 et 2005 ont dépassé de beaucoup cette limite. Le gouvernement a promis la gratuité des médicaments à tous les aînés à faibles revenus, dont je fais partie, mais à date seuls les aînés qui reçoivent le supplément de revenu garanti maximum reçoivent cette gratuité. À la place de la gratuité, j'aurai encore plus à payer.

Alors, je demande au gouvernement libéral de m'expliquer: Pourquoi fait-il preuve de discrimination à mon égard? Si on ajoute à ces frais des coûts de plus en plus élevés pour les besoins essentiels comme le loyer, nourriture, transport, etc., alors que mes revenus n'augmentent pas en conséquence, il m'est très difficile de subvenir à ces besoins. J'ai travaillé et payé des impôts pendant toute ma vie, et je suis très déçu du manque de justice sociale de notre gouvernement, et je m'attends à ce que le gouvernement respecte ses engagements. Et nous allons lutter sans relâche pour que les médicaments soient fournis gratuitement à toutes les personnes à faibles revenus.

n(15 heures)n

Mme Lacelle (Denyse): Bon. On poursuit avec Rema.

Mme Moser (Rema): We believe that full access to optimally prescribed medication is an entitlement of all residents of Québec, regardless of income. The reality in wide presence of poverty however has compromised such access, and we see that some of the proposals in your new policy will serve to deny full access rather than strengthen it. We are sad to find that the Liberal Party has broken multiple election promises on medication.

1. You promised to limit the increases in consumer cost to the same rate as the cost of living. Since it's election, this Government has imposed three separate premium increases totalling 21,8% in little more than a period in which the cost of living has gone up by a mere 2,9%. That's 18,19%, in dollars and cents, above and beyond your promise.

2. In it's election platform, this Government promised to reestablish free medication for all income security recipients and for all seniors receiving the GIS. RAMQ annual report lists 712,000 people in this category. We had trusted that you would keep your word to us, but alas find that proposal 11 reestablishes free meds only for those receiving the full GIS; that amounts to only 42,000 people. Those folks are lucky to live on a maximum of $12,389 a year. Many seniors like Paul and myself who, because we live on slightly more, don't qualify, and, worse yet, welfare recipients who are challenged to exist on half that amount, $6,444 a year, are totally excluded. What kind of social conscience justifies breaking such promises? Shouldn't the global strategy on medication at least start by fulfilling the basic commitments in it's election platform?

Project Genesis is very concerned by proposal 7. In our reading of the document, it appears that outpatients requiring the administration of medications as part of treatment in CHSGS will have to acquire and pay for such meds beforehand in the community. Aside from the issue of increasing the possibility of error, this downloading of cost to a wide diversity of patients, which includes the indigent, the frail, the forgetful, the weak-sighted and those who speak neither English or French and every other variety of vulnerability, is a burden to the community. Unable to pay? Unable to be treated. The working poor and those struggling to live on employment insurance were completely overlooked in the rush to climb into business with big firms.

In our brief, we found it difficult to transmit the level of anger, frustration and growing mistrust of Government which these proposals and positions have provoked in our community. People are hurt by feeling that, as poor, as elderly, as the ill, as, sometimes, new citizens, our well-being is just not very important to those we've charged with the responsibility of finding better, more effective and, yes, more caring ways of taking care of one another.

Une voix: Jennifer.

Mme Auchinleck (Jennifer): Alors, à part l'accessibilité, il y a d'autres objectifs qu'on pense devront faire partie d'une politique de médicament. Je vais faire un survol rapide. Vous avez le mémoire.

Premièrement, l'utilisation optimale des médicaments. Nous appuyons une stratégie d'utilisation optimale qui vise les médecins, les pharmaciens, les citoyens, l'industrie. On trouve effectivement plusieurs propositions très intéressantes, prometteuses, au sein du document. Au niveau du financement de ces solutions par contre, on est en faveur de la contribution des compagnies pharmaceutiques. Cependant, pour nous, pour plusieurs raisons, ce n'est pas le fonds dédié qu'on adopterait comme approche, il faudrait plutôt contribuer au fonds consolidé via leurs impôts.

L'utilisation optimale comprend aussi nécessairement l'encadrement des pratiques commerciales. Les compagnies pharmaceutiques, c'est extrêmement important, il y a énormément de problèmes. Là aussi, on est très contents de voir la reconnaissance de ce problème, c'est un pas dans la bonne direction, il faut aller très loin. Cependant, il faut voir en pratique, mais nous allons surveiller ce qui se passe.

L'accessibilité et l'utilisation. Il y a aussi pour nous le contrôle des coûts, qui doit être un élément très important. On reconnaît l'explosion des coûts, on a vu tous les chiffres, tout le monde. Face à cette explosion des coûts, les gouvernements, que ce soit du Parti libéral, que ce soit du Parti québécois, n'ont employé qu'une seule stratégie, et ça, c'était transférer la facture à la population: alors, par exemple, des augmentations des primes, qui sont passées de 175 $ en 1997 à 521 $ en 2005, d'autres augmentations à la pharmacie. On sait qu'on ne peut pas continuer comme ça. Alors, on doit avoir un objectif clair de contrôle des coûts. On ne peut pas s'attendre à ce que les stratégies d'utilisation optimale, quoiqu'on peut avoir des économies avec, c'est important, mais ça ne remplace pas une stratégie de contrôle des coûts. Il est possible, mais ce projet écarte les possibilités les plus importantes.

Par exemple, le prix de référence, qui a permis des économies substantielles dans d'autres provinces, on n'explique même pas pourquoi ce n'est pas sur la table. La règle de 15 ans: on reconnaît les coûts que ça pose pour le gouvernement, pour la population. C'est une mesure qui pourrait payer à elle seule la gratuité des médicaments pour les gens à l'aide sociale: même pas sur la table. Même, on empire la situation, de notre avis, avec le dégel des prix des médicaments, qui, selon nous, va entraîner quand même des augmentations importantes. Alors, ce sont des mesures possibles qui auront un impact. Cependant, c'est clair que le lobby de l'industrie pharmaceutique a été entendu.

Enfin, le portrait qu'on voit de l'industrie, dans le document de consultation, l'élément, l'aspect qu'on ne donne pas, les informations qu'on ne donne pas en fait, c'est la marge de profit de ces compagnies. On se demande où est le problème? On voit, d'un côté, les gens qui se privent de médicaments, un système déstabilisé par l'augmentation de coûts, le transfert du fardeau des coûts à la population; de l'autre côté, des compagnies qui font énormément de profits. Pour nous, c'est clair qu'il existe une marge de manoeuvre, il faut avoir le courage politique d'aller de l'avant avec.

Puis finalement un régime universel et public, pour nous, un aspect très important à regarder, plus à long terme; vous avez toutes les explications dans notre mémoire. Mais, pour nous, c'est une priorité importante qui doit faire partie de cette Politique de médicament.

Mme Lacelle (Denyse): En conclusion.

Le Président (M. Copeman): En 30 secondes, Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Yes! En conclusion, même si, comme ça a été souligné, on retrouve des aspects intéressants à la Politique du médicament qui a été déposée par le gouvernement, on considère que dans l'ensemble elle passe complètement à côté des problèmes qui sont vécus par la population. Ça n'apporte aucune réponse; dans certains cas ça empire la situation. On pense, nous, que la santé des gens doit passer avant l'industrie pharmaceutique et avant les marges de profit des compagnies d'assurance. Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci.

Mme Lacelle (Denyse): On a, puisqu'on aborde la période d'échange, deux questions à vous poser.

Mme Urtnowski (Leisel): O.K. I would just like to ask people here to imagine yourselves as a welfare recipient. Try to imagine yourselves now, with or without children, what strategy would you use if you had to take, let's say, an antidepressant or an asthma medication, what would you do? How would you solve your own personal situation in the context of this plan?

Mme Moser (Rema): I also have a question. Many, many times, we are being told that it's good to subsidize multinational corporations from our collective resources because the wealth which is created will trickle down to the rest of us. We see no evidence of this.

In a recent UN report, amongst the industrialized nations, Canada is identified as having one of the fastest growing gap between rich and poor. What evidence can you give us to counter that UN report?

Le Président (M. Copeman): Thank you, ladies. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Une voix: Ladies and gentlemen.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Est-ce que vous accepteriez de demander, puisque c'est public puis c'est télévisé et que la majorité des citoyens qui nous écoutent ne parlent pas nécessairement anglais, les deux questions que vous avez posées en anglais, est-ce que vous pourriez les reposer en français aussi pour ceux qui nous écoutent?

n(15 h 10)n

Mme Lacelle (Denyse): Vous permettez, M. le Président? Alors, à de nombreuses reprises, on s'est fait dire qu'il est une bonne chose de subventionner les corporations de multinationales à partir de nos ressources collectives, parce que la richesse qui est ainsi créée va descendre jusqu'au reste d'entre nous. Nous n'en voyons pas de preuve.

Dans un rapport récent des Nations unies, le Canada est identifié, parmi les nations industrialisées, comme étant un des pays où la croissance de l'écart entre les riches et les pauvres s'accroît de façon prononcée. Quelles preuves pouvez-vous nous donner, compte tenu de la politique qui est déposée, pour contredire ce rapport des Nations unies?

Et la première question: J'aimerais que vous fassiez l'effort de vous imaginer vous-même comme une personne assistée sociale, avec ou sans enfant, devant faire face à l'ensemble des difficultés dont on vous a parlé, ayant à faire face au coût d'un médicament antidépresseur ou d'un médicament pour l'asthme. Quelle stratégie utiliseriez-vous pour réussir à payer pour vos médicaments tout en assurant votre survie?

Le Président (M. Copeman): Ayant satisfait les exigences linguistiques de tout le monde, nous passerons maintenant à l'échange avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer nos visiteuses, que je connais pour la plupart. Mme Lacelle, Mme Auchinleck, M. Ladouceur, Mme Urtnowski, Mme Moser, bienvenue parmi nous.

Je vous dirais d'entrée de jeu qu'à vous écouter parfois on a l'impression, pour un Martien qui écouterait la conférence aujourd'hui, là, que le Québec est une sorte de goulag d'exploitation unique et que c'est inacceptable, ce qui se produit là, par rapport aux autres sociétés mondiales. Je pense qu'il faut un peu corriger le tir, là.

Le Québec, de loin, est un des endroits et certainement l'endroit, en Amérique du Nord, où les programmes sociaux sont les plus généreux, où les services publics sont les plus accessibles et, au Canada, où les écarts de revenus sont les plus faibles, tout ça devant une économie qui est relativement sous-performante, moins productive qu'ailleurs puis encore trop basée sur l'exploitation des matières premières.

Et, au contraire, je dirais que, plutôt que refiler la facture aux citoyens, c'est le contraire que les gouvernements, autant celui du Parti québécois que le nôtre, dans le domaine du médicament, ont fait, où en fait la population a été isolée et protégée des coûts réels non seulement dans le domaine des médicaments, mais dans beaucoup d'autres domaines de services publics.

Et on se trouve devant, on se trouve devant la situation qui est, je crois, une différence idéologique qu'on ne pourra jamais combler, qui est l'équilibre entre la création de la richesse et sa distribution. Nous croyons fortement et fermement que l'un ne va pas sans l'autre, et que de diminuer... et d'ailleurs ça a été le choix du parti politique formant l'opposition, pendant le temps qu'ils étaient au gouvernement, de mettre en danger une de nos rares activités de valeur ajoutée, sur le plan économique, au Québec... n'est pas compatible avec le maintien de nos services publics et risquerait, quoique ce ne soit pas votre intention, de les rendre encore plus instables. Et je crois que, là-dessus, je ne me fais pas d'illusion, je ne crois pas qu'on puisse en arriver à une entente sur le plan idéologique, mais c'est bien qu'on puisse, chacun, exprimer notre point de vue là-dessus.

Pour ce qui est d'autres aspects qui ont été touchés dans votre présentation, effectivement le taux d'augmentation des paramètres de contribution au régime a dépassé le rythme d'inflation. Je dirais cependant qu'au cours des trois dernières années on se rapproche et on fait des progrès. Si vous regardez, le chiffre global, le 21 %, cache la tendance des trois dernières années, qui est une diminution assez significative des rythmes d'augmentation, qui sont passés de 9 % puis à 7 % puis à 5 %, ce qui, dans le contexte d'un marché international comme celui qu'on connaît, témoigne de la bonne gestion et des succès de certaines politiques, et il faut bien sûr aller plus loin de ce côté-là.

Quant à la gratuité pour les assistés sociaux aptes à l'emploi, nous l'avons dit à plusieurs reprises au cours de la commission, nous ne reculons pas devant cet engagement. Nous avons l'intention de le remplir, et je crois qu'il n'est pas loin de notre portée. Nous sommes... Nous avons été capables, cette année, à même le régime, de financer la gratuité pour les personnes âgées recevant le plein supplément de revenu garanti. C'est à notre portée de le faire également pour les prestataires de l'assistance-emploi, ayant à payer actuellement les contributions, et je suis assez optimiste de ce côté. Moi, je suis plutôt un optimiste, comme vous le voyez.

Juste une petite correction. Lorsqu'on parle du traitement des maladies ambulatoires, en fait c'est déjà le cas, ce n'est pas quelque chose qu'on se propose d'introduire. Je pense qu'il y a un élément de compréhension qu'il faudra ajuster. Actuellement, le cas est que les personnes vont se procurer les médicaments à leur pharmacie pour les traitements ambulatoires, soit en CLSC, soit dans les cliniques, et la difficulté, c'est que, par exemple, à cause d'un imbroglio administratif, lorsqu'on a quelqu'un, par exemple, en hémodialyse qui a besoin d'un médicament pour augmenter ses globules rouges, bien il faut que la personne aille se le procurer en pharmacie, mais il ne peut pas être administré à l'hôpital, il faut aller ailleurs. Alors, vous voyez la situation pour la personne, d'aller sur sa chaise d'hémodialyse puis ensuite d'aller ailleurs pour se faire administrer le médicament. Ce que nous proposons, c'est de permettre l'administration de ce médicament au même site. Donc, on ne crée pas une nouvelle situation, on améliore la situation actuelle. Je pense qu'il faut corriger cette perception-là.

Mais, sur la question du différend idéologique qui nous sépare ? il faut bien qu'il y ait des choses parfois qui nous séparent, dans une société, c'est normal ? comment est-ce que, vous, vous faites l'équilibre entre les services publics, la capacité de payer des contribuables, là, qui sont déjà lourdement taxés, au Québec, et la création de la richesse? Où se situe l'équilibre? Parce que, chacun d'entre nous, à notre façon, on définit cet équilibre-là. C'est ce qu'on fait, nous, au gouvernement, c'est ce qu'ont fait nos prédécesseurs, c'est ce que vous faites, vous. Mais où se trouve le bon équilibre, à votre avis? Comment est-ce qu'on peut être certains que ce que vous proposez ne risque pas ? c'est ce que je crois ? de mettre en danger, de façon majeure et rapide, nos programmes sociaux, que vous voulez pourtant protéger?

M. Lacelle (Denyse): Je pense qu'il y a une première chose. D'abord d'entrée de jeu je vous remercie de nous répondre, et je ne crois pas que nos différences idéologiques soient si importantes que vous le craignez. Et on reconnaît effectivement que la pauvreté, au Québec, n'a rien à être comparée avec celle d'Haïti ou même avec celle qu'on retrouve aux États-Unis, juste en-dessous, malgré la différence de richesse incroyable. Alors, on est heureux de vivre au Québec.

Sur l'équilibre, nous croyons que notre société dispose de richesses de façon importante; nous croyons qu'elles pourraient être mieux partagées qu'elles ne le sont présentement, mieux redistribuées. Nous nous sommes opposés avec vigueur aux politiques économiques du gouvernement du Parti québécois, qui a privé l'État québécois de revenus substantiels en allant de réductions d'impôt en réductions d'impôt. On a ainsi grevé de façon importante la capacité de l'État d'agir, d'assumer ses responsabilités sociales et de voir au mieux-être des populations défavorisées.

Le gouvernement actuel malheureusement maintient son intention d'aller dans la même voie, quoique la marge de manoeuvre est rendue plus limitée qu'elle ne l'a déjà été, ce qui met M. Charest dans une situation difficile, on en convient. Nous, on est très heureux que ce soit difficile, on ne tient pas à ce que le gouvernement continue à se priver lui-même des revenus qui lui permettent de soutenir le système de santé, d'accroître la couverture pour les médicaments, d'améliorer les prestations d'aide sociale. On pense qu'il y a de l'espace, au Québec, pour améliorer de façon importante la situation très précaire des personnes les plus fragiles, les plus isolées, les plus exclues de notre société, sans compromettre le système capitaliste dans lequel nous vivons et qui produit toutes ces belles richesses. Par ailleurs, je pense que tu veux continuer sur les médicaments.

Mme Auchinleck (Jennifer): Bien, je voulais juste rajouter que, premièrement, quand on regarde la question des médicaments, je ne pense pas qu'on devrait la regarder uniquement comme une dépense. C'est une dépense, c'est clair. Je ne dis pas que ce n'est pas une dépense, mais, en même temps, quand quelqu'un peut avoir accès à ses médicaments, qu'il n'a pas besoin de services ailleurs dans le réseau, c'est aussi une économie. Quand quelqu'un arrive... peut sortir de l'aide sociale, peut travailler, peut contribuer des impôts, mais ça, c'est une bonne chose. C'est une bonne chose pour tout le monde, pas juste pour la personne.

Alors, je trouve que, quand on parle d'un équilibre, pour nous, il y a quand même un minimum de ce qui est acceptable. Pour nous, ce n'est pas acceptable, dans une société comme la nôtre, qu'il y ait des gens qui se ramassent à l'hôpital parce qu'ils ne peuvent pas payer 16,67 $. Je ne pense pas que 16 millions de dollars, par exemple, pour les personnes assistées sociales va déstabiliser, et je pense que c'est un déséquilibre qu'on a actuellement.

Puis, au niveau des choix qui sont à faire, quand on parle, par exemple, des augmentations des frais pour les gens, du transfert des coûts, c'est que des choix sont faits. La règle de 15 ans, c'est un choix, et on voit, du côté des compagnies pharmaceutiques, que toutes leurs demandes sont... qu'ils ont l'écoute du gouvernement, qu'ils ont toutes sortes de politiques généreuses qui les aident à avoir énormément de richesse.

Côté des personnes à faibles revenus et même la population en général, on n'a pas l'impression que ces problèmes sont entendus. Et, moi, je pense que, quand on parle d'équilibre, on peut aller un peu plus vers le côté de la population sans que ce soit déstabilisé; il y a les moyens de trouver le financement et les politiques fiscales pour le permettre.

Mme Lacelle (Denyse): Et finalement on parle abondamment, et c'est répété et c'est colporté partout, de l'effrayant fardeau fiscal qu'on a au Québec. Mais je pense que c'est important de se rendre compte que, quand on dit ça, si on regarde effectivement combien je paie d'impôt, combien vous en payez par rapport à quelqu'un dans la même situation en Ontario, c'est clair qu'en termes de dollars et de sous je paie davantage d'impôt. Mais on compare des choux puis des carottes.

n(15 h 20)n

On a, au Québec, un fardeau fiscal qui est plus large, mais on a en contrepartie tout un ensemble de services, de programmes dont tout le monde bénéficie. La relative gratuité de l'éducation en est un exemple, le prix qu'on paie pour l'hydro, c'en est un autre, les services de garde à 7 $ par jour, c'en est un autre. Tu n'as pas tout ça en Ontario, tu le paies à la tarification. La différence entre les deux, si, moi, je suis ici, moi, je suis là-bas, ça n'en fait pas beaucoup pour moi, hein, ça revient à peu près au même probablement, probablement, et même que je paierais plus cher en Ontario, au total, pour l'ensemble de ce que je reçois ici.

Cependant, le côté pervers du recours à la tarification plutôt qu'à l'impôt, c'est que, le prix du kilowatt d'électricité, il est le même pour tout le monde, puis la nécessité de se chauffer est la même pour tout le monde. Donc, on introduit par la tarification un fardeau qui est plus important sur les personnes à faibles revenus que sur les personnes à plus hauts revenus, d'où notre préférence pour le maintien des impôts et le gel des tarifications, voire leur élimination. On trouve ça socialement plus juste.

M. Couillard: Remarquez bien, il y a plusieurs de vos arguments qui touchent... et avec lesquels les parlementaires sont en accord. Votre démonstration, écoutez, votre démonstration sur l'impact pour les gens pauvres de notre société, l'accès aux médicaments, je pense qu'on la partage tous. Des deux côtés de la Chambre, on partage ça, autant mon collègue qui a exprimé les regrets de sa formation politique pour ce qui a été accompli que nous qui voulons le corriger. Puis nous ne le corrigeons pas assez vite par rapport à ce qui avait été espéré, et je suis d'accord avec vous là-dessus.

Je dirais là-dessus: Comment vous interprétez le fait qu'autant le gouvernement du Parti québécois que le nôtre a maintenu les avantages compétitifs de l'industrie pharmaceutique au Québec? Parce qu'il y a une façon pessimiste puis une autre façon de le voir. La façon pessimiste, que, j'espère, vous ne partagez pas, c'est de dire que c'est tous des pareils, les gens qui sont au gouvernement, ils sont à plat-ventre devant l'industrie, puis tout ce qu'ils veulent, c'est les satisfaire. Ça, c'est une façon que je dirais cynique et négative de voir la chose.

Je vous suggère une autre interprétation. C'est que, dans les deux cas, les officiels du gouvernement ont fait l'évaluation que, pour les raisons que j'exprimais tantôt, il serait plus néfaste pour l'économie du Québec, sa richesse collective et ses programmes sociaux, de mettre en danger ces politiques-là dont on ne constaterait l'échec qu'a posteriori. C'est ça, le problème.

On n'a pas de boule de cristal. Certains nous disent: Bien, écoutez, vous vous faites intimider par l'entreprise pharmaceutique. Qui c'est qui vous dit que dans le fond elle partirait si vous enleviez la règle de 15 ans, si vous mettiez le prix de référence? C'est facile à dire, ça, puis, d'un autre côté, quand ça se produit, quand on perd des éléments stratégiques de notre économie, tout ce qu'on peut dire après, c'est: Oups! on s'est trompés. Puis, une fois qu'ils sont partis, ils ne reviennent pas au galop.

Alors, vous voyez, c'est ça, la réalité. Et j'essaie de voir dans quelle mesure vous partagez mon interprétation, ou quelle est la vôtre quant à la continuité des décisions gouvernementales au cours des 10, 15 dernières années, quel que soit le parti politique au pouvoir, avec pourtant deux partis politiques qui apparemment ? c'est un de mes thèmes préférés; apparemment ? ont des positions idéologiques différentes quant au spectre politique? Alors, je vous ouvre une porte, là.

Mme Lacelle (Denyse): Sur les différences entre les deux gouvernements, je vais passer.

M. Couillard: Bien oui, laissez-moi ça, je vais m'en occuper.

Mme Lacelle (Denyse): On pourra prendre un café un jour, si vous voulez.

M. Couillard: Je vais m'en occuper.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: On fera ça à deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lacelle (Denyse): Les pressions des compagnies multinationales sont les mêmes d'un gouvernement à l'autre ici, au Québec; elles sont les mêmes un peu partout dans le monde. La mondialisation est un phénomène qui pousse vers la déréglementation et une situation la plus profitable possible pour les entreprises. Et tous les gouvernements ont à faire face à cette demande qui leur est faite de renoncer à leur souveraineté. C'est pour moi très inquiétant.

Cela dit, ce qui nous déçoit beaucoup de la politique qui est déposée, c'est que ces possibilités de contrôle des coûts sont évoquées et sont tassées du revers de la main, sans qu'on prenne la peine de mettre deux lignes sur le pourquoi on ne les considère pas. Si la Grande-Bretagne est capable d'imposer un prix de référence, pourquoi est-ce qu'on ne serait pas capables, avec ce conseil de la confédération qui a été mis sur pied, de s'entendre pour que, dans toutes les provinces, on va faire ça? Je doute qu'un ensemble de compagnies décident de se retirer du marché canadien.

Si on est capables d'avoir dans d'autres provinces... de vivre avec le brevet de 10 ans, sans favoriser, pendant 15 ans, en plus, les mêmes compagnies qui font affaire au Québec comme en Ontario, comme partout, si, en Ontario, on est capables de le faire, en Alberta, à l'Île-du-Prince-Édouard, pourquoi on ne pourrait pas, au Québec? Notre situation, au niveau de l'entreprise, en termes du partage des médicaments d'origine et des génériques, est de plus en plus comparable à celle de l'Ontario, alors pourquoi pas? Pourquoi ne pas ouvrir le débat, pourquoi ne pas explorer les avenues? De la même façon que le document traite cavalièrement de la possibilité de mettre sur pied un régime public universel, en disant: La commission Montmarquette a déjà regardé ça... Bien, c'était ça, son mandat, mais ce n'est pas ça qu'elle a fait. On peut-u juste regarder ces hypothèses-là sérieusement, évaluer les possibilités réelles d'implanter ces mesures, totalement ou partiellement, tout seuls ou avec d'autres, plutôt que juste dire: On ne peut pas, il faut sauver des jobs? Ça nous semble un peu court comme raisonnement et certainement pas à la hauteur de la réflexion qu'on attendrait sur une question si importante.

M. Couillard: Bien, là-dessus, sans conclure, parce que ce qu'on a ici, c'est un projet de politique, ce qui va arriver au cours des prochaines semaines, c'est le dépôt d'une politique définitive et les actes législatifs réglementaires qui en découlent.

Mais il y a une chose que je peux déjà vous communiquer sans problème et sans doute, c'est que le gouvernement, notre gouvernement n'instituera pas un régime universel public d'assurance médicaments. Je vous le dis comme ça, clairement, de même, pour...

Mme Lacelle (Denyse): On n'est pas surpris. On maintient que c'est une bonne chose.

M. Couillard: Oui? C'est correct et c'est normal, dans une société, d'avoir des débats, pour la même raison essentiellement que le gouvernement précédent ne l'a pas fait.

Je dirais que, le Québec par rapport à la Grande-Bretagne, bien, le Québec est en Amérique du Nord. On ne peut pas se séparer, on ne peut pas léviter en dehors de l'Amérique du Nord puis se dissocier, malheureusement ou heureusement, là, des réalités économiques.

Et vous avez raison de dire que le marché de l'industrie pharmaceutique au Québec se modifie progressivement avec une plus grande part de l'industrie générique, mais on demeure encore le point d'ancrage de l'industrie d'innovation au Québec: 68 % des brevets pharmaceutiques canadiens viennent du Québec. Et la lecture de l'économie que plusieurs font et que nous partageons, c'est qu'historiquement l'économie du Québec, c'est basé sur l'exploitation des matières premières, et il y a trois zones, si vous voulez, de valeur ajoutée que nous développons actuellement: les technologies de l'information, l'aéronautique et le biopharmaceutique. Alors, de mettre en péril une de ces rares activités, compte tenu des pressions internationales que vous décrivez très bien... vous décrivez très bien le phénomène de la mondialisation, mais, compte tenu de cette réalité, est-ce qu'il n'y a pas lieu de continuer à s'assurer de protéger un peu nos acquis, compte tenu de la fragilité de notre économie?

Le Québec est une société riche, si on se compare à Haïti ou à d'autres pays, mais, selon d'autres standards, on n'est pas particulièrement riches par rapport aux services qu'on s'est donnés. Certains évaluent, par exemple, qu'il se distribue, au Québec, pour environ 7 milliards de dollars de programmes de plus que dans d'autres provinces, si on fait l'ajustement pour une taille comparable. Puis je ne dis pas ça pour qu'on s'en excuse, c'est bon, on le fait, au Québec, parce qu'on est plus généreux, on est plus solidaires puis on a plus d'importance dans les mécanismes de protection collective. Mais il ne faut quand même pas perdre de vue que la richesse pour payer ça, elle est là et il faut la trouver.

Je sais bien, vous dites qu'on est une province collectivement ou généralement riche. Je ne suis pas si sûr de ça, quand je regarde certains chiffres. Les revenus moyens sont moins élevés au Québec qu'ailleurs; le PIB par habitant est moins élevé au Québec qu'ailleurs. On a fait des progrès, par exemple, au cours des dernières années, mais on n'est pas encore au niveau où on pourrait se dissocier cavalièrement d'un de nos trois secteurs de pointe pour dire: Bien, écoutez, s'ils s'en vont, bien ils s'en iront. Vous comprenez?

Et, lorsqu'on est au gouvernement, c'est une très lourde responsabilité de poser des gestes dont on se rend compte, quelque temps plus tard, qu'ils ont été désastreux pour la santé économique et donc indirectement pour la santé de la population via ses programmes sociaux. C'est une responsabilité très lourde à porter. Mais, moi, je vous dis clairement que la position historique du Parti libéral du Québec, et là-dessus il n'y a aucun changement par rapport aux 20, 30 dernières années, ça été toujours de lier la création de la prospérité à la redistribution de la richesse et d'en faire des éléments indissociables.

C'est pour ça que dans ce document il y a un axe 4, sur la Politique du médicament, sur la viabilité de l'industrie, et je vous entendais un peu vous en surprendre, voire même y voir un aspect négatif. Ce n'est pas la Politique du médicament du ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est la Politique du médicament du gouvernement du Québec. Et c'est bon signe, et c'est une bonne chose, et il y a de quoi en être fier qu'on y ait intégré l'aspect également de la société du savoir et du développement économique. Et ça aussi, c'est un autre scoop que je vais donner avec l'assurance publique universelle, c'est que, dans la politique finale, il y aura également encore un volet 4 sur la viabilité de l'industrie. Je suis d'accord, par exemple, avec votre critique qui fait qu'on pourrait peut-être plus détailler et expliquer les raisons pour lesquelles ces avantages, à notre avis, doivent être consentis. Je vous signalerais en terminant que la Colombie-Britannique, qui a adopté un système de prix de référence pour quatre catégories de médicaments, a vu la plus grande partie de son industrie d'innovation la quitter dans le temps qui a suivi.

Alors, tout ça, vous voyez que c'est une réflexion qui est compliquée, et on est tous amenés à faire nos choix. L'important, c'est de dire nos choix clairement puis de les expliquer à la population. Puis en définitive c'est la population qui est juge de la justesse de nos choix.

Mme Auchinleck (Jennifer): Mais, si vous me permettez, si on pourrait juste, par exemple, prendre l'exemple de la politique d'une non-augmentation des prix, par exemple, c'est un exemple d'une politique qui été mise sur pied, si je ne me trompe pas, en 1994. C'était, bon, nouveau à l'époque, ça n'a pas été un désastre, elles ne sont pas parties, elles étaient quand même toujours présentes, les compagnies pharmaceutiques.

n(15 h 30)n

Nous, on n'a pas de boule en cristal non plus, mais là je pense que c'est le contraire, la situation actuelle. On propose le dégel de ces prix, on veut mettre fin à cette politique. Ça va être quoi, l'impact pour la population? Ça va être quoi, l'impact pour le gouvernement, pour les dépenses du gouvernement?

Je soulève l'exemple parce que, de un, ça démontre qu'il est quand même possible d'apporter des mesures qui pourraient contrôler un peu les coûts, la situation, sans que l'industrie parte, je pense que c'est clair. Et l'autre raison pour laquelle je le soulève, c'est parce qu'il y a l'autre partie de la question qu'il faut regarder, et on ne sait pas ça va être quoi, l'impact de ce genre de politique, non plus. Et ça, pour nous, c'est clair: on a beau encadrer et compenser, et tout ça, les compagnies veulent l'avoir pour des questions d'argent. On voit très mal comment ça ne va pas entraîner des augmentations importantes pour la population et pour le gouvernement.

M. Couillard: Alors, c'est un point très important, très intéressant que vous soulevez, la question du gel des prix. Effectivement, il y a une politique de gel des prix, en vigueur depuis 1993-1994; j'oublie toujours la date précise de la mise en place de cette politique-là. La conclusion qu'on en fait après quelques années d'application, c'est qu'elle a eu également plusieurs effets nocifs notamment sur l'accessibilité aux médicaments. Et je vais me permettre de vous l'expliquer assez rapidement. Bon. Sur le plan économique d'abord, il est artificiel et impraticable de continuer à isoler le Québec des autres économies d'Amérique du Nord. On peut ne pas être d'accord avec cette affirmation, mais c'est quelque chose qui m'apparaît assez clair.

Deuxièmement, la situation devant laquelle on a été présenté au cours des deux dernières années suite au gel des prix, c'était, d'une part, la... je ne dirais pas la menace, c'est un grand terme, mais l'avertissement de l'industrie pharmaceutique de tout simplement retirer ses produits du formulaire. Ils ont tout à fait la possibilité de le faire. Vous savez, il n'y a pas d'obligation légale pour les fournisseurs de produits pharmaceutiques d'inscrire leurs médicaments sur le formulaire du Québec, et on se retrouvait là en situation de péril, je dirais, important.

Deuxièmement, il y a des médicaments, comme je dis, moi, des bons vieux médicaments où, si, pour ceux-là, on laissait le prix augmenter un peu, on sauverait beaucoup d'argent par rapport aux médicaments d'innovation. Vous avez dû voir, il y a une étude récente qui montrait que, pour traiter l'hypertension artérielle à son début, c'est aussi efficace de prendre les médicaments qu'on m'a appris à utiliser, moi, quand j'étais étudiant en médecine, qui maintenant coûtent, je pense, 0,75 $ par jour, que prendre des médicaments qui en coûtent presque cinq fois plus. Or, en pratique, les pratiques de prescription font en sorte que les nouveaux médicaments sont utilisés souvent en première intention, ce qui doit être amélioré. Et, d'autre part, compte tenu du prix de ce médicament ancestral presque, la compagnie nous dit: Étant donné le gel, bien, moi, je ne suis plus intéressée à garder ce prix-là sur les tablettes et sur le formulaire, parce que quel est l'intérêt pour moi? Je vais tout simplement le retirer de la liste.

Alors, vous voyez, il y a plusieurs facettes, et effectivement on propose, et vous avez peut-être entendu... je ne sais pas si vous avez suivi assidûment les débats de la commission, mais, l'industrie, ils essayeraient de nous dire que c'est correct d'augmenter les prix sans mécanisme compensatoire. Et, nous, on tient au mécanisme compensatoire, il y a l'encadrement des augmentations. Vous remarquerez que l'encadrement fait en sorte que l'augmentation proposée est inférieure à l'indice des prix pour la consommation et qu'elle doit s'accompagner d'ententes compensatoires pour mitiger ou annuler l'impact budgétaire.

Alors, je pense que, là, encore une fois, il y a un compromis heureux entre une situation qui était de plus en plus intenable et artificielle et potentiellement négative pour le Québec et, comme vous le dites, créer une situation de déréglementation complète où tous les prix augmenteraient de façon incontrôlable. Je rappelle que le dégel proposé ne se produit qu'une fois que le médicament a été sur la liste pour cinq ans. Alors, c'est important également de le rappeler.

Le Président (M. Copeman): Il faut que je passe à ma gauche. Alors...

M. Couillard: Merci. Je parle trop.

Le Président (M. Copeman): ...M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, mesdames, monsieur, bon, juste pour enchaîner et pour terminer ça, parce que je ne veux pas porter l'essentiel de mon intervention, de nos échanges sur ça, mais soyons francs, de ce côté-ci, sur la question de l'attitude à avoir face à l'industrie. On est un peu sur la même, pas mal sur la même longueur d'onde, de l'autre côté, puis dans le fond la question très simple, c'est: Est-ce qu'on croit ou non aux menaces? Et ce serait plus simple de ne pas y croire si les décideurs étaient à Québec ou à Montréal. Mais les gens qui sont venus ici, là, c'est juste des transmetteurs des décisions qui sont prises aux États-Unis, en Grande-Bretagne, ailleurs dans le monde. Mais prenons particulièrement aux États-Unis, en Grande-Bretagne puis quelques autres pays européens où les sièges sociaux sont situés. Alors, on peut... et ça, cette priorité-là, on peut penser que ces gens-là vont être malgré tout sympathiques au Québec, mais ce n'est pas évident. Ils n'ont aucun intérêt à être sympathiques au Québec s'il n'y a pas une plus-value pour eux. Puis, dans la mesure où on se retrouverait à avoir une attitude qui va dans le sens où il n'y a pas vraiment de plus-value pour eux, bien, je veux dire, on est dans un contexte où il y a des économies qui commencent à poindre ? je pense juste à l'Inde, sans compter la Chine, mais juste l'Inde ? et on se retrouve dans une dynamique, là, au plan concurrentiel, de localisation, parce que c'est ça dans le fond, c'est tout le débat autour de la localisation des entreprises. Bon. Alors, dans ce sens-là, on n'a pas de risque à prendre. C'est ça, dans le fond, l'approche que les deux partis qui ont gouverné le Québec depuis un bon moment ont pris puis continuent de prendre, peut-être à tort, mais en fait le risque est grand.

Bon. Ceci étant, d'une part, la démonstration que vous avez faite des coûts humains par rapport à la décision qui avait été prise quand le régime d'assurance général a été mis en place, en 1997, d'enlever la gratuité pour plusieurs personnes, c'est évident, je l'ai dit la semaine dernière, je le redis: Je crois que ça a été une erreur d'aller dans cette direction-là et je crois qu'on a mal évalué les conséquences, mais, à un moment donné, il faut se rendre à l'évidence, et ça ne sert à rien de maintenir une approche puis un discours qui nient la réalité puis qui nient le coût humain. Et ça, je vais vous dire, je pense que... j'espère que la majorité de mes collègues partageront ce point de vue. Je vais le savoir demain, à mon caucus, peut-être que certains trouveront que mon mea culpa aura été trop dur ou trop direct à leur endroit.

Mais je me réjouis d'entendre aujourd'hui un mea culpa de l'autre côté aussi, puis ça, c'est la première fois que je l'entends, depuis deux semaines. C'est que, quand le ministre disait, tantôt: Nous ne corrigeons, nous aussi, pas assez vite par rapport à ce qui était espéré, c'est que dans le fond il reconnaît que dans le fond la même politique se poursuit avec les mêmes effets pervers, malgré le fait qu'une semaine avant les élections le premier ministre du Québec, qui, lui, était déjà député à l'Assemblée nationale, qui savait très bien ce que ses collègues avaient pris comme position pendant l'époque où, nous, on était au gouvernement, disait: Nous sommes prêts, puis, je veux dire, on n'avait jamais laissé entendre que ça traînerait en longueur puis on n'avait jamais laissé entendre non plus qu'on ferait ça conditionnellement à ce qu'éventuellement on mette en place une politique du médicament qui, si elle fait des économies, nous permettra d'utiliser ces économies-là pour finalement remplir notre promesse électorale. Ce n'est pas ça qui avait été dit.

Mais là j'entends le ministre dire qu'il est optimiste pour l'avenir et puis qui, dans le fond, en faisant un mea culpa... Donc, on est deux mea culpa face à face. Peut-être qu'on peut espérer que le double mea culpa, de part et d'autre, va faire en sorte qu'on n'attendra pas encore trop longtemps avant que les citoyens québécois pauvres aient à ? surtout ceux à qui on avait promis un changement ? voir la situation corrigée puis améliorée.

L'autre chose, ce serait intéressant de vous entendre, parce qu'il y a ceux à qui on a enlevé la gratuité puis il y a ceux qui ne l'ont jamais eue puis qui sont sur le bord. Autrement dit, il y a ceux qui sont sous le seuil de la pauvreté mais qui travaillent. Bon. Vous, votre réponse à ça, c'est de dire: On devrait mettre en place un régime universel. Bon.

Les deux partis, encore une fois, en fonctions gouvernementales, ont dit et continuent de dire non. Moi, je dois vous dire, je n'étais pas là quand on a dit non, ce n'est pas moi qui ai commandé le rapport Montmarquette, mais ce que j'aimerais aujourd'hui, c'est ? puis je suis d'accord avec votre position puis celle d'autres groupes qui sont venus la semaine dernière ? j'aimerais au moins qu'on me dise plus clairement pourquoi ce n'est pas une bonne piste. J'aimerais au moins que, dans le débat public actuel sur la Politique du médicament, on mette ça plus clair, pourquoi l'option d'un régime universel public n'est pas une option à retenir. Et, si on doit maintenir la même décision, celle que, nous, on avait prise à l'époque, celle que le gouvernement actuel prend, très bien. Mais là, c'est comme s'il manquait un élément dans le débat: on fait un débat sur la Politique du médicament puis on ne revient pas mettre ça dans la discussion puis de réévaluer ou de requestionner les conclusions d'une étude qui avait été faite il y a quelques années. Et, moi, je pense que c'est un manque, là, dans le débat actuel par rapport aux choix qui nous sont présentés.

Mais faisons l'hypothèse qu'on maintient l'idée qu'il n'y en a pas, de régime universel. Comment vous voyez l'approche, pour ceux qui sont à faibles revenus mais qui sont au travail, là, qui ne sont pas sur l'aide sociale, donc qui ne sont pas sur l'assistance publique, là?

n(15 h 40)n

Mme Auchinleck (Jennifer): Mais, nous, en fait, on revendique, depuis 1996, pas juste la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées, mais la gratuité pour toutes les personnes en-dessous des seuils de faibles revenus, parce que, comme Leisel disait tantôt, en fait, à la fin de la journée, ce n'est pas la source de l'argent, ce n'est pas parce que ça vient du travail ou ça vient de l'aide sociale, c'est le fait qu'on n'en a pas assez. C'est la pauvreté qui est le problème, puis la seule solution à ça, c'est la gratuité. Et je pense que, bon, c'est possible que ça se fasse. Par exemple, on a des modèles, des programmes, comme ce qui était APPORT, qui est maintenant ? je ne me souviens pas comment ça s'appelle ? Prime au travail, il y a des programmes sociaux qui existent, qui sont calculés en fonction du revenu de la personne et pas source de revenus nécessairement.

Alors, pour nous, c'est essentiel de reconnaître que le problème d'accès aux médicaments doit être réglé pour l'ensemble des personnes à faibles revenus. La seule façon d'être certain que c'est réglé, d'être certain que tout le monde puisse avoir accès aux médicaments dont il ou elle a besoin, c'est d'aller de l'avant avec la gratuité. Et ça, on peut faire ça comme première étape, ça ferait notre bonheur. Ça a toujours été, de toute façon, pour nous la première étape vers un régime universel et public d'assurance médicaments.

On reconnaît, comme on a dit dans la présentation, qu'en 1997, quand on a élargi le régime aux gens qui n'avaient pas de couverture auparavant ou avant, c'était un pas dans la bonne direction pour beaucoup de personnes, mais, comme Leisel a expliqué, les frais que les gens sont portés à payer, plus que 1 300 $ par année pour une personne à 20 000 $ de revenus, mais c'est quand même des frais très importants. Et on les voit, ces gens, dans notre centre de services individuels, avec les mêmes problèmes, peut-être pas aussi dramatiques que 537 $ par mois, mais les mêmes problèmes: mêmes problèmes d'accès, mêmes maladies, mêmes problèmes au niveau du travail, c'est toute la même chose. Et c'est pour ça qu'on dit: Reconnaissons le problème, c'est la pauvreté; reconnaissons la solution, c'est la gratuité; et allons de l'avant avec.

M. Charbonneau: Oui.

Mme Lacelle (Denyse): Pour poursuivre là-dessus, parce que les deux questions sont liées, d'où je voudrais revenir sur un régime universel. Si on dit que ça prendrait la gratuité des médicaments pour l'ensemble des personnes à faibles revenus, on dit qu'il va y avoir une facture qui va aller avec ça qui est autrement plus importante que celle qu'on a présentement...

M. Charbonneau: C'est évident.

Mme Lacelle (Denyse): ...et elle est déjà lourde à porter. C'est pourquoi, nous, on se dit: On n'est pas des êtres irraisonnables, quand on amène quelque chose, une demande, on réfléchit aussi à ça pourrait être quoi, les moyens qui nous permettraient d'aller de l'avant avec ça, et c'est pourquoi on dit: Un régime universel public, tout le monde dans le même «bag», ça nous permettrait de faire face à cette augmentation des coûts pour assurer la gratuité des médicaments à davantage de personnes.

À l'heure actuelle, on a un régime mixte. Les gens qui travaillent, qui ont une assurance collective à l'ouvrage paient leur assurance médicaments à une compagnie privée d'assurance. C'est du monde qui, justement parce qu'ils travaillent et qu'ils ont des meilleurs revenus, sont généralement en meilleure santé, qui paient des cotisations qui sont plus élevées ou moins élevées que celles du régime public ? ça dépend des contrats, ça dépend des conventions collectives ? et qui, parce qu'ils sont en meilleure santé, tu sais, réclament moins de médicaments.

Moi, je travaille depuis 12 ans, j'ai une assurance collective, j'ai collecté une fois. Tout le restant de mes primes est allé dans les poches d'une compagnie d'assurance privée. Moi, j'aimerais bien mieux que mes primes aillent au régime général d'assurance médicaments, ça aurait bien plus de bon sens que les primes qui sont payées génèrent la possibilité d'une meilleure solidarité sociale plutôt que de générer des meilleurs profits pour des compagnies privées d'assurance.

Le gouvernement du Parti québécois a fait face à exactement ce même dilemme, dans son premier mandat, avec l'assurance automobile.

M. Charbonneau: C'est drôle que vous disiez ça, parce que c'est à ça que je pensais.

Mme Lacelle (Denyse): Bien, c'est exactement ça. Mme Payette, elle l'a mangée, la mosus de claque des compagnies d'assurance, puis elle a coupé la poire en deux en disant: O.K., ce qui va être public, c'est la protection sur soi-même ou sur l'autre qui... Bon, on a coupé la poire en deux avec les assurances privées, mais il y a un gouvernement qui a mis ses culottes, qui a dit: Il y a un problème ici important qu'il faut qu'on règle, puis les compagnies d'assurance, bien là... De toute façon, vous faites assez d'argent comme ça, laissez-nous aller.

Moi, je pense qu'un gouvernement qui veut vraiment régler ce problème d'accès aux médicaments, qui veut vraiment faire en sorte qu'on ait un programme qui fonctionne et qui ne vienne pas grever le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux et du fonds consolidé, bien il faut aller chercher l'argent où est-ce qu'il se trouve, c'est-à-dire dans les poches de toutes les personnes assurées, puis qu'on mette tout ça dans un même «pocket». Là, on va arriver. C'est pour ça qu'on demande ça, ça nous semble élémentaire. Si les compagnies d'assurance ne sont pas contentes, bien elles ne seront pas contentes, mais elles vont rester ici parce qu'on va continuer à avoir des autos assurées, on va continuer à avoir des maisons assurées, et ainsi de suite.

Mme Auchinleck (Jennifer): Je pense qu'à ça il faut rajouter les autres questions de contrôle des coûts qui deviennent possibles. Si le gouvernement est le seul acheteur de médicaments au Québec, mais là la possibilité de négociation de prix, par exemple, est très, très intéressante.

Si on regarde globalement, globalement, en termes des coûts pour l'administration, on sait très bien que c'est moins cher quand c'est public, parce qu'il n'y a pas de marge de profit des compagnies d'assurance. Je pense que c'est toujours important que ce soit accompagné d'une politique de médicament, c'est toujours essentiel, c'est toujours essentiel que cette politique ait des éléments de contrôle de coûts; autrement, on va quand même faire face aux mêmes problèmes, mais c'est le partage de risques qui est intéressant, exactement de la même manière que c'est intéressant au niveau de notre système de santé. C'est le même principe.

Alors, si on est pour avoir un débat ? je connais bien quand même les positions du gouvernement libéral et du Parti québécois là-dessus ? mais je pense qu'il y a... ça mérite d'avoir un vrai débat, parce que ce n'est pas juste une solution qu'on propose, parce que ce serait la meilleure chose en termes de l'équité et de l'accessibilité, c'est parce qu'au niveau économique aussi il y a des possibilités intéressantes, et je pense qu'il faut faire le travail.

M. Montmarquette ne l'a pas fait, il faut être très clair là-dessus. Si on regarde le rapport Gagnon, par exemple, de 1995, là on a eu un travail intéressant qui a été fait, qui proposait des scénarios, des hypothèses. Ça, ça mérite d'être mis à jour, par exemple, pour qu'on puisse regarder différents scénarios.

Il y a toutes sortes de possibilités de financement. Les compagnies qui contribuent au régime privé, maintenant elles pourraient contribuer à un régime universel et public. Il n'y a pas... Bon, en tout cas, tout ça pour dire que ce n'est pas une hypothèse qui est là juste parce qu'on veut, bon, dire quelque chose en commission parlementaire, c'est parce qu'on voit des voies de solutions intéressantes, puis ça vaut la peine d'en parler.

M. Charbonneau: En tout cas, écoutez, moi, je peux vous dire que je ne suis pas un spécialiste, et puis, bon, je suis le nouveau responsable du dossier de la santé pour l'opposition officielle, puis encore une fois je pense que je suis connu pour être capable d'avoir un sens autocritique, des fois même agaçant pour certains de mes collègues, mais ceci...

Moi, ce n'est pas parce qu'il y a eu un rapport à un moment donné que c'est un dogme universel et éternel, et je crois que, dans la mesure où on n'en avait pas, de politique de médicament, c'est une chose, mais là, pour la première fois, puis je le reconnais, c'est... On avait dit qu'on la ferait éventuellement, le ministre Couillard a pris le relais et il l'a fait, et je lui ai dit que c'était très bien.

Qu'on ait une politique du médicament, on est rendus là, au Québec, et c'est important qu'on en ait une maintenant. Mais, à partir du moment où on se dit qu'on s'en donne une, c'est aussi l'occasion de remettre tous les éléments sur la table, et je crois qu'on aurait dû puis qu'on devrait encore regarder cette dimension-là, quitte à ce qu'on en arrive à la même conclusion. Peut-être qu'on arriverait à la même conclusion, mais au moins vous auriez eu la conviction, et moi aussi et les autres aussi, que cette hypothèse-là aurait été mise sur la table, puis on l'aurait évaluée au mérite. Là, on se dit: Il y a eu un rapport il y a quelques années, on s'en tient aux conclusions du rapport, puis ça vient de s'éteindre, on passe à autre chose, bon.

Ceci étant, il y a une autre dimension que vous n'avez pas abordée. Mais vous êtes des citoyens du Québec, vous intervenez dans une communauté qui ne peut pas ignorer qu'on est dans un système... On n'est pas en France, dans un système unitaire où on paie des taxes à un seul endroit, à un seul niveau de gouvernement. On en paie à deux niveaux, puis il y a un gouvernement qui a déclaré 10 milliards de surplus budgétaire la semaine passée. Puis, ce surplus budgétaire là, là, si la part qu'on a générée nous revenait, le ministre de la Santé, qui est devant moi, là, il aurait pas mal moins de problèmes, et puis, nous autres, on aurait peut-être moins de poignées aussi pour le critiquer, puis peut-être qu'il aurait plus de marge de manoeuvre pour faire tout ce qui doit être fait dans la santé, qui était la priorité numéro un, selon leur choix politique, ou le nôtre qui était l'éducation puis qui est l'éducation. Mais, dans un cas comme dans l'autre, ça dort. Sauf que vous venez devant nous puis vous n'en parlez pas; c'est comme si ce problème-là était évacué. C'est comme si les groupes qui viennent devant nous, les citoyens du Québec, ils vivent dans une espèce de monde virtuel. Le gouvernement du Québec, l'État québécois, c'est une réalité. Les problèmes, c'est lui qui les a, puis tout ce qui se passe à Ottawa, il ne faut pas en parler, parce que là on fait de la politique, c'est le dossier constitutionnel.

On ne veut pas faire de politique, on ne veut pas se mêler du débat constitutionnel, on ne veut pas parler si, oui ou non, on devrait avoir un autre référendum. Alors, on n'en parle pas, on oublie ça. Mais la réalité, c'est que peut-être qu'une partie importante de la solution serait là, aussi, et, si les citoyens du Québec mettaient un peu plus de pression à l'autre niveau, bien, je veux dire, il n'y aurait pas un ministre des Finances qui a écrit à tous les députés de l'Assemblée nationale, il y a à peine trois semaines, un mois, pour nous dire, à la suite d'une motion qu'on a adoptée à l'unanimité, là, les libéraux puis nous autres puis les gens de l'ADQ, au printemps dernier, à dire que le problème du déséquilibre fiscal n'est toujours pas réglé, qui nous dit en pleine face, dans une lettre: Bien, écoutez, il n'y en a pas, de déséquilibre fiscal, c'est une fiction. C'est un problème que vous avez inventé, ça n'existe pas. Qu'est-ce que vous dites à ça?

Mme Lacelle (Denyse): Je vous dis: C'est vrai qu'on n'en a pas parlé aujourd'hui, mais ce n'est pas vrai qu'on n'est pas au courant. On a directement, le Projet Genèse ou via des regroupements dont on fait partie comme le Collectif pour un Québec sans pauvreté, pris de nombreuses positions sur ces questions-là.

n(15 h 50)n

On est allés à Ottawa avec une petite gang, comme ça, se prononcer contre le Bill C-96 sur l'abolition des paiements de transfert pour la santé, l'éducation et l'aide sociale et s'opposer aux paiements de transfert en bloc, voyant d'avance que l'aide sociale était pour manger la claque là-dedans et voyant aussi que le fédéral en profitait au passage pour réduire considérablement la part qui est transférée aux provinces.

On est intervenus, lors de la Commission sur le déséquilibre fiscal. On a saisi de nombreuses occasions de soulever cette question-là du partage des ressources entre les deux paliers de gouvernement. Et, si M. Couillard a pu nous rencontrer dans son bureau à quelques reprises, imaginez-vous que M. Cotler et M. Lapierre maintenant, mais M. Cauchon auparavant, nous ont eus dans les pattes aussi allégrement et aussi souvent et de façon aussi mordante que vous avez pu l'entendre aujourd'hui. J'espère que ça vous rassure.

M. Charbonneau: Et ça me rassure. Le problème, c'est que souvent, dans l'espace public, quand les gens viennent à l'Assemblée nationale, on en entend parler; quand ils vont à Ottawa, on n'en entend pas parler. Et le résultat, c'est que les citoyens, tu sais, l'ensemble des citoyens, quand ils regardent ça, ils disent: Bon, bien, finalement ça se passe à Québec, les critiques sont à Québec, la solution est à Québec, puis finalement, bien, ça contribue au fait qu'on crée l'illusion que c'est un problème virtuel ou que c'est juste un problème politique dans le sens, tu sais, constitutionnel. Je veux dire, à la limite, on n'est pas obligé d'être indépendantiste pour essayer de... la preuve, c'est qu'on vote à l'unanimité des motions. Mais, à un moment donné, quelque part, il va falloir que les citoyens appuient l'État québécois, leurs députés à l'Assemblée nationale, de tous les bords, puis mettre un peu de pression.

Bon, ceci étant, vous avez dit tantôt que selon un rapport des Nations unies le Canada était un des pays où l'écart entre les riches et les plus pauvres s'accroissait le plus. Est-ce que vous avez des données pour le Québec?

Mme Lacelle (Denyse): Non. Je sais qu'il y a un petit article de La Presse, en fin de semaine, c'est bien court. Je n'ai pas eu le temps d'aller lire le rapport. Il y a peut-être, à l'intérieur du rapport, des données plus précises sur les provinces, mais...

M. Charbonneau: Bon! Parce que c'est vrai qu'au Québec l'écart entre les riches et les pauvres est moins grand. Mais ça ne veut pas dire nécessairement qu'il ne s'accroît pas, non plus.

Mme Lacelle (Denyse): Il s'accroît.

M. Charbonneau: C'est ça que j'aimerais vérifier, parce que, bon, on peut dire: Il s'accroît moins vite, mais la réalité, c'est que chez nous aussi il s'accroît. Même s'il s'accroît moins qu'ailleurs au Canada, le fait est que, dans ce contexte-là, c'est encore plus inacceptable de continuer à faire payer d'une façon les plus pauvres par rapport aux médicaments. Donc, dans ce que vous avez, vous n'avez pas les données pour le Québec, là.

Mme Lacelle (Denyse): Là, non, mais, si la question vous intéresse...

M. Charbonneau: Oui, ça m'intéresse.

Mme Lacelle (Denyse): ...je vous référerai au site Web du Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui depuis plusieurs années mesure, à chacun des budgets du gouvernement du Québec, tant d'un gouvernement que du précédent, l'impact des mesures qui sont présentées sous l'angle de leur contribution ou pas à l'accroissement des écarts. Donc, vous allez trouver là-dessus plus de données que vous en voulez, sur cette question-là précise.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, je vais demander à ma nouvelle recherchiste de faire ça, là.

Mme Lacelle (Denyse): ...alors, vous voyez ça.

M. Charbonneau: Ah! bien, écoutez...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Je ne suis pas très bon sur le pitonnage. Mais dans le fond, quand vous posiez la question, tantôt: Quelle stratégie personnelle vous utiliseriez? La réponse, c'est que je ne sais pas quelle stratégie, je vais vous dire, j'utiliserais; je serais bien poigné, moi aussi. Si j'avais 600 $ par mois, là, à faire, je ne sais pas comment j'arriverais. Et je ne le sais pas comment ma mère puis mon père arrivaient quand il n'y en avait pas, dans les années cinquante puis soixante, de système, qu'ils n'étaient pas sur l'aide sociale mais qui n'étaient pas trop riches puis qui gagnaient leur vie à la sueur de leur front, je ne le sais pas comment ils arrivaient. Alors... Et ce que je sais, par exemple, c'est qu'il y a beaucoup... le niveau d'insensibilité de pas mal de nos concitoyens et de nos concitoyennes est trop élevé. Et ça, ça contribue au fait que les solutions ne se règlent pas facilement.

Bien, écoutez, moi, en ce qui me concerne, j'espère encore que le mea culpa du ministre va aboutir rapidement. Puis, comme je lui ai dit la semaine dernière, s'il le fait, ce n'est pas moi qui vais le blâmer. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Lacelle, M. Ladouceur, Mme Auchinleck, Mrs. Moser et Mrs. Urtnowski, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire. Thank you very much for your presence and participation here today.

J'invite les représentants de McMahon Distributeur Pharmaceutique inc. à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de McMahon Distributeur pharmaceutique inc. Mme Martin, bonjour. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. C'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos deux collaborateurs et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.

McMahon Distributeur pharmaceutique inc.

Mme Martin (Denise): Alors, bonsoir, M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, mesdames messieurs, membres de la commission. Mon nom est Denise Martin. Je suis vice-présidente, directrice générale de McMahon Distributeur pharmaceutique, une filiale de Métro, un leader de la vente au détail en produits alimentaires au Canada. Je suis accompagnée de Me Robert Cardin, avocat à l'interne chez Métro, et de Me Michel Beaupré, du cabinet Langlois Kronström Desjardins, conseillers légaux de McMahon.

En février dernier, le ministre nous priait de lui faire connaître nos commentaires sur son projet de politique de médicament. Ce qui nous interpellait particulièrement dans le document ministériel, c'était la proposition n° 16, concernant la marge bénéficiaire des grossistes en médicaments. Le mémoire que nous avons déposé le 11 février s'adressait en majeure partie à cette section du projet. Nous comptions beaucoup sur notre audience en commission parlementaire pour compléter un argumentaire qui nous semblait déjà passablement convaincant. Or, à notre grand étonnement, voilà qu'avant même que les consultations ne soient terminées un projet de règlement concernant cette question est publié, le 27 juillet, dans la Gazette officielle du Québec, et cela, sans qu'aucun grossiste visé par le projet de règlement n'ait été, du moins à notre connaissance, entendu. Nous ne comprenons pas pourquoi ce point en particulier de la politique nécessitait une telle précipitation.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous avons hésité à venir discuter d'une proposition ministérielle alors que tout indique que la décision est déjà prise. Si elle ne l'est pas encore, on aura compris à la lecture du projet de règlement que l'espace de discussion a été singulièrement balisé. Nous voulons croire que c'est une méconnaissance des réalités de l'industrie de la distribution du médicament qui a conduit à une fixation d'une marge bénéficiaire maximale de 6 % pour tous les grossistes. C'est pourquoi nous avons choisi de nous présenter devant vous, afin de vous exposer non seulement l'environnement dans lequel nous évoluons, mais aussi pour vous apporter toute l'information utile pour réviser un projet de règlement qui, dans sa facture actuelle, est aussi injuste qu'inéquitable.

La chose n'est peut-être pas évidente à première vue, mais les grossistes en médicaments jouent un rôle essentiel dans l'atteinte de l'un des principaux objectifs du régime d'assurance maladie du Québec qui est celui de faire en sorte que l'ensemble de la population québécoise ait accès aux médicaments requis par son état de santé. Chaque jour, les grossistes livrent à toutes les pharmacies du Québec les médicaments dont les clients et patients ont besoin, et ce, sans minimum d'achat et généralement dans les 24 heures de la commande. McMahon exécute même des commandes d'urgence les week-ends. Ainsi, les plus petites pharmacies, tout autant que celles qui se trouvent les plus éloignées des grands centres, ont droit au même service et au même prix que les plus grosses situées en milieu urbain.

Le service que nous offrons est d'autant plus important qu'il y a de plus en plus de médicaments coûteux que les petites pharmacies n'ont pas les moyens de tenir en inventaire. Compte tenu de l'étendue du territoire québécois, compte tenu du fait qu'un grand nombre de petites pharmacies ne peuvent s'approvisionner directement auprès des fabricants, les distributeurs pharmaceutiques jouent un rôle capital dans le système de santé québécois.

En 1992, le gouvernement du Québec, par la voix du ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque, M. Marc-Yvan Côté, a décidé de réglementer le prix d'acquisition des médicaments par les grossistes, ce qu'on appelle communément le PVG. Le ministre a aussi demandé aux grossistes en médicaments de fixer une marge bénéficiaire unique qu'il appliquerait à l'ensemble des produits qu'ils distribuent, marge qui prendrait en compte leurs coûts réels d'exploitation respectifs. Dans sa sagesse, le ministre a alors établi un plafond de 9 % afin de s'assurer que tous les joueurs de l'industrie aient suffisamment de marge de manoeuvre pour maintenir leurs activités. Dans les faits, l'industrie a elle-même fixé le plafond à 7,15 %, demeurant ainsi bien en deçà des paramètres ministériels, ce qui a représenté, sur une douzaine d'années, des économies substantielles pour le gouvernement. Nous avons d'ailleurs distribué la liste des grossistes autorisés et leurs marges bénéficiaires actuelles.

Par la suite, l'industrie de la distribution a suggéré au ministre de permettre aux fabricants qui le souhaitaient de payer les frais de distribution des grossistes, une autre mesure d'économie dont a directement profité le gouvernement. Enfin, à l'époque du virage ambulatoire, l'industrie a accepté, après discussion avec le Conseil du médicament, de distribuer les médicaments coûteux pour un frais fixe de 20 $, c'est-à-dire 5 % dégressif pour tous les produits dont le plus petit format atteignait un prix de 400 $. Aujourd'hui, la liste s'est allongée à bien au-delà de 100 produits, et le coût moyen dépasse largement 700 $. L'entente de l'époque voulait que les frais fixes de 20 $ soient révisés si la liste s'allongeait. Contrairement à cet accord, aucune discussion n'a eu lieu depuis le 1er janvier 1997, et le gouvernement a largement bénéficié du statu quo. Si en effet chaque distributeur appliquait à ses produits sa marge bénéficiaire, ce n'est pas 20 $ l'unité que le gouvernement devrait payer, mais en moyenne plus de 45 $. C'est en millions de dollars qu'il faut compter les économies pour le gouvernement.

n(16 h 10)n

Toutes les mesures dont nous venons de vous faire état ont été négociées de bonne foi avec le ministre, dans un esprit de collaboration, un souci d'économie pour le gouvernement et finalement le contribuable. C'est pourquoi nous sommes stupéfiés, pour ne pas dire vexés, de constater que de façon unilatérale, visiblement sans avoir évalué pleinement l'effet d'une telle mesure sur la rentabilité de chacune des entreprises concernées, le ministre annonce son intention d'aller de l'avant avec sa proposition de fixer la marge bénéficiaire des grossistes à un maximum de 6 %. Notre respect des institutions nous interdit de considérer que la publication d'un projet de règlement dans la Gazette officielle du Québec n'a que peu de signification et qu'elle n'est somme toute qu'une façon anodine d'amorcer une négociation.

Pour McMahon, cette coupure de plus de 16 % de sa marge bénéficiaire représente au bas mot un manque à gagner de 2,8 millions de dollars sur une base annuelle. Si elle devait entrer en vigueur, cette mesure nous obligerait à revoir en profondeur nos modes de distribution sur le territoire québécois, avec les conséquences qu'on peut imaginer pour les populations desservies par les petites pharmacies en région éloignée.

Le ministre justifie sa position en avançant que les écarts de marge actuels entre les grossistes créent des distorsions dans le marché sans pour autant que ces écarts correspondent à un niveau différent de service. Sur quelles données s'appuie le ministre pour tenir un tel discours? En toute déférence pour le ministre, nous lui soumettons qu'il a peut-être été mal informé sur ce point. Contrairement à son énoncé, la prestation de services varie sensiblement d'un grossiste à l'autre. Voici quelques différences notables.

Premièrement, environ 70 % des quelque 600 pharmacies approvisionnées par McMahon se trouvent à l'extérieur des régions métropolitaines de Montréal et de Québec. Par exemple, nous servons trois fois plus de pharmacies dans les municipalités de moins de 5 000 habitants que le Groupe Jean Coutu. Nous avons donc des frais de transport beaucoup plus élevés que les distributeurs ayant une bonne partie de leur clientèle située dans les grands centres, comme les pharmacies Jean Coutu, Pharmaprix et Uniprix, par exemple.

Deuxièmement, une forte proportion de notre clientèle est constituée de petites pharmacies ayant un faible volume de prescriptions. En raison de leur taille, ces pharmacies maintiennent des inventaires aussi réduits que possible, préférant faire auprès de nous de fréquentes mais peu volumineuses commandes. De plus, nous servons de grossiste d'appoint pour un grand nombre de pharmacies au Québec générant de petites commandes pour les médicaments qu'elles n'ont pas reçus de leur premier distributeur.

Nous citerons un exemple pour illustrer l'écart entre McMahon et une entreprise comme le Groupe Jean Coutu. Si je prends Jean Coutu, ce n'est pas que je suis agressive face à Jean Coutu, c'est simplement que c'est une entreprise qu'on connaît bien, là. Au contraire, on est très fiers que Jean Coutu ait fait toutes ces acquisitions aux États-Unis. Il y a quelques années, en raison d'une grève à leur entrepôt, nous avons servi des pharmacies de cette chaîne. Cela nous a permis de constater qu'alors que la commande moyenne de nos clients réguliers est d'environ 2 500 $ celle des établissements Jean Coutu s'élevait à plus de 25 000 $. Vous avez reçu d'ailleurs un tableau à cet effet sous cette forme-ci. Ainsi donc, pour distribuer des médicaments au même endroit que nous, le Groupe Jean Coutu reçoit, en dollars de marge, sept fois plus que McMahon, même si sa marge bénéficiaire est inférieure en pourcentage.

Troisièmement, la réglementation québécoise interdit aux distributeurs pharmaceutiques d'accepter toute ristourne ou rabais offert par un fabricant. Comme la plupart de nos concurrents oeuvrent également hors Québec, cela leur permet de toucher et d'intégrer légalement ces ristournes et rabais à leur enveloppe de revenus, alors que McMahon, dont les activités se limitent exclusivement au territoire québécois, est entièrement soumise à la règle.

Dans un autre ordre d'idées, certains prétendent que l'industrie de la distribution pharmaceutique a largement bénéficié de l'augmentation du volume des ventes de médicaments au cours des dernières années. Il y a pourtant loin des apparences à la réalité. Alors que la marge bénéficiaire des distributeurs pharmaceutiques est gelée par une décision ministérielle depuis 1995, les hausses considérables des frais d'exploitation des grossistes en médicaments ont largement entamé les bénéfices accrus découlant d'une augmentation du volume des ventes. Ainsi, nos frais de transport ont augmenté de 36 % au cours des deux dernières années, entre autres dû à l'augmentation du prix de l'essence. Nos primes d'assurance ont connu une hausse de 30 % depuis cinq ans. Nos dépenses de chauffage, climatisation suivent la même tendance que les prix de l'énergie. Ajoutons à cela les hausses de taxes foncières, de cotisations de la CSST et d'autres régimes gouvernementaux, les augmentations salariales ainsi que d'importants investissements dans nos inventaires et nos entrepôts en raison de la multiplication des produits, particulièrement dans la catégorie des produits les plus coûteux.

Et il ne faudrait surtout pas oublier les nouvelles normes de manutention, de conservation et de rappel de médicaments imposées par Santé Canada et par les fabricants, qui représentent une facture annuelle loin d'être négligeable. D'ailleurs, nous vous signalons que le nombre de prescriptions au Québec, selon IMS, n'a augmenté que de 3 % dans les 12 derniers mois et qu'en juillet 2005 le nombre a même diminué de 6,3 % par rapport au même mois l'an dernier.

Nous savons gré au ministre d'avoir constaté qu'il est temps de dégeler les taux de marge bénéficiaire des distributeurs, qui sont maintenus depuis trop longtemps, 10 ans, à leur niveau actuel, particulièrement dans le contexte d'une hausse régulière et importante de nos frais d'exploitation. Nous comprenons aussi que le ministre, conscient d'un environnement budgétaire difficile, veuille éviter une progression trop importante du coût des médicaments. Mais la méthode qu'il propose pour ce faire n'est ni équitable ni adaptée à la réalité. Il omet de prendre en compte une considération pertinente, soit la réalité des coûts de distribution. Pour que l'opération ne coûte rien au gouvernement, il déshabille Jean pour habiller Jacques. Pour permettre que la marge de certains grossistes passe de 5 % à 6 %, il réduit celle d'un autre groupe, dont McMahon, de 7,15 % à 6 %, soit une coupure sombre de 16 %. Je vous réfère encore une fois au tableau qui vous a été distribué.

Si ce n'était pas si dramatique, il faudrait s'arrêter un instant sur l'ironie de la situation: le ministre ampute les revenus des plus petits grossistes pour augmenter ceux des grossistes qui détiennent les plus grandes parts de marché. C'est comme si le gouvernement décidait d'augmenter le salaire des ministres et de réduire celui des députés afin de garder sa masse salariale au même niveau. Nous le répétons, cette mesure est aussi injuste qu'inéquitable.

Une voix: C'est vrai...

Mme Martin (Denise): Nous soumettons respectueusement au ministre qu'il doit impérativement reconsidérer son projet, d'abord parce que sa proposition repose sur de fausses prémisses; ensuite, parce que, s'il persiste à imposer un plafond aussi bas, cela équivaut à toutes fins utiles à nationaliser le secteur. Il doit, non seulement à titre de ministre de la Santé et des Services sociaux, mais aussi à titre de membre du gouvernement, soupeser les impacts de son projet de règlement sur les activités et la rentabilité des entreprises concernées, des entreprises qui évoluent encore, du moins l'espérons-nous, dans un espace de libre marché.

Si le projet de règlement devait prendre effet dans sa rédaction actuelle, cela aurait certainement et rapidement un impact sur la distribution des médicaments au Québec. Il nous apparaît en effet inévitable que pour maintenir sa rentabilité McMahon devra revoir le déploiement de ses activités sur le territoire québécois, et nous serions probablement imités en cela par d'autres grossistes. Indiscutablement, ceci se ferait au détriment de l'objectif d'accessibilité aux médicaments du régime d'assurance maladie du Québec, surtout en région. Par exemple, on devra envisager la possibilité de diminuer le nombre de livraisons hebdomadaires dans les régions, d'exiger un minimum d'achats par commande, de refuser de servir à titre de grossiste d'appoint les clients occasionnels ou finalement de se concentrer sur la livraison des pharmacies arborant nos enseignes.

Tous les paramètres étant hermétiquement fermés ? prix d'acquisition des produits, interdiction de ristournes ou rabais pour achats de volume, marge bénéficiaire décrétée ? il ne nous reste que peu de choix pour faire face à la hausse des coûts d'exploitation si l'on veut maintenir un minimum de rentabilité, il faut réduire le service. C'est la logique normale du monde des affaires.

Plutôt que d'aller dans le sens qu'il a annoncé, nous suggérons au ministre de s'inspirer des règles de la Régie de l'énergie, la Régie des marchés agricoles et des ententes qu'il a lui-même conclues avec les professionnels de la santé pour l'implantation des groupes de médecine familiale et de permettre que soient pris en compte les coûts d'exploitation des grossistes en médicaments dans l'établissement du plafond de leur marge bénéficiaire.

Pour terminer, quelques mots seulement sur les produits coûteux et la formation continue. Le ministre propose d'élever à 24 $ la marge bénéficiaire pour ces produits dont la liste est aujourd'hui allongée à quelque 110 produits. Nous saluons cette proposition, mais, en raison des coûts importants d'inventaire, des frais élevés de manutention, entre autres parce que la plupart de ces produits exigent un contrôle de température, en raison également du fort volume de pertes relié à ces produits, nous estimons qu'il serait approprié de faire passer à 30 $ la marge bénéficiaire pour ces produits, ce qui représente environ 4 % de leur coût moyen actuel.

En ce qui a trait à la formation continue, le ministre souhaite créer un fonds pour en assurer le financement. Bien que nous souscrivions à l'objectif ministériel, nous croyons que cette mission revient aux chaînes pharmaceutiques, qui ont déjà d'ailleurs mis en place de tels programmes pour leurs pharmaciens et pharmaciennes. Nous ne voyons pas pourquoi les grossistes, virtuellement sans marge de manoeuvre pour augmenter leurs revenus et dont on projette par ailleurs de réduire les marges bénéficiaires, devraient absorber ce coût supplémentaire qui ne constitue rien d'autre, de notre point de vue, qu'une nouvelle taxe déguisée.

M. le Président, M. le ministre, distingués membres de cette commission, nous espérons que vous excuserez le ton parfois rude de nos commentaires, mais vous comprendrez que les propositions ministérielles nous concernant nous atteignent au coeur même de notre activité. Si nous en étions toujours à l'étape de la discussion, nous aurions manifesté un peu de sérénité. Mais la parution de ce projet de règlement dans la Gazette officielle avant même que nous soyons entendus ici ne peut être décodée autrement qu'une manifestation d'une intention ministérielle qui nous apparaît déjà arrêtée. Cela nous désole et nous inquiète.

n(16 h 20)n

Nous tenons, en terminant, à assurer le ministre et les membres de cette commission que, malgré nos propos d'aujourd'hui, McMahon souscrit entièrement aux quatre grands objectifs qui sous-tendent le projet de politique du médicament présentement à l'étude, objectifs qui sont d'assurer à la collectivité l'accessibilité aux médicaments, d'établir un prix juste et raisonnable pour ceux-ci, de tendre vers leur utilisation optimale et enfin de maintenir au Québec une industrie pharmaceutique dynamique dont nous faisons partie. Toutefois, il faut s'assurer que les mesures proposées pour y parvenir ne cachent pas des effets pervers pouvant affaiblir un volet de l'incomparable mais fragile système de santé et de services sociaux que s'est donné le Québec au cours de ce dernier demi-siècle. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Martin. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Martin, M. Cardin, M. Beaupré. Je n'ai pas de problème avec la rudesse, j'ai joué au hockey longtemps, puis c'est un aspect du jeu qui me plaisait particulièrement. Et je vais à mon tour vous questionner et échanger avec vous. Je vous dirais que le projet de règlement est là pour témoigner d'une chose, c'est que le paysage va changer, dans le domaine du médicament, assez rapidement, effectivement. On a une consultation en cours, et votre point de vue est certainement pris en considération. D'ailleurs, vous avez jusqu'à la mi-septembre pour exprimer votre avis quant au projet et règlement. Et, parmi le changement de paysage, il y aura le changement de paysage des marges bénéficiaires des grossistes. Il nous reste maintenant à statuer de façon définitive sur l'ampleur et le type de changements de ce paysage-là.

Il est clair qu'effectivement, comme beaucoup d'autres entreprises, vos coûts d'exploitation ont dû augmenter. Vous donnez deux exemples, les coûts de transport et de même que les coûts d'assurance. Si j'extrapole ces données sur deux ans à six ans, disons entre 1997 et 2003, ça voudrait dire que vos frais de fonctionnement ont augmenté d'environ 100 %, quoi?

Mme Martin (Denise): Effectivement, ce que je voulais signaler au ministre, c'est que, oui, il y a eu une augmentation de volume, bien sûr il y a une augmentation de coûts due à une augmentation de volume, hein? On développe une nouvelle route, on a une augmentation de coûts. Mais il y a aussi des dépenses incontrôlables, le prix de l'essence en est une, entre autres. Alors, ce n'est pas vrai qu'une augmentation de volume génère automatiquement des profits en bas de la ligne, une augmentation de volume crée aussi des dépenses. Alors, ça m'apparaît évident. Vous savez très bien pourquoi les assurances ont augmenté, hein, c'est les événements de l'an 2000. Bon, maintenant ça s'estompe. Je ne pense pas qu'on puisse faire un calcul aussi «straightforward», hein, je cherche le mot en français... aussi direct.

M. Couillard: Mais je pense qu'il faudrait peut-être plus d'information, parce que, dans la même période, entre 1997 et 2003, les versements de la RAMQ sont passés de 3,3 millions à 10,9 millions. Alors, ça a presque triplé sur la même période. Alors, je veux bien croire que les dépenses de fonctionnement ont augmenté, mais ce qu'il faudrait voir, c'est quels sont les revenus en proportion des dépenses pour chaque année, là. Ça, ça donnerait une image plus juste de la situation, parce que le citoyen qui nous écoute, là, il constate qu'effectivement l'État a payé trois fois plus à votre entreprise entre 1997 et 2003. Alors là il faudrait être plus en détail, voir quelle est, pendant ce temps-là, l'augmentation des dépenses par rapport à l'augmentation du volume et du revenu.

Et ça m'amène sur l'autre point que vous soulevez. Vous dites: Nous voudrions êtes assujettis aux lois du libre marché. Un des groupes qui vous a précédés ce matin, Frisch & Kohl, nous recommande de faire précisément ça, de déréglementer complètement l'industrie de la distribution, d'enlever même tout règlement à ce sujet-là, et eux se déclarent capables, comme ils l'ont prouvé ailleurs au Canada, d'assurer la distribution des médicaments sur tout le territoire du Québec avec une marge de 5 %. Alors, vous comprenez, le citoyen qui nous écoute, il se demande, là ? il a écouté, ce matin, cette entreprise, maintenant il vous écoute ? il se demande si, à quelque part, il en a pour son argent, là, parce que les gens de Frisch & Kohl nous ont dit: Vous vous faites un peu avoir, en passant. Vous pourrez voir les galées de leur présentation, c'est vos concurrents, ils disent que ce n'est pas vrai qu'une entreprise n'est pas capable de distribuer les médicaments sur tout le territoire avec 5 % de marge, c'est même très profitable, parce qu'ils disent: En plus, nous, on a les rabais volume qu'on donne dans les autres provinces, qui font que notre marge est encore plus basse que ça. Alors, là, je suis perplexe.

Mme Martin (Denise): Mais, M. le ministre, ils ont aussi accès à des rabais volume que nous n'avons pas accès au Québec, et ça aussi, vous le savez. Alors, ils ont une marge bénéficiaire de 5 % plus des rabais volume et des revenus qui viennent des fabricants que, nous, nous n'avons pas le droit au Québec, donc...

M. Couillard: L'un dans l'autre, là, moi, je me demande... Parce que, vous savez, il y a d'autres joueurs, et vous êtes une dizaine de grossistes actuellement au Québec. Votre siège social est-il au Québec ou...

Mme Martin (Denise): Bien sûr, on est une filiale à 100 % de Metro.

M. Couillard: Alors, c'est ça qu'il faut qu'on dissèque, parce qu'il y a un autre grossiste, Familiprix, pour ne pas les nommer, qui nous présente des arguments similaires aux vôtres, qui nous disent que, comme ils opèrent au Québec, qu'ils distribuent dans les régions rurales, partout sur le territoire, etc., ils ont besoin de cette marge à plus de 7 %, ce qui est l'essentiel de votre argument également. Par contre, moi, j'ai été stupéfait d'entendre un de vos concurrents nous reprocher d'avoir laissé la marge dépasser les règles du marché et de ne pas avoir laissé le libre marché s'établir et jouer son rôle, parce qu'il dit qu'on aurait sauvé des dizaines et des dizaines de millions de dollars en l'espace de quelques années. Quand je dis «on», je parle du contribuable qui nous écoute, là.

Mme Martin (Denise): M. le ministre, je vous réitère, avant que le PVG vienne en application, nous avions des revenus des fournisseurs du médicament. Le gouvernement du Québec a décidé de légiférer sur le prix d'acquisition et de nous empêcher de recevoir de d'autres sources des montants. Donc, vous êtes le seul et vous nous avez obligés à vendre tous nos médicaments le même prix à tout le monde, indépendamment que ça vienne à la régie ou que ça aille au tiers payant. Donc, vous êtes le seul fournisseur de marge bénéficiaire ou la seule personne qui désigne la marge bénéficiaire. En Ontario, c'est tout un autre système. En Ontario, les grossistes ont le droit de recevoir des rabais volume. Qu'ils livrent au Québec ou qu'ils livrent en Ontario, ils reçoivent des rabais volume des fournisseurs. Moi, je ne les ai pas. Alors, qu'on additionne les deux, peut-être qu'ils sont à 9 % ou 10 %.

M. Couillard: Mais la différence, c'est que... qui paie, là-dedans? C'est-à-dire que je vais vous demander de choisir. Est-ce que vous aimeriez mieux le système ontarien? Est-ce que vous aimeriez mieux que le gouvernement du Québec déréglemente complètement la marge réglementaire et vous laisse avoir des rabais volume, comme c'est le cas ailleurs, puis que, nous, finalement on paie 5 % d'argent public?

Mme Martin (Denise): Écoutez, M. le ministre, moi, si je contrôle mon environnement et je ne suis pas contrôlé, comme tout le monde dans le monde des affaires, on va s'adapter. On va s'adapter, c'est une question de volume, hein?

M. Couillard: Je pense que c'est une question très importante, là, question de choix, là. On est au moment de faire certains choix, et le choix finalement entre continuer de réglementer ce domaine-là ou non.

Mme Martin (Denise): Mais je pense que l'argent est surtout chez les fabricants et non pas chez les grossistes et qu'en ce moment la tâche d'aller chercher cet argent-là revient au gouvernement du Québec.

M. Couillard: Oui, tout le monde me dit ça. Ha, ha, ha!

Mme Martin (Denise): Si vous voulez qu'on aille le chercher, il n'y a pas de problème.

M. Couillard: Oui, mais à ce moment-là avec une déréglementation des marges de profit, et c'est vous qui aurez à compétitionner. Parce que vous disiez tantôt: Bien, là, McMahon pourrait avoir à se retirer du marché si la marge était réduite...

Mme Martin (Denise): Parce que vous contrôlez tout. Vous avez défini mon prix, vous avez défini que je n'avais pas le droit d'avoir de rabais volume, ou de ristournes, ou d'autres formes de revenus. Effectivement, il ne me reste qu'une seule variable sur laquelle jouer pour... On est dans un pays quand même où le profit, là, ne devrait pas être quelque chose de mauvais, là...

M. Couillard: Absolument pas, c'est même notre position.

Mme Martin (Denise): Il faut quand même livrer à nos actionnaires un profit, un rendement sur leur investissement, sinon on n'est pas en affaires. Alors, vous avez défini tous les paramètres, il ne m'en reste qu'un, les coûts.

M. Couillard: Mais, nous, nos actionnaires, c'est les contribuables, aussi. On est d'accord avec le profit puis on veut que les entreprises fassent du profit, mais les contribuables paient pour un produit et un service public. Mais, moi, je vous dirais, un esprit critique vous dirait: Bien, écoutez, si vous abandonnez le marché, vos concurrents vont le prendre à une marge plus basse. C'est la loi du marché, hein?

Mme Martin (Denise): Et peut-être que nos concurrents ne prendront pas ce marché-là, M. le ministre. Peut-être que nos concurrents vont délaisser... Kohl & Frisch, à ma connaissance, ne livrent pas à Saint-Prime ou à Saint-Louis-du-Ha! Ha!. De toute façon, je ne pense pas que nos pharmaciens comprendraient Kohl & Frisch.

M. Couillard: Donc, finalement, qu'est-ce que vous recommandez, laisser les choses comme elles sont là, tout va bien?

Mme Martin (Denise): On ne comprend pas pourquoi le ministre a décidé tout d'un coup que 6 % était une marge bénéficiaire acceptable pour toutes les entreprises qui sont dans ce milieu-là.

M. Couillard: Quelle est votre recommandation?

Mme Martin (Denise): En ce moment, vous ne faites pas d'économies. La règle est aussi simple, vous dites: En moyenne, je paie 6 %. Je veux dégeler la marge bénéficiaire. Pour ne pas payer plus, bien je vais mettre 6 % comme maximum. Donc, vous dites: Bien, maintenant, tu vas baisser à 6 %, les autres vont pouvoir monter, puis on est heureux. Vous ne faites aucune économie, M. le ministre, aucune, alors on ne comprend pas.

M. Couillard: Sauf que, dans un environnement de dégel des prix, parce que c'est ce que la politique prévoit donc... Parce que c'est ce qui explique le fait que les marges ont été gelées à des degrés différents, c'est la politique de gel des prix.

Mme Martin (Denise): Bien oui, mais vous ne pouvez pas dégeler des prix au détriment de certaines entreprises pour faire plaisir à d'autres.

M. Couillard: Non. Ce n'est pas ce dont il s'agit, c'est justement de créer un système où les opportunités, le terrain de jeu est égal. Parce que ce que vous nous dites aujourd'hui est contredit par vos concurrents, qui nous reprochent d'avoir laissé la situation perdurer aussi longtemps et nous reprochent de façon très explicite de ne pas avoir agi avant pour corriger ce qu'eux qualifient d'iniquité profonde entre les différents grossistes. Alors, où se trouve la vérité?

n(16 h 30)n

Mme Martin (Denise): Est-ce qu'ils ont regardé les frais d'exploitation des autres grossistes? Est-ce que vous avez regardé la marge... le net ? puis je nomme Jean Coutu et je déteste ça, mais c'est une compagnie privée ? le net de Jean Coutu versus le net même de Métro ou de Familiprix? Alors, je ne comprends pas que nos concurrents... Moi, les concurrents, ils font leurs choses, ils ont leur... Ils avaient le choix, hein, de mettre une marge bénéficiaire selon les coûts dont ils avaient besoin.

Moi, M. le ministre, à la première ronde, j'ai soumissionné à 8 %. J'étais la plus petite du secteur, j'ai soumissionné à 8 %. Au bout de six mois, je me suis rendu compte que je perdais énormément de volume, j'ai baissé à 7,15 %, mais j'avais besoin de 8 %. Alors, on a perdu des sous au début, j'avais besoin de 8 %. Pensez-vous qu'on est à 7,15 % pour le plaisir? Pensez-vous qu'on ne perd pas du volume parce qu'on est à 7,15 %? Pourquoi j'ai très peu de pharmacies à Montréal? Parce que 7,15 %, c'est cher pour eux autres par rapport à un 6,5 % ou par rapport à un 5 %. Parce que Kohl & Frisch, parce que RedPharm, parce que Trent livrent à Montréal, mais, rendu à Saint-Prime, par exemple, ou à Saint-Casimir, 7,15 %, c'est pas pire. Mais il y en a pas tant que ça qui veulent y aller, alors, moi, mon volume s'est développé en région.

M. Couillard: Mais ça nous ramène à une suggestion de Familiprix, vos collègues qui sont venus ici qui nous ont recommandé, eux, de créer deux ou trois catégories de grossistes selon l'étendue du territoire desservi, selon le type de service assuré aux pharmaciens, selon le pourcentage de la liste, par exemple, qui est livré dans les pharmacies. Est-ce que vous êtes favorable à une telle modification?

Mme Martin (Denise): Bon, écoutez, c'est une façon de faire. Moi, je dis simplement que la vraie façon de faire, c'est de vérifier les coûts d'exploitation ou en tout cas de prendre en compte les coûts d'exploitation des grossistes. Puis il y a des... je pense, en tout cas, des évidences, hein? Je vous en ai montré aujourd'hui, je pourrais vous en donner d'autres, des évidences qui font en sorte que peut-être qu'une mesure «at large» ou globale, pour tout le monde, n'est pas l'approche à prendre.

M. Couillard: Les années m'ont appris que l'évidence est parfois trompeuse. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Alors, Mme Martin, messieurs, je continue. Vous dites que le gouvernement devrait vérifier les coûts d'exploitation des grossistes. Est-ce qu'il y a justement une possibilité qu'on ait l'heure juste? C'est-à-dire, est-ce que l'État est équipé, ou le ministère de la Santé est équipé pour avoir l'heure juste et justement être en mesure de comparer les coûts des différents grossistes, pour pouvoir peut-être justement calibrer...

Mme Martin (Denise): Bien, écoutez, moi, je suis une vieille de l'industrie...

M. Charbonneau: Ça ne paraît pas trop, là. À l'oeil nu, en tout cas.

Mme Martin (Denise): Mais ça fait quand même depuis 1990 que je suis là-dedans. Au tout début, effectivement le Conseil du médicament nous avait demandé de justifier pourquoi il y avait des écarts, entre autres avec McKesson, qui fait le même genre de services que nous, hein? McKesson est à 6,5 %, moi, je suis à 7,15 %. Par contre, McKesson a le triple du volume que moi. Alors, quand il voyage avec son camion, on peut comprendre qu'il arrête plus souvent puis il mange moins d'asphalte. Alors, ça faisait du sens. Et Coutu est à 5 %, ça fait encore du sens. On voit qu'il y a des disparités qui ont été créées justement par des coûts d'exploitation différents. Parce que, comme je vous dis encore, ce n'est pas nécessairement facile d'être le plus cher, ce n'est pas comme ça qu'on gagne nécessairement des clients, là.

M. Charbonneau: Mais ce que vous dites, c'est que c'est possible pour le gouvernement d'avoir le réel des coûts d'exploitation de l'ensemble des grossistes, pour pouvoir par la suite prendre une décision, là?

Mme Martin (Denise): Bien sûr.

M. Charbonneau: Parce que finalement ce que, moi, je constate, c'est que, dans la liste des grossistes que vous avez donnée, il y a... à part Jean Coutu, les autres sont plus autour de 6 % et plus que 5 %. Il y a juste Jean Coutu qui est à 5 %. Le groupe qui est venu nous voir aujourd'hui, c'est un groupe ontarien qui dit qu'eux autres, 5 %, il n'y a pas de problème. Si je comprends bien ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y a peut-être pas de problème pour eux autres, mais c'est parce qu'ils ont des avantages dont ils ne nous ont pas parlé, puis peut-être que l'erreur qu'on a faite, c'est de ne pas leur en parler non plus, là. J'aurais pu. Mais le fait est qu'ils ont des avantages. Moi, j'aurais aimé ça comprendre un peu, là, la patente, là, justement des avantages. Les rabais de volume puis les ristournes, là, comment ça fonctionne, dans votre industrie, là?

Mme Martin (Denise): Bien, en ce moment, là, dans notre industrie, il n'y a plus de ristournes.

M. Charbonneau: Non, mais, au Québec, ça va, mais ailleurs, là.

Mme Martin (Denise): Ah, ailleurs, en Ontario...

M. Charbonneau: En Ontario.

Mme Martin (Denise): Bon, bien, les compagnies pharmaceutiques, entre autres les génériques, peuvent faire verser d'énormes rabais volume pour avoir un privilège.

M. Charbonneau: Énormes, ça voudrait dire quoi, par exemple?

Mme Martin (Denise): Bien, ça peut aller chercher... Écoutez, moi, je ne suis pas en Ontario, là, alors je vous parle de ouï-dire.

M. Charbonneau: Non, non, mais vous connaissez assez ça, depuis 1990, là.

Mme Martin (Denise): Oui, bien, c'est ça, mais je vous parle de ouï-dire. Moi, je n'ai jamais vu les chèques, je ne les ai jamais eus, mais on parle de probablement de 35 % à 40 %.

M. Charbonneau: 35 % à 40 % de rabais?

Mme Martin (Denise): Les génériques.

M. Charbonneau: Sur les génériques?

(Consultation)

M. Charbonneau: Parce que dans le fond ils se rattrapent sur les innovateurs ou... Non, c'est parce que les grossistes, eux, ont la capacité justement de faire ces rabais-là.

Mme Martin (Denise): Mais, là encore, avec les innovateurs, il y a aussi moyen d'aller chercher des primes d'efficacité, des frais d'entreposage pour volume, pour grosses commandes.

M. Charbonneau: Expliquez-nous donc un peu, là, comment ça marche, le système, je dirais, la patente, là, pour être un peu plus dans le langage populaire, là, ce système de rabais de volume, là. Autrement dit, en Ontario, une grosse pharmaceutique peut inciter un grossiste à prendre ses produits plutôt qu'un autre en lui accordant jusqu'à 30 % de rabais ou d'avantages financiers?

Mme Martin (Denise): Jusqu'à 30 %... En tout cas, sûrement jusqu'à 45 % et 50 % pour les pharmaciens, un pharmacien qui passe une pilule Apotex versus un Novopharm. Mais on le voit au Québec... Au Québec, c'est le gouvernement qui a décidé... qui a négocié, O.K., nos frais de distribution ou les revenus qu'on reçoit des compagnies génériques, et c'est 5 %. Et selon moi, en Ontario... Parce que, nous, autrefois, on en recevait. Il y a des compagnies qu'on recevait 8 %, et 9 %, et 10 %, alors j'imagine qu'en Ontario ils sont encore à 8 %, 9 % et 10 %. Et nous aussi, au gouvernement du Québec, c'est le gouvernement du Québec qui détermine les frais de distribution ou qui fait soumissionner les frais de distribution des compagnies, et c'est 5 %. La plupart des compagnies sont à 5 % ou en bas de 5 %.

M. Charbonneau: Si je vous ai bien compris, entre deux choix, c'est-à-dire entre le fait d'avoir, disons, la possibilité d'être à 7,15 % plutôt qu'à 6 % ou encore à 5 %, par rapport à avoir un marché complètement ouvert et puis d'avoir, comme en Ontario, la possibilité d'avoir des rabais volume, vous préférez malgré tout l'approche qu'on avait ici puis qu'on a encore ici, là?

Mme Martin (Denise): Moi, je dois vous avouer ? puis c'est bien personnel ? je préfère être maître de mon avenir, en ce sens qu'en ce moment on est passablement coincé.

M. Charbonneau: On pourrait dire qu'on a un même espoir, mais...

Mme Martin (Denise): Oui, mais pas au même niveau.

M. Charbonneau: À une dimension plus large.

Mme Martin (Denise): Mais, en le disant, M. Charbonneau...

M. Charbonneau: Le collectif étant un peu différent, mais...

Mme Martin (Denise): M. Charbonneau, moi, je ne fais pas de politique, alors, en le disant, j'ai...

M. Charbonneau: C'est correct. Non, non, mais, écoutez, c'est dur pour moi de résister à la tentation, hein, vous comprendrez.

Le Président (M. Copeman): Mme Martin, ça, plus le commentaire de baisser les salaires des députés, là, vous êtes très, très proche à vous faire couper la parole, là. Allez-y, M. le député.

Mme Martin (Denise): Non, mais ce que je voulais dire, c'est que c'est beaucoup plus facile, dans le monde des affaires, d'être... en tout cas d'avoir entre les mains plusieurs composantes pour réussir à faire notre rentabilité. En ce moment, le prix d'acquisition des médicaments est fixé, notre prix de vente est fixé. Le seul contrôle que j'ai, c'est les dépenses. Alors, si vous me faites choisir, bien... En tout cas, nous, les fabricants, j'imagine qu'il y a moyen de... Mais, le jour où on va avoir des ristournes des fabricants, là, le gouvernement va dire: Mais c'est épouvantable, c'est tout de l'argent que, nous, on paie, on devrait payer moins cher nos médicaments. C'est ça, la logique en ce moment, de dire: Le PVG, c'est le prix le plus bas.

M. Charbonneau: Oui, parce que finalement on a un régime public ici, là, qui... Comme vous disiez tantôt, l'argent est plutôt aux fabricants qu'aux grossistes, parce que dans le fond, dans ce milieu-là, c'est les grosses pharmaceutiques multinationales qui sont les...

Mme Martin (Denise): Disons que leur marge bénéficiaire est nettement plus élevée que la nôtre.

M. Charbonneau: Mais ce que vous nous dites, c'est que, si on avait à frapper sur quelqu'un, on serait mieux de frapper sur ceux qui ont les poches pleines.

Mme Martin (Denise): Ah! M. Charbonneau, moi, je ne frappe jamais sur les autres, j'essaie d'abord de me débrouiller par moi-même. Ce que je dis toujours: Ce que les autres ont, ça ne m'enlève rien.

M. Charbonneau: Mais ce que je comprends, c'est que vous n'aimeriez pas ça, en tout cas, être les dindons de la farce, c'est-à-dire que vous n'aimeriez pas que les entreprises québécoises, en bout de piste, soient celles qui soient les plus pénalisées par rapport à une politique qui ferait en sorte que finalement ce seraient les entreprises canadiennes, ou ontariennes, ou même américaines qui tirent leur épingle du jeu dans le monde des grossistes, là.

Mme Martin (Denise): Je n'en ferais pas une notion de Québécois, Ontariens, Américains, mais j'en ferais...

M. Charbonneau: Non, mais je regarde votre liste, là, c'est vous qui avez fait l'identification de la propriété d'entreprises.

n(16 h 40)n

Mme Martin (Denise): Oui, mais c'est simplement pour démontrer que, s'il y en a qui ont des marges un peu plus basses, c'est peut-être parce qu'ils ont d'autres choses en arrière.

M. Charbonneau: Ça, je comprends. Mais, je veux dire, moi, je suis député du Québec, puis vous comprendrez mon souci du collectif québécois, c'est ma priorité. Alors, c'est clair que je n'ai pas tellement le goût de tirer dans les pattes d'entreprises du Québec, surtout si la conséquence, c'est de faire en sorte qu'ils soient déclassés par des concurrents de l'extérieur du Québec.

Mme Martin (Denise): Merci, M. le député.

M. Charbonneau: Ça va, M. le Président, je pense qu'on a fait une bonne discussion.

Le Président (M. Copeman): Excellent. Alors, Mme Martin, Me Cardin, Me Beaupré, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de McMahon Distributeur pharmaceutique inc. J'invite les représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

 

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons Mme Rousseau et M. Ouellet, du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec... Et madame. Oh boy! Je pensais que c'était simple, hein, deux personnes, une masculine, une féminine, et là...

Mme Drolet (Marie): ...Drolet.

Le Président (M. Copeman): Madame?

Mme Drolet (Marie): Marie Drolet.

Le Président (M. Copeman): Mme Drolet. Merci. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires de 20 minutes, chaque côté de la table. C'est la fin d'une longue journée, mais vous avez entièrement notre attention pour une heure de temps. Alors, je ne sais pas qui...

Mme Rousseau (Ginette): ...commencer?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Rousseau.

Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale du Québec (RRASMQ)

Mme Rousseau (Ginette): Oui. Bonjour à tous les membres de la commission. On est heureux d'être ici pour vous faire part de nos commentaires. Peut-être d'abord un petit rappel sur qui nous sommes. Le regroupement a été fondé il y a 22 ans. C'est un organisme à but non lucratif qui regroupe 112 ressources communautaires alternatives en santé mentale réparties sur l'ensemble du Québec. Ces ressources à taille humaine, imbriquées dans la communauté, engagées socialement, se distinguent par la qualité de leur accueil, par leur polyvalence et par leur structure qui favorise des rapports égalitaires entre les personnes. Ces ressources sont des centres de crise, des groupes d'entraide, des ressources thérapeutiques, des lieux d'hébergement, des maisons de transition, des centres de jour, des ressources de réintégration au travail et des services d'écoute téléphonique. Le regroupement prône une vision globale de la personne et une façon autre d'accueillir la folie, la souffrance et la détresse, visant l'appropriation du pouvoir des personnes. Nous travaillons aussi à créer des alliances avec l'ensemble des partenaires tant du communautaire que du réseau public.

Pourquoi parler d'une politique de médicaments aujourd'hui? Bien, d'abord, le regroupement travaille avec des personnes utilisatrices de médicaments et des intervenants afin de développer des pratiques alternatives pour contrer la surmédicalisation des problèmes sociaux. Nous sommes aussi accompagnés par une équipe de recherche et action en santé mentale et culture dont le nom est ERASME, constituée de 11 chercheurs académiques provenant de six universités dans des disciplines diverses. Cette équipe travaille avec le regroupement depuis plus d'une dizaine d'années afin de documenter les pratiques. D'ailleurs, Mme Drolet, chercheure communautaire, vous parlera des résultats d'une recherche que le ministère de la Santé et des Services sociaux a financée.

Comme nous ne sommes pas prophètes dans notre pays, une petite parenthèse sur ce côté innovateur de nos pratiques: on nous interpelle souvent à l'international, la Suisse, la Belgique et la France ont reçu beaucoup de documentation sur nos projets.

n(16 h 50)n

Quant à mon expérience, j'ai travaillé plus de huit ans dans une ressource alternative d'entraide, en Chaudière-Appalaches, en milieu rural. J'ai côtoyé plusieurs personnes qui prenaient de nombreux médicaments et qui arrêtaient soudainement sans en parler à personne, car la stigmatisation et les préjugés sont très forts dans un milieu rural. Cela s'avérait plutôt catastrophique pour la plupart des personnes, car elles devaient être hospitalisées à nouveau pour de longues périodes. Devant tant de souffrance, je me sentais très impuissante, car, comme vous pouvez vous en douter, les problèmes de santé mentale sont complexes, et les personnes sont souvent face à une impasse, avec comme seule avenue la biopsychiatrie. Pourtant, le mouvement communautaire a développé de nombreuses pratiques alternatives, autres ? liens d'entraide, écoute, psychothérapie, diminution de facteurs liés à la pauvreté, développement de tissu social des communautés ? pour répondre aux divers besoins des personnes et pour éviter la médicalisation des problèmes sociaux.

Finalement, nous avons suivi les travaux de la commission depuis mai, et nous ne reprendrons pas toutes les recommandations de notre mémoire, en page 18, qui ont aussi fait l'objet de commentaires pertinents d'autres groupes. Nous voulons tout de même souligner l'importance de l'accessibilité aux médicaments pour toute la population comme un droit fondamental en matière de santé, aussi la nécessité de mettre en place un régime universel d'assurance médicaments. Et nous saluons l'initiative de M. Couillard, mercredi dernier, d'accorder la gratuité aux prestataires d'aide sociale, mais nous le pressons de le faire le plus rapidement possible et surtout d'élargir à toutes les personnes à faibles revenus. Nous voulons souligner aussi le remplacement de la règle des 15 ans par celle de 10 ans, comme en Ontario.

Finalement, un petit mot sur la réalité des femmes en psychiatrie. On remarque que, même si les femmes sont surreprésentées en psychiatrie et qu'on prescrit davantage de médicaments et de tranquillisants, il est assez troublant de constater que ce projet politique gouvernementale est silencieux face à la santé mentale des femmes. Il faut que des recherches soient entreprises sur l'abus de médicaments, sur la surmédicalisation des femmes et que des solutions de remplacement aux médicaments soient favorisées.

D'autres groupes ont présenté des mémoires sur les aspects pharmacologiques et économiques du médicament, on vient d'en entendre. Pour notre part, notre expertise en santé mentale nous amène à présenter aujourd'hui le point de vue des personnes utilisatrices de médicaments. Deux autres organisations nationales, L'R des centres de femmes et l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale, avec nous, totalisant plus de 250 organismes, appuient notre démarche cet après-midi. Nous nous attarderons donc principalement au chapitre III du document de la politique, sur l'utilisation optimale des médicaments, qui nous est apparu une proposition intéressante, que nous appelons, dans notre milieu, la gestion autonome de la médication. J'invite donc Jean-Nicolas Ouellet à vous en parler. Il a une bonne expérience terrain, il a travaillé dans un groupe d'entraide de la sous-région nord de Montréal où il a pu noter une surmédicalisation pour de nombreuses personnes venant fréquenter sa ressource après un séjour en psychiatrie.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Alors, d'entrée de jeu, je vous dirais que le regroupement se réjouit de constater que le ministère mise sur l'utilisation optimale de la médication. En fait, notre regroupement a intégré ce concept depuis près de cinq ans dans son manifeste. En effet, nous avons développé une approche que nous nommons gestion autonome de la médication. Nous restons cependant perplexes de constater que le ministère, qui finance ce projet pilote, ne l'ait pas inclus dans sa Politique du médicament. Notre expérience de la recherche-action qui se déroule en Gaspésie et dans le nord de Montréal démontre que cette démarche est prometteuse. Le ministère est d'ailleurs en possession du rapport d'étape sur ce projet.

Comme professionnels, nous avons accueilli la demande des personnes qui voulaient parler de leur rapport à la médication. J'ai vu des personnes s'en remettre totalement à leur médication, d'autres, au contraire, cesser de la prendre à l'insu de leur médecin et souffrir des conséquences d'un arrêt brutal. Pourquoi des personnes en quête de soulagement, en voie de rétablissement cessent-elles brusquement de prendre ce qui leur est prescrit? Comment expliquer, en partie du moins, qu'un grand nombre de Québécoises et de Québécois décident ainsi de mettre fin à leurs jours?

Une piste de réflexion que nous poursuivons est l'accueil qui est fait à la souffrance. La personne qui entre en psychiatrie ? et je le sais d'expérience personnelle pour l'avoir fait ? éprouve une détresse infinie et une souffrance énorme. Pourtant, son expérience est réduite à un ensemble de symptômes. Le médecin s'attaque aux symptômes plutôt que de s'allier à la personne et d'entendre sa souffrance. Quand on a tout perdu, y compris le désir de vivre, que nous reste-t-il? Il ne nous reste que notre histoire, une histoire qui a échoué et qui s'échoue cette fois à l'urgence de l'hôpital. C'est tout ce qui nous reste, et c'est ce que l'on ne veut ni voir ni entendre. C'est dans notre histoire pourtant, aussi sombre, triste, errante et solitaire qu'elle soit, que l'on retrouve l'espoir. Faire taire l'histoire d'une personne, c'est éteindre son espoir. Les gens qui sont rendus au bout de leur souffrance sont des gens de parole qui se jurent de s'en sortir ou d'en finir. Accueillir cette parole est le premier geste qui redonne de l'espoir. Quand on a une histoire, on a le matériau qui nous donne du pouvoir pour changer le présent et l'infléchir vers quelque chose qui mérite de s'appeler avenir. Quand on a ne serait-ce qu'un peu de pouvoir, alors on a aussi de l'espoir.

Mais, dans le réseau public, l'accueil de la souffrance est presque strictement biomédical. Il n'y a pas d'individu mais un ensemble de symptômes. Violés, battus, arrachés, dépossédés, abandonnés, pour tout ce qui se vit, pour tous ceux et celles qui le vivent, la même réponse: les médicaments.

Alors, comment sont perçus ces médicaments par les personnes à qui on leur promet qu'ils seront la réponse universelle à tous les maux de leur âme, au mal de vivre lui-même? Pour y répondre, je mettrai de côté, mais pas trop loin, mon expérience personnelle, ce que j'ai vu ou vécu, et j'appellerai à mon aide des chercheurs chevronnés. Ces chercheurs nous apprennent à reconnaître l'importance des dimensions symboliques de la médication. Consommer des psychotropes représente toujours quelque chose pour la personne, pour son entourage et la société. Ils peuvent représenter le soulagement comme ils peuvent représenter un constant rappel de leur souffrance. Cette complexité témoigne de l'importance d'approfondir à partir d'autres points de vue les pratiques entourant la médication utilisée en psychiatrie. Déjà en 1992, la psychiatre Cécile Rousseau écrivait, et je cite: «Il faudrait qu'on puisse utiliser les médicaments de façon créatrice, comme des instruments adaptés à chaque personne. Le problème principal qui empêche que la médication devienne un instrument réside dans le rapport de force inégal où le corps médical possède le savoir sur les médicaments. Ce que la personne ressent ou pense face à la médication n'a pas un poids égal.» Fin de citation.

Lorsque l'on travaille auprès des personnes ayant un problème de santé mentale, comme je l'ai fait pendant les sept dernières années, une plainte fréquemment formulée est celle où les personnes se sentent gelées, incapables de ressentir, donc incapables de prendre en main leur rétablissement. Ce genre de situation rend parfois chroniques des problèmes qui pourraient autrement être transitoires ou encore amène la personne à cesser brusquement la prise des médicaments pour enfin ressentir ses émotions. Parfois, l'arrêt est commandé par le fait que les effets secondaires de ces médicaments sont tout à fait insoutenables.

La Politique du médicament nous dit, en page 40: «Bien que la responsabilité première de l'utilisation optimale des médicaments repose sur le trio patient, médecin et pharmacien, elle ne se limite pas à ces trois acteurs.» Nous rejoignons totalement cette affirmation. Nous y croyons depuis plus de 10 ans, c'est pourquoi nous avons développé une approche, l'approche de la gestion autonome de la médication. Elle a été bâtie à partir de la demande des personnes à qui les médecins prescrivent des médicaments psychotropes. Les personnes directement concernées par leur santé mentale, en plus des médecins, pharmaciens, professionnels des réseaux publics et des organismes alternatifs et communautaires, unissent leurs efforts afin de faire en sorte que la médication et le contexte de prescription n'empêchent pas la personne de reprendre du pouvoir sur sa vie et qu'elle favorise le rétablissement. De plus, tel que l'exprime la Politique du médicament, cette démarche permet d'établir une relation de confiance entre la personne et son médecin. La gestion autonome de la médication va encore plus loin, en ce sens qu'elle développe une relation renforcée avec des professionnels du réseau public et des organismes alternatifs qui accompagnent cette personne.

Toutefois, nous constatons que le projet de politique passe malheureusement sous silence le rôle que les organismes alternatifs peuvent jouer. Nos organismes alternatifs en santé mentale offrent aux personnes la possibilité d'un rétablissement qui va au-delà du seul contrôle des symptômes visé par une thérapie médicamenteuse. Nous ne pouvons croire que le ministère de la Santé et des Services sociaux entend arriver à l'utilisation optimale des médicaments simplement en comptant les pilules et leur prix, et en distribuant des dépliants, et en faisant des annonces à la télévision. 10 années d'expérience et de recherche sur le terrain nous ont montré que le but d'une utilisation optimale des médicaments auprès des personnes ayant un problème de santé mentale ne peut être atteint que lorsque la personne est au centre des décisions qui la concernent, lorsqu'elle est partie prenante de son traitement. Pour être fidèle à son traitement, elle doit être fidèle à elle-même, à son expérience, à ce qu'elle ressent. Le ministère n'arrivera donc pas à ses fins pour ce qui est de l'utilisation optimale de la médication avec les moyens qu'il propose.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux nous citait, dans cette enceinte, Hippocrate, qui disait dans sa grande sagesse: La vie est courte, l'art est long. Nous avons mis des années à développer une façon de faire qui soit efficace tout en étant respectueuse tant des personnes que de ceux et de celles, professionnels, qui leur viennent en aide.

n(17 heures)n

La question est fort complexe, et voici un petit peu pourquoi. On a entendu d'ailleurs ici les médecins nous dire... Si les médecins ont peur de se faire enlever leur droit au diagnostic en révélant l'intention thérapeutique aux pharmaciens et si les pharmaciens sont venus ici nous dire aussi qu'ils ne se sentent pas impliqués dans la thérapie médicamenteuse de leurs clients faute d'information, alors imaginez comment se sent la personne qui est atteinte des problèmes de santé mentale, au milieu de ça. Dans le triangle patient-médecin-pharmacien, la personne concernée au premier chef devient celle dont on tient le moins compte. Notre expérience nous montre qu'il faut, au contraire du silence soumis, un dialogue entre la personne et le monde médical.

D'ailleurs, je citerai d'autres grands auteurs, le Sénat canadien, qui nous disaient, dans leur rapport daté de novembre 2004, sur les problèmes de santé mentale, Problèmes et options pour le Canada: «Les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie sont aussi victimes de discrimination et de rejet par les fournisseurs de services tant dans le réseau de la santé mentale que dans le réseau de la santé en général[...]. C'est certainement de la discrimination lorsqu'une personne atteinte d'une maladie mentale est systématiquement traitée différemment d'une autre qui en est exempte.» Fin de citation. C'était vrai en 1992 pour moi; cela était vrai pour les sénateurs en novembre 2004; cela était vrai, encore cet été, auprès des gens avec qui j'ai travaillé. Toutefois, ce dialogue entre le monde médical et la personne qui a des problèmes de santé mentale ne peut s'établir sainement que si la personne est informée et que si elle trouve face à elle des professionnels désireux de l'accompagner dans cette démarche.

C'est pourquoi nous proposons que le ministère encourage et soutienne la diffusion de la formation-sensibilisation à la gestion autonome de la médication, à l'échelle du Québec, pour les intervenants et intervenantes tant des réseaux publics que des organismes communautaires. Et nous pouvons faire cela car nous avons développé l'expertise de la gestion autonome de la médication et celle de son transfert de connaissances. Nous avons d'ailleurs participé à un dîner-conférence, qui a été diffusé dans cinq centres hospitaliers du Québec, sur la gestion autonome de la médication, afin d'ouvrir des espaces de dialogue autour de la médication psychiatrique; nous avons formé des gens des CSS... de deux CSS, pardon, du nord de Montréal; nous allons bientôt le faire pour la région de Chaudière-Appalaches; et j'ai rencontré des étudiants de première année de médecine à l'Université de Montréal. Cette approche a fait ses preuves, comme le montre la recherche universitaire qui nous accompagne. Une des contributions importantes au développement de cette pratique est l'apport que l'équipe de recherche ERASME nous a donné.

Et je passe donc la parole à Marie Drolet, chercheure communautaire, qui parle beaucoup moins vite que moi.

Mme Drolet (Marie): Comme mes collègues vous ont dit, l'équipe de recherche ERASME est impliquée dans le projet pilote depuis ses débuts. Donc, la participation permet d'alimenter la réflexion à travers la littérature scientifique pertinente et de documenter et évaluer les outils d'information ainsi que les nouvelles pratiques qui sont mises en place. Sur le plan méthodologique, nous adoptons l'approche qualitative. Des entrevues en profondeur sont réalisées auprès d'usagers des ressources et d'intervenants.

Je vais vous faire part des principaux résultats d'une recherche en cours évaluant l'impact de cette approche, qui a été réalisée auprès d'une vingtaine d'usagers de nos ressources qui ont entrepris, à travers l'approche de la gestion autonome de la médication, qu'on appelle GAM, un questionnement autour de la médication. Donc, nous avons été frappés par la richesse des propos des personnes interviewées. Elles nous parlent longuement de la place que la médication occupe dans leurs vies, de ses limites et des conditions dans lesquelles elle devient un outil favorisant leur mieux-être, ainsi que ce que la GAM signifie pour elles. De plus, elles décrivent de façon détaillée les diverses stratégies qu'elles ont développées afin de se doter d'une médication qui leur convient ou de la réduire, leur médication.

À travers cette approche et les principes qu'elle met de l'avant, ces personnes en sont venues à réaliser qu'elles ont leur mot à dire concernant le traitement qui leur est prescrit et qu'elles sont des actrices à part entière dans leur rétablissement. Par exemple, une personne nous a dit: La GAM, c'est être capable de prendre ses propres décisions, faire ses choix, avoir une vision de la chose autre que juste la petite pilule magique; ça te redonne du pouvoir sur ta vie. À partir du moment que tu es capable de prendre des décisions, tu as fait un bon pas en avant.

Un des moyens mis en place dans le cadre de cette approche pour aider les personnes à prendre davantage en main leur traitement consiste à leur donner accès à de l'information sur leurs médicaments. La recherche a démontré que la grande majorité des personnes interviewées ont une bonne connaissance de leurs médicaments et des ressources où elles peuvent obtenir des renseignements sur cette question, tels que le pharmacien, des livres de référence, comme le compendium des médicaments, le Guide critique des médicaments de l'âme, aussi, ou l'Internet.

Le fait de mieux connaître ses médicaments permet à la personne de mieux comprendre la façon dont ils agissent sur elles et d'identifier plus facilement la présence d'effets secondaires. Par exemple, une des personnes interviewées nous a dit: La GAM, c'est de connaître les médicaments que tu prends, c'est de regarder si tu as des problèmes, que ce soit de sommeil, certains problèmes qui surviennent, tu regardes si ça fait partie des effets secondaires, et là tu peux en discuter. C'est de connaître vraiment ton médicament pour pouvoir dealer avec. Cela permet aussi aux personnes de se sentir davantage outillées pour négocier leurs médicaments avec leur médecin.

D'ailleurs, une autre des principales constatations de notre recherche, c'est que la majorité des participants sont suivis par des médecins avec qui ils ont établi un véritable dialogue autour de la médication. Ils affirment pouvoir discuter avec leur médecin de leurs craintes face à leurs médicaments, de l'impact de ceux-ci sur leur état. De plus, plusieurs ont obtenu le support de leur médecin dans leur processus de diminution de leurs médicaments; d'autres ont réussi à faire remplacer un médicament par un autre qui leur avait réussi par le passé ou qui leur fait moins peur au niveau de ses effets physiques ou sur le plan symbolique ? comme disait Jean-Nicolas, l'aspect symbolique, c'est important aussi, là, dans la motivation de prendre ses médicaments. Ces personnes semblent donc s'affirmer face à leur médecin, et ceux-ci semblent respecter, enfin certains plus que d'autres, leurs demandes.

L'ensemble des personnes qui ont participé à l'étude tentent de se doter ou ont réussi à se doter d'une médication qui leur convient donc tant au niveau de son impact sur leur vie quotidienne qu'au niveau de ses effets physiques et de sa signification. Par exemple, une personne a refusé de prendre une médication qui nécessite une prise de sang hebdomadaire, car cela nuirait à la possibilité d'avoir un emploi à temps plein, ce à quoi elle aspire. Donc, ce processus de diminution ou d'ajustement de la médication est plus difficile pour certaines personnes que pour d'autres, et ceci pour diverses raisons, tels que la nature des problèmes de santé mentale, le type de médicament consommé, le rapport avec le médecin, l'accès à des alternatives de traitement, dont la psychothérapie, le support dont elles bénéficient, leurs conditions de vie, etc.

J'aimerais aussi vous faire part rapidement de quelques constatations d'une recherche en cours d'analyse et dont le rapport sera publié sous peu, portant sur la phase du projet pilote GAM qui vise l'élargissement de nos pratiques aux partenaires de deux régions pilotes. Des activités de formation GAM, des dîners-conférences, des comités de travail GAM ont été mis en place et ont rejoint une variété d'acteurs du champ de la santé mentale, donc des médecins, des psychiatres, des psychologues, des intervenants, des usagers, puis tant du communautaire que du réseau public.

Le Président (M. Copeman): Mme Drolet, juste vous signaler amicalement, il vous reste une minute.

Mme Drolet (Marie): Une minute, d'accord. O.K. Donc, les résultats de cette recherche... bien c'est ça, mais ce que je pourrais vous dire, mettons, brièvement, c'est qu'on constate que ces activités-là ont eu un impact sur la pratique des intervenants tant du réseau public que du communautaire. Parce qu'on a fait des entrevues auprès de plusieurs intervenants, et on constate que, c'est ça, ça leur a permis d'être plus vigilants face à la médicalisation des problèmes sociaux. Donc, certains intervenants ont dit qu'ils allaient questionner la médication pour traiter des problèmes qui pourraient être traités autrement puis qui auraient intérêt à être traités autrement, là, bon, des problèmes qui sont liés, comment je pourrais dire, à des situations de vie tels que des deuils, ou des problèmes conjugaux, ou des pertes d'emploi.

Puis une autre constatation aussi, c'est qu'on s'est rendu compte que les intervenants maintenant vont prendre plus de temps pour écouter le rapport que les personnes établissent avec les médications. Parce qu'avant ils disaient, bon, que ça, ça relevait seulement du médecin, mais ils se rendent compte que les personnes en parlent de plus en plus, parce qu'elles sont de plus en plus médicamentées puis aussi parce que les rendez-vous avec les médecins sont de plus en plus rares. Donc, les intervenants prennent le temps d'écouter, puis, à ce moment-là, vont référer la personne vers des ressources d'information, puis les aider aussi à bien être en mesure, je veux dire, de s'affirmer face aux médecins. C'est ça.

Le Président (M. Copeman): O.K., merci. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. Ouellet, Mme Rousseau, Mme Drolet, pour votre présentation et votre visite. Je vous dirais qu'il me semble que nos visions respectives de l'utilisation optimale ne sont pas tellement différentes, malgré votre perception, et il s'agira peut-être de la corriger dans la version finale du document. Mais, nous aussi, on table sur l'éducation de la population; nous aussi, on table sur le comportement de la personne qui demande des services comme étant aussi inquisiteur, lorsqu'il est question de médicaments, qu'il ne l'est lorsqu'il est question d'une chirurgie, par exemple. J'utilise souvent la comparaison où on devrait poser autant de questions lorsqu'on se fait donner une prescription que lorsqu'on se fait proposer un acte chirurgical; et en général ce n'est pas le cas. Vous avez raison d'adopter une attitude, je dirais, de lucidité face à la médication, sans toutefois ? je crois comprendre la teinte générale de votre présentation; sans toutefois ? la rejeter en bloc, parce que la médication a aussi des effets bénéfiques, et c'est important de maintenir ça.

n(17 h 10)n

Je voudrais vous parler spécifiquement de la question de la stigmatisation puis de la confidentialité, parce que c'est particulièrement important pour les personnes recevant des soins de santé mentale, au sujet de toute la question de l'intention thérapeutique. Dans votre document, vous semblez vous opposer au transfert de l'intention thérapeutique notamment dans les contextes de santé mentale. Encore faut-il mentionner qu'il n'est pas question pour nous de le rendre obligatoire, ce transfert, c'est selon le jugement du médecin et, je suppose, avec le consentement du patient que ça se ferait.

Mais pourquoi peut-on soupçonner que le pharmacien serait un professionnel moins éthique que le médecin quant à la confidentialité ou au respect du secret professionnel? Il me semble qu'il y a autant de qualités inhérentes aux professions d'un côté ou de l'autre, là.

Mme Rousseau (Ginette): Bien, peut-être juste un petit élément, je n'aurai probablement pas toute la réponse à cette question-là, mais, entre autres, en milieu rural, il faut voir que les pharmaciens sont installés dans des comptoirs où plusieurs personnes circulent. Et il y a énormément de gens qu'on côtoyait qui, à cause de la stigmatisation et des préjugés, bien allaient chercher leurs médicaments à 40 ou 50 km plus loin, parce qu'ils ne voulaient pas être reconnus, parce que finalement tout le monde a accès à l'information dans la pharmacie, là. Il faut voir un peu les comptoirs, comment c'est organisé. Ce qui fait en sorte que pour nous il y a un problème éthique important à ce niveau-là, de par l'information.

Et aussi je pense que les systèmes informatiques d'information qui circule, bien il faut voir que souvent il y a beaucoup de peurs reliées à tout cet aspect-là, parce qu'il y a souvent de l'information qui... Il faut juste voir les gens qui sont pénalisés dans leurs assurances collectives parce qu'ils ont eu des problèmes de santé mentale ou encore qui n'ont plus droit à des assurances, par rapport à leur hypothèque, parce qu'ils ont eu des problèmes de santé mentale. Je pense que, comme société, il y a encore beaucoup de préjugés par rapport aux gens qui ont des problèmes de santé mentale, et ce qui fait que tout ce qui concerne la confidentialité, bien ça a des répercussions importantes dans la vie des gens. C'est peut-être ce petit élément là que je pourrais amener autour de ça. Voulez-vous rajouter?

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Oui, parce que, quand on parle de la stigmatisation, ça reste longtemps. Cet été, j'ai eu le plaisir, pendant mes vacances, de recevoir de notre assureur collectif une lettre me disant que je n'étais pas assuré, si j'avais quoi que ce soit qui avait rapport encore au problème de santé mentale, de burnout. Et on a la job pour être, hein... pour prendre soin de nous! Alors, pour ce qui est de burnout ou d'épuisement professionnel, etc., non, moi, je ne suis pas couvert, j'ai déjà quelque chose là-dessus. Ça a aussi d'autres incidences, le fait que ce soit connu ici, de différentes manières.

En milieu un peu plus rural, on sait, bon, toute la discrétion qu'il peut y avoir dans les caisses populaires, etc. Donc, tout le monde dans le village le sait, tout le monde le sait, partout, ça. Il y a des gens un peu parfois, qui pourtant ont des bons emplois... Rappelez-vous, le député Bernard disait ici, dans cette pièce, à la Commission permanente des affaires sociales, vous étudiiez à ce moment-là la loi n° 56 sur l'exercice du droit des personnes handicapées et d'autres dispositions ? le titre est bien long ? et il vous disait, il répondait à Guy Plourde, quelqu'un que je connais bien: L'année dernière, je me suis acheté une maison, effectivement je n'ai pas eu d'assurance hypothécaire parce que le gars, il a fait un burnout, et il a encore une job où il pourrait peut-être faire un burnout, peut-être, mais il en a fait un, donc il a été faillible et il est marqué. C'est la même chose, on a tous ça.

Mais imaginez qu'en plus... que l'intention thérapeutique, on met autre chose, comme par exemple le symptôme hallucinations. Alors, la personne qui arrive avec son petit papier qui dit: Regardez, monsieur, j'ai ça à prendre comme prescription, puis en même temps, bien, j'ai mal au cou peut-être un petit peu, y a-tu quelque chose que je pourrais prendre? Bon, il hallucine-tu ou c'est vrai? La crédibilité, elle est... Quand on a des problèmes de santé mentale, c'est le cerveau qui est atteint, selon ce que l'on croit. Alors, où est le siège du jugement chez l'être humain, d'après ce que l'on croit? Le cerveau. Le cerveau est malade, le jugement est malade, la personne n'a pas de crédibilité. C'est aussi simple que ça, l'équation très brutale que je viens de vous dire qui se passe dans la tête des gens qui sont là.

Et, oui, dans le système de la santé, je le sais pour l'avoir vécu, ça a été dit chez les sénateurs ? ce n'est pas moi qui y est allé, mais... ? oui, les professionnels ont... les pharmaciens sont des professionnels qui ont autant d'éthique que les médecins, que tous les autres, j'en suis convaincu, mais ils sont aussi faillibles que tous les autres humains. Et, si on leur donne l'intention thérapeutique, si on leur donne les symptômes précis, je ne suis pas sûr qu'on va être reçu exactement de la même façon, que ce soient ces professionnels-là ou d'autres qui finissent toujours par avoir le petit papier. Parce que ce n'est pas vrai, la discrétion dans les pharmacies. C'est un grand comptoir, et tout ça, là. L'aire de confidentialité, qu'ils appellent, là: deux petits panneaux en plywood, là. Voyons donc! Bon. Iriez-vous faire notre NIP de la banque derrière ces deux petits panneaux là, vous? Non. Mais on va aller dire la maladie mentale de laquelle on souffre. Bien voyons!

M. Couillard: Il y a plusieurs classes de médicaments en santé mentale, bon: les anxiolytiques, les antipsychotiques, les antidépresseurs, le lithium. Quelle est la classe de médicaments qui est le sujet de plus de représentations, en général, de la part des personnes? Est-ce qu'il y a une classe de médicaments spécifique, ou c'est distribué également dans l'ensemble de la pharmacopée, là, qui s'adresse à la santé mentale?

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Mais les gens peuvent en recevoir énormément. C'est entendu que ce qui est donné le plus à notre connaissance, de ce que l'on voit bien, c'est les antidépresseurs, alors tout ce qui dérange, tout ce qui... bon, parfois à la demande même des gens qui vont chercher l'antidépresseur. C'est rendu simple, hein? Moi, je trouve ça pratiquement criminel, le panneau qu'on a vu sur l'autoroute, en sortant de la ville, ce matin. Le Canal Vie s'annonce, la fille avec une barre de chocolat: Ah! Antidépresseur. C'est tellement rendu banal de prendre des antidépresseurs, ça n'a pas de bon sens. Les antidépresseurs, ce n'est quand même pas une molécule banale qui... Elle n'a pas d'innocuité comme telle, elle n'est pas nécessairement toxique, mais c'est rendu banal de prendre des antidépresseurs, on en parle comme si de rien n'était.

Ça, il y en a beaucoup, pour tous les problèmes de la vie. On sait que toutes les étapes de la vie des femmes ont été prises en charge par la psychiatrie, par la médecine en général et par la psychiatrie en particulier. Alors, avancer en âge pour une femme, il y a toujours une pilule qui correspond à quelque chose qui vous arrive, bon. Parce que c'est payant, c'est la moitié de l'humanité. Donc, il y a quelque chose là qui peut être payant pour nos amis les pharmaceutiques. Mais quels sont statistiquement les médicaments les plus vendus, etc.? De mémoire comme ça, je suis beaucoup trop nerveux pour vous le rappeler.

M. Couillard: Pas les plus vendus, ça, nous autres, on les a, les statistiques.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): O.K. C'est beau, ça. Alors, pourriez-vous répondre? O.K.

M. Couillard: La classe des médicaments qui font le plus l'objet de revendications, ou de plaintes, ou de... si ça existe, là, de la part de la clientèle, des personnes qui ont des...

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Présentement, moi, ce que j'ai vu dans ma pratique, si je peux le dire ? mais il y en a qui sont plus à jour que moi, ils pourraient peut-être le dire, dans nos supporteurs dans la salle ? bon, c'est bien sûr les antipsychotiques, qui ont des effets secondaires épouvantables. On n'a qu'à penser au Zyprexa qui devait sauver l'humanité en remplaçant le méchant haldol, vieux et ancien, plein de... Bon. Les gens prennent un gain de poids épouvantable. Alors, prenez une personne qui engraisse... Et j'en connais un qui a 26 ans; en un an, il a engraissé de 60 livres. Il lui reste une paire de pantalons à mettre sur le dos. Il a 26 ans, il n'a plus de blonde, il n'en aura pas. Il n'aime pas son corps, il n'aime pas son apparence. Il a de la misère à fonctionner, à bouger, à marcher; il ne fait plus de sport, il ne fait plus rien. Il se trouve laid, mais on lui dit: Bravo, tu n'hallucines plus. Oui, mais c'est quoi qui lui reste comme vie, là? Ça arrive autant à des hommes qu'à des femmes, cette prise de poids épouvantable là.

On n'a qu'à penser aussi à ceux qui donnent des effets secondaires très fatigants. Les tremblements, c'est gênant d'aller à la banque ou d'aller à quelque part si on à signer. Pourquoi que l'on tremble comme ça? Une personne qui est jeune qui a des réflexes parkinsoniens incontrôlables, c'est épouvantable. Et tous les autres... l'ensemble des autres symptômes qui peuvent arriver avec ce genre de médicaments là, qui sont socialement difficiles à vivre, là.

Mme Rousseau (Ginette): Je pense qu'un des aspects qu'on voudrait attirer votre attention, c'est toute la question de la médicalisation des problèmes sociaux. Je pense que, dans la Politique du médicament, il y a espace pour informer davantage, éduquer. Parce que, comme société, c'est très à la mode de prendre des médicaments. Il y a comme quelque chose là où il faut développer autre chose, parce que je ne pense pas que c'est la voie pour avoir une population en santé. On n'est pas contre les médicaments. Oui, c'est une béquille. Oui, pour certains, à certains moments, c'est important, ils nous le disent très bien. Pour certaines personnes, ça leur a sauvé la vie, les médicaments, mais, pour d'autres, ça les a pratiquement tués aussi, parce qu'ils ont fait des tentatives de suicide, ça a été très difficile, parce que le sevrage des médicaments, c'est quelque chose de très difficile pour la plupart.

Ce qui fait en sorte que tout l'aspect dont vous parlez dans la Politique du médicament, sur l'éducation, pour nous, ça nous apparaît une piste fort intéressante et importante, essentielle dans une politique du médicament où il faut absolument que les gens soient mieux informés pour être partie prenante de leur traitement.

M. Couillard: Et je terminerais là-dessus, M. le Président. Prenons l'exemple des antipsychotiques et un cas hypothétique: une jeune personne qui se présente chez le médecin, qui reçoit un diagnostic où l'usage des antipsychotiques est indiqué. Dans les expériences que vous avez faites et que vous faites de gestion thérapeutique autonome, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui est différent de ce qui arriverait sans ça par rapport à ce qui va arriver si on utilise cette méthode-là, dans le concret? Expliquez aux citoyens qui vous écoutent la différence entre les deux.

n(17 h 20)n

Mme Rousseau (Ginette): Mon Dou! On a deux spécialistes juste derrière nous, parce qu'il y a deux intervenants qui sont du 388 ? je ne sais pas si vous connaissez Le 388, c'est une ressource alternative qui est située ici, à Québec, et puis qui est en lien avec l'Hôpital Robert-Giffard ? et ils travaillent justement avec des jeunes psychotiques. Je suis sûre qu'ils aimeraient beaucoup témoigner de leur expérience. Ça fait déjà plus de 20 ans qu'ils existent, et ils travaillent justement avec des jeunes, beaucoup en thérapie psychanalytique, mais avec des jeunes qui ne prennent pas beaucoup de médicaments. Ils travaillent beaucoup en art, en création, d'autres façons pour ces jeunes-là de s'exprimer. Mais, en tout cas, ce pourrait être fort intéressant en tout cas de prendre connaissance un peu de ce que Le 388 fait, parce qu'ils sont reconnus internationalement mais très peu au Québec, ce qui fait que c'est quand même une ressource, là, qui a beaucoup d'expérience, là, avec des jeunes psychotiques justement. Et leur expérience est très positive, là, plusieurs des jeunes retournent sur le marché du travail. Il y a quand même, là, beaucoup d'étapes, mais ils pourraient vous en parler longuement, je pense.

M. Couillard: Oui, j'ai entendu parler de ce groupe à Robert-Giffard.

Mme Rousseau (Ginette): Oui? Oui, O.K., vous les connaissez?

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Pour vous répondre, je pourrais essayer de schématiser un petit peu. Dans un premier temps, par exemple, la personne entre et elle n'est pas... Ou, Marie, voulais-tu le faire? Oui, elle va vous répondre. Vas-y.

Mme Drolet (Marie): Non. Bien, ce que je voulais dire en fait, c'est qu'évidemment ce qu'on déplore, c'est que, dans le réseau public, les personnes, elles n'ont pas vraiment de place pour expliquer leurs histoires personnelles finalement. C'est qu'on leur donne une médication, puis ça s'arrête là. Mais la souffrance, c'est important de savoir d'où elle vient, c'est ça, puis c'est lié bien à l'histoire personnelle, puis c'est important que les gens puissent donner sens à cette souffrance-là puis trouver des stratégies aussi qui sont vraiment en lien avec leurs valeurs, avec leur mode de vie. Puis, c'est ça, les ressources alternatives, bien c'est ce qu'on fait finalement, c'est qu'on écoute beaucoup les gens. Puis, la médication, oui, peut aider à soulager un peu la souffrance, enlever les plus gros symptômes, mais c'est ça, c'est d'accompagner, là-dedans, la personne dans le développement de ses propres moyens, pour composer avec ce qui lui arrive, là.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Lorsque la personne arrive dans la... Je vais schématiser pareil mon exemple, je tiens à le dire. Alors, dans un premier temps, si vous prenez la personne qui arrive à l'hôpital et qu'elle n'est pas entourée, qu'elle n'est pas dans une démarche de gestion autonome de la médication, le traitement qu'elle recevra va faire en sorte de faire taire ses symptômes, de les atténuer le plus possible, nonobstant les effets que cela aura sur le reste de sa vie, c'est-à-dire: Est-ce qu'elle va dormir 12 heures par jour? Est-ce qu'elle va être capable de reprendre des études, être capable de lire un livre?

Je me rappelle une époque de ma vie où j'étais incapable de lire une page complète comme ça. Alors, quand tu sors de l'université, mettons que ça te donne une drôle d'idée de ce que ça va être, ton avenir, alors que, lorsque tu es entouré d'une équipe de gens dans un organisme communautaire, en lien avec les professionnels, etc., à ce moment-là on ajuste la médication de façon à ce que tu sois capable de... oui, que les symptômes diminuent pour qu'on soit capable de vivre mais aussi qu'on soit capable de maintenir un projet de vie, d'être capable de s'occuper de soi-même, de ne pas dormir 12, 14 heures par jour, mais d'être capable aussi d'avoir un projet de vie, d'être entouré de gens pour avancer.

C'est ça qui est la différence, c'est qu'on ne fait pas que s'attaquer aux symptômes, on essaie de faire en sorte que la personne récupère quelque chose qui ressemble à une vie. Oui, on peut compter les pilules, ça en prend moins, mais le coût humain est extraordinairement moins élevé dans le deuxième cas que dans le premier.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs, c'est assez extraordinaire, parce qu'hier je recevais à mon bureau de comté des gens justement de la clinique 388 et du Groupe interdisciplinaire freudien de recherches et d'interventions cliniques et culturelles, pour un problème dont sans doute le ministre a entendu parler. Mais j'en profite pour lui dire... C'est-à-dire qu'à un moment donné il y a eu un problème de financement de cette clinique-là et il y a eu, à un moment donné, un questionnement de Robert-Giffard, qui a voulu comme abandonner la clinique, et le ministère est intervenu et a demandé à ce qu'il y ait une évaluation qui se fasse. L'évaluation a été très positive, et le ministère, à ce moment-là, a donné un mandat de trouver soit une nouvelle institution ou une autre façon puis de faire un nouveau contrat avec le groupe. Puis, depuis cinq ans, on attend toujours finalement qu'il y ait une conclusion. Alors, je le signale au ministre, parce que j'imagine que, l'ampleur des dossiers qu'il a à traiter, il n'a peut-être pas eu l'occasion de se pencher sur cette question-là, mais j'en profite pour lui signaler ça puis l'inviter à regarder ça de près, parce qu'effectivement cette clinique-là est de renommée internationale, et c'est une expertise québécoise extraordinaire.

Et, d'une certaine façon, moi, j'adhère totalement à votre discours à l'effet que, bon, il faut que les gens finalement prennent en charge leur propre réalité le plus possible, donc qu'ils soient informés, et que, bon, souvent on anesthésie la douleur ou la souffrance, et que c'est un passage obligé. Je veux dire, si on souffre, c'est peut-être ça qui nous amène éventuellement à faire une démarche. Bon. Il faut dire, au Québec, puis le ministre le sait sans doute parce qu'il a préparé une politique... ou un énoncé de politique sur la santé mentale, mais un des problèmes qu'on a, c'est qu'on n'a pas assez de ressources en santé mentale: les psychologues, les psychanalystes, les psychiatres qui font de la psychothérapie. Parce que les psychiatres qui donnent des pilules, ça, c'est la monnaie courante, mais des psychiatres qui prennent le temps de faire de la psychothérapie, parce que ça, c'est moins payant, parce que ça prend une heure, ça... Tu en vois moins, de patients, quand tu prends une heure par patient pour faire une psychothérapie. Quand tu prends 15 minutes puis que tu fais juste des prescriptions de médicaments, tu peux... ça peut opérer pas mal plus vite, hein?

Bon. Ça, c'est clair, je n'ai pas de problème à... Mais, là où j'ai de la misère à vous suivre, c'est que, la semaine passée, il y a le Dr Robert Perreault, de l'Université de Montréal, je crois, qui est venu nous dire que ? et d'autres, il y a un autre groupe, qui sont venus également dans le même sens ? nous dire que, bon, il y avait des problèmes de surconsommation, de sous-consommation dans certains cas, d'erreurs de prescription, de mauvaises évaluations des situations, bon, souvent plusieurs médecins, plusieurs pharmaciens, etc., puis dans le fond c'est qu'on n'a pas un profil récent et complet du patient puis on n'a pas une histoire complète de la réalité médicamenteuse des gens... Puis vous dites, vous... Et je comprends, là, tu sais, le ministre en a parlé. Vous avez tellement peur d'être stigmatisés que vous êtes prêts peut-être à prendre le risque de perpétuer un système qui finalement joue contre les malades et les patients. Parce qu'à partir du moment où on n'a pas un bon profil de la situation de santé des gens puis qu'on n'a pas une bonne histoire complète médicamenteuse des malades, le fait, c'est qu'on accroît le risque d'avoir des mauvais diagnostics ou des mauvaises prescriptions puis des choses inadéquates.

Est-ce qu'un dans l'autre il n'est pas préférable de prendre le risque, quitte à ce qu'on balise... ou peut-être que, dans la réglementation à l'égard de la façon dont les pharmaciens pourraient avoir à traiter, il y ait des lieux dans les pharmacies... disons, qu'on ait comme une obligation de fonctionnement physique qui ne mette pas en danger la confidentialité, mais, une fois que ce serait réglementé ou obligé, qu'on prenne le risque finalement de donner l'heure juste aux traitants pour que les traités soient mieux traités?

Mme Rousseau (Ginette): M. Charbonneau, une des choses que... Il y a eu des recherches qui ont été faites, des sondages qui ont été faits auprès des gens qui sortaient de crise, et on leur demandait: Qu'est-ce qui vous aurait le plus aidé? Quand vous souffriez, quand vous êtes arrivé à l'urgence, qu'est-ce qui vous aurait davantage aidé? Et on est beaucoup en ce moment dans un système où on essaie d'avoir un système de santé efficace: la bonne personne au bon moment, au bon endroit, alors que les personnes, ce qu'elles nous ont dit: On a besoin d'être écoutées, on a besoin de quelqu'un qui nous écoute, qui est autour de nous puis qui prend soin de nous pour ce moment de crise là. Et ça, je ne pense pas que ça prend tant de sous que ça, je pense qu'on travaille davantage sur des pratiques, sur des façons de faire. Mais la politique en santé mentale est beaucoup sur ça, sur un système très efficace, mais, quand on parle avec les gens, ils ont besoin de raconter leur histoire, ils ont besoin d'être écoutés, et c'est ça qu'on n'entend pas.

M. Charbonneau: D'accord, je vous suis avec ça. Moi, je suis d'accord avec vous qu'on n'écoute pas assez, je veux dire, que dans le fond on n'écoute pas la souffrance ou on l'écoute un peu, puis finalement on prescrit. Bon. Mais, si on veut que la prescription soit moins utilisée... Mais malgré tout elle va l'être à des moments donnés. Alors, quand vous allez vous retrouver dans une pharmacie ou dans un bureau de médecin, si vous voulez que ce qu'on va vous prescrire, on vous en prescrive moins ou qu'on prescrive mieux, est-ce que vous ne devriez pas prendre le risque que l'information sur votre réalité de malade ou de patient soit plus complète, plus adéquate, pour que ceux qui ont la responsabilité de vous traiter, de vous aider le fassent mieux?

Parce que, quand on se fait dire, en commission parlementaire, qu'il n'y a pas un profil récent et complet du patient ? c'est incroyable, là, qu'un chercheur universitaire, médecin vienne nous dire ça ? mais qu'on nous dit aussi qu'il n'y a pas une histoire complète médicamenteuse adéquate... Alors finalement, si on veut que les pharmaciens ou que les médecins fassent bien leur travail, il faudrait peut-être que justement l'intention thérapeutique et l'ensemble des éléments d'information soient accessibles. Vous nous dites: C'est dangereux, parce que finalement la façon dont, dans certains cas, on se retrouve à être reçu, c'est à aire ouverte, et notre dossier, quelque part, est dit à la volée, à tout le monde, parce que normalement le pharmacien, dans un comptoir à aire ouverte, il en traite trois, quatre en même temps, puis, woupelaïe!, les informations, puis là le voisin a compris, dans un petit milieu, ce qui vous arrivait. Bon.

Si on balisait ça, là, encore une fois, si... Je ne sais pas dans quelle mesure... Mais on en balise bien, des affaires, dans... On en a, des règlements, au Québec, sur bien des affaires. Mais, si on obligeait, par exemple, les soignants, puis en particulier les pharmaciens, à faire en sorte de mieux, disons, de mieux protéger la confidentialité, est-ce qu'en bout de piste vous ne devriez pas prendre le pari d'ouvrir l'information plutôt que de militer ou de plaider pour garder, encore là, un manque d'informations ou des informations moins complètes que nécessaire?

M. Ouellet (Jean-Nicolas): C'est une question très intéressante, on se bat ici pour répondre, et c'est moi qui ai gagné.

n(17 h 30)n

M. Charbonneau: Alors, écoutez, allez-y à tour de rôle.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Oui, mais c'est moi qui ai gagné, ça fait que je vais y aller en premier. C'est curieux, hein, mais la base de la relation d'aide, c'est une personne qui est en détresse, qui est en besoin, et elle a en face d'elle une personne qui écoute. C'est ça. Pourtant, quand on parle d'aider quelqu'un qui a des problèmes de santé mentale, quelqu'un qui a une déficience intellectuelle, quelqu'un qui a une grande faiblesse, des personnes âgées, la première chose qu'on veut faire pour aider quelqu'un, c'est la priver de tout ou d'une partie de sa liberté. Ce n'est pas ça, la base de la relation d'aide. Pourquoi une personne qui va chez le médecin pour son pied et qui va déjà chez un autre pour son coeur, pourquoi elle n'amène pas avec elle ses médicaments pour les lui montrer? Pourquoi il faudrait qu'il y ait une police informatique, une carte, une ci, une ça? Pourquoi qu'il n'y a pas cette habitude-là d'amener ses médicaments chez le médecin? Peut-être parce qu'elle sait que de toute façon elle ne sera peut-être pas écoutée. Si cette habitude, elle était là, on amènerait les choses que l'on a à dire et on le dirait. Lorsque la confiance est là dans la relation d'aide, on dit les choses que l'on a à dire. On n'a qu'à prendre les deux, trois petites bouteilles de pilules et on les amène. Pourquoi que c'est...

Je lisais, l'autre jour ? je devais être particulièrement désoeuvré! ? je lisais des comptes rendus de la commission parlementaire, et il y avait quelqu'un qui avait encore un système informatique à vendre, avec des patentes à carte, puis des trucs, et des ci, et des ça. Il y a toujours un vendeur de cossins qui vient nous dire qu'il y a quelque chose qui va nous aider, et que tout ce qui est sur nous va se promener un peu partout, et, mon Dieu, tous ceux qui ont eu un ordinateur savent à quel point ça peut boguer n'importe quand. Mais, eux, c'était toujours solide, mur à mur, etc.

C'est la confiance, c'est le dialogue avec le médecin. Je prends les pilules ailleurs, je les amène, je les lui montre. Pourquoi acheter les gadgets à tout le monde? Pourquoi est-ce que tout le monde devrait avoir une cloche dans le cou? Là, on s'en va avec les GPS pour les personnes qui ont l'Alzheimer. Ça venait de chez les prisonniers, mais on peut bien les mettre aussi chez ces personnes-là. On va le mettre partout où ça dérange, chez les gens qui sont un peu différents. Mais pourquoi on doit toujours priver les gens d'une liberté quand on veut les aider, alors qu'on a des fois à les écouter, à mettre des conditions favorables au dialogue, et on va pouvoir les aider? On amène ses pilules d'un endroit à l'autre.

Je vais vous citer, en terminant, un de mes auteurs favoris, d'une grande poésie. Il s'agit du Vérificateur général du Québec, son rapport de 2004, pour l'année 2003-2004. À la page 43, là aussi ? parce que ça, ces chiffres-là, je les ai amenés...

M. Charbonneau: Je vais lui dire que vous trouvez qu'il a une grande poésie dans sa prose.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Ah oui! particulièrement son quatrain 2.114, ici. Alors, le graphique 3, on nous dit le nombre de prescripteurs fréquentés par les participants au régime d'assurance médicaments en 2003. 39 % des gens ont un seul prescripteur; deux en ont 27 %.

M. Charbonneau: 27 % en ont deux.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): 27 % ? pardon, c'est un lapsus.

M. Charbonneau: Évidemment.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Oui, puis, pour la rime, il fallait mettre ça comme il faut, il faut respecter l'auteur. Alors, 27 % des gens ont deux prescripteurs, et 39 % n'en ont qu'un seul. Ce n'est finalement presque seulement que le tiers des gens qui en ont plusieurs, dans des cas extrêmement particuliers. Ils sont déjà très suivis. Oui, il y a des gens qui... pour une petite partie des gens, ça peut être pertinent, mais doit-on pénaliser l'ensemble de la population? Est-ce qu'on doit mettre une cloche dans le cou de tout le monde, là? C'est ça aussi qui commence à devenir un peu particulier.

M. Charbonneau: Oui, mais, moi, je vais vous dire juste...

Mme Rousseau (Ginette): Parce qu'effectivement la réglementation, je pense qu'il faut davantage peut-être s'adresser à tout le problème du lien entre santé mentale et pauvreté. Je pense que les conditions de vie, les logements, tout ce qui est nourriture, les besoins de base finalement, je pense que ça va être une alternative probablement plus profitable à tout le Québec que d'aller dans de la réglementation pour qu'un petit nombre... Parce que c'est vraiment une minorité, il faudrait voir s'il n'y a pas des cas d'exception. Mais je pense que de façon générale effectivement on prône davantage que les gens soient mieux informés, et qu'eux-mêmes fassent les démarches, puis s'adressent à leur professionnel de la santé, et expliquent à leur professionnel de la santé leur situation, plutôt qu'un système efficace où tout va être réglementé et...

M. Charbonneau: Écoutez, moi, je vous suis, je n'ai pas de problème. Je suis sceptique sur l'envers de la médaille, c'est-à-dire, je ne crois pas, moi, que vous allez régler le problème facilement en faisant en sorte que les gens puissent amener leurs petites pilules à la maison. Tantôt, on a eu un autre groupe, là ? chez le médecin ? tantôt on a eu un autre groupe qui nous ont parlé des difficultés de l'information auprès des personnes, par exemple, âgées, en haut de 50, 55 ans, «âgées» étant un...

Une voix: C'est relatif.

M. Charbonneau: ... ? tout étant relatif, là ? et des difficultés de faire en sorte que les comportements changent. La réalité, là, c'est que, demain matin, là, ça ne changera pas si vite que ça, malheureusement, à moins qu'on mette des sommes considérables en prévention, pour l'information. Moi, je crois qu'il faut que les patients, les malades soient informés, mais à l'inverse il faut que les traitants soient informés. Et là où je ne vous suis pas, malgré ce que vous venez de dire, c'est que je n'ai pas l'impression que vous mesurez les bienfaits en tout cas d'un meilleur accès à l'information pour ceux qui traitent... pour les médecins et pour les patients.

Vous dites: Faites attention à la confidentialité pour les effets de la stigmatisation, mais, si on peut amoindrir d'une façon significative les dangers ou les effets de la stigmatisation, est-ce que, sans aller à l'encontre de ce que vous dites mais en ajout, il n'est pas préférable que finalement on puisse faire en sorte qu'on ait un profil récent et complet du patient puis qu'on ait aussi une histoire plus complète, médicamenteuse, rapidement à la disposition de ceux qui traitent?

Mme Drolet (Marie): Moi, ce que je voulais dire dans le fond, c'est, si les gens sont surmédicamentés, c'est souvent aussi la pratique médicale qui est en cause. Les médecins ne sont souvent pas suffisamment bien informés des médicaments puis, comme disait... Dans la politique, on parle de l'importance d'avoir des formations qui soient objectives, parce que c'est ça, le problème, aussi. C'est que les médecins sont principalement formés par les compagnies pharmaceutiques, puis, c'est ça, c'est absolument essentiel d'avoir des informations... je veux dire, d'avoir des formations critiques, qui sont plus objectives.

M. Charbonneau: Oui, mais on ne parle pas de la même chose, là. C'est vrai...

Mme Drolet (Marie): Oui. En tout cas, moi...

M. Charbonneau: Que les médecins soient mieux informés... Le ministre le disait lui-même, qui est un médecin, que finalement les prescripteurs... la prescription n'est pas toujours très rationnelle, hein, bon, sans compter que l'information médicale ou scientifique fait défaut si les gens ne sont pas en formation continue au maximum. Bon.

Mais, ceci étant dit, faisons l'hypothèse... il reste qu'au-delà de la connaissance scientifique du médecin ou du pharmacien, si vous lui cachez, volontairement ou involontairement, une partie de votre réalité de santé puis médicamenteuse, comment vous voulez qu'il soit très efficace? C'est ça, l'enjeu, aussi, là.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): L'enjeu, c'est que, si... Il y a le droit de savoir et il y a le besoin de savoir. Vous me parlez beaucoup du besoin de savoir. Moi, ce que je regarde... je vais retourner encore le vingt-cinq cents que... l'envers de cette médaille-là. Une personne, par exemple, a été victime d'un viol il y a deux ans. C'est dans son histoire, ça fait partie de son portrait, le pourquoi du comment. Cette semaine, elle s'en va pour une otite à l'hôpital. Est-ce qu'elle a besoin de savoir? Est-ce que le médecin qui va la recevoir a besoin de savoir ça? C'est quoi? Quand on dit qu'on va mettre l'histoire de la personne dans ce dossier-là, ça va jusqu'où, l'histoire? Ça remonte jusqu'où? Prenons les personnes de 55 ans et plus, ici, que vous trouviez vieilles tout à l'heure, est-ce que, pour...

M. Charbonneau: C'est une erreur d'expression, parce que je suis très vieux, à presque 56 ans, là.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Bon, d'accord. Prenons des gens beaucoup, beaucoup plus âgés que ça et qui auraient un problème de dysfonction sexuelle... de dysfonction érectile. Est-ce qu'on a le goût, lui, à chaque fois qu'il va pour son mal d'oreille, son mal de dent, que ça fasse partie de son histoire? Peu importe l'âge, à un moment donné, la stigmatisation, ça peut se vivre avec bien d'autres problèmes. Qu'est-ce qu'on met dans cette histoire-là? Qu'est-ce qu'on doit traîner partout, tout le temps? C'est ça qui est un problème, monsieur. C'est qu'on nous dit toujours qu'on va tout mettre là-dedans. À un moment donné, oui, on veut aider, mais on va peut-être nuire aussi, là.

M. Charbonneau: Je pense que, dans l'intention que j'ai comprise, il ne s'agit pas nécessairement de tout mettre, mais il s'agit de mettre suffisamment d'informations pour pouvoir faire en sorte, sans nécessairement que vous ayez à mettre les points sur les i et les barres sur les t, que vous ayez un portrait plus exact. En fait, moi, là, si je me retrouve comme patient, là, comme malade ? on l'est tous à un moment donné ou l'autre, là ? alors j'aime mieux que mon médecin ou que mon pharmacien ait l'heure juste puis qu'il ne se trompe pas parce que je lui aurais caché, même, je veux dire, de bonne foi, des informations que je ne pensais pas important qu'il ait et qu'il aurait dû avoir. Et, quand je me fais dire par un médecin comme le Dr Perreault, ici, en commission parlementaire, que ça, ça a des conséquences graves sur beaucoup de gens, je ne peux pas faire comme s'il ne me l'avait pas dit puis que ce n'était pas vrai, là.

M. Ouellet (Jean-Nicolas): Oui, ça, je vous comprends, mais, à un moment donné, moi, je me demande pourquoi le médecin n'a pas fait le tour comme... Je vais chez mon dentiste encore récemment, et elle me demande: Prenez-vous tel médicament, tel médicament, telle chose, telle chose? Pourquoi ne prend-il pas le temps de le faire, le médecin, avant de faire son acte de prescription? Il y a ça aussi qu'il faut prendre comme habitude, là, se parler. C'est une relation d'aide. Alors, que le professionnel parle, fasse le tour de la question, avec un petit aide-mémoire s'il le faut, et la personne va cliquer. Qu'on prenne l'habitude, comme citoyenne et citoyen, d'amener tout ce qu'on a à amener chez le médecin, donc d'amener les médicaments aussi que l'on a à apporter, puis qu'il puisse les regarder, puis il verra bien si c'est pertinent ou pas avant de signer sa prescription.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Rousseau, M. Ouellet, Mme Drolet, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

Et là-dessus j'ajourne les travaux de la commission jusqu'au jeudi 1er septembre 2005, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 40)


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