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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, November 22, 2005 - Vol. 38 N° 172

Consultations particulières sur le projet de loi n° 124 - Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 124, Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Charest (Rimouski) va être remplacée par Mme Caron (Terrebonne); M. St-André (L'Assomption) par M. Valois (Joliette). Voilà.

n (9 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues, ainsi qu'aux membres du public présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les séances de la commission. Je vous prierais, tous ceux qui en font usage, de bien vouloir les mettre hors tension. Je signale également aux membres du public présents que la présidence ne peut tolérer aucune réaction de leur part, aucune manifestation d'appui, d'approbation ou de désapprobation pendant la tenue des séances de la commission.

Alors, nous avons un horaire assez chargé ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec le premier groupe; le deuxième sera l'Association des garderies privées du Québec, autour de 10 h 30; et, à 11 h 30, l'Association des enseignantes et enseignants en technique d'éducation à l'enfance, pour une suspension à 12 h 30, autour de 12 h 30. Il est également prévu que nous siégions cet après-midi, mais les ordres de la Chambre vont nous indiquer exactement l'horaire précis.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au Pr Tessier ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Bienvenue à cette commission.

Je vous rappelle nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et, compte tenu de l'horaire chargé, je suis assez sévère avec l'utilisation du temps, malheureusement. Et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, professeur, je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite de débuter votre présentation.

M. Réjean Tessier et Mmes Lucie Monaghan
et Daphnée Desrochers-Longchamps

M. Tessier (Réjean): Bonjour et merci. Je vous présente Mme Lucie Monaghan, qui est coordonnatrice du CPE du Château de sable, à Québec, et Mme Daphnée Desrochers-Longchamps, qui fait un travail de coordonnatrice du volet Garde en milieu familial, et elles sont présentes aujourd'hui pour parler spécialement d'un exemple réussi d'intégration des CPE dans la gouvernance de la garde en milieu familial. Il y aura des implications pratiques par la suite que nous pourrons discuter.

Mme la ministre, en 2004, vous avez signé un document, un plan d'amélioration continue de la qualité des services de garde intitulé L'engagement qualité. On y retrouve des mises au point, des objectifs qui vous honorent, et j'en cite quelques-uns: la qualité des services est non négociable; il est essentiel que chaque service de garde offre des services qui répondent minimalement aux mêmes standards de qualité, et ce, partout au Québec, dans tous les services de garde et sur toutes les facettes du développement des enfants. Cela concerne tous les acteurs, notamment les parents, à qui vous concédez, vous donnez une responsabilité de vigilance, qui doivent donc être présents. La dimension de la qualité que vous présentez inclut notamment une dimension éducative, et vous en parlez comme ayant un programme éducatif, donc vous préconisez un programme éducatif, le programme qui permet d'assurer une qualité d'ensemble et nécessite la mise en place d'un processus d'amélioration continue. Donc, nous étions assez à l'aise avec cet engagement qualité et nous croyions vraiment que vous aviez l'intention de le mettre en place, ce processus d'amélioration continue. Quand nous avons lu la loi, le projet de loi n° 124, nous avons eu cependant quelques surprises dont on va vous faire part maintenant.

Alors, nous avons d'abord eu un certain malaise face à votre engagement qualité, puisque vous avez enlevé du texte la notion de programme éducatif ? je sais que ça vous achale un petit peu ? pour la remplacer par celle beaucoup plus floue de démarche éducative ? ce n'est pas qu'une question de concept, vous le verrez tout à l'heure ? et vous avez également suggéré d'enlever les trois quarts du personnel de soutien éducatif pour la garde en milieu familial.

Ce que nous avons compris de votre projet de loi, c'est que le projet visait à promouvoir la qualité des services de garde au Québec ? on est tout à fait d'accord ? de répondre aux besoins de conciliation travail-famille ? je pense qu'on est également tout à fait d'accord.

La vision du projet de loi. On a cherché, un bout de temps, quelle était votre vision et on n'a trouvé qu'une vision économique, finalement, c'est-à-dire d'économiser de 40 à 50 millions par année, soit une économie d'environ 3 % sur l'ensemble du budget de 1,5 milliard par année.

Les enjeux principaux du projet de loi, c'est la mise en veilleuse de l'implication des CPE dans la gouvernance de la garde en milieu familial, l'établissement des bureaux coordonnateurs pour la garde en milieu familial, la réduction de l'investissement de l'État dans un service préventif prioritaire à la petite enfance. Conséquences et impacts prévus: baisse de la participation des parents usagers, réduction du soutien aux services de garde en milieu familial et isolement progressif des éducatrices et éducateurs ? on reviendra sur ce terme-là ? transformation d'une approche communautaire et participative en une approche permettant une prise de profits et ingérence possible du gouvernement dans la gestion du CPE. Je ne lis pas l'article, on réfère à l'article 7, alinéa 6°.

Maintenant, juste pour prendre une certaine distance, je voudrais comparer un peu la position du Québec et la position du Canada en regard des services éducatifs à la petite enfance. Cette section met en relief la position récemment adoptée par les responsables canadiens, sans le Québec, en regard de l'organisation des services de garde offerts à la petite enfance. Cette position canadienne fut toutefois inspirée par l'organisation des services de garde au Québec. Nous suggérons maintenant que le Québec s'en inspire pour bonifier son projet de loi n° 124.

Donc, ça s'est passé en novembre 2004, des ministres des gouvernements fédéral et provinciaux se sont réunis et ont convenu de quatre principes sur lesquels appuyer la création du nouveau système de garde, de services éducatifs de garde à l'enfance, qu'on retrouve sous l'acronyme QUAD, qui correspond à ? je crois que vous le connaissez certainement ? qualité, universalité, accessibilité et aspect développemental, qu'on doit préconiser dans les services de garde.

J'insiste sur le terme de qualité. Et, en référence à ce document-là, quand on parle du document, de la qualité, en fait ? mes hésitations sont que je coupe un peu pour arriver dans notre temps ? on parle du mode de gouvernance et du statut juridique. Les études montrent que les services, dans un système de gestion sans but lucratif, sont supérieurs à ceux d'un système à but lucratif. Une lettre signée par plus de 35 organisations et instituts canadiens, et pas n'importe lesquels, invite, de façon explicite, les gouvernements du Canada à la prudence. On y dit que la prestation publique et sans but lucratif est plus susceptible de donner lieu à des services de garde de grande qualité, transparents, stables, et qu'à l'inverse un manque de restrictions dans les programmes de financement privé peut créer le risque d'une prise de contrôle des services de garde par les grandes entreprises. Cette constatation a également été reprise en conclusion de la vaste étude du NIH, une grosse étude américaine du NIH. Alors, je pense que ce sont déjà des points importants qui annoncent un peu notre position sur la notion de qualité.

Je passe quelques pages, que vous aurez certainement l'occasion de lire, et je vais simplement vous apporter trois types de données probantes qui concernent notre propos. Le premier concerne la qualité du milieu de garde, le deuxième, la participation des parents, et le troisième, un point plus particulier qui concerne les responsables de garde en milieu familial.

En ce qui concerne la qualité du milieu de garde, je pense que je vous ai déjà donné quelques éléments. L'évidence issue de la recherche principale ? et je ne parle pas seulement que de notre recherche, je parle de la recherche qui est faite un peu partout dans le monde, principalement en Amérique du Nord, incluant le Québec ? est que le temps passé en service de garde a une influence sur le développement des enfants. Bon. On s'entend tous là-dessus. Beaucoup de temps passé dans un milieu pauvre et non stimulant cependant réduit les chances des enfants, réduit leurs opportunités de développement, et à l'inverse le temps passé dans un milieu qualitativement riche produit des gains à court et à long terme chez les enfants, et ces effets sont encore plus évidents chez les enfants issus de familles économiquement défavorisées. Alors, on pense, là, en termes de taux de diplomation, de décrochage scolaire, de moins de grossesses adolescentes, moins de délits graves, etc. Donc, ce sont des études de longue haleine, de plus de 25 ans qui ont été faites et qui arrivent à ces conclusions-là qui ne sont certainement pas négligeables.

Au Québec, vous savez, à partir des deux études qui ont été publiées récemment, depuis deux ans, qu'il y a des différences entre le type de garde offert aux enfants et aux familles, que, dans les CPE en général, même si on n'est pas encore avec un niveau de qualité extrêmement élevé dans la majorité des CPE, le niveau moyen est plus élevé et beaucoup plus élevé que dans les services de garde à but lucratif, régis ou non régis. Ceci rejoint tout à fait les données qui sont publiées par les grandes études internationales. Alors, il faut faire attention à ce milieu-ci, à ce point-ci.

n (9 h 50) n

On note également que les garderies à but lucratif qui sont dans des milieux moins bien nantis ressemblent plus à leurs milieux que les CPE dans lesquels il y a un programme éducatif pour tous et qui est le même. Donc, c'est un point extrêmement important quand on veut valoriser les services offerts aux enfants et donner une égalité des chances aux enfants.

Je terminerais peut-être ce point en disant qu'au Québec une majorité d'enfants font face, dès leur naissance, à une grande incertitude à savoir qui prendra soin d'eux et dans quelles conditions. Qui prendra soin d'eux ne regarde pas votre ministère, mais dans quelles conditions, ça concerne directement votre ministère pour une bonne partie d'entre eux. Les parents ont et auront, si votre projet de loi n'est pas modifié, entre zéro et cinq ans, une probabilité élevée d'être soumis à des conditions de soins de qualité variable. Il y a plus de la moitié des chances que les enfants ne soient pas dans un environnement optimal, et ça, Mme la ministre, ça nous apparaît extrêmement important.

La deuxième évidence concerne, je pense, la participation des parents. On est tous d'accord pour dire que le rôle des parents reste primordial pour les enfants qui fréquentent un système de garde extrafamilial. Leur implication dans l'organisation de services et leur accord avec le système de valeurs sont des composantes majeures dans la réussite éducative des enfants. Et là on aura de nombreux exemples en discussion, si vous le souhaitez, Mme la ministre, à vous donner à cet égard-là.

Donc, au Québec, selon les mêmes sources citées précédemment ? je parle donc des deux enquêtes auxquelles on réfère ? la qualité des services offerts, dans son ensemble, est plus grande là où les parents sont plus impliqués. Les parents sont davantage présents que dans les services de garde à but lucratif dans les décisions relatives à la gestion, par leur majorité des deux tiers dans les conseils d'administration. Le projet de loi n° 124 compte diminuer la participation des parents dans les CPE et ne prévoit pas de place pour eux dans la structure des bureaux coordonnateurs, sauf la vague référence qu'on y fait à l'article 41, alinéa 5°.

Enfin ? je termine ? les responsables de garde en milieu familial. Les données issues de recherches nous disent que bien sûr au Québec, au Canada, et dans le reste du monde, tout le monde a mis en évidence que, pour aller plus loin, pour élever les standards, il faut développer des services de garde de grande qualité mais aussi donner aux parents l'opportunité d'utiliser ce type de services dans leur environnement propre, autrement dit des services de garde de qualité équivalente dans leur environnement propre. Et je fais référence à ce que je disais tout à l'heure, où certains types de services ont tendance à prendre la teinte défavorisée dans des environnements socioéconomiques plus défavorisés.

Je vais tout de suite céder la parole à Lucie Monaghan ? et on reviendra sur nos recommandations précises à la fin ? qui va vous donner un exemple de conciliation CPE-service de garde en milieu familial et également par la suite, éventuellement, une estimation des coûts et une proposition concrète.

Mme Monaghan (Lucie): Alors, en 1996, le gouvernement annonçait les nouvelles dispositions de la politique familiale afin de mieux répondre aux nouveaux besoins des familles et ainsi mettre les enfants au centre de ses préoccupations. À la création des centres de la petite enfance, l'obligation de se diversifier représente l'enjeu principal de ces nouvelles mesures. Pour nous, CPE du secteur de la haute-ville, reconnaître de nouvelles RSG dans notre secteur s'avérait plutôt utopique, la majorité des milieux familiaux étant déjà affiliés à d'anciennes agences de garde. Notre clientèle risquait d'être difficile à recruter. C'est alors qu'a germé l'idée d'un regroupement de CPE pour la gestion de la garde en milieu familial nous permettant ainsi le partage d'expertises, le partage des frais reliés à la gestion, un lieu d'échange privilégié pour les directions au niveau de la gestion de la garde en milieu familial mais également par ricochet pour l'installation.

Les CPE du Château de sable, Coopérative Saint-Jean-Baptiste, Feu Vert, Passepoil et Sophie unissent leurs efforts afin de développer la garde en milieu familial en partenariat. Chaque CPE est responsable des places qui lui sont octroyées. L'autonomie de gestion des conseils d'administration est préservée. Une coordonnatrice et une conseillère pédagogique sont embauchées pour les cinq CPE. Le bureau est installé dans les locaux du CPE du Château de sable, et tous les frais inhérents à la gestion du milieu familial sont partagés.

À la suite des réalisations remarquables de notre association et tablant sur notre expertise, le Groupe CPE Québec, haute-ville dépose, en 2003, une demande d'augmentation de capacité. Comme aucun investissement supplémentaire n'est requis, le ministère décide d'accorder six places supplémentaires à chacun de nos CPE. Notre regroupement compte maintenant un total de 130 places en milieu familial. Nos pratiques confirment notre habileté à gérer davantage de places à l'intérieur de la structure actuelle.

Outre le fait d'offrir une grande diversité, être regroupés pour la garde en milieu familial offre de nombreux avantages. Voici quelques exemples. L'expertise installation et milieu familial est transférable, par exemple l'intégration d'un enfant présentant des besoins particuliers, l'échange de documents pédagogiques et administratifs, partage des ressources humaines, matérielles et financières, lien et soutien personnalisés avec la RSG dans une entité à dimension humaine, uniformité du message pour toutes les RSG, tant au niveau de l'interprétation que de l'application de la réglementation.

Le personnel du milieu familial bénéficie de l'expertise de cinq installations, de rencontres au Regroupement des CPE avec les collègues, et ainsi crée des liens avec la communauté professionnelle. Comme suite au dépôt du projet de loi n° 124, nous réagissons aux éléments qui touchent la garde en milieu familial et représentent des menaces pour la survie du réseau et surtout le maintien de la qualité dans les différents milieux de garde. En lien avec l'article 5, le changement de libellé au niveau de l'application du programme éducatif, remplacé par la démarche éducative depuis 1997, les CPE travaillent à la mise en place d'un programme éducatif. Peu à peu, les milieux familiaux reconnus se sont joints à la démarche, assurant ainsi l'uniformité de la qualité éducative dans les deux modes de garde.

Il serait extrêmement regrettable qu'un nivellement par le bas de la qualité découle de ce changement d'appellation. Le programme éducatif, qui répond parfaitement aux besoins des enfants, assure le développement global et intégré. Une démarche éducative est une appellation ambiguë qui peut laisser place à maintes interprétations. Nous craignons que les enfants soient perdants.

En lien avec l'article 38, la création des bureaux coordonnateurs, et l'article 42, la disparition de la notion d'un maximum de places en milieu familial à gérer par permis, nous croyons alarmant le projet de loi sur les services de garde à l'enfance. Plusieurs points saillants font craindre que son adoption équivaille à démanteler un service public qui déjà ne suffit pas à la demande.

Parmi les éléments qui nous inquiètent grandement, il y a la mise en place de bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial qui selon nous va à l'encontre de la mission éducative du réseau. Comment le bureau coordonnateur pourra-t-il maintenir un service de qualité en gérant plus de 1 000 places? Nous craignons qu'il ouvre la porte à la privatisation et à la commercialisation des services de garde en milieu familial. À notre avis, cela met en péril l'accessibilité et la qualité des services aux enfants et aux familles.

Les CPE, artisans du réseau, ont développé l'expertise du milieu familial tant au niveau administratif que pédagogique. Ils sont les plus qualifiés pour poursuivre la démarche éducative d'une société fière de ses enfants. Hormis l'économie engendrée par la réduction d'intervenants, quels avantages la nouvelle structure offre-t-elle? Qu'adviendra-t-il des milieux à risque où des RSG vivent des problématiques ponctuelles? Les RSG sont souvent isolées et ne peuvent compter sur les collègues de travail. Les coupures budgétaires permettront-elles un suivi pédagogique adéquat?

En lien avec l'article 40, alinéa 1°, l'obligation pour la RSG d'être affiliée avec un bureau coordonnateur de son territoire, et l'article 40, alinéa 7°, offrir un soutien pédagogique et technique sur demande, un lien privilégié, basé sur la collaboration et le respect, s'est créé entre les RSG et leur CPE, permettant un service personnalisé basé sur l'analyse de leurs besoins. La confiance est essentielle pour aider une personne à progresser. Elle se bâtit à l'aide d'échanges faits sur une base régulière. Comment créer un tel lien avec un bureau coordonnateur qui n'offrira du soutien pédagogique que sur demande? Demanderont-elles de l'aide? Dans la structure proposée par la loi n° 124, les enfants des deux modes de garde auront-ils encore droit à des services de même qualité?

Le Groupe CPE Québec, haute-ville croit qu'en poursuivant la mise en place de pratiques socialement responsables, c'est-à-dire une saine gestion des fonds publics et une ouverture au partenariat, nous avons contribué de façon tangible au mieux-être de la communauté, des familles et des enfants. Nous sommes fiers de notre savoir-faire en tant que groupe novateur et nous vous demandons, Mme la ministre, de considérer ce modèle dans votre projet de loi.

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): Lucie a mentionné que le regroupement de cinq CPE a permis l'embauche de deux personnes ayant des fonctions distinctes. J'occupe le poste de coordonnatrice du volet Milieu familial. Mes principales tâches sont d'effectuer les reconnaissances, les évaluations annuelles, les visites à l'improviste, et d'offrir un soutien technique à chaque RSG sur les aspects administratifs, légaux et d'amélioration continue dans la gestion de leurs services de garde. Le programme éducatif actuel est un des principaux outils qui me permettent d'évaluer la qualité des services. J'apporte également un soutien moral et une écoute attentive à chaque RSG.

Quant à la conseillère pédagogique, elle a pour fonction d'offrir un support dit pédagogique. Concrètement, elle conseille les RSG sur des idées d'activité, sur l'achat et la fabrication de matériel peu coûteux, elle apporte un soutien technique et moral lorsqu'une RSG rencontre une difficulté ou une situation problématique avec un enfant, elle soutient la RSG dans la recherche de solutions. La conseillère pédagogique recherche et produit des outils, des documents et des recueils d'information selon les besoins des RSG. Elle utilise le programme éducatif comme outil de soutien auprès de celles-ci. Elle effectue des animations qui permettent aux RSG de visualiser et de vivre de nouvelles activités tout en respectant les principes de base du programme éducatif.

n (10 heures) n

Cette séparation dans nos tâches nous permet de nous spécialiser dans nos champs d'activité et ainsi accroître nos compétences. De plus, pour les RSG, il n'y a pas d'ambiguïté quant à nos rôles respectifs. Notre mode de fonctionnement nous permet de bien connaître les RSG et les enfants. Nous échangeons afin d'évaluer les progrès et les difficultés des RSG ainsi que de dépister les besoins spécifiques en matière de soutien. Nous avons su établir une relation de partenariat avec chaque RSG. Nous avons créé un lien de confiance personnalisé et humain qui permet à chaque RSG de se développer et d'évoluer à son rythme dans le respect de leur unicité dans une organisation à échelle humaine.

Quel est l'intérêt, Mme la ministre, de modifier la loi pour intégrer les bureaux coordonnateurs, alors que la loi actuelle permet déjà d'offrir un service de soutien de qualité aux RSG?

M. Tessier (Réjean): En conclusion...

Le Président (M. Copeman): Il vous reste un peu plus d'une minute, professeur.

M. Tessier (Réjean): C'est très bien. En conclusion, nous vous suggérons, premièrement, de mettre l'enfant au centre de l'agenda. L'enfant, on en entend assez peu parler. À cette fin, nous recommandons que le gouvernement maintienne l'obligation d'appliquer un programme éducatif dans toutes les catégories de services de garde, tel qu'il était annoncé dans le programme que j'ai cité au départ de notre présentation. Que le gouvernement soutienne financièrement l'inclusion des enfants ayant des besoins particuliers en milieu de garde et favorise leur participation sociale durant la petite enfance. Sachant que les services de garde de haute qualité assurent des bénéfices directs aux enfants et des bénéfices à long terme pour la communauté, sachant qu'à l'inverse les services de garde de moindre qualité n'apportent rien aux enfants, bien qu'ils répondent aux besoins de garde des parents, nous recommandons que le gouvernement vise en priorité une amélioration des services existants et mette l'emphase sur les besoins des enfants comme premiers bénéficiaires des services de garde.

Deuxièmement, pour une action intégrée de soutien à la garde en milieu familial, quatre recommandations: que le gouvernement renonce aux bureaux coordonnateurs et maintienne le mandat de gouvernance de la garde en milieu familial en prenant, par exemple, l'exemple qui a été vécu dans le Groupe CPE, haute-ville qu'on vous a présenté juste récemment, maintenant; que le gouvernement demande aux CPE ayant un petit permis au niveau de la garde en milieu familial de faire une gestion regroupée, et ce, à une échelle humaine, garante de la qualité; que le gouvernement identifie un nombre minimum de places au permis et que les CPE aient le choix de se regrouper ou de redonner leurs places à un autre CPE. Les RSG conserveraient ainsi l'opportunité de choisir leur CPE. Et enfin, en maintenant la gestion de la garde en milieu familial dans la structure actuelle des CPE, on réduit l'isolement social des RSG en leur offrant le soutien émotionnel et pédagogique nécessaire, ce que ne semble pas proposer le projet de loi n° 124 avec les bureaux coordonnateurs.

Nous vous invitons donc, Mme la ministre, à, premièrement, mettre l'enfant au centre de votre agenda et de constamment l'y maintenir, malgré toutes les difficultés que ça représente, et de maintenir une égalisation des chances pour les enfants qui fréquentent les services de garde en milieu familial. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, professeur. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tessier, Mme Monaghan et Mme Desrochers. Merci beaucoup de vous être joints à nous ce matin, dans le cadre de cette commission parlementaire.

Je vous dirais, M. Tessier, que ? vous l'avez sans doute entendu en note d'ouverture de cette commission, la semaine dernière ? j'ai justement invité les participants, et en confirmant ma position par rapport aux services de garde, justement de s'obliger à mettre l'enfant justement au coeur de nos préoccupations et de nos discussions. Alors, je pense qu'on se rejoint là-dessus. On a peut-être, à ce moment-ci, certaines divergences sur certains moyens proposés, mais c'est l'objet d'une commission parlementaire de voir comment on peut améliorer...

Vous parlez d'un programme et de démarches. Je sais qu'on en a discuté. J'aimerais entendre de vous... Pour vous, quelle est la différence et quel est l'élément qui peut faire en sorte que ce soit compris d'une façon par un groupe ou non et d'une autre façon par un autre groupe, par rapport à démarches et programme?

M. Tessier (Réjean): Alors, dans un programme ? évidemment, un programme, on sait, tout le monde, ce que c'est ? il y a une définition, il y a un contenu qui est défini, il y a un mode d'application et il y a des règles à suivre donc dans un programme. Je pense au programme qui est actuellement utilisé dans les CPE, je parle du programme qui est appliqué et utilisé dans les classes préscolaires, par exemple, au ministère de l'Éducation.

Quand on parle d'une démarche éducative, le problème, ce n'est pas tellement qu'on sort, on s'éloigne complètement de nos objectifs, mais on laisse la liberté et la possibilité aux personnes qui sont avec un soutien minimal, comme on le voit, ce qui est offert dans la loi, aux personnes d'y aller du mieux qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont. C'est un peu ce qu'ils vont répondre.

Et savez-vous, Mme la ministre, quel est le niveau de scolarité moyen des éducatrices en milieu familial? Est-ce que vous avez des données là-dessus? On n'a pas de données au niveau provincial, nous non plus. Vous en avez peut-être, vous. Mais, vous savez, on a l'impression, à partir de ce qu'on a vu récemment, que le niveau moyen de l'éducation est un peu inférieur au niveau moyen de l'éducation des femmes au Québec et que vous souhaiteriez donc que les personnes avec un niveau de scolarité minimum ? ce qui me paraît tout à fait contraire à ce qu'on a vu sur les journaux ce matin ? avec un niveau de scolarité minimum décident elles-mêmes de ce qu'elles ont le temps de faire.

Vous oubliez qu'elles ont l'obligation maintenant de travailler 10 heures par jour. Après avoir travaillé leurs 10 heures par jour, elles font le ménage, elles nettoient les jeux, elles aseptisent les choses si un enfant est malade dans la garderie, etc. Elles doivent minimalement, entre six et 12 heures, faire un peu de formation annuellement, etc. Mais vous voyez bien que ces personnes-là ont peu de temps pour innover et pour inventer. Le problème qui se pose en fait pour nous, c'est ça, c'est qu'il n'y a pas de guide. Et de plus vous suggérez que l'aide ou le soutien qui va leur être donné va être sur demande. Mais quelqu'un qui travaille 10 heures par jour... Je sais que vous le faites, vous, et que d'autres le font, mais... Dans leur travail et dans leurs propres maisons, leurs enfants reviennent après, lorsqu'elles en ont, leurs maris, lorsqu'elles en ont, et elles sont obligées de composer avec ces dimensions-là et n'ont pas le temps d'inventer. Alors, il y a un risque.

Mme Théberge: C'est ça. Là, c'est parce que je lisais ça dans les... Je pense que, dans les études que vous aviez faites, vous vous étiez penchés plus sur le niveau installation. Le milieu familial, est-ce que vous avez fait aussi des études à ce niveau-là?

M. Tessier (Réjean): Je n'ai pas bien compris votre question.

Mme Théberge: Il me semblait qu'au niveau des études que vous aviez faites vous aviez parlé beaucoup des nivaux installation. En milieu familial, vous aviez moins étudié ou moins évalué. Est-ce que c'est possible?

M. Tessier (Réjean): La qualité des interactions?

Mme Théberge: Oui.

M. Tessier (Réjean): L'histoire remonte à loin. En 1980, j'ai fait une étude avec Richard Cloutier, à Québec, que vous avez rencontré la semaine dernière, sur ce qu'on a appelé l'analyse fonctionnelle des garderies québécoises. On avait noté deux choses. D'abord, évidemment, au niveau de la qualité des interactions, on avait noté que la qualité des interactions était beaucoup fonction de la scolarisation des gens. Deuxièmement, à ce moment-là, on avait peu de données valides sur la qualité des interactions en garderie à but lucratif ? à ce moment-là, vous savez, c'était BL-SBL qui était la dichotomie ? parce qu'on ne pouvait pas entrer dans les garderies à but lucratif, ils ne nous laissaient pas pénétrer, ils ne nous laissaient pas faire d'observations, à ce moment-là. Donc, les données, d'abord elles proviennent de là.

Maintenant, on a pu entrer dans les garderies, et ce que je vous rapporte, moi...

Mme Théberge: Je parle du milieu familial, là.

M. Tessier (Réjean): Pardon?

Mme Théberge: Je parlais du milieu familial.

M. Tessier (Réjean): Non, je parle de milieu familial. Excusez-moi.

Mme Théberge: C'est ça.

M. Tessier (Réjean): Les études, les deux études auxquelles j'ai fait référence, celle d'ELDEQ et Grandir en qualité, rapportent que la qualité des interactions avec les enfants est de moindre qualité, que les niveaux moyens sont différents ? j'ai vu dans d'autres documents qu'il y avait peu de différences sur une échelle de un à quatre, mais ce sont des échelles qui sont quand même significatives et c'est des chiffres quand même assez grossiers ? qu'il y a des différences à ce niveau-là. Il y a aussi des différences, bien que moindres, sur la qualité des interactions avec les parents, et ça, on est d'accord. Quand on a vu ces chiffres-là, on peut accepter ou non l'enquête comme telle, mais c'est ce que les données nous donnent qui ont été répliquées. Et ce sont des données également qui appartiennent à d'autres études, à des grandes études internationales qui ont été faites, pas qu'au Québec.

C'est toujours la question de la capacité, par exemple, pour les personnes, et sans évoquer leur compétence. Je ne veux pas dire que les gens ne sont pas compétents, mais les gens font le mieux qu'ils peuvent. Mais cette qualité d'interaction là... Vous savez, quand on va à l'école, en formation précisément sur l'organisation des services et la qualité des services, on suit des cours, on a de l'information, on fait des exercices, des expériences qui nous montrent une variété... Et la richesse des interactions, disons-le comme ça, est moindre, la diversité des interactions possibles est moindre pour une personne qui a moins appris d'alternatives de comportement pour résoudre des problèmes avec les enfants.

n (10 h 10) n

Mme Théberge: À ce moment-là, vous allez... Excusez-moi de vous interrompre, parce que je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps, mais je voudrais... À ce moment-là, vous allez être d'accord en fait avec nous quand on dit que nous voulons assurer un soutien de proximité accru. Nous voulons assurer aussi... Même, nous avons introduit dans la loi, au niveau de la démarche éducative... Comme je le disais la semaine dernière, à notre avis le mot «démarche» était plus englobant et permettait d'établir tous les programmes par la suite, parce qu'il n'y a pas juste un programme en service de garde, là. Vous faisiez référence, tout à l'heure, à Jouer, c'est magique. C'est un des programmes. Il y a plusieurs programmes en fait qui sont appliqués ou choisis. Alors, ce que le projet de loi propose, c'est un soutien de proximité accru, la démarche éducative introduite dans la loi, avec force légale. Ça, c'est déjà un plus, parce que ce n'était pas là avant. Et les gens ont développé des programmes et on ne souhaite pas nécessairement que les programmes soient normés par ailleurs parce qu'on n'est pas à l'école. Est-ce que les programmes doivent être établis en fonction des besoins, et tout ça? Évidemment, il y a des critères, et tout ça, là. Alors, il faut trouver le juste équilibre. Et c'est intéressant, ce que vous disiez.

J'aimerais parler à Mme Monaghan au niveau du regroupement. Votre modèle, je vais vous dire, ça m'intéresse beaucoup. Vous avez 130 personnes... ou 130 places, plutôt. Alors, au niveau de les regrouper au niveau de tous les CPE, les places en milieu familial, les responsables, vous avez combien de responsables en milieu familial?

Mme Monaghan (Lucie): Nous avons 24 responsables en milieu familial.

Mme Théberge: En milieu familial. Et chacun des CPE donne un soutien ou le soutien vient de chez vous, du regroupement?

Mme Monaghan (Lucie): Le soutien est global.

Mme Théberge: Il est global?

Mme Monaghan (Lucie): Nous autres, on a engagé une coordonnatrice et une conseillère pédagogique, et le partage financier de la charge des salaires de ces employés-là est séparé entre les cinq CPE. Alors, ça nous a permis d'engager du personnel à temps plein, une coordonnatrice à temps plein, qui est avec nous autres depuis cinq ans, qui est Daphnée. Alors, de cette façon-là, on a un soutien, un suivi qui est plus facile à faire que si, moi toute seule, de mon côté, avec mes 26 places, j'avais engagé quelqu'un qui aurait travaillé une journée par semaine puis probablement que je n'aurais pas été capable de garder pendant de longues années parce qu'elle aurait fait un bout d'expérience chez nous puis qu'elle serait allée travailler ailleurs ensuite. Alors, nous autres, on fait un partage financier de...

Mme Théberge: Et, si votre regroupement s'appelait Bureau coordonnateur haute-ville, est-ce que ça ferait une différence?

Mme Monaghan (Lucie): Oui, ça ferait une différence parce que le milieu familial rapporte aussi à l'installation au niveau de l'expertise. En installation, on n'a pas de conseillère pédagogique, on a du personnel qui est formé puis qualifié pour travailler avec la petite enfance. Alors, il n'y a pas de conseillère pédagogique. Par contre, la conseillère pédagogique, ce qu'elle produit pour les responsables de garde en milieu familial est récupéré pour l'installation. Alors, elle fait effectivement du travail pour le milieu familial, mais, ce qu'elle fait, nous autres, on le récupère dans nos installations.

Mme Théberge: Quand on parlait, la semaine dernière, avec différents regroupements... Dans le fond, il y a des choses que je sais depuis près de... depuis que je suis en fait dans ce milieu-là. Il y a beaucoup de liens qui se font entre les services de garde, par exemple, les CLSC ou d'autres ressources locales, communautaires, dépendant des services ou des liens dont on a besoin. Pourquoi le fait d'avoir, par exemple, un bureau coordonnateur... Imaginez que, demain matin, vous appelez le bureau coordonnateur. Pourquoi les liens se briseraient entre les CPE et le bureau coordonnateur? Quelle serait la raison? Y aurait-il une raison, premièrement?

Mme Monaghan (Lucie): Bien, de la façon qu'on voit le bureau coordonnateur, ça devient quelque chose de très gros. Nous autres, on demeure un petit milieu. En fait, on a compris maintenant qu'on était un petit milieu. Ce n'était pas ce qu'on pensait avant. Alors, avec le projet de loi, en ayant 1 000 places, c'est certain que le bureau coordonnateur ne peut plus être dans nos installations. Je ne pense pas qu'il y ait de CPE, dans la région de Québec, qui ait des installations assez grandes pour pouvoir recevoir tout le personnel d'un bureau coordonnateur. Alors, l'expertise ne va pas se partager de la même façon, ça, c'est évident.

M. Tessier (Réjean): Si je peux me permettre...

Mme Théberge: Juste pour préciser, si ça se pouvait, dans le fond, ce ne serait pas quelque chose que vous rejetteriez nécessairement. Parce que ce que je comprends de votre intervention, c'est que ce qui est précieux pour vous, c'est de garder un lien de proximité, le plus près possible, autant de vos responsables en milieu familial que du milieu...

Mme Monaghan (Lucie): De permettre aux parents aussi...

Mme Théberge: ...des parents effectivement en même temps. Alors, c'est dans ce sens-là.

Mme Monaghan (Lucie): ...du milieu familial de siéger sur nos conseils d'administration, là où ils peuvent avoir un pouvoir de décision.

Mme Théberge: Parfait.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Tessier.

M. Tessier (Réjean): C'est ce que je voulais ajouter, personnellement. Une des grosses différences, c'est la participation des parents, la présence des parents dans le processus de décision, dans la gestion, même à distance, de ça. Deuxièmement, on a fait un petit calcul pour savoir combien vous économiseriez, Mme la ministre, et c'est très intéressant de voir qu'avec même un système qui existe maintenant, avec les anciens tarifs, on ferait des économies autour de 36 millions par année, ce qui n'est pas banal, sans rien changer, à peu près, sans inventer un nouveau système, en conservant le contrôle aux parents, et on pourrait comme ça continuer à ce qu'on appellerait, à ce moment-là, améliorer...

On comprend qu'un petit CPE qui engage son propre personnel, ça fait une diversité énorme, et on peut comprendre qu'il y a une perte, à ce moment-là, et que vous ayez voulu la corriger. Mais on pense que l'idée de bureau coordonnateur qui peut être nommé par vous, qui peut être n'importe qui, une personne morale, etc., donne libre cours à quelque chose qui n'était pas prévu, et nous vous invitons à conserver le type de gestion par CPE géré par un comité majoritaire de parents, non pas 51 % mais aux deux tiers, comme c'est actuellement, et peut-être en exigeant une participation de parents utilisateurs en service de garde, par exemple, pour augmenter la sensibilité du conseil d'administration. Mais on ne voit pas très bien, puisqu'avec des économies comparables on sacrifierait quelque chose qui donne des résultats extrêmement vigoureux au niveau du soutien aux familles...

Vous savez qu'un des points des familles en milieu de garde... Est-ce que vous savez... On n'a pas d'enquête sur la santé mentale de ces personnes-là qui sont isolées, par exemple. Ces personnes-là, souvent... Et demandez à Daphnée, elle fait du counseling avec les parents. Les parents sont seuls, les parents sont dans toutes sortes de conditions. Comment résoudre leurs affaires? Et ce n'est pas parce que, dans la loi, on dit qu'elles ont le droit de téléphoner au bureau coordonnateur qu'elles vont le faire.

Mme Théberge: Je vais juste vous arrêter tout de suite, là, parce que ça, ça a été précisé plusieurs fois, puis je veux vous le redire. Lorsqu'on indique, premièrement, un soutien sur demande, c'est en plus du soutien régulier. Ça vient en fait même à la demande des responsables en milieu familial pour avoir du soutien particulier, avoir accès à des ressources spécialisées, si besoin, sur demande, en plus de tout ce qui se fait régulièrement.

J'écoutais Mme Desrochers parler tout à l'heure. Vous disiez justement ? un élément qui est important aussi ? que vous faites la reconnaissance et l'accréditation, tout ça, et, le soutien pédagogique, c'est une autre personne qui le fait. Vous vous rappellerez que ça aussi, c'est quelque chose qu'on a avancé dans la mise en place des bureaux coordonnateurs pour... Ça a été bien accepté chez vous? Et ça travaille bien, comme ça?

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): Ça travaille très bien.

Mme Théberge: Oui?

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): On a vraiment un très bel échange, une très belle collaboration qui est enrichissante, et c'est vraiment les responsables de garde qui en bénéficient de beaucoup, parce qu'à la grosseur que nous sommes on est capables de très bien connaître leurs milieux aussi et les enfants, tandis que, dans un bureau coordonnateur, ce qui fait peur, c'est vraiment au niveau du nombre, le chiffre.

Mme Théberge: Et quelle est la formation des conseillères pédagogiques en général, là?

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): La formation?

Mme Théberge: Oui.

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): C'est une éducatrice qui est formée ou qui a une équivalence, là, avec un bac en psychologie et avec quelques cours pour avoir la même équivalence, la même reconnaissance. Mais c'est vraiment quelqu'un qui... Les conseillères pédagogiques qu'on a eues ou qu'on a actuellement, celles avec qui on fait affaire, c'est vraiment des gens qui ont travaillé, pendant plusieurs années, en installation, comme éducatrices.

Mme Théberge: Peut-être, M. Tessier, pour revenir au niveau des parents, vous vous rappellerez que, dans la loi, ce qu'on propose, au niveau des CPE et des garderies... Au niveau des CPE, c'est un conseil d'administration majoritaire de parents; au niveau des garderies, l'obligation d'un comité de parents ou des parents sur le conseil d'administration, ça aussi, parce qu'on a une préoccupation. Vous l'avez dit peut-être en d'autres mots, mais le parent est le premier responsable de son enfant, évidemment, et on comprend qu'il souhaite s'impliquer. C'est important qu'il soit là aussi à différents niveaux. Et ce concept aussi à introduire, c'est au niveau du bureau coordonnateur, parce que vous savez qu'il y a peu de CPE en fait qui ont, sur leur conseil d'administration, des représentants des parents, du milieu familial, par exemple, même les responsables de milieu familial, sur les conseils de CPE. Alors, je pense, moi, que la formule que l'on propose va faire en sorte que les parents, tant des installations que du milieu familial, vont pouvoir s'impliquer dans les décisions, puis ça, c'est important.

Et le règlement le précise bien, le règlement qui est toujours en vigueur et qui va le demeurer, que les décisions doivent se prendre à la majorité des parents. Alors, je pense que ça, ça rejoint votre préoccupation au niveau de la présence, non seulement la présence des parents, mais le pouvoir décisionnel des parents aussi.

n (10 h 20) n

M. Tessier (Réjean): Je pense que l'idée de comités de parents dans les garderies à but lucratif, c'est intéressant parce que ça leur donne une place. Le seul qualificatif que vous n'auriez peut-être pas dû mettre, c'est celui de consultatif. Et, s'il s'agissait d'un conseil d'administration qui peut décider, je pense qu'on serait rapidement d'accord.

Quant à la quantité de parents qui... En fait, vous avez enlevé un parent, ni plus ni moins, sur les conseils d'administration des CPE. Au lieu d'être présents aux deux tiers, ils deviennent présents en majorité plus un. Sur sept, ça fait quatre parents. Bon.

Dans d'autres milieux, on a des expériences d'intégrer des gens du milieu, ce que vous suggérez, deux personnes de l'extérieur bon qui sont dans l'entreprise, en affaires, qui sont en n'importe quoi, espérons-le, qui ont des enfants ou qui en ont eu déjà. Ça, ce n'est pas toujours un succès. Ce n'est pas toujours un succès, ces introductions-là, et ce n'est pas toujours facile de trouver non plus des personnes comme ça. Je ne sais pas si vous vous fiez sur une expérience réussie de cette intégration de ces personnes-là dans de tels conseils d'administration. Vous savez, on n'est pas une banque, hein, on est un petit conseil d'administration qui gère des choses très, très quotidiennes dans nos décisions: c'est le matériel, c'est l'organisation des locaux, remplacer des fenêtres, c'est des petites choses comme ça. Et les parents en général, les parents usagers sont très, très à l'aise et surtout très motivés à prendre les meilleures décisions possible dans ce contexte-là. Ils sont prêts à faire des petits sacrifices à l'occasion pour le faire. Donc, c'est une gestion très proche de la vie dans le milieu du service.

Mme Théberge: Mais vous savez qu'il y a déjà des CPE qui le font, hein, avec succès. Et, quand je disais dans les derniers mois: Quand il y a des bonnes façons de faire, si on peut s'en inspirer... Ils trouvaient ça très enrichissant de le faire. Alors, je pense que c'est une bonne façon à certains égards de faire des liens avec la communauté sur tous ces aspects, et c'est une façon tout en gardant la priorité et la majorité des parents. Je pense qu'on ne peut pas rejeter du revers de la main cette possibilité-là, cette opportunité-là parce que dans le fond ça rejoint un petit peu...

Quand on dit souvent que ça prend tout un village pour élever un enfant, là, vous ne pensez pas justement que c'est une des façons, en introduisant des gens de la communauté sur un conseil d'administration, de se préoccuper du service de garde qui est là? Et les gens ont peut-être des enfants là, ou ont eu des enfants, ou sont des grands-parents aussi parfois, ou tout simplement ils sont intéressés aussi. Il ne faut pas rejeter l'expertise avec un seul critère d'avoir eu des enfants ou non, à mon avis. Remarquez, je ne suis pas...

M. Tessier (Réjean): Je pense que de même qu'on retrouve, sur les comités d'éthique, dans d'autres conditions... qu'il y ait un représentant de la communauté, ce serait suffisant pour augmenter la sensibilité du CPE à sa communauté. Je trouve que ça peut être vraiment, effectivement, une bonne idée de garder la vocation communautaire. Mais, d'enlever un parent pour le donner à une personne du milieu des affaires, par exemple, je ne vois pas l'avantage qu'on en tire. Donc, il y a peut-être... Si on négociait, on se ferait un petit compromis, hein? Comme ça, on arriverait à s'entendre, comme ça.

Mme Théberge: On en prend bonne note.

Dans le temps qu'il nous reste, j'aimerais que vous parliez de votre vision des milieux défavorisés. Quel soutien on pourrait apporter de plus, présentement?

M. Tessier (Réjean): Un programme éducatif pour tout le monde. Je pense que c'est la base, c'est la base de ça. On ne peut pas sortir de l'égalité des chances si on a un programme qui est écrit et que tout le monde doit respecter. Ce n'est pas nécessaire que le programme soit mur à mur, vous comprenez, il peut y avoir de la place pour toutes sortes d'initiatives dans un programme, des modalités d'application. Mais qu'on ait un programme. Quand je dis de mettre l'enfant au centre de l'agenda, ça veut dire que ce qu'on veut, quand l'enfant est là, on veut qu'il progresse émotivement, intellectuellement, on veut qu'il progresse, on veut que l'enfant progresse, on ne veut pas simplement organiser ça pour que les parents soient contents, on veut que l'enfant progresse, et ça...

Mme Théberge: C'est le but. En fait, quand on parle d'un service de garde éducatif, c'est l'objectif. Quand on parlait, au tout début de notre conversation, de dépistage, de prévention, de collaborer avec le parent, dans le fond, parce que le parent évidemment est toujours... Je vous dis ça parce que dans le fond, dans la mise en place actuelle même, on le renforcit en le mettant dans la loi, au niveau, on dit, d'une démarche éducative. Est-ce que le terme sera à changer? On verra. Mais il y a des programmes qui sont déjà là, il y a des programmes de soutien particulier, même, entre autres, au niveau des milieux défavorisés, financièrement et en ressources humaines aussi, et la formation des éducatrices est la plus élevée au Canada, les conditions aussi de travail. Tout ça, c'est certains éléments, puis il y en a bien d'autres, qui contribuent dans le fond à assurer ça, alors...

C'est terminé? Je vous remercie. On va continuer. Merci.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons déjà dépassé de quelque peu...

Une voix: ...

Mme Théberge: Parfait.

Le Président (M. Copeman): Nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Réjean Tessier. Je vais me permettre ça parce que Réjean et moi, on se connaît très bien, nous sommes collègues d'universités différentes, nous avons collaboré sur plusieurs travaux et c'est un très grand ami en même temps. Alors, les choses sont claires. Alors, salut, Réjean. Mme Lucie Monaghan, bonjour. Mme Daphnée Desrochers-Longchamps, bonjour, madame. Alors, je vais quand même vous vouvoyer, mon cher Réjean.

Il y a, dans les réponses de la ministre, je trouve, des ouvertures intéressantes sur la question des bureaux coordonnateurs. J'ai seulement une petite inquiétude, c'est que l'exemple que vous nous apportez, de la haute-ville, et qui est un exemple très inspirant, a aussi inspiré, n'est-ce pas, l'Association québécoise des centres de la petite enfance, et cette association a déposé, au mois de juillet, une proposition en ce sens à la ministre. En septembre, on apprenait que sa proposition était rejetée, à l'effet de permettre des regroupements, des fusions volontaires de CPE qui pourraient garder intacts leurs liens avec les grappes de responsables de services de garde en milieu familial. Alors, en même temps que la ministre s'y intéresse, en même temps on est enfermés ou enferrés, là, maintenant, dans un projet de loi qui nous propose plutôt une structure de bureaux coordonnateurs dont vous avez souligné, tout à l'heure, les caractéristiques qui pourraient être des menaces au bien-être et au développement des enfants.

Puis, en passant, je vous remercie de nous rappeler que nous sommes là pour prioriser les besoins des enfants. Et quand vous le rappelez à la ministre et quand vous rappelez également que l'on devrait être centrés sur la qualité des environnements qu'on offre à l'enfant comme motivation première à la réforme, c'est que vous identifiez une autre motivation. Vous tentez de ramener le débat au centre vers l'enfant, mais vous sentez un autre motif, vous identifiez un autre motif. Quel est-il? Dans le projet de loi n° 124, qu'est-ce qui d'après vous prime, dans le projet de loi n° 124?

M. Tessier (Réjean): En fait, on a des questions. J'allais suggérer à Mme la ministre, tout à l'heure, de nous inviter pour faire les réglementations, parce qu'il semble qu'il va se passer plusieurs choses là qui ne sont pas écrites dans la loi, dans la loi comme telle. Il y a de la place, il y a de la place pour un nouveau réseau de garde en milieu familial qui serait géré indépendamment, avec d'autres règles.

Je ne sais pas si je me trompe. J'ai lu, ce matin, dans La Presse, un article qui fait état que, le 17 octobre, la ministre a déposé un projet ? et vous me corrigerez ? visant à inclure une formation minimale chez les éducatrices et qu'il y ait deux niveaux de formation maintenant, qu'il y ait des aides-éducatrices et des éducatrices. Ça, c'est le genre de chose, par exemple, qu'on se méfie notamment, à savoir qu'il va y avoir deux conditions maintenant pour s'occuper de nos enfants. Et, comme c'est bien prévu que les aides-éducatrices vont être moins payées, si on veut économiser de l'argent, on se dit qu'on va en engager plus, premièrement.

Deuxièmement, on ne parle que des CPE et on ne semble pas poser aucune condition minimale. Mais peut-être que c'est l'article du journal. Je n'ai pas vu le document comme tel, mais c'est comme si le milieu familial était laissé libre, n'était pas impliqué dans cette formation nécessaire là. Et, moi, je vous le dis, je suis très inquiet de cette question-là à la longue et je pense bien que c'est pour ça qu'on trouve des moins bons résultats, avec le temps, dans ces milieux-là, parce qu'il n'y a pas de programme comme tel, il n'y a pas d'obligation de formation. C'est tous des gens de bonne volonté qui font un excellent travail à leur façon habituelle, mais sans encadrement très rigoureux. Je parle principalement pour les services qui ne sont pas régis ou encore les services qui ne sont pas régis par un CPE.

Alors, moi, je pense que ce qu'on comprend derrière le projet de loi, c'est qu'il y a ces dangers-là de créer une deuxième catégorie, qui, elle, peut devenir un milieu d'affaires. Et ça a été rapporté dans la grande étude du NIH, et ce n'est pas n'importe quoi, et on a prévu qu'il y avait le potentiel et le danger que les services deviennent un réseau commercial et que des grandes entreprises puissent être intéressées à faire du commerce. On a calculé, tous, combien ça faisait d'argent qui était représenté. Imaginons qu'on augmente encore un petit peu l'allocation par les parents, etc. Ça peut devenir une affaire assez intéressante à plusieurs points de vue. Donc, il y a un potentiel là, puis, moi, ce que je dis, c'est: arrêtons tout de suite ce potentiel-là, ne le mettons pas dans la loi. Conservons ce qu'on a déjà fait avec les CPE, améliorons, rationalisons.

Je pense que ce que Lucie et Daphnée ont présenté, c'est une rationalisation de quelque chose qui existe. Et on a bien calculé. Avant les premières coupures, quand on dit qu'on sauvait 36 millions, si on augmentait à 135 ou 150, par exemple, le nombre d'enfants qui pourraient être gérés, on arriverait à notre 50 millions d'économies, vous savez. Alors, pourquoi créer autre chose dans lequel il y a un risque et dans lequel les parents ont moins de chances d'être présents, de s'occuper de leurs affaires?

n (10 h 30) n

Une garderie actuellement familiale qui n'aurait pas de contrôle et d'obligation de donner le service d'une façon continue... Je sais, moi, comme parent membre du conseil d'administration d'un CPE, je sais qu'à un moment donné le parent tombe malade. Qu'est-ce qui arrive? Qu'est-ce qui arrive si le parent fait une dépression puis, pendant trois mois, il n'est plus là? Qu'est-ce qui arrive? Quels sont les recours? Alors, c'est le CPE qui va l'assumer. À ce moment-là, tant que le CPE est présent puis qu'il y a des enfants, il peut y avoir des façons de gérer ça. Mais, quand il est tout seul, un bureau coordonnateur qui en a 700, 800, qu'est-ce qu'il fait? Bien, les pauvres parents, ils se trouvent quelque chose d'autre. Alors, je pense que, si on veut vraiment atteindre le deuxième objectif, qui est la conciliation travail-famille, il faut faire en sorte que les parents ne soient pas des captifs dans leur système de garde et qu'il y ait toujours des soupapes qu'ils peuvent invoquer éventuellement pour sauver le problème. Et tout ça, ça encore, là, ce n'est pas protégé. Dans le projet de loi actuel, ce n'est pas protégé, les parents ne sont pas vraiment protégés de ça.

On a tous vécu avant les CPE, dans une autre ère, quand un autre garçon, plus vieux, pataugeait dans les garderies du tout début des années soixante-dix, dans les projets PIL, etc. On a connu autre chose, on savait que, là, il y avait un risque, c'était... Bon. Mais maintenant les gouvernements ont établi des règles, des lois qui protègent... Ce qui va maintenant semble tellement bien fonctionnel qu'on ne voit pas pourquoi on prendrait des risques, à ce moment-ci, surtout, surtout que ça semble aller à l'encontre des connaissances scientifiques qu'on a et des connaissances pratiques. Il y a des alternatives à ce qu'on voit. Donc, enfin, je ne me répéterai pas une troisième fois, là, mais...

M. Bouchard (Vachon): Écoutez, là, je vous entends très bien, puis, si je fais l'équation, j'arrive à une autre question, là. C'est que, si on est capables à la fois de protéger l'intégralité du modèle que nous avons maintenant, et qui dans le fond protège le dialogue entre les petites organisations que sont les services de garde en milieu familial et les plus grosses que sont les installations, protège la réciprocité, protège les échanges, les favorise, maintient des liens de proximité aussi... Parce que, quand on veut des liens de proximité, on ne met pas des centaines de kilomètres de distance entre les services de garde en milieu familial et le bureau coordonnateur. On a, vu l'autre jour, avec le Regroupement des CPE de la Côte-Nord, que ça pose un petit problème logistique, disons, et dans d'autres régions du Québec aussi. Si on est capables donc de maintenir l'intégralité du système, comme vous le faites en haute-ville, Mme Monaghan, et qu'on est aussi capables de faire des économies, ce qui semble être une motivation assez importante du côté gouvernemental, pourquoi changer le système?

La question qui revient nous hanter tout le temps, c'est si on est capables de faire ça sans modifier le système, sans le démanteler, sans amputer 90 % des CPE de leur lien avec les services en milieu familial. Votre réponse, M. Tessier, lorsque vous faites référence à la commercialisation, indiquerait que c'est une autre motivation importante, alors, parce que les bureaux coordonnateurs, tels qu'ils sont définis, ouvrent la porte à une personne morale, une organisation puis une institution. Moi, quand je fais l'équation, là, j'arrive malheureusement à cette conclusion, c'est qu'on est dans une sphère de... on est dans une approche de marchandisation, là, du service. Est-ce que c'est ça que vous craignez?

Mme Monaghan (Lucie): Ça fait partie effectivement de nos craintes. Puis, j'ajouterais aussi: nous autres, on parlait tantôt qu'on avait la gestion globale de 130 places. 130 places, c'est parce que c'est ça qui nous a été accordé. Par contre, on était ouverts à gérer 150 places. C'est ce qui avait été demandé quand on a fait une augmentation de permis, puis le ministère à l'époque nous a limités à 130. Par contre, nous autres, on est capables d'assurer aujourd'hui qu'avec le cadre de gestion qu'on a actuellement, 150 places, c'est très vivable, et on demeure dans un cadre humain où on est capables de continuer d'offrir à nos RSG un service personnalisé. Quand on parlait de support émotionnel, c'est important, le support pédagogique, mais le côté émotionnel a une grande importance aussi, puis c'est comme ça qu'on arrive à bâtir un lien de confiance avec les gens avec qui on travaille et de les amener à progresser et à intégrer un programme éducatif.

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Merci.

Je vais revenir sur la question de l'amélioration de la qualité, et le plan d'amélioration de la qualité qu'a fait connaître la ministre il y a quelques mois, et sur cette information dont nous disposons ce matin, là, à l'effet qu'il y aurait, à la table de négociation, une proposition de création de postes d'aide-éducatrice. Tout à l'heure, vous faisiez référence à l'objectif d'atteindre l'objectif de 100 % de qualification. Ce serait l'idéal. Dans un CPE comme le vôtre, là, une aide-éducatrice, ça viendrait faire quoi exactement? Quelle sorte d'utilité vous y voyez? Comment ça viendrait améliorer la qualité de l'environnement d'après vous ou alors la diminuer, à l'inverse? Qu'est-ce que ça pose comme problèmes logistiques dans l'organisation du travail? Je ne sais pas, d'après les informations que j'ai, là, cette personne-là serait appelée à remplacer l'éducatrice à des moments de la journée qui ne seraient plus des moments éducatifs. Je ne comprends pas très bien, là. Pouvez-vous m'expliquer?

Mme Monaghan (Lucie): On parle de l'installation.

M. Bouchard (Vachon): On parle d'installation, oui.

Mme Monaghan (Lucie): Présentement, c'est quelque chose qui n'existe pas. Au Château de sable, il n'y a pas d'aide-éducatrice, il y a uniquement du personnel qui est formé puis qualifié pour travailler auprès de la petite enfance. Puis, nous autres, le conseil d'administration de la garderie, du CPE, ça a toujours été important, ça a toujours été une priorité que les enfants qu'on reçoit puissent bénéficier du support de personnel qui est qualifié. Alors, chez nous, ça ne fait pas partie des plans d'avoir une aide-éducatrice. Je ne sais pas si on parle d'aide-éducatrice au niveau... C'est certain, chez nous, il y a une préposée à la désinfection des jouets. La préposée à la désinfection des jouets, ce n'est pas une aide-éducatrice, elle est là uniquement pour...

M. Bouchard (Vachon): C'est plus une aide générale, ça, là.

Mme Monaghan (Lucie): C'est plus une aide générale, tout à fait. Mais aide-éducatrice, ça ne fait pas partie de notre organisation.

M. Bouchard (Vachon): Mais est-ce que...

M. Tessier (Réjean): Je pense que...

M. Bouchard (Vachon): Excusez-moi. Est-ce que vous l'avez souhaité? Comment se fait-il qu'on se retrouve avec cette proposition-là maintenant? Est-ce que ça répond à un souhait des CPE? Est-ce que ça a un avantage marqué pour vous d'avoir une aide-éducatrice?

M. Tessier (Réjean): Je pense que d'autres parmi nous ici ont déjà vécu dans un milieu où est-ce qu'il y a deux niveaux de salaire pour des personnes qui font en partie la même chose. Et j'ai regardé ce qu'on présentait comme tâches éventuelles, puis je ne les ai pas vues toutes, je suis certain, mais j'ai calculé que ça pouvait représenter de 15 % à 20 % du travail d'une éducatrice par jour que le travail que cette aide-là pourrait faire. Comme vous dites, M. Bouchard, est-ce que ces 20 % là du temps seraient des 20 % de moindre qualité, particulièrement dans des périodes où on donne les soins?

Nous, en psychologie, on considère qu'il y a beaucoup de petites choses sensibles qui créent et qui suscitent des relations d'attachement avec le personnel, avec les enfants dans des situations de soins, dans des situations intimes, de changer les couches, de donner à manger, de s'occuper de collations, des petites choses. Les enfants ne sont pas en train de faire des activités, là, ils sont en contact personnel. Et ce que je comprends, c'est que ce sont ces moments-là que vous confieriez principalement à des gens qui sont moins qualifiés. Alors, on n'a pas encore vu la loi, on n'a pas eu l'occasion d'y réfléchir non plus, on n'a pas vu ça encore de façon détaillée, mais ça nous apparaît un autre risque. Je pense que c'est pour sauver de l'argent. Sinon, je ne verrais pas la motivation. Et, si ce n'est que la motivation financière, il faudrait compter combien on peut sauver encore, parce qu'on est en train de calculer sur des dixièmes de 1 % des coupures qui vont avoir un impact majeur dans la vie des services de garde alors que ça représente une parcelle de rien du tout dans un budget global. Alors, je pense que, si on voulait être fiers, si on était fiers de nos enfants, chez vous, on n'engagerait pas une aide-éducatrice, on engagerait une éducatrice, si on veut les mettre au centre de notre agenda. Je pense que c'est une dérive encore une fois qui peut être dangereuse et qui peut créer des...

Mais je dis encore qu'on le sait ? ça vous a été dit, je pense, par d'autres présentations ? que la relation qui s'établit entre un enfant et ses éducatrices, ses éducateurs, c'est une relation qui est significative, qu'elle n'est pas rien. Les enfants fréquentent ces milieux-là très petits et ils s'engagent. Il y a une relation affective qui les suit constamment dans le cours de leur développement. Si on leur demande, plus tard: As-tu connu quelqu'un qui était fou de toi quand tu étais petit?, ça peut très bien être une éducatrice en garderie ou un éducateur, à ce moment-là, parce que ce sont des personnes qui sont à des moments clés. Les enfants sont là six, sept, huit heures par jour, éveillés la plupart du temps. C'est quand même des liens. Il faut donner toute la qualité, et pas séparée en deux pour un gain qui est minimal ? il faudrait le compter, mais je suis convaincu que ça représente des pinottes ? et qu'à ce moment-là on sacrifie quelque chose qui est essentiel à l'intérieur du service de garde. Les contacts proches, proximaux, de proche à proche sont des contacts qu'il faut privilégier, et ce ne sont pas juste des transitions qu'il faut passer rapidement.

n (10 h 40) n

M. Bouchard (Vachon): Ça nous ramène sur des études que vous avez faites sur la synchronie entre les personnes qui sont significatives dans la vie des enfants, notamment les parents et le tout jeune enfant, et cette synchronie-là s'établit à force de contacts d'habituation, de reconnaissance de signes, etc., et changer de personne, ce n'est pas nécessairement la règle la plus optimale dans les circonstances. Ça, je peux bien saisir ça.

Maintenant, j'aimerais ça passer à la question que vous avez abordée sur la question du rôle des parents. Vous craignez, comme nous d'ailleurs, une diminution, un affaiblissement du rôle des parents dans la proposition du projet de loi n° 124.

M. Tessier (Réjean): Il me semble qu'on retourne 40 ans en arrière quand on veut faire quelque chose comme ça. Je trouve ça dramatique. C'est comme si on ne lisait pas les bons articles. Les grands programmes d'éducation compensatoire, les grands programmes qui ont fonctionné, on avait des programmes éducatifs structurés qu'on donnait aux enfants dans les milieux défavorisés, par exemple, pour les amener à apprendre mieux et à être plus préparés à l'école, et ces programmes-là ne fonctionnent que lorsque les parents participent à l'activation de ces programmes-là. La présence, et la participation, des parents est essentielle, c'est une condition primordiale. Alors, il me semble que ce n'est pas négociable, cette question-là. De laisser aux parents la grande majorité, qu'il y ait peu de chances qu'ils soient en minorité lors des prises de décision importantes, c'est quelque chose. On va devoir éventuellement prendre des décisions.

Je vous donne un exemple. On a fait des coupures déjà, depuis un an, un an et demi, dans notre CPE, qui est généralement assez bien organisé. On prend des décisions éclairées, mais il faut prendre des décisions qui coûtent cher, et c'est les parents qui sont en mesure de décider qu'est-ce qu'on enlève aux enfants, qui ne leur fera pas trop de mal, parce que c'est comme ça qu'on est obligés de gérer maintenant les CPE. Mais il faut que les parents soient présents. C'est connu, il faut que les parents aient accès à un lieu, il faut qu'ils puissent rentrer. Et, dans les garderies en milieu familial en particulier, c'est une des difficultés, parce qu'à qui est-ce que l'éducatrice va parler, le soir, quand le parent vient chercher son enfant ? j'ai déjà vécu ça il y a très longtemps ? qu'elle a encore les autres enfants autour, qu'elle en a des petits, des plus vieux, de tous les âges... puis c'est justement la fin de la journée, où est-ce que tout le monde est fatigué? Avec qui elle va parler? Qu'est-ce que les parents vont pouvoir parler avec leurs enfants? Comment ils vont se sentir accueillis? Moi, je trouve que c'est... De vouloir mettre ce réseau-là dans un environnement éventuellement privé marginal, je trouve qu'on fait du tort à 50 % de nos enfants, et on en sera responsables.

M. Bouchard (Vachon): Dernière petite question, simplement pour demander à Mme Desrochers-Longchamps... Regardez, là, il y a des messages qui circulent, à l'effet qu'il y aurait des côtés très abrasifs dans les relations entre les responsables de services de garde en milieu familial et les installations, que les installations tirent sur leur couverte puis qu'ils utilisent le budget à leur propre profit, etc. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce que vous avez vécu, vous, comme responsable d'un service de garde dans votre milieu?

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): Par rapport au fait que...

M. Bouchard (Vachon): La qualité des relations avec l'installation, la qualité des relations avec les éducatrices.

Mme Desrochers-Longchamps (Daphnée): Au niveau de la relation, c'est certain qu'il y a cinq ans, cinq ans et demi, quand on est arrivés, c'était comme à bâtir. Mais par contre, par la suite, cette relation-là, à laquelle on a été capables, de par mon côté, d'aller chercher du soutien, aussi des fois des conseils, autant pour moi que pour la conseillère pédagogique... C'est l'accès à des ressources qui sont beaucoup plus larges. On peut aller se référer, nous, à cinq installations, à cinq expertises d'installation, à cinq bibliothèques ou joujouthèques auxquelles on peut aller chercher des idées. Il y a beaucoup d'échange, et cet échange-là se fait dans les deux sens. Il faut garder ça aussi, là, on se nourrit mutuellement. C'est certain que, la première année, ce n'était pas nécessairement ça. Mais par contre ça, ça s'est bâti avec le temps, et maintenant c'est très bien en place, c'est bien ancré. Alors, tous les partenaires, on en bénéficie à ce niveau-là.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Pr Tessier, Mme Monaghan, Mme Desrochers-Longchamps, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire. J'invite immédiatement les représentants de l'Association des garderies privées du Québec à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 49)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je ne sais pas si, vous, vous m'entendez, en arrière, mais, moi, je vous entends très bien, et ce n'est pas la situation la plus propice.

Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des garderies privées du Québec. MM. les vice-présidents, je ne sais pas qui va commencer. Monsieur? Madame? Bon, très bien.

Mme Bélanger (Marie): Mme Bélanger.

Le Président (M. Copeman): Alors, c'est Mme Bélanger. Mme la directrice générale, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Pour les fins des transcripts, je vous prie de présenter les messieurs qui vous accompagnent puis par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Association des garderies privées
du Québec (AGPQ)

Mme Bélanger (Marie): Alors, je suis Marie Bélanger, directrice générale de l'Association des garderies privées, accompagnée, à ma droite, de M. Samir Alahmad et, à ma gauche, de M. Normand Brasseur, tous deux vice-présidents à l'association.

n (10 h 50) n

Alors, l'Association des garderies privées du Québec est heureuse de pouvoir exprimer son point de vue devant la Commission des affaires sociales, à l'occasion de l'étude de son projet de loi n° 124. Les 512 garderies du Québec et l'association qui les représente se considèrent comme de véritables partenaires du gouvernement du Québec en raison de leur contribution ainsi que de leur importance relative au sein du réseau des services de garde éducatifs.

L'AGPQ tient aussi à rappeler que les garderies qui offrent des services de garde éducatifs de qualité ont eu beaucoup de difficultés à faire reconnaître leur contribution au cours des premières années de la mise en oeuvre de cette politique novatrice, à laquelle pourtant elles adhéraient pleinement. Étant maintenant traitées comme de véritables partenaires par les autorités du ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, leur participation aux travaux de cette commission se voudra particulièrement constructive. Elle prendra en compte aussi bien les besoins des parents utilisateurs que les intérêts des contribuables québécois.

Enfin, les membres de cette commission voudront bien considérer qu'avec près de 400 membres l'AGPQ considère être très largement représentative de l'ensemble des garderies privées du Québec et que les quelque 70 000 parents qui décident de confier leurs enfants à des garderies ne doivent pas être traités comme des citoyens de deuxième classe.

La nécessité de disposer d'un cadre juridique reflétant le mieux possible la réalité des services de garde et visant à en assurer la pérennité ne fait aucun doute dans l'esprit des parents utilisateurs comme des différents prestataires de services. À cet égard et à l'encontre des chantres du statu quo et autres adeptes de la désinformation, l'AGPQ considère que la démarche de révision entreprise par la ministre est particulièrement indiquée à ce stade du développement. Dans cette perspective, le dépôt du projet de loi n° 124, ayant pour objet de remplacer la loi actuelle, est une initiative qui s'imposait de manière impérieuse pour un bon nombre d'intervenants dans ce secteur.

Le fait de changer le titre de la loi et de mettre en exergue le caractère éducatif plutôt que de maintenir l'emphase sur les CPE vient préciser clairement aux différents prestataires des services ainsi qu'au personnel éducateur les attentes de la ministre et la nature des services que les parents sont en droit de recevoir pour leurs enfants.

L'article 5 vient préciser les buts à atteindre par les prestataires des services dans le cadre de la démarche éducative qu'ils doivent mettre en oeuvre pour favoriser le développement des enfants qui leurs sont confiés. En conséquence, l'AGPQ, dont les membres se sont toujours efforcés de fournir des services de qualité, applaudit vivement cet important changement, qui en dérangera d'aucuns mais qui est à la fois inspirant pour les acteurs que nous sommes et porteur d'avenir pour l'ensemble des parents utilisateurs et leurs enfants.

Avec l'adoption de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, les CPE se sont vu reconnaître des privilèges exorbitants qui ont souvent été contestés par les autres prestataires de services que sont les garderies et les responsables de services de garde en milieu familial. Le fait d'orienter le développement des places vers les CPE, l'imposition d'un moratoire concernant l'octroi de nouveaux permis de garderie ont été autant de mesures mises en oeuvre par l'ancien gouvernement pour marginaliser, étouffer, voire faire disparaître les garderies pour des conditions de nature purement idéologique. Malgré ce qui précède et l'acharnement idéologique qu'elles ont subi au cours des années 1997 à 2003, les garderies ont réussi, en dépit du sous-financement avec lequel elles ont dû composer, non sans difficulté, à maintenir une qualité de services éducatifs largement appréciée des parents qui leur confient leurs enfants et dont elles n'ont aucunement à rougir.

L'observateur le moindrement attentif aura vite constaté que les rapports entre les responsables de services de garde et les CPE n'ont pas toujours été harmonieux depuis 1997. Il est évident que la dispersion des RSG aussi bien que le transfert d'une partie importante des ressources initialement dédiées au soutien aux RSG vers la gestion centrale des CPE et les services en installation n'ont pas aidé à dissiper un malaise qui, en bout de course, ne peut être que dommageable à la qualité des services aux parents. Dans un tel contexte, la réorganisation de ce secteur d'activité permettra, avec la mise sur pied des bureaux coordonnateurs, de mettre un terme à la dispersion actuelle en constituant des masses critiques porteuses d'avenir.

En définitive, lorsque l'on considère la structure actuelle du réseau et l'importance relative de ses trois grandes composantes, c'est faire montre de réalisme et de courage que de traiter sur un pied d'égalité ces trois catégories de prestataires de services. Conséquemment, l'AGPQ souscrit pleinement à l'abandon, dans le projet de loi n° 124, de l'article 1.1 de la loi actuelle qui a été une source importante de frustration et d'iniquité pour les parents confiant leurs enfants en garderie.

De plus, considérant la spécificité des services de garde en milieu familial, le statut particulier des responsables, qui sont autant de travailleuses autonomes, et l'importance relative de ce secteur particulier dans le réseau québécois, l'AGPQ considère comme pertinente la réorganisation prévue dans le projet de loi n° 124 et qui vise à atteindre, d'une part, une plus grande efficience dans la gestion en mettant sur pied des bureaux coordonnateurs et, d'autre part, une plus grande efficacité au niveau des services rendus aux parents.

En maintenant plusieurs des dispositions apparaissant dans la loi actuelle mais en y apportant les aménagements appropriés, il est clair que la ministre vise non seulement à accroître la qualité des services éducatifs tout en facilitant l'accessibilité aux places, mais aussi à favoriser une plus grande flexibilité des services pour les parents. Dans une telle perspective, le fait que l'article 1 du projet de loi n° 124 vienne réaffirmer le droit des parents de choisir pour leurs enfants le prestataire de services de garde en fonction de leurs besoins est fondamental. En effet, cela ne peut être que bénéfique pour l'avenir des services de garde éducatifs au Québec et leur adaptation graduelle aux besoins d'une société en constante transformation. En conséquence, l'AGPQ, qui est en accord avec les objectifs du projet de loi n° 124, soumet que la garantie accordée aux parents de pouvoir choisir librement leurs prestataires de services est fondamentale afin de répondre le plus adéquatement possible aux besoins changeants de notre société en matière de services à la petite enfance.

Qu'il s'agisse des nouvelles dispositions touchant la composition du conseil d'administration des CPE afin d'en assurer une plus grande efficience dans la gestion des services en installation, des attributions maintenant conférées au comité consultatif de parents dans les garderies au chapitre des plaintes, de certaines exigences particulières visant à maximiser l'utilisation des fonds mis à la disposition des divers prestataires de services de garde dans le contexte d'une offre de services éducatifs de qualité et bien adaptée aux besoins des parents, les garderies n'ont pas d'objection de principe. Toutefois, il leur importe, alors qu'elles disposent d'un financement moindre que les CPE, que la mise en oeuvre de ces mesures n'ait pas pour effet de bureaucratiser le système et d'introduire des lourdeurs administratives au point qu'il faille à l'avenir consacrer plus de ressources à l'administration, au détriment de celles dédiées aux services directs aux enfants et aux parents.

D'autre part, il ne sert pas à grand-chose d'alourdir la réglementation en vigueur et d'ajouter de nouvelles règles de contrôle ou de reddition de comptes alors que la loi actuelle contient déjà plusieurs dispositions qui ne sont même pas utilisées, alors que certaines situations l'exigeraient.

Eu égard à ces considérations, l'AGPQ est ouverte à l'introduction des mesures nouvelles touchant la gouvernance, en accord avec les objectifs visés par le projet de loi n° 124, pour autant qu'elles respectent l'autonomie de gestion qui doit être conférée aux prestataires de services, dont les garderies, qui s'attendent à être consultés avant l'adoption de la réglementation s'y rapportant. L'AGPQ considère également qu'au-delà des modifications législatives prévues une application plus rigoureuse de la loi sera de nature à rehausser la qualité des services de garde éducatifs aux parents.

En conclusion, il ne fait aucun doute, dans l'esprit des garderies, qu'il était temps, huit années après l'adoption de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, que le cadre juridique actuel soit revu de manière significative afin de permettre aux parents de bénéficier de services éducatifs accessibles et surtout mieux adaptés à leurs besoins particuliers.

Pour leur part, les CPE auront bénéficié, au cours des dernières années, de nombreux et importants privilèges découlant de l'article 1.1 de la loi actuelle. Cependant, ils n'auront pas été à la hauteur des avantages leur ayant été consentis par l'ancien gouvernement, la démonstration la plus probante étant le niveau de qualité qualifié de passable dans les plus récentes recherches, dont notamment celle intitulée Grandir en qualité. À cet égard, les CPE ne peuvent occulter cette dure réalité: le positionnement favorable qu'ils occupent au regard des résultats de cette enquête apparaît nettement insuffisant, compte tenu de l'ampleur des ressources qui leur ont été octroyées à même les impôts et les taxes des contribuables du Québec. L'ancienne ministre, Mme Pauline Marois, qui est bien au fait de ce dossier, l'aura d'ailleurs elle-même reconnu.

Enfin, le discours et les moyens de pression utilisés par les CPE ainsi que leurs alliés syndicaux sont indignes, et le langage utilisé à cette occasion fait souvent injure à l'intelligence. En effet, tout en prétendant que la ministre veut démanteler et détruire le réseau actuel, ils ne s'emploient qu'à rabaisser les garderies privées et à dénigrer le gouvernement et tous ceux qui veulent véritablement l'amélioration des services. Ainsi, plutôt que de contribuer, de manière constructive, à l'atteinte des objectifs visés par la ministre, ces groupes, qu'il ne faut pas hésiter à qualifier de réactionnaires, ne visent en réalité qu'à protéger et bonifier leurs privilèges.

En terminant, les garderies se sentent reconnues comme de véritables partenaires avec ce projet de loi qui place véritablement les parents et les enfants au coeur du système et qui nous semble respectueux des prestataires de services, dont la spécificité est prise en compte de manière convenable. Aussi, l'AGPQ adhère pleinement à cette démarche législative, dans le cadre de laquelle elle entend proposer plusieurs améliorations. Il s'agit précisément des bonifications qui sont présentées dans la deuxième partie de ce mémoire.

n (11 heures) n

Les changements proposés n'ont aucun impact sur les prestataires de services autres que les titulaires de permis de garderie et prennent en compte le meilleur intérêt des parents utilisateurs. D'une part, le projet de loi n° 124, qui a pour titre Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance, dispose, aux articles 2 et 5, que les personnes titulaires de permis de garderie ont l'obligation de fournir des services de garde éducatifs en conformité avec les objectifs mentionnés et la démarche éducative stipulée de manière formelle dans la législation proposée. Dans les circonstances et afin de respecter l'esprit du législateur, la dénomination de «garderie» devrait être changée pour celle de «garderie éducative», et tous les articles du projet de loi où cette désignation apparaît devraient être ajustés en conséquence.

D'autre part, avec la réorganisation de la gestion des services de garde en milieu familial proposée, les CPE, dont le statut est défini à l'article 7, auront désormais pour principale mission celle d'offrir des services éducatifs selon les prescriptions de la loi, dans une ou plusieurs installations. Or, avec la possibilité offerte aux personnes titulaires de permis de garderie d'offrir maintenant, en conformité avec l'article 9, de tels services dans plus d'une installation, l'offre de service d'un CPE et celle d'une garderie deviennent strictement identiques. Du reste, la partie de l'actuel Règlement sur les CPE qui touche les services en installation et le Règlement sur les garderies comportent les mêmes exigences, à l'exception du ratio de deux sur trois, qui est pratiquement chose faite. Ainsi, toute différence va disparaître au chapitre des services de garde éducatifs offerts par le CPE et les garderies, qui, dans les deux cas, s'efforcent par ailleurs de satisfaire les besoins en milieux défavorisés, de faciliter l'intégration d'enfants handicapés et d'accorder la plus grande attention aux clientèles plus vulnérables en collaboration avec les autres ressources du milieu, dont les centres de services de santé et de services sociaux.

S'agissant d'ailleurs de ce nouveau partenariat avec les CLSC, le nombre d'ententes signées aussi bien que l'augmentation de la clientèle desservie font ressortir la grave erreur de l'ancien gouvernement d'avoir exclu pendant si longtemps les garderies de ce champ d'intervention où les besoins sont si importants et en croissance marquée.

En définitive, avec l'adoption du projet de loi n° 124, il n'y aura aucune différence entre un CPE et ce qu'il serait convenu d'appeler une garderie éducative ayant conclu une entente de subvention avec la ministre. Pour ces raisons, il est hautement souhaitable, afin de permettre aux parents de comprendre que l'offre de service d'un CPE est identique à celle d'une garderie conventionnée, de permettre à ces dernières d'utiliser l'appellation de CPE.

Pour tous les motifs susmentionnés, l'AGPQ recommande en premier lieu de, conformément à l'esprit et aux prescriptions du projet de loi, changer la dénomination actuelle de garderie pour celle de garderie éducative et modifier en conséquence tous les articles où cette dénomination apparaît; et, en deuxième temps, d'introduire une nouvelle disposition législative visant à permettre aux titulaires de permis de garderie éducative ayant conclu une entente de subvention avec la ministre d'utiliser l'appellation de centre de la petite enfance.

Même s'il s'agit d'une question qui doit être débattue en dehors des travaux en cours, l'AGPQ tient à informer les membres de cette commission que les garderies ont toujours été moins financées que les CPE pour leurs services en installation. À ce sous-financement, qui excédait plus de 35 % en 2001 et qui a été ramené progressivement aux environs de 15 % aujourd'hui, il faut ajouter le fait que les titulaires de permis de garderie doivent assurer entièrement le financement des infrastructures requises, alors que celles-ci sont prises en charge à 100 % par l'État dans le cas des CPE. Cela fait donc toute une différence quand on sait que les CPE ont par ailleurs utilisé une partie importante des ressources initialement dédiées au milieu familial pour financer leur administration centrale et bonifier le financement des services en installation, avec les résultats que l'on sait. Or, dans le contexte de la présente réforme, il y a lieu de se demander si ce sous-financement relatif des garderies a encore sa raison d'être et si cela est équitable pour les parents utilisateurs qui paient des impôts et des taxes comme ceux qui envoient leurs enfants dans les CPE.

Le chapitre VIII du projet de loi n° 124 contient diverses dispositions modificatives, dont les articles 137 et 138 venant modifier respectivement les articles 204 et 236 de la Loi sur la fiscalité municipale. Il s'agit simplement de mesures de concordance qui maintiennent le statu quo. Lesdits articles ont trait, d'une part, aux exemptions de taxe foncière, municipale et scolaire, et, d'autre part, à la non-imposition de taxes d'affaires.

Considérant cela, les garderies conventionnées sont donc traitées différemment selon le statut juridique. Cette situation n'a pas son équivalent du côté de l'enseignement privé au Québec, puisque, dès lors qu'un établissement est agréé aux fins de subventions, une disposition particulière de la Loi de la fiscalité municipale vient lui accorder automatiquement cet avantage, et ce, quel que soit le statut juridique du titulaire du permis de cet établissement. Ces garderies, qui reçoivent déjà des subventions inférieures à 15 % à celles octroyées aux CPE, doivent supporter en grande majorité des charges supplémentaires liées aux taxes foncières, municipales et scolaires, et aux taxes d'affaires, auxquelles elles ne peuvent se soustraire. Aussi, en toute équité, il importe donc, en s'inspirant de la situation qui prévaut dans le secteur de l'enseignement privé au Québec, de permettre aux garderies conventionnées, soit celles ayant conclu une entente de subvention avec la ministre, de bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés aux CPE, et ce, indépendamment du statut juridique du titulaire de permis.

Conséquemment, l'AGPQ recommande de modifier les articles 204 et 236 de la Loi sur la fiscalité municipale de manière à exempter, dans le meilleur intérêt des parents utilisateurs, les garderies éducatives subventionnées du paiement de toute taxe foncière, municipale et scolaire, et de taxes d'affaires.

Les titulaires de permis de garderie sont pleinement conscients des obligations qui leur incombent à l'égard des parents et ils ne ménagent aucun effort pour offrir à ces derniers, à l'aide des ressources mises à leur disposition, des services éducatifs conformes à la réglementation en vigueur et répondant aux standards de qualité qu'exige la ministre. Quant aux parents utilisateurs, le coût symbolique de ces services ne traduit pas pleinement la valeur réelle des engagements auxquels ils se sont obligés dans le contrat de services, avec les inconvénients qui en résultent pour les prestataires de services et le gouvernement au plan de l'utilisation optimale des places PCR subventionnées. Enfin, rappelons que l'exécution de ces contrats est régie par l'article 188 de la Loi sur la protection du consommateur, qui porte sur les contrats de services à exécution successive. Considérant la démarche législative en cours, l'AGPQ est d'avis qu'il y a lieu de mettre en place un modèle s'inspirant de celui en vigueur dans le secteur de l'enseignement privé. Les dispositions devraient prendre en compte le caractère spécifique des services de garde éducatifs.

En conclusion, la révision du cadre juridique afférent aux services de garde éducatifs est une démarche incontournable, huit ans après l'adoption de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde. Il s'agit d'une démarche courageuse et qui dérangera forcément les chantres du statu quo comme bon nombre de gestionnaires de CPE, qui devront composer avec un rétrécissement de leur petit royaume, de même que certains syndicats en mal d'accroître leur membership. Aussi, les garderies éducatives entendent soutenir cette réforme porteuse d'avenir et y jouer un rôle constructif pour la simple raison qu'elle est centrée sur les besoins des parents. Ceux-ci sont d'ailleurs en droit d'exiger des services de meilleure qualité pour ce qu'ils ont de plus cher, c'est-à-dire leurs jeunes enfants, et ce, en raison des ressources importantes que le Québec y consacre, à savoir plus de 1,5 milliard de dollars de fonds publics par année payés à même leurs impôts et leurs taxes.

Par ailleurs, s'agissant de la qualité des services de garde éducatifs, l'AGPQ veut réitérer toute l'importance qu'elle accorde à l'amélioration de la compétence du personnel de garde et des responsables de garde en milieu familial. Les conclusions qu'on peut tirer de l'enquête Grandir en qualité sur le lien existant entre la qualité des services et la formation du personnel ne doivent pas être occultées par cette réforme. Aussi, il sera important de consacrer les ressources voulues à la mise en place d'un programme de formation continue et obligatoire à l'intention en priorité des RSG et du personnel éducateur. D'autre part, dans le contexte du dossier sur l'équité salariale, il faudra absolument éviter de mettre en oeuvre, à des fins de qualification du personnel, des règles de reconnaissance des acquis expérientiels trop accommodantes et qui pourraient constituer un obstacle au rehaussement des connaissances et de la compétence de la main-d'oeuvre.

Enfin, une fois le projet de loi n° 124 adopté et la réforme mise en oeuvre, l'association est d'avis qu'un large forum sur la petite enfance devrait être organisé afin de permettre une réflexion sur la meilleure façon de responsabiliser les divers intervenants auprès de la petite enfance. En sortant des sentiers battus, un tel événement serait de nature à valoriser et à responsabiliser davantage une profession et des professionnels qui ne demandent qu'à se dépasser auprès des jeunes enfants qui formeront le Québec de demain.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Bélanger. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bélanger, MM. Brasseur et Alahmad. Merci beaucoup d'être ici, ce matin, avec nous, dans le cadre de cette commission.

On se rejoint sur différents points, au niveau, premièrement, du titre évidemment de la loi. Vous savez que c'était une préoccupation que j'avais et que notre gouvernement avait aussi, de reconnaître l'apport égal dans le fond de tous les partenaires dans le milieu des services de garde, et nous trouvions important de l'introduire tout de suite, en fait, de prime abord, par le titre de la loi. Alors, je constate que vous l'appréciez, également au niveau de la démarche éducative évidemment et certaines mesures concernant la gouvernance.

Lorsque vous parlez au niveau de l'exemption de taxes, vous comprendrez que ça relève de ma collègue ministre des Affaires municipales et régionales. Alors, je lui ferai part de la demande, et on verra à assurer un suivi dans ce sens-là. Ça ne relève pas du ministère chez nous.

n (11 h 10) n

Mais j'aimerais vous entendre sur la qualité en général. Vous avez terminé votre allocution, Mme Bélanger, en parlant, entre autres, de rehaussement des connaissances, de compétence de la main-d'oeuvre. Et, vous le savez, il y a une enquête, vous en avez parlé aussi, Grandir en qualité, qui faisait part de certains écarts. Et pourtant, quand on parle avec votre association et avec les membres de votre association, je sais qu'il y a une motivation particulière à assurer une qualité. Mais j'aimerais, pour le bénéfice de la commission, que vous m'en parliez, comment la qualité se traduit au niveau de vos membres, comment, comme association également, vous les supportez et qu'est-ce que vous attendez également peut-être de soutien de la part de notre ministère, par exemple, dans ce sens-là. Je ne sais pas qui voudrait répondre.

M. Brasseur (Normand): Écoutez, vous savez effectivement que l'association soutient fortement la qualité depuis les débuts du programme. Il faut reconnaître cependant qu'avec l'ancien gouvernement ça n'a vraiment pas été facile, dans le sens où les garderies privées ont toujours été exclues de toute collaboration, si on veut, de la part du ministère à l'époque, de l'ancien gouvernement. On prendrait, par exemple, seulement les relations avec les CLSC, les protocoles d'entente avec les CLSC. Dès le départ, au moment de l'implantation de la loi, en 1997, les garderies privées ont été exclues de toute entente avec les CLSC. Comment l'ancien gouvernement peut justifier ça aujourd'hui, qu'on a dit aux garderies privées, qui étaient là pour offrir un service à la population du Québec à l'époque et qui le sont toujours aujourd'hui, comment on a pu leur dire que c'était interdit de pouvoir faire des ententes avec les CLSC pour s'occuper des enfants de milieux défavorisés et avec des besoins particuliers? Comment l'opposition pourrait-elle justifier ça aujourd'hui?

La qualité, chez nous, c'est important. La ministre nous a permis, cette année, à compter du 1er avril, justement de conclure des ententes avec les CLSC, et il n'y a pas une semaine, à l'association, où on n'a pas des demandes de support, de la part des garderies, à ce niveau-là, pour les aider dans cette démarche-là de conclure des ententes avec les CLSC. De nombreuses ententes sont en voie de signature. Même si, à l'heure actuelle, on n'a même pas encore un protocole type à nous, qui nous appartient, on s'inspire de celui qui existait avec les CPE.

Par ailleurs, l'association a mis sur pied, depuis plusieurs années, un programme de formation continue. Nous prônons aussi pour l'implantation du deux sur trois le plus rapidement possible. On sait que c'est dans les cartons et que ça devrait se réaliser dans les prochaines semaines, j'imagine. Nous, on prêche pour le deux sur trois et éventuellement même pour le trois sur trois qualifié. Ça nous apparaît important. On a suggéré d'ailleurs, dans notre mémoire ? en conclusion, vous comprendrez ? on suggère un programme de formation continue et obligatoire. Et, quand on dit «obligatoire», un peu en s'inspirant des ordres professionnels, ce qui existe dans les différents ordres professionnels à l'heure actuelle, ça pourrait être une obligation de formation de 10, 15, 20, 30 heures par année pour chacune des intervenantes auprès de la petite enfance. On considère que la qualité effectivement passe par la formation du personnel, et pour nous c'est l'élément essentiel à ce niveau-là.

Mme Théberge: Vous avez déjà plusieurs garderies parmi vos membres qui offrent... en fait qui ont le deux sur trois ou... Il y en a déjà? Malgré que la réglementation n'était pas là, vous l'aviez déjà fait?

M. Brasseur (Normand): Ah! tout à fait. Écoutez, selon nos statistiques, il y a plus de 42 % de nos garderies qui ont déjà le deux sur trois qualifié, et plusieurs sont en voie de l'obtenir. Naturellement, le programme de formation accélérée qui existait au ministère et qui existe depuis quelques années fait en sorte qu'il y a plusieurs éducatrices qui ont déjà obtenu leur formation, l'attestation en services de garde, mais qui pour le moment n'ont pas encore complété le nombre d'heures. Alors, on prévoit, nous, que, dans les deux ou trois prochaines années, on va être en mesure d'atteindre l'objectif de deux sur trois très facilement. Et la loi nous donne trois ans, mais on pense être en mesure d'atteindre cet objectif-là bien avant ça. Et d'ailleurs l'implantation, dans nos règles budgétaires, cette année, d'une règle de modulation va aussi permettre d'accélérer ce phénomène-là.

Mme Théberge: Au niveau du volet éducatif, on a parlé beaucoup, lors de cette commission-là, de programmes éducatifs, de démarches éducatives. Comment ça se passe au niveau des garderies privées? De quelle façon vous avez introduit ces programmes-là? Et c'est sûr qu'il y a une obligation à certains égards, là, mais de quelle façon encore une fois ça s'est livré sur le terrain?

M. Brasseur (Normand): Écoutez, le programme éducatif, il a été implanté dès le départ avec la politique familiale. La majorité de nos garderies l'ont implanté. Nous, on a offert de la formation à ce chapitre-là, on a utilisé aussi les services du ministère pour l'implantation de ces programmes-là. Mais effectivement, nous, ce qu'on dénote, c'est qu'effectivement la «démarche éducative», peut-être que le mot est moins fort que «programme éducatif», effectivement. Mais vous ciblez, dans la loi, les objectifs qu'il faut atteindre, et pour nous ça, c'est ce qui est le plus important.

Avant, on ciblait un seul programme et on trouvait très limitatif le fait d'implanter un programme qui s'appelle Jouer, c'est magique. Dans nos garderies, il n'y a pas qu'un programme, il n'y a pas que Jouer, c'est magique, il y a plusieurs programmes qui existent et qui sont en implantation et en fonction actuellement dans nos garderies. Je vous parlerais d'ailleurs d'un secteur de la province qui est actuellement en train d'implanter, avec une très grande fondation connue au Québec, la Fondation Chagnon, pour ne pas la nommer, une initiative privée qui est en train d'implanter différents types de programmes éducatifs dans plusieurs garderies et CPE, parce qu'il y a quand même collaboration entre les CPE et les garderies souvent dans des secteurs un peu plus locaux, et la démarche éducative est une démarche très importante au sein de l'association.

Mme Théberge: O.K. Vous parliez, tout à l'heure, des milieux défavorisés. Est-ce que vous avez soit des programmes particuliers ou des moyens particuliers? Qu'est-ce que vous faites dans ces milieux-là en plus de ce qui se fait ailleurs, là? Mais qu'est-ce que vous faites de particulier? Parce que vous l'avez mentionné comme si vous aviez une préoccupation au niveau des volets s'adressant aux milieux défavorisés.

M. Brasseur (Normand): Écoutez, le milieu défavorisé, plusieurs de nos garderies évoluent dans des milieux défavorisés, effectivement. Il y a des programmes spéciaux qui existent à ce niveau-là, et tentativement, à l'association, on tente d'apporter tout le support pour justement développer ces programmes-là dans ces garderies-là et bonifier, si on veut, les programmes éducatifs déjà existants.

Mme Théberge: Vous parlez, Mme Bélanger, vous l'avez dit encore dans votre présentation, au niveau du choix des parents. Vous parlez du choix des parents par rapport au service, la base, là, puis du choix des parents, j'imagine, aussi par rapport à une flexibilité. J'aimerais peut-être que vous précisiez votre pensée sur le choix des parents puis aussi me dire peut-être comment les garderies privées, en tout ou en partie, là, ont répondu à ce besoin de plus de flexibilité de la part des parents.

M. Alahmad (Samir): On a toujours prôné un libre choix des parents. Ça fait partie de notre philosophie. On a toujours été contre un monopole, peu importe qui qui va chapeauter ou qui qui va contrôler ce monopole. Je pense que les parents, ils sont assez responsables puis ils sont assez intelligents de choisir le service de garde de leur choix. Ça, c'est sacré et ça devra être et ça doit être toujours préservé dans notre société.

Les garderies privées prônent que les trois volets qui existent présentement, que ce soient les CPE, les garderies éducatives et le milieu familial, c'est des services distincts qui doivent exister, que le parent lui-même va être responsable de ses choix. En même temps, dans le choix des parents, on a toujours dit qu'un parent doit avoir le loisir de choisir, ne doit pas être forcé d'aller dans un système au lieu d'un autre. Il doit avoir toujours la possibilité de choisir son service de garde. Des guichets uniques et des listes d'attente dirigées qui vont dire: Oui, tu vas aller à un tel service de garde versus d'autres, nous, on a toujours été contre. Je pense que, nous, on a toujours dit qu'un parent doit visiter, doit être à l'aise avec son service de garde, ne doit pas être forcé à y aller parce que le seul endroit qu'il a trouvé une place, c'est là. Il doit avoir ce loisir-là de choisir une place. C'est pour ça que d'ailleurs, pour des listes d'attente unifiées, nous sommes en désaccord total avec ça.

Ça, ça n'exclut pas, par exemple, dans certains milieux, surtout dans le milieu familial, d'avoir un genre d'offre de service disponible, que les gens peuvent consulter, parce que quand même le milieu familial, eux autres ne sont pas connus de l'extérieur, ils n'affichent pas dans leur immeuble, dans leur maison: Oui, il y a du milieu familial ici. Mais on peut avoir une offre de service affichée, mais toujours le parent doit avoir le choix de choisir le service où il va envoyer ses enfants.

n (11 h 20) n

Mme Théberge: C'est ça. Est-ce que vous avez parmi vos membres des garderies qui font un genre de regroupement de disponibilité, je ne sais pas, moi, une dizaine de garderies dans un même secteur ou dans un secteur élargi? Est-ce qu'il y a des échanges sur la disponibilité, tout ça?

M. Alahmad (Samir): Mais c'est sûr, on le fait à une base non formelle, et, dans notre milieu à nous, on le fait même avec d'autres services. Croyez-le ou non, on le fait même avec les CPE. On reçoit des téléphones, on a des listes... On n'a pas eu le plaisir ou le choix d'offrir le volet milieu familial pour toutes sortes de raisons que vous connaissez très bien, mais, dans notre milieu à nous, on a des listes des éducatrices en milieu familial.

Je vous donne un exemple. Les garderies qui n'offrent pas le service en pouponnière, bien, dans leur secteur, on a des listes que... Nous, on a confiance avec ces gens-là, on les a rencontrés, mais sur une base très informelle. Quand les parents, ils viennent nous dire: Est-ce que vous connaissez quelqu'un?, oui, on donne les noms. En même temps, on fait ça avec d'autres services, que ce soit... On peut dire: Non, moi, je n'ai pas de place, mais j'ai entendu... dans tel secteur, oui, il y a de la place.

Mais j'ai toujours dit: Le parent, il peut mettre son nom sur trois, quatre listes d'attente, mais, quand ça arrive le moment qu'il y a une place qui se libère, bien, écoute, il appelle. Si la place est toujours disponible, c'est parfait. Si elle n'est pas disponible... Ça ne prend pas tellement de temps pour gérer ça.

Mme Théberge: Qu'est-ce que c'est, votre point de vue au niveau de la flexibilité, au niveau, par exemple, des horaires atypiques, des horaires non usuels, des heures d'ouverture, tout ça? Est-ce que ça se fait déjà? Jusqu'à quel niveau? Puis est-ce qu'il y a une ouverture chez les membres?

M. Alahmad (Samir): Écoute, c'est sûr, nous sommes très ouverts, mais il faudrait qu'on soit conscient de plusieurs facteurs. Il y a les horaires atypiques. Des horaires à ouverture étendue, il y a beaucoup de gens qui ont dit: Oui, nous sommes prêts, mais c'est toujours qu'il faut préserver aussi quand même le choix des gestionnaires de l'offrir. Il ne faut pas mettre l'obligation sur ces gens-là. Sur une base volontaire, oui, il y a des gens qui vont l'offrir. Il y a des gens d'ailleurs qui l'offrent aujourd'hui, dans des garderies, dans la province, des services de week-end, des heures étendues.

Là, il y a un autre débat ici. On a fait plusieurs projets pilotes dans le passé. Les systèmes de garde la nuit, ça, ça n'a jamais fonctionné. En tout cas, nous, on a des réserves sur ce genre de service. Mais ouverture le week-end, un samedi, ouverture plus étendue, oui, nous sommes favorables, et tant mieux s'il y a des secteurs où il y a de la nécessité. Mais, comme on a toujours dit, que ce soit chez nous, que ce soit avec les autres, il doit toujours être facultatif, et que les gestionnaires, eux autres, soient convaincus et soient outillés pour le faire aussi.

Mme Théberge: Oui, c'est important, effectivement. Avant de céder la parole à mon collègue... Est-ce que vous voulez intervenir, M. Brasseur?

M. Brasseur (Normand): Oui. Je voulais juste dire qu'effectivement ça se fait dans certains secteurs, et il y a des besoins qui ont été développés dans différents secteurs. Mais ce dont il faut tenir compte aussi, c'est que souvent, les parents eux-mêmes ne sont pas nécessairement très favorables souvent à ça, hein? Il reste que c'est des enfants 0-4 ans dont on parle, et c'est difficile pour un parent même de confier son enfant dans des structures comme celles-là pour la nuit et même des périodes pouvant aller jusqu'à 48 heures. Mais il y a effectivement des besoins, et on se montre quand même ouverts à ça. Mais il faut laisser les localités dans le fond ou les secteurs se développer eux-mêmes un service à leur mesure.

Mme Théberge: C'est ça, on s'entend que le besoin n'est pas le même partout, puis il n'est pas nécessaire partout non plus d'avoir des heures d'ouverture plus longues ou des horaires variables. Ça, c'est bien entendu. De se donner la flexibilité d'y répondre, c'est une chose, mais de rendre obligatoire... évidemment il n'en est pas question. Alors, je veux vous rassurer tout de suite.

Avant de céder la parole à mon collègue de droite, je voulais juste vous entendre au niveau de la gouvernance et de la présence des parents. Vous savez que le projet de loi propose la présence en fait de parents sur vos conseils d'administration et l'obligation d'un comité de parents. Évidemment, on en a déjà parlé, je sais que ça existe déjà chez vos membres, mais peut-être en parler un peu plus longuement. Comment vous entrevoyez ça, premièrement? Parce que c'est un questionnement que les gens avaient, ça, d'avoir des parents sur vos conseils d'administration, compte tenu que vous êtes des organismes privés.

M. Brasseur (Normand): On est très heureux. Écoutez, nos comités de parents existent depuis toujours et ont toujours été très participatifs dans nos garderies. Mais, vous savez, je me plais à dire, moi, souvent que nos comités de parents sont composés beaucoup plus que d'un comité de cinq ou six personnes. Notre comité de parents, c'est les 80 parents qui fréquentent les garderies, c'est les 80 parents qui s'arrêtent au bureau, le matin, pour discuter de différentes problématiques, qui vont vous parler de leurs enfants et avec qui vous allez pouvoir échanger au niveau de tous les sujets qui peuvent concerner et la garderie, et le programme éducatif, et l'enfant. Alors, il ne faut pas non plus se baser strictement sur une structure et dire: Bien, il va y avoir cinq parents qui vont avoir toute cette responsabilité-là. Nous, les conseils d'administration de parents, on y croit, mais en même temps on se dit que dans le fond ça ne se limite pas à cinq parents, justement, ça s'étend aux 80 parents de la garderie.

Alors, le fait aussi d'avoir ajouté dans le fond l'alinéa 6° de l'article sur le comité de parents ? je ne me souviens pas du numéro de l'article ? pour nous c'est important parce qu'effectivement il y avait une problématique qui existait auparavant, qui faisait en sorte que... Certains diront qu'on avait plus de plaintes que les autres. Le problème, c'est la structure qui faisait en sorte que le parent qui avait une plainte à formuler ne se sentait pas tout à fait à l'aise souvent de s'adresser directement au directeur, qui est à la fois le propriétaire. Alors, le fait d'avoir introduit cette mesure-là de passer par le comité de parents au préalable nous apparaît une mesure très, très, très favorable, dans le sens où justement le parent va avoir d'autres parents de la même garderie avec lesquels il va pouvoir discuter, échanger et valider l'objet de sa récrimination, s'il y a lieu. Mais en même temps ça va permettre aussi au propriétaire d'être directement impliqué, parce que, comme je vous dis, notre comité de parents, pour nous, en tout cas, il s'étend beaucoup plus qu'à un simple comité de cinq ou six personnes, ça s'étend à l'ensemble de notre garderie.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission. Merci, madame, d'avoir présenté un mémoire. M. le Président, j'ai combien de temps?

Le Président (M. Copeman): Trois minutes.

M. Bachand: O.K. Merci. Donc, suffisamment de temps.

J'ai lu, à la page 7, et je vais vous rappeler un peu les mots que vous employiez: «...pression utilisés par les CPE ainsi que par leurs alliés syndicaux sont indignes et le langage utilisé à cette occasion fait souvent injure à l'intelligence.» Ce sont des mots très durs. Moi, je suis député du comté d'Arthabaska, et il y a eu des manifestations, en fin de semaine, chez moi. Ce ne sont pas des syndiqués qui sont venus, chez nous, manifester, ce sont des parents, ce sont des enfants, ce sont des gestionnaires aussi, donc pas syndiqués, et ce sont aussi des travailleurs autonomes qui ne sont pas syndiqués. Donc, avez-vous quelque commentaire là-dessus?

M. Brasseur (Normand): Écoutez, quand vous lisez des communiqués comme ceux qui sont émis, à l'heure actuelle, par l'AQCPE et même par l'opposition, dans lesquels on parle de démantèlement, dans lesquels on vient, à tout bout de champ, rabaisser le secteur des garderies privées et même le secteur des garderies en milieu familial, on s'interroge sérieusement sur la validité d'un tel langage, sur l'à-propos d'un tel langage. Et ça, ce n'est pas un langage qui est d'hier, là, c'est un langage qui existe depuis 25 ans, depuis l'origine de la loi, en 1979. Le deuxième alinéa de l'article 1.1, qui favorisait les garderies à but lucratif à l'époque, ce qui est devenu les centres à la petite enfance, a toujours existé, et ça a amené justement ce type de langage là.

Est-ce qu'on peut, plutôt que de se parler sur ce ton-là ? et vous remarquerez que c'est très rare qu'on utilise ce langage-là, mais on en a comme ras-le-bol, excusez l'expression ? est-ce qu'on peut maintenant parler des enfants justement et tenter de trouver des solutions qui vont être favorables à la population?

M. Bachand: Parlons-en, M. le Président, donc de ces enfants-là, effectivement. Vous ne pensez pas que, le réseau qui existe actuellement, on aurait intérêt à intégrer, par exemple, le réseau privé puis à aller dans le sens de l'organisation de ce réseau-là, permettre au réseau privé d'avoir sa place aussi à l'intérieur de ce réseau-là, permettre aux enfants effectivement d'avoir et aux parents d'avoir le choix d'aller où ils veulent?

Et, moi, je vais vous faire rapidement, et très rapidement... C'est peut-être un mauvais exemple, c'est peut-être boiteux un peu, mais le réseau des écoles privées et des écoles publiques existe aussi. Et vous parlez souvent des privilèges, parce qu'à la page 7 vous parlez aussi de privilèges. Moi, je parle peut-être aussi de moyens. L'école privée a des moyens. L'école publique a des moyens que l'école privée n'a pas, hein? Et, moi, je ne pense pas que ce soient des privilèges que l'école publique a, je pense que ce sont des moyens différents, et chacun tire son épingle du jeu. Il y a des parents qui vont à l'école privée et il y en a, des parents qui vont à l'école publique... pas des parents mais des enfants qui choisissent, plutôt. Dans ce sens-là, vous ne pensez pas que favoriser le réseautage de l'ensemble de l'offre de service, ce n'est pas avantageux pour l'ensemble de la société québécoise, ça?

n (11 h 30) n

M. Brasseur (Normand): Tout à fait. Mais c'est comme on vient de vous expliquer, l'article 1.1 de la loi auparavant donnait un privilège au secteur public. Ce privilège-là a été utilisé à outrance, d'une certaine façon, en excluant les garderies privées. On prend notamment l'exemple, là, des ententes avec les CLSC. C'est odieux d'avoir interdit aux garderies privées de ne pas pouvoir offrir des services à des enfants en difficulté. Quand même, là, c'est vraiment d'ajouter l'injure à l'insulte. Mais ce qu'on dit, c'est qu'effectivement le secteur privé devrait pouvoir collaborer, au même titre que les CPE et les milieux familiaux, à l'offre de services au Québec. D'ailleurs, sur le territoire québécois, dans certaines petites régions, ça existe déjà. Il y a des ententes qui existent, et ça va très bien.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Brasseur. Merci. M. le député de Joliette.

M. Valois: Alors, tout d'abord, vous saluer, vous remercier énormément pour votre présence. Vous faites quand même une belle contribution à cette commission, une belle contribution démocratique et qui vaut la peine d'être soulignée. Alors, merci. Merci et bienvenue.

Tout d'abord, vous dire que, oui, c'est le député de Joliette qui intervient aujourd'hui, et je suis convaincu que le député de Vachon est allé vous voir pour vous expliquer pourquoi c'était le député de Joliette qui venait, et nous nous en excusons encore. Certainement, vous pourrez être en mesure de comprendre.

Évidemment, c'est avec beaucoup d'intérêt non seulement qu'on a lu le document qui nous est remis, mais qu'en plus nous avons écouté la présentation qui est faite. Rarement, depuis... C'est la cinquième journée. Rarement... Non, quatrième. Rarement avons-nous vu une intervention aussi politique. Au-delà des éléments, des articles de ce projet de loi, il y a beaucoup d'interventions ? le député d'Arthabaska en faisait mention ? qui sont de nature beaucoup plus politique.

D'entrée de jeu, je répéterai la phrase que le député d'Arthabaska lui-même a soulignée, et à grand titre. C'est à la page 7, c'est en bas. Ça dit: «Enfin, le discours et les moyens de pression utilisés par les CPE ainsi que par leurs alliés syndicaux sont indignes et le langage utilisé à cette occasion fait souvent injure à l'intelligence.» Alors, déjà, plutôt que d'intervenir sur le projet de loi n° 124 strictement et de dire ou vous êtes à l'aise ou pas à l'aise, vous prenez un portrait beaucoup plus large et vous parlez des autres intervenants de ce milieu-là qui, de façon tout aussi démocratique, sont venus ici, interpellés sur le projet de loi n° 124.

Vous terminez votre document, à la page 12, avec la conclusion où, d'entrée de jeu, dans la conclusion, vous revenez et vous dites: «Il s'agit d'une démarche courageuse et qui dérangera forcément les chantres du statu quo comme bon nombre de gestionnaires de CPE, qui devront composer avec un rétrécissement de leur petit royaume, de même que certains syndicats en mal d'accroître leur membership.»

C'est comme si ce document-là que vous nous déposez aujourd'hui, c'était: nous, on se pose moins de questions à savoir si c'est un démantèlement ou non. Parce qu'il y a quand même 90 % des CPE qui n'auront plus de milieu familial, alors on peut appeler ça quand même un changement majeur, si on ne peut pas appeler ça un démantèlement. Mais il y a quand même quelque chose qui se déconstruit en quelque part. Et ce que je lis dans le document, c'est que vous n'en êtes même pas là. Vous en êtes plus à dire: Bien, écoutez, avec la relation présentement qu'on a entretenue, depuis 1997, avec les CPE, bien c'est rien que bien bon, ce qui leur arrive aujourd'hui, puis on vient vous dire que, l'attitude qu'ils ont tenue, bien, aujourd'hui, cette tape-là que la ministre leur donne, bien ils l'ont peut-être méritée. Puis, nous autres, étant donné qu'on a toujours été en confrontation avec ces gens-là, de voir peut-être même leur affaiblissement, le rétrécissement de leur petit royaume, bien c'est quelque qu'on apprend, nous autres, comme une bonne nouvelle.

C'est quand même un peu spécial qu'un organisme vienne non pas nous faire une conclusion de développer l'ensemble de son argumentation autour des articles tant que ça du projet de loi n° 124, mais plus du positionnement politique et des rapports qu'ils ont eus. Et là, évidemment, vous comprendrez que je ne parle pas non plus des mots que vous avez utilisés à l'égard de l'ancien gouvernement qui, comme vous le savez très bien, et sûrement avec un certain sourire en coin, constitue, aujourd'hui, l'opposition.

Mais, au-delà de tout ça, au-delà de tout ça, le député d'Arthabaska ? et ça en fera ma première question ? vous dit: Il faut revenir aux enfants. Et vous dites: Justement, justement, parlons-en, des enfants. Sauf que comment je dois interpréter que, dans votre conclusion, vous dites que «les garderies éducatives entendent soutenir cette réforme porteuse d'avenir et jouer un rôle constructif, pour la simple raison qu'elle est centrée sur les besoins des parents»? Vous dites vous-mêmes que, d'abord et avant tout, ce qui est là, c'est une réforme centrée sur le besoin des parents, et très rarement on vous entend parler justement de ce milieu éducatif, de ce que l'enfant a de besoin. Je vous donne la chance.

M. Alahmad (Samir): Je pense qu'il faudrait qu'on ne soit pas gêné d'appeler les choses avec leur vrai nom. Ce sont des problèmes qu'on a dans notre société. Ici, on est gêné des fois d'appeler les choses, de voir les choses avec les vrais yeux. Dans notre mémoire, si on le lit comme il faut, on a traité tous les dossiers. On a dit pourquoi on supporte le projet de loi, pourquoi on supporte le projet des coordonnateurs. On a demandé, dans notre mémoire, l'exemption de la TPS et TVQ. On a salué la gouvernance, que ce soit côté CPE, que ce soit côté nous autres. On a salué que la démarche éducative maintenant et dans la loi... On n'a pas parlé seulement contre les syndicats ou contre leur alliée, l'AQCPE.

Mais malheureusement, sur ces questions-là, le débat est rendu très politique, et ce n'est pas depuis aujourd'hui, là. Quand Mme Carbonneau, elle vient ici, en train de dénigrer, avec tous les mots, le réseau de garderies privées, je n'ai pas vu personne se lever puis dire: Non, Mme Carbonneau, ce sont des gens qui... Il y a 70 000 enfants qui fréquentent le réseau, 70 000 parents qui fréquentent le réseau. Assez de dénigrement! Assez de l'insulte même! Je n'ai pas vu personne qui s'est levé ici pour nous défendre.

Quand Mme Carbonneau nous traite de garderies commerciales, expliquez-moi, M. le Président, où est utilisé le mot «garderies commerciales» dans notre société. La Loi des services de garde n'utilise même pas ça, la Loi des compagnies n'utilise même pas ça. Dans notre société, on n'utilise même pas ça. Ce n'est pas du dénigrement, ça? Mme Carbonneau, avec toute la CSN qu'il y a en arrière d'elle, sont venus ici, devant tout le monde. Et ce n'est pas d'aujourd'hui, ça. Depuis toujours on dénigre les garderies privées, depuis toujours on voulait créer un monopole, depuis toujours on voulait éliminer les garderies privées avec n'importe quel prix.

On a dénoncé, nous autres, le syndicat. On dénonce, aujourd'hui, la campagne de peur. On dénonce la campagne de désinformation. Lisez les journaux à matin, ce n'est pas rien que nous autres qu'on dit ça, là. À un moment donné, il faudrait appeler les choses par leur nom. On est en train de dire: Oui, il y a eu détournement d'argent à d'autres fins. Oui, le réseau du milieu familial, on l'a dit, c'est un réseau qui s'occupe d'à peu près la moitié de nos services de garde. Il faut supporter ce réseau, il ne faut pas l'enlever.

Tout ce qu'on voit aujourd'hui, et c'est l'essentiel d'un projet de loi, c'est vraiment le coeur d'un projet de loi qu'on est en train de voir ici. C'est une question de monopole, de pouvoir, d'argent. Et, quand vous voyez le Conseil québécois des centres de la petite enfance, quand vous voyez l'Association des éducatrices en milieu familial, c'est eux, le réseau, avec nous. On dit: Oui, nous sommes d'accord avec qu'est-ce qui se passe, puis on entend parler, dans les journaux, de toutes sortes de choses, à droite puis à gauche, mais on ne peut pas passer à côté, là... c'est le coeur des débats. Et malheureusement ça vient de tout le monde, et même ça vient de l'opposition officielle. On vous a entendus à plusieurs reprises dénigrer notre réseau. Assez, c'est assez!

n(11 h 40)n

M. Valois: Avant que vous soyez ici, il y avait un autre intervenant qui s'appelait Réjean Tessier, un chercheur qui, comme plusieurs autres chercheurs qui se sont penchés sur les types de services offerts aux parents et aux enfants, en est venu à la conclusion que le projet de loi n° 124 n'était pas un bon projet de loi, dans le sens où on voulait aller. D'ailleurs, lorsque l'opposition officielle intervient, c'est bien souvent, bien souvent sur la base d'études comme Grandir en qualité, comme, aujourd'hui, un chercheur qui vient nous voir, et qui nous parle justement de qualité, et qui met des éléments, des éléments très importants pour évaluer la qualité ? au nombre de sept ? qui sont des éléments qui peuvent avoir un impact. On parle des salaires des éducatrices, on parle du niveau de scolarité des éducatrices, on parle du ratio adulte-enfants, on parle du mode de gouvernance et du statut juridique du milieu de garde comme étant un élément important qui joue dans cette évaluation que nous avons de la qualité. On parle aussi de la stabilité du personnel, salubrité des lieux. Il y a des éléments qui sont pris en compte.

Et, sur la base de ces éléments-là, ce qu'on nous dit et, moi, ce que j'ai à prendre, ce ne sont pas des anecdotes qui me sont racontées mais bien des gens qui sont allés faire des recherches, qui sont allés sur le terrain. Je ne peux pas me baser sur autre chose que les chiffres du ministère qui me sont donnés, que ceux des chercheurs qui sont allés faire ces études-là. Et, lorsque l'opposition officielle prend cette position, par rapport notamment au privé, lorsque d'autres intervenants se questionnent sur le privé, nous ne faisons que reprendre ce que plusieurs études, ce que plusieurs chercheurs nous parlent.

En se sens-là, vous qui voulez avoir le même statut, le même statut que les collèges privés, bien, à un moment donné, il faut regarder comment fonctionnent aussi les collèges privés par rapport aux collèges publics, les exigences qui sont demandées par le ministère de l'Éducation aux collèges privés par rapport aux collèges publics. Si vous voulez avoir ce même statut là, bien on va devoir parler d'échelles salariales, on va pouvoir parler aussi, si vous voulez avoir le même nom, de conseils d'administration réellement décisionnels. Est-ce que vous êtes prêts à faire tous ces aménagements-là, vous qui voulez avoir le nom CPE?

M. Brasseur (Normand): M. le Président, on parle de politique, on nous accuse de faire de la politique, mais je pense qu'on ne parle que de politique dans une question comme celle-là. Mais on va y répondre quand même.

Vous savez, les études sur lesquelles on se base datent de l'époque, hein ? parce que Grandir en qualité date de deux, trois ans ? de l'époque où justement les garderies privées étaient complètement discréditées par tout ce qui s'appelle milieu des CPE et par ce qui s'appelle l'ancien gouvernement, malheureusement faut-il le rappeler. Aujourd'hui, on est dans un nouveau contexte. On est dans un contexte où on fait une ouverture pour que soient traités équitablement tous les parents et tous les enfants du Québec, quel que soit le type de service qu'ils vont choisir, et pour nous c'est ça qui est important. Pour nous, ce qui est important, c'est que les enfants du Québec puissent bénéficier du même bénéfice que tout le monde.

Les garderies sans but lucratif, ou ce qu'on appelle maintenant les centres à la petite enfance, ont été, pendant 25 ans, largement privilégiées, que ce soit en termes d'injection de fonds, que ce soit en termes de support de la part de l'Office des services de garde à l'époque et du ministère jusqu'en, disons, 2003. Ils ont eu tout le support que les garderies privées n'ont pas eu. Les garderies privées se sont fait carrément refuser toute aide à une certaine époque. Et, aujourd'hui, vous comparez la qualité de ces services-là et vous réalisez que, malgré tout ce support-là, malgré tout cet argent injecté dans les garderies sans but lucratif et dans les centres à la petite enfance, après 25 ans, quel résultat on a? On a un résultat passable dans les centres à la petite enfance. Pendant ce temps-là, les garderies en milieu familial, les garderies privées, qui se sont battues pour juste le fait de se faire reconnaître, ont offert un service de qualité équivalent.

Alors, la question à se poser, ce n'est pas de savoir: Comment se fait-il que les garderies n'ont pas de meilleur résultat? Effectivement, le résultat, pour nous il n'est pas satisfaisant. Mais, compte tenu de tout ce qui s'est passé précédemment et de tout le privilège qui a été accordé aux centres à la petite enfance, on considère que notre performance est très, très, très enviable par rapport à celle des CPE.

Ceci étant dit, pour ce qui est de la qualité, les garderies privées démontrent depuis de nombreuses années qu'elles sont très intéressées à participer à la qualité. Puis même, à l'heure actuelle... Vous parliez, par exemple, des échelles salariales. À l'heure actuelle, les garderies privées respectent en grande partie les échelles salariales. C'est variable, ça dépend des secteurs, mais en grande partie les garderies privées respectent ou suivent les échelles salariales. Elles n'y sont pas obligées, c'est un fait, mais elles doivent, force du marché oblige, les respecter, et la plupart des garderies privées les respectent. Alors, oui, les garderies privées sont prêtes à offrir le maximum de qualité, pour peu que les gouvernements en place vont offrir une équité entre les trois réseaux et vont faire en sorte de favoriser les échanges entre les réseaux.

J'entendais tantôt M. Tessier, j'ai lu M. Cloutier et il y aura M. Tremblay, qui viendra un peu plus tard en journée, qui vont encore une fois exposer les résultats de ces études-là. Ces études-là se fondent sur une période où il n'y avait pas d'échange, où il n'y avait pas de support offert, ni aux garderies à but lucratif ni aux milieux familiaux. À partir du moment où vous allez offrir les mêmes ressources aux trois réseaux, je peux vous garantir, et j'en fais l'engagement solennel ici, que le réseau privé va devenir le leader de la qualité au Québec, mais pour peu qu'on lui donne la chance de s'exprimer et qu'on lui donne les mêmes ressources que les gouvernements ont toujours données aux chantres du statu quo ? appelons-les comme ça. Oui.

M. Valois: D'accord. Je vous remercie. On comprend très bien aussi que les écoles privées n'ont pas le même financement non plus de l'État, par rapport aux écoles publiques, là, je veux dire. Tu sais, si on veut se comparer, il faut aussi se comparer en termes de financement.

Moi, je reçois ça, là, et d'un autre côté, et là vous êtes sûrement en mesure de me le dire, bon, O.K., échelles salariales, ça commence à se faire. Je ne sais pas si vous serez à l'aise avec le fait que, bon, si vous voulez avoir le titre de CPE, ça puisse devenir quelque chose d'obligatoire, une règle. Bon, à un moment donné, il faut se donner des... Tu sais, avoir le nom, avoir le nom CPE, ça vient aussi avec une série, exemple, de critères et de ce qu'on doit aussi atteindre comme standards. Mais, au-delà de ça, nous, vous vous rappelez, en 2003 ? et peut-être que ça a changé, parce qu'il me semble que bien des choses semblent avoir changé depuis 2003 ? en 2003, on disait que les garderies avaient ? et là je parle des CPE ? avaient quelque chose comme 145 millions en banque, et ce qu'on savait aussi, par contre, c'est que les garderies privées avaient un 35 millions en banque, donc des surplus, là. Et, si on divisait ça par le nombre de places que les CPE s'occupaient, c'est-à-dire qu'en gros les CPE avaient un surplus de 793 $ environ par place en banque alors que les garderies privées avaient engrangé en banque un total de 1 414 $ donc de surplus. Il semblait y avoir, à ce niveau-là, quand même quelque chose qui faisait en sorte que les garderies privées avaient quand même réussi à mettre, par place, le double de ce que les CPE se mettaient de côté, là, pour la suite des choses.

Est-ce que ces chiffres-là sont encore réels?

M. Brasseur (Normand): Écoutez, ces chiffres-là, on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres, mais, M. le Président, il faut mal connaître la comptabilité pour comparer deux réseaux comme ceux-là avec des chiffres comme ceux-là.

Vous savez, le propriétaire qui décide de se payer par voie de dividendes conserve les surplus justement dans sa corporation, et ça constitue des fonds propres. Ça constitue des fonds propres non pas à la corporation, mais au propriétaire. Et, vous savez, effectivement, les garderies privées ne sont pas là non plus pour faire du bénévolat. Au même titre que tous les intervenants, dans le milieu des centres à la petite enfance, on est là pour gagner notre vie, O.K., au départ, même chose que pour les médecins ou ce qu'on voudra. Alors, les chiffres que vous nous soumettez ne se comparent pas. Malheureusement, vous ne pouvez pas comparer la même chose.

Cependant, lorsque justement on révèle au même moment ces surplus-là et que précédemment on a révélé des problèmes de qualité ? parce que c'est un problème que d'avoir un niveau de qualité moyen alors qu'on a des surplus d'engrangés de 145 millions dans un réseau public qui a été fortement privilégié ? je pense que la vraie question, c'est là qu'elle doit se poser. Les fonds propres des garderies privées sont souvent des investissements personnels des propriétaires, alors que les fonds qui sont en surplus dans les centres à la petite enfance sont des fonds qui appartiennent à la collectivité, qui appartiennent à la population, et, ces fonds-là, qu'ils n'aient pas été investis dans les services aux enfants, c'est là où le bât blesse, comme notamment, aujourd'hui, les 80 millions qui ne sont pas investis dans les garderies en milieu familial, qui n'ont pas été investis dans les garderies en milieu familial mais qui ont été investis dans des structures. Lorsqu'on entend qu'il y a un gestionnaire pour six employés dans le réseau public ? et là-dessus on ne comprend pas les secrétaires, les comptables et tout le personnel de soutien ? ça devient aberrant. Gérer une garderie privée de qualité alors qu'on investit tout dans les services aux enfants, ça prend un gestionnaire qui est capable d'être le chef d'orchestre de tout ça. Alors, on se rend compte fortement que les surplus et les sommes qui ont été investis dans le réseau n'ont pas été investis dans la qualité mais plutôt dans les structures.

M. Alahmad (Samir): Je pourrais ajouter... Excuse, si je peux me permettre...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Alahmad.

n(11 h 50)n

M. Alahmad (Samir): ...la comparaison entre les écoles privées, il y a une limite, jusqu'où on peut aller avec la comparaison. Il faut faire une mise au point ici. C'est très, très, très intéressant. C'est qu'envoyer un enfant dans une école privée, c'est un privilège. Le parent a le loisir de l'envoyer ou de ne pas l'envoyer à une école privée, pendant que les garderies conventionnées font partie du réseau. Il y a des secteurs de la ville où il n'y a pas de CPE, c'est seulement des garderies conventionnées. C'est un droit. Quand, un système, on l'appelle privé, mais on est rendu presque à du parapublic, quand tes entrées de fonds, quand la cotisation que tu dois charger est vraiment contrôlée par plusieurs réglementations, on ne parle pas de la même chose avec les écoles privées. Nous sommes très balisés. C'est qu'on n'a pas le loisir d'aller chercher beaucoup de différences à droite puis à gauche. Et encore ? je reviens là-dessus ? envoyer un enfant dans une école privée, c'est un privilège, tandis que, dans un système conventionnel, c'est un droit. La même chose, le 200 000 places, on fait partie du 200 000 places.

M. Valois: Il me reste?

Le Président (M. Copeman): Quelques secondes, M. le député.

M. Valois: Merci encore d'être venus. Maintenant, je voudrais certainement pouvoir avoir votre impression, et ce ne sera peut-être pas dans le cadre de cette commission, mais finir par vous entendre plus formellement par rapport à l'article 38, cette ouverture qu'on laisse à cette gestion qui pourrait venir d'une personne morale ou d'une autre entreprise, savoir si vous avez des craintes par rapport à ça, l'arrivée de franchisés ou quelque chose comme ça, ou si pour vous, là, il n'y a aucune crainte, vous êtes très, très, très à l'aise, et ça ouvre à quelque chose qui peut être juste bénéfique pour votre organisme.

M. Brasseur (Normand): On ne le regarde pas sous la forme d'un bénéfice quelconque, on le regarde... Le seul bénéfice qu'on pourrait regarder, c'est le bénéfice pour les parents et les enfants.

On le sait depuis longtemps et c'est dit dans le journal, ce matin, les relations entre le milieu familial et les CPE n'ont jamais été très, très harmonieuses. À certains égards, dans certaines petites localités, effectivement ça va bien. Mais, dans l'ensemble, ce qu'on voit sur le terrain et ce qu'on entend, nous, sur le terrain, ce n'est pas très, très joyeux. Alors, nous, ce qu'on trouve d'intéressant là-dedans, c'est que les bureaux coordonnateurs vont pouvoir...

Et ça me fait rire. Vous me parliez de M. Tessier auparavant et de son groupe. On expliquait là-dedans la réunion de quelques CPE, etc. On parlait d'un bureau coordonnateur, à ce moment-là, ce matin. Alors, c'est ça, des bureaux coordonnateurs, pour nous. Que ça vienne d'une initiative sans but lucratif, des centres à la petite enfance ou des garderies privées, point à la ligne, favorablement ce que, nous, on souhaiterait, c'est que ça vienne des deux milieux à la fois, qu'à la fois les garderies privées, dans un secteur donné, et les centres à la petite enfance puissent se réunir et former à eux deux un bureau coordonnateur, et ça, ce serait une idée très intéressante, et on est très ouverts à ça.

Le Président (M. Copeman): Mme Bélanger, M. Alahmad, M. Brasseur, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association des garderies privées du Québec. J'invite immédiatement les représentants de l'Association des enseignantes et enseignants en techniques d'éducation à l'enfance à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Si les représentants de l'Association des enseignantes et enseignants en techniques d'éducation à l'enfance pouvaient s'approcher à la table...

Alors, nous souhaitons bienvenue à l'Association des enseignantes et enseignants en technique d'éducation à l'enfance. Mme la présidente St-Pierre, bonjour.

Mme St-Pierre (Nadine): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous indique que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Sans plus tarder, la parole est à vous. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des enseignantes et enseignants en
techniques d'éducation à l'enfance (AEETEE)

Mme St-Pierre (Nadine): Oui. Tout d'abord, mon nom est Nadine St-Pierre, je suis présidente de l'Association des enseignantes et enseignants en techniques d'éducation à l'enfance; à ma gauche, Johanne Fournier, collègue du cégep du Vieux Montréal, enseignante aussi; et, à ma droite, Richard Moisan, du collège de Sherbrooke, enseignant aussi.

Merci tout d'abord de nous avoir invités à cette commission parlementaire. Je vais vous présenter l'association. L'Association des enseignantes et enseignants en techniques d'éducation à l'enfance existe depuis 1989. Elle se veut un lieu d'échange et d'information pédagogique entre les enseignants des différents collèges offrant la formation en techniques d'éducation à l'enfance. Elle représente le point de vue de ses membres auprès des différentes instances gouvernementales et intervenants du milieu. À ce titre, des représentants de l'association ont collaboré à plusieurs des comités mis sur pied par le ministère au cours des dernières années.

En tant qu'enseignants, la qualité des services éducatifs offerts aux enfants est au coeur de nos préoccupations. De plus, nous avons une bonne connaissance du milieu des services de garde à l'enfance et une expertise qui s'appuie sur notre collaboration de longue date avec les intervenants du milieu. Nous avons aussi à coeur la reconnaissance et la promotion de la profession d'éducatrice et d'éducateur à l'enfance. Ces raisons motivent notre participation à cette consultation.

Mme Fournier (Johanne): Le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine s'apprête à faire des modifications majeures au réseau des services éducatifs à l'enfance par l'intermédiaire du projet de loi n° 124. Nous voulons, à l'occasion de cette commission parlementaire, vous communiquer les principales inquiétudes de notre association professionnelle à ce sujet. Ces modifications majeures nous sont proposées au moment où le développement de ce grand réseau n'est pas encore achevé. Ce réseau constitue pourtant un modèle d'intégration des services éducatifs à l'enfance cité à la grandeur du pays et même à l'extérieur. Depuis huit ans, des efforts phénoménaux ont été consentis par les membres des CPE pour diversifier les offres de service et pour atteindre, le plus rapidement possible, les 200 000 places devant répondre aux besoins identifiés. Par l'intermédiaire de la supervision de stages que nous effectuons dans ces milieux, nous sommes témoins de tous les efforts faits parallèlement par ce milieu pour consolider la qualité de leurs services.

Ce projet de loi, s'il est adopté tel quel, aura des conséquences selon nous sur les CPE et leur personnel, sur le soutien des responsables de la garde en milieu familial, sur la place des parents usagers dans la gestion des différents types de services. Il aura aussi un impact sur la qualité des services offerts et sur la formation des éducatrices, qui constitue une des bases importantes de ce réseau. Pourquoi faire ces changements structurels importants dans le but avoué d'amputer de 50 millions le budget des services de garde à l'enfance au moment où le Québec vient de recevoir 1,1 milliard de dollars pour ceux-ci du gouvernement fédéral?

Le modèle des CPE et son importance. Nous, on y croit, au modèle des CPE. Ces institutions, contrôlées par les parents usagers et appartenant à la collectivité québécoise, offrent des services éducatifs diversifiés et intégrés, centrés sur les besoins des enfants et des familles. Ces services diversifiés, ayant à la fois une mission éducative et sociale, sont offerts en complémentarité et en partenariat avec le réseau de la santé et des services sociaux. Les protocoles d'entente CLSC-CPE ont été mis en application, puis, dans notre document, on donne quelques exemples de partenariats qui existent, à l'heure actuelle, grâce à ces protocoles.

Travaillant de façon étroite, depuis plus de 20 ans, avec les membres des CPE, connus avant sous le nom de garderies sans but lucratif, nous avons constaté l'engagement de qualité du personnel de ce réseau. Les CPE sont d'ailleurs largement représentés dans notre banque de milieux de stage, car ce sont des milieux de qualité avec une forte proportion de personnel formé offrant un excellent support pédagogique à nos étudiantes. Une majorité de nos étudiantes qualifiées choisissent par la suite de travailler dans ce réseau, car elles y apprécient l'engagement personnel et professionnel qu'elles peuvent y faire et les bonnes conditions de travail.

Durant quelques mois, on a semé la méfiance dans la population concernant la gestion des CPE. On se demande pourquoi changer tout un réseau alors que le gouvernement a les moyens de sanctionner ceux qui pour diverses raisons auraient dérogé aux règles administratives, si tel était le cas. Nous sommes inquiets qu'on change ce véritable projet d'économie sociale en un projet rentable, au service exclusif de la réponse aux besoins de garde où se côtoient des prestataires de services et des parents bénéficiaires.

Nous comprenons qu'un gouvernement ait pour mandat de vérifier si le réseau des services éducatifs à l'enfance répond bien aux besoins des familles et même qu'il ait à vérifier si certaines économies peuvent être faites. Mais pourquoi transformer tout un réseau quand l'AQCPE, qui est l'Association québécoise des CPE, ou l'Association du personnel cadre des CPE se disaient ouvertes à la négociation, tant au niveau budgétaire qu'au niveau de la flexibilité des horaires et de la centralisation des listes d'attente? D'ailleurs, il y a eu des projets, tant dans le Regroupement de la Montérégie que dans d'autres regroupements de CPE, qui ont été mis en place et qui permettent de répondre à ces besoins.

n(12 heures)n

Le support aux responsables de la garde en milieu familial. Un des rôles importants des CPE consiste à soutenir les responsables de services de garde pour maintenir la qualité de leurs services offerts aux enfants. De nombreux témoignages de RSG confirment qu'après une période d'apprivoisement, qui a été nécessaire au départ, des liens étroits se sont tissés entre les responsables et leur CPE, et puis les recherches confirment l'importance de ce soutien et de cette collaboration. On en citait deux, mais je vais revenir sur celle de Mme Bigras avec M. Bouchard, Mme Japel et M. Moreau qui dit que le soutien reçu par leur CPE permet aux milieux familiaux d'atteindre un niveau de qualité supérieur à celui observé dans les garderies à but lucratif. Cependant, ce soutien, pour qu'il soit efficace, au fond, doit être offert de façon fréquente et continue, de la part du CPE, afin de favoriser la qualité des interventions, comme l'ont souligné plusieurs études.

Notre inquiétude est à ce niveau: Comment se fera le soutien aux RSG dans le nouveau contexte de ce projet de loi? Est-ce qu'on va obtenir les mêmes résultats si cette enquête était faite de nouveau dans quelques années? Parce que, même si la ministre se fait rassurante sur le soutien qu'elles recevront des bureaux coordonnateurs, nous croyons que ces RSG se retrouveront beaucoup plus isolées qu'auparavant, et ça, ça nous inquiète. Dans le modèle actuel, un CPE gère en moyenne 16 milieux familiaux, alors qu'un bureau coordonnateur risque d'en gérer une centaine, dépendant des milieux.

Dans un contexte de gestion efficiente des fonds publics, y aura-t-il plus de personnel affecté au contrôle qu'au soutien pédagogique de ces RSG? Dans les régions périphériques, où les territoires à couvrir seront très grands et les milieux dispersés, il est prévisible que le contexte d'éloignement ait de nombreuses conséquences: très peu de support dans la première année qui suivrait ces changements, étant donné que tous les milieux devront être réévalués d'ici avril 2007, moins de support direct dans le milieu, moins de rencontres entre les RSG.

Si ces RSG n'obtiennent pas le soutien dont elles ont besoin, voudront-elles encore accepter des enfants ayant des besoins particuliers? Les tables régionales d'intégration des enfants présentant des déficiences signalent régulièrement le fait que de nombreuses familles en attente de places dans les services de garde sont en attente, et elles auraient, entre autres, choisi le milieu familial parce qu'il reçoit un petit nombre d'enfants. Certains CPE, prévoyant de perdre leurs conseillères pédagogiques, ont d'ailleurs mis leur politique d'intégration en veilleuse avec beaucoup de regret.

À l'article 40 du projet de loi, on annonce que le soutien serait offert sur demande. Le terme «sur demande» peut apparaître intéressant à prime abord, mais, si ce soutien est moins accessible et donc moins efficace, il perdra son sens. Dans la situation actuelle, ce soutien est offert de façon continue et sans frais pour les RSG par les CPE.

C'est souvent à l'aide d'un regard conseil provenant de l'extérieur, regard dont les visées sont plus de supporter que de surveiller, que le soutien pédagogique prend tout son sens et son efficacité. La qualité principale des services de soutien actuels est que justement les conseillères pédagogiques ont la possibilité d'observer et d'intervenir sur des situations problématiques vécues par les RSG, ce qui souvent les amène à porter un regard différent sur le problème vécu et sur les solutions possibles.

Étant donné que la structure de coordination du milieu familial sera centralisée et que les ressources de soutien seront moindres, les agentes de soutien pédagogique se retrouveront-elles, comme dans d'autres organismes gouvernementaux, à travailler en fonction des situations les plus urgentes? Cette offre de service sur demande aura-t-elle comme conséquence que certaines RSG ne recevront jamais de visite pour améliorer leurs services?

Les milieux familiaux associés aux CPE recevaient du support pour appliquer le programme éducatif. Les conseillères pédagogiques les mettaient aussi en contact avec des ressources communautaires qu'elles ne connaissaient pas toujours, et les diverses expertises développées dans les CPE profitent également aux milieux familiaux rattachés à ces CPE.

Mme St-Pierre (Nadine): Je vais maintenant vous parler des conséquences de ce projet de loi sur les CPE. Les CPE ont déjà subi jusqu'à maintenant des coupures de plusieurs millions de dollars tout en essayant de maintenir l'ensemble de leurs services. Comme nous le constatons dans la supervision de stages, ces coupures ont déjà affecté certains services, entre autres les postes de conseillère pédagogique ou encore des heures de planification pédagogique.

Plusieurs CPE se retrouveront dans des situations financières précaires parce qu'ils ont fait des investissements pour diversifier leurs services. Les budgets de certains CPE en seront complètement déstabilisés. La coupure d'environ 500 postes de conseillère pédagogique est très néfaste. Le réseau va perdre une expertise considérable de personnel formé ayant une expérience importante de soutien pédagogique. Plusieurs éducatrices ne pourront plus compter sur le support de leur conseillère pédagogique pour élaborer les plans d'intervention des enfants en besoins particuliers ou pour offrir du support aux compétences parentales.

Qu'arrivera-t-il à toutes ces conseillères pédagogiques et ces personnes responsables de la reconnaissance des RSG qui ont organisé à toute vapeur le milieu familial et dont on vient ici récupérer le fruit de leur travail? Quelle belle reconnaissance professionnelle du travail qu'elles ont accompli! Des mesures seront-elles prises pour s'assurer que le réseau ne perde pas toute cette expertise pédagogique? Les CPE risquent aussi de perdre un bon nombre de directrices adjointes. Tout cela pour régler quels problèmes? Quels sont les irritants si majeurs et si préoccupants qui commandent une restructuration complète de tout le réseau des CPE? Quelle est l'urgence de déstabiliser tout un réseau à ce stade-ci? Pourquoi redéfinir de nouvelles structures pour près de la moitié des places du réseau? Qu'est-ce qui est si néfaste pour les enfants actuellement?

Mme la ministre, votre ministère est aussi responsable de la condition féminine. Nous vous rappelons que ces coupures massives s'effectueraient dans un milieu presque exclusivement féminin. Nous vous recommandons donc que le gouvernement investisse les sommes reçues ou à venir du fédéral dans les services de garde.

À propos des bureaux coordonnateurs, des bureaux coordonnateurs seraient dorénavant responsables de coordonner les services de garde en milieu familial. À l'heure actuelle, les critères pour obtenir un agrément de bureau coordonnateur laissent place à la subjectivité, les critères étant généraux et assujettis aux conditions déterminées par la ministre. Elle peut aussi solliciter une organisation à présenter une demande. Le projet de loi permet aussi à des sociétés à but lucratif de demander un agrément de bureau coordonnateur. Nous croyons à un réseau sans but lucratif de services éducatifs à l'enfance. Chaque dollar investi dans ce réseau doit être utilisé pour donner des services de qualité aux enfants et à leurs familles tout en accordant de bonnes conditions de travail à leurs employés. Les services éducatifs à l'enfance ne peuvent être utilisés pour faire des profits ou pour verser des dividendes aux actionnaires de la compagnie en fin d'année.

Même si la ministre s'est faite rassurante sur le choix des emplacements pour offrir un service de proximité, combien de temps et d'argent seront dépensés dans les déplacements de ce personnel dans les régions périphériques?

Nos recommandations: que le gouvernement étudie, avec les partenaires du réseau de CPE, l'opportunité de réduire le nombre de CPE responsables de la garde en milieu familial en respectant les critères de proximité et l'expertise des conseillères pédagogiques des CPE; que le gouvernement maintienne un caractère non lucratif du réseau intégré des CPE, incluant la garde en milieu familial; que le gouvernement abandonne l'idée de la création de bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial.

Enchaînons avec la gérance des services éducatifs à l'enfance et la place des parents. Le projet de loi n° 124 permettrait au gouvernement d'exercer plus de contrôle dans la gestion des CPE: possibilité d'établir un règlement interne, imposition de l'ajout de deux membres de la communauté dans les C.A. et diminution de l'exigence de la représentation des parents sur le C.A. ? les parents y seraient simplement majoritaires, alors qu'auparavant ils formaient le deux tiers. C'est pourtant le bénévolat et l'engagement de ces mêmes parents usagers qui ont permis de construire le réseau des services de garde. Soulignons que le rythme de développement des services se situait autour de 2 000 à 3 000 places par année avant l'avènement de la politique familiale et qu'il est passé à environ 14 000 nouvelles places par année durant la dernière année. Il ne faut pas s'étonner que cette ingérence soit perçue par les parents comme un manque de confiance envers eux.

Où seront maintenant représentés et écoutés les parents de tous les enfants reçus en milieu familial, ce qui représente 45 % de la clientèle des services de garde? Seront-ils assurés d'être représentés de façon majoritaire et de jouer un rôle décisionnel dans tous les bureaux coordonnateurs? Pourquoi le même projet de loi ne prévoit-il pas le même contrôle dans les garderies à but lucratif, où il n'y a aucun comité décisionnel? Deux poids, deux mesures. Ces milieux reçoivent pourtant des subventions dans des proportions semblables à celles des CPE.

Nous recommandons alors que le gouvernement du Québec reconnaisse la compétence des parents administrateurs et des directions de CPE, en matière de gestion des services de garde éducatifs, en ne modifiant pas la composition des C.A.

M. Moisan (Richard): Abordons maintenant les concepts de programme éducatif et de démarche éducative. Dans le projet de loi, on ajoute, à l'article 5, que le prestataire des services prévoit, dans l'élaboration et l'application de sa démarche éducative, premièrement, des activités qui ont pour but de favoriser le développement global de l'enfant en lui permettant de développer toutes les dimensions de sa personne, notamment sur les plans affectif, social, moral, cognitif, langagier et moteur, pour but aussi d'amener progressivement l'enfant à s'adapter à la vie en collectivité et de s'y intégrer harmonieusement. Deuxièmement, toujours par rapport au même article, il doit prévoir des services de promotion et de prévention visant à donner à l'enfant un environnement favorable au développement de saines habitudes de vie et de comportement qui influencent de manière positive sa santé et son bien-être.

n(12 h 10)n

Il nous semble intéressant que le gouvernement ait pensé à mettre un article du projet de loi qui s'assure que les services offerts aux enfants et aux familles soient des services éducatifs. Cependant, quand nous comparons cet article du projet de loi au programme éducatif des CPE en usage dans le milieu et dans le programme de formation, nous avons des réserves. Le programme éducatif des CPE assure une approche beaucoup plus claire et précise, sa philosophie éducative s'appuyant sur de solides recherches en éducation préscolaire. L'approche de la démarche éducative apparaît selon nous comme un affaiblissement de la mission éducative des CPE. Nous vous avons joint les principes de base du programme éducatif des CPE.

Les sujets des horaires atypiques et de l'accessibilité des services ayant été largement traités, nous allons vous entretenir de la réglementation, à la page suivante. Donc, les deux prochains sujets, horaires atypiques, accessibilité des services, nous les passons pour aborder le dernier sujet de notre exposé, la réglementation et les règles administratives, à la page 10.

Selon l'article 104 du projet de loi, le gouvernement peut, par règlement, pour l'ensemble ou une partie du territoire, établir des normes de qualification, y compris des normes d'équivalence de la formation reçue et de l'expérience acquise à l'étranger des personnes travaillant chez un prestataire de services de garde ainsi que les conditions qu'elles doivent remplir. Cet article nous inquiète grandement, dans le contexte où nous avons dû réagir, la semaine dernière, au Mémoire de consultation sur la révision des règles administratives concernant la classification et la rémunération du personnel salarié des services de garde, où il est proposé que chaque année de scolarité pertinente qui manque à la formation reconnue pour être une éducatrice qualifiée peut être compensée par deux années d'expérience pertinente. On y propose aussi la création de nouvelles catégories d'emploi de type subalterne qui permettront à des personnes sans aucune qualification en petite enfance d'occuper des postes ou de réaliser des tâches à caractère pédagogique. Cela nous apparaît comme un recul inacceptable et incompatible avec la recherche de qualité. Ainsi, l'aide-éducatrice tout comme l'aide générale pourraient, jusqu'à 50 % de leurs tâches, remplacer l'éducatrice pour de courtes périodes, tels l'accueil, le départ, les périodes de jeux libres, la pause, les siestes, la collation, les repas. Elles doivent aussi veiller à la santé, à la sécurité et au bien-être des enfants.

Sans qualification aucune? Comment pouvons-nous souscrire à l'objectif d'améliorer la qualité avec de telles mesures touchant la formation du personnel, qui, soit dit en passant, est un facteur majeur de qualité?

Le Président (M. Copeman): M. Moisan, je voudrais juste vous indiquer: il reste à peu près 1 min 30 s pour la présentation.

M. Moisan (Richard): Ça va. Si les objectifs du ministère sont d'ordre économique, nous ne croyons pas que ce soit en nivelant par le bas les exigences de qualification du personnel que l'on doit y arriver. La formation demeure un atout majeur au niveau de la qualité. C'est un chèque en blanc que nous ne sommes pas prêts à endosser. Donc, nous recommandons que le gouvernement respecte les dispositions en vigueur actuellement dans la Loi sur les règlements et que le gouvernement définisse, dans la réglementation touchant les exigences de formation du personnel, que toute éducatrice doit posséder une formation reconnue et renonce au projet d'une nouvelle classe d'emploi d'aide-éducatrice qui aurait pour fonction d'assurer les responsabilités de l'éducatrice en remplacement de celle-ci.

En conclusion ? oui ? bien que nous partagions les objectifs de qualité, d'accessibilité, de pérennité, nous ne pouvons être en accord avec les moyens proposés. Malgré toutes nos bonnes intentions, il est difficile pour nous de porter un regard objectif sur l'ensemble de cette réforme de services de garde, puisqu'il manque plein de pièces au casse-tête: périodes de transition à définir, réglementation à modifier, règles administratives à venir.

Le projet de loi n° 124 constitue une remise en question fondamentale de la politique familiale de 1997, celle-ci identifiant le CPE comme étant le pilier du réseau de services éducatifs. Privé de la supervision du milieu familial, le concept de CPE perd tout son sens. Ce projet de loi aurait aussi pour conséquence de transformer le rôle des parents, diminuer la qualité des services éducatifs et faciliter la commercialisation des services éducatifs à l'enfance. Nous sommes convaincus qu'il est possible d'apporter des améliorations au réseau dans le cadre de la loi actuelle.

Donc, nous recommandons que le gouvernement retire le projet de loi n° 124 et qu'il consolide le réseau par des améliorations dans le cadre de la loi actuelle. Merci de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci, mesdames, monsieur. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes St-Pierre et Fournier et M. Moisan. Merci beaucoup d'être ici, ce midi ? en fait, présentement, on est rendus à ce midi ? pour partager avec nous vos préoccupations concernant le projet de loi n° 124. Évidemment, compte tenu que votre spécialité est dans la formation, je pense qu'on va se concentrer sur ces volets-là parce que vous nous apportez probablement beaucoup d'éclaircissements.

Un que je vais vous donner, moi, peut-être en départ: par contre, au niveau de ce que vous venez de dire, M. Moisan, concernant les qualifications, tout ça, vous savez que ces énoncés-là font partie en fait d'un travail en continu dans le cadre évidemment de l'équité salariale ou d'une révision de règles administratives qui se font régulièrement à travers le temps. Et il y a des comités de travail dont l'AQCPE, entre autres, a fait partie. Ils ont même, en fait, fait un questionnaire auprès de 600 de leurs membres pour justement établir les cadres d'emploi.

Une voix: ...

Mme Théberge: Pardon?

Une voix: ...

Mme Théberge: C'est ça, il y a eu une tournée en plus pour justement établir les cadres d'emploi et les différents postes dans un service de garde ? je ne sais pas si c'est standard, mais en tout cas les services de garde, et tout ça. Alors, c'est des travaux qui se font régulièrement, c'est à l'étape de la consultation. Alors, le mot le dit, quand on consulte, on va pour écouter et voir de quelle façon ça pourrait se concrétiser à la fin.

Ceci dit, j'aimerais vous entendre un peu plus sur le volet éducatif, parce que vous savez que, dans la loi actuelle, il n'y a aucun élément en fait qui encadre, de quelque façon que ce soit, le volet éducatif. Vous me direz que ça n'a pas empêché les gens de mettre en place des programmes éducatifs, de développer des approches et des démarches, si on prend tous les mots, dépendant de l'angle, et nous souhaitons, par l'article 5 que vous avez mentionné, justement, mettre un cadre plus précis.

Et vous dites que vous êtes d'accord dans le fond avec l'article 5. Ça, ça ne va pas nécessairement assez loin à votre goût. Alors, jusqu'où devrait-on aller dans une loi pour s'assurer, nous, que le volet éducatif, le service éducatif est au rendez-vous, évidemment égal partout, en respect des réalités des services? Mais jusqu'où on devrait aller? Parce que vous disiez que ce n'est pas assez précis. De quelle façon on pourrait être plus précis?

M. Moisan (Richard): Alors, je pense que, le programme éducatif, tel qu'il est conçu actuellement, dont on ne référait pas dans l'ancienne loi, maintenant on...

Mme Théberge: De quel programme vous parlez?

M. Moisan (Richard): Le programme éducatif des CPE, celui qui est en vigueur depuis la politique familiale.

Mme Théberge: O.K.

M. Moisan (Richard): C'est un programme qui apporte un cadre beaucoup plus précis. Alors, on comprend bien qu'on ne peut pas écrire un programme éducatif dans une loi, mais en même temps ce programme-là est basé sur des principes de base. Pour nous, ces principes de base là sont le point de départ de toute action éducative. D'inscrire la démarche éducative dans la loi, est-ce que cela va indiquer qu'à ce moment-là il y aura une latitude très grande à considérer à peu près tout geste comme étant une démarche éducative? Alors, vous savez, ça peut être très large.

Mme Théberge: Oui, vous avez raison, il faut être prudent à ce niveau-là. Mais je vous dirais que, nous, lorsqu'on regarde les programmes qui se dispensent partout, la latitude qu'on peut donner mais qu'on doit évidemment baliser, et compte tenu des principes qui sont dans ce programme-là... Nos comités de travail et les gens qui ont travaillé sur la loi considéraient que le libellé de l'article 5 répondait bien, justement, à ça. Je voudrais savoir en quoi ça ne répond pas. Si on fait en sorte, par l'article 5, de dire, entre autres, qu'on favorise le développement global de l'enfant ? là, je résume ? évidemment sur le plan affectif, social, moral, cognitif, langagier et moteur et qu'on attache ça à une démarche et à des programmes potentiels, et tout ça, alors je me demande juste qu'est-ce qu'on devrait préciser plus que ça pour s'assurer d'une bonne compréhension.

M. Moisan (Richard): Alors, pour nous, certains éléments qui sont identifiés et définis dans le programme éducatif des CPE sont des éléments très importants pour apporter la couleur de l'action éducative auprès des enfants. Je vous nomme quelques principes: le principe de l'unicité de l'enfant, intervenir avec un groupe d'enfants tout en considérant l'unicité de chacun des enfants à l'intérieur de mon groupe nous paraît un élément majeur à véhiculer comme valeur dans notre action éducative. Considérer l'enfant comme étant le premier agent de son développement, c'est de mettre l'enfant au centre de l'action, c'est de mettre l'enfant comme étant le premier responsable de son action et de lui offrir la possibilité de faire des choix.

Mme Théberge: Excusez-moi. C'est parce que, là, on s'entend que dans le fond c'est difficile d'introduire des éléments comme ça dans une loi. Si on dit «en respect des valeurs de», c'est une chose, mais est-ce que vous ne pensez pas que justement ce sont des éléments que vous me suggérez peut-être d'introduire dans soit un règlement ou comme objectif de programme à élaborer et à obliger?

n(12 h 20)n

M. Moisan (Richard): À partir du moment où une réglementation subséquente préciserait ce concept de démarche éducative et irait plus loin dans ce concept de démarche éducative ? et pour nous d'aller plus loin, c'est de réaffirmer les principes de base du programme éducatif des CPE ? on se sentira, je pense, à l'aise. Le programme éducatif des CPE laisse quand même une certaine latitude au niveau de l'application, au niveau des modalités, de la façon dont on va traduire ce programme-là, et ça, je pense que tous les milieux le souhaitent, avoir cette certaine autonomie là. Mais, comme population québécoise, on a fait des choix, on a élaboré certains principes de base, et c'est clair pour nous que simplement de parler de démarche éducative, ça ne va pas assez loin. Si on nous rassure avec un projet de réglementation, qu'on n'a pas lu, qu'on n'a pas vu, qui va le préciser, à ce moment-là, ça répond à nos attentes.

Mme Théberge: Bon, bien, c'est intéressant, ce que vous dites.

Vos collègues, Mmes St-Pierre et Fournier, ont parlé aussi du support, du soutien aux responsables en milieu familial. En fait, il y a plusieurs préoccupations que vous avez. Entre autres, vous parlez de formation continue, au-delà de la formation de base, vous parlez aussi d'augmentation d'heures.

Comment vous verriez, indépendamment de la structure, là, comment vous verriez... ou jusqu'où encore une fois pourrait-on aller ou pourrait-on... Qu'est-ce qu'on pourrait demander à nos responsables en milieu familial pour répondre à des exigences que vous avez?

Mme Fournier (Johanne): Bien, les inquiétudes qu'on avait puis qu'on a mentionnées dans notre mémoire, c'est... Ce qui ressort des recherches, c'est qu'un accompagnement régulier, un soutien pédagogique régulier auprès des responsables de garde en milieu familial leur permet, étant donné que la formation de base, c'est 45 heures, hein, en milieu familial ? ce n'est pas les mêmes exigences au niveau de la formation ? alors le soutien pédagogique qui vient des conseillères pédagogiques permet de s'approprier graduellement les principes du programme éducatif. Et le fait que ça se fasse de façon continue, fréquente, qu'il y ait aussi la possibilité d'échange avec les éducatrices de l'installation aussi...

Il n'y a pas juste les échanges entre les éducatrices en milieu familial, mais aussi les échanges entre les éducatrices en milieu familial et les éducatrices de l'installation, puis, le partage d'expertise qui se fait dans ces rencontres-là, je pense que ça donne et une meilleure compréhension du programme éducatif, et des moyens de l'appliquer, et de l'ouverture aussi pour aller chercher des nouvelles ressources et de la formation. Je pense qu'il faudrait aussi donner des moyens aux responsables en milieu familial, à travers la réglementation, de pouvoir se libérer pour aller chercher de la formation sur une base régulière.

Mme Théberge: Est-ce que vous intervenez auprès du milieu familial, présentement?

Mme Fournier (Johanne): ...des collèges qui ont offert des cours dans le cadre de l'attestation, et je pense qu'il y a des enseignantes qui, par le biais des formations offertes par les regroupements, ont fait de la formation en milieu familial assez largement, dans le cadre des 45 heures qui leurs sont offertes, là, soit sur le programme éducatif soit sur les différents aspects du 45 heures, sur leur rôle, la santé, l'alimentation, et tout ça.

Mme Théberge: O.K. En quoi vous pensez que le projet de loi ne permettrait pas ou ne permettrait plus ce soutien au milieu familial?

Mme Fournier (Johanne): C'est l'ordre de grandeur. On parle de couper 50 millions pour réaliser ces bureaux-là. On craint que l'objectif soit plus l'économie financière et qu'étant donné le nombre... On passe de une conseillère pédagogique pour 16 responsables en milieu familial à, dans un bureau coordonnateur, une centaine de milieux familiaux. On a peur que ces gens-là n'obtiennent pas le même soutien et de façon continue. Surtout, le terme «sur demande» qui apparaît, ça nous inquiète. Là, les services, ils les ont de façon continue et sans frais supplémentaires. Est-ce qu'on arrivera à leur demander aussi des frais à ce niveau-là? On n'a pas les règlements qui viennent avec pour nous rassurer, là.

Mme Théberge: C'est ça. Il ne faudrait pas faire dire au projet de loi ce qu'il ne dit pas et ce qu'il n'y a surtout pas dans l'esprit ni de la loi ni dans la tête de la ministre non plus.

Le bureau coordonnateur, quand on dit qu'il y aura un soutien... Avant vous, il y avait un groupe, tout à l'heure, de Québec, haute-ville. En fait, le principe qu'ils ont au niveau du regroupement de services, tout ça ressemble beaucoup, beaucoup, beaucoup à ce qu'un bureau coordonnateur pourrait ressembler, dans le fond, une mise en commun de ressources humaines et de ressources matérielles.

Les ressources humaines, lorsqu'on dit qu'on augmente le nombre de places par bureau coordonnateur, on a toujours dit en même temps, dans la même phrase: Il y a une équipe dans le fond qui va suivre. Ce n'est pas une personne. Vous dites: Une pour 16. Ce ne sera pas une personne pour ça, là. Il ne faut pas voir du tout comme ça. On dit: Il y aura une équipe qui va être là, multidisciplinaire, justement pour assurer ce soutien de proximité continu, et sur demande, en plus, parce qu'on est conscients, puis ça nous a été soulevé régulièrement, que les responsables en milieu familial ont parfois des problématiques très particulières, très ponctuelles et souhaitent avoir en fait un service sur demande. C'est à cet effet-là que le «sur demande» est écrit dans la loi. Alors ça, probablement que ça va vous rassurer en quelque part. Et le service continu de proximité doit demeurer, et c'est pour ça que dans le fond on dit: Moins de structures et plus de services. Alors, les enveloppes, et les ressources humaines, et les ressources matérielles vont aller directement à un service comme ça.

Tout à l'heure, vous parliez du 1-16. 1-16, c'est quoi? C'est un ratio qui existe où?

Mme St-Pierre (Nadine): C'est une conseillère pédagogique... Actuellement, dans les CPE, ce qu'on voit le plus fréquemment, c'est une conseillère pédagogique pour à peu près... un suivi pour 16 RSG. Et là, c'est ça, lorsqu'on lit la loi, actuellement, on a l'impression que le nombre augmenterait plutôt pour une centaine, et, moi, bon, tant mieux si vous nous rassurez, mais j'aimerais aussi peut-être qu'on se fasse rassurer. Vous nous parlez d'une équipe multidisciplinaire. À ce moment-là, nos conseillères pédagogiques sont actuellement de nos anciennes étudiantes qu'on a formées et qui étaient des étudiantes de qualité, pour s'être rendues à des postes comme ceux-là. Est-ce qu'elles pourront conserver leurs emplois? Est-ce qu'on aura une équipe multidisciplinaire avec vraiment une formation à la petite enfance? Sur ce point-là, on aimerait être rassurés.

Mme Théberge: Oui. Vous vous rappellerez, la semaine dernière, en Chambre, en réponse à une question, justement, on disait, présentement, évidemment toujours sous l'approbation de la loi, là, mais dans le cadre de travaux, on disait qu'on allait confirmer plus de 900 postes, dont près de la moitié justement des conseillères pédagogiques. J'ai dit souvent, dans le cadre de cette commission, que les conseillères ne changeraient probablement que d'employeur. Ce n'est pas le CPE La Petite Lune, dans le fond, c'est peut-être seulement le Regroupement La Petite Lune. C'est comme ça, c'est juste au niveau administratif, parce que les mêmes personnes vont se retrouver dans le fond en soutien aux mêmes personnes en milieu familial, avec les regroupements et tout.

Et, le ratio, nous, on évaluait ça un peu comme, je ne sais pas... Est-ce que 1-20... Vous dites 1-16 présentement, vous tenez compte d'une certaine distance, évidemment. Si je vous dis qu'on a les mêmes préoccupations, est-ce que ça vous rassure quant au soutien que les gens vont recevoir?

M. Moisan (Richard): Si vous me dites que vous avez la même préoccupation, oui, mais vous me dites en même temps que vous avez une préoccupation d'économiser. Alors, à ce moment-là...

Mme Théberge: Vous ne pensez pas qu'on peut des fois, en revoyant un peu les façons de faire à des niveaux qui ne touchent pas le service direct aux enfants, faire une économie qui est appréciable quand on est contribuable? Et, si on s'assure que les enveloppes vont en service direct, tant dans le fond en soutien, parce que ça veut dire service aux enfants évidemment, là... Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une idée à explorer?

M. Moisan (Richard) Je pense que, si l'idée d'avoir des plus grosses structures ne nuit pas à l'aspect personnalisé du service... Vous savez, ce n'est pas facile, rentrer chez une responsable et être avec elle, là. Pour aller souvent dans les milieux familiaux pour superviser des stagiaires, on rentre dans leurs maisons, on rentre dans leurs milieux, on rentre dans leurs services. Ce sont des travailleuses autonomes. Il y a une importance primordiale au côté personnalisé de ce service-là, et c'est une relation qui n'est pas facile à établir. Alors, si une mégastructure fait qu'il y a un roulement de personnel ou que, d'une fois à l'autre, on ne rencontre pas la même personne, il n'y aura plus ce lien de confiance là, il n'y aura plus cette ouverture: ouvre ma porte, viens chez moi et viens travailler avec moi.

Mme Théberge: Vous avez tout à fait raison quand vous dites que cette proximité-là est importante, puis c'est le défi que nous avons, d'assurer un bon soutien de proximité en respectant l'autonomie des gens, que ce soit en CPE, parce que c'est une entreprise aussi, les garderies privées, ou en milieu familial, tout en s'assurant justement, particulièrement pour le milieu familial, que ce soutien-là soit adéquat, selon son besoin. Et, je vous dirais, là, nous avons cette préoccupation-là en fait depuis le début.

Le projet de loi n° 124 est en grande partie en réponse à cette demande du milieu familial d'être mieux soutenu, d'être mieux écouté et de faire en sorte que les parents... Parce que, vous savez, c'est près de 88 000 places en milieu familial, au Québec. C'est le milieu qui est le favori des parents, parce qu'on a plusieurs régions, on n'est pas toujours centre-ville Québec, centre-ville Montréal, et c'est un milieu qui est très apprécié, et on est très conscients et des demandes des parents, et des besoins des enfants, et des besoins de soutien aussi du milieu familial. J'espère justement que la collaboration qui se fait avec vos milieux d'enseignement va se poursuivre au niveau de la formation continue et du soutien.

Merci beaucoup d'avoir été avez nous, ce matin. Voulez-vous ajouter quelque chose?

n(12 h 30)n

Mme St-Pierre (Nadine): Juste clarifier le fait que justement les RSG en ce moment qui font affaire avec les CPE l'ont fait par choix et par valeurs. C'est qu'elles ont choisi les CPE en termes de valeurs qui les représentaient. À ce moment-là, est-ce que la mégastructure, les bureaux coordonnateurs auront toujours ces valeurs-là avec lesquelles ces RSG là prônent... dans leurs milieux? C'était à ce niveau-là aussi que je voulais vérifier, là.

Mme Théberge: C'est pour ça que j'ai mentionné souvent ? 30 secondes ? ...

Le Président (M. Copeman): Oui.

Mme Théberge: ...au cours de cette commission-là, le fait de garder les liens. Ce n'est pas parce que le bureau coordonnateur dans le fond regrouperait autant des conseillères pédagogiques et des coordonnateurs, coordonnatrices sur un territoire donné, qu'il regrouperait ça que ça empêche les liens avec les CPE et que ça empêche les liens avec les garderies, et les CLSC, et tout le volet communautaire, dans le fond, du secteur, là. C'est même souhaitable non seulement que ça demeure, mais que ça s'améliore, en plus. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Est-ce qu'il y a consentement pour prolonger nos travaux au-delà de 12 h 30? Consentement? Consentement. Merci. M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Tout d'abord, Mmes St-Pierre, Fournier, M. Moisan, bonjour. Bienvenue à cette commission. Merci énormément pour la présentation de votre document, que vous nous avez remis aussi.

En profiter pour vous expliquer que je serai celui qui, au nom de l'opposition officielle, aujourd'hui, vous posera les questions et en profiter pour aller chercher chez vous une certaine compréhension du fait que ce ne soit pas M. Bouchard qui dans votre cas... M. le député de Vachon ? désolé ? puisse vous poser ces questions-là. Je suis certain que vous saurez comprendre, là, cette situation qui est bien malgré nous, jusqu'à un certain point. Encore une fois, bonjour.

Ce que j'ai aimé de votre présentation, notamment, au-delà du fait que ça me rappelait que j'étais moi-même, avant d'être un député, un professeur, un professeur de niveau collégial... J'enseignais la sociologie, notamment la sociologie de la famille, et j'avais, comme vous le savez très bien, énormément de classes où des étudiantes essentiellement ? parce qu'il faut le dire comme c'est, hein ? étudiaient les techniques d'éducation à l'enfance. Et ce que j'ai aimé de votre présentation, c'est de se rappeler que justement il faut une formation pour arriver à la qualité.

On s'était donné des règles. La journée qu'on avait décidé, en 1997, de s'ouvrir ce grand réseau là des CPE, des centres de la petite enfance, il y avait trois grands critères qu'on voulait maintenir pour faire en sorte que l'enfant qui ne serait plus dans son milieu, dans sa famille, toute la journée mais bien dans un autre milieu puisse avoir le maximum pour son développement. Évidemment, il y avait la formation des gens qui étaient pour s'occuper de ces tout-petits-là, il y avait la stabilité de ce personnel donc qui vient avec tout ce qu'on appelle les conditions de travail, le salaire, tout ça, qui font en sorte que ces gens-là deviennent non seulement des professionnels parce qu'ils ont la formation, mais en plus font carrière, font métier là-dedans, et le dernier critère était que le parent demeure en lien avec l'enfant parce que ce lien-là doit continuer à exister même si l'enfant n'est plus dans sa demeure pour la durée d'une journée ou de quelques jours par semaine.

Alors, de venir ici nous rappeler qu'un des éléments les plus fondamentaux, c'est la formation, et de le mettre en lien, comme vous l'avez fait, avec le fait que, lorsque les femmes arrivent et veulent suivre ces cours-là, c'est parce qu'elles veulent devenir des professionnelles, elles veulent être reconnues comme des professionnelles...

Elles ne veulent pas, ces femmes-là, être reconnues comme: parce que je suis une femme ? et donc j'ai supposément, à l'intérieur de moi, des aptitudes à la petite enfance ? bien je devrais faire ce métier-là. Ce n'est pas ça du tout. C'est une personne qui choisit d'aller se chercher une formation pour devenir une professionnelle, et elle veut être reconnue comme une professionnelle. Et c'est très important, ce que vous nous rappelez là, cette idée de faire en sorte que toutes ces femmes qui travaillent dans ce milieu-là soient reconnues à même titre, et non pas selon deux niveaux, des professionnelles de ce milieu-là, et c'est ce qui fait en sorte que ces femmes vont bien souvent suivre des cours et veulent avoir cette formation-là.

Moi, là, ce n'est pas dans votre document, mais parlez-moi donc de l'étudiante qui arrive, la première session, versus celle qui sort après toute la formation que vous lui avez donnée. Qu'est-ce qu'elle vient chercher, qui fait en sorte que, si elle n'avait pas passé par là, on n'aurait pas, au bout... Parce que, c'est sûr, nous, on le fait, le lien, puis les chercheurs le font tous, le lien entre la formation et la qualité. Vous le voyez. Moi, quand j'étais professeur au cégep, je les voyais évoluer. Je les voyais. Un étudiant de première session, ce n'est pas un étudiant qui finit, là, hein, on le sait très bien. Expliquez-nous ce qui s'est passé chez ces étudiantes-là qui sont arrivées, qui ont passé par vos cours et qui par la suite s'en vont s'occuper de nos enfants.

M. Moisan (Richard): Alors, cette étudiante-là qui arrive en première année ? souvent à 17 ans pour à peu près la moitié de notre clientèle et souvent à 20, 22 ans pour des gens qui arrivent d'autres programmes ? est quelqu'un qui va travailler, pendant trois ans, à développer une série de compétences. Alors, notre programme identifie 22 compétences à l'intérieur de tout le programme de formation dans la formation spécifique, des compétences majeures, relations affectives, significatives avec l'enfant, être capable d'observer le comportement de l'enfant, compétence au niveau de la créativité aussi, exploiter sa créativité, beaucoup de compétences qui sont de l'ordre du développement personnel.

La personne qui vient en techniques d'éducation à l'enfance n'est pas une personne qui apprend une procédure technique de différents éléments, c'est quelqu'un qui d'abord travaille sur elle-même, sur une série d'attitudes éducatives. Elle va aussi travailler à apprendre à animer des activités éducatives, elle va aussi travailler à s'occuper, oui, de la santé et de la sécurité. Et un des éléments bien importants ? je pense qu'il est majeur ? et ce que les éducatrices nous disent comme étant les compétences les plus difficiles quand elles sont rendues sur le marché du travail: tout ce qui touche l'intervention auprès des enfants, l'intervention quotidienne auprès des enfants, qui ont des comportements habituels ? c'est des enfants ? et l'intervention aussi auprès des enfants qu'on reçoit et qui ont des besoins particuliers, ça, c'est une difficulté majeure que les gens du milieu de travail nous indiquent.

Et l'autre difficulté majeure, c'est tout ce qui est de l'ordre de la relation avec le parent, le développement de compétences parentales. Vous savez, quand on dit dans un programme que la collaboration avec le parent favorise le développement de l'enfant, une collaboration avec le parent, ça se développe, et ce n'est pas quelque chose qui est facile à travailler, et ça prend beaucoup d'heures de formation pour en venir à être capable de développer des compétences par rapport à la relation et au partenariat avec les parents.

Et, depuis 1997, on est même allés jusqu'à parler du partenariat avec d'autres ressources du milieu, avec d'autres réseaux. On nous reconnaît comme faisant partie prenante d'un réseau où il y a des gens en éducation, il y a des gens dans les services sociaux et il y a des gens aussi qui sont dans les services de garde, et ce sont tous des collaborateurs pour supporter la famille, ces gens-là. Je ne sais pas si, en quelques secondes, je peux vous donner une petite...

M. Valois: Non, c'est très, très...

Une voix: ...

M. Valois: Pardon?

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Dans le même sens que mon collègue, sur la formation, vous êtes des enseignantes, vous enseignez donc à de futures éducatrices en milieu familial. Vous êtes le 22e groupe d'ailleurs qu'on reçoit. Il est évident qu'il y a toutes sortes de pensées sur les ressources en services de garde en milieu familial. Or, ce sont, pour la plupart, des mères, quelques pères qui décident d'offrir ce service-là. En termes de formation, elles sont supportées par les CPE, ce qui est très bien.

D'un côté, les éducatrices en installation reçoivent un nombre d'heures important. Ça va jusqu'à trois heures, la formation complète. Est-ce que, dans votre pensée et dans votre étude, les RSG devraient, au lieu d'avoir juste un 45 heures de départ plus un six heures, je pense, obligatoire par année, dans votre définition de la formation qu'on doit recevoir, est-ce que ça devrait aller aussi loin que de demander aux services de garde en milieux familiaux de recevoir également une formation du moins équivalente, si ce n'est pas la même? Parce que ça a été soulevé par certains groupes, là. Et, vous autres qui la donnez, la formation, est-ce que c'est déjà venu dans vos discussions?

Mme Fournier (Johanne): Écoutez, c'est une question délicate. C'est des gens qui travaillent 50 heures-semaine à la maison pour offrir des services et qui vont déjà se chercher une formation minimale de base, on ne peut pas dire le contraire. Dans les recherches, ils disent qu'après 12 heures de formation qu'elles ont reçues ces personnes-là offrent une qualité supérieure de services à ce qu'elles offraient au départ. Et puis je ne pense pas qu'on puisse demander, de façon drastique, d'aller chercher tout de suite un diplôme en techniques d'éducation à l'enfance, par exemple.

Par ailleurs, je pense que des mesures de formation continue pour améliorer les compétences des éducatrices en milieu familial devraient être mises en place et devront être accentuées, ça, il n'y a pas de doute là-dessus.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.

n(12 h 40)n

M. Moisan (Richard): C'est ce qui est à la base un peu de notre inquiétude sur le soutien pédagogique. Si on était idéalistes, on vous dirait: Oui, formons tout le monde. Travailler dans une installation ou dans un milieu familial, la seule différence, c'est le contexte de travail. La réalité relationnelle est la même. Si on veut être réalistes, on ne mettra pas la moitié du réseau à terre parce qu'on identifie que ces gens-là ne sont pas conformes à une formation. Je pense qu'il faut fonctionner avec la réalité qui est là.

Ce qui est important pour nous dans notre association, depuis une dizaine d'années, qu'on véhicule: un cheminement vers une formation de plus en plus exigeante et de plus en plus accrue. Ce cheminement-là, je pense qu'il faut qu'il se fasse dans le respect des gens qui sont en place, mais il faut qu'il se fasse en considérant que, d'une fois à l'autre, que, d'une mesure à l'autre, on l'augmente et on l'améliore. Et les exigences vont en montant et non pas en descendant, ce qui nous rend très inquiets quand on regarde le document sur la classification du personnel ? la semaine dernière ? qui, lui, nous donne l'impression que, là, on est en train de faire un recul important avec le concept d'aide-éducatrice et surtout avec le concept aussi d'agent de conformité qui va aller, dans ces milieux familiaux là, apprécier la qualité de ces milieux-là, donc la qualité pédagogique de ces milieux-là, à qui on va demander d'avoir un D.E.C. en sciences humaines ou un D.E.C. en administration. Comment cette personne-là peut avoir un regard critique sur les compétences pédagogiques d'une responsable en milieu familial quand cette personne-là n'en a jamais même entendu parler dans sa propre formation?

Alors, pour nous, travaillons avec une formation qui va à la hausse tout le temps, mais n'amenons pas des mesures qui sont à la baisse. D'ailleurs, on vous a amené 25 copies de l'avis qu'on a déposé, la semaine dernière, au ministère de la Famille sur justement cette classification du personnel et on vous invite à en prendre connaissance. Pour nous autres, c'est un signal d'alarme qu'on vous lance là-dessus.

Mme St-Pierre (Nadine): J'aimerais rajouter aussi que ce n'est pas la première fois qu'on vient en consultation, qu'on écrit un mémoire, et ce n'est pas la première fois qu'on table sur ces mêmes points là. La formation égale qualité, la formation, aussi la formation continue au niveau des RSG. Et, pas plus tard qu'il y a deux ans à peu près, lors de l'autre consultation, on avait fait part des mêmes inquiétudes et on avait affirmé les mêmes besoins, et on nous avait affirmé que bon c'étaient des points qui allaient être pris en considération, entre autres, de s'en aller vers un trois sur trois au niveau de la formation et aussi de donner plus de soutien aux RSG. Et on sent aujourd'hui qu'on revient encore au même point. Quand donc pourra-t-on avancer vers le trois sur trois et la formation continue pour les RSG?

Mme Fournier (Johanne): Dans le document dont on vous parle, ce qu'on ne veut pas, c'est que l'expérience seulement soit reconnue comme une qualification. Il faut qu'il y ait des mesures de reconnaissance des acquis, des mesures d'évaluation de l'expérience pour qu'elle soit prise en compte comme une qualification. On ne veut pas que ce soit automatique, parce que sinon quelqu'un, après six ans d'expérience, sans aucune formation, pourrait devenir une éducatrice qualifiée. Nos craintes par rapport au projet de loi sont aussi en lien avec cette consultation-là sur la classification du personnel salarié qui se faisait presque en même temps, et apparaissait le poste d'aide-éducatrice qui peut aller chercher jusqu'à 50 % de sa tâche en occupant des tâches d'une éducatrice qualifiée. Ça, ça nous inquiète grandement.

On parle de hiérarchisation du milieu, on parle de faire occuper beaucoup de moments de vie des enfants. On le dit, dans le programme pédagogique éducatif, que les différents moments de vie des enfants sont importants. Alors, on ne peut pas séparer ça puis dire: Bon, bien, les tâches de changement de couches, ce n'est pas l'éducatrice qui va les faire, ou, telle tâche, ça ne va pas être l'éducatrice qui va les faire, ça peut relever de l'aide-éducatrice. L'éducatrice est en relation constamment avec les enfants, elle développe un lien d'attachement avec ces enfants-là. Elle va pouvoir interagir avec eux de façon adaptée et répondre aux besoins individualisés grâce à sa formation. Et on ne peut pas penser que la moitié de la journée des enfants pourrait être prise en charge par des aides-éducatrices qui, eux, n'auront pas de qualification.

Mme Champagne: Ça me fait penser, si vous permettez...

Une voix: Oui.

Mme Champagne: Comme si on engageait comme une bonne, celle-là, elle change les couches, puis l'autre, elle a la qualification puis elle fait d'autre chose. Ça peut être dangereux de tomber dans ce genre de situation là, puis je le comprends. Mais ma question allait plus dans le sens qu'on a senti, chez certains groupes qu'on a reçus ? puis il faut en tenir compte ? particulièrement des RSG, ressources en services de garde en milieu familial, qu'elles se sentaient parfois, pas supervisées, mais surveillées par les CPE, qui, elles, les personnes en place, avaient plus de formation, parce que, pour travailler dans un CPE, tu dois arriver avec une formation, et c'est correct comme ça. Alors, j'essaie de voir de quelle façon on peut enlever...

Parce que je conviens que les CPE font un travail extraordinaire et ont des relations avec les RSG, pour la plupart. J'en avais 800 hier, là, dans la région de Trois-Rivières, qui sont très heureuses d'être avec leur CPE. Mais, celles qui manifestent des inquiétudes, il y a peut-être simplement un lien de mauvaises relations, point à la ligne, là, relations humaines, comme il y en a souvent, mais il y a également le fait qu'elles se sentaient peut-être moins reconnues dans leur formation. Et, quand vous parlez d'expérience pertinente, effectivement tu en as, des éducatrices en milieu familial qui ont une formation importante, puis tu en as d'autres qui en ont moins. J'essayais juste de voir comment on pouvait composer pour qu'elles se sentent à égalité, à égalité dans leur capacité d'être reconnues comme partenaires et non pas comme des employées qui font une tâche, puis qui sont supervisées, puis qui sont peut-être vérifiées régulièrement. C'est là mon idée de formation plus grande au niveau des RSG pour en arriver à un équilibre et à une égalité potentielle, là. C'était ça, mon propos, davantage.

Mme Fournier (Johanne): Bien, les recherches, ce qu'elles disent, c'est que, s'il y a des moments d'interaction entre éducatrices en installation et éducatrices en milieu familial, des rencontres pédagogiques où les deux types d'éducatrices, si on peut dire, participent sur un même pied, ont des formations conjointes et des échanges d'expertise, des idées pour résoudre des problèmes, ça réduit de beaucoup ce sentiment d'être différent. Et, si c'est fait en toute transparence, ça permet de ne pas être en compétition mais de se sentir partenaire dans un même CPE.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti. Alors, Mme St-Pierre, Mme Fournier, M. Moisan, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association des enseignantes et enseignants en techniques d'éducation à l'enfance. Malgré le fait qu'il est prévu que nous siégions cet après-midi, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

 

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Je rappelle à mes collègues et à tous ceux qui sont présents dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite. Je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension. Je trouve ça toujours curieux, après avoir dit ça, inévitablement il y a un téléphone qui sonne en quelque part, dans l'après-midi. Alors, soit on oublie ou on fait fi...

Une voix: Des directives.

Le Président (M. Copeman): ...des directives de la présidence. Il faudrait croire qu'il manque un peu d'autorité morale, le président, à faire respecter le règlement. Peut-être pas. Peut-être que c'est autre chose.

Nous avons un après-midi également assez chargé. Nous allons entendre et échanger avec trois groupes, débuter dans quelques instants avec l'Association des services de garde en milieu scolaire du Québec, et c'est suivi par le Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec, terminer l'après-midi avec l'Association des haltes-garderies communautaires du Québec. Et, compte tenu que nous sommes déjà quelques minutes en retard, on prévoit l'ajournement autour de 18 heures.

Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des services de garde en milieu scolaire du Québec. M. Lafrance, président du conseil d'administration, bonjour.

M. Lafrance (Daniel): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et je suis dans l'obligation d'être assez sévère avec la gestion du temps. Et, si mon langage corporel ne suffit pas, je vais même vous interrompre de vive voix, si nécessaire. Et c'est suivi par une intervention, un échange, période d'échange d'une durée maximum de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table.

Sans plus tarder, je vous demande de présenter vos collaboratrices et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Association des services de garde en milieu
scolaire du Québec (ASGMSQ)

M. Lafrance (Daniel): Merci beaucoup. Alors, à ma droite, Mme Céline Martel, qui est membre du conseil d'administration de l'association, et, à ma gauche, Mme Céline Hardy, qui est directrice générale de l'association.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, messieurs mesdames, bonjour. Alors, merci de nous recevoir à cette commission parlementaire.

Quelques mots pour expliquer pourquoi l'Association des services de garde en milieu scolaire tenait à être présente aujourd'hui pour parler de la loi n° 124 qui traite des services de garde à l'enfance. Premièrement, l'association a 20 ans cette année, 20 ans d'existence, 20 ans d'interventions liées au développement du réseau, tant en soutien qu'en formation, qu'en représentation. On a la prétention d'être un acteur privilégié de l'évolution des services éducatifs aux enfants depuis tout ce temps-là et, à ce chapitre-là, nous avons toujours été très liés au développement de tout ce qui se passait pour les enfants de zéro à 12 ans et les services éducatifs qui leur sont rendus.

Alors donc, c'est dans cet esprit que nous allons intervenir sur deux axes principaux. Vous avez notre mémoire à votre disposition, alors nous avons un premier axe où nous allons parler directement de la loi n° 124 et de ses impacts, ce que nous analysons par rapport aux centres de la petite enfance. Et nous allons, dans un deuxième temps, vous parler des risques que nous associons à la garde scolaire.

Et un dernier mot pour définir l'association. Nous représentons actuellement 536 services de garde scolaire, ce qui représente à peu près le tiers du réseau au niveau de la garde scolaire. Ça représente, ça, 6 100 éducatrices, 136 000 enfants, 62 % des enfants qui fréquentent les services de garde scolaire au Québec et 203 000 parents. Et, à ce chapitre-là, parce que nous les représentons également tous, nous pensons avoir une expertise intéressante que nous partagerons avec vous.

Alors donc, comme je vous le disais, il est important pour nous de bien situer notre intervention dans notre préoccupation de participer de près à tout ce qui touche l'éducation des enfants de zéro jusqu'à 12 ans. Et donc, dans un premier temps, je laisserai la parole à Mme Martel pour qu'elle puisse vous parler du premier axe de notre mémoire.

Mme Martel (Céline): Merci. Alors, en 1997, le réseau des services de garde, au Québec, a subi un choc ? vous ne retrouverez pas ça tel quel dans le mémoire, j'ai comme décidé d'en faire un résumé, si on veut ? pour la première fois dans son histoire, le gouvernement du Québec avait décidé de s'impliquer très sérieusement dans le soutien des jeunes enfants et des familles. Il a créé des nouvelles structures et il a mis l'argent nécessaire pour en assurer le développement et la qualité et répondre de mieux en mieux aux besoins des familles québécoises. Un tel réseau, ça prend du temps à se construire. On s'était donné jusqu'en 2005-2006 pour bâtir toutes les places nécessaires, et puis nous sommes en 2005, et le mandat est pas mal accompli, le temps de la construction est achevé ou presque. Il faut maintenant habiter cet édifice-là et non pas le démolir pour en construire un autre. Il est maintenant temps de consolider un réseau et non pas de couper tous les budgets qui lui permettaient de développer son expertise de qualité.

n(15 h 30)n

Il y a même des gens de d'autres provinces et de d'autres pays qui sont venus voir notre beau réseau si avant-gardiste et qui s'en inspirent. Mais, si on démolit cet édifice tout neuf, on n'aura pas de visite encore bien longtemps.

Parler de services éducatifs à l'enfance plutôt que de services de garde éducatifs, ce n'est pas seulement une querelle de mots, il s'agit de l'expression d'une vision, celle d'un service orienté vers la réponse aux besoins des enfants, des enfants qui proviennent de nos familles d'aujourd'hui, des familles dont la structure et les fonctions ont bien évolué depuis les années soixante. Ce n'est pas la garde qui est à l'avant de l'offre de service mais bien le soutien au développement harmonieux des enfants en tenant compte des différents temps familiaux.

S'il vous plaît, ne laissez pas tomber cette qualité chèrement acquise, maintenez le soutien pédagogique qui est nécessaire à des services de qualité supérieure. Les conseillères pédagogiques sont essentielles au maintien et au développement de la qualité, et on a peur d'en perdre plusieurs dans les prochains mois. C'est la fusion des services en installation et en milieu familial qui a permis l'émergence partout de ces ressources-là. Ces ressources sont efficaces parce qu'elles sont près des prestataires de services.

Maintenez également les normes de qualification du personnel. Toutes les études prouvent qu'une formation appropriée est essentielle au bien-être des enfants. Il faut soutenir cette qualification-là et l'améliorer. Il ne faudrait pas penser à la remplacer par de l'expérience pertinente. La qualification, c'est important.

Maintenez également les budgets nécessaires à l'engagement d'éducateurs spécialisés là où il y a des besoins particuliers pour certains enfants. Maintenez aussi un programme éducatif de qualité en y allouant les ressources humaines et matérielles nécessaires.

Ce qu'on aimerait aussi vous dire, c'est: faites confiance aux structures en place. Les conseils d'administration des CPE ont prouvé qu'ils pouvaient bâtir un réseau incomparable en quelques années seulement. Il faut maintenant les laisser poursuivre afin de consolider ce réseau qui est si bien amorcé.

Maintenez un réseau accessible à l'ensemble des familles québécoises. Mesurez bien les impacts de toute hausse de tarifs et de toute déréglementation des tarifs exigibles sur l'accessibilité et conséquemment sur l'universalité du réseau. Tout changement à la loi et à toute réglementation doit s'appuyer sur une solide consultation des acteurs du réseau des services éducatifs à l'enfance.

Enfin, nous croyons que les organismes sans but lucratif sont les mieux placés pour gérer les services de garde au Québec, que ce soit en installation ou en milieu familial. Il est inutile de rendre ce service-là public, il est inutile que le gouvernement gère lui-même les services de garde comme il est inutile de les commercialiser. En 1997, les CPE ont relevé le défi, ont accepté l'offre du gouvernement de prendre en charge la garde en milieu familial. C'était tout nouveau pour eux. Maintenant qu'ils ont réussi ce pari-là, il faut leur laisser la chance de consolider ce réseau-là.

Comme ceux qui sont venus des autres provinces et des autres pays, je vous invite à prendre le temps d'aller voir vos CPE, d'aller voir ce que vous avez édifié, et prenez le temps de voir que la qualité est déjà très bonne. Bien sûr, ça peut s'améliorer, mais il faut continuer dans l'esprit où on est partis. Il est maintenant temps de consolider ce bel édifice là. Laissez-leur le temps, s'il vous plaît, de prouver que le Québec a innové. Laissez-leur le temps de prouver que le Québec peut offrir d'excellents services aux enfants et à leurs familles. Voilà.

M. Lafrance (Daniel): Je continuerai en parlant d'éléments de la loi n° 124, actuellement de l'interprétation que nous en faisons, qui nous inquiète par rapport à la garde en milieu scolaire. Vous savez, le milieu de la garde scolaire a suivi la même évolution un peu que celui des CPE dans les sept dernières années, c'est-à-dire une augmentation fulgurante de la clientèle en très, très peu de temps. On a déjà fait part à d'autres commissions parlementaires, dans d'autres rencontres avec d'autres ministres, des difficultés qui ont été créées et qui existent encore par rapport à ce réseau-là qui est devenu si gros. On est passé, dans ce milieu-là, du simple au double en termes de clientèle, élèves présents. Alors, l'heure est à la consolidation chez nous aussi. Il y a des difficultés déjà qui pointent à l'horizon pour nous. Diminution de la clientèle scolaire, il y a déjà des impacts dans certains services. L'augmentation des frais de garde de 5 $ à 7 $, dans les deux dernières années, a eu aussi un impact qui est dur à mesurer parce qu'il y a deux éléments en même temps, qui arrivent en même temps: baisse de clientèle et hausse de tarifs. Mais les contacts que nous avons avec les gens du terrain tendent à penser qu'il y a une partie de la perte de clientèle qui est liée à la hausse des frais de garde.

Alors, l'ouverture au transfert des enfants d'âge scolaire vers des CPE, vers des garderies ou vers des services de garde familiaux sème de l'inquiétude dans notre milieu. C'est un élément de fragilisation supplémentaire et c'est... Il y a, dans la loi actuelle, des articles qui prévoient que, dans des milieux où il n'y a pas de service de garde en milieu scolaire, les parents peuvent se retourner vers le CPE et avoir un service. Je pense que la notion d'avoir un service est importante. Alors ça, ça existe déjà. On lit aussi, par exemple, dans le projet de loi actuel, que ce n'est pas limité seulement aux enfants pour lesquels il n'y a pas de service de garde scolaire, et on lit également qu'il y a des possibilités que les tarifications appliquées, à ce moment-là, ne soient pas celles de la tarification réduite mais soient un montant qui est fixé par le prestataire du service. Alors ça, ça nous inquiète beaucoup.

Cette partie-là qu'il y avait dans l'ancienne loi, qui permettait d'offrir un service quand il était inexistant, c'était tout à fait quelque chose contre lequel nous ne nous sommes jamais élevés, mais nous trouvons extrêmement dangereux... Ça fait comme un troisième élément. Tu sais, baisse de clientèle, hausse de tarifs, possibilité de transfert de clientèle, pour nous c'est trois éléments qui contribuent à fragiliser un réseau qui a besoin de se consolider actuellement. D'ailleurs, aussi c'est un mot que Céline a utilisé à quelques reprises, que je vais utiliser, moi aussi, c'est un peu surprenant, et on comprend mal l'intention du gouvernement actuellement de vouloir consolider en changeant. Il me semble qu'il faut consolider en appuyant et en allant de l'avant avec ce qui existe déjà. Donc, des craintes par rapport à ça, des craintes par rapport à l'intégration scolaire.

Vous savez, notre préoccupation de regarder ce qui se passe du côté des CPE, de nous associer à ce qui se passe de ce côté-là existe depuis longtemps, puis elle existe, entre autres, parce qu'il y a, dans notre esprit, une espèce de vision que les enfants doivent avoir une offre continue de zéro jusqu'à 12 ans. Dans notre cas, c'est quelque chose qui est très important. Alors, je pense que toute l'expertise qu'ont développée les CPE depuis l'adoption de la loi qui est en cours actuellement, tout le travail qui est fait en prévention, en socialisation, en soutien à la famille, les ressources, qui sont arrivées, de soutien éducatif, les techniciennes en éducation spécialisée ou les techniciens, tous ces éléments-là contribuent à mieux remplir la mission, je pense, des CPE, et nous craignons, à l'instar de d'autres personnes qui sont venues vous rencontrer, la disparition de cette expertise-là dans le milieu, et ça va avoir des implications sur nous.

L'intégration d'un enfant qui présente des difficultés, ça ne commence pas à six ans, quand il rentre à l'école, ça commence par un cheminement qui est parti à partir de sa naissance, et je pense que toutes les habiletés, toutes les capacités qu'il va avoir développées dans un milieu de qualité en petite enfance vont être garantes de son intégration plus harmonieuse en milieu scolaire et en service de garde en milieu scolaire. Donc, pour nous, ce lien-là est important.

Je pense que toute menace à la qualité des services... Je ne suis pas en train de dire que, si la loi n° 124 est adoptée telle qu'elle est actuellement, tout d'un coup nous allons tomber d'un réseau à 80 % de qualité à un réseau à 20 %. Ce n'est pas ça que je veux dire. Je dis qu'il y a des menaces. Je dis qu'il y a quelque chose, dans ce projet de loi là, qui nous inquiète et que vraiment j'insiste sur ce que Céline... Puis je trouve ça important de revenir là-dessus, que c'est beaucoup l'intégration des installations et des milieux familiaux, qui a permis à beaucoup de CPE de développer vraiment une expertise puis un soutien, au niveau pédagogique, plus important, qui est remise en question par la loi actuellement.

n(15 h 40)n

Un troisième élément, à l'association, on fait la promotion, depuis très longtemps, de l'implication des parents. O.K.? C'est un monde duquel nous avons beaucoup à apprendre de ce qui se passe dans les CPE. Nous avons fait la promotion du rôle premier que les parents ont dans l'éducation de leurs enfants, de leur droit d'influencer les décisions qui se prennent par rapport à leurs enfants, de se positionner sur les activités qui leur sont offertes, sur la qualité des services que leurs enfants fréquentent, puis on trouve ça très important. La Loi de l'instruction publique tente, depuis déjà une vingtaine d'années, d'installer des traditions d'échange plus grand entre les familles et l'école. Ça ne se fait pas sans heurt, et ça ne se fait pas facilement, et c'est une grande culture à changer parce que l'école existe depuis très longtemps.

Pour nous, les CPE sont un modèle de participation parentale, et toute atténuation de ce rôle-là ou tout élément qui viendrait amoindrir la forte place que nous considérons que les parents doivent avoir dans le processus de décision, dans les conseils d'administration, a nécessairement... va continuer... et je reprends le même terme, fragilise le rapport que nous commençons à établir dans le réseau scolaire avec les parents.

Un autre élément. Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): 4 min 30 s.

M. Lafrance (Daniel): Oh! Merci. Donc, cette possibilité de transférer les enfants d'âge scolaire vers les CPE, ou les garderies, ou les milieux familiaux est aussi inquiétante, en ce sens où, je le disais tantôt, la loi permet aux prestataires de fixer eux-mêmes les tarifs. Pour nous, c'est extrêmement préoccupant, ça. Je dirais qu'il y a déjà, dans le monde scolaire, deux types de facturation: il y a la garde à 7 $ et il y a toute l'autre garde, celle qui n'est pas régulière et pour laquelle chaque école, chaque commission scolaire peut fixer des tarifs différents, selon... quels sont ses besoins ou comment elle évalue le prix que ça coûte. Je pense que c'est quelque chose qui est extrêmement préoccupant pour les parents, et sans compter que cette ouverture-là...

Puis j'ai entendu Mme Théberge à quelques reprises dire qu'elle allait possiblement modifier ou clarifier la loi pour empêcher ce genre d'affaire là, mais toute cette ouverture-là à la commercialisation ou à ce que des organismes à but lucratif puissent être bureaux coordonnateurs... Des organismes à but lucratif, donc, oui, ça met la question des soins aux enfants, des soins éducatifs aux enfants dans une dimension où il faut payer. Il faut payer, puis il faut payer, puis on peut aller jusqu'à... Et ça, je fais attention, je mesure mes paroles, mais on peut avoir plus si on paie plus. Et je trouve que, dans un contexte où c'est le parent qui paie puis quand on pense aux diversités sociales qu'il y a au Québec, je trouve qu'il peut y avoir des choses un peu tristes qui se passent par rapport à ça. Je trouve que c'est une atteinte, d'une certaine façon, à l'universalité puis à l'accessibilité des services. Plus le revenu familial est bas et plus on subit durement les conséquences de la fluctuation de coûts, les hausses réglementées et celles que chacun peut imposer comme il veut, et des effets que ça peut avoir sur le déplacement de clientèle.

Vous savez, une petite école en région qui a le minimum d'enfants nécessaires à avoir son service de garde en milieu scolaire, qui en perdrait au profit d'un CPE, risque de fermer. Donc, il y a un ensemble de parents qui peuvent être dans une très mauvaise situation. Le problème n'est pas égal partout, tous les milieux ne sont pas semblables. Une école dont 250 élèves fréquentent le service de garde peut perdre quelques enfants, puis ça ne compromet pas leur existence. Mais un petit service, ça peut compromettre, de façon importante...

Et enfin je pense que ce qui est encore plus proche de notre vision... Dans la loi, on donne en préambule que «tout enfant a le droit de recevoir, jusqu'à la fin de l'enseignement primaire, des services de garde éducatifs personnalisés de qualité». Alors, on y croit, on souscrit entièrement à ce préambule, mais nous sommes surpris de ce croisement de clientèle qui peut se faire entre la petite enfance et l'âge scolaire. Les enfants, pendant leurs cinq premières années de vie, développent les assises de leur développement moral et social. Entre cinq et 12 ans, ils l'exercent, et ils l'exercent principalement dans leurs rapports avec leurs pairs. Et je pense que, quand on pose ça de cette façon-là, c'est bien de dire que les enfants d'âge scolaire sont bien à l'école, et que les enfants d'âge de CPE, garderie, milieux familiaux sont bien dans ces milieux-là, et que c'est ce qu'il faut prioriser absolument.

Je ferai allusion aussi à tout le modèle de l'école communautaire dont on parle de plus en plus, actuellement, sur lequel j'ai lu encore dernièrement et dans lequel on souligne l'importance pour chaque enfant de pouvoir vivre des réussites de toutes sortes à l'intérieur de l'école. Alors donc, il y a des enfants pour qui la participation à la vie scolaire, c'est difficile, qui éprouvent des difficultés de tout ordre. Alors, l'avenue qu'ouvre l'école communautaire, c'est d'offrir autre chose que de l'académique, c'est de permettre à l'enfant que ce lieu-là soit identifié à des réussites, même s'il y a certains types de réussites qu'il réussit moins à faire.

Alors donc, je termine pour dire que donc nous avons cette vision des services éducatifs, là, qui partent de zéro et qui se rendent jusqu'à 12 ans, que nous insistons auprès du gouvernement pour qu'il arrête ça et qu'on sente une plus grande consultation de l'ensemble des partenaires, et que tout le monde doit être associé au développement d'un réseau qui est cohérent et qui est en continu, ce que nous voyons moins bien, actuellement, dans ce qui se passe, parce que ces enfants-là seront à ma place un jour, à la vôtre, à celle de tout entre nous et que donc cette période-là qu'ils sont en train de passer, entre zéro et 12 ans, est absolument fondamentale pour la société qu'on veut faire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Lafrance. Alors, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lafrance, mesdames. Merci de vous être joints à nous cet après-midi.

On se rejoint, M. Lafrance et votre groupe, nécessairement au niveau de l'importance des services, de l'importance aussi qu'ils soient intégrés surtout de façon aussi à pouvoir toujours continuer à offrir tout ce volet de prévention et de dépistage auprès des enfants, parce que, comme vous dites bien, quand ils sont rendus au primaire, c'est vous qui les recevez, et vous poursuivez ces services-là.

Dans le cadre, entre autres, de la clause subsidiaire, parce qu'au niveau... Ça, ça veut dire dans le fond les enfants d'âge scolaire qui peuvent être reçus par un service de garde, un CPE ou une garderie parce que l'école, dans le secteur, ne l'offre pas ou n'a plus de place, ce qui peut arriver dans certains secteurs. L'ouverture que l'on fait pour que les enfants du primaire puissent aller dans d'autres services, j'aurais le goût de vous dire: Dans le fond, on parle beaucoup de l'intérêt supérieur de l'enfant, et ça, ça fait partie de notre réflexion quand on pense que l'enfant qui va se retrouver généralement dans un milieu de garde, un enfant d'âge primaire qui va se retrouver dans un autre milieu de garde qu'un milieu scolaire, c'est souvent parce que le petit frère, la petite soeur, parfois deux autres sont déjà dans un autre milieu de garde. Alors, vous ne pensez pas que c'est important de pouvoir offrir cette flexibilité-là aux parents, que leurs enfants soient dans le même milieu de garde? Parce que vous parliez beaucoup de continuité avec l'enfant. Alors, si l'enfant, dans les premières années de son primaire, par exemple, est dans le même milieu de garde qu'il a connu et dont les parents sont contents et sont satisfaits, vous ne pensez pas que c'est un élément auquel on peut au minimum réfléchir, sinon donner la possibilité de le faire?

M. Lafrance (Daniel): Bien, je vous dirais que vous décrivez une situation qui n'est pas si fréquente que ça, parce qu'au Québec on n'a pas tant d'enfants que ça. Alors, on risque peu d'en avoir deux, trois.

Mme Théberge: ...on en a deux ou trois que la situation se présente, effectivement. C'est ça.

M. Lafrance (Daniel): C'est plus rare un peu. Il y a un équilibre délicat à établir entre le soutien familial et le soutien des pairs. Je pense qu'un enfant en développement, c'est un enfant qui est soutenu, de façon première, par ses parents, évidemment, par les autres adultes qui s'occupent de lui, mais aussi beaucoup par son rapport avec le monde qui l'entoure. Et je pense que, dans certains documents que l'association a produits par rapport à la garde des enfants d'âge scolaire, on met de l'avant l'idée qu'il est important de faire des regroupements par âge mais qu'il y ait aussi par moments des regroupements autres où les enfants peuvent se retrouver... justement parce que cette famille-là que vous souhaitez qui puisse se reconstituer au niveau de la petite enfance va nécessairement se retrouver au niveau scolaire également. Mais il y a un équilibre qui est délicat à trouver entre ces deux réalités-là.

n(15 h 50)n

Je pense que ce modèle-là... Et je respecte beaucoup les gens, là, qui qui tiennent à ce modèle-là, mais ce modèle-là de la famille... Moi, j'ai été élevé dans une famille de quatre, et on partageait, on était dans le même univers, on n'avait pas les mêmes âges, mais ce n'est plus ça maintenant, ce n'est plus comme ça que ça se passe. Je pense que les familles sont plus petites. La famille doit s'appuyer sur un réseau qui est plus large, et les enfants aussi. On développe beaucoup. Je pense qu'il y a quelque chose d'intéressant dans ce que vous avancez, et il y a quelque chose d'aussi très intéressant à se retrouver entre personnes du même âge, et qui avancent au même rythme, et qui font les mêmes découvertes, et qui s'appuient l'une sur l'autre.

Mme Théberge: C'est ça. Mais, comme vous dites, il faut trouver dans le fond le juste équilibre entre tous et surtout conserver le choix dans le fond du parent, quand on sait, entre autres, que le milieu familial est quand même le premier choix de plusieurs parents justement pour cet aspect de famille que certains ne retrouvent pas dans leurs propres familles à cause du nombre bas d'enfants, nombre pas assez élevé d'enfants.

Vous parliez, tout à l'heure, au niveau du programme éducatif. Est-ce que vous pourriez nous décrire un petit peu le programme éducatif que vous avez au niveau scolaire? Parce que vous parliez d'un programme... Les grandes lignes, je ne sais pas...

M. Lafrance (Daniel): Il n'y a pas de programme éducatif dans... Bon. Alors, ramenons-nous... Le service de garde en milieu scolaire relève du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport. Il y a un règlement, un très petit règlement qui émerge du ministère pour parler des services de garde en milieu scolaire, et, dans ce règlement-là, on ne reconnaît pas le rôle éducatif, on reconnaît un rôle de garde aux services seulement. Là, je vous parle de la position de l'association de... Et je pense que dans les faits de plus en plus de gens dans les écoles, les enseignants, les directions d'école, des parents, reconnaissent un rôle éducatif aux services de garde scolaire, mais dans les faits, en termes de ce qu'il est, il n'y a pas l'équivalent du programme éducatif des centres de la petite enfance, ça n'existe pas, il n'y a pas ce genre de prescription là.

Nous proposons un modèle, mais c'est un modèle, et il est accessible à ceux qui se procurent les choses que nous avons. Nous, on fait la promotion qu'il y ait un programme d'activités. Il y a dans le règlement des services de garde en... on identifie le projet éducatif, entre guillemets, du service de garde scolaire à celui de l'école. Alors, c'est là qu'il va chercher ses fondements. Et il doit donc adapter son programme d'activités éducatives à ce projet-là, mais il n'y a pas la formule dont vous pouvez penser en fonction du ministère, là, de...

Mme Théberge: O.K. Alors, d'une part, vous devez être contents en tout cas, du moins, quand vous constatez qu'au niveau de la petite enfance nous l'introduisons dans la loi, l'obligation d'un programme éducatif, et avec l'article 5 au niveau de la petite enfance. Ça, c'est un élément.

Et par ailleurs, par contre, vous parliez tout à l'heure que vous avez des éducatrices en services de garde au niveau scolaire. À ce moment-là, les éducatrices, est-ce que c'est des gens qui ont des formations soit en éducation ou en techniques de garde ou est-ce qu'elles sont des conseillères, ce qu'on appelle des conseillères pédagogiques? De quelle façon ça se traduit?

M. Lafrance (Daniel): Bien, là, j'avoue, Mme la ministre, que j'ai peur que ça nous éloigne du débat que nous tenions à faire ici. J'aurais énormément de choses à vous dire très longuement, et nous n'aurions pas assez du reste de la période qu'ils nous ont consacrée pour en parler. Les règles de qualification qui existent en scolaire sont déplorables, quant à moi. On demande d'avoir un cours de secourisme, donc aucune formation spécifique à la garde des enfants.

Il y a des problèmes liés à la qualité des services de garde en milieu scolaire. Il y a eu un article dans Le Soleil, en fin de semaine dernière, qui en faisait état. Alors, j'aurais beaucoup de choses à en dire, mais les inquiétudes dont je parlais par rapport à la qualité éducative sont au fait que je pense que cette qualité-là est très directement liée ? puis ce n'est pas le seul aspect ? mais est directement liée à la présence de personnel qui soutient la réflexion éducative, de personnes qui sont présentes pour soutenir l'action éducative quand on reçoit des enfants qui ont des difficultés. On ne peut pas réduire, vous le savez très bien, le rapport éducatif d'un enfant à une éducatrice. Il y a un groupe, il y a une structure dans laquelle il est, il y a des supports, il y a des éducateurs spécialisés, il y a des conseillers pédagogiques. Les CPE se sont construit ça, et c'est un modèle que personnellement je leur envie, d'avoir réussi à créer ça. J'aimerais bien qu'en scolaire on ait toute cette ouverture-là. Alors, je trouve que nous percevons, dans le projet de loi n° 124, des menaces à cette présence-là, et ça nous inquiète.

Mme Théberge: Parfait. Alors, je vais, à ce moment-là, vous rassurer tout de suite parce qu'on parlait de... Vous faites le lien avec les bureaux coordonnateurs qui vont être, dans la très, très grande majorité, des CPE, dans le fond, qui vont offrir le soutien dont vous parlez, des conseillères pédagogiques et de soutien au milieu familial, entre autres, et l'organisation du CPE-installation, à ce moment-là, demeure. Est-ce qu'il peut y avoir des liens entre les organisations? Je souhaite que ça continue. Il y a déjà des liens avec plusieurs artisans du milieu, alors il faut que ça continue.

Juste une question qui est dans un autre ordre d'idées complètement, c'est l'implication des parents, parce que vous parlez beaucoup d'implication des parents. Comment vous le faites en milieu scolaire? Parce que dans le fond votre préoccupation première dans le milieu scolaire... Vous êtes préoccupés que les enfants qui arrivent chez vous soient biens préparés, j'en conviens, puis vous parlez de l'implication des parents. Quand on sait que ce qu'on propose, les parents demeurent majoritaires dans les conseils d'administration, il y a une obligation même de comité de parents au conseil d'administration des garderies, ce qui n'était pas aussi complet, et on demande même qu'au niveau du milieu familial des parents du milieu familial reviennent sur les conseils d'administration des bureaux coordonnateurs. Alors, en milieu scolaire, est-ce qu'il y a un conseil d'administration pour vos associations ou le regroupement? Non? Vous travaillez avec les comités de parents des écoles?

M. Lafrance (Daniel): J'ai envie de commencer ma réponse comme j'ai répondu à celle d'avant. Je pourrais vous parler très longtemps de ce que nous souhaiterions qu'il arrive, parce que, dans mon exposé, tout à l'heure, je soulignais le modèle que représentait le mode de participation des parents au niveau de la petite enfance par rapport à celui du scolaire.

Mme Théberge: Vous enviez dans le fond d'avoir l'implication des parents.

M. Lafrance (Daniel): C'est beaucoup ça, j'envie cette participation-là. Et j'espère que vous ne me demanderez pas: Nommez-moi l'article exact qui dit cette chose-là. Mais nous sentons, dans l'ensemble de la loi, des possibilités grandes de... en tout cas des possibilités d'amoindrir le pouvoir réel des parents sur les conseils d'administration, et ça, ça nous inquiète parce que c'est un modèle qui devient un peu moins éloquent qu'il l'est jusqu'à maintenant.

Mme Théberge: Alors, avant de passer la parole à ma collègue, je vais vous dire, je n'ai pas le numéro de l'article par coeur non plus, mais le conseil d'administration doit être constitué à la majorité de parents et les décisions prises à la majorité de parents. Alors, quand on pense que, sur un conseil d'administration de neuf personnes, par exemple, il y a cinq parents de toute façon qui... C'est ça, c'est combiné avec du personnel et des gens externes. Alors, voyez-vous, les parents demeurent toujours majoritaires.

Je pense que ma collègue voulait parler. Francine.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue à cette consultation. Vous savez, avant d'être députée, j'ai été directrice d'une école secondaire, mais, un petit peu avant, directrice d'une école primaire, et j'ai eu le grand privilège de mettre sur pied un service de garde en milieu scolaire avec les intervenants du milieu. Et c'était une petite école, qui est toujours une petite école, qui a diminué, hein, dû à la situation démographique actuelle, et les responsables du service de garde ont dû s'associer à l'école voisine, une autre petite école, pour maintenir le service, qui rendait à l'époque de très bons services aux élèves mais également aux parents, bien sûr.

Je voudrais savoir si, à l'heure actuelle... Parce que, là, c'est un service qui a maintenant une vingtaine d'années. Est-ce que la tarification est encore établie sous le principe de l'utilisateur-payeur, avec bien sûr des subventions de la commission scolaire? Est-ce que c'est encore comme ça ou si le service est davantage subventionné?

M. Lafrance (Daniel): Non, le service n'est pas davantage subventionné qu'il ne l'était, il l'est moins même depuis les deux dernières années. Actuellement, on évalue à peu près ? là, je vous donne des chiffres à peu près ? que, si ça coûte 10 $ pour un enfant, un service de garde scolaire, 7 $ est assumé par le parent, 3 $ par le gouvernement. Alors, les subventions sont des subventions du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport et non pas des commissions scolaires, versées aux commissions scolaires, redistribuées.

Est-ce que c'est suffisant? C'est embêtant de vous répondre à ça parce qu'en même temps qu'on verse ce montant-là, que le ministère verse ce montant-là ? puis il établit donc une espèce de balise à l'effet que ça coûte 10 $ par jour ? les commissions scolaires, elles, peuvent garder une partie de cet argent-là pour toutes sortes de raisons, bonnes ou moins bonnes, ce qui fait qu'il y a des services de garde qui sont en difficultés financières. Et il est difficile pour nous, avec les données que nous avons, parce que ce sont des données extrêmement compliquées à avoir, d'être capables d'évaluer si c'est parce qu'il n'y a pas assez de ce 10 $ là ou s'il n'y a pas assez de ce 10 $ là qui se rend en service aux enfants.

n(16 heures)n

Mme Gaudet: Est-ce que vous établissez des liens avec le réseau actuel des centres de la petite enfance, au niveau de collaborations ou au niveau d'échanges?

M. Lafrance (Daniel): Ce sont des expériences, là, qui sont très locales, O.K., il n'y a pas... Nous, nous sommes, comme association, en lien avec les organismes qui représentent les CPE, mais, au niveau du service à l'enfant, si on se rapproche le plus proche du service à l'enfant, là les expériences varient énormément d'un milieu à l'autre. Ça dépend de l'ouverture du milieu, ça dépend des possibilités, des facilités géographiques.

Moi, je peux vous parler d'expériences que je connais par le travail que je fais, de collaboration très étroite entre le CPE et l'école. Il y a des places où il y en a moins. Ça dépend. Mais c'est sûr que pour moi il y a... Bien, en tout cas, je l'exprimais tantôt, notre vision de développement de services à l'enfance, c'est une offre continue qui commence à sa naissance et qui le rend adulte.

Mme Gaudet: Je pensais principalement au suivi des plans d'intervention, par exemple. Quand un plan d'intervention est fait pour un jeune au niveau de sa petite enfance, quand il arrive, par exemple, au niveau du préscolaire et puis qu'il arrive dans vos services à vous, même au niveau du primaire, est-ce qu'il y a un lien quelconque, là, ou une passerelle sur le terrain, toujours pour faire en sorte qu'au niveau de l'enfant on donne un suivi, que ce soit tant par le biais... Je sais que l'école le fait, là. Mais, en prolongement au niveau de votre service, est-ce que ça se fait sur le terrain?

M. Lafrance (Daniel): Encore là, autant d'expériences que d'écoles. Il n'y a pas de protocole. Le règlement n'impose pas ce type de rapport là. Alors donc, les expériences sont diverses. Il y a des places où ça se passe exactement selon le modèle que vous présentez dans votre question, puis qui est un modèle extrêmement intéressant. Je sens bien vos préoccupations d'ancienne directrice d'école.

Mme Gaudet: D'enseignante aussi.

M. Lafrance (Daniel): Mais ce n'est pas égal. Ce n'est pas égal.

Et je reviens. C'est que, nous, notre préoccupation est vraiment que plus le service s'installe en qualité à partir du bas âge, plus la transition vers une intégration est plus simple à d'autres niveaux, parce qu'on comprend qu'il y a un niveau de complexité d'intégration qui grandit. À mesure que l'enfant grandit, on intègre un plus grand groupe. On est confrontés à des exigences d'ordre académique. Alors, il y a comme beaucoup de choses qui rentrent en ligne de compte. L'aspect ludique n'est pas toujours aussi présent. Alors, évidemment, toute la qualité de l'intervention qui aurait été faite auprès des enfants et des familles entre zéro et cinq ans à mon avis est une ouverture à une meilleure intégration puis une meilleure offre de service quand cet enfant-là sera à l'école.

Mme Gaudet: J'aimerais que vous nous parliez de votre réseau, là. Il est établi dans combien d'écoles? Ou peut-être préciser un peu.

M. Lafrance (Daniel): L'association?

Mme Gaudet: Oui.

M. Lafrance (Daniel): Ou vous parlez du nombre de services de garde scolaires?

Mme Gaudet: Il y a combien de services de garde en milieu scolaire à votre connaissance, là, dans l'ensemble de nos écoles primaires au Québec?

M. Lafrance (Daniel): Est-ce que tu veux répondre, Céline?

Mme Hardy (Céline): Les chiffres de l'an dernier, c'est 1 566 services de garde en milieu scolaire.

Mme Gaudet: Ça correspond à quel pourcentage?

Mme Hardy (Céline): On ne peut pas savoir exactement. Même le ministère a un petit peu de difficultés à nous dire les chiffres, parce qu'il y a des écoles qui sont réparties dans deux ou trois bâtiments. Alors, on pourrait parler ici de 1 566 bâtiments où on accueille un service de garde.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Bien, tout d'abord, vous remercier pour votre présentation. Merci beaucoup de venir ici, dans cette commission, nous faire part de vos réflexions.

Évidemment, dans ce premier bloc de discussion que vous avez eu avec la ministre, la ministre était très intéressée à savoir comment, vous, vous fonctionniez plutôt que de savoir c'était quoi, vos revendications par rapport à ce système qui est là. Mais il est quand même intéressant de savoir où vous vous situez et vers quoi vous voulez aller aussi pour vous impliquer, pour vous imbriquer dans cette offre de service que nous avons tous. Et le salon rouge est aussi... et cette commission est aussi une place intéressante pour faire part de comment vous voyez votre réseau et de comment... bien, étant donné que justement il y a ce démantèlement, qu'il y a cet énorme brassage de cartes qui arrive, pour nous dire comment, vous, vous vous voyez là-dedans, et comment vous vous sentez, puis comment vous auriez aimé ça qu'on pense peut-être un peu plus à vous, si ce n'est que de dire que nous allons ouvrir, à l'intérieur des autres services de garde, la possibilité de venir chercher votre clientèle.

Mais, sur ce point précis, expliquez-nous encore et peut-être un peu plus, et prenez le temps de le faire, ce glissement de clientèle ? bien, sur l'heure du midi, on entend ? vers d'autres types de services de garde. Pourquoi est-ce que vous venez nous allumer évidemment certaines lumières rouges par rapport à ça?

M. Lafrance (Daniel): Quand, sous l'ancien gouvernement, on a présenté la politique familiale, il est arrivé un élément qui pour nous était extrêmement important, c'était de bien clarifier les rôles et responsabilités de chacun des lieux qui allaient recevoir ces enfants-là. Et, dans la politique familiale, on déterminait que... Peut-être que ce n'est pas écrit dans la politique familiale, c'est la question qu'on se posait hier en se préparant à venir vous voir. Est-ce que c'est écrit? Je ne le sais pas. Mais en tout cas l'esprit de toutes les décisions qui ont été prises après faisait que, pour les enfants de zéro à quatre ans, les lieux privilégiés d'éducation étaient la famille et les centres de la petite enfance, et, à l'enfant de cinq à 12 ans, c'étaient la famille et l'école. Et c'était pour nous quelque chose d'extrêmement positif parce que jusque-là les services de garde en milieu scolaire, parce que c'est de nous dont on parle, nous étions un peu tiraillés entre deux ministères: un ministère qui avait la responsabilité de la garde des enfants, au Québec, et un ministère de l'Éducation qui était le pourvoyeur financier des services. Alors, c'était une situation qui était un petit peu embarrassante, et sans compter que, si on avait des revendications de fond... À qui elles s'adressent exactement? Est-ce que c'est à l'Éducation ou si c'est à la Famille?

Alors, pour nous, ça, c'était quelque chose d'extrêmement intéressant. Parce que, j'en ai parlé un peu tantôt, je pense que... Je ne parle pas de ghettoïser, là, qu'un enfant de 0-4 ans, ça se tient entre enfants de 0-4 ans, puis un enfant de 5-12 ans se tient entre enfants de 5-12 ans, puis on ne se parle pas entre nous, là. Ce n'est pas ça qui est l'idée. L'idée, c'est que, pour maximiser le développement, il faut, premièrement, être entouré de personnes compétentes, qui savent quelles sont les stratégies à mettre en place pour assurer le développement de cet enfant-là, et qu'il y a des différences importantes, c'est un enfant qui évolue, donc ses besoins à six mois ne sont pas ses besoins à trois ans et ne seront pas ses besoins à 10 ans non plus, donc une approche qui est donc nécessairement différenciée parce qu'on ne parle pas du même enfant. Donc, à ce niveau-là, cet... ? je vais l'appeler clivage, mais c'est juste aux fins de ma démonstration, parce que ce n'est pas quelque chose de séparé avec un gouffre entre les deux, là ? mais assure un certain type d'encadrement, de support qui correspond en gros à ce que sont les enfants qui le fréquentent.

Ensuite, pour aller un peu plus loin, je dirais que malheureusement la garde... l'éducation des enfants, pardon, l'éducation des enfants, ce n'est pas quelque chose qui ne coûte pas cher, ça coûte cher. Et ça coûte cher en ressources humaines, ça coûte cher en matériel, ça coûte cher en biens meubles, ça coûte cher... Ça coûte cher, ça va coûter cher tout le temps. Les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain, je l'ai dit. Nous vivons dans une société qui est beaucoup plus éclatée, beaucoup moins monolithique qu'elle l'était. Les institutions, dans ce sens-là, en éducation ? et j'espère ne pas être rétrograde en disant ça ? prennent une place importante parce qu'elles deviennent le lieu de rassemblement. C'est comme ritualiser le milieu d'appartenance.

Et comprenez bien que je ne suis pas en train de dire que la famille ne peut plus rendre son rôle. Au contraire, c'est qu'elle ne peut plus le rendre de la même façon qu'elle le faisait avant et qu'à ce niveau-là se rapprocher d'un lieu, un lieu bien défini, avec les bonnes ressources, c'est ça, la vision que nous avons du développement de l'enfant. C'est qu'il faut que partout, à chaque moment, quel que soit le stade où cet enfant-là est rendu, il y ait autour de lui les ressources, les adultes nécessaires à son bon développement. Et, aujourd'hui, il est incontournable que, pour une grande majorité d'entre eux, les enfants ne passent pas l'ensemble de leur petite enfance dans leur milieu familial. Ils passent auprès d'autres adultes.

n(16 h 10)n

Les craintes que nous exprimions tout à l'heure ne sont pas à l'idée que tout va mal ou que les milieux dans lesquels sont ces enfants-là sont des milieux qui nuisent à leur développement; nos craintes sont à l'effet que ces milieux-là soient appauvris des moyens, des ressources dont ils ont besoin pour faire ce travail-là, qui sont dispendieux, qui sont nombreux, j'en suis conscient, mais qui sont un choix qu'on fait dans notre société, je pense, que de dire qu'il y a une responsabilité partagée dans le devenir des enfants et que donc tout manque à ce niveau-là a des répercussions sur les enfants qui vont arriver au niveau scolaire après nécessairement.

Ne soyons pas apocalyptiques, la loi n'écrit pas que c'est ça qui va arriver. Enfin, ce serait bien effrayant. Mais nous décelons, avec les partenaires avec lesquels nous avons étudié la loi, des brèches où ça se peut qu'il y ait une diminution au niveau de la richesse des services qui sont offerts autour des enfants et que ça va avoir des impacts sur les années de développement qui suivent après. C'est ça, la crainte que nous avons. Puis parler d'une offre continue aux enfants de zéro à 12 ans, c'est, d'une certaine façon, reprendre l'exercice en s'associant au ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, en s'associant à d'autres ministères qui traitent de toute la question de la présence, du soutien, de l'éducation, des enfants, de leurs parents et de la société en général. Alors, c'est un peu... Je ne pense pas que c'est la loi n° 124 qui définit l'ensemble de l'offre de service aux enfants et aux familles.

M. Valois: Non, mais vous avez tout à fait raison de nous rappeler que l'heure du dîner du 0-5 ans fait aussi partie d'un apprentissage qui est important, ce qui ne sera pas le cas des six à 12 ans, qui viendront, eux autres, tout simplement manger, là, tu sais, dans le sens où est-ce que ces gens-là, eux autres... Le milieu éducatif s'appelle l'école, et, sur l'heure du dîner, je ne dis pas qu'il ne s'en fait pas dans l'école, je ne dis pas que vous n'en faites pas, je le sais, que vous en faites aussi. J'ai des retours, des petits papiers des choses qui se font et qui devraient mieux se faire, des nourritures qu'on envoie, qu'on devrait mieux envoyer. J'ai tous ces commentaires-là. Mais, au-delà de tout ça, le 0-5 ans, l'expérience du dîner, ce qui se vit là est vraiment, pour connaître aussi cette réalité-là, très distinct par rapport à leur apprentissage, par rapport à cette réalité-là.

Mais, à partir du moment où est-ce que nous ne sommes plus dans des logiques ? et, jusqu'à un certain point, c'est comme ça, il me semble, que nous devons analyser 124 ? que nous ne sommes plus dans des logiques non seulement de programme éducatif, voire même de démarche, mais bien dans une logique de commercialisation, vous voyez bien le marché potentiel des dîners que vous avez et qui peut être... Et ce marché-là, qui peut être très intéressant, surtout si en plus on peut juste s'engager des aides-éducatrices qui vont nous coûter moins cher pour faire les dîners... Imaginez-vous, là, imaginez-vous le bassin de personnes auxquelles on pourrait tarifer et qui... Finalement, c'est complètement ça.

Je comprends très bien et vous avez raison de nous ramener sur la démarche éducative, voire même le programme éducatif de ce qui se passe en CPE versus tout l'univers de l'école, qui sont des univers éducationnels qui doivent être aussi... et l'importance de vivre avec les pairs, avec les amis dans ces milieux-là. Et comprenez bien ? et je pense que je le comprends aussi dans votre document ? que la loi n° 124 nous amène, par ce décloisonnement-là à la limite que vous pourriez vivre, si la loi n° 124 allait jusqu'au bout, bien justement à faire en sorte qu'on serait sur d'autres logiques qui seraient des logiques beaucoup plus commerciales, et je pense que vous en parlez.

M. Lafrance (Daniel): Vous savez, toute cette question de commercialisation là est inquiétante, et ce n'est pas la première fois qu'on en entend parler, de toute façon. C'est quelque chose qui existe, dans le monde de la petite enfance, déjà, de toute façon. Et Céline à quelques reprises me parlait d'inquiétude de gens du milieu qui ont peur que les services de... C'est difficile, on n'est pas capables de mesurer, là... Je ne nommerai ni de lieu, ni de personne, ni de groupe, mais il y a des gens qui nous disent: Bien... Ils pensent que, si, le service de garde, il était géré ailleurs qu'à l'école, par d'autre monde, par d'autres organismes... Puis là ils ne sont pas définis. Il y a cette crainte-là, là.

Il y a aussi tout l'élément que, même si elle est faite dans le cadre d'organismes à but non lucratif, le secteur de la garde, au Québec, de zéro jusqu'à 12 ans, est un secteur économique très important. Il y a énormément de personnes qui y travaillent. Moi, j'ai peur que les impératifs économiques prennent le pas sur les besoins des enfants. Pour moi, c'est ça qui est la crainte la plus grande. Et je fais confiance à tout le monde ici pour se préoccuper de ça au premier chef parce que, je le répète, avoir un enfant, on a déjà établi les milliers de dollars que ça coûte pour rendre ça à 18 ans, pour une famille, mais ça coûte aussi cher à la société de faire évoluer ce même enfant là. Alors, il n'y a pas de pratique à mon avis acceptable qui vise à ce que ça coûte moins cher ou que ça puisse profiter à quelqu'un.

M. Valois: Merci. Merci énormément. Vous comprendrez que je vais aussi, tout à l'heure, laisser la parole à la députée de l'Action démocratique, qui va vouloir intervenir. Mais, juste avant de laisser la parole, comme il me reste encore un petit peu de temps, vous nous parlez de différents... bien de deux axes. Le premier axe, c'est vraiment ? et on le revoit, on le voit et vous en parlez ? tout ce qui se passe avec bon ce projet de loi n° 124, de façon générale, sur le réseau. Le deuxième axe... Mais évidemment vous vous tournez plus un peu sur ce que vous vivez sur cette réalité. Et, dans l'introduction, vous faites cette jonction entre les deux, vous dites: Ce sont bien souvent les mêmes enfants qui sortent de ce réseau-là et qui bien souvent, sur l'heure du midi, hein ? on le comprend très bien ? sont les enfants qu'on va retrouver.

Est-ce que vous voyez les distinctions, ce qui s'est passé, autrement le fait que... Est-ce que vous avez consulté vos membres pour voir, bon... Cette structure-là, cet effort collectif qu'on s'est donné, tout le monde, depuis 1997, du réseau des services de garde, tout ça, est-ce que ça a eu un impact sur le nombre de vos clientèles, dans un premier temps? Est-ce que c'est devenu, là aussi... Est-ce qu'on a senti qu'il y a une logique qui s'est amenée dans le niveau scolaire? Et est-ce que bon ces enfants-là... On voyait que bon ils avaient été aussi, là... Vivre en communauté, dîner dans ces communautés-là, est-ce que vous avez senti cette évolution-là? Parce que, moi, ce que je veux savoir puis ce que j'essaie d'avoir souvent, c'est... Je le sais, qu'on s'est donné quelque chose de beau puis de grand. O.K.? On aura beau dire, là, pendant toute une période de questions, toutes les doléances que les gens pourront avoir en 1999, je sais qu'on s'est donné quelque chose qui mérite d'être fier. Les autres sont fiers pour nous, imaginez-vous.

Mais, au-delà de ça, je veux entendre aussi les personnes qui sont sur le terrain, qui ont vécu avant 1997, qui vivent là, et qui voient, et qui voient peut-être bon des formes de changement, et qui, sur la base de ces changements-là, ont peut-être des choses à nous demander aussi par rapport à vous, votre service, qu'est-ce que vous offrez.

M. Lafrance (Daniel): On est un milieu encore relativement jeune. Vous me posez une question très compliquée. On est un milieu qui est encore jeune.

M. Valois: ...député de Vachon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Si les députés veulent respecter le fait que la députée de Lotbinière veut intervenir, il faut que vous répondiez en 30 secondes.

M. Lafrance (Daniel): Oh! Alors, je ne répondrai pas vraiment au complet.

Le Président (M. Copeman): Mais prenez le temps.

M. Lafrance (Daniel): Oui, oui. C'est beau.

M. Valois: Bienvenue à l'Assemblée nationale.

M. Lafrance (Daniel): Ha, ha, ha! Je pense qu'il est trop tôt pour tirer les grandes conclusions de ce qu'a été ce changement-là. On est trop au début. On en a parlé au départ, on est rendus à une période de consolidation, on n'est pas les premiers qui le disons ici, aujourd'hui.

Moi, je crois fermement... J'ai été responsable de services de garde en milieu scolaire pendant presque 20 ans puis j'ai travaillé en garderie avant ça, alors, bon, je suis comme près de l'évolution des enfants dans ce milieu-là. Moi, je considère que ce milieu-là a évolué, a évolué pour le mieux, malgré les évaluations qu'on peut en faire, malgré les rapports de recherche qui sont sortis de l'Institut de recherche en politiques publiques, qui ne sont pas si... dont on n'a pas à être fier, là, tu sais, de constater qu'un certain nombre de milieux sont de mauvaise qualité. On n'a pas à être fier de ça. Sauf que, moi, je pense qu'on a fait un bond en avant important, si on recule aux années soixante-dix, qu'on a amélioré ce milieu-là, qu'on a augmenté les normes de qualification en CPE ? pas en scolaire, malheureusement; bien, seulement pour les responsables des services de garde en milieu scolaire ? qu'on a lentement créé des outils, qu'on commence à avoir des outils d'évaluation qui sont disponibles. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions du type «ça ne marche pas, ce modèle-là ne fonctionne pas», quant à moi beaucoup trop tôt. Et on a des éléments pour nous faire penser que ce milieu-là est en progression. Alors, il faut laisser la chance au coureur puis donner toutes les possibilités de faire ça.

n(16 h 20)n

Quand la garde est passée de 5 $ à 7 $ dans les milieux scolaires, ça s'est accompagné évidemment d'une redistribution de l'assiette de subvention du gouvernement parce qu'évidemment ça ne se faisait plus de la même façon. Alors, ça a eu un effet... Il y a eu une période, je dirais, riche, une période grasse dans les milieux, et ça a permis, je pense, qu'il y ait, entre autres, plus de temps pour faire des réunions d'équipe, plus de temps pour libérer les gens pour faire de la planification, plus de temps pour réfléchir, plus de temps pour recevoir de la formation. C'était riche. Alors, ça coûte cher d'élever des enfants.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Alors, je vais y aller rapidement en vous demandant d'avoir une réponse un peu plus courte pour que je puisse vous poser les deux questions qui m'intéressent. La première, c'est: au niveau de la ruralité, les écoles sont petites. Les services de garde n'ont pas tous survécu parce que, contrairement à l'ensemble du Québec, j'ai l'impression qu'au niveau rural on a plus d'enfants par famille. Donc, l'impact du 5 $ au 7 $ est plus grand parce qu'il y a plus d'enfants, puis aussi le niveau de revenus est moindre aussi en milieu rural. Donc, tout cet impact-là, moi, je l'ai vu, là. Ce n'est pas compliqué, l'école qui est à quatre maisons de chez nous n'offre plus de service de garde. Donc, on a vu la fragilisation. Ça, c'est vrai surtout en milieu rural, je pense, parce que, les milieux étant petits, on n'arrive plus à faire vivre le système, le service de garde parce qu'on n'a pas assez d'enfants dans ces petites écoles là.

Mais je ne pense pas qu'il y ait une si grande... La menace n'est pas que ces enfants-là en milieu rural aillent dans d'autres services, parce qu'il n'y en a pas plus. Finalement, il y a juste une RSG dans le village, puis, avec les autobus, si elle est dans le rang, ça ne fonctionne plus puis en tout cas les enfants ne peuvent pas aller dîner là, c'est bien évident. Mais, dans le milieu rural, je pense que ce qui est le plus dangereux, c'est d'aggraver la fragilisation.

Avez-vous été en mesure de mesurer l'impact du 5 $ à 7 $, combien de services de garde peut-être ont fermé et combien vous pensez qu'il va y en avoir, là?

M. Lafrance (Daniel): On essaie, depuis un an, de mesurer cet impact-là. C'est difficile, c'est extrêmement difficile. Je pense que vous êtes mieux placée que moi pour le savoir parce que vous pouvez interpeller le ministère de l'Éducation de façon plus directe que nous pour avoir ces réponses-là. J'ai dit au début: Il y a la problématique qui est liée à la baisse de clientèle, qui est une réalité, et à la hausse des tarifs. On pense que les deux jouent. Mais, dans quelle proportion, quel nombre d'enfants ont effectivement quitté les milieux à cause de ça, on ne sait pas. Mais ce qui est sûr, c'est que ce que vous décrivez... C'est qu'un petit milieu qui est déjà fragile, qui perd de la clientèle, risque beaucoup plus rapidement de fermer, ça, c'est clair. Il y a un lien direct. Et c'est vrai que c'est plus dans les régions qu'on trouve ce type de problématique là.

Mme Roy: Surtout dans le contexte que le parent n'a habituellement pas de travail dans un environnement géographique proche. Ça fait qu'il a deux fois plus besoin de ce service de garde là. On peut être absolument convaincu que la clé au cou est en hausse dans le milieu rural, le phénomène de la clé dans le cou, là.

M. Lafrance (Daniel): On n'en a pas parlé volontairement dans notre mémoire parce qu'on ne voulait pas avoir... C'est-à-dire qu'on en a parlé un peu dans le mémoire, mais je ne l'ai pas fait dans la présentation parce qu'on ne voulait pas être accusés d'utiliser des vieilles rengaines de guerre. Mais, oui, nous, on pense que oui, effectivement, et ça, c'est triste en région et c'est triste en ville aussi parce qu'en centre-ville ce n'est pas toujours facile non plus.

Mme Roy: Vous et moi, on s'entend que ce phénomène-là a commencé à augmenter et va continuer à augmenter si la loi n° 124 est adoptée.

M. Lafrance (Daniel): C'est prendre un risque.

Mme Roy: Vous avez parlé d'un manque de discussion avant l'élaboration de ce projet de loi là. Pouvez-vous nous faire un peu état de ce que vous avez pu... comment vous avez discuté avec le ministère de la Famille, qu'est-ce qui s'est passé, là, avant l'adoption? Parce qu'on ne voit pas, là... Vous dites: Pas de...

Le Président (M. Copeman): ...

Mme Roy: Pardon?

Le Président (M. Copeman): J'étais pour dire: De façon la plus succincte possible.

Mme Roy: Oui, c'est ça.

M. Lafrance (Daniel): On n'a pas été consultés par le ministère de la Famille et de la Condition féminine.

Mme Roy: Donc, zéro consultation.

M. Lafrance (Daniel): Pour nous. On sait qu'il n'y a pas eu une très grosse consultation, mais bon, nous, on n'y était pas, en tout cas.

Le Président (M. Copeman): C'est pas mal succinct, ça. Alors, je remercie M. Lafrance, Mme Martel, Mme Hardy pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association des services de garde en milieu scolaire du Québec et j'invite immédiatement les représentants du Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Si les représentants du Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec pouvaient s'approcher à la table... Ça implique évidemment que les représentants du groupe précédent cèdent leur place.

Alors, c'est un plaisir d'accueillir les représentants du Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec. Je présume qu'il s'agit de Mme Thivierge, Mme la présidente, et de M. Chênevert, M. le directeur général. Bienvenue.

Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Étant donné que nous savons qui vous êtes, vous n'avez pas besoin de vous présenter, outre de nous dire bonjour. Et évidemment nous sommes à l'écoute.

Réseau des services à la petite enfance
de l'Est du Québec (RESPEQ)

Mme Thivierge (Anne): Merci. M. le Président, Mmes, MM. les parlementaires, nous vous remercions de permettre au Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec de présenter ses observations sur quelques-uns des enjeux liés au projet de loi n° 124 sur les services de garde éducatifs à l'enfance.

Le Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec regroupe des CPE des régions administratives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine. Depuis plus de 20 ans, les services de garde préscolaire ont mené leur vie associative organisée autour des réalités de nos régions. Les garderies et les agences de garde en milieu familial ont pris avec enthousiasme le virage CPE, en 1997, et ont participé à la réalisation de ce chantier basé sur un large consensus, celui qu'il fallait se doter d'un mode d'intervention centré sur les besoins des enfants. C'est ainsi que l'offre de service s'est accrue substantiellement, au cours des dernières années, et son déploiement s'est fait dans le respect des réalités, et des attentes, et des besoins des collectivités locales.

Permettez-nous de compléter cette présentation en traçant le portrait des services de garde dans l'Est du Québec. Nous comptons 34 CPE offrant 5 878 places aux familles de ces deux régions. La répartition, dans chacune des régions, par mode de garde est la suivante: dans le Bas-Saint-Laurent, on retrouve 3 967 places, dont 1 350 places en installation, ce qui représente 34 % des places, 2 617 places en milieu familial, pour 66 %; dans la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, 1 911 places, 600 en installation, pour 31 %, et 1 311 en milieu familial, pour 69 %.

Cette offre de service se déploie sur des territoires caractérisés par la ruralité, ce qui implique une modulation de l'offre qui tient compte de cette particularité. Ainsi, les CPE, à titre de services de proximité, répondent à cette exigence en atténuant les effets de la dispersion et de l'isolement.

Considérant que le projet de loi n° 124 propose des modifications importantes au mode d'organisation de la garde en milieu familial prédominant dans nos régions, les CPE sont préoccupés par les impacts de telles modifications sur la qualité et l'accessibilité de tels services aux populations des territoires.

n(16 h 30)n

D'entrée de jeu, nous désirons exprimer notre désaccord avec l'orientation du projet de loi. Les éléments suivants nous préoccupent particulièrement: la dévalorisation de la mission éducative et sociale des CPE, la perte du lien de proximité qu'entraîne la mise en place de bureaux de coordination du milieu familial, la diminution et perte de l'accessibilité aux services dans les petites communautés, la précarisation de l'offre de service en installation, une réduction de l'autonomie de gestion des CPE et une perte de la vision intégrée de l'offre de service.

L'ensemble de ces impacts négatifs nous amènent à recommander à la ministre de retirer ce projet de loi. Rien, dans les intentions énoncées par la ministre, en termes de flexibilité et d'accessibilité, ne nécessite l'adoption d'une loi entraînant de tels impacts. Nous croyons que des ajustements réglementaires permettraient de corriger certaines lacunes à la loi actuelle.

Pourquoi modifier le fonctionnement d'un réseau qui a fait ses preuves en termes d'innovation et de pertinence? Les retombées éducatives et sociales engendrées par le réseau actuel de CPE rejoignent les objectifs souvent identifiés comme souhaitables par le gouvernement actuel. Ainsi, le gouvernement fait la promotion d'un modèle intégré de santé et de services sociaux.

Ce modèle d'organisation des services fait une place importante aux CPE. Concrètement, cela s'incarne dans la participation des CPE aux tables cliniques locales où les intervenants coordonnent leurs activités afin de répondre aux besoins. Ainsi, les CPE, dans leur format actuel, sont en mesure d'informer et d'orienter l'utilisation des ressources en regard des besoins qu'ils observent sur le terrain. De même, ils sont souvent la porte d'entrée pour l'accès aux services professionnels. Les liens de confiance qu'ils entretiennent avec les familles facilitent leur engagement dans les interventions qui autrement auraient pu les intimider. Les RSG valorisent énormément ce type de collaboration avec les CPE, puisque cela leur permet d'être partie prenante dans un projet éducatif et social valorisant en regard de leur rôle auprès des enfants.

On s'explique mal le fait que le gouvernement abandonne la vision intégrée qui prévaut actuellement dans le réseau des CPE. En créant les bureaux coordonnateurs, on établit un fonctionnement en silo qui annule les effets des alliances déjà établies sur le terrain.

Au plan de la perte d'accessibilité, les CPE craignent que la gestion centralisée de la garde en milieu familial entraîne une perte de places dans les petites communautés plus vulnérables aux fluctuations de la demande et un exode vers les pôles d'activité plus importants. Cela constitue une perte importante en termes d'accessibilité.

Le projet de loi entraîne une fragilisation des installations amputées de leur volet milieu familial. Dans l'état actuel du financement, les petites installations de moins de 50 places verront leur situation financière précarisée. Cela entraînera une réduction drastique de la structure organisationnelle, laissant peu de place et de ressources dédiées à la gestion qualitative du service de garde en installation. L'effet combiné des modifications aux deux modes de garde nous permet donc d'affirmer, contrairement à la ministre, que la qualité des services sera significativement réduite.

Le projet de loi n° 124 introduit des modifications importantes quant à l'autonomie de gestion des CPE. Lors des rencontres tenues avec les parents, ceux-ci ont exprimé leur colère à voir leur contribution réduite et dévalorisée. Ils sont particulièrement outrés de voir qu'ils ne pourront plus participer au processus décisionnel en regard de la gestion du milieu familial, qui constitue pourtant le mode de garde le plus répandu. Ainsi, au plan régional, nous avions près de 160 parents administrateurs de CPE qui avaient un pouvoir décisionnel face à la gestion de ce mode de garde. Les bureaux coordonnateurs ne prévoient aucun mécanisme formel de gouvernance qui les inclurait. Il y a là un déficit démocratique important.

Enfin, l'obligation qui serait faite au CPE de compter deux membres de la communauté au sein de son conseil d'administration constitue en quelque sorte un désaveu de leur compétence, en plus de poser un problème de mise en oeuvre dans les petites communautés où ces ressources sont soit inexistantes ou déjà engagées dans d'autres organisations.

En rejetant le projet de loi n° 124, nous réaffirmons notre engagement dans la vision du modèle CPE qui a démontré sa pertinence éducative et sociale. Nous invitons le gouvernement à le reconnaître et à faire preuve d'ouverture en vue de consolider le réseau des CPE autour de ces forces plutôt que de l'affaiblir en le morcelant. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je suis bouche bée, c'est à l'intérieur des 15 minutes, beaucoup à l'intérieur, même. Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Oui. Bonjour. Bonjour, Mme Thivierge et M. Chênevert. Merci beaucoup d'être ici, cet après-midi, de participer à la commission parlementaire.

J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu en détail... Parce que, je vais vous dire, je suis allée, entre autres, aux Îles-de-la-Madeleine, l'année dernière, au printemps, rencontrer justement, entre autres choses, mais rencontrer les CPE des Îles et tout, puis on me faisait part de certaines préoccupations, d'une certaine problématique par rapport à cette région. Mais, vous, vous couvrez tout le Bas-Saint-Laurent, et la Gaspésie, et les Îles-de-la-Madeleine. Comment se font les liens entre tant les installations CPE que le milieu familial, au niveau, par exemple, de la formation, au niveau des suivis? Est-ce que vous avez des échanges interrégionaux? C'est quoi, la réalité dans le quotidien, chez vous? Parce que géographiquement tout le monde est assez dispersé, j'imagine.

Mme Thivierge (Anne): C'est certain qu'on est sur un territoire dispersé. Le bureau du regroupement régional est situé à Rimouski, et le regroupement a développé une expertise en termes de programmes de formation, c'est-à-dire qu'on offre à l'ensemble de nos régions de la formation, et c'est souvent subdivisé en deux ou trois régions. Les gens, les formateurs se déplacent soit dans le secteur de la Gaspésie ou dans le secteur du Bas-Saint-Laurent, et les formations sont dispensées autant à nos responsables de garde en milieu familial qu'à nos éducatrices ou notre personnel de soutien en installation, puis ça, c'est une expertise qui est déjà développée depuis plusieurs années. M. Chênevert pourrait élaborer là-dessus, là.

Mme Théberge: Alors, oui, vous pouvez ajouter...

M. Chênevert (Claude): Oui. En fait, l'offre de service de formation et de perfectionnement professionnels est adaptée vraiment aux réalités de notre région, de sorte que les formateurs se déplacent sur le territoire de manière à rejoindre ou de se rapprocher le plus possible des lieux de pratique des éducatrices ou des RSG. Donc, nous avons une offre de formation extrêmement souple en regard des besoins de formation du personnel.

Mme Théberge: Parce que vous dites, à la page 3 de votre rapport, vous dites: «Ainsi, les CPE à titre de service de proximité répondent à cette exigence...» L'exigence étant une modulation de l'offre, ça veut dire non seulement que vous vous déplacez, mais ça veut dire quoi aussi? Parce que dans le fond vous avez l'air très fiers du soutien que vous apportez. Vous dites: On l'a adapté non seulement à titre de proximité géographique... Mais vous faites des regroupements de quoi par rapport à des préoccupations, par rapport à des besoins particuliers? De quelle façon vous faites ce soutien-là?

Mme Thivierge (Anne): Vous voulez dire le regroupement vis-à-vis les services ou chaque service de garde vis-à-vis ses responsables de garde?

Mme Théberge: Bien, en fait, c'est parce que, là, vous parlez au nom du regroupement. Vous dites que les CPE, à titre de services de proximité... Oui, ça pourrait être chaque service de garde, dans le fond, ou vous. Juste aller plus en détail peut-être.

Mme Thivierge (Anne): C'est sûr que bon, si on pense à chaque service de garde, c'est sûr que chaque service de garde offre des services différents à ses responsables de garde, là. Par contre, chez nous, moi, je suis aussi directrice d'un centre de la petite enfance qui est situé à Mont-Joli et j'opère 47 places en installation, 53 places en milieu familial. Donc, j'ai un petit volume de milieu familial. Mais on a quand même une conseillère pédagogique qui s'occupe de superviser cette petite équipe là, même qui leur donne des formations maison, qui donne du support, du soutien, qui fait des visites à domicile, du soutien téléphonique. Il y a différentes formes de soutien, là, qui peuvent exister et que, nous, on donne à nos responsables de garde.

Mme Théberge: O.K. C'est parfait. C'est ce que je voulais juste, dans le fond, vous entendre préciser. Parce que vous dites aussi...

Quand vous parlez des bureaux coordonnateurs, vous pensez qu'en créant un bureau coordonnateur on va créer un fonctionnement en silo. Si le bureau coordonnateur... Comme je l'ai dit à quelques reprises dans cette commission-là, les bureaux coordonnateurs sont un CPE qui est déjà là, en fonction, qui fait déjà ça. Pourquoi, à ce moment-là, il y aurait soit division de services, ou d'alliances, ou... Pourquoi vous pensez qu'on ne pourrait pas continuer à tisser des liens?

n(16 h 40)n

Mme Thivierge (Anne): Bien, parce que... Bon, en tout cas, il n'y a rien en tout cas dans le projet de loi, actuellement, qui nous indique qu'il y aurait nécessairement des liens entre les deux, puisque les bureaux coordonnateurs sont supposés être complètement indépendants des CPE actuellement, là. C'est ce qui a été annoncé, c'est ce qui a été expliqué, là.

Mme Théberge: Ce que le projet de loi dit, c'est qu'un bureau coordonnateur pourrait être un CPE ou toute autre personne morale dans les secteurs, par exemple, où aucun CPE ne serait intéressé, ce qui pourrait arriver.

Mme Thivierge (Anne): De façon indépendante.

Mme Théberge: Dans l'administration. Mais, dans les liens, si vous faites des liens, si déjà vous faites des liens soit entre les différents CPE, les CPE milieu familial, les CPE milieu familial-CLSC, par exemple, ou milieu scolaire, à la rigueur, dans votre secteur, et tout ça, est-ce qu'on ne peut pas penser que, si un CPE devient un bureau coordonnateur, qu'il a la gestion, dans un secteur, de milieux familiaux, on ne peut pas penser qu'on pourrait continuer à avoir des liens avec les CPE de la région ou du secteur?

Mme Thivierge (Anne): C'est-à-dire qu'un bureau coordonnateur par secteur ou par région... Ce qui a été annoncé, on parle d'environ 130 bureaux coordonnateurs au Québec. Si on pense qu'un bureau coordonnateur pourrait avoir en moyenne à gérer de 600 à 700 places en milieu familial, je pense que ces bureaux-là vont être complètement indépendants de ce qui existe en installation. Et, les installations qui vont demeurer, quoique très fragilisées, je ne vois pas, moi, les liens qui peuvent être entre les deux, là. Ça va être deux entités...

Mme Théberge: Mais, si, par exemple, vous êtes capables de faire des liens avec des CLSC, qui sont des entités différentes, pour des services, on ne peut pas penser que des liens pourraient exister entre un CPE, par exemple, et un bureau coordonnateur qui est un CPE aussi, qui offre de la place en milieu familial? Non?

Mme Thivierge (Anne): Il n'y a rien dans la loi qui m'indique que ça pourrait être possible.

Mme Théberge: Non. C'est ce que je vous dis. Je vous dis: Si c'était ça...

On dit qu'un bureau coordonnateur peut être un CPE. On s'entend que les CPE ont l'expertise pour la gestion du milieu familial ? et je l'ai dit à plusieurs reprises ? qu'ils sont dans le fond favorisés dans l'attribution, tout ça, puis je sais déjà qu'il y a des CPE et des regroupements qui acceptent l'idée, qui travaillent déjà justement à faire évaluer sur leur territoire qu'est-ce que ça peut donner et comment on pourrait travailler dans ce sens-là. Alors, c'est une question dans le fond de... Je me dis: Si on fait des liens entre, exemple, autant dans l'offre de service que dans le soutien, il peut aussi y avoir des liens. Les liens ne se coupent pas parce qu'on change l'entité administrative, là.

Mme Thivierge (Anne): Non, mais par contre les liens peuvent devenir beaucoup plus difficiles, étant donné les ratios beaucoup plus élevés de places à gérer, là, parce que...

Mme Théberge: Maintenant, les équipes vont grossir, oui.

Mme Thivierge (Anne): Ça peut devenir beaucoup plus difficile. Les liens seront fragilisés, ça, c'est certain. Parce qu'un bureau coordonnateur qui va gérer 600 ou 700 places dans un territoire donné, avec moins de ressources... Parce qu'on s'entend ici qu'il y a une récupération de quelque 50 millions de dollars. Ça fait que c'est certain que le bureau ne gérera pas les 600 places avec exactement les mêmes ressources qu'on a aujourd'hui, donc les liens vont devenir difficiles à maintenir, là.

Mme Théberge: Voyez-vous, nos travaux, dans ce sens-là, prévoient la confirmation d'au moins 900 postes. Et, si on regarde les ratios que les gens utilisent présentement dans le soutien au milieu familial, quand on regarde un peu les conseillères pédagogiques ou le soutien, c'est très, très, je veux dire, très égal, sinon même mieux que les soutiens qui sont attribués présentement, parce qu'on parle de 900 postes au niveau du soutien directement au milieu familial.

C'est sûr que, dans votre région comme dans la région de la Basse-Côte-Nord, qu'on avait la semaine dernière, la géographie des lieux devra être prise en considération beaucoup, et c'est déjà pris, dans le fond, c'est déjà dans notre boîte à réflexion et dans les travaux, justement, parce qu'on prend ça en considération également.

Par rapport au milieu familial, vous parlez, entre autres, de la présence, je pense, de parents, de parents sur des conseils d'administration lorsque vous parlez de la gestion un petit peu des CPE du milieu familial, et, d'une part, de l'ingérence de l'État, de l'autre part, de la non-présence des parents, tout ça. Présentement, je ne sais pas si, au niveau de votre regroupement, premièrement, ou au niveau des centres de la petite enfance... Est-ce que vous avez des parents, par exemple, du milieu familial qui sont sur vos conseils d'administration?

Mme Thivierge (Anne): Je vous dirais que, dans l'ensemble des conseils d'administration des CPE de notre région, il y a des parents issus des milieux familiaux autant qu'il y a des parents issus des installations, dont les enfants fréquentent les services de garde en installation. Je vous dirais que, moi, dans mon CPE, cette année, je n'ai pas de parent issu du milieu familial. Par contre, j'en ai eu dans les années précédentes. Ça dépend de la disponibilité des parents et de leur intérêt. Mais, même si les parents qui sont actuellement à mon conseil d'administration fréquentent les services de garde en installation, ils sont aussi responsables de la gestion du volet milieu familial dans mon CPE, là, et ils ont autant d'intérêt à voir à la saine gestion du milieu familial qu'ils en ont à voir à la saine gestion de l'installation.

Cela dit, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'il n'y a rien actuellement, au niveau du projet de loi n° 124, qui nous indique que, les bureaux coordonnateurs, les parents vont pouvoir continuer à avoir un pouvoir décisionnel dans le cadre des bureaux coordonnateurs.

Mme Théberge: Alors, à votre avis, c'est quelque chose qu'on devrait préciser soit dans la loi ou dans la réglementation parce que c'est important, puisque vous le vivez chez vous au quotidien. C'est ça.

Mme Thivierge (Anne): Ça devrait être précisé dans la loi, parce que, tel que c'est écrit, là, devant moi, il n'y a absolument rien qui nous rassure à ce sujet. Si on le prend tel qu'il est actuellement, moi, ça vient simplement m'indiquer, à partir du moment où ce projet de loi là va être en vigueur, qu'il n'y a plus aucun parent au Québec qui a de pouvoir décisionnel sur la garde en milieu familial, quand on pense qu'ils représentent plus de 50 % des places occupées.

Mme Théberge: Au niveau des centres de la petite enfance, les parents encore une fois demeurent majoritaires et la décision doit se prendre à la majorité des parents. Au niveau des bureaux coordonnateurs, les conseils d'administration, le volet sera précisé par règlement, puis c'est justement l'objet d'une commission parlementaire, comme on fait. C'est de voir quels éléments devraient être précisés, selon les avis qu'on reçoit. Et j'entends bien que le... puis je l'entends. On l'avait aussi évidemment déjà prévu, que les parents devraient ou devront être présents dans les conseils d'administration des bureaux coordonnateurs, et même les responsables de milieu familial également.

Mme Thivierge (Anne): Premièrement, je ne vois pas, dans le projet de loi, que les bureaux coordonnateurs vont avoir des conseils d'administration. Ça fait que ce serait peut-être une chose à préciser. Et, à partir du moment où on va préciser que les bureaux coordonnateurs pourraient avoir des conseils d'administration, il serait plus qu'important que les parents s'y retrouvent, au même titre qu'on les retrouve dans les CPE actuellement, et même que les garderies à but lucratif prévoient des comités consultatifs de parents. Ce n'est même pas prévu dans le cadre des bureaux coordonnateurs. Les parents sont complètement exclus actuellement, dans la lecture que je fais du projet de loi.

Mme Théberge: O.K. Dans un autre ordre d'idées, parce que, chez vous, je pense que c'est une préoccupation importante, ou du moins une réalité importante au niveau de... on parle de flexibilité de garde... Horaires atypiques, c'est une chose, mais est-ce que, chez vous, ce qu'on appelle, nous, la garde saisonnière, c'est-à-dire de supporter les parents dans les périodes, exemple, touristiques... Si on parle Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, la période touristique est courte. Est-ce que vous avez une façon de procéder dans le fond pour soutenir les parents qui ont besoin de services de garde dans certaines périodes, ponctuellement, là, soit en combinant l'installation en milieu familial... Ou de quelle façon vous répondez aux besoins?

Mme Thivierge (Anne): Je vous dirais qu'actuellement, ce que j'entends dans nos régions, il ne semble pas y avoir de besoins criants en termes de garde atypique, actuellement. Il y a un centre de la petite enfance chez nous, à Rimouski, qui le fait actuellement, mais parce que ce centre de la petite enfance là est relié à un centre hospitalier, dessert un centre hospitalier en particulier. Mais à part ça ce n'est pas un besoin qui est criant, là, dans nos régions, actuellement.

Mais j'aimerais quand même passer un commentaire et vous dire que la garde atypique, la garde usuelle, répondre aux besoins des parents, avoir plus de flexibilité, plus d'accessibilité, je pense, et on le dit dans notre mémoire, ne nécessitent pas de mettre en place un tel projet de loi. Je crois que tout cela peut se discuter et se régler à même la loi actuelle, là, sans faire de modifications majeures. Il n'est pas nécessaire, je pense, de retirer la garde en milieu familial des CPE pour régler le problème d'accessibilité et de flexibilité.

Mme Théberge: O.K. M. le Président, je vais laisser la parole à la députée.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Des groupes qui vous ont précédés nous ont parlé d'irritants qui existent entre les RSG et les centres de petite enfance. Est-ce que vous pensez que le projet de loi actuel vise à améliorer cette situation? Comment ça se vit chez vous? Et est-ce que vous croyez aussi que, la garde en milieu familial, les gens devraient avoir plus de soutien? Comment ça pourrait se donner, ce soutien-là? J'aimerais vous entendre là-dessus.

n(16 h 50)n

Mme Thivierge (Anne): Bon, ça fait quand même 26 ans que je suis dans le réseau des centres de la petite enfance. Par expérience, je vous dirais que, dans mon coin, dans ma région, je ne sens pas cette irritabilité-là de la part des responsables de garde vis-à-vis leur CPE. La plupart des responsables de garde ont de très bons liens avec leur CPE.

Le soutien qui existe dans nos centres de la petite enfance vis-à-vis de nos responsables de garde, il est bien comme il est là, dans le modèle où on est actuellement. C'est sûr, il y a toujours de la place pour l'amélioration, ça, on ne le nie pas, mais je pense que le modèle actuel répond aux besoins des responsables de garde en termes de soutien.

On a des conseillères pédagogiques qui sont outillées, qui sont formées, qui sont capables de faire un support dans le modèle actuel, et les échanges aussi possibles entre les éducatrices en installation et les responsables de garde en milieu familial, avec le lien, avec l'intermédiaire de la conseillère pédagogique, là, parce que souvent nos conseillères pédagogiques travaillent avec les deux milieux, je pense que ça, c'est très, très, très favorable, là, au perfectionnement de notre personnel dans nos centres de la petite enfance et de nos responsables de garde en milieu familial. De mettre des bureaux coordonnateurs, de diminuer le soutien, je pense que c'est fragiliser ce lien-là avec les responsables de garde en milieu familial.

Le Président (M. Copeman): Je suis avisé que Mme la députée de Rimouski désire intervenir. Elle est membre de la commission, sauf qu'elle a été remplacée, ce matin, par Mme la députée de Terrebonne. Alors, ça prend le consentement des membres de la commission afin de permettre à Mme la députée de Rimouski d'intervenir à ce moment-ci. Il y a consentement? Consentement. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Thivierge et M. Chênevert. Je ne veux pas me tromper, je ne veux pas dire «Châteauvert». Chênevert. Vous avez fait de la route dans des conditions pénibles, alors c'est doublement remarquable que vous soyez parmi nous. J'aurais aimé que ce soit sur un sujet beaucoup plus positif que celui du démembrement ou du démantèlement des services de garde.

Moi, je vais surtout vous parler du Bas-Saint-Laurent, mon collègue M. le député de Gaspé va vous parler de la Gaspésie. Alors, dites-moi. Dans le Bas-Saint-Laurent, sur le nombre de CPE, compte tenu de ce qui est proposé dans le projet de loi, qu'on retire le milieu familial aux CPE en installation, combien d'installations se voient menacées de fermer?

M. Chênevert (Claude): Lorsqu'on évalue, par exemple, la viabilité financière ou la précarisation de la viabilité financière des CPE de petite taille, donc des CPE de 50 places et moins, présentement on estime qu'il y a neuf CPE qui sont en situation particulièrement de vulnérabilité. Quelques-uns, pour des raisons qui sont liées aux coupures qui ont cours depuis trois ans, ont vu leur situation beaucoup plus se dramatiser, O.K., de sorte qu'on a deux CPE qui sont en situation vraiment d'urgence, là. Et, comment dire, le retrait du volet familial constituerait pour eux un clou presque dans leur cercueil parce qu'ils vont...

Mme Charest (Rimouski): C'est le dernier coup de grâce avant qu'ils ferment.

M. Chênevert (Claude): Effectivement. Ça remet en question leur existence même.

Mme Charest (Rimouski): Écoutez, ça veut dire aussi combien de pertes d'emploi?

M. Chênevert (Claude): Avec les fermetures ou simplement...

Mme Charest (Rimouski): Oui.

M. Chênevert (Claude): Bon, si on parle avec les fermetures, on va parler, par exemple, d'une trentaine d'emplois qui seraient liés à ça. Et, si on ajoute à ces fermetures-là les abolitions de postes résultant de la réduction, de la disparition du volet familial, on atteint facilement 80 postes dans l'ensemble.

Mme Charest (Rimouski): Pour la région Bas-Saint-Laurent?

M. Chênevert (Claude): Pour la région, oui. Toutes catégories d'emploi confondues, là, on parle de conseillères pédagogiques et...

Mme Charest (Rimouski): Éducatrices.

M. Chênevert (Claude): ...éducatrices. Tout dépendra par ailleurs du nombre de bureaux coordonnateurs et de la possibilité que ces emplois-là soient récupérés à l'intérieur des bureaux coordonnateurs. Mais pour le moment ça constitue une saignée assez importante dans les ressources éducatives qui sont à la disposition des familles et des enfants.

Mme Charest (Rimouski): Je dois vous dire que j'apprécie beaucoup votre mémoire parce qu'à la page 4 je trouve qu'on retrouve l'essence, l'esprit même de ce qui a prévalu à la mise sur pied des centres à la petite enfance. Vous exprimez là tout le volet éducatif, comment ça se déploie. Et vous parlez que les CPE participent aux tables cliniques locales. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus, Mme Thivierge, s'il vous plaît.

Mme Thivierge (Anne): Oui. Bien, je pourrais peut-être vous donner un exemple, un exemple vécu qui est très, très récent, je vous parlerais de la semaine dernière. Lundi dernier, je recevais, dans mon CPE, une table clinique qui s'appelle Prévention ciblée moins 9 mois-5 ans, dans ma région, qui est chapeautée, entre autres, par la Fondation Chagnon. Et il y avait, assis à mon CPE, les intervenants des trois CPE, deux de la MRC Mitis, un MRC Matapédia, et il y avait, assis à la table, je vous dirais, bon, différents intervenants de mon CLSC aussi qui étaient présents, et on participe à différentes tables de concertation comme ça où on met à la lumière, là, de tout le monde les problématiques qu'on vit avec les enfants, de quelle façon on peut intervenir, chacun, faire son petit bout pour aider l'ensemble de ces enfants-là.

C'est sûr qu'on est dans un milieu... Moi, je suis dans la MRC de La Mitis, qui est une MRC qui est très, très, très fragilisée, très vulnérable, la MRC de La Matapédia l'est aussi, et c'est sûr qu'on a des clientèles vulnérables. Ces clientèles-là sont dans nos CPE souvent, pas toujours. Parfois, les CLSC souhaiteraient qu'elles soient dans nos CPE.

On regarde ensemble avec les intervenants, les orthophonistes, les ergothérapeutes. Tous les spécialistes qu'il y a dans nos CLSC bon sont assis avec nous, autour des tables, et on peut discuter comme ça de cas cliniques, sans nommer personne, bien sûr, tout en conservant l'anonymat des dossiers, mais on peut apporter de la lumière sur certains dossiers et s'entraider.

On met en place des plans de services intégrés, on fait les suivis des plans. On participe, nous, comme CPE, au suivi de ces plans-là. C'est que c'est des liens qui se sont créés avec les années, et, je vous dirais, là, pour avoir 26 ans d'expérience dans le réseau, j'ai connu la naissance de l'Office des services de garde à l'enfance, j'ai connu la venue des CPE, je vous dirais que les centres de la petite enfance, au cours des six, sept dernières années, ont acquis une crédibilité dans leur milieu et particulièrement dans leur petite communauté, et, si on défait le concept même de ce qu'est un centre de la petite enfance, on vient de perdre toutes ces choses-là qui sont acquises depuis des années.

Mme Charest (Rimouski): L'essence même de ce que vous dites.

Mme Thivierge (Anne): L'essence même de ce qu'est un centre de la petite enfance.

Mme Charest (Rimouski): Éducatif, oui.

Mme Thivierge (Anne): Parce que je vous dirais même que je lisais le projet de loi, et je regardais les trois types de services de garde qui étaient proposés. On parle ici de garderies à but lucratif, on parle de bureaux coordonnateurs responsables de garde en milieu familial et on parle encore de CPE. Je vous dirais, moi, que ce mot-là devrait disparaître du projet de loi, s'il est adopté tel quel, parce que CPE n'est pas seulement qu'un mot, CPE, c'est un concept, en soi. C'est tout un ensemble de choses. CPE égale intégration de services, services intégrés, concertation. Ça a tout un sens, et là on vient d'enlever l'essence même de ce qu'est un centre de la petite enfance. Donc, ça n'existe plus.

J'enlèverais même du titre de loi, Loi sur les services de garde éducatifs... Là, je ne veux pas être méchante, mais j'appellerais ça la loi sur les services de gardiennage, parce que, d'ici, je vous dirais, à moyen terme, peut-être qu'il n'y aura plus lieu de s'appeler des services éducatifs. C'est très inquiétant.

Mme Charest (Rimouski): Ce que je comprends, Mme Thivierge, c'est: à la page 3, vous demandez à la ministre de retirer ce projet de loi. Et je pense que les motifs qui vous amènent à faire cette demande sont à la page 4. Vous les exprimez bien.

Mme Thivierge (Anne): Oui. Oui.

Mme Charest (Rimouski): Et je vous dirais que je suis d'accord avec vous. Moi aussi, je demande à la ministre de retirer son projet de loi tel quel parce que je pense que ça ne correspond pas du tout à ce que nous avons entendu ici même, à l'Assemblée nationale, depuis le début des audiences sur le projet de loi comme tel.

Écoutez, avant de terminer, je voudrais vérifier juste une chose pour être sûre qu'on parle tous de la même affaire. Est-ce que vous avez été consultés, vous, l'agence de l'Est du Québec, sur les services de garde?

M. Chênevert (Claude): Consultés de façon formelle par le ministère sur les...

Mme Charest (Rimouski): Sur le projet de loi, sur les orientations et sur le projet de loi n° 124.

M. Chênevert (Claude): On n'a pas été consultés de façon directe. Il y a des travaux, des discussions qui ont pu avoir lieu entre des organisations qui nous représentent, mais, de façon formelle, c'est le seul moment où est-ce qu'on a pu s'exprimer sur la teneur même, le contenu même du projet de loi.

Mme Charest (Rimouski): Alors, je vous remercie, puis je vais passer la parole à mon collègue de Gaspé.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Gaspé, il semble que vous désirez intervenir.

M. Lelièvre: Oui, M. le Président, si mes collègues acceptent, puisque je ne suis pas membre de cette commission.

Le Président (M. Copeman): On m'avise que vous n'êtes membre d'aucune autre commission, alors ça ne prend pas une...

M. Lelièvre: Ah! Oui, je suis membre...

Le Président (M. Copeman): Ah! Excusez-moi. Excusez-moi.

M. Lelièvre: Oui, oui, oui. C'est aux finances publiques, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): J'étais dans l'erreur.

M. Lelièvre: Bon!

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non. Je l'assume. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Gaspé peut intervenir? Consentement? Allez-y, M. le député de Gaspé.

n(17 heures)n

M. Lelièvre: Alors, merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Le mémoire est déposé au nom de l'Est du Québec. Vous connaissez, j'imagine, très bien la région gaspésienne et les Îles-de-la-Madeleine. Les réalités sont tout autres que le milieu urbain. Si je prends, par exemple, la Gaspésie, c'est un chapelet de villages qu'on y retrouve et une dispersion de la population. Donc, je voudrais revenir sur ce que vous disiez, tout à l'heure, au niveau des services. C'est vrai que j'ai été à même de constater, tant en milieu familial qu'au niveau des CPE, que la prise en charge des enfants par les institutions... parce que pour moi c'est devenu une institution qui donne des services intégrés, qui fait en sorte que les enfants de toute condition puissent avoir de l'aide et en très bas âge, en très bas âge. Et c'est ça qui est fascinant, c'est que l'ensemble des intervenants au niveau de la santé, au niveau des services sociaux y participent, l'école, et etc.

Moi, j'aimerais bien comprendre, là, quand vous nous dites, dans votre mémoire, que les retombées éducatives et sociales engendrées par le réseau actuel des CPE rejoignent les objectifs souvent identifiés comme souhaitables par le gouvernement actuel. Alors, est-ce que je dois comprendre qu'il n'est pas nécessaire donc de modifier la loi pour atteindre ces mêmes objectifs? Alors, comment vous voyez qu'on peut l'organiser?

Mme Thivierge (Anne): O.K. Je pense qu'il n'est pas du tout nécessaire de modifier la loi, parce que je disais tout à l'heure que le concept même d'un centre de la petite enfance pour moi égale services intégrés, intégration de services. Quand on regarde... Et je le sais pour siéger personnellement au conseil d'administration d'un établissement de santé. Actuellement, les services de santé sont en train de faire de la promotion de modèles intégrés de santé et de services sociaux et bon ils mettent à contribution les centres de la petite enfance dans leurs projets, leurs fameux projets cliniques. Là, je pense que tout le monde a entendu parler des projets cliniques des services de santé. Et, pendant que le gouvernement est en train de travailler sur ce terrain-là avec les services de santé, avec les services à la famille, dont les centres de la petite enfance, on est en train de faire le contraire. On est en train de désintégrer les services à la petite enfance. Donc, moi, ça m'apparaît, là, un peu incohérent, et je pense qu'on peut...

Oui, il y a probablement eu des ratés, des dérapages dans la construction du réseau, et je pense que... On n'est pas un vieux réseau, on est un jeune réseau. Je pense que c'est normal que ces choses-là arrivent. Mais je pense qu'il faut en parler et je pense qu'on peut s'asseoir, en discuter et trouver des solutions à l'intérieur même du concept qui existe actuellement.

M. Lelièvre: Au niveau de la région chez nous, la ministre a parlé, tout à l'heure, de la Côte-Nord. Au niveau des services, par exemple, atypiques, on en a. Par exemple, en période estivale, il y a beaucoup de travail saisonnier, donc on met en place des services. J'imagine que, quand vous avez bâti votre mémoire, vous l'avez fait en collaboration avec les gens de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine pour exprimer les besoins des régions.

Mme Thivierge (Anne): Oui. C'est sûr que les gens... C'est parce que je vous dirais que, chez nous, moi ? en tout cas, je vais vous donner un avis personnel, là ? chez nous, je pense que, quand on parle de services de garde atypique, la garde saisonnière, pour moi c'est tellement régulier dans nos milieux que ce n'est pas une garde atypique. Ça fait des années qu'on s'arrange avec ça. Ça fait des années qu'on s'organise avec ça. Mais garde atypique, pour moi c'est plus la garde en dehors des heures d'ouverture régulières du CPE: ouvrir le soir, ouvrir les fins de semaine, service de nuit. Quand je disais tout à l'heure: Dans nos régions, ça ne semble pas être un besoin criant, c'est plus ce type de services là dont on entend moins parler ou dont les parents expriment moins de besoins, mais c'est certain que, la garde saisonnière, je vous dirais, même dans le Bas-Saint-Laurent, là, dans les petites communautés, ça existe, quant au travail saisonnier. Actuellement, oui, ça a toujours été une problématique qu'il faut regarder, là. Les gens s'organisent, mais ce n'est pas toujours facile. Ce n'est pas toujours facile.

Par contre, ce qui se fait en lien avec nos services de garde en milieu familial... Souvent, par exemple, quand les responsables de garde en milieu familial ferment, l'été, prennent des vacances, sont absentes, nous, on a développé ce service-là de dépanner les parents du milieu familial dans nos installations, et plusieurs le font. Ça se fait en Gaspésie, ça se fait chez nous. Je suis certaine que ça se fait ailleurs au Québec, là. Je l'ai entendu dans d'autres interventions provenant d'autres régions. Mais effectivement les gardes saisonnières sont une problématique particulière à la Gaspésie, puis les gens ont été, oui, consultés sur le mémoire.

M. Chênevert (Claude): Je compléterais cette information-là en vous disant que la garde saisonnière, ce n'est pas nécessairement une... elle a des caractéristiques liées aux horaires atypiques. La garde saisonnière, c'est beaucoup plus lié à une demande saisonnière plus accrue, parce que le niveau d'activité relié à la pêche, relié à l'activité touristique est là, puis c'est un petit peu une lacune qu'on observe dans la loi. C'est que la loi ne permettra pas une gestion souple de cette demande-là. Les allocations qui seront consenties à un éventuel bureau coordonnateur ne permettront pas que, pendant un certain temps, par exemple, des milieux ou des places ne soient pas occupés. Donc, on va avoir une gestion très rigide, de sorte que, dans une allocation annuelle, par exemple, si on ne tient pas compte de ces fluctuations-là, le moment venu où la garde sera nécessaire, il n'y aura pas ces places-là subventionnées accessibles aux parents.

Si les parents veulent avoir accès aux services de garde, ils devront, à ce moment-là, utiliser la capacité d'accueil supplémentaire des RSG, et payer un plein tarif, et réclamer ultérieurement un remboursement via l'impôt. Mais ça implique aussi que les parents auront à débourser immédiatement de l'argent, et on sait que les niveaux de salaire, par exemple, ne permettent pas toujours ce type de... en tout cas n'accommodent pas toujours les familles en ce sens-là. Donc, on souhaite effectivement que le mode de gestion d'allocation des places soit beaucoup plus souple, de façon à répondre à ces caractéristiques-là de la demande. Et c'est pour ça qu'on craint un déplacement des places sur les territoires qui vont être gérés par les bureaux de coordonnateurs, parce qu'ils vont avoir à maximiser l'utilisation de ces places-là. Le ministère va leur allouer ces places-là en fonction justement de cet effort de maximisation là et qui ne tient pas compte des particularités régionales.

M. Lelièvre: Donc, il y a à craindre...

Le Président (M. Copeman): ...s'il vous plaît, nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti.

M. Lelièvre: En conclusion, je pense qu'il y a à craindre qu'il y ait une diminution de services au bout de la ligne.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Chênevert, Mme Thivierge, pour votre participation, au nom du Réseau des services à la petite enfance de l'Est du Québec, à cette commission parlementaire. J'invite immédiatement les représentantes de l'Association des haltes-garderies communautaires du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons, nous recevons les représentantes de l'Association des haltes-garderies communautaires du Québec. Mme la présidente Henry, bonjour.

Mme Henry (Lise): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Manifestement, c'est Mme Tarjon qui vous accompagne.

Mme Tarjon (Sandrine): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Sandrine, de son prénom.

Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Étant donné que vous vous êtes déjà identifiées, nous sommes à l'écoute.

Association des haltes-garderies
communautaires du Québec (AHGCQ)

Mme Henry (Lise): Merci. C'est ça, dans un premier temps, on voudrait vous remercier de nous avoir invitées à cette consultation-là. Donc, cependant, la rapidité avec laquelle nous devions réagir par rapport au projet de loi ne nous a pas permis de consulter nos membres. Donc, nous ne pourrons commenter que la partie qui concerne spécifiquement les haltes-garderies et nous partagerons quelques commentaires plus généraux sur l'ensemble du projet de loi.

Dès le départ, bien, tel qu'il apparaît, les haltes-garderies communautaires ne sont pas directement concernées par ce projet de loi, puisque, pour opérer un service, un organisme communautaire n'a pas besoin de permis au sens de la loi. Nos commentaires vont donc concerner principalement l'article 149 et plus précisément les troisième et quatrième paragraphes, qui traitent des haltes-garderies communautaires que nous représentons.

Si vous me permettez, avant de passer à l'article 149, je vous présenterais l'Association des haltes-garderies. Peut-être qu'il y a des gens qui la connaissent moins, autour de la table.

L'Association des haltes-garderies communautaires du Québec existe depuis 1992. Cette association-là est née du besoin des haltes-garderies de faire reconnaître ce mode de garde diversifié. Depuis sa création, l'association s'emploie à promouvoir la qualité des services de garde à temps partiel, occasionnel, temporaire et d'urgence. Ainsi, l'association, à l'heure actuelle, est la seule association qui agit comme lieu de regroupement voué à la défense des intérêts des haltes-garderies communautaires et des parents qui ont choisi ce mode de garde. Ainsi, nous regroupons des organismes communautaires qui offrent un service de halte-garderie et qui interviennent dans différents milieux. On parle de centres de femmes, de centres d'éducation populaire, de centres de francisation, des organismes famille et bien d'autres services aux nouveaux arrivants. Et, c'est ça, on représente 119 membres, aujourd'hui, venant de 12 régions du Québec.

Les commentaires concernant l'article 149 du projet de loi n° 124. Premiers motifs, ce sont les motifs d'utilisation. Le troisième paragraphe de l'article 149 se lit comme suit: Les dispositions de l'article 6 ne s'appliquent pas non plus à un organisme communautaire qui, dans le cadre d'une intervention auprès de parents, assure la garde de leurs enfants pendant la durée de cette intervention dans une halte-garderie. Tel que libellé, nous comprenons que ce paragraphe laisse entendre que les haltes-garderies qui accueillent au moins sept enfants et dont les parents sont à l'extérieur de l'organisme, pendant les périodes de garde, auraient besoin d'un permis. À notre avis, ce paragraphe devrait plutôt refléter l'ensemble des besoins pour lesquels les parents utilisent nos services. L'intervention auprès des familles prend différentes formes, et le répit parental figure parmi celles-ci. Pour les organismes qui interviennent auprès des familles, le soutien et l'accompagnement peuvent donc trouver leurs sources à l'intérieur comme à l'extérieur de l'organisme communautaire.

Dans les faits, les haltes-garderies communautaires sont des moyens concrets de soutenir et d'accompagner les familles dans leurs responsabilités familiales, sociales et professionnelles. On parle de soutien dans l'exercice du rôle parental, de répit parental, de socialisation des enfants, intégration et francisation des familles nouvelles arrivantes, accessibilité à des réseaux d'entraide, implication à la vie communautaire, programmes d'insertion à l'emploi, on parle de parents qui travaillent à temps partiel ou sur appel, qui étudient ou qui suivent diverses formations. Les haltes-garderies communautaires représentent donc des moyens concrets et adaptés pour permettre à ces familles d'agir sur leurs conditions de vie. Donc, pour les organismes qui travaillent auprès de ces familles, offrir du répit représente donc une forme indéniable de soutien parental qui se traduit de plusieurs façons, selon les besoins de chacune de ces familles.

Dans une enquête menée auprès de 212 haltes-garderies communautaires, en décembre 2003, par le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, il a été établi que la participation à une activité communautaire et le répit parental sont les principales raisons les plus fréquemment mentionnées pour justifier l'utilisation par les parents du service de garde sur une base régulière. Une autre enquête, menée cette fois par l'association elle-même auprès de 439 mères utilisatrices de services de halte-garderie à l'automne 2002, a quant à elle révélé que le répit et les besoins de socialisation des enfants étaient les deux principales raisons d'utilisation de ce mode de garde.

n(17 h 20)n

Pour ces raisons, nous pensons que le paragraphe pourrait se lire comme suit: «...ne s'applique pas non plus aux organismes communautaires qui, dans le cadre de leur mission respective, offrent un soutien et un accompagnement aux familles en assurant la garde de leurs enfants dans une halte-garderie.»

Définition du deuxième aspect que nous voulons aborder, c'est la définition d'une halte-garderie communautaire. Le quatrième paragraphe se lit comme suit: «On entend par "halte-garderie" un établissement qui fournit des services de garde dans une installation où l'on reçoit au moins sept enfants de façon occasionnelle et pour des périodes qui n'excèdent pas 24 heures consécutives.» Cette définition à notre avis n'est pas conforme à la réalité d'une halte-garderie en ce qui concerne les éléments suivants:

1° il ne s'agit pas d'un établissement;

2° le type de fréquentation ne se limite pas à de l'occasionnel;

3° la notion de «programme éducatif» est totalement évacuée.

Une halte-garderie n'est pas une entité juridique autonome; c'est un service en soutien à la mission globale de l'organisme hôte qui vient favoriser et faciliter la participation des familles aux différentes activités de cet organisme et/ou les soutenir dans leurs différentes démarches. Son statut se définit comme un service faisant partie intégrante du milieu de vie que constitue l'organisme communautaire. Le service de halte-garderie est donc géré par l'organisme communautaire qui possède son propre conseil d'administration et qui est redevable à l'assemblée générale de ses membres.

Dans un deuxième temps, la halte-garderie est un service de garde éducatif à temps partiel, temporaire, occasionnel ou d'urgence mis sur pied pour répondre aux besoins spécifiques des familles ayant de jeunes enfants. Elle est située dans différents organismes, comme on le mentionnait tout à l'heure. Donc, le type de fréquentation est donc assujetti à la mission de l'organisme qui accueille les familles.

Et, concernant le programme éducatif, on dit que l'application d'un programme éducatif est une priorité pour l'ensemble des haltes-garderies. Il y a eu beaucoup d'énergie déployée par l'association et par les haltes-garderies elles-mêmes pour assurer et maintenir une qualité d'intervention auprès des enfants. Ces deux derniers aspects, qui sont le mode de fréquentation et l'application du programme éducatif, ont d'ailleurs été constatés dans l'enquête effectuée par le ministère de l'Emploi, Solidarité sociale et Famille. Dans le document issu de cette enquête, il est dit que la majorité des services de garde communautaires accueillent à la fois des enfants sur une base occasionnelle et sur une base régulière et que près de 68 % des services ont un programme éducatif.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que la définition d'une halte-garderie communautaire apparaissant à l'article 149 devrait se lire comme suit: «On entend par "halte-garderie communautaire" un service de garde éducatif à temps partiel, occasionnel, temporaire ou d'urgence où l'on reçoit au moins sept enfants de 0-12 ans pour des périodes qui n'excèdent pas 24 heures consécutives.»

Évidemment, outre ces modifications que nous vous soumettons à l'article 149, nous souhaiterions bien sûr des précisions sur la portée de cet article et sur ses implications possibles pour les haltes-garderies communautaires.

Maintenant, nous allons passer à des commentaires plus généraux, étant donné que, comme on vous l'a mentionné, on n'a pas consulté nos membres. On est allées à la lecture du projet de loi et, à partir de nos propres, nous, préoccupations comme regroupement de haltes-garderies, on a...

On était heureuses de constater, dans un premier temps, la notion de flexibilité dans le mode de fréquentation. C'est quelque chose qu'on défend depuis des années. C'est un élément qui rejoint les attentes, là, des familles que nous rejoignons, le mode de fréquentation, à savoir les demi-journées, le temps... Bon. Toutefois, nous voulons souligner notre inquiétude face aux questions qui touchent l'autonomie des services de garde par la diminution de la place des parents dans leur gestion de services de garde. L'assurance du maintien, ce qui nous inquiète, c'est l'assurance du maintien de la qualité éducative dans tous les types de services et la possibilité d'une augmentation de la contribution parentale, des aspects qui rejoignent aussi les préoccupations des membres de l'association dans la mise en oeuvre de leurs propres services de garde.

Ceci dit et indépendamment du projet de loi, nous tenons à rappeler les engagements du gouvernement en ce qui a trait à la reconnaissance et au financement des haltes-garderies communautaires. Les haltes-garderies sont plus qu'un service de garde, elles font partie d'un ensemble de services de soutien aux familles. La réalité de ces services, leur mode de fonctionnement, la mobilité des familles qui les fréquentent sont des éléments qui ne peuvent faire l'objet de règles rigoureuses et d'un encadrement légal exigeant. Nous croyons donc que la reconnaissance et le financement doivent se faire dans un contexte plus global de politique de soutien aux familles. En ce sens, nous regrettons que l'adoption de la politique de conciliation travail-famille tarde à se réaliser. Nous croyons que cette politique pourrait rejoindre un plus grand nombre de familles, notamment celles qu'on ne retrouve pas dans le réseau des services de garde actuel.

Un autre point que nous aimerions soulever concerne l'entente qui a été passée entre les gouvernements fédéral et provincial concernant l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous pensons que le Québec doit réinvestir les sommes reçues pour, d'une part, consolider le réseau existant et, d'autre part, pour financer adéquatement les autres services aux familles, dont les haltes-garderies communautaires, par le biais des organismes dans lesquels elles oeuvrent. Le gouvernement s'était engagé à financer ces services, et des travaux ont été amorcés avec le ministère, sur cette question, depuis plusieurs mois. Malheureusement, rien n'est concrétisé et les familles qui les fréquentent attendent toujours les résultats. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Henry. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Henry et madame... excusez-moi, Tarjon. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Merci de votre patience. Ça me fait plaisir de vous revoir et d'entendre vos commentaires par rapport au projet de loi n° 124 et à vos préoccupations aussi générales.

Premièrement, je vous dirais, au niveau de votre préoccupation par rapport à l'article 149, pour les besoins de peut-être ceux qui écoutent cette commission, l'article 149 vient préciser les dispositions, qui ne s'appliquent pas, de l'article 6, et c'est bien important justement de mettre évidemment les articles dans leur contexte, parce que l'article 6 parle de... en fait se lit comme suit: «Nul ne peut offrir ou fournir des services de garde à plus de six enfants s'il n'est titulaire d'un permis de centre de la petite enfance ou de garderie ou s'il n'est reconnu à titre de responsable d'un service de garde en milieu familial par un bureau coordonnateur de la garde en milieu familial agréé», et l'article 49 dit que les dispositions de 6 ne s'appliquent pas, justement. Alors, votre préoccupation, c'est de dire «plus de sept enfants pour avoir besoin d'un permis». Ça ne s'applique pas à vous, compte tenu de la garde occasionnelle, et tout ça, dont vous faites, en fait, la grande partie dans le fond de votre horaire quotidien.

Et par ailleurs, moi, j'aimerais entendre un peu plus... Parce que souvent les gens connaissent peut-être mal ce que les haltes-garderies communautaires font, et, moi, je sais quelle sorte de services vous donnez via beaucoup d'organismes communautaires. Mais peut-être, pour le bénéfice des gens de la commission... de préciser un petit peu ce que vos membres font, parce que le contexte peut être très variable, hein, et varié.

Mme Henry (Lise): Tout à fait. Comme on le disait, effectivement, les haltes-garderies se retrouvent dans des organismes communautaires principalement, et donc ces services de halte-garderie là ont été mis sur pied pour permettre aux parents de participer aux activités de l'organisme ou de justement pouvoir favoriser les démarches qu'elles ont à faire à l'extérieur, que ce soit pour de la recherche d'emploi, pour un retour aux études, etc. Les organismes qui offrent ces services de garde là, c'est parce que c'est la meilleure façon de rejoindre les familles ayant de jeunes enfants. Pas de services de garde, on le sait très bien, je pense qu'il y a plein de monde ici qui... Bon, il n'y aurait pas de parent qui travaillerait, ou seulement qu'un à la fois, et c'est la même chose pour les organismes. Bon, les services qu'on offre, pour lesquels on est financés et pour lesquels on est censés donner des services aux familles, pour les rejoindre, ces familles-là, ça nous prend absolument un service de garde.

Comme on dit toujours, on n'a pas mis un service de halte-garderie par plaisir. Parce que pour l'instant ce n'est pas drôle, avoir un service de halte-garderie, dans la mesure où on n'a aucun support financier. On n'a pas beaucoup de support non plus, d'ailleurs. C'est ça, c'est difficile. Ça demande beaucoup de créativité, ça demande une volonté très, très claire de l'organisme qui l'offre, donc ça démontre une volonté de vouloir intervenir auprès des familles qui ont des jeunes enfants. Ça fait que ce n'est pas une partie de plaisir. C'est ça, c'est parce qu'on n'a pas le choix.

Si on veut rejoindre les familles, si on veut vraiment aider les familles, si nos missions sont d'être proches des familles, ça prend un service de halte-garderie, sinon on l'aurait fermé. Et on voit des organismes qui perdent leurs services de halte-garderie, et ils perdent tous ces parents-là, ces familles-là de jeunes enfants, ils ne les voient plus dans leurs organismes.

Mme Théberge: ...dont vous parlez peuvent être... Comme vous parliez, tout à l'heure, de retour aux études, par exemple, pour supporter de la formation d'appoint, aussi dans le volet de la francisation, entre autres, de l'accueil aux personnes immigrées.

Mme Henry (Lise): Alphabétisation, francisation, programme d'insertion à l'emploi. Aussi, dans le cadre des projets de services intégrés en périnatalité, on travaille de plus en plus avec les CLSC, et donc les haltes-garderies viennent en support aussi pour les familles défavorisées, elles viennent en support pour permettre à ces familles-là de participer à des groupes d'échange, des formations sur le développement des enfants, des ateliers de simulation aussi avec les enfants, évidemment. Mais ça permet aux familles de pouvoir être supportées dans leurs démarches.

n(17 h 30)n

Ce qu'on dit, c'est que chaque famille a des besoins spécifiques, donc les étapes sont différentes. Ça peut être des étapes de recherche d'emploi, on peut perdre son emploi aussi, on a besoin de retourner aux études. Le service de halte-garderie est souple, adapté, et permet à ces familles-là d'agir sur leurs conditions de vie.

Mme Théberge: Mais c'est généralement l'organisme communautaire ou l'organisme qui peut être même gouvernemental, mais plutôt communautaire, qui va offrir le service, qui va offrir conséquemment le volet halte-garderie au besoin. C'est eux qui vous financent, c'est financé via les organismes communautaires.

Mme Henry (Lise): C'est ça. C'est-à-dire que les organismes effectivement vont piger dans leurs subventions, qui souvent sont coupées, elles aussi. Donc, ça va être un des services qu'on va couper, mais c'est à partir des subventions de base de l'organisme, là, qu'on décide de payer des ressources, finalement. C'est des ressources humaines, les services de halte-garderie, principalement.

Mme Théberge: Est-ce que les parents qui profitent des services défraient quelquefois les coûts ou c'est selon la situation un petit peu?

Mme Henry (Lise): Oui, tout à fait, il y a des coûts qui sont défrayés. Tout dépendant, le parent qui vient en répit, qui est en recherche d'emploi, qui va chercher du support à l'extérieur souvent va payer une cotisation de 5 $ par demi-journée. C'est la moyenne qu'on a retrouvée dans nos études.

Les parents qui participent aux activités des organismes, en principe c'est gratuit pour la plupart. Ça favorise vraiment la participation des parents aux activités, donc c'est gratuit, et les coûts varient de 0,50 $ à 5 $, même pas, 3 $ de l'heure peut-être, là. Lors de notre dernière enquête, en 2002, c'était de 0,50 $... de zéro même à 3 $ de l'heure.

Mme Théberge: Parfait. Et vous dites qu'à travers vos membres plusieurs ont développé des programmes éducatifs. À quoi ça ressemble? Parce que j'imagine que, si, par exemple, on est dans un organisme de francisation, les parents ne parlant pas la langue ? souvent ni anglais ni français ? les enfants ont une réalité très différente, alors le programme doit s'adapter. Comment ça se vit dans ce genre d'organisme là?

Mme Henry (Lise): Oui. Écoutez, ce que notre enquête, nous autres, révélait et nos membres disaient, c'est que bon le programme éducatif qui est dans la halte-garderie, c'est un programme souvent qui est adapté, qu'on appelle nos programmes maison. C'est un mélange de différents programmes, dont le programme Jouer c'est magique. Et d'ailleurs tous les éléments de ce programme-là, c'est des éléments qui sont très visuels pour les enfants, hein? On part du principe que l'enfant ne sait pas lire en partant. Donc, pour rendre autonome l'enfant, on travaille beaucoup avec des pictogrammes. L'enfant peut se retrouver dans son service de garde, peut savoir où se trouve tel jouet par les dessins et tout, reconnaître ses vêtements, dans son casier, par son pictogramme qui le représente, des choses comme ça, et c'est des choses qui sont utilisées beaucoup dans ces haltes-garderies-là. On travaille avec des traductions aussi. Je sais que les haltes-garderies font preuve de beaucoup de créativité, elles vont traduire des mots. Elles vont les afficher dans la halte-garderie justement pour s'adapter aux enfants qu'elles accueillent.

Mme Théberge: Est-ce que vous êtes plus présents dans les centres urbains ou autant en région ou en région rurale?

Mme Tarjon (Sandrine): Je pense qu'on est plus présents à Montréal, mais on est présents dans toutes les régions du Québec. Mais c'est sûr que, Montréal, il y a un bassin un petit peu plus élevé de haltes-garderies.

Mme Théberge: O.K. Vous avez participé à une consultation qu'on a tenue en août 2003. Vous aviez, dans un de vos textes, entre autres, énoncé... Bien, je peux peut-être le lire rapidement, là. Vous disiez: Notre position de principe est à l'effet de réitérer que l'ensemble du système des services de garde subventionnés doit être plus souple et que chaque enfant doit pouvoir avoir accès à une place, et ce, au coût le plus bas possible. Et chaque parent et enfant devrait avoir un service qui corresponde à ses besoins, sinon ce sont des familles qui s'adaptent au système, et, en plus d'être inadéquat, ça coûte cher à la société, par exemple, occuper cinq jours de service de garde alors qu'ils ont besoin de deux jours seulement. Alors, j'imagine que vous êtes toujours de cet avis, en principe, parce que vous offrez un service assez flexible, tout ça. Vous avez peu parlé de flexibilité, dans vos préoccupations, par rapport au projet de loi d'aujourd'hui, par rapport justement à cette flexibilité qu'on veut plus accrue à certains moments, dans certains services. Est-ce que ça, ça correspond à des réalités que vous vivez au quotidien, soit de gens qui fréquentent vos services ou de gens que vous côtoyez dans votre...

Mme Henry (Lise): Je n'ai pas très bien compris votre question. Si vous?

Mme Théberge: Au niveau de la flexibilité, est-ce que vous...

Mme Henry (Lise): Oui. La flexibilité?

Mme Théberge: C'est ça.

Mme Henry (Lise): C'est quelque chose que, nous, on rencontre, qui est demandé.

Mme Théberge: Vous parliez que les gens avaient besoin de plus de flexibilité, et le projet de loi, appuyé évidemment sur la réglementation, tout ça, veut justement faire en sorte d'avoir plus d'ouverture des services de garde à une certaine flexibilité, si besoin, évidemment, là. Il y a des endroits où il n'y a pas de besoin d'horaires variables ou de tout ça.

Mme Henry (Lise): Je me souviens, lors de cette consultation-là, M. Béchard nous avait demandé ? il était ministre, à ce moment-là: Qu'est-ce qui fait le succès des haltes-garderies? On s'était dit... Parce que les haltes-garderies sont pleines, hein? Elles sont pleines, pleines, je vais vous dire. Je peux parler de chez moi parce que, moi, j'en gère une dans mon organisme, une halte-garderie. On a des listes d'attente, c'est inconcevable. Je trouve ça inconcevable parce qu'on ne répond même pas à notre mission de garde d'urgence. Donc, oui, c'est sûr que, la flexibilité, c'est des services qui sont souples, adaptés, ça répond aux besoins de nos parents. Les parents continuent à venir dans nos services pour ces raisons-là, entre autres. Bon, une semaine, ils ne peuvent pas venir, ils avertissent qu'ils ne viennent pas, et, une semaine, ils ont besoin...

On a des mamans qui ont deux enfants, qui viennent d'accoucher, un exemple, qui viennent d'accoucher. C'est sûr qu'on va dépanner cette maman-là beaucoup plus, là, dans une période donnée. On est là pour ça. Donc, on a cette souplesse-là, on a cette capacité d'accueil là pour le faire aussi. Ça fait que c'est sûr que ça rejoint les parents, la flexibilité.

Mme Théberge: Puis vous faisiez mention, entre autres, de travaux qui se poursuivaient présentement pour le volet de conciliation travail-famille. Effectivement, vous êtes aux tables de travail.

Mme Henry (Lise): Et là on n'a plus de nouvelles depuis un an. La dernière rencontre a eu lieu en novembre... en octobre passé, même ? c'est ça ? 2004. Donc, ça va faire presque deux ans qu'on n'a pas de nouvelles. C'est sûr qu'on est inquiètes.

Mme Théberge: Mais là, vous savez, les travaux continuent. Vous savez que dans le fond, comme on l'a dit régulièrement, c'est qu'on a fait certains travaux quant aux services de garde, entre autres, au congé parental, au soutien aux familles. Alors, on va finaliser tout ça pour justement pouvoir profiter du mieux possible peut-être des services que vous pourriez justement offrir dans ce continuum de services aux enfants et aux parents, aux familles, en tenant compte du contexte particulier évidemment dans lequel vous évoluez aussi.

Mme Henry (Lise): Oui, parce que, vous savez, nos familles, Mme Théberge, ce n'est pas des familles captives, hein? Je veux dire, c'est des familles qui sont mobiles. Quand on parle de chaque étape de vie des familles, bien il peut y avoir, c'est ça, une étape de grossesse, une étape de... bon, le choix de rester à la maison deux ans, admettons, un an, deux ans avec les enfants. Il y a des choix aussi de retour à l'école, aux études, bon. Tout ça, c'est ce qui fait que le service de halte-garderie est le service idéal pour ce type de familles là. Donc, je ne sais pas, c'est sûr que, dans le projet de loi, d'ouvrir ce type de fréquentation là, oui, mais en même temps est-ce que ça peut être inquiétant pour les haltes-garderies, le fait que ce soit offert dans d'autres services? Parce que, nous, on est déjà tout installées, on existe, on est des ressources concrètes. On ne voudrait pas non plus que ce soit fait au détriment des haltes-garderies, parce qu'on a une expertise là-dedans. Nous, accueillir des enfants le matin, un groupe d'enfants le matin, en avoir un autre l'après-midi, c'est notre force. On sait comment s'y prendre, on est habituées.

Mme Théberge: C'est votre quotidien.

Mme Henry (Lise): L'accueil régulier des enfants, on le connaît.

Mme Théberge: Oui, oui. C'est ça. Parfait.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Théberge: Oui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Henry. Mme Tarjon, bonjour. J'aimerais que l'on revienne à votre page 4 concernant l'article 149. J'essaie de bien comprendre la préoccupation que vous avez, là, vis-à-vis cet article-là, et notamment par rapport au troisième paragraphe, qui se lit comme suit: Les dispositions de l'article 6 ne s'appliquent pas non plus à un organisme communautaire qui, dans le cadre d'une intervention auprès de parents ? c'est là, je pense, qu'il y a un problème, si j'ai bien saisi ? assure la garde de leurs enfants pendant la durée de cette intervention dans une halte-garderie.

Alors, c'est le terme «dans le cadre d'une intervention auprès des parents» qui vous préoccupe, je pense, hein? Parce que vous offrez des services autrement que dans ce seul cadre là. C'est ça?

Mme Henry (Lise): Vous avez bien compris. Nous, ce qu'on comprend dans ce paragraphe-là, c'est que les parents doivent être sur place donc pour offrir un service de halte-garderie, là, selon l'article de loi. Nous, on comprend que, quand le parent n'est pas sur place, à ce moment-là, ça devrait prendre un permis.

n(17 h 40)n

M. Bouchard (Vachon): O.K. Donc, ce que vous faites comme interprétation, c'est de dire que l'intervention dont on fait mention dans ce paragraphe-là, selon vous, les interventions qui seraient visées par le législateur, là, seraient des interventions sur place, alors que vous offrez des services de dépannage d'urgence, par exemple, alors que les parents ne reçoivent pas des services directement de l'organisation qui vous finance, hein, qui finance ce service. Vous offrez aussi des services à des parents qui, sur une base régulière mais à temps partiel, vous confient leurs enfants, mais sans doute pour d'autres motifs qu'une intervention qui est organisée par l'organisme lui-même. C'est le cas, hein?

Mme Henry (Lise): Oui.

Mme Tarjon (Sandrine): Oui, oui.

M. Bouchard (Vachon): Donc, vous voyez là une restriction très importante que le projet de loi apporte à la reconnaissance non pas de votre organisation, mais des activités que vous offrez.

Mme Henry (Lise): Tout à fait. Vous avez bien compris.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Vous me permettrez d'interpeller Mme la ministre là-dessus, parce que je ne pense pas qu'il y ait de gros problème à ce qu'on puisse corriger ça éventuellement, le cas échéant, hein?

Mme Théberge: Je voudrais dire au député de Vachon: On est en commission parlementaire, on va attendre, on va voir de quelle façon... C'est le but d'une commission parlementaire, d'entendre les commentaires.

M. Bouchard (Vachon): Non, mais, comme la ministre n'avait pas, M. le Président, réagi à cela, à cet item spécifique du mémoire, je pensais important de le souligner pour qu'on en prenne tous bonne note et qu'on puisse éventuellement convenir de rétablir les faits, le cas échéant.

Maintenant, dites-moi, vous vous êtes surtout implantées dans les milieux populaires. Est-ce que je fais erreur?

Mme Henry (Lise): Dans les quartiers plus défavorisés?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Mme Henry (Lise): Il y en a partout, des haltes-garderies.

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais est-ce que...

Mme Henry (Lise): La mienne est sur le Plateau.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Très bien.

Mme Henry (Lise): Le quartier Le Plateau, c'est un quartier qui est comme... Il y a une zone de familles qui sont plus défavorisées, là, mais, oui... Bien, non, ils sont dans tous les quartiers. À Montréal, ils sont dans tous les quartiers particulièrement.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Très bien. Mais est-ce que la majorité des familles qui vous fréquentent sont de couche plus favorisée ou moins favorisée?

Mme Henry (Lise): Bien, c'est-à-dire qu'effectivement les familles qui fréquentent les services de halte-garderie sont moins favorisées, pour la simple et bonne raison qu'on parle de familles qui ne travaillent pas, de familles qui sont aux études, de familles qui ont fait des choix, O.K., qui peuvent les appauvrir temporairement, mais qui ont fait le choix de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. On parle de familles qui sont peut-être en perte d'emploi. C'est sûr qu'on ne parle pas des familles les plus riches, on parle d'une famille qui a un salaire, peut-être pas toujours des gros salaires, des petits salaires, mais on parle de familles qui ne sont pas riches, effectivement.

M. Bouchard (Vachon): Donc, essentiellement, lorsqu'il s'agit pour vous de trouver du financement en dehors de l'organisme qui finance le service, ça devient un petit peu plus difficile, j'imagine, que pour un service de garde dont les parents sont mieux pourvus financièrement, qui peuvent participer à des levées de fonds, etc., et qui ont accès à un réseau plus riche en termes de revenus.

Mme Henry (Lise): Ah, oui, oui! On ne peut pas compter sur la contribution des parents, là, pour défrayer les coûts. Je pense que ça ne représente peut-être même pas le quart de ce qu'on peut retirer comme... Parce que, écoutez, quand on parle de familles défavorisées, quand on parle de soutien parental, je vais vous dire, souvent on fait des interventions. Quand une maman a besoin de répit, on n'attendra pas qu'elle paie sa cotisation, on est en intervention, là. Ça fait qu'on va dire: Écoute, viens, on s'organise, on va prendre le bébé. Bon, ce n'est pas fait dans un acte gratuit, mais, à ce moment-là, on ne refuse jamais un enfant ou des enfants dont la famille aurait besoin de répit. C'est que ce n'est pas toujours les parents qui paient. Ça fait que l'organisme assume tout ça. C'est-à-dire, l'assume, comme tel, on paie une éducatrice, mais, en bout de ligne, on ne reçoit rien, en bout de ligne, là, pour compenser les dépenses de tout... Parce que les principales dépenses, c'est des salaires.

M. Bouchard (Vachon): Pourriez-vous me parler un tout petit peu plus longuement de votre programme éducatif? Parce que vous dites: Dans nos services, nous offrons un programme éducatif aux enfants. Est-ce que vous...

Mme Henry (Lise): Écoutez, ce que je peux vous dire, c'est: premièrement, au niveau de l'Association des haltes-garderies... Peut-être que Sandrine pourrait mieux en parler.

Mme Tarjon (Sandrine): On a développé, on a pris comme base... Nous, on a offert au début la formation Jouer, c'est magique à nos éducatrices. Il faut dire que les haltes-garderies, c'est une réalité multiâge, hein? Donc, certaines facettes du programme éducatif Jouer, c'est magique ne vont pas s'appliquer ou s'appliquent mal au niveau du multiâge. Donc, on a engagé quelqu'un pour adapter le programme Jouer, c'est magique à toute la réalité des haltes-garderies. Cette personne a travaillé là pendant un an, et, nous, l'association, après on offrait à coût modique ? parce que c'est toujours pareil, le manque de financement ? on offrait cette formation à nos éducatrices.

Mais, plus au niveau du programme éducatif, c'est toi qui le connais plus, tu peux plus intervenir...

Mme Henry (Lise): Oui. Moi, je peux vous parler du programme chez moi, là. Je n'ai pas fait le tour de toutes les haltes-garderies, mais notre enquête dit, et ça avait été confirmé par l'enquête du ministère, que 68 % des haltes-garderies appliquaient un programme éducatif.

Comme je le disais à Mme Théberge tout à l'heure, c'est des programmes maison qui sont adaptés justement parce qu'on travaille en multiâge, hein? Ce n'est pas évident. On travaille en multiâge, on travaille avec des groupes différents, d'une demi-journée à l'autre, mais ça n'empêche pas la qualité de l'intervention qui se fait dans ces haltes-garderies-là. Et, je vais vous dire, les formations qui sont offertes par l'association sont très courues, on sent qu'il y a une volonté, chez les filles ? parce que c'est des filles qui travaillent en halte-garderie ? de former et de se former, de poursuivre leur formation, là, de s'enrichir là-dessus.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Combien y a-t-il d'éducatrices dans l'ensemble des...

Mme Henry (Lise): Dans l'ensemble des haltes-garderies, ça, je ne pourrais pas vous le dire.

Mme Tarjon (Sandrine): On a apporté le calcul. Vous voyez, il y a 212 haltes-garderies. La moyenne d'enfants, c'est 15 enfants. Le ratio en halte-garderie est toujours un peu plus faible aussi à cause du multiâge, donc on parle d'un pour six à peu près. Il faudrait faire le calcul, c'est deux, trois...

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Deux et demi fois 220 à peu près. Très bien.

Mme Tarjon (Sandrine): Oui, à peu près. Trois fois 212, là.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Merci.

Tout à l'heure, vous avez fait allusion au fait qu'il arrivait que des haltes-garderies doivent fermer pour faute de financement. Est-ce que vous êtes dans un état de plus grande vulnérabilité qu'avant? Ou comment la situation évolue-t-elle?

Mme Tarjon (Sandrine): En ce moment, oui, on est en état de plus grande vulnérabilité, parce qu'avant, bon, ce n'était pas une panacée non plus, mais il y avait différents programmes auxquels les haltes-garderies appliquaient, comme les fonds de lutte contre la pauvreté.

Les éducatrices sont souvent embauchées ou engagées sur des programmes d'employabilité. Ces programmes-là ont été... bien n'existent plus. Les seuls programmes qu'il reste sont les subventions salariales à l'emploi, et puis on connaît un petit peu la réalité aussi de ces subventions, c'est qu'à tous les six ou sept mois il faut toujours changer d'éducatrices. Donc, pour les enfants, ce n'est pas évident non plus. Toute la stabilité, qui est très importante, elle part.

Donc, en ce moment, oui, il reste juste cette source de financement là, les subventions salariales, et sinon c'est l'organisme qui doit prendre l'argent à même son financement de base pour essayer de conserver son service de halte.

M. Bouchard (Vachon): Mais attendez voir, là. Vous nous dites qu'il y a plusieurs sources de financement qui sont disparues à la faveur de la fermeture d'un certain nombre de programmes de soutien financier qui étaient directement raccrochés à Emploi-Québec, à Solidarité sociale, au ministère d'Emploi-Québec et Solidarité sociale principalement?

Mme Tarjon (Sandrine): Les fonds de lutte à la pauvreté, oui.

M. Bouchard (Vachon): Donc, les réductions budgétaires des crédits, dans ce ministère-là, ont directement affecté le soutien financier dans vos organismes, dans vos services. C'est ce qu'on doit comprendre.

Mme Tarjon (Sandrine): Bien, nous, ce qu'on a constaté, c'est qu'en tout cas le soutien financier est devenu moindre, en ce moment.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Non, mais c'est parce qu'il faut regarder la source éventuellement de tout ça.

Des voix: Oui, oui.

M. Bouchard (Vachon): Voyez-vous, quand on étudie les crédits, on n'étudie pas toujours complètement, malheureusement, les impacts que ça entraîne. On a souvent des inquiétudes et des préoccupations, mais il y a des choses qui nous échappent, et notamment celle-là. C'est la première fois, je pense, qu'on souligne, dans cette enceinte, des impacts de coupures qu'ont entraînés les diminutions de crédits, au ministère de la Solidarité sociale, sur des services tels que les vôtres.

C'est important, là, qu'on puisse retracer ça, parce que c'est le nerf de la guerre éventuellement à l'étude des crédits. Ça, on doit le faire d'une façon très rigoureuse et très sérieuse. Et, quand ça nous échappe comme ça, là, c'est dommage, parce qu'encore une fois c'est une question d'un effet direct sur la qualité de vie d'enfants qui sont les plus vulnérables dans des familles qui sont aussi très souvent en état de plus grande détresse que d'autres familles et qui ont donc besoin de ce type de ressource là. Et donc, dans un environ où on a un plan d'action de lutte à la pauvreté, c'est comme une contradiction, là, quelque part entre la réalité et les intentions ou le discours auxquels on peut avoir accès.

Et, en parlant de ça, moi, j'ai devant moi le programme du Parti libéral concernant les vraies mesures pour les familles québécoises, et, à la page 15, on dit: Pour combler les besoins en services de garde, parmi les moyens, reconnaître et financer les haltes-garderies communautaires, lesquelles offrent des services de garde plus souples à temps partiel ou occasionnel. Vous avez sans doute lu ça comme moi, là, d'où vous teniez vos attentes, hein, tel que vous le dites dans votre mémoire. Je comprends que vos attentes sont déçues maintenant. Quelles nouvelles attentes avez-vous à l'égard du gouvernement, concernant votre reconnaissance et votre financement?

Mme Henry (Lise): Écoutez, les attentes, bien, présentement, il faut quand même dire qu'il y a des travaux qui se font avec le ministère. Ils sont arrêtés. Ils sont arrêtés...

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Henry (Lise): ...depuis une année.

M. Bouchard (Vachon): Ils seraient arrêtés depuis?

Mme Henry (Lise): Une année.

M. Bouchard (Vachon): Une année?

n(17 h 50)n

Mme Henry (Lise): C'est ça. C'est arrêté depuis une année. On s'est entendus sur une définition du statut des haltes-garderies. On s'est entendus sur une... pas entendus, mais il y a eu une proposition financière, mais... C'est ça, là. Il semblerait que ça pourrait se régler si l'argent venait avec... C'est encore une question d'argent. Donc, je pense que ça pourrait se régler peut-être facilement s'il y avait les fonds qui étaient alloués, d'où notre demande, entre autres, que bon, les fonds, l'entente qui a été faite entre le fédéral et le provincial, il y ait une partie du moins qui revienne aux familles, dont les haltes-garderies communautaires.

M. Bouchard (Vachon): Alors, votre message est sans doute très bien entendu et reçu autour de cette table, en espérant que celles et ceux qui décident vous entendent aussi.

Maintenant, moi, ce qui me préoccupe un peu, là, c'est aussi la définition de votre service. Et vous suggérez une halte... On entend par «halte-garderie communautaire» un service de garde éducatif à temps partiel, occasionnel, temporaire et d'urgence. Donc, vous décrivez très bien toutes les situations que vous couvrez, là, où l'on reçoit au moins sept enfants de 0-12 ans pour des périodes qui n'excèdent pas 24 heures consécutives. Et vous me dites que, dans les discussions qui ont été suspendues il y a maintenant un an, il y avait des discussions sur la définition des haltes-garderies. Est-ce que la définition que vous avancez ici est celle dont vous avez convenu à la table de discussion?

Mme Henry (Lise): Non, pas tout à fait, sauf qu'on s'était entendus sur le statut particulier des haltes-garderies, dans quel sens on reconnaîtrait les haltes-garderies. Voulez-vous que je vous la lise?

M. Bouchard (Vachon): S'il vous plaît, oui.

Mme Henry (Lise): O.K. «Le statut des haltes-garderies communautaires dans le cadre de la Politique gouvernementale de reconnaissance et de soutien à l'action communautaire. Le gouvernement du Québec s'est engagé à assurer le respect de l'autonomie des organismes communautaires dans la détermination de leur mission, leur orientation, leur mode et leur approche d'intervention ainsi que leur mode de gestion. Cette autonomie est consacrée par le statut d'organisme communautaire autonome qui lui est reconnu. Les organismes communautaires autonomes peuvent mettre en place les services et les activités qu'ils estiment nécessaires à la réalisation de leur mission, notamment un service de haltes-garderies. Ce service fait partie intégrante du milieu de vie que constitue l'organisme communautaire. Conséquemment, il ne peut être reconnu nommément. C'est sous cet angle que le statut des haltes-garderies en milieu communautaire sera abordé.»

Ça ne donne pas... c'est une définition plus, comment je pourrais dire, administrative, oui, effectivement, que la réalité d'une halte-garderie et ça ne vous dit pas qu'est-ce qu'on fait, tandis que la définition qu'on veut qui soit traduite dans l'article 149, c'est vraiment plus une définition de ce que c'est que ce service de garde là. Ça, c'est plus un cadre peut-être de financement dans le...

M. Bouchard (Vachon): O.K. Dernière petite question, puis on arrêtera là, si vous permettez. Une question de curiosité, là. Est-ce que vous avez des contacts avec les regroupements des CPE, avec les CPE, avec l'ensemble des services de garde à caractère éducatif autrement que les haltes-garderies elles-mêmes, bon, par exemple, à l'occasion de colloques, de congrès, de formations, des trucs comme ça? Est-ce que vous faites partie de projets communs?

Mme Henry (Lise): Bien, c'est-à-dire qu'on siège, comme j'entendais tantôt des intervenantes, on siège, nous aussi, sur des tables de concertation, on travaille en partenariat autant avec les CPE locaux, les CLSC. Ça doit varier d'une région à l'autre, d'une table de concertation à l'autre. Mais je sais que, chez nous, de notre côté, ça va bien, et, oui, il y a des bonnes discussions des fois avec les représentants de CPE et tout parce que c'est vrai qu'on n'a pas eu l'appui beaucoup, là, des CPE. On entend très peu parler des haltes-garderies. Je pense qu'on a dû être les seules à en parler durant cette commission parlementaire là. Mais, nous, on conçoit qu'on est des services complètement différents. On ne veut pas aller à l'encontre de ce qui se fait dans les CPE. On considère que c'est quelque chose qui devrait rester, les CPE, mais... Non, bien c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup de liens. Ils sont plus locaux, plus sur des projets communs, plus sur notre façon de travailler ensemble et tout.

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme Henry, Mme Tarjon, merci pour votre participation devant cette commission parlementaire au nom de l'Association des haltes-garderies communautaires du Québec. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin, ici, dans cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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