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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, April 25, 1985 - Vol. 28 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous plaît!

Aujourd'hui le 25 avril, à l'ordre du jour, étudier les crédits budgétaires du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Présents, MM. Blais (Terrebonne), Champagne (Mille-Îles), Dauphin (Marquette), French (Westmount), Gauthier (Roberval), Hains (Saint-Henri), Payne (Vachon).

Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue au ministre, à sa sous-ministre, Mme Barcelo, à ses fonctionnaires et aux membres de son cabinet. Je voudrais également dire comment la commission apprécie le fait que nous ayons eu la documentation suffisamment à l'avance pour permettre une bonne étude des crédits. La documentation est très claire et très volumineuse. Elle est très clairement organisée. C'est donc un outil de travail extrêmement valable pour nous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Commentaires préliminaires

Dans le cours normal des choses, je pense que nous inviterons directement le ministre à faire ses commentaires préliminaires. Le document a été distribué. S'il y a des députés qui ne l'ont pas reçu, je vous inviterais à nous faire signe. M. le ministre.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, je veux d'abord vous remercier de rendre hommage à mon équipe qui, par tradition, distribue très tôt dans l'année et assez longtemps avant l'étude des crédits les documents pertinents à mon ministère.

Par ailleurs, comme je ne veux pas que mon discours prenne trop de temps, mais que plutôt les questions prennent du temps dans cette commission, je ne ferai pas un long discours ce matin. Je vais plutôt faire un très bref résumé de ce qui s'est passé au ministère cette année. Je pense que le discours a été donné à tout le monde et que les faits saillants sont là.

Je vais d'abord présenter Mme Juliette Barcelo, sous-ministre, M. Régis Vigneau, sous-ministre adjoint, M. Roger Prud'Homme, sous-ministre adjoint aussi, Mme Micheline Lachance, chef de cabinet, M. Normand

Lemay, des services financiers, M. Pierre-Etienne Laporte, de la recherche. Ils sont là pour compléter les réponses à vos questions au cas où je ne pourrais pas les donner moi-même.

Je veux aussi remercier Mme Louise Harel qui a fait du beau travail pendant qu'elle était mon successeur au ministère, entre autres, pour la campagne de financement pour l'Éthiopie et la création et l'adoption de la loi 10 créant le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.

Je vous annonce aussi en primeur que la présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a été nommée hier au Conseil des ministres, Mme Juanita Westmoreland-Traoré. Nous avons un curriculum vitae à vous distribuer à son sujet immédiatement. Est-ce que vous l'avez, Mme Lachance? Il est en voie d'impression. Les deux vice-présidents seront annoncés dans les semaines qui viennent, M. le député de Marquette. Les deux vice-présidents seront nommés bientôt et les treize autres membres seront nommés aussi dans les semaines qui viennent. Donc, pour ce qui est de la loi qui prescrivait de nommer la présidente au début d'avril, mission accomplie.

Par ailleurs, ce qu'il y a de nouveau au ministère cette année, c'est que les niveaux d'immigration seront établis après une large consultation auprès des organismes du conseil pour déterminer Ies niveaux souhaitables pour le Québec. De plus, c'est un fait nouveau, ces niveaux seront dorénavant approuvés par le Conseil des ministres en réunions régulières. Le conseil dont je viens d'annoncer la présidente répond à un besoin qui a été exprimé à plusieurs reprises par les communautés culturelles et par les intervenants socio-économiques concernées par l'immigration. D'ailleurs, une recommandation du sommet "Québec dans le monde" allait dans le même sens. Ce conseil fait suite au CIPACC; il devient une structure permanente équipée d'une équipe de recherche et d'un budget dignes de ce nom. Ce conseil a pour fonction d'éclairer le ministre et de faire rapport à la population du Québec et au Parlement de ce qui va bien ou de ce qui ne va pas bien dans le domaine de l'immigration et des groupes ethniques au Québec.

D'autre part, l'année 1984 a été une année exceptionnelle en ce qui touche le domaine des immigrants investisseurs. En effet, 525 d'entre eux ont reçu un visa. Ils

disposaient de 250 000 000 $ qui sont investis au Québec. Notre bureau de Hong Kong a connu une augmentation de 93% des personnes sélectionnées par le Québec pour l'année en cours. À tel point que nous songeons l'an prochain à grossir le bureau de Hong Kong de deux à quatre conseillers, c'est-à-dire deux de plus que ce que nous avions jusqu'à maintenant, car nos dossiers s'accumulent de façon quotidienne au bureau de Hong Kong. Les investisseurs de Hong Kong sont extrêmement attirés par le Québec et nous voulons bénéficier au maximum de cette période chaude, je devrais dire. Les gens de Hong Kong sont inquiets quant à l'avenir de leur territoire et se cherchent un lieu stable où ils espèrent faire leur vie et mettre sur pied des entreprises rentables pour eux et leurs descendants.

De plus, nous aurons un conseiller de plus au bureau de Paris et nous avons ouvert un nouveau bureau à Düsseldorf en Allemagne où il y avait une augmentation notable des candidatures à la suite de missions faites par nos agents d'immigration en provenance de Montréal ou de Paris, dans cette partie de l'Europe; on a constaté qu'à Düsseldorf aussi il existait un bassin potentiel important de candidats dotés de compétence, d'expertise, de "know-how" et d'argent, choses qui font défaut au Québec et que nous espérons aller chercher dans les pays qui en disposent. Aussi, ils sont prêts à déménager, à quitter leur pays natal pour se refaire une vie dans des pays qu'eux estiment beaucoup plus stables et beaucoup plus propices aux investissements et au développement économique.

Mon discours a été déposé également au Journal des débats; il sera inscrit au Journal des débats du Parlement. (Voir annexe).

Nous avons également rencontré au cours des voyages que nous avons faits, mon sous-ministre et moi, en Europe des candidats potentiels du Moyen-Orient, du Liban, de l'Arabie Saoudite, des candidats extrêmement intéressants sur lesquels nous travaillons toujours, qui sont venus au Québec, qui ont visité des entreprises, qui ont visité le pays, le territoire, qui devraient bientôt se brancher et décider de venir ici au Québec éventuellement, dans le domaine agricole, l'agriculture sous serre en particulier, et dans d'autres domaines où le Québec a un retard. Nous tentons donc de choisir des candidats dans des secteurs où le Québec a vraiment un retard, où il est sous-développé de manière que la mosaïque industrielle du Québec soit la plus développée possible.

Ce sont mes remarques, M. le Président. Maintenant, un dernier mot, peut-être, sur les réfugiés. De 7000 à 10 000 réfugiés sont au Québec. Nous les appelons maintenant "les revendicateurs du statut de réfugié", ce qui est une expression fédérale. Une décision récente de la Cour suprême va prolonger le processus déjà très long de parachèvement de leurs dossiers. Il faut donc absolument trouver une solution à ce problème et, en ce sens, Mme Flora MacDonald et moi, nous nous verrons à Ottawa, le 7 mai, afin d'éclaircir ensemble ce problème et de tenter de trouver une solution conjointe, puisque nous sommes partenaires d'égal à égal dans ce secteur.

M. le Président, ce sont mes remarques préliminaires. Je passe maintenant la parole aux membres de la commission et à vous-même.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. M. le député de Marquette est, je pense, le critique de l'Opposition officielle. Avez-vous des commentaires préliminaires?

M. Dauphin: Oui.

Le Président (M. French): S'il vous plaît.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mme la sous-ministre, M. le sous-ministre, mesdames et messieurs, je vais être très bref, moi aussi, puisque, pour la bonne compréhension de nos travaux, nous allons étudier en deux tranches nos crédits, soit aujourd'hui et le 8 mai, si je ne m'abuse. Nous allons surtout nous concentrer sur l'aspect des communautés culturelles aujourd'hui et nous reviendrons sur l'aspect spécifique de l'immigration et de la loi 101 le 8 mai. Je vais être bref. J'ai seulement sept ou huit pages.

Le Président (M. French): M. le député, notre compréhension n'est pas semblable, je pense.

M. Godin: Peut-être une précision. Aujourd'hui, c'est l'étude des communautés culturelles et de l'immigration et, le 8 mai, ce sera la loi 101. Rien n'empêche de parler de l'immigration aujourd'hui, évidemment.

Le Président (M. French): Est-ce que cela va?

M. Godin: Mon équipe de l'immigration est ici au complet aujourd'hui. Donc, toute question sur l'immigration devrait être posée aujourd'hui. L'entente avec votre collègue, M. Rivest - de quel comté est-il? - était que la loi 101 serait étudiée le 8 mai et les communautés culturelles et l'immigration aujourd'hui.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette, est-ce que cela vous crée des problèmes?

M. Dauphin: C'est-à-dire que M. Rivest, qui s'occupe de la loi 101 au sein de notre formation politique, m'a dit qu'en une heure, au maximum, il pourrait disposer de la loi 101. C'est pour cette raison que, étant donné que nous avons deux heures à notre disposition le 8 mai, si je ne m'abuse, j'avais prévu un peu de temps pour l'immigration, mais, quand même, on va essayer de s'adapter, de s'accommoder. Est-ce que cela cause des problèmes?

M. Godin: C'est-à-dire des problèmes, pas pour moi qui suis toujours ici de toute façon les mardi et mercredi, mais pour mes collègues du ministère qui doivent travailler, comme vous le savez, à Montréal où le bureau se trouve. Cela les forcera à revenir ici. Mais ce n'est pas un problème insurmontable, remarquez bien.

Le Président (M. French): Essayons donc, si vous me le permettez, de voir comment cela va. À la fin de cette séance, nous allons tenter de décider ensemble quels seraient les meilleurs arrangements. Je comprends très bien que, puisque la plupart des bureaux du ministère sont localisés à Montréal, il serait évidemment, souhaitable qu'on puisse, dans la mesure du possible, épuiser les crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration aujourd'hui. À la fin de la séance d'aujourd'hui, on sera au moins en mesure de savoir ce qui reste, de sorte que, si on pouvait désigner cette partie pour le bénéfice du ministre et de la sous-ministre, pour leur planification, on rappellerait quelques personnes, mais pas toute l'équipe pour la prochaine fois. Je ne sais pas, c'est une suggestion que je propose.

M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, je préciserais que, normalement on doit adopter les programmes 1, 2 et 3 à la fin de notre séance et le programme 1, c'est l'immigration, le programme 2, les communautés culturelles et le programme 3, c'est la Charte de la langue française. Donc, si on pouvait adopter aujourd'hui les programmes 1 et 2, ce serait dans les règles et dans la tradition. Si nous pouvions adopter aujourd'hui les programmes 1 et 2 de notre budget, puisque c'est une étude de crédits, nous serions comblés.

M. Dauphin: Finalement, on verra à la fin de la séance.

M. Godin: D'accord.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Je vais commencer tout de suite. Mesdames, messieurs, deux dossiers auront marqué au cours de cette dernière année le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration soit, d'une part, l'abolition du CIPACC et la création du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration par la sanction de la loi 10 en décembre dernier.

En effet, le printemps dernier, le gouvernement, par la voix de son ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, annonçait la dissolution du Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles, soit le CIPACC. Pour le remplacer, le ministre avait suggéré comme palliatif un ombudsman, un superfonctionnaire, dont le rôle était d'être l'intermédiaire entre les différents ministères et organismes gouvernementaux et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, de même qu'entre ce dernier et les représentants des communautés culturelles.

À pareille date l'an dernier, lors de l'étude des crédits de ce ministère, l'Opposition libérale avait mis en doute ce palliatif pour remplacer le CIPACC. Nos inquiétudes reposaient sur le fait que, pour la représentativité des communautés culturelles au sein du gouvernement, avoir uniquement une personne, si compétente soit-elle, représentait un recul inquiétant, que la voix des communautés culturelles allait en s'amenuisant. Nous avions à ce moment-là formulé le souhait, qui était avant tout celui des membres des communautés culturelles, de voir remplacer le CIPACC par un comité indépendant qui serait dignement représenté par les membres des milieux des communautés culturelles et de l'immigration et qui se verrait ajouter plus de pouvoirs. D'ailleurs, la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration s'est souvenue de cette suggestion puisque, lors de son discours sur l'adoption du principe de la loi 10 le 14 décembre dernier, elle mentionnait: "Nous avions envisagé à l'époque, grâce aux suggestions du député de Marquette, d'ailleurs, de mettre sur pied un organisme autonome permanent et doté d'un budget significatif. "

Effectivement, l'Opposition libérale a été heureuse de constater que le gouvernement avait pris en considération cette suggestion en déposant l'automne dernier le projet de loi 10, soit la Loi sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Nous avons, par ailleurs, accepté d'emblée de collaborer à son étude pour qu'elle puisse être sanctionnée en décembre dernier.

Nous souhaitons que, pour le gouvernement, le conseil ne se révèle pas un organisme sans importance et sans voix, que ses recommandations seront écoutées et mises en application par la suite dans les plus brefs délais.

II serait donc important pour commencer que le gouvernement nomme les membres qui formeront ce conseil le plus tôt possible - d'ailleurs, le ministre nous a fait part de la nomination de la présidente -puisque, à notre connaissance, cela n'a pas encore été fait, même si la loi est entrée en vigueur le 1er avril dernier. D'ailleurs, sur ce point, nous aurons des questions bien précises à poser au ministre quand viendra le moment d'étudier le programme 2 du ministère qui porte justement sur ledit conseil.

Maintenant, attaquons-nous aux actions de ce gouvernement dans le secteur des communautés culturelles et de l'immigration. En 1981, un mois avant les élections d'avril, le gouvernement du Parti québécois lançait à grand renfort de publicité son plan d'action sur les communautés culturelles, intitulé "Autant de façons d'être québécois". Nous avions soulevé le fait l'an dernier, à la lecture du premier rapport du CIPACC, que le bilan du plan d'action gouvernemental était pratiquement inexistant. Le ministre nous avait alors répondu qu'à la lecture du second rapport du CIPACC, qui fut également son rapport final, nous verrions une nette amélioration dans le processus d'application du plan d'action, allant même jusqu'à nous dire que 80 % des objectifs de ce plan avaient été mis en place.

Force nous est de constater qu'à la lecture du rapport final du CIPACC no 2 notre affirmation demeure: Le bilan est fort mince.

Dans le plan d'action "Autant de façons d'être Québécois", que M. Jacques-Yvan Morin, alors ministre d'État au Développement culturel et scientifique, avait rendu public en 1981, on indiquait ceci: "Sans définir de balises quantitatives, ce qui dans la pratique s'avère le plus souvent improductif, le gouvernement s'engage à annoncer sans délai le processus de correction qui s'impose. Il s'engage à prendre des moyens plus vigoureux si d'ici 1985 les mesures actuelles n'ont pas eu pour effet d'équilibrer la représentation des communautés culturelles dans les secteurs de la fonction publique dont les services touchent de près la population. Par ailleurs, l'échéancier prévoit une évaluation et une révision de la stratégie après trois ans. "

Maintenant, dans le dernier rapport d'activités du CIPACC, on lit ceci: "Cependant, l'objectif fondamental visé par le CIPACC, à savoir la prise en charge de la politique gouvernementale par l'ensemble des organismes concernés, n'est pas encore atteint. Dans plusieurs ministères et organismes, cette politique n'est pas encore placée au premier rang. II y a même des signes qui démontrent que la sensibilisation et l'information relatives au plan d'action, dans plus d'un cas, sont restées limitées à un cercle restreint de gestionnaires ou parfois même au seul chargé du dossier. "Il faudra beaucoup de temps et une volonté politique soutenue pour voir s'imposer comme une priorité la politique d'ouverture aux communautés culturelles dans les organismes. "

Un peu plus loin, le rapport trace les grandes lignes de la situation actuelle, ce qui prouve hors de tout doute que le plan d'action du gouvernement n'a guère progressé depuis quatre ans.

Je reviens aux membres du CIPACC qui disent: "Au chapitre de l'accès à la fonction publique, les progrès enregistrés sont d'ordre législatif et administratif. Il s'agit maintenant de commencer le recrutement de manière à opérer les redressements souhaités. "

Une parenthèse ici pour souligner avec quelle emphase le gouvernement, lors du lancement du plan d'action en mars 1981, avait mis l'accent sur cet aspect, soit "La politique d'accès égal à la fonction publique" qui était à la fois le symbole et la locomotive de tous son plan d'action. Or, on constate qu'on en est encore rendu aux préliminaires.

Plus loin dans le rapport, on indique: "Dans le domaine des communications, on a constaté de nombreuses réalisations sectorielles, mais elles demeurent inégales et peu coordonnées. "En ce qui concerne les services, là non plus on n'est pas arrivé à la formulation et à l'adoption d'une politique globale. "

Toujours selon les membres de l'ex-CIPACC: "Dans le domaine de l'éducation, un certain nombre de mesures mentionnées dans le plan d'action sont en place: pour la plupart, d'ailleurs, elles existaient avant la publication de ce plan d'action. Cependant, on ne peut pas en dire autant pour d'autres mesures, notamment celles relatives à l'éducation des adultes et à la formation des maîtres. Par ailleurs, la sensibilisation des milieux scolaires n'est pas encore généralisée et permanente. "Quant à la condition des femmes, la question commence à préoccuper les organismes spécifiques à la condition féminine mais cette préoccupation est loin d'avoir gagné l'ensemble de l'appareil gouvernemental. "

Comme on peut le constater, nous sommes loin de la réalisation du plan d'action que le gouvernement lançait en 1981 et où le ministre Jacques-Yvan Morin avait affirmé que "des mesures draconiennes s'imposeraient si ce délai "de trois ans" n'était pas respecté". Cela a, d'ailleurs, été repris dans la Presse du 24 mars 1983.

Le Comité d'implantation du plan d'action des communautés culturelles, aboli l'an dernier, mettait donc les cartes sur table dans son rapport final, en indiquant que

beaucoup de travail restait à compléter. À cela, une autre voix s'est ajoutée, soit celle des communautés culturelles elles-mêmes, au cours de l'année qui vient de s'écouler, et qui démontre le peu d'avancement de ce plan d'action.

(10 h 30)

En septembre dernier avait lieu à Montréal un colloque sur les communautés culturelles que, d'ailleurs, le ministre et député de Mercier avait proposé et organisé et qui portait sur les "perspectives et priorités" de celles-ci. Plus de 200 personnes ont participé à ce colloque où différents dossiers ont été abordés en atelier, tels les jeunes, les femmes, les services de santé et les services sociaux, le milieu de travail, etc. Ces participants ont donné un bon aperçu de la réalité des communautés culturelles et de leur vécu.

À cette occasion, on a relevé plusieurs lacunes des politiques gouvernementales portant sur les communautés culturelles; en voici quelques-unes: un manque d'outils de communication et ce, dans divers milieux comme celui du travail, dans le réseau scolaire, des services offerts par le gouvernement, etc; l'apprentissage du réseau scolaire, à la fois par les enfants et les parents, à cause d'un manque de connaissance du réseau, des difficultés rencontrées dans leur adaptation, d'un système qui tend à les assimiler et non à les intégrer dans le respect de leurs différences, etc.; la représentativité des communautés culturelles au sein du gouvernement et de l'appareil gouvernemental; les politiques inefficaces et insuffisantes pour la formation et l'apprentissage de la langue française.

D'ailleurs, nous disons immédiatement au ministre que nous avons scruté avec attention les remarques, suggestions, critiques formulées par les membres des communautés culturelles lors de ce colloque et nous y reviendrons pour une grande part dans nos interventions. On constatera de ce fait qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir et que plusieurs aspects soulevés tendent à démontrer que le gouvernement a failli dans la mise en place de sa politique d'action pour les communautés culturelles.

Pour démontrer qu'à quelques reprises lors de ce colloque on pouvait être fort critique et porter un jugement sévère sur les actions du gouvernement, voici un extrait des discussions qui ont eu lieu dans l'atelier portant sur les femmes: "Plusieurs personnes présentes constatent que les actions du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration en regard de ces dernières ont été presque nulles, sinon exclusivement de nature bureaucratique. " Ceci est tiré du journal du rapport du colloque.

Enfin, en conclusion, au cours de cette dernière année, le ministère des Communautés culturelles aura connu à la tête de sa gestion et de son administration trois titulaires différents, passant des mains du député de Mercier à celles de la députée de Maisonneuve, puis, durant un certain moment, dans celles du ministre de la Justice et député d'Anjou. Nous sommes cependant heureux de constater le retour du député de Mercier à la tête de ce ministère, puisque cela correspond au recouvrement de sa santé, que nous lui souhaitions très sincèrement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): Merci, M. le député.

M. le député de Vachon ou M. le député de Terrebonne, je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires à faire à ce stade-ci?

M. Payne: En préliminaire?

Le Président (M. French): Oui. M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: J'aimerais remercier le ministre. J'aurai quelques questions, un peu plus tard, qui vont s'orienter plutôt vers deux groupes qui sont aux antipodes de la société mondiale, à savoir les réfugiés, d'une part, et les investisseurs plus fortunés, d'autre part. Je pense que cela témoigne d'une diligence de la part du ministère qui semble démarquer la politique actuelle du ministère par rapport aux années précédentes.

Il serait intéressant d'un point de vue sociodémographique d'essayer de situer cette discussion dans la tendance qu'on a vue s'accentuer depuis plusieurs années, à savoir l'arrivée massive, particulièrement au cours des six dernières années, de milliers d'immigrants venus d'Asie, des Antilles et, dans une moindre mesure, de l'Amérique latine, pour discuter de quelle manière les politiques du ministère ont dû s'adapter à cette nouvelle réalité, parce que, si cette situation peut être source de richesse aux plans culturel et économique, encore faut-il être en mesure de relever le défi qui consiste à adapter les nouveaux venus et d'assurer leur plein épanouissement au Québec.

Ce qui m'a impressionné dans la lecture des crédits de cette année, c'est justement ce dynamisme de la part du ministère d'accueillir, d'une part, de manière beaucoup plus cohérente et beaucoup plus généreuse les réfugiés, mais aussi, d'une manière pragmatique, réaliste et souhaitable, d'aller chercher Ies investisseurs à l'étranger, profitant ainsi de l'accueil que recherchaient certains investisseurs du Moyen-Orient, particulièrement de Hong Kong pour placer leurs capitaux.

En ce qui concerne les réfugiés, je pense que les problèmes sont plus aigus. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, ce serait de savoir où le gouvernement du Québec se trouve à ce moment-ci avec les discussions du fédéral touchant les réfugiés revendicateurs.

Pour faire un petit commentaire, mais cela fera partie d'une discussion dans quelques minutes, je pense que tout le monde est sensible au sort excessivement difficile des réfugiés. Je pense que, sans qu'il y ait concertation étroite avec le gouvernement fédéral, suivant son changement de politique ou, au moins, ses mesures administratives depuis deux ou trois ans, ce sera vraiment une situation chaotique. On est conscient, je pense, des efforts considérables du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour contrecarrer les effets négatifs de la politique administrative du fédéral. Je pense que, maintenant, avec la carte d'identité, cela aide en partie; c'est plutôt un "Band-Aid" souhaitable, nécessaire dans l'immédiat, mais, en réalité, ce que vous cherchez, selon ce que je lis dans les rapports évidemment, c'est une nouvelle politique cohérente avec le fédéral. On pourrait peut-être discuter de cela dans quelques minutes, de notre côté de la Chambre au moins.

En ce qui concerne les investisseurs, l'étude Archambault a aidé un petit peu à faire le portrait des investisseurs. Cela aussi, dans le contexte d'un portrait sociodémogra-phique qui est en constant changement, indique qu'il y a de nouveaux défis qui se posent quant à la langue d'origine. Bien sûr, ceux qui viennent de l'Orient ont tendance à parler de plus en plus l'anglais. Dans quelle mesure l'accueil s'est-il adapté à cette réalité suivant leur arrivée au Québec ou dans le reste du monde, selon l'entente entre la Chine et la Grande-Bretagne?

Une autre chose qui m'intéresse fait partie d'une discussion que nous avons eue à la commission de la culture qui s'est donné comme mandat d'initiative d'étudier la situation démographique, le taux de natalité, le problème de l'immigration internationale et d'autres réalités. Je pense qu'il serait intéressant de discuter le taux de rétention des investisseurs étrangers. Dans quelle mesure le Québec a-t-il une structure qui peut non seulement les attirer, mais les retenir? Je serais intéressé de savoir dans quelle mesure le ministère a les structures pour faire un suivi des investisseurs.

J'aimerais aussi discuter, parce que la question est soulevée par le député de Marquette - on a eu les mêmes discussions l'an passé, j'ai suivi de très près le Journal des débats l'an passé - de sa préoccupation au sujet de CIPACC. On avait eu une discussion très fructueuse sur le changement de cap avec la Loi sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Tout le monde était impatient de voir les nominations. On a l'annonce de la nomination de Mme Westmoreland ce matin.

Une voix: Un "scoop".

M. Payne: J'aimerais bien avoir les autres noms pour savoir au moins quand ils vont...

M. Godin: Plus tard.

M. Payne: Ah, oui! À midi?

M. Godin: À midi, mais peut-être pas aujourd'hui.

M. Payne: Je suis tenté, mais je pense que ce n'est pas dans la tradition de cette commission, d'avoir un petit débat avec l'Opposition sur sa politique de l'immigration, parce qu'il y a très peu de chose dans le programme du Parti libéral, "Maîtriser l'avenir" - un beau nom - qui touche l'immigration. Il y a effectivement seulement sept lignes. Peut-être qu'on mettra de côté la polémique, étant donné que nous avons seulement une heure et demie.

Par contre, j'aimerais bien sérieusement discuter l'évaluation qu'on peut faire de CIPACC, parce que je ne suis pas du tout d'accord avec l'Opposition. Par contre, j'ai enregistré l'an passé les quelques réserves que j'avais. Je pense que le potentiel du conseil est assez prometteur pour l'avenir. On y reviendra un peu plus tard avec des questions spécifiques. C'est là l'encadrement de mes préoccupations.

Le Président (M. French): Je vous remercie, M. le député. J'ai le député de Mille-Îles et la députée de Maisonneuve sur ma liste. Je ne sais pas si le député de Saint-Henri a envie de se faire ajouter.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. French): Non. M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, je vous remercie de nous avoir distribué les notes sur le discours de la défense des crédits. C'est quand même un document de 18 pages, que vous n'avez pas lu, hélas, et que je voudrais peut-être souligner, parce que, pour le Journal des débats, c'est une bonne chose que ce soit peut-être enregistré. Pardon?

M. Godin: II est inscrit aux Débats. Il en fait partie.

M. Champagne: Enfin, il est déposé. M. Godin: Le Journal des débats l'a eu.

Le Président (M. French): Excusez-moi. Il est distribué. Il est attaché au rapport qui est fait à l'Assemblée nationale, mais il n'est pas inscrit dans le Journal des débats.

M. Godin: II fera partie des débats. C'est ce qu'on m'a dit. À moins que vous n'ayez d'autres renseignements.

Le Président (M. French): C'est le secrétaire qui a autorité finale sur toute la question.

M. Godin: Si le secrétaire dit non, je m'incline humblement.

Le Président (M. French): Je pense que c'est le cas, mais, enfin, je l'ai feuilleté rapidement, je pense que beaucoup des données qui sont là sont essentiellement...

M. Godin:... les mêmes que dans le bouquin.

Le Président (M. French): Je suis convaincu que vous aurez l'occasion, au cours de nos questions et réponses, d'ajouter des éléments de réponses qui vont puiser amplement là-dedans.

M. Godin: Maintenant, si les membres souhaitent que je le lise et qu'ils aient moins de temps pour Ies questions, je peux le faire aussi, remarquez bien.

M. Champagne: Non, ce n'est pas cela. Enfin, je voulais prendre le fait que vous ne l'ayez pas lu pour faire ressortir peut-être certains points pour le bénéfice aussi des membres de la commission parlementaire. Deux points, entre autres. Le premier, c'est pour souligner le fait que le Québec, sous le nom de Secours Éthiopie-Afrique, a quand même fait une levée de fonds très importante grâce au rôle de Mme Harel, la députée de Maisonneuve, II y avait un engagement de la part du ministère et du gouvernement du Québec qu'à chaque dollar levé au niveau privé le gouvernement du Québec ajoutait un dollar. Nous avons recueilli dans cette campagne humanitaire au-delà de 3 300 000 $ grâce à l'initiative de votre ministère. Je pense que cela vaut la peine de le souligner, et de souligner aussi l'entraide venant soit de la Fondation Jules et Paul-Émile Léger, de l'Aide à l'enfance, d'Oxfam-Québec et de l'Entraide universitaire mondiale du Canada. Il y a aussi les organismes comme Développement et Paix. Tous ces organismes ensemble au Québec ont été très généreux et, dans une oeuvre de solidarité d'envergure mondiale, ont souscrit plus de 10 000 000 $. Je pense que c'est un fait à souligner. C'est une de mes premières remarques.

M. Godin: Je pense qu'on peut ajouter que les renseignements qu'on a maintenant, c'est que le nombre de décès dans les camps de réfugiés en Éthiopie et au Soudan a diminué de façon significative depuis quelques mois. Donc, ces efforts faits ici et ailleurs portent fruit.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.

M. Champagne: II y avait un autre point à la page 16, où on parle de la création du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Nous avons voté un projet de loi, le projet de loi 10. Nous avons, ce matin, eu le nom de la nouvelle présidente de cet organisme. Je pense qu'on peut se féliciter d'avoir ce Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Vous avez aussi la création, par un décret, du Comité interministériel des communautés culturelles et de l'immigration. Je pense qu'on s'en va dans la bonne voie. C'est un comité qui est composé du sous-ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, du sous-ministre de l'Éducation, du sous-ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du sous-ministre du Travail, de la secrétaire générale associée à la Condition féminine, du secrétaire général associé aux Relations avec les citoyens. En plus de cela, le président du Conseil des communautés culturelles va assister aux délibérations. On s'aperçoit que, pour la politique des communautés culturelles et de l'immigration, il y a beaucoup de coordination, beaucoup de concertation. Ces deux structures, je pense, vont aider à ventiler des idées et des politiques très bénéfiques ici au Québec. Je pense que c'est tout à l'honneur du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration d'avoir pris ces initiatives de concertation. (10 h 45)

Je voudrais peut-être ajouter un dernier point. J'allais dire que, comme député d'arrière-ban, parfois on n'a pas la chance de faire valoir ce qui se passe aussi dans son milieu. Il y a deux mois, à Laval, il y a eu la fondation du Congrès ethnique de Laval. Il représente sept ou huit groupes ethniques. Il y a eu, quand même, plusieurs réunions depuis cette fondation. J'ai assisté à un dîner-causerie. L'exécutif est venu me voir à mon bureau de comté pour avoir un appui, des conseils et de l'information. Je donne comme information au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qu'entre autres, à la ville de Laval, il y aura un Congrès ethnique de Laval Inc. Il va représenter l'ensemble des communautés

ethniques de Laval. Très prochainement, il aura des contacts avec vous pour pouvoir, justement, trouver des moyens afin que les communautés ethniques de la ville de Laval s'intègrent davantage dans les politiques d'emploi, dans les politiques d'intégration, dans les politiques linguistiques et autres. C'est un peu partisan, qu'on m'excuse, mais je voulais souligner la création de ce nouveau Congrès ethnique, à Laval.

Le Président (M. French): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, pour enchaîner avec ce que disait le député de Marquette, est-ce que je peux déposer le nouveau rapport du coordonnateur, M. Egan Chambers, avec ma lettre de réception de son document?

Le Président (M. French): Je vous remercie, M. le ministre. Il ne sera pas déposé, mais il sera distribué si les membres de la commission sont d'accord.

M. Godin: II sera distribué, d'accord. Dans ce rapport, on verra, non pas pour contredire, mais pour compléter ce que disait le député de Marquette...

Le Président (M. French): M. le ministre, si vous voulez répondre, je vous inviterais à attendre la fin de tous les commentaires préliminaires des députés.

M. Godin: C'est ce que je fais, sauf que, parfois, je sursaute sur ma chaise. Mais on va attendre. On va attendre patiemment que tout le monde ait terminé.

Le Président (M. French): Excusez-moi, M. le ministre. Je pense que Mme la députée de Maisonneuve avait quelques commentaires à faire. On voudrait d'abord lui souhaiter la bienvenue à la commission en tant que membre. Nous sommes très heureux qu'elle ait accepté de devenir membre de la commission.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le ministre, vous savez combien votre ministère me tient à coeur. Je crois que, parfois à l'insu de bien des gens sur la colline parlementaire, il se joue à ce ministère, qui est à Montréal, une partie importante de l'avenir du Québec. Il a principalement, pour la suite des choses dans la société québécoise, ce défi de promouvoir ou de vivre la diversité culturelle en français. Je suis fort contente d'apprendre, ce matin, la nomination de Mme Westmoreland. J'ai eu l'occasion de bien la connaître lorsque j'étais étudiante à la faculté de droit. J'ai donc pu profiter de son enseignement. Je connais ses états de service nombreux dans la défense des droits et libertés de la personne ici même dans plusieurs organismes québécois.

M. le ministre, vous avez déposé des notes, enfin un discours pour la défense ce ces crédits et je voudrais immédiatement vous indiquer que l'utilisation d'une expression en particulier m'a profondément inquiétée. Je vous le signale immédiatement. J'ai, d'ailleurs, appelé au bureau pour qu'on vérifie bien dans le Petit Robert ce qu'était la définition du mot "revendicateur" dans l'expression "revendicateur du statut de réfugié". Je vais m'expliquer là-dessus. Vous savez que les mots ne sont pas innocents, vous plus qu'un autre qui êtes responsable du Conseil de la langue française...

M. Godin:... plus.

Mme Harel:... et qui êtes poète, évidemment. Vous savez que tous les mots ont une signification, ont un sens et sont chargés de sens. Ils sont donc chargés de signification. Souvent, nous les femmes y sommes plus sensibles que d'autres, puisque nous savons souvent que ne pas exister dans les mots, c'est ne pas exister tout court dans la vie publique, tout au moins. On a, ici même au Québec, connu un effort soutenu pour écarter de l'usage des mots tous les sens péjoratifs qui pouvaient leur avoir été attribués au fil des années. Je pense, par exemple, à l'expression "mère célibataire" qui a été remplacée par "chef de famille monoparentale", à l'expression "minorité visible" et à combien d'autres qui, au fur et à mesure de l'évolution de nos mentalités, ont remplacé ces mots qui, auparavant, étaient chargés d'un sens péjoratif.

Dans le Petit Robert, le mot "revendicateur" - à maintes et maintes reprises vous utilisez l'expression "revendicateur du statut de réfugié" - est décrit de la façon suivante: "Personne qui revendique" et "sujet atteint d'un délire de revendication". C'est là la définition même. Tandis que le mot "requérant", qui jusqu'à maintenant me semblait très largement utilisé, signifiait "qui demande au nom de la loi". À ce que je sache, le Canada est signataire de la convention de Genève; c'est donc au nom de cette loi que cette demande de statut de réfugié se fait. On pourrait fort bien remplacer "requérant" par demandeur ou par appelant: le Petit Robert dit à cet effet que c'est une "personne qui demande fréquemment" - c'est peut-être le cas pour les réfugiés - ou personne qui a l'initiative de la demande. Cela dit, je souhaiterais beaucoup qu'on n'utilise pas cette expression "revendicateur du statut de réfugié", car les personnes qui ont à faire cette demande

étant dans des situations qui sont parfois difficiles, dans un contexte qui l'est aussi, je crois que c'est chargé de sens.

M. Godin: M. le Président, une courte note...

Le Président (M. French):... lexicogra-phique.

M. Godin:... une "foot note", comme on dit en anglais. Vous connaissez le Grand Robert, le Grand Littré, le Grand Larousse. Nous avons le grand Vigneau chez nous qui peut expliquer les raisons pour lesquelles nos dictionnaires ont retenu cette expression. M. Vigneau.

Le Président (M. French)! M. Régis Vigneau. Cela va? Non, il n'y a pas de micro, le micro est au bout.

M. Vigneau (Régis): La raison pour laquelle nous avons retenu la terminologie "revendicateur du statut de réfugié", plutôt que "requérant", c'est, d'une part, que nous avons décidé de prendre exactement la même terminologie que celle utilisée par le gouvernement fédéral. Sans récuser les arguments de Mme Harel, le premier point, c'est exactement la même terminologie que celle utilisée par le gouvernement fédéral. Dans la réglementation fédérale, un requérant, c'est quelqu'un qui a obtenu le droit de déposer sa demande sur place, alors que le revendicateur, c'est celui qui n'a pas encore obtenu la permission de déposer sa demande sur place. C'est afin d'éviter les confusions tant dans les statistiques que dans nos échanges avec le gouvernement fédéral. Comme nous traitions la même clientèle avec des termes différents, cela engendrait beaucoup de tracas à tout le monde. Donc, nous avons, par un souci de clarté, au moins utilisé les mêmes mots pour désigner les mêmes personnes par rapport au gouvernement fédéral.

Le Président (M. French): Mme la députée.

Mme Harel: Peut-être serait-il souhaitable, M. le ministre, que, lors de votre prochaine rencontre avec Mme MacDonald, vous lui suggériez une utilisation plus judicieuse des expressions. J'aimerais, lorsque vous aurez à répondre à l'ensemble de nos collègues qui sont intervenus à cette commission, que vous nous indiquiez le nombre de requérants, au sens où l'a utilisé le sous-ministre Vigneau, du statut de réfugié qui sont sur le territoire québécois présentement et le nombre de revendicateurs.

Le Président (M. French): Cela va, madame?

Mme Harel: Merci.

Communautés culturelles et immigration

Le Président (M. French): Merci, Mme la députée. M. le ministre, le moment que vous avez si patiemment attendu: vous pouvez répondre aux députés de Marquette, de Vachon, de Mille-Îles et de Maisonneuve.

Intégration de non-francophones dans la fonction publique

M. Godin: Pour revenir sur les propos de mon collègue de Marquette, je vous dirai que nous souhaitons qu'effectivement les membres des groupes ethniques, des communautés culturelles se retrouvent beaucoup plus nombreux dans chacun des ministères le plus tôt possible, mais le document de M. Chambers, le coordonnateur, est très clair là-dessus. Il a un inventaire du nombre de personnes qui se sont présentées à des concours du gouvernement et le nombre est très faible. La prochaine étape est donc de voir pourquoi le nombre est si faible. Il suffit de s'adresser peut-être à d'autres médias ethniques ou anglophones, pour s'assurer que tous ceux qui veulent travailler à Québec dans les ministères au moins sachent que des postes s'ouvrent et qu'ils puissent soumettre leur candidature.

D'autre part, je rappellerais des statistiques qui nous viennent d'un travail fait chez nous. Dans des réseaux publics tels l'éducation et les affaires sociales, les représentants des communautés culturelles se situent à 20 % pour ce qui est de l'éducation, et à 17 % du personnel total pour ce qui est des affaires sociales. Donc, dans les réseaux où les contacts se font avec les personnes - je pense qu'il y a plus de contacts avec Ies personnes pour une infirmière, par exemple, ou une préposée aux malades dans un hôpital ou une enseignante qu'il n'y en a pour un agronome à l'agriculture ou au cadastre - là où il y a des contacts avec la population de façon directe, la population ethnique du Québec est représentée de façon conforme à son poids réel dans le Québec, 20 % éducation et 17 % affaires sociales. Si nous groupions le public et le parapublic, nous arriverions à une moyenne de 9 %, je crois, ce qui est le poids exact des groupes ethniques dans la population totale du Québec.

Est-ce qu'on doit tenir compte des deux grands réseaux publics au Québec? Je pense que oui, parce que je pense que c'est là que cela se passe pour la clientèle et pour les nouveaux citoyens du Québec qui arrivent ici et qui ont recours soit aux écoles, soit aux services sociaux ou de santé. Nous pensons qu'il est plus important d'avoir un représentant des communautés culturelles dans un hôpital qu'au ministère des Finances,

par exemple, même s'il faudrait qu'il y en ait là aussi.

Dans un deuxième temps, je dirais qu'il y a des mesures qui viennent de la part du ministère de la Justice; dans la foulée de la révision de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, les programmes d'égalité en emploi seront bientôt déposés et feront partie de la Gazette officielle du Québec. On aura mieux en vue à ce moment-là les mesures plus précises recommandées par M. Jacques-Yvan Morin dans son premier document qui a amené la création du CIPACC, "Autant de façons d'être Québécois". Donc, on peut dire que des mesures concrètes ont été prises, seront prises. J'ajoute que la loi 51, qui a été adoptée récemment, était accompagnée de certaines mesures qui prennent effet le 1er février 1985, donc depuis quelques mois, et qui portent sur le rangement par niveau, ce qui est le meilleur moyen de parvenir à choisir des personnes qui sont des groupes cibles déterminés par nos programmes d'égalité en emploi: femmes, communautés culturelles et autres. Donc, depuis quelques semaines déjà, ces règlements sont en vigueur et on saura dans quelques mois l'effet que cela aura sur les chiffres qu'on mentionne dans les rapports du CIPACC et de M. Chambers depuis quelques années.

Maintenant, Mme Westmoreland-Traoré, justement, se voit confier le soin d'imaginer pour le Québec des mesures, des programmes qui vont dans le sens recommandé par M. Jacques-Yvan Morin dans le document en question. Le passé de Mme Westmoreland montre qu'elle s'est préoccupée de cela de façon suivie et que, d'autre part, elle sait comment cela se fait dans d'autres pays du monde, entre autres, aux États-Unis. Je suis convaincu qu'elle nous suggérera d'ici quelques mois des moyens qui compléteront la panoplie ou l'arsenal des moyens déjà en place pour s'assurer que les objectifs visés seront atteints.

M. le député de Marquette, je vous pose la question à vous, en tant qu'homme sage de la rive sud. Il y a deux modèles pour arriver aux résultats visés: l'un qui est le contingentement, ce qu'on appelle en anglais "quota", et l'autre qui est le volontariat, c'est-à-dire que le gouvernement incite les entreprises contractuelles du gouvernement ou des ministères à atteindre un tel objectif. On incite, donc et prend des moyens plutôt souples pour y parvenir ou on impose des contingentements. L'expérience américaine montre que les contingentements ont souvent des effets qu'on appelle en anglais "counterproductive", créent des tensions à l'intérieur et peuvent même être contestés à la cour comme discriminatoires. Donc, j'aimerais avoir l'opinion du critique officiel de l'Opposition dans le domaine qui est le mien. Quel serait son choix à lui par rapport aux méthodes à prendre ou à appliquer pour atteindre les objectifs qui nous sont communs? Le contingentement ou quota ou l'incitation ou volontariat, encadrés et suivis par le gouvernement? (11 heures)

Le fait que le gouvernement et ses ministères sont situés à Québec est un facteur qui empêche bien des gens de Montréal de se présenter à des concours. Ils ne veulent pas quitter Montréal pour des raisons qu'on peut comprendre, n'est-ce pas, M. le Président? Il y a beaucoup de gens donc qui ne se présentent même pas parce qu'ils veulent rester là où ils sont; leurs enfants vont dans une école de Montréal, etc. Ce sont des facteurs de famille qui font qu'ils veulent travailler à Montréal. Le résultat, c'est que le seul ministère qui compte un nombre significatif de tels représentants est le nôtre qui est situé à Montréal précisément.

L'idée, donc, serait d'élargir la base des journaux utilisés pour faire connaître ces concours et, deuxièmement, d'ajouter, au gouvernement et à ses ministères, les entreprises contractuelles du gouvernement. Toute entreprise, mettons, qui aurait des contrats du gouvernement de 500 000 $ ou de 1 000 000 $ par année serait sujette à des programmes d'égalité en emploi. C'est un des chemins qu'on envisage présentement.

Mais au-delà de cela, est-ce que vous croyez qu'il est mieux de procéder par contingentements ou quotas ou par des programmes volontaires légèrement encadrés par le gouvernement, de manière à ne pas forcer les entreprises à faire des choses qui iraient à l'encontre de leur bonne santé sociale ou financière?

Le Président (M. French); M. le député de Marquette. Je ne suis pas certain que ce soit tout à fait conforme au règlement, mais, en tout cas, le ministre pose une question au député. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Justement, il est certain que je pensais poser des questions et non pas y répondre. Mais il est bien évident...

M. Godin: C'est que je cherche vos lumières, M. le député. Ce ne sont pas des réponses que je veux, ce sont vos lumières. Quand vous en avez, je n'hésite pas.

M. Dauphin: Oui. M. le ministre, pour répondre à votre question, il est bien évident qu'en principe l'imposition, si vous me permettez l'expression, de quotas, a priori me laisse un peu hésitant à m'embarquer là-dedans. Je favoriserais plutôt la base volontaire, c'est bien évident, sauf qu'à un moment donné, autant pour les femmes qui

revendiquent au même titre que les communautés culturelles, il y a un choix politique à faire qui est peut-être difficile. C'est la raison pour laquelle on demande que la fameuse réglementation soit adoptée au plus vite, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, pour avoir ces programmes d'égalité, ces programmes d'action positive. A un moment donné, on se doit presque de l'imposer.

Alors, pour répondre bien clairement, je serais hésitant à l'imposer, mais, à un moment donné, effectivement dans la réalité, on se rend compte qu'on se doit de l'imposer. C'est pour cette raison que le gouvernement doit commencer à donner l'exemple, doit être le premier à embarquer dans ce genre de réglementation. Il est certain que si, par simple incitation, on pouvait améliorer la représentativité des communautés culturelles, on pourrait, après un an, deux ans, trois ans, peut-être faire des conclusions. Mais on se rend compte que, malheureusement, c'est à petits pas que cela évolue dans ce milieu. Je réponds par un oui et par un non.

M. Godin: Je reconnais bien là votre sagesse, M. le député. Maintenant, j'ajouterais qu'au colloque sur les communautés culturelles tenu en septembre il y a eu une résolution très précise là-dessus, votée par la majorité et par laquelle les communautés elles-mêmes se disaient contre les contingentements et les quotas. Elles estiment, d'après l'expérience faite aux États-Unis et ailleurs, que cela ne les sert pas du tout. Au contraire, cela amène souvent des tensions à l'intérieur des usines ou entreprises frappées de tels contingentements ou quotas.

Maintenant, pour répondre à la question de ma collègue de Maisonneuve...

Le Président (M. French): Là-dessus, M. le ministre, si vous me le permettez...

M. Godin:... ma prédécesseure (avec un e muet), les revendicateurs sont entre 7000 et 10 000 au Québec; les requérants sur place, pour employer les termes que la loi nous prescrit d'utiliser, Mme la députée de Maisonneuve, en 1984 ils étaient de 3630, dont 581 étaient des réfugiés. Donc, les revendicateurs étaient entre 7000 et 10 000; les requérants étaient 3630, dont 581 réfugiés. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. French): Je voulais tout simplement vous poser la question au sujet de la proposition sur les contingentements ou les quotas, qui a été soulevée au colloque. Quel organisme l'a proposée? On ne s'en souvient pas?

M. Godin: On peut connaître la réponse d'ici la fin des travaux.

Le Président (M. French): Parfait. Oui, Mme la sous-ministre.

M. Godin: Mme la sous-ministre peut...

Mme Barcelo (Juliette): M. le Président, c'est que le colloque était organisé en ateliers. Alors, ce n'est pas une personne; c'étaient des ateliers de travail. M. le député en a mentionné plusieurs d'ailleurs. Il y a eu une résolution de ces ateliers indiquant que les communautés culturelles étaient contre les concours réservés aux membres des communautés culturelles.

Le Président (M. French): J'avais compris que quelqu'un avait proposé les contingentements ou les quotas et que cela a été refusé. Ce n'était pas le cas.

Mme Barcelo: Non, non.

Le Président (M. French): Au contraire, les gens se sont exprimés quasi spontanément contre.

M. Godin: Contre le contingentement.

Le Président (M. French): Quel que soit le moyen adopté - et personnellement, je ne suis pas sûr que je sois prêt à une forme d'imposition quelconque - il y a toujours le problème de l'offre ou de l'intérêt qui est affiché dans ces communautés.

M. Godin: Qui est fondamental.

Le Président (M. French): Chez moi, on est prêt à critiquer le gouvernement et à dire que ce n'est pas représentatif, mais on n'est pas très nombreux à vouloir demander des jobs. D'autant plus que le mouvement est tellement minime actuellement que, dans le contexte fiscal où on se trouve, c'est difficile. Cependant, je dirai que le gouvernement aurait dû savoir, au moment où il a fait ses annonces avec tellement de publicité et tellement d'enthousiasme en 1980-1981, que des temps difficiles s'en venaient.

M. Godin: Si nous avions eu un prophète, majeur ou mineur, au gouvernement, on aurait peut-être pu savoir ce qui s'en venait, mais comme il n'y a pas de prophète ici, pas plus d'ailleurs que chez vous, il était imprévisible que les finances de l'État seraient en posture si serrée si peu de temps après l'annonce du livre blanc de M. Morin.

Le Président (M. French): En tout cas, pour ma part, à l'époque, je me rappelle - je ne me souviens pas si c'était avec le député

de Vachon ou avec le député de Prévost, ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation - avoir dit qu'il serait impossible d'atteindre ces objectifs, parce qu'on n'engagerait pas suffisamment de monde de toute façon, parce qu'on n'aurait pas assez d'argent.

Oui, M. le député de Vachon. Je savais que j'allais le provoquer avec cela.

M. Payne: J'ai résisté à la tentation, mais quand même cela m'intéresse beaucoup. Dans le plan d'action, il y avait une mesure qui était fort intéressante afin d'accueillir davantage, de faciliter l'accès à la fonction publique, par exemple, à ceux qui s'exprimaient mal ou pas assez en français. On avait entrepris de mettre sur pied des mesures; l'approche était de préparer des mesures qui faciliteraient l'intégration des non-francophones dans la fonction publique.

Personnellement, je suis toujours contre l'idée de quotas pour toutes sortes de raisons. Je n'interviendrai pas sur ce sujet maintenant, mais, dans "Autant de façons d'être Québécois", il y avait une mesure qui était fort utile. Je vais l'expliquer premièrement et deuxièmement en tirer une conclusion. Comment cela se ferait-il? Un aspirant candidat à la fonction publique pourrait passer, dans un premier temps, son test en anglais ou en français. Si c'est en français, à ce moment-là, bien sûr, il serait évalué sur sa compétence professionnelle et à fortiori, implicitement, sur sa compétence dans la langue française. À ce moment-là, il serait jugé apte ou pas, capable ou incapable de répondre aux critères d'admissibilité.

S'il choisit l'avenue B, par exemple de passer son test en langue anglaise, il aurait six mois pour prouver qu'il a une compétence suffisante dans la langue française. Pendant tout ce temps, l'État lui offrirait la possibilité de suivre des cours de rattrapage afin qu'il puisse mieux maîtriser la langue française. Dans un premier temps, il serait simplement jugé sur ses aptitudes professionnelles. C'est une mesure concrète, précise et très progressiste. C'était jugé préférable au fait d'imposer directement des quotas.

Mais qu'est-ce que cela a comme effet? En réalité, cela a été bien accueilli par toutes les communautés culturelles chez ceux qui s'expriment mal dans la langue française. Par contre, en ce qui concerne les demandes formelles, les demandes trop souvent n'y sont pas. Ce n'est pas une affirmation absolue que je fais, mais ce n'est pas si important, il y a toutes sortes d'autres dispositions qui entrent en ligne de compte, par exemple, la nécessité de déménager de Montréal à Québec, etc. C'est assez compliqué d'accueillir quelqu'un. On n'avait jamais vraiment fait une étude empirique sur les raisons pour lesquelles le taux d'attraction est moins fort chez les ressortissants non francophones que chez les francophones. Je pense que c'est toujours mieux d'utiliser des mesures incitatrices semblables que des quotas. Je m'excuse pour la longueur de mon intervention.

Le Président (M. French): Les secrétaires de la commission m'informent qu'elles ne comprennent pas pourquoi les non-francophones résidant à Montréal ne veulent pas venir à Québec.

M. Payne: Il y en a quelques-uns.

Le Président (M. French): M. le ministre, voulez-vous répondre à cela?

M. Godin: Est-ce qu'elles sont venues à Montréal souvent?

Quelle est la question, M. le député de Vachon, s'il vous plaît?

M. Payne: Pardon?

Le Président (M. French): Ce n'était pas nécessairement une question, M. le ministre. M. le député a fait une constatation.

M. Godin: Ce que je peux vous donner comme renseignement, c'est de vous référer au rapport de M. Chambers, à la page 13, qui établit que le pourcentage des membres des groupes ethniques est présentement de 13 %. Il y a, bien sûr le marais, les fonctionnaires, mais il y a également les organismes au sein desquels le gouvernement nomme les personnes. Donc, au-delà des concours, au-delà des différentes étapes à franchir pour un futur fonctionnaire, le gouvernement en est rendu à 13 % dans ses nominations faites chez les groupes ethniques au sein de ses organismes et conseils. Il y a donc une performance que M. Chambers souligne avec satisfaction. Je peux vous dire que chacun de mes collègues qui n'a pas encore fait sa part dans ses organismes est saisi de demandes précises et concrètes pour qu'il le fasse et que, dans chacun des organismes importants du gouvernement, comme la Régie des rentes et Hydro-Québec, il y ait au sein du CA des gens qui représentent les intérêts, les aspirations et la spécificité des communautés anglaise et allophone du Québec.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Sur le même sujet, M. le ministre. Je sais bien que la province de Québec est différente des autres provinces canadiennes, mais dans les autres provinces, par exemple l'Ontario dont la majorité est anglaise, est-ce que la représentativité des

communautés culturelles au sein de la fonction publique est un sujet d'actualité ou si cela passe inaperçu?

M. Godin: M. le Président, je dois participer, les 13 et 14 mai, à Winnipeg, à un sommet fédéral-provincial organisé par M. Jack Murta, auquel participeront tous les ministres provinciaux préoccupés ou chargés de ces questions-là. Je leur demanderai, à eux ou à elles, car il y a des ministres femmes qui s'occupent de cela dans diverses provinces, quels sont leurs programmes - à ces provinces - et ce qu'elles font. J'aurai donc des réponses à vous fournir dès après la mi-mai. On pourra s'entendre tous les deux pour une question plantée. Je vous enverrai un rapport écrit, ce sera peut-être plus simple.

M. Dauphin: Ce serait intéressant de savoir cela, M. le ministre.

M. Godin: On s'en préoccupe aussi. Mon rêve là-dedans est, évidemment, que le Québec soit le meilleur - we are number one - et que nous puissions même donner des leçons et des conseils à nos collègues des autres provinces.

Je présume qu'en Ontario il y a sûrement un début de programme qui va dans ce sens-là, dans la mesure où là-bas la population ethnique est plus élevée qu'ici. Je m'en informe quand même pour être bien sûr.

M. Dauphin: D'accord.

Le Président (M. French): Si vous avez d'autres questions, M. le député de Marquette ou M. le député de Vachon ou Mme la députée. Moi j'en ai.

M. Dauphin: J'en ai plusieurs, toujours en rapport avec le colloque de septembre dernier et ses différents ateliers, où Mme la députée de Maisonneuve était présente. Est-ce qu'on peut aborder cela tout de suite?

Le Président (M. French): M. le député, nous avons Communautés culturelles et Immigration devant nous et vous avez le champ libre.

M. Dauphin: C'est donc à moi, je peux commencer?

Le Président (M. French): Allez-y, s'il vous plaît!

Adaptation de l'école québécoise à la réalité multiculturelle

M. Dauphin: D'accord. Dans les différents ateliers, M. le Président et M. le ministre, notamment dans l'atelier sur les jeunes - on a lu, évidemment, le rapport du colloque en question - dans plusieurs interventions - je fais l'énumération de quelques-unes - on disait notamment: II y a une contradiction entre le discours officiel et la réalité; le discours officiel nous incite à vivre nos différences et le message réel nous dit de nous intégrer. L'école est assimilatrice par sa structure, son personnel, ses programmes.

Dans l'atelier sur les jeunes, les points suivants ont fait consensus: la nécessité d'améliorer la formation des enseignants et des cadres scolaires, ainsi que leur sensibilisation face à la nouvelle réalité multiculturelle québécoise; la nécessité de concevoir le projet éducatif de l'école en relation avec l'ensemble de la clientèle scolaire, ce qui inclut, évidemment, les jeunes des milieux défavorisés et ceux des communautés culturelles; le besoin que les organismes des communautés culturelles fassent des efforts pour sensibiliser les jeunes de leurs communautés à l'histoire et à la culture de leur pays d'origine; la nécessité aussi au niveau de l'ensemble du réseau scolaire d'une véritable éducation interculturelle, c'est-à-dire qui s'adresse à tous les enfants, peu importe leur origine; la nécessité de mener une campagne d'information et de sensibilisation quant aux relations parents-enfants. On a parlé aussi d'un sommet des jeunes des communautés culturelles. (11 h 15)

Ma question est la suivante, M. le ministre, elle est très générale: Vis-à-vis des différentes recommandations faites à ce colloque et des différents points soulevés, est-ce que depuis septembre dernier, au sein de votre ministère, il y a eu des démarches de faites dans le sens de ces propositions?

M. Godin: À ma connaissance, le principal suivi qu'il y a eu, cela a été à l'Éducation, qui a confié à un groupe présidé par M. Max Chancy et composé des gens du ministère chez nous un rapport qui étudiait l'adaptation de l'école québécoise à cette nouvelle réalité de la composition multiculturelle des écoles françaises du Québec. Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance de ce rapport, M. le député, mais il fait des recommandations très précises dont est saisi le ministère de l'Éducation et il y aura un suivi le plus tôt possible.

Concrètement, ce que nous organisons avec l'Éducation dans la foulée de ce rapport, c'est un colloque conjoint MEQ, (Éducation) et MCCI (Communautés culturelles et Immigration), à l'automne qui vient. Je pense que le principal problème était dans l'ignorance de nos professeurs face à cette multiplicité culturelle qu'ils ne connaissaient pas. Donc, pour les sensibiliser à cette réalité de manière qu'ils aient le respect de

la diversité culturelle et des cultures des 80 nations qui sont au Québec, nous avons un colloque, disons, de sensibilisation, qui aura lieu à l'automne conjointement avec le MEQ et notre ministère. Donc, des mesures, pour l'instant peut-être purement verbales, vous avez raison, mais les gouvernements fonctionnent comme cela, comme vous le savez. Il y a des mesures qui s'en viennent en plus d'un concours assez ancien, qui s'appelait "Mes amis de partout", grâce auquel chaque école, chaque prof dans chaque classe était incité à soumettre à ses étudiants un concours de rédaction ou toute autre sorte de travail scolaire pour voir s'il y avait dans l'école, parmi les jeunes étudiants et élèves, une réflexion quelconque qui se faisait sur le fait qu'il y a dans l'école des enfants d'autres origines, d'autres cultures, d'autres religions et d'autres couleurs.

Je ne sais pas le nombre d'écoles ou de classes qui ont donné suite à ce programme, mais ce que j'en sais, c'est que cela a eu un succès assez remarquable dans certaines écoles de mon comté où je me suis rendu pour vérifier sur place ce qui se passait. J'ai moi-même organisé dans mon comté un concours de dessins auprès des jeunes, avec des prix minimes qui viennent du budget hors normes, d'ailleurs, que vous connaissez, demandant aux enfants des écoles de nous illustrer par des dessins leur perception de la présence dans leur école de diverses communautés, de diverses autres nations et groupes culturels. Encore là, cela a été un succès. Le nombre d'enfants qui y ont participé a été remarquable et les travaux aussi.

Donc, il y a, je dirais, peut-être pas un programme universel appliqué partout, mais des tentatives limitées peut-être qui illustrent qu'il y a une volonté réelle des profs de se sensibiliser à cette question. À mon avis, c'est une question de temps avant que... Et un des effets non prévus de cette opération, c'est que, quand des enfants canadiens-français ou québécois amènent chez eux de leurs collègues scolaires d'autres nations, les parents les découvrent eux aussi. Les enfants contribuent donc à ouvrir les yeux de leurs parents à la réalité multicultu-relle.

Au niveau de l'école, c'est ce qu'il y a de plus important qui s'est passé depuis un an ou deux. Il y a une sensibilisation et des jeunes et des parents par les jeunes. Le résultat est que dans les comités de parents dans les écoles maintenant c'est multiethnique et on voit côte à côte, réfléchissant sur le cadre scolaire, le curriculum de l'école ou des classes, toutes les ethnies de Montréal qui travaillent ensemble là-dessus. Cela reflète vraiment le multiculturalisme nouveau de Montréal et du Québec.

Pour ajouter à vos autres questions, dans le cadre de l'année de la jeunesse, il y a des projets à Montréal, à Québec et dans l'Outaouais qui impliquent des jeunes. On a un budget au ministère de...

Mme Barcelo: 400 000 $ répartis ainsi: 1984-1985, 200 000 $, 150 000 $ en 1985-1986 et la fin du programme en 1986-1987.

M. Godin: 50 000 $.

Mme Barcelo: Ce sont des projets qui proviennent des jeunes eux-mêmes dans le cadre de l'année de la jeunesse et qui correspondent un peu aux demandes de l'atelier.

M. Godin: En d'autres termes, on attend d'eux qu'ils nous soumettent des projets concrets qui vont dans le sens d'une intégration plus grande et d'un respect plus grand des uns et des autres dans ce nouveau contexte de diversité culturelle au Québec et à Montréal. On attendra, évidemment, les projets des jeunes et le choix sera fait en fonction des objectifs du gouvernement qui sont également endossés, je pense, par vous, à tout le moins.

On me dit - la machine va plus vite que le ministre - que pour 1984-1985, on a déjà choisi des projets et c'est déjà en marche. Maintenant, je pourrai vous transmettre des détails sur chacun des projets qui ont été retenus par le jury du ministère.

M. Dauphin: Sur le même sujet, toujours en rapport avec l'Année internationale de la jeunesse, on m'a informé que le budget du Secrétariat à la jeunesse était de 10 000 000 $. Est-ce exact?

M. Godin: C'est bien ça, oui.

M. Dauphin: Les 450 000 $ dont Mme la sous-ministre parle, c'est mis à part les 10 000 000 $ prévus pour l'année de la jeunesse à l'intérieur de votre ministère.

Mme Barcelo: Les 400 000 $ proviennent du budget du ministère et on a obtenu en plu3 50 000 $ des ces 10 000 000 $ pour compléter les projets.

M. Dauphin: D'accord. Autrement dit, à l'intérieur des 10 000 000 $ du Secrétariat à la jeunesse, il n'y a pas de montant prévu pour les communautés culturelles.

M. Godin: En fait, cher collègue, chaque ministère a été chargé de trouver, de débloquer dans ses budgets des fonds pour les jeunes qui relèvent de lui. On a fait notre part. On a fait compléter notre budget par le ministère de M. Michel Clair pour avoir un chiffre qui corresponde aux demandes qu'on avait reçues.

M. Dauphin: D'accord. J'aimerais que vous nous fassiez parvenir la liste des demandes.

M. Godin: Vous l'aurez; une liste des projets retenus. Ou même la liste de tous les projets soumis, si cela vous intéresse, pour mesurer sur pièce, disons, l'imagination des jeunes de ces communautés. Cela m'intéresse autant de voir les projets non retenus que ceux qui sont retenus, en principe. On peut même vous envoyer les deux listes. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Dauphin: Oui, ça va, M. le ministre. Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. French): Oui, M. le député.

M. Dauphin: En rapport toujours avec l'école, M. le ministre, vous êtes sûrement au courant d'un sondage qui a été effectué sous les ordres de la CECM relativement à la discrimination, au racisme et à tout cela. Jean-Pierre Proulx, du quotidien Le Devoir, faisait état dans un article du 30 novembre d'une enquête auprès des professeurs, des parents et des élèves noirs et métissés. Malheureusement, on doit constater, avec les résultats obtenus, comme le dit Jean-Pierre Proulx, que le phénomène de manifestations racistes n'est pas généralisé dans les écoles de la CECM, mais on peut cependant considérer ces manifestations comme des cas isolés seulement. En fait, il y en a beaucoup plus. Le sondage ou l'enquête en question révèle que 64 % des élèves noirs ont le sentiment que leurs enseignants sont racistes; 56 % d'entre eux révèlent avoir subi des affronts; 41 % des élèves noirs ont souffert de leur accueil. C'est le résultat de l'enquête. On mentionne également que 75 % des parents ne connaissent pas le système scolaire québécois et que 66 % des élèves ont de multiples difficultés dans leur démarche d'adaptation.

Ces données, évidemment, confirment les réflexions des jeunes lors du colloque dont on parlait tantôt. On sait aussi que le plan d'action du gouvernement mettait beaucoup l'accent sur l'information, la sensibilisation des parents et des enfants par leur adaptation au réseau scolaire. Évidemment, on se rend compte qu'il reste beaucoup à faire. Est-ce que le ministre a pris connaissance de cette enquête?

M. Godin: C'est l'enquête Noël, je pense.

M. Dauphin: L'enquête Noël?

M. Godin: Noël, je crois. J'en ai pris connaissance et, d'ailleurs, j'ai immédiatement pensé à convoquer les professeurs de la région de Montréal, qui est la plus touchée par le multiculturalisme des élèves maintenant dans les écoles. On réfléchit ensemble avec Mme Dolorès Heynemand, de l'UQAM, et M. Chalom, de l'Université de Montréal, un expert de la question, pour informer les profs de ce qui est subi ou senti, parce que ce sont souvent des perceptions, par les élèves noirs. Il est fort possible qu'il y ait effectivement des réactions de friction, sans aller jusqu'au racisme, entre ces élèves et le corps enseignant ou l'école. Il faut absolument que nous sensibilisions les professeurs, d'une part, mais, d'autre part, les élèves aussi, parce que, souvent, il y a des conflits entre les groupes d'élèves. M. Prud'Homme et son espèce d'équipe volante, lorsque les problèmes étaient intenses, s'occupait d'appliquer des mesures. Je me souviens, par exemple, qu'à l'école Émile-Nelligan, dans mon comté, un groupe d'étudiants haïtiens avaient été l'objet de toutes sortes de pressions, de tensions ou de frictions. Comme solution, on avait décidé de présenter la culture haïtienne, la musique haïtienne. Le résultat a été une meilleure compréhension, je dirais, un respect nouveau des étudiants blancs par rapport à la culture haïtienne et une diminution des tensions racistes qui existaient dans cette école entre étudiants haïtiens et étudiants blancs, les étudiants haïtiens se sentant beaucoup plus fiers d'eux, de leur culture, de leurs racines et de leur origine après avoir montré ce qu'ils étaient aux étudiants blancs, les étudiants blancs constatant que leurs collègues haïtiens étaient aussi respectables qu'eux dans l'école. Cela a contribué à baisser la tension. Chaque fois qu'un tel problème s'est présenté dans les écoles de Montréal, le ministère a joué un rôle de rapprochement à partir du modèle suivant: il faut montrer ce qui fait l'intérêt de la culture de l'autre et provoquer ainsi la fierté de ce qu'on appellerait l'autre et le rapprochement entre les francophones et les nouveaux citoyens du Québec. Le modèle a été, à mon avis, le meilleur choisi.

Il y a eu également au ministère la production de monographies imprimées sur une trentaine de communautés culturelles. Elles sont distribuées et accessibles aux étudiants et aux professeurs afin de mieux connaître chacun des groupes ethniques qui ont des enfants dans les écoles de Montréal. Le travail n'est pas terminé. Cela vient de commencer, sauf que - je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi - je pense qu'on peut dire que le Québec, aujourd'hui, a une tout autre perception des communautés culturelles qu'il n'avait il y a cinq ou dix ans. Il y a maintenant une acceptation beaucoup plus grande de la réalité multiculturelle du Québec et de la culture des autres.

Lorsque je vais, chaque année, inaugurer la fête du Têt, la fête des

Vietnamiens au complexe Desjardins, où il y a des stands et des kiosques qui illustrent la cuisine vietnamienne et la production culturelle vietnamienne, je constate qu'il y a autant de bons vieux Montréalais de vieille souche francophone, comme on disait dans le temps, catholiques blancs, qui vont là et qui dégustent aussi bien au sens de la cuisine qu'au sens culturel les productions des Vietnamiens. Là, il y a un rapprochement concret qui se fait par la base et dans la pratique, et je pense que c'est aussi efficace, sinon plus, que toute autre mesure gouvernementale. Je pense que ce qui se fait naturellement apporte plus de fruits que ce qui se ferait avec l'épée dans le dos. Le Québec a changé, Montréal a changé.

Je dois dire que, très souvent, l'initiative a été prise par les communautés elles-mêmes de montrer ce qu'elles faisaient, d'abord, dans les cuisines, dans les restaurants, qui est souvent la porte d'entrée des Québécois francophones dans l'univers de l'autre, comme vous le savez. Deuxièmement, il y a le voyage à l'étranger, qui est la deuxième étape, qui est plus coûteuse évidemment qu'un simple souvlaki au coin de Duluth et Parc Lafontaine, mais c'est souvent par la cuisine que les Québécois francophones découvrent le monde de l'autre, s'y habituent et s'y attachent. On voit - mon collègue French, a sûrement déjà vu cela; mon collègue le président, pardon - sur Prince-Arthur des files de 30 à 40 couples québécois francophones de vieille souche catholique qui attendent avec une bouteille de vin dans un "brown bag" - "BYOB", c'est ainsi qu'on dit cela: "Bring your own bottle" d'aller manger de la cuisine grecque patiemment chez de nouveaux citoyens du Québec qui en tirent des revenus considérables. Vous savez que la restauration au Québec, c'est 1 000 000 000 $ par année. Ce sont des millions de dollars en activités satellites de toutes sortes; livraison, camionnage et autres, importation de produits d'autres pays. (11 h 30)

Un ami des douanes fédérales me disait que l'importation de produits chinois, de Taiwan ou d'ailleurs, pour les restaurants chinois au Québec, malgré les crises qu'on peut connaître, n'a jamais cessé d'augmenter d'année en année. C'est 1 000 000 000 $ par année d'activité économique et je pense que c'est extrêmement important. Cela contribue au rapprochement aussi, en plus de cette activité économique. Donc, c'est, par plusieurs côtés, très positif pour les objectifs poursuivis par le livre blanc et par le gouvernement et, d'ailleurs, soutenus par le Parti libéral à cet égard.

Le Président (M. French): M. le ministre, sur le même sujet, on sait que tous les problèmes de racisme et de discrimination ne sont pas le monopole de la communauté francophone. Avez-vous la même responsabilité ou la même capacité d'intervenir ou avez-vous été appelé à intervenir dans les cas de racisme ou de discrimination possible au sein de la communauté anglophone, qui a parfois pour cible la communauté noire anglophone, qui n'est pas une communauté d'immigrants récente? C'est une communauté établie depuis assez longtemps, mais il y a quand même des tensions. Je pense à Notre-Dame-de-Grâce, notamment, au sud de mon comté et du comté de Sainte-Anne. Il y a des tensions là aussi. Avez-vous pris connaissance de tout cela? Êtes-vous en mesure d'intervenir? J'ajoute que je suis d'accord avec vous que ce n'est pas l'État qui doit régler tout cela; cependant, il me semble que l'État doit être conscient de ce qui se passe.

M. Godin: Oui. Je n'ai pas été saisi, M. le Président, de tensions semblables dans le West Island, si vous voulez, pour parler en termes larges.

Le Président (M. French): Oui, mais...

M. Godin: Mais si vous voulez m'en saisir, je ferai sûrement des travaux ou des recherches pour voir si cela existe et s'il y a des solutions. Ce que je sais, par ailleurs, c'est que la communauté noire de votre comté a créé il y a quelques années un centre communautaire. La présidente du conseil vient, d'ailleurs, de cette communauté et, ayant vécu elle-même, d'après son propre aveu à une émission que j'ai vue à Radio-Québec, de telles tensions au début de sa carrière comme adulte au Québec, elle sera sûrement en mesure de nous donner des suggestions précises et concrètes sur les moyens à prendre. On l'a choisie en partie pour cela aussi, c'est qu'elle représente les noirs québécois avec ce qu'ils ont eu à subir pendant un certain nombre d'années, en plus d'avoir d'autres cordes à son arc. J'ai tenu à la prendre, elle, en particulier, parce qu'elle avait vécu ce problème-là que peu de Québécois ont vécu et que peu de candidats ou de candidates au poste de président connaissaient. Dans la mesure où elle nous informera de ce qui se passe concrètement et des moyens à prendre pour que cela ne se produise plus, sûrement qu'on entreprendra des mesures.

Mais remarquez qu'il y a constamment le recours à la Commission des droits de la personne, il y a des institutions qui existent déjà et qui nous permettent, au moins, de nous exprimer et de faire connaître nos tensions et les tensions qui existent. À ma connaissance, peut-être pour des raisons que vous connaissez mieux que moi, on n'a pas

entendu dire qu'il y avait un refus des taxis haïtiens dans l'Ouest, comme on l'a entendu dire dans l'Est de Montréal. Maintenant, si cela se présentait, on interviendra certainement de la même manière.

Le Président (M. French): C'est un sujet très intéressant que je voudrais poursuivre, mais je soupçonne que j'empêcherais quelques-uns de mes collègues de poser des questions. Puisque moi aussi j'ai d'autres questions à poser, je vais donner la parole au député de Mille-Îles, suivi du député de Vachon.

Les immigrants investisseurs

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je vois dans votre livre des crédits, à la page 93, que vous parlez des immigrants investisseurs. Lorsqu'on parle d'investissements, c'est toujours assez intéressant pour la création d'emplois et le reste. Vous dites qu'en 1984 vous avez fait l'étude de 818 dossiers d'immigrants investisseurs et que vous avez accepté ces personnes qui ont apporté un capital total de 533 000 000 $. C'est une augmentation de 40% par rapport à 1983. Disons que c'est une constatation, j'espère que vous avez fait des démarches en prospection. Je le vois aussi à la page suivante. Vous avez aussi des candidats en vue pour l'an prochain; vous avez fait des missions à l'étranger, vous avez fait des rencontres avec les médias d'information.

J'ai trois questions à poser. Dans vos prospections, quelle est la clientèle qui est visée, à savoir quels pays visez-vous particulièrement pour 1985-1986? Je voudrais savoir dans quelles sphères d'activité vous voulez les diriger, à savoir si c'est du primaire, du tertiaire ou du secondaire. Ensuite, quel est le nombre de personnes que vous pensez inviter ici au Québec pour l'an prochain dans ces différentes sphères d'activités?

M. Godin: Je vous réponds personnellement et je passe ensuite la parole à mon collègue, Charlie Mayer, comme on disait au hockey, dans le temps. Quels pays? D'abord, on constate d'année en année des hausses de demandes de certains pays et on se concentre sur ces pays pour voir ce qui amène ces hausses. Souvent, on constate que le potentiel est plus grand qu'on ne l'avait imaginé, entre autres, l'Allemagne, depuis quelques années, Hong Kong, pour des raisons connues. L'Allemagne - c'est curieux, mais peut-être pas curieux du tout pour ceux qui connaissent l'histoire - c'est la crainte de la guerre qui les amène à fuir l'Europe et à venir ici et, également, le fait de la pollution en Allemagne.

Le Président (M. French): La terre, les espaces verts, oui.

M. Godin: Ils cherchent l'espace, les espaces verts. Ils cherchent le caribou, le chevreuil, l'orignal, la truite, le saumon. En Allemagne, me dit-on, ce sont des choses qui n'existent plus, sauf empaillées dans les musées.

Mme Harel:... l'érable à sucre.

M. Godin: En fait, ils ont vécu des passes très difficiles. Dans certains cas, ils ont vu leur père, leurs frères ou leurs soeurs tués dans des guerres. Ils savent le nombre d'heures que cela prendrait à un tank, à un char soviétique pour se rendre là où ils sont. Ils calculent deux heures et demie. Donc, ils se disent: Si j'étais à Montréal, ou à Saint-Blaise, ou à Causapscal, cela ne se rendrait pas ici. Donc, ils choisissent le pays qui leur semble le plus propice à la paix et surtout où il y a le plus d'espaces verts. Donc, nos espaces verts, il faut les protéger, parce que cela a un impact réel sur l'immigration, et on constate que ces gens d'Allemagne ou d'ailleurs ont des expériences industrielles ou financières qui sont peu répandues au Québec. Ils amènent ici des notions souvent entièrement nouvelles. Je pense aux commerçants de Hong Kong ou du Liban. Vu les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent depuis des années, ils ont développé une musculature cervicale et mentale qui fait d'eux les plus résistants des hommes d'affaires québécois. Dans le domaine du textile, entre autres, un Chinois de Hong Kong va réussir ici dans un domaine, le textile, où un Québécois francophone ou anglophone y perd sa chemise et tombe en faillite en quelques années. Il y a chez eux une expérience du commerce, des affaires qui est beaucoup plus grande que celle qu'on a ici.

Donc, on va chercher, je dirais, la fine fleur de ce qui nous manque au Québec et dans bien des cas, entre autres, en agriculture, les immigrants investisseurs d'Europe - parce que, dans ce cas-là, c'était l'agriculture - ont renouvelé entièrement les modes de production maraîchère au Québec. Le fromage québécois est un apport des nouveaux arrivants français ou suisses. Il n'existait pas avant au Québec de camembert ni d'emmenthal. Maintenant, cela se fait parce que les immigrants venus d'ailleurs ont importé leurs techniques ici, se les ont fait copier par des Québécois de vieille souche et cela a contribué à relancer l'agriculture du Québec.

Donc, selon les hausses de demandes que l'on observe et selon aussi l'expérience que les populations de ces pays ont accumulée - Hong Kong; commerce et finances, Allemagne: production industrielle,

Suisse, France: agriculture - le profil est déjà là au départ, si vous voulez. Quand on ouvre un bureau en Suisse, on sait que le recruté est un agriculteur spécialisé dans le lait ou le fromage. Si c'est en France, cela peut être un maraîcher, quoiqu'il y ait également des exceptions qui confirment la règle, l'industriel français. Quand on va au Liban, on découvre un tout autre profil de personnes et d'expertises industrielles et commerciales. Donc, on peut dire que c'est vraiment le jardin botanique des investisseurs avec toute la variété imaginable d'expériences et d'expertises dont on a besoin au Québec.

M. Champagne: Maintenant, on demandait peut-être...

M. Godins Peut-être que M. Vigneau pourrait compléter ma réponse par des choses plus précises et moins floues.

M. Champagne: Non, non, c'est une bonne réponse...

M. Godin: Merci, M. le député.

M. Champagne:... mais, maintenant, je demanderais peut-être le nombre de personnes que vous visez.

M. Godin: M. Vigneau peut vous répondre là-dessus.

M. Vigneau: Nous avons, comme le disait le ministre dans ses notes liminaires, augmenté déjà nos représentants à l'étranger, ce qui signifie que c'est surtout du côté où on a augmenté qu'on vise une clientèle plus importante. Nous aurons à partir du mois de juillet un conseiller en immigration supplémentaire en France. Hong Kong est, depuis cette année - certainement l'an prochain et pour les deux ou trois prochaines années - le principal bassin qui nous fournit les immigrants investisseurs. Il y a eu effectivement une augmentation de 93 % à Hong Kong. Pour l'an prochain, on attend encore une augmentation qui devrait être à peu près de 100 % par rapport à ce qu'on a réussi cette année. Mais il ne faut pas oublier que, traditionnellement, les pays de l'Europe de l'Ouest ont été notre principal bassin. Dans les pays de l'Europe de l'Ouest, en 1984, on a eu une légère diminution par rapport aux années passées. Il y a une diminution d'à peu près 10 % à 12 % pour la France qui s'explique principalement par le fait qu'il y a moins d'agriculteurs qui viennent de l'Europe de l'Ouest.

Traditionnellement, le secteur primaire, c'est-à-dire les agriculteurs, essentiellement -je vais répondre également à votre question sur les sphères d'activité - parce qu'il arrivait très peu de pêcheurs, les agriculteurs venaient soit de France, de Belgique ou de Suisse, dans une moindre proportion de Hollande et quelques-uns d'Allemagne. Mais, à cause de certaines modifications dans les règles du marché commun pour obtenir des prêts pour acheter des terres, il se trouve qu'on en subit les contrecoups dans la mesure où il est beaucoup plus difficile de vendre sa terre présentement en Europe qu'il l'était dans les années passées. Donc, les gens, réussissant moins à vendre ou vendant moins cher, ont moins tendance à émigrer, bien sûr. C'est ce qui explique la diminution peu importante mais diminution réelle du côté de l'Allemagne et du côté de la France.

On a donc essayé, à la suite J'un voyage que le ministre a fait dans ces différents pays, de prendre des mesures pour augmenter notre rendement, si je puis dire, du côté de l'Allemagne particulièrement. Donc, il y a déjà en poste depuis un peu plus d'un mois un conseiller d'immigration qui a un mandat tout à fait spécial, à Düsseldorf, celui d'essayer de recruter des investisseurs allemands.

Il faut savoir que l'Allemagne est un des principaux pays fournisseurs d'immigrants investisseurs pour l'ensemble du Canada. Mais il y a très peu de ces investisseurs allemands qui viennent au Québec. La raison me semble assez évidente, la colonie allemande au Canada se retrouve ailleurs qu'au Québec. On en retrouve beaucoup en Ontario et dans les provinces de l'Ouest. Évidemment, les gens ont tendance à se retrouver là où ils ont un cousin, un oncle, un parent. On va alors essayer de briser en quelque sorte ce rythme-là en ayant un conseiller qui va faire du recrutement.

Le nombre de personnes visées. En fait, on ne s'est pas fixé comme tel un chiffre précis en disant, on va passer de 400 à 800. Sinon que du côté de Hong Kong, oui, on a un objectif qui serait de doubler le nombre des investisseurs de Hong Kong qui ont été sélectionnés l'an dernier. Je puis dire que c'est le seul secteur géographique où on a un objectif aussi précis. Notre objectif pour l'ensemble des autres pays est effectivement d'augmenter. On prévoit des missions qui, à partir de Montréal, vont couvrir l'Amérique latine. On prévoit une mission importante en Amérique latine. On prévoit également des missions au Moyen-Orient. On en a eu deux cette année. On en prévoit trois pour l'an prochain.

Lors du voyage du ministre, effectivement, nous avons rencontré plusieurs investisseurs très importants. D'ailleurs, de ceux que vous avez rencontrés, M. le ministre, il y en a déjà deux qui sont entrés au Québec avec chacun un capital de 20 000 000 $.

M. Champagne: Ah! On n'est pas au courant de cela. Je ne dis pas qu'il faudrait

avoir un communiqué de presse pour annoncer cela, mais je pense que des investissements de cet ordre sont quand même de bonnes nouvelles.

Enfin, de toute façon, j'ai reçu des réponses à mes questions. Je vous en remercie. M. le ministre, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Godin: Je dirais que, dans la mesure où nous sommes liés par le secret relatif aux noms des personnes, on ne peut pas citer quoi que ce soit jusqu'au jour où les personnes elles-mêmes décident de se lancer en affaires ou de créer elles-mêmes une entreprise au Québec. À ce moment-là, nous pouvons dire que c'est grâce au ministère si une telle entreprise voit le jour.

Si on fait une liste des nouvelles entreprises qui ont vu le jour au Québec, c'est assez étonnant. C'est même extrêmement significatif. Il y aura du riz produit au Québec dans quelques années. Un investisseur italien a acheté une terre dans le comté de L'Assomption. Il a obtenu, grâce à Hydro-Québec, des tarifs spéciaux d'électricité pour chauffer l'eau qui est nécessaire à la production du riz. Dans quelques années, il y aura une récolte de riz québécois dans la vallée de L'Assomption au Québec. (11 h 45)

Bientôt on aura des vins provenant entièrement de raisins qui auront poussé ici, des vins purement du Québec. Je ne sais pas s'ils seront bons, c'est une autre question; on verra bien. Donc, ils ont vraiment innové dans le secteur agricole, d'une façon très importante, et on souhaite que leur esprit d'innovation se retrouve dans tous les secteurs d'activité au Québec de manière qu'on se sorte de l'idée qu'ils volent les jobs. Ils créent des jobs.

Le Président (M. French): Bravo, M. le ministre!

M. Godin; Ils créent des entreprises nouvelles au Québec et ils amènent un renouvellement et une concurrence nouvelle dans bien des secteurs qui étaient somnolents; ils les réveillent. Donc, en ce sens, nous n'avons aucune intention de freiner nos efforts dans ce domaine du recrutement d'immigrants investisseurs partout dans le monde où il y en a, évidemment.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: C'est toujours intéressant, la question de l'investissement des étrangers. Je viens d'arriver d'Amsterdam. J'étais là il y a dix jours, durant l'intersession du Parlement, afin de rencontrer quelques investisseurs pour le comté de Vachon. Je vais annoncer dans quelques semaines un investissement majeur dans la fabrication de serres, la construction de serres pour la culture des tomates et des concombres. Les tendances des Hollandais, jusqu'à ce moment-ci, était d'aller en Ontario. C'e3t un investissement de plusieurs millions de dollars et j'en suis assez content parce que j'y suis allé à mes frais. Cela va plus vite comme cela.

C'est intéressant, le comté de Vachon. Ce n'est pas un bon exemple des meilleurs investissements dans le passé; il y a à peu près 65 investisseurs étrangers sur le rôle d'évaluation de Saint-Hubert, dans mon comté. C'était il y a quinze ans, au moment où les terres étaient vendues aux étrangers, plutôt aux spéculateurs qui restaient à l'étranger; donc, ils spéculaient sur ces terres. Les terres étaient morcelées, divisées. Ces gens, comme à la Bourse, étaient mal conseillés et leurs investissements n'ont rien produit. Les Québécois ne sont pas gagnants car à ce moment-ci on fait face à l'obligation de remembrer ces terres qui sont maintenant protégées par la Loi sur la protection du territoire agricole et on doit remettre en valeur les mêmes terres. C'est un processus extraordinaire.

L'ironie de la situation est qu'on est obligé d'aller chercher à l'extérieur la technologie, dans les jardins de l'Europe, en Hollande, en ce qui concerne l'horticulture, les fleurs, les tomates et les légumes de toutes sortes. C'est intéressant pour le Québec qui importe 70 % des légumes frais. Au moment où les deux tiers du monde crèvent de faim, je trouve scandaleux que nos terres ne soient pas développées à 100 %. On voit les autres villes du monde, comme Londres et Paris, où elles sont bien protégées; il n'y a pas un pied carré qui est disponible pour la culture, tout est en culture.

Au Québec, nous avons des régions périphériques comme Saint-Hubert où les terres sont en friche, non utilisées. Je pense que c'est assez remarquable et que ce serait bien qu'on accueille davantage d'étrangers. Dans mon cas, par exemple, j'ai intéressé les Hollandais à venir au Québec plutôt qu'en Ontario où se trouve, comme les Allemands, leur terre d'accueil traditionnelle, jusqu'à ce moment-ci.

Le statut d'immigrant réfugié

J'aurais d'autres questions là-dessus, mais je ne voudrais pas oublier la question des revendicateurs du statut de réfugié. Cela devient très compliqué, avec le jugement de la Cour suprême, venant deux ans après que le gouvernement fédéral, au mois d'octobre 1982, a cessé son aide, faisant en sorte que ces mêmes réfugiés se retrouvent à l'aide sociale du Québec, là où il n'y avait pas un

accueil suffisant.

Je voudrais demander au ministre quel est l'état des négociations, des discussions avec Mme MacDonald. Quel est l'échéancier? Effectivement, comme on le disait plus tôt, si, suivant le jugement de la Cour suprême, on fait en sorte de retarder pendant des années et des années les audiences, les requérants ou les revendicateurs du statut se trouveront avec une "Band-Aid" solution. Je pense qu'on va faire face à une crise d'envergure d'ici quelques mois et sûrement d'ici quelques années. D'abord, quel est l'état des négociations et quels sont les objectifs du ministre?

M. Godin: Une rencontre est prévue avec Mme MacDonald le 7 mai, à Ottawa. Les points à l'ordre du jour sont précisément quelle mesure on prend maintenant que la Cour suprême s'est prononcée sur des droits nouveaux pour les requérants au statut de réfugié, Mme la députée de Maisonneuve, et quelle manière devrons-nous prendre pour réduire le délai de traitement de ces dossiers maintenant qu'ils ont davantage le droit de contester des décisions canadiennes ou québécoises.

D'autre part, on abordera également le fait du financement conjoint des frais occasionnés par ces personnes-là au Québec et au Canada. Vous savez qu'à cause de Mirabel surtout le Québec accueille le plus grand nombre de tels requérants au statut de réfugié de tout le Canada. Dès qu'ils ont un document indiquant leur adresse et leur résidence au Québec, nous leur donnons la carte-soleil d'assurance-maladie, le droit d'envoyer leurs enfants à l'école française et, également, l'aide sociale. Comme le fédéral contribue à 50 % de l'aide sociale, il dit: Nous, cela suffit. La question qui se pose ultérieurement est l'accès au COFI. L'idéal serait que toutes ces personnes puissent avoir accès au COFI où il y a des périodes d'adaptation à la vie québécoise et surtout des cours de français aussi essentiels à l'adaptation. Cependant, cela coûte cher. Il faudrait donc obtenir du fédéral des budgets supplémentaires pour répondre aux besoins de toutes ces personnes-là. Sûrement que les points à discuter avec Mme MacDonald, M. le député de Vachon, seront ceux que j'ai mentionnés.

M. Payne: Comment fonctionne la division du changement de statut, comment cela a-t-il été mis sur pied, comment est-ce structuré...

M. Godin: Je vais passer la question à mon collaborateur, M. Vigneau.

M. Payne:... pour traiter les demandes? M. Vigneau: À la suite de la décision du Conseil des ministres de mai dernier où il a été décidé d'accorder l'aide sociale plus la carte d'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation aux demandeurs du statut de réfugié, nous avons mis sur pied un centre de services intégrés qui reçoit de la part du fédéral l'ensemble des demandeurs du statut de réfugié. Pour comprendre le processus, toute personne qui arrive au Canada, soit à Mirabel, soit par Blackpool, peu importe l'endroit, peut faire une demande de statut de réfugié. Dès l'instant où elle fait une demande de statut de réfugié et qu'elle est au Québec, depuis l'entente que nous avons eue avec le gouvernement fédéral, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 1985, elle e3t automatiquement envoyée sur la rue McGill, chez nous. Nous la recevons, nous prenons sa demande, nous prenons note de son nom, des renseignements minimaux la concernant, nous transférons ces renseignements à la Régie de l'assurance-maladie et nous lui remettons également une formule de demande d'aide sociale. C'est le 355 McGill qui centralise l'ensemble de ces opérations. La division des changements de statut est responsable du contrôle, de l'acheminement et du traitement de toutes les demandes présentées par les demandeurs du statut de réfugié.

M. Payne: Combien la structure compte-t-elle d'effectifs?

M. Vigneau: Actuellement, qui s'occupent exclusivement des demandeurs... Si vous voulez, je vais prendre 30 secondes pour expliquer ces techniques, parce que cela peut mélanger les gens. Il y a deux catégories de requérants sur place, d'une part, toute personne qui obtient du fédéral l'autorisation de faire une demande d'immigration sur place. Ce peut être quelqu'un qui est marié avec un résident permanent ou un citoyen, ce peut être toutes sortes de cas qui obtiennent des permis qui n'ont rien à voir avec le statut de réfugié. Ces gens-là sont aussi traités par la division des changements de statut. Autrement dit, ce sont des gens qui demandent le changement de leur statut sur place. Avant, ils étaient touristes, étudiants et ils demandes d'être résidents permanents.

En plus, vous avez les demandeurs du statut de réfugié qui, eux, n'ont pas obtenu l'autorisation d'être des requérants sur place. Il n'ont pas encore obtenu l'autorisation de faire les formalités d'immigration sur place. Pour traiter l'ensemble du problème des demandeurs du statut de réfugié, nous avons actuellement une quinzaine de personnes qui ne font que cela à temps plein. Nous avons à peu près le même nombre de personnes qui traitent les autres dossiers, c'est-à-dire les véritables requérants sur place, donc toutes les autres personnes.

M. Payne: Merci.

M. Vigneau: C'est uniquement du point de vue des formalités d'immigration; cela ne comprend pas, les chiffres que je viens de vous donner, les personnes relevant de mon collègue Prud'Homme qui s'occupent de l'accueil de ces personnes en termes d'interprètes, en termes de leur trouver un logement, etc.

M. Payne: D'accord. Qu'est-il advenu du comité formé par le Conseil des ministres ou par le ministre, qui avait comme objet d'étudier le statut par lequel le gouvernement québécois pourrait contrôler seul ces réfugiés?

M. Godin: Remarquez que vous abordez là une revendication historique du Québec dans ses négociations avec le fédéral. Nous souhaiterions qu'effectivement le Québec soit le seul responsable de la délivrance du statut d'immigrant reçu aux réfugiés parce que d'abord nous estimons que cela simplifierait la vie desdits candidats au statut de réfugié, les demandeurs. Aussi, nous avons une expertise aussi développée que celle du fédéral en cette matière. Évidemment, cela ne saurait se faire sans un transfert de fonds du fédéral vers nous pour nous permettre d'assumer ces nouvelles responsabilités.

Il n'y a pas de développement autre, sauf qu'il est possible que dans le document constitutionnel que M. Lévesque doit remettre bientôt à M. Mulroney la question soit abordée de façon directe dans le paquet, dans le "package" de demandes du Québec au fédéral pour avoir une adhésion au "Canada Bill".

M. Payne: C'est parce que je voudrais encourager...

M. Godin: Maintenant, mon sous-ministre a un complément de réponse à une de vos questions.

M. Vigneau: Donc, à la suite du mémoire présenté par le ministre Godin à ses collègues du Conseil des ministres au mois de mai, l'an dernier, il y a un comité présidé par le ministère de la Justice qui a été mis sur pied pour étudier la notion de résidence dans la législation et la réglementation québécoise. Ce comité qui devait remettre son rapport le 31 décembre n'a pas été en mesure, compte tenu de la complexité - la notion de résidence se retrouve dans 400 lois et règlements québécois et la notion varie selon la loi ou la réglementation dans laquelle on la retrouve... Le comité a donc été incapable de remettre son rapport le 31 décembre. Il a obtenu un prolongement de mandat jusqu'au 31 mars. Il n'est pas complété mais le rapport préliminaire, lui, est terminé. Il doit être acheminé au ministre d'ici au plus tard quinze jours.

M. Payne: Je pense qu'il serait intéressant d'avoir un débat public, c'est-à-dire une discussion publique dans l'immédiat à ce sujet qui pourrait être parallèle aux réflexions entamées par le ministère, mais avec le comité interministériel. Il y a quelques commentaires, quelques éditoriaux qui paraissent sporadiquement, comme celui de Jean-Claude Leclerc de l'an passé, parfois un peu raides. Je pense que cela n'empêche pas qu'une discussion de fond devrait être entamée dans le public à savoir dans quelle mesure le Québec est vraiment intéressé comme nation, comme État, à être le revendicateur d'une nouvelle politique de réfugiés. Cela serait intéressant s'il y avait plus de discussions publiques. Peut-être que cela pourrait aider par la publication de quelques papiers, quelques réflexions faites par le comité. Je pense que ce n'est pas seulement des revendications politiques entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa, mais, si on veut changer radicalement la politique de réfugiés, c'est quelque chose qui devrait être élargi à tout le public. (12 heures)

Le Président (M. French): Mme la députée de Maisonneuve, sur le même sujet, je crois.

Mme Harel: Merci. Puisque vous avez vous-même, M. le ministre, abordé cette question des discussions - on ne peut peut-être pas dire négociations - ou des conversations constitutionnelles qui ont lieu présentement, j'imagine que, comme moi, vous avez pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des propositions contenues dans le chapitre du programme du Parti libéral récemment adopté en matière d'immigration.

M. Godin: Oui, absolument.

Mme Harel: J'aimerais connaître vos réactions sur cette proposition qui souhaite que le Québec ait pleine et entière juridiction en matière d'immigration, avec toute la problématique derrière sur la nécessité, maintenant, pour le développement du Québec, compte tenu de son taux de fécondité, de contrôler les mouvements migratoires. Quand j'ai lu une déclaration du premier ministre, à savoir que les propositions constitutionnelles du gouvernement n'iraient pas en deçà des propositions contenues dans le programme du Parti libéral, je me suis donc dit: Le Québec va réclamer juridiction en matière d'immigration. Est-ce que j'ai raison ou tort?

M. Godin: Je dois dire pour prendre cela de façon plus large, que j'ai lu avec

intérêt le document du Parti libéral, "Maîtriser l'avenir", et je me suis réjoui de voir que, dans le domaine de l'immigration, qui laisse bien des gens froids des deux côtés de la Chambre, en général, il y avait une politique et nous nous en sommes inspirés largement dans notre document. C'est bien normal qu'on se serve les uns des autres et les uns dans les autres. En réponse à votre question, il y aura des choses dans le document constitutionnel qui sont au moins équivalentes à ce que le Parti libéral requiert comme résultat de ces négociations.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: Une question peut-être indiscrète, est-ce que c'est bien cela que le Parti libéral revendique? "Un gouvernement libéral - "Maîtriser l'avenir", page 51 - ira plus loin dans cette direction. " On parle de l'entente. "Il réclamera la reconnaissance constitutionnelle du droit à la détermination conjointe du nombre et à la sélection des personnes immigrant chaque année au Québec. "

Le Président (M. French): M. le député, moi je...

M. Payne: Je me suis permis de vous poser une question, et je vous invite à y répondre.

M. Dauphin:... évidemment, dans les prochaines semaines, puisque le premier ministre a l'intention en privé de faire rapport de ses revendications. C'est sûr que le débat va s'ouvrir largement, mais effectivement, ce que vous venez de lire, on ne peut pas vous contrarier là-dessus, mais on a une position, comme le ministre l'a dit, en matière d'immigration. Maintenant, je ne crois pas que, dans les 20 minutes qu'il nous reste, on puisse engager le débat là-dessus. On pourra le faire après, si vous voulez.

M. Payne: Ce que je lis là-dedans...

M. Dauphin: J'ai 50 questions et j'en ai posé 2. Il m'en reste 48 et il reste 20 minutes. Maintenant, on peut y revenir tantôt, je n'ai aucune objection.

Le Président (M. French): II nous reste un peu plus de 20 minutes, M. le député, je vous assure, parce qu'on a commencé un peu en retard. Mme la députée, avez-vous terminé, êtes-vous satisfaite?

La situation des femmes immigrantes

Mme Saint-Amand: Je m'excuse. M. le ministre a parlé brièvement tout à l'heure des COFI. À l'intérieur des COFI, il y a un secteur qui s'appelle les garderies de COFI qui connaît certaines préoccupations. J'aurais quelques questions à poser au ministre sur les garderies de COFI. Des craintes ont déjà été mentionnées par le collectif des femmes immigrantes, entre autres. Le 15 février 1983, le collectif a adressé au ministre un certain nombre de recommandations, de demandes. On sait que, depuis que les garderies de COFI forment des corporations tout à fait autonomes sans but lucratif, le ministère doit conclure des ententes avec ces garderies pour assurer le maintien de l'accessibilité des services à la clientèle des COFI.

Ma question serait celle-ci: Est-ce que le ministre a renouvelé les ententes avec les garderies? Cela se terminait le 31 mars.

M. Godin: La réponse est oui.

Mme Saint-Amand: C'est déjà fait, merci.

M. Godin: Le 31 mars, tout était signé.

Mme Saint-Amand: Tout était signé. Maintenant, est-ce que vous vous engagez à reconnaître la nécessité de continuer ces services pour la clientèle des COFI dans les COFI?

M. Godin: Je vais vous donner une réponse un peu plus vaste. Dans le passé, le Québec et le fédéral, conjointement, versaient de l'argent aux COFI pour couvrir les besoins des enfants dont les mères étaient aux études dans les COFI. De façon unilatérale, le fédéral a décidé de procéder différemment, c'est-à-dire d'envoyer l'argent non plus aux COFI mêmes, mais aux parents qui, ainsi, ont le loisir de faire garder leurs enfants par la famille, par la grand-mère, par le grand-père et, dans le cas de familles immigrantes, comme vous le savez peut-être, la famille est souvent toute ici au pays et cela fait quelques dollars de plus dans les poches de la famille. Donc, bien des familles ont décidé d'appliquer ce régime, de confier à leurs grands-parents ou à leurs tantes et cousines le soin de garder les enfants, mais elles se rendent maintenant compte, à l'expérience, que ce n'est pas la meilleure solution, la solution étant la socialisation des enfants afin de permettre aux enfants d'être le plus vite possible en contact avec les enfants du Québec, parce que c'est une phase d'intégration et d'adaptation extrêmement importante. Donc, on est en révision, du côté fédéral, quant à la politique de donner les "vouchers", comme on le dirait en bon français, aux parents dont les parents fréquentent les COFI.

Nous avons gardé notre même système, c'est-à-dire on réserve un nombre de places dans ces garderies pour la clientèle actuelle

et éventuelle d'enfants de Néo-Québécois, de nouveaux Québécois dans les COFI. C'est préservé. Nous continuons à verser l'argent pour que les enfants soient dans les garderies et nulle part ailleurs que dans les garderies.

Mme Barcelo: Quant aux parents qui n'ont pas les allocations du fédéral pour charge de famille pour payer la garderie, le Québec assume la part du parent à même nos budgets du ministère. Il y a des compléments de l'Office des services de garde, par ailleurs.

M. Godin:... qui s'y ajoutent.

Mme Saint-Amand: M. le Président, j'aimerais savoir de la part du ministre si c'est une entente à long terme ou si c'est encore une entente uniquement d'un an.

Mme Barcelo: Ce sont des contrats d'un an. Cela a toujours été des contrats d'un an avec les garderies. Je pense que cela permet une souplesse de part et d'autre. Il peut y avoir des ajustements à venir. En plus, comme c'est un nouveau système, on ne peut pas encore prévoir - le temps est peu long depuis le changement des politiques fédérales - quel va être le choix des parents. Dans ce nouveau système, c'est le choix des parents qui est prioritaire par rapport à l'ancien système. Il n'y a rien qui dit qu'un jour on ne pourra pas signer des contrats à plus long terme. C'est sujet à l'adoption de crédits à l'Assemblée nationale, bien sûr.

Mme Saint-Amand: II semble, M. le Président, qu'il serait souhaitable de négocier des ententes à plus long terme, parce que celles à court terme créent une espèce d'instabilité qui leur fait toujours craindre pour la durabilité des contrats.

M. Godin: Mme la députée de Jonquière, je pense que l'instabilité a été créée par la situation fort mouvante et fort floue créée par le changement de politique du fédéral, mais nous devons rester en "stand-by", si vous voulez me passer l'expression, face à des changements qui peuvent survenir n'importe quand. Si le fédéral, comme on l'entend dire, change d'idée et revient à l'ancien système, nous devons être prêts à modifier nos ententes. C'est à cause de cela qu'on a des ententes ouvertes. Dès que la situation se régularisera de façon assez certaine, nous avons l'intention d'avoir des baux plus longs, des contrats à plus long terme. Mais comme il y a flottement, pour la raison que je vous dis, il nous a semblé plus sage, expérience faite, de laisser certaines options ouvertes en ayant des baux annuels.

Je pense que, si les garderies ou si les parents avaient porté plainte auprès de notre partenaire fédéral, il aurait été possible que le résultat soit plus rapide, au lieu de s'en prendre uniquement au provincial qui n'a fait que poursuivre sa politique, que tout le monde avait accepté à l'époque. Cela m'a vraiment assez étonné de voir que le chien dans le jeu de quilles vient du fédéral et qu'on s'en prend au Québec qui n'a rien fait de mal, qui n'a rien changé de ce qui allait bien avant. Enfin, cela m'étonne, mais on verra pourquoi plus tard.

Mme Saint-Amand: Ma dernière question,

M. le Président. Est-ce que les conditions de l'entente sont les mêmes que l'an dernier?

Mme Barcelo: Les contrats?

M. Godin: Oui.

Mme Saint-Amand: Oui.

Mme Barcelo: Les contrats sont les mêmes. Le nombre de places réservées peut être différent. Il est plus grand que celui de l'an dernier, le nombre de places réservées pour les enfants des COFI, puisque ce sont des garderies qui accueillent des enfants de stagiaires de COFI et des enfants du quartier. On a augmenté le nombre de places réservées par le MCCI. Les autres conditions sont les mêmes.

Mme Saint-Amand: Combien avez-vous réservé de places, cette année?

Mme Barcelo: Cela varie. Il y a cinq contrats, madame. On pourrait vous donner les renseignements par la suite.

M. Godin: On pourrait vous déposer les contrats, si vous le voulez.

Mme Barcelo: On peut vous déposer les contrats.

Mme Saint-Amand: La gratuité est-elle toujours assurée aux femmes immigrantes?

Mme Barcelo: Cela dépend.

Mme Saint-Amand: Pour celles qui n'ont pas l'allocation du gouvernement fédéral?

Mme Barcelo: C'est exact, c'est assuré.

Mme Saint-Amand: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): Je vous remercie, Mme la députée de Jonquière. Je soupçonne mon collègue de Marquette d'avoir encore beaucoup de questions à poser, alors je lui donne la parole.

M. Dauphin: Oui, M. le Président. D'ailleurs, vous m'aviez fait part du fait que, vous aussi, M. le Président, vous aviez des questions.

Le Président (M. French): Oui. Cela n'a pas l'air parti pour cela.

M. Dauphin: Je vais en poser quelques-unes et, ensuite, on fera le tour de table régulier.

Toujours sur les femmes, M. le ministre, je lisais dans le rapport du colloque de septembre dernier une première constatation: La plupart des femmes ont été réticentes à aborder différents sujets ou problèmes puisque celles-ci mentionnent qu'elles ont eu l'occasion de le faire lors du colloque "Femmes immigrées, à nous la parole" en juin 1982. À cette occasion, 111 recommandations avaient été formulées, et je cite: "Plusieurs personnes présentes constatent que les actions du ministère, MCCI, en regard de ces dernières, ont été presque nulles, sinon exclusivement de nature bureaucratique. " Un peu plus loin, on mentionne en résumé: "Elles rappellent que la balle est dans le camp du ministère depuis plus de deux ans et elles souhaitent que celui-ci passe maintenant à l'action en les y associant. "

C'est donc la première réflexion lors de cet atelier sur les femmes, un jugement très sévère à l'endroit un gouvernement. On a parlé effectivement de leur rôle et de leur place - on parle toujours des femmes - dans les associations des communautés culturelles, dont la majorité sont des hommes. On nous dit qu'elles ont bien l'intention de s'impliquer, mais c'est un peu un cercle fermé et elles doivent former leur propres organismes. Malheureusement, lorsque ces associations sont formées, elles ont de la difficulté à survivre du fait que le processus d'accessibilité aux subventions du ministère est beaucoup trop long. On a d'ailleurs suggéré au ministère d'accélérer le processus.

La question est la suivante: Le ministre a-t-il pris des actions? A-t-il tenu compte de la suggestion de l'atelier des femmes lors de ce colloque, c'est-à-dire de raccourcir les délais d'accessibilité aux subventions?

M. Godin: Je vous dirais deux choses là-dessus. Quand un organisme est formé par des femmes des communautés culturelles et qu'un tel organisme nouveau féminin ou féministe fait une demande d'aide au ministère, la demande est traitée au même titre que les autres et je ne pense pas qu'il y ait une discrimination de la part du ministère entre les organismes féminins et masculins des communautés. Il y a égalité absolue.

Au sommet des femmes qui aura lieu le 16 mai et qui est convoqué par ma collègue, non encore députée de Bertrand, un siège a été réservé pour les femmes des communautés culturelles. Également, le ministère a nommé une agente ministérielle qui siège au comité de préparation de ce sommet et les demandes des femmes immigrantes sont intégrées à la liste des résolutions et des recommandations des femmes ayant participé à ce sommet, au moins à sa préparation. Déjà, je peux vous dire que plusieurs des recommandations faites auront des décisions favorables qui seront prises d'ici à la fin de ce sommet, entre autres, dans le domaine des garderies, invoqué par votre collègue de Jonquière, et dans le domaine de l'accès aux cours de français dans les COFI.

M. Dauphin: Justement, c'était mon prochain sujet. Le délai est normalement de combien de temps pour avoir la subvention dans le cas d'un nouvel organisme?

Le Président (M. French): Allez-y.

M. Prud'Homme (Roger): Merci. Le délai pour les organismes nouveaux, c'est trois mois au maximum parce que les organismes ont la chance de présenter leurs demandes après une période de trois mois. Maintenant, s'il arrive des questions d'urgence, immédiatement le cas est considéré comme un cas spécifique ou particulier dans l'ensemble.

M. Godin: Pour évaluer l'action de l'association l'année précédente, pour voir si les subventions versées dans le passé ont été dépensées de la façon prescrite à l'entente ou selon les règles du ministère, il y a des rapports à soumettre, évidemment, comme dans n'importe quel cas de subvention ou d'aide gouvernementale. Donc, il peut se produire que certaines décisions prennent du temps parce que nous voulons être certains que, dans la mesure où le budget n'est pas illimité, l'argent est dépensé dans les meilleurs organismes et pour les meilleures fins et que l'objectif prévu l'année précédente est atteint l'année suivante. Donc, on suit, si vous voulez, de très près les dépenses faites par les organismes en question. C'est peut-être pour cela que cela peut paraître long à certains. Ceux qui font une bonne "job", en général, ce n'est pas très long - enfin, un bon travail, pour parler français. (12 h 15)

M. Dauphin: Est-ce qu'on peut continuer?

Le Président (M. French): Oui, M. le député.

M. Dauphin: Cela va bien, M. le Président. Relativement toujours - vous en

avez d'ailleurs fait état - à la formation linguistique, il me semble que les ressources soient inexistantes concernant les moyens des femmes immigrantes pour l'acquisition de la connaissance de la langue française, à part le programme de formation aux adultes. Il faut noter que dans leurs recommandations sur l'apprentissage de la langue, lors du colloque de juin 1982 que je mentionnais tantôt, on indiquait ces mêmes besoins. Entre autres, on mentionnait que le ministère devrait mettre sur pied, pour les travailleuses immigrantes qui estiment que leur niveau de connaissance du français est insuffisant, des cours de français oral et/ou écrit. Ces cours seraient dispensés sans préjudice et sans réduction de salaire pendant les heures de travail.

D'autre part, on souhaite que les cours de langue en COFI soient plus diversifiés et mieux adaptés aux besoins des femmes immigrantes. On mentionnait aussi: "Puisque la majorité des allophones du Québec sont des femmes, on recommande que celles-ci aient accès en priorité aux programmes d'apprentissage du français; que la commission d'emploi et d'immigration ne fasse pas pression sur les stagiaires de COFI pour les obliger à accepter un emploi avant que leur cours de français soit complété; et, finalement, pour les femmes qui n'ont pas accès au COFI, que des cours de français soient organisés dans les CLSC, des services de halte-garderie ayant été offerts. " Ce sont des résolutions du congrès de 1982 que je mentionnais tantôt. La plupart de ces points soulevés en 1982 se sont retrouvés, deux ans plus tard, au colloque que vous avez organisé vous-même, M. le ministre.

En parallèle à cela, le Journal de Montréal, le 10 mars 1985 - il y a un mois -rapportait que la majorité des femmes immigrantes ne parlent pas français - on disait 68 % - et, à cause de ce fait, sont en état d'isolement, de solitude et sont donc sans voix. Donc, la situation est loin d'être rose. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. La question est la suivante: Quels actes précis - au pluriel - le ministre entend-il prendre dans ce dossier? Les femmes immigrantes ont dit leur insatisfaction en 1982. Elles l'ont répétée en 1984 et la situation ne semble pas s'être améliorée.

M. Godin: Je vais vous donner un début de réponse, quitte à ce que ma sous-ministre complète. Il y a eu un colloque sur l'éducation des adultes organisé récemment et, à ce colloque précisément, une demande pressante faite par l'ensemble des participants et des participantes a été que les cours de français soient plus généralisés au Québec et fassent partie, presque, des obligations de l'éducation des adultes, mais cela prend des bidous, comme on dit en bon français, et, les bidous étant rares, on s'est tourné vers le fédéral pour que le fédéral fasse sa part aussi dans la mesure où il est partenaire à temps complet du ministère de l'Immigration du Québec dans ce domaine. Nous avons obtenu 750 000 $ de plus dans les ententes fédérales-provinciales pour dispenser des cours de français aux femmes immigrantes. Donc, un pas a été fait dans la bonne direction.

D'autre part, au-delà de cela, il y a également un éventail de cours à temps partiel ou sur mesure. "Sur mesure", cela correspond précisément à ce qui est demandé, les cours halte-garderie. Les cours "sur mesure" sont souvent des cours dans les usines ou dans les cuisines, où on convoque les femmes d'un quartier donné, à l'heure qui leur convient, à des cours dans la résidence de l'une d'entre elles. Cela marche très bien. Il y a des dizaines de groupes qui se sont organisés et cela marche très bien. Le meilleur lieu où l'on puisse enseigner le français, c'est probablement, d'après l'expérience faite, dans les cuisines des quartiers de Montréal où il y a des concentrations de femmes immigrantes.

Mais Mme Barcelo a un complément de réponse à vous donner.

Mme Barcelo: Ce budget additionnel de 750 000 $, qui a été donné par le gouvernement du Québec, s'ajoutait à un budget de plus de 1 000 000 $ déjà. L'engagement quant au montant de 750 000 $ était de privilégier la clientèle féminine. Nos statistiques montrent que 65 % des femmes suivent ces cours à temps partiel par rapport aux hommes. Il y a eu également un engagement au sommet du Québec dans le monde, à la suite d'une demande, de faire des projets pilotes d'enseignement du français en milieu de travail. Il était intéressant que cet engagement soit fait à un sommet où il y avait des partenaires socio-économiques parce que ce sont des discussions qui doivent avoir lieu avec le patronat et le syndicat. Ce n'est pas le ministère, même si on s'est engagé à payer les professeurs, qui peut négocier finalement avec les entreprises pour donner ces cours de français sur les lieux de travail, sans diminution de salaire. Mais on a ouvert la porte et on discute avec des syndicats et le patronat en ce moment.

M. le ministre parlait de la diversité des cours sur mesure, dans certains cas, justement pour rejoindre des femmes qui ne sont pas à l'aise de sortir de leur milieu géographique et physique. Il y a des cours dans les sous-sols, dans les cuisines. Bien sûr, l'éventail des cours à temps partiel rejoint toutes sortes de gens parce qu'on en donne le samedi, le dimanche. On a des formules beaucoup plus souples peut-être que dans des réseaux plus organisés. Il y a aussi des cours le soir. Je pense également qu'il y aura

peut-être des choses annoncées ou en cours ou en vue au sommet des femmes sur la question.

M. Dauphin: Merci. Une autre petite question, M. le Président.

Le Président (M. French): Oui, une petite, s'il vous plaît.

M. Dauphin; Une petite question. D'ailleurs, j'en avais fait état l'an dernier lors de l'étude des crédits. À chaque colloque ou atelier, la question revient toujours au sujet des femmes immigrantes, effectivement, quant aux moyens de communication relativement aux normes minimales de travail ou, si elles ne comprennent pas le français, en ce qui a trait à l'affichage. J'ai lu que l'affichage était impossible dans d'autres langues pour des raisons réglementaires et législatives. Est-ce à cause de la loi 101, ça?

M. Godin: Précisément.

M. Dauphin: Dans le cas des normes minimales de travail, il serait intéressant, je ne sais pas, d'arriver à un moment donné à une solution pour qu'elles soient au courant des normes.

M. Godin: M. le député de Marquette, dans la mesure où c'est un problème qui revient souvent et dont la critique, je pense, est fondée, nous allons tenter de trouver une solution qui permette d'afficher les règles de sécurité et les normes minimales de travail, partout où il y a des gens qui ne parlent ni le français ni l'anglais, dans la langue qu'ils ou elles comprennent. Je pense que c'est élémentaire. On trouvera une solution réglementaire ou législative pour répondre à cette question qui, à mon avis, est fondée.

M. Dauphin: Très prochainement? M. Godin: C'est un engagement. M. Dauphin: D'accord.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon doit partir à 12 h 30. Je signale cela au ministre.

M. Payne: Oui. Il était prévu qu'on termine normalement à 12 h 30.

Le Président (M. French): C'est cela, sauf qu'on va continuer jusqu'à 12 h 45.

M. Payne: Quelques brèves questions. D'abord, est-ce que l'organigramme reflète la situation actuelle?

M. Godin: Le nouvel...

Mme Barcelo: Nous avons déposé sous le titre "L'inédit", qui est le titre de notre journal interne, le nouvel organigramme du ministère.

M. Payne: C'est déposé? Mme Barcelo: C'est distribué.

Le Président (M. French): On ne peut pas déposer en commission parlementaire.

M. Payne: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?

Le Président (M. French): Mais oui.

Les ententes de sécurité sociale

M. Payne: Où en est le secrétariat de l'administration des ententes de sécurité sociale? On a des ententes avec la plupart des pays concernés: les États-Unis, la France, le Portugal, l'Italie, la Grèce; y a-t-il d'autres ententes en vue?

M. Godin: Cela va très bien, cela dépasse même nos espérances avec plusieurs pays. Entre autres, pour faire rêver les gens, les ex-Canadiens français américains qui reviennent ici obtiennent leur pension en dollars US, dépensent leurs dollars US au Québec et contribuent ainsi à l'économie du Québec. Par ailleurs, il y a quelques pays où il y a des choses qui accrochent; entre autres, le Portugal. Mon sous-ministre adjoint, M. Prud'Homme, doit bientôt aller au Portugal pour tenter de raffiner les derniers détails qui accrochent. M. Prud'Homme, je vous cède la parole.

Le Président (M. French): M.

Prud'Homme.

M. Prud'Homme: M. le Président, M. le ministre, pour vous donner une idée générale de comment le programme évolue, disons qu'il y en a environ 6500 Québécois d'origine italienne qui reçoivent en moyenne 200 $ par mois qui rentrent au Québec, ce qui nous donne une idée de l'ordre de grandeur. Pour la France, il y en a environ 200 qui reçoivent 200 $ par mois également, des allocations qui viennent de leur pays d'origine. De plus en plus, avec les États-Unis, cela devient fort intéressant. La moyenne générale est de 300 $ US par mois et nous comptons, à l'heure actuelle, avoir au moins de 7000 à 8000 personnes qui vont pouvoir immédiatement bénéficier de ces programmes. Ce sont souvent des Québécois qui ont travaillé le long des frontières contingentes au Québec et qui peuvent bénéficier de ces ententes.

Cela permet également à des compagnies... À l'heure actuelle, nous

sommes à informer les compagnies dont le personnel du Québec va travailler aux États-Unis qu'il peut contribuer au Régime de rentes du Québec sans être obligé de contribuer au régime américain, ce qui ne pénalise personne et qui permet aux avoirs de demeurer au Québec.

M. Payne: La Grande-Bretagne?

M. Prud'Homme: À l'heure actuelle, il n'y a pas d'entente avec la Grande-Bretagne.

M. Payne: Je sais, je commence à m'y intéresser.

M. Prud'Homme: On n'a pas eu écho qu'il y avait des ententes à venir prochainement avec la Grande-Bretagne. Il y a des ententes actuellement et certains pourparlers avec certains pays de l'Europe.

M. Payne: Non, mais avec la Grande-Bretagne est-ce que les discussions sont sérieuses, avancées?

M. Prud'Homme: Cela n'avance pas vite. Cela pose des problèmes. Ce que nous savons de la Grande-Bretagne, c'est qu'elle ne veut pas s'engager trop rapidement parce qu'elle devra également, à l'intérieur du Commonwealth, faire les mêmes ententes et cela a des répercussions qui ne touchent pas que le Québec et le Canada.

M. Payne: "Thank you".

M. Godin: En tant qu'officier bénéficiaire d'une telle entente, si jamais cela se présentait...

M. Payne: Je suis pour Ies accords de réciprocité.

M. Godin: Je peux vous dire que l'histoire de ces ententes, c'est simple. La pression vient d'abord de la communauté ici. Elle transmet sa pression ou sa demande au ministère chez nous. Nous en avisons nos négociateurs du ministère des Relations internationales, d'une part. D'autre part, la communauté ici fait pression sur les consuls, ambassadeurs et autres représentants grecs, portugais ou italiens. Si vous voulez, c'est une action en pincette. On essaie de coincer des deux côtés les deux gouvernements. Le résultat, c'est qu'il y a des ententes.

Par ailleurs, il n'y a pas une communauté britannique suffisamment importante au Québec - j'entends de fraîche date, je ne parle pas de l'ancienne, évidemment - pour être une masse critique assez importante pour influencer les consuls et ambassadeurs. Je compte sur vous, M. le député de Vachon, pour animer cette communauté réduite en nombre, mais non moins importante pour nous, pour qu'on en arrive à une semblable entente.

Au fond, c'est une entente très bonne pour le Québec.

M. Payne: Si vous me payez un voyage, j'irai volontairement. Faites attention, je sonne l'alarme parce que, justement, la Grande-Bretagne cherche des investisseurs étrangers. Si on suit les journaux des dernières semaines, il y a un "brain drain". On cherche des chercheurs, ceux qui sont engagés dans l'informatique; j'en connais quelques-uns qui font l'objet d'une séduction moins que subtile de la part des compagnies britanniques au Québec, actuellement.

M. Godin: On a suivi cela de près, M. le député de Vachon.

M. Payne: C'est intéressant.

M. Godin: Au fond, ce n'est que justice que tôt ou tard "the chicken comes home to roost". Nous recrutons des experts en Grande-Bretagne pour nos besoins qui sont l'objet d'un boom, mais quand ils ont un boom ils reviennent chez nous pour recruter des gens. Ils en ont besoin et c'est normal, je pense, qu'après avoir pris nous donnions.

M. Payne: La toute dernière question brièvement, concernent la recherche. Cela m'a peut-être échappé. Est-ce qu'il y a une liste des études qui ont été accomplies dans les douze derniers mois?

M. Godin: Cela n'est pas dans les crédits.

M. Payne: Est-ce qu'on pourrait s'informer? Cela m'intéresse.

M. Godin: Oui. M. Pierre Laporte, directeur de la recherche chez nous.

Le Président (M. French): M. Laporte.

M. Laporte (Pierre): Oui, d'abord, il y a la continuation d'une étude sur l'adaptation socio-économique des réfugiés indochinois. C'est une étude qui en est à son deuxième rapport. Il y a deux rapports de terminés. Il y a un troisième rapport qui est en préparation et qui devrait être terminé d'ici à deux mois. Ensuite, il y a eu des études faites sur les questions démographiques pour alimenter, en particulier, la préparation des travaux qui ont été faits pour cette commission.

Il faut dire aussi - je pense qu'il faut le mentionner - qu'étant donné que j'arrive au ministère, comme directeur de la recherche, il y a une bonne partie de mon temps et de celui des agents de recherche du ministère qui a été consacrée à réviser

les orientations du programme de recherche du ministère. Antérieurement, le programme de recherche était surtout basé sur deux préoccupations principales: l'impact économique de l'immigration et l'impact démographique de l'immigration. Maintenant, on commence beaucoup plus à s'intéresser à des questions d'impact culturel de l'immigration. Donc, on est en voie de préparer des projets là-dessus. (12 h 30)

II y a aussi une étude qui a été déposée, mais qui est en train d'être complétée, par M. Bouthillier, de l'Université de Montréal, sur les politiques des États touchant la reconnaissance de l'identité culturelle des immigrants. Il y a eu une question de posée plus tôt au sujet non seulement de l'identité culturelle, mais de la comparaison qui se fait entre le Québec et l'Ontario et d'autres provinces touchant les programmes d'égalité. On a fait une étude documentée sur les différences et les similitudes qui existent entre les différents ministères ou à différents paliers, municipal, fédéral et provincial. Ensuite, il y a eu une toute petite étude qui a été faite sur les politiques canadienne et québécoise en matière de reconnaissance de l'identité culturelle des immigrants, mais il faut que j'insiste pour dire qu'on est dans une période de réflexion.

M. Payne: Cela m'intéresserait de voir peut-être une liste sélective au moins des choses les plus intéressantes. C'est sûr qu'il y a des études spécifiques pour les ministres, mais les plus importantes, cela m'intéresserait personnellement de les voir.

M. Laporte: Oui, on va vous les faire parvenir.

Le Président (M. French): Par le truchement du secrétaire de la commission.

M. Payne: Personnellement, cela me rassure beaucoup que quelqu'un de la compétence et de l'expérience de M. Laporte soit directeur de la recherche pour un domaine aussi important. Merci.

Le Président (M. French): C'est tellement vrai. J'ai quelques questions à poser. M. le ministre, si vous me le permettez, on va continuer dans l'espoir d'épuiser au moins un des deux programmes.

M. Godin: Je me sens très bien ici, M. le Président.

Le Président (M. French): Le niveau projeté d'immigration pour 1984, c'était 16 000 personnes, alors que le niveau réel se situait autour de 14 600. Je comprends que ce n'est pas possible d'arrimer complètement la vie et les plans, Dieu le sait, mais c'est quand même une sous-performance de quasiment 10 %. Est-ce que le ministre a quelques commentaires à faire là-dessus? Peut-il nous expliquer pourquoi cela s'est produit? Est-ce un problème inquiétant? M. Vigneau.

M. Godin: Je laisse la parole à mon sous-ministre adjoint, M. Vigneau, puisqu'il m'a déjà donné la réponse à cette question-là.

M. Vigneau: Alors, il y a plusieurs explications au fait que nous n'ayons pas atteint le niveau prévu, d'une part, parce que nous ne contrôlons pas toutes les catégories d'immigrants. Il faut bien comprendre la notion de niveau. Dans la notion de niveau, il y a un aspect volontariste, c'est-à-dire qu'on peut, comme gouvernement, décider qu'on veut sélectionner 2000 réfugiés à l'extérieur. Ce n'est pas compliqué, on a simplement à donner le mandat à nos agents, on ne se trompe pas, à dix personnes près. Dans plusieurs autres catégories, c'est une estimation que l'on fait. Or, vous savez que depuis plusieurs années la catégorie de la famille représente environ 50 % des immigrants qui arrivent au Québec. Dans la catégorie de la famille, on peut prévoir qu'il va arriver dans une année 5000, 6000, 7000, 8000 personnes, mais, évidemment, on n'a aucun contrôle là-dessus. Si les gens qui sont ici ne font pas de demande pour faire venir leurs parents ou si leurs parents qui sont à l'étranger, même s'ils peuvent rentrer, décident de retarder leur entrée, on ne peut pas le contrôler. Or, l'explication principale du fait de la non-atteinte des niveaux réside justement dans la famille.

Le Président (M. French): Vous fonctionnez par rapport aux attentes?

M. Vigneau: Je crois que l'on peut croire que les familles se sont dit: On traverse une période économique difficile; oui, on peut faire venir notre famille, mais encore faut-il que notre famille, en arrivant, puisse se trouver du travail. On a l'impression que les familles ont eu, autrement dit, exactement le même réflexe que nous par rapport aux immigrants indépendants et qu'elles ont attendu en quelque sorte avant de porter leur décision jusqu'à son aboutissement, c'est-à-dire obtenir un visa et venir chez nous.

Le Président (M. French): Allez-vous ajuster vos projections en fonction de ce comportement-là?

M. Vigneau: Pour les niveaux 1985...

Le Président (M. French): Qui sont de 1000 personnes de plus.

M. Vigneau: 1000 personnes de plus, effectivement, nous croyons qu'en 1985 nous devrions atteindre 17 000, parce qu'il y a eu une certaine reprise économique, elle se vérifie. Pour ce qui est des garants - les garants, ce sont les personnes qui viennent chez nous, qui se portent garantes pour faire venir leur famille - leur nombre a augmenté, logiquement le nombre de membre de la famille va donc augmenter. De la même façon, du côté des indépendants, le programme des investisseurs augmente, alors, chaque investisseur vient avec son conjoint, sa femme et ses enfants. Le niveau de 17 000 nous paraît donc raisonnable, encore qu'il soit important de souligner qu'il y a une partie de ce niveau qu'on ne contrôle pas, mais cela nous paraît raisonnable et on croit atteindre 17 000 en 1985.

Le Président (M. French): L'essence du manque de contrôle, ce n'est pas la juridiction soi-disant partagée, c'est plutôt le comportement humain, les décisions des individus.

M. Vigneau: Exactement. M. Godin: Des personnes.

Le Président (M. French): Des personnes.

M. Godin: Les mille et une décisions prises par les mille et une personnes qui émigrent ou n'émigrent pas.

L'engagement de professeurs d'université étrangers

Le Président (M. French): Je voudrais également soulever un problème qui me semble important, qui crée des difficultés pour les universités québécoises, c'est celui des permis de travail pour les candidats-professeurs recrutés par les institutions québécoises à l'extérieur du Canada. On sait que, pour bien protéger les emplois des Québécois, il y a certaines procédures qui sont normalement appliquées. Est-ce que l'employeur a bien affiché ses besoins dans les médias? Est-ce qu'il a contacté les centres de main-d'oeuvre, etc. ? Il y a probablement une trentaine de choses que l'employeur québécois devrait faire pour démontrer qu'il n'a pas pu trouver de candidat intéressant, acceptable, à l'intérieur du Québec.

En gros, l'application de ces procédures, de cette grille d'analyse, pour le recrutement dans les universités québécoises s'est avérée jusqu'ici un succès et les relations sont utiles et fructueuses entre les universités et le ministère. Cependant, tout récemment, deux problèmes ont semblé se présenter. D'une part, à cause de l'implication du ministère des Affaires sociales dans le recrutement des professeurs de médecine d'outre-mer, il y a un problème sérieux sur l'application de cette question. Y a-t-il un Québécois qualifié pour remplir l'emploi ou s'il n'y en a pas un, etc. ? Le ministère des Affaires sociales joue un peu à la place du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration dans un tel dossier. Cependant, je pense que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration est également impliqué.

Pour ce qui est d'autres professeurs, j'ai eu deux cas récemment de deux institutions différentes. L'un des cas a été réglé finalement entre l'institution et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration; l'autre cas, j'en ai parlé cette semaine avec les fonctionnaires, je pense que cela va se régler. Mais il semble y avoir une tendance de resserrement de la part des fonctionnaires responsables de l'application de ces jugements d'offre d'emploi, encore une fois, aux non-Canadiens ou aux gens de l'extérieur du pays. Voici ce qui réglerait le problème. C'est que si on veut avoir des professeurs aussi compétents, aussi intelligents que possible, si on veut avoir dans les universités des chercheurs capables d'entreprendre le fameux virage technologique et de manifester de l'excellence dans nos institutions - et je pense que c'est la première obligation de ces institutions envers les étudiants québécois et tous les Québécois - on ne peut pas vraiment, une fois les procédures normales entreprises, accepter une situation en vertu de laquelle un fonctionnaire, qu'il soit au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration ou au ministère des Affaires sociales, dit à une institution d'enseignement supérieur qu'il y a des candidats québécois ou qu'il faut prouver la non-existence des candidats québécois acceptables. C'est même ces mots qui ont été utilisés et qui sont un peu fous, parce qu'on ne peut pas prouver la non-existence de quelque chose ou de quelqu'un.

Tout cela pour suggérer au ministre, et plutôt au sous-ministre et au sous-ministre adjoint, qu'il me semble qu'un problème se dessine et qu'on devrait peut-être impliquer le ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et le ministère des Affaires sociales, lorsqu'il s'agit des médecins, pour clarifier l'application de la grille d'analyse qui est utilisée, je pense, de façon très réaliste envers les travailleurs spécialisés, mais qui n'est pas tout à fait convenable pour le recrutement des professeurs, alors que c'est l'excellence qu'on recherche.

Cela veut dire qu'un pédiatre n'égale pas un autre pédiatre, un professeur de

"business policy" n'égale pas un autre professeur de "business policy" pour ce qui est du recrutement dans une université québécoise. Je me demande si le ministre, le sous-ministre ou M. Vigneau ont des commentaires là-dessus et si ce serait possible de clarifier ce genre de problème.

M. Godin: M. le sous-ministre adjoint, M. Vigneau.

M. Vigneau: Effectivement, ce problème des professeurs d'université est un problème auquel nous avons à faire face depuis plusieurs années. Je suis bien au courant des cas auxquels vous faites référence. Il faut préciser d'une part qu'il s'agit, dans ces cas, de personnes qui font une demande non pas en tant qu'immigrants, mais de travailleurs temporaires. Or, l'entente Couture-Cullen prévoit que, dans le cas des travailleurs temporaires, il faut l'accord des deux parties: la partie fédérale et la partie québécoise. Les deux parties ont droit de veto et nous avons convenu d'une procédure conjointe. L'institution qui veut faire venir un travailleur temporaire doit remplir un formulaire fédéral, qui s'appelle le 2570. Elle peut s'adresser chez nous ou s'adresser au fédéral mais, de toute façon, la demande va être étudiée par les deux parties et elle doit effectivement faire la preuve qu'il y a eu des efforts raisonnables de faits pour recruter localement, et localement, dans ce cas-ci, cela veut dire dans tout le Canada. Localement, ce n'est pas uniquement au Québec, mais elle doit faire un effort dans tout le Canada pour recruter les personnes qu'elle cherche à faire venir.

Nous avons pendant un certain temps eu des problèmes, non pas avec les universités, mais avec les associations de professeurs. Je me souviens encore très bien de nombreuses lettres dans les journaux d'associations de professeurs qui accusaient tant le gouvernement fédéral que le gouvernement québécois de laxisme quant à la mise en application de ces politiques, disant: Vous autorisez des professeurs étrangers à venir ici alors qu'ici, il y a des professeurs suffisamment compétents.

Nous avons, dans des cas très récents, eu également beaucoup de difficultés puisque, pour les universités, ce n'est pas toujours si simple, ni si clair que cela de déterminer qui a le pouvoir d'engager.

Le Président (M. French): Qui a...

M. Vigneau: Qui a le pouvoir d'engager un professeur...

Le Président (M. French): D'accord.

M. Vigneau:... et il y a eu des chicanes qui, elles aussi, ont fait la manchette des journaux, surtout à l'Université McGill, où le corps professoral s'est prononcé pour l'engagement d'un citoyen québécois, d'un citoyen canadien, alors que le doyen, lui, soutenait dur comme fer qu'il était incompétent et qu'il fallait un professeur étranger. Très souvent, on se tourne vers nous et on nous demande de trancher ce genre de débat. Vous comprenez que les fonctionnaires...

Le Président (M. French): Ce n'est pas leur responsabilité d'aucune manière.

M. Vigneau:... ce n'est pas leur responsabilité et, après entente avec le gouvernement fédéral, nous avons décidé d'appliquer une façon d'agir que je ne dirais pas rigoureuse, mais d'appliquer tout simplement la réglementation tant fédérale que québécoise, et nous avons demandé aux gens de nous faire la preuve qu'effectivement il y avait eu une recherche. Nous n'avons jamais refusé, dans des cas particuliers qui nous ont été soumis, de rencontrer tant les autorités universitaires que parfois les autorités syndicales. J'ai moi-même à plusieurs reprises rencontré ces autorités. Il y a peu de cas qui n'ont pas connu un dénouement heureux mais je crois bien connaître les cas auxquels vous faites référence. Il y a des cas où, effectivement -je parle des professeurs universitaires autres que des professeurs de médecine, j'arriverai après cela à la médecine...

Le Président (M. French): Oui, d'accord, c'est un cas différent.

M. Vigneau: Non, pour l'ensemble du corps professoral, je crois que la façon dont on applique la réglementation, tant le fédéral que nous, ne pose relativement pas de problème. J'insiste sur le fait que, même si nous, au Québec, nous voulions là-dessus être plus larges, on se ferait facilement renverser notre décision par le gouvernement fédéral, puisqu'il faut qu'il y ait consensus. Si lui dit "non", même si nous disions "oui", cela n'avancerait à rien. On a toujours cherché à avoir un intérêt, une entente, et à traiter les cas à peu près sensiblement de la même façon.

Pour ce qui est des professeurs de médecine, c'est plus compliqué d'une certaine façon, puisque c'est toute la question des médecins étrangers qui passe par ce biais...

Le Président (M. French): Sauf que ce n'est pas la même problématique.

M. Vigneau: Non, ce n'est pas la même problématique. Je vais vous expliquer comment nous le voyons et comment nous essayons de le traiter. Il y a des demandes qui sont faites par des institutions universitaires.

Dans ces cas, nous demandons aux institutions universitaires de faire avaliser leur demande par le ministère des Affaires sociales. Ultimement, c'était nous, et malgré l'avis du ministère des Affaires sociales, le ministre de l'Immigration peut accepter quelqu'un même si le ministère des Affaires sociales nous dit non. Là encore, il y a le problème d'entente avec le gouvernement au fédéral. Il faut donc qu'on ait une politique conjointe parce qu'autrement c'est voué à l'échec. Nous avons fait de nombreuses représentations auprès du ministère des Affaires sociales pour que la politique soit établie le plus clairement possible. Je crois qu'il y a une commission parlementaire qui, les 14, 15 et 16 mai, se penchera sur ce sujet. C'est sûr que, dans le passé, il y a eu un certain nombre de problèmes, nous en avons été conscients. Je peux dire qu'il y a eu aussi des cas où sans être nécessairement des abus, les gens ont trouvé que, pour faire venir des médecins étrangers, la solution, c'était de leur trouver une heure d'enseignement par six mois. Cela est un peu ce qui a fait que le système ne marche plus.

Le Président (M. French): Je vous remercie, M. Vigneau. J'ajouterai tout simplement que j'apprécie des réponses qui me démontrent qu'il y a une conscience du problème et cela est très rassurant. Ce qui me semble quand même très fondamental, c'est que, si nous voulons que nos étudiants et nos jeunes Québécois, à l'occasion, travaillent ailleurs, il va falloir un certain minimum de réciprocité. Je me rappelle très bien que, lorsque je suis allé sur le marché du travail avec mon doctorat, j'avais une offre de cinq ans à Johns Hopkins et une offre de trois ans à Princeton. J'avais aussi eu une offre d'un an à York et j'en avais refusé deux autres à Simon Fraser et à l'Université du Nouveau-Brunswick. Alors, en tant que Canadien, je faisais mieux aux États-Unis. S'il y avait eu un protectionnisme du genre que les syndicats aimeraient avoir, je n'aurais pas pu travailler aux États-Unis non plus. C'est une histoire personnelle, mais cela illustre bien... Ce n'est pas le lot du ministère de l'Immigration de trancher ce genre de chose, c'est quasiment impossible pour lui. Tout ce à quoi je m'attendrais du ministère, en tant que député - et ceci a été démontré par le passé, à ce que je sache, cela est clair dans mon image - c'est qu'on ne demande pas à des fonctionnaires d'appliquer les grilles d'analyse dans un domaine où il est très difficile pour eux de comprendre la nature même du marché du travail. S'il y a des abus institutionnels, s'il y a un manque de clarté à l'intérieur de l'institution, c'est la faute de l'institution, il n'y a aucun doute à cela. Encore une fois, c'est très difficile d'assimiler le marché du travail dans un domaine hautement spécialisé comme la médecine ou un autre discipline du genre à un marché pour travailleurs spécialisés dans une usine de puces quelconque ou toute autre usine spécialisée. Dans la mesure où le ministère est conscient de ce problème, j'en serai très satisfait. Cependant, les délais créent des problèmes aigus de recrutement, parce que les personnes, par définition, sont les personnes en demande. Lorsqu'on dit à notre candidat: Écoute, cela peut prendre encore trois semaines, il dit: C'est "just too bad", je m'en vais à Duke University ou je m'en vais à l'Université de Louvain ou je m'en vais à UCLA et j'accepte une autre offre. Ce n'est pas nécessairement la faute du gouvernement mais le gouvernement se trouve malheureusement dans ce processus. Si la prise de décision pouvait être hâtée quelque peu, ce serait peut-être valable. Encore une fois, c'est surtout dans le domaine de l'éducation, dans des écoles de médecine, et cela n'est pas la faute du ministère.

Adoption des programmes 1 et 2

M. Godin: Est-ce que les programmes 1 et 2 sont adoptés, M. le Président?

Le Président (M. French): M. le député de Marquette, avez-vous une proposition à nous faire pour régler la situation dans laquelle on se trouve?

M. Dauphin: Oui. On en a d'ailleurs discuté dès le début de nos travaux. Il est évident que nous revenons à la commission le 8 mai pour étudier...

M. Godin: Ce n'est pas encore confirmé non plus...

M. Dauphin: Pardon!

M. Godin: Ce n'est pas encore confirmé non plus pour la Charte de la langue française, le 8 mai. On en est encore à négocier avec les leaders des deux partis.

M. Dauphin: Ah! Je n'étais pas au courant de cela.

Le Président (M. French): De notre part, il y avait à un moment donné un problème avec la commission, M. le ministre, et la commission veut vous dire que pour nous cela ne crée pas de problème.

M. Godin: Bon! le 8, cela irait pour vous?

Le Président (M. French): Excusez-moi?

M. Godin: Le 8 mai, pour vous, cela irait?

Le Président (M. French): Cela va. M. Godin: Pour nous aussi.

Le Président (M. French): C'est clair maintenant que cela va. Ce n'était pas clair il y a une semaine, c'est clair maintenant...

M. Godin: Bon, d'accord! Peut-être que c'est réglé effectivement.

M. Dauphin: Nous aussi, c'est clair pour le 8 mai, il n'y a aucun problème. Je n'aurais pas d'objection à adopter les programmes, sauf que j'aimerais - je ne sais pas si c'est possible à l'intérieur de notre règlement - me réserver quelques questions en matière d'immigration pour le 8 mai. Maintenant, je ne veux pas non plus faire venir le sous-ministre ou les fonctionnaires pour rien.

Le Président (M. French): M. le ministre et M. le député, serait-il possible d'adopter le programme 2 en laissant la recherche à M. Prud'Homme et, je pense, à une bonne moitié de nos fonctionnaires, et de retenir le programme 1, à moins que M. Vigneau aille outremer afin de recruter de la main-d'oeuvre hautement spécialisée?

M. Godin: Tout est dans le même programme.

Le Président (M. French): Excusez-moi?

M. Vigneau: L'immigration et les communautés culturelles sont dans le même programme.

Le Président (M. French): Ils sont dans le même programme.

M. Godin: Le programme 2, c'est uniquement le conseil.

Mme Barcelo: Le programme 2, c'est le Conseil des Communautés culturelles et de l'immigration. Le programme 1, ce sont les communautés culturelles et l'immigration.

M. Dauphin: Et l'immigration.

Le Président (M. French); Alors, dans ce cas, est-ce que ce serait possible? On peut soit les adopter tous les deux et inviter M. Vigneau à revenir.

M. Godin: On peut adopter le programme 2 et, suivant les questions que le député de Marquette déterminera, réinviter ici soit Mme Barcelo, M. Vigneau ou M. Prud'Homme, selon la partie du programme 1 que vous visez.

Le Président (M. French): Je pense que

M. le député vient de dire que M.

Prud'Homme, a terminé la partie de ses interventions qui touchent la recherche et tout cela.

M. Godin: Donc, ce sera M. Vigneau ou Mme Barcelo.

Le Président (M. French): Je pense, effectivement, que c'est cela, M. le ministre. D'ailleurs, nous regrettons de vous forcer à revenir, mais, en deux heures et demie, nous essayons de faire "une job" loyale et on n'a pas eu l'occasion de couvrir tous les dossiers qu'on voulait soulever.

M. Godin: Mme Barcelo nous confirme qu'elle pourrait être ici le 8 mai. M. le sous-ministre adjoint? Évidemment, dit-il.

M. Dauphin: D'accord, sauf qu'on s'entend, M. le ministre, pour qu'au début de la semaine prochaine, si, effectivement, il n'y a pas utilité de faire revenir M. Vigneau, je vous le dirai, je communiquerai avec vous mardi.

M. Godin: Vous nous prévenez, merci. D'accord.

Le Président (M. French): Est-ce que les programmes 1 et 2 sont adoptés?

M. Godin: Adopté, sous réserve de l'entente.

Le Président (M. French): Adopté, sous réserve de...

M. Godin: Une dernière chose, M. le Président. Est-ce que je peux suggérer, sans être désagréable, à mon collègue de Marquette de réviser son communiqué de presse envoyé avant les crédits parce qu'il y a des changements qui surviennent, qui rendent désuètes certaines phrases de son communiqué de presse? Je ne voudrais pas vous nuire dans votre comté, ni dans vos journaux. La présidente a été nommée, contrairement à ce que vous dites, vous l'avez su ici, et je vous ai déposé le rapport de M. Egan Chambers, coordonnateur, qui a démenti un peu un paragraphe de votre communiqué de presse. Donc, pour vous être utile...

M. Dauphin: Je comprends très bien, c'est parce que vous nous en avez fait l'annonce ce matin.

M. Godin: C'est pour vous être utile seulement...

M. Dauphin: D'accord.

M. Godin:... et de bonne compagnie.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le ministre, de la remarque.

Le Président (M. French): La commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 53)

ANNEXE

Notes pour le discours de la défense des crédits du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec, M. Gérald Godin

M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission. Il en va de la vie des ministères comme de la vie des hommes et des femmes. Certaines années semblent très tranquilles, très calmes, les jours s'écoulent sans que rien ne vienne perturber leur symétrique cadence. D'autres années sont par contre marquées par des changements tant rapides que profonds. L'année qui s'achève aura été pour le ministère, et pour son titulaire, j'allais dire pour ses titulaires, une année agitée, certes, mais surtout féconde. Vous me permettrez, M. le Président, de remercier d'entrée de jeu Mme Louise Harel ainsi que M. Pierre-Marc Johnson, qui ont, l'une pendant quelques mois, l'autre pendant quelques semaines, assuré la responsabilité du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Le peu de temps où ils auront occupé cette fonction leur aura tout de même permis d'être associés à des événements très importants de la vie du ministère.

Comme vous avez tous reçu le cahier préparé par les fonctionnaires du ministère, pour l'étude des crédits, je ne voudrais pas dans mon discours essayer de résumer les quelque 300 pages qu'il contient. Je me contenterai d'attirer votre attention sur des faits, des événements, des orientations, peut-être un peu plus significatifs, et qui méritent à mon avis de retenir davantage notre attention. J'aimerais remercier les fonctionnaires de mon ministère qui, sous la responsabilité de Mme Barcelo, ma sous-ministre, et de MM. Prud'Homme et Vigneau, mes sous-ministres adjoints, ont réalisé ce cahier qui nous sera très utile pour la défense des crédits, bien sûr, mais je crois qu'il pourra nous être utile tout au long de l'année pour suivre mieux les activités de mon ministère.

L'immigration au Québec en 1984

Le Québec a accueilli en 1984 14 600 ressortissants étrangers. C'est, si on peut dire, une "petite année" par rapport aux années antérieures. On se souvient que la moyenne annuelle des 10 dernières années est de 20 595 entrées pour le Québec. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette diminution du nombre d'entrées officielles d'immigrants au Québec en 1984. Au premier rang de ces raisons, il faut, bien entendu, souligner la situation économique en général et la situation de l'emploi en particulier. En effet, devant le taux de chômage important que nous connaissons, nous avons jugé qu'il eût été irresponsable de notre part d'accueillir des travailleurs sans emploi assuré qui n'auraient fait qu'augmenter le nombre de chômeurs québécois. Mais le resserrement de notre grille de sélection en fonction du marché du travail n'explique pas à elle seule la diminution du nombre d'entrées. Si nous regardons les statistiques d'un peu plus près, nous nous rendons compte que, en 1983, 7830 personnes étaient entrées au Québec au titre de la réunification de la famille. En 1984, 6326 personnes sont arrivées chez nous à ce titre; il s'agit donc d'une diminution de 19, 2 %. Or, les personnes sélectionnées au titre de la réunification de la famille ne sont pas évaluées sous le facteur emploi. On voit donc que les familles québécoises, qui ont encore un de leur membre à l'étranger, ont hésité à entreprendre les démarches pour compléter la réunification de leur famille. C'est cette même prudence qui a guidé l'action du ministère envers les indépendants.

En 1984, 36 % des immigrants connaissaient le français, 36 % l'anglais et 39 % ne connaissaient ni le français, ni l'anglais. Si on compare ces données à celles de l'an dernier, on se rend compte qu'il y a eu une légère

diminution du nombre d'immigrants qui connaissaient le français, puisqu'en 1983, 43, 3 % des immigrants déclaraient connaître le français. Cette légère diminution est principalement due à certaines modifications quant aux pays d'où proviennent nos immigrants.

Vous comprendrez facilement, M. le Président, que nous cherchions à sélectionner des immigrants qui auront de la facilité à s'adapter au Québec. Il n'est pas étonnant, dans cet esprit, que nous portions un intérêt particulier aux personnes qui parlent la langue de la majorité, mais les statistiques que je viens de vous fournir, sur le nombre de personnes acceptées par nous et ne connaissant pas le français, soit pour 1984, 64 % du total des immigrants accueillis par le Québec, démontrent très clairement, s'il en était encore besoin, que nous ne faisons pas de ta connaissance du français une condition sine qua non d'acceptation. Permettez-moi également, M. le Président, d'attirer l'attention des membres de la commission sur le fait qu'en 1984, nous avons accueilli un même pourcentage d'immigrants parlant français que d'immigrants parlant anglais, ce qui témoigne de façon éloquente que nous sommes très loin du sectarisme dont on nous accuse parfois.

Je ne saurais clore cette partie de mon discours consacré à l'immigration au Québec en 1984 sans vous parler des immigrants-investisseurs. Voilà plus de 10 ans que le ministère de l'Immigration, puis le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, ont mis en place une structure administrative totalement dévouée au recrutement et à la sélection d'immigrants-investisseurs. Depuis deux ans, nous avons obtenu dans le cadre du plan de relance du gouvernement des crédits additionnels en vue d'améliorer l'efficacité des efforts fournis par le ministère dans le recrutement de ces personnes qui amènent, avec elles, connaissance, expérience et capitaux. Je suis évidemment très heureux de vous confirmer, M. le Président, que nos efforts n'ont pas été vains et, si vous me permettez de citer le poète, je vous dirai que les fruits ont passé la promesse des fleurs. En effet, pour la seule année civile de 1984, 525 ressortissants étrangers ont reçu un visa au titre d'entrepreneur à destination du Québec. Ces personnes disposaient d'un capital total de 249 millions de dollars, soit une moyenne de 425 000 $ par dossier. Si nous regardons maintenant ces chiffres par rapport à ceux de 1983, nous constatons qu'il y a eu une augmentation de 50 % du nombre de candidats ayant obtenu un visa et une augmentation de 87 % des capitaux dont ils disposaient. Si l'on jette maintenant un coup d'oeil sur le nombre de candidats d'immigrants-investisseurs, qui ont été acceptés par nos services sans avoir par contre complété l'ensemble des formalités d'immigration, qui donc n'ont pas encore reçu leur visa, on se rend compte que, là aussi, il y a eu une augmentation importante. En effet, 818 dossiers ont été acceptés en 1984, ce qui représente un capital total de 533 millions de dollars. Il s'agit, par rapport à l'année précédente, d'une augmentation d'environ 10 % du nombre de dossiers acceptés. Ce chiffre grimpe à 44 % lorsqu'on considère le capital disponible. Il me semble important de signaler, M. le Président, que la totalité des personnes qui ont vu leur dossier accepté par nos services, ne viendront pas nécessairement s'établir au Québec, soit que leur dossier se voit refusé par les autorités fédérales pour des raisons statutaires, soit tout simplement qu'elles décident de ne pas donner suite à leur projet d'immigration, voire même qu'elles décident de s'établir ailleurs au Canada. L'expérience toutefois nous montre qu'un minimum de 70 % des candidatures acceptées par nous s'établissent de facto au Québec. Je crois donc qu'il y a toute raison d'être fier des résultats obtenus, mais je m'en voudrais de ne pas signaler les quelques ombres qu'il y a au tableau. L'augmentation massive du nombre de candidats acceptés, tout autant que des capitaux dont ils disposent, est principalement due aux excellents résultats que nous avons obtenus à Hong Kong. Ceux-ci ne doivent pas nous faire oublier que nous avons assisté à une diminution du nombre de candidats en provenance de l'Europe de l'Ouest, qui fut traditionnellement notre bassin ie plus important. Face à cette situation,

j'ai décidé d'entreprendre, au cours de l'automne 1984, un voyage qui m'a conduit dans nos principaux bureaux en Europe, pour voir, avec l'aide de mes fonctionnaires, quelles mesures nous pourrions prendre pour remédier à cette situation. Je suis heureux d'informer cette commission que nous avons affecté un conseiller en immigration à la Délégation du Québec à Düsseldorf. Ce conseiller a reçu un mandat tout à fait spécial concernant le recrutement d'investisseurs allemands. Nous avons reçu l'appui du ministère des Relations internationales, et je dois également vous dire que j'ai constaté auprès de l'ambassade canadienne à Bonn un esprit de collaboration dont je ne peux que me féliciter. De plus, dans le but de développer le recrutement d'investisseurs en provenance de nos sources traditionnelles, j'ai décidé, toujours en accord avec mon collègue du ministère des Relations internationales, d'affecter un conseiller supplémentaire à Paris, la France demeurant, comme le montrent les tableaux que vous retrouvez dans le cahier de la défense des crédits, notre deuxième bassin de recrutement d'immigrants-investisseurs à destination du Québec, Voilà déjà plusieurs minutes que je vous entretiens au sujet des statistiques relatives à l'immigration en 1984 et d'un certain nombre de considérations au sujet du mouvement migratoire de l'an dernier. Vous me permettrez, M. le Président, et cela me servira de transition pour introduire la deuxième partie de cette allocution, de vous parler quelques instants encore de ces statistiques. En effet, je vous ai dit que 14 600 immigrants avaient été acceptés au Québec en 1984. Ces chiffres, qui sont les plus récents dont nous disposons, ne tiennent pas compte d'un volet pourtant fort important des arrivées en 1984. Je veux dire par là qu'en plus de ces 14 600 personnes dûment identifiées comme immigrants au Québec en 1984, il faut en ajouter quelques milliers d'autres qui, bien qu'étant réellement sur le territoire québécois, n'apparaissent pas encore en termes de statistiques. Je veux parler bien sûr des revendicateurs du statut de réfugié.

Les revendicateurs du statut de réfugié

L'an dernier, à la même époque, devant les membres de cette même commission, je vous faisais part de mon inquiétude devant l'ampleur que prenait le mouvement des revendicateurs du statut de réfugié. Inquiétude quant au nombre sans cesse croissant des personnes qui revendiquent sur place le statut de réfugié, quant aux coûts de plus en plus lourds pour l'administration québécoise et quant à l'absence de volonté politique et administrative de la part du gouvernement d'Ottawa de chercher des solutions adéquates à ce problème. L'année qui vient de s'écouler ne nous aura guère rassurés, bien au contraire. En effet, certaines mesures annoncées par Ottawa, comme l'exigence d'un visa pour les ressortissants de certains pays, n'auront donné aucun résultat. Loin d'avoir diminué, le nombre de revendicateurs du statut de réfugié a augmenté dans une proportion d'environ 50 %. Les délais de traitement des requêtes ont aussi augmenté, passant de deux ans à plus de trois ans. Enfin, une décision très récente de la Cour suprême, avec laquelle nous ne pouvons qu'être en accord, aura un effet catastrophique d'un point de vue administratif sur les délais d'audition des requêtes. À la suite du jugement rendu le 4 avril dernier par la Cour suprême, les revendicateurs du statut de réfugié ont obtenu le droit à être entendus en personne devant la commission d'appel de l'immigration. Nous sommes tout à fait d'accord à ce que l'on reconnaisse à ces personnes un des droits fondamentaux de notre justice, mais nous n'osons penser à l'impact administratif d'une telle décision. Je vous disais tantôt qu'à l'heure actuelle il peut s'écouler jusqu'à trois ans avant qu'un revendicateur obtienne une décision définitive sur son dossier. Si l'on sait qu'au Québec seulement, il y a environ 7000 revendicateurs du statut de réfugié dont la très grande partie vont obtenir dorénavant le droit de se présenter eux-mêmes devant la commission d'appel de l'immigration, on peut imaginer, avec tout ce retard

accumulé, le nombre d'années, je dis bien d'années supplémentaires qui seront nécessaires avant d'en arriver à une décision définitive. Évidemment, il faut que tout le processus soit revu et je ne manquerai pas, lors d'une rencontre prochaine avec mon homologue fédéral, Mme Flora MacDonald, d'aborder franchement cette question car, bien que le Québec ne soit pas partie à la décision formelle de reconnaissance du statut de réfugié, il est directement concerné par les conditions de vie sur son territoire de ces personnes. D'ailleurs, au mois de mai 1984, à la suite d'un mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres, celui-ci a pris une série de décisions concernant les revendicateurs engageant la responsabilité du gouvernement du Québec et impliquant des coûts d'une vingtaine de millions de dollars. Je souhaite que ma prochaine rencontre avec Mme MacDonald nous permettra enfin de trouver dans un esprit de collaboration et dans le respect de nos juridictions des solutions qui respectent les droits fondamentaux des revendicateurs du statut de réfugié et ceux de la société québécoise qui, par son gouvernement, a la responsabilité de déterminer sa capacité d'accueil.

L'adaptation des immigrants

Toutes ces immigrantes, tous ces immigrants qui, au cours de 1984, ont décidé de venir continuer leur vie au Québec, soit pour retrouver leur famille, soit pour occuper un emploi spécialisé qu'aucun Québécois disponible ne pouvait combler, soit encore pour échapper à la souffrance d'un pays qui les opprime, tous ces immigrants, dis-je, il nous faut, en plus de les sélectionner, savoir les accueillir et les aider, j'allais dire les accompagner dans la difficile démarche d'une adaptation à une société nouvelle. De nombreux services existent à mon ministère qui ont pour mandat explicite d'aider à l'adaptation des immigrants et de faire en sorte, avec nos partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux, que cette adaptation se fasse dans les meilleures conditions possible. C'est ainsi qu'aux aéroports de Dorval et de Mirabel des fonctionnaires de notre ministère ont accueilli 10 193 personnes durant l'année qui vient de s'écouler. Ces rencontres nous ont permis de fournir à cette clientèle une foule de renseignements concernant le logement, le transport en commun. Nous profitons également de ce moment pour remettre aux personnes que nous rencontrons des documents traduits en huit langues, qui constituent en quelque sorte un vade-mecum des démarches à entreprendre pour s'installer au Québec. Ce premier contact avec notre clientèle se poursuit et j'allais dire s'amplifie au siège social de notre ministère rue McGill. Nous y avons en effet accueilli plus de 20 000 personnes qui se sont adressées à nos services d'accueil et, de là, ont pu être référées à divers services du ministère, soit à des services d'autres ministères, soit à des organismes non gouvernementaux qui ont assuré un relais indispensable dans la transmission d'informations et de renseignements. Y a-t-il besoin de préciser qu'une partie importante de nos services d'accueil a été monopolisée soit par l'accueil des réfugiés sélectionnés par nos services à l'étranger, soit par les quelque 2500 revendicateurs du statut de réfugié qui se sont présentés à nos bureaux entre le 1er juillet 1984 et le 1er mars 1985. Nous sommes bien conscients, M. le Président, qu'il n'appartient pas à notre ministère de se charger à lui tout seul de l'accueil et de l'adaptation des immigrants. Aussi avons-nous consacré plus d'un million deux cent mille dollars à différents programmes d'aide financière ayant pour but d'étayer le travail des organismes communautaires auprès des immigrés. On retrouvera d'ailleurs, dans le livre préparé pour la défense des crédits, une ventilation détaillée de l'usage qui a été fait de ces importantes sommes.

Il n'est pas possible, au Québec, de parler d'adaptation des immigrants sans aussitôt penser aux COFI. Ces Centres d'orientation et de formation des immigrés sont responsables de ce qui m'apparaît être la partie la plus importante de l'adaptation des immigrants au Québec, je veux dire l'apprentissage de la langue française. Car même si nous nous refusons à

faire de la connaissance du français une condition sine qua non pour être accepté au Québec, nous croyons que la connaissance usuelle de la langue française est une condition indispensable à l'épanouissement des immigrés que nous recevons et à une parfaite adaptation à la société québécoise. L'importance que nous accordons à l'apprentissage du français se reflète dans les budgets qui sont consacrés à la formation linguistique. Cette préoccupation rejoint, je tiens à le souligner M. le Président, les efforts qui ont été accomplis au cours de la dernière année dans la mise sur pied d'une réforme pédagogique dans les COFI. Ce projet s'inscrit dans le cadre de la priorité gouvernementale visant l'amélioration des services à la clientèle. Par cette démarche, mon ministère cherche à répondre de façon plus adéquate aux besoins langagiers de notre clientèle immigrante. Notre réforme pédagogique s'est également donnée un second objectif, celui de l'élaboration d'un matériel pédagogique spécifiquement destiné aux immigrants adultes, qui tiendra compte des besoins particuliers de la clientèle, de même que de la dimension socioculturelle des Québécois. Jusqu'ici nous sommes trop souvent contraints d'utiliser des matériels pédagogiques préparés pour une bonne part en France; vous conviendrez avec moi que, quelles que soient les qualités intrinsèques de ce matériel, par ailleurs, me dit-on, fort désuet, on trouvera pour le moins cocasse d'accueillir nos immigrants avec des images de bérets basques et de tour Eiffel. D'autre part, il est à mon avis fort important que l'action des COFI s'inscrive dans le courant moderne de l'enseignement des langues. Il est à noter que toute cette démarche s'inscrit dans une optique d'écoute des besoins de la clientèle afin d'être en mesure de fournir des services qui soient le mieux adaptés à leur réalité et à leur société d'accueil.

Je vous disais il y a quelques minutes, M. le Président, qu'il était impossible de parler "d'adaptation des immigrants à la société québécoise" sans aussitôt faire référence aux COFI. De la même manière, il nous est pratiquement impossible de parler des COFI sans nécessairement parler des services de garderie offerts par ces derniers. Vous savez que les COFI ont joué un rôle particulièrement innovateur en ce domaine puisqu'ils ont été parmi les toutes premières institutions québécoises à offrir sur place des services de garde à leur clientèle. Depuis sa création le réseau COFI propose à sa clientèle un service gratuit de garderie, tant sur place que par le biais des contrats de services passés avec différents partenaires. Selon les volumes annuels d'immigration et le nombre de jours-élèves négocié avec le gouvernement fédéral, ce service a pu rejoindre jusqu'à 500 enfants par année. Pendant près de 15 ans, le service de garderie dans les COFI a fonctionné sans problème majeur et à la très grande satisfaction des parents. Mais voici que l'an dernier, sans que nous ayons été impliqués dans la décision, le gouvernement fédéral a modifié sa réglementation découlant de la loi sur le Programme national de la formation professionnelle. Cette modification a entraîné le versement d'allocations pour charge de famille aux parents nécessitant un service de garde et permettait aux bénéficiaires le libre choix du mode de garde pour leurs enfants. Pour sa part, mon ministère a dû, face à cette situation, revoir ses engagements contractuels avec différentes garderies. De nouvelles dispositions mises en place avec de nouveaux partenaires ont permis de maintenir les services déjà offerts par les COFI tout en respectant le choix des parents relatif au mode de garde retenu par ceux-ci. En résumé, les parents dorénavant peuvent choisir entre la garde dans le milieu familial, l'utilisation d'une garderie près du domicile familial ou encore le service de garderie du COFI. Cette situation qui offre le maximum de liberté aux parents semble, en théorie du moins, l'idéal. Nous ne sommes pas sûrs que la réalité donnera, en cette matière, raison à la théorie et j'ai demandé à mes fonctionnaires de suivre de très près l'évolution de la situation et, le cas échéant, de voir avec leurs homologues fédéraux les correctifs qu'il serait à propos d'apporter à cette approche.

Les communautés culturelles

Nous avons tour à tour parlé de la sélection des immigrants, de leur accueil et de leur adaptation au Québec, nous allons maintenant aborder un autre volet de l'activité de mon ministère: celui de l'épanouissement, chez nous, des communautés culturelles.

De nombreux programmes et événements sont liés aux activités du ministère concernant les communautés culturelles. Vous trouverez à partir de la page 221 du cahier préparé pour la défense des crédits, un compte-rendu détaillé de ces activités. Toutefois, je m'en voudrais de ne pas signaler l'attribution en 1985 du Prix des communautés culturelles à M. Paul Dejean qui s'est, depuis 15 ans, distingué par son dévouement envers la communauté haïtienne et sa volonté de faire en sorte qu'elle participe entièrement à la vie québécoise.

Vous vous souviendrez que nous avons lancé en 1984 un concours annuel en vue d'acquérir des oeuvres d'art créées par des artistes issus des communautés culturelles. Ce concours, qui dispose d'un budget annuel de 50 000 $ poursuit deux objectifs; d'une part, il permet d'accorder une forme d'aide financière à ceux et celles dont les oeuvres seront retenues par le jury et surtout, il permet une plus grande diffusion de l'art de ces artistes dont la contribution à la culture québécoise mérite d'être soulignée. Alors qu'en 1984, 263 artistes issus des communautés culturelles avaient présenté des oeuvres, en 1985 plus de 300 se sont inscrits à ce concours. Ces données témoignent de la vitalité et de la créativité des communautés culturelles.

Je me garderais bien, M. le Président, de vous énumérer l'ensemble des programmes dont vous avez pu prendre connaissance ailleurs, cependant il serait impardonnable que je n'attire pas l'attention des membres de la commission sur ce qui fut, sans contredit, l'événement majeur de l'année écoulée en ce qui a trait aux communautés culturelles. En mars 1981, l'adoption par notre gouvernement du plan d'action "Autant de façons d'être Québécois" a créé de nombreuses attentes au sein des communautés culturelles. Le comité provisoire pour l'implantation de ce plan d'action, mieux connu par son sigle de CIPACC ainsi que le coordonnateur pour l'implantation du plan d'action ont fait un travail qui a permis que nombre de recommandations de ce plan soient réalisées. En juin 1981, l'Assemblée nationale adoptait un projet de loi modifiant le nom du ministère de l'Immigration pour en faire un ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, précisant du même coup les responsabilités du ministère en matière de planification, de coordination, de mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives à l'épanouissement des communautés culturelles et à leur entière participation à la vie québécoise. L'an dernier, à l'occasion de la défense des crédits de mon ministère, j'informais les membres de cette commission que je n'avais pas l'intention de renouveler le mandat du CIPACC qui s'est terminé le 11 mars 1984. Je soulignais ma satisfaction devant le travail accompli par le CIPACC et j'annonçais mon intention de nommer M. Egan Chambers, coordonnateur chargé de suivre l'implantation du plan d'action. Le mandat que je confiais alors au coordonnateur s'est terminé, tel que prévu, le 31 mars dernier. Je tiens à souligner publiquement le remarquable travail accompli par M. Egan Chambers dans la tâche qui lui a été confiée.

Au printemps dernier, je vous informais aussi que nous nous penchions très sérieusement sur l'après-CIPACC et que nous songions à organiser un colloque auquel seraient invités les principaux intervenants des communautés culturelles et du milieu, non seulement pour examiner ce qui reste à réaliser du plan d'action mais aussi pour étudier les autres aspects de la réalité tels que vécus par les communautés culturelles. Les nombreuses consultations que j'ai eues pendant plusieurs années avec des représentants de toutes les communautés culturelles me portaient en effet à croire qu'il y aurait lieu d'instaurer un conseil doté de véritables pouvoirs et de véritables moyens.

Le colloque intitulé "Les Communautés culturelles: perspectives et réalité" et les consultations qu'il a rendu possibles dans le milieu auront rapidement convaincu, s'il en était besoin, le nouveau ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration d'alors, Mme Louise Harel, de la nécessité de procéder rapidement à la mise en place d'une structure permanente, autonome, qui répondrait aux aspirations des communautés culturelles. Permettez-moi, M. le Président, de profiter de cette occasion pour féliciter et remercier Mme Louise Harel pour l'enthousiasme, le dynamisme et la compétence dont elle a fait preuve pendant le court laps de temps où elle fut titulaire du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. La préparation, la présentation et l'adoption de ce projet de loi, malgré divers événements qui, à ce moment-là, touchaient les titulaires successifs du ministère, montrent à quel point le gouvernement, dans son ensemble, tenait à mettre sur pied un organisme qui réponde aux aspirations des communautés culturelles. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler, pour la petite histoire, qu'à la suite du colloque qui eut lieu le 29 septembre 1984, un mémoire au Conseil des ministres recommandant l'adoption d'un projet de loi fut déposé au Conseil exécutif le 24 octobre par Mme Harel. Le projet de loi portant sur la création du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration fut présenté, quant à lui, à l'Assemblée nationale le 14 novembre 1984, puis adopté le 20 décembre 1984 et sanctionné le lendemain.

Voilà qui témoigne, bien entendu, de la volonté gouvernementale et aussi du travail accompli par les fonctionnaires du ministère et, notamment, par ma sous-ministre Mme Juliette Barcelo, dont je tiens à souligner le rôle éminent dans la préparation de tout ce projet de loi. La loi 10 a donc créé un organisme d'étude et de consultation, nommé "Conseil des communautés culturelles et de l'immigration" qui a pour fonction de conseiller le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration sur toute question relative aux communautés culturelles et à l'immigration. De plus, il doit donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui soumet. Il peut rendre publics les avis qu'il transmet au ministre. Enfin, à la demande ou avec l'autorisation du ministre, il peut former des comités spéciaux pour l'étude de questions particulières et déterminer leurs attributions. En cette première année d'opération, le conseil disposera d'un budget de 550 000 $. Parallèlement à la création du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, le gouvernement a adopté un décret créant un Comité interministériel des communautés culturelles et de l'immigration. Ce comité, composé de la sous-ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, du sous-ministre de l'Éducation, du sous-ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du sous-ministre du Travail, de la secrétaire générale associée à la Condition féminine et du secrétaire général associé aux Relations avec les citoyens et auquel participera le président du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, a reçu pour mandat d'assurer la coordination et la concertation des politiques gouvernementales relatives aux communautés culturelles et à l'immigration et d'établir un bilan annuel des réalisations. La mise en place de ces deux structures administratives permettra, j'en suis sûr, d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés à l'égard de l'épanouissement des communautés culturelles et à leur pleine et entière participation à la vie québécoise, de même qu'elle nous permettra de mieux débattre l'ensemble des questions reliées à l'immigration. Je m'en voudrais de prolonger indûment ce discours, M. le Président, mais en terminant, vous me permettrez de rappeler la participation très active de mon ministère et du gouvernement du Québec en général à l'organisation de la campagne de levée de fonds tenue sous le nom de "Secours-Éthiopie-Afrique". Ici encore je souligne le rôle d'animatrice joué par Mme Harel auprès des organismes qui ont participé à cette importante levée de fonds. C'est en effet dans l'enceinte de notre ministère qu'eurent lieu les premières rencontres avec les organismes où fut décidé d'organiser une levée de fonds

à travers tout le Québec. Devant l'ampleur du fléau qui s'abattait sur les populations de la corne de l'Afrique et, d'une façon générale, sur toutes les populations du Sahel, le gouvernement prit la décision de verser un dollar pour chaque dollar recueilli auprès des Québécoises et des Québécois désireux de venir en aide aux victimes impuissantes de la sécheresse. C'est donc plus de 3 300 000 $ qui furent versés par notre ministère aux organismes Développement et Paix, la Fondation Jules et Paul-Émile Léger, l'Aide à l'enfance, Oxfam-Québec et l'Entraide universitaire mondiale du Canada. Ces organismes ont par ailleurs continué à recueillir des fonds au Québec et, au total, pas moins de 10 000 000 $ auront été consacrés par les Québécois à cette oeuvre de solidarité. Si, à ce montant pourtant déjà important, on ajoute la quote-part québécoise, en plus des sommes allouées par l'ACDI, on ne craindra pas de dire, avec fierté, que le Québec a certainement été par tête d'habitant et au niveau mondial, l'un des contributeurs les plus généreux.

Un dernier mot, M. le Président, pour vous dire l'intérêt de mon ministère pour les travaux entrepris par cette commission sur l'impact des tendances démographiques actuelles. Si le temps nous le permet aujourd'hui ou, sinon, lors d'une prochaine réunion de la commission, je serai heureux de vous faire part de l'état de nos réflexions sur cette question.

Madame et messieurs les membres de la commission, M. le Président, je vous remercie de votre attention.

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