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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Monday, May 12, 2008 - Vol. 40 N° 46

Interpellation : L'état du système de santé au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président (M. Reid): Alors, je déclare ouverte la séance de la Commission des affaires sociales. Le mandat de la commission est de procéder à l'interpellation... Pardon, j'ai commencé trop tôt. J'ai peut-être commencé trop tôt, sans doute. Alors, le mandat de la commission est de procéder à l'interpellation du ministre de la Santé et des Services sociaux demandée par le député de La Peltrie sur le sujet suivant: L'état du système de santé au Québec.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. Mme Maltais (Taschereau) remplace M. Drainville (Marie-Victorin).

n (14 h 10) n .

Le Président (M. Reid): Merci. Alors, je voudrais rappeler quelques règlements ici. Je vais tout d'abord vous indiquer comment se déroulera cette séance d'interpellation selon la directive rendue par le président le 25 octobre 2007. Dans un premier temps, le député de La Peltrie, qui a demandé l'interpellation, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre pour 10 autres minutes. Par la suite, les droits de parole de cinq minutes seront alloués selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle, le ministre, un député du groupe ministériel. 25 minutes avant 16 heures... enfin, avant la fin, j'accorderai un droit de parole de cinq minutes à un député ou une députée du deuxième groupe d'opposition ? ici, il s'agit de la députée de Taschereau, je pense ? et j'accorderai par la suite 10 minutes de conclusion au ministre, suivies d'un temps équivalent au député de La Peltrie.

Alors, finalement, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser 16 heures. Alors, étant donné qu'il est déjà 2 h 11, est-ce que j'ai le consentement de tous les partis pour prolonger le débat jusqu'à 16 h 11, de telle sorte que nous puissions couvrir deux heures complètement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Reid): Il y a consentement. Merci. Alors, je vais donner la parole, comme prévu, au député de La Peltrie.

Exposé du sujet

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de saluer mes collègues du parti ministériel, le ministre ainsi que l'ensemble des personnes qui l'accompagnent pour l'interpellation que nous avons demandée aujourd'hui au ministre de la Santé.

Je sais que ses péripéties outre-Atlantique ont fait en sorte que l'interpellation, qui devait avoir lieu vendredi, a été remise à aujourd'hui. Et je pense que ça s'est fait de consentement mutuel parce qu'il m'apparaît que ces questions-là devaient être traitées directement avec le ministre. Non pas que je pense que ses collègues n'auraient pas pu répondre, mais je pense qu'il est la personne évidemment la plus qualifiée pour le faire, et donc je remercie tous les partis, qui ont accepté de déroger dans les dates et dans les heures pour qu'on puisse avoir la présence du ministre et lui demander... Et j'ai presque envie de lui demander comment il a aimé l'air salin de La Rochelle parce qu'ici c'était plutôt l'air salé.

Ceci étant dit, M. le Président, l'objectif de l'interpellation évidemment touche plus particulièrement, je pense, la pénurie de médecins. Nous allons aborder de façon spécifique l'intégration des médecins étrangers, mais, dans mes remarques préliminaires, je voulais dire que, dans un sens très large, il apparaît à tous qu'un des problèmes fondamentaux de notre réseau de la santé, c'est la pénurie de médecins. En étude de crédits, sur d'autres thèmes, nous avons eu, le ministre et moi, l'occasion d'échanger là-dessus, notamment sur la mixité de la pratique, qui, de son point de vue, était rendue inappropriée par la pénurie de médecins et, de mon point de vue, nécessaire pour les mêmes raisons. Mais on s'entend sur une chose: c'est qu'il y a au Québec pénurie de médecins. D'ailleurs, je l'invite à enregistrer ou faire sortir les verbatims de ce que je dis parce que je dis bel et bien qu'il y a pénurie de médecins au Québec.

Ce fait-là est d'autant plus troublant, M. le Président, qu'on constate un certain nombre d'éléments qui nous questionnent comme Québécois mais qui nous questionnent aussi comme parlementaires de l'opposition officielle. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec le ministre, le nombre de diplômés en médecine des universités du Québec qui quittent le Québec, on parle de plus de 101 cette année... l'année dernière. Bon, c'est un problème que nous avons soulevé et qui nous apparaît être de nature à inquiéter l'ensemble des parlementaires et pour lequel il va falloir se pencher sur des solutions. Et là-dessus nous avons pris note de l'avis du Dr Hébert, qui est le doyen de la faculté de l'Université de Sherbrooke, qui semblait dire que l'opposition officielle avait mis dans le mille en disant qu'il ne faut pas penser qu'on va combler le départ des uns par l'arrivée des autres, et c'est un peu dans cet esprit-là que nous nous inscrivons.

Ceci étant dit, M. le Président, si on ne comble pas le départ des uns par l'arrivée des autres, il faut quand même que l'arrivée des autres soit un facteur de nature à corriger le problème de pénurie de médecins. Et, dans ce sens-là, j'aimerais faire un peu d'historique, M. le Président, parce que le Québec se classe toujours bon dernier. J'ai eu l'occasion d'entendre le ministre de la Santé et des Services sociaux l'année dernière, alors que je l'interrogeais sur ce sujet-là, et ce qui m'a fait dire en Chambre à un moment donné que j'avais l'impression de vivre le jour de la marmotte parce que je posais, un an plus tard, les mêmes questions, pour lesquelles j'avais sensiblement les mêmes réponses, ce qui est un peu décevant parce que, avec 12 mois de plus, on aurait pensé que le ministre de la Santé aurait été en mesure de nous amener des éléments de solution nouveaux.

Or, il y a eu ouverture nouvelle, ça, je dois le concéder. Mais, sur les solutions, on est encore loin de la coupe aux lèvres, notamment, M. le Président... Et j'ai entendu le ministre, tout à l'heure, dans son point de presse, réitérer qu'un des problèmes qu'on avait, c'est que le bassin de recrutement n'est pas le même, notamment à cause de la langue, et je relisais les verbatims de l'année dernière en étude de crédits où le ministre avait dit exactement la même chose. Pourtant, ce qu'on constate, année après année, le problème que nous avons, ce n'est pas qu'on manque de candidats pour les places, c'est qu'on manque de places pour les candidats. Alors, à ce moment-là, comment peut-on dire que le bassin n'est pas suffisant si on est incapable d'intégrer et de faire cheminer normalement dans le processus des candidats qui se présentent et qui répondent à nos critères, notamment aux critères linguistiques, hein?

Si on disait: Le problème d'intégration des médecins étrangers, c'est qu'il y a de l'espace pour en accueillir plus, mais on a de la difficulté à aller en chercher, on a de la difficulté à les attirer chez nous, bien je dirais: Effectivement, c'est vrai, le bassin de recrutement peut être un problème. Mais ce n'est pas le cas. Encore cette année, par rapport à l'année dernière, toujours plus de médecins qui répondent aux critères, qui ont leur équivalence du Collège des médecins et pour lesquels, M. le Président, on n'a pas de solution autre que de leur dire: Bien, attendez, puis... La grande solution de cette année, c'est de dire: Bien là, on a obtenu de haute lutte des universités qu'elles révisent votre dossier, qu'elles revoient votre dossier parce qu'on a un sentiment que le traitement dont vous avez été l'objet est injuste, est inéquitable. Et ça, c'est des mots que le ministre a utilisés cette année. C'est déjà un progrès par rapport à l'année dernière, je dois l'admettre, le fait qu'effectivement on commence à se dire que le problème, ce n'est peut-être pas le bassin de recrutement, le problème, ce n'est peut-être pas le fait français, le problème, c'est peut-être qu'il y a une certaine iniquité dans le traitement des dossiers des médecins qui sont diplômés à l'étranger.

Autre chose, M. le Président, une suggestion que j'avais faite l'année dernière au ministre de la Santé qui était effectivement de réserver des places pour ces médecins-là. Parce qu'on s'entend tous, on s'entend tous que ça nécessite un effort supplémentaire. La problématique est différente, les sensibilités sont différentes par rapport à un médecin qui a été diplômé au Québec, on en est bien conscients. Et ça prend une expertise qui s'adapte à cette réalité-là pour en arriver à des succès, on en est bien conscients. Or, l'année dernière, j'avais soumis au ministre que des provinces comme l'Ontario réservaient des places de résidence dans leurs universités pour des médecins qui sont diplômés à l'étranger, mais avec l'objectif bien sûr de les faire pratiquer dans la province. Or, le ministre m'avait dit que ce n'était pas réaliste, ce n'est pas pensable, qu'on manquait de places, il y avait toutes sortes... Puis j'ai les verbatims, donc je pourrais vous les relire, mais je vais vous épargner ça, M. le Président. Mais bref ce n'était pas pensable, et j'ai cru comprendre, cette année, que le ministre était disposé à débloquer des fonds pour qu'on puisse développer ce genre de places là. Mais la question, c'est: Pourquoi c'est possible de le faire cette année, ce n'était pas possible de le faire il y a un an? Personnellement, je ne trouve pas de réponse à ça puis je convaincu que le ministre aura l'amabilité de bien vouloir m'éclairer là-dessus.

Mais fondamentalement, M. le Président, ce que je pense, ce que je crois, c'est que le problème que nous avons, c'est un problème où il y a une absence d'une politique. Je prends pour exemple le cas des sages-femmes, M. le Président, où il y a eu une volonté du gouvernement que plus de sages-femmes puissent intervenir dans le cas d'accouchements. Or, le ministre ? passez-moi le jeu de mots ? a accouché d'une politique. Ça a été long, là ? puis je lui avais même suggéré une césarienne à l'époque ? mais il a accouché d'une politique pour qu'on puisse diplômer plus de sages-femmes, pour qu'on puisse ouvrir plus de maisons des naissances. Et ça, ça s'est fait sans ? je pense, peut-être que le ministre a un avis contraire; mais ça, ça s'est fait sans ? interférer dans l'autonomie des universités, ça s'est fait sans que le ministre ait à demander aux universités de revoir leurs critères ou qu'il impose des candidats aux universités. Je ne crois pas que ce soit le cas. Si c'est le cas, il pourra nous le dire.

C'est un peu la même chose pour les médecins diplômés au Québec, M. le Président, où, encore là, le ministre nous est arrivé avec des objectifs très clairs. Je lui ai dit à plusieurs reprises, à la période de questions: En 2015, 1 300 nouveaux omnipraticiens; en 2015, 1 300 nouveaux spécialistes. Il ne m'apparaît pas que le ministre de la Santé, pour en arriver à ces chiffres-là, a dû dire aux doyens des facultés: Je vous impose des candidats, je vous impose des critères. Je pense que ça s'est fait en partenariat, en collaboration. Évidemment, le ministre de la Santé et la ministre de l'Éducation ont dû s'asseoir avec les doyens de ces facultés-là, revoir les budgets à la hausse bien sûr et avoir les ententes sur la faisabilité de tout ça. Mais il m'apparaît que, si ça peut se faire dans ces cas-là, si ça peut se faire dans les différents exemples que j'ai mentionnés, M. le Président, une telle politique pourrait se faire aussi dans le cas des médecins étrangers tout en respectant l'ensemble des partenaires du réseau que sont le Collège des médecins et les facultés de médecine. Il s'agit d'abord et avant tout d'une volonté politique qui se traduit dans ce qui se fait dans d'autres provinces ? j'aurai l'occasion d'y revenir, M. le Président ? des provinces qui ont du succès quant à l'intégration des médecins diplômés à l'étranger mais qui ont pris les moyens pour avoir le succès dont on parle, et je m'attends du ministre de la Santé qu'il prenne les mêmes moyens dans l'objectif d'avoir le même succès.

n(14 h 20)n

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député. Je vais passer la parole maintenant à M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, remercier notre collègue de nous convier à cette conversation aujourd'hui à l'Assemblée nationale, lui dire qu'effectivement les journées passées en France, à Larochelle, ont été merveilleuses, beaucoup de chaleur, d'affection des Rochelais et des gens du Poitou-Charentes, qu'on appelle des Picto-Charentais. Je ne connaissais pas le terme, mais ça s'est ajouté à mon lexique là-bas. Et de voir ce voilier partir vers le large avait toute une valeur symbolique et également une valeur d'affection encore une fois et d'attachement entre la France et le Québec.

Mes excuses donc pour vendredi, j'aurais préféré... On aurait pu trouver un collègue certainement qui aurait eu un débat intéressant avec notre collègue, mais il a choisi, je pense ? et c'est bien ? de faire ça aujourd'hui.

Puis il m'est arrivé récemment de parler des différents critiques de santé que j'ai eus depuis 2003 ? j'en ai eu quelques-uns, compte tenu de la longévité que j'ai à ce poste ? et je parle toujours avec affection de mon collègue l'ancien député de Borduas, M. Charbonneau, qui était, comme je dis, un libre penseur dans toute la beauté du terme et dont je me rappelle beaucoup... Je me rappelle avec plaisir de plusieurs débats qu'on a eus. Même si, parfois, il était assez vociférant, notre collègue, il n'en demeurait pas moins qu'on avait des débats intéressants. Et mon collègue ici que je connais maintenant depuis un an, un petit peu plus d'un an, a toujours réussi à maintenir dans ses séances, aux crédits et ailleurs, un débat sur les enjeux, profond, en allant au-delà des éléments symboliques ou superficiels, et je lui en sais gré. Et on aura, je crois, aujourd'hui une conversation de deux heures qui sera de ce niveau-là, je voudrais le rassurer là-dessus.

Il a souligné à juste titre qu'on peut dire que, avec les efforts de financement que le Québec fait maintenant pour son réseau de santé et de services sociaux, que la question du personnel ou des ressources humaines demeure probablement l'enjeu que j'évalue comme l'enjeu le plus important des prochaines années dans le réseau de santé et de services sociaux, un enjeu qu'il faut savoir évaluer dans tous ses angles et dans toutes ses facettes. Il y a la question du nombre puis il y a la question des modes de pratique ou des façons dont on pratique et dont on choisit de pratiquer ou d'exercer sa profession où on est amené, par des environnements qu'il faut modifier, à exercer sa profession dans une façon qui ne mène pas à l'intérêt du développement du réseau et de l'accès aux soins. Et les problèmes diffèrent selon les professions qu'on envisage. Si on parle des médecins, ce qu'on constate ? et ce n'est pas un secret, puisque des statistiques existent; on constate ? depuis quelques années une augmentation importante de la masse monétaire consacrée aux fédérations médicales, une augmentation assez constante du revenu moyen des médecins, mais par contre une certaine diminution de la productivité des médecins, de sorte que le nombre d'actes médicaux, malgré l'importance des sommes engagées, ne semble pas suivre la même courbe.

Alors, il faut s'interroger sur les causes profondes parce que certaines de ces causes peuvent faire l'objet d'actions déterminantes d'un gouvernement; d'autres, moins. Les actions déterminantes qu'on peut poser, c'est d'éliminer tout obstacle à cette productivité dans le cas des médecins. Alors, c'est pour ça qu'on a éliminé les plafonds tarifaires, c'est pour ça qu'on met en place des primes de toutes sortes, des surprimes pour certains types d'activités. Mais, lorsque l'enjeu est fondamentalement un choix de vie, qu'on observe d'ailleurs partout dans l'Occident... J'avais l'occasion d'en parler en France avec mes collègues vendredi ? puis je sais que notre collègue est allé également ? ils constatent les mêmes phénomènes: meilleur équilibre travail-famille, nombre d'heures de travail réduites, etc., difficulté à trouver des médecins en zone rurale. Qui l'aurait cru? On parle de ça en France maintenant, la difficulté à trouver des médecins en zone rurale, et ce ne sont pas les zones éloignées que nous connaissons.

Dans le cas des infirmières, il y a le problème de nombre, mais il y a également le problème de concentration des activités sur leurs tâches. On aura l'occasion, je crois, prochainement de faire des avancées importantes dans ce domaine-là. On a déjà commencé et, avec la table de concertation, on pourrait aller plus loin.

Mais je veux maintenant amener la discussion spécifique sur l'enjeu que notre collègue veut couvrir qui est la question à la fois des places de résidence, de la situation des médecins formés à l'étranger. Je répète toujours «médecins formés à l'étranger» ? je sais que le collègue est attentif à ça également ? parce que ce sont des gens qui sont des Canadiens, des Québécois qui sont chez nous mais qui ont une formation médicale obtenue à l'étranger, par opposition à ceux qui demandent une immigration comme médecins par Recrutement Santé Québec.

Alors, pour ce qui est d'abord des postes de résidence non comblés, on a eu l'occasion, au cours des dernières semaines, de faire des examens assez précis et attentifs des chiffres avec les quatre facultés de médecine, qui d'ailleurs ont offert leur collaboration dans cette analyse, et il y a un enjeu qui n'a pas été relevé suffisamment et qui apparaît très nettement actuellement, c'est la différence entre l'aspiration profonde du finissant ou de la finissante en médecine quant au type de carrière que cette personne veut faire en médecine, et le type, et le nombre de postes qu'on offre. Alors, je m'explique.

On offre environ maintenant, pour les finissants des écoles de médecine, 46 % de postes en médecine de famille et le reste, 54 %, en médecine de spécialité. Traditionnellement, du temps où le Québec était en vase clos, où il n'y avait pas de communication avec les autres programmes de résidence, cette répartition amenait à un équilibre progressif autour du 50-50, qui est le but souhaité, parce que les gens quittaient leur programme de spécialité pour transférer en médecine de famille. Bien sûr, lorsqu'on a quitté ? et je pense que c'est une bonne décision, je le redis ? lorsqu'on a décidé de nous libérer de cette ambiance un peu protectionniste et d'accepter la compétition et le contact avec les autres programmes de formation, ce phénomène devient beaucoup plus apparent parce que, là, ce qu'on constate, c'est qu'alors que donc 46 % des postes de fin de résidence... de fin d'études médicales sont offerts en médecine de famille, il n'y a que 32 % des étudiants en médecine qui indiquent la médecine de famille comme premier choix.

Et ça, ça veut dire la chose suivante, très concrètement: si, moi, je décide que, dans la vie, je veux être un cardiologue, je ne veux pas être un médecin de famille, je veux être un cardiologue, puis qu'on ne m'offre pas un poste en cardiologie au Québec, comme on dit, je vais voter avec mes pieds, je vais aller obtenir ma formation de cardiologie là où on me l'offre, alors que, dans d'autres provinces, d'après ce qu'on me dit, il n'y a pas cette prescription fixe de la répartition des postes de résidence entre la médecine de famille et la médecine spécialisée. Ce qui n'empêche pas, en passant, qu'ils ont exactement le même problème de pénurie de médecins de famille partout au Canada comme on a chez nous au Québec, mais au Québec à un niveau plus élevé, cependant.

Donc, cet élément-là doit nous amener à réfléchir ? et c'est ce qu'on fait avec les facultés de médecine ? sur la raison de ce phénomène, pourquoi nos finissants en médecine sont majoritairement orientés vers la formation en spécialité par rapport à la médecine de famille. Il y a certainement des enjeux au niveau du curriculum, la façon dont on expose les étudiants à la pratique de la médecine de famille, au type peut-être de candidats qu'on choisit et la façon dont ils sont évalués dans le processus d'admission. Mais ça nécessite une réflexion très profonde et qui, je crois, devrait peut-être nous amener à faire certains changements dans la façon dont nous gérons ces postes de résidence.

Bien sûr ? et le collègue l'a dit avec raison ? là se pose la question des médecins formés à l'étranger, et ce ne sera pas, en passant ? il l'a dit lui-même, et c'est bien; ce ne sera pas ? la solution qui va nous permettre de renverser le problème de pénurie de médecins. Mais c'est assez paradoxal pour la population de constater que des gens ont fait l'objet d'un examen du Collège des médecins, on déclare que la formation est correcte; ils se présentent en faculté de médecine et, là, ne voient pas leur demande d'admission couronnée de succès. J'indique quand même, sans prétendre que c'est suffisant, qu'il y a une augmentation considérable. Je rappelle qu'on était à trois à cinq étudiants par année en 2002-2003, puis là on est à 68 plus les quelques-uns qui seront récupérés au cours des prochains jours. On aura donc admis de façon cumulative près de 280 candidats diplômés hors Canada, États-Unis dans leurs programmes de résidence depuis ces années. Donc, il y a un progrès. Et ce que les facultés demandent ? et elles ont raison ? c'est qu'on reconnaisse qu'elles font des efforts. Et il y a des facultés qui, cette année ? on le voit d'après les chiffres ? ont fait des efforts significatifs d'admission de diplômés hors Canada, États-Unis.

Maintenant, ce que nous disent les facultés, c'est que, là, se posent, je dirais, trois problèmes. Et, lorsque je parlais du bassin de recrutement, il ne faut pas parler que de la langue. Pour des raisons très pratiques et très concrètes, tous les bassins de recrutement du Commonwealth ont des modes de formation très voisins du nôtre parce qu'on est effectivement fortement inspirés du modèle britannique avec le Collège royal, autant en spécialité que les formations en médecine de famille, de sorte que les formations et les pratiques sont beaucoup plus parallèles et beaucoup plus facilement comparables. Tandis que, dans les autres pays en dehors de cette tradition, c'est plus difficile. Je ne dis pas impossible, mais c'est plus difficile.

Deuxièmement, ce que nous disent les facultés de médecine ? et ce n'est pas un blâme à adresser aux candidats, qui ont à traverser de nombreuses épreuves dans leur décision d'immigration, d'intégration à notre société ? c'est qu'il y a des difficultés marquées de ces candidats lorsqu'ils sont admis. En gros, ce qu'on m'a dit ? et ce sera aux facultés de médecine à l'expliquer et à expliquer comment on va renverser ce phénomène ? c'est que c'est la minorité des étudiants admis, même actuellement, qui finissent leur formation dans le temps prescrit avec une réussite d'examens. Et malheureusement c'est une réalité, donc ça témoigne du fait que ces candidats ont besoin d'un soutien pédagogique beaucoup plus intense que ce que les autres étudiants demandent.

n(14 h 30)n

Il a parlé, notre collègue, du soutien financier. Je me souviens très bien, l'an dernier, que nous avions offert aux facultés de médecine ce soutien financier, on n'a pas eu de demande qui nous a été faite suite à cette offre. Cette année, je crois que l'offre a été mieux entendue et va faire l'objet de décisions autant pour le soutien de l'encadrement que pour la constitution d'ambiances pédagogiques ou de projets pédagogiques de plus grande importance.

Il y a une comparaison un peu injuste qui est faite par notre collègue entre la question des sages-femmes et des médecins. Il faut quand même rétablir les faits, là, les sages-femmes sont formées, au Québec, dans une université qui est l'Université de Trois-Rivières, dans un programme de formation. Il n'y a pas de doyen de faculté de sages-femmes, ça n'existe pas. Alors, il faut quand même rétablir les choses. Et les sages-femmes qui sont formées au Québec, elles trouvent des emplois. Puis on veut effectivement développer leur pratique, et on reconnaît les efforts qu'on a faits. On veut développer leur pratique autant dans le milieu hospitalier que dans les maisons de naissance et, parfois, à domicile lorsque les conditions sont réunies. Donc, je pense que c'est un peu ténu, là, la comparaison entre les sages-femmes et les médecins, ce n'est pas du tout la même situation.

Et je termine en mentionnant que l'enjeu fondamental ? et j'invitais l'autre jour, à l'Assemblée, ici, mon collègue à se prononcer là-dessus au nom de sa formation politique; l'enjeu fondamental ? c'est celui également de l'autonomie universitaire. À partir de quel moment un gouvernement peut-il obliger une faculté de médecine ou une université à admettre ou ne pas admettre tel ou tel candidat? Ce qu'on doit leur demander, c'est d'avoir un processus équitable. Et il faut rappeler d'ailleurs ? je termine, M. le Président, maintenant; il faut rappeler ? que la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse s'est saisie d'un mandat d'initiative pour étudier cette question. Voilà.

Argumentation

Le Président (M. Reid): Merci. Et je dois vous dire qu'à partir de maintenant je vais interrompre à la fin... quand l'horloge va l'indiquer parce que c'est le règlement. Alors, nous allons commencer les interventions de cinq minutes avec le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Alors, je prends bonne note de votre avertissement. M. le Président, je voulais faire un peu d'historique avant d'entrer dans mon premier cinq minutes parce que, M. le Président, quand on sait d'où on arrive, c'est généralement plus facile de savoir où on s'en va. Or, je le disais, le Québec historiquement intègre moins et moins bien les médecins étrangers. Et, où je ne rejoignais pas le ministre de la Santé, c'est quand celui-ci disait: On a été lents à se joindre au mouvement. Ma prétention, c'est qu'eu égard aux chiffres de 2008 que j'ai mentionnés donc le Québec est à moins 10 % de médecins étrangers dans son corps médical par rapport à l'Île-du-Prince-Édouard, qui est en neuvième place, qui est à 18 %, par rapport à l'Ontario qui est à 24 %, par rapport à, bon, l'ensemble de provinces, comme ça, qui sont toutes nettement plus performantes que nous. Et là on parle de chiffres de 2008, il est clair que, si des mesures avaient été prises en 2003, au moment où le ministre de la Santé est devenu ministre de la Santé, ces chiffres-là ne seraient pas aussi révélateurs quant à notre incapacité à le faire. Donc, il y a une part de responsabilité là-dedans, là. Je comprends qu'on peut dire: Bien, écoutez, on peut lire les statistiques de gauche, de droite ici. Mais le fait est que le Québec fait moins bien, et c'est de notoriété. Alors, on n'est pas lents à le faire, on ne le fait pas, M. le Président. Et je pense que minimalement la moyenne canadienne devrait être une espèce d'indicateur baromètre, comme ça l'est dans plusieurs sujets.

Alors, si on fait une espèce de bilan, bon, je fais juste regarder les statistiques du Collège des médecins quant à l'émission de permis restrictifs, on voit que, de 2001 à 2006, ça n'a à peu près pas évolué. Donc, les constats sont les mêmes de ce côté-là. Par exemple, 2006-2007, là, le nombre de permis qui a été émis à des diplômés hors Canada, États-Unis, ça représente 14 % de ce qui s'est émis comme permis au Québec. Or, je pourrais aller encore plus loin, de statistiques en statistiques, pour dire: Écoutez, c'est plus qu'une lenteur, là, c'est une absence de volonté, c'est une absence de politique. C'est un constat où on est au dernier rang, avec une moyenne canadienne, si on inclut le Québec, là, à 21 % des médecins qui pratiquent qui sont des médecins diplômés à l'étranger. Et, si on exclut le Québec, à cause de sa très faible performance, on est à presque 26 % des médecins au Canada qui sont des médecins qui ont été diplômés à l'étranger.

Il m'apparaît, M. le Président, qu'il y a aussi une question de cohérence dans les façons de faire, dans les façons d'aborder la question. Or, quand on voit le Collège des médecins qui nous dit, par exemple, en 2004, qu'ils ont émis 107 équivalences, il y a 107 diplômés à l'étranger qui ont reçu une équivalence et qu'on voit 82 selon les facultés, dont 55 qui ont été admis en résidence, là on se dit: Qui a raison, là? C'est... Mais il n'y a pas d'instance qui va trancher, il n'y a pas d'instance qui va dire: Non, non, ça, c'est dans les cas qu'on a reçus versus les cas qui ont eu un aboutissement, voici le portrait global. Un autre exemple: 2006, 131, le Collège des médecins dit avoir donné 131 équivalences; les facultés disent que c'est 103, dont 48 qui ont eu une place en résidence. Mais en fait ce qu'on constate aussi des facultés, c'est une espèce de continuité entre 2005 et 2007 sur le nombre de résidents admis.

Donc, encore là, pas de volonté ferme, pas de continuité dans l'action...

Une voix: ...

M. Caire: ... ? merci; mon Dieu! comme ça va vite! ? avec le résultat, M. le Président, que, dans les faits, en 2008, le Québec est encore bon dernier, que le Québec, malgré un problème... Parce que le ministre l'a reconnu, là, c'est un problème qui est fondamental, la pénurie de médecins, à tous les niveaux, c'est un problème qui est fondamental. Et c'est vrai que l'intégration des médecins diplômés à l'étranger n'est pas la solution ultime, hein, il faut aussi garder nos diplômés, c'est clair, il faut aussi garder nos médecins au Québec, c'est un ensemble de solutions, mais certainement qu'en intégrer plus fait partie de la solution. Et j'écoutais les représentants des différentes associations qui représentent les médecins diplômés à l'étranger, et c'est de façon unanime qu'on dénonce, au Québec, l'absence de politique qui fait que, quand on est recruté à l'extérieur du Québec, c'est compliqué, mais, quand on émigre au Québec et qu'on est médecin diplômé à l'étranger, c'est pratiquement impossible. Alors, à quand un organe pour coordonner tout ça?

Le Président (M. Reid): M. le ministre, pour cinq minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Une discussion donc qui se poursuit sur le même thème, et c'est bien parce que ça a des facettes multiples. Il est exact que l'intégration de médecins étrangers au Québec est historiquement plus basse qu'au Canada, c'est un fait. Il y a certainement là ? appelons un chat un chat; il y a certainement là ? chez nous, un élément de protectionnisme qui a existé ? corporatisme, protectionnisme, nommons-le comme on le veut ? et une certaine réticence à faire appel à des médecins étrangers. Il faut rappeler qu'on a eu, au Québec, la fâcheuse décision, à la fin des années quatre-vingt-dix, de réduire considérablement le nombre d'admissions en médecine. Alors, on trouvait à l'époque qu'il y avait trop de médecins parce que ça coûtait trop cher. Ça fait qu'à ce moment-là il ne faut pas se surprendre que cette attitude se reflétait dans l'accueil de médecins étrangers. Si on avait décidé de réduire de façon si majeure l'admission de candidats étudiants formés au Québec, comment pouvons-nous penser que, dans l'ambiance collective de l'époque, on allait faire ce mouvement?

Il est un peu injuste de dire qu'il n'y a pas eu de progrès. Et je répète que je ne considère pas ces progrès suffisants, mais on ne peut pas non plus dire que les facultés de médecine n'ont pas accompli de progrès. Je regarde ici le nombre d'admissions en résidence, je rappelle que, cette année, on devrait être autour de 70 au moins, là, parce qu'il y en a deux de plus rajoutés, puis on verra lesquels vont se rajouter au cours des prochaines semaines. Mais, en 2003-2004, on était à 30; 2001-2002, 2002-2003, cinq. Cinq. Imaginez, si on avait à discuter aujourd'hui de cinq admissions, dans quelle ambiance on serait. Je pense qu'on aurait une discussion moins paisible, mon collègue et moi. Alors que 2003-2004, c'est 30; 2004-2005, 55, 54; et on arrive à 2008-2009, à 68, 70. Mais, encore une fois, je ne prétends pas, en disant ça, dire que l'effort est suffisant parce qu'effectivement, pour la population, c'est très paradoxal.

Maintenant, il faut, dans cette discussion, avoir le souci de parler des enjeux réels. Et, lorsque le collègue ? puis je l'invite à faire ça, je l'invite à aller plus loin que les chiffres qu'il m'a donnés tantôt ? lorsqu'il parle des médecins étrangers qui peuplent la main-d'oeuvre médicale souvent de façon très importante en Saskatchewan, par exemple ? ou il a parlé de l'Île-du-Prince-Édouard ? il faut qu'il aille voir la provenance de ces médecins, et il va retrouver là un bloc extrêmement important de médecins étrangers provenant des pays du Commonwealth, comme je l'indiquais tantôt, notamment d'Afrique du Sud, tellement que ça devient un enjeu international même soulevé aux Nations unies, que ces pays qui sont dans un état parfois de sous-développement et de besoins considérables dans certaines régions ? ce n'est pas le cas nécessairement de l'Afrique du Sud, mais de certaines régions certainement ? commencent à trouver que les pays occidentaux modernes et bien pourvus sont assez agressifs dans leurs efforts de recrutement de main-d'oeuvre médicale. Mais je l'invite à faire l'exercice. Je pense qu'il va trouver qu'il y a un constat là qui est assez évident quant à la surreprésentation d'un type de clientèle étudiante qui n'est pas celui qui fait des demandes chez nous.

n(14 h 40)n

Et, encore une fois, ce n'est pas mauvais et ce n'est pas inadéquat ou inapproprié de dire que c'est parfois plus facile d'intégrer un étudiant dont tout le curriculum, et la scolarité, s'est fait dans ce modèle grossièrement connu sous le terme de modèle anglo-saxon, Collège royal, etc., que ce l'est pour un étudiant formé en Afrique francophone ou dans les pays du Maghreb. Ce n'est pas nécessairement une question de qualité, c'est une question d'ambiance puis de façon d'évaluer, de façon de fonctionner qui fait partie de la réalité quotidienne. Alors, je l'invite à faire cet examen. Mais je suis d'accord avec lui que le Québec a été trop lent à se mettre... Il aurait fallu dès le début, lorsqu'on a réalisé qu'il n'y avait pas trop de médecins au Québec malheureusement mais qu'on allait en manquer, bien il aurait fallu, en même temps, faire ce mouvement d'accueil. D'ailleurs, regardez, 2002-2003, on était quand même à une époque où le gouvernement du Parti québécois de l'époque avait redressé le nombre d'admissions en médecine... commencé à le redresser, et il n'y avait que cinq médecins formés à l'étranger admis en résidence.

Donc, on voit que le mouvement ne s'est pas fait en même temps, et je crois qu'il faut continuer à pousser les facultés de médecine, à leur donner le soutien, mais également reconnaître... On ne peut pas, dans un problème de société comme celui là ? et j'engage une réflexion avec mon collègue là-dessus; on ne peut pas ? donner l'impression à une organisation comme une faculté de médecine qu'on ne reconnaît pas les efforts faits parce que, là, on a une conversation qui n'est pas productive. Vous-même, M. le Président, avez été recteur d'université, vous êtes familier avec les facultés de médecine, moi, je suis encore professeur en congé de service, je vous le rappelle, d'une faculté de médecine du Québec, et on ne peut pas dire qu'on ne reconnaît pas ce que les facultés de médecine font parce que ça les blesse, honnêtement, ça les blesse de voir qu'eux considèrent qu'ils font des efforts, que bien sûr la population et nous trouvons encore insuffisants, et qu'on ne les reconnaît pas.

Maintenant, ce qui a été fait depuis 2003, c'est quand même important et appréciable, et il faut le continuer, il faut le poursuivre et le développer. C'est pour ça que je vais regarder les suggestions de notre collègue et voir comment on peut s'en inspirer. Recrutement Santé Québec, pour les médecins à l'étranger, a été mis sur pied. L'accompagnement des candidats à l'examen, pour les candidats présents ici, a fait en sorte qu'on a fait augmenter considérablement le taux de succès à l'examen du Collège des médecins. On a formé le comité Échavé qui va nous donner un rapport en juin sur justement l'environnement pédagogique, puis je rappelle que c'est pour ça justement...

Le Président (M. Reid): ...

M. Couillard: ... ? et je termine rapidement là-dessus; c'est pour ça ? que notre premier ministre fait actuellement tant d'efforts pour avoir une entente sur la circulation de la main-d'oeuvre avec la France. Voilà un horizon qui...

Le Président (M. Reid): Je dois vous interrompre.

M. Couillard: ...nous amène dans une autre ambiance.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je suis quelque peu perplexe par la conversation à date. Ceux qui me connaissent bien vont constater que ça m'arrive peut-être trop fréquemment d'être perplexe, mais je l'avoue, M. le Président. Moi, j'avais lu évidemment le libellé de la convocation de la Commission des affaires sociales par le député de La Peltrie, qui était l'état du système de santé du Québec. Évidemment, le député de La Peltrie, au nom de sa formation politique, peut viser, miser sur des questions très précises pendant cette interpellation, mais, moi, je l'avais pris un peu plus large. Je ne sais pas si le député de La Peltrie a l'intention de consacrer toutes ses interventions sur la simple, simple... complexe, on comprend, la complexe question de l'intégration des médecins formés à l'étranger, mais, moi, je voyais dans le libellé... Et c'est le député de La Peltrie qui a choisi le libellé, n'est-ce pas, M. le Président, ce n'est pas le côté ministériel qui dicte quel est le sujet devant la commission. Le sujet dans son plus large, c'est l'état du système de santé du Québec.

La conversation, à date, me fait penser beaucoup à la période de questions en Angleterre, le Prime Minister's question period, M. le Président, où les députés de l'opposition doivent signaler par écrit quelles sont les questions qu'on désire poser au premier ministre de la Grande-Bretagne mais posent des questions assez anodines sur papier comme: Est-ce que le premier ministre peut nous parler de ses déplacements vendredi passé? Ça, c'est la question qui est écrite au feuilleton en Grande-Bretagne. Alors, le premier ministre répond à cette première question, mais ce sont des questions complémentaires qui dévoilent la vraie nature de la question qu'on désire poser au premier ministre. C'est un peu ça qu'on voit ce matin, M. le Président, un libellé: L'état du système de santé du Québec, mais manifestement on veut viser une situation qui est importante, qui mérite d'être explorée, ce qui est l'intégration des médecins formés à l'étranger.

Mais on va avoir assez de temps. Moi, je voulais discuter de cela, j'ai l'intention de revenir là-dessus, mais je voulais faire quelques commentaires sur l'état du système de santé du Québec, M. le Président. Ça me paraît important de parler d'un élément clé, le financement du système. On ne peut pas, je pense, parler de l'état du système de santé du Québec sans parler des ressources qui sont mises à la disposition du réseau par des gouvernements ou des partis politiques successifs. Moi, j'étais député pendant la période du Parti québécois, M. le Président, où nous avons vécu non seulement pas une croissance des budgets du ministère de la Santé et des Services sociaux et par la suite évidemment, en ricochet, le réseau comme tel, mais des années de décroissance où le gouvernement du Parti québécois a fermé des lits d'hôpitaux, fermé des hôpitaux complètement, fermé des lits de convalescence. Alors, c'est une approche qui a été utilisée par le Parti québécois.

Nous, depuis notre arrivée au pouvoir, M. le Président, en 2003, nous avons augmenté le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est-à-dire le budget des établissements du réseau, de plus de 8 milliards de dollars, passant de 17 milliards en 2003 à plus de 25 milliards pour le budget 2008-2009. C'est une augmentation de 47 % du réseau en cinq ans, une croissance faramineuse dans le réseau. Et on peut le comparer à d'autres, M. le Président. L'ADQ, lors de la dernière campagne électorale ? j'aime beaucoup citer le document de l'ADQ Une vision. Un plan. Une parole, qui était la plateforme de l'ADQ ? avait pris des engagements sur la santé, mais nulle part est-ce qu'on disait: Il faudrait dépenser plus en santé, M. le Président. C'est ça que je trouve intrigant. Nous, au Parti libéral du Québec, on a pris l'engagement, et en 2003 et en 2007, de dépenser plus d'argent en santé parce qu'on croit que c'est important de développer des services de santé et des services sociaux pour la population. L'ADQ est complètement silencieuse sur le niveau budgétaire qui devrait être consacré, hormis la question d'imposer un ticket modérateur sur les malades, M. le Président. C'est l'approche de financement de l'ADQ, une approche que nous rejetons complètement, au Parti libéral du Québec.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député. Je passe maintenant, pour un deuxième tour, la parole au député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Alors, dans ce deuxième bloc de cinq minutes, je voulais revenir sur une question que le ministre a soulevée sur l'autonomie des facultés, des universités. J'ai trouvé cette question-là un peu paradoxale avec l'attitude du gouvernement, M. le Président, qui n'a pas hésité un seul instant à déposer un projet de loi, le projet de loi n° 44, suite au fiasco financier de l'UQAM dans son projet d'îlot Voyageur. Parce que, bon, la ministre disait: «Ce projet de loi permettra notamment d'éviter de revivre une situation comme celle vécue à l'UQAM avec son projet immobilier de l'îlot Voyageur parce que je pense, là, on doit penser aux contribuables, on doit penser aux payeurs de taxes, M. le Président, à ceux qui se lèvent tous les matins, et qui vont travailler, et nous donnent, au gouvernement du Québec, le quart de leur argent ou presque en termes d'impôt.»

Donc, M. le Président, le fiasco d'une université dont, notons-le, fait partie du réseau des universités du Québec et dont il y a des gens là-dedans qui sont nommés par le gouvernement justifiait le dépôt d'un projet de loi, le projet de loi n° 44, qui attaquait directement l'autonomie des universités, hein? Puis ça, tous les recteurs l'ont dénoncé unanimement, et, nous, nous nous sommes opposés à ça, là, hein? Le ministre de la Santé, qui se demandait où est-ce que, nous, on logeait, là, je l'invite à relire le verbatim de la déclaration de mon collègue de Mirabel qui a dit que, justement au nom de l'autonomie des universités, on ne va pas pénaliser tout le monde pour le fiasco d'une seule.

Paradoxal parce que, parallèlement à ça, la non-intégration des médecins étrangers, et le fait que... Bon, tout à l'heure, le ministre de la Santé me disait: Je l'invite à aller voir dans les provinces où on intègre plus de médecins étrangers, il y a beaucoup de demandes, beaucoup de postulants qui sont du Commonwealth et donc il y a une plus grande facilité. Mais je lui signale qu'encore cette année, là, 70 médecins diplômés à l'étranger ont reçu une équivalence du Collège des médecins et n'ont quand même pas été intégrés dans notre réseau universitaire. Or, de dire que le problème, c'est le bassin ou la qualité, le Collège des médecins nous ont dit: Ces gens-là, là, ont l'équivalent d'un diplôme québécois. Or, moi, je pense que le problème, il est un petit peu plus complexe que ça dans un contexte de pénurie qui, disons-le, amène, selon une étude qui a été publiée, et pour laquelle on a eu des commentaires, en début d'année, amène des listes d'attente. Et on sait que l'attente, au Québec, selon cette étude-là dans quatre secteurs spécifiques, là, c'est 2,8 milliards de pertes. Je ne pense pas que les pertes de l'îlot Voyageur, pour l'ensemble des contribuables québécois, aussi dramatiques que ce soit ? et c'est effectivement dramatique ? soient de cette hauteur-là.

Or, malgré ça et malgré le fait que les universités, au Québec, sont financées à 60 % par le public, je suis d'accord avec le ministre de la Santé, je ne veux pas attaquer l'autonomie des universités, mais il m'apparaît, M. le Président, que, comme le disait la ministre de l'Éducation, qui disait... Et je la cite: «...j'aimerais informer le député de Mirabel que la décision du nombre d'admissions en médecine relève en exclusivité et totalement du ministre de la Santé et des Services sociaux.» Ça, c'est la ministre de l'Éducation qui dit ça. J'essaie de comprendre en quoi se donner des objectifs pour ce qui est de l'intégration des médecins étrangers, ça signifie attaquer l'autonomie des facultés de médecine. Alors que le ministre en fait le débat principal, je pense qu'il a été de ceux, au Conseil des ministres, qui a approuvé le projet de loi n° 44, projet de loi qui, lui, était une attaque en règle contre l'autonomie des universités au Québec. Et, dans le contexte où il est celui qui décide exclusivement et totalement du nombre d'admissions et considérant que 60 % du financement des universités provient du gouvernement du Québec, en quoi c'est une hérésie que de dire: Bien, on pourrait s'asseoir avec les facultés, on pourrait se donner des objectifs, on pourrait se donner un nombre, on pourrait se donner un échéancier?

Parce que tout le monde convient, au Québec, que la pénurie de médecins, c'est une hypothèque pour la santé des Québécois. Mais, comme je viens de le démontrer, M. le Président, c'est aussi une hypothèque pour l'ensemble de nos finances, et à un autre niveau, à un niveau bien plus important que le fiasco de l'îlot Voyageur. Donc, s'il y avait cette préoccupation-là de la part du gouvernement pour ce qui est de la question de l'UQAM, je ne comprends pas que le gouvernement n'ait pas la même préoccupation et les mêmes prérogatives pour ce qui est de l'intégration des médecins étrangers.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Reid): Je vous interromps, M. le député de La Peltrie, pour passer la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour cinq minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Bien, M. le Président, je trouve, avec respect, que c'est une logique un peu tortueuse, là, parce que ce n'est pas du tout de la même chose dont on parle. Lorsqu'on parle de projets d'immobilisations, la logique qui est en arrière de ça, c'est qu'il n'est pas normal que des projets d'immobilisations qui, pour la plupart, sont financés avec les fonds publics ne soient pas soumis aux mêmes mécanismes d'approbation que ceux, par exemple, du réseau de la santé ou d'autres types... ou du réseau des transports. C'est ça, le principe, c'est la gestion des fonds publics puis de l'endettement public. Ça n'a rien à voir avec la question de l'autonomie universitaire. Certains voudraient la relier, mais ce n'est justement pas une bonne idée de relier ça. Ce qui est en cause, c'est la saine gestion des fonds publics.

Qu'est-ce qui est en cause ici, ce sont les pratiques universitaires. Qu'est-ce que c'est, une pratique ? et vous, ancien recteur, le savez très bien; qu'est-ce que c'est qu'une pratique ? universitaire où l'autonomie prend tout son sens? C'est l'établissement des curriculums, c'est l'établissement des procédures et des critères d'admission dans les différents programmes de formation, c'est la diplomation et ce sont les activités de recherche. Essentiellement, c'est ça, les missions universitaires pour lesquelles l'autonomie est en jeu.

Et il faut quand même rappeler ce que disent les facultés à cette question parce que, moi... il ne faut pas penser qu'on ne pose pas la même question que notre collègue pose ici, à l'Assemblée nationale, aux gens des facultés de médecine. Alors, on leur demande ? et je suis certain qu'ils ont l'occasion de répondre publiquement à ça; on leur demande ? exactement la question que pose notre collègue: Dites-moi qu'est-ce que je dois dire aux citoyens qui me font remarquer qu'il y a à peu près une centaine de personnes qui sont... plus d'une centaine de personnes qui sont jugées aptes, selon leur formation, à être admises en programme de résidence et qu'on constate que 68, 70, peut-être un peu plus au cours des prochains jours, semaines, sont admises, laissant sur le carreau des gens qui pourraient effectivement devenir des médecins et participer aux soins de la population.

Alors, la réponse à cette question des facultés, elle est de deux ordres. D'abord, la question de la capacité d'accueil. La capacité d'accueil, qui n'est pas liée à des questions financières, mais des simples questions d'espace et de main-d'oeuvre. On a tellement augmenté le nombre d'étudiants en médecine, les cohortes de résidence sont rendues tellement importantes que littéralement les facultés de médecine se considèrent étirées au maximum actuellement pour ce qui est des capacités d'accueil en termes de locaux d'enseignement, d'unités de formation et de personnel enseignant.

Et la deuxième, à laquelle j'ai fait allusion avec toute la délicatesse que ça impose tantôt, la question du fait que ces facultés de médecine, les comités d'admission des programmes de résidence ? j'en ai dirigé un moi-même, je connais exactement le processus ? considèrent que ces étudiants, malgré le fait que le Collège des médecins a reconnu que leurs formations étaient identiques... pas identiques, mais comparables... ces facultés de médecine et leurs comités d'admission considèrent que ces candidats, candidates sont inaptes à être admis dans un programme de formation. C'est ça, l'enjeu, là. C'est ça, là. Fondamentalement, c'est ça. Et, quand on leur demande d'expliquer: Bien, qu'est-ce que vous voulez dire? Pourquoi vous dites ça?, alors la réponse, c'est encore une fois la lourdeur d'encadrement requise, étant donné l'arrière-plan de formation qui est différent. Il y a l'aspect culturel également qu'il faut prendre en charge. C'est également les statistiques d'évolution de formation qu'ils connaissent et qu'ils détiennent, ces facultés, qui montrent que malheureusement, avec un effort pédagogique qui est immense en termes de densité, on ne réussit pas le même taux de diplomation, loin de là, que ce qu'on obtient avec nos diplômés locaux.

Alors, c'est ça, l'autonomie dont il est question. Ce n'est pas la question d'approuver des budgets de construction, là, il ne faut pas mêler les choses. L'autonomie dont il est question également ici, c'est l'autonomie de faire des curriculums, de décrire et définir les processus d'admission et de diplomation. Et c'est un enjeu extrêmement important, et il puis va falloir que... Outre que de parler de projets de construction de l'UQAM, là, moi, j'aimerais savoir de l'opposition où ils se logent là-dessus. Parce que, si on suit la logique de l'Action démocratique telle qu'elle est énoncée par son représentant ici, ça voudrait dire que l'État imposerait... par exemple, dirait à la faculté de médecine X, Y, Z: Vous allez maintenant ? W, parce qu'il y en a quatre; vous allez ? admettre toutes ces personnes, c'est obligatoire qu'elles soient admises dans les programmes de résidence. Ce n'est pas simple comme enjeu, ça. Parce que, quand on leur dit ca, ces facultés de médecine nous disent: Non, on ne peut pas faire ça dans l'état actuel des choses parce que, d'une part, on n'a pas les capacités d'accueil en termes de main-d'oeuvre professorale et de locaux ? on ne parle même pas d'argent parce qu'ils savent que l'argent est disponible ? et, deuxièmement, que l'investissement pédagogique est énorme par rapport à la réussite ou le produit final de la formation.

Alors, à cela, nous répondons encore une fois que, s'il faut augmenter le soutien financier d'encadrement aux facultés, s'il faut les aider à développer des projets pédagogiques qui permettent de mieux adapter la formation aux besoins spécifiques de ces candidats, nous serons au rendez-vous, autant ma collègue de l'Éducation que moi-même, nous serons au rendez-vous pour les aider. Mais c'est de ça dont il est question. Et j'apprécie l'effort de dévier la question sur les projets de construction, là, mais l'autonomie dont on parle, c'est de celle-là. Alors, quelle est l'opinion de l'ADQ sur l'autonomie des universités en termes d'admission, de diplomation et d'établissement de curriculums?

Le Président (M. Reid): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant passer la parole pour cinq minutes au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, je vais poursuivre, peut-être pour un deuxième bloc de cinq minutes, sur l'enjeu vu plus large, c'est-à-dire l'état du système de santé du Québec, qui a été le choix de l'interpellation du député de La Peltrie, en parlant peut-être brièvement du niveau de financement du système de santé et de services sociaux et... Parce qu'on peut bien dire que nous avons augmenté, depuis 2003, de 8 milliards de dollars le financement du réseau, mais qu'est-ce que ça donne? Moi, je n'ai jamais vu 8 milliards de dollars, M. le Président, vous non plus, j'imagine. Il est difficile de traduire ce chiffre-là dans quelque chose qui est facilement compris par la population.

Dans un premier temps, M. le Président, ça nous a permis de financer les coûts de système du réseau. À chaque année, le coût de livrer le même niveau de service, d'une année à l'autre, augmente de plusieurs centaines de millions de dollars, si ce n'est pas des chiffres qui frôlent le milliard, un peu plus que le milliard de dollars. C'est assez paradoxal de dire à la population, M. le Président: Les dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux, cette année, ont augmenté de 1,3 milliard de dollars, et ça nous permet de financer pour à peu près 170 millions, un peu plus, de nouveaux services directement. À ça, il faut ajouter évidemment, M. le Président, les dépenses pour les ententes avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui, appuyées par la population, demandent depuis fort longtemps des meilleures conditions de pratique. Alors, nous avons signé des ententes avec eux qui leur donnent des meilleures conditions de pratique mais qui leur demandent également de traiter plus de gens, de fournir un effort supplémentaire. L'augmentation aux médecins dans leurs conditions de pratique, M. le Président, est liée à une amélioration de leur productivité, on veut qu'ils soignent plus de monde.

n(15 heures)n

Alors, les augmentations dans le financement nous permettent d'améliorer les conditions de pratique des médecins. Ça nous permet d'investir dans les infrastructures pour une hauteur, sur plusieurs années, d'à peu près 7 milliards de dollars ? je pense aux projets de centres hospitaliers universitaires, le projet Hôtel-Dieu ici, à Québec ? des investissements en haute technologie, M. le Président. Qu'est-ce que ça fait? Bien, entre autres, ça nous permet de développer plus la résonance magnétique, qui permet à plus de Québécois de recevoir des tests de résonance magnétique. On a multiplié les appareils, les sites où les Québécois peuvent obtenir une résonance magnétique. Et pourquoi c'est important, M. le Président? Bien, évidemment, si ça aide à faire le diagnostic plus rapidement avec un meilleur accès aux résonances magnétiques, ça aide à débuter un traitement plus rapidement et faire le dépistage, M. le Président.

Et c'est également vrai pour d'autres domaines de haute technologie comme la tomographie par émission de positrons, TEP, nous avons investi massivement dans le développement de tels appareils, qui nous a valu un commentaire dans le Globe and Mail, en janvier 2007, qui a dit ceci, M. le Président: Compare that to «Québec, [a province that] provides the broadest access to PET [scans]; this year, it plans to do 21 000 scans.» Alors, on investit dans une croissance de services, de niveau de service, une augmentation de l'offre. On améliore les conditions de travail des professionnels de santé. On donne aux Québécois un meilleur accès aux technologies de la santé, M. le Président. Tout ça, parce que nous croyons fermement qu'il faut investir dans la santé, il faut donner plus de services.

Comme je vous le dis, M. le Président, le plan de l'ADQ dans la santé est essentiellement aller chercher des gains de productivité ici et là, mais la base du financement de l'ADQ, formation que représente le député de La Peltrie, c'est un ticket modérateur, c'est de faire payer les malades afin de financer le système. On connaît le plan de financement du Parti québécois pour la santé, c'est augmenter la TVQ, hein, deux fois, trois fois, quatre fois. Alors, le Parti québécois qui veut taxer la population en général pour financer les services de soins, l'ADQ qui veut taxer les malades. Nous, on dit: Avec la richesse collective que nous avons, il faut investir et faire mieux et plus pour les citoyens du Québec, M. le Président.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je redonne la parole maintenant au député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Oui. Merci, M. le Président. Je suis un peu surpris d'entendre ce que le ministre vient de dire: On aimerait savoir où l'ADQ loge, parce que je pense que, dans le cadre du projet de loi n° 44, on a exprimé très clairement où on logeait sur la question de l'autonomie des universités, puis je trouve ça un peu malheureux qu'on me dise: Bah! c'est un projet immobilier. Mais c'est toute la compétence, le jugement, la qualité du gestionnaire, c'est tout ça qu'on remet en question. Alors, est-ce que le gouvernement est en train de nous dire que des universités peuvent gérer tout ce qui touche au fait qu'on va avoir des médecins dans le futur, mais, sinon, pour tout le reste, là, il faut les encadrer, il faut faire des projets de loi pour les menotter? J'ai un petit peu de difficultés, là. Est-ce que ces gens-là ont des compétences? Est-ce qu'ils ont de la vision? Est-ce qu'ils ont du jugement? Est-ce qu'ils sont des gestionnaires accomplis? Si oui, bien, qu'on les laisse gérer et qu'on les laisse prévoir, qu'on les laisse développer. Et, sinon, bien, qu'on fasse des projets de loi n° 44, comme le gouvernement le veut et comme le soutient le ministre de la Santé. Nous, on s'oppose à ça et, nous, on répond très clairement qu'effectivement on pense qu'on a, dans nos universités, des bons gestionnaires, des gens qui ont une vision, qui ont du jugement et à qui on remet sans aucune réserve la gestion de nos facultés de médecine avec tout ce que ça implique.

Reconnaître les efforts des facultés de médecine, moi, je suis le premier à cette enseigne, je n'ai aucun problème à ça. Et ce que j'aime de ce que le ministre a dit, c'est de leur donner l'occasion d'en répondre publiquement, occasion que j'ai souhaité leur donner d'ailleurs en tentant de les rencontrer à plusieurs, plusieurs, plusieurs reprises avec ? et là j'ai tout le calendrier de mes tentatives pour les rencontrer ? avec la réponse finale, M. le Président, que ce n'était pas possible de les rencontrer parce que c'est un sujet délicat par rapport aux instances gouvernementales. Ça, c'est ce que je me suis fait répondre par le Dr Levine, qui est le doyen de la faculté McGill. J'ai trouvé ça un peu particulier. Surtout, quand on parle, du côté du ministre, d'autonomie des facultés, j'essaie de comprendre, là, est-ce que justement il n'y a pas eu là-dedans un petit peu de pression de l'autre côté de la Chambre. Je vais laisser l'occasion au ministre de répondre à ça, il pourra peut-être nous le dire, puis je pourrai lui faire part de toutes les démarches qu'on a faites justement pour leur donner l'occasion de rendre des comptes publics, ce qu'ils ne semblaient pas très intéressés à faire.

Sur l'autre aspect, les facultés qui disent: Bon, bien, les candidats n'ont peut-être pas toutes les aptitudes pour suivre un programme de formation après avoir reçu une équivalence, comment on peut en arriver à une conclusion comme celle-là quand on n'a même pas rencontré les candidats en question? Et l'autre question que je me pose, c'est: Est-ce que le ministre a eu à intervenir dans l'autonomie des facultés pour que les facultés acceptent de revoir le dossier de ces gens-là et de les convoquer à une entrevue ou si, comme partenaire, il s'est senti légitime de leur demander de revoir cette décision-là? Comme personne qui fournit 60 % de leur budget, est-ce qu'il a senti légitime de dire: Écoutez, on ne comprend pas votre décision, on demande de la revoir? Et, si c'est le cas, bien il donne tout à fait raison à ce que, nous, on dit parce que c'est comme partenaires qu'on entend les traiter et non pas comme subalternes.

Puis ce qu'il est intéressant aussi de regarder, c'est ce qui se fait ailleurs. Ce qui se fait ailleurs, c'est que justement on réserve des places en résidence pour les diplômés à l'étranger. Ça aussi, c'est une suggestion que j'avais faite l'année dernière au ministre de la Santé à laquelle il n'a pas donné suite. Il semble maintenant plus intéressé à le faire, mais autant la Saskatchewan que l'Alberta, que la Colombie-Britannique, que l'Ontario réservent des places pour les résidents, des diplômés à l'étranger avec des succès intéressants.

Autre chose qui se produit dans les autres provinces, M. le Président, puis sur laquelle j'aimerais entendre le ministre, c'est le fait qu'on s'est doté de politiques et d'instruments pour en arriver à avoir ces résultats-là, notamment en Ontario, M. le Président, qui s'est doté d'un commissaire à l'équité. Je ne crois pas que ce soit nécessaire ici de se doter d'une structure comme celle-là, mais, sur le principe qu'on pourrait ajouter au mandat de Recrutement Santé Québec, il m'apparaît que c'est intéressant. Et Professions Santé Ontario, qui est l'équivalent de Recrutement Santé Québec, a dans ses mandats de l'accompagnement, a dans ses mandats de coordonner, de traiter avec les différentes instances que sont le Collège des médecins, que sont les facultés de médecine en Ontario. Il n'est pas question là-bas de laisser les postulants à eux-mêmes, comme on le fait trop souvent ici. Et, moi, il m'apparaît que c'est des modèles qui sont intéressants, qui se font au Canada et qui, plus que le fait que les postulants soient des diplômés du Commonwealth, pourraient expliquer le fait que ces provinces-là ont plus de succès d'intégration que, nous, on en a. J'aimerais entendre le ministre là-dessus.

n(15 h 10)n

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de La Peltrie. Je passe la parole maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, je vais dire qu'on n'a non seulement aucune objection à ce que les facultés de médecine rencontrent notre collègue de l'opposition, mais également le représentant de la deuxième opposition, là, je vais le rassurer. De toute façon, je suis certain qu'il ne pensait pas qu'on ait empêché les facultés de médecine de le rencontrer. Et c'est avec intérêt même que j'aimerais que les facultés de médecine aient l'occasion de lui exposer directement leurs motifs et leur situation. Là-dessus, on se rejoint. Moi, j'ai, à quelques reprises, publiquement demandé aux facultés d'être plus visibles dans l'horizon de communication pour bien expliquer leurs positions, qui donnent lieu à toutes sortes d'interprétations qui ne sont pas dans l'intérêt des facultés ni des candidats actuellement.

Je répète, le projet de loi n° 44, ici, ça n'a aucun rapport avec ce dont on discute, là, zéro, zéro rapport, là. Il faut parler encore une fois des politiques universitaires de mise au point de curriculums, d'admission et de diplomation. Ce n'est pas encore clair pour moi quelle est la position de l'ADQ sur cette question-là, est-ce qu'ils vont faire une encoche? Ils disent qu'ils veulent être des partenaires et non pas des subalternes, mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Si on est des partenaires, ce qu'on est avec les facultés de médecine, bien on les laisse libres, comme c'est le cas actuellement, de définir elles-mêmes quels sont leurs curriculums, leurs processus d'admission et leur diplomation. S'il veut tester la chose au niveau de la Conférence des recteurs, M. le Président, je l'encourage à rencontrer la Conférence des recteurs et tester avec eux la possibilité que le gouvernement du Québec ait un rôle directif à jouer dans les processus d'admission, les programmes de formation des universités. J'aimerais, si possible, qu'il me remette un procès-verbal de la discussion parce que ça risque d'être assez intéressant.

Effectivement, là, ils ont accepté de faire les entrevues, et on ne leur a pas imposé de les faire, ce sont les facultés elles-mêmes. On leur a dit: Assurez-vous au moins, particulièrement au moment où la... Non, je vais vous dire exactement ce qui est arrivé. Non, non, non... Le député nous fait des signes de torsion de bras, M. le Président, ce qui est hors de ma nature, tous ceux qui me connaissent le savent très bien. On a tout simplement dit qu'avec le mandat d'initiative... Voici comment la situation s'est faite, on a dit: Avec le mandat d'initiative de la Commission des droits, qui va commencer à enquêter chez vous, assurez-vous que vous êtes en mesure de démontrer que vos processus d'admission sont tout à fait équitables et non discriminatoires par leur nature même entre la population de candidats dont il est question et la population plus générale. C'est ça qu'on leur a demandé de faire. Et, suite à cette réflexion, ils sont arrivés avec cette suggestion et cette décision, qui est une décision heureuse ? puis on aurait pu même souhaiter qu'elle s'applique auparavant; mais une décision heureuse ? de faire des entrevues pour tous les candidats en médecine de famille.

Parce qu'une petite précision pour notre collègue puis les citoyens qui nous écoutent, les candidats québécois n'ont pas nécessairement une entrevue... les candidats formés au Québec n'ont pas nécessairement une entrevue lorsqu'ils demandent ou elles demandent une admission en programme de spécialité. Il y a une première ronde d'examen de dossiers qui détermine lesquels sont admissibles à une entrevue, donc ce n'est pas 100 % des candidats qui ont une entrevue. Par contre, en médecine de famille, 100 % des candidats formés au Québec ont une entrevue, et c'est ça qui de toute évidence était inadéquat ou inégal entre le traitement des deux populations.

Il n'est pas exact non plus de dire qu'il n'y a pas de postes réservés, il y a 65 postes réservés dans le contingent postdoctoral. Et la différence, c'est le nombre de candidats en général. Je répète, c'est au Québec qu'on a le plus gros contingent d'étudiants en médecine actuellement, le plus gros nombre d'étudiants en résidence. Dans le contingent régulier, à l'intérieur duquel il y a ces places pour les diplômés hors Canada, États-Unis, on est actuellement, en 2008-2009, à 772, on va monter à 800, 825 et 850 à partir de 2011-2012. Alors, ce sont des nombres considérables d'étudiants, là. Et il y a un certain degré de réalisme à avoir, on ne peut pas, de façon illimitée, augmenter le nombre de places en résidence qu'on crée sans tenir compte des capacités d'accueil non seulement en termes d'installations physiques, mais en termes d'environnement pédagogique et de la disponibilité des professeurs. Donc, il faut bien s'assurer qu'on suit cette ligne-là.

Moi, je crois que, comme c'est le cas souvent, l'interpellation que la population fait, les commentateurs font au sujet de cette situation au niveau des facultés de médecine va participer au succès de la chose. Et j'encourage encore une fois nos collègues des oppositions à rencontrer les doyens, ils ont un groupe bien constitué avec un représentant et ils vont certainement être disposés à lui redire en privé exactement les mêmes choses qu'ils m'ont dit... qu'elles m'ont dites, ces facultés, lorsqu'on a discuté ensemble de cette situation. Je pense qu'il y a des choses que le député doit entendre de la bouche même des doyens. Et je suis surpris qu'ils n'aient pas accepté de le rencontrer parce que c'est un homme qui est poli, qui est aimable, qui va être capable d'avoir une discussion correcte avec eux. Ils n'ont pas besoin d'avoir peur de lui, alors je dis aux doyens, M. le Président: N'ayez pas peur du député de La Peltrie, il va avoir avec vous une conversation et un débat intéressants, et vous aurez l'occasion peut-être même d'orienter son opinion. Et c'est à souhaiter d'orienter son opinion dans un sens peut-être un peu plus pragmatique que ce je discerne aujourd'hui parce que je crois le voir s'engager sur une pente glissante qui pourrait l'amener en grande difficulté avec le milieu universitaire québécois, à moins qu'il ne rétablisse les faits.

Le Président (M. Reid): ...dire aux membres de la commission que le président, dans les règles d'interpellation, n'a pas droit de parole pour se prononcer sur des opinions. Alors, concernant le monde universitaire, ce n'est pas parce que je n'ai pas d'opinion, mais je ne vais pas en parler. Alors, je vais passer la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai souhaité peut-être que vous m'orientiez. Par contre, je pense que je me suis trompé de salle. Je me suis présenté cet après-midi, à l'invitation du député de La Peltrie, pour parler de l'état du système de santé du Québec. Est-ce qu'il y a une autre interpellation cet après-midi, M. le Président, que j'ai manquée? Je ne pense pas. Bon, parce que manifestement, M. le Président, le thème choisi par le député de La Peltrie aurait dû être l'intégration des médecins diplômés à l'étranger, et là, honnêtement, j'aurais peut-être tenté d'amener une contribution plus à point sur le sujet en question. Mais bref parlons un peu de pénurie de médecins, M. le Président, parce que je décode derrière les interrogations du député de La Peltrie une préoccupation pour la pénurie de médecins, ce qui est réel, et manifestement il voit dans la diplomation des... ou l'intégration des médecins diplômés à l'étranger une réponse à la pénurie de médecins.

L'autre réponse que la formation politique, l'ADQ, du député de La Peltrie amène pour la pénurie des maisons... des médecins, pardon, c'est...

Une voix: ...

M. Copeman: ... ? oui, oui, des maisons, généralement il y en a; pénurie de médecins ? la pratique mixte, M. le Président, qui est définie généralement par la pratique de médecins dans le réseau public et privé en même temps. Le rapport Castonguay appelle ça un décloisonnement circonscrit de la pratique médicale.

La position du député de La Peltrie est bien connue parce qu'il a déposé un projet de loi, projet de loi n° 392. J'imagine, avec l'interpellation d'aujourd'hui, il y aura peut-être un quatrième projet de loi du député de La Peltrie, comment mieux intégrer les médecins formés à l'extérieur, mais bref on va se limiter au projet de loi n° 392, qui prône la pratique mixte avec des médecins, M. le Président, en s'appuyant largement sur le rapport Castonguay, n'est-ce pas? Même, le député nous accuse, nous, d'ignorer les recommandations du rapport Castonguay. Bien, imaginez-vous, M. le Président, le député a commencé l'interpellation en disant, et je le cite: «Il y a au Québec pénurie de médecins.» Il l'a dit, il a dit: «Il y a au Québec pénurie de médecins.»

Je vous réfère à la page 102 du rapport Castonguay, M. le Président, qui, en parlant des règles proposées pour mettre en place la pratique mixte, c'est-à-dire dans le public et le privé... la phrase suivante: «En premier lieu, l'ouverture vers l'acceptation des patients sur une base privée ne devrait pas avoir pour effet de drainer vers le secteur privé une partie des effectifs du secteur public dans un territoire donné. Il existe un consensus général sur ce point. Dans une région ou un territoire donné, il doit y avoir assez de médecins pour assurer la prestation publique.» Ça, c'est la condition, une des conditions sine qua non que nous suggère le rapport Castonguay, rapport que l'ADQ embrasse presque du début à la fin. Mais, M. le Président, le rapport Castonguay indique que la pratique mixte proposée par le député de La Peltrie dans le projet de loi n° 392 n'est pas souhaitable quand il y a pénurie de médecins, «il doit y avoir assez de médecins pour assurer la prestation publique».

Alors, M. le Président, la situation est assez claire, là, le député de La Peltrie, sa formation politique, l'ADQ, veulent la pratique mixte. Ils veulent permettre des gens de payer de leur poche pour aller voir un médecin en dehors du système public. Il admet qu'il y a actuellement pénurie de médecins, il s'appuie en grande partie sur le rapport Castonguay, qui nous dit très clairement, noir sur blanc: Ne faites pas ça tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas assez de médecins pour assurer la prestation publique. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans la logique du député de La Peltrie, M. le Président. On ne peut pas dire: Je veux la pratique mixte parce qu'il y a pénurie de médecins, mais un groupe de réflexion très important nous dit: Ne faites pas la pratique mixte tant et aussi longtemps qu'il y a pénurie de médecins. Il y a une certaine faille dans la logique du député de La Peltrie que, je crains, est peut-être plus large que simplement sur la question de la pratique mixte, M. le Président, mais qui peut peut-être toucher d'autres sujets également.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je passe la parole maintenant, pour un autre tour, au député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Je vais revenir brièvement sur certaines affirmations du ministre. D'abord, bon, je pense qu'on ne se voilera pas, là, quand le ministre de la Santé et des Services sociaux dit médiatiquement qu'il va rencontrer les doyens des facultés, et qu'il aura un discours plus ferme, et que, quelques semaines plus tard, les doyens des facultés annoncent qu'ils acceptent de revoir la liste des candidatures des médecins diplômés à l'étranger qui n'ont pas été rencontrés par les facultés, bon, si ce n'est pas une influence de sa part... Puis d'ailleurs, moi, j'aurais cru que... On lui a offert sur un plateau d'argent, là, de s'attribuer le mérite de tout ça, mais, bon, je ne crois pas que ce soit la modestie qui explique ça, M. le Président. Mais il m'apparaît, il m'apparaît, M. le Président, au contraire que c'était un bel exemple de ce que des partenaires peuvent faire ensemble. Il m'apparaît... Et c'était tout à fait le sens de mon propos, il n'était pas question de dire qu'on va aller dire aux facultés de médecine: Vous admettez tel, et tel, et tel individu. On ne va pas leur dire: Vous changez ce critère-là pour ce critère-là. Mais, comme partenaires, comme gens qui fournissons 60 % des budgets, je pense qu'il est légitime de s'asseoir avec eux, de faire part de nos attentes, de faire part de nos objectifs puis discuter de ça comme des partenaires le font, un peu comme le ministre de la Santé l'a probablement fait pour en arriver à la conclusion qu'en 2015 il y aura 2 600 nouveaux médecins.

n(15 h 20)n

Moi, je ne crois pas, M. le Président... Puis, encore une fois, le ministre de la Santé ne répond pas à ça, hein? Vous remarquerez que jamais, jamais, jamais il n'a répondu. Est-ce qu'il a été obligé d'imposer des candidatures pour arriver à ce chiffre-là? Est-ce qu'il a été obligé d'imposer ou de modifier des critères, de diminuer les critères pour augmenter le nombre d'admissions? Je ne crois pas, M. le Président. Je pense tout simplement qu'il s'est assis avec ses partenaires, que les budgets étaient au rendez-vous, qu'il a fait part de ses objectifs, de ses attentes puis, avec des partenaires, il a établi un objectif qui était 2 600 nouveaux médecins en 2015. Donc, si ça peut se faire pour des diplômés du Québec, pourquoi ça ne peut pas se faire pour des diplômés à l'étranger? Moi, je pense que la vraie question, c'est celle-là, et elle demeure sans réponse.

Autre chose, M. le Président, et dans les suggestions que je faisais précédemment, je crois que le rôle de Recrutement Santé Québec est un rôle beaucoup trop restrictif par rapport à ce qui se passe ailleurs. Je pense que Recrutement Santé Québec a un mandat qui est le mandat d'agir au nom du gouvernement dans la question du recrutement et de l'intégration ? et c'est là peut-être la nuance qu'on devrait faire, à mon avis; et de l'intégration ? des médecins étrangers dans le réseau de la santé. Parce qu'il demeure que le premier responsable de l'administration du réseau de la santé, c'est le ministère de la Santé, c'est le ministre de la Santé. Les facultés de médecine sont des partenaires, le Collège des médecins est un partenaire incontournable, extrêmement important, mais ce sont des partenaires, ce ne sont pas les gestionnaires du réseau.

Or, Recrutement Santé Québec devait être un guichet, un guichet unique, mais on se rend compte que, pour le médecin qui immigre au Québec, il n'y a pas de prise en considération, il n'y a pas de prise en charge. Il y a des services, qui sont extrêmement limités, M. le Président. Quand on va sur le site de Recrutement Santé Québec... D'ailleurs, petite parenthèse que je trouve savoureuse, même sur le site du ministère, hein, on dit aux médecins qui sont diplômés à l'étranger: Si vous êtes un médecin diplômé hors Canada, États-Unis, résidant ou non au Québec, consultez la section Recrutement Médecins-Québec. Puis là, entre parenthèses, c'est marqué: «Faire un lien ici, section RMQ.» Ça fait trois ans que ça existe, ce serait le fun de dire à vos informaticiens de le faire, le lien en question. Mais ce n'est probablement pas le principal problème de Recrutement Santé Québec, mais comme... personnellement, dans mes anciennes fonctions, ça me fait rire, là, qu'on dit: Bon, un jour, on va faire un lien. Ce serait important de le faire.

Et ce serait important de le faire à tous les niveaux, M. le Président. Le nombre de services est extrêmement limité. L'accompagnement qu'on fait de ces médecins-là dans les différents processus, dans le cas des médecins qui ont immigré, est inexistant. Dans le cas des médecins qu'on a recrutés, il est extrêmement limité. Il se limite à constituer le dossier, soumettre le dossier, puis, à partir de là, la prise en charge se fait par d'autres instances. Quand on doit se familiariser avec un nouveau milieu de vie, souvent avec une nouvelle culture, une nouvelle langue, et qu'en plus on fait des démarches pour se faire reconnaître, je pense que l'accompagnement doit être beaucoup plus grand et je pense que le responsable du processus d'intégration d'un médecin étranger, du début à la fin, qu'on l'ait recruté ou qu'il soit venu ici par lui-même, ça devrait être du ressort de Recrutement Santé Québec, et je pense que son rôle devrait être bonifié largement, M. le Président.

Le Président (M. Reid): Merci beaucoup, M. le député de La Peltrie. Je passe maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, bonne suggestion, le lien. C'est pour ça que c'est bon d'avoir une bonne opposition, hein? Excellent, on va faire un lien, il faut faire un lien. D'ailleurs, les compétences informatiques de notre collègue pourront peut-être être mises à profit, on lui demandera, si nécessaire, de venir participer à la construction dudit lien.

Mais il faut quand même rappeler que Recrutement Santé Québec a un mandat qui est différent de la population dont on parle depuis le début de cette séance ici, à l'Assemblée. Recrutement Santé Québec ? et je pense que notre collègue le sait ? reçoit les demandes non pas de médecins immigrants reçus résidant au Québec, mais surtout et en presque totalité de médecins à l'étranger qui désirent émigrer chez nous comme médecins ayant déjà une pratique médicale établie là où ils se trouvent.

En passant, je lui signale au passage que, lorsqu'il aura la rencontre souhaitée avec les facultés de médecine ? et je souhaite que cette rencontre ait lieu ? ces facultés lui expliqueront qu'une différence fondamentale entre les deux populations, c'est le temps qui s'écoule depuis la dernière prestation médicale. C'est-à-dire que les médecins qui entrent en contact avec Recrutement Santé Québec sont en pratique au moment où ils font la demande, tandis que, dans les cas de candidatures dont nous discutons depuis le début, on parle de gens qui souvent, depuis plusieurs années, n'ont pas pratiqué. Alors, ça fait partie des problèmes liés au processus d'admission.

Depuis sa création, Recrutement Santé Québec a reçu 1 316 inscriptions et réalisé 287 parrainages. C'est quoi, un parrainage? C'est que d'abord on commence par faire évaluer le dossier de formation et de pratique par le Collège des médecins. Donc, cette étape est commune aux deux populations. Mais, là où c'est différent, lorsqu'on fait face à un médecin dont la compétence pratique et clinique est reconnue par le Collège des médecins, c'est qu'on fait un processus de parrainage entre ce candidat et un établissement de santé. Donc, un établissement de santé doit dire: Bien, nous, on aurait besoin d'un... Dieu sait qu'il y en a, des établissements qui en ont besoin. Alors, nous, on a besoin d'un anesthésiste, d'un chirurgien, d'un médecin de famille. Voyons ce qu'il y a sur la liste de gens qui sont au stade de parrainage et essayons d'avoir un contact avec ces personnes.

Le premier contact se fait en général par visioconférence. Parfois, il y a des visites même qui s'organisent entre ce candidat, sa famille et l'établissement en question. Et, lorsqu'on est arrivé au moment où, de part et d'autre, on considère qu'il va y avoir une intégration, la prochaine étape ? et c'est là que c'est différent avec les candidats qui habitent déjà au Québec et au Canada; la prochaine étape ? c'est un stage d'évaluation de trois mois de ce candidat. Donc, si on est un anesthésiste français, par exemple, et qu'on a été admis par Recrutement Santé Québec et que l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont nous parraine, on peut alors avoir accès à un stage pour vérifier que cliniquement, pratiquement, on représente une... on a une pratique de bonne qualité, et là l'intégration se fait. Par l'entreprise de Recrutement Santé Québec, il y a eu 51 candidats déjà qui ont obtenu le permis restrictif, il y en a 40 autres actuellement qui sont à l'étape du stage d'évaluation exigé par le Collège des médecins du Québec. Il faut réaliser que c'est le Collège des médecins qui exige ce stage, et non pas le gouvernement du Québec, parce que c'est le Collège des médecins, encore une fois, qui donne les permis de pratique.

On sait également que récemment le Collège des médecins a beaucoup libéralisé sa politique en ce qui a trait à l'évolution des permis restrictifs et à la liberté de circulation des médecins, qui auparavant étaient attachés de façon prolongée et presque indéfinie à leur région une fois que ce permis restrictif était donné. Et c'est à l'honneur du Collège des médecins d'avoir posé ce geste, ça rend l'environnement plus hospitalier pour ces médecins.

Donc, il faut encore répéter qu'on ne parle pas du même groupe et on ne parle pas du même problème. Et je ne suis pas certain qu'il faudrait élargir le mandat de Recrutement Santé Québec à celui d'accompagner les médecins vivant au Québec et ayant été formés hors Canada États-Unis. On a, l'an dernier, suite aux premières conversations qu'on a eues avec les facultés de médecine, on a formé un groupe sous la présidence de Dr Vincent Échavé. Je ne sais pas si nos collègues le connaissent, c'est un chirurgien à Sherbrooke qui fait partie de Médecins sans frontières et qu'on connaît bien dans les Cantons-de-l'Est, qui bien sûr vient d'un autre pays, il vient de Cuba, le Dr Échavé. Et il a une expérience vécue très grande de la multiplicité des pratiques médicales dans le monde et également du problème d'intégration dans les systèmes de santé occidentaux, il doit nous faire des recommandations très précises sur le meilleur encadrement ou accompagnement de ces candidats. Peut-être que la formation d'un groupe de médecins formés à l'étranger et acceptés pour accompagner ces candidats-là est peut-être une voie de solution qui va nous être faite, on verra ce que le Dr Échavé nous recommande.

Quant aux interventions au niveau des facultés de médecine, bien je remercie notre collègue d'applaudir au leadership dont on a fait preuve, ma collègue de l'Éducation et moi-même, qui effectivement a fait en sorte... sans qu'on déborde de notre rôle de partenaires, de faire en sorte que certaines politiques soient revues et qu'un effort supplémentaire soit fait.

Quand on parle du nombre de médecins, en passant, en 2015, ce n'est pas 2 600, c'est 3 600 médecins au net de plus qu'il va y avoir au Québec, même compte tenu de l'attrition et du départ à la retraite, etc. 2 600, c'est en 2012-2013.

Le Président (M. Reid): Le temps est écoulé, M. le ministre. Alors, je...

M. Couillard: J'ai déjà fini?

Le Président (M. Reid): Oui.

M. Couillard: Ah! c'est dommage.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Reid): Alors, je passe la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: O.K. Merci, M. le Président. Alors, pour essayer de faire quelques commentaires indirectement sur le sujet non annoncé, mais le sujet de facto de l'interpellation, c'est-à-dire l'intégration des médecins diplômés à l'étranger, M. le Président, nous, c'est-à-dire le Parti libéral du Québec, en 2007, avons pris l'engagement, parmi bien d'autres en matière de services de santé et services sociaux ? et je le cite ? d'avoir «plus de médecins partout au Québec». Et, à l'intérieur de cet engagement, «nous poursuivrons également l'effort entrepris sur la reconnaissance des diplômes étrangers». Alors, depuis 2007, M. le Président, le Parti libéral du Québec... même avant 2007, reconnaît qu'il y a une certaine difficulté avec le nombre de médecins formés à l'étranger admis dans les programmes de résidence au Québec. Nous connaissons ce problème, nous avons agi et nous avons pris l'engagement de continuer d'agir. Alors, ce n'est pas quelque chose que le Parti libéral du Québec, le ministre actuel de la Santé et des Services sociaux découvrent aujourd'hui.

J'ai cherché en vain, M. le Président, la référence dans la plateforme de l'ADQ au problème de la diplomation étrangère des médecins. J'ai cherché en vain, je n'ai pas trouvé une référence, il n'existe nulle part dans la plateforme 2007 de l'ADQ une reconnaissance de ce problème. Nous, au Parti libéral du Québec, on savait en 2007 que ça existait, et on avait agi, et on va continuer d'agir.

D'ailleurs, M. le Président, les chiffres tels qu'annoncés par le ministre sont assez éloquents: en 2003, il y avait cinq résidents diplômés à l'étranger au Québec et, cette année, il y a 68 de reçus. On a pris la situation en 2003, on a multiplié les résidents... les médecins formés à l'étranger par un facteur de 14, M. le Président. On a multiplié la présence des médecins ? je répète ? formés à l'étranger par un facteur de 14. Alors, déjà, avec des gestes que nous avons posés, nous sommes allés dans cette direction, et le ministre a indiqué comment on entend poursuivre et améliorer la situation.

La sensibilité récemment développée de l'ADQ pour cette question est intéressante. On pourrait dire même, M. le Président, aujourd'hui, le 12 mai, quelque peu paradoxale. Pour ceux qui sont de l'île de Montréal, M. le Président, les élections partielles dans deux comtés, on se souvient, on connaît les affiches, M. le Président, de l'ADQ, hein, dans Bourget et Pointe-aux-Trembles, qui fait une équation entre une augmentation de l'immigration au Québec et la fragilisation du fait français sur l'île de Montréal. Cette équation est écrite noir sur blanc dans les affiches de l'ADQ. Alors, situation fragile de la langue française sur l'île de Montréal due à quoi? Entre autres due à l'immigration. Alors, quelle est la réponse de l'ADQ? On veut geler les niveaux actuels d'immigration au Québec. Nous, on veut les augmenter de 10 000 sur cinq ans. Le parti que représente le député de La Peltrie veut geler les niveaux d'immigration au niveau actuel parce que la capacité du Québec, semble-t-il, dans les yeux de l'ADQ, d'intégrer plus d'immigrants est limitée. Il est quelque peu paradoxal, même je dirais un peu cocasse, pour le député de La Peltrie, de venir nous donner des leçons sur comment mieux intégrer les médecins formés à l'étranger quand son parti politique ne veut pas ajouter au nombre d'immigrants au Québec et même fait un corollaire entre l'immigration et la fragilisation du fait français sur l'île de Montréal.

Le niveau de sensibilité de l'ADQ pour des questions d'immigration, pour l'intégration des gens issus des communautés culturelles ou nés ailleurs n'est pas très élevé, quant à moi, M. le Président, pas très élevé. Mais là, tout d'un coup, on s'accroche sur une situation particulière, et il nous dit: Nous, nous avons les réponses. Moi, j'aimerais savoir de la part du député de La Peltrie comment est-ce que lui résoudra le problème qui est devant nous, c'est quoi, les suggestions, outre que geler l'immigration, outre que geler l'immigration.

Le Président (M. Reid): Le temps est écoulé, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Merci beaucoup. Nous allons passer au dernier tour, mais ce sera un tour où il nous reste 11 minutes. Donc, si tout le monde respecte son temps, vous aurez peut-être une dernière minute, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je passe la parole au député de La Peltrie pour cinq minutes.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Si on jouait au hockey, je dirais que le député de Notre-Dame-de-Grâce vient de me la mettre sur la palette, ce qui va me permettre d'aborder mon dernier thème, parce qu'effectivement, M. le Président, quand on se rend compte ? puis le ministre de la Santé a fait des constats; quand on se rend compte ? qu'on a de la difficulté à intégrer les immigrants, quand on se rend compte qu'on ne fait pas bien les choses, la solution ne m'apparaît pas de le faire un peu plus. Ça, c'est la solution du gouvernement du Parti libéral: on n'intègre pas bien nos immigrants, alors on va en amener plus, on va demander à plus puis plus. Comme ça, il y en a plus qui vont repartir parce qu'ils n'auront pas été intégrés.

M. le Président, le Dr Amouzou, qui est président de l'Association des médecins diplômés à l'étranger, me disait ? je n'ai pas pu vérifier le chiffre, alors je le dis candidement; me disait ? que, selon le mémoire qu'eux ont écrit, c'est 3 000 médecins étrangers qui sont repartis du Québec. Comme je le dis, je n'ai pas pu vérifier le chiffre. J'ose croire qu'il s'est trompé parce que, si c'est vrai, c'est énorme. C'est énorme. Je ne sais pas si le ministère a des chiffres, je ne sais pas si le ministère peut nous dire combien de gens viennent chez nous, ne sont pas intégrés, et repartent, et sont des ambassadeurs négatifs du Québec qui diront du Québec qu'on n'est pas reconnu à notre juste valeur. Parce que quelqu'un qui est médecin dans son pays n'a pas envie d'être chauffeur de taxi au Québec, il n'a pas envie de faire des ménages pour gagner sa vie, il a envie de faire de la médecine.

Bien, la politique de l'ADQ, là, c'est de dire: On va les reconnaître, on va les intégrer puis on va reconnaître l'apport qu'ils ont pour notre société. M. le Président, ce qui me fait dire qu'il y a des éléments que je suggère au ministre, puis je lui tends la main pour qu'on élabore une politique d'intégration des médecins étrangers. Nous, on a cinq points à suggérer. Et, non, je ne ferai pas un projet de loi parce que je pense que ceux qui ont été déposés vont donner suffisamment de travail et de solutions à différentes pistes. Je rappelle d'ailleurs que le projet de loi n° 390 et le projet de loi n° 392 ont reçu l'aval des trois fédérations médicales. Je n'ai pas l'impression que le gouvernement a déposé beaucoup de projets de loi qui ont reçu des appuis de cette ampleur-là à cette session-ci. D'ailleurs, on attend toujours le projet de loi n° 23, là, hein? Donc, tout ce qui est controversé n'est pas au menu législatif.

Ceci étant dit, dans le but d'avoir un débat, effectivement je fais cinq suggestions pour élargir le mandat de Recrutement Santé Québec. De un, d'être un centre d'accès pour les professionnels de la santé, un vrai guichet unique pour obtenir toute l'information, les ressources, les conseils permettant aux professionnels de la santé formés à l'étranger et habitant au Québec de s'intégrer au réseau de la santé. Donc, un vrai guichet unique ? ce qui n'est pas le cas présentement ? et qui donne l'ensemble des services dans le suivi du processus, de son début jusqu'à la fin.

De coordonner le processus menant à l'émission d'un permis de pratique en collaboration avec le Collège des médecins bien sûr et les facultés de médecine, ceci dans le respect de leurs prérogatives. Donc, d'être une organisation qui coordonne l'ensemble des étapes, qui ne se substitue pas au Collège de médecins ou aux facultés de médecine mais qui est un partenaire qui coordonne et qui s'assure que toutes les étapes seront franchies et qu'il y aura la transparence.

De collaborer ? et ça, c'est important, M. le Président; de collaborer ? avec le Collège des médecins, les facultés de médecine afin que soient mises en place et respectées des pratiques équitables d'inscription, de reconnaissance et d'accès à la formation. Parce que, M. le Président, je pense qu'on l'a vu avec le cas des 70 médecins qui ont reçu leur équivalence et qui n'ont jamais été reçus en entrevue, il m'apparaît que c'est inacceptable, le ministre de la Santé était d'accord avec moi. Je pense qu'une organisation comme Recrutement Santé Québec pourrait s'assurer avec les partenaires qu'il y ait une équité dans les différents processus qui visent à intégrer les médecins au réseau de la santé ou non dépendamment, évidemment... ? ou non, ça peut arriver ? de suggérer au ministère de la Santé et des Services sociaux des objectifs d'intégration qui tiennent compte des besoins du réseau de la santé, de la capacité des différents partenaires à concrétiser ces objectifs. C'est clair qu'on n'inventera pas des places de résidence qui n'existent pas. C'est clair qu'on n'inventera pas des places en faculté qui n'existent pas. Mais, avec les partenaires, je pense qu'on peut établir des objectifs. Et, quand on est sérieux, c'est ce qu'on fait, M. le Président, et c'est ce que je pense qu'une politique d'intégration devrait faire.

Et finalement de rendre des comptes au ministère de la Santé et des Services sociaux ? on parle bien sûr de Recrutement Santé Québec ? sur l'ensemble des dossiers traités, du résultat et de l'application de la politique, ce qui nous permettrait de savoir combien de gens ont fait une demande, combien ont vu un processus positif à la fin, négatif, bref, qu'on ait l'ensemble du portrait en toute transparence, en toute équité, et ce, dans l'objectif d'intégrer mieux et plus.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de La Peltrie. Je passe maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Bien, M. le Président, brièvement, sur la question du projet de loi déposé par notre collègue sur la pratique mixte, il ne faut pas se surprendre que les syndicats veuillent se manifester pour augmenter la rémunération de leurs membres, là. Je comprends que notre collègue voulait être leur porte-parole, mais il faut quand même vérifier les questions d'intérêt commun là-dedans. Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer, peut-être que le fait de permettre à certains médecins éventuellement de traiter certains patients hors du cadre de l'assurance maladie publique peut être envisagé, mais toujours en équilibre... et plus qu'en équilibre, en respect de l'intérêt commun, compte tenu justement de la question de pénurie de médecins et de la répartition actuellement difficile qu'on a entre les régions.

Pour ce qui est de l'immigration, je veux quand même lui dire gentiment ? puis je n'en fais pas un commentaire personnel parce que je connais le député de La Peltrie, je ne lui dirais pas, à lui, de choses comme ça; mais ? je trouve le message véhiculé sur cette pancarte électorale assez pernicieux et dangereux. C'est-à-dire que je comprends, moi, je lui fais confiance. Ce qu'il dit, c'est ce qui est exprimé, c'est ce qu'il croit. Mais le citoyen qui lit ça, il reçoit un message de rejet et de crainte par rapport aux nouveaux arrivants. Et je pense que, dans notre société, on doit être extrêmement prudents avant d'aller de l'avant avec ce genre de message là qui est assez, à mon avis, là, assez primitif. On souffle sur les braises un peu, on souffle sur les instincts un peu les plus bas des gens, et je ne suis pas sûr qu'en politique on peut faire un long chemin avec ça. L'avenir le dira, mais il faut être excessivement prudents et attentifs à ces questions-là. Et on a une grande responsabilité à jouer comme partis politiques ? au pluriel ? dans le type de message qu'on achemine à la population, surtout sur des enjeux aussi délicats, parce que l'immigration, au Québec, on en a besoin, on en a besoin de plus. Oui, qu'elle soit mieux intégrée, le député a raison là-dessus. Il faut accentuer nos efforts d'intégration, d'intégration à nos valeurs communes, de formation, etc., pour que ces gens participent pleinement, comme ils le font en grande majorité, à la vitalité et au développement du Québec, mais c'est une erreur de penser qu'on n'a pas besoin, au Québec, de plus d'immigration. De plus d'immigration réussie, oui, mais on a besoin de plus d'immigration.

Maintenant, pour ce qui est des suggestions, moi, je vais regarder avec attention les suggestions que notre collègue fait. Et déjà j'ai remarqué le lien Internet avec Recrutement qu'on va s'assurer de mettre en place, mais il y a peut-être d'autres choses à faire. Je ne crois pas cependant que d'élargir le mandat de Recrutement Santé Québec à la situation des médecins formés à l'étranger présents sur notre sol va, en soi, améliorer la situation.

Et, lorsqu'on parle ? et c'est un autre point sur lequel il faut réfléchir profondément; lorsqu'on parle ? de nous fixer des objectifs précis, on est très près d'une politique de type action positive, ou «affirmative action» en anglais, avec ça. Et, d'après ce que je constate du discours général de l'ADQ, je ne suis pas sûr que ça cadre avec leur discours en général. À partir du moment où on fixe des objectifs chiffrés d'obligation de résultat en termes d'admission de telle ou telle catégorie de personnes, on est dans une ambiance qui mène à ce genre de politique là, et je ne pense pas que ça puisse se faire sans un débat de société assez profond parce que ça déborde beaucoup la question de la santé et ça nous amène sur d'autres points, et toute la question de l'autonomie universitaire se pose.

Mais je rappelle que, si effectivement... si les facultés de médecine ont décidé d'égaliser leur processus d'entrevue, s'ils ont accepté de revoir les dossiers qui avaient été rejetés la première fois, c'est parce qu'on a fait preuve de leadership puis qu'on les a contactés en les traitant comme des partenaires autonomes sur le plan de leur gestion académique. Et, à mon avis, je ne crois pas que c'est un principe sur lequel, au Québec, on a l'intention de reculer. Du moins, j'ai été rassuré de voir que l'ADQ n'entend pas toucher à ça d'après ce qu'ils nous ont dit. Cependant, d'un autre côté, l'application de leur plan met en doute, et met en doute de façon très concrète, toute cette question d'autonomie universitaire.

Alors, je pense qu'il faut peut-être faire un effort supplémentaire, peut-être, de réflexion sur cette question-là parce qu'outre cela je n'entends rien dans les suggestions qui ajoute beaucoup à ce qui est en cours actuellement. Autant la question des liens avec les facultés de médecine que l'encadrement pour la préparation aux examens, que l'augmentation du nombre d'admissions que l'on souhaite et la façon dont on souhaite l'avoir, y compris avec des soutiens accentués pour les facultés de médecine, on est dans un ensemble de solutions qui sont des variations sur un thème qui est celui de ce qui est fait actuellement. Certainement à intensifier, je suis d'accord avec notre collègue, mais pas de façon différente, à part cette question fondamentale de l'empiètement de l'autonomie universitaire.

Parce que même les étudiants en médecine formés au Québec, c'est-à-dire ceux qui sortent de nos cégeps ou qui ont déjà un bac ou des études universitaires, en pratique il n'y a rien qui oblige les facultés de médecine à admettre tous les étudiants à tous les postes qui leur sont offerts. Les 772 admissions, les facultés de médecine les comblent tous parce qu'il y a beaucoup plus de demandes que de postes et considèrent que tous ces candidats sont en mesure de réaliser leurs études de médecine, mais, en pratique et de façon légale, législative, décret, il n'y a rien qui oblige les facultés de médecine à admettre ces personnes. Bien sûr, ils bénéficient d'un soutien financier pour le faire. Alors, il faut encore une fois revenir en contact avec cet enjeu qui n'est pas un enjeu banal, non plus qu'est un enjeu banal toute cette question d'intégration de l'immigration dont le Québec a tant besoin, et particulièrement de professionnels. Et, moi, comme tous les Québécois, je suis touché, parfois plus que soucieux, préoccupé et même parfois même indigné lorsque je lis certaines histoires personnelles qui sont relatées dans les médias. Cependant, avant de passer aux solutions...

Le Président (M. Reid): Je dois vous interrompre, M. le ministre.

M. Couillard: ...qui véritablement vont changer ça, il faut être prudent.

Le Président (M. Reid): Je dois vous interrompre. Et le temps qu'il nous reste me permet donner deux minutes au député de Notre-Dame-de-Grâce, et je vais être très strict.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Le député de La Peltrie a évoqué la vraie question, il a posé la question au ministre, la vraie question sur l'intégration des médecins diplômés à l'étranger. Je reviens au libellé de l'interpellation qui était: L'état du système de santé du Québec. On a passé tout le temps essentiellement sur la question des médecins diplômés à l'étranger. Manqué pour le moins une certaine transparence, quant à moi, M. le Président. Libellé large, l'état du système de santé du Québec, mais on se consacre uniquement sur un aspect, qui est non négligeable, mais quand même.

Mais, pour moi, M. le Président, la vraie question est la suivante: Quelle est la vision de l'ADQ pour améliorer nos services de santé au Québec? Alors, la vision de l'ADQ, on multiple les structures, il n'est pas nécessaire d'ajouter de ressources. On encourage les pratiques mixtes, c'est-à-dire quelqu'un qui va débourser de sa poche pour obtenir des services par le même médecin qui travaille dans le domaine public. On va payer de notre poche, ceux qui peuvent le faire, M. le Président ? ça soulève toute la question de l'équité; ceux qui peuvent le faire ? vont payer pour aller chercher des services de santé en privé malgré une pénurie de médecins, que le député de La Peltrie admet. Alors, la pratique mixte et un ticket modérateur. Comment est-ce qu'on finance notre système de santé? On taxe les malades.

Ce n'est pas la vision du gouvernement actuel, comment améliorer notre système de santé et de services sociaux. C'est une vision que le Parti libéral du Québec rejette, et je suis sûr que nous allons poursuivre ces débats, je l'espère, de façon beaucoup plus large que le débat très restreint d'aujourd'hui, sur une seule facette, choisie d'ailleurs par le député de La Peltrie, qui a dit: L'état du système de santé du Québec, mais on consacre tout le temps de l'interpellation, deux heures, sur une facette très restreinte, mais non négligeable. C'est un peu dommage.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je passe maintenant la parole à la représentante de la deuxième opposition, la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président, bonjour. Bonjour, M. le ministre, ses collaborateurs, chers collègues de l'Assemblée nationale, donc de l'opposition officielle. Alors, un petit cinq minutes pour vous dire à quel point je trouve que le ministre actuel a peut-être un record de longévité, mais la plus piètre fiche en matière de réalisation pour un ministre de la Santé. Je sais qu'il est un très beau parleur, je l'entends souvent à l'Assemblée nationale, il couvre bien les angles, mais fort en séduction, mais pauvre en réalisations.

Quels étaient les engagements de son parti quand il est entré ici? En 2003, la population avait bien entendu la publicité électorale du gouvernement libéral: Nous allons éliminer l'attente une fois pour toutes. Elle se souvient aussi, parlant d'affiches électorales, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, de cette affiche où les gens se tenaient le menton, le menton.

Les libéraux avaient également promis de rehausser au niveau de la moyenne canadienne les investissements en soins à domicile. Bien, j'en parlerai, de ce côté-là aussi c'est la déception totale, sinon la négation de cet engagement.

Dans les grands projets, qu'a fait le ministre? On devait avoir le CHUM en 2010 et non en 2013, 2014, 2015, on ne sait plus trop, ni à quels coûts, ni à combien d'étages. En fait, ce sera le plus grand cafouillage de l'histoire médicale et immobilière du Québec probablement, ce qui s'en vient.

Et, face aux nouveaux défis qu'il avait devant lui ? je pense à l'arrivée de C. difficile, je pense à la pénurie d'infirmières ? il n'y a rien eu, il y a un ministre qui a baissé les bras et qui a retardé les actions. Le bilan du ministre n'est pas très reluisant. La meilleure preuve, c'est qu'à chaque question il revient à 2003. Pourquoi? Parce qu'il est incapable de présenter son bilan. Quand le ministre quittera son ministère, nous serons incapables de nommer son legs malgré sa longévité.

Et je pense, par exemple, à l'attente, où, en 2003-2004, la durée moyenne de séjour était de 16 heures, elle est toujours de 16 heures. L'augmentation fait que la moyenne... les personnes âgées de 75 ans et plus attendent sur une civière 22 heures en moyenne. Pourtant ? ça, c'est la moyenne, les chiffres du ministère ? on a dénombré une trentaine de centres hospitaliers où il se passe ce que je vais vous dire: Saint-François-d'Assise, la région du ministre, durée du séjour, sur les heures en civière, elle était de 15 heures en 2003-2004, elle est de 20 heures en 2007-2008, une augmentation de 33 %; les séjours de 24 heures à l'urgence, de 2 993, on est passé à 5 228; 48 heures et plus à l'urgence, de 607, on est passé à 1 468. Les gens de 75 ans et plus attendent dans les urgences, sur des civières. Ça a augmenté phénoménalement de 31 % à l'Enfant-Jésus; Maisonneuve-Rosemont, ça augmente, c'est passé de 37 heures à 43 heures. Les gens en santé mentale, Saint-François-d'Assise, il y avait 914 personnes, et c'est rendu à 1 356; Enfant-Jésus, 485, c'est rendu à 1 272. Ça, c'est du 162 %. Voilà l'engagement du Parti libéral.

Les soins à domicile, le maillon faible de l'histoire. Parce que c'est pour ça que ça bloque dans les urgences, c'est à cause des soins à domicile. En 2003, le Parti libéral avait promis de rehausser le financement des soins à domicile au niveau de la moyenne canadienne et il a reçu, le ministre, l'argent qui a été négocié par Bernard Landry, l'ex-premier ministre du Québec, on est encore en queue de peloton selon l'Institut canadien d'information. Le bilan du ministre, c'est d'être toujours en queue de peloton. Selon l'Association québécois des établissements de santé et de services sociaux, en 2005-2006 ? derniers chiffres qu'on a ? il y avait 476 lits de courte durée occupés par des aînés. À près de... c'est 933 $ le lit, ça fait 500 000 $ par jour que ça coûte. On peut bien avoir des problèmes dans le réseau de santé.

n(15 h 50)n

Je ne parlerai pas de la crise du C. difficile. Je veux dire aux gens que l'Association des microbiologistes infectiologues du Québec avait soumis, à l'automne 2003, un plan d'intervention clés en main au ministère de la Santé. À cette époque, il y a eu 200 personnes dont le décès était lié au C. difficile. Je visite encore les hôpitaux de la région, je sais encore les problèmes qu'ont les hôpitaux. La coroner Rudel-Tessier a dit que les hôpitaux n'avaient pas ce qu'il fallait en main pour régler le problème. Il y a eu un plan d'action et de l'argent qui ont été développés seulement en juin 2006. Ça a pris deux ans, deux ans, avant que le ministre fasse quelque chose.

Le Dossier de santé du Québec, le Vérificateur général a présenté un rapport. Je ne parlerai pas de l'appel d'offres pour un contrat de 111 millions de dollars qui a été décerné à une seule personne et qui prouve l'incapacité du ministre à gérer.

Je parlerai du CHUM où on en est rendu à plus de 4 milliards de dollars après des années de tergiversations. Les services d'ambulance, ça va mal. Les infirmières, on est en pénurie.

On attend du leadership d'un ministre qui a la longévité, mais pas la qualité. Nous sommes, je le dis, après cinq ans, tellement incapables de nommer son legs que lui-même est obligé de faire des références à 2003 pour défendre son bilan pauvre en réalisations, fort en séduction. Grand parleur, je laisse les Québécois terminer la phrase. Merci, M. le Président.

Conclusions

Le Président (M. Reid): Merci, Mme la députée de Taschereau. Je passe maintenant la parole au ministre pour une conclusion de 10 minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Malheureusement, d'autres auront à porter le jugement, puis on se fiera à leur opinion dans quelques années pour voir tout ça. Je pense que, contrairement à ce qu'a dit notre collègue de Taschereau, il y a un virage déterminant qui a été pris ? un virage courageux également, mais déterminant; qui a été pris ? dans le système de santé après 2003. Tous le réalisent et tous le réaliseront. Et je n'ai aucun problème à comparer ce bilan avec n'importe quelle des personnes du Parti québécois qui a occupé mon poste depuis la naissance du régime d'assurance maladie du Québec, à n'importe quel moment. Pourquoi? Parce que le Parti québécois n'a jamais cru au système de santé du Québec. Ils ont eu l'occasion, vers 1995, lorsqu'ils sont arrivés à leur premier mandat de l'époque, de faire des changements significatifs parce qu'ils avaient quelqu'un qui avait de bonnes idées, Jean Rochon, qui a déclenché le virage ambulatoire et tout ce qu'il fallait faire à l'époque, et qui savait exactement où il fallait amener, à l'époque, le système de santé. Son travail a été littéralement saboté par les gens qui sont actuellement assis ici. C'est la grande ironie, les gens qui ont saboté l'oeuvre de Jean Rochon sont ceux qui se permettent de faire des commentaires sur le travail du gouvernement actuel, qui place la santé au sommet de ses priorités.

Comment ce sabotage a-t-il été effectué? D'abord, en coupant les budgets de façon massive. Il y a eu trois ou quatre ans successifs où les budgets de santé n'ont même pas augmenté au Québec. Et, en même temps qu'on coupait les budgets, on libérait les médecins... on libérait le système de santé ? ouvrez les guillemets, fermez les guillemets ? de 1 500 médecins et de 4 000 infirmières. Et, en même temps qu'on faisait ça, on amenait les admissions en médecine à un niveau historiquement bas de 406.

Alors, ce qu'on a fait, nous, depuis 2003, c'est qu'on a rétabli le financement du réseau à un niveau historique. On a rétabli les effectifs en ayant plus d'infirmières ? il y a plus d'infirmières maintenant qu'il y en avait en 2003, mais ce sera un défi perpétuel des prochaines années ? en augmentant de façon considérable les admissions en médecine également. Et les résultats bien sûr... Dans la santé, ça prend une grande tolérance à l'imperfection et à l'incertitude. J'adresse ce commentaire à mes successeurs éventuels: Si on n'est pas doté d'une tolérance à l'incertitude et à l'imperfection, on a de la difficulté à assumer cette responsabilité-là, qui est une responsabilité lourde mais qui vaut la peine d'être accomplie.

Ce qu'on observe actuellement, c'est que, contrairement à ce qui existait auparavant, les gens qui ont besoin d'être traités par radiothérapie... Et, s'il y avait un exemple à citer et à répéter, ce serait celui-là. Souvenons-nous l'époque où la chef actuelle de la deuxième opposition envoyait des Québécois en autobus à Plattsburgh pour se faire traiter pour leur cancer. Il n'y a plus personne au Québec qui attend maintenant plus de quatre semaines pour les traitements de radiothérapie. Même chose pour la cardiologie tertiaire. Dans le domaine des chirurgies, il y a encore des listes d'attente bien sûr, mais plus de 90 % des gens maintenant ? on le verra parce que les statistiques dont on dispose maintenant sont beaucoup plus fiables que celles qui étaient disponibles jusqu'à très récemment; plus de 90 % globalement des gens ? sont opérés dans des délais de six mois, et c'est particulièrement évident dans la région de la Capitale-Nationale. Alors, l'enjeu principal d'accès actuellement aux soins médicaux, bien sûr il y a toujours un enjeu de soins spécialisés, mais c'est l'accès aux médecins de famille, sur lequel on pourra revenir dans d'autres moments.

Je considère particulièrement inacceptable le lien que fait la députée de Taschereau entre l'évaluation de la performance du gouvernement et un événement aussi tragique qu'est l'éclosion d'une maladie nosocomiale terrible qui est le C. difficile dans nos hôpitaux vers 2004, et les courbes montrent bien que ça avait commencé bien avant, qu'il y a eu un délaissement complet des efforts d'entretien dans les hôpitaux dans les années qui ont précédé. Et ce qu'on avait dit à l'époque, souvenez-vous, on avait dit à la population ? et c'était difficile parce que c'était un moment où les gens étaient inquiets, avec raison ? on leur a dit: Vous savez, ce n'est pas qu'au Québec que ça existe. On vient d'en avoir la preuve au cours des dernières heures, il y a des hôpitaux de notre province voisine, là où il y a des situations semblables qui commencent à sortir. Alors, la différence, c'est qu'il y en a partout, mais qu'au Québec on le savait puis on le disait, ce qui, en soi, demande du courage et de la détermination.

Et on a agi. On a agi avec ce que demande maintenant d'ailleurs la province voisine, la mise en place d'un programme de surveillance. Nous, on l'a au Québec depuis 2004. En Ontario, on voudrait le créer maintenant. On a amené les taux à un niveau qui est très bas par rapport à ce qu'il était en 2003-2004. Et bien sûr la bataille ne sera jamais gagnée totalement parce que non seulement cet élément-là peut revenir, mais d'autres bactéries résistantes vont également certainement se présenter au cours des prochaines années, notamment en relation avec la morbidité plus grande, le fait que les patients sont plus âgés, plus affaiblis, et l'utilisation des antibiotiques.

Alors, la proposition... J'ai regardé avec intérêt la proposition du Parti québécois, telle qu'exprimée il y a quelques jours, dans le domaine des soins à domicile. La première chose que je dirais, c'est qu'elle est très difficilement crédible parce qu'on parle, souvenons-nous-en ? et les gens responsables sont encore ici, à l'Assemblée; on parle ? d'un parti politique qui a fermé 4 000 lits de soins prolongés, huit hôpitaux à l'époque où il était en poste, où il a investi autour de 196 millions sur neuf ans. On en est à 362 millions sur neuf ans, donc deux fois plus d'argent en deux fois moins de temps si on résume très brièvement cette différence. De penser qu'ils vont effectivement accorder le financement qu'ils proposent avec un dossier semblable, je pense que ça va s'accompagner d'un doute certain et peut-être même d'un haussement d'épaules parce que les gens savent ce qui arrive lorsque, malheureusement, ce parti politique a à s'occuper du système de santé parce que ce n'est jamais leur préoccupation première. On sait quelle est leur préoccupation première, et tous leurs enjeux sont ramenés à ça.

Et il y a quelque chose d'extrêmement simpliste également dans la proposition. Effectivement, l'enjeu des soins à domicile et du maintien à domicile, c'est un enjeu majeur. C'est un enjeu majeur, mais ce n'est pas le seul enjeu. Et, quand on a 85, 90 ans, ça arrive qu'on a une grippe puis qu'on doit être hospitalisé, qu'on doit avoir une chirurgie parce qu'on tombe puis qu'on se fracture la hanche. Et c'est comme s'il s'agissait de contingents différents de personnes âgées, des personnes âgées qui ont besoin de soins à domicile, celles qui ont besoin de soins hospitaliers, celles qui ont besoin de réadaptation, celles qui ont besoin d'hébergement, alors que ce sont des mêmes personnes qu'on parle.

Alors, je vais demander, on va demander avec intérêt à la deuxième opposition quelles sont les sommes qu'ils entendent consacrer à l'hébergement soit en établissement soit en communauté, en soins de convalescence après les hospitalisations qui arriveront encore et qui arriveront de plus en plus, compte tenu du vieillissement de la population, et qu'est-ce qui restera pour les autres secteurs de développement prioritaires du système de santé, santé mentale, réadaptation, les jeunes en difficulté.

Il faut faire des efforts, et on en fait, des efforts majeurs d'investissement. On sait la solution maintenant. On en est rendus à 2 %, 3 %, 4 % d'augmentation de TVQ du côté du Parti québécois. Alors, chaque fois... On va probablement nous annoncer un demi-point de TVQ spécifiquement pour les soins à domicile parce que c'est à peu près à ça que ça correspond.

Alors, c'est d'abord un engagement qui n'est pas crédible, compte tenu de ce qui a été accompli lorsqu'ils avaient les leviers du gouvernement, et qui est très incomplet, très étalé dans le temps. On parle de cinq ans de réalisation, aucune mention de ce qui doit être fait dans les autres secteurs touchant les personnes âgées. Encore une fois, il y a d'autres secteurs que les soins à domicile. Bien sûr, les soins à domicile sont importants, mais il y a d'autres secteurs, l'accès aux médicaments par exemple, les soins de convalescence encore une fois, l'hébergement le plus possible en communauté, l'économie sociale pour soutenir le maintien à domicile, les crédits d'impôt. Est-ce que les crédits d'impôt sont compris dans le 500 millions? On ne le sait pas, on aura l'occasion de demander des précisions.

Mais, pour ce qui est de la façon dont notre collègue a brossé le portrait de la situation, moi, je fais confiance et on fait confiance au jugement de la population, même dans des régions qui sont en difficulté, et on aura peut-être l'occasion, on verra, au cours des prochaines heures, de constater quelle est cette évaluation.

Et, encore une fois, on est très fiers de notre bilan. Je suis très heureux de la confiance que le premier ministre et mes collègues m'ont apportée et du soutien qu'ils m'ont apporté. Parce que ce qui différencie mon action de celle de Jean Rochon, ce n'est pas le fait d'avoir des idées puis d'avoir identifié les vrais problèmes puis les vraies solutions, c'est d'avoir eu autour de moi un premier ministre puis un gouvernement qui soutenaient le système de santé. Parce que rien de ce qui a été accompli ? encore que ce soit incomplet, il faut accomplir encore plus; rien de ce qui a été accompli ? n'aurait pu l'être sans ce soutien-là, notamment l'aspect du soutien financier qu'année après année les collègues du Conseil des ministres ou de la députation ont consenti à confirmer et à répéter au système de santé du Québec, qui n'a jamais été aussi bien financé.

Il y a des grands défis devant nous maintenant: défis de la démographie, du coût des médicaments, de la technologie, défi de la pénurie de personnel autant en nombre qu'en types de pratique. Alors, il s'agira, pour les prochains mois, pour les Québécois, de décider quel est le parti politique qui, compte tenu de son bilan... Alors, il n'y a que deux partis sur trois qui ont un bilan de gouvernement dans cette Assemblée nationale, mais on verra également l'aspect des propositions, jusqu'à quel point ces propositions sont crédibles et vont apporter un changement concret dans la qualité de vie des gens et l'accès aux soins médicaux.

Alors, la députée de Taschereau mentionne qu'elle a eu l'occasion de visiter de nombreux centres hospitaliers. Pour le bien de la population, on souhaite que le Parti québécois ne fasse que visiter les centres hospitaliers au cours des prochaines années et n'ait pas à les gérer une autre fois parce qu'on sait ce que ça a voulu dire la dernière fois. Merci.

n(16 heures)n

Le Président (M. Reid): Merci, M. le ministre. Je vais passer maintenant la parole au député de La Peltrie pour une conclusion de 10 minutes.

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. J'ai commencé l'interpellation en disant qu'il serait bon de faire une espèce d'historique de l'intégration des médecins diplômés à l'étranger parce que c'est important, pour savoir où on s'en va, de savoir d'où on arrive. J'ai constaté de la part du ministre certains constats, des constats d'échec, des constats d'échec du Québec, du ministère de la Santé par rapport à un dossier aussi important que celui de l'intégration des médecins diplômés à l'étranger dans un contexte de pénurie.

Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a parlé des solutions qu'on avait apportées par rapport à la mixité en disant que, dans un contexte de pénurie, ce n'était pas réalisable, ce n'était pas faisable. Le ministre l'a, lui aussi, affirmé. Ce qui est pour moi évident, c'est que, dans un contexte comme celui-là, on s'attendrait de la part du gouvernement à ce que toutes les actions soient prises pour corriger ce problème-là s'il est si fondamental que... Le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a dit: Je suis le premier de tous les ministres de la Santé à dire que la mixité est une bonne chose, hein? Puis il a dit: C'est majeur, là, c'est majeur, c'est important. Et donc, pour le ministre, pour notre collègue de Notre-Dame-de-Grâce, qui probablement est d'accord avec le ministre sur le fait que la mixité, sur le fond, est une bonne chose, c'est le problème de la pénurie de médecins qui est la pierre d'achoppement d'un changement aussi fondamental, surtout quand on regarde les pays qui ont adapté ce type de pratique là, par rapport à nous, à quel point ils performent bien, alors que, nous, on sous-performe. Donc, on peut penser que tous les efforts devraient être mis à corriger ce problème-là.

Or, quels sont les constats? Bien, les constats, c'est que nos diplômés quittent le Québec en plus grand nombre, que la réponse du ministre de la Santé à cette question-là, ça a été: Bien, je vais m'asseoir avec les facultés de médecine, et mon discours sera plus ferme cette année. Bon, j'espère qu'on n'attendra pas à l'année prochaine pour avoir des solutions un peu plus musclées puis surtout des résultats un peu plus probants. Parce que, si on se fie à l'année dernière, où il avait eu sensiblement les mêmes propos, avec le résultat que, cette année, le nombre de diplômés qui quittent le Québec augmente, on se rend compte que cette solution-là n'est pas la bonne.

Même chose pour l'intégration des médecins étrangers, M. le Président, on juge un arbre à ses fruits. Alors, si on regarde ce que le Québec récolte année après année, après année, bien on se rend compte que les solutions mises de l'avant ne sont pas les bonnes solutions, on se rend compte que ces solutions-là n'apportent pas les résultats auxquels les Québécois sont en droit de s'attendre parce que, M. le Président, je réitère le fait que ce sont des milliers de Québécois qui, aujourd'hui, se cherchent un médecin de famille, ce sont des milliers de Québécois qui sont sur des listes d'attente, qui attendent, et ça, ça coûte cher, ça coûte très cher. Je n'ai pas entendu le ministre de la Santé là-dessus, hein? L'étude qui nous dit que l'attente, au Québec, c'est 2,8 milliards que ça coûte, je n'ai pas entendu le ministre de la Santé là-dessus. Je ne l'ai pas entendu dire: Ce n'est pas vrai. Je ne l'ai pas entendu dire: C'est un fléau. Je n'ai rien entendu là-dessus, rien.

Or, devant cette absence de résultats face à un problème aussi majeur, dont l'impact est aussi grand pour le Québec, on se serait attendu de la part du ministre de la Santé à autre chose qu'une négation, dire: Non, ça, ça ne peut pas fonctionner; non, ça, c'est un parallèle qu'on ne peut pas faire; non, on ne peut pas comparer ces deux situations-là. On se serait attendu à un ministre de la Santé qui dise: Écoutez, là, on prend conscience du problème, effectivement on constate qu'on est en retard, puis pas à peu près. On est conscients que c'est une piste de solution. Parce qu'il n'y a pas de magie, M. le Président, des médecins, ou vous les formez ou vous les recrutez à l'étranger, hein? Mais je me souviens, à une certaine époque, le ministre parlait du grand verger du Québec où on cueillait les fruits, là. Bien, je ne sais pas si, dans son grand verger, il y a un arbre qui produit des médecins. Si oui, tant mieux; mais, sinon, jusqu'à preuve du contraire, on va les former dans nos facultés ou on va les recruter à l'étranger. Or, je n'ai rien entendu qui visait ou qui nous donnait l'espoir que cette solution-là allait être poussée parce que c'est toujours... ce qu'on met de l'avant, c'est toujours les obstacles: Bien là, l'autonomie des facultés, c'est vrai, il faut respecter l'autonomie des facultés; les prérogatives du Collège des médecins, puis c'est vrai, il faut respecter la prérogative du Collège des médecins.

Mais, quand on regarde des provinces qui vivent les mêmes problèmes de pénurie de médecins, qui, elles, se sont dotées d'outils, qui, elles, se sont dotées d'objectifs, qui, elles, se sont dotées d'un parcours pour atteindre les objectifs, et qu'on regarde les résultats, et que ces résultats-là sont significativement plus positifs que les nôtres, bien on peut se placer dans une position de négation puis dans une position de défense ou on peut se remettre en question. Je comprends que ce n'est pas un processus qui est très évident pour le ministre de la Santé, la remise en question, mais je l'invite à le faire. Et, quand on parle de remise en question, bien ça veut dire remise en question des processus et des institutions.

Et, dans ce sens-là, je pense que Recrutement Santé Québec peut faire plus. Je comprends qu'un médecin qui immigre de sa propre volonté, par rapport à un médecin qui est en pratique et qu'on va recruter, ce n'est pas la même chose, j'en suis très conscient. Est-ce que ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas agir sur le premier parce qu'il ne répond pas aux mêmes réalités que le deuxième? Non, pas du tout, ça veut dire qu'il faut le traiter d'une autre façon. Mais il faut le traiter quand même parce qu'il y a là un médecin qui potentiellement peut pratiquer au Québec. Et le fait qu'il n'était pas en pratique dans son pays, ce qui n'est pas d'ailleurs... M. le Président, ce qui n'est pas une généralité, hein, je tiens à le dire. Il y a des médecins qui pratiquent dans leurs pays mais qui immigrent au Québec quand même, et donc qui étaient en pratique, et donc qui peuvent répondre à ces critères-là. Je pense que Recrutement Santé Québec peut faire quelque chose là-dessus.

Recrutement Santé Québec, à mon avis, peut faire plus dans le deuxième cas aussi, M. le Président, parce que, quand on parle, bien, par exemple, que Recrutement Santé Québec ne tient pas de documents préparatoires aux examens... Ça, c'est ce qu'ils disent sur leur site, là: On n'a pas de documents préparatoires. Quand on dit que c'est à la charge des candidats d'informer Recrutement Santé Québec des différents résultats des opérations dans le courant du processus d'intégration, ça dénote un laisser-faire de Recrutement Santé Québec. Ça dénote que Recrutement Santé Québec est un spectateur, alors qu'à mon avis ils ont la capacité et ils ont le devoir de jouer un rôle d'acteur principal. Parce que Recrutement Santé Québec agit et parle au nom du gouvernement du Québec, du ministère de la Santé et des Services sociaux dans un domaine, le ministre l'a reconnu, qui est névralgique et qui représente une piste de solution importante pour le Québec, qui en a grand besoin, on ne peut pas se permettre d'avoir une organisation comme celle-là qui joue un rôle de spectateur.

Autre rôle où Recrutement Santé Québec peut agir, c'est au niveau de l'équité. Le ministre de la Santé l'a dit, il y a une question d'inéquité, il y a une perception d'inéquité dans la population par rapport au traitement des médecins étrangers. Il y a eu du corporatisme dans ces dossiers-là. Le ministre de la Santé l'a dit, là, je le cite mot à mot: «Recrutement Santé Québec, comme intervenant représentant le gouvernement du Québec, comme représentant celui qui finance à 60 % le budget des universités, peut très certainement devenir un partenaire beaucoup plus important et beaucoup plus significatif que ce qu'il fait présentement.»

Et, je le répète encore une fois, sans mettre en tutelle les universités, sans leur dire qui ils doivent admettre, quels sont les critères d'admission... Le ministre de la Santé n'a pas eu besoin de faire ça ? du moins, je le pense, je le présume ? pour ce qui est des diplômés québécois. Quand le ministre de la Santé a augmenté le nombre d'admissions en faculté de médecine, il n'a pas été dire aux facultés: Vous admettez telle, ou telle, ou telle personne. Il n'a pas été leur dire: Vous allégez vos critères d'admission. Puis je lui ai donné l'occasion de nous le dire à de nombreuses reprises, ce qu'il n'a pas fait. Mais je présume qu'il n'a pas fait ça, je présume qu'il a respecté l'autonomie des universités et il a été en mesure de le faire. Alors, moi, je pense en toute conscience que, s'il y a une volonté claire d'intégrer plus et mieux les médecins étrangers, je pense qu'il est tout à fait légitime pour le gouvernement de s'asseoir avec ses partenaires, de faire part de ses besoins, de ses objectifs et de s'entendre avec eux, comme il l'a fait dans le cas des diplômés du Québec.

Et je vais conclure, M. le Président, sur toute la question de l'immigration parce que je pense qu'on fait un peu de démagogie sur les positions de l'ADQ là-dessus, parce que les positions ont toujours été extrêmement claires. Alors, il s'agit de bien intégrer les gens avec les niveaux d'immigration qu'on a maintenant parce que, quand vous échouez à intégrer des immigrants, vous créez des ambassadeurs négatifs du Québec. Et, quand la seule solution que vous avez à cet échec-là, c'est de dire: Il faut augmenter les seuils d'immigration, bien la conclusion inévitable, c'est que vous allez créer encore plus d'ambassadeurs négatifs du Québec parce que vous allez échouer encore plus à intégrer des gens et donc en faire des membres actifs de votre société. Merci, M. le Président.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Reid): Merci, M. le député de La Peltrie. Je voudrais remercier les membres de la commission ainsi que toutes les personnes qui les accompagnent pour un débat très intéressant. Et, la Commission des affaires sociales ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux au mardi 13 mai, donc demain matin, à 9 h 30, à la salle La Fontaine, pour l'audition de la Commission d'accès à l'information. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 11)


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