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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, February 5, 1985 - Vol. 28 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'étude de l'impact des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte


Journal des débats

 

(Dix heures trente-trois minutes)

Le Président (M. French): La commission permanente de la culture entreprend ses travaux de consultation générale en vue de remplir son mandat d'initiative concernant l'impact des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte.

Les membres de la commission présents sont M. Baril (Rouyn-Noranda- Témiscamingue), M. Champagne (Mille-Iles), M. Dauphin (Marquette), M. French (Westmount), M. Hains (Saint-Henri), Mme Lachapelle (Dorion). On souhaite la bienvenue à M. Payne, qui est un membre en devenir de la commission, je crois. Nous sommes toujours dans l'attente d'une réunion de la commission de l'Assemblée nationale pour compléter le nouveau "membership" des commissions.

J'aurais d'abord un certain nombre de commentaires sur le mandat que nous entreprenons aujourd'hui. C'est clair qu'une des clés de voûte de la réforme parlementaire que nous avons entreprise à l'Assemblée nationale depuis quelques mois maintenant c'est l'indépendance des commissions parlementaires. Ainsi, une commission peut, de son propre chef, décider de se donner un mandat d'initiative. Un tel mandat peut comprendre des consultations publiques, le parrainage de recherche et la présentation de rapports à l'Assemblée nationale.

Exposés préliminaires M. Richard French

II y a sept mois maintenant, la commission de la culture a adopté comme mandat d'initiative l'examen de l'avenir démographique de la société québécoise. Cet intérêt s'est manifesté chez certains membres de la commission avant même que le gouvernement ne dépose son document "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences".

La commission voit son initiative comme une des suites logiques du document gouvernemental. Il y a vingt, ou même dix ans, personne n'aurait vu la nécessité des travaux dont le volet le plus public débute aujourd'hui. Nos travaux s'inscrivent dans et s'expliquent par un contexte social et démographique bien précis. Bien que la toile de fond soit décrite en grande ligne dans le document gouvernemental, ce document commande néanmoins un suivi pour plusieurs raisons. D'abord il apparaît que dans son ensemble l'opinion publique n'est pas encore tellement consciente des enjeux de la dynamique actuelle. Il nous semble important de soutenir et d'encourager le débat en fournissant un forum public, éventuellement un document additionnel pour alimenter la réflexion. Il convient, entre autres, de voir comment fut accueilli le document gouvernemental, particulièrement chez les spécialistes de la question. Y a-t-il consensus sur les grandes tendances de fond, notamment le maintien de la sous-fécondité dans les conditions actuelles?

Deuxièmement, ce document s'arrête, pour l'essentiel, en 1981. Or, la chute de la fécondité s'est poursuivie après 1981, de sorte que le scénario le plus pessimiste dans ce document apparaît déjà un peu déphasé. Il convient donc de l'actualiser. La commission dispose de matériaux à cet égard. Une question générale en découle: Sommes-nous en présence d'une véritable crise démographique?

Troisièmement, les considérations d'ordre général gagnent à s'appuyer sur le terrain de réalités vécues. Certaines entreprises, certaines institutions ressentent déjà les conséquences de la croissance démographique. Au premier rang de celles-ci, figurent les commissions scolaires et les municipalités. Indiquent-elles la voie que devront obligatoirement emprunter celles qui sont encore à l'abri?

Finalement, il faut noter que le document gouvernemental ne pouvait pas approfondir toutes les questions pertinentes, dont certaines sont au coeur des responsabilités de la commission. La problématique, est-elle la même pour toutes les communautés culturelles qui habitent le Québec? Ne peut-on pas s'appuyer davantage sur l'immigration? Ne doit-on pas s'inquiéter particulièrement de la situation démographique de certaines des régions du Québec, notamment celle de sa métropole, Montréal? Ces trois questions sont d'ailleurs intimement liées.

Il ne faut pas sous-estimer l'originalité de la situation du Québec. Les Québécois ont le taux de fécondité le troisième plus bas au monde, après l'Allemagne de l'Ouest et le

Danemark. En outre, sa situation apparaît plus fragile que celle des pays européens. Le Québec ne dispose pas d'un coussin de sécurité démographique comme l'Allemagne ou la France. Quand un pays compte au-delà de 50 000 000 d'habitants, les préoccupations quant à la taille globale de la population n'apparaissent guère existentielles et n'entre en considération que l'impact de la stagnation ou du recul démographique sur le tonus économique et social.

La taille de la population québécoise est, au contraire, une variable importante: un demi-million de plus ou de moins, cela compte bien davantage ici qu'en France ou en Allemagne. La comparaison avec les pays européens de taille comparable révèle bien le caractère spécifique du Québec. Alors que tous ces pays de l'ancien monde sont dans le même bain démographique, le Québec, lui, appartient à un continent dont la santé démographique apparaît clairement: la stagnation n'est en vue ni pour l'ensemble des provinces canadiennes sises à l'ouest du Québec, ni pour les États-Unis. Cela ne peut que poser des problèmes particuliers au Québec.

C'est donc à un débat fondamental que la situation démographique appelle les Québécois. La commission de la culture espère bien y jouer son rôle modeste. Ce rôle sera valable dans la mesure où la commission aura l'aide d'intervenants académiques, socio-économiques et culturels intéressés par et informés sur l'impact des tendances démographiques dans leur domaine respectif. La commission est donc heureuse, cette semaine, d'accueillir divers experts et groupes sociaux pendant cette première ronde de consultation.

Avant d'appeler nos premiers intervenants, je voudrais mentionner tout simplement que nous avons une obligation heureuse, aujourd'hui, soit celle d'élire notre nouveau vice-président, qui sera, je l'espère, le député de Mille-Îles, M. Champagne. M. Champagne m'a demandé, malgré qu'on n'ait pu passer la formalité de son élection, de dire quelques mots à ce moment-ci.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom du parti ministériel je m'en voudrais de ne pas faire certaines observations au début de cette commission parlementaire, surtout face à la publication, en février 1984, d'un document intitulé "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences". C'est un document qui a été publié par le Secrétariat au développement social du Conseil exécutif.

C'est bien sûr que les membres de la commission parlementaire de la culture ont été saisis, comme vous tous, de ce document et nous avons pris l'initiative - justement le mot le dit - le mandat d'initiative de faire une étude sur l'impact culturel. Si on regarde en résumé ce que contient ce document, dans l'évolution démographique il y aura une répercussion assez importante dans le domaine scolaire, dans le domaine du travail, dans le domaine du vieillissement, et cette évolution démographique aura aussi des répercussions, comme on le dit dans le document, sur la survie culturelle.

Il s'agirait peut-être de se pencher sur ce qui arrivera si l'étude démographique prouve qu'il y a une diminution de la population. Qu'est-ce qui arrivera dans la continuité culturelle? Qu'est-ce qui arrivera dans le processus d'affaiblissement culturel, considérant que la population francophone du Québec, dans toute l'Amérique du Nord, ne représente que 2% de la population?

Un autre défi, c'est de poursuivre à long terme, par exemple, un effort de développement socio-économique. Mais comment est-ce qu'on va le faire, alors que le vieillissement impose des coûts supplémentaires? Je pense que c'est important que la commission se penche sur cet élément économique.

C'est bien sûr que l'État intervient dans plusieurs domaines au sujet de la démographie ou de la survivance des gens: dans le domaine de la santé - on recule la mortalité - dans la politique de l'immigration, dans le développement régional. Le gouvernement a déjà, dans le passé, fait des choses, et il faut qu'il continue dans ce sens.

Dans le mandat d'initiative, on parle de l'étude des politiques démographiques adoptées dans d'autres pays. Je pense qu'on va y faire référence. On parle des pays de l'Est, qui ont des mesures natalistes. On parle des États-Unis qui sont favorables, même, à la diminution de la fécondité. On parle d'autres pays qui ont des objectifs de mieux-être des familles avant tout. En République fédérale allemande, il y a des mesures favorables à la famille. En Autriche, il y a des inquiétudes. En France, il y a des mesures natalistes.

Or, il faut se demander ce qu'on peut faire ici au Québec. Au Québec, depuis deux siècles on a fait une lutte pour notre survie culturelle, notre survie économique; c'est une bonne chose, et je me réjouis du fait que la commission parlementaire ait pris l'initiative d'en faire une étude surtout prospective. Qu'est-ce qui nous arrive? Qu'est-ce qu'il faudrait prendre comme décision?

Dans le document, on parle que le Québec devrait viser certains objectifs. Ce sont des recommandations à savoir qu'on devrait peut-être avoir une politique de la famille qui favorise l'épanouissement des enfants et des parents. On ne parle pas nécessairement de politique nataliste directe. Pourquoi pas une politique de la famille qui

vise à l'épanouissement des enfants et des parents, une politique qui serait basée sur le respect de la liberté de choix du couple d'avoir ou non des enfants? Je pense que ce principe de liberté est très important. (10 h 45)

En 1976, il y a eu une enquête qui a été menée ici, au Québec, et cette enquête révélait, au sujet des obstacles à la fécondité, que les gens craignaient de ne pas jouir d'un niveau de vie assez élevé, craignaient aussi au sujet de leur santé. Est-ce que ma santé va me le permettre? Il y avait aussi la contrainte de l'éducation des enfants. Et l'on parle aussi que chacune des personnes voudrait une préservation de liberté.

D'autre part, il y a aussi peut-être un climat favorable à la fécondité, je pense que nous, on doit voir à l'amélioration du niveau de vie des ménages. La mentalité change de plus en plus. Les hommes et les femmes partagent des tâches quotidiennes et visent aussi au travail rémunéré. On doit faire en sorte, pour donner un climat favorable à la fécondité, d'avoir aussi pour le couple des temps libres et des loisirs. On devrait peut-être établir d'une façon beaucoup plus tangible et beaucoup plus convaincante la question de l'institution du mariage comme telle. Ce sont des interrogations qui se posent au moment où l'on se parle tout comme il s'en est posé dans le passé. C'est pour cela que le gouvernement a fait des choses comme la Loi sur le zonage agricole. Là il a donné une sécurité pour respecter les zones, pour respecter les régions. Il a fait l'aménagement du territoire pour faire en sorte qu'il n'y ait pas migration simplement vers les grands centres-villes. Il a créé aussi les municipalités régionales de comté etc.

M. le Président, c'est bien sûr que je me réjouis avec vous de voir qu'il y a des organismes qui ont accepté de venir se faire entendre à la suite de la publication de "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences. " Nous voulons connaître leur réaction, nous sommes ici pour les entendre, nous sommes ici pour les interroger et espérons que les conclusions feront en sorte qu'elles puissent aboutir à des recommandations, au niveau du gouvernement, qui puissent assurer la survie culturelle, la survie aussi de l'État du Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): Merci, M. le député de Mille-Îles.

Il me faut d'abord adopter l'ordre du jour de mardi, le 5 février 1985. Y a-t-il des commentaires ou des questions? Je voudrais proposer que nous recommencions nos travaux cet après-midi à 14 h 30. Est-ce que cela crée des problèmes? On terminerait à 13 heures et on recommencerait à 14 h 30. Il y aurait une séance de travail afin d'élire un vice-président, ce qui ne devrait pas prendre plus de dix minutes. Après, on reprendrait avec le Groupe de travail canadien sur la population, suivi, en après-midi et en soirée, par l'Association des anglophones de l'Estrie et la Confédération des organismes familiaux du Québec. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, afin que nous puissions organiser notre journée, est-ce que les indications dont vous disposez actuellement vous permettent de savoir s'il est prévu que nous siégerons ce soir après le repas?

Le Président (M. French): La réponse est oui. De 20 heures à 22 heures.

En commençant à 14 h 30, on pourrait peut-être réduire le temps dont il est question. Je dois vous avouer, M. le député, que nous avons dû faire un horaire sans la participation de tous les députés puisqu'on était dans l'impossibilité de rejoindre tout le monde et de réunir tout le monde. Cependant, demain soir, il n'y a pas d'audition, et puis jeudi après-midi et jeudi soir, il n'y a pas d'audition. On aurait pu peut-être faire autrement, mais on a essayé d'une part de se rallier aux préférences exprimées par les intervenants puisque c'est une consultation générale. D'autre part on a essayé de donner un bon coup au début pour ensuite se donner plus de flexibilité le mercredi et le jeudi. Cela va-t-il?

M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: De toute façon, je comprends les appréhensions du député de Louis-Hébert. S'il y avait possibilité dans le temps de faire en sorte qu'à un moment donné on puisse continuer même après 18 heures, à moins que des intervenants soient officiellement demandés pour 20 heures ce soir, je ne le sais pas...

Le Président (M. French):... sûrement demandé pour 20 heures ce soir. Ce n'est pas 15 heures... Mais il est évident que nous ne pouvons pas inviter des gens qui viennent de loin et passer 15 minutes avec eux. Cela ne se fait pas.

M. Champagne: On s'entend. Enfin, il faut concilier les deux.

Le Président (M. French): Alors on commence à 14h30 par une séance de travail, très brève, et nous passerons immédiatement au deuxième intervenant du Groupe de travail canadien sur la population. Est-ce que cela va?

Auditions

Groupe de recherche sur la démographie québécoise

Je voudrais inviter le Groupe de recherche sur la démographie québécoise à se présenter devant la commission. Je veux souhaiter la bienvenue pour une deuxième fois à Mme Lapierre-Adamcyk et à M. Légaré. Et je voudrais dire, encore une fois, comment la commission regrette les circonstances dans lesquelles on s'est retrouvé en novembre dernier alors que, par la force des événements que nous connaissons tous, nous avons dû annuler notre audition. Je voudrais ajouter que la commission a entrepris des démarches auprès de la commission de l'Assemblée nationale pour qu'à l'avenir, dans de telles circonstances, les frais de voyage soient remboursés, chose qu'on n'a pas pu faire, officiellement du moins, cette fois-ci. Alors, Mme Lapierre-Adamcyk, si vous voulez dire quelques mots d'introduction.

Mme Lapierre-Adamcyk (Evelyne): Vous me permettrez, M. le Président, de dire quelques mots sur le Groupe de recherche sur la démographie québécoise. C'est un groupe de recherche qui s'est formé récemment mais dont l'existence dans les faits n'est pas aussi récente que son existence formelle puisque ce groupe réunit trois équipes de recherche qui oeuvrent au sein du Département de démographie de l'Université de Montréal depuis une quinzaine d'années. En particulier, ces équipes de recherche sont axées sur la démographie historique, qui est un vaste programme qui vise à reconstituer l'histoire de la population du Québec dans ses composantes démographiques depuis le début de la colonie jusqu'au milieu du 19 siècle. Une deuxième équipe, plus récente celle-là, a fait des travaux depuis de nombreuses années dans le domaine de la fécondité et de la famille. Une troisième a axé ses études sur les sous-groupes, des petites populations, en particulier sur l'évolution des groupes ethniques et linguistiques; ses travaux sont axés principalement, maintenant, sur les populations autochtones du pays.

Ce groupe de recherche réunit des professeurs et des chercheurs et il comprend une quinzaine de personnes qui travaillent à plein temps au projet que je viens de mentionner. Je vous les présente, il s'agit de MM. Robert Bourbeau, Hubert Charbonneau, Robert Choinière, Bertrand Desjardins, André Guillemette, Paul-Marie Huot, Yves Landry, Mme Nicole Marcil-Gratton, MM. Denis M. -risette, François Nault, Yves Péron, Norbert Robitaille, Jacques Légaré et moi-même. M. Jacques Légaré est ici, il présentera aussi une partie de notre mémoire.

Je ne sais pas si c'est le moment d'entrer dans le corps de notre mémoire, si c'est la façon dont vous voulez procéder?

Le Président (M. French): Je vous invite à procéder avec votre mémoire.

Mme Lapierre-Adamcyk: Le groupe de recherche a voulu réagir, en particulier, au premier point de l'invitation que la commission avait faite, c'est-à-dire, la réaction de spécialistes au document du gouvernement intitulé: "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences" qui a été publié en février 1984.

Le groupe de recherche ne saurait rester indifférent à cette invitation puisqu'une politique de population, bien entendu, devrait s'appuyer sur des études démographiques approfondies de notre société. C'est là la raison même de l'existence de notre groupe.

Nous voulons d'abord féliciter ceux qui ont préparé le document ainsi que les études sous-jacentes. Le but était d'abord d'établir un diagnostic, soit les tendances démographiques actuelles, et ce but a été atteint. En deuxième lieu, le texte visait à cerner les incidences de l'évolution démographique dans plusieurs domaines de la vie de notre société. Là encore, le but est en général atteint, compte tenu de l'état des connaissances et des recherches portant sur les liens entre les phénomènes de population et le bien-être de la société. Enfin, le document, ayant conclu que le maintien des tendances démographiques actuelles entraînerait des conséquences négatives pour la vitalité de notre société, recommande que l'État intervienne pour infléchir le mouvement, en particulier, par l'élaboration d'une politique familiale. C'est précisément sur l'opportunité d'une action de l'État que portera notre intervention.

Devant les prévisions préparées au tableau 6 du document, une question fondamentale se pose. Le Québec peut-il rester indifférent au fait que, selon les scénarios A et B, sa population diminuera dès le tournant du siècle? À cette question, le document gouvernemental répond négativement et, à juste titre, propose d'agir, afin d'éviter la décroissance anticipée.

Nous appuyons donc cette position, en nous fondant sur deux raisons. Même si l'équation entre croissance démographique et dynamisme social n'a pas été prouvée de façon définitive, la croissance, même faible, a au moins l'avantage de freiner l'accélération du vieillissement de la population et d'étaler sur une plus longue période les ajustements nécessaires pour y faire face.

Deuxièmement, tout rythme de croissance inférieur à celui des autres provinces canadiennes présente un risque. Notre poids démographique au Canada s'est déjà réduit et cela entraîne des

conséquences directes sur notre poids politique.

Donc, face à l'éventualité de la décroissance, notre position est claire. Risque pour risque, nous préférons prendre le pari de la croissance, si légère soit-elle.

Je vais demander à M. Légaré de poursuivre avec les paragraphes suivants.

M. Légaré (Jacques): Or, pour contrer cette décroissance anticipée, des actions peuvent être entreprises sur les deux principales composantes de l'évolution démographique, soit l'accroissement naturel et l'accroissement migratoire.

L'accroissement naturel, c'est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès. Sur le point de la mortalité, les plus récentes études laissent prévoir une légère amélioration, mais l'effet global sur la croissance est relativement mince.

Pour ce qui est de la fécondité, la principale conclusion du document étudié est de s'en remettre à une politique de la famille. Il nous semble, nous du Groupe de recherche en démographie québécoise, important qu'une telle politique soit implantée pour permettre aux couples d'avoir les enfants qu'ils désirent. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt que le gouvernement la fasse connaître.

Il est souhaitable et vraisemblable qu'une telle politique puisse avoir un effet positif sur la fécondité. Mais rien ne prouve, cependant, qu'elle sera suffisante pour redresser la situation au point d'empêcher la population de décroître. Le Québec ne vit pas dans un monde fermé et tant qu'un revirement ne se fera pas sentir dans l'ensemble du monde industrialisé, il sera difficile d'infléchir la tendance générale actuelle de la fécondité québécoise à un point tel que le renouvellement des générations soit assuré.

L'accroissement migratoire, c'est la différence entre, d'une part, l'immigration internationale et interprovinciale et, d'autre part, l'émigration internationale et interprovinciale.

L'accroissement naturel est toujours, pour le moment, positif et il le demeurera encore un certain temps, même avec le scénario pessimiste. Cependant, il n'en va pas de même de l'accroissement migratoire. La migration nette, c'est-à-dire la différence entre l'immigration et l'émigration est négative depuis 1966, et c'est là une caractéristique de l'évolution démographique séculaire du Québec.

Passons maintenant à l'immigration. Le document gouvernemental laisse entendre que le Québec ne pourrait recevoir un plus grand nombre d'immigrants, en particulier pour des raisons économiques. Quant à l'immigration internationale et interprovinciale, elle semble ignorée. Or, elle est, à notre avis, fondamentale pour l'évolution future du Québec.

L'émigration est sans contredit le phénomène démographique le moins bien connu: la mesure même de l'ampleur du phénomène n'a souvent été faite qu'à partir de méthodes dites "résiduelles"; on connaît très mal les caractéristiques de ceux qui partent et surtout les raisons qui les motivent; ni les causes profondes, économiques et sociales, ni les conséquences n'ont jamais fait ici l'objet d'études systématiques. Pourtant, l'histoire démographique du Québec a été marquée par le départ de ses citoyens plus que par le nombre des nouveaux arrivants et le nombre des nouveaux arrivants n'a jamais suffi à compenser les départs. (11 heures)

Alors que l'on investit des millions de dollars pour attirer des immigrants, rien, ou presque, n'est fait pour retenir au Québec les émigrants potentiels. Or, il sort du Québec plus de personnes qu'il y entre d'immigrants, et bien peu d'attention leur est portée. On trouve, bien sûr, un certain nombre de sorties vers le reste du Canada qui sont compensées par des entrées de même source. Cependant, même en tenant compte de ces compensations, il demeure un excédent d'émigration vers le reste du Canada auquel on s'intéresse fort peu et dont l'effet négatif sur la croissance démographique annule l'impact recherché par une politique axée sur l'immigration internationale.

Certes, le droit à l'émigration est sacré, mais le meilleur placement pour assurer l'avenir démographique du Québec serait sans doute d'investir davantage afin qu'on ait plus le goût d'y rester. Et, qui sait, cela aura peut-être un effet multiplicateur sur la politique familiale proposée. Avant de s'engager dans cette direction, il faudra d'abord effectuer des études en profondeur du phénomène "émigration-sortie", parent pauvre de la démographie, comme je l'ai déjà dit.

En résumé, à elles seules, ni la politique familiale attendue, ni la politique d'immigration ne sauraient constituer une politique de population complète et équilibrée; il faut y intégrer des mesures destinées à freiner l'émigration. Entre ces divers éléments, il faudra sans doute faire les choix les plus rentables pour le Québec.

Le Président (M. French): Merci, M. Légaré, Mme Adamcyk.

Maintenant, je voudrais inviter mes collègues à poser des questions. M. le député de Louis-Hébert?

M. Doyon:... M. le Président.

Le Président (M. French): Je voudrais d'abord dire que j'ai trouvé intéressant et utile ce mémoire puisqu'il va vers des éléments clés de la question sans pour autant créer des problèmes de compréhension pour des profanes comme moi. J'aimerais d'abord vous poser la question que j'ai un peu touchée dans mes commentaires. Vous dites, dans une citation au bas de la page 1 de votre mémoire, que vous trouvez que même le scénario le plus faible du document gouvernemental peut déjà être considéré comme trop optimiste, dans le sens qu'il laisse prévoir une population plus élevée que ce que les données maintenant disponibles nous indiquent.

Est-ce que vous pouvez décrire un peu plus cette situation quant à l'ampleur générale de la population que vous prévoyez actuellement et deuxièmement, quelles en sont les implications?

M. Légaré: Je pense que ce qu'il faut voir, c'est que la majeure partie de cette décroissance prévue par les projections faites par le Bureau de la statistique du Québec est liée à la baisse de la natalité. Or, les indices utilisés pour la baisse de la natalité ont continué à décroître. Donc, si on refaisait les projections, nous arriverions graduellement à des différences qui, dans les quelques années à venir, sont relativement petites, mais qui, à long terme, le terme étant au bout de 25 ou 30 ans, laisseraient voir une projection qui serait en bas de celle du scénario A.

Maintenant, il faut toujours garder en mémoire que le démographe donne ces variations possibles pour montrer ce qui pourrait se passer. Le démographe ne fait pas de prévision, n'a pas une boule de cristal pour prévoir l'avenir; il indique que si les indices utilisés continuaient à descendre de la même façon qu'ils le font présentement, nous aurions un scénario qui donnerait une diminution de la population plus petite que celle qui apparaissait dans le scénario A proposé par l'étude citée. Il faut bien voir que tout ça évolue de jour en jour.

Le Président (M. French): Peut-on extrapoler néanmoins, sur quinze ans, par exemple, une baisse qui semble s'amorcer depuis 1981, une période aussi récente que celle-là?

Mme Lapierre-Adamcyk: En fait, il est très difficile de prévoir exactement quelle sera l'évolution dans les prochaines années de l'indicateur de fécondité qui est utilisé en général pour faire les prévisions. On se sert en général d'une prévision sur l'évolution d'un indice conjoncturel de fécondité qui est une mesure très ponctuelle de la fécondité. Or, on sait que dans la réalité, la fécondité s'étale sur un assez grand nombre d'années, lequel ne correspond plus à ce qu'était la période de fertilité des femmes ou des couples puisque avec, par exemple, la stérilisation contraceptive, on raccourcit de plus en plus cette période de vie fertile. Mais il est difficile, dans un contexte de très faible fécondité où les couples auront en grande majorité deux ou trois enfants, au maximum - deux enfants surtout - de voir exactement quelle sera l'évolution de l'indice conjoncturel, puisque de légers déplacements du moment où les couples décident d'avoir leurs deux enfants ont un impact très marqué sur ce que l'on observe d'une année à l'autre, de sorte que ce que l'on peut prévoir qui est le plus certain, c'est que la fécondité des couples au bout de leur vie ne semble pas vouloir se redresser. C'est-à-dire que jusqu'à présent, les générations qui terminent présentement leur fécondité, par exemple, les couples où la femme a 30 ou 35 ans, n'ont pas suffisamment d'enfants pour assurer le renouvellement des générations. Elles ont peut-être 1, 9 enfant en moyenne. En comptant l'ensemble de la génération, c'est très insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.

Les femmes qui vont suivre, même si dans les enquêtes elles disent qu'elles auront un peu plus d'enfants, il est très possible qu'elles révisent, en cours de vie conjugale et de vie féconde, leur prévision un peu à la baisse, comme cela s'est produit dans le passé. Vont-elles réviser au point que leur fécondité sera à 1, 5 ou à 1, 4 comme les indices conjoncturels actuels le laisseraient entendre? Suivant nos optimismes personnels, on peut être tentés de dire: Non, cela ne va pas aller jusqu'à ce point-là, mais c'est une possibilité puisque la période de fécondité s'étale sur une quinzaine d'années. Présentement, les couples en voie d'avoir leurs enfants, les ont, semble-t-il, plus tard que ceux qui les ont précédés, mais il n'est pas impossible qu'il y ait un redressement. D'ailleurs, une enquête récente montre que la norme qui fait choisir aux couples d'avoir deux enfants semble être très généralisée. Il y a plus de 50% de l'ensemble des jeunes qui disent qu'ils auront au moins deux enfants.

Le Président (M. French): Dans les faits, cela ne se produit pas comme cela.

Mme Lapierre-Adamcyk: C'est-à-dire qu'on peut imaginer qu'ils n'auront pas en moyenne, pour l'ensemble de la génération, deux enfants. Les moyens à prendre pour les amener à les avoir, c'est là toute la question de la politique familiale qui n'est pas tout à fait le sujet de nos préoccupations aujourd'hui. Mais je pense que l'on peut imaginer que le revirement n'est pas sur le point de se produire. On peut dire aussi, et là avec peut-être un peu plus de certitude -enfin, c'est ma certitude, mais encore là, les

éléments scientifiques ne sont pas solides -qu'on n'assistera probablement pas au niveau des générations à une fécondité aussi faible que ce qu'annoncent les indices conjoncturels des dernières années. Mais c'est fondé, au fond, sur des possibilités et une attitude personnelle plutût que sur des faits scientifiquement établis. On n'a pas la preuve de cela et je pense que personne ne l'a, les gens individuellement prennent ces décisions-là au jour le jour, suivant ce qui arrive dans leur vie, suivant les conditions générales qui règnent dans la société.

Le Président (M. French): Je vais essayer de résumer. Il y a consensus qu'il y a un déclin démographique en vue; possibilité de redressement de la courbe descendante actuelle; mais cette possibilité ne laisse pas entrevoir un autre "baby boom", par exemple.

Mme Lapterre-Adamcyk: Absolument pas.

Le Président (M. French): Et les conditions objectives, tels le travail, le logement, l'instruction, la participation féminine sur le marché du travail, ne semblent pas nous donner beaucoup d'espoir pour un redressement dramatique.

Mme Lapierre-Adamcyk: Tout à fait juste. Il y a un autre élément qu'on peut peut-être ajouter à cela, qui se dégage assez nettement de l'enquête dont j'ai parlé, c'est l'instabilité des unions et les nouveaux modes d'union qui se répandent. Il semble évident que pour les femmes qui ont vécu une rupture d'union, leur fécondité est plus basse que celles des femmes qui sont restées mariées pendant à peu près toute la période de vie fertile. D'autre part, les personnes dont les unions sont plutôt des cohabitations que des mariages légaux, elles aussi manifestent des aspirations, en matière de nombre d'enfants, qui sont légèrement plus faibles que pour ceux qui adoptent un comportement dit plus traditionnel, de sorte que cela n'est pas un mouvement pour lequel on prévoit une réversibilité non plus. Je pense que les aspects traditionnels du mariage deviennent de plus en plus fluides, si on veut, et ne vont pas dans le sens d'une augmentation ou enfin d'un redressement de la fécondité.

Le Président (M. French): Maintenant, avant de passer la parole à deux autres de mes collègues qui veulent intervenir, je voudrais vous poser une question qui est un peu plus contentieuse et qui appelle moins votre expertise que votre réaction en tant que citoyen ou citoyenne. C'est la suivante: II semble y avoir une espèce d'équation ou d'équivalence faite dans le document du gouvernement et dans d'autres commentaires faits sur cette situation de décroissance démographique. C'est une équation de vieillissement et de stagnation sociale.

Je voudrais quand même faire une distinction que je pense importante: Baisse de la population et problèmes économiques, c'est une question; vieillissement de la population, avec ou sans baisse de la population et manque de dynanisme social, cela me semble une autre question, un jugement de valeur, mais je vous pose la patate chaude comme cela pour voir si vous êtes d'accord avec ce genre d'équation.

M. Légaré: En fait, on parle d'expérience, c'est-à-dire que pour ce qui est de la croissance comme pour du vieillissement, on ne connaît pas de société où il y a eu décroissance, qui ait eu un grand dynamisme. On ne parle pas d'un petit groupe bien particulier qui peut être différent, mais d'une société. Et le même aussi, parce que c'est un corollaire qui va avec, c'est-à-dire que toute société vieillissante, dans le passé, a montré qu'en général il y avait une certaine sclérose de la société.

Maintenant, on pourra peut-être avoir des sociétés différentes dans le futur, il faut bien voir qu'on ne fait pas de la futurologie, c'est-à-dire qu'on base un peu nos avis sur de l'expérience, mais je pense que dans l'histoire de la question de la population, c'est-à-dire de penser à la décroissance, c'est le phénomène des croissances. Que le Québec arrive à une population, éventuellement, de 5 000 000, il l'a déjà eue dans le passé, au moment où il était en pleine croissance et cela ne se comparera pas. C'est cela qu'il faut bien voir. C'est-à-dire que 5 000 000 il y a quelques années, au moment où on était en croissance, ce n'est pas la même chose que 5 000 000 dans le futur, où on sera sur une pente descendante. Je pense qu'il ne s'agit pas de dire qu'il y a un optimum de population, le Québec devra avoir 10 000 000 de population, etc., le point n'en est pas là. Le point en est que lorsque nous sommes dans une situation de décroissance, nous croyons qu'il y a un dynanisme qui n'existe plus à tout niveau et qui se traduit souvent dans un phénomène dont on parle plus, qui s'appelle "le vieillissement des sociétés ou de certains corps".

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert, suivi de M. le député de Vachon.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue aux experts qui viennent nous éclairer et, en même temps, nous permettre de nous faire une idée sur des phénomènes qui sont très importants et qui vont influencer grandement des gestes et

des décisions qui auront à être prises dans les années qui suivent. (11 h 15)

En ce qui concerne l'accroissement naturel de la population, vous établissez qu'un des éléments importants - évidemment, il y a la prolongation de la vie, la durée normale de la vie qui permet d'avoir des gens qui restent avec nous plus longtemps, ce qui fait un bassin de population qui est plus considérable - c'est la fécondité. Quand on parle de fécondité, on parle de naissances, et quand on parle de naissances on ne peut faire autrement que de soulever te problème - et j'aimerais avoir votre idée là-dessus - des naissances qui ne sont pas portées à terme volontairement, plus particulièrement au moyen de l'avortement. Est-ce que c'est un élément qui, au Québec, a un impact important d'après les informations, dont vous disposez en ce qui concerne la fécondité? Quel est, par exemple, le nombre d'avortements global, au Québec, d'après les calculs que vous avez pu faire, d'après les données dont vous disposez, par rapport, par exemple, au nombre de naissances qui surviennent? Est-ce que vous pouvez nous éclairer à ce sujet?

Mme Lapierre-Adamcyk: Je n'ai pas une excellente mémoire des chiffres, mais je vais essayer de vous donner des ordres de grandeur. Je pense que la statistique nous permet d'établir à environ, je pense, 15 000 par année le nombre d'avortements, à la fois les avortements thérapeutiques qui se passent en milieu hospitalier avec un comité, tel que la loi le prévoit, en plus, d'un certain nombre d'autres dont je ne me souviens pas, mais qui sont inclus dans les 15 000 qui seraient faits dans des cliniques comme celle de Morgentaler, par exemple, ou dans les CLSC. Au total, je pense qu'il y aurait environ 15 000 avortements par année. C'étaient les chiffres les plus récents que j'ai vus.

C'est sûr que si les avortements ne se produisaient pas, il y aurait un supplément de naissances. Il ne faut peut-être pas poser le problème et dire: Si ces avortements ne se produisaient pas, qu'est-ce que cela ferait sur les naissances? Il faut regarder un peu par rapport avec le passé où on est peut-être porté à penser que parce qu'ils n'étaient pas mesurés, les avortements ne se produisaient pas. On n'est pas certain du tout qu'il y ait un accroissement très marqué du nombre d'avortements par rapport à un passé peut-être pas très éloigné, mais quand même des 20 dernières années. Malgré l'assouplissement, c'est sûr qu'il y a eu un accroissement, mais qui n'est peut-être pas aussi important que ce que la collecte de statististiques peut donner à penser.

Il y a une autre chose aussi qu'il faut bien voir. Je regardais récemment des chiffres par rapport à l'Ontario, par exemple. En termes de nombre absolu, en Ontario, malgré tout ce qu'on entend présentement dans les médias, le nombre d'avortements est beaucoup plus important. C'est de l'ordre de 30 000, ceux qui sont faits dans les hôpitaux avec le comité établi selon la loi, de sorte que malgré une certaine allure qui peut être perçue comme étant très libérale, ici, dans les faits, je pense qu'on n'a pas autant d'avortements que dans le reste du Canada, en particulier dans l'Ouest du pays. Donc, l'impact des avortements, qui ne saurait être considéré nul puisque si les conceptions étaient portées à terme il y aurait des naissances, n'est probablement pas aussi grand que ce qu'on pourrait imaginer sur l'évolution de la fécondité; mais on ne peut pas le déclarer négligeable non plus. On peut, disons, au-delà de cela, s'interroger aussi sur la qualité de vie dans une société où, finalement, les naissances en grand nombre se produisent et ne sont pas des naissances que les couples ont souhaité avoir. Cela a été, je pense, un des effets les plus bénéfiques de la révolution contraceptive d'amener une diminution très marquée des naissances non désirées. Tous les problèmes qui sont liés aux naissances non désirées - je ne suis pas une spécialiste de ces questions -et qui sont certainement nombreux au plan de la vie personnelle des enfants qui naissent dans de telles conditions, je pense que c'est un aspect qui est lié à la qualité de vie de nos familles qui est vraiment très important.

M. Légaré: Je pense que sur ce sujet il y a lieu de voir que l'avortement est une forme - il y en a d'autres - de contraception, c'est-à-dire qu'on peut ne pas être d'accord pour toutes sortes de raisons, même jusqu'à l'ordre moral, mais je pense que lorsque l'on a accepté qu'il y ait un contrôle des naissances, on peut dire que certaines formes de contrôle sont admissibles et que d'autres formes ne le sont pas. Cela, on peut le dire en termes de société, on peut le dire en termes de gouvernement ou de politique. Je pense que ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la société québécoise a maintenant admis dans les faits et par ses politiques qu'il y ait une fécondité contrôlée, et elle le fait depuis un certain temps. Certains diront que cela va trop loin. Cela est une autre histoire, mais je ne crois pas que ce soit en visant certaines formes de contraception que l'on puisse régler le problème.

M. Doyon: En ce qui concerne toujours la fécondité et le désir des couples d'avoir des enfants, est-ce que vous êtes en mesure d'informer cette commission, avez-vous des chiffres sur les couples qui ont des enfants ou qui n'en ont pas suffisamment et qui désirent en adopter? Est-ce qu'il y a des

données qui existent sur ce sujet que vous pourriez nous transmettre en ce sens qu'il y a un certain nombre de couples qui désirent avoir des enfants et qui, pour des raisons diverses, ne peuvent pas en avoir ou n'en ont pas assez?

Mme Lapierre-Adamcyk: Nous avons des indications sur les femmes qui n'ont pas eu d'enfant au cours de leur vie. Pour les femmes qui terminent présentement leur vie reproductive, c'est une très faible fraction des femmes qui n'ont jamais eu d'enfant. Cela peut être 5%, 6% ou 7%. Ce n'est pas extrêmement important. Je dois dire malheureusement que je n'ai pas d'information ici, mais je sais qu'il y a des études qui ont tenté d'établir ce que serait la sous-fécondité de femmes qui ont déjà eu des enfants mais qui ne peuvent pas avoir le deuxième ou le troisième qu'elles souhaiteraient avoir. Malheureusement, je n'ai pas de chiffres à vous donner, sauf que je pourrais vous les produire si cela vous intéresse. Cela ne saurait être extrêmement important. Évidemment, si on réussissait à combler tous ces désirs de fécondité - cela irait pour une société où on est juste à un point, c'est-à-dire que la réalisation des aspirations est juste au point tournant où on ne renouvelle plus les générations - si on réussit à contrer les problèmes physiologiques de ceux qui veulent avoir des enfants, on va dans la bonne direction. Maintenant, je pense que cela n'est pas un phénomène qui a une très grande ampleur. Je pourrais apporter des précisions plus tard sur cela mais ici, aujourd'hui, malheureusement, je n'ai pas en tête l'ordre de grandeur de ces désirs.

M. Doyon: Est-ce qu'on peut s'entendre, madame, sur le fait qu'il existe des demandes d'adoption qui ne peuvent être comblées actuellement avec les enfants qui sont disponibles - appelons cela comme ceci - et que des parents potentiels doivent attendre pendant des mois et souvent des années et qu'ils sont même prêts à procéder de toutes sortes de manières qui ont fait l'objet de discussions, en allant adopter des enfants à l'étranger dans des pays où les autorités civiles étaient plus ou moins d'accord avec les méthodes qui étaient employées? Est-ce qu'on peut s'entendre qu'il y a une certaine lacune à ce niveau, c'est-à-dire que des parents voudraient adopter des enfants et ne peuvent pas le faire faute d'enfants et qu'en même temps on se retrouve devant une situation où des mères subissent des avortements, ne voulant pas garder leur enfant, ne voulant pas l'élever, ne voulant pas l'avoir à sa charge pendant toute sa croissance? Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose là qui semble manquer? D'un côté, on a des gens qui veulent avoir des enfants et qui ne peuvent en avoir et d'un autre côté, on a des gens qui ont des enfants qui ne les rendent pas à terme parce qu'ils ne veulent pas les garder? N'y a t-il pas quelque chose qui cloche quelque part?

Mme Lapierre-Adamcyk: Évidemment, c'est un problème. Vous touchez, j'imagine, à une évolution récente qui va jusqu'au problème des mères porteuses, d'une entente entre des couples qui souhaitent avoir des enfants avec une femme à qui on demanderait de porter un enfant pour eux. Je pense que c'est un problème humain extrêmement difficile à régler dans l'état actuel de la réflexion de la société. Je crois qu'on touche là à un point extrêmement profond qui est la responsabilité des couples vis-à-vis des enfants qu'ils font eux-mêmes. C'est toucher aussi à toute la condition féminine. Je pense que si on va dans le sens de demander aux femmes de porter des enfants pour ensuite les donner à quelqu'un ou les vendre à quelqu'un d'autre, je me dis: On touche à ce qui est vraiment le fondement de notre cellule familiale. Je pense que la réflexion avant qu'on décide dans quelle direction on peut aller pour ce qui est de ce sujet est loin d'être faite. Je pense qu'il y a beaucoup d'événements qui amènent la société à réfléchir dans cette direction.

Personnellement - c'est vraiment une opinion personnelle et non pas de démographe - je trouve extrêmement délicat tout ce problème de demander à des femmes de porter un enfant qu'elle n'ont pas souhaité faire pour solutionner, d'une part le problème de couples individuels qui, malheureusement, physiologiquement ne peuvent pas avoir d'enfant et, d'autre part, solutionner le problème de la société qui ne sait pas générer des attitudes assez positives pour que l'ensemble de la communauté puisse arriver à avoir suffisamment d'enfants pour assurer son renouvellement. Je pense qu'on touche à des problèmes humains extrêmement importants et il va falloir y réfléchir beaucoup avant de poser des gestes, surtout au niveau gouvernemental.

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: En terminant, M. le Président, j'ai simplement une réflexion personnelle. Je comprends les réticences de Mme Lapierre-Adamcyk concernant cette demande qu'on pourrait faire à des femmes de devenir des porteuses d'enfant et de s'en défaire à leur naissance, etc., sauf qu'il existe sûrement un problème-là. Des femmes, ou un certain nombre d'entre elles, ne portent pas leur enfant à terme possiblement parce qu'elles sont inquiètes du sort des enfants qu'elles vont mettre au monde. Qui va s'en occuper? Qui va les faire

vivre, etc. ? Il y a aussi les inquiétudes économiques qui entrent en ligne de compte.

D'un autre côté, on a des gens qui sont prêts à recevoir ces enfants, à les élever, à les aimer et à leur donner la meilleure éducation possible comme si c'était les leurs. Le problème humain que vous soulevez, par le fait qu'une femme serait appelée à porter un enfant à terme et après cela, le remettre à des tiers, finalement, pour s'en occuper et devenir leur enfant à eux, ce problème humain, d'après moi, existe au niveau de la décision que doit prendre la femme concernant l'interruption d'une grossesse. Alors, problème humain pour problème humain, je me demande lequel est le plus sérieux, le plus traumatisant, et qui va dans le sens de ce qu'est notre société, une société qui est axée sur le respect de la vie humaine. Je ne voudrais pas entrer dans les questions de moralité, de tout le problème de l'avortement, mais nous sommes dans une situation où on reconnaît que la société dans laquelle nous vivons ne se renouvelle plus. Nous faisons un constat qui nous est amené par des spécialistes et que personne ne nie.

D'un autre côté, nous sommes au courant qu'environ 15 000 naissances - c'est un minimum - sont interrompues chaque année, nous savons cela aussi. Nous savons aussi qu'un certain nombre de femmes interrompent ces naissances-là parce qu'elles se sentent obligées de le faire, n'étant pas capables d'envisager l'éducation et la garde de l'enfant dans les années futures. Nous savons aussi que des personnes attendent, pendant des années, avec toutes les garanties possibles, exigées, vérifiées, pour offrir à ces enfants-là un milieu familial positif, qui va leur permettre de se réaliser, de s'épanouir, qui va leur permettre de participer à l'épanouissement de notre société, au niveau de son rajeunissement, au niveau de son dynamisme, etc. (11 h 30)

Ne sommes-nous pas en train de tout simplement nous en aller de façon parallèle, ce qui ne manque pas finalement? Est-ce qu'on n'a pas un rôle quelque part à jouer, de façon à provoquer une rencontre de ces deux solitudes, de la femme qui a un enfant et qui ne veut pas le rendre à terme pour des raisons très souvent économiques et, de l'autre côté, des parents qui voudraient avoir un enfant, mais ne peuvent pas en avoir ou n'en ont pas assez, qui sont prêts à l'élever, à l'aimer et à le garder? En laissant la situation s'en aller, telle qu'elle est, en disant que chacun peut faire comme il le veut, est-ce qu'on n'est pas un petit peu en train de rater le train, le bateau?

Je pose la question. Ce n'est sûrement pas la solution à tous les problèmes, mais je pense qu'il faut commencer quelque part. On nous dit - et vous l'affirmiez tout à l'heure - qu'on n'a pas de preuve que le nombre d'avortements a augmenté de façon significative, avec la libéralisation des moyens et aussi la libéralisation des critères et des raisons qui peuvent motiver un avortement. Je suis loin de partager cette opinion. Je comprends qu'il est difficile d'apporter des preuves, mais il m'apparaît évident, à sa face même, que quand on parle d'avortement et qu'on va jusqu'à le qualifier - vous reflétez peut-être la réalité - de moyen de contraception, on est rendu à une situation où l'avortement est banalisé. Si l'avortement est banalisé, il devient plus facile, il devient plus fréquent, plus accepté. Il est moins traumatisant et il devient une solution à des embêtements mineurs qu'on connaît. Si on faisait justement une étude -peut-être que d'autres spécialistes pourront nous la faire - en comparant la situation à d'autres pays, par exemple, en Union soviétique, où l'avortement finalement, d'après ce que j'ai lu et d'après ce que je comprends, est véritablement un moyen de contraception où on rencontre couramment des femmes qui ont eu vingt avortements dans leur vie, et quelle est leur situation démographique dans ces pays-là, etc. ?

Il faudrait faire des comparaisons sur ce que ça donne comme situation. Il y a des pays où l'avortement est beaucoup plus libéralisé qu'il ne l'est ici, évidemment, même si nous, on est rendus assez loin.

Je pose cette question et j'aimerais que cette commission puisse regarder ce côté des choses où on pourrait peut-être arriver à des solutions où il y aurait une banque ou il y aurait une rencontre des besoins des couples qui veulent avoir des enfants et de la femme qui ne peut pas garder son enfant. Il faudrait que ces deux solitudes puissent se rencontrer. Il y aurait peut-être là une amorce de solution aux problèmes qu'on connaît actuellement.

Le Président (M. French): M. Légaré.

M. Légaré: Je pense que les problèmes soulevés par M. le député sont très importants. Ce sont des problèmes humains très importants. Je pense que c'est le rôle d'un autre groupe qui est celui qui s'occupe de la politique familiale, de s'assurer que ce genre de problèmes humains soient bien réglés et que notre société en tienne compte et trouve des moyens pour satisfaire tous et chacun.

Néanmoins, même si on arrivait, par une politique gouvernementale, à faire en sorte que tous les enfants des femmes qui veulent avorter soient donnés à tous ceux qui veulent en avoir et qui ne peuvent pas, même s'il y avait cette adéquation, ce qui serait déjà un grand progrès pour certains, ça ne changerait absolument rien aux problèmes qu'on soulève aujourd'hui, puisque ce serait de dire qu'il y a des enfants qui

naissent par rapport à ceux qui ont été avortés. C'est un nombre marginal, mais vraiment très marginal, par rapport au problème qui nous occupe aujourd'hui.

Le problème d'aujourd'hui, c'est beaucoup plus de savoir pourquoi les jeunes de tous âges ne désirent plus avoir le nombre d'enfants qui seraient nécessaires pour avoir une vitalité de notre société telle qu'il y aurait croissance ou, tout au moins, stabilisation de la population.

Les enquêtes ont été faites et les jeunes et les moins jeunes répondent qu'ils ne veulent pas avoir ce nombre-là. Dans le passé, c'était facile. C'est-à-dire que la société québécoise a fait face à un problème qui a été relativement facile, parce que ces problèmes de croissance reposaient entièrement sur l'accroissement naturel, c'est-à-dire que même si le pays se vidait -l'exode vers les États-Unis au XIXe siècle est bien connu - on s'en est inquiété, sauf que, comme cela n'avait pas de conséquence à long terme sur la croissance de la population, parce que, pendant ce temps-là, les familles étaient encore relativement nombreuses, à ce moment-là, on a laissé tomber.

Aujourd'hui - je crois que là-dessus Ies enquêtes sont relativement concluantes - les Québécoises et les Québécois veulent moins d'enfants. Là-dessus, ils ne sont pas différents des autres. Il faut bien voir que ce ne sont pas des gens qu'on doit pointer du doigt; ils ressemblent à l'ensemble des gens des pays industrialisés. S'il y a un problème dans ce pays, c'est que, pendant ce temps-là, comme dans tous les temps, dans ce pays, malheureusement, on sort à pleines portes.

Je pense que c'est ça qui est le problème fondamental. II faut s'organiser pour que, dans le bilan migratoire de la société québécoise - il ne faut pas empêcher les gens de sortir; je pense que je l'ai dit tout à l'heure, l'émigration, c'est un droit sacré; on doit avoir le droit, en tant qu'individu, de partir si on veut s'en aller -au bout de la ligne - cela, c'est un problème majeur - il y ait plus de gens qui restent que de gens qui sortent, de sorte qu'il continue à y avoir une certaine croissance et qu'elle puisse compenser la défaillance qu'il risque d'y avoir au niveau de ce choix qui se fait présentement - il n'est pas dit qu'il sera éternel - d'avoir des familles moins nombreuses.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: Mme Lapierre, en 1980, vous avez mené une étude sur les aspirations des Québécois en matière de fécondité. Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissements et nous dire brièvement quels étaient les objectifs de cette étude et ses conclusions? C'est ma première question.

Mme Lapierre-Adamcyk: L'étude de 1980 reposait, au fond, sur une enquête à caractère très limité qui était, pour moi, une espèce de vérification des données qu'on avait recueillies au cours d'enquêtes faites en 1971 et en 1976. Je ne sais pas si vous connaissez ces travaux. En 1971, on avait fait une enquête qui nous permettait de montrer que les aspirations de fécondité semblaient rester relativement élevées. On avait aussi exploré, jusqu'à un certain point, les difficultés que rencontraient les couples dans la réalisation de ces aspirations.

En 1976, on est retourné voir les mêmes personnes qu'on avait interrogées en 1971 et on a confirmé ce que les données annuelles avaient déjà révélé en partie, que les aspirations s'étaient beaucoup réduites, c'est-à-dire que les jeunes femmes qui nous auraient dit vouloir trois enfants n'en voulaient plus que deux, en 1976, au niveau individuel, pour beaucoup d'entre elles, ce qui fait qu'en moyenne les aspirations avaient beaucoup baissé.

M. Payne: Quelle est la différence entre les deux consultations en temps?

Mme Lapierre-Adamcyk: De 1971 à 1976, cinq ans. On s'adressait toujours à des gens qui étaient mariés depuis un certain temps et, en 1980, j'ai voulu aller revérifier avec des moyens très limités ce qu'étaient devenues les aspirations des couples qu'on avait déjà interrogés en 1971, sans que ce soit les mêmes, et des plus jeunes qui étaient en train de former leur union à ce moment-là. En 1980, ce qu'on a vu, c'est qu'il s'était fait une espèce d'uniformisation vraiment très marquée vers la famille peu nombreuse. On ne remarquait pas dans les données, par exemple, un accroissement vraiment marqué des femmes ou des hommes qui ne voulaient pas avoir d'enfant du tout, mais une concentration d'au-delà de 50% qui ne voulaient avoir que deux enfants.

En 1984, on vient de faire une nouvelle enquête. J'ai, d'ailleurs, des chiffres ici - si la commission veut les accueillir, je peux les distribuer - qui montrent que cette concentration vers deux enfants est toujours le fait et que la norme devient vraiment deux enfants. C'est l'écart entre ce qu'est la norme et ce qu'est le comportement, au fond, qui peut être inquiétant. Si on a une norme de deux, dès qu'il y a des décrochages, si ces décrochages deviennent de plus en plus nombreux...

Comme vous le verrez, dans la partie supérieure du tableau, je vous donne le nombre d'enfants, en moyenne, qui est prévu par l'ensemble des femmes qui avaient des âges correspondants. Vous voyez que, pour

toutes les femmes de moins de 45 ans, par exemple, ça tourne autour de deux enfants. Dans la colonne suivante, on vous donne les chiffres pour celles qui sont déjà mariées et dont le mariage s'est poursuivi sans interruption; leurs prévisions sont légèrement plus élevées que pour l'ensemble. Disons que la différence entre l'ensemble et celles-là est liée au fait que, chez les femmes qui ont eu des unions qui ont été rompues, évidemment, les prévisions sont plus faibles; de la même façon pour les célibataires cohabitantes. Encore que, là, les chiffres pour le Québec, les nombres sur lesquels les observations sont fondées, sont relativement faibles; donc, il ne faut pas leur attacher une foi inébranlable. Mais je pense que, pour l'ensemble, ce qui se dégage de cela, c'est que le choix de deux enfants est vraiment devenu prédominant.

Si vous allez un peu plus bas dans le tableau, à la troisième série de chiffres qui s'appelle "Nombre d'enfants prévus", vous avez les distributions. Vous voyez, par exemple, que, parmi les femmes âgées de 20 à 24 ans, il y en a 7, 5% qui ne souhaitent pas avoir d'enfant du tout; il y en a 7% aussi qui n'en souhaitent qu'un seul et vous avez les 49, 6% qui veulent avoir deux enfants. La fraction qui souhaite en avoir trois est de 27%. C'est là qu'on peut s'interroger: Est-ce que cette fraction de 27% va se réaliser? Est-ce qu'il y en a autant dans cette génération qui auront trois enfants ou plus? C'est là que le changement d'idée, surtout, peut se produire. On peut imaginer que l'idée d'avoir deux enfants ne va pas tellement flancher, mais est-ce qu'il y en a autant que cela qui auront trois enfants pour atteindre ces 2, 2 enfants pour assurer le renouvellement des générations?

Disons que l'expérience récente peut nous amener à mettre cela en doute. Il n'y aura probablement pas suffisamment de femmes, ou plutôt de couples, faudrait-il dire, qui décideront d'avoir ce troisième et ce quatrième enfant. Je parle toujours des femmes, ici, parce que notre enquête s'adressait à des femmes, mais, dans l'enquête de 1980 que vous mentionniez, on a interrogé les hommes aussi. Là-dessus, je dois dire qu'il y a un bel accord, pour une fois, entre les hommes et les femmes sur les prévisions de fécondité. Chez les jeunes hommes, on remarque aussi cette concentration autour de deux enfants. Ils ne sont pas plus nombreux à ne pas vouloir d'enfants du tout et ils ne sont pas plus nombreux, non plus, à en vouloir quatre, de sorte qu'il y a vraiment un consensus. Pour les jeunes de moins de 25 ans, je pense que ces données, ce n'est pas vraiment une prévision du comportement, mais bien un reflet de la mentalité actuelle.

Je pense que c'est un peu la même chose qu'on avait observée en 1971. Les jeunes femmes qu'on interrogeait nous disaient: On va avoir trois enfants à cause du contexte dans lequel elles baignaient, c'est-à-dire que les femmes qui étaient en voie de finir d'avoir leurs enfants en avaient eu trois et que c'était cela, la norme. Alors, on se disait: C'est ce qu'on va faire, nous aussi. Sauf que les circonstances, les mentalités ayant évolué, au cours de la décennie 1970, le déclin du quatrième, du cinquième et du sixième enfant s'est confirmé à un point tel que ce type de famille devient de plus en plus rare et il y a eu une croissance du nombre de familles à deux enfants seulement.

M. Payne: C'est intéressant. Il me semble que la suite logique de l'enquête, c'est un, deux ou trois enfants prévus. Pourquoi un, deux ou trois?

Mme Lapierre-Adamcyk: En fait, on a essayé souvent dans les enquêtes de faire dire aux gens pourquoi ils voulaient avoir ce nombre d'enfants. Au fond, les raisons qui nous sont apportées ne veulent pas dire grand-chose, j'ai l'impression. Ce qu'on nous donne comme raison principale, c'est toujours la situation économique: De nos jours, cela coûte tellement cher d'avoir des enfants qu'on ne peut pas se permettre d'en avoir beaucoup. Je me dis que, lorsque la société était beaucoup moins riche, relativement cela coûtait bien aussi cher et on les avait. Il y a une espèce de rationalisation économique là-dedans qui nous dit que, maintenant, cela coûte très cher d'avoir des enfants. Je ne suis pas sûre qu'au début du siècle, quand les gens étaient pauvres comme Job et qu'ils avaient seize enfants, cela ne leur coûtait pas très cher d'avoir des enfants relativement à leurs ressources. De sorte que ce sont vraiment des reflets de société. Je pense que, dans la conscience des individus, les raisons qu'ils vont exprimer ne correspondent pas à quelque chose sur quoi on peut vraiment agir. (11 h 45)

M. Payne: Un des éléments qui ressort fréquemment dans ces études, ce sont les questions économiques. Il me semble que c'est là qu'il y a si peu de recherche en profondeur, comme vous venez de le signaler si je vous ai bien compris. Cela touche aussi un autre domaine qui me préoccupe, c'est l'immigration. Vous avez dit, dans votre présentation, dans votre exposé - je pense que le document le laisse entendre - que le Québec ne peut pas recevoir un plus grand nombre d'immigrants pour des raisons économiques. Je ne sais plus où cela est dit exactement. Vous faites référence, j'imagine, à l'évolution de la population du Québec et à ses conséquences; est-ce cela?

Mme Lapierre-Adamcyk: Oui, oui.

Le Président (M. French): On peut ajouter également que, dans le document sur le niveau de l'immigration de cette année, le ministère dit à peu près la même chose.

M. Payne: C'est cela que je voudrais revoir avec vous et peut-être entrer dans quelques détails sur cette question. Où est-ce que cela est affirmé de cette manière, madame?

Mme Lapierre-Adamcyk: Attendez un peu, là.

M. Payne; Aux alentours de la page 35, j'imagine.

Mme Lapierre-Adamcyk: Attendez un peu, j'essaie de le retrouver. C'est plutôt vers la fin. L'ouverture sur l'extérieur...

M. Payne: Ce n'est pas nécessaire...

Mme Lapierre-Adamcyk: À la page 88, par exemple, il y a au moins en conclusion quelque chose qui porte là-dessus. On dit: "En ce qui concerne l'immigration, le Québec pourrait parfaire la politique dont il a posé les jalons... Mais de nombreuses questions se posent constamment: combien d'immigrants... peut-il admettre chaque année et en fonction de quels objectifs? Quelle part doit-on accorder à l'immigration humanitaire? Peut-on améliorer les programmes de services... "

M. Payne: Le paragraphe suivant vous aide un peu: "Une grande part de ce phénomène doit être rattachée aux conditions économiques difficiles que traverse le Québec. "

Mme Lapierre-Adamcyk: Remarquez que la politique d'immigration à l'échelle du Canada s'est toujours voulue rattachée à des questions économiques; c'était une question d'accueillir des travailleurs spécialisés qui pouvaient venir aider à la situation économique. Dans les années récentes, les choses se sont un peu modifiées.

M. Payne: Mon avis là-dessus, c'est que cette affirmation devrait être nuancée. Je ne suis pas sûr que ce soit aussi vrai que cela. Je vous rappelle, par exemple, les études faites par Mario Polese et d'autres...

Mme Lapierre-Adamcyk: Oui.

M. Payne:... sur l'apport économique, sur leur contribution à l'économie québécoise, par exemple; c'est une étude fort intéressante. Mais ce n'est pas cela l'essentiel. Ce que je voudrais souligner, c'est que, là encore, il y a beaucoup plus d'études à faire en ce qui concerne, par exemple, le capital que les immigrants apportent.

Mme Lapierre-Adamcyk: D'accord.

M. Payne: Polese, d'ailleurs, a fait plusieurs études à cet égard et c'était fort éloquent, ce qu'il a trouvé. C'est une étude qui date de 1975, presque une dizaine d'années.

M. Légaré: Mais je pense que, si on regarde l'expérience historique récente du Québec, il faudrait surtout faire en sorte, advenant le cas où on en arriverait à laisser entrer plus d'immigrants et qu'on trouverait que c'est plus rentable pour le Québec, de ne pas laisser l'autre porte ouverte qui en laisse plus sortir. Si on regarde les chiffres qui sont donnés dans le document que nous étudions aujourd'hui, en 1981-1982, les entrées étaient au niveau de 20 000, les sorties étaient au niveau de 44 000. Mais quand on était au niveau de 37 000, c'est-à-dire le double, ou de 39 000, les sorties ont été de 63 000. Donc, si on ouvre une porte, il faut s'organiser pour que les gens restent. Vous parlez du problème économique; il ne faut jamais perdre de vue le coût d'un sortant, c'est-à-dire que le Québec a investi dans les sortants des sommes considérables qu'il perd parce que les gens disparaissent. Cela, je pense que c'est un autre aspect économique important, si on veut parler des aspects économiques de l'apport d'un immigrant. Je ne nie absolument pas l'apport d'un immigrant. Je crois que, lorsqu'on parle de l'apport positif de l'immigration, on le voit en termes de croissance, c'est-à-dire d'une population qui croît par immigration; l'immigrant apporte un certain "capital", entre guillemets, mais il ne faut pas perdre de vue le capital que prend celui qui quitte.

M. Payne: Certainement pas. Par contre, je voudrais concentrer mes préoccupations sur l'immigration pour le moment, la contribution au niveau de l'immigration internationale. Je me permettrai une petite remarque, par contre, sur ce que vous disiez tout à l'heure. Si l'on regarde les dernières années, on est aux alentours de 20 000 à 25 000 par année au niveau de l'immigration internationale, avec une nette migration d'à peu près 17 000, donc un solde positif d'à peu près 17 000; quant aux départs, c'est une moyenne d'à peu près 7000 émigrations internationales, d'accord.

L'émigration interprovinciale nous donne, elle, un solde négatif, on le sait tous, depuis à peu près 1964, 1965, 1966, aux alentours de cela. Juste un petit point. Il n'y a pas de rapport direct entre l'immigration, c'est-à-dire individu pour individu, particulier pour particulier, ceux qui viennent et ceux qui partent.

Mme Lapierre-Adamcyk: Absolument pas.

M. Payne: II y a une distinction. Lorsque vous dites que, tout en ouvrant la porte, on devrait s'assurer que l'autre porte est fermée, ce ne sont pas du tout les mêmes personnes qui partent.

M. Légaré: Pas nécessairement.

M. Payne: Non. Il y a un élément, mais ce n'est pas...

Mme Lapierre-Adamcyk: Le problème qu'on voulait soulever dans le mémoire, c'est que la question des sorties des Québécois, qu'ils soient allés vers les autres provinces ou qu'ils soient allés, dans le passé, vers les États-Unis, cela a été un problème toujours très important. Comme M. Légaré le faisait remarquer tantôt, quand la fécondité était élevée, même si on s'en préoccupait jusqu'à un certain point des sorties, on ne s'affolait pas trop ou, en tout cas, on n'a jamais su redresser la machine dans cette direction.

Malgré tout l'optimisme qu'on peut vouloir manifester, on ne voit pas très bien comment on peut toucher, de façon très efficace, au problème de la fécondité dans le contexte occidental actuel. S'il y a une intervention de l'État, je pense que les interventions de l'État dans le domaine économique... Il y a peut-être eu des périodes où il y a eu des problèmes autres qui ont expliqué un certain nombre de départs, mais disons que, séculairement, on peut imaginer que le problème des départs est, en grande partie, dû au dynamisme économique qui n'a pas été suffisant. Mais là, des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux appuyer cela. Est-ce que l'État n'a pas là un champ d'action qui lui est propre et sur lequel il a plus de chances d'avoir un rendement que, par exemple, dans le domaine de la famille du point de vue nataliste? Je pense que l'État peut jouer un rôle très important du point de la famille, du point de vue de la justice sociale et d'assurer l'épanouissement des familles, mais est-ce que son impact démographique sera important? On est loin d'être sûr de cela.

Le rôle de l'État, au plan économique, me semble être une question, en tout cas, à étudier de façon très sérieuse. Notre réaction, à nous, c'est que, dans le document, on a eu un peu l'impression qu'il y avait un jugement qui était de dire: Pour régler la question démographique, tournons-nous vers la politique familiale, c'est là que l'État peut agir, et l'économie va continuer, la migration va continuer comme cela. On ne veut pas trop y toucher. Au fond, c'est cela notre réaction, en fait.

M. Payne: J'ai saisi la nuance. C'est juste que je voudrais apporter une petite nuance à l'affirmation. Je pense que c'est assez répandu comme préjugé populaire...

Mme Lapierre-Adamcyk: On a des limites économiques.

M. Payne:... que n'importe quel pays ne veut pas recevoir un plus grand nombre d'immigrants, en particulier, pour des raisons économiques. Or, les éléments qui affectent ou qui déterminent l'accueil qu'on doit accorder à un immigrant sont plutôt, au Québec comme ailleurs, les questions linguistiques, les questions d'adaptation, les questions d'emploi particulièrement, les questions d'âge et les questions de santé. Je ne pense pas qu'on est moins bien maintenant en termes d'accueil pour des questions économiques qu'on ne l'a été dans le passé. Je pense qu'on est plus accueillant maintenant envers ceux qui sont moins favorisés économiquement. Mais, je saisis votre nuance.

M. Légaré: Le point sur lequel on voulait surtout insister, c'est qu'il faut bien voir que, pour le législateur et pour les gouvernements en général, la démographie, cela se limite à des naissances, des décès et des immigrants, et des immigrants internationaux. Au Québec, le brassage de population en termes de migration, il ne se fait pas au niveau international; il se fait avec les autres provinces du Canada. Cet aspect du problème, il est complètement ignoré dans les politiques gouvernementales, et c'est cela qui est fondamental. Par exemple, si vous prenez la page 34 du document gouvernemental, on le voit très bien, les brassages de population, les entrées, les sorties, au niveau interprovincial, c'est de l'ordre de parfois jusqu'à 100 000 et, tout au moins, au-delà de 70 000, alors que le brassage international, c'est-à-dire hors Canada, soit les immigrants internationaux et les émigrants internationaux est d'au-delà de la moitié de cela.

Or, on investit beaucoup d'études, beaucoup d'argent, beaucoup de temps dans l'accueil des immigrants, ce qui est positif, et ceux qui partent, on ne les regarde pas non plus. Mais on ne regarde pas ceux qui viennent des autres provinces du Canada qui sont en aussi grand nombre que les immigrants et qui ont peut-être autant besoin d'adaptation, soit dit en passant, et on ne regarde pas, comme on l'a dit, ceux qui sortent. Donc, il faudrait que l'on ait, si vous voulez, non pas un ministère de l'Immigration, mais un ministère des migrations, c'est-à-dire des mouvements de population. Parce que, si on regarde ce tableau, il y a des entrées et des sorties qui sont au-delà de 100 000. Or, le ministère de l'Immigration s'intéresse à 20 000 d'entre

eux. À notre avis, il y a là un problème.

Que le gouvernement, dans sa politique de population... Entendons-nous bien, je pense qu'il faut bien faire la nuance entre la politique familiale qui est une chose, mais qui n'est pas notre topo aujourd'hui et la politique de population. Une politique de population, comme on l'a dit, c'est une politique qui devra assurer une certaine stabilisation de la population du Québec à défaut d'une croissance, de notre point de vue, parce que nous croyons que la décroissance serait négative. À notre avis, c'est là que le gouvernement devrait mettre ses oignons.

M. Payne: On parle de deux choses qui sont un peu différentes. Je parle de l'immigration. La seule chose que je veux, c'est faire cette nuance concernant l'immigration internationale et cette nuance, je pense que c'est important. Ce que vous dites, c'est une tangente, mais c'est important, c'est capital, bien sûr. J'aurais voulu discuter de cela un peu plus tard avec le Groupe de travail canadien sur la population, c'est sûr.

Là on parle d'une politique d'accueil pour ceux qui viennent des autres provinces, on parle d'une politique favorisant le séjour continu de ceux qui sont ici déjà; ce n'est pas du tout le même phénomène ou le même problème qui se pose au niveau de l'accueil de l'extérieur du Québec ou du Canada. C'est une question importante. En ce qui me concerne, je voudrais y revenir beaucoup plus en profondeur plus tard.

M. Légaré: Sur la question de l'apport économique de l'immigration internationale -c'est le point que vous avez soulevé - nous ne reprenons, dans le document, que les affirmations qui ont été faites dans les études gouvernementales et sur lesquelles nous, nous n'avons pas d'opinion pour le moment. C'est-à-dire que nous ne voulons pas nous prononcer sur la question de savoir si le Québec peut accueillir d'un point de vue économique plus d'immigrants que présentement. Tout ce que nous avons dit là-dedans, nous reprenions les affirmations qui avaient été faites à partir d'un certain nombre d'études puisque au ministère de l'Immigration on en fait sûrement, des études, sur cet aspect. Donc, on ne s'est pas prononcé.

M. Payne: Tout ce que j'ai dit c'est qu'il n'est pas tout à fait vrai de suggérer que le document laisse entendre que le Québec ne pourrait recevoir un plus grand nombre d'immigrants, en particulier, pour les raisons économiques. C'est tout ce que j'ai dit.

M. Légaré: Je peux vous le retrouver dans des documents. On le trouvera. (12 heures)

Le Président (M. French): Je ne suis pas d'accord avec cela. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je me permets d'abord de vous féliciter pour votre document. C'est clair, c'est précis, c'est simple et c'est court, mais cela parle beaucoup. Le cas spécial de Montréal, je crois, n'a pas été étudié dans le document du gouvernement.

Mme Lapierre-Adamcyk: Ce n'est pas une omission involontaire, on a voulu répondre.

M. Hains: Je parle du document du gouvernement.

Mme Lapierre-Adamcyk: Nous, nous n'avons pas soulevé cette question parce que nous avons voulu répondre au bilan qui avait été proposé par le document gouvernemental.

M. Hains: Mais, d'après ce que vous avez vu et lu jusqu'ici et qui est peut-être aussi codifié, est-ce que vous pensez que Montréal ressemble étrangement ou bien parfaitement ou bien pas tout à fait, disons, à ce qu'on nous présente comme scénario dans le document gouvernemental? Est-ce que ce sont à peu près les mêmes courbes ou les mêmes choses?

Mme Lapierre-Adamcyk: J'imagine que, du point de vue de la croissance naturelle, la fécondité probablement - encore que là je n'ai pas vérifié les chiffres - a de fortes chances d'être plus faible à Montréal que dans le reste de la province. Donc, du point de vue du mouvement naturel, la région de Montréal risque d'avoir un accroissement naturel plus faible. Encore que je n'ai pas vérifié les chiffres sur cela, mais c'est un peu la situation générale que les régions métropolitaines au Canada aient une fécondité plus faible que celle des régions environnantes. De ce point de vue, j'imagine que c'est la même chose.

Les mouvements migratoires avec la région de Montréal cela devient très compliqué. Là on a l'international, le provincial, le canadien de sorte que c'est très compliqué. C'est probablement le dépeuplement des centres-villes vers les banlieues qui peut créer des problèmes pour la vitalité de la ville de Montréal elle-même par rapport aux villes environnantes qui font partie de l'agglomération montréalaise. Ce sont vraiment des questions sur lesquelles je n'ai pas beaucoup à apporter parce que je n'ai jamais concentré vraiment mes études sur ces questions et j'aurais peur de dire bien des banalités et des erreurs si je poursuivais très longtemps.

Le Président (M. French): Si vous le permettez, M. le député. Je suis très étonné par votre réticence. Après tout, l'émigration interprovinciale n'est-elle pas essentiellement un phénomène de la région de Montréal? Est-ce si compliqué que cela d'affirmer que 90% de cette émigration vient de la grande région de Montréal?

Mme Lapierre-Adamcyk: Ah non, ce n'est pas compliqué de l'affirmer. Maintenant, c'est que j'ai cru que la question portait plus sur le dynamisme de Montréal. Est-ce que l'on peut parler de cette région en particulier? Ce qui a été ma préoccupation c'est plus la croissance démographique de l'ensemble du Québec. Évidemment, tout le problème de l'équilibre des régions, c'est un problème que je connais très mal et sur lequel je me sens un peu prise au dépourvu pour répondre.

Le Président (M. French): Prenons les sujets l'un après l'autre. L'émigration, on en a parlé. L'immigration internationale, comme vous l'avez dit, s'est focalisée dans la région de Montréal.

Mme Lapierre-Adamcyk: Oui.

Le Président (M. French): Encore une fois, 80 ou 90% des immigrants...

Mme Lapierre-Adamcyk: Doivent partir de Montréal, oui.

Le Président (M. French):... vont arriver à Montréal et vont partir de Montréal. Le taux de fécondité n'est pas plus élevé que la moyenne provinciale.

Mme Lapierre-Adamcyk: C'est cela.

Le Président (M. French): Donc, Montréal doit avoir un avenir démographique...

Mme Lapierre-Adamcyk:... aussi sombre que le reste.

Le Président (M. French): Même un peu plus?

Mme Lapierre-Adamcyk: Même un peu plus, oui, si l'on veut.

Le Président (M. French): C'est ce que j'ai compris que mon collègue voulait demander.

M. Légaré: Je pense que ce qu'il ne faut pas perdre de vue pour Montréal - et on n'a pas voulu s'embarquer dans cela -c'est qu'en plus de cela il y a les mouvements des Québécois vers Montréal ou des Montréalais vers le reste du Québec.

C'est une variable que nous n'avons pas regardée pour cette commission puisqu'on s'est attaqué uniquement au point numéro 1. Mais il est évident que, même si le président a raison de dire que les mouvements d'immigration internationale et vraisemblablement beaucoup d'émigrations interprovinciales ont lieu vers la région de Montréal, il y avait jadis un camouflage, c'est-à-dire que, s'il y avait des gens qui partaient de Montréal, mais qu'il y avait d'autres Québécois du Lac-Saint-Jean ou de la Gaspésie qui venaient vers Montréal, le dynamisme de Montréal continuait. Le jour où ce mouvement s'arrête éventuellement, l'autre apparaît avec beaucoup plus de lumière. Donc, c'est sur cela qu'il faut être prudent.

Mais nous, on en a bien dit dans notre présentation et dans la lettre qui l'accompagnait qu'on ne voulait parler - je pense que c'est un peu notre droit - que du point numéro 1 qui était une réaction de spécialistes par rapport au document qui était là, et non pas des deux autres points qui ont beaucoup d'intérêt pour la commission, mais je pense que d'autres experts viendront nous en parler.

Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Non, c'est parfait, cela répond à ma question. Je trouvais quand même que Montréal, on peut dire que c'est un concentré où on peut voir tous les différents mouvements qui tournent autour de la province. C'est pour cela que je vous demandais, en fait, si vous avez vraiment des études particulières de faites sur Montréal et qui n'apparaissent pas ici parce que cela n'a pas été, comme vous le dites, votre objectif premier.

Mme Lapierre-Adamcyk: Au Groupe de recherche sur la démographie québécoise, je pense qu'il y a eu peu d'études qui ont porté sur la région de Montréal. Il y a peut-être les sous-groupes qui ont fait un modèle de prévisions pour l'ensemble du Québec et qui a touché aux régions un peu, mais cela a été très mineur, disons, dans nos préoccupations jusqu'à présent, étant donné les objectifs qu'on s'était fixés.

Le Président (M. French): Avant de donner la parole au député de Mille-Îles, je voudrais ajouter, là-dessus, qu'on ne conclut pas que le mouvement vers les grands centres urbains est terminé. Le mouvement vers la région montréalaise continue.

M. Légaré: Je ne sais pas ce que vous appelez le mouvement.

Le Président (M. French): Excusez-moi!

Du reste de la province.

M. Légaré: Du reste de la province! Ah non! Je ne me prononcerai pas là-dessus. Mais du mouvement, il y en a à Montréal. C'est évident que ça entre et ça sort, c'est sûrement l'endroit où cela se produit le plus.

Le Président (M. French): C'est un problème de mon français, je vais reformuler la question. J'avais compris que, sur le plan canadien, l'augmentation des régions métropolitaines - ne faisons pas de distinction entre la ville et la région; parlons de la région - ce mouvement là a été, à toutes fins utiles, arrêté. Pour autant qu'on le sache, ce n'est pas nécessairement le cas pour la ville de Montréal.

M. Légaré: Oui, la croissance de Montréal est très stabilisée. Il n'y a plus de croissance à Montréal, même dans la région métropolitaine.

Le Président (M. French): Non, je parle toujours du mouvement de Granby, de Jonquière ou de l'Abitibi vers la région montréalaise. Je vous demandais si cela continue, sous réserve que vous n'avez pas étudié le sujet.

Mme Lapierre-Adamcyk: Oui, vraiment, c'est sous toutes réserves. Je ne le sais pas vraiment.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je me permets de remercier les représentants du Département de démographie de l'Université de Montréal de s'être présentés devant nous.

Dans le mémoire, à la page 1, vous parlez de la vitalité de notre société et vous recommandez que l'État intervienne au sujet de l'élaboration d'une politique familiale. Votre mémoire a été rédigé en date du 4 octobre 1984 et cela me fait plaisir de voir qu'au cours du même mois il y a un livre vert, un document de consultation sur la politique de la famille, qui a été publié. Actuellement, nous avons une commission itinérante dont le président est Maurice Gilbert-Champagne; une consultation provinciale au niveau de toutes les régions du Québec est en cours. Espérons que ces informations-là puissent aboutir, justement, à une politique familiale. Comme vous le dites, il y a des inquiétudes au point de vue de notre survie. Au point de vue démographique, espérons qu'on pourra trouver quand même des solutions à notre carence.

Madame, je vous pose une question. Bien sûr, il y en a qui peuvent dire: Si on améliore la condition du milieu de vie au point de vue économique, qu'on crée le plein emploi, ce seront peut-être des mesures qui vont favoriser les naissances. Est-ce que vous iriez dans une tendance autre en disant, entre autres, que, pour avoir dans une famille un troisième ou un quatrième enfant, l'État devrait peut être consentir à de plus généreuses allocations familiales? Est-ce que vous iriez dans cette perspective-là au sujet du troisième et du quatrième enfant ou bien dites-vous: Favorisons le plein emploi et le développement économique? Je voudrais savoir votre opinion à ce sujet.

Mme Lapierre-Adamcyk: Pour ce qui est de s'interroger sur le contenu éventuel d'une politique familiale, les éléments qu'on a retirés des enquêtes ne sont pas très faciles à interpréter, disons, et ce n'est pas très clair que les citoyens réagiraient positivement, c'est-à-dire auraient plus d'enfants si toute une batterie de mesures étaient mises à leur disposition. Quand on a posé les questions aux femmes, une bonne partie d'entre elles, probablement une faible majorité, ont un certain nombre d'enfants et il n'y a pas de mesures économiques ou de changements qu'elles prévoient qui les amèneraient à réviser ce nombre d'enfants qu'elles ont choisi d'avoir.

On peut quand même imaginer que transformer un certain nombre de choses dans notre société aurait, éventuellement, une influence et pourrait modifier les valeurs et les mentalités à l'égard du nombre d'enfants. Mais comme on l'a dit et répété, le choix que font les Québécois, présentement, d'avoir peu d'enfants, ce n'est pas un choix qui leur est propre; c'est le choix des sociétés occidentales. Il y a, sans doute, un certain nombre de sociétés où la fécondité est encore un peu plus forte qu'ici et là, on est dans une situation économique particulièrement difficile depuis les dernières années, ce qui peut, jusqu'à un certain point, expliquer une baisse plus marquée.

Mais disons qu'il ne faut pas se faire d'illusions sur l'impact rapide d'une politique familiale. Dans notre document, on a reconnu le bien-fondé du gouvernement de vouloir agir dans le domaine de la politique familiale. Comme on ne connaît pas exactement le contenu de la politique qu'il va recommander, c'est difficile de se prononcer là-dessus. Mais ce qu'on a voulu souligner, c'est que si cette politique familiale est nécessaire, elle l'est surtout du point de vue du bien-être des couples, plutôt que des preuves qu'on a, du point de vue d'une politique démographique, qu'une politique familiale va être efficace.

Moi, personnellement, je ne suis pas convaincue... On va peut-être redresser légèrement la situation, mais au point d'amener, par exemple, une stabilisation des effectifs à long terme, à moins que,

l'ensemble de l'Occident s'y mettant, les mentalités et tous les courants d'idées qui ont amené les transformations qu'on connaît n'agissent aussi sur la société québécoise qui est devenue très perméable - Dieu soit loué - à toute la vitalité du monde occidental.

C'est pour ça que, dans la conclusion de notre document, nous, on dit que ce qu'il faut, c'est considérer tous les éléments de la croissance démographique dans l'élaboration d'une politique de population. La politique familiale aura sans doute des effets très bénéfiques sur le bien-être des familles, mais elle a des chances limitées d'avoir un impact marqué sur l'évolution de la population.

M. Légaré: Moi, je voudrais juste faire remarquer à M. le député qu'il a cité une phrase, mais qu'il aurait fallu prendre le début. Ce n'est pas nous qui recommandons que l'État intervienne pour infléchir le mouvement, en particulier, par l'élaboration d'une politique, mais bien, si vous regardez le début de la phrase, le document du gouvernement. Ce n'est pas nous. Donc je pense que c'est une nuance importante.

Nous, nous prenons la dernière phrase, nous allons nous prononcer sur l'opportunité d'une action de l'État dans ces domaines, mais nous ne croyons pas, comme vient de le dire Mme Adamcyk, que c'est uniquement et surtout par une politique familiale que l'on réglera le problème démographique. Que l'on aide les familles, on est loin d'être contre ça et nous croyons que ça peut être un ferment, mais pas suffisant pour avoir des conséquences au niveau de la croissance de la population.

Pour ce qui est - je donnerai un élément de comparaison - d'aider plus les gens qui ont un troisième ou un quatrième enfant par des moyens financiers, par des allocations familiales, pour prendre un terme qui nous est connu, je donne toujours cet exemple qui, à mon avis, est assez évocateur dans un autre domaine. Pour montrer à quel point il ne s'agit pas d'une mesure qui fait qu'on règle une situation par un point économique, je donne l'exemple de l'enseignement universitaire. On a toujours dit que c'était bien en France, qu'on ne payait pas de frais de scolarité, alors qu'au Québec on payait des frais de scolarité. Mais les études ont bien montré que l'accès à l'enseignement supérieur était beaucoup plus démocratique au Québec qu'il ne l'était en France.

(12 h 15)

Donc, ce n'était pas cette question purement économique de dire: Ah, au Québec, il y a une entrave économique sur ce point-là. C'était que les agriculteurs au Québec vivaient dans un climat tel qu'il y avait plus de fils d'agriculteurs qui allaient à I'université que ce n'était le cas en France, même si en France le fils d'agriculteur n'avait pas à payer des frais de scolarité.

C'est un peu la même chose pour les allocations familiales. Il ne faut pas se faire d'illusion sur l'effet direct de dire: Si on donne 100 $ par mois de plus pour le troisième enfant, cela aura pour effet que tout le monde aura un troisième enfant. Il faut être très prudent là-dessus. C'est l'ensemble du climat qui peut jouer. À ce moment-là, l'aspect économique n'est pas à laisser tomber, mais je ne crois pas que ce soit par cet élément d'avoir 100 $ de plus pour le troisième enfant; c'est bien plus par un climat général économique permettant d'avoir des emplois, d'avoir des salaires que les gens trouvent suffisants pour avoir un bon niveau de vie. Je pense que c'est tout ça.

M. Champagne: Merci. Je voudrais parler maintenant de l'émigration. Au XIXe siècle, vers 1850, il y a eu un mouvement vers les États-Unis, entre autres, et le gouvernement d'alors a fait une étude sur les conséquences et sur les raisons de cette émigration vers les États-Unis. Je suis un peu surpris qu'on ne sache pas encore quelles sont les raisons qui motivent l'émigration. On dit qu'on ne les connaît pas. J'ai vu déjà des raisons, évoquées par certaines personnes, expliquant pourquoi les gens quittent le Québec et vont aux États-Unis; il n'y a pas d'étude sur les raisons.

Bien sûr, dans une première observation, il est plus facile pour les anglophones de quitter le Québec, dans le sens où il y a une terre aussi accueillante à cause de la langue; c'est plus difficile peut-être pour les francophones de le faire parce qu'il y a cet élément linguistique. Le contraire existe aussi, considérant que, majoritairement, c'est français ici au Québec, on peut être moins porté à immigrer ici au Québec.

Est-ce qu'un département comme le vôtre, qui fait des études démographiques des mouvement migratoires, se prête à faire ce genre d'étude? Est-ce que vous-mêmes, vous avez des opinions sur les raisons du mouvement d'émigration ici au Québec?

M. Légaré: Je pense que les études pour connaître les raisons sont liées d'abord à connaître qui quitte. Si on connaît si bien l'immigration internationale au Québec, c'est qu'on contrôle les immigrants, on les compte, on les regarde, on connaît leur nom. Les gens qui arrivent des autres provinces, les gens qui vont vers les autres provinces ou les gens qui vont vers les États-Unis ou les autres pays du monde, on ne sait pas qui ils sont. Donc, il y a déjà là un problème de mesure, c'est-à-dire de contrôle du nombre de gens.

Les chiffres que vous voyez dans les documents gouvernementaux produits par des

démographes sont ce qu'on appelle des résidus. C'est-à-dire qu'on dit: S'il est entré ça qu'il y a ça de population, donc, il a dû en sortir tant. Mais il n'y a aucun contrôle, c'est-à-dire que nous n'avons pas de moyen qui permette de contrôler les entrées et les sorties au Québec. Cela, c'est un problème parce que le démographe, à ce moment-là, est sur des bases très fluides pour estimer les nombres. Comment arriver à connaître les raisons qui ont amené ces gens à faire ces mouvements si on ne connaît pas ces gens? On ne peut pas leur poser la question.

Quand vous disiez qu'on l'a su, à un moment donné, pour les grandes vagues d'émigration du XIXe siècle, c'est qu'il y a eu des enquêteurs du gouvernement du Québec d'alors qui sont allés aux Ëtats-Unis rencontrer les Canadiens français qui avaient émigré à ce moment-là et leur demander pourquoi c'était comme ça. Il faut bien voir qu'aujourd'hui on ne sait même pas qui sont les Québécois en Ontario qui ont quitté l'année dernière ou qui ont quitté il y a cinq ans, ou qui sont les Québécois francophones ou anglophones qui sont rendus en Alberta. On ne sait pas qui ils sont. Donc, avant de connaître les raisons, il faudrait d'abord pouvoir dénombrer ces gens.

C'est évident que, présentement, dans certains pays, par exemple, une personne qui arrive dans un pays, dans une région, doit s'enregistrer. On a déjà parlé au Québec d'avoir ce qu'on appelait un registre de population qui aurait permis ce genre de "contrôle", entre guillemets. Nous ne l'avons pas; c'est un choix de société. On n'a pas à entrer dans ce détail. Cependant, on a des moyens détournés de savoir un peu qui sont les gens qui sont sortis par les allocations familiales, par exemple. On donnait jadis un chèque du Québec à une famille, puis on nous a dit à un moment donné: N'envoyez plus de chèque; ils ne sont plus là. Donc, on pourrait par des moyens administratifs retrouver éventuellement cette famille, aller l'interroger et lui demander: Pourquoi avez-vous quitté le Québec? Je pense que c'est le genre d'étude qui permettrait éventuellement de mieux comprendre les mouvements. De même, on pourrait avoir une nouvelle famille, si vous voulez, qui arrive au Québec et qui demande des allocations familiales, des rentrants qui ne sont pas des internationaux et leur demander ce qui Ies a attirés au Québec, est-ce qu'ils comptent y rester un certain temps et qu'est-ce qui pourrait les amener à repartir éventuellement. Je pense qu'il y a des sujets d'étude et, à mon avis, c'est là qu'on ferait les meilleurs investissements pour s'assurer qu'à long terme la population du Québec ne décroisse pas. Ces gens-là, on ne les connaît pas.

C'est difficile. Ce n'est pas une solution facile, mais je crois que, comme je le disais tout à l'heure, si on avait un ministère des migrations, et non pas de l'Immigration, ce serait éventuellement son rôle. Au groupe de recherche, on est bien prêt à faire ce genre d'étude aussi, mais il faut bien voir qu'il y a des choses qui nous dépassent et que nous n'en avons pas souvent les moyens. Souvent, un organisme gouvernemental, un ministère dont c'est le rôle peut éventuellement aller chercher ce type d'information, qui je crois, serait très pertinente pour comprendre ce qui se passe et éventuellement l'améliorer.

C'est la même chose lorsqu'on a fait des études pour réduire la mortalité au Québec; on a donné un mandat au ministère des Affaires sociales et on a dit: II faudrait essayer de réduire la mortalité et s'organiser pour mieux connaître l'état de santé des Québécois. On a donné un mandat. Les gens ont fait leur boulot et ils l'ont bien fait et on connaît mieux maintenant la situation par rapport à la mortalité. Par rapport aux autres mouvements de population, on n'a pas cette connaissance-là et, à notre avis, si on la connaissait mieux, on pourrait éventuellement trouver les moyens pour arrêter le mouvement ou l'organiser comme on le veut, pour notre plus grand bien.

M. Champagne: Merci beaucoup.

Le Président (M. French): Sur le même volet, Mme Adamcyk et M. Légaré, vous insistez que le volet "immigration" ne prend pas sa juste part dans l'attention du gouvernement et dans le débat public qui entoure la question de l'avenir démographique. Je suis tout à fait d'accord. Comme universitaires, j'admire votre retenue devant ce phénomène et votre désir de faire plus de recherche là-dessus.

Néanmoins, ne savons-nous pas des choses importantes sur les éléments de la population du Québec qui sont les plus susceptibles de partir? Par exemple, ne savons-nous pas que 60% à 75% des émigrants sur le plan canadien sont de langue maternelle anglaise? Ne savons-nous pas qu'ils sont pour la plupart relativement plus scolarisés - probablement deux fois plus scolarisés - que la population moyenne anglophone? Ne savons-nous pas qu'ils se dirigent essentiellement vers l'Ontario, et dans une moindre mesure, vers les provinces de l'Ouest? Sachant tout cela, n'avons-nous pas au moins quelques indices relativement précis pour une explication, peut-être superficielle, de leur départ? Soit, d'une part et c'est évoqué dans le document gouvernemental - une espèce de dépaysement politico-culturel et, d'autre part, des possibilités économiques plus intéressantes surtout à Toronto qu'à Montréal.

Je ne veux aucunement nier la pertinence de ce phénomène pour l'avenir du

Québec, mais je ne voudrais pas tarder, non plus, à me pencher sur un certain nombre de politiques relativement précises et connues pour au moins souligner les choix de société que les Québécois ont devant eux. J'aime mieux cela que de prétendre qu'on en sait si peu qu'on ne peut que demander d'autres recherches - je ne veux pas caricaturer votre position - afin d'avoir quelques éclaircissements par une poursuite longitudinale de deux ou trois ans des ressortissants. Bref, ne sommes-nous pas un peu plus en mesure de parler de politiques spécifiques et concrètes à ce moment-ci?

Mme Lapierre-Adamcyk: Il est vrai qu'on a une certaine connaissance des caractéristiques des gens qui sont sortis récemment. On a une certaine connaissance aussi, même en tant que démographes et dans notre tour d'ivoire de l'université, des bouleversements et des débats qui se produisent dans notre société. Donc, je pense qu'il ne faut pas, non plus, dire qu'on ne sait absolument rien. Je pense que le point de vue qu'on a voulu faire ressortir, ici, c'est que le phénomène des sorties des Québécois n'est pas un phénomène des 15 dernières années. On a un article qui a été produit récemment et qui montre que, sur les 9 périodes de 50 ans depuis la venue de Jacques Cartier, la migration nette a toujours été négative ou à peu près.

On peut facilement dire que l'on se concentre sur le fait que récemment ce sont surtout les anglophones qui sont sortis et on peut regarder tout le contexte qui a accompagné, qui a été sous-jacent à ces mouvements. C'est une période peut-être dramatique dans notre histoire, mais quand même une courte période.

Là-dessus, les démographes sont peut-être aussi coupables que le gouvernement parce qu'on ne s'est peut-être pas beaucoup tournés nous-mêmes vers ce phénomène démographique en bonne partie parce qu'il est extrêmement difficile d'arriver à le saisir, étant donné l'ampleur des moyens de collecte qu'il faudrait avoir pour cerner vraiment le problème. Il nous semble qu'il y a là un problème de fond qui est peut-être lié à la situation économique à très, très long terme. Nous, ce qu'on veut faire dans notre mémoire, c'est inciter le gouvernement dans son activité de planification, dans ses préoccupations à l'égard du problème de population, à se tourner de façon beaucoup plus active vers la solution de ce problème.

À notre lecture, en tout cas, du document gouvernemental, on trouvait qu'il n'allait pas dans cette direction puisqu'il nous disait: On se tourne vers la politique familiale et on laisse aller les choses comme elles vont. Le bilan ne dit pas qu'il n'y a pas une certaine préoccupation parce que, effectivement, il y a un ministère de l'Immigration, il y a des structures d'accueil qui sont mises en place. On ne dit pas qu'il n'y a rien qui se fait. C'est de savoir où on met vraiment l'emphase. On a eu l'impression, à la lecture de ce document, qu'on mettait beaucoup de confiance dans la mise en place d'une politique familiale pour régler la question démographique.

Notre point de vue, je pense, que c'est celui d'attirer davantage l'attention de l'État sur l'ensemble des phénomènes qui amènent une croissance ou une stagnation de la population.

Le Président (M. French): Juste avant que je donne la parole au député de Saint-Jean, d'accord, vous vous êtes exprimés de façon très claire sur la pertinence de ce volet qui a été omis, essentiellement, ou qui n'a pas été souligné par le document gouvernemental, d'autant plus qu'à la lecture du document sur la politique familiale on a un peu de misère à voir quels sont les instruments, là-dedans, qui vont apporter un changement fondamental dans la fécondité des Québécoises. Même si de tels instruments relevaient de l'État, seraient-ils efficaces s'ils étaient appliqués? Je n'en suis pas encore certain, surtout d'après ce que vous avez dit aujourd'hui. C'est un autre débat qu'il faudra avoir, j'en suis convaincu.

Mais, tout en acceptant qu'il y ait un besoin d'avoir plus de renseignements, ne sommes-nous pas directement devant une question qui se poserait de la façon suivantes Les Québécois n'ont-ils pas un choix entre la relative dominance quantitative d'une population de souche francophone et un avenir démographique relativement plus prometteur que le déclin démographique que laissent présager les tendances actuelles? M. Légaré. (12 h 30)

M. Légaré: Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que la société québécoise a deux choix. Elle peut devenir égocentrique et elle risque de décroître; cela peut être un choix. Certains intellectuels appelleront cela du génocide, un génocide qui ne sera pas imposé de l'extérieur, qui sera fait par eux-mêmes. L'autre choix, c'est d'avoir un certain "altruisme", entre guillemets, c'est-à-dire d'être ouvert. Je pense que la société québécoise, là-dessus, a fait des progrès immenses. L'exemple qu'a donné M. Payne par rapport à l'accueil aux immigrants, ce n'est pas la même chose, aujourd'hui, que c'était il y a 20 ans. Je pense qu'il y a une relative unanimité là-dessus.

Au point de vue toujours d'avoir une population croissante, ce que nous voulons savoir, ce qu'on croit qu'il serait important pour le gouvernement du Québec de savoir... Vous avez dit: On le sait un peu ce qui se passe présentement au Québec, ce sont les anglophones qui quittent, etc. Je ferai

remarquer, M. le Président, qu'en moyenne, durant la période de cinq ans, de 1976 à 1981, il est sorti, en principe, vers le reste du Canada 55 000 personnes par année, mais entre 1966 et 1971 il en sortait 63 000. Est-ce qu'on sortait pour les mêmes raisons? Ce n'est pas sûr. Est-ce que c'étaient encore des anglophones qui n'aimaient pas le gouvernement? Ce n'est pas sûr. Donc, les gens qui sortent du Québec, il faut savoir pourquoi ils le font, si on veut les retenir. Présentement, ce sont des anglophones. Il y a eu des moments où il sortait beaucoup de francophones aussi. Il ne faut pas le perdre de vue.

Je pense qu'il faut connaître ce qui se passe; autrement, on fait la politique de l'autruche ou on est superficiel parce qu'on dit: Regarde donc cela, le tirage du Star a baissé à Montréal, ce sont les anglophones qui partent. C'est sûrement vrai. Ce n'est sûrement pas faux, d'autant plus que le Star est mort. Néanmoins, je pense qu'il faut aller au-delà de cela si on veut avoir une politique démographique qui fait que le Québec ne se retrouvera pas à 5 000 000. C'était juste cela. Donc, il faut aller regarder cela de plus près. Vous allez me dire: Superficiellement, on le sait. Oui, mais superficiellement, à mon avis, cela ne suffit pas pour faire des politiques gouvernementales et c'est pour cela qu'il faut aller plus loin.

Le Président (M. French): Je vous promets, M. le député de Saint-Jean...

M. Proulx: C'est parce que je m'en vais, j'ai une réunion avec M. Rhéaume.

Le Président (M. French): Cela, par exemple, vos réunions à l'extérieur, c'est votre problème.

M. Proulx: II m'attend.

Le Président (M. French): C'est votre problème. Je voudrais essayer de rejoindre les deux volets de votre réponse que j'ai trouvés fort intéressants. L'aspect altruiste d'une politique future possible ne nous amène-t-il pas inévitablement devant un aspect de l'affirmation des francophones qui, je vous le rappelle, n'a pas commencé en 1976 et a pris diverses formes auparavant qui auraient pu, là aussi, motiver une émigration? Je ne condamne pas les expressions démocratiques de cette affirmation, loin de là. Néanmoins, tout ce progrès que vous avez évoqué - je suis d'accord qu'il existe, car il est important -devrait continuer et cela devrait inévitablement ou probablement remettre en question un certain nombre de présomptions qui nous ont gouvernés par le passé et qui ne sont plus tellement à point ou tellement pertinentes face, justement, au déclin démographique possible dans l'option égoïste. Une politique linguistique n'a-t-elle pas des liens importants avec une politique de la population, par exemple?

M. Légaré: Sûrement. Je crois qu'une politique linguistique a une très grande importance là-dedans. Mon point de vue personnel là-dessus, c'est qu'il faut que les immigrants, les entrants, sachent qu'ils arrivent au Québec dans un autre coin. Je pense que, lorsqu'il y a eu une vague d'émigration allemande, pour prendre cet exemple, vers l'Amérique du Sud, les Allemands ont appris l'espagnol quand ils arrivaient en Argentine et quand ils arrivaient au Paraguay. Cela ne les empêchait pas de garder leur culture, sauf qu'il y avait une société en Argentine et au Paraguay qu'ils ont respectée. Ils ont dit: Nous voulons nous intégrer à cette société, donc nous allons prendre les moyens.

M. Proulx: Ils sont rendus présidents aujourd'hui, même.

M. Légaré: Le cas du Québec n'est pas le cas de l'Argentine, en ce sens qu'il y a une histoire, il y a un passé linguistique dont il faut tenir compte, mais je pense qu'il ne faut pas perdre de vue, non plus, qu'une affirmation linguistique de ce point de vue a sa raison d'être et que l'immigrant, sans le "traiter de haut", entre guillemets, doit savoir qu'il n'est pas chez lui et doit tenir compte du contexte dans lequel il se trouve. Là-dessus, je pense qu'il va falloir avoir une politique linguistique qui tienne compte de cet élément, mais qui ne doit pas répudier, non plus, les aspects historiques, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Là, il y a de quoi à travailler, évidemment. Si ceux qui partent éventuellement, vous disent: Non, moi, je ne veux - pour prendre un exemple extravagant - que travailler en anglais au Québec, c'est évident qu'à ce moment la réponse, c'est que ce n'est pas sur eux qu'on va avoir à travailler. Si un autre part pour toutes sortes de raisons et qu'il est un peu plus nuancé, bien, on verra à établir des politiques qui feront que celui qui est un peu plus nuancé, on réussira à le garder. L'autre vraisemblablement, étant donné le contexte québécois, ne pourra pas être réintégré. Je pense que c'est dans cet esprit qu'il faut voir les choses.

Le Président (M. French): Enfin, pour résumer, il y a encore de l'inconnu, il y a encore toute une série de données qu'on n'a pas et il faut les avoir, tout en reconnaissant qu'on ne peut pas attendre trop longtemps, puisque la crise existe actuellement. La perspective actuelle n'est

pas des plus prometteuses, n'est pas le genre de perspective qu'on voudrait avoir. M. le député de Saint-Jean, qui brûle de continuer sur la question.

M. Proulx: Merci. Dans ma région, dans toute la région du Richelieu, au XIXe siècle, il y a eu une très forte migration vers les États-Unis, vers les "factories", et surtout dans un petit village qui s'appelle Marieville où au XIXe siècle il y avait 6000 personnes et aujourd'hui il y en a 3000. C'est un centre très important. Mon père vient de Richmond et, quand il est venu au monde à Richmond au XIXe siècle, il y avait 90% d'anglophones et aujourd'hui c'est seulement 10% d'anglophones qui existent dans les Cantons de l'Est, donc, une très forte migration.

Je veux revenir à l'émigration aujourd'hui vers les États-Unis. On dit qu'il y a une grosse colonie francophone québécoise en Floride et en Californie. Est-ce que vous avez étudié cela parce que c'est un facteur important? On dit qu'en Californie plusieurs jeunes personnes, plusieurs cadres forment une société assez importante, et en Floride aussi. Évidemment, il y a tous ceux qui sont là deux ou trois mois, mais il y a de plus en plus de personnes. Est-ce que vous avez étudié cela? Ce sont des facteurs importants dans les sortants, ceux qui sortent du Québec. Surtout en Californie, j'ai vu cela et on voit cela régulièrement: une très forte concentration de francophones dans ces coins. Êtes-vous capables de répondre à cela?

M. Légaré: Non.

M. Proulx: Est-ce qu'il y a un fondement à ce que je dis?

M. Légaré: Je pense que, pour la Floride, il y a un mouvement connu de gens; il y a des colonies de personnes âgées qui y vont et le gouvernement pourrait très bien les suivre puisqu'il leur envoie leur chèque, évidemment, là. Donc, il y a moyen de saisir le nombre de vieillards qui habitent en Floride. Je pense que c'est peut-être l'aspect le plus important. Qu'il y ait un certain nombre de cadres et de jeunes gens prometteurs que l'on ait perdus vers la Floride et la Californie, il en sort plein comme on dit. Donc, je pense qu'on n'a pas les moyens présentement de savoir exactement où ils sont localisés.

M. Proulx: II n'y a pas d'études qui ont été faites dans ce sens?

Mme Lapierre-Adamcyk: Ici, on voit, par exemple, dans le document du gouvernement, que l'émigration c'est-à-dire la sortie des Québécois vers le monde extérieur, du Canada - la Floride est incluse dans cela - diminue. Cela ne dépasse pas 10 000 depuis 1976, de sorte qu'on ne peut pas imaginer qu'il y ait des centaines de milliers de Québécois qui soient établis en Floride. Il y en a une certaine petite colonie, j'imagine, mais ce n'est pas probablement pas là qu'est le gros problème des sortants du Québec.

M. Légaré: Si on prend l'année 1981-1982, il y a 6000 personnes qui quittent le Québec pour aller à l'étranger, c'est-à-dire hors Canada, aux États-Unis ou qui retournent dans les pays d'origine. Il peut y avoir des immigrants des Caraïbes qui sont venus ici et qui retournent chez eux, il peut y avoir des...

Mme Lapierre-Adamcyk: Des Italiens qui retournent en Italie.

M. Légaré:... des Italiens qui retournent chez eux, il peut y avoir ce type de mouvement. Mais au même moment où il y en avait 6000 qui retournaient dans le "monde", entre guillemets, il y en avait 45 000 qui quittaient le Québec pour aller ailleurs au Canada.

Mme Lapierre-Adamcyk: Les ordres de grandeur sont importants.

M. Légaré; Nous sommes sur les ordres de grandeur. Comme le soulevait tout à l'heure un autre membre de la commission, il y a des problèmes humains qu'il faut regarder: le cas de l'avortement en est un, le cas des mères porteuses en est un autre. Mais, pour nous, c'est relativement marginal, si vous voulez, dans le sens que ce sont des petits nombres qui affectent peu le topo qui est le nôtre, celui de l'ensemble de la population du Québec. Donc, à ce moment, il faut relativiser les choses, de sorte que, lorsqu'on parle de sorties du Québec, s'il y en a 6000 qui partent pour la Floride alors qu'il y en a 45 000 qui partent pour l'Ontario, on se dit qu'en termes d'objectif pour le Québec, c'est peut-être de regarder un peu plus les 45 000 qui s'en vont en Ontario que les 6000 qui s'en vont en Floride.

M. Proulx: II y en a peut-être un peu plus en Floride, parce qu'on affirme qu'il y a là beaucoup de travailleurs illégaux, sans permis; c'est peut-être quelques milliers, cela peut peut-être augmenter de quelques mille. Donc, ce n'est pas un facteur important, cette migration.

Merci, M. le Président. J'ai d'autres occupations. Je retourne dans mon comté à pied cet après-midi!

M. Légaré: Faites bonne route!

M. Proulx: Sur la grande route, je vais prendre la 20.

Le Président (M. French): Y-a-t-il d'autres questions? Le président en a, mais est-ce qu'il y en a d'autres? Je voudrais revenir à la question concernant les ressortissants québécois. Quelle méthodologie pourrait-on utiliser? Il me semble que cela serait très difficile d'avoir un échantillon scientifique des Québécois résidant à Toronto et Calgary, justement à cause du fait que nous n'avons pas de documentation sur eux, en tant qu'individus. Est-ce qu'on irait chercher les renseignements auprès des gens qui se disent en train de considérer s'ils doivent rester au Québec ou non? Comment pourrait-on aborder cette question?

M. Légaré: Je pense, comme j'ai répondu tout à l'heure à M. le député, que nous n'avons pas voulu, ici, instaurer de moyens qui nous permettraient de le faire, en ce sens que, lorsqu'on entre au Québec, il faut s'inscrire quelque part officiellement et, lorsqu'on le quitte, on doit aussi - sinon, on risque d'être pénalisé par la loi - se "désinscrire" sur un registre, mais ce sont des choses qui existent ailleurs dans des pays non policiers, que ce soit la Belgique ou les pays Scandinaves. Donc, à défaut d'avoir ces moyens-là, il faut prendre d'autres moyens.

Or, l'information, nous l'avons. Exemple, on peut l'avoir par des formulaires administratifs, c'est-à-dire que les administrations, tant provinciale que fédérale, sont très au courant que M. X ou Mme Y, qui habitait telle adresse à Montréal-Ouest, habite maintenant non loin de Toronto. Si, et là il y a tout un si, on permet, à ce moment-là, d'aller dans les fichiers administratifs, nous pouvons trouver facilement une base de sondage scientifique qui permettrait de rejoindre les gens. Maintenant, il y a l'accès au fichier administratif qui pose un certain nombre de problèmes sur lequel il y a des pour et des contre - je ne pense pas que ce soit le lieu pour en discuter - mais c'est la seule façon de prendre connaissance de certains faits que l'on ne veut pas déclarer autrement. Il y a sûrement moyen... Certaines gens vous le diront. Il y a déjà eu des enquêtes, dans les écoles, auprès des jeunes à qui on a demandé: Est-ce que vous comptez faire votre carrière au Québec? Vous pouvez leur demander à ces gens qui sont au Québec, mais ce n'est peut-être pas ceux-là qui vont donner le plus de renseignements utiles en ce sens qu'on veut connaître ceux qui ont vécu l'expérience, et ceux qui ont vécu l'expérience, ce sont ceux qui sont partis. Probablement qu'on ne les fera pas revenir, mais si on connaît la cause, on pourra peut-être y remédier d'une autre façon. Il y a sûrement possibilité de rejoindre les émigrants qui ont quitté le Québec, par toutes sortes de moyens, qui pourraient être scientifiques, à condition qu'on nous en donne les moyens. Maintenant, c'est évident que nous, universitaires, on a toujours beaucoup plus de problèmes, "parce qu'on nous fait moins confiance", mais le gouvernement a ses organismes à lui, il a son ministère de l'Immigration, il a son Bureau de la statistique du Québec, il a les instruments; ils doivent se faire confiance entre eux -c'est là l'autre élément - pour aller chercher l'information et éventuellement faire des enquêtes eux-mêmes, ou nous redonner les enquêtes, mais il faut avoir l'accès à l'information.

Le Président (M. French): Sur le plan de l'accès à l'information, je vous soulignerai que le principe de la loi, ce n'est certainement pas qu'un ministère gouvernemental devrait avoir plus confiance dans une autre instance gouvernementale qu'il ne devrait avoir au Département de démographie de l'Université de Montréal. Le principe de la loi c'est qu'il y a une série de standards qui doivent être respectés, quelle que soit l'origine de la demande d'accès à l'information. De toute façon, je comprends mieux maintenant que les renseignements existent et qu'il s'agit d'avoir la permission et le financement pour l'étude.

M. Légaré: En fait, je donne toujours cet exemple-là. Lorsqu'on quitte le Québec, on le dit au laitier, aux voisins, aux allocations familiales, à l'impôt, on le dit à tout le monde, sauf aux statisticiens et aux démographes. C'est bien malheureux, parce que c'est nous qui pourrions faire quelque chose d'utile avec cela, sauf que tout le monde le sait, mais nous, on ne le sait pas. C'est bien malheureux, donc il faut prendre d'autres moyens et on en a pour les "coincer", si vous voulez.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour, je remercie les personnes qui sont devant nous, du Groupe de recherche sur la démographie québécoise. N'ayant pas abusé du temps de la commission, jusqu'à maintenant, relativement... On en a déjà un peu parlé tantôt, ce serait plutôt une opinion puisque les données sont peut-être plus difficiles à obtenir, mais, au niveau de l'immigration, on parle de 45 000 personnes, sur une base annuelle, l'immigration canadienne, si vous me permettez l'expression. On sait, entre autres, que nos immigrants, que ce soient les Italiens ou d'autres, pour la plupart, sont venus au Canada ou au Québec pour des raisons, majoritairement parlant, je pense qu'on peut

le dire, économiques; ils se cherchaient un emploi.

(12 h 45)

Alors, je présume que c'est assez difficile pour vous autres d'avoir les données. On parle d'une majorité anglophone, ces dernières années, qui émigrent dans d'autres provinces canadiennes, mais est-ce qu'on peut savoir si ces gens-là avaient un emploi au Québec, selon vous? Est-ce qu'ils travaillaient?

Mme Lapierre-Adamcyk: J'imagine que les données, par exemple, du recensement de 1981 - il n'y a rien depuis - doivent permettre d'identifier un certain nombre des caractéristiques des personnes qui résidaient au Québec en 1976, par exemple, et qui, en 1981, résidaient dans une autre province. Mais ça nous donne l'information sur leur situation au moment de 1981, une fois qu'ils sont installés à Toronto. Cela ne nous dit rien sur leurs conditions quand ils étaient au Québec cinq ans auparavant.

Je fais allusion au fait que dans le recensement il y a une question qui demande: Où habitiez-vous il y a cinq ans? Donc, on peut identifier, jusqu'à un certain point, des caractéristiques culturelles, des caractéristiques d'instruction. Mais la situation économique de cette personne ou de cette famille, au moment où elles ont pris la décision de se déplacer, échappe complètement au recensement, puisqu'il y a très peu d'aspects rétrospectifs dans le recensement. Évidemment, si c'est quelqu'un qui est président de compagnie à Toronto, on peut s'imaginer qu'il était peut-être président ou vice-président de compagnie, il y a cinq ans, au Québec.

Mais pour les gens plus ordinaires, on n'a aucune indication permettant de savoir s'ils sont allés spécifiquement pour des questions économiques se trouver un emploi ailleurs. On sait s'ils ont un emploi, quand même, ailleurs.

M. Légaré: Un élément important qui vient d'être soulevé, c'est celui de savoir à quel point le Québec a servi, pendant un certain temps - tout au moins, on l'a cru -de passage pour certains immigrants, c'est-à-dire des gens qui venaient, ici, au Québec -vous donnez l'exemple des Italiens, cela pourrait être d'autres - et qui, trois ans après, se retrouvaient à Toronto. Cela, on ne le sait pas. C'est-à-dire que, pour le mesurer correctement, on n'a pas tous les éléments, donc, de savoir quels sont ceux... Parce qu'on peut très bien nous dire: Oui, il y a présentement des Italiens à Toronto qui, il y a quelques années, habitaient au Québec. Mais on ne saura pas si c'étaient des Italiens de vieille souche qui sont peut-être nés au Québec ou si ce sont des Italiens qui sont arrivés deux ans avant.

Donc, c'est de ça qu'on parle quand on parle de manque d'information. Alors, on a une idée de ce qui se passe, c'est-à-dire qu'il y a bon nombre de gens d'origine italienne qui ont quitté le Québec pour aller à Toronto, mais on ne sait pas si c'est ceux qui venaient d'arriver, on ne sait pas si c'est ceux qui ont eu leur éducation au Québec, etc. Donc, il nous manque de l'information qui n'est pas seulement qualitative - elle apportera beaucoup au niveau qualitatif -mais même au niveau quantitatif.

Le Président (M. French): Sauf que le gouvernement affirme de façon non équivoque, dans le document de "briefing" ou de "background" pour le sommet "Québec dans le monde", que le taux de rétention du Québec des immigrants internationaux est plus bas que celui de l'Ontario, par exemple.

M. Légaré: C'est possible, oui.

Mme Lapierre-Adamcyk: On peut probablement mesurer ça avec les données disponibles...

M. Légaré: Le ministère de l'Immigration a vraisemblablement des éléments qui lui permettent de le dire.

Le Président (M. French): L'expert-conseil de la commission ne me pardonnerait pas de ne pas vous pousser un peu plus fortement sur la question des instruments d'une politique familiale afin de hausser le taux de fécondité. Vous vous êtes exprimés de façon très claire. Vous êtes sceptiques à ce sujet, sceptiques dans la mesure où votre estimation de la volonté politique derrière la proposition n'est pas très favorable ou sceptiques dans le sens que, même en imaginant une volonté politique suffisante, les instruments existent-ils, oui ou non, afin d'aider les familles à avoir tous les enfants qu'elles disent vouloir?

Exemple: Si on décidait de remanier dramatiquement ou de réaménager dramatiquement les allocations familiales, afin d'insister beaucoup plus sur le troisième enfant que sur les deux premiers, est-ce que nous avons l'expérience en Europe ou ailleurs qui nous permettrait de dire si, oui ou non, ça fonctionne, tout en sachant que, politiquement, ça prend un changement ou presque une révolution?

Mme Lapierre-Adamcyk: Disons que mon scepticisme, en tout cas, est de nature sociologique et non pas de nature politique. Je ne crois pas que la résistance à des mesures ou à des instruments de politique nataliste relève du fait que le gouvernement n'y met pas assez d'énergie. Je pense que c'est l'état de la société qui fait qu'il y a une résistance.

Là-dessus, on a, par exemple, dans l'enquête de 1976, posé la question aux femmes qui étaient en train d'avoir leurs derniers enfants, si elles avaient été sensibles aux changements des allocations familiales qui s'étaient produits entre l'enquête de 1971 et celle de 1976. On sait que le changement a été majeur; on passait de presque rien, quand même, à des montants qui avaient l'air d'être un peu significatifs. Je ne me souviens pas des chiffres exactement, mais il y avait une grande fraction des femmes qui, au fond, étaient à peine conscientes qu'il y avait eu un changement dans l'ordre de grandeur des allocations familiales.

Disons que ça reflète un peu l'espèce de mentalité, je pense, qui est vraiment à la source des décisions qu'on prend en matière de fécondité. Même si on est toujours porté à dire que c'est économique, c'est très relatif à l'ensemble de la société dans laquelle on vit. C'est pour ça que je suis sceptique. Je pense que la mentalité de la population, non pas la mentalité du gouvernement, ne va pas dans le sens d'un redressement, présentement.

Encore là, je pense qu'il ne faut pas interpréter mes paroles comme étant négatives à l'égard des efforts que le gouvernement pourrait faire pour aider les familles; au contraire, je suis très ouverte à ça, mais...

Le Président (M. French):... fécondité.

Mme Lapierre-Adamcyk:... dans le redressement de la fécondité, je suis sceptique sur l'effet que ça va avoir.

Le Président (M. French): D'autres questions? M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon Dans le texte que vous nous avez soumis, vous prenez le pari, tel que vous l'indiquez, d'une croissance relative, même si elle est minime, par rapport aux risques qu'implique une décroissance de la population. Quand vous parlez de risques en faveur de la croissance, est-ce que vous pourriez préciser un peu? Quelle sorte de risque y a-t-il, finalement, s'il y en a un? Cela ne me saute pas aux yeux, un risque qui serait associé à la croissance démographique. En relation à cela, est-ce que vous pourriez aussi indiquer les risques qui sont inhérents à la décroissance démographique? Vous avez parlé d'une société qui manquait de dynamisme, qui devenait sclérosée, tout l'effet du vieillissement qu'il peut y avoir.

Est-ce qu'il y a des modèles historiques qui nous permettent de situer ou de faire une projection de ce qui nous arriverait, par exemple, si la tendance démographique se maintenait sur une période, disons, de 50 ans et qu'on se retrouvait avec une population qui continuerait de décroître et qui engendrerait un type de société qu'on pourrait prévoir grâce à d'autres modèles qui ont eu lieu ailleurs dans d'autres temps et dans d'autres lieux?

Mme Lapierre-Adamcyk: Sur le risque de la croissance, disons que, dans le contexte immédiat, je pense que le mot "risque", dans notre tête, n'était pas associé à quelque chose de très négatif. Il y a cependant des études qui ont été faites pour montrer que, même pour la société québécoise... D'ailleurs, M. Henripin va venir vous rencontrer, vous pourrez lui demander plus d'explications dans ce sens. Il a déjà fait des études sur le coût qu'avait représenté pour le Québec la croissance démographique très rapide et très importante qui a été celle de l'évolution de la population québécoise.

Quand on a une population qui est en croissance, le risque, c'est toujours que le rythme de la croissance démographique soit plus rapide que celui de la croissance économique et que les investissements nécessaires pour assurer un certain niveau de vie à la population qui croît grugent tellement les ressources qu'on ne parvienne pas à faire les investissements économiques nécessaires pour assurer la croissance économique. Je pense que le risque de la croissance est là. S'il y a un déséquilibre entre le rythme de la croissance économique et celui de la croissance démographique, ça crée un problème.

Dans le cas de la décroissance, le risque est lié un peu... Est-ce que le fait qu'il n'y ait pas suffisamment de population, par exemple, si on pense aux économies d'échelle, à la circulation des produits, aux marchés, est-ce que le fait qu'on ne croisse plus n'a pas un impact direct, par exemple, sur le développement de l'économie? Je pense que c'est un peu dans cet esprit qu'on a pris cette expression; risque pour risque, on prend plutôt le risque de la croissance. Une croissance modérée nous semble, dans l'état actuel de la société, plus positive que négative.

Encore là - je pense qu'on l'a affirmé dans le document - il n'y a pas d'étude qui a établi une fois pour toutes les liens entre la croissance démographique et la stagnation ou le développement économiques. Ce sont des questions très fondamentales sur lesquelles il y a beaucoup de recherches en cours, mais qui vont toujours un peu... Certains ont une théorie dans un sens et on trouve les éléments pour l'appuyer; d'autres ont une théorie contraire et on trouve aussi des éléments ou des exemples historiques qui vont dans le sens contraire. Alors, cela reste une question sur laquelle les spécialistes ne s'entendent pas tout à fait.

M. Légaré: C'est évident, par exemple, comme certains vous diront, que la croissance des pays du tiers monde coûte très cher et que, justement, elle n'est pas un facteur de dynamisme. On n'en est pas là. Donc, ce n'est pas de ce type de croissance que nous parlons. Lorsque nous disons risque pour risque, c'est que nous croyons que, dans une société croissante, on a des besoins de biens de consommation qui sont tout è fait différents de ceux d'une société décroissante. Dans une société décroissante, par exemple, le prix des retraites va incomber à une portion de plus en plus infime de gens pour payer cette retraite aux retraités. À ce moment-là, vous risquez d'avoir un fardeau qui va être imposé aux travailleurs et aux jeunes et qui peut, éventuellement, devenir même amoral, diront certains. Je vais vous donner un exemple extrême mais qui va vous montrer un peu que la décroissance est dangereuse. On va prendre un exemple bien québécois: les communautés religieuses au Québec, le jour où elles ont commencé à décroître, le déclin a été rapide et vous voyez ce qui en est. Alors, vous avez là un exemple qui fait que certains pourraient dire: Oui, nous allons décroître, mais ce n'est pas grave. On va se stabiliser à un certain moment, etc. Quand on est sur une pente, eh bien! cela peut être dangereux. C'est pour cela que nous disons "risque pour risque", parce qu'on n'en sait rien. Dans le fond, il vaut peut-être mieux ne pas s'aventurer et dire: Voilà! Vaut mieux croître ou tout au moins être sûr que la population ne décroît pas que de courir le risque que l'on décroisse et ne pas trop savoir jusqu'où va aller le gouffre. C'est notre préoccupation.

Mais, comme le dit très bien Mme Adamcyk, on ne peut pas... Il faut bien voir que, dans le passé, il y a eu des décroissances - parce qu'il y a des sociétés qui ont vécu les phénomènes de décroissance - et, comme les études démographiques du temps et l'information n'existent plus, on n'est pas capables de faire les études pour savoir pourquoi elles ont décru et ce qui est arrivé. Donc, ce qu'on a présentement surtout à notre disposition, c'est l'exemple de sociétés croissantes. Donc, on est sur du "risque pour risque. " On n'est vraiment pas sur des bases très solides là-dessus, mais nous vous donnons une opinion.

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert, sachant qu'il nous reste une minute.

M. Doyon: Oui, il ne nous reste que deux minutes. Est-ce qu'on pourrait dire que, compte tenu du souhait qui semble être partagé par plusieurs sociétés industrialisées d'avoir au moins une stabilité démographique, sinon une croissance démographique, vous partagez l'avis qu'actuellement les pays industrialisés, dont fait partie le Québec, le Canada, sont en compétition les uns avec les autres pour s'assurer cette ressource qui s'appelle la population, qui s'appelle les personnes humaines qui sont susceptibles de changer de pays ou de province? Est-ce qu'il existe actuellement, d'après vous, entre les pays industrialisés, une espèce de compétition qui fait qu'un pays comme la France n'est pas intéressé à voir partir des gens, un pays comme l'Angleterre n'est pas intéressé non plus, un pays comme l'Allemagne n'est pas intéressé, que nous ne sommes pas intéressés à en voir partir, que nous serions prêts à en recevoir un peu dans les circonstances? N'existe-t-il pas là une espèce de compétition entre les pays du monde industrialisé au sujet de cette ressource qui s'appelle la population qui est une ressource limitée et que les pays essaient d'accaparer? Il faut peut-être tirer la ligne entre la possibilité qu'il y a de compenser l'absence de venue d'une population des pays industrialisés et celle des pays en voie de développement, mais parlons simplement des pays industrialisés où l'acclimatation est plus facile, l'adaptation, etc. Appelons cela directement, la rentabilité de la personne humaine qui nous arrive est plus probable quand elle nous vient d'un monde semblable au nôtre. Est-ce qu'il existe une telle compétition d'après vous?

M. Légaré: J'ai l'impression que oui, si vous parlez du monde industrialisé. Comme vous le dites, c'est peut-être plus rentable, en ce sens que cela demande moins d'investissements d'intégration, c'est peut-être plus simple d'avoir à intégrer un Français qu'un Vietnamien, quoique c'est à voir encore. C'est évident que si on cherche à attirer des Français, des Libanais, des gens d'Allemagne ou des pays nordiques, comme le furent les courants migratoires anciens, là, c'est évident qu'il y a une compétition entre ces pays puisque tous ces pays essaient de retenir leur monde, étant donné que nous sommes tous dans la même situation, tous ont un problème de fécondité. Il ne faut pas le perdre de vue. Que ce soit les Suédois, les Américains, les Allemands ou les Français, on a tous ce problème. Donc, à ce moment-là, tout le monde a intérêt à garder son monde.

Sauf que, dans ces pays, il y a vraisemblablement moins de mouvement. Je ne veux pas trop m'aventurer, je ne connais pas trop les mouvements des Français vers l'Allemagne, par exemple. Il y a peut-être un certain nombre de Français qui trouvent le moyen d'aller travailler en Allemagne et qui y trouvent un avantage économique, mais ce que l'on voit surtout de loin, c'est que ces pays accueillent d'autres pays européens en phase d'industrialisation. Vous avez toutes les migrations portuguaises, espagnoles, turques,

etc., vers les pays d'Europe, les États-Unis restant toujours, évidemment, un attrait.

Mais, même aux États-Unis, il faut bien voir que la diversité des mouvements migratoires, c'est-à-dire le bassin qu'ils utilisaient jadis a beaucoup varié là aussi et que c'est un autre élément de permettre à une immigration d'être diversifiée, c'est-à-dire de ne plus pouvoir compter que sur des pays industrialisés, mais de compter sur des pays moins industrialisés. Il faut évidemment faire attention au contexte international et ne pas aller chercher que des "cerveaux" qui coûteraient moins cher; il y a là tout un problème de déstabilisation des "cerveaux" par rapport au tiers monde. C'est évident que cela coûtera peut-être un peu plus cher, mais, au bout de 20 ans, au bout de 50 ans, est-ce qu'entre un Italien et un Vietnamien il y aura vraiment une différence si, au bout de 50 ans, les deux se sentent Québécois? Je pense que c'est cela, le but ultime, c'est-à-dire qu'aussi bien l'un que l'autre ils se disent au bout de 50 ans: Mes grands-parents étaient Vietnamiens, mes grands-parents étaient Italiens et, moi, je suis un Québécois. Je pense que c'est tout ce qui est visé. Donc, les autres pays ont le problème, il n'y a aucun doute.

Maintenant, la compétition. Il ne faut pas se faire d'illusion, ce ne sont pas des Suédois, des Allemands et des Français qu'on va aller chercher. Je pense qu'eux aussi retiennent leur monde le plus possible, mais il en vient quand même. De cela, il n'y a pas de doute.

Le Président (M. French): Je voudrais remercier Mme Lapierre-Adamcyk et M. Légaré. C'était fort intéressant et nous apprécions au plus haut point votre contribution. Cela a été très utile.

Je veux rappeler à mes collègues que nous reprendrons la séance de travail à 14 h 30 et cette séance-ci à 14 h 40. Cela va? Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 14 h 41)

Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux; c'est une consultation générale sur l'impact culturel, social et économique des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte, etc.

Groupe de travail canadien sur la population

Nos intervenants, cet après-midi, font partie du Groupe de recherche sur la démographie, ou plutôt du Groupe de travail canadien sur la population, je m'excuse, représenté par M. Charles Nobbé, coordonnateur et consultant, et M. Anatol Romaniuc, qui est directeur de la division Démographie à Statistique Canada.

And I believe, Mr. Nobbé, that you would like to make some preliminary comments in French, perhaps introduce your colleague. And, if I have understood correctly, your presentation will be in English. Could you give us some idea of how long you expect your presentation to take?

M. Nobbé (Charles): Environ 20 minutes pour tous les deux.

Le Président (M. French): Environ 20 minutes pour les deux?

M. Nobbé: Oui.

Le Président (M. French): Aucun problème. Alors, si vous voulez, M. Nobbé, vous présenter et nous présenter votre collègue, M. Romaniuc. Nous voulons dire tout d'abord que nous savons que vous êtes venus ici un peu de votre propre gré, peut-être même à vos frais. Nous apprécions donc au plus haut point votre contribution à nos consultations et nos débats. Nous savons également que vous avez une optique un peu canadienne, même mondiale, à nous offrir par rapport aux autres intervenants qui vont surtout se pencher sur les dimensions québécoises de la question.

M. Nobbé.

M. Nobbé: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, messieurs. En ma qualité de coordonnateur du groupe d'étude sur la population, je suis très honoré, M. le Président, de votre invitation à comparaître devant ce comité et à contribuer à vos travaux.

Notre groupe, constitué d'une cinquantaine de membres intéressés aux problèmes démographiques, a été créé il y a à peu près un an dans le but de fournir des recommandations et des suggestions pour le mémoire que le gouvernement canadien a présenté à la Conférence internationale sur la population, au Mexique, organisée par les Nations Unies, l'été dernier.

La position de notre groupe a fait l'objet d'un document qui a été transmis à M. French. Nos activités ont trois buts: premièrement, implanter au Canada les recommandations de la conférence du Mexique; deuxièmement, suivre les développements démographiques au Canada; et, en troisième lieu, voir le Canada dans le contexte international nord-sud et surtout nos relations avec les pays en voie de développement.

Notre thèse soutient que les variables

démographiques sont des déterminants fondamentaux de notre développement social et de nos institutions. Par conséquent, l'élaboration des politiques sociales et économiques doit tenir compte des tendances démographiques. À cet égard, la fécondité, la croissance et la structure d'une population sont fondamentales.

J'ai le plaisir d'avoir M. Romaniuc, de Statistique Canada, à ma droite, qui est l'auteur d'un ouvrage sur la fécondité publié récemment. Il parlera surtout de la fécondité et de la situation démographique au Canada. Je regrette que M. Stone, qui devait parler du vieillissement et de ses conséquences économiques, n'ait pas pu venir. Quant à moi, j'aimerais parler des évolutions démographiques dans les pays en voie de développement et de la façon dont cette évolution pourrait affecter l'économie du Canada. Avec la permission de M. le président, je ferais ma présentation en anglais. M. Romaniuc.

Le Président (M. French); M. Romaniuc.

M. Romaniuc (Anatol): M. le Président, messieurs, c'est avec empressement que nous avons donné suite à l'invitation que vous nous avez faite par l'entremise de M. Nobbé; d'abord dans l'espoir de pouvoir faire une contribution à vos travaux et ensuite pour des raisons spécifiques. Statistique Canada essaie de réorienter ses travaux à la suite des analyses démographiques, sociales et économiques dans le sens de les rendre plus pertinents aux besoins des "décideurs" politiques et du public en général.

Il est inutile de dire qu'en tant que membre de Statistique Canada je n'ai aucune position de nature a influencer une politique dans un sens ou l'autre; nous n'avons aucune position politique. Notre rôle est surtout de faire la collecte des données, de les interpréter et de les mettre dans le domaine public.

Nous avons toutefois, récemment, produit deux rapports que j'estime fort pertinents aux travaux que vous êtes en train d'accomplir ici. Il y a notamment un rapport qui porte sur l'état de la population du Canada que j'aimerais bien soumettre ici, s'il y a moyen de le distribuer.

Le Président (M. French): Merci beaucoup, M. Romaniuc. Il y a un autre rapport, je crois. Allez-y!

M. Romaniuc: Un deuxième rapport qui porte sur la fécondité au Canada, ses tendances, ses perspectives et ses implications sociales et démographiques. J'ai également un certain nombre de copies que j'aimerais bien faire distribuer aux membres de la commission.

Le Président (M. French): La commission veut donc remercier le Dr Romaniuc ainsi que, par son entremise, Statistique Canada pour sa générosité envers la commission.

M. Romaniuc: Premièrement, le rapport général sur l'état de la population comporte un certain nombre d'éléments statistiques susceptibles de vous intéresser: il y a la situation, l'état démographique, les structures démographiques de la population canadienne; il y a également la fécondité, la migration, la mortalité, la nuptialité, tant sur le plan national que sur le plan interrégional. Donc, ce rapport vous permettra de voir le Québec dans le contexte fédéral, si vous voulez, ou dans l'ensemble du pays.

De cette collection riche en données statistiques, j'ai tiré un tableau • je ne sais pas s'il est distribué ou non, j'aimerais bien le passer en revue avec vous. Il y a un rapport qui porte comme titre "Quelques indices démographiques Québec-Canada"; j'ai réuni ici les données qui me paraissaient décrire la situation démographique du Canada et du Québec pour voir comment se situe le Québec par rapport au Canada.

D'abord, vous avez donc, à part la population totale, l'espérance de vie à la naissance, qui nous donne une idée de la santé de la population en termes de vie moyenne, si je peux m'exprimer ainsi, pour les hommes et pour les femmes; vous voyez qu'il y a très peu de différence en ce qui concerne les femmes. Donc, tant au niveau du Canada qu'au niveau du Québec, les chiffres sont à peu près identiques.

Par contre, vous avez sans doute noté une certaine différence pour les hommes; celle-ci n'est pas énorme, mais quand même c'est presque un an; cela fait donc une différence à ne pas négliger. Je n'ai aucune explication, il faudrait voir du côté de la mobilité, des accidents de la route, des maladies du coeur, ainsi de suite, pour pouvoir interpréter cette différence en ce qui concerne les hommes.

En ce qui concerne la croissance de la population, il y a peut-être les indices qui suivent, notamment le taux d'accroissement annuel. Vous voyez immédiatement la différence entre le Québec et le Canada. Le taux d'accroissement annuel de la population canadienne dans son ensemble est d'environ 1%, alors que celui du Québec est de 0, 6%. Donc, là, il y a une différence qui, à la longue, a des conséquences. Maintenant, l'indice suivant porte sur ce qu'on appelle, en fait, le taux d'accroissement naturel, c'est-à-dire simplement la différence entre les naissances et les décès, entre le taux de mortalité et de la natalité. Là, évidemment, les deux coïncident à peu près, avec une légère supériorité pour le Canada.

Finalement, ce qui me préoccupe davantage - j'en parlerai un peu plus, plus

tard - c'est l'indice synthétique de fécondité, qui est donc, pour le définir très simplement, le nombre moyen de naissances que mettront au monde les femmes au cours de leur vie procréative. Là, vous avez une différence qui, de prime abord, paraît minime, mais qui, à la longue, peut également avoir des conséquences. Nous avons, en moyenne, 1, 7 naissance par femme au Canada, alors que ce chiffre est de 1, 5 pour le Québec. Il semble, d'après les données partielles sur la fécondité que le taux diminue davantage pour le Québec.

Bien sûr, l'accroissement de la population dépend de la migration. Vous avez un taux de migration qui est négatif pour le Québec, alors qu'il est positif pour le Canada, bien sûr grâce à l'excédent de l'immigration sur l'émigration pour le pays.

Je veux quand même ajouter quelques chiffres sur la migration, notamment la migration internationale et interprovinciale en ce qui concerne le Québec; pour le Canada, évidemment, c'est la migration internationale. Vous constatez donc un solde migratoire net - nous parlons non pas d'immigration et d'émigration, mais de solde, donc la différence des deux - au cours de la période de 1976 à 1981, d'à peu près 160 000.

Par contre, le Canada a été gagnant du point de vue de l'immigration d'à peu près 300 000 individus. Si vous regardez les deux dernières années pour lesquelles les données sont disponibles, à savoir 1981-1982 et 1982-1983 - ce sont les années fiscales, si vous voulez - vous avez un solde négatif d'environ 25 000 individus pour le Québec. Le solde est, évidemment positif, pour le Canada, mais vous constatez également une certaine diminution du solde migratoire international en ce qui concerne le Canada.

Voilà, donc, la situation telle que ces indices la décrivent à l'heure actuelle. On peut donc se poser la question: Quelles sont les perspectives d'avenir, au tournant du siècle? Si vous voulez jeter un coup d'oeil et voir quel sera le poids démographique du Québec au sein du Canada. Vous avez le pourcentage pour 1951. J'ai pris quand même un recul assez long pour voir ce qui se passe ou ce qui s'est passé. Le Québec formait 30% de l'ensemble de la population du Canada alors que si on se fie à des projections - je crois qu'il y a une certaine base réaliste pour faire ces projections -vous constatez que, vers l'an 2006, la proportion de la population du Québec au sein de l'ensemble de la population du Canada tombera à peu près à 24, 5%. Donc, c'est quand même à peu près 6% de diminution de la population du Québec.

Bien sûr qu'aussi bien le Québec que le Canada, dans la perspective d'une continuation des tendances démographiques, finiront par avoir une population stationnaire ou même une population qui commencera à diminuer au début du siècle prochain. Les deux seront à peu près dans la même situation du point de vue de la progression démographique, mais le Canada, évidemment, bénéficiera toujours - on peut, tout au moins, l'anticiper - de l'avantage de l'immigration internationale, ce qui n'est pas ou ne sera pas, probablement, le cas du Québec. Voilà la situation générale et la situation du Québec par rapport au Canada.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais passer au deuxième volet de mon exposé, celui de la fécondité. C'est celui qui m'intéresse davantage. J'ai été impliqué personnellement dans la préparation du rapport sur la fécondité que je viens de distribuer. Aussi, il n'est peut-être pas exagéré de dire que tous les changements qui sont en train de s'effectuer au sein de la population du Canada comme de celle du Québec ont souvent leur source dans le changement de la fécondité, dans les fluctuations de la fécondité. La fécondité reste le facteur déterminant le plus fondamental de la croissance de la population et aussi de sa structure par âge. (15 heures)

Si je peux juste vous guider un peu à travers ce volume, les trois premiers chapitres portent essentiellement sur les tendances de la fécondité et ses traits significatifs. Vous constaterez que la fécondité, au Canada, a diminué très rapidement à partir de 1960, de presque 4 enfants à 1, 7 enfant ces dernières années. C'est une diminution assez spectaculaire.

Ensuite, ce qu'on constate, c'est que ce mouvement à la baisse est un phénomène général typique pratiquement de tous les pays industrialisés. Le Canada et l'Amérique du Nord ne sont pas les seules régions; c'est un phénomène général, pratiquement partout. Même dans d'autres pays, dans certains pays comme le Danemark et l'Allemagne, vous avez un taux de fécondité qui se situe à environ 1, 3 et on m'a dit que maintenant c'est même un peu plus bas.

Troisièmement, ce qui frappe, c'est aussi une tendance générale du point de vue régional, social, ethnique, linguistique; pratiquement toutes les couches sociales et tous les groupes linguistiques participent à ce mouvement de fond. Je suppose qu'on va suggérer que le taux de fécondité a augmenté même plus rapidement au Québec qu'ailleurs au Canada. Même les autochtones, les populations indiennes, dont le taux de fécondité était très élevé, qui ont joui d'un profil procréateur très élevé, d'à peu près 7 enfants au milieu des années soixante, sont tombés de moitié, à 3 enfants, 3 enfants et demi. C'est vraiment spectaculaire, sinon dramatique.

Avec cette diminution de la fécondité, il y a d'autres transformations dans les

comportements procréateurs. Par exemple, les femmes ont tendance, actuellement, à avoir les enfants plus tard dans leur vie, pas mal même dans la trentaine, alors qu'autrefois, pendant le "baby boom", on se mariait jeune, on était très jeune quand on avait les enfants. Ensuite, un certain nombre de couples n'ont pas d'enfant du tout. Donc, il y a ce qu'on appelle l'infécondité ou la stérilité volontaire qui augmente.

On peut se demander quelles en sont les causes. Ce n'est pas tout simplement une question académique. Si jamais la société décidait d'agir ou de faire des politiques pour encourager ou décourager la fécondité, peu importe, s'il y avait une action délibérée pour influencer les comportements procréateurs, il ne serait pas inapproprié de se demander quelles sont les causes de la baisse de la fécondité. Si on connaissait les causes, on pourrait agir en conséquence.

Honnêtement, je dois dire que - je ne suis pas le seul à le dire, il y en a d'autres qui ont étudié le problème - on ne connaît pas vraiment les causes. On peut identifier un certain nombre de facteurs qui sont associés à la baisse de la fécondité, mais on ne connaît pas la cause de la baisse de la fécondité.

Pour les énumérer très rapidement, il y a d'abord quelque chose qui se passe du côté du mariage: les gens se marient plus tard, il y en a d'autres qui ne se marient pas du tout et il y en a plus qui divorcent. Cela, c'est peut-être un des facteurs. Un deuxième facteurs nous disposons maintenant de moyens anticonceptionnels beaucoup plus efficaces qu'autrefois, ce qui nous a permis de réduire la fraction des naissances non désirées. Quand je dis non désirées, cela ne veut pas dire qu'on n'aime pas l'enfant ou qu'on ne le désire pas, mais qu'on n'envisageait pas d'avoir une naissance. Cette fraction a diminué très fortemement grâce aux moyens anticonceptionnels très efficaces dont on dispose.

Il y a un peu la situation économique qui, je suppose, a joué également: le chômage, surtout parmi les jeunes, le coût des logements, le revenu relatif des jeunes. Cela a probablement contribué à ajourner les mariages et, par conséquent, aussi des naissances, ou même peut-être à préférer des familles plus petites pour pouvoir faire face à des difficultés économiques.

Mais le facteur plus fondamental est toute la transformation qu'a subie notre société surtout en ce qui concerne, je crois, le rôle de la femme. Disons que son rôle, qui était essentiellement celui de la famille autrefois, est en train de se transformer; il y a d'autres préoccupations et d'autres intérêts. Donc, l'entrée massive de femmes sur le marché du travail évidemment doit être un facteur. Mais ici l'interprétation n'est pas simple, parce que je crois qu'on pourrait donner à ce rôle familial versus le rôle non familial trois interprétations. Elles sont d'une certaine importance parce que, selon qu'on l'interprète d'une manière ou d'une autre, les politiques qui pourraient s'ensuivre peuvent différer.

D'abord, on pourrait envisager la situation sous l'angle d'une incompatibilité entre le rôle familial, d'un côté, que les femmes ont assumé surtout dans le passé et continuent à assumer, et le rôle, disons, de quelqu'un qui gagne sa vie et qui travaille; là il y a une incompatibilité et c'est peut-être une interprétation. Une autre interprétation est qu'on fait finalement un choix et qu'on pose un geste économique, selon lequel on choisit entre un certain nombre de biens et de services et des intérêts ou des aspirations. Le problème en devient un de coûts et de bénéfices. Il y a un certain prix à payer pour avoir un enfant: on doit abandonner son travail ou alors on choisit entre certains - je ne sais pas -avantages économiques de telle nature ou de telle autre nature. Finalement, il y a une troisième interprétation qui me paraît un peu plus sociologique et psychologique en même temps, c'est que notre société subit tout simplement une réorientation des normes et des aspirations sociales. Alors le problème devient un peu plus compliqué. En effet, comment agir face à des attitudes qui disent: Bon, on veut faire autre chose qu'avoir des enfants, quelles que soient les considérations économiques? Alors, voilà les trois interprétations qu'on peut donner à ce qu'on appelle le rôle familial.

Je sais que votre groupe est intéressé à savoir l'efficacité de certaines politiques ou la réaction d'autres pays qui subissent le même phénomène que le Canada à l'égard de cette baisse de la fécondité. Le chapitre 7 de cet ouvrage présente notamment certaines données, des renseignements qu'on a pu recueillir. Cela commence à la page 103. Le chapitre 7, porte notamment sur cette question. Pour être bref, la question de l'efficacité des politiques est peut-être simple, mais la réponse est extrêmement complexe. Je ne suis pas sûr qu'il y ait vraiment une réponse dans l'état actuel de nos connaissances. Les avis des spécialistes qui se sont penchés sur le problème sont très partagés. Les résultats de l'analyse sont un peu contradictoires et, ensuite, il n'y a vraiment pas beaucoup de pays où on peut parler vraiment de politiques de population et surtout de politiques en matière de procréation, de politiques délibérées où il y a une volonté des législateurs de manipuler, si je peux m'exprimer ainsi, ou de conditionner le comportement procréateur des citoyens. C'est très très rare, sauf peut-être actuellement en Chine et un peu en Europe orientale. De toute façon, il y a tout de même certains enseignements à tirer de ces

expériences.

Il y a un cas particulier qui m'a quand même frappé lorsque j'ai étudié cette question, à savoir si les politiques, si vous voulez, les programmes sociaux visant la procréation, ont eu certaines conséquences. La France me paraît un pays où on ne peut quand même pas dire que rien n'a été accompli. La France est un de ces pays où les programmes socio-économiques ont été poursuivis avec une certaine force et où la fécondité a été la plus élevée, après la guerre, comparativement à ses voisins, notamment, à l'Europe occidentale. Je dois dire que, depuis lors, la fécondité a diminué en France comme partout ailleurs, mais il faut dire que la fécondité en France se maintient à un niveau supérieur à celui observé ailleurs dans d'autres pays.

Est-ce que c'est une conséquence d'une politique? C'est difficile vraiment de se prononcer là-dessus, mais je pense qu'on a les faits, on les attribue à quelque chose. Il y a peut-être d'autres motifs qui conditionnent les Français à agir d'une certaine manière, mais ce qui nous paraît quand même un peu plus évident, c'est la présence de tous ces programmes sociaux. Je dirais qu'il y a là une certaine évidence que les politiques ont eu certains résultats.

En Europe orientale, dans les pays socialistes, alors que la fécondité n'était pas vraiment un sujet de préoccupation pour les gouvernements, jusqu'à il y a à peu près 15 ans, tout à coup la question est devenue extrêmement importante et un certain nombre de pays se sont embarqués dans une politique délibérée pour stimuler la fécondité, la famille. Les moyens qu'ils ont utilisés sont de deux ordres: d'un côté il y en a qui sont un peu répressifs et négatifs, puisqu'ils ont apporté des limitations à leur législation sur l'avortement, laquelle était très libérale autrefois dans des pays comme la Roumanie en particulier, mais aussi la Hongrie et, dans une certaine mesure, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie. En même temps, il y a eu des mesures que je dirais incitatrices, enfin des mesures positives, sur le plan de l'aide aux familles. Les allocations familiales notamment ont été augmentées d'une manière assez substantielle, de sorte que, dans certains pays comme la

Tchécoslovaquie, elles constituent une très forte proportion du revenu familial. On a vu la fécondité augmenter d'une manière assez spectaculaire pendant une douzaine d'années. Après, la fécondité a commencé à baisser de nouveau et elle est toutefois plus élevée en Europe orientale qu'en Europe occidentale. Est-ce que c'est à la suite de ces mesures? Je n'en sais rien, mais c'est quand même significatif.

Quand on parle des politiques et de leur efficacité, il y a deux pays qui me paraissent intéressants ici à comparer: l'Allemagne occidentale et l'Allemagne orientale. Ces deux pays partagent le même fond historique et culturel, mais leur législation familiale et tout le reste, les systèmes politiques, bien sûr, sont tout à fait différents. (15 h 15)

Dans les années soixante, les deux pays enregistraient une des plus faibles fécondités au monde, 1, 5 des naissances à l'époque. Alors que la fécondité de l'Allemagne fédérale a continué sa tendance à la baisse, la fécondité de l'Allemagne orientale a augmenté, depuis lors, à la suite de toute une série de mesures législatives et sociales, jusqu'à à peu près deux naissances par femme. C'est quand même intéressant d'observer ce mouvement. Je pense qu'on ne peut pas l'attribuer à autre chose, quand même, qu'à ces initiatives à caractère stimulateur pour la famille et pour la fécondité, en particulier.

Voilà en ce qui concerne la question qui nous a été posée avant de venir ici, si on a quelque chose à apporter sur les politiques au Canada. La fécondité et la famille en général sont déjà quand même un sujet de préoccupation au Québec. Je dois dire que les délibérations de cette commission en font preuve. Le Canada anglais a été plutôt indifférent. On peut lire ça dans les journaux et, même parmi mes collègues démographes, on voit que la fécondité a été une préoccupation technique, mais que jamais elle n'a été une préoccupation sociale ou politique.

Nous étions, quand même, frappés par la réaction de la presse qu'a suscitée l'ouvrage que je viens de vous distribuer sur la fécondité. Nous avons eu beaucoup de comptes rendus, de commentaires dans la presse généralement très favorables. En même temps, il y avait dans ces comptes rendus une expression d'un certain souci. Je dis que c'est pour la première fois. Également, pour le secrétariat du comité, j'ai apporté les coupures de journaux pour voir un peu comment la presse ou l'opinion publique ont réagi à la question. C'est intéressant de voir les titres et surtout les problèmes qui semblent les préoccuper.

Pour en finir, je vais vous dire qu'il y avait trois problèmes surtout qui les préoccupaient, en lisant ces comptes rendus. Il y avait, d'abord, la perspective d'un déclin de la population et du vieillissement. Cela, c'était un des thèmes dominants. Deuxièmement, il y avait la conciliation entre, d'un côté, l'emploi des femmes et leurs rôles familiaux: on cherchait les moyens de concilier ces deux rôles. À ce sujet, vous allez trouver deux éditoriaux, notamment, dans le Toronto Star. C'était, donc, un autre thème dominant.

Le troisième thème dominant...

Le Président (M. French): Le premier thème, c'était quoi?

M. Romaniuc: C'était, donc, la décroissance démographique et le vieillissement...

Le Président (M. French): Merci.

M. Romaniuc:... qui sont, bien sûr, les conséquences de la baisse de la fécondité. Alors, ça, c'était le thème un. Le deuxième thème était celui des rôles: d'un côté la famille, de l'autre côté l'emploi, comment ies concilier par l'entremise d'un soutien institutionnel de la part du gouvernement. Le troisième thème, qui a été quand même assez discuté et mis en évidence, c'était le choix qu'on peut faire entre les naissances, l'augmentation de la fécondité, et l'augmentation de l'immigration pour assurer un certain taux de croissance démographique.

Voilà, M. le Président. C'est à peu près ce que j'avais à dire. S'il y avait des questions, évidemment...

Le Président (M. French): M. Romaniuc, je serais tenté de commencer les questions, mais je ne le ferai pas. Je veux, cependant, vous exprimer mes remerciements et ceux de mes collègues. Nous n'aurions pas pu trouver quelqu'un qui aurait pu au début résumer en si peu de temps, la situation démographique comparative Québec-Canada et qui aurait pu nous donner un "briefing" sur la fécondité et plus particulièrement sur les politiques natalistes des pays d'Europe, surtout. Ce fut très utile et je sais que mes collègues auront beaucoup de questions.

But, before we reach that point, I think I would like to invite Mr Nobbé to make his commentary or remarks; after which, I think, we will have questions for both Mr Romaniuc and Mr Nobbé.

M. Nobbé (Charles): Thank you, Mr President. I hope that each of you received most of what I put together in writing, a first draft if you like of the paper, because I hope to follow the outline fairly closely, perhaps to summarize it in different words. I think it would help for you to see the argument that I am trying to develop here. I have divided this paper into two pieces. You have part 1, which is an effort to try and summarize a very complex subject on which there is by no means total consensus at this point. In probably a deliberately oversimplified manner, my private view about doing this is that I think it is better at least to have a simplified presentation rather than to try to give you all the nuances and caveats, many of which, frankly, I do not think I am expert enough to fully understand myself.

In the course of doing this, as I have gone through the presentation of what we know about foreign direct investment and its relations to population growth and economic development, I have tried to see in part 2 what might be the implications of these remarks with respect to the future of Canada's economic growth. As I develop more clearly in my second section, I elaborate some of the reasons why I think these two pieces are connected, and suggest that perhaps these implications have been underplayed, meaning they have not been sufficiently thought about at this moment and require, as a treatment of the whole field of population and development, more consideration not just on your part as Members of the National Assembly, but on the part of all people who have an interest and, perhaps, a stake in world development to come.

If there is a reservation that I have about this presentation, it is simply that the kind of remarks I make tend to have a sort of medium or long term effect about them. I simply do not pretend that the kinds of things I proposed or advanced for your consideration will come tomorrow, though some of these are known about. Some of these are being discussed, but it will take time, as I think it will become obvious to you.

Turning now to part 1, I would like to talk initially a little bit about the subject of population growth and economic development. I will classify, if you like, two major schools of thoughts realizing that there is water running between the two extremes on the continuum, mainly to give you a feel for what is out there at the ends. On other words, what the extremist on either side say, and, simplistically, I have called one an optimist group and the other a pessimist group.

If I were to summarize the phasis of the optimist group in a sentence... I have simply said here that I think that population growth is a necessary condition for increasing economic development in the long run. Now, I thought a little bit about the putting together of that sentence, because if this today were in fact 1974 and we were sitting in Bucarest listening to the first World Population Conference on the subject, we would have been in a fight by now, because sitting around that room were people from both sides of the fence who claimed: Look, if we do not have economic development first, it is not worth thinking about population development, and the other side coming in and saying exactly the opposite. It is perhaps heartening to know that at the second International Conference on Population, which I had the priviledge on attending in Mexico this year, there was a balance view that could not possibly have been predicted or imagined ten years ago,

much of this, in fact, coming from the Third World itself where, in fact, the interrelationships between economic development and population growth are what we call symetrical. That is, they feed on each other. It is a feedback system: both sides of the causation have some impact on the other; and, therefore, that is a measure of the sophistication of thought. But stated simply, I think this is the main argument that people who are optimist make.

The premises under which these kinds of reasonings take place is that people work harder when the size of their families increases. They talk about the importance of population growth as sort of being necessary to the stock of expanding technicological knowledge and they talk about, particularly, an assumption that relates to larger populations having more opportunities for business investment. The old scale-of-production idea.

This is a point which I think you might keep well in mind in your deliberations about Canada, because, you know, you could turn it around and ask: Would Canada prosper, for example, if our population in this country grew, say, by a factor of five? Would that enable us to do something with our economic growth dimension that now cannot be done because of insufficient scale of production?

The conclusion that these factors, in assumption, put together, simply says that the combined effect of all these premises is that a long-run economic potential tends to be increased if we continue to increase the size of the labour force. A strong exponent of that view is Professor Julian Simon who interestingly made this view as the major United States presentation at the ICP, that is the International Conference on Population Delegation this year, and in the course of doing that, shocked about 75 nations off their seats. You could see the electricity that was going through that.

Mr. Simon was, in his former years, a very brilliant labour economist, but he has come to a very different conclusion than many of us have, on the other side of the camp, about the relationships between population growth and economics, and, essentially, in oversimplified terms he was telling third world countries: Do not worry about your growth. Things will take care of itself. We will have to look at more details of the economic prosperity question itself. Anyway, he presents very clearly a certain view and, whether one agrees with him or not, I do not think it is particularly important. It is important to, perhaps, know about it and see the logic of how he comes to his conclusion. That is what I think.

On the other side are the pessimists. The pessimists, I have characterized, are people who say that basically countries' prospects for economic development are less the faster the rate of growth. A champion of this particular view is the well-known economist demographer, at Princeton University, Ainsley Coale, but he is joined by quite a number of others and their premises deal with a variety of points which I have summarized down below, namely that natural resource bases of countries are fixed and independent of size of population and that, as children in population grow, adults find it difficult to divert enough of their current output from consumption to investment in order to make the growth self-sustaining. This is an argument with which, I am sure, you are familiar. (15 h 30)

These two views, as I said, characterize the extremes of the idea of population growth in economic development. There is a great deal that falls in between but I do not think it is worth using this time to try and look at the new answers. I move on then to look at the subject of a foreign direct investment and its connection to economic development and, in doing this, I try to characterize three basic types of direct investments and the motives that foreign countries - let us say Canada, United States or somewhere else - have in fact in investments in one, two or three of those particular characterizations. I talk about export-oriented investment, for example, the motives for that kind of involvement. I point out that this investment is typically undertaken by firms with established domestic and international markets and that the raw materials in component parts, as well as sources of finished products, are evident, for example, in things such as extractive industries like mining, petroleum production and that this kind of investment tends to reflect a sort of vertical integration on the part of member firms.

Manufacturing industries could be similarly sighted and a good example of that would be the electronic industry, where the assembly work is done in a labour intensive manner, in countries with comparatively low-wage rates, and the final products are sold in the home country of the parent firm. In looking at market development investments, the motives for investment, here, differ from the other two in two important ways. Firstly, the output of the parent companies' foreign subsidiary is so primarily in the host country. Secondly, the investment is made primarily in response to such economic factors as the size of the local market, the rate of growth in host country per capita income, and so far.

Turning finally to government initiated investment, this investment occurs almost exclusively because of investment subsidies offered by host country governments. In the absence of these inducements, FDI, that is foreign direct investment, most surely would not take place. Incentive to invest, then,

depend on a variety of factors, including import structures in the form of quotas, prohibitive tariffs, such things as access to foreign exchange, tax concessions, and so forth. The investment decisions tend to be project-specific rather than industry-focused and take place only in response to specific host country initiatives. So that if we look at this as a certain type of investments, a great deal of more dialogue, obviously, is required with those host countries that a country such as ours or some other country would interact with. It is likely to be, in the years ahead, a growing type of investment, as people work to smooth out some of the wrinkles of what is referred to as GATT. I'll deal with that later.

Now, if we go on to look at the benefits that the proponents, those who argue for foreign direct investment, claim, I divided them into direct and indirect benefits. Although, they are rather simplistically summarized, I think they captured the sense of what you probably would understand to be the benefits as they perceived them. I am just taking the instance: proponents of direct benefits with proponents of FDI point out that the addition of capital technology, management skills to economies that lack those, does considerable amounts to improve their prospects for a better economic future. It makes available an access to foreign markets, that otherwise is not possible. It attempts to improve balance of payment positions in the host country, namely by increasing foreign exchange reserves. And, finally, it deals with raisings of wage and employment levels of the host country by creating jobs and enhancing the productivity of labour. Those would be the type of direct benefits. The indirect benefits, I think I will skip here just for a moment, though I have enumerated them; I guess, indirect, it simply means that they are, one, slightly less important, but they are there and they are deserving a reflexion as you go through this material.

The critics of FDI argue, however, that no matter what we do, we are faced with a situation in which the end result is more economic losses than gains. What explains, then, these economic losses? Why do losses occur more than gains if we look at that in capital-flow terms? Well, the direct causes deal with such things, for example, as worsening of the host countries' balance of payments through an excess of outflows over inflows. There is a tendency of multinationals to finance major shares of their investment by borrowing from the local market, and, thus, preventing other indigenous entrepreneurs in the host country in question from doing the same.

The indirect causes enumerated here include the failure often of multinationals to create employment opportunities to absorb new entrances into the local labour force. And this is, in fact, an important point, because the estimated figures that I have seen from the International Labour Organization, ILO, show that in only sixteen years time away, we will have to provide, or rather the world will have to provide, for jobs that relate to 900 000 000 additional entrances into the labour force. This is a staggering number.

I summarized, then, some of the other points in indirect causes and I think I will leave mention of that. But, with respect to conclusion, the arguments of those who say foreign direct investment is not worth the effort, would be that essentially the effect is to heighten economic dependency of host countries on western industrialized countries and also to depress the rate of growth in host country per capita income below what it would be if all developments were financed from international resources.

As I read that sentence, I think of country examples that fit that, as well as country examples that do not fit that, so I remind myself that I am generalizing at a very macro-level only because I want to try and present you, when you have more leasure to look at this, with the holistic view of the argument.

I deal very briefly with the assessment of assessing foreign direct investment positions, that is both views have merits and flaws, and you, who are wise and knoledgeable about some of these, will have to look at them carefully. All I point out here is that it will require critical and rigorous empirical evaluation of the net impact of FDI on the balance of payment position and level of employment. I mention a few suggestions as to what kinds of considerations, one or two looked at more carefully, as you look at balance of payments and employment creation.

In trying to summarize and conclude a very large amount of literature on the subject, I realize that I have, in fact, shaked it with a bias of a sort. I thought it I would be better that, at least, I tipped my hand, as we say, not with a dogmatic conclusion, but, at least, with a point of view which, while it know it can be argued, gives you an advantage to have a bench mark to come from.

I discuss, in my summary conclusions, three aspects of this whole argument. Firstly, I look at the development role of foreign direct investment, FDI, and I note that the theory tells us, in general, that higher the rates or the levels of investment, the greater the rates of capital formation and technical progress and, also, the faster the rate of economic growth. I note also that there is empirical evidence from selected development-level contries and I

note some of these, Malaysia, Taiwan, Korea, Singapore - I should have mentioned Thailand since that is included - that tend to give empirical confirmation to this generalization. I also note that FDI, foreign direct investment, to the extent that it stimulates exports or replaces imports, can partially offset and, perhaps I say here, eliminate foreign exchange that may be strong, but, at least, can partially offset the foreign exchange constraints on growth.

In looking at the second conclusion concerning FDI and population growth, I note that the information I have cleaned indicates that, where rates of increase in the national product exceed rates a population growth, in other words when rates are at levels beyond those of population growth rates, per capita incomes tend to rise. Moreover, the growth in per capita income could possibly become self-reinforcing, and I explain why this is so, suggesting that we are looking, here, at a relationship and, although we should be careful about implying causation on this, I noticed that the literature does tend to argue that, in fact, the two variables set as GNP levels and population growth levels are causatively connected. This is probably, very strictly, not totally accurate but I intend to pick up that theme in the rest of my development.

Finally, with respect to FDI and employment creation, I note that obviously to reduce unemployment in developing countries which I call DCs, the rate of increase in labour demand must necessarily be greater than the rate of addition to labour supply and that, in turn, depends critically on what the level of the population growth rate is.

Now, having then summarized sort of what the theory, if you like, in macro-terms tells us about the relationship between population growth and economic growth - I am certainly for developing countries - and the intrusion of foreign development investment into that, from developed countries, I would like to go on to explain a little bit why I have started off with this presentation. Basically, I have three reasons. Firstly, I have written that, with respect to our knowledge about these relationships, it is, in fact, more extensive and current in developing countries than is the case in industrial countries, where only recently the concern has been voiced about possible adverse economic consequences stemming from low and eventually stationary population growth rates.

I note that the demographic literature that addresses this subject does exist but it relates to an earlier period in our history when we experienced very low birth rates stemming from the economic depression. I have some reservations, I am not totally set on this, but I do have some reservations about the relevance and the appropriateness of such literature, given the profound changes that have taken place in our economy, particularly as a result of technological discovery and intervention.

A second reason for dwelling on developing country situation is to call to your attention an item of growing international significance, namely that of global economic interdependence. Face with the prospect of enormous increases in the numbers of people on the planet Earth in the next two decades estimated to grow by 2 500 000 000 beyond today, as well as with the rapid depletion of nonrenewable resources, it would be a prerequisite, in fact, not to mention a challenge, for planners in Canada and in other industralized countries responsible for designing an implementing economic strategies, to take into account the economic political and social changes that are occuring in much of the rest of the world. Developed countries that failed to heed this admonition will jeopardize their position in the market place as nations elsewhere grasp furtively, in some cases desperately, for a piece of the economic pie. (15 h 45)

A third reason that I sight, in support of the orientation I have developed in part I, though conjectural at this time, has to do with attitudes and values expressed by a growing number of Canadians, married and not married, who have decided in favor of or are persuaded towards low or nonexistent reproduction. Increasingly, it is recognized that high unemployment among youth and young adults, with the likelihood of perpetual joblessness in sight, for some, creates an unfavorable climate for procreation. One conclusion that emerges thus, is that job security is a necessary condition if people are to reconsider their fertility decisions in favor of having more children.

Related to the above point also, is the growing concern among youth and young adults in Canada, all be at an individual level, that rapid population growth contributes to global conflicts and social instability. This perception is not always articulated in precisely this manner; certainly, other disturbing considerations emerge with the same thought. For example, nuclear annihilation, global ecological devastation of the environment, and so on. Nevertheless, when fused together and internalized, these anxieties also served to reinforce values, as well as actions, that result in below replacement fertility.

Now, having then given you three reasons - and it's not a total exhaustive index of why I have focused on developing countries initally - I turned then to give you an exposition on why I feel that we should give more thought to areas that might address some of the concerns that I have

laid out, and I do this in, essentially, three different ways. With respect to the first area, I have suggested that I think a great deal of what is likely to happen with respect to Canada's demographic future depends, in large part, on what economic prospects lie in store for us in the years ahead. I suggest that job creation is the key issue. I suggest that it is employment that is likely to provide the greatest single incentive for raising the level of fertility.

Let us follow through this contention for a moment. In other words, let us assume it is correct and see where it takes us. What does it do with respect to our thinking, for example, about economic growth? One strategy, not an exhaustive one, but the one that I am preoccupied with in my presentation, is the effort to give and place more emphasis on increasing international trade with developing countries, in terms of foreign development investment for selected countries, and as well as raising the level of financial contributions to private bank lending, and ODA, official development assistance, to those nations that are at the lower end of the development scale, if you like.

I point out that encouragement of world trade will only make sense in the long run, however, if conducted in accordance with the multilateral framework of GATT, that means the General Agreement on Tariffs and Trade. It is an institutional arrangement that essentially enables developing and developed countries to share in a set of ground rules that gives both countries alike benefits and responsibilities.

I note that, from Canada perspectives, fulfilment of the GATT principles will involve trade-offs between the objectives of increase access to foreign markets and improve economic efficiency, on the one hand, and the pressure to protect vulnerable Canadian industries from import competition, on the other. Moreover, I note that Canada, taking into account that it is a middle-power country with an established record of peaceful and trustworthy relations built up in the Third World, is in an ideal position to display leadership through proposing significant actions and initiatives with regard to a number of points. I laid this out, I will not go through them here, except to say that these are initiatives that all relate to improvements of making the GATT institution work. They are improvements with respect to obtaining additional funds for private income borrowing and for re-examining eight strategies for dealing with Canada's North-South relationships, specially if we look at those relationships from the point of view of trade and finance.

Now, if that is to be a strategy that is deserving of a harder look in your medium-to long-term deliberations, I have noted to myself that it will have to take into account another area that I feel has also been underrated, undervalued, despite the fact that there have been recently some interesting studies done on this by the Royal Commission, for example, on Economic Union and Prospects for Canada, the Economic Council Report and our Federal Parliament in Ottawa. I refer here to the way in which the economic growth decisions of the future are likely to affect the structure of output and labour utilisation in Canada, as, for example, it is certainly going to happen through technological change. In a nutshell, I say to myself: What kinds of jobs and skills are required to fulfil the economic strategies of tomorrow? Who should provide the training? The conclusion I drew from looking at some of those sources, that I just cited to you, is that there is a need for a national perspective on education. It is becoming growingly apparent that the lack of a labour force trained to use the technologies of the future and unable to adapt to change is a major weakness of our industrial system. For this reason, I suggest that Federal and Provincial Governments spare no efforts in devising a more coherent national policy in respect of education, skill training and retraining. Obviously, the objective of that effort would be to reduce duplication, to cease training for people for occupations that are not going to be in demand and to develop a truly national policy to replace the current ineffective hodgepodge of policies.

In dealing with the question of what institutions should undertake this training, obviously, the obvious ones come to you: colleges and universities, training institutes. I indicate that probably these will not be the major institutions involved and, therefore, it will involve on our part, on your part, thinking about alternatives. I suggest that one possible alternative is likely to be business and, if what we see that is happening in United States is any indication, business corporations are transforming the methods and procedures of traditional education in ways that you and I would scarcely imagine in three years time. Their growing presence on the education scene unparalleled and largely unnoticed introduces a new concept of who the educated and productive citizen is, in the late twentieth century society. I did not enumerated the specifics here, but there has been a report by the Carnegie Foundation that has just been published that goes into this in great detail. One of the interesting efforts that is being made by business corporations is what they call "satellite universities". These are satellite universities that are run through computer systems that enable people to take courses from a whole variety of places. And one of the interesting things about that is the government moneys saved from

investments in very labour-intensive areas such as education, but, at the same time, honing the kinds of skills with modern technology to develop outputs efficiently and very quickly. I should also point out that business is going to continue to increase this effort, at least in the United States, and they have ample amounts of dollars that they plan to invest. As to technological innovation in job creation that would improve our competitive position in international trade, the possibilities are numerous. I did not have a chance to develop this but I wrote down here - because I am familiar whith this myself - that you probably would not be surprised to learn the extensive use to which PCs - personal computers - are being used in growing areas all over the world to provide, with appropriate software packages, all kinds of learning opportunities that did not exist five to six years ago. I give you that only as a example because I have often been chagrined in Canada that some of our most brightess minds are entrepreneurs, innovators, are often people who do not have a chance to flourish in the kind of times that we live and I think that this is an opportunity with an example of how that could be given more attention.

Now, I turn finally to deal with the third area were, you recall, I said that there is a relationship, some feel that it is causively connected, between rates of population growth and per capita increases. I would like to follow through just a little bit on the implication of that remark. In this way, why should we be interested in curtailing population growth in developing countries. I think that it is really the question that it boils down to. I have noted earlier - well, I mentioned that statement here. And I have noted also that, usually though not invariably, this situation of the rates between per capita growth and income in obtained, though there are some exceptions. And in those generalities, fertility tends to decline as a result of efficient family planning programs. So, I suggest that this connection is reasonably clear, that if we are to bolster our international trade as a strategy to increase economic prosperity in Canada, we should better pay attention to what it is happening to population growth. The thesis, then, is that rapid population growth retards economic progress. Or, if we stayed at the other way around that population growth looked at conversely, that slower population growth can help accelerate development. It is just the other side of the coin, if you like. I indicate three basic reasons for why these two are connected suggesting, one, that as population grows more rapidely, the question of larger investments are needed just to maintain current capital at the person level. I mean both physical and human capital.

I note, secondly, that in many countries, increases in population threaten what is already a precarious balance between natural resources and people. And some of you who have been following the deliberations on television in Ethiopia or, for that matter, in Kenya, will see that. Lester Brown, who is the head of the World Watch Institute of the United States, has elaborated this probably better that any I know.

Point three. That rapid population growth is creating urban and economic social problems that risk becoming wholly unmanageable. What I simply mean, here, is those of you who have had the opportunity to visit in countries where city build-ups are going out at an enormous rate, in fact double the rates of national population growth, can see for yourself what this means if nobody puts a curtailment on that type of migration flow. They would produce infrastructures simply incapable of the human mind trying to manage.

Now, I ask myself: Are there appropriate policies to slow population growth and having been in this game for close to 20 years, I have concluded: Yes, there are and they are not hidden from view. I would almost say: they are common sense, they deal with provision of health services, education, women development which is a relatively late entry into this whole orientation and, of course, provision a family planning services. And I note that, of all these interventions, the developed country experience shows that it is in fact public support for family planning programs that really does lower fertility quickly. I note that, in this whole argument, the importance of easy access to clinics, to health installations is an absolutely indispensable condition for this success.

Le Président (M. French): M. Nobbé, si vous me permettez, if you will permit me, I would just like to point out that when I asked to you and Mr. Romaniuc how long your presentation will take, I was told 20 minutes for the two of you.

Là, on en est rendu à une heure et quart; it is an hour and a quarter, and if we are to have an opportunity to ask questions to you about the many interesting subjects which both of you raised, I think we have to wind up relatively quickly. Comme je vous ai déjà dit, je pense, je dois moi-même quitter dans une quinzaine ou une vingtaine de minutes. Le vice-président va prendre la responsabilité de la commission, à ce moment-là. But, I think that, if we are to have any kind of discussion or opportunity exchange of views, we have to end up fairly rapidly.

M. Nobbé: Would you give me one

minute, literally, to finish because I am almost at the bottom of that page.

Le Président (M. French): Fine.

M. Nobbé: I wanted to say that closely related to the provision of family planning services is the other effective intervention: schooling, notably that of women where we observed that educational levels beyond primary level have absolutely dramatic effects on fertility decline. Unfortunately, these are relatively longer term, but to point out to you that education is, in fact, synergetic, with it goes hand and hand more contraceptive knowledge and practice as well as alternative strategy for women who want to do something besides childbearing. (16 heures)

My final point that I come to is that, if these arguments make sense, we will have to give very careful thought to the kind of population assistance that we provide to developing countries in the time ahead. The point is that we do not provide very much assistance at this point and that we are well below the international averages in this area. I would suggest that, if we are going to explore this field, that we pay account and attention to the ways in which Canada can benefit from relevant manufacture of its products through bilateral or multilateral channels, and I think, there, I will conclude my arguments, Mr. French. I apologize to the lengthy time.

Le Président (M. French): Not at all. I think that your broad knowledge and your ability to remind us of the interdependence and the interconnection of these problems has been extremely interesting and valuable to us. I would like to thank you for the obvious enthusiasm as well as the broad experience and knowledge that you brought to the deliberations of the commission.

Je voudrais profiter des prérogatives de la présidence pour poser une question. Cela va être d'abord à M. Romaniuc, mais cela va découler, effectivement, de ce que M. Nobbé vient de dire. Je me suis posé la question: Pourquoi l'indice de la fécondité est-il plus bas encore au Québec qu'au Canada? Je me suis demandé si la réponse ne se trouverait pas dans le constat qu'a fait M. Nobbé que l'éducation, surtout celle de la femme, a un impact assez important sur le comportement reproductif des familles, des femmes en particulier, sachant que l'amélioration du niveau de l'éducation des femmes québécoises a augmenté beaucoup plus rapidement depuis 20 ans, je pense, toute proportion gardée, que le statut éducatif des Canadiennes d'autres provinces. Y aurait-il là une explication pour la réaction encore plus grande, l'ampleur encore plus substantielle du changement du comportement des femmes ou des familles québécoises entre les années 50 et les années 80?

M. Romaniuc: Oui, M. le Président. En effet, je serais tenté de souscrire à votre thèse, à votre interprétation d'un phénomène, qui est, évidemment, très complexe en soi. Je crois qu'il y avait quand même une certaine marge entre les niveaux de vie, tel qu'on l'a observé, de ce qu'on appelle le Canada anglophone et le Canada francophone. II y en a peut-être de la part des couples francophones. Ils ont un certain empressement de rattrapper, si vous voulez, l'écart pour arriver au même niveau de vie. Il y avait donc un ajustement peut-être un peu plus douloureux à faire, si vous voulez, en termes de comportement procréateur. La motivation ou le motif, disons, de restreindre la fécondité pour bénéficier d'autres avantages économiques était peut-être plus fort. Il me semble que c'est une interprétation plausible.

Le Président (M. French); Maintenant, juste une autre question avant que je donne la parole au député de Mille-Îles qui me l'a demandée. Dans votre tableau, nous voyons un écart dans le taux d'accroissement annuel de 0, 4%, c'est-à-dire qu'au Québec, c'est 0, 6% et, au Canada, c'est 1% dans votre tableau.

M. Romaniuc: Oui, c'est cela, celui que j'ai distribué.

Le Président (M. French): Cela c'est un écart, si j'ai bien compris ce dont il s'agit, qui a des implications énormes à moyen terme. Est-ce que toutes ces implications se retrouvent dans les projections en bas?

M. Romaniuc: Oui, en bonne partie, effectivement. D'abord, lorsqu'on a élaboré les projections pour le pays, les provinces et le Québec, on a fait un certain nombre d'hypothèses quant à la fécondité et à la migration. Bien sûr, la fécondité, actuellement, est un peu plus basse au Québec. On a un peu pensé que cela allait continuer. Évidemment, l'autre facteur, c'est la migration interne et, là, nous savons que le solde est négatif pour le Québec. C'est cela qui était à la base de ces projections.

Le Président (M. French): Votre hypothèse c'est que cette saignée de population, la migration interprovinciale va continuer, à toutes fins utiles, jusqu'à l'an 2006.

M. Romaniuc: C'est cela. Dans la mesure, voyez-vous, où on peut quand même être sûr de quoi que soit en ce qui concerne l'avenir. Je pense que l'hypothèse a quand même une certaine plausibilité, étant donné

qu'il y a quand même une certaine perspective, une certaine histoire derrière; et, pour au moins une douzaine d'années, le Québec a été perdant en ce qui concerne la migration.

Le Président (M. French): D'accord, maintenant 19 ans, à peu près. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Je veux remercier quand même le Groupe de travail canadien sur la population pour être venu présenter ici un mémoire très intéressant.

Je voudrais faire des commentaires ou poser des questions sur le tableau de quelques indices démographiques Québec et Canada. Je voudrais savoir, dans un premier temps, quel est l'indice d'erreur dans vos tableaux. Je vois ici l'indice de fécondité en 1982; il est de 1, 52 naissance par femme; au Canada, c'est 1, 69. Vous faites une progression ou une projection jusqu'à l'an 2006, si je comprends bien. Qu'est-ce qui vous dit que ce chiffre de 1, 52 naissance par femme sera le même dans dix ou quinze ans? C'est ma première question.

M. Romaniuc: Oui. Votre scepticisme est tout à fait partagé par nous, qui enfin, entre guillemets, nous considérons comme des "spécialistes des projections". C'est tout à fait exact: on n'a pas vraiment une base très solide pour anticiper l'avenir, mais nous avons plus qu'une hypothèse. Il n'y a pas qu'une seule hypothèse sur la fécondité et la migration. Nous avons, par exemple, une fourchette d'hypothèses: il y a trois hypothèses notamment quant à la fécondité. La première: que la fécondité reste à peu près à son niveau actuel jusqu'à la fin du siècle, avec de petites fluctuations; essentiellement donc, que la tendance de fond reste la même. La deuxième: que la fécondité va continuer à diminuer jusqu'à à peu près, je crois, 1, 4 naissance par femme pour l'ensemble du pays et, un peu moins pour le Québec: 1, 3 ou quelque chose comme cela. Une autre hypothèse, qu'on peut appeler optimiste - c'est un jugement de valeur que je veux éviter en tant que fonctionnaire de Statistique Canada; il n'y a pas de bien ni de mal chez nous, on est au-delà du bien et du mal - de fécondité relativement forte, notamment que les tendances vont se renverser et la fécondité commencera de nouveau à augmenter jusqu'à concurrence de 2, 2 enfants par femme. Alors vous voyez, nous avons une marge d'erreur là-bas, on tient compte des erreurs possibles dans cette espèce de fourchette d'hypothèses.

M. Champagne: Mais c'est très important quand même. Entre l'attitude la plus pessimiste et l'attitude la plus optimiste vous avez un pourcentage d'erreur assez considérable. Si on fait une projection sur 20 ans, je vous dis que les chiffres que vous présentez là peuvent être aussi changés.

M. Romaniuc: Oui, effectivement. Quand vous voyez au bas de mon tableau le pourcentage de la population du Québec par rapport à l'ensemble du pays, il y a de 23, 8% à 24, 5%; il y a là une marge qui tient compte de ces hypothèses variables.

Le Président (M. French): Mais 24, 5%, c'est suivant l'hypothèse de 2, 2 enfants par femme?

M. Romaniuc: Ce sera une hypothèse, donc une combinaison si vous voulez d'une fécondité plus élevée...

Le Président (M. French): D'accord.

M. Romaniuc:... et d'une migration plus favorable au Québec. Par contre, si vous voulez le pourcentage de la limite inférieure, donc une combinaison d'une faible fécondité, ou qui faiblit davantage, et d'un solde migratoire qui est même pire qu'actuellement.

Le Président (M. French): Excusez-moi, le 2, 2, c'est un taux canadien. Il y a un redressement dans le pays, qui comprend celui du Québec mais qui ne se limite pas au Québec.

M. Romaniuc: C'est cela, c'est un taux canadien.

Le Président (M. French): Bon.

M. Romaniuc: Oui.

Le Président (M. French): Alors, le chiffre devient pas mal convaincant, même selon l'hypothèse optimiste.

M. Champagne: Enfin, je pensais que la marge d'erreur serait plus considérable que cela, de 23, 8% à 24, 5%. J'aurais pensé que cela aurait donné une différence encore plus considérable.

C'est la même chose, je voudrais parler de votre tableau au sujet du solde migratoire net. Si je prends de 1976 à 1981, vous avez 156 000 personnes en moins, interprovincialement, au Québec. Si je divise par cinq, cela donne à peu près 30 000 départs vers les autres provinces. Je m'aperçois qu'en 1981-1982, cela descend à 25 000; en 1982-1983, c'est 24 000 et j'étais pour dire 1983-1984 et le reste... Est-ce que vous pensez, statistiquement parlant, que le solde migratoire net va aller en diminuant d'année en année, selon la projection qui est devant nous?

M. Romaniuc: Votre intuition ne vous trompe pas. Elle est confirmée, si vous voulez, par les statistiques les plus récentes. Effectivement, nous avons les mêmes statistiques pour la toute dernière année, 1983-1984, des statistiques provisoires qui révèlent un solde migratoire de 19 000 seulement. Vous voyez donc que vos projections vont dans...

M. Champagne: C'est fantastique, monsieur. II faudrait peut-être les ajouter pour les membres de la commission, ici. Sont-elles officielles, monsieur, ces...

M. Romaniuc: Elles sont officielles dans la mesure où on les qualifie tout de même de provisoires, parce que nous attendons d'autres données pour confirmer la tendance.

M. Champagne: Voici, M. le Président, c'est assez intéressant ce qui se passe là. Enfin, dans le solde migratoire, faudrait-il ajouter 1983-1984? et nous sommes dans un solde migratoire net de moins 19 000. Cela veut dire que la tendance est assez intéressante quand même. Est-ce que... Je ne sais pas... La question que j'ai le goût de poser est: Dans combien d'années croyez-vous que la tendance sera à zéro? De toute façon, on aura un point zéro. Enfin, c'est que l'immigration... Je pose la question à M. le ministre.

M. Romaniuc: Je crois que nous n'avons évidemment aucune base solide de faire...

Le Président (M. French): Excusez-moi, monsieur. Messieurs, nous avons un invité parmi nous. Il ne faudrait pas interrompre quand même nos invités. M. Romaniuc.

M. Romaniuc: Merci beaucoup. Nous n'avons aucune base solide pour projeter, surtout la migration. La migration est extrêmement volatile vous savez. Il y avait une tendance au solde négatif pour le Québec pendant toute une série d'années, une douzaine d'années. Autrefois, c'était un peu différent quand même. Nous avons vu des tendances migratoires vers l'Ouest, par exemple, vers l'Alberta et la Colombie britannique et nous avons vu, la dernière année, en 1983-1984, un reversement spectaculaire du mouvement. Je pense qu'il ne faut tout de même pas exclure la possibilité d'un renversement en ce qui concerne le Québec. Est-ce qu'il sera aussi spectaculaire que celui entre l'Alberta et l'Ontario? Reste à voir. Je pense que n'importe quelle projection doit quand même tenir compte d'abord de cet aspect volatile de la migration. Ensuite, je crois qu'il y a quand même déjà cette tendance actuellement. L'année dernière nous démontre qu'il y a probablement quelque chose qui justifie cette diminution du solde migratoire et qui pourrait être un début d'une reprise d'un renversement.

M. Champagne: Et même qui pourrait changer aussi les chiffres d'en bas de 23%.

M. Romaniuc: C'est exact.

M. Champagne: On parle de naissances mais on parle aussi de migration dans tout cela.

M. Romaniuc: C'est cela.

M. Champagne: C'est pourquoi les chiffres du bas sont quand même très hypothétiques.

M. Romaniuc: Oui, ils le sont.

M. Champagne: Je voudrais poser une autre question dans un autre domaine. On a parlé, vous savez...

Le Président (M. French): M. le député, je dois quitter; vous êtes maintenant le président de la commission. (16 h 15)

Le Président (M. Champagne): Voici ma deuxième question. Vous avez parlé tout à l'heure de revenus augmentés dans un pays et, par le fait qu'on a eu un coût de la vie peut-être raisonnable et des revenus qui augmentent dans les familles, le taux de fécondité a été plus grand. C'est bien cela que vous avez dit, je pense, à un moment donné, en donnant l'exemple d'un pays. Si, au point de vue économique, cela va bien, cela favorise la fécondité. Je vous demande si cela peut être une mesure pronataliste. Bien sûr, on va espérer que l'économie aille bien, qu'il y ait le plein emploi; je pense qu'automatiquement on devrait avoir un taux de fécondité meilleur.

Je regarde ici, dans l'une de vos études, "La fécondité au Canada", page 111, un tableau où on parle des réactions du public face aux mesures pronatalistes. Je sais bien qu'il n'y a pas beaucoup de participants qui ont fait des suggestions, mais peut-être sont-elles indicatives. "Type de mesures favorisant la fécondité et nombre de réponses-correspondance". Vous avez ici: "Salaire à la femme au foyer"; il y a 49 personnes qui prévoyaient que c'était quand même l'une des mesures les meilleures pour la fécondité. Ensuite: "mise sur pied de garderies: 32 personnes; augmentation des salaires: 12 personnes; aide au logement: 9, éducation gratuite... " Vous voyez quand même l'espèce de progression à partir du salaire de la femme au foyer.

Ma question est celle-ci. Bien sûr, on va souhaiter qu'il y ait une reprise économique, une bonne situation économique,

mais est-ce que vous avez analysé certains éléments de politique pronataliste comme statisticien? Je me demande si c'est dans votre domaine de faire des recommandations, mais monsieur a quand même fait des recommandations tout à l'heure. Est-ce que vous iriez jusqu'à faire des recommandations comme le salaire à la femme au foyer et le reste?

M. Romaniuc: M. le député, je dirais que je suis dans une situation un peu délicate en tant que fonctionnaire. D'un autre côté, honnêtement parlant, je ne me sens pas en mesure de parler avec une certaine compétence de ce qui concerne les politiques en matière de procréation en soi. Je fais, dans mon rapport, l'analyse des réactions du public, de répondants, de femmes aux questions telles que vous les avez identifiées tout à l'heure. Maintenant, quant à me prononcer sur la faisabilité ou quant à dire si certaines mesures seraient plus à conseiller que d'autres, je crois que la question dépasse un peu ma compétence, honnêtement. Non pas que j'essaie de me soustraire, d'éviter la réponse, mais il me semble que je n'ai pas une compétence suffisante en la matière. Je suis un peu navré de ne pas pouvoir tout à fait satisfaire votre attente à ce point de vue.

Le Président (M. Champagne): D'accord. Je pense que le député de Saint-Henri avait des questions à poser.

M. Hains: Messieurs, j'ai admiré votre science, à vous deux, c'est formidable. Vous parlez, comme je le disais tout à l'heure, des problèmes techniques de fécondité comme un poète parle de l'amour. Pour vous, cela semble si facile!

En conclusion de cela... Dans votre conclusion, dans votre livre, vous dites ceci. Je reprends un peu la question de M. le Président. "Dans quelle mesure, disiez-vous dans votre conclusion à la page 113, les politiques d'un pays peuvent-elles influencer le comportement des citoyens en matière de procréation?" Là, vous donnez comme exemple de succès, un peu la France et l'Europe de l'Est. Un peu plus bas, vous continuez: "On ne doit donc pas conclure que rien ne peut influencer le comportement des gens. Il ne faut pas conclure trop vite non plus qu'une société moderne ne dispose d'aucun moyen efficace pour redresser sa fécondité. " Donc, il y a beaucoup de lueurs d'espoir.

Un peu plus loin, vous dites qu'il s'agit d'aller plus loin que des mesures financières qui seraient servies en pièces détachées. J'ai écouté très attentivement tout à l'heure M. Nobbé, qui parlait de la création d'emplois, je crois, comme étant une clé maîtresse; l'emploi serait probablement le plus grand incitatif pour relever le niveau de fertilité. Vous demandiez un appel aux gouvernements provincial et fédéral de ne négliger aucun effort pour établir une politique de l'emploi qui respecterait l'éducation, les habiletés de chacun, afin que chacun arrive... Je me demandais, M. Romaniuc, c'est un peu la question qu'on vient de poser: Qu'est-ce que vous pourriez proposer comme plan d'action? M. Henripin réclame pour le Québec un plan d'action dans le domaine de la fécondité. Si vous aviez à travailler avec M. Henripin, qui veut un plan d'action pour le Québec, qu'est-ce que vous pourriez lui suggérer? C'est encore un fonctionnaire qui parle, mais on a confiance en vous.

M. Romaniuc: En me référant à cette étude, je voulais, disons, mettre en relief certaines données démographiques, mais aussi faire l'analyse de certaines politiques pratiquées à l'heure actuelle dans d'autres pays, dans l'espoir que cette tentative de ma part puisse éclairer certains aspects des préoccupations qu'on aurait au sujet de la fécondité. J'ai toujours évité de présenter ici une position personnelle et de prôner, de recommander ou de suggérer certaines politiques ou certaines mesures appliquées. Je fais ici notamment appel à mon collègue Henripin qui, si je comprends bien, viendra parler devant la commission demain. J'ai relaté un peu sa pensée là-dessus dans le passage suivant de ce livre, où vous allez voir que j'exprime un peu mes sentiments personnels non pas dans le sens que j'essaie de faire valoir mes idées personnelles, mais dans la façon dont je semble pouvoir lire les tendances. Je crois que la question de la fécondité s'imposera davantage comme une préoccupation sociale, d'abord pour des raisons démographiques. Je pense qu'il y aura une certaine préoccupation du fait que la population risque de diminuer et que le vieillissement de la population va s'accentuer. Or, on sait que la fécondité est à l'origine de ce processus. C'est pour ces raisons que, je pense, la question de la fécondité inévitablement deviendra un sujet d'intérêt public.

Une autre question tout à fait indépendante des préoccupations démographiques: Pourquoi la fécondité me semble-t-elle devoir s'imposer à notre attention? Il y a tout simplement une raison que j'appellerais ou que certains appellent une question d'équité sociale. Est-ce que le couple, surtout lorsqu'on parle de femmes, doit faire face à une obligation, si vous voulez, à la fois de famille et de travail? Concilier ces deux-là, tout simplement diminuer la pression qui pèse, donc l'exercice, le cumul de ces deux rôles, me semble s'imposer comme une question d'équité sociale selon un certain nombre d'auteurs que j'ai consultés à ce sujet. Il y a

à la fois un aspect purement démographique, mais il y a un autre aspect purement social pour lequel la fécondité commence à intéresser les gens.

Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Les exposés qui nous ont été faits ont été extrêmement intéressants et instructifs. Je remarque qu'il y a des inquiétudes qui se manifestent, et nous en avons tous, concernant le poids démographique qui sera celui du Québec d'ici les 25 prochaines années, par exemple. Les projections que vous établissez ne nous permettent pas de nous réjouir outre mesure. On peut espérer que ce sera la thèse optimiste qui prévaudra et que l'augmentation de la fertilité et de la fécondité permettra d'atténuer les effets de cette diminution de la population. Sauf que je pense qu'il faut réaliser que, si jamais le Québec profitait d'un tel ajustement de fécondité, il s'établirait à l'intérieur d'un ensemble, l'ensemble canadien. Si jamais le Québec profitait d'une augmentation de la fécondité, il est à prévoir et il serait normal que cette même augmentation se retrouve ailleurs au Canada, ce qui, proportionnellement, ne change pas beaucoup les choses.

Les soldes migratoires que nous avons connus dernièrement sont identifiables pour le passé, sont peut-être mesurables, mais, comme vous l'avez souligné, pour ce qui est de l'avenir, c'est plus difficile. Nous avons eu des personnes qui ont comparu ce matin devant nous et qui nous ont expliqué qu'on ne pouvait pas identifier les raisons qui faisaient que les gens se déplaçaient, s'établissaient au Québec, et quittaient éventuellement le Québec. C'est qu'on n'avait pas d'échantillonnage ou de vérification scientifique à ce sujet.

En ce qui me concerne, les prévisions que vous nous faites, avec toutes les sourdines que vous y mettez, sont quand même suffisamment bien fondées pour que nous puissions y voir le résultat d'études sérieuses qui nous indiquent que, toutes choses étant égales, à part des catastrophes qui peuvent arriver ou des mouvements de population imprévus, le poids démographique du Québec dans l'ensemble canadien, vraisemblablement, passera de 30% à quelque chose comme 23%, 24%, 25% ou à quelque chose d'approchable. Je pense que c'est intéressant.

Il est intéressant aussi de voir que vous nous indiquez que la vérification que vous avez faite de certaines politiques natalistes vous permet de croire qu'elles ont finalement une influence quelque part. Là, cela nous permet de rejoindre les considérations qui nous ont été soumises par M. Nobbé, où il nous fait un tableau global, je dirais pratiquement un tableau planétaire, de la situation démographique. On s'aperçoit, grâce à son exposé, que, finalement la situation que nous vivons au Québec s'inscrit dans un ensemble plus général et qu'on ne peut prétendre résoudre le problème québécois de la dénatalité ou de la diminution de la population sans penser en même temps à des solutions plus générales, plus globales. C'est rafraîchissant et cela nous permet de déboucher sur des visions plus généreuses des choses.

Je retiens particulièrement ceci qui complète d'autres exposés qui nous ont été faits à savoir que possiblement une des raisons - je parle en profane de ce que j'ai compris de l'exposé fort savant de M. Nobbé - qui motivent les femmes à avoir moins d'enfants, à être moins fertiles, c'est l'inquiétude sous-jacente dans la population en général concernant les débouchés pour la progéniture. Dans un milieu économique incertain où on n'a pas les assurances d'emploi qu'on voudrait avoir, tout cela étant relié à l'investissement étranger qu'on doit faire ou non, etc., les femmes comme les hommes procréateurs et procréatrices s'inquiètent et, en réaction, ont peut-être moins d'enfants, ont une progéniture moins nombreuse, de la même façon que vous avez expliqué que l'éducation avait un rôle à jouer de ce côté là aussi.

Ce sont là des réflexions qui me sont inspirées par la présentation que M. Nobbé a faite, de même que par celle de M. Romaniuc. Je peux vous assurer que c'est une nouvelle approche, autant que je suis concerné, celle que nous propose M. Nobbé en particulier, qui nous fait voir que tout cela est interrelié, que le Canada en tant que pays exportateur, en tant que pays développé, ne peut avoir une politique démographique qui ne soit pas reliée au développement d'autres pays, d'autres civilisations de pays éloignés avec lesquels on pense avoir peu ou pas affaire.

Grâce à l'éventail que vous nous avez proposé, à l'exposé que vous avez déroulé devant nous, on s'aperçoit que, si l'on veut provoquer chez nous une fécondité plus grande parce qu'on y voit certains avantages, il faut en même temps faire certains sacrifices au niveau du protectionnisme. Il faut s'ouvrir sur le monde, il faut être prêt à investir ailleurs, il faut être prêt aussi à acheter de l'extérieur. Toutes ces choses-là sont interreliées et c'est extrêmement intéressant de voir qu'en si peu de temps, même si M. le Président vous a souligné que les dix minutes s'étaient un peu prolongées, grâce à ce que vous avez exposé et à ce que M. Romaniuc nous a donné, grâce aux deux volumes que nous avons en main, nous allons pouvoir avoir une vue générale, une vue d'ensemble des problèmes qui se posent

à nous et nous apercevoir, finalement, que ce à quoi nous sommes exposés au Québec n'est pas unique. Les solutions qui seraient centrées sur le Québec individuellement, faisant abstraction du reste du Canada, du reste de l'Amérique et du reste de la planète, ne seraient pas durables, ne seraient pas des solutions de fond. Ce seraient des cataplasmes, des palliatifs.

Alors, il faut aller au-delà du court terme. Vous nous avez avertis dès le début que les propositions qui étaient sous-jacentes dans votre exposé étaient à moyen et à long terme. Les hommes politiques sont peut-être un peu trop habitués à conduire le nez collé sur la vitre, nous manquons parfois un peu de perspective. Grâce à des savants comme vous - je crois que vous en êtes, vous et M. Romaniuc - ces travaux nous permettent d'avoir ce recul absolument nécessaire pour prendre des virages dont le rayon est assez long, assez grand, mais qu'on doit prendre avec prudence et qu'on doit commencer à prendre rapidement.

Les quelques mots que je voulais vous adresser, c'étaient des mots de remerciements pour nous avoir ouvert des perspectives d'avenir, pour nous avoir ouvert des horizons et nous avoir permis de réaliser que le problème que nous abordons, c'est un problème d'ordre mondial, un problème d'ordre planétaire et qu'il serait illusoire de vouloir le régler avec quelques cataplasmes rapides qu'on pourrait développer sur le coin d'une table, il faut aller au-delà de cela. Nous allons nous y employer. Nous vous remercions de nous avoir ouvert des horizons.

Le Président (M. Champagne): II n'y a pas d'autres intervenants? Alors, M. Nobbé et M. Romaniuc, au nom des membres de la commission parlementaire, je vous remercie d'avoir déposé votre mémoire, d'avoir répondu à nos questions. Merci.

Maintenant, nous demandons à l'Association des anglophones de l'Estrie, s'il vous plaît, de s'approcher ici, à l'avant. Nous suspendons pour quelques minutes, en attendant l'association.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Champagne): La commission de la culture poursuit ses travaux et nous recevons l'Association des anglophones de l'Estrie. Mme la présidente, j'aimerais que vous présentiez les membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association des anglophones de l'Estrie

Mme Goodfellow (Marjorie): Merci. Je suis la présidente, Marjorie Goodfellow. M.

David Mackenzie est le premier vice-président et Cynthia Dow est notre directrice générale.

Le Président (M. Champagne): Nous avons reçu votre mémoire. Vous avez exprimé le désir d'en faire la lecture. Cela devrait vous prendre à peu près une trentaine de minutes. Nous allons disposer du reste du temps qui vous est alloué pour poser des questions et ensuite nous allons enchaîner avec la Confédération des organismes familiaux du Québec tout de suite après. Allez-y, Mme la présidente.

Mme Goodfellow: J'ai quelques remarques préliminaires. Après cela, je vais lire le mémoire. L'association avec ses 8000 membres vient de la région des Cantons de l'Est. Cette région, qui comprend la région administrative 05 et une partie des régions 03, 04 et 06, a été colonisée en grande partie par des personnes d'expression anglaise. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler des anglophones de notre région. Nous ne sommes pas de grands experts en démographie ou en sociologie, mais, parmi ses "technicalités" complexes, le document "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences" traite de plusieurs aspects importants de la vie quotidienne. C'est à partir de ces aspects, qui touchent tout le monde, que nous aimerions vous faire part de notre vécu.

Le but primordial de notre association est de promouvoir chez nous une communauté d'expression anglaise saine et dynamique. Il s'ensuit que nous avons des inquiétudes face au vieillissement de notre population, à l'hésitation de nos jeunes à rester chez nous et à fonder des familles, à la perte d'immigration traditionnelle dans notre région et, finalement, à l'état de notre économie régionale. Nous sommes ici pour vous raconter une histoire d'une communauté en crise et pour vous donner un aperçu d'une population pour laquelle l'avenir est un point d'interrogation.

Je vais lire le mémoire. Townshippers' Association is an 8000-member association which seeks to promote the rights of the English-speaking people of the Eastern Townships and their full participation in the majority society. The association has developed long-term programs in the following areas: job opportunities, access to health and social services, heritage and cultural affairs, education and communications. Townshippers' wishes to take advantage of this opportunity to air its concern about the government's statement on the demographic situation of this province for two reasons. First, we believe that the continued existence of our community is in jeopardy. We also believe that some of the basic assumptions made in the study entitled

"L'évolution de la population du Québec et ses conséquences" would not be true if applied to the Eastern Townships.

The first people to settle in this area were Americans and British immigrants, most of whom spoke English and brought with them a variety of cultural and religious backgrounds. They laid the economic and industrial foundations by opening up new lands to cultivation, by building businesses and by establishing industries.

Despite the fact that they were the first to settle the area, the English-speaking community has been living in a minority situation for over 100 years vis-à-vis the French-speaking population. In 1850, there were 60 000 people living in the Eastern Township, 64% of whom were English-speaking, but by 1871, just 20 years later, the majority were French-speaking.

The relative size of the English-speaking community has continued to fall in the 20th century and, in the decade between 1971 and 1981 alone, the community experienced a 6% decline in its numbers. The same period saw the reduction of the English-speaking community from 9, 7% to 8, 5% of the total population.

Even more drastic has been the drop in the number of children attending English-language schools in the area. Between the 1972-73 and 1984-85 school years, enrollment in English-language schools in the Townships dropped by 47, 5%, from 11 350 to 5970 students. A decline of that magnitude is what Caldwell has described as a trait of a collapsing population.

Une population qui vieillit rapidement. Il est vrai que la population francophone du Québec vieillit rapidement. C'est une tendance démographique qui afflige présentement tout le Canada. Cependant, le pourcentage de3 anglophones âgés de 65 ans et plus dans la région des Cantons de l'Est est deux fois plus élevé que celui des francophones. Il existe plusieurs raisons pour ce pourcentage élevé: l'exode de nos jeunes, une fécondité décroissante et une baisse de l'immigration des anglophones dans la région. De fait, si aucun changement radical ne se produit, l'anéantissement de notre communauté est imminent.

Immigration and bilingualism. Ties between the Townships and the United States have always been strong. The area was first settled by Americans from New England in the late 1790's, and immigration from south of the border continued to be the major source of population growth in the Townships until the mid-19th century. It was these American settlers who started the economic development of the area, and American investment and branch firms are still a vital force in the local economy.

That is why restrictions on access to English-language education may have a deleterious effect on the economy of the Townships, and why the maintenance of an English-speaking community and its institutions is so important. English-speaking people who come from the United States to invest in the area or to administer branch plants of American companies usually prefer to educate their children in English and to have at their disposal English-language institutions such as churches, hospitals and voluntary organizations.

If the English-speaking community were to disappear, as we fear it may, these attractions for American investors would also disappear with a concomitant impact on the economy of the region.

M. Mackenzie (David): Notre proximité géographique avec les États-Unis et nos liens avec la Nouvelle-Angleterre impliquent qu'un grand nombre de touristes et de résidents d'été traversent la frontière pour venir dans les Cantons de l'Est. Par exemple, nous constatons la présence d'un bon nombre de ces Américains unilingues durant la période estivale au Centre régional des archives nationales à Sherbrooke.

L'accès facile à la frontière permet l'exportation de nombreux produits et services destinés aux États-Unis. Si nous voulons maintenir le tourisme et l'échange commercial avec nos voisins américains, les Cantons de l'Est doivent pouvoir communiquer en anglais avec eux. Une communauté anglophone impliquée permettra le maintien de cette capacité bilingue. Contrairement à la région de Montréal, sur laquelle semblent être basées les hypothèses du document "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences", les Cantons de l'Est ne sont pas favorisés par une immigration substantielle. En 1981, seulement 3, 2% des habitants de la région venaient de l'extérieur du Canada; 40% d'entre eux étaient nés aux États-Unis.

Therefore, we cannot agree with the statement that the power of attraction which the English language holds for allophone immigrants will have serious consequences for the French-speaking community. This may or may not be true in Metropolitan Montreal, but it simply does not apply in Drummondville, Sherbrooke or Thetford Mines. In most of the counties in the Eastern Townships, the majority of allophones choose French as their home language over English.

Il est intéressant de souligner que, dans de nombreux comtés, le français a un pouvoir d'attraction sur un bon nombre de personnes dont la langue maternelle est l'anglais. Par exemple, 53% des anglophones dans le comté de Drummond parlent le français au foyer.

Il est certain que la capacité des francophones de la région de maintenir leur

langue maternelle est plus forte que celle des autres groupes linguistiques, soit les anglophones ou les allophones.

We cannot, therefore, accept the premise that the continued existence of a vital, visible English-speaking community in the Eastern Townships can in any way be interpreted as a threat to the existence of the very large French-speaking majority. In fact, we argue the very opposite: that our presence as bilingual and bi-cultural brokers between this area and the rest of North America is of paramount importance to the economic health of the area. "

Cependant, nous ne pouvons pas jouer un tel rôle si notre communauté se replie sur elle-même pour contrer les difficultés du milieu. Notre communauté s'enclave. Dans leur recherche de services et d'écoles en langue anglaise, les anglophones de notre région émigrent vers des villes perçues comme des centres de langue anglaise. Cela modifie la démographie des Cantons de l'Est.

Lennoxville is a case in point. The surrounding countryside is losing its English-speaking population as the town attracts those who wish to shop in English, to save their children a long ride to the English schools, to be able to communicate in their own language when under stress, for example with health services professionals, legal counsel, etc. This phenomenon threatens the nature of the Eastern Townships society. Historically, French and English-speaking people have lived side by side throughout the area; now they find themselves increasingly separated. Access to services in English and to English-language institutions must be bolstered throughout the rural areas of the Townships if a normal and healthy social structure is to be maintained and if the principles of "social justice and equity" are to prevail.

À mesure que notre communauté vieillit et que notre jeunesse nous quitte, la présence anglophone se trouve diminuée sur le marché du travail, dans l'économie, dans les comités et dans bien d'autres organismes communautaires importants. Cependant, un bon nombre d'anglophones, c'est-à-dire autour de 50 000, demeurent toujours dans la région. Ces gens ont des besoins auxquels on doit répondre et des préoccupations qui doivent être entendues. Comme la communauté vieillit rapidement, de plus en plus d'institutions de langue anglaise disparaissent. Ces musées, écoles, églises et hôpitaux ne servent pas seulement la communauté anglophone. Ils ont aussi contribué à la formation des Cantons de l'Est. Leur disparition serait un événement malheureux dans l'histoire de cette région.

Mme Goodfellow: The role of the English-speaking people in the economic development of this area is well documented.

As mentioned above, the existence of a vibrant, visible English-speaking community is a definite attraction to outside investors and this is acknowledged by the French-speaking majority.

But, it appears that our community is now losing that middle-class of entrepreneurs which have been so active in this area in the past. It is possible that these people are a highly mobile sector of our population who have chosen to establish their businesses elsewhere, for a variety of economic and political reasons. Our community still has a great deal to contribute to the economic life of the area - but only if it remains an energetic, involved and visible community.

How to ensure the future of our community? Our community has to be nurtured, not neglected or further battered by the fallout of policies aimed at Montreal. Although the government's proposed program to encourage greater fecundity is interesting, it is clear that a number of steps must be taken in order to ensure that our community is rejuvenated.

Our young people must be encouraged to remain in the area and must be reassured that there are job opportunities as well as services and institutions adapted to their needs. Our youth must be encouraged to raise families, for we are suffering from an even lower rate of fecundity than either the francophone or the allophone populations of the province.

In fact, these demographic trends are seriously threatening our existence: "Comme la minorité anglophone du Québec souffre le plus des échanges migratoires avec les autres provinces, une fédondité plus faible que celle des autres groupes linguistiques du Québec contribue à l'affaiblissement de cette minorité dans la population québécoise. "

The migration of English-speaking people to the area must be promoted - not discouraged by restrictive legislation - so that we can maintain our institutions and a normal social structure.

The phenomenal drop in enrollment in English-language schools should be cause for real concern. As we have maintained in two recent presentations, access to English schools, especially in the rural areas, should be available to all English-speaking immigrants. Small schools must be maintained in rural communities so that a normal distribution of English-speaking people across the Townships is maintained.

Will the government, once and for all, tell us at what proportion of the population, according to its calculations, the English-speaking community becomes a threat to the French-speaking majority? We have proved that in the Eastern Townships, where less than 9% of the population has English as its mother-tongue, the community is no threat at all to the French-speaking majority.

When will the government acknowledge the fact that the demographic, social, economic and cultural situation of English-speaking people outside of Montreal is vastly different from that of the Montreal area? Statistics which describe the provincial situation as a whole serve only to hide this reality of the regional diversity of Québec. A government which has placed such emphasis on the territorial distribution of the population of this province would do well to keep this regional diversity in mind when formulating and implementing policy. We have seen, since the mid-1970's, how blanket solutions to perceived or real problems in the Montreal area can have very detrimental effects on the fragile English-speaking communities of rural Québec. (17 heures)

We must now ask what the government intends to do about our situation. What will the government do to help us survive? Perhaps more importantly, will the government remember the challenges facing communities such as ours when designing its policies? "Une politique de la famille que l'on doit rendre publique devrait grandement intéresser les anglophones du Québec, ceux-là mêmes qui pourraient en bénéficier le plus. "

Given the government's frequent reluctance to provide services and information in languages other than French, how will it ensure that the program to overcome the barriers to fecundity will also reach our population?

En bref, voici la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement: la moitié de nos jeunes quittent la province et ce sont ceux qui ont tendance à être les mieux éduqués; notre taux de naissance très peu élevé ne peut plus assurer le remplacement de notre population; il y a une diminution sérieuse de l'immigration des anglophones dans notre région. Ces trois éléments contribuent à une plus grande proportion de gens âgés dans notre population. Il y a une concentration accrue de notre population dans certaines régions limitées.

Pour contribuer à notre survie, le gouvernement doit faire les choses suivantes: toute politique gouvernementale doit être basée sur les réalités régionales et non provinciales; les ministères et agences gouvernementaux, à tous les niveaux, doivent activement informer la population d'expression anglaise sur leurs services et activités; des efforts extraordinaires doivent être entrepris pour recruter des gens d'expression anglaise qualifiés pour siéger au sein des conseils d'administration des établissements publics et des autres agences administratives; nos jeunes doivent être encouragés à demeurer dans la province; ils doivent sentir qu'ils sont des citoyens à part entière et ils doivent être informés des possibilités d'emploi, de la même façon que la jeunesse francophone.

L'objectif primordial de l'association est de maintenir une population anglophone saine et utile au sein de la région des Cantons de l'Est. Nous demandons que le gouvernement endosse cet objectif et que des politiques soient implantées à cette fin.

Mme Dow va présenter des tableaux.

Mme Dow (Cynthia): Je vais expliquer très brièvement les annexes du document. L'annexe I nous donne la proportion d'anglophones dans les douze divisions de recensement des Cantons de l'Est pour les années 1971 et 1981. Vous pouvez noter que, là où notre population était la plus forte, les pertes ont été les plus sévères. Je parle des divisions de Sherbrooke, de Stanstead et de Brome. Dans toutes ces divisions, la population anglophone a subi une perte de 2% et plus et de presque 5% à Brome. Cette annexe a été tirée de l'étude de Gary Caldwell, intitulée "L'avenir économique de la population anglophone des Cantons de l'Est. " Cette étude a été parrainée par Townshippers Association l'année dernière. J'ai plusieurs exemplaires de cette étude, s'il y a des personnes qui désirent en avoir.

Le Président (M. Champagne): Oui, s'il vous plaît: Si vous voulez remettre ces copies aux membres de la commission, s'il vous plaît! Merci beaucoup. Vous pouvez continuer, madame.

Mme Dow: Merci. L'annexe II nous montre la décroissance du nombre d'inscriptions dans les quatre commissions scolaires protestantes de notre région. Les chiffres entre parenthèses représentent le nombre total d'étudiants inscrits dans les écoles. La perte est de l'ordre de 50% sur onze ans. Ces chiffres ont été obtenus directement des commissions scolaires mentionnées au bas de l'annexe.

L'annexe III nous montre la prépondérance des gens âgés de 65 ans et plus dans notre communauté. Cette proportion est deux fois supérieure à celle qu'on retrouve dans la population francophone de notre région. Aussi, il faut remarquer que la proportion des gens âgés de moins de 34 ans est beaucoup moins élevée que dans la population francophone.

Les annexes 4, 5 et 6 ont été rédigées à notre bureau avec les données de Statistique Canada pour leur programme de statistiques sur les petites régions. Les chiffres sont tous donnés par circonscription électorale fédérale. À l'annexe 4, on donne la population des Cantons de l'Est selon le lieu de naissance. C'est clair qu'il n'y a pas beaucoup d'immigration dans notre région et que la plupart de ces immigrants viennent

des États-Unis. L'annexe 5 indique la proportion d'allophones. Cela veut dire les gens de langue maternelle autre que le français ou l'anglais qui choisissent le français ou l'anglais comme langue parlée au foyer. Évidemment, la majorité parle sa propre langue au foyer, mais quand les gens choisissent entre le français et l'anglais, ils sont plus portés à choisir le français dans la plupart des comtés des Cantons de l'Est.

À l'annexe 6, nous trouvons une comparaison du maintien de la langue maternelle entre les francophones et les anglophones de notre région. Dans toutes les conscriptions électorales fédérales les anglophones sont plus susceptibles d'adopter le français comme langue parlée au foyer que l'inverse. Nous avons une annexe 7, qui est une brochure de la ville de Sherbrooke intitulée "Pour toutes les raisons au monde". Je pense que tous les membres doivent avoir cette annexe aussi. C'est bien compris dans les Cantons de l'Est que l'existence de nos communautés est un avantage énorme pour la région, tant au niveau économique qu'au niveau culturel. C'est tout.

Mme Goodfellow: Mesdames et messieurs, nous sommes prêts à répondre aux questions.

Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup, Mme la présidente. Au nom des membres de la commission, je vous remercie pour le contenu de votre mémoire. Nous avons écouté votre exposé avec beaucoup d'attention et je pense que l'objectif de votre association, qui est de promouvoir les droits des anglophones de l'Estrie... Je pense bien que les gens de l'Estrie doivent être fiers de votre association, parce que vous êtes venus défendre votre position ici et c'est tout à votre honneur. Je comprends aussi vos appréhensions, à savoir que vous avez une population vieillissante. Vous avez, d'autre part, des jeunes qui quittent la région. Vous avez une fécondité qui va en décroissant et vous avez une baisse d'immigration. Je comprends que vous êtes quand même conscients du problème. Vous voulez y faire face et vous voulez expliquer votre situation. Vous avez aussi exprimé un désir à la fin et je le relis: "L'objectif primordial de l'association est de maintenir une population anglophone saine et utile au sein de la région des Cantons de l'Est. Nous demandons au gouvernement qu'il endosse cet objectif. " Soyez assurés que notre gouvernement endosse votre objectif de maintenir une population anglophone saine dans la région des Cantons de l'Est, dans la région de l'Estrie.

Vous avez eu aussi une appréhension tout à l'heure au sujet des réalités régionales. J'étais content, faisant partie de la région de Montréal, de voir dans les journaux de la semaine dernière, l'importance du sommet économique de l'Estrie. Je pense que c'est tout à votre honneur. Cela représente beaucoup de dynamisme dans votre région et je pense que c'est une bonne façon de garder les jeunes s'il y a des emplois. C'est très bien d'avoir pris cette initiative.

J'ai une question, madame, à vous poser. Vous parlez de relèvement de la fécondité. Cela apparaît quand même primordial qu'il y ait une meilleure fécondité. Est-ce que votre association s'est penchée sur la façon de faire en sorte qu'il y ait une plus grande fécondité? Est-ce que vous vous êtes penchés sur une politique nataliste? C'est sûr que nous en sommes conscients. Il y a d'autres organismes qui sont venus l'expliquer. S'il y a un essor économique, si la situation de l'emploi est bonne dans une région, cela va favoriser la natalité. Mais est-ce que vous, comme association, vous vous êtes arrêtés à préconiser certaines politiques natalistes spécifiquement?

Mme Goodfellow: Non, pas directement. Nous avons un programme très actif sur le développement économique de notre région et nous voulons nous impliquer dans le suivi du sommet économique. Je pense que le projet de plein emploi dont nous parlons dans les Cantons de l'est est l'une des solutions pour augmenter l'établissement des ménages parmi nos jeunes.

Le Président (M. Champagne): Merci. Je vais laisser la parole à mes autres collègues, si vous n'avez pas d'objection. Peut-être Mme la députée de Johnson aurait-elle des questions à poser?

Mme Juneau: Étant donné que je ne suis pas membre, M. le vice-président, peut-être que mes collègues qui sont membres pourraient parler en premier et je prendrai la parole après. Je suis bien aise de l'accepter.

M. Doyon: Non, non, allez-y.

Le Président (M. Champagne): Voici le consentement. Bienvenue à la commission parlementaire, madame.

Mme Juneau: Je vous remercie. Je suis venue expressément, vous le comprenez bien, étant donné que les "Townshippers" sont des Estriens et des Estriennes. Comme je suis une Estrienne, cela me faisait plaisir de venir vous accueillir ici et vous remercier d'avoir participé en présentant votre mémoire à notre commission parlementaire. Incidemment, M. le vice-président, vous avez mentionné le fait de notre sommet économique. Mme Goodfellow était présente

lors de nos assises, durant les trois jours. Je pense bien qu'autant votre association que nous, de notre côté, avons grandement apprécié la tenue de ce sommet; cela a été très avantageux pour les gens de notre région.

Ceci dit, Mme Goodfellow, je voudrais que vous me donniez une petite précision sur votre mémoire. À la page 7, vous dites "Comment assurer l'avenir de notre communauté". J'aimerais que vous nous donniez quelques explications quand vous dites que "notre communauté doit être soignée et non pas négligée ou trompée par les retombées des politiques émises pour Montréal". J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous voulez dire par cela, s'il vous plaît.

Mme Goodfellow: Oui, je pense à des politiques d'accueil dans la région comme l'affichage bilingue, par exemple. Je pense que nous avons beaucoup de possibilités et justement, cela a été discuté en profondeur pendant le sommet économique. Nous avons beaucoup de possibilités d'emplois dans le tourisme, par exemple, et je pense que les membres de notre communauté étant des gens bilingues pour plusieurs, ce sont des gens très aptes à travailler dans cette industrie. Mais je pense que nous devons offrir un accueil plus attrayant aux gens de l'extérieur de notre région, ceux des États-Unis et de l'Ontario: une politique qui permettrait un affichage bilingue, mais avec le français prioritaire évidemment, serait profitable.

Aussi, l'accès aux écoles. Nous souffrons beaucoup d'une chute de notre population scolaire, qui se trouve actuellement à moins de 6000 étudiants. Si nous avions un accès élargi à nos écoles, qui permette aux immigrants de pays d'expression anglaise d'être admis, cela nous encouragerait et cela permettrait même à l'occasion à certaines écoles de rester ouvertes dans certaines communautés où il y a très peu d'étudiants, ce qui n'affecterait d'aucune façon nos voisins francophones ou les écoles francophones.

Mme Juneau: Quand vous parlez de chute de l'admission dans les écoles anglophones, c'est surtout dû quand même au très bas taux de natalité qui existe dans notre région; je pense que ce serait plutôt cela.

Mme Goodfellow: C'est aussi vrai, mais je pense que M. Mackenzie va vous répondre. (17 h 15)

M. Mackenzie: C'est partiellement vrai, je dirais, parce que si nous examinons la chute du taux de fréquentation des écoles anglaises, on va voir, par exemple, que la chute est à peu près le double de celle qui a été enregistrée dans les écoles d'expression française. Sûrement, c'est au moins en partie à cause d'un taux de naissance décroissant, mais également à cause d'un autre facteur. Je pense que Mme Goodfellow a souligné le fait qu'on parle d'un accueil plus chaleureux chez nos voisins de l'extérieur, au sud surtout, car ce sont des liaisons historiques pour notre région, surtout si on peut parler globalement. Je sais bien que vous avez demandé des précisions, mais on sent, dans l'Estrie et même dans les autres régions de la périphérie, que nous risquons assez souvent d'être noyés par les politiques conçues pour les bassins de population métropolitains, par exemple, Montréal.

Mme Juneau: Je suis un peu perdue dans tout cela. Si je comprends bien, vous trouvez que les retombées ne sont pas assez importantes pour notre région. Est-ce que c'est cela?

M. Mackenzie: Je veux dire qu'il y a peut-être des retombées négatives. S'il y a des politiques linguistiques ou autres qui ont été conçues pour répondre à la situation dans les régions métropolitaines, cela ne s'applique pas nécessairement dans les régions rurales.

Mme Juneau: Quand vous parlez d'affichage bilingue, par exemple, à Lennoxville, cela existe déjà l'affichage bilingue, à plusieurs endroits.

Mme Goodfellow: Oui, c'est vrai, mais c'est simplement un exemple. Il y a plusieurs autres centres d'attraction pour les touristes où on ne trouve pas l'affichage bilingue. Je pense que je suis correcte quand je cite, dans le document de base de cette commission, qu'il n'y a qu'un tableau qui traite des régions. Je pense que cela donne une fausse image des régions de toujours parler de statistiques globales pour la province. C'est très difficile pour vous autres de formuler des politiques qui soient bonnes pour les régions juste en considérant les tableaux qui traitent de la province.

Mme Juneau: Une toute dernière brève question, Mme Goodfellow. Vous avez parlé tout à l'heure de lieux historiques des Cantons de l'Est, de l'Estrie, et du tourisme. À notre sommet, on a vu que le tourisme avait une place prioritaire. Comment, en tant qu'association, voyez-vous cela pour amener une meilleure vision de votre coin aux touristes? Comment voyez-vous cela? Avez-vous quelque chose de très précis?

Mme Goodfellow: Oui, nous avons quelques projets en cours pour encourager, par exemple, les familles de cultivateurs à accueillir des familles dans leur maison. Il

existe déjà un répertoire très bien détaillé des personnes de la province prêtes à recevoir les visiteurs, mais je pense que nous pouvons encourager les membres de notre association à faire aussi leur part. C'est un exemple. Aussi, je pense que nous devons -c'est un de nos projets pour cette année -travailler très près avec l'Association touristique de l'Estrie. Nous avons d'autres projets aussi. Je pense qu'il nous faut faire notre part. Nous demandons uniquement les contributions des autres. Nous savons très bien qu'il nous faut faire notre part.

Mme Juneau: Cela n'aurait pas été possible, à ce compte-là, Mme Goodfellow. Vous auriez pu présenter un dossier très précis lors du sommet et avoir certaines choses qui auraient pu avoir des retombées assez rapides quand même. Ce n'était pas assez avancé, j'imagine.

Mme Goodfellow: C'est cela. Aussi, j'ai demandé l'autorisation d'être à la table, mais malheureusement cela n'était pas prévu dans l'organisation et ma demande a été refusée.

Mme Juneau: Je ne le savais pas. Je vous remercie, chère madame.

Mme Goodfellow: Merci.

Le Président (M. Champagne): Mme la députée, merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Rapidement, M. le Président. Grèce aux questions de Mme la députée de Johnson, on peut se rendre compte qu'il y a peut-être eu des oublis pour le fameux sommet économique et qu'il y aurait peut-être eu avantage à ce que Mme Longfellow ait pu faire part de certains projets dont elle nous fait part actuellement.

Vous nous dites, Madame, dans votre mémoire... Je reconnais là des inquiétudes que vous avez déjà eu l'occasion de manifester à la commission parlementaire sur l'éducation quand on a pris connaissance du projet de loi 40, alors que vous avez très bien défendu votre point de vue; je retrouve ici les mêmes arguments. Il y a déjà un certain temps de cela, en fait il y a quelques semaines ou plusieurs mois qui sont passés. Pouvez-vous nous dire qu'à la suite des représentations que vous avez faites, que vous reprenez grosso modo ici dans ce mémoire, que vous avez senti de la part du gouvernement du Québec des gestes que vous avez pu identifier, des gestes de nature à corriger certaines lacunes que vous aviez relevées à ce moment et qu'on retrouve en filigrane dans le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui?

Mme Goodfellow: C'est une question assez difficile. C'est certain que le projet de loi sur la restructuration de l'éducation a répondu en grande partie à nos demandes, sauf la garantie constitutionnelle et un accès élargi à nos écoles. Pour la commission parlementaire sur la loi 101, il y avait également des réponses positives à nos demandes mais, encore une fois, il y avait des lacunes également.

M. Doyon: C'est intéressant de vous entendre répondre concernant certaines inquiétudes qui demeurent chez vous, surtout quand vous posez la question très directe ici à la page 9 du mémoire, où vous dites: "Nous devons maintenant demander au gouvernement ce que sont ses intentions face à notre situation, que fera-t-il pour assurer notre survie? Le gouvernement se souviendra-t-il des défis confrontant des communautés comme la nôtre lors de la conception de ses politiques?" Cette volonté que vous exprimez de voir le gouvernement poser des gestes concrets pour permettre à votre communauté de quelque 50 000 habitants de continuer à survivre comme élément distinctif, élément qui peut être identifié culturellement et socialement de même qu'au niveau linguistique, cette volonté que vous avez est toute à votre honneur et je vous demande si vous avez pu, à l'intérieur des politiques gouvernementales... Vous en parlez dans quelques lignes, quand vous dites à la page 7 que même si le programme du gouvernement pour encourager la fécondité est intéressant, un bon nombre d'étapes doivent être remplies pour assurer le renouvellement de notre communauté. Est-ce que, à l'intérieur des propositions gouvernementales, vous avez trouvé des éléments qui pourraient résoudre le problème fondamental de la dénatalité chez vous, c'est-à-dire de la baisse démographique, éléments qui pourraient constituer des amorces de solutions vis-à-vis la situation que vous vivez actuellement?

Mme Goodfellow: Est-ce que vous parlez du livre vert?

M. Doyon: C'est cela. Mme Goodfellow: Oui. Bon.

M. Doyon: J'imagine que c'est à cela que vous faites référence quand vous...

Mme Goodfellow: Oui, mais ce ne sont pas seulement les politiques énoncées dans le livre vert. Il faut aussi publiciser les politiques dans les endroits où notre population pourra avoir accès à ces renseignements. C'est une des étapes essentielles. Il arrive fréquemment que les membres de notre communauté ne reçoivent pas les informations comme il faut ou qu'ils doivent remplir des formulaires publiés

uniquement en français. Ils peuvent les remplir en anglais, mais les questions sont posées en français. C'est un problème de communication qui est un point de base, je pense, pour l'énoncé de politique. La distribution, les retombées doivent avoir un effet sur la publicité donnée.

M. Doyon: D'accord. Dernière question, M. le Président. Vous faites allusion dans votre mémoire, un peu plus bas, au mouvement migratoire qui vous affecte d'une façon plus sévère, plus brutale en tant que communauté anglophone localisée dans les Cantons de l'Est, dans l'Estrie par rapport à ce qui se passe dans le reste du Québec. Je reprends une citation que vous identifiez d'ailleurs. Vous dites que "la minorité anglophone du Québec souffre le plus de ces échanges migratoires avec les autres provinces". Avez-vous pu quantifier ces échanges migratoires? Au niveau des proportions, quel est le pourcentage par rapport à ce qui se passe dans le reste de la province de Québec, en considérant que, par exemple, grosso modo, depuis les dix dernières années ou à peu près, il y a un mouvement migratoire vers l'extérieur de la province de l'ordre d'environ 30 000 personnes chaque année? Évidemment, cela s'étend à l'ensemble du Québec. Cela représente un certaine proportion. C'est considérable. Pouvez-vous quantifier cela et faire des comparaisons avec ce qui se passe avec votre commuté chez vous? Quelle est la proportion de personnes que vous perdez par année? Avez-vous une idée de cela?

M. Mackenzie: Non, pas spécifiquement pour les lieux géographique des Cantons de l'Est. Nous avons constaté cela dans le document, la référence à laquelle vous faites allusion. Ce n'est pas nécessairement nous qui avons dit cela, cela provient directement du document de M. Paillé. Nous avons observé ce phénomène parmi les jeunes, ceux de notre région, mais on n'a pas quantifié précisément cela. On a observé qu'il y a un exode de nos jeunes. On n'a pas quantifié cela exactement. On s'est fié aux études de M. Paillé, qui a dit que, globalement, c'est aussi le cas; cela n'arrive pas uniquement chez nous. On a observé cela. On ne l'a pas quantifié, mais, apparemment, c'est quelque chose qui existe et qui est reconnu par des experts comme M. Paillé.

M. Doyon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Bien sûr qu'à la lecture de votre conclusion, à la page 10, on se rend compte que, dans vos éléments, il n'y en a pas beaucoup qui vous favorisent. C'est bien évident qu'il y a une considération économique lorsque vous dites que la moitié des jeunes quittent. Évidemment, je présume que la justification première, c'est qu'il n'y a pas d'emplois. En ce sens, c'est bien. De plus, le nombre de naissances est très peu élevé. Évidemment, on en a parlé ce matin. Je crois que c'est chez les anglophones que le taux de fécondité est le plus bas. Troisièmement, il y a une diminution sérieuse du nombre d'immigrants. C'est sûr que, nonobstant le jugement Boudreault, il y a trois semaines -le gouvernement du Québec est allé en appel - au niveau de l'affichage, entre autres... Mais jusqu'à tout récemment, pour les anglophones des autres provinces du Canada, ce n'était pas nécessairement incitatif de venir au Québec, ne serait-ce que pour leurs enfants qui ne pouvaient pas aller à l'école anglaise. Les gens âgés, on le vit tous: concentration...

J'en arrive au niveau de vos écoles... Vous dites que, depuis une dizaine d'années, il y a eu environ 50% de baisse de clientèle. J'aimerais savoir de vous si, encore une fois, comme justification de cela, avant les lois linguistiques, les francophones de cette région envoyaient leurs enfants à l'école anglaise pour apprendre l'anglais, ce qui n'est pas méchant en soi.

Mme Goodfellow: Je suis certaine qu'il y en avait qui le faisaient, mais également et depuis toujours les membres de notre communauté ont envoyé leurs enfants dans les écoles francophones.

(17 h 30)

M. Dauphin: Ensuite de cela, bien sûr, vous prônez et proposez, malgré que ce soit difficile d'application régionale - il faut que ce soit provincial - la clause universelle pour les immigrants internationaux, concernant l'envoi des enfants à l'école anglaise. "Free choice".

Mme Goodfellow: Non, ce n'est pas le libre choix.

M. Dauphin: Non, non, la clause universelle pour les immigrants.

M. Mackenzie: Ce n'est pas cela que nous avons suggéré. La position de notre association était surtout de favoriser les immigrants en provenance des pays d'expression anglaise comme les États-Unis. Nous n'avons pas parlé d'une clause universelle. Nous avons favorisé l'intégration des anglais aux écoles anglophones.

M. Dauphin: Des pays d'expression anglaise.

M. Mackenzie: Oui.

Mme Goodfellow: Oui, c'est cela.

M. Dauphin: Un dernier point, M. le Président ou vice-président, président dans les circonstances... On a parlé abondamment ce matin que l'immigration au Québec était surtout interprovinciale, canadienne. C'est un peu l'aboutissement de mon raisonnement de tantôt. Selon vous, comme conclusion, en permettant aux immigrants de pays d'expression anglaise l'accès à l'école anglaise, ne serait-ce pas l'une des façons d'augmenter la population de votre région?

M. Mackenzie: Dans notre situation régionale surtout. Comme nous l'avons démontré, nos liens historiques sont avec la Nouvelle Angleterre. Nous avons démontré aussi, dans notre mémoire, que presque la moitié des immigrants qui se situent dans les Cantons de l'Est sont d'origine des États-Unis. Si ma mémoire est fidèle, nous avons dit qu'il n'y a que 3% des résidents des cantons qui sont nés à l'extérieur du Québec. Presque la moitié de ces personnes-là viennent des États-Unis. Pour nous, l'accès à nos écoles par les personnes d'expression anglaise, surtout les Américains, je ne pourrais pas dire que cela va résoudre nos problèmes, mais cela va au moins les régir.

Le Président (M. Champagne): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je vous souhaite la bienvenue. Je m'excuse d'être un peu en retard. On avait une discussion bien intéressante ce matin sur les tendances migratoires internationales et interprovinciales. J'essaie de déterminer s'il y a des conditions pertinentes au milieu anglophone de l'Estrie qui font en sorte que cette communauté est favorisée ou défavorisée par rapport à la situation du Québec en général. Je ne suis pas convaincu qu'on a des problèmes particuliers qui pourraient substantiellement être réglés par une politique autre qu'une politique nataliste. Je m'explique. Je demanderai peut-être à Mme Marjorie Goodfellow ou à M. Mackenzie de commenter. Est-ce que, en apportant quelques modifications administratives ou même législatives, comme par exemple à la loi 101 - vous avez mentionné en passant la question de l'affichage, également l'accès aux écoles anglaises - pensez-vous que quelques modifications de ce genre-là - je ne me prononce pas là-dessus pour le moment -auraient pour effet de modifier les mouvements migratoires vers l'Estrie ou hors de l'Estrie? De 1971 jusqu'à 1981 les anglophones de l'Estrie sont passés de 50 000 à environ 47 000, ce qui constitue une évolution moins favorable que celle qu'a connue la communauté anglophone de Montréal.

Mme Goodfellow: Oui, c'est beaucoup moins favorable. Je...

M. Payne: Non, c'est moins défavorable...

Mme Goodfellow: Défavorable.

M. Payne:... que sur l'île de Montréal. Aussi, lorsqu'on regarde l'annexe II, Mme Goodfellow, le schéma qu'on y voit semble un peu alarmiste à première vue. Quand on y regarde d'un peu plus près, il s'agit essentiellement d'inscriptions dans les écoles des Cantons de l'Est, mais il y a un certain pourcentage qui fréquente l'école française. Cela ne signifie pas nécessairement que tous ceux qui ne sont pas là ont déménagé ailleurs.

Mme Goodfellow: Non, mais je pense que la situation de nos écoles dans les communautés est très importante. Nous avons constaté que, lorsqu'une école ferme dans une municipalité, la population de cette municipalité déménage dans un centre où il existe une école d'expression anglaise. Il est évident que l'existence des écoles est très importante pour les membres de nos communautés. J'admets qu'il y a des gens qui préfèrent envoyer, durant un certain nombre d'années, leurs enfants dans une école d'expression française, mais il ne faut pas croire que c'est la grande majorité des parents qui le font.

M. Payne: Disons de toute façon qu'il est important de souligner qu'ils ne perdent pas leurs droits du fait qu'ils envoient leurs enfants à l'école française, c'est sûr.

Mme Goodfellow: Excusez-moi. Je pense qu'il faut aussi souligner que c'est très important de constamment améliorer la qualité de l'enseignement du français langue seconde dans les écoles. Je pense que nous pouvons être fiers des efforts de nos commissions scolaires. Il faut toujours souligner que c'est important de fournir l'argent pour améliorer la qualité de l'éducation.

M. Payne: C'est remarquable chez les gens de l'Estrie, ils ont toujours eu une grande tradition d'intégration, de libre échange et de pourparlers avec les francophones. De plus, votre propre association a été le grand témoin de la bonne foi dans les communications à tous égards avec le milieu francophone. On a connu, M. Mackenzie et moi, quelques défis dans le passé dans une autre partie du Québec, là où on avait beaucoup plus de préjugés. Il y a plusieurs années, on avait eu beaucoup de difficulté pour, à la fois changer les politiques du Québec en matière

d'enseignement du français langue seconde, c'est-à-dire introduire les cours qui auraient comme effet d'aider les infirmières à apprendre le français avec un certain succès - cela a quand même pris un changement de politiques administratives du ministère de l'Éducation - et, d'autre part changer l'attitude des infirmières en question.

Ma question principale demeure: Est-ce que la situation des anglophones de l'Estrie est particulière? N'est-il pas vrai plutôt - et c'est mon hypothèse - que le problème de fond est un problème nataliste? C'est ce que les démographes nous ont dit, à toutes fins utiles, ce matin. Le message principal était que, oui, vous pouvez affecter positivement ou accroître, si vous voulez, l'immigration internationale. Vous pouvez stopper en partie, si vous voulez, l'émigration interprovinciale de ceux qui quittent le Québec pour aller dans les autres provinces, comme ils quittent l'Ontario pour aller vers l'Ouest également. Mais ils ont dit qu'en fin de compte, sans politique nataliste formelle et agressive, on ne peut pas tellement affecter la situation.

Mme Goodfellow: Je veux dire que nous partageons tous les problèmes de la majorité de notre région, c'est-à-dire les personnes d'expression française, mais nos problèmes sont toujours accentués pour des raisons linguistiques, même si nous comptons parmi nous des gens bilingues et de plus en plus des jeunes bilingues. Nous en sommes très fiers. Mais il y a toujours des problèmes accentués chez nous pour des raisons linguistiques et je pense que M. Mackenzie veut ajouter quelque chose.

M. Mackenzie: Je pense que vous avez raison, mais si vous avez remarqué les tableaux que nous avons présentés sur la répartition de notre population selon les groupes d'âge, il est bien évident qu'il y a quelque chose comme 18% de notre population qui se situe dans les années de fécondité. Je ne crois pas qu'un programme pour augmenter la fécondité de la population toucherait grandement la population de l'Estrie. Nous devons chercher ailleurs la solution de nos problèmes. En ce sens, nous avons parlé d'une meilleure performance économique, d'un accueil plus favorable aux immigrants d'expression anglaise, d'un programme de création d'emplois, tous ces autres genres d'activités qui peuvent peut-être nous aider. Ce n'est sûrement pas dans notre population, dont un cinquième se trouve au-delà de 65 ans, qu'un programme de fécondité va faire quelque chose.

M. Payne: Je pense qu'il y a quelques éléments dans le projet de loi 3, le successeur du projet de loi 40, qui vont faire en sorte de favoriser une distribution des écoles plus équitable qu'actuellement; aussi, cela va aider énormément la communauté anglo-catholique de l'Estrie, qui n'a jamais eu de droits. Ne parlons pas de droits constitutionnels: elle n'avait pas de droits, parce qu'il n'y avait pas de ressources... C'est-à-dire qu'il n'y avait pas de... Comment dit-on? Pas des ressources. Il n'y avait pas d'accès, il n'y avait pas d'écoles où les droits constitutionnels...

Mme Goodfellow: Elles ne sont pas très nombreuses, en tout cas. Il y en a quelques-unes, mais elles ne sont pas très nombreuses.

M. Payne: J'avais une toute dernière considération. Que je sache, il n'y a pas de politique d'accueil au ministère de l'Immigration qui favorise davantage une région plutôt qu'une autre. Il y a des conseillers qui sont habilités à conseiller, mais c'est plutôt un conseil passif, dans le sens que c'est accordé comme conseil sur demande. Mais lors de certaines vagues d'immigration, par exemple lorsque les réfugiés sont venus en 1972 de l'Ouganda, il y avait une politique pour les accueillir dans tout le Québec; il y avait même, pas des quotas, une politique d'accueil favorisant leur intégration dans différents milieux du Québec et cela a très bien fonctionné.

Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle il y ait une politique qui donne un encouragement à un certain coin du Québec par rapport à un autre. Peut-être que cela devrait être une petite modification à notre politique d'accueil qui pourrait être intéressante. Vous aviez quand même 26 000 immigrants sur le plan international l'année dernière seulement. Bien sûr, la vaste majorité est francophone, mais il y a aussi des anglophones venant des États-Unis. Avez-vous des commentaires, M. Mackenzie?

M. Mackenzie: Je pense que je n'ai rien à ajouter. Vous avez bien exprimé ce qui existe. Je pense que nous avons exprimé notre désir de voir apporter certaines améliorations et on souhaite grandement que la commission tienne compte de nos représentations dans ces démarches. Nous avons toujours l'espoir de vivre un jour une situation qui répondra mieux à nos besoins.

Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la commission parlementaire, Mme Goodfellow, M. Mackenzie et Mme Dow, je vous remercie beaucoup de vous être présentés à la commission parlementaire et soyez assurés que les recommandations que vous avez faites seront prises en considération. Merci.

Mme Goodfellow: Merci.

Le Président (M. Champagne): On demanderait maintenant au groupe de la

Confédération des organismes familiaux du Québec de se présenter à l'avant. (17 h 45)

À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, j'aimerais que vous vous présentiez, s'il vous plaît.

Mme la présidente ou la porte-parole, votre nom, s'il vous plaît, et celui des personnes qui vous accompagnent.

Confédération des organismes familiaux du Québec

Mme Laporte-Dubuc (Denise): Je suis Denise Laporte-Dubuc, secrétaire générale à la Confédération des organismes familiaux et je suis accompagnée par la vice-présidente de la COFAQ, Huguette Tremblay, de Jonquière, et Marie-Paule Gaudet, administratrice à la COFAQ et qui est de Montréal. Mme Tremblay va vous faire la lecture de notre court mémoire; je pense que cela va prendre un quart d'heure ou vingt minutes, à peu près.

Le Président (M. Champagne): D'accord, nous vous écoutons.

Mme Tremblay (Huguette): Avant de commencer, M. le Président, je voudrais vous faire remarquer que je ne lirai pas tout le mémoire je vais probablement n'en lire que la moitié parce que je devrai quitter très rapidement, vers 18 heures, et ma compagne va continuer. Je vous remercie et je vous prie de m'excuser d'avance.

Le Président (M. Champagne): D'accord.

Mme Tremblay: La Confédération des organismes familiaux du Québec travaille à organiser une représentation structurée des familles depuis 1971. Notre "membership" atteint présentement environ 3% d'entre elles et compte des familles de toutes formes: familles monoparentales, familles d'accueil, familles biparentales originales ou reconstituées.

La famille, pour nous, est une unité de relations interpersonnelles primaires avec un caractère de permanence où un ou des adultes ont charge d'un ou de plusieurs enfants, ou un ou des enfants ont charge de parents. Nous avons produit une vingtaine de documents, mémoires, manifestes, interventions en commission parlementaire et avons organisé fréquemment des colloques et rassemblements où la famille se retrouve. Nous faisons l'expérience régulière de consultations de nos membres et notre souci de les respecter nous a conféré une solide crédibilité au sein des familles. C'est à titre de porte-parole de nos familles membres, donc a titre de confédération identifiée à la représentation exclusive des familles, que nous présentons ce travail à la commission sur "L'évolution de la population du Québec et ses conséquences", février 1984.

Depuis la naissance de notre confédération se retrouve au sein de nos groupes de travail un souci spécial pour les enfants membres de la famille, ce qui inclut aussi, pour nous, les parents et les grands-parents. La question de l'évolution de la population, de la dénatalité comme telle n'est pas notre première préoccupation, mais notre réflexion sociale sur la famille fait que nous y touchons constamment par le biais.

De toute évidence, l'évolution démographique, et spécialement la dénatalité, ne peut être a priori un thème privilégié par des familles regroupées ou par des personnes. Dans les associations familiales, ce sont les problèmes spécifiques et individuels qui s'expriment. Le souci par rapport à un faible taux de naissance relève beaucoup plus de l'intérêt des démographes ou des hommes de pouvoir. Ces derniers voient globalement la population et obtiennent les premiers les savants rapports de recherche. Un organisme à racine populaire comme le nôtre devient sensibilisé à ces situations problématiques surtout par les écrits et documents gouvernementaux. C'est ainsi que nous avons compris tout à coup que notre réflexion était susceptible d'éclairer le débat social actuel. Voilà le but de notre participation à cette commission parlementaire.

Chapitre I, la question de la dénatalité. Nous sommes loin d'être certains qu'il y ait quelque possibilité pour un gouvernement d'agir sur le nombre de naissances. Nous n'avons donc pas la prétention d'apporter des explications sécurisantes ou de permettre de comprendre ce phénomène global d'une subtilité mystérieuse. Surtout, nous ne tenterons pas de formuler des solutions miracles. Cependant, nous oeuvrons au sein et avec un nombre très important de familles du Québec. Nous travaillons donc jour après jour depuis presque quinze ans dans ce milieu où le nombre d'enfants est planifié au sein de la communauté familiale qui les reçoit à la naissance et qui marque profondément les futurs citoyens. Dans ce milieu où nous avons la chance d'oeuvrer, nous entendons la clameur, l'expression des problèmes et les revendications à acheminer aux législateurs. Ce que nous entendons rejoint en maintes façons le contenu et les analyses de l'excellent document sur lequel nous réagissons. Les adultes, les personnes, hommes et femmes, veulent ou voudraient des enfants. Ils en veulent moins qu'autrefois, il n'y a aucun doute là-dessus, mais ils en souhaitent et réalisent leurs aspirations si les circonstances environnantes le leur permettent.

Quelques éléments d'analyse. Certains aspects peuvent éclairer la question de la dénatalité. Il y a, au Québec, une crise au niveau du couple, du mariage surtout et une

crise au niveau de la famille. Selon nous, il peut y avoir là quelques éléments d'explication du taux de natalité. Nous en donnons huit: élargissement des attentes face au mariage et à la vie de couple; de nouvelles exigences sont élargies et ont en partie remplacé l'éventail des attentes que les personnes investissent dans le mariage et la vie à deux. Entre autres, il y a maintenant l'exigence d'une communication profonde, d'une relation privilégiée et riche, respectant l'autonomie des partenaires vus plus souvent qu'autrefois comme des personnes en devenir et en évolution.

Anomie et aspirations. Nous vivons actuellement une période transitoire anomique où les normes informelles de comportements sociaux sont en voie de redéfinition. Cette recherche, où on retrouve des tenants, des habitudes d'autrefois et des habitudes nouvelles, et où les uns et les autres évoluent rapidement, n'inhibe pas, selon nous, l'aspiration à la paternité et à la maternité. D'ailleurs, des enfants naissent toujours au Québec. L'aspiration demeure intacte, mais le passage à la réalisation concrète d'aspirations peut être fortement influencé par les conditions sociales. Ainsi, le choix de mettre un enfant au monde peut être l'objet d'une démarche plus longue, plus laborieuse, plus angoissante. Certains, devant la difficulté, vont remettre à plus tard, peut-être jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Redéfinition des rapports humains. Nous sommes à redéfinir la nature d'un certain nombre de rapports! rapport de la personne à son et à ses groupes d'appartenance individualisme versus un certain coopératisme - rapport homme et femme - égalitarisme économique entre autres - rapport parents-enfants - l'autorité parentale ne fait plus foi de tout.

L'absence de projet de société au Québec. L'anomie décrite ici dépasse largement les frontières du Québec. Cependant, au Québec, il y a plus. Nous n'avons pas de projet de société. Sur ce point, même les couples, les familles et les groupes d'appartenance sont profondément divisés. II faut une bonne qualité de communication pour que cette anomie puisse se vivre sans davantage de rupture.

Nouvelles attitudes des familles. Nous remarquons qu'il y a une conscience très aiguë chez les couples et dans les familles de pénalisations et ou des avantages fiscaux et économiques entraînés par diverses situations sociales liées au mode de vie choisi. Par exemple: unions de fait qui garantissent certains avantages fiscaux, cohabitation officieuse et séparation fictive du couple, ménage blanc d'étudiants voulant acquérir le statut d'autonomes pour obtenir un prêt ou une bourse d'études, etc.

Les familles sont conscientes des différentes formes de familles ou groupes communautaires qu'il faut bâtir pour avoir droit à tel ou tel bénéfice. La fiscalité particulièrement a été pensée en fonction de comportements conjugaux et familiaux d'un autre âge. Elle s'inspire d'une idée des rapports hommes-femmes qui ne prévaut plus comme autrefois.

Incohérence des orientations gouvernementales. Le système fiscal et les programmes sociaux témoignent très clairement de l'absence de consensus de fond sur des grandes questions. Par exemple, notions de couple et de la famille, notions basées sur l'union officielle seulement ou sur l'union de fait aussi, familles liées par le lien intergénérationnel en général ou liées par la présence d'enfants mineurs seulement.

Dévalorisation sociale pour les parents. Du point de vue familial, nous nous apercevons qu'avoir des enfants, être parents, être chef de famille, ne confère pas de prestige social, au contraire. Les adultes qui font ce choix de mettre des enfants au monde peuvent être l'objet de la risée de leurs compagnons de travail, par exemple. Ils sont régulièrement laissés pour compte par la société en général sauf peut-être dans les restaurants McDonald où les enfants abondent et où on sent bien qu'ils ont leur place. Ceux-là ont compris ta psychologie des familles et en font leur bénéfice.

L'enfant n'a pas vraiment sa place dans notre société. En général, il n'y a pas d'espace pour les enfants - habitations familiales très rares - la société n'est pas organisée pour les recevoir. Les parents ont peu de support social - petit nombre d'associations familiales - ils ne peuvent éduquer leurs enfants comme ils ont appris à le faire et ils se retrouvent devant rien. Ils n'ont pas de modèle commun auquel se référer. On leur dit d'être eux-mêmes mais cela ne se fait pas en un jour.

La natalité dans ce contexte. Le besoin de faire l'expérience de la vie de couple et de mettre des enfants au monde est malgré tout fort et profondément inscrit dans les aspirations des jeunes et des adultes. Cependant, l'insécurité du contexte et la situation anomique entraînent inévitablement une diminution du nombre de naissances. On sait que la naissance d'un enfant peut être perçue comme un ciment entre les partenaires, un point d'attache commun et convergent, comme un élément de permanence nécessaire et tout, autour, semble précaire, incertain et temporaire.

La question des motivations sous-jacentes. Les motivations qui amènent Ies personnes, les couples à s'entourer d'enfants, peuvent être complexes. Nous avons tous entendu au hasard l'expression a posteriori des motivations qui ont conduit à la naissance d'un enfant: Aide sur la ferme, aide économique plus tard, sécurité pour la vieillesse, obéissance au diktat religieux,

briser la solitude individuelle, perpétuation du nom, perpétuation de la race, concrétisation de l'amour du couple, pour rendre permanent l'amour du couple, s'attacher le conjoint, etc.

(18 heures)

Certaines de ces motivations ne sont plus pensables aujourd'hui et nous n'en savons pas beaucoup sur les motivations maintenant. Pourtant et malgré tout, nous entendons l'expression de l'aspiration des gens à avoir des enfants. Malheureusement, cette expression s'accompagne de la liste des inconvénients et des problèmes qui s'y rattachent.

Chapitre II, avec ma compagne.

Mme Gaudet (Marie-Paule): Notre hypothèse. L'hypothèse que nous voulons apporter et que nous croyons de nature à améliorer la problématique de la dénatalité est une politique familiale globale pouvant constituer l'essence d'un projet de société. Cette proposition rejoint deux objectifs majeurs pour nous. Elle peut constituer le pivot d'un projet de société. On sait que la valeur "vie familiale" a été choisie par 90% de la population au Québec. Elle peut possiblement, en transformant les conditions de vie des familles, créer un climat d'acceptation de l'enfant qui rende possible à ceux qui y aspirent d'avoir le nombre d'enfants désirés.

Justification de notre choix. En fait, notre préoccupation n'est pas nataliste, elle est avant tout familiale. Notre raisonnement est le suivant et constitue, d'une certaine façon, une liste "d'étant donné" à notre proposition d'une politique familiale globale au Québec.

En 1984, des enfants naissent encore au Québec. Ils naissent dans ce qu'on appelle une famille, peu importe sa forme. Ce sont les familles qui ont la responsabilité économique, légale et psychologique des enfants. Nous ne sommes pas sur le point de choisir collectivement que les enfants appartiennent à l'État sitôt leur naissance. Nous ne sommes pas sur le point de donner nos enfants à l'État. Nous lui confions nos enfants dans le système scolaire et certains, une minorité, acceptent de les confier très jeunes à la garderie, mais c'est tout.

Il y a un consensus social facile autour des idées, que c'est la famille qui constitue le groupe d'interaction où s'effectue la première socialisation, que cette socialisation unique est déterminante pour le citoyen, l'écolière, l'étudiant, la travailleuse, l'homme et la femme d'affaires, le scientifique, le juriste, etc. Il y a là une fonction officielle de la famille. La famille ne peut plus être livrée à elle-même, seule à se débattre dans une société anomique.

Un projet de société devrait rejoindre les valeurs profondes des citoyens. Or, la vie familiale est justement l'une de ces valeurs. Un projet de société s'inscrit dans un sentiment d'appartenance. Il s'inscrit dans l'idée de solidarité sociale et non pas sur l'idée d'un éparpillement des individus comme on le prônait dans les dernières années.

La famille est le milieu électif des solidarités vécues et expérimentées continuellement. Elle est le milieu de l'apprentissage essentiel à la solidarité sociale et le creuset où s'édifie ou non le sens de la responsabilité.

La politique familiale globale. Pourquoi "globale"? Plus que jamais, la COFAQ clame qu'il faut une politique familiale globale au Québec. Nous disons "globale" parce qu'il s'agit d'une politique horizontale, englobant tous les ministères. Cette approche, pourtant indispensable, peut poser en soi un problème, mais nous la maintenons. Actuellement, il n'y a pas d'instance gouvernementale, à part le premier ministre, qui a la possibilité d'élaborer cette politique familiale globale, puisque aucune instance ne peut subordonner tous les ministères. Le ministre responsable d'un tel projet pourra toujours être débouté par un collègue ministre qui veut sauvegarder sa juridiction et bloquer l'information nécessaire. Le ministre responsable ne sera qu'une voix parmi les autres voix des ministres au Conseil des ministres. Tous les ministres opposés au projet pourraient bloquer indéfiniment le projet en utilisant la structure gouvernementale actuelle.

La politique familiale ne peut qu'être globale. Elle doit comporter une réforme de la fiscalité. Le redressement est urgent si on veut profiter un tant soit peu des effets du "baby-boom" sur le taux de natalité. Elle touchera tous les ministères, notamment le ministère des Affaires sociales, du Loisir, de l'Éducation, de la Main-d'Oeuvre et du Travail, de l'Habitation, etc. Nous disons que la politique familiale doit être suffisamment globale pour constituer l'essentiel du projet de société pour que cesse la pénalisation actuelle des familles et la dévalorisation sociale qui entache ceux qui ont des enfants. Il faut qu'elle soit globale pour qu'elle ait juridiction sur tous les ministères. Nous ne souhaitons pas une dictature de la famille sur tous les secteurs de la société et des activités gouvernementales. La politique familiale ne peut non plus se faire au détriment des désirs légitimes des femmes. Nous ne souhaitons pas une pénalisation de ceux qui n'ont pas d'enfants. De même, nous ne revendiquons pas qu'une politique familiale soit réalisée à l'intérieur d'une année.

Les principes de cette politique. Un encadrement idéologique est nécessaire. D'abord, il nous faut accepter l'idée que l'État a le devoir d'intervenir pour aider les familles, pour sauvegarder leur autonomie aussi. La famille doit demeurer et être proclamée la première responsable des

enfants. Cependant, l'État doit fournir des conditions sociales décentes pour tous ceux qui ont des enfants. La première responsabilité de l'État est d'élaborer cette politique d'ensemble pour la famille. Une politique familiale globale suppose la poursuite de l'organisation du mouvement familial, c'est-à-dire la syndicalisation des familles, le regroupement des familles en association, ceci pour une double visée. La structuration de la solidarité commande la solidarisation des familles qui peuvent ainsi disposer de support, d'entraide, d'appartenance.

Les familles doivent également pouvoir parler pour elles-mêmes. La politique familiale ne peut être définie uniquement par les femmes, par les jeunes, par les hommes. Elle doit essentiellement être pensée par des familles organisées et de toutes formes. La politique familiale doit, comme le souligne le travail sur l'évolution de la population, respecter la liberté de choisir des familles. Choisir d'aller ou non sur le marché du travail pour la mère, de mettre ou non les enfants en garderie ou en garde en milieu familial ou ailleurs. Les services de garde sont un droit de toutes les familles, peu importe le motif de garde. Leur développement ne doit pas être lié uniquement à la venue de la mère sur le marché du travail. Il y a actuellement un énorme rattrapage pour faire de la place aux chargés d'enfants dans notre société. Nous avons laissé se dégrader tellement la situation que nous avons peine à raccommoder les pots cassés. Exemples; le nombre d'enfants en famille d'accueil, la délinquance, le pourcentage des divorces, les crises familiales, la violence dans la famille. Pourtant, malgré ces contraintes, il est primordial que la politique familiale ait une préoccupation de prévention.

Par où commencer? Nous souhaitons que le gouvernement du Québec tienne la promesse qu'il a faite avant son élection. Dans le peu de temps qu'il reste avant les prochaines élections, un certain nombre de gestes peuvent quand même être posés -pour la première, je vous ferai remarquer que lors de la rédaction du mémoire, le livre vert n'avait pas été déposé à ce moment-là: 1. Convocation par le gouvernement d'un événement majeur échelonné sur plusieurs jours, devant être couvert par les médias où se diront les principaux enjeux d'une politique familiale globale, ce que c'est, ce que ce n'est pas, la nouvelle conception de la famille, les principes à sauvegarder, le point de vue des familles organisées, l'impact sur le monde du travail, sur la fiscalité, sur les services sociaux, sur le système scolaire et les loisirs, ce qu'en pensent les regroupements de femmes, les groupes d'hommes, de jeunes, de personnes âgées, etc. 2. Écouter dans un deuxième temps la réaction de la population. Nous présumons sans aucune gêne une réaction plus que positive. 3. Proclamer l'intention gouvernementale de poursuivre et de favoriser l'implantation d'une philosophie familiale dans toutes les politiques gouvernementales. 4. Procéder rapidement à la mise en place d'une structure ayant le mandat et les pouvoirs de surveiller l'impact de toute législation sur la vie familiale, de réformer la législation actuelle lorsqu'elle va dans un sens contraire au bien de la famille, de poursuivre l'élaboration d'un projet de politique familiale et d'obtenir des ministères concernés les informations et supports nécessaires à la réussite du projet. 5. Reconnaître la nécessité, tant pour le bien des familles elles-mêmes que pour la poursuite du projet gouvernemental, de l'existence du mouvement familial organisé, c'est-à-dire une syndicalisation des familles.

Conclusion. Depuis de nombreuses années maintenant, nous défendons nos objectifs familiaux. Soudain, nous prenons connaissance de l'évolution de la population au Québec et de ses conséquences. Cette lecture nous confirme la justesse de nos choix et la claivoyance qui a été la nôtre. C'était à prévoir, il y a dix ans déjà. Pourquoi faut-il toujours que la situation se dégrade au point d'être dramatique pour que l'action s'engage? Aujourd'hui, nous de la COFAQ disons: nous nous sentons pressés, terriblement pressés. Il nous faut une politique familiale globale au Québec et les familles doivent en bénéficier tout de suite. Actuellement, les enfants du "baby-boom" d'après-guerre avancent rapidement en âge. Ils devraient être la génération privilégiée à laquelle on offre pour la première fois une politique d'ensemble pour les familles.

La dénatalité inquiétante du Québec ne pourrait-elle pas constituer à très court terme l'aiguillon qui fasse prendre conscience aux opposants à la politique familiale (ministres gouvernementaux et autres) qu'il y a quelque chose qui ne va plus dans le secteur de la famille? Notre intervention est une sorte de cri d'alarme. Cependant, nous sommes suffisamment nombreux et nous le sommes depuis assez longtemps pour être convaincus que nous avons raison. Il faut doter le Québec d'une politique familiale globale pour que l'action des différents ministères soit unifiée et cohérente par rapport à la famille et pour qu'elle constitue l'essence du projet de société dont le Québec a un grand besoin.

Le Président (M. Champagne): Voici, je fais une principale remarque au point de départ. C'est bien sûr que la commission devait siéger en septembre ou octobre. Vous

avez présenté votre mémoire à la fin du mois d'août et depuis ce temps, comme vous l'avez souligné, a paru un document de consultation sur la politique familiale. Vous l'avez désiré, c'était en marche et, actuellement, le livre vert pour les familles québécoises fait l'objet de consultations régionales au moment où on se parle. Espérons que ces consultations aboutiront à un projet de loi, comme vous le désirez et comme nous le désirons, ou à des politiques qui vont favoriser la famille.

Depuis ce temps, nous avons eu aussi le livre blanc sur la fiscalité et, dans ce livre blanc, la politique qui favorise la famille, je pense, est élaborée aussi. Depuis ce temps, nous avons adopté la loi 3 sur le système scolaire, un système qui fait en sorte que l'école devient le milieu de vie et c'est une école communautaire et responsable. Enfin, on fait notre possible. C'est bien sûr que votre mémoire, je le prends aussi comme une espèce de cri d'alarme parce que vous avez des passages qui nous font parfois frissonner lorsque vous parlez de la dévalorisation sociale pour les parents, la dévalorisation d'être chef de famille, d'être même père ou mère de famille. Je pense qu'aujourd'hui, dans mon milieu, cela ne fait, quand même pas la risée des compagnons de travail que de dire: Nous allons avoir des enfants. En tout cas, je ne sais pas, je n'ai pas vécu ces réprobations. N'empêche que c'est une bonne chose que les gouvernants soient saisis... Lorsque vous parlez d'habitation familiale, je pense que c'est notre responsabilité, et que votre cri d'alarme soit entendu de la façon dont vous l'avez fait, nous le respectons et nous espérons trouver aussi des solutions à cette situation.

Madame, je voudrais parler d'un élément dont vous faites mention à la page 17, soit l'existence d'un mouvement familial organisé, c'est-à-dire d'une syndicalisation des familles. Est-ce que vous avez déjà élaboré quelque chose au sujet d'une future syndicalisation des familles? Qu'est-ce que vous entendez par une syndicalisation des familles?

Mme Gaudet: Je laisserai Mme Laporte-Dubuc répondre à cette question.

Le Président (M. Champagne): Mme Dubuc.

Mme Laporte-Dubuc: Ce qu'on appelle une syndicalisation, c'est un peu une image parce que c'est bien sûr que les familles membres des mouvements familiaux ne veulent pas être des syndicats ou identifiées à l'action syndicale telle qu'on la connaît, mais une syndicalisation avec des moyens propres qui collent aux aspirations des familles pourrait être un terme approprié. Actuellement, il y a déjà un embryon de mouvement familial au Québec par le biais des associations familiales qui ont pris naissance dans Ies années 1939-1940 et il y a eu un essor particulier entre 1964 et 1967 et 1968. Après cela, la démarche naturelle a été de se regrouper en confédération. Donc, il y a déjà un embryon. On ne voudrait pas être totalitariste et dire qu'il devrait y avoir juste une confédération, mais à l'instar de ce qui existe en Belgique et en France où il y a de bons mouvements familiaux qui représentent peut-être 4% ou 5% de la population en France et en Belgique 25% de leurs bassins regroupables, on peut avoir l'ambition - et c'est l'ambition réelle qu'on a - de préparer l'avènement, au Québec, d'un mouvement familial qui ira jusqu'à une représentation de 20% et 25% des familles, les familles étant entendues, évidemment, comme familles de toutes formes. Ce n'est pas obligatoirement une notion de famille traditionnelle, mais c'est le milieu où l'enfant grandit en 1985. (18 h 15)

II y en a déjà et c'est la multiplication. Le problème pour l'existence d'un mouvement familial, c'est qu'il n'y a pas de formule Rand - comme on l'appelle -ou il n'y aura pas quelque chose qui permettra de retirer à la base des cotisations. Le problème, c'est le financement des organismes familiaux. Les familles qui s'engagent dans le mouvement familial reçoivent... Enfin, il s'agit de savoir ce qu'on entend par recevoir, mais en apparence, tel qu'on le conçoit actuellement, elles ne reçoivent pas de service. Ce sont des familles qui, bénévolement, sont appelées à travailler, donc à donner dans ce qu'on comprend spontanément comme donner et recevoir. Donc, on demande des choses aux familles et il serait très difficile - bien qu'on le fasse - de le faire sur une base importante. On ne peut pas demander de payer les familles et les coûts qu'entraîne l'organisation d'un mouvement familial. C'est ce qu'on veut dire quand on parle de favoriser. Il y a déjà des subventions. On existe à cause des subventions. Il faudra, dans une optique familiale, que le regroupement des familles soit favorisé de façon plus systématique pour qu'il y ait une bonne représentation des familles.

Le Président (M. Champagne): Madame, il y a un autre élément. Il y en a qui disent au sujet de la fécondité: Si on a une situation économique bonne, si on a le plein emploi, cela peut favoriser. Est-ce que votre organisme s'est déjà penché sur certains remèdes, que ce soit le salaire à la femme au foyer, que ce soit peut-être la mise sur pied de garderies, que ce soit peut-être des allocations familiales plus généreuses pour le troisième ou le quatrième enfant? Est-ce que vous privilégiez une certaine politique

pronataliste? Est-ce qu'on pourrait en savoir davantage sur vos opinions là-dessus?

Mme Laporte-Dubuc: D'abord, on fait une distinction très claire - je suis heureuse d'avoir l'occasion de l'expliquer - entre la politique nataliste et une politique familiale. La politique nataliste - c'est ce qui existe en France, pour ceux qui connaissent - s'est surtout axée sur le transfert de subventions directes liées à la naissance d'un enfant. Cela favorise la naissance d'un nombre plus élevé d'enfants, tandis qu'une politique familiale n'a pas comme objectif d'augmenter le nombre d'enfants. Elle a comme objectif de garantir des conditions sociales, une qualité de vie. Elle est basée sur un aspect qualitatif; donc, ce n'est pas du tout dans une optique nataliste. On pense qu'actuellement - M. Henripin a cette croyance, c'est bon d'aller chercher des appuis - il y a au Québec des gens, à cause du contexte de dévalorisation - ce n'est pas exagéré, l'image de dévalorisation qu'on a donnée - qui freinent leurs envies ou leurs aspirations, qui retardent la naissance de leur enfant, qui font des choix. D'ailleurs, je l'ai entendu dire justement par les statisticiens. C'est la distinction qu'on fait actuellement. On pense qu'une politique familiale aura un impact indirect sur le taux de natalité en permettant à ceux qui aspirent à avoir des enfants de les mettre au monde, ces enfants, à un moment où ils sont assez jeunes pour les mettre au monde aussi. C'est un aspect.

L'allocation de disponibilité, les allocations familiales, l'analyse de fiscalité, ce sont tous des sujets qui sont à l'étude chez nous et on a même un mémoire actuellement. On va aller en commission parlementaire sur le livre blanc de M. Duhaime et on va avoir des positions. Jusqu'ici, la réflexion n'est pas finie. C'est à l'étude et, chez nous, les études, avant d'être rendues publiques, doivent aller à la consultation de nos membres parce qu'on est un organisme représentatif. On ne peut pas se prononcer, on va avoir tout de suite un feed-back qui va nous remettre à l'ordre si on le fait. Il faudra que ce soit précédé d'une étape de consultation. Actuellement, notre orientation ne va pas dans le sens d'une allocation de disponibilité; elle va plus dans le sens d'une réforme de la fiscalité et de regarder l'ensemble: les exemptions d'impôt, Ies allocations familiales, un peu comme le livre blanc l'a fait, mais on le fait encore dans une optique plus large par rapport à la famille.

Sur les allocations familiales, on a une position. On dit qu'il faut absolument que l'État reconnaisse les coûts qui sont rattachés à la présence d'enfants, surtout la première année. Par rapport au montant croissant lié au nombre, on dit que tous les enfants doivent être considérés de façon égale par l'État; donc, le premier doit avoir le même montant que le troisième ou le quatrième. D'ailleurs, il y a une chose, que les familles notent: c'est toujours le dernier enfant de la famille qui disparaît, quand il atteint 18 ans. C'est celui qui donne le plus d'argent à la famille qui est enlevé; le deuxième devient le premier, le troisième devient le deuxième. Les allocations familiales diminuent d'année en année. La somme globale que l'État donne aux familles en allocations familiales diminue actuellement d'année en année. Donc, il y a une perte régulière de la part des familles pour les transferts auxquels elles avaient droit les années précédentes.

Le Président (M. Champagne): Si je comprends bien, vous voulez une politique familiale qui favorise réellement la famille et l'épanouissement à la fois des enfants et des parents, et à partir de cela, on pensera peut-être justement à faire d'autres enfants.

Mme Laporte-Dubuc: J'ai envie de vous donner un exemple. On a fait en 1982 une série de 15 colloques à travers la province. Pour vous montrer, par un exemple concret, la dévalorisation, il y a deux femmes, une à Chicoutimi et une à Montréal, qui sont venues faire des témoignages lors des colloques. À Montréal, une femme qui a eu son bébé avec elle toute la journée a dit: Je suis une travailleuse sociale. Il y a cinq ans, j'ai décidé de quitter mon travail pour élever mes enfants. Cet enfant est le quatrième que je mets au monde et je suis venue vous dire publiquement ce qu'on m'a dit quand j'ai décidé de mettre ce quatrième enfant au monde. Elle a dit: Pour mon premier enfant, il y avait une demande de la société. Ce sont des normes informelles que les gens expriment volontiers quand on leur donne le droit de parole. On nous disait: Quand est-ce qu'il va arriver, le premier? Au deuxième, c'était la pédale plus douce par rapport à la demande. Au troisième, ils ont commencé à se faire dire: Vous avez du courage. Au quatrième, elle s'était fait dire par ses confrères qu'elle n'avait pas de conscience sociale de mettre un quatrième enfant dans la société telle qu'on la connaît, qu'ils étaient décidés. Même, il y avait des quolibets: Est-ce que vous faites autre chose que cela? Enfin, des choses de même. Il y a une dévalorisation. C'est arrivé deux fois et l'expression de cette personne-là témoigne aussi du vécu d'autres personnes derrière elle.

Le Président (M. Champagne): Merci. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Évidemment, vous parlez surtout de politique familiale. On dirait que vous vous défendez un peu de ne pas vouloir

faire de politique nataliste. Vous nous dites même au tout début, dans votre introduction: "Le souci par rapport à un faible taux de naissance relève beaucoup plus de l'intérêt des démocrates ou des hommes de pouvoir", autrement dit, que de nous.

Mme Laporte-Dubuc: Exactement.

M. Hains: Comment expliquez-vous cette distinction sur laquelle vous insistez beaucoup au point de vue familial plutôt qu'au point de vue nataliste?

Mme Laporte-Dubuc: Nous, on travaille avec des familles et je peux vous dire que cela serait absolument impopulaire, chez les femmes et les hommes, l'idée qu'on les incite à avoir des enfants, du point de vue du nombre, juste parce qu'ils reçoivent des transferts sociaux. En France, on dit qu'au-delà du cinquième enfant, c'est payant d'avoir des enfants. Enfin, c'est comme monnayer la naissance, il y a quelque chose d'irritant pour les familles. Ils vivent une situation sociale - reprenons le mot -dévalorisante actuellement ou insatisfaisante, mais ce n'est pas du tout par des transferts de fonds qui sont liés au troisième ou au quatrième enfant qu'ils le veulent. Ce serait absolument impopulaire et intolérable dans les familles telles qu'on les connaît. Par ce qu'on entend dans nos consultations, ce serait absolument inacceptable.

M. Hains: Quand même, vous ne niez pas la valeur d'une certaine politique nataliste telle qu'elle existe en France, comme vous le dites, ou en Europe de l'Est et qui produit quand même des bons fruits.

Mme Laporte-Dubuc: Je pense qu'il n'y a pas eu de distinction entre politique familiale et politique nataliste jusqu'ici. En France, cela a été une politique populiste à partir de la guerre jusqu'à il y a à peu près quatre ou cinq ans. Mais depuis quatre ou cinq ans, l'évolution de la pensée va beaucoup plus dans le sens d'en faire une politique familiale. En Belgique, c'est une politique familiale et non pas nataliste. Dans les pays où il y a eu une réflexion, la distinction entre politique sociale, politique familiale et politique nataliste est très claire. Quand monsieur a parlé de l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest, en Allemagne, à ma connaissance - je suis allée en Belgique, en France et en Espagne, mais je ne suis pas allée en Allemagne - c'est beaucoup plus une politique familiale qu'une politique nataliste. On m'a dit dernièrement qu'en Autriche il y a une politique absolument exemplaire et qui est familiale. Dans ces pays, la distinction se fait. Notre apport aura-t-il été seulement de vous alerter par rapport à la distinction qu'il faut faire que je pense que cela aurait été important qu'on le fasse.

M. Hains: On la saisit très bien, d'ailleurs. Vous semblez penser que, pour un gouvernement, c'est très difficile d'intervenir sur le nombre des naissances. C'est ce que vous dites, d'ailleurs, au début de la page 3: "Nous sommes loin d'être certains qu'il y ait quelque possibilité pour un gouvernement d'agir sur le nombre de naissances".

Pourtant, cet après-midi, les deux scientifiques qui étaient avec nous ont prouvé, quand même, qu'il y avait certainement des possibilités, pour un gouvernement, de favoriser vraiment une politique nataliste. Est-ce que vous doutez beaucoup de cela?

Mme Laporte-Dubuc: Non. Je l'ai entendu avec beaucoup de plaisir.

M. Hains: C'est cela.

Mme Laporte-Dubuc: J'avais entendu avant, comme plusieurs d'entre nous, M. Henripin. M. Henripin a toujours la précaution de dire qu'ils ne savent pas. Nous, on représente des familles. Vous comprenez bien qu'on ne va pas se lancer pour aller répondre et régler des grandes questions comme cela. On n'est pas certain, mais on le postule avec notre petite expérience, avec le sens commun, avec ce qu'on entend et ce qu'on recueille comme témoignages des familles. Ce sont des opinions, ce ne sont pas des recherches qu'on vient vous apporter. Mais je l'ai entendu avec beaucoup de plaisir.

M. Hains: C'est cela. Il faut quand même faire une distinction, je crois, entre une crise de la famille et une crise démographique.

Mme Laporte-Dubuc: Oui.

M. Hains: Cela peut se compléter. Les deux sont en état de crise, cela est certain, mais je pense qu'il y a une distinction qui existe, qu'il ne faut pas laisser tomber.

Mme Laporte-Dubuc: Non, mais il y a sans doute un lien entre les deux.

M. Hains: Très, très intime. Mme Laporte-Dubuc: Oui.

M. Hains: C'est pour cela qu'en demandant une politique globale familiale, par le fait même, vous espérez que cela va faire du bien à la question de la natalité parmi les familles.

Mme Laporte-Dubuc: Oui.

M. Hains: Je pense que c'est en contre-choc et en contrecoup que vous espérez cela.

Mme Laporte-Dubuc: Oui.

M. Hains: Maintenant, un peu plus loin vous dites, è la page 14: "L'État doit fournir des conditions sociales décentes pour tous ceux qui ont des enfants". Je ne reviendrai pas beaucoup là-dessus, mais voulez-vous nous expliquer peut-être une dernière fois, encore, ce que vous entendez par avoir des conditions sociales décentes?

Mme Laporte-Dubuc: Des conditions sociales décentes, c'est, par exemple, l'élimination de certaines aberrations qui existent actuellement. Je vais vous en donner quelques exemples. C'est surtout au niveau de la fiscalité. D'ailleurs, on avait envoyé des documents à M. Parizeau et on s'est rendu compte qu'il en avait tenu compte. Ce n'est pas appliqué encore actuellement. C'est peut-être important que vous le sachiez, vous autres aussi. Prenons deux familles dans une situation égale, voisines, toutes choses étant pareilles, dans le même milieu, avec le même revenu. Dans un cas, le revenu familial provient de deux salaires tandis que, dans la deuxième famille, il provient d'un salaire. On a fait les calculs. La famille où le revenu provient d'un seul salaire va être pénalisée par le système fiscal de 600 $, 700 $, 800 $ simplement parce que, actuellement, la fiscalité est basée sur un système qui est... Enfin, je ne veux pas critiquer le système, on ne sait pas lequel. On peut juste observer la conséquence. De deux familles voisines, l'une va avoir 800 $ de moins et l'autre va avoir 800 $ de plus, juste parce que l'imposition se fait selon un taux progressif et que le mari gagne plus que les deux séparément. Cela, c'est une aberration.

Je peux vous en donner un autre exemple un niveau du vécu des familles qui est d'un autre ordre. Tout ce qu'il y a de normes, de contrôles ou d'évaluation gouvernementale sur les prématernelles relève du ministère de l'Éducation et tout ce qu'il y a de normes, de contrôles ou d'évaluation des garderies relève de l'Office des services de garde. Alors, cela peut entraîner une famille à mettre l'enfant de deux heures a trois heures sous la responsabilité et l'évaluation du ministère de l'Éducation et l'enfant, à partir de 4 heures jusqu'à 6 heures, doit traverser la rue et est soumis complètement à d'autres normes. Il n'y a pas de coordination du tout entre les deux systèmes d'évaluation de normes ou d'analyse du gouvernement. Il y en a comme cela des aberrations. Une autre qui est criante: cela peut être plus avantageux d'abandonner ses enfants que de les garder. Il y a même des choses qui circulent entre les familles. Il y a des femmes qui se sont dit: Bon, je serais mieux de prendre tes enfants en famille d'accueil et toi, que tu prennes les miens en famille d'accueil et, dans cette situation, on serait capable d'avoir plus d'aide.

Je vous en donne un autre. Quand un homme divorce, il a droit à l'exemption de la totalité de la pension alimentaire et, quand il vit avec sa femme, il a droit à une exemption de base qui est beaucoup moindre. Voyez-vous, il y en a beaucoup, beaucoup comme cela et les familles en sont absolument conscientes. L'année dernière, à une émission à Ottawa, j'ai fait une intervention dans le sens qu'il fallait une politique familiale et la réaction spontanée d'un couple qui était là a été: II ne faut pas mettre le gouvernement dans la maison des familles. Après, nous avons commencé à donner les aberrations et ie mari a dit à sa femme: Tu sais, je te l'avais dit quand on a fait notre rapport d'impôt, ce serait plus avantageux pour nous de divorcer que de vivre ensemble. Tout à coup, il a dit: Bien oui, c'est vrai. C'est cela, les aberrations. C'est ce qu'on appelle une situation inadéquate et non favorable à la vie familiale.

M. Hains: En tout cas, je vous remercie beaucoup. Vous avez été très intéressante et cela nous fait du bien en même temps. Espérons que les foyers vont devenir heureux pour qu'un jour, peut-être, les enfants soient un peu plus nombreux aussi.

Mme Laporte-Dubuc: Souhaitons-le.

Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup, madame. Au nom des membres de la commission, je vous remercie d'avoir apporté votre témoignage. Soyez assurés que les membres de la commission porteront une attention particulière à vos recommandations et à votre témoignage cet après-midi.

Mme Laporte-Dubuc: Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Champagne): La commission parlementaire de la culture ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 33)

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