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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, October 30, 1984 - Vol. 28 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Société de développement des industries de la culture et des communications


Journal des débats

 

(Dix heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. French): Je déclare ouverte cette réunion de la commission de la culture.

Exposé du président sur le mandat de la commission

Avant de procéder plus en détail quant au mandat de ladite commission pour cette réunion, il faudrait faire un certain nombre de choses d'ordre administratif: Sont présents: MM. Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Dauphin (Marquette) qui retourne dans un instant, French (Westmount), Hains (Saint-Henri), Mme Lachapelle (Dorion). Nous avons quorum. Nous n'avons pas de remplacement.

On se rappellera que l'article 286 du nouveau règlement de l'Assemblée nationale exige que chaque commission examine annuellement les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à son pouvoir de surveillance. On sait que trop souvent, dans le passé, des éléments importants du grand éventail des organismes publics ont été laissés pour compte par l'Assemblée nationale faute, entre autres, de temps précis désigné dans l'horaire parlementaire pour ce faire. C'est ce que les architectes de la réforme parlementaire ont voulu corriger par le biais de l'article 286.

À la suite d'une motion à cet effet par Mme la députée de Dorion, la commission de la culture a invité la Société de développement des industries de la culture et des communications, la SODICC, à se joindre à nous afin de faire l'examen spécifié dans l'article 286. Nous voulons donc souhaiter la bienvenue à M. Pierre-A. Deschênes, nouveau -depuis un an, je pense - président-directeur général ainsi qu'à ses collègues: M. Laliberté, responsable du patrimoine, M. Guy Bouthillier, vice-président et M. Michel d'Astous, directeur de la planification.

Nous voulons également remercier la SODICC pour un travail qui devait être énorme, c'est-à-dire nous fournir la documentation volumineuse que nous avons et qui nous aidera dans notre étude de la SODICC.

Je voudrais d'abord dire quelques mots sur la façon dont une commission parlementaire devrait aborder l'examen d'un organisme public, puisque l'article 286 dit tout et ne dit rien. Il dit tout dans le sens qu'il nous donne un mandat très large - je pense que c'est très important - d'examiner ce qui se passe au sein de la SODICC, mais il ne dit pas beaucoup sur la façon dont on devrait aborder cet examen. Ce n'est, en effet, que la deuxième fois que l'article 286 a été évoqué en commission parlementaire. La première fois, c'était au printemps dernier lorsque la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre a rencontré les administrateurs du fonds FCAC, le fonds de recherche du gouvernement du Québec. Nous sommes donc, jusqu'à un certain point, en "terra incognita". Ceci est particulièrement vrai dans la mesure où la réforme parlementaire veut que les dirigeants des organismes publics comparaissent devant les parlementaires sans la présence du ou des ministres ultimement responsables de ces organismes devant l'Assemblée nationale.

Il va sans dire que les parlementaires ont le devoir et même l'obligation de dire franchement ce qu'ils pensent - je cite -"des orientations, des activités et de la gestion" de l'organisme qui est devant eux. C'est élémentaire. Mais, d'autre part, il me semble que ce n'est pas tout dire. Les régisseurs, les présidents, les directeurs généraux, etc., des organismes publics n'ont pas tous la même situation juridique. Ils n'ont pas tous la même liberté d'action, la même entrée au cabinet de leur ministre, le même contexte réglementaire, le même genre de conseil de direction ou les mêmes conditions concurrentielles.

Ce sont toutes des considérations pertinentes au comportement et aux attitudes des parlementaires, face aux représentants des organismes publics convoqués à une commission parlementaire. Une certaine force d'expression et de ton coloré qui viennent avec le métier que nous pratiquons serait peut-être acceptable dans certaines conditions très spécifiques, lorsque le ministre est participant à une commission parlementaire, lorsque le fonctionnaire devant nous jouit d'un statut réellement indépendant et responsable comme tel ou encore lorsqu'il s'agit de décisions, de politiques ou de pratiques dont la seule responsabilité relève clairement et inéluctablement de la personne qui est devant nous. Mais il faut faire attention, la vaste majorité des cas, à la suite de l'application de l'article 286, est susceptible d'être composée de situations plus complexes, plus subtiles et plus nuancées que celle que je viens d'évoquer. Nous devons

tous chercher des moyens d'expression qui sont à la fois francs et même catégoriques au sujet des politiques et de la performance de l'organisme et du gouvernement et, d'autre part, respectueux du rôle public nécessairement circonspect et de la responsabilité fréquemment partielle desindividus devant nous.

Nous avons alloué deux jours pour l'examen de la SODICC par la commission de la culture. On a pu constater la déception de certains parlementaires, notamment, les deux à ma gauche, lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles lorsqu'ils ne pouvaient pas discuter tous les dossiers qu'ils auraient voulu, faute de temps. Un tel dénouement semble moins probable avec deux jours d'audition pour la SODICC. Cependant, rien ne garantit qu'on se rendra jusqu'à mercredi, 18 heures. Ce n'est pas là le test ou le critère important. On verra au fur et à mesure que les discussions se poursuivront comment ne pas être fasciné par les dossiers dont il sera question.

J'avais essayé, pendant un certain temps, de formuler des recommandations par rapport aux séquences de questions à aborder par la commission pour finalement me rendre compte que les multiples facettes de la problématique des industries de la culture et des communications sont tellement susceptibles d'éveiller la curiosité des uns et des autres qu'aucune tentative d'autre discipline suffirait.

Avant d'inviter M. Deschênes à prononcer ses commentaires préliminaires, je voudrais demander au secrétaire si nous avons maintenant les copies des documents pour tout le monde. On sait que la SODICC nous a amené un certain nombre de copies des commentaires préliminaires de M. Deschênes. Malheureusement, on n'en a pas eu assez. Deuxièmement, je voudrais proposer à mes collègues de la commission, s'ils sont d'accord, d'accepter le dépôt auprès de la commission du document que la SODICC nous a fourni qui s'appelle, que je vais appeler, en tout cas, Relevé des investissements de la SODICC. On est d'accord?

Une voix: Oui.

Le Président (M. French): Cela permet aux intervenants de la presse d'avoir accès à la documentation. Si les parlementaires doivent quitter la salle, nous avons dans le coin une espèce de dépôt où - s'ils veulent peut-être marquer leur nom - ils pourraient laisser leur cahier; si un autre parlementaire arrive comme remplaçant, il pourrait avoir accès au cahier, si cela vous convient. Cela vous éviterait d'être obligé d'apporter le cahier partout. Évidemment, les notes personnelles et tout cela, vous devrez les conserver. Nous n'avons toujours pas de copie des commentaires préliminaires. Bon. Je pense que nous devons néanmoins commencer. Après les commentaires du président-directeur général, j'ai l'intention de demander à Mme la députée de Dorion de commencer l'échange de propos avec M. Deschênes et ses collègues. À moins que d'autres députés aient des commentaires ou des remarques préliminaires à formuler... Je ne sais pas si M. le député de Saint-Henri ou M. le député de Marquette a des commentaires à faire. Vous n'en avez pas.

M. Dauphin: Non, pas pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. French): M.

Deschênes.

M. Deschênes (Pierre-A. ): M. le Président, pourrais-je vous poser une question préliminaire? J'aimerais savoir si vous avez reçu la réponse, que je vous ai transmise, vendredi, à la lettre que vous m'avez envoyée la semaine dernière...

Le Président (M. French): Oui.

M. Deschênes:... qui demandait des renseignements supplémentaires.

Le Président (M. French): Oui, M. le président, je vous remercie de l'avoir mentionné. J'ai soumis, en tant que membre de la commission et non pas en tant que président, une deuxième demande de renseignements, soit les curriculum vitae des membres du conseil de direction de la SODICC ainsi que ceux des employés professionnels. J'ai la documentation. J'ai l'intention de la faire photocopier et de la distribuer à tout le monde. Je vous remercie, M. le président, de m'avoir rappelé cette documentation. On vous remercie encore une fois. Ma demande était très tardive et je suis conscient que cela a dû créer certains problèmes administratifs. J'apprécie beaucoup votre effort pour répondre à nos demandes.

Tableau d'ensemble de la SODICC et de son rôle

M. Pierre-A. Deschênes

M. Deschênes: M. le Président, Mme et MM. les parlementaires, Mme la secrétaire, permettez-moi d'abord de remercier les membres de la commission de la culture d'avoir invité la Société de développement des industries de la culture et des communications, la SODICC, à venir présenter sa mission et ses actions, ainsi qu'à répondre aux questions des parlementaires sur cette société d'État.

En guise d'introduction à nos discussions, j'aimerais vous brosser un tableau d'ensemble de la SODICC et de son rôle.

D'abord un bref retour en arrière nous permettra de mieux comprendre les actions actuelles.

Il y a maintenant cinq ans, près de six en fait, le gouvernement du Québec constatait qu'il était nécessaire de se doter d'une structure paragouvernementale vouée au développement, sur des bases commerciales, d'infrastructures industrielles permanentes. Cette société devait, de plus, être souple, proche du milieu et branchée sur les besoins réels du secteur privé.

En décembre 1978 se tenait le sommet socio-économique sur les industries culturelles. C'est à ce moment que le gouvernement, à partir d'initiatives passées infructueuses en matière d'aide à ces industries et à partir également de nombreuses consultations, proposa la création de la Société québécoise de développement des industries de la culture et des communications.

Rien n'est plus éloquent, me semble-t-il, que de faire référence au texte que le gouvernement suggéra alors aux participants de ce sommet socio-économique: "II ne peut être question que le gouvernement du Québec interrompe son assistance technique aux industries culturelles. Il doit plutôt l'accroître. En aidant les entreprises en place à résoudre leurs problèmes de gestion, de production et surtout de mise en marché, l'État contribue à améliorer la compétitivité de ces entreprises... " Fin d'une première citation.

Je cite de nouveau: "Le gouvernement du Québec ne dispose même pas actuellement de levier approprié pour contrebalancer une offre d'achat qu'une firme étrangère pourrait faire à une entreprise québécoise rentable. " Fin de la seconde citation.

Je cite de nouveau: "En collaboration étroite avec le secteur privé, l'État québécois doit entrer de plein jeu dans une foule d'opérations financières, industrielles et commerciales. Pour l'ensemble de ces opérations, il est indispensable qu'il soit associé de près et de l'intérieur à la vie des industries culturelles, qu'il en épouse la cadence et le rythme afin de recueillir en permanence l'information utile, de déceler les possibilités d'innovation et, davantage encore, d'agir avec propos et célérité. En d'autres termes, cela signifie que l'État doit entretenir des relations d'affaires avec les industries culturelles. " Fin de cette troisième citation. Ces citations, je vous le rappelle, remontent au sommet socio-économique de 1978.

Ainsi donc naissait la SODICC, sorte de bras financier du gouvernement dans le champ culturel, qui dipose, rappelons-le, de trois principaux modes d'intervention: le prêt, la garantie de prêt et le capital de risque.

Voici donc la SODICC en quelques mots: la SODICC est un organisme d'intervention financière doté d'un capital-actions de 20 000 000 $ dont la mission est de contribuer au financement d'entreprises et non de projets. Son conseil d'administration est constitué de 29 personnes dont sept sont de l'extérieur de la SODICC et de la fonction publique; en fait, six sont issues de l'entreprise privée.

Les demandes sont analysées à la lumière de deux grilles. La première est financière: garanties, bilan, qualité de gestion etc; la seconde est plus globale et se base sur des critères économiques et culturels: les impacts, la place de l'industrie sur le marché. Cette dernière s'appuie sur des avis d'opportunité produits par les ministères sectoriels. En somme, les demandes de financement doivent répondre à trois conditions essentielles: la rentabilité de l'entreprise, la participation au développement économique du Québec et l'engagement financier des promoteurs. C'est donc en proposant un "partnership" d'une année avec les entreprises et en adoptant une approche industrielle que la SODICC entend jouer son rôle.

Aujourd'hui plus que jamais, nous croyons que le développement culturel du Québec est tributaire en grande partie de la vitalité et de la croissance d'entreprises saines et rentables. L'État-providence, par voie de subventions, de règlements ou de politiques, ne suffira jamais à lui seul à insuffler un véritable développement. Entendons-nous bien; je ne dis pas que l'État doit se désengager du champ culturel. Bien au contraire. Je crois en la complémentarité de l'action de différents partenaires et en la nécessité pour l'État, par le biais d'une société comme la nôtre, de créer une relation d'affaires avec les acteurs culturels. En ce sens, la SODICC se veut un instrument privilégié au service d'entrepreneurs qui font preuve de dynamisme et d'esprit d'initiative. Nous voulons appuyer les entreprises culturelles québécoises dans leur projet de croissance. En un mot, nous voulons casser le mythe qui veut que la culture soit le terrain obligé des subventions et que les investissements culturels ne soient jamais rentables économiquement.

Je viens de vous mentionner les trois grands critères à la base des décisions qu'est appelé à prendre le conseil d'administration de la SODICC. Il sera sans doute intéressant pour vous de savoir que ces critères s'appliquent à trois types d'intervention: un premier que nous appelons des cas de difficultés financières; il s'agit généralement de consolidations financières n'impliquant pas d'investissement en de nouvelles immobilisations ou en de nouveaux moyens de production; un second que nous appelons des projets d'expansion et/ou de création d'entreprises; cette catégorie vise les projets

dont le but est de créer une entreprise ou de pourvoir à son développement; un troisième qui est un projet d'initiative et/ou de développement de l'industrie; il s'agit alors de projets susceptibles de constituer un apport majeur significatif au développement des industries de nos champs d'intervention ou de leurs structures; les secteurs associés sont habituellement identifiés comme prioritaires dans le plan de développement annuel de notre société. (11 heures)

Nous sommes maintenant à la phase II de la SODICC. Après cinq ans d'existence, notre expérience nous démontre que, si la SODICC veut jouer son rôle de "développeur", elle ne doit plus se contenter d'une attitude attentiste mais adopter résolument un rôle interventionniste. Nous devons prendre des initiatives, choisir des cibles précises et établir des priorités d'action. Par exemple, les champs du logiciel, de l'audiovisuel et des nouveaux moyens de diffusion - télévision payante et câblodistribution par exemple - nous paraissent aujourd'hui les lieux stratégiques où nous devons consentir des efforts majeurs. De banquier de risques que nous étions surtout, nous allons devenir davantage un catalyseur de développement. Nous entrons dans ce que nous avons appelé la phase II de l'histoire de la SODICC.

Cette année marque donc un véritable virage. En effet, en début d'année, nous avons jeté les bases sur lesquelles se fonderont dorénavant les interventions de la SODICC. Nous recentrant sur notre mission première, nous avons précisé nos objectifs, orienté notre action et révisé nos critères financiers.

Dans cette perspective, la SODICC a procédé à la rédaction, à la consultation et à la diffusion de son plan de développement pour l'année 1984-1985. Ce document, approuvé par notre conseil en février dernier, définit les orientations qu'entend suivre la société au cours de cette année. Cinq priorités y sont dévoilées à savoir le développement du logiciel, l'exportation en câblodistribution, la mise en valeur de la production audiovisuelle, l'aide à l'exportation de spectacles et le soutien aux événements majeurs. En plus de ces cinq priorités, la SODICC définit, toujours dans ce plan de développement, ses orientations annuelles pour chacun des treize secteurs industriels qui relèvent de son mandat.

L'édition de ce plan répond en outre à notre volonté de transparence et de visibilité. En effet, si nous voulons maximiser les possibilités de développement, il importe que les milieux de la culture et des communications sachent bien qui nous sommes et comment nous pouvons aider leurs entreprises.

Comme vous le constatez, la SODICC entend jouer un rôle de plus en plus actif, afin que les effets de ses interventions soient véritablement structurants pour le secteur industriel qu'elle veut aider. Ainsi, elle n'hésitera pas, dans certains cas, par sa présence au conseil d'administration ou à des comités de gestion, à être partie prenante des décisions concernant les orientations des entreprises bénéficiaires. Par exemple, notre implication dans Premier Choix et TVEC vise essentiellement à rationaliser l'industrie de la télévision payante francophone et à stimuler la production audiovisuelle québécoise.

Un autre exemple, celui de SOMART: Société de commercialisation des métiers d'art. Notre intervention vise, dans ce cas, la rationalisation de la mise en marché sur une base industrielle des produits de métiers d'art. Avec cette entreprise, nous créons un grossiste spécialisé qui favorisera la présence systématique des produits québécois dans les magasins de détail et l'exploitation du marché institutionnel jusqu'ici négligé. La présence de la SODICC permettra par ce regroupement d'harmoniser les intérêts des différents partenaires impliqués dans cette nouvelle entreprise.

Ces constatations et ces objectifs indiquent quelques conclusions qui pourront nous guider, nous de la SODICC, pour nos actions à venir. D'abord, la SODICC continuera d'utiliser les critères de rentabilité, de participation au développement économique et d'engagement des promoteurs comme base de ses décisions. Ensuite, nous allons nous appuyer sur des critères plus serrés dans le choix des entreprises que nous consentirons à aider afin d'optimaliser les effets positifs des sommes d'argent disponibles dans une optique de développement économique des secteurs en cause. Ceci ne signifie pas que nous deviendrons des banquiers au sens strict; les contenus sur lesquels nous travaillons continueront de recevoir un haut degré d'attention et nous serons toujours réceptifs à des entreprises prometteuses, même si le risque peut sembler élevé.

En dernier lieu, la SODICC entend déterminer chaque année des priorités d'action. Si nous voulons agir véritablement comme société d'initiative, nous devons dessiner clairement une stratégie de développement sélective et faire des choix. Nous soumettrons ces priorités à la consultation de ministères et du milieu de la culture et des communications et ces choix constituent, en quelque sorte, les engagements fermes de la société.

D'ailleurs, en passant, nous sommes actuellement à réfléchir sur le plan de développement 1985-1986 et le conseil d'administration de la SODICC sera saisi de nos premières réflexions à ce sujet et y participera activement lors du conseil d'administration de novembre, qui aura lieu

la semaine prochaine.

En guise de conclusion, les discussions que nous aurons aujourd'hui et demain nous permettront de mieux nous faire connaître auprès de vous. Notre présence ici contribuera, je l'espère, à mieux faire saisir les enjeux économiques de la culture et des communications.

Je termine ici cette présentation générale, préférant laisser place à une discussion sur les actions de la SODICC. J'espère que nos échanges permettront de bien mettre en lumière l'importance que nous attachons tous au développement d'entreprises de la culture et des communications rentables et dynamiques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): Merci, M. Deschênes. Je me permets de vous indiquer également que la commission espère que les auditions vous permettront de saisir les préoccupations des parlementaires et peut-être même, qui sait? de récolter quelques bonnes idées. Avec ce voeu optimiste à l'esprit, je voudrais inviter la députée de Dorion, celle qui était à l'origine de votre présence parmi nous aujourd'hui, à commencer la discussion.

Bilan des activités de la SODICC

Mme Lachapelle: Bonjour, messieurs. Tout d'abord, je voudrais vous remercier d'avoir répondu à l'invitation des membres de la commission de la culture. Depuis l'arrivée ou la mise en vigueur de notre réforme parlementaire, les membres d'une commission peuvent, en plus d'entendre des mémoires sur des sujets particuliers et étudier des projets de loi, convoquer, comme mandat d'initiative - mais on m'a dit que ce n'était pas un mandat d'initiative, finalement; c'était une responsabilité des commissions d'étudier en profondeur une société d'État - les responsables de la société d'État ou organismes gouvernementaux afin de mieux connaître et de voir de plus près leur façon de fonctionner. Parce que, malgré vos cinq ans d'existence, même si je sais que vous aidez nos entreprises de la culture à se développer, tels le théâtre, le domaine du spectacle, du livre, etc., je vous avoue peu connaître la SODICC. Je constate cependant que, depuis l'ajout du budget supplémentaire, la SODICC jouera un rôle beaucoup plus important dans le domaine des communications, tels l'aide à la production d'audiovisuel, l'aide à l'exportation en câblodistribution, logiciels, etc. Soyez assurés que cette rencontre ou cette étude en profondeur de la SODICC se veut très positive pour moi et pour mes collègues de l'Opposition. C'est par nos questions et par vos réponses que nous serons en mesure de dire que nous connaissons mieux notre et votre société.

Si vous me permettez, je poserai quelques questions, un peu pour partir le bat. Je suis certaine que mes collègues enchaîneront et je reviendrai un peu plus tard avec d'autres questions.

Premièrement, j'aimerais savoir comment sont traités les dossiers, c'est-à-dire combien vous en traitez annuellement et qui les traite. Est-ce un spécialiste ou un comité?

M. Deschênes: Mme la députée de Dorion, je peux vous indiquer quelques statistiques qui, peut-être, vont vous donner un peu le bilan quantitatif des opérations de la société, la SODICC, ce qui répondra à votre question. Depuis notre début, donc au printemps 1979, nous avons traité, jusqu'à ce jour, 274 dossiers.

Si on prend les caractéristiques des années, en 1979-1980, qui était notre première année, donc une année qui, dans le temps, a été partielle, nous avons analysé 21 dossiers pour un montant de 2 234 000 $ environ; en 1980-1981, nous avons analysé 30 dossiers pour un montant de 3 365 000 $; en 1981-1982, 56 dossiers pour un montant de 5 107 000 $; en 1982-1983, 64 dossiers pour 8 183 000 $; en 1983-1984, 62 dossiers pour 10 000 294 $ et, en 1984-1985, à ce jour, en considérant les dossiers acceptés au conseil d'administration du mois d'octobre, 41 dossiers pour 5 641 000 $. Quand je vous parle de dossiers, ce sont des dossiers sur lesquels nous avons accepté d'agir. Vous avez probablement constaté, par le document que j'appellerai noir qui vous a été transmis, qu'il y a un certain nombre de dossiers qui sont refusés par le conseil d'administration.

Il y a également des dossiers qui ne se rendent pas au conseil d'administration parce qu'ils ne sont pas constitués à la suite d'échanges que nous avons avec les industries et parce que, pour toutes sortes de raisons, l'industrie, les promoteurs en cause et nous-mêmes considérons qu'il s'agit de dossiers qui n'ont pas leur place à la SODICC ou qui, pour toutes sortes d'autres raisons, ne devraient pas être analysés. Donc, les dossiers que vous avez, ce sont des dossiers qui ont nécessité une décision du conseil d'administration, une décision positive, et des investissements.

Pour être plus spécifique, je vous dirais que, si vous regardez...

Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le président. Au plan de l'information, je ne suis pas entièrement convaincu que j'ai bien saisi. Ce qu'on a eu, c'est le nombre de dossiers qui ont occasionné une étude sérieuse et une décision, qu'elle soit positive ou négative, de la part du conseil d'administration.

M. Deschênes: C'est-à-dire que, dans le dossier que je vous ai transmis, M. le Président, vous avez les dossiers qui ont nécessité ou qui ont obtenu une décision positive ou négative du conseil d'administration. Mais dans les statistiques que je viens de vous indiquer...

Le Président (M. French): Ce sont des statistiques.

M. Deschênes:... c'est seulement les dossiers qui ont eu une réponse positive de la part du conseil d'administration et qui ont nécessité une mise de fonds.

Le Président (M. French): Je m'excuse.

M. Deschênes: Je disais donc, pour continuer à répondre à la question que vous me posiez, Mme la députée de Dorion, qu'en 1983-1984 et en 1982-1983, vous avez constaté que le nombre de dossiers reçus, qui ont reçu une réponse positive est, de 62 et 64 respectivement. C'est, nous le croyons, selon le cheminement que nous faisons actuellement, à peu près le nombre de dossiers que nous serions appelés à analyser et à recevoir positivement au cours d'une année qu'on peut appeler régulière. Nous estimons, par exemple, que l'année 1984-1985 va donner un nombre de dossiers à peu près identique.

Le capital-actions émis à la SODICC est actuellement de 16 000 000 $ sur un capital de 20 000 000 $. Nous sommes toujours en croissance. Le plan de développement 1985-1986 sur lequel nous travaillons va amener une nouvelle demande pour le ministre des Finances de participer de façon additionnelle au capital-actions. Ce seuil de 20 000 000 $ ne pourra pas être dépassé, bien sûr, puisque c'est fixé par la loi, mais nous croyons que ce seuil sera atteint et, si nous avions la possibilité d'aller au-delà, il serait dépassé en 1985-1986. Cela veut probablement dire que le conseil d'administration de la SODICC pourrait être amené à formuler au ministre responsable de notre société, le ministre des Affaires culturelles, M. Richard, une demande de révision de la loi en ce sens. Je vous dirais même que c'est une action qui est fort probable.

Mme Lachapelle: En réponse à ma deuxième question, est-ce que c'est un spécialiste qui analyse un dossier ou si c'est un comité? (11 h 15)

M. Deschênes: Je vais vous parler du cheminement du dossier. D'ailleurs, je m'excuse de ne pas avoir répondu à cette partie de votre question que j'avais bien comprise. Quand un dossier arrive à la société de développement des industries culturelles, il peut arriver de toutes sortes de façons, mais il y a, dès son arrivée, un analyste financier qui est identifié et qui a la responsabilité de porter le dossier jusqu'à son terme, c'est-à-dire de procéder à son analyse et de faire une recommandation. Dès que son analyse est faite, analyse qu'il fait avec son supérieur, le directeur des industries de la culture ou le directeur des industries des communications, selon le cas, et le vice-président, M. Bouthillier, qui est responsable des activités, le dossier, à ce moment, prend une forme qui est à peu près définitive pour le secteur des activités. Il est soumis à un comité de crédit, qui est un comité interne constitué essentiellement et seulement de membres de la SODICC; ce sont donc les deux directeurs des industries de la culture et des communications, le vice-président, le secrétaire et conseiller juridique, de même que l'analyste en cause.

Ce comité de crédit analyse le dossier qui lui est soumis par l'analyste, évalue la pertinence d'une participation financière de la SODICC et utilise également, pour son analyse, ce que nous appelons un "avis d'opportunité". Quand le dossier nous arrive, et je recule un peu en arrière, selon qu'il s'agit du secteur des communications ou du secteur des affaires culturelles, nous demandons au ministère concerné de nous indiquer l'opportunité du sujet en cause.

Je cite un exemple: S'il y a une demande de développement de logiciels dans un secteur particulier, par exemple, les didacticiels, pour prendre un cas plus précis qui sont des livres scolaires électroniques, nous allons nous adresser au ministère des Communications pour lui dire: Nous avons une demande devant nous d'une entreprise qui veut développer des didacticiels; est-ce que vous considérez que le Québec aujourd'hui requiert le développement de tels logiciels et, si oui, est-ce que vous considérez que le secteur plus précis de l'entreprise en cause doit être encouragé?

Cet avis d'opportunité nous est transmis par le ministère des Communications en l'occurrence et est aussi utilisé par le comité de crédit. Le comité de crédit, donc, en arrive à une recommandation qui est positive ou négative et, quelle que soit cette recommandation, elle est soumise au président-directeur général que je suis. Je fais l'analyse du dossier et, au besoin, communique avec le comité de crédit et son responsable, le vice-président, M. Bouthillier, et conviens d'une recommandation au conseil d'administration.

Maintenant, je vous parle d'un cheminement qui est plus théorique que pratique puisque dans les cas, le vice-président et moi-même nous nous voyons régulièrement et on n'a pas à préparer un programme de rencontres précises pour évaluer les dossiers. On s'en parle au début,

au milieu et à terme. Lorsque la recommandation du comité de crédit que j'ai entérinée est confirmée, elle est transmise au conseil d'administration. C'est le conseil d'administration qui prend toutes les décisions d'intervention ou de refus d'intervention dans un dossier particulier. Le conseil d'administration se réunit statutairement à tous les deuxièmes mercredis de chaque mois, sauf janvier et juillet. Ce sont des réunions statutaires et, au-delà des réunions statutaires, il peut y avoir des réunions spécifiques qui sont convoquées pour un sujet précis, par exemple le plan de développement, ou pour un cas plus pressant, plus urgent d'une entreprise qui requerrait notre aide financière.

Maintenant, le conseil d'administration a son comité exécutif qui, sur demande du conseil d'administration peut, entre deux rencontres du conseil d'administration, analyser des demandes particulières pour accélérer, dans certains cas, la décision sur certains dossiers.

Mme Lachapelle: Merci. Combien de temps dure la période d'analyse? Est-ce que l'entreprise doit attendre un certain temps? Je veux dire: Quels sont le minimum et le maximum d'attente?

M. Deschênes: En général, pour un dossier complet, si le dossier nous est entièrement transmis à une date déterminée, nous estimons que le temps requis pour le cheminement que je viens de vous indiquer est de 30 jours. En d'autres mots, si, le lendemain d'un conseil d'administration, un dossier nous était transmis, que tous les renseignements pertinents pour l'analyse étaient présents, il serait soumis au prochain conseil d'administration. Dans les faits, je peux vous dire que cela prend un peu plus de temps parce que les entreprises, évidemment, ne connaissent pas le genre de renseignements qu'on souhaite. Il y a des renseignements qu'on peut appeler traditionnels et conventionnels qu'ils nous transmettent, genre bilan financier de l'année actuelle et ceux des années antérieures, le bilan pro forma, les dépenses, les revenus, etc. Donc, en général, il y a une première rencontre avec l'analyste; il y une demande de renseignements supplémentaires à l'analyse du dossier et ensuite, on peut prendre en considération une période de trois à quatre semaines.

Je me permets aussi de vous donner un renseignement additionnel que je n'ai pas mentionné tantôt, ce que me signale mon vice-président, M. Bouthillier, en ce sens que le conseil d'administration a un seuil supérieur aux montants qu'il peut autoriser. Ce seuil est de 250 000 $. En d'autres mots, le conseil d'administration peut, de sa propre initiative et en vertu de ses pouvoirs, autoriser toute participation financière jusqu'à concurrence de 250 000 $. Au-delà de 250 000 $ il faut passer par le Conseil des ministres, donc acheminer au ministre des Affaires culturelles la recommandation du conseil d'administration; le ministre, qui est le juge approprié, soumet cette recommandation au Conseil des ministres. Je vous signale encore ici que ce seuil de 250 000 $ a été établi lors de la création de la SODICC, donc au printemps 1979. Le conseil d'administration, qui révise actuellement l'ensemble des règlements de la SODICC, juge que ce seuil devrait être élevé, compte tenu des montants qui sont actuellement requis par les entreprises pour une participation de notre part. Encore là, le conseil va acheminer dans les mois qui viennent une demande de modification aux règlements en cause afin de porter ce seuil de 250 000 $ à un montant plus élevé. Dans l'esprit du conseil, ce seuil devrait être de 500 000 $.

La création d'emplois

Mme Lachapelle: J'en arrive à ma dernière question. On parle souvent, même toujours de rentabilité culturelle et économique des industries. Est-ce qu'on se soucie aussi, lorsqu'on analyse les dossiers et lorsqu'on donne le feu vert pour le prêt, de la création d'emplois autour de cela, parce que c'est le mot à la mode ce temps-ci?

M. Deschênes: Nous nous soucions effectivement de la création d'emplois et nous essayons de faire en sorte que nos interventions puissent participer aussi à la création de nouveaux emplois et d'emplois permanents au Québec. Si on regardait de façon un peu plus détaillée - vous avez peut-être eu l'occasion de le faire à partir des documents qui vous ont été soumis - si on regardait de façon un peu plus particulière les dossiers sur lesquels nous sommes intervenus, vous constateriez qu'en vertu de la période économique difficile que nous avons vécue, en 1979, 1980 et 1981, nous avons été appelés à intervenir dans beaucoup de cas pour sauver des entreprises qui étaient en difficulté en raison des taux d'intérêt qui ont pris une direction assez dramatique et que vous avez connue, de sorte que, dans ces cas, ce ne sont pas des emplois nouveaux qui ont été créés, mais ce sont certainement des emplois qui ont pu être conservés. Nous avons certaines statistiques sur ce que le secteur culturel représente au niveau des emplois au Québec. Je ne sais pas si M. D'Astous a ces statistiques en mémoire.

M. d'Astous (Michel): Oui. Selon Statistique Canada, on estime qu'au Québec à peu près 80 000 personnes travaillent dans

des industries culturelles et que ce secteur, dans la création d'emplois, progresse à un rythme du double des autres secteurs industriels. Sur une période de dix ans, en effet, ce secteur a progressé de 76% par rapport à 36% pour l'ensemble de la main-d'oeuvre. C'est à peu près les chiffres que nous avons. On peut dire que l'investissement dans le domaine culturel est globalement plus créateur d'emplois que l'investissement dans les autres secteurs, puisqu'il n'y a à peu près pas d'équipement et que la majorité de l'investissement concerne les salaires et la création d'emplois. Ce ne sont pas nécessairement des emplois nouveaux, puisque, dans le secteur culturel, il y a beaucoup de "pigisme" et d'emplois temporaires, mais le poste important de l'ensemble des bilans concerne généralement les salaires.

Mme Lachapelle: Je pense que je vais redonner la parole à mes collègues.

Le Président (M. French): Pour enchaîner là-dessus, avant de passer la parole au député de Mille-Îles, qui l'a demandée, dans votre rapport annuel, vous avez fait mention d'une étude sur la rentabilité de la culture. Cela m'a hautement intéressé. Je me demande, puisque la députée de Dorion a posé la question, si cette étude sera disponible bientôt.

M. Deschênes: L'étude sur la rentabilité de la culture est en progression, et elle devrait être disponible au printemps 1985. C'est une étude, comme nous le disons dans le plan de développement, que nous souhaitons simple et nous ne voulons pas aller dans des statistiques très détaillées, minutieuses et fort difficiles à comprendre qui nous permettraient de dire que la culture est rentable. Nous croyons qu'elle est rentable. Nous avons des données que nous essayons de mettre ensemble pour former une équation qui serait certainement facile à comprendre pour l'ensemble du public et qui permettrait aux industries culturelles d'avoir, sur le plan économique, la place que ces industries méritent. Cette étude sera disponible au printemps 1985.

Le Président (M. French): On aura beaucoup d'occasions de parler de toute cette question qui est très importante. Je veux d'abord permettre au député de Mille-Îles de poser ses questions.

M. Champagne: M. le Président, je ne sais pas, il y a une tradition... On voudrait peut-être l'alternance. Je préférerais peut-être...

Le Président (M. French): On aura recours à la tradition lorsqu'elle sera invoquée, mais elle n'est pas invoquée; alors, allez-y s'il vous plaît, M. le député.

La vidéocassette

M. Champagne: Cela va. Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je veux remercier les représentants de la Société de développement des industries de la culture et des communications d'avoir accepté de se présenter devant nous. Je les remercie de nous avoir, au point de départ, envoyé une documentation très bien présentée que j'ai lue avec beaucoup d'attention, à savoir le rapport annuel: "C'est aussi une question d'affaires que la culture et les communications". Vous nous avez envoyé aussi votre politique financière et le plan de développement 1984-1985, entre autres. J'ai bien apprécié l'effort que vous avez fait pour nous donner le plus de renseignements possible. J'ai moi-même trouvé des choses intéressantes à découvrir. Vous n'existez que depuis cinq ans. Si vous n'existiez pas, il faudrait vous inventer aujourd'hui. La culture a un apport économique certain. C'est un stimulant à la création, je n'en doute pas.

Si on regarde ce que peut donner l'Orchestre symphonique de Montréal avec sa Place des Arts, avec ses tournées et la vente de ses disques, on dit: Bravo! Cela crée un essor économique important pour la ville de Montréal et la province.

Lorsqu'on parle aussi des grandes expositions du Musée des Beaux-Arts, c'est un apport économique, c'est de la création d'emplois et bravo! On pourrait prendre toutes les disciplines et on verrait que l'art, la culture, c'est cela qui fait marcher l'économie, entre autres. Je suis content de voir aussi un représentant du patrimoine. Lorsqu'on considère, entre autres, le Vieux-Montréal ou ici, le Vieux-Québec, ce sont des attraits touristiques les plus importants et c'est cela qui amène la création d'emplois et qui aide à l'apport économique.

Dans le domaine des communications, dans le domaine des logiciels, votre société a un rôle de premier plan ici au Québec, surtout parce que, depuis quelques années particulièrement, la culture anglophone américaine est très envahissante et très forte. La culture américaine est aussi un essor pour les Américains qui ont la puissance financière, qui ont aussi les artistes et le sens du marketing. Nous, ici au Québec, avons de la difficulté è contrebalancer ce géant américain. Bien sûr qu'on a un beau produit à exporter, un beau produit à produire ici au Québec. Hélas! On a une population de 6 000 000 et nous sommes environnés de 250 000 000 de personnes de culture américaine et anglophone. Ce n'est pas pour rejeter la culture américaine, loin de là! C'est un apport énorme. Mais votre société a été

bâtie aussi pour faire ressortir et aider d'une façon très spécifique toute l'industrie des arts ici au Québec, parce que souvent - c'est un commentaire que je fais - on pense que les arts, ce n'est pas une industrie. C'est une industrie aussi bien que les pâtes et papiers, la construction des automobiles et le reste. Je pense que l'industrie du disque, l'industrie du théâtre, l'industrie du cinéma, tout cela fait en sorte qu'on puisse propager notre culture qui est très belle et très enrichissante, la propager aussi en créant des emplois et en aidant à l'essor économique. (11 h 30)

M. le président, je voyais votre présentation, la SODICC, phase deux, à la page 5. C'est bien sûr que vous devez jouer, comme vous le dites, un rôle de "développeur" et vous parlez des champs d'intervention, que ce soit dans le logiciel -je ne veux pas m'y attarder, peut-être qu'on y reviendra ces jours-ci - l'audiovisuel et les moyens de diffusion, que ce soit la télévision payante et la câblodistribution.

Je vis dans un quartier de Laval où la vidéocassette a pris un essor effarant. Seulement dans le quartier de Duvernay, je pense qu'il y a certainement, au moment où on se parle, une vingtaine de distributeurs de vidéocassettes. Il y a un an et demi, peut-être qu'il y en avait deux ou trois. Je vous donne un autre fait. Je faisais partie d'un club international - ce n'est pas nécessairement pour faire de la publicité, ils étaient nombreux - et j'ai adhéré à un autre club. J'ai été un des premiers à adhérer à l'autre club et, en l'espace d'un an, il y a eu 1000 abonnés à ce nouveau club. C'est pour montrer l'essor de la vidéocassette. Ce que je déplore, cependant, c'est qu'il n'y a pas assez de traductions françaises, d'une part.

La question que je vais poser tout à l'heure à ce sujet est la suivante: Qu'est-ce que votre entreprise - la SODICC - a l'intention de faire pour la vidéocassette qui, aujourd'hui, est peut-être le moyen le plus populaire pour le cinéma, entre autres? Qu'avez-vous l'intention de faire pour la vidéocassette, que ce soit pour la traduction de films, que ce soit aussi... Lorsqu'on regarde le domaine des variétés, entre autres, on aura Michael Jackson, on aura les grands d'ailleurs et nos Québécois ne sont pas là. C'est une des premières questions: Qu'avez-vous l'intention de faire au sujet de la vidéocassette, particulièrement?

M. Deschênes: M. le Président, je pourrais peut-être répondre à la question, si vous me le permettez, par une réponse à deux volets précédée d'un préambule qui serait le suivant: La vidéocassette a effectivement pris une place très importante au niveau du consommateur aujourd'hui. Si on regarde, par exemple, les films de long métrage, les films de fiction ou autres documentaires de long métrage, le cheminement d'un film est maintenant le suivant: il est produit, évidemment, et, lorsqu'il est disponible, il est d'abord distribué en salle, les salles d'exploitation qu'on voit un peu partout dans nos cités et villes. La deuxième étape d'un film, c'est dans le marché de la vidéocassette, les endroits où on loue ces films qu'on peut voir chez soi selon les disponibilités. En troisième lieu, dans le cheminement, vient la télévision payante, le créneau de la télévision payante et, en quatrième lieu, la télévision conventionnelle. C'est donc le marché de la vidéocassette au sens des disponibilités au grand public et de la possibilité pour le grand public d'y avoir accès individuellement qui constitue le deuxième marché pour un film de long métrage. C'était le préambule que je voulais faire. C'est donc vous dire que je partage entièrement ce que le député de Mille-Îles vient d'identifier sur l'importance actuelle de la vidéocassette.

Nous faisons deux choses dans notre société. D'une part, il existe, comme vous le savez sans doute, la Société générale du cinéma. C'est une société qui investit sur des projets. Il est important de souligner le mot "projets" parce que nous, nous n'investissons pas sur des projets; nous investissons sur des entreprises. La Société générale du cinéma, elle, regarde aussi le marché de la vidéocassette puisqu'elle a comme mandat principal le film, le cinéma, l'industrie cinématographique. La Société générale du cinéma et la SODICC, en accord avec le ministre des Affaires culturelles, ont accepté de se partager un siège aux conseils d'administration respectifs de la Société générale du cinéma et de la Société de développement des industries de la culture et des communications. Ainsi, la présidente-directrice générale de la Société générale du cinéma, Mme Boisvert, est membre du conseil d'administration de la SODICC et le président-directeur général de la SODICC, que je suis, est membre du conseil d'administration de la Société générale du cinéma. Nous avons donc un mécanisme qui, dans les faits, s'avère fort important pour convenir ensemble des efforts de l'un et de l'autre et faire en sorte que ces efforts soient complémentaires et obtiennent de meilleurs résultats que si nous agissions seuls et indépendants sans la connaissance des efforts de l'autre.

Il y a donc une association de la Société générale du cinéma et de la SODICC qui se fait par le sommet, par notre présence respective aux conseils d'administration et, d'autre part, par des échanges que nous faisons aussi au niveau des deux administrations de la Société générale du cinéma et de la SODICC. Par exemple, le directeur de la planification chez

nous, M. d'Astous, est en contact quotidien, pour ne pas dire permanent, avec son homologue qui est à la Société générale du cinéma.

Les stratégies que la Société générale du cinéma développe, nous les discutons et nous apportons notre point de vue et, inversement, dans ses secteurs d'intérêt, la Société générale du cinéma critique les orientations que nous proposons et, au besoin, on corrige selon les commentaires qui nous sont fournis par cette société. Voilà pour le premier volet de l'aide ou de la participation que nous pouvons avoir pour le développement de la vidéocassette au Québec.

Le second, c'est que des entreprises peuvent venir nous voir et, dans certains cas, viennent nous voir pour développer des entreprises de vidéocassettes et, dans plusieurs cas, pour développer une activité complémentaire dans leur entreprise qui permet d'ajouter la vidéocassette à un ensemble d'autres activités qu'une entreprise peut avoir.

Quand nous avons identifié comme une de nos cinq priorités en 1984-1985 l'audiovisuel la stimulation du développement de produits audiovisuels au Québec, la vidéocassette y était incluse. Je n'ai pas de chiffres précis à vous indiquer pour la vidéocassette, sinon de dire que, dans le secteur de l'audiovisuel, nous avons des statistiques sur les montants consentis. Je serais incapable aujourd'hui de vous dire, de ce montant, quelle est la partie qui est allée à des industries qui voulaient développer la vidéocassette. Je peux vous dire, quand même, que c'est une nouvelle préoccupation, que c'est une activité qui a pris un essor auquel nous essayons de participer autant que faire se peut. En collaboration avec la Société générale du cinéma, je peux vous dire qu'il y a des actions intéressantes qui permettront à la vidéocassette de se développer, que ce soit dans l'industrie du film, là où je me suis arrêté particulièrement, ou dans d'autres secteurs comme celui du spectacle.

Le vidéoclip

M. Champagne: Justement, en parlant du domaine du spectacle, certains étrangers ont, quand même, envahi le marché québécois. Je pense à certains artistes comme Claude Dubois. Je voudrais savoir si vous avez pensé à faire de la promotion. Bien sûr, il faut que cela vienne des entreprises. Ma question est de savoir s'il y a des entreprises qui sont intéressées à faire de la promotion par le moyen du "vidéoclip" aussi, parce que c'est ainsi qu'on appelle un vidéo d'une longueur assez restreinte; donc, c'est une espèce de vidéocassette, mais assez restreinte pour faire de la promotion.

Connaissez-vous des entreprises qui sont intéressées aux vidéoclips afin d'aboutir éventuellement, dans le domaine du spectacle entre autres, aux vidéocassettes? Quel serait votre apport, vous autres, à ce moment-là?

M. Deschênes: Est-ce que je dois comprendre votre question, M. le député de Mille-Îles, comme portant, d'une part, sur le vidéoclip et, d'autre part, sur l'exportation des produits québécois en matière de spectacle?

M. Champagne: Oui, ce peut être cela. Actuellement, y a-t-il des entreprises qui sollicitent votre aide dans ce domaine?

M. Deschênes: Des entreprises qui le feraient au niveau du vidéoclip comme tel, non. Le vidéoclip, si vous me permettez de le définir au sens où nous le comprenons, est un outil de promotion pour des disques audio. Un vidéoclip qui originerait de quelque partie du disque enregistré permettrait de faire la promotion de ce disque et, donc, d'améliorer les ventes ou, à tout le moins, de le faire connaître au public et, possiblement, de faire partager la valeur du disque par le public et de faire en sorte que les ventes puissent se faire et être supérieures à ce que d'autres moyens de promotion auraient pu donner. Le vidéoclip en soi est donc un élément de promotion d'un produit qui est le disque.

Les vidéoclips actuellement, que ce soit aux États-Unis ou au Canada, ne sont pas des outils qui sont vendus; ce sont des outils qui sont distribués gratuitement aux stations de télévision, à quelques canaux spécialisés. On en a un au Canada qui s'appelle Much Music; il y en a un aux États-Unis qui s'appelle MTV qui, lui, diffuse en général ou presque continuellement des vidéoclips. Ces vidéoclips leur sont fournis par des producteurs de disques, des maisons de distribution de disques pour faire, évidemment, la promotion de leurs produits.

Pour répondre à votre question spécifiquement sur des industries de développement du vidéoclip, nous n'en avons pas encore au Québec, sinon que certains producteurs de disques s'intéressent à produire un ou des vidéoclips pour la diffusion de leurs produits. Dans ces cas, le vidéoclip fait partie de l'industrie, de l'ensemble des dépenses que doit consentir un producteur de disques, par exemple, ou un distributeur pour faire connaître son produit.

Dernier élément que j'ajouterai sur le vidéoclip: c'est un phénomène impressionnant quant à l'ampleur qu'il prend et quant à l'intérêt manifesté par le public pour ces éléments, ces documents audiovisuels. Nous sommes, avec la Société générale du cinéma, à analyser comment nous pourrions stimuler la production de vidéoclips au Québec et

comment nous pourrions aider les entreprises qui veulent se doter d'outils semblables, puisque la production d'un vidéoclip, comme vous le savez sans doute, est chère. Cela coûte beaucoup d'argent pour faire un vidéoclip intéressant. On connaît le cas typique du vidéoclip de Michael Jackson; cela a coûté plusieurs millions, pour ne pas dire au-delà de 10 000 000 $ pour produire un vidéoclip qui s'appelle "Thriller" et qui dure quinze minutes.

C'est évident qu'au Québec on ne peut produire des vidéoclips qui auraient, au niveau financier, une ampleur aussi élevée. Généralement, quand on parle de quelques milliers de dollars, c'est déjà beaucoup parce que le coût de production d'un microsillon au Québec, si on considère le marché local et extérieur, ne devrait pas, normalement, se situer au-delà, en moyenne, de 50 000 $. Si vous parlez de la production du disque qui est de 50 000 $, si vous parlez ensuite de la mise en marché et des outils de promotion, c'est évident que vous ne pouvez pas allouer des sommes astronomiques au vidéoclip.

Promotion des spectacles et

des produits québécois à

l'étranger

Pour ce qui est de la promotion des spectacles ou des produits québécois à l'étranger, nous faisons effectivement des efforts substantiels dans ce secteur. C'est l'une des priorités que nous avons, l'exportation des spectacles à l'étranger. Nous accueillons non seulement avec beaucoup de plaisir les entreprises qui viennent nous voir avec des projets semblables, mais nous essayons aussi d'aller les voir et de leur indiquer l'intérêt de la SODICC à développer leurs produits sur les marchés extérieurs et à entreprendre avec elles des démarches qui vont amener ces spectacles à être produits à l'extérieur. (11 h 45)

Je vous mentionne un exemple dans lequel nous avons été impliqués - puisque l'événement est passé - en 1984-1985, c'est celui du spectacle de Jean Lapointe en Europe, en France plus particulièrement. La SODICC a développé une intervention avec le producteur de M. Lapointe. Cela s'est avéré, jusqu'à maintenant, intéressant. Il faut considérer que, lorsque vous envoyez un produit ou un spectacle sur les marchés étrangers, c'est un phénomène qui prend plusieurs années. Vous ne pouvez pas espérer récupérer les sommes que vous investissez sur un marché comme l'Europe la première année. C'est généralement sur une base de trois ans que nous fonctionnons.

Pour reprendre le cas de M. Lapointe, il ira de nouveau en Europe au début de l'année 1985 et il ira aussi en 1986, à moins que des circonstances que nous ne prévoyons pas ne fassent en sorte que ce soit annulé. C'est donc un investissement sur plusieurs années.

Nous travaillons aussi avec d'autres artistes, d'autres producteurs pour les aider à développer l'exportation de leur produit, l'exportation de leurs spectacles. Ce que nous essayons plus particulièrement de faire, c'est créer une infrastructure permanente et universelle dans le sens que tous les artistes québécois pourraient y faire une demande et être aidés dans leur développement sur les marchés extérieurs. Il reste qu'il y a des producteurs qui ont ce que j'appellerais de bons artistes qui sont relativement bien connus au Québec et qui ont des chances de succès dans certains cas supérieures à d'autres artistes au Québec, et on pense à la relève particulièrement.

Nous voudrions, par les différentes expériences que nous sommes à constituer, et cela inclut celle de M. Lapointe, essayer de sortir une expertise et de créer un environnement qui pourrait être une société, une corporation qui permettrait à tout artiste au Québec d'aller faire une demande pour développer son produit, son spectacle sur les marchés extérieurs. Cette société pourrait, à partir des fonds qu'elle aurait récupérés dans des cas intéressants - par exemple, si les spectacles de M. Lapointe étaient financièrement intéressants, il y aurait des revenus qui iraient dans cette société - investir pour le développement de ce que j'appellerais les artistes de la relève ou d'autres artistes qui ont des difficultés financières à se présenter sur les marchés extérieurs.

Il faut que vous réalisiez que, quand vous envoyez un artiste en Europe, par exemple, pour un spectacle qu'on peut appeler normal, de quelques semaines, ce sont des montants d'investissement qui dépassent les 200 000 $. C'est donc très élevé et généralement les entreprises que nous avons là-dedans non seulement hésitent, mais, si elles avaient à y aller seules, le nombre de spectacles que nous pourrions exporter serait très infime.

M. Champagne: Je suis un peu du genre nostalgique. Je n'ai pas eu la chance d'aller au Forum pour entendre Beau Dommage, entre autres.

M. Deschênes: J'y étais, par exemple.

M. Champagne: Je suppose qu'on a filmé le spectacle; est-ce qu'on pourra l'avoir sur vidéocassette? Savez-vous s'il y a des entreprises qui ont l'intention de le diffuser?

M. Deschênes: Oui. Le producteur de Beau Dommage est effectivement une entreprise qui a mis ce spectacle sur

vidéocassette. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd'hui si la vidéocassette sera distribuée dans les points de vente ou les points d'accueil au Québec. Le spectacle est cependant enregistré et il pourra être ultérieurement passé à une société de télévision que vous connaissez, qui est Radio-Canada. Les contrats sont signés et connus, mais, en même temps, le produit est là et on évalue la possibilité de le distribuer dans les points de vente ou les points d'accès au Québec pour ceux qui veulent se produrer des vidéocassettes pour les entendre et les voir chez eux. C'est aussi une question de rentabilité, c'est une question d'évaluation du marché, mais le produit est là.

M. Champagne: Je voudrais entreprendre un autre domaine...

Le Président (M. French): À ce sujet-là, si vous me le permettez, M. le député, le dossier 265 dans lequel la SODICC est embarquée à 50% pour exporter un artiste québécois en France, est-ce que ce serait le type d'entente que vous avez avec Jean Lapointe? Est-ce que ce serait Jean Lapointe? Enfin, je ne vous invite pas à violer la confidentialité.

M. Deschênes: C'est effectivement le dossier de Jean Lapointe. D'ailleurs, ce n'est pas un renseignement confidentiel; M. Lapointe lui-même a mentionné, lors de certains de ses spectacles, la participation financière dont nous avions convenu avec son producteur, son entreprise, et la même chose pour son producteur. Le fait que ce soit le spectacle de M. Lapointe, il ne s'agit donc pas d'une participation financière confidentielle ou même d'un renseignement confidentiel. C'est effectivement une participation à 50% de notre part. Si vous regardez le montant de l'investissement qui est de 100 000 $, c'est donc un investissement de 200 000 $ qui a été consenti puisque nous avons investi à 50%. Ce qu'il faut ajouter en plus de ces montants, ce sont tous les éléments préparatoires dont a dû convenir le producteur, M. Jean-Claude L'Espérance, et que nous avons évalués avec lui à 50 000 $. Sa présence en France au printemps de 1984 a nécessité une participation financière de 250 000 $. Cette participation financière a amené des revenus. Vous avez certainement entendu parler du succès que M. Lapointe a connu. Ces succès se sont confirmés dans les rentrées financières, mais ces rentrées ne sont pas suffisantes pour combler l'investissement que nous avons consenti ou que le producteur a consenti avec nous. En fait, nous avons créé une corporation particulière qui est constituée à 50% de la SODICC pour ce qui est du capital-actions et à 50% de la société de M. L'Espérance et

M. Jean Lapointe. Cette société va vivre le temps requis jusqu'à ce que nous estimions qu'il faut y mettre fin. C'est certainement une vie que nous avons estimée, au départ, à trois ans et qui, après cette période de trois ans, devra être évaluée pour savoir ce que nous pourrions en faire.

Je vous rappelle ce que je vous disais tantôt, c'est qu'à travers cette expérience et d'autres expériences de spectacles ou d'artistes québécois que nous envisageons, avec les producteurs, de faire évoluer sur le marché européen, nous souhaitons avoir suffisamment d'expériences pour mettre sur pied une infrastructure permanente qui nous éviterait de faire du cas par cas, comme nous le faisons maintenant à défaut de pouvoir faire autre chose, et qui permettrait dans le temps de créer quelque chose qui va rester. Si on prend les spectacles individuels, M. Lapointe y va, c'est un succès, il revient. Si on ne fait rien d'autre que cela, c'est terminé. C'est une action qui n'a pas de suite dans le temps et qui permet à la relève, à d'autres, de participer aux expériences acquises dans le passé et de les utiliser.

Le Président (M. French): Là-dessus, M. le président, je vous remercie de vos renseignements qui sont fort intéressants. Il y a, cependant, quelque chose dans ce que vous avez dit qui me rend un peu inconfortable ou que je ne comprends pas totalement. Vous avez dit, d'une part, que c'était un succès. Vous avez dit, d'autre part, que les ristournes, les revenus étaient insuffisants, bien que je n'aie pas tout à fait saisi pourquoi. C'est inquiétant un peu dans le sens que vous voulez avoir une relation d'affaires, d'une part, vous participez à un succès, cependant, les revenus sont insuffisants. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Deschênes: Oui. Il y a effectivement une contradiction apparente entre un succès et des rentrées insuffisantes. Le succès, dans notre vocabulaire, au moins, en tout cas, pour les explications que nous vous donnons maintenant, cela veut dire que la présence de Jean Lapointe en France a été appréciée et que les billets se sont bien vendus. Ses spectacles ont été vus par les spectateurs en nombre suffisant pour que la salle soit remplie à un taux d'occupation que je ne me rappelle pas, mais je crois qu'il dépassait les 60% en moyenne. C'est donc, au sens du spectacle, un succès, mais l'investissement est très élevé au niveau de la promotion que vous devez faire pour faire connaître un artiste étranger dans un endroit où il n'est pas connu. Prenons l'exemple d'autres artistes: Deschamps est allé là à plusieurs reprises et, avant que cela devienne un succès financier, il a eu d'autres succès qui

étaient des succès de spectacle, mais qui n'étaient pas nécessairement un succès financier, au départ.

Dans le cas plus précis de M. Lapointe, nous avons évalué, avec le producteur, M. L'Espérance, que cela requerrait une présence de M. Lapointe sur trois années, et il y a une gradation. Vous commencez avec des salles qui sont un peu plus petites. Selon le succès du premier spectacle, vous allez dans une salle qui est un peu plus grande et, dans certains cas, cela va jusqu'à l'Olympia. Par exemple, dans le prochain voyage de M. Lapointe en France, il est prévu qu'il ira à l'Olympia. Il y a une gradation dans les salles qu'il va occuper, de même que dans la notoriété qu'il obtient auprès du public et généralement, après deux ans, dans la troisième année, nous réussissons à obtenir le succès financier au-delà du succès de spectacle.

Le Président (M. French): Vous y êtes pendant trois ans. Vous dites que, pour percer dans un marché étranger, il faut y retourner. Vous espérez et vous dites même compter sur le fait qu'à la fin des trois ans cela va être la réussite escomptée et qu'il y aura suffisamment d'entrées pour que la SODICC puisse entreprendre d'autres activités du genre.

M. Deschênes: C'est exact.

Le Président (M. French): Il y a une petite chose encore. Vous dites: Généralement, c'est le cas. Mais n'est-ce pas que nous ne pouvons pas vraiment le dire parce qu'il n'y a pas eu assez de cas vraiment pour comprendre ou pour être certain? Je n'essaie pas de vous coincer.

M. Deschênes: C'est vrai. Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que, lorsque vous allez sur les marchés étrangers européens, pour prendre le cas qui nous occupe, vous ne pouvez pas arriver avec un artiste québécois en France dont la notoriété est à peu près absente et espérer faire un succès commercial, financier et au niveau culturel du premier coup. Cela prend un certain nombre de présences. 11 faut que le produit, si vous me permettez d'associer le mot "produit" à un artiste, soit lentement présenté aux spectateurs français, pour ce qui est de la France, qu'ils s'y habituent, qu'ils l'apprécient. Il y a toute la promotion qui se fait entre deux spectacles, entre la première présence et la seconde, par exemple, avec les disques, les produits qui sont tirés du spectacle et qui permettent aux résidents d'un pays de continuer à le connaître. C'est la semence qui croît et qui fait qu'au deuxième spectacle c'est mieux et que, probablement, au troisième, ça se développe en une tournée des principales villes d'un pays, ce qui, à ce moment, peut s'appeler un succès garanti sur tous les volets.

Le Président (M. French): Juste un dernier commentaire. Je ne suis pas de ceux qui insistent sur l'adoption d'un vocabulaire, d'une analyse genre secteur privé, sauf que c'est la SODICC elle-même qui emprunte très généreusement et agressivement ce vocabulaire, cette approche. Donc, il faudrait bien comprendre quand on parle légitimement de succès en termes de secteur privé et d'un début de succès en termes de marketing, en termes d'investissement. C'est de ce dernier genre de réussite qu'on parle pour le moment, mais on espère, à long terme, avoir les deux.

M. Deschênes: C'est ça.

Le Président (M. French): Merci. M. le député de Mille-Îles.

Le disque

M. Champagne: J'ai un autre sujet et, ensuite, je céderai la place à une autre personne. Dimanche dernier, il y a eu le gala du disque qui a été présenté à Radio-Canada. Je pense qu'on pouvait, selon les commentaires qu'on a eus le lendemain et ce qu'on a vu à la télévision, penser que le gala lui-même a été un succès. On peut dire que c'est même un très grand stimulant pour l'industrie du disque. Mais, en dessous de cela, on s'aperçoit que la situation du disque au Québec est assez pénible. Je voyais ici, dans un journal: Dimanche soir, Céline Dion a reçu le trophée Félix pour avoir vendu le plus grand nombre d'exemplaires d'un même microsillon. C'était 76 000 exemplaires. On fait une correspondance... Lorsqu'on parlait de Ginette Reno, lorsqu'on parlait d'Angèle Arsenault, on parlait de vente de 300 000 copies. Lorsqu'on parlait de Chantal Pary, on parlait de 200 000 copies. Dans le temps de Beau Dommage, il y a plusieurs années, il y a dix, quinze ans, on parlait de 340 000 copies. Celle qui a gagné cette année, Céline Dion, c'était une vente de 76 000. On pourrait parler de certains autres. On parle justement de celui qui a aussi gagné, Daniel Lavoie, qui a vendu 30 000 copies. Je sais bien que le président de l'ADISQ, M. Michel Gélinas, ou M. Luc Plamondon, exprime à l'occasion le malaise, un malaise qui vient de l'invasion étrangère. (12 heures)

On parlait tout à l'heure de la culture américaine ou de la culture qui vient de l'extérieur. On dit que Michael Jackson a vendu au Québec, l'an passé, 600 000 exemplaires de son album "Thriller". Notre meilleur, nous, cette année, c'est 76 000 exemplaires. Culture Club a vendu 100 000

copies au Québec. Je suis inquiet comme beaucoup d'autres, malgré les beaux spectacles, malgré le gala du disque. Comme société, avec l'entreprise privée, avez-vous quand même des moyens, des orientations pour, enfin, changer la situation du disque qui, au Québec, actuellement est assez pénible? Quels sont les moyens que vous avez l'intention de prendre avec l'entreprise privée pour redresser cette situation, pour la corriger afin de revenir peut-être aux succès d'antan?

M. Deschênes: M. le Président, je me permettrai une réponse à plusieurs volets à cette question, parce qu'effectivement c'est une question fort complexe qui relève d'une constatation: le disque québécois est un produit qui, actuellement, est moins demandé qu'il ne l'a été dans le passé. Le premier commentaire que je ferai sera de suggérer, contrairement à ce que vous avez dit, M. le député de Mille-Îles, que le malaise n'est pas essentiellement dû aux produits étrangers. C'est un malaise qui frappe le produit culturel en général au Québec. Si vous regardez le théâtre, le spectacle, l'ensemble des activités culturelles au Québec, et le disque n'y échappe pas, la demande est beaucoup moins forte qu'elle ne l'a été dans le passé. C'est une question qu'on pourrait aussi expliquer en détail, mais je suggérerais qu'outre la concurrence du produit étranger il y a le fait que le produit culturel, pour toutes sortes de raisons que vous êtes probablement aussi bien en mesure que moi d'évaluer ou de mentionner, est moins en demande qu'il ne l'a été dans le passé.

Si on revient au cas du disque - ce sera le deuxième volet de ma réponse à votre question - le produit du disque, en général, dans le monde, a diminué au niveau de sa demande dans le temps et a subi un creux - on a les statistiques à la SODICC; je ne crois pas qu'on les ait ici - au niveau du nombre de disques vendus - j'inclus l'industrie américaine - creux qui se situe à peu près en 1981, sauf que, dans le cas de l'industrie américaine, le nombre de disques vendus a diminué, mais le volume, en termes de dollars, de revenus, n'a pas diminué de la même façon que le disque, ce qui veut dire que, lorsque l'industrie du disque aux États-Unis, pour prendre celle-là, avait un nombre d'exemplaires vendus inférieur en 1981 à celui de 1980, par le mécanisme du coût au détail, elle arrivait quand même à obtenir un volume d'affaires supérieur à l'année précédente, même si ce volume n'était pas aussi élevé qu'il l'aurait été si le nombre de disques vendus ou le nombre d'exemplaires vendus avait été supérieur.

Une reprise s'est faite aux États-Unis depuis cette année-là, de sorte qu'actuellement ils sont à peu près au niveau, en termes d'exemplaires vendus, des années 1978 et 1979. Il y a eu un creux; cela a repris.

Au niveau du Québec, nous ne pouvons pas avancer la même chose. Nous avons effectivement aussi connu des succès au niveau des exemplaires de disques vendus qui croissaient d'année en année. Nous avons eu la même désaffection, si vous me permettez l'expression, qui a été connue ailleurs dans le monde pour en venir maintenant à une situation difficile. La situation actuelle est. difficile, parce que les industries dans le domaine de la production et de la distribution du disque, ont de la difficulté au sens des liquidités requises. Lorsque vous regardez le type d'entreprises que nous avons, qui sont généralement des PME, a travers des années difficiles comme celles qu'elles ont passées, elles ont de la difficulté à avoir ce que l'appellerai des liquidités, un "cash-flow", si vous me permettez l'expression, qui leur permettent d'investir sur la relève, de sortir des sommes qui ne permettent un retour qu'à moyen et à long terme. Elles sont tellement prises avec leurs problèmes particuliers, quotidiens, actuels qu'elles n'ont pas la possibilité d'investir.

Si vous regardez, par exemple, actuellement la relève au Québec, vous n'en voyez pas beaucoup pour le disque. Au gala de l'ADISQ, la révélation de l'année était Martine Chevrier. Elle est effectivement une artiste de la relève. Mais si vous regardez l'ensemble des personnes classifiées comme étant de la relève actuellement au Québec, il n'y en a pas beaucoup, alors que, dans les années précédentes, il y en avait beaucoup plus. Pour cela, il faut que des producteurs soient capables d'investir sur des artistes qu'ils estiment avoir un potentiel intéressant pour les développer et les présenter. C'est une situation qui n'est certainement pas heureuse pour eux.

Maintenant, à la SODICC, nous avons modifié dernièrement notre façon d'agir sur cette question. Jusqu'à tout récemment, nous intervenions au niveau d'entreprises qui avaient - on parle de la production de disques - plusieurs produits. Par exemple, une entreprise avait un artiste A, un artiste B, un artiste C et ainsi de suite, mettons six ou sept artistes, pour prendre une expression du métier, une écurie relativement importante. Maintenant, plusieurs producteurs n'ont qu'un seul artiste. Cela devient une société qui est plus une corporation d'un projet qu'une corporation susceptible de se développer et, effectivement, d'avoir un effet structurant pour l'industrie. Nous avons donc révisé notre façon de voir pour essayer de pallier à cette difficulté que je vous mentionnais tantôt de liquidités pour considérer dorénavant des corporations et des entreprises qui auraient un seul produit.

Vous avez mentionné - je pense que

c'est vous, M. le Président - Claude Dubois tantôt. Pour vous nommer un cas: si Claude Dubois avec son producteur avait une entreprise qui s'appelait Les productions Claude Dubois et que le seul artiste dans cette entreprise était Claude Dubois, s'il voulait venir chez nous pour endisquer certaines de ses chansons, nous accepterions de regarder son dossier, alors que nous aurions refusé auparavant. C'est certainement chez nous l'effet le plus déterminant qui pourrait modifier la structure actuelle de l'industrie au Québec et possiblement faire en sorte que de plus nombreux produits d'artistes québécois soient endisqués au Québec et rendus disponibles pour le marché québécois.

Le Président (M. French): Me permettez-vous d'intervenir là-dessus, M. le député? Vous reviendrez après. Je veux seulement être certain que j'ai compris ce que je viens d'entendre. C'est en quelque sorte un recul puisque, auparavant, on espérait un effet structurant de la part des compagnies ayant une écurie de plusieurs artistes; on espérait qu'on pourrait, en vertu d'une ou deux réussites, en amener d'autres à faire du financement de risque pour d'autres artistes. Maintenant, on se rend compte que la situation est tellement difficile, telle qu'on la décrit de part et d'autre, qu'il ne faudrait pas conserver encore ces espoirs. Maintenant, il faut sauver même nos artistes relativement forts. Je n'essaie pas de vous faire dire des choses que vous ne voulez pas dire, mais je veux être certain que j'ai compris.

M. Deschênes: Vous avez bien compris mon intervention, M. le Président. De là à classer cela comme un recul, c'est certainement un recul dans le sens que c'est une situation qui existait au début, qui s'était modifiée et qu'on aurait espéré ne pas devoir être modifiée dans le sens de revenir au point de départ. Sauf que, si nous ne faisons pas cela maintenant - nous l'avons constaté - nous avons craint que les artistes québécois n'aillent auprès d'entreprises étrangères, des multinationales, pour se faire endisquer parce qu'elles, les entreprises multinationales, ont, évidemment, des liquidités supérieures à l'ensemble de nos industries québécoises. Dans ce sens, l'intervention de la SODICC, au niveau que je vous indiquais tantôt, permet à des entreprises québécoises de continuer à endisquer des disques, permet à certaines entreprises de partir avec un artiste et, possiblement avec le succès, d'en venir à deux, trois, quatre et cinq artistes dans les années suivantes et, là, d'obtenir aussi un niveau structurant dans l'entreprise et dans le secteur concerné.

M. Champagne: En parlant tout le temps de ces moyens qu'on devrait mettre sur pied pour aider l'industrie du disque, est-ce que ce serait une bonne chose, entre autres, d'avoir aussi au Québec au moins une presse pour la production des disques? Je me suis laissé dire que, même au Québec, on n'avait pas de presse. On devait aller en Ontario pour faire presser nos disques québécois. Est-ce que je me trompe, M. le président?

M. Deschênes: C'est exact. Il n'y a pas actuellement au Québec d'usine de pressage de disques. Il y en avait une qui a abandonné ses activités, il y a quelques années. Nous avons à la SODICC - c'est le cas de mon prédécesseur et de l'administration qui m'a précédé - analysé cette situation parce qu'il y avait effectivement une préoccupation qui s'est manifestée, à savoir qu'on devrait normalement essayer de presser au Québec nos produits, les produits québécois, et peut-être faire en sorte que les produits de l'extérieur du Québec viennent se faire presser au Québec à l'usine de pressage. Toutes les études que nous avons faites indiquent - et nous les avons faites dans certains cas avec le concours ou la collaboration du ministère des Affaires culturelles - que nous ne pouvions pas espérer dans la situation actuelle du disque au Canada et ailleurs construire une usine rentable de pressage au Québec, de sorte que les projets ont été abandonnés faute de rentabilité. Effectivement, les entreprises québécoises vont en Ontario actuellement.

Il y a un nouveau type de disque qui est susceptible d'apparaître sur le marché bientôt; c'est ce que nous appelons le disque compact qui est un disque, comme le terme l'indique, tout petit, dont la lecture se fait au laser et qui a des caractéristiques de qualité assez impressionnantes. C'est démarré en Europe et au Japon. C'est démarré en Europe en vertu du développement technologique en cette matière par Philips et au Japon par Sony. Il y a une usine de pressage de disques compacts qui est en train d'être développée aux États-Unis et on considère en développer une au Canada. Ce nouvel élément vient encore davantage rendre la rentabilité d'une usine de pressage conventionnelle plus précaire et plus difficile à atteindre, de sorte qu'à moins de circonstances ou d'un goût que nous ne pourrions pas prévoir du public pour le produit québécois il est assez peu probable que nous puissions développer une usine de pressage de disques conventionnels au Québec. L'usine de disques compacts, c'est différent, même s'il s'agit d'une industrie qu'on pourrait qualifier de manufacturière par rapport à une industrie qu'on peut appeler plus de type culturel. Comme notre mandat l'indique, nous étudions avec

beaucoup d'intérêt l'éventualité d'une usine de disques compacts au Québec. Sur cette question, nous développons les projets ou discutons avec le gouvernement fédéral, d'une part, avec l'entreprise privée et le gouvernement du Québec, d'autre part, puisque, s'il y a une usine de disques compacts au Canada, il y en aura seulement une et il faudra que cette usine presse non seulement les disques canadiens, mais également qu'elle presse les disques qui viennent de l'étranger, pour être rentable.

M. Champagne: Ce sera un commentaire que je ferai. Je déplore qu'actuellement on presse nos disques ou notre production québécoise ailleurs. Je vais souhaiter, considérant la nouvelle technologie, qu'on implante ici au Québec ces disques compacts, ces disques au rayon laser. Là-dessus, je vais laisser la parole à un autre de mes confrères. J'interviendrai sur d'autres sujets.

Le Président (M. French): Je voudrais dire d'abord qu'à la suite de la demande de Mme la députée de Dorion nous suspendrons vers 12 h 30 pour reprendre après les affaires courantes. On s'excuse auprès de nos invités parce qu'on ne sait jamais quand se terminent les affaires courantes. Cela dépend de l'esprit des parlementaires et du nombre de motions sans préavis qui seront présentées.

Comme nous avons encore une quinzaine de minutes, je voudrais revenir sur un point. Le président-directeur général a dit qu'une des raisons... Excusez-moi, monsieurl Si vous voulez avoir une conversation, pouvez-vous aller la faire ailleurs? Le président-directeur général a dit que son intervention dans le domaine des investissements dans les compagnies qui étaient en affaires avec un seul artiste voulait, entre autres, empêcher que ces artistes n'aient nécessairement recours aux compagnies multinationales. J'aimerais savoir, puisque ce n'est pas nécessairement tout à fait évident, quel serait le danger d'un tel recours pour ces artistes et, plus particulièrement, parce que je pense que c'est important, quelles seraient les implications pour d'autres artistes québécois de la relève, dont il est question d'une façon importante. (12 h 15)

M. Deschênes: Je ne sais pas si j'utiliserais le mot danger. J'utiliserais certainement le terme difficulté pour l'industrie autochtone, pour l'industrie québécoise. Un des objectifs que la SODICC poursuit, c'est de faire en sorte, autant que faire se peut, que la grande majorité des industries culturelles au Québec soit la propriété de Québécois et de Québécoises.

Quand vous avez des artistes qui, pour des circonstances précises et très bien identifiées dans le temps, sont susceptibles de modifier leur façon de faire et d'aller travailler avec des multinationales, donc des entreprises qui sont de propriété étrangère, nous intervenons non pas pour faire hausser la mise, mais pour leur dire: Si votre intérêt, comme vous l'identifiez dans certains cas, est de travailler avec une entreprise québécoise, nous sommes disposés à vous aider dans ce sens-là. Mais nous ne faisons pas de surenchère en disant: Nous allons vous donner de meilleures conditions qu'une entreprise, soit-elle multinationale, puisse vous donner.

Il y a certainement une condition que nous allons mettre dans ces cas-là, puisque je vous disais que c'était une nouvelle orientation - nouvelle voulant dire récente -les producteurs ou les artistes qui auront une participation de notre part devront faire affaires avec un distributeur québécois par la suite. C'est une des conditions que nous inclurons dans la participation financière de la SODICC. Cela veut dire que l'artiste pourra choisir entre trois ou quatre distributeurs, soit à peu près le nombre qui existe au Québec, mais il n'aura pas le loisir d'aller se faire distribuer par une multinationale, évidemment. Lorsque vous regardez la production, vous voyez que la production est une chose. C'est la partie de la distribution qui a un élément très important sur une entreprise.

Le Président (M. French): Là-dessus, M. le président, vous me permettrez de poursuivre parce que je pense que c'est important. D'une part, je peux imaginer qu'une multinationale peut inviter un artiste à s'impliquer dans une carrière dont le contenu serait moins québécois et moins intéressant pour les Québécois que si l'artiste était produit et géré exclusivement par des intérêts québécois. Je trouve que c'est une préoccupation très légitime, encore que je ne sache pas si c'est une préoccupation réelle, c'est-à-dire que je ne sais pas si les multinationales ont intérêt à le faire.

D'autre part, je peux imaginer cependant que les multinationales auraient un meilleur rayonnement à l'extérieur du marché québécois, peut-être des capacités techniques supérieures dans certains domaines. Avec, par exemple, l'importance du vidéoclip que vous avez évoquée, l'importance de la nouvelle technologie, peut-être les multinationales sont-elles plus en mesure d'aider un tel artiste. J'aimerais raffiner ces questions parce que cela m'intéresse et que cela se situe, à mon avis, au coeur de la problématique que vous avez évoquée tantôt ou que le député de Mille-Îles avait lui-même évoquée.

M. Deschênes: C'est exact. Vous

soulevez le volet du rayonnement étranger d'un artiste qui aurait endisqué au Québec. Ce que j'ai mentionné tantôt, c'est le volet du marché québécois. Bien sûr, si vous voulez rayonner à l'extérieur du Québec, dans la majorité des cas, vous devez faire affaires avec une entreprise qui n'est pas une entreprise québécoise au sens des entreprises dont on parlait tantôt. Je vous donne un exemple: vous êtes sans doute au courant du Groupe Musique Experts, mieux connu sous le nom de Kébec Disques, qui a ouvert une porte, si vous voulez, une vitrine en France et qui s'est associé, pour ce faire, à RCA.

Le message que je veux passer est qu'il y a des entreprises québécoises qui sont intéressées, lorsque leurs produits permettent des débouchés intéressants sur les marchés étrangers, à s'associer avec d'autres entreprises qui sont, dans la presque totalité des cas, des entreprises étrangères au sens de Québec et qui sont tout à fait intéressées à distribuer ce produit. Maintenant, quand il s'agit de la production comme telle, ce que je mentionnais comme condition tantôt, c'est évidemment la condition de la distribution au Québec et non pas la distribution sur les marchés étrangers.

Le Président (M. French): Donc, le fait d'être produit par des intérêts québécois ne devrait pas, en principe, empêcher le rayonnement à l'extérieur du Québec.

M. Deschênes: Absolument pas.

Le Président (M. French): Cela devrait, cependant, permettre à l'artiste de s'exprimer en tant que Québécois tout librement, puisqu'il n'y a pas d'intérêt commercial à faire autrement, au moins, en principe, permettre une meilleure compréhension de la part des entités corporatives en question, parce qu'elles sont québécoises.

N'avons-nous pas, cependant, un problème d'économie d'échelle? N'est-ce pas à travers les multinationales ou à travers un rayonnement international systématique, que nous allons réussir à éviter l'éternel problème d'un manque d'économie d'échelle pour la promotion des vidéoclips, etc., à cause de la petitesse du marché québécois?

M. Deschênes: C'est effectivement non seulement un problème, mais une constatation que l'exiguïté de notre marché est telle que, dans la presque-totalité des cas, il est difficile de croire que nous pourrons avoir une industrie qui serait repliée sur elle-même et limitée au Québec. Il faut que les produits culturels que nous avons -cela vaut pour le disque et cela vaut pour d'autres produits culturels aussi; je pense aux livres que M. Vaugeois connaît bien; je le salue en passant, si vous me le permettez, puisque c'est mon ancien patron...

Le Président (M. French): Et le mien!

M. Deschênes: Dans la majorité des produits culturels, l'exiguïté du marché québécois est telle qu'il faut penser à l'exportation, qu'il faut penser aux marchés étrangers. C'est avec cette préoccupation que nous essayons de développer, pour les entreprises québécoises et leurs produits, l'ouverture de marchés étrangers. C'est certainement une opération qui va nécessiter beaucoup d'efforts et plusieurs années. On ne peut pas espérer faire cela immédiatement. Je pense que dans le secteur du livre, pour le reprendre, cela fait plusieurs années qu'il y a des efforts là-dedans. Des efforts ont été heureux dans certains cas et moins dans d'autres, mais il reste que c'est une entreprise de longue haleine.

Le Président (M. French): M. le député de Trois-Rivières vient de se joindre à nous. Je pense que je parle au nom de tous les membres de la commission pour vous souhaiter la bienvenue et vous dire que vous êtes libre de poser toutes les questions que vous voulez.

M. Vaugeois: Une très courte question. Vos questions à vous me suggèrent la question suivante: Est-ce qu'on a fait une étude sur les premiers tirages d'un produit culturel dans des pays où les marchés sont considérables, par exemple aux États-Unis ou en France? Notre marché est petit, mais il est assez homogène. Quand on lance un roman qui a de l'allure, on a des chances de bien le vendre partout au Québec. Cela fait un marché restreint, qui va réagir à peu près de la même façon à ce roman, de telle façon qu'on le tirera à 2000 ou 2500 copies et on a des chances de le vendre s'il est bon. Est-ce qu'aux États-Unis les tirages d'un premier roman sont beaucoup plus élevés quand ce n'est pas un auteur connu, quand ce n'est pas un roman qui a tout un battage publicitaire? En France, quels sont les premiers tirages? Je le dis pour le livre, mais la question vaudrait pour tous les produits culturels en général.

Évidemment, ma question suggère qu'il n'y a pas une si grande différence que cela, que même si le marché est 10 fois ou 20 fois plus considérable, la prudence du producteur est la même. Donc, ma question est celle-ci: Est-ce qu'on a regardé cela? Est-ce qu'on a comparé les premiers tirages d'un produit culturel ici et dans des marchés plus considérables?

M. Deschênes: À ma connaissance et à la connaissance de la SODICC, de telles études n'ont pas été faites, mais je retiens

cette suggestion. C'est effectivement très intéressant; nous allons essayer de voir si on ne pourrait pas comparer les premiers tirages, comme vous les appelez, avec ceux qui se produisent à l'extérieur, que ce soit dans le disque, dans le livre ou dans d'autres cas comme la vidéocassette. Je dois malheureusement vous dire que nous n'avons pas de données qui seraient susceptibles d'éclairer la commission sur cette question.

Le Président (M. French): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme la députée de Dorion m'indique qu'elle est prête à partir, je pense.

Des voix: Ah

Le Président (M. French): Je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes.

Merci, mesdames et messieurs.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise de la séance à 15 h 22)

Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous plaît! II faut noter que la documentation touchant le personnel de la SODICC que j'ai demandée, comme membre de la commission, a été photocopiée et qu'elle sera déposée et distribuée à tous les membres de la commission.

Au moment de la suspension de nos travaux, nous en étions à donner la parole au député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Tout d'abord, un mot pour saluer les invités témoins qui sont devant nous. C'est une première expérience que nous vivons. J'espère que, de cette façon, nous pourrons contribuer aussi humblement que ce soit à la valorisation du rôle des parlementaires.

Il est bon de situer au tout début, peut-être, comment s'insère cette rencontre entre les responsables d'un organisme public, tel que la SODICC, dans le rôle que nous, députés, avons à jouer. Nous le faisons dans un esprit constructif, nous le faisons de façon à représenter les électeurs et les électrices. Il est de notre devoir, et la réforme parlementaire était dans ce sens, de demander des comptes, de vérifier des résultats et de faire préciser des orientations. Nous le faisons dans un esprit positif, nous le faisons pour que les choses aillent mieux et nous le faisons de façon à obtenir des réponses qui nous paraissent nécessaires pour bien servir la collectivité.

Sans aller plus loin en ce qui concerne ce sujet, d'abord, je prends prétexte de la distribution des documents qui vient de nous être faite pour demander au président de la SODICC quel est le montant consacré par la SODICC, pour la dernière année financière, pour l'administration proprement dite: paiement de personnel, location de locaux, administration d'une façon générale de l'organisme lui-même. Quel montant est consacré à cela?

Bilan financier

M. Deschênes: Les frais d'exploitation pour 1984-1985 - ily a donc une partie qui est une prévision puisqu'on a seulement une partie de l'année de réalisée - sont de 1 396 875 $.

De plus, je peux vous dire qu'à ce jour, si je prends le bilan financier au 30 septembre 1984, au niveau des dépenses, nous sommes rendus à 763 250 $. Donc, nous sommes en deçà des prévisions qui nous auraient normalement amenés à 910 380 $. Donc, une différence d'à peu près 140 000 $ en positif.

M. le député, je dois vous dire que, compte tenu du bilan dans lequel vous avez sûrement constaté un déficit cumulatif relativement élevé, nous avons pris des mesures sévères pour non seulement éviter de l'augmenter, vu que le financement est difficile dans une société comme la nôtre, mais pour essayer de le réduire, de sorte que les prévisions que nous avons dans le budget pour 1984-1985 indiquent qu'au pire il n'y aura ni déficit ni surplus.

M. Doyon: Ce montant de 1 396 875 $ que vous prévoyez pour l'année 1984-1985, en admettant - ce qui semble peu probable -qu'il soit dépensé, comment cela se compare-t-il avec l'année financière 1983-1984?

M. Deschênes: Au niveau de l'année 1983-1984, les frais d'administration ont été de 1 004 402 $.

M. Doyon: Voulez-vous répéter? M. Deschênes: 1 004 402 $.

M. Doyon: Donc, il y avait une augmentation de près de 400 000 $ au niveau des prévisions.

M. Deschênes: C'est cela.

M. Doyon: Toujours au niveau des prévisions, qu'est-ce qui motivait cette augmentation de 40%?

M. Deschênes: C'est essentiellement un chose, soit le passage de notre société d'un capital d'environ 10 000 000 $ au début de l'année 1983-1984 à un capital qui sera de 16 000 000 $ à la fin de 1984-1985 et qui devrait augmenter au maximum à

20 000 000 $ pour l'année 1985-1986. Cela nous a amenés à recruter un personnel supérieur à celui qu'on avait, évidemment. Maintenant, on a 21 personnes dont une à temps partiel et il y a tous les frais qui accompagnent le personnel.

M. Doyon: Pour être plus précis, le personnel régulier est passé de combien à combien depuis cette augmentation du budget que vous indiquez comme étant de 10 000 000 $ à 16 000 000 $?

M. Bouthillier (Guy): Je croirais que c'était 17 ou 18 à la fin du dernier exercice.

M. Doyon: Par rapport à?

M. Bouthillier: 20, plus une personne à demi-temps.

M. Doyon: Quelle est la proportion de ces 1 400 000 $ en frais d'administration consacrée à la rémunération du personnel?

M. Deschênes: Pour l'année 1984-1985 ou l'année 1983-1984?

M. Doyon: 1984-1985.

M. Deschênes: Je vais être obligé de faire une règle de trois et vous le donner au 30 septembre 1984. Au 30 septembre 1984, il serait de 349 000 $. C'est pour six mois; il faut donc multiplier par deux et cela ferait 698 000 $.

M. Doyon: Étant bien entendu que, selon les renseignements que vous m'avez fournis tout à l'heure, les montants qu'on avait prévu dépenser pendant l'année 1984-1985 ne l'ont pas été en date du 30 septembre 1984.

M. Deschênes: Oui, oui, c'est cela. Je vous donne les prévisions budgétaires. C'est cela.

M. Doyon: Cette proportion, qui m'apparaît être de l'ordre de 1 pour 10, ou à peu près, entre le budget administré de 16 000 000 $ et les frais de fonctionnement, a-t-elle été à peu près constante depuis que la SODICC existe? Vous me dites que vous prévoyez avoir un budget de 16 000 000 $ pour...

M. Deschênes: Nous avons actuellement un capital émis de...

M. Doyon: Un capital, pardon. M. Deschênes:... 16 000 000 $.

M. Doyon: Un capital de 16 000 000 $.

M. Deschênes: Nous allons demander, comme je l'indiquais ce matin aux membres de la commission, pour l'année 1985-1986, à partir du plan de développement sur lequel nous travaillons, que le ministre des Finances prenne des actions additionnelles pour les 4 000 000 $ que prévoit la loi. Cela nous amènera à 20 000 000 $. Nous avons actuellement une structure qui nous permettrait d'aller au-delà de 20 000 000 $. Je parle du personnel et des outils que nous avons. Nous avons fait un saut pour passer d'un niveau à un autre et c'est probablement ce qui pourrait le mieux à mes yeux - en tout cas maintenant, à moins que je ne fasse des recherches additionnelles une fois rendu à mon bureau - expliquer les différences de niveau entre le début de l'année 1983-1984 et la fin de l'année 1984-1985.

M. Doyon: En fait, ce que vous me dites, c'est que, compte tenu de l'équipement que vous avez en ressources humaines, de même probablement qu'en équipement d'autre nature, en matériaux et en immobilisation, vous seriez en mesure d'administrer une capitalisation d'au-delà de 20 000 000 $.

M. Deschênes: Oui.

M. Doyon: Avec les ressources dont vous disposez actuellement.

M. Deschênes: Oui, il est possible que nous passions à 21 ou 22, c'est-à-dire que nous ajoutions une personne ou deux, mais nous avons une structure qu'on peut appeler relativement permanente dans le sens qu'elle devrait répondre à des besoins additionnels, s'il y en avait, sans nécessiter une croissance du personnel.

M. Bouthillier: Si vous me le permettez, concernant les questions auxquelles vous référez, on a dans le rapport annuel, le document qui vous a été déposé, à la page 19, une ventilation des frais d'administration. Cela peut répondre à certaines de vos questions.

Quant à votre dernière question sur le rapport ou le ratio qu'on pourrait établir entre nos dépenses d'administration et le capital qui nous est versé, on pourrait dire, sur la base des chiffres qui sont ici, qu'en 1983 et 1984 le même ratio s'est maintenu, alors qu'il baisse sur les bases budgétaires de 1984-1985; le ratio est moins élevé des dépenses d'administration par rapport au capital émis.

Taxe provinciale sur les vidéocassettes

M. Doyon: M. le Président, sur un autre sujet, à la suite d'une série de questions de mon collègue de Mille-[les concernant les

cassettes vidéo, etc., j'aimerais savoir si vous, à SODICC, vous avez déjà fait une étude en ce qui concerne l'impact de la taxe provinciale sur la circulation des cassettes. Est-ce que ça a un impact quelconque que vous avez pu évaluer et que vous avez eu l'occasion de déterminer, cette taxe sur les cassettes vidéo au niveau de la production, au niveau de la création? Est-ce que vous avez des commentaires à faire à cette commission parlementaire en ce qui concerne cette taxe particulière sur laquelle nous avons déjà eu l'occasion d'interroger le ministre des Communications? Nous avons tenté de savoir quel était le fondement autre qu'une source de revenus supplémentaires pour le gouvernement, quel était le fondement de cette taxe sur les cassettes vidéo.

Je profite de l'occasion de votre passage ici pour vous demander si vous avez des commentaires à ce sujet. Est-ce que vous considérez, sans porter de jugement politique, que cette taxe peut avoir un certain effet négatif ou si l'effet est neutre, quel qu'il soit, en ce qui concerne la création, la production, etc?

M. Deschênes: Vous parlez bien de la taxe sur les cassettes vierges qui sont utilisées pour faire de la production, vous ne parlez pas de la taxe de vente de 9%.

M. Doyon: Non, pas de celle-là.

M. Deschênes: Pour répondre à votre question, nous n'avons pas fait d'étude sur l'incidence d'une telle taxe sur les coûts de production et sur ce que j'appellerais la concurrence de nos produits une fois tous ces éléments considérés dans le prix de revient d'un produit audiovisuel. Je ne suis donc pas en mesure de vous donner des éclaircissements sur cette question. Nous n'avons pas, non plus, réfléchi à la question de cette façon pour savoir si, à nos yeux, compte tenu de l'expertise que nous avons, cette taxe peut être difficile pour l'industrie ou pourrait même être un danger au niveau de la concurrence. Je regrette de ne pouvoir vous donner plus d'information sur ce point.

M. Champagne: Excusez, M. le député de Louis-Hébert, j'aimerais comprendre si c'est la fameuse taxe de 2 $...

M. Doyon: C'est cela.

M. Champagne:... sur l'achat de cassettes vierges.

M. Doyon: Les cassettes vierges. M. Champagne: C'est cela... M. Doyon: Oui, oui. C'est cela.

M. Champagne:... le sens de la question. D'accord.

M. Doyon: Si je comprends bien, M.

Bouthillier, votre avis n'a pas été sollicité par le ministre des Communications à ce sujet, non plus.

M. Deschênes: D'abord, M. Bouthillier... M. Doyon: Ah! Pardon, je m'excuse.

M. Deschênes:... pourra peut-être répondre à votre question plus directement. Je n'ai pas d'objection, absolument pas, à ce que vous vous adressiez aux autres membres.

M. Doyon: Je me suis trompé de nom, tout simplement.

M. Deschênes: Non, mais écoutez, de toute façon, on est là ensemble pour essayer de vous donner le plus d'information possible et, inversement, pour recevoir de votre part le plus de commentaires qui pourraient nous aider à améliorer nos activités.

Je dois vous dire que, sur cette question, me semble-t-il, le ministre des Affaires culturelles était plus concerné que le ministre des Communications. On se réfère à la loi 109 et à la Loi sur le cinéma. Je vous donne cet élément présent à mon esprit, mais, personnellement, au sens de la présidence de la société que je dirige, compte tenu que cette loi et ces discussions, en tout cas, ont précédé mon arrivée, cela n'a pas fait l'objet de discussion. Je mentionnais ce matin, et je le répète maintenant, que nous avons une coopération assez étroite entre la Société générale du cinéma et notre société. La Société générale du cinéma, elle, a été très étroitement associée au projet de loi 109 sur le cinéma.

Comédie nationale

M. Doyon: M. le Président, j'aimerais passer un revue un certain nombre de projets spécifiques qui nous sont soumis dans le cahier que la SODICC nous a fait parvenir. J'aurais un certain nombre de questions à poser en ce qui concerne certains projets spécifiques. Je voudrais, tout d'abord, vous référer à ce qui est identifié comme le dossier 14-B, Comédie nationale, où on indique qu'il y a eu un prêt de 175 000 $ consenti le 7 avril 1981. On dit qu'il est en récupération depuis le 31 mai 1982, avec un solde dû de 198 000 $. L'explication est donnée en disant qu'il s'agit d'un "prêt pour financer la perte d'opération de Starmania. Par la suite, un financement additionnel, dit-on, pour refinancer cette dette et payer des excédents de construction n'a pu être réalisé. La bâtisse fut reprise par le créancier de premier rang et vendue à perte. "

Est-ce que vous pourriez nous dire, lorsque vous dites que le montant est en récupération, si cela est une façon d'expliquer que ce montant est en "collection", que vous avez des avocats? Est-ce que vous avez, premièrement, un service juridique à la SODICC qui s'occupe de récupérer ou d'obtenir le paiement des engagements financiers qui sont consentis par vos partenaires?

M. Deschênes: Oui. Nous avons un secrétaire de la société, qui est en même temps le conseiller juridique, qui est accompagné d'un autre avocat.

Maintenant, au niveau du cheminement, lorsqu'un dossier devient en difficulté, comme celui-ci, au niveau de l'administration de la société, on fait des démarches avec l'entreprise en cause, ses promoteurs, pour voir, en fonction des difficultés, s'il y a des arrangements qui pourraient être pris et qui permettraient à l'entreprise en cause de continuer ses activité et à la SODICC de récupérer les montants qu'elle a investis.

Lorsque nous estimons que des arrangements ne sont plus possibles et qu'en conséquence on voit arriver une ou plusieurs hypothèses, par exemple, la faillite ou la vente de la société ou de l'entreprise en cause, ainsi de suite, nous envoyons ce dossier au conseiller juridique; il lui appartient, en collaboration et en consultation avec le président-directeur général, de prendre les mesures appropriées.

Maintenant, si vous me permettez de vous donner quelques éléments sur la Comédie nationale, vous savez que cet édifice a été racheté par une entreprise qui est, aujourd'hui, le Théâtre de la poste, à Montréal.

Quand on parle d'un dossier en récupération, c'est un dossier qui, à un moment donné, lorsqu'il est en récupération, est fermé. Il ne peut pas rester en récupération indéfiniment. Soit que l'entreprise fasse faillite, soit qu'on convienne d'un règlement à l'amiable avant de procéder devant les tribunaux ou de récupérer un édifice ou ces choses. Dans ce cas-ci, comme l'édifice a été vendu à une entreprise par la caisse populaire et que la caisse populaire a une hypothèque de premier rang sur l'édifice en fonction du prix de vente, nous négocions toujours avec cette entreprise pour voir si cette dette qui est un peu lancinante pourrait être réglée à notre avantage et également à son avantage, quoique légalement le Théâtre de la poste, compte tenu que la caisse populaire a saisi l'édifice, pourrait dire: C'est terminé, on ne veut rien savoir, fermez le dossier parce qu'on ne vous donnera pas un sou.

D'un autre côté, le Théâtre de la poste, nous sommes en négociation avec lui pour l'aider dans le financement de ses opérations et dans le développement de son entreprise. Nous avons mis tout cela dans l'assiette et nous essayons de faire en sorte que le règlement qui en sortira ne mettra pas la nouvelle entreprise en difficulté, mais nous permettra, à nous, de récupérer autant que possible les sommes que nous y avons investies.

M. Doyon: Dans l'état actuel du dossier, c'est donc dire qu'il y a près de 200 000 $ sur ce dossier qui sont dus à la SODICC. Est-ce que vous avez des espoirs quelconques en ce qui concerne une récupération éventuelle de ce montant? Est-ce que vous avez des garanties? Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, vous pouvez raisonnablement espérer que ce prêt de 175 000 $ - auxquels se sont ajoutés 26 779 $ en intérêts - n'est pas, dans l'état actuel des choses, un prêt à fonds perdus?

M. Deschênes: Je vous dirai que, dans l'état actuel des choses, nous espérons toujours pouvoir récupérer une partie de ces sommes. Maintenant, cet espoir, c'est un espoir que nous avons au niveau de l'administration de la société. Quand le vérificateur vient voir nos livres, lui, il considère les faits au sens le plus clair et le plus brutal possible et, pour lui, c'est une perte. En conséquence, quand vous regardez les provisions de la société, qui sont les montants qui sont conservés ou qui sont estimés par le vérificateur devoir être conservés pour des pertes éventuelles - c'est-à-dire le jour où le dossier sera fermé, il y aura une perte - ce montant est inscrit comme une provision totale.

Donc, au sens des livres, cela fait partie de nos provisions et, au sens pratique, nous négocions toujours avec le Théâtre de la poste pour voir jusqu'à quel point un règlement ne pourrait pas permettre de récupérer une partie de ce montant.

Dans les faits, nous les rencontrons vendredi de cette semaine.

M. Doyon: Sans vouloir vous presser là-dessus, le prêt date du 7 avril 1981; les remboursements devaient commencer à quelle date, à titre d'exemple, en ce qui concerne ce prêt particulier?

M. Bouthillier: II devait y avoir, la première année, douze versements mensuels de 1000 $ chacun.

M. Doyon: Est-ce que dans la première année ces versements ont été effectués?

M. Bouthillier: Non.

M. Doyon: C'est donc dire que dès la première année ce débiteur a été en défaut.

M. Deschênes: Je peux vous dire ici que, quand l'intervention s'est faite en avril 1981, c'était, à ce moment, une entreprise en sérieuses difficultés. L'intervention que nous faisions était pour lui permettre de sortir de ces difficultés d'une façon correcte et qui permettrait à l'entreprise de survivre. Lorsque nous avons fait l'investissement que vous connaissez, les 175 000 $, les espoirs que nous avions ne se sont pas réalisés. Les difficultés qui existaient alors ont continué d'exister de sorte que, dès que les premiers mois qui ont suivi le prêt sont arrivés, les remboursements ne se sont pas faits et les difficultés ont continué à être ajoutées aux difficultés qu'on connaissait pour en arriver au point que vous connaissez maintenant, c'est-à-dire la saisie par la caisse populaire de l'édifice en cause. (15 h 45)

M. Bouthillier: Pour clarifier, compléter la réponse, d'abord je vais rectifier la réponse que j'ai donnée. L'entreprise nous a fait quatre versements, elle nous a versé 4000 $; c'était pendant les toutes premières mensualités. Par la suite, l'entreprise était en défaut.

Au niveau des garanties que nous avions exigées dans ce dossier, nous détenions une hypothèque de second rang et c'est la caisse populaire de la Place Desjardins à Montréal qui détenait la première hypothèque qui était une hypothèque de 550 000 $, je crois. Après coup, c'est toujours facile, mais l'erreur qu'on a peut-être faite; c'est une erreur d'évaluation de nos garanties. On avait un petit peu surévalué la valeur de nos garanties de telle sorte que, lorsque le créancier de premier rang a décidé d'exécuter ses garanties, il nous a envoyé un avis de 60 jours et là il a fallu prendre la décision: est-ce qu'on débourse les 550 000 $ en question pour racheter la position du premier créancier ou si on laisse passer? Les indications qu'on avait, à ce moment, sur les candidats potentiels pour racheter cet immeuble nous montraient qu'il n'y avait pas foule à la porte. Alors, on a dit: Non, on ne pourra pas revendre cela à un montant supérieur au montant qu'on va être appelé à débourser au créancier de premier rang, de telle sorte qu'on a passé. Mais on n'a pas radié tout de suite notre créance, on ne l'a pas passée tout de suite aux mauvaises créances parce que l'acheteur qui a racheté de la caisse populaire, c'est-à-dire le Théâtre de la poste, nous laissait des indications en ce sens qu'il serait consentant, à la condition qu'on refasse un nouveau prêt, à assumer une partie de l'ancienne créance de la Comédie nationale. C'est ce que nous n'avons pas réussi à compléter encore. Comme le disait M. Deschênes, nous les rencontrerons à la fin de la semaine. Sur le plan comptable, cela a été provisionné complètement aux mauvaises créances. Cela n'apparaît pas dans le dossier qui vous a été remis, mais cette provision sur le plan comptable a été faite le 30 septembre.

M. Doyon: La perte exacte à titre de provision même s'il peut y avoir des arrangements qui sauveront peut-être...

M. Bouthillier: 198 566 $.

M. Doyon: L'intervention de la SODICC dans cela n'a pas été la solution souhaitée aux difficultés de la Comédie nationale.

M. Deschênes: C'est-à-dire que je le regarderais peut-être sous deux facettes. D'une part, si l'on regarde, à ce jour, l'investissement financier de la SODICC, vous avez raison, pour nous, cela a été un mauvais placement puisque nous n'avons pas réussi, à ce jour, à récupérer une partie raisonnable ou substantielle des investissements que nous avons consentis à la Comédie nationale. D'autre part, le fait, comme vous le mentionnait le vice-président, M. Bouthillier, que nous ayons passé quand la caisse populaire a saisi l'édifice a permis à une autre entreprise d'acheter l'édifice à un coût qu'on peut appeler correct, puisqu'elle l'a acheté. Cela a également laissé une porte ouverte pour nous afin de négocier avec la nouvelle entreprise sur la base du prêt qui avait été consenti, qui était dû, et sur la base de son problème à elle qui est d'obtenir un financement pour faire les améliorations locatives et pour déterminer les premières années, qui sont toujours difficiles, de fonctionnement au niveau de son fond de roulement. En fait, nous n'avons pas encore complètement perdu espoir de récupérer une partie substantielle de ce prêt.

Association canadienne de

diffusion du livre

M. Doyon: Si on peut passer... Je ne veux pas prendre trop de temps, mais il y a un certain nombre de questions. En grande partie, le but de l'opération, c'est de voir et d'obtenir certains renseignements sur des transactions qui ont été effectuées par la SODICC. Je me réfère au dossier 18 qui concerne l'Association canadienne de diffusion du livre Inc., où l'on indique qu'il y a eu un prêt de 150 000 $ et que la perte, qui semble, en l'occurrence, définitive, se chiffre à 68 213 $. On indique comme explication qu'il y a eu liquidation et que la rentabilité était inexistante.

Je me demande si vous pouvez nous expliquer la chose. Cette rentabilité inexistante vous est apparue, après coup, je présume, après que le prêt a été effectué et que les remboursements n'ont pas été faits. Avez-vous retiré un certain nombre d'enseignements de cette opération? Qu'est-

ce qui n'a pas marché, en d'autres mots? Qu'est-ce qui a cloché dans cela pour que la SODICC se trouve avec une perte sèche de 68 213 $ sur un prêt de 150 000 $ effectué à cette Association canadienne de diffusion du livre?

M. Deschênes: Sur ce prêt, il est certain qu'au départ cette entreprise qui travaillait au niveau de la distribution, de l'exportation et des transitaires nous apparaissait une entreprise intéressante qui avait des problèmes financiers ou qui nécessitait une mise de fonds relativement élevée pour pouvoir se développer. Nous y avons investi 150 000 $. Je vous indique, d'ailleurs, qu'il s'agissait d'un regroupement de 23 libraires qui, eux-mêmes, avaient investi un montant identique au nôtre, de sorte qu'ils satisfaisaient à l'un des critères que je vous mentionnais tantôt, c'est-à-dire que, quand nous investissons, il faut que les promoteurs investissent aussi. Je vous rappelle aussi les deux autres critères que nous avons qui étaient peut-être là d'une façon un peu moins évidente, parce que nous étions au début et que nous nous faisions un peu la main: il s'agit de la rentabilité et du développement économique de cette entreprise dans le développement économique général du Québec. Ces critères étaient donc là. Ils ont mis 150 000 $ et on a mis 150 000 $, avec les résultats que nous connaissons aujourd'hui: cela a été une faillite, cela n'a pas été un succès, de toute évidence. Nous avons réalisé les garanties que nous avions prises au niveau des stocks et des comptes recevables. Quand nous avons radié le prêt, comme l'indique la note, il restait 68 213, 60 $, ce qui est effectivement une perte sèche.

M. Doyon: Vous parlez de pertes et vous parlez de l'implication des investisseurs privés! De quel ordre a été leur perte? A-telle été équivalente à la vôtre?

M. Bouthillier: Leur mise de fonds était identique à la nôtre. C'était 50-50 dans les mises de fonds. C'était un projet de 300 000 $ et ils ont investi 150 000 $.

M. Doyon: Et vous avez perdu 68 000 $ sur les 150 000 $. Est-ce qu'eux ont perdu la totalité?

M. Bouthillier: Ils ont perdu la totalité et nous, nous avions certaines garanties sur notre prêt.

M. Doyon: Si on passe à un autre dossier, le dossier 20, on voit que, pour Civicom Ltée, il y a un prêt consenti pour un montant de 353 610 $. On indique que le solde dû actuellement est de 272 826 $, ce qui fait que les trois quarts du prêt sont en souffrance. Est-ce que cette société continue toujours d'exister?

M. Deschênes: Non. La réponse est non.

M. Doyon: Non. Comment espérez-vous récupérer les 272 000 $?

M. Deschênes: Quand l'entreprise a connu des difficultés et qu'elle a abandonné ses activités, nous avons récupéré les équipements - les garanties étaient pour l'achat d'équipements - qui avaient été achetés avec la participation financière de notre société et nous les avons revendus. Si vous regardez le montant de 272 000 $ qui reste par rapport au montant initial, c'est dû à la revente des équipements qui nous a permis de diminuer d'à peu près 75 000 $ la dette initiale. C'est la récupération qui nous a fourni 75 000 $ sur les équipements achetés pour le montant indiqué, c'est-à-dire 353 610 $.

M. Doyon: Cela laisse un montant de 272 000 $ qui, à sa face même, semble avoir peu de chance d'être récupéré. Est-ce exact?

M. Deschênes: C'est exact.

M. Doyon: Sur le bilan, est-ce indiqué comme une provision pour perte quelque part?

M. Bouthillier: II est provisionné à 100% comme perte.

M. Doyon: Comme perte sèche.

M. Bouthillier: En pratique, tout ce qui nous reste comme garantie à réaliser, c'est la caution personnelle du principal actionnaire qui n'a pas fait faillite personnellement, mais dont le bilan personnel est très peu reluisant. On négocie actuellement un règlement de l'ordre de 5000 $ à 10 000 $ avec l'actionnaire.

M. Doyon: J'aimerais, avec votre permission M. le Président, procéder au dossier 85-A-1.

Le Président (M. French): Avec votre permission, M. le député, ce sera le dernier et on pourra revenir après. C'est seulement pour...

M. Doyon: D'accord.

Le Président (M. French):... permettre une rotation. Quel numéro? Excusez-moi.

Kébec Spec

M. Doyon: 85-A-l qui concerne

l'entreprise Kébec Spec Inc. On voit que l'implication de la SODICC a été sous forme de capital-actions en ce qui concerne le dossier 85-A-1 en tout cas, représentant 49% des actions. Pouvez-vous nous faire une évaluation, compte tenu que les dossiers 85-A-2, 85-8, 85-C - cela se termine là -indiquent que des montants considérables (pour ce qui est de 85-A-2, 150 000 $, 85-B, 250 000 $ et 85-C, 300 000 $) sont en récupération? Comment pouvez-vous concilier cette participation à 49% des actions dans l'entreprise Kébec Spec puisque, étant actionnaire à 49%, donc étant impliquée non pas majoritairement, mais d'une façon très sérieuse à 49%, SODICC se trouve à se prêter des sommes de 150 000 $, 250 000 $ et 300 000 $ vu qu'elle les prête à une entreprise dont elle est presque à 50% propriétaire? Est-ce une façon de faire que vous considérez comme saine de financer au moyen d'implication au niveau des prêts une société dont vous êtes propriétaire à 50%? Cela ne vous met-il pas dans une situation de conflit?

M. Bouthillier: Je ne porterai pas de jugement, je ne donnerai pas de réponse à la dernière partie de votre question. Je vais simplement clarifier de quelle façon cela s'est fait. Les interventions pour 85-A-1 et 85-A-2 se sont faites en même temps. L'objectif était de prêter 150 000 $. Les besoins de fonds immédiats étaient de 150 000 $. Cependant, il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'une compagnie de production de spectacles et de production de documents vidéo de spectacles. La valeur des garanties matérielles sur lesquelles on pouvait prendre une charge étaient, à toutes fins utiles, inexistante. A cette époque, le raisonnement qu'on avait tenu était de dire: On fait un prêt à haut risque c'était un prêt dans une entreprise en difficulté; la rémunération du risque que l'on prend est disproportionnée; de quelle façon pourrait-on rémunérer ce risque? La façon qu'on a trouvée, c'était d'acheter, pour 1 $, 49% du capital-actions, se disant que, si jamais le sauvetage réussissait, on avait des ententes avec l'actionnaire qu'il pouvait nous racheter selon une formule qui bonifiait notre risque. C'était cela, la base du raisonnement à l'époque. Il faut bien comprendre que la valeur de l'entreprise était nulle et que 49% du capital-actions ne représentaient rien, beaucoup moins que 1 $. C'était simplement une façon de rémunérer éventuellement le risque qu'on avait pris.

M. Doyon: Ce que vous faisiez, finalement, c'était vous associer financièrement à l'entreprise de façon à bénéficier d'un retour sur le capital éventuel que vous investissiez là-dedans. C'était votre façon de voir les choses.

M. Bouthillier: C'est cela. (16 heures)

M. Doyon: Est-ce que vous considérez que ces montants, 150 000 $, plus 250 000 $, plus 300 000 $, 700 000 $, à toutes fins utiles, sont perdus?

M. Bouthillier: Ils ne sont pas complètement perdus. Il y a eu une récupération qui s'est faite. L'entreprise avait un immeuble. On a récupéré sur la vente de l'immeuble. On avait certaines bobines. On avait, en fait, une charge flottante sur toutes les bobines, sur tous les produits vidéo de l'entreprise. On est en train de compléter ces ventes. Il y en a déjà, quand même, passablement de faites. On est en train de régler aussi avec la caution personnelle du principal actionnaire. On s'attend à avoir une récupération assez importante, mais qui est, quand même, fractionnaire par rapport au montant total de notre créance.

M. Doyon: Kébec Spec, c'est une compagnie, évidemment. Vous parlez du principal actionnaire. Qui était, au-delà du nom corporatif, le principal actionnaire dans Kébec Spec?

M. Bouthillier: Guy Latraverse.

M. Doyon: Guy Latraverse. Si on regarde ce qui est en récupération relativement à ce qui a été prêté, on s'aperçoit que, pour ce qui est du dossier 85-A-2, il y a un solde dû de 52 000 $, tout près de 53 000 $. Il y a un solde dû, pour ce qui est du dossier 85-B, de 264 000 $, composé de capital et d'intérêts; pour le dossier 85-C, un solde dû de 361 000 $, aussi composé de capital et d'intérêts.

Quels sont les actifs qui garantissent ces prêts? Est-ce qu'il y en a? Vous avez fait mention de bobines. Est-ce qu'il y a des immeubles?

M. Bouthillier: Non. L'immeuble a été vendu et a été déduit de cela. Il faut dire aussi qu'il y a, quand même, un autre dossier qui est associé à cela, qui s'appelle le dossier 45-A, B et C, qui est le Théâtre d'été Saint-Charles, dont les promoteurs étaient le même groupe, Kébec Spec et Kébec-Films.

M. Doyon: Oui. Quelles étaient les garanties personnelles? Est-ce que, premièrement, il y avait des garanties personnelles données par l'actionnaire principal dont vous avez mentionné le nom, M. Latraverse? Est-ce qu'il y avait des garanties personnelles?

M. Bouthillier: Caution personnelle.

M. Doyon: Caution personnelle de sa part. Et est-ce que, compte tenu des soldes dus - je n'ai pas posé la question - il y a eu très peu de paiements qui ont été faits au moment prévu, selon l'entente que vous aviez avec Kébec Spec ou avec M. Latraverse? Est-ce qu'il y a eu des démarches de faites, à l'heure où l'on se parle, pour amener la caution à verser les montants qu'elle s'était engagée à verser à défaut de Kébec Spec?

M. Bouthillier: Oui. Nous sommes en négociation, actuellement; on est sur le point de terminer. On ne va pas se leurrer, la valeur financière de la caution n'est pas en proportion des manques à gagner qu'on a ici.

M. Doyon: Quel est le montant? Est-ce qu'il y a eu un montant de mis en provision - c'est la dernière question, M. le Président - pour la perte nette que vous anticipez à ce sujet?

M. Bouthillier: Il y a un montant de 576 000 $ qui a été mis en provision pour tous les dossiers Kébec Spec.

M. Doyon: Ce qui implique, de la part de la caution, une participation de quel ordre quand vous faites cette provision?

M. Deschênes: C'est-à-dire que la provision est indépendante de l'entente qu'on pourrait avoir avec la caution. Dans le cas de la provision, compte tenu de l'état d'un dossier ou de la détérioration d'un dossier, l'administration de la SODICC, avec les règles de vérification usuelles, détermine, avec toutes les chances de notre côté et toutes les conditions qui pourraient survenir, qu'il faut prévoir une perte de 576 464 $. Quand nous rencontrons le promoteur en cause, M. Latraverse, il n'est pas au courant de cette provision. Le serait-il que cela ne changerait pas nos négociations avec lui parce qu'il a signé, au niveau de sa caution, pour un montant. Et nous déterminons avec lui jusqu'à quel point il est en mesure d'honorer cette caution qu'il a prise et que nous possédons. C'est strictement sur cette base, de sorte qu'il pourrait y avoir une récupération, mais c'est évident, comme le disait M. Bouthillier, que cela ne peut pas être pour ce montant. Mais, une fois la provision ou la caution, je dirais, rendue à terme, le montant de 576 000 $ pourrait diminuer. Cela va dépendre du règlement et du montant du règlement que nous aurions convenu avec M. Latraverse.

M. Doyon: Si je comprends bien, la provision que vous faite est une évaluation...

M. Bouthillier: C'est exact.

M. Doyon:... de ce que vous pouvez obtenir de la caution?

M. Bouthillier: Non, c'est une évaluation du dossier et, du point de vue comptable, quelle est la perte que le comptable ou les comptables et le vérificateur estiment que nous encourrons dans un dossier ou dans ce dossier plus particulièrement. Si cela ne se réalise pas comme ils le pensent, cela peut être au mieux, cela peut être au pire, mais normalement, quand vous connaissez les vérificateurs, ils sont relativement serrés et la caution qu'ils indiquent est normalement le maximum qu'on doit prévoir.

M. Doyon: En fait, ce que je voulais faire ressortir là-dedans, c'est que la solidité et la validité de la caution, quand même, avaient un rôle capital sur le montant de récupération qui pouvait être fait.

M. Bouthillier: Les deux éléments qui peuvent faire varier le montant exact de la mauvaise créance, c'est effectivement ce qu'on va pouvoir récupérer de la caution et ce qu'on va pouvoir récupérer à partir des seuls actifs qui nous restent, c'est-à-dire une série de bandes vidéo. On a établi la provision à 576 000 $ en tenant compte de notre évaluation. Cela serait peut-être délicat, pour nous, de vous dire ce qu'on attend de la caution et ce qu'on attend des bobines, parce que la négociation n'est pas terminée. Disons que cela pourrait mouiller un peu notre pétard si jamais cela devenait public.

M. Doyon: J'aurai d'autres questions sur d'autres dossiers.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

Bilan financier (suite)

M. Brouillet: Messieurs, il me fait plaisir de vous entendre depuis ce matin et j'aurais quelques questions à poser. Pour poursuivre dans la dimension financière de la SODICC, j'ai parcouru rapidement, moi aussi, les différents dossiers. C'est évident que, dans bien des cas, il y a des pertes assez considérables par rapport à l'investissement; cela va jusqu'à 80% des fois, 75% et tout. Ce qui m'intéresserait, ce serait de connaître, à partir de l'investissement global, le pourcentage en pertes. Parce qu'il y a certainement des bons coups aussi qui ont dû être réalisés. Ce qui est important, c'est la somme des bons et des mauvais coups. On pourrait fort bien ne s'arrêter qu'aux dossiers où il y a eu pertes; on aurait une mauvaise vision, je pense bien, une mauvaise perception de la performance de la SODICC depuis quatre ou cinq ans. Est-ce que vous

pourriez me fournir, par rapport à l'investissement global, au capital de risque que vous avez consenti à investir, quel est le pourcentage à peu près de pertes sèches?

M. Deschênes: Alors, si vous regardez le total des autorisations, c'est-à-dire des dossiers dans lesquels le conseil d'administration nous a autorisés à investir du début à ce jour, il y en a pour 34 826 160 $. Maintenant, au niveau des pertes sèches, parce que là il faut séparer les pertes sèches des provisions - je ne sais pas si M. Bouthillier est en mesure de nous indiquer les deux éléments que constitue le déficit - vous voyez par le rapport annuel que le déficit cumulatif du début jusqu'à maintenant est de l'ordre - je vais vous le donner de façon exacte - de 2 633 514 $ au 31 mars 1984. A l'heure où on se parle, il est inférieur à ce montant parce que nous avons mis, en cours d'année, ce que nous avons appelé le comité de recouvrement qui fait ce qu'on traitait un peu avec le député de Louis-Hébert tantôt, c'est-à-dire regarder avec les promoteurs d'entreprises en difficulté le règlement des dettes qu'ils ont avec nous, de sorte qu'un certain montant de provision - c'est de l'ordre d'à peu près 400 000 $ maintenant - a réussi à être recouvré sur appelons cela des règlements à l'amiable avec les cautions.

Je ne sais pas si M. Bouthillier a la partie "pertes sèches" et la partie "provisions"?

M. Bouthillier: J'ai la partie "provisions" et les montants complètement radiés, mais cela c'est au cours de l'exercice; on ne les a pas pour l'année.

M. Deschênes: Si on regardait la partie "provisions", je vous donne la provision au 30 septembre qui est de 1 847 639 $.

M. Brouillet: 20 000 000 $?

M. Deschênes: 1 000 000 $.

M. Brouillet: 1 000 000 $.

M. Deschênes: 1 847 639 $, c'est pour les biens en récupération; au niveau des comptes à recevoir, il y en a pour 1 280 455 $, ce qui fait un total de 3 128 095 $. C'est là qu'on arrive à la difficulté de séparer les choses; cela c'est juste pour les provisions, il y a les pertes. Ce qu'on peut peut-être faire, si vous nous laissez faire ce calcul, on pourra peut-être répondre à cette question ce soir. Quand on ajournera les travaux tantôt, on pourra travailler sur cette question et vous apporter des éléments précis. Sinon, on risque de faire des calculs comme cela devant vous qui vont peut-être être erronés et qui, d'un autre côté, vont prendre de votre temps.

M. Brouillet: Vous voyez un peu l'objectif de ma question. C'est que, globalement on peut, pour chacun des dossiers, commencer à les disséquer et voir que, dans plusieurs cas, cela n'a pas donné les résultats escomptés, loin de là. Ce qu'il serait intéressant pour nous de savoir, c'est si globalement la performance de la SODICC, au niveau de ses placements, est acceptable. En lisant vos plans de développement et la politique financière, j'ai constaté que vous aviez reconnu que, dans le passé, il y avait peut-être, je dirais, un certain laxisme ou, enfin, une facilité plus grande d'accorder des subventions où les risques étaient beaucoup plus grands, où les garanties étaient moins assurées. Il semblerait qu'il y ait un virage, depuis quelque temps, qui vous amène à resserrer un peu vos critères et vos exigences. Est-ce que vous reconnaissez un peu ce fait que j'essaie de traduire et ce virage?

M. Deschênes: M. le Président, dans les propos du député de Chauveau, je reconnaîtrais que, depuis l'exercice financier actuel, nous avons effectivement resserré le crédit ou les crédits que nous accordons aux entreprises. Il y a des bons côtés à cela; il y a des mauvais côtés. Je pense que vous devez réaliser que, lorsque nous faisons cela, il y a des entreprises qui se voient refuser une aide financière qui, dans d'autres circonstances, auraient pu l'avoir, ce qui leur aurait permis de sortir de leurs difficultés financières. Maintenant, le bon côté de cela, c'est qu'évidemment, au niveau du bilan financier, le bilan financier de l'année 1984-1985, en tout cas au moment où on se parle et selon les prévisions que nous avons émises, va être mieux - quand je dis "mieux", c'est au sens des chiffres - que celui de l'année passée et de l'année précédente. Nous allons terminer, comme je vous le disais ce matin, à moins de circonstances qu'on ne prévoit pas, avec, au pire, un budget équilibré; au mieux, on aura un surplus et le surplus vient des provisions pour les dossiers en difficulté qui ont été discutés avec les entreprises en cause et les promoteurs de ces entreprises.

Maintenant, dans le passé, j'hésiterais à dire que notre société a été laxiste dans ses opérations. Je dirais plutôt que, compte tenu de la jeunesse de notre société, nous avons dû faire un certain nombre d'interventions qui se sont avérées des enseignements pour nous et desquelles nous avons tiré certains enseignements.

Je vous dirai aussi qu'il y a des risques très élevés que nous devons prendre, que nous savons élevés et que nous acceptons de prendre. Je vous donne un exemple: toute la question des didacticiels au

Québec, toute la question des logiciels; nous, à la SODICC - ce n'est pas un jugement qui nous est personnel et unique - nous estimons avoir au Québec beaucoup de matière grise et beaucoup de compétence pour développer de tels logiciels. (16 h 15)

Les entreprises qui existent en matière de logiciels ne sont pas nombreuses, il faut en démarrer. Quand vous démarrez des entreprises dans un secteur neuf, vous allez, sur un nombre X d'entreprises, permettre d'en développer X moins N, c'est-à-dire qu'un nombre d'entreprises, à l'expérience, ne survivront pas et que d'autres feront très bien de sorte que, lorsqu'on développe un nouveau secteur, on sait qu'il y a des risques, on sait qu'il y aura, si vous me permettez l'expression, des morts, mais on est prêt à prendre ce risque pour celles qui vont vivre et se développer et permettre au Québec d'occuper un créneau fort intéressant en vertu des compétences que nous avons et qui ne sont pas développées dans certains cas.

M. Brouillet: Nous endossons tout à fait cet aspect de risque inhérent au genre d'entreprises que vous voulez soutenir. On ne peut pas toujours prévoir dans tous les cas. Il y a aussi des champs nouveaux. Ce qui nous préoccupe, c'est d'apprécier la quantité de survivants par rapport aux morts. C'est un peu la question que je posais tantôt. Si on pouvait avoir, par rapport à l'investissement global, le pourcentage de pertes, il serait intéressant pour nous d'avoir une idée pour apprécier la performance de la SODICC, tout en tenant compte que vous êtes là, justement, parce que c'est un secteur où le capital de risque est excessivement difficile à obtenir. Si vos exigences étaient du même ordre que celles des institutions prêteuses habituelles, on ferait aussi bien de fermer les portes de la SODICC parce que vous ne prêteriez presque pas. Il faut avoir cela présent à l'esprit.

Indépendamment de cela, il y a quand même des barèmes et des frontières à respecter. C'est notre préoccupation actuelle de connaître le pourcentage approximatif de pertes par rapport aux investissements.

M. Deschênes: Nous vous apporterons cette réponse au début de la séance de ce soir.

Le patrimoine immobilier

M. Brouillet: Très bien. J'aimerais maintenant aborder un point qu'on n'a pas encore touché: le patrimoine immobilier. J'aimerais savoir comment fonctionne ce secteur. Je suppose que votre rôle est de soutenir des entreprises privées qui veulent faire de la rénovation ou utiliser ce patrimoine immobilier. J'aimerais savoir comment vous intervenez dans ce secteur de la conservation ou de l'utilisation du patrimoine immobilier. Dans ce cadre, j'aimerais vous poser la question à savoir si l'entreprise privée est intervenue pour restaurer une partie du Vieux-Québec, qu'on appelle le Petit-Champlain. La SODICC a-t-elle joué un rôle dans cette implication de l'entreprise privée dans la restauration et quels seraient les projets sur la table que vous seriez prêts à appuyer?

M. Deschênes: Votre question, M. le député de Chauveau, a trois volets que je résume: les grandes lignes de notre intervention en matière de patrimoine immobilier, volet auquel je répondrai. Je laisserai à M. Bouthillier, le vice-président, le soin de vous décrire la participation de la société dans le quartier Petit-Champlain. Concernant le troisième volet, qui a trait à nos projets principalement liés à la Place Royale, je demanderai à notre collaborateur en matière de patrimoine, M. Laliberté, d'y répondre.

Pour ce qui est de la présence de la SODICC en matière de patrimoine immobilier, cette présence provient d'une modification à la loi de 1978, modification apportée en 1982 par des amendements, bien sûr, qui demandaient à la SODICC d'investir dorénavant non seulement dans les industries culturelles, mais également dans les industries de communication et dans le patrimoine.

Pour ce qui est du patrimoine, l'objectif premier qui nous était confié était de nous entendre avec le ministère des Affaires culturelles et son ministre pour que nous ayons le délestage, que la SODICC prenne à sa charge l'ensemble des édifices gouvernementaux d'ordre patrimonial. Dans ce secteur, il y avait, évidemment, les édifices de la Place Royale et ceux du Petit-Champlain. Il s'agit donc d'un premier volet que j'appellerai public ou gouvernemental. Le second volet, privé, c'est un secteur auquel nous ne nous sommes pas encore confrontés. Nous avons, au niveau du conseil d'administration, au printemps dernier, convenu d'attaquer d'abord ce qui était le plus pressant, c'est-à-dire le patrimoine gouvernemental et, dans un deuxième temps - ce sera l'objet de discussions que nous aurons au début de l'année 1985 - nous déterminerons ce que la société entend faire au niveau du patrimoine privé. Donc le patrimoine public est le secteur auquel nos actions ont été réservées jusqu'à maintenant en matière de patrimoine. Je laisse à M. Bouthillier le soin de vous éclairer sur le cheminement que nous avons suivi et les résultats obtenus pour le quartier Petit-Champlain.

M. Bouthillier: On doit se reporter à 1982. Il faut comprendre que les amendements à la loi nous donnant juridiction dans le domaine du patrimoine datent d'avril 1982. La première transaction, celle du Petit-Champlain, dans le cadre des Placements RDP, a été complétée en juillet 1982. C'est une transaction assez complexe par laquelle nous avons acquis 51% du capital-actions de la compagnie Les Placements RDP. Ces 51% ont été payés, une partie en argent et l'autre en immeubles. Le ministère des Affaires culturelles avec lequel on avait transigé nous avait transféré pour 1 $ la propriété de neuf immeubles situés principalement sur la rue Sous le Fort et la rue Petit-Champlain, immeubles dans un état de détérioration assez avancé et sur lesquels il fallait faire des travaux assez rapidement. Ce sont ces immeubles qu'on a apportés comme dot au mariage, en plus d'une somme d'argent que nous avons établie à partir d'une évaluation de la valeur des 49% des actions qui restaient et qui a été fixée à 450 000 $. Donc, nous arrivons au mariage avec neuf immeubles - 450 000 $ - et nous acquérons de cette façon 51% du capital-actions de l'entreprise.

Le budget du projet prévoit des dépenses de restauration sur ces neuf immeubles ainsi que sur six autres appartenant déjà à RDP, dépenses totalisant 2 300 000 $. Le projet doit se réaliser en 42 mois. Les négociations qu'on a faites et les documents qu'on a convenu de signer avec nos coactionnaires à l'époque prévoyaient ceci: la société, ne sachant pas quelle serait sa volonté, s'était réservé la possibilité, à la fin des travaux, soit de racheter les 49% des actions de ses coactionnaires, soit de leur vendre ses 51% et ce, à un prix prédéterminé en fonction d'un multiple des revenus bruts de location de l'ensemble. Les travaux ont été faits sur une période beaucoup plus courte que prévue. On parle maintenant d'une période de 26 mois qui se terminerait au cours des prochaines semaines, sinon des prochains mois. On parle de travaux qui, au lieu de coûter 2 300 000 $, seraient de l'ordre de 2 000 000 $ avec une rentabilité, en termes de revenus de location, un peu supérieure à ce qui avait été prévu dans le budget.

Sur le plan plus social, l'ensemble est passé de 18 à 36 logements, de 30 à 65 postes de commerce, et on évalue que les 60 emplois prévus directement ou indirectement avant le projet totalisent maintenant 275 emplois. Cela nous apparaît, jusqu'à maintenant, une réussite complète qu'on s'apprête à concrétiser et à compléter.

M. Brouillet: Je vois que c'est une réussite. C'est fantastique comme projet. Vous avez dit tantôt qu'avait été prévue, au terme de la restauration, la possibilité que l'une des parties achète 51% des actions ou vice versa. Quelle serait la voie à suivre? Pensez-vous que vous allez acheter les 51% ou si c'est la partie adverse qui va acheter les 49%? Est-ce que cela se dessine un peu?

M. Bouthillier: Actuellement, on est en négociation. Il faut vous dire qu'il y a deux grandes avenues et notre lit n'est pas fait. Le multiple par lequel on peut leur vendre, c'est basé sur un calcul assez complexe, mais, en deux mots, c'est un calcul qui s'élabore à partir de 7 fois les revenus bruts. Pour avoir négocié avec nos coactionnaires, si jamais on décidait d'aller plutôt dans la voie de les acheter - je dis bien si - pour nous, ce serait 5, 5. Alors, on pourrait les acheter à 5, 5, même si les contrats disent 7 fois, 7 fois, de part et d'autre. Si nous leur vendons, ce serait 7 fois. Et si jamais on décidait d'aller vers une acquisition, ce serait sur une base de 5, 5; il y a une ouverture chez nos coactionnaires à cet effet.

M. Brouillet: 5, 5, 5?

M. Bouthillier: Le calcul serait basé sur 5, 5 fois les revenus bruts. Donc, on paierait, par action, un montant beaucoup moindre si on décidait de les acheter que si on les forçait à les acheter.

M. Brouillet: Maintenant, si vous regardez un peu l'investissement, vous avez évalué votre dot à 450 000 $. Si vous vendez sur la base de 7, est-ce que vous allez faire du profit?

M. Bouthillier: Si on applique les revenus de location actuels...

M. Brouillet: Oui.

M. Bouthillier:... à notre formule faisant état de 7, on se ramasse avec une valeur d'environ 1 800 000 $, 1 900 000 $.

M. Brouillet: Alors, cela pourrait pas mal amortir le déficit général de la société.

M. Deschênes: Je peux peut-être vous dire que lorsque je vous ai mentionné tantôt que le budget prévu pour 1984-1985 nous amènerait, au pire, à un budget équilibré et, au mieux, avec du positif, dans le mieux, évidemment, le cas de RDP n'était pas considéré. Donc si, effectivement, on vendait selon les termes du contrat initial, comme vient de vous l'indiquer M. Bouthillier, nous en retirerions un montant d'à peu près 1 000 000 $, en termes de bénéfices. Cela serait, effectivement, un surplus et cela réduirait le déficit de façon considérable.

Je dois vous dire que, lorsque nous

faisons notre comptabilité maison, nous considérons cette chose-là. Quand vous voyez le bilan du vérificateur tel qu'il apparaît dans le rapport annuel, il ne le considère pas parce que, évidemment, c'est encore un actif qui n'a pas cette valeur au contrat, cette valeur marchande. Maintenant, il faut aussi considérer - je pense que ce serait intéressant pour vous de peut-être entendre M. Laliberté vous en parler - le développement de l'ensemble de la Place Royale. Dans la considération que nous apportons à la vente ou à l'achat de RDP, nous pensons aussi à l'ensemble de Place Royale, qui permettrait de se développer selon un concept que nous avons élaboré, que nous avons présenté à notre conseil d'administration, lequel a été accepté. De sorte qu'il est possible que, dans les faits -on est toujours à réfléchir sur cette question - il soit préférable d'attendre, pour acheter ou vendre, que le développement de la Place Royale soit, sinon amorcé, au moins qu'il y ait quelques étapes que je dirais irréversibles de franchies.

Si vous me le permettez, je vais demander à M. Laliberté de vous parler de ce développement.

Le Président (M. French): M. Laliberté.

M. Laliberté (Yves): M. Deschênes vous disait tout à l'heure que le ministère des Affaires culturelles avait entrepris, depuis quelques années, le délestage, enfin avait la volonté d'entreprendre le délestage d'une certaine partie de ses propriétés ou, tout au moins, des immeubles dont il avait la responsabilité.

Pour ce faire, il est à la recherche de partenaires. Il en a trouvé. Il a identifié notamment la SODICC comme un partenaire privilégié pouvant prendre en charge une partie de ses propriétés, sinon la totalité. Dans ce cadre-là, au mois de mars dernier, le 28 si je me souviens bien, en mars 1983, je dois préciser, le ministre demandait à la SODICC d'étudier la possibilité de prendre en charge une partie importante du parc immobilier, et on visait, à ce moment-là, la Place Royale de Québec, les 27 propriétés que gère le ministère à la Place Royale. (16 h 30)

Le ministre demandait à la SODICC que, dans un deuxième temps, la SODICC voie comment elle pourrait oeuvrer dans le champ du patrimoine immobilier non gouvernemental, c'est-à-dire au plan, par exemple, des industries oeuvrant dans ce domaine, peut-être au même titre que la SODICC oeuvre déjà au plan des industries de la culture et des communications. C'est à voir, comme le disait M. Deschênes tout à l'heure. On va consacrer une partie de l'année qui vient à étudier ce volet non gouvernemental.

Pour ce qui est du patrimoine gouver- nemental, nous étudions actuellement la possibilité que nous soient transférées la propriété et la gestion de l'ensemble des immeubles de manière à poursuivre trois objectifs qui seraient des objectifs que je qualifierais de rentabilité culturelle, sociale et financière.

La rentabilité culturelle recherchée le serait par la restauration des quelque huit immeubles qui restent à être restaurés sur la Place Royale pour compléter l'ensemble. Cette rentabilité culturelle serait aussi poursuivie par le fait qu'on pourrait permettre au ministère de mettre de côté l'équipe qu'il emploie à gérer les immeubles pour consacrer ses efforts à l'animation ou à ce qu'on appelle l'interprétation historique de la Place Royale.

Dans un deuxième temps, on rechercherait une rentabilité sociale. Actuellement, le ministère gère un certain nombre de logements et de commerces, mais plusieurs espaces de la Place Royale sont inoccupés ou sont destinés à d'autres fins que celles auxquelles le ministère avait été obligé de les consacrer jusqu'à maintenant. Notre objectif est de faire en sorte qu'on mette l'accent sur une vocation sociale beaucoup plus équilibrée, c'est-à-dire doter la Place Royale d'un nombre sensiblement accru d'espaces résidentiels, autant que faire se peut, et aussi de voir se greffer à l'ensemble des vocations de la Place Royale une vocation de services, de commerces de services. J'entends par là les commodités auxquelles tout citoyen a droit dans un quartier normal.

Finalement, je dirai qu'on rechercherait aussi, évidemment, une rentabilité financière de l'opération dans le sens qu'on chercherait à faire en sorte que la gestion de la Place Royale n'occasionne pas un déficit pour la SODICC, tout au moins à moyen terme. Ce sont les trois objectifs qu'on vise.

M. Brouillet: Merci. J'aimerais avoir quelques petites précisions. Quand vous dites que vous prévoyez la conversion d'une partie de ces immeubles pour la résidence, est-ce que ce serait à même les 27 ou 28...

M. Laliberté: Oui, c'est-à-dire que, d'une part, il y a six maisons sur la Place Royale qui ne sont pas restaurées et il y a deux entrepôts qui ne sont pas restaurés et qui sont inoccupés en grande partie. Si on exclut les entrepôts, seulement dans les maisons non restaurées de la Place Royale, on pourrait ajouter entre dix et quinze logements de plus, cela, en faisant exception, comme je viens de le dire, des entrepôts, où on pourrait, si on leur donnait une vocation résidentielle, retrouver un nombre important de logements.

M. Brouillet: Très bien, merci. J'aurais

encore... Oui.

Le Président (M. French): Avant d'entreprendre un autre sujet, votre collègue, la députée de Dorion voudrait enchaîner brièvement sur la question du patrimoine. Vous aurez la parole après, M. le député.

Mme Lachapelle: S'il vous plaît! Ma question s'adresse à M. Bouthillier. Pourriez-vous me dire s'il existe des prêts sans intérêt ou à taux préférentiel pour des individus qui voudraient, entre autres, préserver un lieu historique? Prenons le cas d'une maison comportant des rénovations dont les coûts seraient exorbitants. Existe-t-il des subventions pour aider un individu?

M. Deschênes: Je vais répondre et je donnerai la parole à M. Bouthillier tantôt. D'une façon générale, en matière de patrimoine, nous n'avons pas encore développé les orientations que prendra la SODICC face au patrimoine privé, de sorte que des individus qui voudraient faire affaires avec nous en matière de patrimoine pour des questions qui leur sont propres et relevant du domaine privé ne seraient pas reçus à ce moment-ci. Mais il est certain que, si nous allons dans le patrimoine privé, ce sera sur la base de critères à peu près identiques à ceux que nous avons maintenant, c'est-à-dire que l'entreprise qui voudra faire affaires avec nous devra être rentable ou, du moins, être jugée en mesure de devenir rentable dans une période acceptable à la SODICC. Il faudra que les promoteurs y investissent de l'argent et il faudra que cela participe au développement économique. De sorte que, si vous pensez à des sites historiques qui ont une valeur patrimoniale et qui sont tout à fait prêts à être développés, si ce ne sont pas des sites qui seraient exploités commercialement et d'une façon rentable, ils ne seraient donc pas recevables chez nous. Maintenant, ce n'est pas porter un jugement - j'insiste sur cela - sur la valeur de ces sites. C'est effectivement un domaine qui ne serait pas du ressort de la société que nous représentons.

Mme Lachapelle: Ce ne sera jamais rentable si c'est une maison...

M. Deschênes: C'est cela.

Mme Lachapelle:... qui appartient à un individu.

Le Président (M. French): M. Laliberté voudrait ajouter quelque chose.

M. Laliberté: Dans notre réflexion sur notre intervention en matière de patrimoine immobilier non gouvernemental dans le privé, il faut faire la distinction entre les industries qui oeuvrent dans ce domaine - je pourrai y revenir brièvement - et les individus propriétaires d'immeubles qui sont, selon le langage du ministère des Affaires culturelles, situés dans des arrondissements historiques ou dont la résidence est classée comme bien historique. Pour ces gens, pour ce type d'immeuble ou de bien patrimonial, il existe des programmes d'aide financière du ministère des Affaires culturelles qui vont, par voie de subventions, par voie de contributions financières, comme le dit le ministère, aider des individus ou des groupes à mettre en valeur des immeubles. D'autre part, il existe des industries qui oeuvrent dans le domaine du patrimoine immobilier dont on va s'attacher à faire la liste et à définir le profil dans les mois qui viennent. Je prends simplement, à titre d'exemple, nombre d'artisans ou nombre d'industries qui oeuvrent au plan artisanal - strictement à titre d'exemple - comme menuisiers, à refaire de la menuiserie ancienne ou des portes et fenêtres qui seront intégrées à des édifices anciens, etc. Ces industries ont peut-être besoin d'aide pour s'agrandir, pour exporter leurs produits, pour les faire connaître, etc. Sans anticiper sur notre réflexion, dans un premier temps, le ministère aide déjà les individus qui sont propriétaires. On devrait porter notre réflexion sur ces industries qui auraient besoin d'aide et sur la nature de cette aide. Je voulais apporter ce complément.

Mme Lachapelle: Merci.

M. Deschênes: On pourrait ajouter aussi, M. le Président, notre position sur les taux d'intérêt consentis aux entreprises avec lesquelles nous oeuvrons. Mme la députée de Dorion a parlé de prêt sans intérêt ou de prêt à taux réduit. À l'intérieur de notre politique financière, dans le document qui vous a été transmis avec le cahier noir et qui s'appelle "Politiques financières", si vous regardez à la page 7, vous avez la grille tarifaire.

Maintenant, la SODICC doit se financer, financer ses opérations à même ses revenus et doit aussi essayer de conserver son capital à sa valeur nominale, de sorte que vous pouvez imaginer que, si on faisait des prêts sans intérêt, comme, en prenant des risques, on a des pertes, il serait absolument impossible de payer les activités de notre société. Donc, des prêts sans intérêt, cela n'existe pas, d'une part. D'autre part, on pourrait considérer que des prêts sans intérêt sont une forme de subvention et nous sommes prescrits par notre loi à ne pas faire de subvention.

Des taux d'intérêt peuvent être plus intéressants pour certaines catégories d'entreprises que pour d'autres. Par exemple, vous avez, dans cette grille tarifaire à la

page 7, des taux d'intérêt plus intéressants pour les dossiers de catégorie C. Ces dossiers de catégorie C, comme je le faisais remarquer dans mon intervention d'ouverture ce matin, sont ceux qui se trouvent dans les champs définis comme prioritaires. Ceux qui sont définis comme prioritaires, nous souhaitons les encourager et leur donner des conditions financières supérieures ou meilleures qu'à ceux qui seraient dans d'autres catégories d'interventions et qui, tout en étant intéressants, ne sont quand même pas les secteurs que nous souhaitons développer en priorité.

Vous remarquerez, dans le coin inférieur droit, que le meilleur taux d'intérêt que nous consentons, c'est le taux préférentiel moins 2%; à ce moment-là, les garanties sont presque totales.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

Comédies musicales

M. Brouillet: Alors, je vais changer un peu de domaine et parler du secteur des spectacles de variétés. À la page 26, au bas du plan de développement, dans les dernières lignes, vous mentionnez que la SODICC entend appuyer les projets dans le domaine des comédies musicales, étant donné que cette forme de spectacles semble s'appuyer sur une demande constante et qu'elle offre des débouchés intéressants pour la relève.

Est-ce que c'est une orientation toute récente?

M. Deschênes: Alors, c'est une orientation qui date de l'année actuelle, l'année 1984-1985; donc, ce document est sorti à la fin du mois de mars pour l'année qui commençait au mois d'avril. C'est une orientation et une priorité que nous nous sommes définies. Nous croyions à ce moment-là et nous croyons toujours que la comédie musicale est une locomotive qui permet de développer beaucoup d'industries environnant celle-ci. On pense aux disques, aux spectacles vidéo, aux vidéocassettes, à la télévision et ainsi de suite. On pense aussi -c'est très important - à la relève qui pourrait voir là un certain nombre de débouchés, qui pourraient être des rôles de moins grande importance, mais qui lui permettraient de se faire connaître, de se faire apprécier et, éventuellement, d'être ce que nous estimons qu'elle devrait être ou devenir non plus la relève, mais les artistes et les gens du métier qui sont populaires et qui représentent mieux le Québec.

Sur cette comédie musicale, si vous voulez connaître l'état de notre réflexion aujourd'hui, M. d'Astous pourra vous en faire un bref résumé, étant directeur de la planification. C'est un dossier qu'il a eu à développer avec nous, bien sûr, mais il pourra certainement vous donner beaucoup de détails, si vous le désirez.

M. Brouillet: Oui, j'aimerais avoir quelques détails. Entre autres, j'aimerais peut-être que vous nous précisiez s'il y a des projets ou s'il y a des entreprises dans ce domaine-là...

Une voix: Oui.

M. Brouillet:... dont vous êtes au courant. Enfin, je suis au courant d'une démarche qui a été entreprise ou qui va l'être. J'aimerais savoir si, de votre côté, vous avez des projets ou des entreprises qui seraient intéressées à oeuvrer dans le domaine des comédies musicales.

M. d'Astous: Oui. Dans le domaine de la comédie musicale, il y a à peu près trois acteurs qui se manifestent assez régulièrement. Il y a d'abord les troupes de théâtre qui voudraient élargir leur production dans le champ de la comédie musicale. Le TNM a voulu historiquement présenter des projets de comédie musicale, il y a quelques années et il y a certaines troupes de théâtre qui voudraient présenter des projets.

II y a un deuxième acteur qui se manifeste assez régulièrement, ce sont les salles, notamment la Place des Arts qui voudrait avoir ce genre de productions à l'intérieur de ses salles, particulièrement à la salle Maisonneuve.

Et il y a la troisième catégorie, ce sont des producteurs privés qui voudraient aborder ce genre musical. Il y a plusieurs projets qui sont en cours et qui n'ont jamais trouvé de réalisation ou qui se sont réalisés à l'intérieur de budgets très réduits. On pense à Pied de poule ou à Starmania ou, plus récemment, à une comédie musicale qui s'appelait J'ai un bon "deal".

Donc, il y a une volonté de la part de certains producteurs de spectacles à se lancer dans la comédie musicale. Il y a eu certaines demandes qui ont été faites par des producteurs au ministère des Affaires culturelles pour voir ce que celui-ci pouvait faire dans le dossier en partant du principe que la comédie musicale de style, avec une production d'environ une douzaine de personnes sur scène, ne pouvait se réaliser qu'avec une partie de subvention. Les négociations sont en cours pour voir quel genre d'entreprise pourrait être créé, qui permettrait justement d'atteindre les objectifs que M. Deschênes élaborait, c'est-à-dire, la relève et une meilleure utilisation des personnes qui oeuvrent dans le domaine de la scène. Ces négociations ne sont pas encore conclues à l'heure actuelle.

M. Brouillet: Merci bien. Pour terminer,

une question. Enfin, je devine un peu la réponse, mais j'aimerais vous la faire préciser. D'après la mission de la SODICC et ses objectifs, est-ce qu'il serait possible pour vous de financer un organisme à but non lucratif qui voudrait, justement, intervenir dans le domaine culturel ou des communications? (16 h 45)

M. Deschênes: La réponse est oui. Nous pouvons financier les entreprises indépendamment de leur statut, lucratif ou non lucratif, et dans les faits, si on regarde l'ensemble des dossiers que nous avons, ily a des entreprises qui sont à but lucratif et il y en a qui sont à but non lucratif. Je vous en mentionnerai deux qui vont sûrement être explicites à votre esprit: ce sont ce qu'on peut appeler des grands événements, mais en particulier le festival culturel ou le festival qu'on appelle juste pour rire qui a lieu en juillet de chaque année, de même que le Festival de jazz qui a aussi lieu en juillet et qui normalement précède de quelques jours le Festival juste pour rire. Ce sont deux événements qui sont liés à des entreprises sans but lucratif. Il y en a d'autres que je pourrais vous donner, mais l'idée était de vous exprimer à travers ces deux exemples la possibilité que nous avons d'intervenir chez elles.

M. Brouillet: Bien, merci.

M. Champagne: Puisqu'il n'y a personne, je vais prendre la relève.

Le Président (M. French): Non, il y a quelqu'un. Je pense que le président va utiliser son droit de se donner la parole avec la permission...

M. Champagne: D'accord.

Changement d'orientation

Le Président (M. French):... de M. le député Mille-Îles. On aura certainement le temps de poursuivre avec vos questions. Je voudrais continuer dans le même sens que mon collègue le député de Louis-Hébert et mon collègue le député de Chauveau, dans la première partie de son intervention. Je cherche un moyen d'expression qui serait honnête et franc, mais respectueux de ceux qui sont avec nous aujourd'hui. Je voudrais exprimer mon malaise et mon inquiétude face au taux de mortalité dont on a parlé tantôt. On a dit qu'il y a des morts; il y en a trop, malheureusement et je pense que tout le monde peut le constater. Sans partir à la recherche de malfaiteurs, qu'ils soient politiques ou administratifs ou des milieux respectifs, je dois dire que j'ai apprécié beaucoup que le président ait fait référence - c'était peut-être plus facile pour lui parce qu'il n'était pas président à l'époque où la plupart des investissements ont été entrepris - à la jeunesse de l'entreprise. Je pense que c'est un facteur qu'il faut comprendre et accepter. Ce serait trop facile de dire que c'était uniquement la crise, même si la crise y était pour beaucoup, on est d'accord là-dessus.

Je veux vraiment parler honnêtement de cette expérience historique pour, par ta suite, discuter le virage qui est évoqué dans le rapport annuel, ainsi que dans les remarques préliminaires du président.

Il me semble évident qu'une SODICC, avec le genre de discours et le genre de philosophie de base qui régnaient au début et qui règnent encore, ne pourrait pas continuer avec le genre de performance, le genre de record, le genre d'expériences qu'on a eus pendant 1981-1982. Il est donc très important, face à un avenir fiscal qui n'est pas plus prometteur... Espérons que l'avenir économique sera plus prometteur, mais l'avenir fiscal, dans le secteur public, ne sera sûrement pas plus prometteur que la situation actuelle. Il pourrait peut-être se stabiliser mais il serait très osé d'espérer mieux que cela. Il me semble très important, donc, à ce moment, que le virage qui est entrepris soit un virage extrêmement réaliste. Le mot n'est pas le mien car il vient de votre rapport annuel ou de votre politique financière. Je pense que, dans votre rapport annuel, vous parlez d'évaluer les risques de façon plus réaliste, entre autres. Je pense que c'est extrêmement important.

Avant de parler de la différence entre une banque de risque et un catalyseur de développement, avant de faire la distinction entre attentisme et interventionnisme, je voudrais quand même évoquer un certain nombre d'hypothèses, de possibilités, de préoccupations ou de soucis qui se dégagent d'une lecture du document, ainsi que du rapport annuel et des deux dépliants.

Il me semble que ce n'est pas clair, ce que le ministère des Affaires culturelles devrait faire et ce que la SODICC devrait faire. En tout cas, ce n'est pas clair lorsqu'on lit en détail le genre d'investissements qui ont été faits. Il me semble que ce n'est pas clair encore et même après la lecture de la documentation, ce que la SODICC essaie de faire dans le contexte de la problématique de la culture québécoise et non pas de la problématique de l'économique ou de l'analyse financière d'un certain nombre d'entreprises qui vient au fur et à mesure. J'étais heureux de voir que la SODICC se dit prête à participer au débat sur la culture québécoise. J'espère que vous me permettrez de dire que ce n'est pas encore clair, quelle forme et quelle philosophie a vraiment la SODICC de cette problématique. Il me semble que ce n'est pas clair. Je n'ai pas encore regardé les

curriculum vitae, mais dans le cas par cas qui a été fait - il y a beaucoup de cas par cas - il me semble qu'il y a beaucoup de bonne volonté, un terrible surplus d'optimisme. Il y a peut-être eu - je ne vous invite même pas à le commenter parce que c'est un débat qui ne mène nulle part - une certaine pression politique qui venait des députés, des ministres qui, eux, venaient d'assister à la naissance de la SODICC. Le député de Chauveau dit que ça n'existe pas. Évidemment, c'est un homme d'honneur. J'accepte sa parole. Il y a peut-être eu un manque de présence du milieu, de la bureaucratie, une absence de certains du secteur privé qui, eux, font affaires avec les industries culturelles, mais qui n'en sont pas et ne les représentent pas en soi parmi leurs conseils d'administration ou parmi leur personnel. Enfin, la combinaison de toutes ces circonstances fait en sorte qu'il nous incombe aujourd'hui, d'autant plus à la SODICC, de faire un changement qui est assez important.

Avant que je pose des questions trop précises sur le virage, je voudrais, parce que j'ai fait un certain nombre d'affirmations ou, en tout cas, parce que j'ai essayé de poser un certain nombre de diagnostics peut-être pas justes, donner à nos invités l'occasion de répondre à ce que je viens de dire.

M. Deschênes: Effectivement, il y a beaucoup de choses que vous avez mentionnées, M. le Président, qui mériteraient de longs commentaires et un débat beaucoup plus que des commentaires. Je peux peut-être en prendre quelques-unes qui, aux fins de la commission de la culture, pourraient être éclairantes. Je pense que cela va éclairer, va aider la compréhension que vous avez de notre société si celle-là était incomplète et peut-être nous aider, nous, dans les commentaires et les suggestions que vous nous avez déjà faits et que vous nous ferez peut-être aujourd'hui et demain.

Je voudrais, en particulier, parler du rôle de la SODICC et du ministère des Affaires culturelles. Je dois reconnaître, et là je parle de la jeunesse de la société, que ces deux rôles sont complémentaires et, dans certains cas, se rejoignent. Ils ne sont pas mutuellement exclusifs. Ce sont des rôles qui se sont aussi définis avec des dossiers que nous avons eus, avec des difficultés que nous avons vécues, avec les programmes existant au ministère des Affaires culturelles. Globalement, si on essaie de positionner la SODICC par rapport au ministère des Affaires culturelles, c'est, effectivement, pour le ministère, la partie subventions et, pour la société, la partie investissements.

Dans le cas des industries culturelles, vous devez réaliser que ce sont des industries qui doivent être subventionnées au même titre qu'on subventionne les industries de fabrication de ce que vous voudrez au Québec. Si vous prenez la compagnie General Motors, lorsqu'elle a investi à Sainte-Thérèse, les gouvernements y ont participé financièrement à l'aide de subventions et, dans certains cas, à l'aide de capitaux également. Si vous prenez le programme que j'appellerais d'améliorations dans le secteur des pâtes et papiers, les gouvernements y ont mis considérablement d'argent. Je ne voudrais surtout pas que vous pensiez que l'industrie culturelle, parce que le gouvernement y consent des subventions ou parce qu'à certains moments le gouvernement, via notre société par exemple, y consent des investissements et que cela ne se réalise pas de façon aussi heureuse qu'on le voudrait tous, c'est effectivement néfaste. Bien sûr, à la pièce ou au cas, je vous dis que toutes les pertes que nous avons encourues sont des erreurs. Si ce n'avait pas été des erreurs, bien sûr, ce ne serait pas des pertes. Il y aurait des industries qui vivraient. Donc, on a fait des erreurs. Mais je peux vous dire, et vous le reconnaîtrez, que l'erreur est certainement un des secteurs où on peut puiser les meilleurs enseignements quand on veut bien les analyser et comprendre ce pourquoi l'erreur a été faite et a donné le résultat négatif que nous avons connu. En gros, le rôle du ministère par rapport à celui de notre société est subventions versus investissements.

Dans certains dossiers qui nous sont soumis, nous acceptons de présenter le dossier au ministère des Affaires culturelles ou au ministère des Communications, selon le cas, leur disant: Nous avons une entreprise que nous estimons intéressante, mais dans laquelle nous sommes incapables d'investir à cause d'une non-rentabilité selon le dossier que nous avons et qui nous est transmis par l'entreprise en cause. Nous estimons que cette entreprise, pour toutes sortes de raisons que nous identifions au ministère, devrait être analysée par le ministère pour voir s'il ne devrait pas y avoir ce que nous considérons comme étant un revenu, une subvention ou des subventions de la part du ministère en cause pour que cette entreprise puisse vivre.

Il y a donc ce que j'appellerais une collaboration que nous avons avec eux. Je vous ai parlé, ce matin, de l'avis d'opportunité que nous demandions au ministère. Au-delà de cet avis d'opportunité qui est un peu formel, nous avons des échanges constants pour leur dire: Voilà le coût d'une entreprise, voilà le coût d'un secteur et voilà peut-être certaines suggestions sur des actions que pourrait prendre le ministère.

Maintenant, au niveau du conseil d'administration, c'est très important aussi que je vous indique que ce conseil est

constitué de personnes qui ont, dans certains cas, une expertise de secteurs dans lesquels nous oeuvrons et, dans certains cas, de gens qui n'ont pas cette expertise. Bien sûr, il faut que vous réalisiez que nous ne pouvons pas aller chercher des gens qui seraient en conflit d'intérêts lorsqu'ils siégeraient au conseil d'administration, conflit d'intérêts qui pourrait naître, par exemple, du fait que certains dossiers que nous aurions analysés seraient des dossiers de concurrents ou de compétiteurs à leur entreprise ou des dossiers qui les concerneraient directement. D'un autre côté, il ne faut pas, non plus, exclure ex cathedra toutes ces personnes qui ont une expérience et qui pourraient venir et qui se déclarent en conflit d'intérêts dans certains dossiers et qui se retirent pour la discussion de ce dossier.

En général, je vous dirai que le conseil d'administration que nous souhaitons avoir doit correspondre à quatre types d'expertises; nous voulons, au conseil d'administration, avoir des gens qui proviennent du milieu des affaires, des gens qui sont habitués à traiter avec des entreprises, qui sont eux-mêmes promoteurs ou propriétaires ou industriels et qui sont susceptibles de nous amener cet éclairage d'entrepreneurs, de promoteurs, de gens d'affaires. Donc, il y a une catégorie que nous voulons voir représentée et que nous appelons les gens d'affaires.

Il y a une deuxième catégorie que nous voulons voir aussi, c'est une catégorie de spécialistes dans les industries que nous avons. Par exemple, on pourrait, dans certains cas, souhaiter avoir un spécialiste du logiciel, qui ne serait pas nécessairement un industriel, mais cela pourrait être un industriel. Il y a des gens qui sont là, qui peuvent être en même temps des spécialistes et des industriels. Les catégories ne sont pas mutuellement exclusives.

Nous voulons aussi avoir une troisième catégorie de personnes; ce sont des personnes qui ne sont pas des spécialistes et qui ne sont pas, non plus, des gens d'affaires. Ce sont des gens qui sont capables de nous donner des réactions à un dossier qui est évalué, comme une personne de bonne foi qui analyse un dossier et qui dit: II y a quelque chose là-dedans qui cloche ou ce dossier m'apparaît intéressant.

La quatrième catégorie que nous voulons avoir, ce sont des gens qui sont surtout compétents dans l'aspect financier, dans l'aspect banquier, dans le financement des entreprises. Quand vous mettez ces quatre catégories ensemble, normalement -en tout cas, c'est ce que nous pensons - cela donne un conseil d'administration équilibré qui nous permet d'avoir la meilleure décision sur les dossiers qui lui sont transmis ou qui sont portés à sa connaissance pour évaluation et décision.

Dans les faits, aujourd'hui, nous croyons avoir ce conseil qui représente ces quatre catégories. Quand il arrive qu'une personne laisse le conseil parce que son mandat est arrivé à terme ou pour d'autres circonstances qui peuvent être personnelles, nous essayons de combler son absence ou son départ selon ces quatre grandes catégories que nous avons.

Maintenant, il faut vous dire que M. Bouthillier, le vice-président, et moi-même qui sommes membres de ce conseil, nous avons, lui et moi, certaines compétences de sorte que nous entrons aussi dans ces quatre catégories; quand nous essayons de faire une équipe mixte, nous considérons nos compétences individuelles, à M. Bouthillier et à moi-même. (17 heures)

C'est une question que je voulais aussi porter à votre connaissance. Au niveau de la problématique culturelle au Québec, je dois vous dire que la société comme telle n'entend pas développer la culture et n'entend pas définir la culture que nous devrions avoir, que nous avons, que nous pourrions avoir au Québec. Nous sommes plutôt là pour accompagner les industries qui, par leurs produits, forment la culture, pour accompagner un certain nombre d'initiatives qui, toutes mises ensemble, avec les rôles que vous avez à l'Assemblée nationale, que la fonction publique a dans ses ministères, permettent de façonner, de déterminer cette problématique culturelle. Nous reconnaissons - vous l'avez vu dans le plan de développement - une problématique particulière à chacun des secteurs. Mais c'est surtout au niveau de la santé des secteurs que nous nous prononçons. Je vous donne un exemple. Au niveau de la radio au Québec, nous avons porté un jugement, qui a été rendu public avant que le document soit publié, qui a été critiqué par les milieux, dans lequel nous disons au milieu québécois que les postes de radio que nous avons, radio MA et radio MF, au Québec sont trop nombreux.

Une voix: Oui.

M. Deschênes: À partir de cette problématique - là, c'est un jugement que je vous résume; évidemment, il est un peu plus élaboré dans le document - nous disions aussi aux promoteurs et aux industriels de la radio: À moins de circonstances exceptionnelles, ne venez pas à la société cette année, nous ne vous recevrons pas parce que nous estimons que le Québec a suffisamment de radio, pour ne pas dire trop de radio. Effectivement, si vous regardez les dossiers, il y a une entreprise qui est venue et qui a eu la réponse que je viens de vous indiquer. Mais on a considéré ce qu'elle a invoqué comme étant des circonstances exceptionnelles et que nous n'avons pas

reconnues comme telles, de sorte que c'est un dossier dans lequel nous ne sommes pas intervenus. Donc, nous portons un jugement sur la problématique sectorielle de chacune des industries qui sont là et, à partir de là, nous identifions les mesures, les aides que nous pourrions apporter et même la priorité que nous pourrions donner à un secteur. Mais nous n'allons pas jusqu'à définir ce que devrait être la problématique culturelle au sens philosophique du terme.

Le Président (M. French): Je ne sais pas si M. Bouthillier veut ajouter quelque chose.

M. Bouthillier: Oui, je voudrais peut-être ajouter deux petits points. On a beaucoup parlé, pour expliquer nos erreurs passées, de la jeunesse de la société. Bien sûr, la société était jeune. J'étais du début, je peux en témoigner, on partait vraiment de rien. Il fallait bâtir des politiques financières, des critères d'admissibilité, ainsi de suite. Cela était une difficulté, la jeunesse. Mais ce qui était encore beaucoup plus important, je pense, que la jeunesse, c'était l'originalité de la formule. Nous étions et nous sommes encore la seule société au monde vouée au développement, par des voies financières, d'infrastructures industrielles dans le domaine de la culture et de la communication. On ne peut pas se baser sur d'autres modèles en Europe. En Europe, il s'en développe actuellement, mais ils ne sont même pas encore sur pied et ces gens sont venus nous voir.

Donc, nous devions aller chercher l'expertise qu'il nous fallait. Si vous avez des curriculum vitae en main, vous allez voir que la majorité de nos gens, enfin ceux qui sont à l'opération, ont une formation financière d'abord. Et ce n'était pas facile, au tout début, d'aller chercher des gens qui étaient en mesure de faire une analyse financière et, en même temps, de porter des jugements, non pas sur des projets, parce qu'on y allait quand même avec l'expertise du ministère, mais sur des valeurs financières adaptées au secteur culturel.

C'est pour cela que, à certaines reprises, on s'est carrément mis le doigt dans l'oeil dans l'évaluation de certaines de nos garanties. Prenez un stock de livres chez un éditeur; on a eu de très désagréables surprises quand on en a pris possession et qu'on est venu pour les liquider. On pensait obtenir 0, 30 $ ou 0, 40 $ par dollar et on en a eu 0, 06 $ ou 0, 07 $. On a dit: Oui, on ne connaît pas cela, on n'a pas l'expertise. C'est le premier point que je voulais développer. Il y a beaucoup qui tient à l'originalité de la formule.

L'autre point que je voulais développer, c'est l'effort qu'on a mis, et qu'on continue à mettre et même à accentuer, sur la formation des gens chez nous, la formation du personnel. Dans notre langage, on parle d'analyse micro et d'analyse macro. On peut analyser micro un dossier, d'une façon ponctuelle, mais toujours le replacer par rapport à son secteur et avoir une connaissance macrosectorielle. Cette année, on s'est voté un budget fixe pour la formation et l'information de notre personnel qui est au feu, le personnel qui est à l'analyse comme telle, pour lui développer de plus en plus une expertise dans chacun des secteurs dans lesquels on a à travailler.

Le Président (M. French): Je vous remercie de ces réponses très intéressantes. Je voudrais revenir, donc, sur le MAC et la SODICC. Clarifions donc cela. Je vous avoue que je ne suis pas satisfait de la réponse comme telle: Subventions, c'est le ministère; investissements, c'est la SODICC. Je pense qu'il y a deux raisons. La première et peut-être la plus facile, c'est que, d'une part, la SODICC a décidé d'aider des potiers, des céramistes, des luthiers et toute une série d'artisans et que, d'autre part, vous avez investi dans l'édition d'un livre, vous avez investi dans une pièce de théâtre.

Je dois vous dire - et je ne sais pas si c'est toujours possible de faire ce genre de choses à l'intérieur des nouveaux barèmes -que, pour ma part, c'est trop petit pour vous, pour ma part c'est à peu près impossible que cela ait du bon sens sur le plan "business", régulièrement, "consistently" comme on le dirait en anglais, de pouvoir continuellement faire cela. D'autre part, il me semble que non seulement l'expertise se trouve au ministère, mais arriver dans un cas par cas vis-à-vis d'un entrepreneur qui est assez "bright" pour aller vous voir, par rapport à une série d'autres qui ne sont peut-être pas aussi avertis sur le plan "business", mais peut-être artistiquement même supérieurs à celui qui est entrepreneur, me semble très dangereux. Il me semble que ce n'est pas votre place. Ce n'est pas, d'ailleurs, une grande réussite si on se fie au document. Je ne vous invite pas à vous prononcer sur l'histoire, mais je vous demande si c'est encore possible qu'un éditeur arrive chez vous, et dise: J'ai un manuscrit qui est rentable, je viens vous voir; s'il n'est pas rentable je vais voir le ministère des Affaires culturelles.

M. Deschênes: Non. Écoutez, M. le Président, nous n'intervenons pas sur des projets, sur des dossiers. Par exemple, un éditeur ne vient pas nous voir, pour donner un exemple du passé qui est connu maintenant, pour publier Le Matou. Nous investissons au niveau d'un industriel qui est un éditeur et qui, lui, édite un certain nombre de titres, 20, 30, 40, cela dépend de la grosseur de l'industriel et de l'éditeur en

particulier dans ce cas. De la même façon, nous n'investissons pas dans une pièce de théâtre; nous investissons dans une société qui produit des pièces de théâtre. Par exemple, notre présence au TNM, ce n'est pas parce qu'ils produisent, à un moment donné, une pièce donnée qui peut être de n'importe quel auteur québécois, français ou autre; c'est parce que le TNM est une industrie et que nous considérons intéressant pour le secteur industriel en cause, au sens macroscopique et au sens microscopique pour l'industrie plus particulièrement qu'est le TNM, d'investir et de voir à ce que cette industrie continue à vivre et à progresser au Québec.

Maintenant, je peux vous dire aussi qu'au niveau de cette séparation des rôles du MAC et de la SODICC - et peut-être que la réponse que je viens de vous donner en est un premier indice - nos investissements vont sur les structures industrielles, sur les industries. Et c'est sûr qu'à partir d'une intervention sur l'industrie on peut, jusqu'à un certain point, modifier ou, du moins, façonner à notre manière la culture au Québec. La culture au Québec, c'est d'abord le rôle du ministère des Affaires culturelles. Par les avis d'opportunité que nous obtenons, c'est lui qui, finalement, est le premier intervenant pour toucher à cette problématique culturelle, s'il y a lieu.

Le Président (M. French): Alors, c'est clair qu'il n'y aura plus de financement d'édition de livres comme il y a eu dans le passé, il n'y aura plus de financement d'une pièce de théâtre comme on a eu dans le passé?

M. Deschênes: C'est-à-dire que vous allez avoir des financements d'éditeurs probablement dans l'avenir et le financement de groupes de théâtre aussi, des financements individuels, je ne pourrais pas vous les exclure ex cathedra. Je vous ai mentionné ce matin le cas du disque, où nous avons été dans la situation de modifier la direction, l'orientation que nous avons prise pour, dorénavant, compte tenu de la problématique industrielle actuelle, intervenir sur des projets parce que les projets sont une industrie. C'est une industrie qui est limitée à un projet alors qu'auparavant nous disions: Une industrie ne peut être un projet, il faut que ce soit plus qu'un projet.

Comme nous avons été obligés de modifier notre orientation en fonction des circonstances sur le disque, je ne voudrais pas m'engager à éviter de faire de même si les circonstances nous y obligeaient dans l'avenir pour le livre, le théâtre ou tout autre secteur.

Le Président (M. French): Ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que, pour ma part, j'espère que, dans la mesure du possible, vous pourrez l'éviter puisqu'il me semble que cela a été une grande dépense d'énergies de votre part pour très peu de retombées. Vous êtes dans un autre "business". C'est plus grand et plus fondamentalement lié, comme vous le dites, à l'infrastructure industrielle et commerciale et non pas à un produit ou à projet particulier. Je voudrais émettre le souhait que vous ne répétiez pas ces expériences.

Peut-on également présumer que l'époque où le potier arrivait et disait: Je veux un nouvel atelier est révolue?

M. Deschênes: C'est plus difficile parce que, lorsque vous parlez d'artisanat et de structure industrielle dans le domaine de l'artisanat, au Québec, c'est du PE - pour petite entreprise. Quand on en parle, dans notre jargon, c'est plus du TPE que du PE, soit de la toute petite entreprise.

Si des potiers, des luthiers - vous les mentionnez tantôt fort à propos - arrivaient chez nous et que l'aide que nous pourrions leur consentir leur permettrait de se développer, nous accepterions de mettre beaucoup plus d'efforts pour le dossier que nous n'en mettrions dans un autre secteur, par exemple, le patrimoine, comme on l'a déjà mentionné, et le développement du Petit-Champlain qui s'avèrent fort lucratifs. Mais, pour développer des entreprises, un secteur, il faut souvent y mettre beaucoup d'efforts.

Je vous mentionne un dossier que j'identifiais ce matin et qui est celui de la commercialisation des métiers d'art. Nous avons, dans notre problématique, identifié que la plus grande difficulté était là. Nous nous y sommes donc attaqués. Lorsque nous serons au niveau de la commercialisation, peut-être en viendrons-nous à convaincre les artisans de produire d'une façon qu'on peut appeler plus industrielle, sans être péjoratifs sur le terme. Dans certains cas, ces personnes ont une certaine réticence à utiliser le mot industriel parce que cela modifie la création de leurs produits. En tout cas, je peux vous dire que c'est le genre de discussions et de difficultés que nous vivons dans ce secteur.

Le Président (M. French): Pour ce qui est de la commercialisation, si vous pouvez le faire et que cela entre dans les critères financiers de la SODICC, c'est une tout autre chose. Lorsqu'on parle des équipements de production, dans une situation où c'est uniquement un seul artisan, je voudrais émettre le même souhait que pour le livre ou la pièce de théâtre.

M. d'Astous.

M. d'Astous: Concernant les métiers d'art, dans le plan de développement, on

disait bien que la SODICC ne voulait pas aider à la production pour l'année, que l'accent allait être mis sur la diffusion ou la distribution. Il faut voir aussi que, dans les métiers d'art, la plupart des artisans sont admissibles à des programmes qui existent à la SDI ou ailleurs, qui correspondent mieux à leurs besoins.

Le Président (M. French): Je voudrais revenir à subventions et investissements parce que je crois que c'est une question importante. Le deuxième problème que j'ai avec cette distinction, c'est que je veux bien que vous n'ayez pas le droit de verser des subventions, mais, dans les faits, vous en avez versé un bon nombre. Malheureusement, elles n'ont pas toujours rapporté ce que vous auriez voulu. Encore une fois, nous ne sommes pas ici pour pointer du doigt, mais -je ne veux pas épuiser cette question dès maintenant; je voudrais peut-être l'amener lorsque nous serons sur le point de terminer - je vous dis tout simplement qu'à ce moment-ci, avec votre politique quasi commerciale, d'une part, avec vos instruments juridiques dont on n'a pas parlé et la préoccupation de la sécurité qui, encore une fois, entre dans le même cheminement de pensée; d'autre part, avec votre volonté importante et, d'ailleurs, fondamentale d'aider à bâtir une culture sur un marché de taille trop petite, mais, néanmoins, une volonté absolument essentielle, qui est la raison d'être de votre société, la raison d'être de notre préoccupation pour la société, je ne suis pas convaincu encore, quitte à ce qu'on discute vos nouvelles politiques, que nous avons trouvé la formule qui sera réellement prometteuse. (17 h 15)

Autrement dit - cela peut paraître un peu drôle venant du député de Westmount -je ne suis pas sûr que vous ne devrez pas utiliser des formes de subventions. Je ne suis pas sûr, par exemple, que vous ne deviez pas prévoir qu'une subvention d'une proportion des taux d'intérêt que vous facturez soit contribuée par le gouvernement pour que, justement, l'entreprise ne voie pas le jour où vous serez obligés de vendre les livres ou les billets non vendus, ou je ne sais pas trop quoi que vous allez identifier comme sécurités. En tout cas, c'est une considération qui m'a passé par l'esprit lorsque je voyais cette triste conséquence des décisions prises en 1981-1982 deux ou trois ans plus tard. Je ne pense pas que nous soyons en mesure, pour le moment, de vraiment aller au fond de cette question. Je vous le mentionne, pour le moment.

Je ne sais pas s'il y a d'autres députés qui voudraient enchaîner. Je suis prêt, mais je pense que c'est peut-être l'occasion pour quelqu'un d'autre de commencer. M. le député de Mille-Îles.

Mise en marché de l'art québécois

M. Champagne: Oui, sans vouloir peut-être revenir sur certains points, je voudrais parler de votre présentation; à la page 7, vous parliez de SOMART, entre autres.

Voici, on a certainement une préoccupation de faire en sorte que le produit culturel québécois, que ce soit la sculpture, la peinture ou les oeuvres d'art comme telles, ait la plus grande diffusion possible. La semaine dernière, par hasard, je me promenais dans le Vieux-Québec, aux alentours ici. Il y avait des magasins de souvenirs. Hélas, souvent, dans ces magasins de souvenirs, on vend de l'art esquimau, de l'art indien. On essaie de trouver de l'art québécois. Hélas, on a de la difficulté à en trouver, sinon qu'on peut trouver un magasin où on va vendre de la belle poterie, des produits d'ici, quand même. On peut quand même le déplorer et on se dit: Dans le Vieux-Québec, les Américains et les étrangers viennent. Qu'est-ce qu'on fait pour aider le petit commerçant à diffuser, à vendre l'art du Québec? Je sais bien qu'on fait des efforts. Entre autres, nous avons le Salon des métiers d'art, que ce soit à Québec ou à Montréal, où on donne une chance de commercialiser et de vendre les produits des artistes.

Et puis, vous dites: "Notre intervention vise, dans ce cas, la rationalisation de la mise en marché, sur une base industrielle, des produits de métiers d'art. " Je veux demander ceci: Quels sont les objectifs ou les moyens que la SODICC a l'intention de mettre sur table pour faire en sorte qu'il y ait une rationalisation de la mise en marché des produits artistiques québécois?

M. Deschênes: C'est une intervention qui est toujours en cours, mais dont les modalités sont à peu près convenues. D'ailleurs, l'initiative ne vient pas de nous, cela vient des corporations; je pense qu'on y a participé de façon assez active. Mais il y a la Corporation des artisans de Québec et la Corporation des artisans de Montréal qui travaillent, chacune de son côté, à développer les marchés pour les membres que sont les artisans, dans un cas, de la région de Québec et, dans l'autre cas, de la région de Montréal.

Maintenant, comme vous le savez, ces corporations travaillaient sur les salons et ainsi de suite, de sorte qu'elles avaient beaucoup de pain sur la planche. Souventefois, leur dernier petit souci, c'était celui de la commercialisation, de sorte que, ensemble, on a convenu qu'il fallait mettre une structure spéciale, qui ne s'occuperait que de cela, qui ferait en sorte que les produits de leurs membres pourraient être

distribués sur les marchés locaux, bien sûr, mais sur les marchés étrangers aussi.

Je vous dirai, de toute façon, que nous avons convenu avec elles et nous leur avons fait comprendre que, d'abord, il s'agissait de prendre le marché québécois avant de s'étendre à l'extérieur, qu'il ne fallait pas en prendre trop grand. L'exemple que vous avez vécu, M. le député de Mille-Îles, je suis sûr qu'on l'a tous vécu dans différentes boutiques qui existent: cette difficulté de la présence et du coût de l'artisanat québécois.

Cette société comprend, donc, la Corporation des artisans de Québec et la Corporation des artisans de Montréal qui, elles, ont investi chacune 40% du capital-actions et notre société a accepté d'y investir les 20% additionnels. Je dois vous dire que, dans ce cas, nous avons insisté pour que notre participation financière soit, en partie, sous forme de capital. Connaissant ces deux corporations, vous savez comment elles fonctionnent: c'est un ensemble de membres qui fait que la société existe. Je pense qu'en toute bonne foi chaque membre pense que son ou ses produits sont les meilleurs et qu'ils devraient être commercialisés avant ceux du voisin. Nous avons donc un rôle que nous leur avons fait comprendre, celui, dans certains cas, d'être un arbitre et de faire en sorte que les meilleures méthodes de mise en marché et de distribution soient déterminées, que les meilleurs moyens soient pris afin, dans certains cas, que les meilleurs produits soient identifiés et déterminés. Cela veut dire, quand vous prenez les meilleurs produits, que des artisans vont être choisis de préférence à d'autres.

Il faut aussi faire reconnaître aux artisans, à travers cette société, qu'ils doivent prendre des engagements de production. Je vous donne un exemple. Vous savez qu'actuellement, en vue de la période des fêtes, les produits sont à l'étalage de sorte que vous ne pouvez pas accepter que des artisans conviennent avec vous qu'une production particulière soit disponible pour le 1er octobre et qu'on arrive au 15 novembre et qu'elle ne soit pas encore là. À ce moment-là, la période des fêtes est complètement manquée, elle est complètement loupée et cela fait mal aux produits de l'artisanat québécois.

C'est à ce genre de problèmes que nous nous attaquons avec SOMART et cela, de deux façons: d'abord, comme je vous le disais, en étant membres du conseil d'administration, en intervenant. Nous sommes minoritaires de toute façon, nous n'avons que 20% des actions. Mais il faut dire que notre voix est très écoutée puisque nous ne sommes pas là pour favoriser l'une ou l'autre des deux corporations ou l'un ou l'autre des membres qui sont à l'origine des deux corporations. La deuxième façon, c'est en aidant au financement de l'entreprise elle-même, c'est-à-dire à son fonds de roulement et à l'argent nécessaire pour la mettre en marche et, souventefois, en assumant les inventaires qui doivent être distribués et dont l'argent ne revient qu'une fois les produits vendus.

M. Champagne: Mais lorsque vous siégez avec SOMART, est-ce que vous analysez la faiblesse du marché, entre autres, que ce soit chez les dépanneurs, dans des magasins de souvenirs ou dans des grands magasins? Est-ce que vous faites des études de marché, est-ce que vous avez des moyens de distribution, des moyens de marketing? C'est ma préoccupation. J'espère bien et je suppose que vous en parlez. A ce moment-là, quels sont les moyens que SOMART est prête à prendre pour faire en sorte que la distribution soit faite pour que le produit d'art québécois soit sur les étalages des magasins de Québec, de Montréal et d'ailleurs?

M. Deschênes: SOMART - je l'indiquais peut-être un peu trop subtilement tantôt -n'est pas encore en état de fonctionnement. Les mandats de cette société sont presque définis, les membres du conseil d'administration seront nommés sous peu, de sorte que je ne peux pas vous dire, au niveau du conseil, l'action effective ou efficace que nous avons prise ou que nous envisageons de prendre. Mais je peux vous dire que l'objectif de SOMART - et son nom le dit - c'est de commercialiser; on veut vendre. Et aussi intéressant ou négatif que puisse être ce mot, c'est cela. On veut vendre des produits des artisans du Québec. Vendre des produits, cela veut d'abord dire les rendre sur les étagères, les offrir. Si tout le monde s'entend pour dire qu'on va vendre, il faut donc prendre les moyens pour vendre. Cela veut dire étudier son marché, déterminer les points de vente les meilleurs et faire en sorte qu'au moment approprié, à une période donnée, tels produits soient disponibles et accessibles.

Par exemple, si vous parlez de la ville de Québec, il faut que, lors de la période touristique qui est l'été, les produits soient là. S'ils arrivent au mois de novembre, on a manqué la période de l'été, on va peut-être avoir la période des fêtes. Il y a donc une mise en marché à développer, il y a la connaissance des produits à distribuer sur l'ensemble du territoire et il y a les points de vente à bien identifier pour faire en sorte que ce soit une activité industrielle. Et quand on parle d'une activité industrielle rentable, il faut que cela tourne, il faut que cela marche, il fait qu'il y ait des ventes, des entrées et, évidemment, il faut qu'il y ait des produits.

M. Champagne: Je ne sais pas si monsieur voulait ajouter quelque chose.

Le Président (M. French): Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Laliberté: Je veux simplement ajouter que, si le député de Mille-Îles veut oublier un peu sa mauvaise expérience de visite de postes de vente dans certains endroits du Vieux-Québec, il n'a qu'à venir sur la rue Petit-Champlain. Plus sérieusement, je vous dirai que, si la SODICC est intervenue dans le Petit-Champlain avec la compagnie RDP, c'était, bien sûr, en visant des retombées au plan de l'architecture et de la restauration d'un milieu urbain qui était très détérioré. On visait aussi une rentabilité financière de l'opération. Mais on visait également une rentabilité au plan de la diffusion de l'artisanat. Dites-vous bien que, dans le Petit-Champlain, on retrouve actuellement -ce n'est pas de la commandite, mais je le souligne quand même - 40 postes de vente de produits artisanaux québécois. C'est un endroit qui est visité; je crois que c'est le regroupement commercial le plus visité à Québec pendant l'année. Je pense qu'il faut rappeler assez souvent qu'au plan de la diffusion de l'artisanat c'est une réussite, tout au moins à ce plan-là.

M. Champagne: J'avais, durant mon périple, passé au Petit-Champlain. C'est vrai qu'il y avait beaucoup d'oeuvres québécoises et certaines oeuvres québécoises dans différents domaines. Mais c'était piteux dans d'autres, justement. Peut-être que c'est une mauvaise expérience et que je suis allé aux mauvais endroits.

Le Président (M. French): Est-ce que c'est toujours sur le même sujet?

M. Champagne: Oui, c'est toujours sur le même sujet et c'est peut-être difficile de répondre à cette question. Est-ce que vous avez déjà évalué, au point de vue économique, l'importance du produit d'art québécois? Est-ce que vous vous apercevez que, d'année en année, le produit d'art québécois devient de plus en plus important au point de vue économique? C'est peut-être difficile à juger. Ce n'est pas une colle que je vous pose...

M. d'Astous: Non, non.

M. Champagne:... c'est simplement pour savoir si vous êtes capable de l'évaluer globalement.

M. d'Astous: Non, le ministère des Affaires culturelles a produit, dernièrement, un ouvrage qui quantifie l'importance des produits des métiers d'art, qui est toujours en progression. Mais on sent un certain essoufflement des formules de salons, par exemple, qui fonctionnent beaucoup moins bien que par les années passées. Si on calcule la part du marché québécois dans l'ensemble des marchés institutionnels ou des cadeaux, elle est stable. Elle ne s'améliore pas de façon très nette. La production globale augmente, mais, comme l'offre globale augmente, la part du marché reste stable, si elle ne diminue pas.

Si vous voulez d'autres informations, je pourrais vous obtenir l'étude d'une façon plus détaillée.

M. Champagne: D'accord.

M. Deschênes: On peut dire, sauf erreur, et vous me corrigerez, M. d'Astous, si je fais erreur, que le produit québécois en artisanat n'occupe que 15% du marché local, de sorte que, à partir de ces données, nous savons qu'il y a un marché local considérable à aller chercher. On ne peut pas se tromper; à 15%, c'est loin d'être proche du sommet.

M. Bouthillier: C'est très aléatoire, d'autre part, d'essayer d'établir un raisonnement sur des bases statistiques précises pour deux raisons: d'abord, parce qu'il se fait énormément, dans ce secteur, de travail au noir, de travail non déclaré, de toutes sortes de façons; deuxièmement, à cause de difficultés de sémantique purement et simplement. Qu'est-ce qu'un produit d'artisanat et à quel moment devient-il industriel? J'aime toujours citer cet exemple: l'ébéniste d'art, c'est celui qui fait une armoire; l'artisan, c'est celui qui en fait 50; si on en fait 300, cela devient une industrie, on s'en va au MIC. Cela ne peut pas toujours se trancher au couteau, ce qu'est un produit d'art, un produit d'artisanat. Alors, il y a une difficulté sémantique aussi qui fait que toute statistique est un peu aléatoire. (17 h 30)

M. Champagne: D'accord. Je comprends bien. C'était plutôt pour montrer l'importance du produit artistique québécois. Je suis d'accord avec vous. Il me semble que cela va en progression. On connaît quand même une statistique de 15%. Il s'agit peut-être d'aller plus loin.

M. le Président, j'aurais peut-être un autre sujet, mais j'y reviendrai.

Le Président (M. French): C'est un commentaire que je vous adresse personnellement. Je suis convaincu que vous ne l'avez pas fait exprès, mais il ne faudrait pas oublier que les lnuits et les Indiens pourraient bien être des Québécois également. Leur art pourrait être caractérisé comme québécois.

M. Champagne: En parlant d'Indiens, ce pourrait être également les arts venant de l'extérieur du Québec à ce moment-là. Je parle bien des Indiens. Que ce soit même égyptien - j'ai même vu de l'art égyptien -ce n'est pas que je sois contre l'art égyptien mais, lorsque dans la ville de Québec, à un moment donné, on en voit sur des tablettes de certaines boutiques! C'est bien sûr qu'il peut y avoir des spécialités. Je suis pour l'art esquimau que j'aime beaucoup. Je suis déjà allé à Frobisher Bay où il y avait une coopérative de production d'art que j'ai visitée avec beaucoup d'intérêt. Je suis pour cet art. Je pense qu'ici, au Québec, nous avons quelque chose de très particulier que ce soit dans la sculpture de Saint-Jean-Port-Joli ou d'ailleurs.

Le Président (M. French): Vous êtes un cas désespéré.

M. Champagne: Est-ce que vous aviez l'intention de donner la parole à une autre personne?

Le Président (M. French): D'accord.

M. Champagne: Je voudrais aborder un autre sujet. Il y a eu des négociations dernièrement, je pense, entre la France et le Québec. Le ministre délégué à la Culture, M. Lang, a rencontré des personnalités québécoises. Il a été question de financement d'industries de la culture. Je pense que le Québec est ouvert sur le monde et qu'une société comme la SODICC peut avoir des objectifs de développement locaux, mais on peut également penser à des accords internationaux.

Je voudrais savoir, de la part de M. le président, si dans ses accords, lors de ses rencontres en Belgique ou en France, il y a des choses, des ententes réciproques qui s'en viennent. Y a-t-il des projets d'exportation des produits québécois dans ces pays francophones?

M. Deschênes: M. le Président, les efforts que nous développons, pour exporter les produits culturels québécois, nous amènent effectivement à travailler avec certains gouvernements et plus particulièrement avec les gouvernements francophones. C'est notamment le cas de la France et de la Belgique.

M. Bouthillier a mentionné plus tôt que notre société était unique au monde et qu'on venait de l'extérieur - de la France et de la Belgique, par exemple - pour analyser notre fonctionnement, le type de résultats que nous obtenions, les difficultés que nous avions, etc. Dans le cas de la Belgique, ils ont mis sur pied, et sont au point où ils vont présenter leur projet à leur Assemblée nationale, une société qui est à peu près une copie conforme de la SODICC. Cette société s'appelle la SPIC ou Société de promotion des industries culturelles pour la Belgique. Dans ce projet, ils ont suggéré, et nous en avons discuté avec eux, la possibilité d'un échange de capitaux. Nous investirions, nous la SODICC, dans leur SPIC et leur SPIC investirait des capitaux, dans notre société. Les montants seraient identiques de sorte que, si vous me permettez l'expression, il n'y aurait pas de fuite de capitaux, soit de leur part ou soit de notre part, l'objectif étant, pour la Belgique, d'avoir un point d'observation au Québec sur les industries qui les représentent, de connaître le marché québécois et possiblement d'identifier les meilleurs créneaux pour leurs produits et inversement pour nous aussi, d'avoir un siège d'observation là-bas, tout à fait approprié et exceptionnel - un siège au conseil d'administration de la SPIC - et de pouvoir identifier quels sont les meilleurs produits culturels québécois pour le marché de la Belgique. La discussion que nous avons eue est à ce point. Nous avons formellement proposé, dans un document écrit présenté aux responsables belges, d'investir dans un croisement, d'avoir un croisement d'investissements entre leur société et la nôtre, et cette proposition est sur leur table, compte tenu qu'avant d'y donner suite, c'est une suite qu'elles ont déjà identifiée comme positive. Ils ont passé une loi qui va créer leur société de développement des industries culturelles, leur SDIC. Cela, c'est pour la Belgique.

Au niveau de la France, il y a eu, si vous vous rappelez les événements de mai et juin de cette année, une rencontre qui s'est appelée rencontre franco-québécoise sur la culture, à Québec et à Montréal; quelques jours à Québec et quelques jours à Montréal. À cette occasion, nous avons fait avancer de façon beaucoup plus rapide que nous ne l'aurions fait par l'échange de correspondance les négociations que nous avions avec deux institutions françaises: l'une l'IFClC, qui veut dire l'Institut de financement du cinéma et des industries culturelles et une autre société qui s'appelle OCTET, je suis incapable de vous donner ce que veut dire le sigle OCTET, qui est là pour le développement dans les industries de pointe ou dans les nouvelles technologies.

Dans le cas de l'IFCIC, nous avons convenu d'une entente, d'un protocole qui est à peu près le protocole suivant: il s'agit du financement de coproductions, et comme dans le nom IFCIC il y a le cinéma et les industries culturelles ce protocole sera signé - parce qu'il reste à être signé en France -il sera signé au Québec par la Société générale du cinéma et par la SODICC et en France ce sera signé par l'IFCIC. Cela dit essentiellement aux entreprises françaises et aux entreprises québécoises ou à leurs

promoteurs: "Si vous voulez faire des coproductions ensemble, si vous avez de bonnes idées, de bons projets, nous, la SODICC et la SGC au Québec et l'IFCIC en France, vous assurons que tout bon projet de financement sera garanti, c'est-à-dire qu'on va, nous, se charger, les trois sociétés que je vous ai nommées, de faire en sorte que le financement soit trouvé". Occupez-vous d'avoir de bons projets, évidemment avec les caractéristiques de rentabilité et de développement économique que je vous mentionnais tantôt, et le financement on va s'en occuper pour vous. Donc, créez, produisez et nous, on va s'occuper du financement.

Donc, c'est l'accord avec l'IFCIC. Le second avec l'OCTET est à un stade moins avancé pour une raison technique, l'OCTET souhaitant qu'on forme une société, une corporation nouvelle très légère qui serait le groupe France-Québec pour le développement de nouvelles technologies, quelque chose comme cela, et nous, à la SODICC, ne favorisant pas la mise sur pied d'une nouvelle corporation, estimant que la SODICC a la souplesse nécessaire pour mener à bien de tels projets, de telles associations. C'est ce que j'appellerais une petite difficulté technique qui empêche la réalisation de ce faire. Je pense que si on avait l'occasion, l'OCTET et nous, de nous rencontrer c'est probablement une difficulté qui serait levée assez rapidement.

Dans le cas de l'entente avec l'IFCIC et la Société générale du cinéma et nous, c'est une entente à laquelle messieurs Lang et Richard ont fait publiquement état lors de leurs discussions avec la presse au mois de juin, à la suite de la rencontre franco-québécoise sur la culture.

Maintenant, nous participons, en fonction de notre expertise aussi, à un ensemble d'autres travaux. Ce sont des travaux, qui sont dans certains cas gouvernementaux dans certains cas privés, pour favoriser l'exportation de produits culturels. Vous avez sûrement entendu parler aussi d'une émission semestrielle de variétés qui serait diffusée simultanément - il faut prendre "simultanément" entre guillemets à cause du décalage horaire - en France et au Québec. On verrait des vidéoclips, on verrait un artiste français et un artiste québécois, et on essaierait à travers cela de stimuler, au Québec, les produits français et en France les produits québécois. Quand je dis semestriel, ce serait un projet qui s'étalerait sur plusieurs années, qui progresse et qui, je crois, arrivera à un dénouement heureux dans quelques mois. D'ailleurs, s'il y en avait une première, ce serait au printemps.

M. Champagne: Merci beaucoup pour vos explications.

Le Président (M. French): J'ai une question assez brève qui pourrait peut-être être réglée, parce que j'avais oublié tantôt. Toujours dans le cadre, du MAC d'une part et de la SODICC d'autre part, il y avait des artisans; il y avait des productions de livres et de pièces de théâtre; on a réglé cela. Il y a un autre problème: il s'agit du "bridge financing" qui est fait ou qui a été fait. Est-ce que cela continue, le financement de pont entre subventions? Je ne comprends pas pourquoi vous êtes là-dedans.

M. Deschênes: Je dois vous dire que nous partageons entièrement votre point de vue à cet égard. Le financement, le "bridging" de subventions, pour reprendre un terme du métier, c'est une participation financière qui a un effet à peu près nul dans le sens que c'est un financement que nous acceptons de faire pour une subvention ou des participations gouvernementales autres qui viendraient à un moment donné et qui sont assurées. Il s'agit seulement, dans ces cas, de ce que j'appellerais la difficulté, et probablement aussi la lourdeur de l'appareil étatique de la fonction publique, à verser les subventions dans des périodes plus courtes et plus opportunes également. Par exemple, les verser dès que l'année financière est commencée plutôt qu'au milieu de l'été, alors qu'une partie de l'année des industries culturelles est passée. À cet égard, nous avons fait plusieurs représentations auprès du ministère des Affaires culturelles et de son ministre et je dois vous dire en passant que le conseil d'administration de notre société rencontre les deux ministres, le ministre des Communications et le ministre des Affaires culturelles, au moins une fois par année, de façon formelle. Le conseil identifie à l'avance un certain nombre de préoccupations dont le ministre vient discuter avec les membres du conseil.

On fait la même chose avec le ministre des Communications. C'est une préoccupation que nous avons portée à la connaissance du ministre et du ministère. Sans nous en donner le crédit, des améliorations ont été apportées. On en fait moins qu'on en faisait et cela diminue. Nous serons heureux quand ce sera complètement disparu.

Pour être honnête, je vous dirai que nous en faisons également pour des organismes subventionnés par le gouvernement fédéral. Évidemment, quand nous intervenons, c'est parce que nous estimons que l'entreprise, compte tenu des fonctions publiques en cause, requiert une telle aide, un tel fonds de roulement à un moment précis, que les subventions ne peuvent être reçues à ce moment-là et c'est pourquoi nous acceptons de le faire. Mais c'est toujours une intervention que nous n'apprécions pas et que nous essayons de réduire le plus possible.

Le Président (M. French): Je voudrais tout simplement dire, de la part de mes collègues, que le plus rapidement vous vous débarrasserez de cette fonction, le mieux ce sera. M. le député de Louis-Hébert.

La câblodistribution

M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans le document que vous avez préparé concernant le plan de développement de la SODICC, vous faites l'état de la situation en ce qui concerne la câblodistribution. Dans les orientations, vous faites une appréciation de la situation actuelle et vous indiquez qu'il serait possible pour certaines entreprises québécoises d'explorer de nouveaux marchés et d'exporter leur expertise et leurs connaissances dans ce domaine. Vous indiquez aussi que la SODICC entend, à titre d'orientation, répondre favorablement à certaines demandes qui pourraient lui être faites dans ce sens. Quels sont les contacts et quels sont les efforts qui sont faits conjointement avec le ministère des Communications dans ce domaine? Est-ce que vous agissez d'une façon concordante avec le ministère des Communications? On sait que le ministère des Communications est impliqué dans ce dossier d'exportation du "know-how" québécois en matière de câblodistribution. On sait que des efforts ont été faits. On sait qu'actuellement, pour des raisons qui semblent hors de notre contrôle, le dossier de ces négociations piétine. Est-ce qu'il y a de nouveaux développements? De quelle façon vous organisez-vous pour que tout cela se fasse sans qu'il y ait dédoublement d'efforts de votre côté avec le ministère des Communications? Le problème revient un peu aussi à celui que soulevait mon collègue de Westmount tout à l'heure, c'est-à-dire éviter que, d'un côté, il y ait des actions qui proviennent du ministère des Communications et qu'il y en ait un certain nombre d'autres qui proviennent de la SODICC, les deux risquant de s'annuler en fin de course. (17 h 45)

M. Deschênes: Je dois présumer que les difficultés auxquelles vous faites allusion sont celles du territoire français...

M. Doyon: Oui.

M. Deschênes:... en matière de câblodistribution. Bien.

En ce qui concerne la SODICC et le ministère, je dois vous dire, dans un premier temps, que notre collaboration est à peu près totale; je dis à peu près parce que je pense qu'il y a toujours des améliorations qu'on peut y apporter. Mais c'est une collaboration qui est, effectivement, de tous les instants dans ce dossier.

Je dois vous dire, dans un second temps, que nous avons, à la SODICC, avec beaucoup de difficultés - je ne vous cache pas qu'on a été près du désespoir, à deux reprises on laissait tomber le dossier - mis ensemble plusieurs entreprises qui sont intéressées à l'exportation de biens et services en matière de câblodistribution, avec la prémisse que l'une ou l'autre de ces entreprises n'était pas dans une position d'aller conquérir seule les marchés étrangers. Je pense que l'exemple de la France en est un cas frappant. Vous avez notre plus grosse entreprise, la plus importante entreprise de câblodistribution au Québec, Câblevision Vidéotron, qui a participé pendant cinq ans à de nombreux efforts de séjour là-bas, à des rencontres avec des intervenants français pour essayer de vendre son expertise, ses biens et ses services, avec les difficultés auxquelles vous avez fait allusion indirectement, qui sont effectivement des difficultés très présentes.

Maintenant, ces entreprises ont toutes reconnu la difficulté d'y aller isolément. La majorité de ces entreprises aussi y allait en particulier au niveau des foires sur les marchés extérieurs pour essayer de vendre leurs services. Ce que nous leur avons proposé, ce qui est dans notre plan de développement, c'est de s'associer ensemble. Au moment où on se parle, sans dévoiler de secret - je le dis parce qu'un des intervenants à ce futur consortium y a fait allusion publiquement au niveau des médias, de sorte que je ne me sens pas lié par le secret puisque c'est maintenant rendu public - à moins de difficultés de dernière heure, il y aura un consortium qui sera créé en matière de câblodistribution pour l'exportation de biens et services de nature québécoise sur les marchés étrangers. Ce consortium réunit des entreprises qui ne sont à peu près pas concurrentielles, mais qui sont les plus importantes au Québec. Il est difficile en matière de services et de biens de câblodistribution d'obtenir des entreprises qui auraient des équipements, des biens et des services absolument indépendants les uns des autres. C'est une difficulté que chacun des participants a reconnue, qu'on va essayer de vivre ensemble, qu'on va essayer de vivre au jour le jour et éviter que cela puisse contrecarrer nos objectifs de développement sur les marchés extérieurs.

Maintenant, une de ces entreprises, puisque c'est celle-là qui a rendu publics les efforts du groupe, c'est Vidéotron. Et Vidéotron ayant, comme je le disais tantôt, arpenté et je dirais même labouré le territoire français pendant cinq ans, nous a demandé comme condition - c'était une condition sine qua non - d'exclure le territoire français, la France, des marchés que prospecterait le consortium. Évidemment, comme c'était une condition sine qua non, les partenaires en cause ont accepté. C'est un consortium auquel nous, à la SODICC,

croyons avec beaucoup d'espoir, et nous en attendons des résultats.

De toute façon, l'expertise que nous avons au Québec en cette matière, c'est une expertise qu'il faut vendre maintenant parce que les pays qui sont en voie de se développer le font maintenant aussi. Si on attend quelques années, ce sera trop tard puisque ces pays auront déjà commencé à se développer. Je pense que les pays les plus identifiés actuellement sont l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

M. Doyon: Ce consortium dont vous parlez, il serait composé d'entreprises qui fonctionnent maintenant au Québec, j'imagine, qui ont pignon sur rue ici au Québec et font des affaires au Québec; est-ce cela?

M. Deschênes: C'est cela. Ce sont strictement des entreprises commerciales et industrielles du Québec qui font partie de ce consortium. Je dois vous dire aussi, pour votre information, qu'il y a un consortium de même objectif qui se forme en Ontario.

M. Doyon: Oui. Est-ce que les noms de ces compagnies sont connus, actuellement? Est-ce que c'est public?

M. Deschênes: C'est-à-dire que ce n'est pas connu publiquement. C'est évidemment connu de nous puisqu'on transige avec elles de façon constante. On a des rencontres régulières. D'ailleurs, pour être encore plus précis, il y a un protocole d'entente en développement que nous, à la SODICC, compte tenu de notre présence que j'appellerais plus impartiale que les autres, puisque nous n'avons pas de biens et services à vendre... C'est nous qui sommes un peu ce que j'appelle le secrétariat du projet de consortium puisque c'est toujours un projet. Nous avons rédigé un protocole qui est actuellement dans les mains des partenaires éventuels pour leur réflexion et, évidemment, leur signature éventuelle s'ils sont tous d'accord.

M. Doyon: La mise de fonds qui est envisagée par la SODICC est-elle déterminée à l'heure actuelle?

M. Deschênes: La mise de fonds est déterminée au niveau du capital. C'est une mise de 20 000 $ qui nous donnera 20% du capital-actions. Donc, c'est un capital-actions de 100 000 $. C'est facile à déterminer. D'ailleurs, pour être encore plus précis, je peux vous dire qu'il y a cinq partenaires dans ce consortium éventuel dont la SODICC et il y a une règle que nous avons établie -je dirais peut-être même un principe - à savoir que, pour avoir 50% des actions, il faut qu'il y ait au moins trois partenaires, de sorte qu'on ne peut avoir un partenaire qui a 35% et l'autre 25% car l'ensemble des deux portefeuilles aurait amené plus de 50% et aurait pu contrôler la société. On dit donc que cela prend trois des cinq pour pouvoir contrôler et c'est un des deux critères utilisés pour déterminer combien d'actions aurait chacun des participants.

M. Doyon: La SODICC s'intéresse également à l'informatique et à tout ce qui en découle. Vous parlez de la conception du conseil, du traitement de l'équipement et vous indiquez, dans les orientations que vous entendez prendre, que vous allez, d'une certaine façon, privilégier la croissance en ce qui concerne les logiciels dans le domaine didactique et tout cela. Ce que j'ai de la difficulté à situer, c'est le rôle que vous allez être appelés à jouer quant aux actions que prend actuellement, qu'a déjà prises ou qu'a l'intention de prendre le ministère de l'Éducation. On connaît tout le débat sur les micro-ordinateurs. On sait quel cafouillis il y a eu. Je ne veux pas entrer dans ce sujet.

Du fait que, du côté gouvernemental, on soit dans l'incertitude en ce qui concerne le genre d'ordinateurs qui seront implantés dans les écoles du Québec, comment voyez-vous votre intervention et est-ce que celle-ci est freinée par le fait que les utilisateurs de ces didacticiels ne peuvent pas se brancher tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas une décision ferme, et acceptée surtout par le milieu, qui est prise?

M. Deschênes: Je dois vous dire, M. le député de Louis-Hébert, que les propos que vous avez, dans le plan de développement 1984-1985, étaient basés sur la prémisse que la décision gouvernementale concernant les micro-ordinateurs serait prise et qu'en conséquence il y aurait un besoin, un besoin au niveau de la population, des écoliers, des étudiants, assez important de contenu pour mettre, dans ces micro-ordinateurs, ce qu'on appelle des didacticiels et qui sont strictement des livres, des documents écrits électroniques, des manuels scolaires électroniques. Vous l'avez mentionné. Cette décision est arrivée plus tardivement que nous le croyions de sorte que les entreprises qui attendent pour développer les didacticiels ne se sont pas mises à l'oeuvre aussi tôt que nous, on le croyait. Cela a donc modifié notre plan de développement, mais cela n'a pas modifié nos objectifs au niveau du didacticiel.

Cela signifie que, lorsque les décisions gouvernementales seront prises, la SODICC sera toujours là pour aider les entreprises intéressées dans ce secteur à se développer et peut-être à venir chez nous pour obtenir du financement de développement. Ce qui est arrivé et ce qui est intéressant, c'est qu'en cours d'année, si vous regardez à la dernière

page du plan de développement, vous avez les montants que nous estimions être consentis au niveau des logiciels et identifiés à la page 46 comme étant l'informatique. Nous estimions, nous, que si les didacticiels démarraient nous serions en mesure d'investir 2 500 000 $ dont 2 000 000 $ en vertu de la priorité que nous accordions aux logiciels et plus particulièrement aux didacticiels.

Dans les faits, à ce jour, sans avoir investi de façon aussi intense qu'on l'aurait cru ou qu'on l'aurait voulu pour les raisons que vous avez identifiées vous-même, nous avons investi autant que nous aurions fait si nous avions été dans le didacticiel. Ce qui veut dire que le marché des logiciels et des progiciels est plus important que ce que nous avions estimé et qu'en ne mettant pas notre argent au niveau des didacticiels, ont été identifiés des besoins en matière de logiciels et de progiciels que nous avons acceptés et pour lesquels nous avons consenti des aides financières qui sont aussi importantes, en tout cas au prorata du temps passé jusqu'à maintenant, que les montants qui sont indiqués là-bas.

On mentionne dans les différents dossiers que vous avez qu'il y a les logiciels de masse mais il y a ce qu'on peut appeler aussi des logiciels particuliers au niveau de l'assurance, de la santé, du municipal, ainsi de suite.

M. Doyon: Est-ce qu'il nous reste un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. French): Il vous reste quatre minutes, M. le député.

M. Doyon: Est-ce que ce retard du gouvernement en ce qui concerne les micro-ordinateurs n'aura pas pour effet, en ce qui vous concerne vous autres, de vous obliger en quelque sorte à engager pour l'année 1985-1986 un montant supérieur à ce que vous auriez normalement consacré au domaine des didacticiels ou de l'informatique, compte tenu du fait que le besoin que vous aviez identifié pour l'année présente ne se manifestera pas aussi tôt que vous l'aviez prévu?

M. Deschênes: Je suis incapable de répondre à cette question de façon précise maintenant. Je le mentionnais au début de la journée, nous travaillons actuellement à notre plan de développement 1985-1986; on aura une première discussion avec notre conseil d'administration la semaine prochaine de sorte que je suis incapable de répondre d'une façon ou d'une autre.

C'est certainement l'intention - et je ne pense pas me compromettre trop de ce côté - du conseil d'administration d'y consacrer les sommes nécessaires pour que les manuels scolaires électroniques soient autant que possible québécois. On souhaite que les personnes à l'origine de ces manuels, qui sont les professeurs, puissent avoir une structure industrielle capable de prendre leurs projets, de les développer, de les commercialiser sur notre marché d'abord et ensuite sur les marchés extérieurs.

Il faut dire aussi que, dans ce cadre, la collaboration avec d'autres pays - on pense à la Belgique et la France pour ce cas - est souhaitée et, jusqu'à un certain point, recherchée.

M. Doyon: J'aurais d'autres sujets, M. le Président, sauf que je pense qu'il est 18 heures maintenant.

Le Président (M. French): C'est cela. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

M. Doyon: Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. French): La parole était au député de Louis-Hébert qui m'a prié de l'excuser parce qu'il va être de retour dans une demi-heure ou trois quarts d'heure. Il ne pouvait être ici à 20 heures. J'ai pensé que, peut-être, le président lui-même pourrait intervenir, avec la permission de ses collègues.

Nouvelle politique de régionalisation

Je voudrais revenir au moment où on était en train de discuter de la nouvelle politique et du virage qu'entreprend la SODICC. Il y a trois thèmes qu'on pourrait évaluer. On sait que c'est à la suite d'une expérience qui n'a pas été très heureuse au cours des deux ou trois premières années d'existence de la SODICC. Il a été question de la transition de banques de risques vers des catalyseurs de développement, d'une attitude d'attentisme devenue une attitude d'interventionnisme et, enfin, d'un autre mot que le président a utilisé dans sa tournée provinciale, la régionalisation. Cela semble, à lire le document et à regarder aller le président, quelques thèmes qui valent la peine d'être examinés de plus près si on veut comprendre quelle est cette bête, la nouvelle SODICC ou ce que je prétends que devrait être la nouvelle SODICC.

Cependant, je dois dire que, si on lit bien le rapport annuel et la politique financière, on voit ce qui semble être une volonté de faire ce qu'on a déjà fait et le faire mieux, c'est-à-dire qu'on va analyser de

façon plus serrée, on va avoir plus de critères, on va avoir un encadrement plus poussé. Mais il est difficile, à part les cinq priorités mentionnées, de voir en quoi ce virage consiste. Je voudrais donc inviter le président et ses collègues à essayer de mettre un peu plus de chair sur l'os dans ce contexte.

M. Deschênes: Si vous me le permettez, M. le Président, je pourrais peut-être commencer en vous donnant la réponse à la question du député de Chauveau cet après-midi, question que nous avions prise en délibéré et qui nécessitait quelques calculs mathématiques de notre part, ce que nous avons fait. Si vous me le permettez, je vais vous donner cette réponse.

Le Président (M. French): Je regrette d'avoir oublié qu'on devait revenir là-dessus.

M. Deschênes: Cela nous fait plaisir de vous souligner qu'on a fait nos devoirs. Au 31 mars 1984, concernant les provisions, il s'agit de 3 378 469 $; concernant les radiations, c'est 187 150 $, pour un total, si on inclut les pertes et les radiations, de 3 565 519 $. Les prêts, les sommes déboursées en prêts, cumulent un montant de 20 497 642 $. Donc, on a un ratio de 16, 9%, ce qu'on savait, cet après-midi, être un chiffre correct et raisonnable et qu'on avait de la difficulté à déterminer dans ses origines, soit les chiffres que je viens de vous donner.

Je passe donc aux commentaires sur les propos que vous venez de soulever, M. le Président, pour essayer d'abord de corriger une perception que vous nous colportez, à savoir que nous voudrions changer ce qui a été fait dans le passé. Nous voulons effectivement changer ce qui a été fait dans le passé, non parce que c'était mauvais. On en tire un certain nombre d'enseignements d'une part, et d'autre part, en vertu des risques élevés que nous prenions, au rythme où on s'en allait, on risquait, à un moment donné, de se retrouver avec un capital tellement amoché qu'on n'aurait plus été capables de faire les choses qu'il fallait à l'intérieur d'une année. Donc, nous ne sommes pas critiques au point de renier le passé. Au contraire, nous estimons que celui-ci est source d'enseignement. Nous en avons d'ailleurs tiré un certain nombre de leçons et cela nous a amenés aux éléments que vous avez identifiés tantôt: une nouvelle politique financière, des risques moins élevés, un plan de développement, la transparence et ainsi de suite.

Cela fait qu'on en arrive à la conclusion que vous avez énoncée tantôt et qui semblait être problématique dans votre esprit, M. le Président. On veut effectivement faire ce qu'on a déjà fait, mais mieux. Faire ce qu'on a déjà fait veut dire que, pour les éléments qui étaient négatifs ou moins susceptibles de succès, on doit essayer de mieux les identifier, les laisser de côté, de mieux reconnaître les succès, les dossiers pouvant être très positifs pour l'industrie et y aller plus fortement, de sorte que, quand vous regardez les éléments que vous avez mentionnés au niveau des trois termes, jusqu'à cette phase deux, il était effectivement vrai que la SODICC était plus attentiste qu'interventionniste, c'est-à-dire que la SODICC attendait que les industries viennent la voir, viennent lui poser leurs problèmes, leur diagnostic et leurs projets de solution à ces problèmes. Alors que maintenant nous sommes aussi attentistes, nous accueillons les industries qui viennent chez nous, les promoteurs qui souhaitent avoir une participation financière de notre part, mais nous allons aussi, dans certains cas, stimuler un certain développement.

Je vous rappelle d'ailleurs le dossier qu'a soulevé le député de Louis-Hébert sur la câblodistribution; c'est un dossier qui a commencé chez nous, qui a été difficile. Je vous ai mentionné que nous avions, à deux reprises, passé près d'abandonner en disant: On ne sera jamais capable de mettre des éléments industriels qui semblaient s'opposer et qu'on estimait, à ce moment, qu'ils s'opposaient, pour en faire des forces concurrentes. C'est nous qui sommes à l'origine de cela.

Dans certains autres cas aussi, on est à l'origine de démarches: celui des métiers d'art, Somart, nous y avons été fortement présents, mais c'est à partir des expériences que nous avons vécues. On sait, par exemple, que, dans les statistiques de pertes, chez nous, dans le cas des métiers d'art, au début de la SODICC, pour chaque dollar investi, on a perdu à peu près 0, 50 $. Évidemment, au niveau des métiers d'art, ce n'est pas aussi impressionnant que les dossiers qu'on a mentionnés comme Kébec-Spec et Civicom; on ne parle pas de dossiers qui sont de l'ordre de 300 000 $ ou 400 000 $. Mais il reste qu'au total, pour chaque dollar investi dans l'artisanat, on a perdu 0, 50 $. On se pose une question: 0, 50 $, c'est beaucoup par rapport au dollar, même si le volume des montants investis en matière d'artisanat ne cumule pas un montant impressionnant. Il y a des enseignements qu'on a tirés de cela et, dans l'artisanat, c'est, effectivement, la commercialisation qui nous est apparue le maillon le plus faible.

Évidemment, si vous corrigez la commercialisation, vous allez probablement corriger la production aussi, les mécanismes de production, les délais de livraison, ainsi de suite. Donc, nous sommes toujours attentistes, nous sommes toujours interventionnistes, c'est-à-dire que nous sommes maintenant interventionnistes pour

les priorités que nous identifions et pour lesquelles nous estimons que, pour toutes sortes de raisons, si nous n'allons pas réveiller chez les industriels cet élément de solution que nous estimons intéressant, il ne viendra pas. On prend la liberté d'y aller et de voir, avec les industriels, si c'est le cas.

Même chose au niveau du volet du financement par rapport au volet du développement, ce que vous avez appelé banquier de risques par rapport au rôle de catalyseur. À notre avis, les enseignements du passé nous incitaient à développer ce volet dans nos interventions de catalyseur. Je dois vous dire que ces deux volets, interventionniste et catalyseur, exigent beaucoup d'efforts - je parle d'efforts humains - alors que si vous êtes assis à votre bureau et que vous attendez, c'est certainement moins difficile et cela prend moins de personnel. Mais nous estimons que les responsabilités que nous avons et la mission qui nous a été donnée seraient moins bien remplies si on continuait à faire ainsi.

Concernant le troisième volet, soit la régionalisation, j'ai quelques statistiques que je vais vous résumer. Dans les premières années d'existence de la SODICC, ce sont principalement des industries montréalaises qui sont venues demander à la SODICC une forme d'assistance ou de participation financière. Cela s'explique aussi. Montréal, évidemment, est l'endroit où on retrouve le plus d'industries culturelles et maintenant qu'on a des industries de services en communication, c'est également vrai dans ce secteur. Cela ne veut pas dire que, dans les régions, il n'y a pas d'industrie culturelle et qu'il y a aussi une absence d'industries de services de communication. Dans les statistiques que nous avions, qui étaient subséquentes à la phase un, nous avions aussi un nombre qui n'était pas impressionnant mais qui était convenable, compte tenu des efforts qui avaient été faits, pour la région de Québec... Il y avait à peu près une quarantaine de dossiers qui avaient été analysés dont 20 avaient reçu une réponse positive.

Si on regardait dans les autres régions, c'était à peu près inexistant. C'était comme une ombre qui partait de Montréal et, si on exclut Québec, qui allait un peu à Trois-Rivières, un peu en Estrie, un peu dans l'Outaouais. En Abitibi, il n'y en avait plus, ni dans les régions du Bas-du-Fleuve, ni dans la région du Saguenay, sinon des dossiers qui provenaient de Montréal et des dossiers qui avaient une envergure nationale dans certains cas, ce qui faisait qu'il y avait des répercussions régionales en vertu de l'intervention faite à Montréal.

Grosso modo, excluant Québec, l'intervention régionale de la SODICC était absente. Nous avons convenu d'aller indiquer aux régions que la SODICC existait, quelle était sa mission et qu'elle était là pour elles aussi.

Nous avons, cependant, dans le cas des régions, identifié un élément additionnel aux trois critères que nous vous avons mentionnés - c'est-à-dire la rentabilité de l'entreprise, le développement économique et la participation des promoteurs - qui était le suivant: Nous demandions aux régions et aux industries qui voulaient faire affaires avec nous d'avoir une industrie qui était susceptible de se développer en une industrie interrégionale et en une industrie nationale par la suite, une industrie qui pourrait exporter ses produits. Donc, on leur demandait d'avoir une industrie qui ne serait pas limitée à leur région, qui pourrait se développer et aller au-delà des frontières régionales.

Cela nous a amené quelques dossiers -cette visite de la région s'est faite au début de l'année 1984, janvier, février et mars -qui, pour presque la moitié d'entre eux, n'ont pas été agréés parce que c'étaient des dossiers qui ne correspondaient pas aux interventions de la SODICC. Nous avons tout de même identifié à l'intérieur de la région des points de contact pour les industries qui voudraient faire affaires avec nous, qui sont les bureaux régionaux du ministère des Affaires culturelles. Nous avons convenu d'un genre de protocole avec le ministère des Affaires culturelles pour éviter que la SODICC ait à avoir un pied-à-terre dans toutes les régions, multiplier ses coûts pour finalement des résultats qui, à notre avis, ne méritaient pas un investissement aussi élevé.

Le ministère des Affaires culturelles a accepté très positivement de nous représenter. Je ne peux pas vous dire si dans les mois ou les années qui viendront on aura plus de présence régionale au niveau des investissements. Ce que je peux vous dire jusqu'à maintenant - et c'est un regard qui n'est pas suffisamment critique pour en tirer une conclusion - c'est que, de la tournée régionale que nous avons faite, les résultats que nous avons obtenus au sens d'une présence de la SODICC sont nettement insatisfaisants et, jusqu'à un certain point, décevants.

Je vous donne rapidement les statistiques. En Abitibi, nous n'avons aucune intervention, sinon une intervention qui est actuellement à l'étude. Le Bas-du-Fleuve-Gaspésie, nous avons une intervention actuellement; nous en avons deux qui ont été étudiées par le passé, une a été refusée et l'autre n'a pas eu de suite de la part de l'industrie en cause. Mais l'intervention que nous avons dans le Bas-du-Fleuve, c'est en vertu d'une intervention nationale en matière de disques. Dans la région de l'Estrie, nous avons plusieurs dossiers qui ont été étudiés mais nous n'en avons que trois qui ont finalement été agréés. Au niveau de Lanaudière-Joliette et Laurentides, nous en

avons trois qui ont été agréés. Au niveau de l'Outaouais, nous en avons quatre. Au niveau de Québec, nous en avons vingt-deux. Donc -c'est un peu ce que je vous disais tantôt -l'explication que nous donnons, évidemment c'est la présence du siège du gouvernement. Par ses parlementaires et ses institutions, la SODICC est mieux connue des gens de cette région.

Au niveau du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous n'avons qu'une seule intervention et au niveau de la région de la Mauricie, deux seulement. Des statistiques éloquentes sur une présence régionale de la SODICC qui est certainement faible.

Le Président (M. French): Pour terminer sur la régionalisation, la SODICC se veut sensible aux besoins des régions. Elle a entrepris des efforts pour se rendre visible dans les régions. Ces efforts ont porté des fruits, mais des fruits qui restent encore insatisfaisants du point de vue de la SODICC.

M. Deschênes: C'est exact.

Le Président (M. French): La SODICC reste très intéressée à avoir d'autres propositions régionales bien qu'elle n'ait pas l'intention de s'établir elle-même en région comme telle, étant heureuse d'être capable de travailler par l'entremise des représentants régionaux du ministère des Affaires culturelles.

M. Deschênes: C'est exact.

Le Président (M. French): Est-ce qu'on pourrait essayer de focaliser davantage sur la question des banques de risques? Ce que cela veut dire dans le passé, dans l'avenir. La transition des banques de risques, catalyseurs de développement, n'implique pas de changement sur le plan formel des relations financières. Ce changement implique plutôt un changement d'attitude et de stratégie de la part de la SODICC.

M. Deschênes: C'est exact. Quand on parle d'un organisme, d'une société de financement comme étant un des volets de notre mission, nous avons parlé cet après-midi - M. Bouthillier en a parlé assez longuement - des expériences qu'on avait tirées du passé, et du fait que, quand la SODICC a été créée, au niveau de ses premières interventions, ses premiers mois, ses premières années, de l'expérience qu'avait le personnel de la SODICC, qui était surtout composé de gens de formation de type financier face à l'industrie culturelle, la connaissance de cette industrie était assez minime pour ne pas dire peu importante, de sorte que le risque que la SODICC prenait, compte tenu des connaissances qu'elle avait de l'industrie, était certainement plus élevé qu'il l'est maintenant... Nous sommes mieux en mesure, aujourd'hui, de porter un jugement sur l'opportunité d'une présence de la SODICC dans une situation qui peut être dans l'un ou l'autre des volets qui sont nôtres. Cette expérience que nous avons aujourd'hui est non seulement dans les avis que nous recevons des ministères, mais elle est également chez nous. Le secteur de la planification, que représente M. d'Astous maintenant, commence de plus en plus à avoir de statistiques, de relevés, de données qui nous permettent de porter un jugement qui, dans certains cas, peut être différent de celui du ministère et qui nous permet d'affronter nos connaissances, notre jugement, notre évaluation d'un secteur avec celui des ministères. Dans certains cas, il nous permet même d'éviter d'aller au ministère, connaissant bien la situation et sachant que celle du ministère correspond à celle que nous avons évaluée. De sorte que nous sommes toujours un banquier de risques, une institution de financement, mais cela va de soi, nous semble-t-il, qu'après cinq ans et demi d'existence l'expérience que nous avons permet d'avoir dans des interventions un risque tout aussi important, au niveau de l'aspect financier dans une entreprise. Mais, au niveau de l'ensemble des interventions, le risque est moins élevé parce que la connaissance est meilleure et que l'on sait mieux comment accepter un dossier ou comment le refuser, comment intervenir dans une industrie ou comment ne pas intervenir. C'est certainement un des éléments qui font que, aujourd'hui, on commence à réduire nos pertes, nos provisions pour mauvaises créances éventuelles.

Il y a aussi le fait - je vous l'ai mentionné aujourd'hui - que la politique financière a été resserrée considérablement. Pour vous donner un exemple, dans les cas qui étaient classés prioritaires par le passé, avant la politique financière de 1984-1985, nous acceptions d'y aller à un taux d'intérêt qui était le taux préférentiel divisé par deux. On ne fait plus cela. Maintenant, c'est le taux préférentiel moins deux. Et si vous prenez le taux préférentiel actuel, qui est de 13%, une industrie qui serait venue chez nous, qui aurait été prioritaire, on lui aurait consenti un taux d'intérêt de 6, 5% alors qu'avec la nouvelle politique financière c'est 11%. (20 h 30)

Si vous pensez un peu à l'incidence du taux d'intérêt sur le succès ou l'échec d'une industrie - cela vient de nos administrateurs, ce genre de propos - les frais d'intérêt sont très rarement la cause de l'échec d'une industrie. Quand vous parlez d'une industrie qui a quelques millions d'actifs, qui a quelques millions d'investis, ce n'est pas 2% sur un prêt de 200 000 $, 300 000 $ ou

100 000 $ par année qui va faire que cela est un échec ou un succès. Évidemment, cela s'ajoute, mais c'est réellement une goutte quand on pense que l'échec d'une industrie peut avoir été causé par un taux d'intérêt trop élevé.

Quoi qu'il en soit, les taux d'intérêt que nous consentons actuellement sont inférieurs, cela va de soi, à ceux des institutions financières conventionnelles quand elles acceptent d'y aller. Souventefois maintenant, les institutions financières acceptent d'y aller avec des industries sur la base d'interventions que nous faisons auprès de banques, auprès d'institutions financières et, dans certains cas, auprès d'interventions conjointes. La banque intervient, nous intervenons. Dans certains cas, nous garantissons la marge de crédit que consent une banque. Dans d'autres cas, nous nous partageons le risque, ainsi de suite. Aussi -je voulais utiliser un terme un peu fort, je vais l'utiliser - on réussit à former un peu le personnel des institutions financières à un meilleur accueil des industries culturelles que c'était le cas par le passé.

Le Président (M. French): Je pense que vous avez vous-même fait la distinction entre le choix de l'investissement comme tel, de la situation comme telle et, d'autre part, l'instrument. Prenons les l'un après l'autre.

Le choix du lieu d'investissement. Est-ce que les critères financiers ont changé grandement dans la nouvelle politique ou dans la SODICC phase deux? Je vous avoue que, lorsque j'ai lu la liste ici, je voyais à peu près les mêmes critères - j'aurai des questions à poser en détail - qui ont été traditionnels dans les rapports annuels précédents. Ce n'est pas une critique que je vous fais, c'est une demande d'information.

M. Deschênes: Peut-être que M. Bouthillier voudra émettre son avis sur cela. Je vous dirais, moi, que les critères sont restés les mêmes. Dans leur application, nous avons été plus rigoureux.

Le Président (M. French): Est-ce cela, l'essentiel de la phase deux?

Normes plus sévères

M. Deschênes: C'est cela. En plus, au niveau des garanties, nous sommes non seulement plus rigoureux, mais plus sévères dans leur application. Je vous ai mentionné, aujourd'hui, que, depuis quelques mois, nous avons mis sur pied un comité de recouvrement interne pour essayer de récupérer le plus possible auprès des industries qui avaient demandé une participation financière chez nous, qui l'avaient obtenue et qui, pour toutes sortes de raisons, se trouvaient en difficulté financière et qui n'honoraient pas leurs obligations. Cela a amené des résultats qu'on peut appeler quantitatifs; je ne veux pas entrer sur l'élément qualitatif de nos interventions en cette matière, mais cela a amené, quand même, des sommes assez importantes chez nous.

Auparavant, il y avait peut-être, chez nos industriels de la culture, face à la SODICC, considérant que la SODICC est une société d'État, ce genre d'évaluation, de sentiment: Bien, écoutez, quand vous avez une dette avec la SODICC, c'est une dette avec le gouvernement et une dette avec le gouvernement, c'est la dernière affaire qu'on paie, quand on la paie. Je peux vous donner un exemple: on a déjà eu un entrepreneur qui est venu chez nous et puis on lui a dit: Comment ça va? et l'entrepreneur a dit: Cela va très bien, toutes mes dettes sont claires. On lui a dit: Mais il reste au moins la nôtre; il avait oublié la nôtre. Il a dit: La SODICC, ce n'est pas une dette. C'est là un élément qu'il faut corriger chez nos partenaires, qui se corrigent, cela s'en vient et c'est certainement positif pour eux même si, dans l'immédiat, ils ont à honorer un certain nombre d'obligations qu'ils ont prises à notre égard. Je ne sais pas si M. Bouthillier veut ajouter quelques commentaires sur ce propos.

M. Bouthillier: En fait, la révision s'est effectivement basée sur les mêmes critères fondamentaux: c'est toujours l'évaluation financière de la compagnie, sa solvabilité, l'évaluation du projet, l'évaluation du capital humain. On tourne toujours autour des mêmes critères, forcément; mais c'est beaucoup plus dans l'application, effectivement, qu'il y a eu des changements. En fait, l'objectif qu'on avait: améliorer la rentabilité. On s'est posé la question: Comment peut-on faire cela? La réponse a été de deux ordres: augmenter les revenus et diminuer les pertes.

Comment procède-t-on pour augmenter les revenus? M. Deschênes en a parlé rapidement tantôt. D'abord, en augmentant notre grille tarifaire au niveau des prêts qu'on consentait et également en procédant à appeler dorénavant un chat, un chat. C'est-à-dire que, même si ce n'est pas du capital-actions, lorsqu'on fait du capital de risque, lorsqu'on fait un prêt qui est non garanti ou un prêt qui est sur des garanties très lointaines et qu'on veut le faire pour des objectifs industriels, quand on fait ce genre d'interventions à haut risque, dotons-nous des moyens pour obtenir un rendement à la mesure du risque qu'on encourt. On a donc, en conséquence, développé une technique qui s'appelle le prêt participant, de telle sorte que, lorsque c'est un prêt, mais qu'en fait c'est du capital de risque, même si juridiquement c'est sous la robe d'un prêt, on

va attacher notre rendement à des proportions de revenu ou de profit net de l'entreprise. C'est pour nous une autre façon de participer dans les cas de succès à la mesure du risque qu'on prend: donc, deuxième grande façon d'améliorer nos revenus.

L'autre volet: diminuer les pertes. Là aussi, M. Deschênes a énuméré un certain nombre de moyens d'y arriver. D'abord, éliminer les risques inutiles. Si on se reporte à notre politique financière, il y a des cas de A, de B et de C. On a fait une proportion beaucoup plus élevée, dans les premières années, de cas de A, pour différentes raisons peut-être. L'une des raisons que je donne, et c'est une évaluation personnelle que je fais: lorsque la société a été créée, il y avait un certain nombre d'attentes qui étaient latentes dans le milieu. Il y avait un certain nombre de sauvetages à faire. On a élaboré tantôt sur le cas de Kébec-Spec. La première fois que ceux-ci sont venus nous voir, ils arrivaient avec un bilan de pertes accumulées assez importantes. Ils traînaient ce boulet. C'est ce qui a toujours empêché l'entreprise de vraiment tenter un redémarrage. Ces pertes accumulées dataient de nombreuses années. Il y avait, dans le milieu, un certain nombre d'interventions qu'il a fallu faire, mais qui étaient latentes.

Ces attentes étant maintenant épurées, des cas de sauvetage ou des cas de restructuration financière, au prorata des gens qui nous arrivent à la porte, il y en a beaucoup moins. On peut beaucoup plus s'en aller vers des cas de développement et des cas de C, des cas majeurs qui sont généralement à risques un petit peu moins élevés. Deuxième façon d'éliminer les risques: ne plus aller sur les risques inutiles.

L'autre point, c'est vraiment de forcer la récupération. Forcer la récupération, c'est exécuter nos garanties avec le plus de rigueur possible. Quelquefois, ça grinche, c'est douloureux.

Le Président (M. French): Justement, là-dessus, je voudrais revenir sur la question: Quelle situation choisir sur le plan macro dont vous parlez? J'aimerais parler de l'instrument juridique que vous utilisez, également de la façon dont vous l'utilisez. Il y a une préoccupation naturelle chez la SODICC qui est de ne pas se faire prendre, surtout lorsque vous avez commencé avec cette série de cas A qui ont été très difficiles et qui, par rapport aux critères de rentabilité financière passée et future, n'ont pas si bien réussi. Vous cherchez la sécurité et vous êtes plus intelligents maintenant. Vous savez ne pas prendre des livres non vendus. J'en sais quelque chose. J'en ai un paquet, dans mon histoire personnelle, dans des entrepôts de maisons d'édition aux États-

Unis et au Canada.

La réaction que nous avons du milieu va un peu dans ce sens: c'est que vous êtes tellement préoccupés de ne pas vous faire prendre que les instruments que vous proposez aux entrepreneurs sont extrêmement exigeants, voire même aussi exigeants que cela aurait été si une banque avait pu être convaincue d'aller aussi loin que de proposer un instrument et une forme de sécurité. Deuxièmement, lorsque vous évoquez ces instruments, vous laissez pour compte complètement les autres créanciers des entreprises qui se trouvent, malheureusement, en faillite ou dans une situation où il y a d'autres créanciers. Troisièmement, vous avez tendance trop rapidement à paniquer; c'est le mot qui a été utilisé par deux ou trois personnes.

Je n'accepte aucune de ces trois propositions, nécessairement. Mais je pense qu'elles sont importantes. C'est un son de cloche. Je voudrais les prendre une par une, si vous le permettez. D'abord, la question de la rigueur de l'instrument que vous proposez, le genre de sécurité que vous exigez; quelle est votre réaction face à cela? Autrement dit, est-ce que l'on doit comprendre que cela va tout à fait avec le désir d'augmenter les revenus et de réduire les pertes? C'est logique dans ce contexte. Je dois comprendre que l'argument des gens du milieu - je comprends bien que c'est leur intérêt, n'est-ce pas? - irait dans le sens suivant: Oui, mais ce n'est pas cela, faire la promotion de la culture québécoise, ce n'est pas cela, faire la promotion des industries culturelles; c'est faire la promotion de la SODICC dans une optique très étroite. Peut-être que la SODICC essaie de faire quelque chose. C'est peut-être une stratégie soit dans la loi ou soit de la SODICC, mais probablement, dans la loi, la prémisse n'est pas la bonne.

M. Deschênes: Je ferais deux commentaires sur cet élément, un premier qui pourrait être concordant avec cette évaluation que vous font certaines entreprises et c'est de dire que nos outils juridiques, les contrats et tout cela, sont effectivement complexes.

Le Président (M. French): Des outils plus ou moins?

M. Deschênes: Complexes. On a des contrats avec les entreprises qui, dans certains cas, sont volumineux, ils ont beaucoup de clauses. Si vous me permettez une blague, cela ressemble à un contrat d'assurance, c'est-à-dire que, pour un contrat d'assurance, la blague qui court c'est que, lorsque vous avez un accident, il y a toujours une clause qui permet à la compagnie de ne pas vous payer. C'est évidemment une blague. Nous sommes

préoccupés par cette situation et nous sommes à réviser les instruments, les papiers juridiques que nous demandons aux entreprises de convenir avec nous. Nous essayons de rendre ces choses le plus simples possible, le plus souples possible, tout en conservant quand même une efficacité. L'objectif, c'est, évidemment, de ne pas faire disparaître nos garanties parce que, si on les fait disparaître, on va se retrouver, un jour, dans une situation que vous allez être les premiers à nous reprocher et vous allez avoir raison.

Donc, premier élément, je dis que ces commentaires ont une certaine valeur et trouvent un écho très sympathique chez nous sur ces mécanismes qui sont des outils de papier que nous avons et qui nous semblent, à l'analyse, complexes. Nous y travaillons et on espère arriver à des choses plus simples, plus légères que celles que nous avons actuellement.

Maintenant, le deuxième élément que je donnerais à votre préoccupation, c'est de dire que les obligations doivent, quand même, être présentes. On peut bien analyser un dossier et dire à une entreprise: Écoutez, on est d'accord pour participer avec vous, à condition que vous nous soumettiez des garanties, que vous soyez capables de nous prouver que vous avez des comptes recevables, que vous avez un inventaire et ainsi de suite. Mais il ne faut pas que ce ne soient que des mots, il faut que cela se réalise. Il faut que ces gens-là, ces entrepreneurs, ces entreprises puissent savoir aussi qu'ils ont contracté à notre égard des obligations qu'ils vont devoir un jour respecter. (20 h 45)

Je peux vous dire que, dans ce milieu, le bouche-à-oreille est probablement le média le plus facile et le plus rapide aussi. Ce n'est pas le téléjournal qui fait que les gens savent comment la SODICC réagit à une situation ou à une autre. La nouvelle se répand très rapidement et, de toute façon, on n'a pas d'objection à cela, on n'est pas négatif à cet élément, non plus. Il reste que, quand nous avons commencé à dire oui, mais à la condition que..., cela s'est répandu. Je peux vous dire que, personnellement, je reçois, de la part de membres de l'Assemblée nationale, des commentaires disant qu'on devient trop rigoureux, que les entreprises ne se sentent pas aussi à l'aise chez nous qu'elles l'étaient, qu'on devient plus intéressé à faire de l'argent qu'à développer l'industrie et ainsi de suite. Ce sont des commentaires qui nous arrivent.

Je dois vous dire que ces commentaires nous arrivent, évidemment, presque toujours d'entreprises qui ont des difficultés et qui voudraient essayer de s'en sortir plus facilement qu'elles peuvent s'en sortir quand nous demandons que les conditions qui ont été signées soient respectées. Ce n'est pas, non plus, pour se faire des galons à nos épaulettes, mais il reste que des entreprises avec lesquelles il y a des succès, et il y en a, ce n'est pas le genre de plaintes qu'on entend.

Le Président (M. French): Bon. Alors, vous êtes d'accord que l'instrument est un peu lourd, un peu complexe. Vous n'avez pas dit catégoriquement: Un peu trop exigeant, mais, en tout cas, vous vous devez, d'après vous, de préserver votre crédibilité comme institution qui veut avoir des relations d'affaires et, sans un instrument qui a des exigences au moins de base, vous ne pouvez pas faire cela.

Deuxièmement, dans ce même ordre de pensée, ce même thème, le créancier qui embarque avec une institution, un organisme, une compagnie à la suite d'un investissement de la SODICC, croit que cela doit être quelque chose de sérieux. Bang! Un an plus tard, 14 mois plus tard ou même huit mois plus tard, comme cela s'est produit, vous et la banque, vous et le prêteur sur hypothèque, vous avez le haut du pavé. Les petits créanciers se trouvent parfois balancés dans tout cela; ils se trouvent avec le petit bout du bâton. Est-ce que c'est un problème?

M. Deschênes: C'est un problème. C'est effectivement un problème à deux niveaux. D'abord, je vous disais tantôt que nous étions identifiés un peu comme le gouvernement et le gouvernement n'abandonne jamais personne. Il y a toujours des fonds au gouvernement pour faire en sorte qu'un désastre n'arrive pas. De sorte que, quand des entreprises ont une participation financière de notre part, les créanciers peuvent supposer, penser que, dans l'éventualité de difficultés de l'entreprise avec laquelle ils acceptent de transiger, ces difficultés, un jour, vont disparaître de toute façon puisque la SODICC (gouvernement) est liée, que les fonds seront toujours là, qu'on les versera et qu'à perpétuité nous subviendrons aux besoins financiers d'une entreprise, ce qui n'est évidemment pas le cas. Cela aussi, c'est un enseignement que les entreprises apprennent. C'est une chose à connaître de la part des créanciers qui, malheureusement, s'apprend "sur le tas" -entre guilletmets - et qui, dans certains cas, cause des difficultés.

Donc, pour le premier point, il y a effectivement cette question qu'il faut enlever du paysage, si vous vouiez, que la SODICC, ce n'est pas le gouvernement et que, même si c'était le gouvernement, elle n'est pas là pour verser à perpétuité des fonds dans une entreprise qui, de toute façon, a des difficultés telles qu'il vaut mieux pour elle fermer que continuer à fonctionner.

Maintenant, dans les cas qu'on peut appeler de fin d'opération d'entreprise, de faillite ou de choses semblables, c'est certain que, quand nous prenons des obligations, par exemple si nous prenons une première ou une deuxième hypothèque sur un édifice ou que nous prenons un pourcentage sur les recevables, cela serait difficilement acceptable administrativement qu'on laisse aller la valeur de notre créance au profit d'autres créanciers qui sont souvent de petites entreprises qui y sont allées en toute bonne foi.

Encore là, l'entreprise a pris avec nous des obligations et je ne vois pas comment on pourrait atténuer notre rang au niveau de la récupération de la créance pour dire: Écoutez, il y a telle autre entreprise qui est quand même une petite entreprise, cela la met en difficulté et, pour toutes sortes de raisons que j'appellerais humanitaires, ça leur permettrait d'être en meilleure posture une fois les difficultés financières sur la table. Je pense bien qu'encore là, comme administrateurs, on peut difficilement accepter un raisonnement semblable. C'est aussi une chose qu'il faut que les entreprises, les créanciers et les fournisseurs d'entreprises culturelles apprennent, c'est que, lorsqu'on fait affaires en matière d'industries culturelles, comme le dit notre brochure - cela va être ma commandite -c'est une question d'affaires. On ne fait pas cela en disant: Si cela ne marche pas, on va quand même être mieux parce que la SODICC a une créance de 400 000 $ et elle va se payer la dernière.

Le Président (M. French): C'est ma dernière question, parce que je suis convaincu qu'il y a des collègues qui voudraient intervenir. La troisième question: Est-ce que vous paniquez? Est-ce que vous tirez le bouchon trop rapidement dans certains cas? Est-ce que cela s'est produit dans le passé? Je ne vous demande pas d'exemples. Je serais satisfait d'une réponse en termes généraux et, si cette réponse est positive, je ne chercherai pas à avoir des exemples ou quoi que ce soit.

M. Deschênes: Je peux vous dire que nous sommes plus nerveux que nous ne l'étions dans le passé sur les participations financières que nous acceptons, dans les cas où nous estimons que cela commence à aller mal. On n'attend pas que la faillite que nous prévoyons arrive.

Le Président (M. French): C'est l'interventionnisme qui joue.

M. Deschênes: C'est l'interventionnisme qui joue, d'une part, et, d'autre part, c'est de l'interventionnisme puisque, maintenant, non seulement nous acceptons, mais nous souhaitons et nous exigeons d'être partie aux décisions dans le cas d'entreprises plus sérieusement en difficulté ou qui ont des mandats que nous estimons plus difficiles à réaliser. Nous exigeons d'être soit au comité de gestion, soit au conseil d'administration, pour pouvoir suivre le dossier d'une façon plus systématique et aussi pour les faire profiter de l'expertise et de l'expérience que nous avons. Il ne faut pas oublier que, dans un certain nombre d'entreprises, l'expertise que nous leur fournissons, en étant membre de ces comités de gestion, en leur donnant toutes sortes de conseils sur la gestion de leur entreprise, c'est quand même une expertise qu'elles ont gratuitement, il n'y a pas de frais à cela. La participation que nous avons dans nos dossiers, c'est une participation dont les frais sont pris à même le budget d'exploitation de notre société.

Le fait que nous soyons présents systématiquement dans certains dossiers, et ce sont généralement les dossiers qui sont les plus délicats, peut amener les entrepreneurs à dire qu'on est "achalants" et, jusqu'à un certain point, un peu trop critiques et, dans certains cas aussi, peut-être un peu trop rapides dans notre intervention.

Généralement aussi, on essaie de leur donner toute la chance possible. Je comprends que, de leur point de vue, toutes les fois que l'on tire le bouchon, comme vous dites, ils estiment qu'on n'aurait pas dû le tirer, qu'on aurait dû leur donner une dernière chance. Je peux vous dire tout de même qu'à part quelques exceptions j'essaie de les avoir en mémoire - on n'a pas tiré le bouchon souvent. Dans certains cas, on est même intervenu auprès d'institutions financières qui voulaient, elles, tirer le bouchon, ce qui nous a amenés, dans certains cas - je peux vous donner un cas sans le citer - au sommet de la pyramide d'une banque. À la Banque Nationale, par exemple, on est allé jusqu'au premier vice-président pour lui dire qu'elle exagérait dans la mesure qu'elle entendait prendre et on a réussi à la convaincre. Il reste que c'est une entreprise aujourd'hui qui a encore ses difficultés, mais qui va mieux qu'elle n'allait. Quand on est intervenu auprès de la banque, la banque tirait le bouchon, c'était fini.

Le Président (M. French): Je vous remercie. J'aurais aimé continuer, mais j'ai le député de Louis-Hébert et le député de Chauveau. Sur le même sujet, M. le député?

M. Brouillet: Oui, justement sur ce sujet. Votre intervention dans la gestion des entreprises, je voulais justement intervenir sur cette question et vous venez de l'aborder. Quels sont les moyens, finalement, dont vous disposez pour vous permettre d'intervenir dans la gestion? On sait qu'une des faiblesses qui avaient été identifiées en

1978 comme étant une des causes de la faillite de plusieurs entreprises était, entre autres, la mauvaise gestion qui pouvait exister au sein de plusieurs d'entre elles.

Dans les documents que vous nous avez remis, vous mentionnez que, de plus en plus, quand cela s'avère nécessaire, vous essayez d'intervenir au niveau de la gestion comme support. Alors, je reviens un peu aux différents types d'aide à l'investissement. Vous avez le prêt, le capital-actions, ainsi que la garantie de prêt, et vous avez parlé tantôt de prêt participant. Quand vous privilégiez le capital-actions, automatiquement, vous vous assurez une présence au conseil d'administration par le choix de cette modalité.

Quand c'est sous forme de prêt, peut-il y avoir dans l'entente, des dispositions selon lesquelles vous exigez une présence au comité de gestion et ainsi de suite?

M. Deschênes: II pourrait y avoir ce genre d'intervention et là, M. Bouthillier pourrait peut-être puiser dans sa mémoire pour voir s'il y en a effectivement. Mais, normalement, quand nous y allons sous forme de prêt, à moins que ce ne soient des prêts participants où le risque est plus élevé, nous n'intervenons pas au comité de gestion. Par exemple, j'ai des cas qui sont de grands événements où nous y allons effectivement sous forme de prêt et où on demande d'avoir un oeil. Ce n'est pas nécessairement être partie au comité de gestion, mais c'est tout comme, avoir un oeil sur le développement des engagements que prend une entreprise, de même que sur les revenus qu'elle génère et qu'elle estimait devoir générer. En d'autres mots, jusqu'à quel point elle réalise son plan de développement, par rapport à ce qui nous avait été soumis.

Donc, il y a cet élément que nous utilisons, mais il y a, dans les dossiers que nous analysons, des lacunes que nous pouvons percevoir. Vous avez mentionné celui de la gestion, c'est certainement le cas dans plusieurs dossiers que nous avons évalués et nous le notons. Non seulement nous le notons, mais dans certains cas nous exigeons des correctifs avant d'intervenir. Mais quand nous exigeons des correctifs, cela ne veut pas nécessairement dire que nous allons y être, avec le personnel de la société, pour voir à ce que l'entreprise se développe le mieux possible et progresse selon ses prévisions et ainsi de suite. Par exemple, cela peut être dans un support administratif dont on lui demande de se doter, dans l'engagement de conseillers à temps partiel pour faire en sorte que certaines lacunes soient corrigées et ainsi de suite. Généralement, ces choses-là sont bien perçues par les entreprises.

Je vais donner la parole à M. Bouthillier. Je ne sais pas s'il y a des cas où il peut...

M. Bouthillier: C'est arrivé très rarement que, sous la forme de prêt, nous ayons exigé une présence physique au niveau des conseils d'administration ou des comités de direction. D'autre part, je voudrais seulement soulever une constatation que l'on a faite au cours de nos expériences sur le danger d'être trop présent. Lorsque les conseils qu'on peut donner ne sont pas suivis ou qu'ils s'avèrent ne pas être les bons conseils et que cela tourne mal, on dit: C'est le gouvernement qui nous a amenés là; ce n'est pas le conseiller. Vous étiez présent; vous m'avez conseillé de faire telle chose et regardez où j'en suis aujourd'hui. De fil en aiguille, c'est l'État qui est responsable de l'échec. Alors, c'est très délicat d'être une présence. On devient une espèce de caution morale à tout ce qui peut se passer dans l'entreprise par la suite. Vous étiez au conseil d'administration, alors vous voyiez ce qui se passait. Donc, c'est très délicat.

M. Brouillet: Pour revenir encore sur un point, le capital-actions vous assure une présence à ce moment-là. Quelle est la proportion des montants d'argent sous forme de prêts à l'investissement et sous forme de capital-actions? Est-ce à peut près moitié-moitié? Je crois qu'il y a beaucoup plus de prêts. La proportion sous forme de prêts, est beaucoup plus considérable que celle sous forme de capital-actions. (21 heures)

M. Bouthillier: On va vous donner les chiffres, mais c'est une statistique qui est forcément imprécise justement, comme je le disais tantôt, parce que, très longtemps, on n'appelait pas les choses par leur nom. On faisait des prêts non garantis qui auraient dû être du capital-actions ou qui procédaient du capital de risque, mais on les appelait des prêts de telle sorte que toute statistique là-dessus est forcément imprécise.

M. Brouillet: Actuellement, quels sont les critères qui vous font opter pour la forme capital-actions plutôt que prêt dans telle entreprise? Est-ce qu'il y a des critères qui vous guident?

M. Bouthillier: La formule juridique capital-actions, des actions ordinaires, c'est très rare qu'on va en faire. On va en faire dans des projets vraiment prioritaires où on est là avec une participation massive, avec d'autres partenaires, et généralement ça se fait au début d'un projet, au début d'une société.

M. Brouillet: Comme le consortium pour le câble.

M. Bouthillier: Oui, ce serait un cas.

M. Deschênes: Généralement, les cas où vous avez besoin de liquidités pour lesquelles vous ne voulez pas avoir un retour immédiat; par exemple, au niveau du consortium que vous citez, il est certain que la première année - pour ne pas dire que c'est une certitude absolue - vous n'aurez pas de revenu. Vous allez investir, vous allez prospecter le marché, vous allez peut-être obtenir des contrats, mais, avant d'en avoir réalisé une partie et d'obtenir les honoraires auxquels vous avez droit, il se passe un certain temps. Il faut donc que vous financiez cet élément. Vous pouvez le financer à partir des liquidités que vous y consentez, du capital-actions, à partir d'une marge de crédit que vous obtenez, à partir d'une garantie de prêt et à partir de prêts.

Mais, normalement, vous voulez avoir un capital relativement raisonnable pour vous assurer d'une base correcte au niveau de l'équité de la société. On a parlé du spectacle de Jean Lapointe aujourd'hui, aussi; nous savions - et on le sait toujours, ça s'est confirmé - que c'est un investissement à long terme. Cela aurait été bizarre de dire au producteur et à la compagnie en cause: Écoutez, au lieu d'investir 100 000 $, on va vous prêter 100 000 $ et ça va vous coûter 13%, 14%, 12%, peu importe. Ils auraient été obligés de puiser à même les revenus qui sont insuffisants la première année pour nous rembourser, donc hypothéquer leur entreprise. Donc, on dit: C'est un risque, c'est une priorité chez nous, on y va ensemble.

Un autre exemple que je vous donne, c'est celui de la télévision payante. Dans ce cas, c'est un prêt convertible que nous avons à l'intérieur. Le prêt convertible nous permet, parce qu'on l'a exigé, tous les privilèges qu'aurait une participation en capital-actions. Donc, on est membre du comité de direction, du comité exécutif, on est membre du conseil d'administration. Nous avions le droit de veto sur l'engagement du président-directeur général, c'est-à-dire qu'il fallait que les parties soient unanimes pour l'engagement du président-directeur général, nous sommes membres du comité de programmation. Enfin, tous les privilèges qui sont associés à du capital-actions, nous les avions en vertu d'un prêt convertible.

Ce montant de 3 000 000 $ n'apparaît pas dans les statistiques puisque c'est un prêt. Je vous donne les statistiques. Au niveau des prêts, il y en a pour 30 000 000 $ à ce jour. Au niveau des garanties de prêt, il y en a pour 3 500 000 $. Au niveau des investissements, il y en a pour 1 230 000 $, pour un total d'environ 34 820 000 $.

Je reviens sur un exemple, celui du consortium et celui de SOMAR - c'est quand même des investissements en capital-actions de 20 000 $. Ce n'est pas énorme. De sorte qu'au niveau du capital-actions, normalement, ce ne sont pas des montants élevés. Je comprends que 100 000 $ - il faut s'entendre - c'est quand même un montant substantiel dans le cas de la compagnie de Jean Lapointe, mais il reste que ce sont des investissements qui arrivent très rarement alors qu'au niveau des prêts tes prêts de 100 000 $ aux industries culturelles ne sont pas rares. Les prêts en dessous de 100 000 $ sont plutôt rares.

M. Brouillet: Très bien, merci.

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert.

Privatisation de Radio-Québec

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'aimerais qu'on regarde un peu les interventions que la SODICC envisage de faire dans le domaine de la télévision. Actuellement, il y a un débat qui s'amorce et qui est rendu à un certain niveau, c'est-à-dire le débat qui concerne la privatisation de Radio-Québec. J'ai eu l'occasion d'interroger le ministre des Communications qui est ici afin d'obtenir certains renseignements. On apprend, aujourd'hui, par le journal, que la création d'une deuxième chaîne privée de télévision de langue française est discutée; il y a eu un comité technique qui s'est penché là-dessus. On apprend assez curieusement, dans le même article, que des fonctionnaires - je le dis pour situer le débat - du ministère des Communications étaient à ce comité technique, qui était normalement le comité technique de Radio-Québec visant à informer le ministre des Communications de la situation et d'un certain nombre d'hypothèses qui pouvaient être retenues ou pas. Dans ce que vous écrivez à ce sujet, vous dites que vous envisagez, vous examinez la possibilité de développement au Québec d'une chaîne québécoise, etc.

Est-ce que vous pouvez situer une intervention possible de la SODICC, advenant que la privatisation de Radio-Québec se fasse, par le moyen du capital-actions de nature privée? Est-ce que vous pourriez, selon votre loi, être impliqués de cette façon ou encore qu'une telle privatisation puisse prendre la forme de coproduction avec l'entreprise privée ou quelque chose du genre? Est-ce que vous avez examiné ces possibilités pour voir comment une intervention de la SODICC pourrait s'insérer dans une telle opération?

M. Deschênes: Dans un premier temps, je vous dirai que la SODICC n'est pas associée au comité technique auquel vous avez fait référence, lequel étudie la privatisation de Radio-Québec. D'autre part, les consultations, les échanges de propos que nous avons avec le ministère des

Communications et ses officiers sont suffisamment fréquents, je dirais suffisamment informels et de bon aloi pour nous permettre de savoir comment ce dossier évolue au niveau de la pensée du ministère des Communications. Donc, sans être au fait du détail de la privatisation ou des éléments qui pourraient amener le gouvernement du Québec à suggérer, ou à ne pas suggérer, que Radio-Québec se privatise, nous savons l'évolution de la pensée du ministère des Communications à cet égard.

Maintenant, quand nous avons identifié l'intérêt d'une quatrième chaîne au niveau d'une participation de la SODICC, c'était en vertu de l'intention du CRTC de demander des soumissions, des demandes de licences pour octroyer effectivement une telle licence à des entrepreneurs au niveau du Canada francophone et plus particulièrement du Québec.

À ce moment-là, il y a eu des contacts qui se sont faits entre des producteurs privés; enfin, je pense qu'on peut les nommer, ce sont toujours les mêmes qu'on mentionne, Télémédia, CFCF, Cogéco...

Une voix: La Presse.

M. Deschênes:... et La Presse. Alors, ce sont les quatre intervenants qui regardaient à un moment donné, directement ou indirectement, avec un intérêt plus élevé à certains moments qu'à d'autres, la possibilité, éventuellement, de soumettre au CRTC une demande pour cette quatrième chaîne. On sait, aujourd'hui, que Cogéco a effectivement soumis une demande d'octroi d'une licence pour une quatrième chaîne.

Nos échanges de propos avec ces promoteurs ne sont jamais allés plus loin que cela, sinon pour leur dire que nous étions prêts à analyser une participation de la SODICC dans une quatrième chaîne, à condition que les éléments du dossier nous permettent de croire, toujours avec les mêmes critères, à la rentabilité de l'entreprise. Évidemment, nous voulions être assurés que, dans l'éventualité où il y ait une demande, la quatrième chaîne va nécessairement vivre ou, en tout cas, qu'elle a des chances de survie raisonnables, qu'elle va aussi - cela est indiqué dans notre plan de développement - participer au développement de nos artistes, de notre production et de nos industries et que les produits audiovisuels, qui sont susceptibles d'être générés pour cette chaîne, soient des produits qui, en bonne partie, vont provenir du Québec. Il est clair que, s'il y avait une demande qui était telle que les produits seraient des produits achetés, qui viendraient d'un peu partout dans le monde sauf du Québec, notre intérêt serait non seulement réduit, mais absent.

Donc, à ce niveau, l'intérêt de la

SODICC est présent, il n'y a pas de démarches qu'on peut appeler formelles qui ont été faites et, même s'il y avait des demandes formelles qui nous avaient été faites, quand il s'agit d'un permis d'un organisme comme le CRTC, nous identifions seulement un intérêt à regarder, à analyser le dossier, mais une fois que le permis aura été accordé par le CRTC. De sorte que, pour reprendre l'exemple des quatre promoteurs qu'on mentionnait tantôt, ils pourraient tous les quatre venir chez nous aujourd'hui nous demander une lettre manifestant notre intérêt; ils auraient tous les quatre une lettre disant: Oui, effectivement, à la condition qu'un certain nombre de critères soient respectés, à la condition qu'un certain nombre d'objectifs soient réalisés, nous accepterions d'analyser avec beaucoup de plaisir un dossier pour une quatrième chaîne au Québec.

M. Doyon: Est-ce que l'arrivée de Radio-Québec dans le décor, d'une façon ou d'une autre, peut modifier l'approche ou la réception qui serait faite par votre organisme à des demandes d'entrepreneurs privés intéressés à obtenir du CRTC un permis de diffusion pour une chaîne supplémentaire au Québec? Est-ce que la présence de Radio-Québec ne change pas fondamentalement votre intervention? Ce qui me paraît un petit peu spécial là-dedans, c'est que votre organisme est un organisme public, bien sûr contrôlé par l'État, avec des fonds publics, etc., et il viendrait possiblement - vous me direz si je me trompe - épauler indirectement, vous allez me dire, des tentatives de Radio-Québec d'obtenir un permis du CRTC pour prendre le créneau, justement, qui semble être destiné à une chaîne supplémentaire de télévision.

Il y aurait une espèce - je ne sais pas comment appeler cela - d'intervention double de l'État au niveau de Radio-Québec et au niveau de l'organisme qui est la SODICC qui interviendrait, j'imagine, par le biais des capitaux privés ou des producteurs privés en même temps que Radio-Québec modifierait en quelque sorte sa vocation première qui est éducative et culturelle pour élargir son éventail, possiblement en tout cas.

M. Deschênes: Ce que je pourrais vous dire sur cette question, M. le député de Louis-Hébert, ce sont essentiellement deux choses: d'une part, la SODICC n'est, jusqu'à maintenant et j'y vais de mémoire, qu'une seule fois intervenue, et c'était dans des circonstances exceptionnelles et pour une période très limitée, auprès d'une société d'État du gouvernement du Québec.

Ce n'est pas notre habitude d'intervenir auprès d'une société et, à moins de circonstances exceptionnelles - je n'exclus donc rien - nous n'investirions pas dans une

société d'État puisque, effectivement, comme vous le dites fort bien, ce sont peut-être des capitaux qui sont utilisés pour une société d'État alors que cette société d'État, normalement, de par son mandat, si on prend Radio-Québec dans son statut actuel en tout cas, reçoit son budget du gouvernement à travers les mécanismes que vous connaissez qui sont habituellement, pour la majeure partie, une subvention et il y a les commandites, ainsi de suite, auxquelles Radio-Québec peut recourir pour compléter son budget.

Donc, sur Radio-Québec tel qu'elle est actuellement, il est peu probable que nous ayons à intervenir et que nous ayons même une demande d'intervention. Je précise toujours: à moins de circonstances exceptionnelles ou sauf dans des circonstances exceptionnelles, ces circonstances pouvant nous amener à modifier notre position, mais cela serait vraiment exceptionnel.

Maintenant, si on parle de Radio-Québec comme il en est question aujourd'hui, c'est-à-dire, pour bien s'entendre, d'une chaîne qui deviendrait en partie une chaîne éducative au sens plus académique qu'éducation des adultes, d'une part, et, d'autre part, pour la seconde partie, une chaîne qui serait mi-publique, mi-privée, à ce moment, c'est certain que notre position serait évaluée en fonction de la participation privée qui y serait. (21 h 15)

Je peux vous dire que, dans ce cas qui a déjà fait l'objet de réflexions chez nous, qui a déjà fait l'objet d'échanges aussi avec des promoteurs privés, avec des gens du ministère des Communications, on n'a jamais été réticents à regarder cette chose et à l'évaluer en temps opportun. J'insiste pour vous dire qu'à la SODICC nous n'avons pas actuellement d'échanges sérieux, de demandes formelles en ce sens et que, si cette chose se réalise ou se réalisait, cela se ferait avec une participation de notre société. Mais il reste que, dans le cas d'une quatrième chaîne privée, je dois reconnaître que, lorsque nous avons écrit notre plan de développement, quand nous l'avons soumis à la consultation, la quatrième chaîne, qui était en discussion à ce moment, était une quatrième chaîne entièrement privée au sens de la propriété. Ce n'est qu'après quelques mois de discussions, d'évaluation des coûts, etc., que s'est développée l'hypothèse que Radio-Québec pourrait être cette quatrième chaîne et que l'industrie privée, que les promoteurs privés ne trouvaient pas suffisamment de rentabilité à court terme dans une chaîne semblable pour y investir à ce moment-là, c'est-à-dire que les chances de succès étant à ce point faibles, l'industrie privée hésitait. Maintenant, cela ne veut pas dire que l'industrie privée n'ira pas, demain, demander une chaîne qui sera effectivement totalement privée ou à peu près.

M. Doyon: Quand vous dites que l'industrie privée hésite et considère que la rentabilité d'une chaîne supplémentaire de télévision est incertaine, il faudrait voir à la mettre dans une situation à savoir si elle est prête à faire cette demande. Il faudrait que la situation de Radio-Québec soit connue le plus tôt possible, de façon que les intervenants privés sachent à quoi s'en tenir. La situation est tellement floue, actuellement, que personne ne sait trop sur quel pied danser.

Pour continuer un peu dans la même veine, avec la permission du président, j'aimerais vous demander si la SODICC est impliquée dans ce que fait Radio-Québec actuellement avec la nouvelle émission des Variétés Michel Jasmin. Est-ce qu'elle pourrait l'être en finançant ou en garantissant des prêts, ou en prêtant de l'argent au producteur de cette émission qui la fait retransmettre par Radio-Québec? Est-ce là le genre d'interventions possibles par la SODICC avec sa loi actuelle? Est-ce que cela se produit actuellement ou est-ce qu'il y a des projets en ce sens, de façon à alimenter, par le biais de coproductions privées, Radio-Québec en tant que diffuseur et émetteur?

M. Deschênes: Pour être précis, nous n'avons pas, actuellement, d'intervention avec le producteur qui est à l'origine des Variétés Michel Jasmin. Au niveau du principe, toutefois, nous n'avons aucune objection à intervenir auprès d'un producteur qui voudrait réaliser des émissions qui seraient diffusées à l'une ou l'autre des chaînes, quoique notre intervention, à ce moment, se ferait en étroite consultation avec la Société générale du cinéma qui, elle, investit sur des projets. Comme je le disais plus tôt aujourd'hui, notre intervention se ferait beaucoup plus au niveau d'une entreprise qu'au niveau d'un projet. Mais là, il faut faire attention, la ligne est plus difficile à faire entre des sociétés de production audiovisuelles qu'elle ne l'est dans des sociétés de production de biens, comme des éditeurs ou d'autres produits culturels, qu'on pourrait nommer, des spectacles, etc.. Mais, effectivement, il y a des producteurs qui pourraient être intéressés à faire des séries. Il y en a qui en font et qui ne vendent leurs droits qu'une fois, ce qu'on appelle une émission pilote réalisée. C'est généralement là où le risque est le plus grand et ce n'est certainement pas exclu, de par notre loi ou de par nos règlements ou nos pratiques, que nous puissions intervenir dans une industrie semblable.

Le Groupe Musique Experts

M. Doyon: Quelques questions supplémentaires, M. le Président, qui concernent un certain nombre de dossiers que vous avez eu l'occasion d'étudier et d'approuver ou de refuser. J'en ai touché quelques-uns avant le souper.

J'aimerais référer aux dossiers portant les nos 153-1, 153-2, 153-3, 153-B, de même que 153-C, 153-D et 153-E qui concernent tous le Groupe Musique Experts où, d'après ce que je peux voir, il y a eu un premier prêt consenti de 700 000 $ en 1981. Il existe au 31 juillet 1984 des arrérages de capital de 103 500 $ et on indique que ce prêt était destiné à participer à la création d'une maison intégrée de production jusqu'à la vente au détail dans le secteur du disque.

Voici la question que je veux vous poser. Je m'aperçois qu'il y a des arrérages sur ce prêt de 700 000 $, qu'il y a eu après coup plusieurs autres prêts de différentes natures et que certains d'entre eux ont des arrérages d'intérêt ou de capital. J'aimerais que vous m'expliquiez quelle est la façon dont vous procédez. Est-ce qu'un groupe tel que le Groupe Musique Experts à qui vous consentez un prêt selon certaines conditions et qui, donc, s'engage à faire des remboursements selon un échéancier précis, connu et accepté, peut revenir devant vous et obtenir de nouveaux prêts, étant en défaut sur son premier prêt pour une raison ou pour une autre, sans avoir été capable de respecter ses engagements au préalable? J'ai de la difficulté à comprendre si on n'a pas respecté les premiers engagements qu'on avait accepté de respecter, qu'après l'on revienne et l'on puisse vous convaincre de réinvestir et de prêter 250 000 $ à plusieurs reprises, en ayant ces arrérages en souffrance.

M. Deschênes: Le cas du Groupe Musique Experts, c'est un dossier complexe qui date d'un certain nombre d'années maintenant et qui était basé sur un objectif qui est le suivant: pour l'industrie du disque québécois, la promotion ou la stimulation de la production doit se faire non seulement au niveau de la production elle-même, mais au niveau de la présence des produits du disque québécois dans les points de vente dans les magasins. Il a été pensé à ce moment-là qu'il serait souhaitable d'avoir une entreprise intégrée qui produit des disques - ici, cela s'appelle Kébec Disques - et qui distribue des disques - cela s'appelle Diskade Inc - et au niveau des points de vente, cette entreprise en a à Québec et aussi ailleurs qui s'appellent le Groupe Musique Experts. L'intégration de tout cela s'appelle le Groupe Musique Experts.

Alors, quand ce concept a été reconnu comme étant intéressant et que la SODICC a accepté d'y investir, il y a eu des années que j'appellerais de réussite assez exceptionnelle. On était dans les bonnes années du disque. Ce qui n'avait pas été prévu par le Groupe Musique Experts et qui n'avait été prévu par personne d'ailleurs au niveau de l'industrie, c'est ce que j'appellerais la baisse de la demande au niveau du disque en général et au niveau de la demande du disque québécois plus particulièrement, de sorte que ce concept a toujours conservé son intérêt, mais que sa rentabilité au niveau de l'entreprise qu'est le Groupe Musique Experts a été mise en sérieuse difficulté. C'est une intervention que nous avons faite et que nous avons continué de faire avec une institution financière qui est, d'ailleurs, dans ce dossier, où vous voyez dans certains cas que c'est une garantie de prêt que nous consentons auprès d'une banque et qui n'est pas pour la totalité du prêt consenti auprès de la banque, mais pour une partie seulement. De sorte que, en général, nous n'avons pas de réticence à revoir chez nous des entreprises qui ont des difficultés et qui requerraient, pour les régler convenablement, une nouvelle participation de notre part ou une participation financière supérieure à celle qui a été considérée.

Dans le cas du Groupe Musique Experts, nous sommes effectivement intervenus à plusieurs reprises de façon différente dans certains cas. Nous y sommes maintenant au niveau du capital-actions pour un montant de 600 000 $, comme l'indique le dossier, ce qui nous donne 49% des actions.

Maintenant, le montant consenti au niveau du capital-actions a un double objectif. D'une part, ça met là un montant en liquidités sur lequel l'entreprise n'a pas à payer d'intérêt, puisque c'est du capital-actions qui, normalement, avec la valeur de l'entreprise, devrait croître; avec les années, on verra à obtenir un rendement sur le capital-actions investi. Donc, ça libère l'entreprise d'un certain fardeau financier immédiat, mais non pas à long terme.

D'autre part, au niveau des autres prêts qui sont là, soit des prêts sous une forme conventionnelle ou des garanties de prêt, nous acceptons de retarder le paiement de certains montants d'intérêt face à certains objectifs que nous essayons de réaliser avec eux. C'est un cas où nous sommes présents au niveau du comité de gestion compte tenu de la fragilité de ce dossier. Il y a aussi la banque qui est avec nous là-dedans.

Tout ça pour vous dire que, dans le domaine du disque au Québec, le point le plus délicat, c'est au niveau de la production. Les coûts de production sont élevés. Si vous n'êtes pas capable de générer suffisamment de demande ou de faire en sorte que le produit soit suffisamment demandé, vous avez des problèmes. Comme le disque québécois, sa demande actuellement

n'est pas à son plus haut niveau, n'est pas ce qu'elle a été auparavant, si vous n'intervenez pas au niveau de la distribution et au niveau de la vente, ça peut nuire à la production de disques québécois.

Je peux vous dire, par exemple, que statistiquement, dans les magasins contrôlés par Musique Experts et qui affichent d'une façon supérieure aux magasins conventionnels - on peut penser à Sherman ou à d'autres de cet ordre - le disque québécois dans leurs vitrines, au niveau des étagères, ainsi de suite, le taux de vente par rapport à l'ensemble des ventes de ces magasins est de 20% de disques québécois, alors que, dans les magasins conventionnels, c'est de 15%. De 15% à 20%, c'est quand même suffisamment important pour croire que cette initiative a du mérite. Je ne peux tout de même pas vous garantir que ce sera un succès, mais nous avons bon espoir que les difficultés principales ont été absorbées, que l'avenir est meilleur, que la demande va croître - on le sent déjà - et que la rentabilité va être atteinte.

Maintenant, nous sommes prêts à attendre dans le cas de dossiers si l'entreprise en cause peut nous laisser entrevoir une chance qu'elle va sortir de ses difficultés, et c'est le cas ici. Donc, pour être encore plus précis sur votre question, nous avons revu avec cette entreprise à plusieurs reprises ses dossiers, nous l'avons fait dans certains cas avec la banque, nous l'avons fait aussi avec des conseillers externes, qui étaient externes à la banque, externes à la SODICC et externes à l'entreprise, pour nous donner un élément de réflexion, un élément qui nous aiderait à mieux prendre position dans ce dossier. Cela donne l'élément que vous connaissez maintenant, c'est-à-dire le dossier tel qu'il vous est présenté dans les fiches.

M. Doyon: Merci. Je souhaite avec vous que la situation s'améliore de façon que les montants qui sont investis là soient préservés. Si je comprends bien, il n'y a pas eu de provisions pour perte.

M. Deschênes: Oui.

M. Doyon: Il y a eu des provisions pour perte, quand même.

M. Deschênes: C'est-à-dire que la provision consentie au 31 mars pour le bilan que vous avez, elle était de 600 000 $. C'est un dossier qui est jugé délicat. Évidemment, quand vous avez des arrérages dans les paiements, quand vous êtes obligé de prendre les mesures que nous avons prises, la conversion de prêts en capital-actions et tout ça, le vérificateur juge que ce sont toutes des mesures qui identifient la précarité du dossier et, en conséquence, il lève le montant de la provision.

Le Président (M. French): Là-dessus, très brièvement, M. le président, pouvez-vous nous dire - je ne vous en tiens pas rigueur -compte tenu que le vérificateur a été tellement exigeant, qu'il n'y a pas d'autres mauvaises surprises dans la boîte? Est-ce qu'on peut le savoir?

M. Deschênes: Dans ce dossier?

Le Président (M. French): Pas dans ce dossier, dans la gamme, l'éventail des investissements. Il semble bien que le vérificateur est très exigeant. (21 h 30)

M. Deschênes: Oui.

Le Président (M. French): Vous avez, d'une part, quelques projets qui n'ont pas abouti, mais pour lesquels vous avez bon espoir qu'ils vont aboutir de façon positive, soit quelques investissements dans le patrimoine. D'autre part, vous avez même certains espoirs face aux dossiers plus ou moins douteux, pour lesquels le vérificateur était prêt à insister sur les provisions pour perte.

M. Deschênes: Nous avons effectivement un certain nombre de dossiers que j'appellerais plus préoccupants que d'autres. On les a identifiés, je ne sais pas si Guy en a une liste à l'esprit.

Le Président (M. French): Vous avez ceux pour lesquels il n'y a pas de provisions pour perte, mais qui pourraient quand même créer des problèmes dans l'avenir.

M. Deschênes: II n'y a pas de dossiers qu'on appellerait délicats qui n'ont pas de provisions. Tous les dossiers délicats, c'est la nature même de la provision, nous amènent à y mettre une provision. Quand on parle du vérificateur, évidemment, c'est le

Vérificateur général qui vient une fois par année.

Le Président (M. French): Tout ce que je vous dis, c'est que vous m'avez rassuré beaucoup avec cela, en m'expliquant, par rapport à un certain nombre de cas, comment le Vérificateur général est exigeant. Mais je vous avoue qu'on a vu certains vérificateurs - ce n'étaient pas les vérificateurs généraux, ni du fédéral, ni du provincial - d'organismes publics qui se sont montrés complaisants. Je ne citerai pas de cas. Vous êtes en train de me rassurer. Je pense que, dans la situation qui nous préoccupe, les 16% sont très légitimes. Ce n'est pas du tout 16% sur lesquels on doit dire: Bien, est-ce 20% ou 25%. C'est vraiment 16%. Pour le mettre de façon très

grossière, c'est sur cela que j'essaie d'avoir votre réaction.

M. Bouthillier: Sans entrer dans les détails, le vérificateur applique ses règles d'une façon assez inhumaine, je dirais, dans le sens qu'il ne veut avoir aucune explication, il y va d'une façon tout à fait automatique en fonction de règles; le dossier a tant de retard, je le provisionne à tant pour cent; les explications, il ne veut pas les connaître, il y va d'une façon tout à fait automatique et très conservatrice. Donc, il n'y a pas de marge d'erreur, en tout cas, je ne pense pas qu'il y en ait à la hausse; s'il y en a, cela va être à la baisse.

Le Président (M. French): C'est cela que je voulais savoir et, pour ma part, c'est très rassurant. Je m'excuse, M. le député, je ne voulais pas...

M. Deschênes: Ce que je pourrais peut-être vous dire sur cela, c'est que, actuellement, la provision identifiée pour le dossier du Groupe Musique Experts est de 723 859 $. Maintenant, la personne qui est chargée de l'administration chez nous, Mme Parent, qui malheureusement, n'est pas avec nous aujourd'hui parce qu'elle est à l'extérieur du Québec et du Canada, applique l'esprit du Vérificateur général pour que, lorsque celui-ci arrive, ce qu'elle a comme données corresponde à ce que le Vérificateur général attend. Sinon, le Véricateur général dirait: Vous avez un problème de gestion chez vous. De sorte que si le Vérificateur général vient au 31 mars 1985, et il viendra, normalement, les chiffres que notre directrice de l'administration lui donnera devraient correspondre à peu près à ce que le Vérificateur général va déterminer. Sinon, on a un problème de compatibilité entre nous et le Vérificateur général.

Quand je vous parlais des données statistiques à ce jour, tout au cours de la journée, c'était basé, évidemment, sur des méthodes comptables qui correspondent à celles du Vérificateur général.

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert.

M. Bouthillier: Je pourrais peut-être rajouter quelque chose...

Le Président (M. French): Excusez-moi, M. Bouthillier.

M. Bouthillier:... sur le dossier du Groupe Musique Experts, qui ne ressort pas des fiches qui vous ont été remises. Lorsque nous avons décidé de convertir 600 000 $ de créances en capital-actions de façon à alléger les ratios financiers et ainsi de suite, on a exigé que nous soient transférés 49% du capital-actions. En plus, on a exigé d'avoir une clause dans la convention entre actionnaires à savoir que, sur demande, on peut convertir, pour 1$, 2% additionnels de capital-actions; donc, sur demande, on peut prendre le contrôle.

C'est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des dirigeants. C'était à la suite, enfin, de certaines mauvaises budgétisations et de certains mauvais résultats. Cela a, cependant, comme résultat que, somme toute, dans nos interventions potentielles ou dans les mécanismes qu'on a à notre disposition pour appliquer notre plan ou appliquer un plan quelconque dans l'industrie du disque, cela peut devenir le cheval de bataille pour y arriver, l'outil d'intervention. On ne peut pas considérer ce dossier, maintenant, seulement comme étant un intervenant parmi d'autres, un bénéficiaire parmi d'autres de nos interventions.

M. Deschênes: Toute cette question du disque au Québec fait l'objet de sérieuses réflexions non seulement de la part de la SODICC, mais de la part de la majorité des industriels qui sont dans ce domaine actuellement et qui, dans certains cas, réfléchissent avec nous. On a eu des échanges avec ce qu'on peut appeler d'autres intervenants qui sont, jusqu'à un certain point, des compétiteurs de Musique Experts. Ces réflexions pourraient amener une conclusion qui serait un peu une rationalisation de l'industrie du disque au Québec. On n'en est pas là encore, mais, quand on réfléchit ensemble, les intéressés au disque au Québec, à l'industrie du disque au Québec, on pense toujours dans l'esprit d'une rationalisation qui amènerait une meilleure présence du disque québécois dans les points de vente et qui amènerait une meilleure production aussi.

Actuellement, je l'ai mentionné au cours de la journée et je le redis, les coûts de production sont tellement élevés, le nombre d'exemplaires vendus par disque nécessite en conséquence d'être aussi tellement élevé que la relève s'identifie difficilement. Les producteurs ont de moins en moins tendance à prendre des risques avec des jeunes talents prometteurs, de jeunes artistes qu'ils pourraient détecter et pour lesquels ils accepteraient de prendre un risque en vertu d'une carrière qui pourrait s'avérer intéressante.

Le Président (M. French): Vous me permettrez, M. le député. Cela rejoint les préoccupations que le député de Mille-Îles a soulevées ce matin. J'ai deux réflexions; ce qui me fascine dans tout cela, c'est la relation entre les affaires, la culture et la situation québécoise; c'est très intéressant. Les jeunes musiciens francophones n'ont-ils pas maintenant un peu tendance à s'identifier

davantage qu'ils ne le faisaient il y a dix ou quinze ans au marché nord-américain ou au marché anglophone? N'est-il pas vrai que c'est le problème de la relève que, dans une certaine mesure, ils sont amenés à commencer à jouer, comme ils disent - parce que je les connais, j'ai de la parenté dans le domaine - des "tounes" américaines, donc chantées en anglais, et qu'ils sont donc pris dans cette forte pression culturelle qui existe, qui domine le marché non seulement nord-américain, mais mondial?

M. Deschênes: C'est une constatation que nous faisons aussi. Je pense que chacun d'entre nous, individuellement, constate que les jeunes groupes surtout ont tendance à chanter en anglais, à créer des chansons, des "tounes", comme vous le dites et comme on le dit aussi, anglophones et à suivre un peu le style américain.

Maintenant, c'est peut-être plus vrai aujourd'hui que cela ne l'était auparavant, quoique cela ait toujours été une tendance des jeunes chez nous de suivre, disons, l'orientation mondiale qui venait, dans certains cas, de la Grande-Bretagne quand on parle des Beatles, ou qui venait des États-Unis, dans d'autres cas. On a mentionné Boy George, Culture Club et Michael Jackson aujourd'hui. C'est certain qu'il y a un attrait considérable de la part des groupes d'une part. D'autre part, ils souhaitent percer et, pour percer, pensent-ils, pour obtenir une réputation, il faut aller sur le marché anglophone, il faut aller aux États-Unis et conquérir le marché américain.

Maintenant, il y a des Québécois, des Canadiens qui ont réussi, qui réussissent. On a mentionné Men Without Hats aujourd'hui qui a, d'ailleurs, reçu pour une deuxième année consécutive un Félix au gala de l'ADlSQ dimanche dernier.

Le Président (M. French): Ce sont des anglophones, je pense.

M. d'Astous: Le compositeur est francophone et les interprètes sont anglophones.

Le Président (M. French): C'est très intéressant.

M. Deschênes: C'est un groupe québécois.

Le Président (M. French): Cela, je le sais.

M. Deschênes: C'est vrai que le problème que vous mentionnez ou la situation à laquelle vous faisiez allusion, c'était évidemment celle de francophones qui chantent maintenant en anglais.

Le Président (M. French): Mais nous n'avons qu'à penser à ce qu'on aurait perdu si Michel Rivard et Pierre Bertrand avaient commencé à chanter en anglais. Cela aurait été une tragédie. Pour moi, en tout cas, cela aurait été littéralement une tragédie. Si les Michel Rivard, les Pierre Bertrand, les Pierre Huot et les Robert Léger de l'avenir allaient commencer en anglais, ce serait extrêmement triste. Pour moi, cela changerait fondamentalement ma perception, nos espoirs d'être différents et d'avoir une culture populaire qui parle réellement aux gens.

Dans cette situation et s'attardant là-dessus parce que... Vous avez dit au début, M. le président, cela m'a frappé, que c'étaient non seulement les disques québécois qui connaissaient des problèmes mais aussi tout le produit culturel québécois. J'ai très bien saisi ce que vous vouliez dire à ce moment-là. Mais dans votre dernière intervention, vous avez peut-être rejoint davantage mon optique, à savoir que l'industrie du disque a plus de difficultés que la plupart des autres industries culturelles québécoises. Je ne sais pas si j'ai raison ou non. Je vous pose la question...

M. Deschênes: Je serais porté...

Le Président (M. French):... de façon brutale mais...

M. Deschênes:... à partager votre avis. Mais j'insiste pour dire que nous avons maintenant des signes qui indiquent qu'il y a une reprise et que celle-ci pourrait être très bénéfique pour l'industrie du disque. Cela ne veut pas dire que nous ne sentons pas une reprise dans le produit culturel en général mais je suis, en tout cas personnellement, tenté de partager, pour ne pas dire que je partage, votre opinion sur le fait que, dans les produits culturels, celui qui est le plus sérieusement en danger, c'est celui du disque, particulièrement au niveau de la création et de la relève.

Le Président (M. French): Si c'est le cas, quel genre de facteurs pourrait-on identifier? On peut identifier la baisse du disque nord-américain ou la baisse du disque, point, pas le disque québécois. J'ai dit au vice-président que, lorsque vous avez parlé de la baisse du disque, je me suis rendu compte que je n'achetais plus de disque. J'achète un disque par année alors que j'en achetais 30 ou 40 avant 1980. Peut-être que je vieillis, mais je remarque que je ne vieillis pas tout seul! J'étais peut-être de la génération du début du "baby-boom", qui commence à sortir de l'époque où ils achetaient les disques et cela se voit dans le marché. C'est peut-être le lien qui s'est fait entre le vidéo et le disque et l'impact du

câble à la grandeur de la province et non seulement dans la région métropolitaine. Cela est une autre hypothèse qui est peut-être valable. C'est réglé?

M. Deschênes: Le problème, à mon avis, M. le Président, est complexe. Je pense que vous faites allusion à un ensemble de paramètres qui, effectivement, font ressortir la complexité de ce secteur industriel qu'est le disque. Je peux vous dire que nous estimons que les locomotives que nous avions au Québec, jadis, n'existent plus ou à peu près plus. Nous avons connu au Québec, à un certain moment, des émissions de télévision, qui étaient à Radio-Canada ou à Télé-Métropole, peu importe, qui faisaient ressortir, qui montraient les artistes y inclus les artistes de la relève, les nouveaux talents qui étaient découverts, lesquels étaient présentés au public québécois qui pouvait réagir et les apprécier. Si ce public les appréciait, éventuellement la demande pour ces artistes croissait et il y avait les disques, les émissions et ainsi de suite. Nous n'avons que peu de locomotives de cet ordre aujourd'hui.

Le Président (M. French): Il y a peu d'émissions comme cela.

M. Deschênes: Il y a peu d'émissions comme cela, et il y a peu de locomotives d'autres sortes aussi.

Le Président (M. French): Oui.

M. Deschênes: On vous a dit, aujourd'hui, que la comédie musicale, à notre avis, pouvait être une de ces locomotives. Nous y croyons sincèrement à cette locomotive. Mais ce n'est pas une locomotive qui va devoir fonctionner seule, il va falloir qu'elle le fasse avec la télévision, avec le disque, avec la relève, avec les artistes qui sont bien établis, ainsi de suite. Il va falloir que les artistes bien établis acceptent d'être un peu la locomotive. Peut-être des gens qui vont s'associer de jeunes talents qui sont inconnus et qui vont devenir un jour plus connus, qui vont prendre la place des artistes bien connus aujourd'hui. Il y a un ensemble de mécanismes qui font qu'à un moment donné, les artistes sont connus, l'industrie va et quand cela commence à tourner, c'est un engrenage qui va très rapidement.

Mais nous n'avons pas, aujourd'hui, cet ensemble de base qui nous permet de mettre en orbite notre industrie du spectacle, du disque, nos artistes eux-mêmes.

(21 h 45)

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Vous avez mentionné le fait qu'il y a beaucoup moins d'émissions de télévision qui permettent la promotion des nouveaux talents, et tout. Est-ce que vous voyez une vraie cause à cela? Comment cela se fait-il? Est-ce que ce n'est plus suffisamment rentable ou quoi?

M. Deschênes: Je pense que la rentabilité est le gros point, le point majeur, le point le plus important qu'invoquent les télédiffuseurs. Effectivement, ces derniers disent: Écoutez, nous vivons avec la cote d'écoute, la cote d'écoute, c'est la publicité et la publicité, c'est ce qui nous permet de faire des émissions. Si on fait des émissions - je caricature un peu - avec des artistes québécois et que l'émission n'est pas vue, la cote d'écoute descend, la publicité qu'on paie pour cette émission, les commanditaires qui apparaissent à cette émission paient moins, on a donc moins de revenus; moins de revenus, moins d'émissions. C'est un peu un cercle vicieux qui fait que les télédiffuseurs veulent aller avec des artistes relativement sûrs, et ce sont souvent des vidéoclips qu'ils obtiennent des États-Unis et aussi des artistes américains qu'ils font passer sur leur réseau.

M. d'Astous: Ce qui explique peut-être l'absence d'émissions de variétés à la télé, ce sont deux autres facteurs, l'émission clé d'une programmation télé, maintenant, ce sont les téléromans et le sport. Le variété occupe une place de plus en plus restreinte entre ces deux géants. Il y a eu aussi une certaine latitude par rapport aux émissions de variétés des anciennes formules des années soixante-dix. Les cotes d'écoute de ces émissions baissaient d'une façon constante.

Il y a un autre facteur aussi. Il faut dire que la télé est devenue le diffuseur de spectacles faits par d'autres. C'est-à-dire que Radio-Canada achète le spectacle de Beau Dommage, mais Radio-Canada ne produit pas le spectacle original avec Beau Dommage. C'est la même chose avec beaucoup de spectacles.

Le Président (M. French): Radio-Canada n'a pas l'incitation de développer de nouveaux artistes. Elle laisse le marché produire les artistes et achète...

M. d'Astous: Radio-Canada, Télé-Métropole, l'ensemble des diffuseurs québécois sont dans la même situation.

M. Bouthillier: Il y a deux autres points qu'on pourrait peut-être ajouter à votre première question, puisqu'on a dévié un peu, ce sont les causes de la baisse des ventes du disque sur le plan mondial ou nord-américain. Ce que les auteurs nous disent là-dessus - en fait, ils donnent deux raisons sociologiques -c'est la spécialisation quasi continentale des

postes de radio. De plus en plus, les postes de radio sont spécialisés dans des créneaux de musique bien particuliers. Le consommateur de musique qui est plus jeune que nous tous ici, le gros consommateur de musique, le jeune entre 15 et 20 ans, se branche sur des postes de radio d'une façon bien particulière et a une gamme bien spécialisée qui correspond exactement à ses goûts. L'autre explication sociologique, c'est le développement des moyens techniques permettant le piratage.

Le Président (M. French): La piraterie.

M. Bouthillier: Le piratage.

M. Champagne: Expliquez-nous donc, par exemple, je ne comprends pas.

M. Bouthillier: C'est que vous pouvez vous procurer maintenant de petites radio-cassettes enregistreuses, vous avez d'immenses radios que vous voyez, maintenant elles sont construites avec deux cassettes. Vous pouvez en faire jouer une d'un côté et enregistrer l'autre. Vous donnez ça à votre petite amie... On en vend de très bonnes cassettes, d'une très bonne qualité.

Le Président (M. French):...

M. Bouthillier: Vous pouvez en reproduire six ou sept, comme ça, en l'espace d'une heure ou deux. Cela fait chuter les ventes.

Le Président (M. French): Ce qu'on devrait faire, c'est qu'on devrait taxer les cassettes vierges et donner les revenus aux artistes québécois via la SODICC.

M. Champagne: Voici, le député de Louis-Hébert est contre la taxation des cassettes.

M. Doyon: On ne parle pas de la même cassette, vous n'étiez même pas au courant du moyen technique auquel on se référait.

Le Président (M. French): Je voudrais poser une dernière question à nos invités.

M. Doyon: Je suis contre toutes les taxes, de toute façon. Ce n'est pas compliqué.

Le Président (M. French): C'est une anarchie... Le changement de valeur global qu'a connu la société québécoise depuis dix ou quinze ans, qui est devenu très clair depuis deux ou trois ans, est-ce aussi un facteur dans le changement de consommation des produits culturels québécois?

M. d'Astous: C'est vrai que les produits québécois à saveur nationaliste ou d'identité nationale ne sont plus ce qu'ils étaient et ne reçoivent pas la même faveur aujourd'hui. On parle maintenant de courants mondiaux, que ce soit de musique punk, etc., qui abolissent complètement les frontières. Donc, c'est vrai que pour l'ensemble le label québécois sur un produit culturel n'est pas suffisant pour le faire vendre maintenant. Il faut qu'il soit concurrentiel, et il faut qu'il se compare à la qualité d'un produit "made in America", ou peu importe. Maintenant ce n'est pas la provenance d'un produit qui fait que l'acheteur se présente dans un magasin pour acheter un disque ou même n'importe quel autre produit. Le cinéma en est un autre bel exemple.

M. Champagne: La solution c'est de créer davantage l'esprit d'appartenance et de fierté.

Le Président (M. French): Est-ce à dire qu'on n'a pas essayé de faire cela depuis quinze ans?

M. Champagne: Enfin, je pose la question et peut-être que c'est la réponse.

Le Président (M. French): Je dois protéger nos invités de ce genre de questions. Je n'aurais pas dû poser la première, puis je dois arrêter l'interrogation. C'est un débat que nous pouvons avoir. Avez-vous un autre question, M. le député?

M. Champagne: Oui, j'aurais une autre question.

M. Doyon: Je n'ai même pas fini les miennes.

Le Président (M. French): Excusez-moi. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je pense que j'ai fait preuve d'une certaine compréhension...

Le Président (M. French): D'une grande patience oui, d'une très grande compréhension.

M. Doyon: Mais les limites ont des bornes, comme dirait l'autre.

Le Président (M. French): On s'excuse auprès de vous.

M. Champagne:... ce soir, c'est bien cela.

Bécaud à la Baie James

M. Doyon: Vous ne me connaissez pas très bien, c'est pour cela. Nous allons revenir à des préoccupations un peu plus

terre à terre. Je comprends qu'il est important qu'on discute de ces choses. Je me réfère à ce que le président-directeur général disait dans le sens que les interventions de la SODICC s'adressaient à des entreprises et non à des activités comme telles et que c'était l'approche générale que préconisait et que privilégiait son organisme. Je me réfère au dossier 193-B qui a accordé un prêt de 90 000 $ à Télé-Music-Hall Inc. Je signale aussi qu'il y a des arrérages, sur un prêt de 90 000 $, de 76 000 $ en capital et de 6700 $ en intérêts. On voit que le prêt était destiné à produire un spectacle qui s'appelle "Bécaud à la Baie James" et on indique que les coûts du projet ont dépassé les prévisions et que les ventes estimées ne se sont pas toutes matérialisées. Le solde du prêt est remboursé par d'autres opérations de l'entreprise.

Est-ce que c'est une exception à la règle que vous édictiez tout à l'heure? Il me semble évidemment que le prêt fait à l'entreprise Télé-Music-Hall Inc. semble être fait dans un but bien spécifique, c'est-à-dire pour produire une émission donnée, un spectacle donné, qui était la venue de Gilbert Bécaud à la Baie James alors qu'on a inauguré je ne sais quelle centrale à grands frais et avec beaucoup de tapage publicitaire auquel on est un petit peu habitués. Là, qu'on ait fait venir Bécaud, on peut avoir certaines idées sur le fait qu'on a peut-être manqué une belle occasion de mettre en valeur ces artistes québécois qui, justement, on pense, ne se produisent pas assez et n'ont pas assez "d'exposure"; le manque de demandes provient justement de cette lacune, en ce sens qu'on ne les voit pas suffisamment. L'intervention de la SODICC dans cela est peut-être justifiée, mais je me demande dans quel contexte elle se situe. Est-ce qu'on a subventionné une entreprise ou si on a subventionné un spectacle donné? Est-ce que cela s'est fait à titre d'exception par rapport à la règle générale? Est-ce qu'on a d'autres explications à nous fournir sur cela?

M. Bouthillier: On peut peut-être parler d'une demi-exception dans le sens que, puisqu'on parle de 193-B, c'est qu'il y avait eu 193-A avant; donc, cela s'inscrivait dans une suite logique. Nous soutenions l'entreprise, nous l'avions soutenue préalablement au niveau d'autres productions, et les deux aides ont été concurrentes pendant une certaine période.

D'autre part, sur le choix, il faut comprendre la dimension du produit qui était véhiculé en la personne de Gilbert Bécaud. Notre objectif était de soutenir une entreprise oeuvrant dans la matière vidéo. On ne parle pas de spectacle, on n'était pas là en termes de production de spectacle ou de production d'un disque, on était là en termes de production d'un document audiovisuel. Alors, on ne se préoccupait pas du contenu, mais bel et bien de l'opération comme telle.

D'autre part, le contenu qui était dans l'opération nous permettait d'envisager - et c'est ce qui nous intéressait à ce moment-là - des ventes non seulement au Québec, mais à l'étranger. C'est un produit qui, par définition, au niveau de son contenu, était exportable dans toute la francophonie et c'est ce qui nous intéressait au niveau de l'entreprise.

M. Doyon: Alors, je comprends dans quel esprit cela a été fait. Je continue de penser que la SODICC, pour avoir toute la crédibilité à laquelle cet organisme a droit et dont il a besoin, doit avoir des actions conséquentes avec une certaine approche. On signalait tout à l'heure, le député de Mille-Îles disait qu'on devait à ce titre développer une fierté et une appartenance québécoises. On connaît le refrain ainsi que les couplets à ce sujet, sauf que vous êtes là pour témoigner que c'est plus vite dit que fait quand il s'agit de vendre des produits et de faire payer le monde pour cela. Quand on veut que les gens achètent des disques et qu'on les vend 8 $, 9 $, 10 $ ou 11 $, ils doivent être de qualité égale et se comparer sur un marché hautement compétitif. Ce n'est pas en disant qu'il faut faire oeuvre de nationalisme en achetant des disques québécois parce qu'on est Québécois et qu'il y a une fleur de lys ou qu'il est bleu. Le député de Mille-Îles confond tout. Il ne sait pas comment fonctionne le marché du disque...

M. Champagne: Une minute, M. le Président, question de privilège.

M. Doyon: Non, M. le Président, pas de question de privilège.

M. Champagne: Un instant!

M. Doyon: II n'y a pas de question de privilège...

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, je dois vous dire qu'il n'y a pas de question de privilège.

M. Doyon: Alors, j'ai la parole, M. le Président, je vais continuer ce que j'ai à dire. Le député de Mille-Îles parlera après.

M. Champagne: J'ai mon voyage!

M. Doyon: Ce gargarisme qui est bien connu, à savoir que c'est en étant suffisamment fier et suffisamment "nationaleux" qu'on va encourager nos disques, cela montre, et les témoins invités

sont ici pour en faire la preuve, que ce n'est pas de cette façon que nos artistes québécois, qu'ils soient musiciens, acteurs ou producteurs, de quelque nature que ce soit, vont pénétrer d'une façon stable et permanente le marché québécois; c'est en produisant et en ayant sur le marché, grâce à des interventions bien pensées et bien évaluées de la part de la SODICC, entre autres, qu'on pourra avoir un produit comparable et compétitif avec ce qui se fait ailleurs.

Je dois m'élever en faux contre ces tentatives de récupération du député de Mille-Îles en laissant entendre...

Le Président (M. French): M. le député, c'est quand même moi qui ai ouvert la porte, ce n'est pas le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Oui, un instant!

M. Doyon: M. le Président, pour revenir à ce que je disais, n'est-il pas désirable que, dans le but de créer ce que vous déplorez ne pas voir suffisamment, ce que vous appelez des locomotives ou des engins qui vont entraîner à leur suite sur les rails de la prospérité des artistes québécois, en même temps que vous évaluez les risques financiers, de succès financier, etc., et que, dans un cas comme celui-ci - il nous sert tout simplement d'exemple; cela pourrait être autre chose - on puisse se dire... Auriez-vous pu faire une condition de votre prêt qu'au lieu d'avoir un artiste français qui n'a pas besoin de la Baie James pour se faire valoir, ce soit quelqu'un de Québec qui, en ayant une valeur et tout le potentiel nécessaire, ait pu profiter de ce créneau qui lui était offert? Est-ce que ce sont des dimensions considérées par la SODICC quand elle fait l'évaluation d'un dossier ou si on ne le fait pas, règle générale, en tout cas?

M. Deschênes: M. le député de Louis-Hébert, c'est une dimension qui n'est pas considérée. La SODICC n'intervient pas au niveau du contenu de produits ou d'industries qui interviennent auprès d'elle, de sorte que le choix, par exemple, des émissions, des produits, le disque ou tout autre produit, n'est absolument pas discuté au niveau de la SODICC. Ce sont les entrepreneurs, les créateurs, les producteurs qui déterminent ce qu'ils veulent avoir au niveau du thème, des artistes qu'ils choisissent, ainsi de suite, et nous, nous jugeons le produit è partir des éléments qu'eux-mêmes ont définis.

Je pense qu'à la limite, si on voulait être honnête, on pourrait effectivement intervenir dans cet ordre. Il n'y a rien qui nous empêche de le faire, mais c'est une direction que nous avons refusé de prendre jusqu'à maintenant et, à moins que vous ne nous indiquiez que cela serait quelque chose de souhaitable, ce n'est pas une direction dans laquelle nous envisageons d'aller non plus.

M. Champagne: M. le Président, il est dix heures...

Une voix: Je suis heureux de vous entendre dire cela, M. le président.

Le Président (M. French): Je constate qu'il est 10 heures, M. le député. J'ajourne donc les travaux de la commission jusqu'à 10 heures demain matin. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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