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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, May 8, 1985 - Vol. 28 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration


Consultation générale sur l'étude de l'impact des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte


Journal des débats

 

(Dix-sept heures)

Le Président (M. French): À l'ordre! Je voudrais inviter tous ceux et celles qui sont ici, à la commission de la culture, à prendre place. À l'ordre du jour, poursuite de l'étude des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour l'année financière 1985-1986.

Nous regrettons le début tardif des auditions; nous sommes victimes de ce que le président prétend depuis longtemps être une aberration dans le règlement de la Chambre, mais, puisque la majorité de ses collègues n'est pas d'accord, cela reste toujours dans le règlement.

M. Champagne (Mille-Îles), présent; M. French (Westmount), présent; M. Payne (Vachon), présent; M. Marx (D'Arcy McGee), présent.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais que vous excusiez le député de Marquette qui est retenu à Montréal. Il n'est pas ici aujourd'hui pour cette raison, mais il aurait bien aimé être ici parce qu'il a des questions à poser au ministre.

Le Président (M. French): II faudrait également ajouter que le député de Jean-Talon, qui est responsable de la langue française, est malheureusement retenu également par l'étude des crédits d'un autre ministère dont il est responsable dans une autre salle en même temps. Tout cela, évidemment, est le résultat de la décision de présenter le budget au milieu des deux semaines prévues pour les crédits; donc, cela a créé un problème d'ordre structurel dans l'étude des crédits.

Étude des crédits

Bienvenue, M. le ministre. Je pense que vous avez fait vos commentaires préliminaires la semaine dernière. Je vois que vous êtes accompagné par la "phalanx" de mise, l'armée, presque, de vos conseillers et collègues. Est-ce que nous devrions continuer à poser des questions sur l'immigration? Est-ce que d'autres membres de la commission ou le ministre ont des commentaires à faire là-dessus?

M. le député de D'Arcy McGee.

Communautés culturelles et immigration (suite)

M. Marx: M. le Président, je pense que c'est le devoir de l'Opposition de poser certaines questions que les gens de l'extérieur aimeraient poser. Comme ils n'ont pas le droit de poser des questions en commission parlementaire au ministre, je me fais leur porte-parole. Effectivement, il y a trois questions qu'on m'a demandé de poser au ministre. Je vais poser les trois questions en même temps, ce sont des questions assez simples, je pense, pour avoir une réponse.

Premièrement, dans les sociétés d'État, quelle est la représentation des personnes venant des groupes ethniques? Le ministre a dit que dans la fonction publique il y en a 2, 5 %; dans le secteur parapublic, 20 %. On aimerait savoir quel en est le pourcentage dans les sociétés d'État.

Deuxièmement, nous avons des programmes d'échange d'étudiants avec différents pays. Est-il vrai... J'attends d'avoir l'attention du ministre.

M. Godin: Oui.

M. Marx: Vous m'écoutez? D'accord. Deuxième question. Nous avons des programmes d'échange d'étudiants avec différents pays. Est-il vrai que jamais des étudiants venant des communautés culturelles au Québec ne sont envoyés è l'étranger pour les fins de ces échanges?

La troisième question. Quelqu'un m'a demandé de poser cette troisième question aussi: Est-il vrai que c'est plus facile pour des francophones de l'étranger d'avoir des amnisties que pour les anglophones venant d'autres pays? C'est-à-dire est-ce plus facile pour des francophones venant des pays africains d'avoir une amnistie que pour des anglophones venant des pays africains? Ce sont les trois questions qu'on m'a demandé de poser.

M. Godin: M. le Président, est-ce que le député pourrait répéter la deuxième question qu'on n'a pas très bien saisie?

M. Marx: Nous avons des programmes d'échange d'étudiants avec différents pays. On veut savoir si des étudiants venant des communautés culturelles ont été envoyés à

l'étranger dans le cadre de ces programmes d'échange. C'est-à-dire est-ce qu'on envoyait un Québécois d'origine grecque, italienne ou hongroise à l'étranger dans le cadre de tels programmes?

M. Godin: L'organisme parapluie qui voit à distribuer les voyages et les séjours, c'est l'Office franco-québécois pour la jeunesse qui relève du ministère de l'Éducation. Nous pourrions nous enquérir auprès de ce ministère de la façon dont l'office répartit ces voyages, ces stages à l'étranger et, d'ici à une semaine ou deux, vous donner une ventilation précise par origine ethnique au Québec des gens qui ont eu accès à ces programmes-là.

M. Marx: Merci. C'est parfait, M. le Président. On va attendre cette information.

M. Godin: Pour la première question, je vais vous donner les chiffres tels qu'ils émanent du rapport le plus récent de M. Egan Chambers qui était le coordonnateur qui a suivi l'application du CIPACC jusqu'à la fin. Il y aurait 13 % de personnes émanant des communautés culturelles dans les conseils d'administration des sociétés d'État.

M. Marx: Les conseils d'administration?

M. Godin: Les postes déterminés par le Conseil des ministres, sans concours ou sans autre forme de sélection que celle du Conseil des ministres lui-même.

M. Marx: Avez-vous des chiffres pour les gens qui travaillent dans les sociétés d'État?

M. Godin: Non. Nous avons un inventaire fait par Statistique Canada qui couvre la fonction publique et les deux réseaux parapublic, éducation et affaires sociales. Dans les affaires sociales, 17 % du total sont des citoyens du Québec qui émanent des communautés culturelles. Dans l'éducation, c'est 20 %.

M. Marx: Nous avons ces chiffres. Je pense qu'ils ont été donnés l'autre jour. Pour les sociétés d'État, si je comprends...

M. Godin: Malheureusement, on n'a pas de chiffres quant aux employés d'Hydro-Québec, mais on peut les obtenir, c'est une question de temps.

M. Marx: Le ministre est au courant que le Parti libéral a demandé au ministre de la Justice de bien vouloir déposer le règlement en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Nous avons déjà demandé au gouvernement de prévoir des programmes d'accès à l'égalité dans les ministères, dans les sociétés d'État, dans tout le secteur public.

M. Godin: Dans le respect de l'autonomie de ces sociétés d'État - vous savez qu'elles sont autonomes, M. le député de D'Arcy McGee - on va leur demander de nous donner ces renseignements, de faire un inventaire comme on l'a fait chez nous. Dès que possible...

M. Marx: D'accord.

M. Godin:... je déposerai ces renseignements ici en commission parlementaire.

M. Marx: Troisième question. M. Godin: Allez-y!

M. Marx: Les amnisties, est-ce plus facile?

M. Godin: Ce que je peux vous donner comme statistiques, c'est sur la masse globale des immigrants qui sont venus au Québec pour l'année qui se termine maintenant, à partir de leur pays d'origine, un pourcentage qui donnerait leur langue maternelle.

M. Marx: Pour les amnisties, est-ce plus facile pour les francophones venant de l'Afrique d'avoir une amnistie une fois ici que pour les anglophones venant d'Afrique? Par amnistie, peut-être qu'il voulait dire un certificat de sélection une fois qu'ils sont ici, un permis du ministère.

M. Godin: Pour ce qu'on appelle un "illégal" ou un revendicateur du statut de réfugié, l'amnistie est décidée par le fédéral seulement. Nous décernons un CSQ que vous connaissez, un certificat de sélection du Québec, et on peut vous donner, par rapport aux personnes qui ont bénéficié d'un tel certificat, leur pays d'origine et leur langue d'usage. Il y avait au total 36 % de parlant français et 36 % de parlant anglais.

M. Marx: C'est l'égalité parfaite, ça.

M. Godin: Parfaite.

Des voix: Ah!

M. Marx: Parfait. Merci. J'ai d'autres questions, mais qui portent sur l'application de la loi 101.

M. Godin: La loi 101.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: Moi aussi, c'est sur la loi 101.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, M. le vice-président.

M. Godin: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. French): Oui, M. le ministre.

M. Godin: Êtes-vous au courant s'il y aura d'autres questions qui touchent l'immigration ou les communautés culturelles d manière que ma sous-ministre, Mme Barcelo, reste avec moi ici ou si, maintenant, on va plutôt passer à la loi 101...

Le Président (M. French): J'allais précisément en parler, M. le ministre.

M. Godin:... auquel cas...

Le Président (M. French): Je m'excuse.

M. Godin:... je changerais d'équipe?

Le Président (M. French): Je comprends très bien. Je vais vous le dire. Je vais poser une couple de questions sur l'immigration, si vous me le permettez. Ensuite, je pense que...

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: À quelle heure va-t-on terminer?

Le Président (M. French): On n'a pas le choix. Il faut terminer à 18 heures.

M. Payne: À 18 heures.

Le Président (M. French): Oui.

M. Godin: À moins d'une entente cordiale.

Le Président (M. French): L'entente cordiale, on aimerait cela, M. le ministre, sauf qu'on recommence à 19 heures, nous.

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. French): Encore une fois, c'est le résultat de la décision du gouvernement de mettre le budget au milieu de la période des crédits. Donc, les deux partis ont été obligés de faire d'autres arrangements pour les crédits, les étalant sur d'autres semaines, et voilà le résultat.

M. le ministre, dans le rapport de M.

Chambers, on nous informe qu'il y a un problème de recrutement ou de sous-représentation qui découle, au moins en partie, d'un manque de demandes d'emploi de la part des membres des communautés culturelles. C'est bien beau de demander la représentation, si les candidats ne se présentent pas, une certaine partie de ce discours-là... J'ai déjà mentionné que j'avais de la sympathie pour cela parce que je vous avoue que j'entends le discours, mais que je ne vois pas beaucoup - en tout cas, chez moi - de demandes d'emploi ou même d'intérêt. Je suis obligé de constater dans le rapport Chambers un indice important qui me semble une observation, une conclusion, un constat à savoir que l'Office des ressources humaines devrait faire un plus grand effort pour annoncer dans les médias qui sont lus par les non-francophones, plus particulièrement, je pense à la Gazette. Après tout, quelque 18 annonces par année dans la Gazette, ce n'est pas susceptible d'attirer l'attention des gens. Je me demande si vous êtes d'accord avec ce genre de constatation ou si vous trouvez que la procédure est adéquate.

M. Godin: M. le Président, dès que j'ai pris connaissance du rapport Chambers, j'ai immédiatement écrit une lettre à mon collègue des Communications, M. Bertrand, pour souligner ce problème et l'inciter à se conformer à la suggestion de M. Chambers de publier des annonces dans la Gazette en français et de choisir les médias ethniques sur d'autres critères que les médias francophones ou anglophones, c'est-à-dire le critère du tirage. Comme il n'y a pas de rapport "audité" ou vérifié du tirage de ces journaux, qu'on se serve d'autres moyens de vérifier lesquels ont le plus grand nombre de lecteurs et, déjà, c'est fait. Je peux vous déposer les lettres que j'ai envoyées à mon collègue.

Le Président (M. French): Je n'ai pas besoin de la lettre, M. le ministre.

M. Godin: Vous me croyez sur parole. Merci bien.

Le Président (M. French): Ma deuxième question.

M. Godin: En plus, je vais suivre de près ce dossier et, bientôt, au Conseil du trésor où je siège, il y aura sûrement des dérogations demandées pour donner suite à ces propositions de M. Chambers. Je verrai à ce que ces dérogations-là soient acceptées.

Le Président (M. French): Je vous remercie. Je suis rassuré par les paroles du ministre.

Ma deuxième question. Il y a eu tout

récemment un rapport d'un comité permanent de la Chambre des communes, à Ottawa, le Comité permanent du travail, de l'emploi et de l'immigration, et ce rapport a porté sur la politique d'immigration du gouvernement du Canada. Je me demandais si le Québec, puisque le Québec n'est pas une province comme les autres dans le domaine de l'immigration, a participé ou a fait savoir à ce comité ses préférences, sa contribution et ses intérêts par rapport à la politique fédérale qui, quand même, nous influence.

M. Godin: M. le Président, non seulement elle nous influence, mais nous en sommes une partie intégrante. La suite qui a été donnée à cela, c'est que le ministère a envoyé des documents imprimés, écrits qui donnent un peu le point de vue du Québec sur certaines questions abordées par toute la question de l'établissement des niveaux. Mais on a fait porter surtout nos efforts sur la question des immigrants investisseurs. (17 h 15)

Le Président (M. French): C'est quoi, la dernière partie?

M. Godin: Nos efforts ont porté surtout sur les immigrants investisseurs; au cours de l'année qui se termine, ce secteur du ministère s'est révélé le plus actif et c'est là qu'on a récolté le plus grand nombre de candidats. On a donc informé le fédéral de nos efforts dans ce domaine.

Le Président (M. French): Mais on parle du comité de la Chambre des communes et non pas du gouvernement.

M. Godin: Oui, oui. Tout à fait.

Le Président (M. French): Bon.

M. Godin: Tout à fait. J'ai écrit au président de ce comité au sujet des investisseurs qui ont été le secteur d'activité du Québec en 1984 le plus actif, si vous voulez. Il voulait savoir précisément nos expériences dans ce domaine parce qu'il avait été informé que les efforts du Québec avaient été couronnés de succès plus que dans toute autre partie du pays.

Le Président (M. French): Si on juge par les résultats de leur rapport, ils ont été impressionnés par le fait qu'il pourrait y avoir un plus grand effort dans le domaine des immigrants investisseurs. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question sur l'immigration et les communautés culturelles.

Je dois croire, M. le ministre, que vous pouvez changer d'équipe maintenant. Je vous remercie beaucoup, Mme la sous-ministre et tous vos collègues. Encore une fois, nous aurions voulu aller plus à fond, mais nous ne disposons pas du temps suffisant. Je pense que c'est M. le député de Vachon qui va commencer, s'il le veut.

Charte de la langue française

M. Payne: Avec plaisir. Au nom de notre formation, j'aimerais remercier le ministre pour les documents que nous avons reçus. Notre intérêt serait de discuter de quelques éléments qui m'inquiètent au sujet de la loi 101 et qui touchent deux domaines assez distincts: d'abord, le droit de travailler en français et, deuxièmement, la question de l'étiquetage et particulièrement l'article 51.

Le français au travail

II y a eu des discussions au cours de l'année dans cette Chambre, à la période des questions et dans quelques débats, sur le statut de la langue française. Il y a eu aussi un certain nombre de jugements en 1984 assez inquiétants, particulièrement celui de la Cour d'appel dans l'affaire Myriam où on a appris qu'un employeur n'est obligé d'utiliser le français dans ses communications que lorsqu'il s'adresse à l'ensemble de son personnel et non à chacun de ses employés. Dans un premier temps, ma question serait très simple: Est-ce que le ministre a envisagé des mesures législatives pour contrer cette attaque fondamentale, à mon avis, à la loi 101 et à ses objectifs? Si oui, est-ce qu'il a eu des discussions auprès de ses collègues du Conseil des ministres? Si oui, est-ce qu'on pourrait avoir un rapport?

M. Godin: M. le Président, dans un premier temps, l'avis de M. Gaston Cholette, le président de la Commission de protection de la langue française ou de surveillance, comme on l'appelle maintenant, a été expédié au Conseil de la langue française en vue d'obtenir un avis. L'avis m'a été remis. Il n'a pas encore été rendu public, malheureusement, parce que je n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance. C'est une question de jours avant que ce soit fait.

Nous allons donc voir en profondeur quelles mesures on peut adopter face aux craintes soulevées par M. Cholette, si elles sont fondées et s'il y des moyens législatifs concrets de les résoudre. Votre deuxième question, M. le député?

M. Payne: Oui. Le conseil lui-même avait exprimé quelques préoccupations dans son avis qui a été rendu public au début de l'année, à la fin de janvier. Les mêmes préoccupations ont été enregistrées. Je pense que le travailleur, face à ce jugement, devrait se sentir très menacé lorsqu'il s'agit de communications personnelles. Si quelque chose est important, ce sont les communications personnelles que le travailleur francophone doit avoir avec son

employeur, spécialement dans notre contexte socio-économique, où très souvent les rapports employeur-travailleur sont des rapports de superviseur ou de "senior" face à quelqu'un qui est "junior".

À cet égard, je déplore que le gouvernement n'ait pas pris de mesures pour vraiment renforcer préférablement, sur le plan constitutionnel, la loi 101, qu'on appelle une charte, mais qui n'est qu'une lot ordinaire, malheureusement et pour répliquer d'une manière vigoureuse. Je pense qu'il y a moyen, avec des amendements à la loi 101, d'apporter des correctifs pour faire en sorte que le travailleur francophone puisse avoir la possibilité de recevoir les communications en français, dans sa langue.

M. Godin: L'article 41 de la loi, dit: "L'employeur rédige dans la langue officielle les communications qu'il adresse à son personnel. " Certains avocats consultés nous disaient...

M. Payne: C'est à quel article?

M. Godin: À l'article 41, à la page 9 de la loi 101. Il était, disons, admis par les avocats consultés et le personnel juridique consulté à notre commission et ailleurs que cette phrase impliquait que toutes les communications à une seule personne ou à l'ensemble devaient être rédigées en français seulement. Mais un jugement a été rendu qui disait le contraire. Donc, nous en sommes maintenant au stade d'une évaluation juridique de la rédaction, d'une interprétation des lois et des textes, un phénomène que le député de D'Arcy McGee connaît fort bien. Dès que nous aurons des avis finals sur notre interprétation de cette question, nous allons intervenir de manière que l'esprit de la loi soit respecté, l'esprit étant que le français doit être la langue des communications internes d'une entreprise, d'un patron à ses employés.

Le Président (M. French): Pour le cas Myriam? M. le député.

M. Payne: Cela ne touche pas seulement les communications au travail, mais les services professionnels, l'affichage publicitaire commercial dans un certain sens, c'est-à-dire que les retombées indirectes à long terme sont en ce sens. Il m'apparaît que cela touche un des piliers de la loi 101 parce que l'existence d'un droit fondamental, cela peut être correct. La première réaction face à ce jugement pourrait aller dans le sens suivant, que cela n'affecte pas les droits fondamentaux, mais en réalité, si un droit fondamental existe, mais que les conditions n'existent pas pour que ce droit puisse s'exercer, c'est quasiment un droit symbolique.

Il m'apparaît que le législateur peut être vigoureux pour contrecarrer toute tentative ou tentation de la part des tribunaux de diminuer la portée de l'article 41.

M. Godin: C'est précisément à cause de l'importance de la question que vous soulevez que nous avons confié au Conseil de la langue française le mandat de voir à évaluer la situation telle que décrite par M. Cholette, le président de la commission, et à nous proposer des modifications aux règlements et aux lois qui permettaient précisément d'arriver au respect de l'esprit de la loi 101 qui est qu'un travailleur québécois, au Québec, a droit à ce que l'entreprise pour laquelle il travaille, s'adresse à lui par écrit ou verbalement.

M. Payne: Je pensais que l'avis était assez clair. Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Godin: Vous faites référence à un avis, M. le député Vachon, que je n'ai pas, malheureusement.

M. Payne: Pardon?

M. Godin: Pourriez-vous me dire de quel avis vous me parlez?

M. Payne: De quel avis?

M. Godin: La référence de l'avis, oui.

M. Payne: Le conseil a publié un avis. Je pense que c'était à la fin de janvier 1985. Il s'appelait la situation linguistique actuelle. Là-dedans, au début, il fait référence à plusieurs jugements, notamment à l'affaire Myriam. Il y a une longue discussion sur les conséquences de ce jugement.

M. Godin: Ce n'est pas l'avis auquel je fais référence, avis qui suivait le bilan de fin d'année que nous avait expédié le président de la commission de surveillance. C'est un avis du Conseil de la langue française sur la situation du français à une certaine époque au Québec, mais ce n'est pas un avis sur la question soulevée par le président de la commission de surveillance.

M. Payne: L'avis en question touche la situation linguistique...

M. Godin: En général.

M. Payne:... actuelle, en général.

M. Godin: Oui, d'accord.

M. Payne: L'une des préoccupations concerne le jugement sur l'affaire Myriam

particulièrement aux pages 4 et 5. Je peux citer la toute fin: "Bref, si les jugements n'ont pas affecté la plupart des dispositions essentielles de la Charte de la langue française, ils ont commencé d'en modifier sérieusement la dynamique interne et son effet d'entraînement social. " Tous les discours du conseil m'apparaissent très cohérents. Je suis solidaire avec les conclusions de cette discussion. Le ministre a-t-il reçu des recommandations autres que celles contenues dans l'avis? Va-t-il en demander d'autres en vue de préparer une loi qui peut effectivement redresser la balance?

M. Godin: Le principal dossier là-dessus vient de la Commission de surveillance de la langue française. C'est le rapport moral de M. Cholette sur cette question. On l'a soumis au Conseil de la langue française pour un avis supplémentaire, si vous voulez, pour être sûr de frapper juste si jamais on modifiait les règlements ou la loi. On l'a en main, mais on n'a pas encore procédé à une analyse approfondie de cet avis. Dès que ce sera fait, on informera le député de Vachon, M. le Président, du suivi qui sera donné à cet avis.

M. Payne: Je partage vos préoccupations. La page 38 est très claire. M. Cholette, dans son bilan de fin d'année, parle aussi des mêmes préoccupations. Je me demande si le ministre attend d'autres avis pour préparer un projet de loi.

M. Godin: Non. La réponse est non.

L'étiquetage et l'affichage

M. Payne: L'autre question concernait l'article 51. Il y avait des préoccupations semblables concernant l'étiquetage qui était toujours un problème difficile, mais c'est là où la loi 101 sera jugée comme efficace ou pas. C'est un peu comme l'affichage. Un problème considérable a été soulevé par le Conseil de la langue française. Y a-t-il des mesures proposées par le ministre pour faire en sorte qu'on puisse mieux préciser qui est responsable ou qui peut être poursuivi s'il y a une infraction touchant l'article 51? C'est difficile de savoir si on devrait poursuivre le fabricant, celui qui imprime les étiquettes ou simplement le détaillant ou le dépanneur du coin. C'est l'une des questions les plus importantes. C'est là-dessus que la commission de surveillance reçoit le plus grand nombre de demandes d'information et de plaintes.

M. Godin: On peut peut-être demander à M. Cholette, le président de la commission de surveillance, ce qu'il pense de cette question et si, selon lui, on a identifié dans la loi de façon suffisamment claire la personne qui devrait être prise à partie s'il y a une infraction à l'article 51 de la loi 101. M. Cholette, président de la Commission de surveillance de la langue française.

Le Président (M. French): Oui, M. Cholette. (17 h 30)

M. Cholette (Gaston): Je crois que l'article 51 ne permet pas d'intenter des poursuites sur une base efficace parce qu'il faudrait qu'on puisse prouver hors de tout doute raisonnable que c'est telle personne physique ou morale qui a rédigé soit les inscriptions ou les documents. Cela devient devient quelque chose de très difficile. Ce que nous faisons en définitive, depuis quelques années, c'est que nous avons pratiquement renoncé à transmettre des dossiers au ministère de la Justice et nous essayons de faire corriger les situations en tâchant de trouver chez les gros détaillants des alliés de la commission. Donc, nous avons eu beaucoup de séances de travail avec les grands magasins à rayons de Montréal qui nous ont, en général, accordé une excellente collaboration. Nous faisons des pressions par leur intermédiaire auprès des fabricants, auprès des concessionnaires. Nous faisons nous-mêmes ces pressions. Nous écrivons. Dans certains cas, la situation est corrigée, cela se règle. Mais, dans beaucoup de cas, nous recevons des réponses, par exemple, de présidents de compagnies multinationales qui nous disent: Le marché québécois ne vaut pas la peine ou encore: Vous nous demandez plus que ce que la France nous demande. On vend la même chose en France de la même façon. Or, nous avons fait beaucoup de vérifications en France et, la plupart du temps, c'est faux. Ce qui est vendu en France est conforme à la loi. Ce qui nous est vendu ici, les mêmes produits qui nous sont vendus ici ne sont pas conformes à la loi.

Donc, à toutes fins utiles, en ce qui concerne la commission, nous avons pratiquement renoncé à transmettre les dossiers au ministère de la Justice ou au bureau du Procureur général parce qu'il y avait toujours quelque chose qui manquait. C'est pratiquement impossible de prouver que c'est un tel qui a rédigé l'étiquette ou le document. Ce que j'ai proposé dans mon document, c'est qu'on puisse faire porter la responsabilité non pas sur tous ceux qui touchent à un produit, mais soit sur le fabricant, soit sur le distributeur, le grossiste, soit sur certains détaillants.

Je voudrais, en somme, qu'on puisse toucher certains agents qui sont dans la chaîne de la distribution en plus du fabricant parce qu'à l'heure actuelle on ne peut en réalité toucher personne. On ne veut pas, non plus, poursuivre tous les petits détaillants et dépanneurs, etc., qui vendent

certains produits qui ne sont pas corrects. C'est sûr qu'économiquement et moralement cela n'aurait pas de sens. Mais on voudrait au moins pouvoir toucher les agents qui jouent un rôle important, parce qu'il y a beaucoup de requins là-dedans. Les grands magasins de Montréal en particulier - ils ne sont pas des requins, au contraire - font des efforts énormes pour acheter des produits conformes et souvent il y a des versions conformes de certains produits, mais il y a d'autres magasins spécialisés qui, eux, vont s'approvisionner directement aux États-Unis. Ils achètent des produits qui ne respectent pas les normes techniques canadiennes, qui ne respectent pas la législation fédérale en matière d'étiquetage, qui ne respectent pas la Charte de la langue française. On ne peut rien faire contre eux. Les grands magasins de Montréal sont fatigués d'être nos alliés. Ils nous l'ont dit récemment. On a eu une séance de travail avec des représentants d'une dizaine de ces grands magasins. Ils ont dit: On est prêt à continuer, mais on est fatigués. On voudrait que vous touchiez aussi d'autres que nous. On ne veut pas que les produits que nous allons sortir de nos magasins se retrouvent dans des magasins ailleurs. À l'heure actuelle, si la persuasion ne marche pas, on ne peut rien faire.

Le Président (M. French): M. le ministre.

M. Godin: Brièvement là-dessus, il y a des règlements nouveaux modifiés à la suite des critiques faites par le doyen de la faculté de droit de l'Université de Montréal, M. Ouellette, M. le député de D'Arcy McGee et d'autres groupes. Les règlements, donc, sont refaits. Ils seront soumis au Conseil des ministres d'ici quelques semaines, publiés dans la Gazette officielle très rapidement et M. le député de Vachon ou tout autre groupe intéressé pourront faire des suggestions pour modifier les règlements de manière qu'on identifie mieux les vrais responsables de cet aspect de la présentation des produits.

Par ailleurs, je tiens à dire que chez M. Cholette, on suit de très près l'expérience française. La loi Bas-Lauriol porte en grande partie sur les produits de consommation. Il y a des contacts suivis entre la commission de surveillance du Québec et les organismes français qui voient à protéger le français pour le consommateur sur les produits vendus en France et même on se sert du marché français, de ce qui se fait là-bas par des multinationales pour les inciter à faire la même chose pour nous. Donc, il y a une espèce de front commun France-Québec, franco-québécois, en fait, pour que le Québec soit vu comme une extension du marché français pour les fins de la présence du français sur les produits ou les documents qui accompagnent les produits.

J'ajouterais que, dans ces domaines, je pense que le meilleur défenseur du français, c'est le consommateur. Il faut que le consommateur exige du français de son commerçant, de son fournisseur. Il y a peut-être un travail à faire aussi du côté des acheteurs de produits. On a constaté, par ailleurs, que Rufiange, très souvent, dans sa chronique du Journal de Montréal et du Journal de Québec, cite le français absolument invraisemblable des traductions des guides d'accompagnement ou des modes d'emploi. Voilà un appui très populaire, si vous voulez. Mais je pense qu'il faut que le consommateur lui-même se prenne en main et décide d'exiger du français quand il met son argent sur la table. C'est à lui, d'abord et avant tout, de s'assurer que sa langue soit respectée. S'il ne le fait pas, les lois n'ont plus aucun sens et les règlements, non plus.

Le Président (M. French): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, en ce qui concerne l'étiquetage, j'aurais une remarque à faire. Étant donné qu'il y a une réglementation fédérale semblable à la réglementation québécoise, si on ne peut pas efficacement appliquer la réglementation québécoise, j'aimerais suggérer au ministre qu'il demande à son homologue fédéral d'appliquer la loi fédérale dans ce domaine. Peut-être que cela réglerait un certain nombre de problèmes.

Le Président (M. French): M. le député de Vachon.

M. Payne: Tout le monde voudrait aborder un certain nombre de sujets. J'aimerais qu'on définisse davantage combien de temps nous avons à notre disposition de chaque côté.

Le Président (M. French): Nous allons terminer à 18 heures. Le président essaiera de donner à tous et à chacun l'occasion d'intervenir. Le député de D'Arcy McGee pose une question sur le même sujet que vous poursuivez. J'ai pensé que ce serait valable de ne pas briser le rythme et de lui permettre de poser sa question.

M. Godin: M. le Président, je trouve la suggestion du député de D'Arcy McGee très raisonnable. Je vais effectivement voir à faire front commun avec mon collègue du fédéral chargé de la présence du français sur les produits de consommation courante pour qu'ensemble, avec Ottawa et la France en plus, nous arrivions à des résultats concrets.

M. Marx: Parce qu'on veut le bilinguisme "coast to coast" sur l'étiquetage. Bon. Le fédéral le veut "coast to coast".

J'aurais seulement une remarque et une question, M. le Président. J'ai eu beaucoup de plaintes en ce qui concerne l'administration et l'application de la loi 101. Je peux vous donner trois exemples, M. le ministre. Premièrement, la Régie des rentes du Québec n'a pas voulu envoyer des dépliants en anglais aux hôpitaux anglophones parce que le président m'a écrit que c'était défendu par la loi 101. Effectivement, j'ai reçu une lettre du président de l'Office de la langue française me disant que ce n'était pas défendu. Après un échange de lettres et après quelques mois, le président de la Régie des rentes m'a écrit que ce n'était pas interdit. Il a donc envoyé des dépliants en anglais aux hôpitaux anglophones. J'ai même reçu récemment une lettre de la régie me disant que, maintenant, elle a certaines formules disponibles en langue anglaise.

Deuxièmement, le ministère de la Justice a refusé d'envoyer un exemplaire de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne aux écoles anglophones où les adultes apprennent à lire. On aurait voulu utiliser la version anglaise de la charte québécoise comme matière de lecture. Le ministère a refusé et, après une intervention d'un éditorialiste de la Gazette, il a accepté.

Le troisième exemple: la Place Bonaventure. Un de mes électeurs est allé à la Place Bonaventure où on lui a remis un calendrier des événements uniquement en français. Il a demandé un exemplaire en anglais et on lui a répondu que c'était interdit par la loi 101. Après une intervention à la télévision, j'ai reçu une lettre disant que, maintenant, ils auront des calendriers en anglais et en français. Auparavant, ils ont pensé que c'était interdit par la loi 101. C'est donc dire qu'il y a très peu de monde qui comprend la portée de la loi 101. Peut-être que cela a été appliqué de façon à semer une certaine confusion. De toute façon, il y a un certain "chilling effect", un effet de dissuasion, c'est-à-dire que les gens appliquent la loi d'une façon zélée et refusent d'offrir des services souvent aux anglophones en plaidant faussement que c'est défendu par la loi 101.

J'aimerais demander au ministre, quand il va à Hong Kong, quand il va à l'étranger, comment il explique le régime linguistique du Québec. Souvent, nous avons l'impression que le gouvernement parle, comme on le dit dans les films westerns, avec une "forked tongue". On dit une chose à Hong Kong, une autre à Québec, une troisième à New York et ainsi de suite. On a l'impression, quand le ministre est allé à Hong Kong inviter des investisseurs au Québec, qu'il a vanté les avantages d'une région ou d'une province où il y a beaucoup de gens qui parlent anglais, où il y a des écoles anglaises, des institutions anglaises à Montréal et ainsi de suite. Comment le ministre explique-t-il notre régime linguistique quand il va à l'étranger, à Hong Kong, pour inviter des investisseurs à venir ici?

M. Godin: M. le député de D'Arcy McGee, je dis la vérité pure, qu'il y a ici un régime scolaire français et un anglais et qu'un immigrant au Québec doit envoyer ses enfants à l'école française; par ailleurs, qu'il y a, en plus, un réseau hospitalier anglophone dans l'ensemble du Québec, plus développé même que dans d'autres provinces purement anglaises, et que, dans ces hôpitaux, centres de services sociaux et centres de santé, un patient peut être traité en anglais.

M. Marx: Mais vous n'allez pas parler aux étrangers de ce qui va se passer quand ils vont tomber malade. Il ne faut pas commencer par cela quand on invite des gens au Québec, en leur parlant de leurs maladies possibles. Il faut leur dire d'autres choses, j'imagine.

M. Godin: Je leur dis qu'il y a ici deux réseaux de services publics dans le domaine de la santé et de l'éducation, un en français et un en anglais; que les nouveaux venus au Québec doivent envoyer leurs enfants à l'école française, c'est bien sûr. En général, ils acceptent parce que, pour eux, connaître une troisième langue ou une quatrième - ils parlent déjà le mandarin, le cantonais, l'anglais, évidemment - colonie anglaise -comme le français, c'est un actif supplémentaire et non pas une punition, comme cela semble être le cas pour certains anglophones du Québec. Je ne parle pas de vous, M. le député de D'Arcy McGee, ni de vous, M. le Président.

Donc, je leur dis les choses telles qu'elles sont. Je leur ai dit que le Québec était une province où on voulait vivre dans les deux langues, où on peut avoir accès dans les deux langues à la télévision, à la radio, à des journaux, à des magazines, à toute la vie, en fait. Je pense que c'est un fait. Je leur dis aussi que, pour ce qui touche l'école, c'est l'école française seulement, à moins d'obtenir une exemption qui viendrait du fait qu'ils auraient vécu au Québec plus tôt et que leurs enfants auraient fréquenté l'école anglaise au Québec ou alors qu'ils viennent du Nouveau-Brunswick.

M. Marx: Un permis temporaire s'ils viennent pour deux ou trois ans.

M. Godin: II y a aussi cet autre facteur. Je tends à leur donner le portrait le plus exact possible de la réalité. Le résultat, c'est qu'ils sont venus 800 l'an dernier, M. le député de D'Arcy McGee, 800 personnes de Hong Kong pour un investissement de 250 000 000 $. Nous visons pour l'an prochain 1000 personnes de Hong Kong. Si on

en juge par la liste d'attente que nous avons, nous allons facilement atteindre ce chiffre. Nous leur disons les choses telles qu'elles sont et je peux vous dire, de plus, qu'il y a consultation régulière entre les gens de Hong Kong établis ici et ceux qui sont encore chez eux. Ils s'écrivent, ils se téléphonent, ils se télégraphient. Ils savent ce qui se passe pas seulement de la bouche d'un ministre péquiste, mais également de leurs anciens compatriotes.

M. Marx: Est-ce qu'il y a une coordination au niveau gouvernemental? Est-ce que tout le monde parle avec une voix? Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce, la Communauté urbaine de Montréal, tout le monde livre le même message, parle du même régime?

M. Godin: J'espère que oui, M. le Président.

M. Marx: Je ne sais pas si le ministre a vu ce dossier "Décision Montréal"?

M. Godin: Oui.

M. Marx: Vous l'avez vu?

M. Godin: Je m'en suis servi abondamment à Hong Kong. (17 h 45)

M. Marx: Vous vous en êtes servi abondamment à Hong Kong. Voici un dépliant qui fait partie de ce dossier publié par l'Office de l'expansion économique, Communauté urbaine de Montréal. Le titre est: "Bilingualism, your competitive edge". En feuilletant ce dépliant, on peut avoir l'impression que Montréal est une ville bilingue dans le sens qu'on pourrait peut-être même afficher en français et dans une autre langue. Le ministre sait que ce n'est pas possible.

M. Godin: Effectivement, ce n'est pas possible. On leur a dit, d'ailleurs, que ce n'était pas possible. Il reste que dans une école française on peut fort bien apprendre l'anglais. Cela a été mon cas à Trois-Rivières, "of all places", à l'ombre de Maurice Duplessis. J'ai appris l'anglais à Trois-Rivières et non pas à Montréal. Il y a dans chaque école du Québec des cours d'anglais qui sont de mieux en mieux, me dit-on. On constate partout au Québec, d'ailleurs, un intérêt grandissant pour apprendre la deuxième langue qui est l'anglais. On peut dire que l'anglais fait des progrès remarquables dans la classe écolière québécoise.

M. Marx: M. le ministre, vous avez dit que vous avez abondamment utilisé ce dossier...

M. Godin: Surtout pour ce qui touche les chiffres, les tarifs d'électricité au Québec, autour de Montréal, comparativement aux mêmes tarifs pour les États américains frontaliers et les provinces anglaises.

M. Marx: Oui, mais si le ministre a abondamment utilisé ce dossier, il a pris tout le dossier envoyé à tout le monde. Comment le ministre pourrait-il concilier la vision de la région montréalaise de "Bilingualism, your competitive edge" où on donne cette impression que c'est une région bilingue avec le régime linguistique qu'il explique quand il est à Hong Kong et le fait que, par exemple, ici il est interdit d'afficher autrement que dans la langue officielle, quoique à Pékin, à Hong Kong, à Canton, à Tokyo, partout au monde, sauf dans la région montréalaise au Québec, on puisse le faire? Or, on dit quand même "Bilingualism, your competitive edge". On ne peut pas afficher en français et en chinois ici.

M. Godin: M. le Président, vous savez très bien - je peux en témoigner moi-même par ma propre expérience depuis bientôt quinze ans à Montréal - que Montréal est effectivement une ville bilingue où on peut vivre en français ou en anglais selon le choix qu'on fait ou le quartier où on vit. Je sais que, si je fais mon marché sur la rue Saint-Laurent, je peux le faire en anglais aussi bien qu'en français. Donc, c'est une ville bilingue, Montréal, et on n'a pas à en rougir, parce que c'est un fait qui est maintenant reconnu par les Québécois que Montréal est une ville bilingue.

M. Marx: Si c'est une ville bilingue, pourquoi le ministre, pas le ministre...

M. Godin: Le gouvernement.

M. Marx: La bonne foi se présume en vertu du Code civil. Pourquoi le gouvernement veut-il cacher ce bilinguisme qui existe? Le ministre nous dit que cela existe, mais on veut le cacher derrière un village à la Potemkine.

M. Godin: C'est votre vieille image, pour ne pas dire cassette, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, mais il faut répéter la même chose quinze fois pour que le gouvernement comprenne.

M. Godin: Je vous dirais que l'affichage anglais, pour nous, est une chose symbolique, comme la reine pour les Anglais, c'est symbolique.

M. Marx: Bilingue, pas anglais.

M. Godin: Enfin, la présence de l'anglais dans l'affichage commercial, pour nous, a une valeur symbolique très impartante et on y attache autant d'importance que les Américains à leur drapeau ou que les Anglais, canadiens et britanniques, à leur reine, dont on voit partout la jolie figure sur les dollars, sur les bouteilles de gin, de scotch et autres. Entre autres, comment s'appelle ce scotch avec la figure de la reine Victoria? Avec la reine Victoria, M. le député de Westmount?

M. Marx: Mais quand la Cour supérieure...

M. Godin: Le gin Bombay, avec la figure de la reine Victoria.

M. Marx:... a décidé que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne permettrait à quelqu'un d'afficher dans deux langues, ce n'est pas une exigence. On ne va jamais exiger que tout le monde ait l'affichage bilingue. Ce serait une possibilité. En parlant de l'affichage, est-ce que le ministre...

M. Godin; M. le Président, j'ai un commentaire là-dessus. Je peux vous dire que la réflexion du Conseil des ministres sur cette question n'est pas terminée.

M. Marx: Est-ce que le ministre peut nous expliquer l'importance de son sondage dont le premier ministre ne semble pas être au courant?

M. Godin: Cela fait partie d'une réflexion qui se fait dans le Québec là-dessus.

M. Marx: À supposer que seulement 20 % de la population... Ce n'est pas le cas, parce que c'est à peu près 80 %, mais à supposer que 45 %, 49 % de la population soit d'accord pour l'affichage bilingue, le cas échéant... Je vois bien qu'à Trois-Rivières, à Chicoutimi...

M. Godin: M. le Président, on verra à ce moment-là, sauf qu'il y a une chose qui me frappe, M. le Président, et je peux vous le dire, à vous qui êtes un ami. Quand on a adopté la loi pour franciser les affiches, cela a été des hauts cris. On a dit que cela coûterait une fortune et que cela nuirait à la rentabilité économique des commerçants. Mais quand il s'agit de remettre de l'anglais sur les affiches, cela ne coûte plus rien. On n'entend aucune critique qui dit que changer une troisième fois pour une affiche bilinque, cela représenterait des coûts pour l'entreprise qui nuiraient aux profits de l'entreprise, alors qu'on entendait cela dans le temps du français. Il me semble, à moi, qu'il y a vraiment un "double standard" au Québec de la part des anglophones de ma belle ville de Montréal, pour ce qui touche notre langue maternelle. Il y a vraiment une sympathie tellement grande pour l'anglais qu'on dépense pour mettre de l'anglais sur l'affiche sans s'en rendre compte et sans même protester d'aucune façon. Je trouve que...

M. Marx: Le ministre a mal interprété cette question de l'affichage. À un moment donné, l'Assemblée nationale a adopté une loi, avant 1976, pour exiger l'affichage bilingue. Donc, tout le monde qui avait un affichage seulement en anglais l'a modifié pour qu'il soit bilingue.

M. Godin: La loi 22.

M. Marx: Le gouvernement actuel arrive au pouvoir, et, on exige l'affichage unilingue français.

M. Godin: À ce moment-là on dit: Mon Dieu...

M. Marx: Oui, mais les gens ont été forcés de dépenser de l'argent. Supposons qu'on permette l'affichage bilingue, personne ne sera forcé de modifier son affichage. Ce n'est pas une question d'argent.

M. Godin: Vous souvenez-vous, M. le député de D'Arcy McGee, qu'il y a eu des critiques à l'époque quant au coût de la francisation de l'affichage? Maintenant, tout le monde se bat pour remettre le français et l'anglais sur les affiches et personne ne parle de coûts. C'est curieux.

M. Marx: Non, parce qu'autrefois c'était exigé. Ils y étaient forcés. Les gens devaient dépenser. Maintenant, on ne le sait pas, peut-être qu'il y a des entrepreneurs anglophones qui vont garder leur affichage seulement en français, si, par exemple, ils sont aux Îles-de-la-Madeleine ou à Chicoutimi ou à Rosemont.

Le Président (M. French): M. le député, je voudrais vous inviter à terminer assez rapidement, s'il vous plaît.

M. Marx: Je pense que c'est un débat...

M. Godin: Historique, qui nous ramène huit ans en arrière.

M. Marx:... qu'on ne peut pas terminer sauf si le ministre... Non, on peut terminer le débat sur l'affichage, si le ministre et son gouvernement sont prêts a accepter la suprématie de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. S'ils sont prêts à accepter cela, le débat est clos. Mais tant

qu'on parle de modifier la charte des droits pour donner préséance à la Charte de la langue française sur la charte des droits, le débat est interminable.

M. Godin: M. le Président, mon collègue de D'Arcy McGee me permettra de dire que la réflexion se poursuit là-dessus au Conseil des ministres et que, d'ici quelques jours, je pense, il aura des lumières supplémentaires qui viendront du document déposé par MM. Lévesque et Mulroney.

M. Marx: Seulement une dernière question. Est-ce que le ministre est d'accord pour accepter la décision du plus haut tribunal en ce qui concerne l'interprétation de la Charte québécoise des droits et libertés des personnes relativement à la Charte de la langue française et à l'affichage bilingue? Est-ce qu'il est prêt à accepter cela?

M. Godin: M. le Président, comme vous le savez, la cause étant en appel présentement, il ne m'est pas permis de...

M. Marx: De parler. Vous pouvez parler. Je vous l'assure.

M. Godin:... commenter. Je ne peux intervenir dans le déroulement d'une cause qui est présentement devant les tribunaux.

Le Président (M. French): M. le député de...

M. Godin: Je n'apprendrai pas cela à un savant juriste comme vous, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Vous pourrez me répondre au café.

Le Président (M. French): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez bel et bien utilisé votre temps de parole. Le député de Vachon m'a prié de lui donner l'occasion de rouvrir une discussion qu'il poursuivait avec le ministre. M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui, parce qu'il y a deux côtés de la Chambre.

Le Président (M. French): Oui, il y a trois participants aussi, M. le député. Je voudrais vous indiquer que, quant à moi, je vous cède mon droit de parole, et je ne voudrais pas me faire dire que c'est votre droit, parce que ce n'est pas le cas.

M. Payne: Je regrette, mais ce n'est pas une question de me céder la parole. Je pourrais invoquer le règlement. Le droit de parole de chacun, c'est ça.

Le Président (M. French): C'est mon droit de parole maintenant et je ne l'ai pas utilisé. Je vous le cède. Est-ce que c'est suffisamment clair?

M. Payne: Merci pour votre remarquable générosité.

Le Président (M. French): Ne comptez pas là-dessus une deuxième fois.

M. Payne: Est-ce que le Conseil exécutif a l'intention de renforcer la portée de l'article 41 en ce qui concerne les communications dans la langue française avec le personnel? Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 51, le législateur ou le Conseil exécutif pourraient-ils recommander à l'Assemblée nationale d'adopter des amendements pour faire en sorte que la loi soit plus qu'un "tigre de papier" afin qu'à cet égard on puisse, là où c'est judicieux, intenter des poursuites? Peut-être que, dans la même réponse, on pourrait nous faire savoir s'il y a eu une seule poursuite en fonction de l'article 51.

En terminant, une suggestion: pourquoi le législateur ne modifie-t-il pas quelques règlements en vertu de 93 pour faire en sorte qu'on puisse mieux définir qui doit être responsable de la traduction de certaines étiquettes? Ma dernière question serait: Qu'est-ce qu'on pense de la recommandation du Conseil de la langue française, qui est très sensée pour moi, suggérant qu'on devrait peut-être mieux garantir certains droits dans le cadre d'une charte constitutionnelle?

M. Godin: J'ai perdu la dernière phrase de mon collègue de Vachon.

M. Payne: J'ai dit, en gros, est-ce que le ministre voudrait bien faire suite à la recommandation du Conseil de la langue française, recommandation qui m'intéresse beaucoup depuis de nombreuses années, pour faire en sorte que quelques droits fondamentaux linguistiques puissent être enchâssés dans une charte constitutionnelle québécoise?

M. Godin: Je répète ce que je disais plus tôt au député de Vachon, M. le Président: Les règlements nouveaux qui découlent des amendements apportés à la loi 101 par la loi 57 seront publiés dans la Gazette officielle dans les semaines qui viennent. Ces règlements ont fait l'objet d'une consultation très vaste auprès des gens de l'entreprise et de plusieurs groupes, dont le Conseil de la langue française. La publication 60 jours avant l'officialisation permettra aux groupes et aux personnes intéressés de faire connaître au gouvernement leurs suggestions par rapport à des aspects des règlements qu'ils estiment

n'être pas assez clairs ou de ne pas aller assez loin.

Je recommanderais une deuxième fois à mon collègue de Vachon d'attendre cela et de suivre de près la Gazette officielle du Québec, pour voir si les règlements nouveaux, qui ont été faits - je le répète -à la loupe, correspondent à vos objectifs par rapport aux articles 41 et 51.

M. Payne: Le projet va-t-il contenir des dispositions qui vont faire en sorte qu'un règlement touche l'article 51 pour mieux définir la portée de cet article-là?

M. Godin: Les règlements visent, en fait, à incarner, si vous voulez, dans des textes praticables, la nouvelle loi 101 amendée par la loi 57. Vous serez en mesure, dès qu'ils seront publiés, de vous rendre compte vous-même si les changements faits aux règlements correspondent à vos objectifs que nous partageons entièrement.

M. Payne: Pour l'article 41? M. Godin: La même chose.

M. Payne: Y a-t-il un règlement là-dessus?

M. Godin: Oui, il est inclus. M. Payne: Et la constitution?

M. Godin: Pour la constitution, j'ai eu l'occasion de répondre à cette question. Mon point de vue est le suivant: la question de la langue au Québec doit relever de ce Parlement-ci et des élus qui siègent dans ce Parlement-ci plutôt que de toute autre institution.

M. Payne: Oui, mais...

M. Godin: Donc...

M. Payne: Non, non, mais...

M. Marx: Dans la Confédération, ce n'était pas cela. On a enchâssé certains droits linguistiques pour les anglophones du Québec et les francophones hors Québec.

M. Payne: Un instant! C'est mon tour.

M. Godin: Je vous donne mon opinion. M. le Président, je donnais mon opinion.

Le Président (M. French): M. le ministre et messieurs les députés, je voudrais quand même appuyer le député de Vachon qui posait une série de questions. Je n'aimerais pas qu'un débat entre le ministre et le député de D'Arcy McGee s'amorce à ce point-ci.

M. Godin: Je donnais mon opinion, M. le Président.

Le Président (M. French): Oui.

M. Godin: On peut être parfaitement en désaccord avec moi. Je respecte les désaccords d'où qu'ils viennent, en fait. Mais je vous répète que, selon moi, la place du français au Québec doit relever du Parlement du Québec. Cela s'inspire de très vieilles observations faites par Thomas Jefferson et Abraham Lincoln qui avaient, à l'égard de la Cour suprême de leur pays, des points de vue pas aussi unanimes que certains Canadiens aujourd'hui qui voudraient que les juges règlent tout. Si, dans un pays, des questions fondamentales, telle la langue, sont réglées par les juges et uniquement par les juges, les lois fussent-elles les meilleures au monde, je ne crois pas que nous ayons un processus de modification et de réaction à l'opinion publique et à la réalité culturelle vécue dans un pays donné, qui est le Québec en ce qui nous concerne.

M. Payne: Je ne comprends pas. Une constitution, adoptée par l'Assemblée nationale et qui peut être ratifiée par la population québécoise, présumément contiendrait une formule d'amendement. Donc, le législateur et l'institution qu'est le Parlement auraient tout le loisir de modifier une telle charte constitutionnelle...

M. Godin: Oui, oui.

M. Payne:... pour faire en sorte que les droits fondamentaux seraient mieux protégés. Cela n'aurait rien à faire avec les juges, sauf pour son interprétation.

M. Godin: D'accord. Je me rallie à vos propos, M. le député de Vachon. En fait, les deux jugements, Boudreau et Dugas, je pense, rappellent et soulignent fortement que le Québec a le droit de légiférer en matière linguistique. C'est une évidence. Ce que nous voulons discuter avec M. Mulroney bientôt, c'est la reconnaissance de ce pouvoir du Québec de légiférer en matière linguistique parce que la langue doit relever du Parlement. À mon avis, qu'il y ait une constitution québécoise interprétée par des juges québécois éventuellement, c'est inévitable.

M. Payne: Quand? On n'a pas besoin de négocier avec Mulroney le loisir d'adopter quelque chose...

M. Godin: M. le député de Vachon, dans un premier temps, nous estimons que nous pourrions tenter d'obtenir de nos collègues canadiens, sous le parapluie fédéral, un accord sur ce principe que, le Québec étant

le dépositaire du français au pays, ce même dépositaire ait des pouvoirs spécifiques et particuliers qui seraient dans sa charte a lui - s'il en avait une - et que des juges québécois interpréteraient cet aspect de la charte québécoise dans les cours du Québec et du Canada.

M. Payne: Il y ades droits fondamentaux linguistiques qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral et c'est, justement, sur ces droits fondamentaux que l'institution québécoise qu'est le Parlement doit pouvoir agir, pas seulement pour modifier et corriger - dans un premier temps, on le fera bien sûr - les articles dont on vient de discuter. Les grands droits fondamentaux en matière de la langue relèvent exclusivement du Québec. Je pense que cela devrait être préalablement établi. Si cela peut être renforcé sur le plan constitutionnel, tant mieux pour le Québec et pour la population québécoise.

Cela pourrait être le fer de lance pour les négociations avec le premier ministre du Canada ou une position de repli, mais je pense que c'est une recommandation sérieuse qui devrait être analysée en profondeur par le Québec. Mon avis, comme parlementaire, serait qu'on devrait clarifier notre position linguistique le plus tôt possible, l'adopter et enchâsser les droits fondamentaux dans les plus brefs délais.

M. Godin: Je pense, M. le Président, que, finalement, c'est ce vers quoi on se dirigera et ce à quoi on en arrivera, ce qu'a décrit le député de Vachon. C'est le point où nous en sommes présentement. Le point de départ, c'est d'obtenir une entente Québec-Ottawa qui reconnaisse au Québec, dans la charte canadienne dans un premier temps, des droits dont il fera usage après dans sa propre charte à lui.

M. Payne: Je suppose que notre temps est écoulé.

Le Président (M. French): II semble que oui. Je ne sais pas si vous avez quelques commentaires à ajouter, M. le député. Je ne voudrais pas couper court à votre intervention, mais, si vous avez épluché la question, dans la mesure où c'est possible à cette heure-ci, on devrait peut-être terminer.

M. Payne: Allez-y!

Le Président (M. French): M. le ministre?

M. Godin: M. le Président, je m'étais engagé, à la première séance de notre étude des crédits, à déposer des documents qui touchent l'immigration et les communautés culturelles. Je dépose donc aujourd'hui une copie des contrats intervenus entre le ministère et les garderies Les Gardelunes, Enfankiri et Autour du Monde Inc., une liste des projets retenus par le ministère dans le cadre de l'Année internationale de la jeunesse, ainsi que les travaux de la recherche pour 1984-1985 retenus au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. Nous acceptons le dépôt de ces documents.

Je m'en voudrais si je ne mentionnais pas, à ce point-ci de nos travaux qui se terminent très rapidement, l'excellent travail qu'a fait M. Michel Plourde. On sait qu'en tant que président du Conseil de la langue française ce seraient ses derniers crédits. On apprécie hautement le sérieux avec lequel il a dirigé le conseil, surtout, même si on ne partageait peut-être pas ses prémisses, la façon délibérée, sérieuse, fondée avec laquelle il avançait les positions du conseil. J'ajouterai que je ne vois pas les mêmes qualités dans le rapport moral du président de la Commission de surveillance de la langue française, sans préjudice aux conclusions auxquelles il en vient. Je voudrais dire, en terminant, que M. Plourde a été décoré ou sera décoré par le gouvernement de la France pour sa contribution au développement et à la protection de la langue française. Sans doute, nous aurons en temps et lieu nos propres décorations de ce genre. Enfin, je voudrais qu'il sache, en tout cas de la part de la commission de la culture, que nous sommes très reconnaissants de l'excellent travail qu'il a accompli dans son poste.

M. Godin: M. le Président, j'endosse parfaitement vos propos, sauf ceux qui touchent M. Cholette, que je considère, moi, comme un excellent serviteur du français au Québec, de la cause du français. Une dernière correction. Je voudrais remplacer une page qui n'est pas conforme tout à fait aux chiffres du cahier des organismes de la charte. Ceux qui ont gardé leur cahier, j'ai une page que je vous remets pour remplacer la section Conseil de la langue française.

Le Président (M. French): Merci beaucoup. M. le député de D'Arcy McGee a quelque chose à ajouter.

M. Marx: J'aimerais féliciter M. Plourde pour le travail qu'il a fait au Conseil de la langue française. J'aimerais lui souhaiter bonne chance à l'Université de Montréal. Je m'attends à le rejoindre là d'ici une couple de mandats.

Le Président (M. French): M. le député

de Vachon me demande le mot de la fin.

M. Payne: J'aimerais appuyer cette motion sans préavis, qui est fort pertinente parce que je pense que tout le monde reconnaît le travail assidu de Michel Plourde et la qualité de ses rapports; il a une manière assez rare ces jours-ci d'écrire et de rédiger les textes d'une façon limpide, articulée et succincte. Je pense que c'est un exemple pour tous les Québécois de la valeur de la langue française. Je pense que tout le monde lui en est reconnaissant, spécialement nous, de ce côté de la Chambre, qui avions le plaisir d'adopter la loi 101 qui a effectivement fondé le Conseil de la langue française.

Le Président (M. French): Les programmes 2 et 3 des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration sont-ils adoptés? Adopté. Merci beaucoup tout le monde. Tous les crédits du ministère sont adoptés. Adopté. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise à 19 h 15)

Consultation générale

Le Président (M. French): La commission de la culture reprend ses travaux. Nous entreprendrons ce soir la consultation générale sur le mandat d'initiative de notre commission, soit l'étude de l'impact des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte.

Nous avons deux intervenants ce soir, les deux plus grandes communautés urbaines du Québec, c'est-à-dire la Communauté urbaine de Montréal et la Communauté urbaine de Québec. Nous allons commencer avec la Communauté urbaine de Montréal, sachant que nos amis, les Montréalais, doivent retourner dans leur ville ce soir.

Les membres de la commission sont M. Hains (Saint-Henri), M. Champagne (Mille-Îles), M. French (Westmount) et M. Marx (D'Arcy McGee). Nous attendons Mme Harel, députée de Maisonneuve.

Communauté urbaine de Montréal

M. Des Marais, permettez-moi de vous dire combien nous apprécions votre déplacement et plus particulièrement votre mémoire et votre contribution à nos délibérations.

Nous nous sommes donné un mandat d'initiative qui est à la fois limité et très grand; limité dans le sens qu'en tant que commission de la culture nous avons dans notre domaine de responsabilité, primo, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, secondo, l'avenir de la langue française, et deux autres ministères, soit le ministère des Communications et le ministère des Affaires culturelles. Donc, nous n'avons pas un certain nombre de ministères et de portefeuilles ministériels dans les domaines économique et social. Nous voulons cependant essayer, d'une part, de décrire un certain nombre de phénomènes importants sur le plan démographique comme arrière-plan - ces phénomènes-là ont des impacts divers évidemment - et, par la suite, essayer de voir s'il n'y a pas quelques recommandations de façon plus précise et surtout dans le domaine, pour nous, de l'immigration, de la culture et du mélange ethnique. Je sais que je parle de deux questions qui, pour vous, sont très importantes, puisque Montréal est en effet la terre d'accueil de la plupart des immigrants qui viennent au Québec et, également, la partie de la province la plus diverse sur le plan ethnoculturel et linguistique.

Je voudrais cependant vous inviter à faire part de toutes vos préoccupations, dans votre mémoire et dans vos commentaires, quelle que soit leur relation avec nos responsabilités formelles puisque nous croyons qu'une partie de notre responsabilité est tout simplement d'éveiller les Québécois, et les Montréalais plus particulièrement peut-être dans le contexte de votre mémoire de ce soir, à un certain nombre d'enjeux qui découlent de la situation démographique. Bienvenue. Si vous pouvez nous présenter vos coéquipiers et amorcer votre exposé.

M. Des Marais II (Pierre): M. le Président, messieurs les membres de la commission, madame. À ma droite, M. Guy Gravel, qui est le directeur du service de la planification du territoire à la Communauté urbaine de Montréal; à ma gauche, M. André Gamache, qui est adjoint au président, et M. Pierre Campeau, qui est conseiller technique à mon bureau et qui a particulièrement travaillé dans ce dossier.

M. le Président, je dois tout d'abord vous remercier et prendre la chance de vous féliciter ainsi que les membres de votre commission de vous pencher sur ce sujet qui, comme vous l'avez mentionné, est vaste et recoupe certaines des responsabilités très larges de votre commission.

Pour celui qui vous parle, c'est non seulement au nom de mes concitoyens de la communauté urbaine, au nom de l'organisme que je représente, au nom de mes collègues du comité exécutif que je me présente ici avec intérêt; c'est aussi à la suite de plusieurs années de réflexion et d'intérêt pour le sujet qui est le vôtre, que ce soit dans le temps, plus localement, comme maire d'Outremont, ou encore comme président du comité exécutif de la communauté, que le

sujet de la démographie et de l'évolution démographique de notre territoire et de la périphérie nous a - et m'a - intéressés.

Toute cette question reflète sans doute un dynamisme social, économique d'une collectivité, particulièrement la nôtre. Nous avons entrepris des études non seulement par l'intérêt qui était le nôtre, mais aussi à cause de la responsabilité qui était la nôtre de présenter un schéma d'aménagement et, à l'intérieur des études qui ont mené au schéma, des études techniques qui nous ont amenés à nous pencher sur la géographie, l'identification de sites, etc., on s'est aussi penchés sur cette question-là et on a fait appel à des spécialistes pour qu'on nous indique si les chiffres ou les renseignements que nous avions semblaient exacts quant à l'évolution démographique du territoire de la communauté.

Nous vous avons présenté, M. le Président, un mémoire que je n'ai pas l'intention de lire en son entier. Peut-être que je résumerai l'essentiel et j'engagerai un dialogue avec vous et les membres de la commission.

Les données statistiques du mémoire, les mouvements de population qu'elles permettent de déceler s'appliquent à notre territoire, le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. C'est donc une description significative mais partielle, par rapport évidemment à l'ensemble de la région montréalaise, que les chiffres que nous allons échanger ensemble et que vous avez reçus.

En second lieu, il faut mentionner que, même si les données statistiques disponibles indiquent certaines tendances à la baisse, les plus récentes données suggèrent qu'un changement perceptible s'opère en faveur des centres urbains. M. le Président, j'insiste là-dessus parce que tout ce qui est très officiel nous indique des tendances à la baisse, mais ce qui est officieux et les renseignements que nous pouvons colliger au moment où on se parle nous indiquent que peut-être ce mouvement à la baisse a cessé et que nous allons nous retrouver avec des augmentations et non des diminutions. En conséquence, les constatations que nous avons été appelé à faire, et de façon officielle pour les fins de notre schéma d'aménagement et pour les fins du mémoire que nous vous présentons, subiront peut-être des changements ou seront modifiées de façon substantielle quand il y aura à nouveau des statistiques officielles qui seront disponibles.

Ma troisième remarque préliminaire porte sur les mouvements de population, la mobilité de la main-d'oeuvre et le déplacement des emplois. Ceux-ci ne peuvent être considérés que sous le seul aspect démographique. En effet, ces mutations complexes sont la cause et parfois l'effet de forces économiques sous-jacentes. Nous tentons d'analyser, à la communauté, les données démographiques dans le cadre du système régional global. Ainsi, s'il est exact d'affirmer que la population du territoire de la communauté a subi l'effet d'une baisse démographique, il faut également ajouter que de plus en plus de gens viennent au centre de notre territoire pour y travailler, consommer, produire, se récréer et se transporter. C'est pourquoi j'entends illustrer ces propos par certaines données économiques pour mieux situer l'évolution démographique de la Communauté urbaine de Montréal. Par exemple, les augmentations annuelles du rôle d'évaluation sur le territoire de la communauté illustrent de façon frappante qu'une population moins nombreuse au cours des récentes années s'est partagée un patrimoine immobilier qui a pris une valeur considérable. En 1984, l'augmentation du rôle d'évaluation était de 600 000 000 $ et elle était de 900 000 000 $ en 1983.

Nous remarquons d'ailleurs au tableau que l'augmentation des évaluations de 1979 à 1980 fut de l'ordre de 8 %; de 1980 à 1981, de 13 %; de 1981 à 1982, de 18 %; l'année suivante, de 11 %; et, l'année suivante, de 9 %. Je pense que c'est important quand on considère tous les éléments, cela indique aussi que notre taux théorique de taxation sur le territoire de la communauté - parce que vous le savez, M. le Président, nous ne taxons pas directement nos concitoyens, mais nous répartissons les dépenses de la communauté entre les différentes villes membres - qui était à peu près de 1 $ en 1981, est maintenant de 0, 83 $. On peut sans doute tirer des conclusions sur la situation de nos concitoyens, même s'ils sont peut-être moins nombreux.

D'ailleurs, en 1985, nous remarquons que l'augmentation se continue, et on compte au-delà de 400 000 000 $ d'addition au rôle d'évaluation pour ces quatre premiers mois, ce qui nous indique, si on le projette pour l'année, probablement une augmentation de... Le rôle pourrait être supérieur à 1 000 000 000 $ en 1985.

Quant au mémoire, les différentes analyses démographiques portant sur la Communauté urbaine de Montréal révèlent que le taux de croissance de la population de notre territoire est en régression. On y observe une tendance au vieillissement de la population. Ces phénomènes s'inscrivent sans doute à l'intérieur des tendances générales observées au Québec et au Canada. C'est d'ailleurs au centre-ville de Montréal que l'on enregistre des pertes de population importantes, alors qu'on est passé de 52 424 à 9370 résidents de 1951 à 1981. Le territoire de Montréal-Centre a vu sa population baisser de 1 094 648 à 1 005 695 résidents. L'ensemble de la couronne suburbaine est passée de 219 076 à 1 075 635 et la région métropolitaine, de

1 539 308 à 2 835 755 résidents au cours de la période de 1951 à 1981.

Ce ralentissement dans la croissance sur notre territoire est accentué par d'autres facteurs comme les migrations inter et intraprovinciales, la répartition de la population à l'intérieur des unités spatiales de notre territoire, les mouvements urbains et ruraux et la contre-urbanisation, c'est-à-dire la renaissance rurale dans les zones non agricoles.

Cette configuration démographique a des incidences sur l'offre et la demande des services publics, notamment le transport en commun, et affecte également la population active, l'emploi, les ventes et le développement économique en général.

Diverses hypothèses d'évolution démographique ont été élaborées. La combinaison des différentes hypothèses de fécondité, de mortalité, de migration internationale, de migration interprovinciale et de migration intraprovinciale offre seize scénarios possibles pour l'horizon 1996. Nous en avons retenu trois comme probables aux fins de prévisions.

Selon ces scénarios, en 1996, la population de la région métropolitaine pourrait - j'insiste, M. le Président, sur "pourrait" - se situer entre 2 855 848 et 3 019 152 habitants. Cela représente un accroissement de 0, 7 % à 6, 5 % par rapport à l'effectif de 2 835 745 recensé en 1981. Dans le même temps, le reste du Québec gagnerait de 6, 9 % à 11, 6 %, ce qui aurait pour effet de réduire la part de la région métropolitaine dans la population québécoise à un pourcentage de l'ordre de 42 % alors qu'il était de l'ordre de 44 % en 1981.

À l'intérieur de la région métropolitaine, l'évolution récente de la population se poursuivra aussi bien au niveau de la Communauté urbaine que de la couronne suburbaine. D'une part, la population de la communauté urbaine pourrait se situer, en 1996 - j'insiste à nouveau, M. le Président, sur le mot "pourrait" - entre 1 575 149 et 1 673 578, soit une diminution relative de 4, 9 % à 10, 5 % par rapport à l'effectif recensé en 1981, soit 1 760 140 résidents. D'autre part, la population de la couronne suburbaine poursuivra sa croissance pour atteindre une augmentation relative de 19, 1 % à 30, 5 % par rapport au niveau de 1981. Dans ces conditions, la part de la population de la région métropolitaine résidant sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal ne représenterait plus, en 1996, qu'un pourcentage légèrement supérieur à 55 % par rapport à 62, 1 % en 1981 et 85, 8 % en 1951.

Quelles sont les conclusions à tirer de toutes ces données statistiques? Face à cet état de fait, les paliers de gouvernement doivent intervenir sur le territoire de la communauté suivant des axes de développement bien précis et, en toute logique, avec les orientations d'aménagement retenues par la communauté dans son schéma. En effet, l'intervention gouvernementale jusqu'à ce jour a permis de mettre en place des infrastructures importantes qu'il faut utiliser au maximum afin de rentabiliser davantage ces investissements. La Communauté urbaine de Montréal a retenu pour son développement, et je cite, l'option préférable d'aménagement qui préconise la consolidation du tissu urbain à l'intérieur du périmètre urbanisé actuel et le réaménagement accéléré de l'Ile de Montréal en termes de qualité de vie. La communauté sera favorable à toute intervention gouvernementale qui s'inscrit dans cette orientation dont le but principal est d'arrêter la baisse de population sur son territoire et d'inverser ces tendances démographiques dans la mesure du possible afin de rentabiliser les investissements publics.

Nous souhaitons également que le gouvernement coordonne encore plus ses interventions sur le territoire de la communauté en fonction de la réalité montréalaise en supportant le rôle moteur de la région montréalaise, en accélérant la reprise et en dynamisant la métropole.

Il est important de rappeler à cette commission, en terminant, le rôle régional de la Communauté urbaine de Montréal qui offre des services et des infrastructures aux usagers de toute l'agglomération. Une population active de plus de 1 500 000 personnes constitue un bassin de main-d'oeuvre important alors que la communauté offre plus de 1 300 000 emplois. On y retrouve les deux tiers des emplois dans les activités de fabrication, la moitié des expéditions de produits manufacturés, la moitié des ventes au détail, la majeure partie des activités de recherche et de développement, ainsi que la plupart des grands sièges sociaux et mondiaux. (19 h 30)

La communauté regroupe environ 50 % des achats en gros effectués par les commerces de détail, jusqu'à 70 % des importations de services aux entreprises et attire 80 % des voyageurs provenant de l'étranger. Près de 192 000 résidents, dans les couronnes nord et sud, viennent travailler sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal alors que 27 000 personnes quittent la communauté pour aller travailler dans les couronnes nord et sud.

Ce rôle moteur a des répercussions sur les différents services de la communauté. Dans le transport en commun, par exemple, la communauté dessert en moyenne 649 000 passagers par jour dont 66 000 viennent de l'extérieur du territoire, soit une proportion de plus de 10 %.

Les contribuables de la communauté n'y

trouvent pas leur compte lorsqu'on considère la réciproque. Il n'y a en effet que 1 % des passagers de la communauté qui utilisent les infrastructures en dehors du territoire de la communauté.

M. le Président, messieurs les membres, au nom de mes collègues du comité exécutif, je vous remercie de nous avoir entendus et nous tenterons de répondre à vos questions. Merci!

Le Président (M. French): Merci, M. le président. En tout cas, pour ma part, votre exposé et votre mémoire suscitent toute une série de questions. Peut-être qu'avec la permission de mes collègues... Allez-y, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Enfin, je ne voudrais pas enlever la place du président, s'il avait préparé certaines questions.

Le Président (M. French): Commençons donc avec une question qui me paraît extrêmement importante. Le déplacement de la population dont vous nous faites part dans votre mémoire et brièvement dans vos commentaires préliminaires amène avec lui des pertes fiscales importantes. Avez-vous des estimations de l'importance de ces pertes fiscales d'abord sur le plan des pertes interprovinciales et deuxièmement sur le plan de3 pertes de la communauté vers les régions ou entre les deux couronnes, comme vous les appelez dans votre mémoire?

M. Des Marais II: M. le Président, notre réflexion nous a amenés à cette question. Je dois vous répondre qu'au point de vue fiscal municipal il n'y a pas de perte et c'est un peu pour cette raison que nous vous avons mentionné qu'il y a eu des additions au niveau de notre rôle d'évaluation; des additions de qualité, sans doute, et des additions de quantité parce qu'il y a eu sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, disons sur une période de 20 ans, des disparitions de bâtiments, des démolitions, etc., mais il y a eu aussi beaucoup de constructions dans le domaine résidentiel et aussi dans le domaine commercial et industriel. Quand on voit les augmentations importantes dans notre rôle d'évaluation, on ne vous a pas donné le détail des additions, ce qu'on pourrait faire et que je n'ai pas avec moi, mais je vous dirais de mémoire que l'amélioration ou la plus-value des propriétés en fonction des valeurs marchandes compte peut-être pour la moitié de l'augmentation du rôle en pourcentage et que l'autre moitié vient d'additions.

Pour nous, notre potentiel fiscal et notre fiscalité, durant cette période, se sont améliorés. Si on allait à l'extrême - je suis sûr que les spécialistes ne partageraient pas mon point de vue - on pourrait dire qu'un seul citoyen de la Communauté urbaine de Montréal qui aurait à sa disposition le rôle que nous avons serait probablement le citoyen le plus riche, municipalement pariant, du Québec et du Canada.

Le Président (M. French): En tout cas, c'était justement ce problème de pertes fiscales vis-à-vis de votre base fiscale qui me préoccupait. Je vous avoue que je suis très naïf par rapport à la démarche intellectuelle nécessaire pour évaluer la perte, mais je me dis que, si on n'avait pas un solde migratoire négatif et significatif, le rôle aurait augmenté davantage puisqu'il y aurait eu plus de constructions, un usage plus intense des bâtiments déjà disponibles, donc, une hausse de valeur. D'abord, est-ce que c'est vrai? Deuxièmement, est-ce que c'est possible de faire des estimations sur ce plan?

M. Des Marais II: Je suppose que ce serait possible, mais je considère que ce seraient réellement des hypothèses. Par exemple, s'il y avait 160 000 résidents de plus sur notre territoire à 1, 6 résident par logement, il y aurait sans doute un plus grand nombre de logements. Ces logements auraient une valeur de 25 000 $ à 100 000 $. Alors, on pourrait multiplier tout cela et en revenir à une addition au rôle, mais qui n'est pas une addition très importante.

Par ailleurs, il n'y a rien qui empêche, si ces citoyens ne sont pas sur notre territoire, qu'ils viennent y travailler et c'est là où on trouve les gens de l'extérieur du territoire de la communauté qui viennent à tous les jours travailler.

Quand on considère que nos édifices commerciaux, par exemple, au sujet desquels il y a eu de nombreuses additions au cours des dernières années, se retrouvent avec un taux de vacance de l'ordre de 6 %, 7 % au moment où les constructions les plus importantes se terminent et qui rapidement se résorbe vers 4 %, 5 %, cela veut dire que nos espaces commerciaux sont occupés. La même chose pour nos espaces industriels où le taux de vacance est peut-être un peu plus élevé parce que les ajustements prennent un peu plus de temps, et cela s'inscrit probablement dans le rôle de Montréal et de la communauté qui s'est modifié aussi aux points de vue industriel et commercial.

Le Président (M. French): Commençons d'une autre façon. Quels sont les coûts additionnels à la communauté occasionnés par le déplacement de la population, par la sous-utilisation d'infrastructures? Avez-vous évalué cela?

M. Des Marais II: Non. Tout d'abord, M. le Président, si vous me permettez, il faut se poser la question à savoir si nos concitoyens sont partis ou si, simplement, ils ne sont pas là. Sans doute qu'au cours des travaux de votre commission vous avez réalisé que le nombre de personnes par unité d'habitation avait diminué de beaucoup au cours des quinze dernières années en particulier. Il y en a certainement qui sont partis mais il y en a qui tout simplement ne sont pas là parce qu'ils sont décédés, ils n'ont pas été remplacés par des enfants dans les familles.

Où l'on retrouve un coût à la communauté, c'est particulièrement dans le domaine du transport en commun. On pourrait peut-être en retrouver un autre au niveau de l'utilisation des infrastructures de nos villes, mais disons donc que cela s'annule probablement par des revenus additionnels.

Où on l'a identifié très clairement au cours des années, et cela a d'ailleurs fait l'objet de propositions de celui qui vous parle et de la communauté au niveau d'une structure régionale de transport en commun, particulièrement pour répartir les revenus des gens qui viennent de l'extérieur du territoire et qui utilisent notre réseau où, de mémoire, le coût de chaque voyageur est d'un dollar et quelque chose tandis que le revenu est d'à peu près 0, 46 $, la différence étant répartie entre les subventions et l'apport municipal, c'est surtout dans le transport en commun, M. le Président.

Le Président (M. French): En termes extrêmement crus, l'essentiel du message ou, en tout cas, le point le plus important pour vous, et c'est un travail de longue haleine comme vous le savez, c'est de sensibiliser la commission, la population et le gouvernement au fait qu'il ne serait pas possible ou qu'il serait très difficile ou au moins injuste envers les contribuables de la communauté de continuer à fournir toute l'infrastructure qui est la vôtre sans qu'il y ait une contribution accrue des deux couronnes.

M. Des Marais II: Particulièrement, M. le Président, dans le domaine du transport en commun; on sort peut-être des préoccupations de votre commission, mais particulièrement...

Le Président (M. French): Non, mais je crois que ce sont vos préoccupations, par exemple.

M. Des Marais II: Oui; aussi, notre réflexion nous a amenés à nous dire qu'il ne fallait quand même pas s'en aller à l'extrême et que notre population continue à diminuer tel que les prévisions semblent l'indiquer. J'insiste beaucoup là-dessus, M. le Président, parce qu'au cours de nos travaux -

sans doute vos spécialistes pourront vous indiquer si nous avions raison ou pas - on s'aperçoit qu'on doit traiter les prévisions avec beaucoup de délicatesse parce que dans ce domaine on voit que les prévisions se modifient de façon très considérable sur de très courtes périodes. On est obligé de travailler avec ces prévisions-là mais on s'aperçoit par ailleurs qu'au niveau de notre territoire les gens sont là quand même. Il n'y a pas de logements vides, il n'y a pas de commerces vides, il n'y a pas d'édifices commerciaux vides, il n'y a pas d'édifices industriels en grande quantité qui sont vides. Alors, on se dit: Tout le monde est occupé, tout le monde est là, on occupe probablement plus d'espace qu'on en occupait il y a 50 ans; tout le monde est heureux.

Le Président (M. French): II n'y a pas de sous-utilisation, il y a le problème de répartition du fardeau fiscal par rapport à l'utilisation des services.

M. Des Marais II: Exactement.

Le Président (M. French): Je voudrais bien aborder un autre sujet, mais M. le député de Mille-Îles, qui a probablement entendu parler des deux couronnes, est très intéressé, parce qu'il représente un comté dans une des deux couronnes...

M. Champagne: J'aimerais que vous identifiiez réellement les deux couronnes.

Le Président (M. French): Les deux couronnes sont l'île de Laval, d'une part, et la rive sud, d'autre part.

M. Champagne: Ah, c'est cela. Je pensais que cela allait même aux Basses-Laurentides. Enfin, il s'agissait de délimiter les deux couronnes.

Le Président (M. French): C'est cela.

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le président de la communauté urbaine, d'avoir présenté votre mémoire. Je m'étais attardé à votre conclusion de la page 39. Vous avez présenté votre résumé ce soir, mais à la page 39 de votre mémoire - j'ai lu cela; cela m'a jeté un froid dans le dos - on dit: "Depuis au moins dix ans, tous les facteurs démographiques combinés convergent vers une baisse de la population du territoire de la communauté. " On donne les facteurs suivants, à savoir: "les taux de croissance de la population du Canada et de celle du Québec sont en baisse depuis 1951; l'accroissement démographique du Québec est en régression; les taux de croissance de la communauté sont en baisse; l'indice de fécondité est à la baisse; le centre-ville se dépeuple; le vieillissement de la population; le solde

migratoire négatif du Québec et de la communauté en termes de mouvements interprovinciaux; la contre-urbanisation. " Qu'est-ce que cela amène? Un affaiblissement de sa capacité de payer et d'utiliser des services publics du territoire.

Je ne suis pas resté indifférent, voyant une espèce de cri d'alarme que vous envoyez. Mais j'étais à me demander: Est-ce que la Communauté urbaine de Montréal, face à cette étude, à cette constatation et à cette prospective, a pris le taureau par les cornes, comme on pourrait dire? Je voudrais savoir ce que vous avez fait pour avoir une politique d'immigration pour qu'on revienne à la ville, ce que vous avez fait comme politique du logement. Je sais bien que j'ai entendu parler des 20 000 logements, mais qu'est-ce que cela a donné? Est-ce que cela ne réglera pas le problème? Je pousse plus loin, je ne sais pas si c'est du domaine de la communauté urbaine, est-ce que vous avez quand même, comme représentant de tout un grand territoire, une politique familiale?

M. Des Marais II: M. le Président, M. le député, tout d'abord il y a eu des efforts dans le domaine du logement qui sont la responsabilité de nos villes; ce n'est pas la responsabilité de la communauté que le logement. C'est la responsabilité des villes. D'ailleurs, c'est la ville de Montréal qui s'est lancée dans cette opération de 20 000 logements avec un bon succès; la ville a rentabilisé des terrains qui lui appartenaient ou qu'elle a acquis dans d'autres cas. C'est ce qui a permis une construction sans doute plus accélérée sur son territoire. Nos autres villes aussi ont continué à se développer, tout en se rappelant qu'il y en a plusieurs qui ont atteint le développement immobilier pratiquement ultime, par exemple, des villes comme Westmount, Outremont, Mont-Royal, Montréal-Nord. Ce sont des villes qui sont pratiquement complètement construites. Alors, on pourrait peut-être amener un peu plus de densité, mais pas beaucoup.

Le développement domiciliaire se répartira sans doute dans l'ouest de l'île où il y a encore un certain nombre de terrains disponibles, dans l'est, en particulier dans Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles où les développements... Mais, quand on regarde ces développements, qui ne sont pas dans des zones à haute densité, il faut bien dire que, sur un acre de terrain, on ne retrouve pas un très grand nombre d'habitants. Ce n'est probablement pas là, nécessairement, que cela réside. Il y a des opérations de rentabilisation de bâtiments qui sont en marche au centre-ville, où on retrouve aussi certaines personnes qui veulent vivre là dans des conditions différentes de celles de la périphérie ou de la banlieue. Cela dit, pour nous, je vous le répète, au niveau municipal, nous nous inquiétons que nous ayons moins de citoyens. Mais, au point de vue de notre richesse, on n'y a pas perdu, on y a trouvé notre compte. Quand on voit que le taux... Je mentionnais tantôt que le taux théorique de taxation des services de la communauté - services qui ont augmenté au cours des années puisque nous avons mis en marche, par exemple, notre usine d'épuration des eaux, ce sont des coûts qui n'existaient pas auparavant - a baissé. (19 h 45)

Vous nous demandiez ce que nous faisions. On le fait au chapitre du développement économique. La communauté a une responsabilité dans le développement économique, nous avons un Office d'expansion économique qui, en collaboration avec les villes, s'occupe de promouvoir, à l'extérieur de notre territoire - nous sommes présents presque partout dans le monde de façon occasionnelle - le fait que la Communauté urbaine de Montréal est un endroit intéressant pour s'installer, pour y faire des affaires, pour installer son usine et je pense qu'on l'a fait avec succès au cours des années.

Votre dernier point: qu'est-ce qu'on fait du domaine familial? Je dois bien avouer que, au plan collectif, ce n'est pas notre responsabilité, M. le Président.

Le Président (M. French): II faut dire que le président a fait sa part.

M. Champagne: Mais la Communauté urbaine de Montréal a quand même des responsabilités pour - je ne sais pas -favoriser l'emplacement de garderies et des services à la communauté au point de vue familial. C'est dans ce sens que se voulait ma question.

M. Des Marais II: M. le Président, c'est une responsabilité qui appartient aux villes. Ce n'est pas une responsabilité de la communauté. J'ai mentionné souvent - peut-être pour expliquer ma réponse - qu'il était important, chez nous, de bien déterminer les responsabilités de chacun. Les responsabilités qui sont de nature métropolitaine appartiennent à la communauté; les responsabilités qui sont propres aux villes sont assumées par les villes et sont bien assumées dans la plupart des cas. Ce que vous mentionnez - le cas des garderies - je sais que la plupart des villes ont rendu, par des modifications à leur règlement de zonage, possible l'établissement de garderies dans plusieurs secteurs. Je pense que nos villes, même si ce n'est pas notre responsabilité, ont fait ce qu'elles avaient à faire dans ce domaine.

M. Champagne: Cela peut aller assez loin quand même. Cela va jusqu'au contrevenant qui, à un moment donné, dans

des édifices à multiples logements - cela arrive, on entend parler de cela - n'accepte pas de familles avec des enfants. Enfin, je pense que la politique de la famille, en règle générale, soit dans des règlements, dans des services à la communauté et à la famille, dans la récréation, dans les parcs pour favoriser l'amusement des enfants - je ne veux pas vous donner une leçon - c'est une préoccupation de tous les citoyens et, à plus forte raison, d'une communauté urbaine et de tous les maires des municipalités.

M. Des Marais Il: M. le Président, M. le député a touché un sujet qui est le nôtre, qui est de notre responsabilité: les parcs régionaux. Nous l'assumons, notre responsabilité. Avec la collaboration financière du gouvernement du Québec, nous avons mis sur pied un programme de parcs régionaux, en laissant aux villes le soin d'assumer la responsabilité des parcs locaux. Nous avons acquis la majorité des terrains qui avaient été identifiés, nous avons adopté, tout récemment, un règlement d'emprunt pour nous permettre l'aménagement de ces parcs qui devrait être terminé dans les années qui viennent et qui répondrait sans doute à cette question que vous posez dans le domaine des parcs régionaux et du loisir.

M. Champagne: Je suis un Montréalais de naissance, j'ai émigré à Laval, j'allais demander ce que vous allez offrir à un ancien Montréalais - j'allais dire - pour me récupérer en voulant dire: Est-ce que Montréal - c'est bien sûr avec les 20 000 logements, cela a été une politique, cela peut être dans le domaine du transport... Qu'est-ce que vous allez faire pour récupérer les personnes qui ont été portées vers l'exode du centre-ville de Montréal ou d'autres? Est-ce que vous avez une politique à ce sujet?

M. Des Marais II: M. le Président, tous les gestes posés par la communauté urbaine et par les villes sont convergents, en ce sens que chacun, dans son domaine, veut améliorer la qualité des services, améliorer la qualité... Peut-être - si je prenais un exemple qui, comme tous les exemples, peut être boiteux - qu'il y a vingt ans quelqu'un voulait quitter le territoire de la Communauté urbaine de Montréal parce que, pouvait-on dire, l'atmosphère était polluée mais, aujourd'hui, ce n'est plus le cas et les indices de pollution, je suis convaincu, à Montréal, dans le centre-ville, ne sont pas plus élevés que dam les environs, que dans la couronne. C'est un problème qui a été réglé.

La question du transport routier. Il y a 20 ans, 25 ans, les autoroutes qui ont été construites depuis ce temps n'existaient pas. Elles existent aujourd'hui. Elles permettent évidemment de voyager sur le territoire; elles permettent aussi - et c'est le côté négatif - aux gens d'aller vivre à l'extérieur et de voyager plus rapidement. Nous avons un système de transport en commun qui est hors pair et dont on aura l'occasion de parler plus en détail dans les mois qui viennent pour indiquer comment, en comparaison pratiquement avec toutes les villes nord-américaines, nous avons le meilleur service, la plus grande qualité, la plus grande quantité de services. Ce sont ces choses que nous voulons mettre de l'avant pour indiquer aux gens: Si vous revenez à Montréal ou si vous voulez y demeurer, vous allez y trouver des avantages. C'est sûr que si vous voulez exploiter une ferme, quoiqu'il y en ait chez nous encore, ce n'est pas le bon endroit; mais venez si vous voulez vivre plus près des grandes activités, tout en n'étant pas dérangé, dans une ville et une communauté qui sont extrêmement sécures, il faut bien le dire - on peut se promener dans le centre-ville de Montréal à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit sans être molesté, de façon générale. Je pense que ce sont ces positions que nous allons mettre de l'avant afin d'indiquer que cela devient un bon endroit et, sans forcer les gens, parce que je crois à la liberté de tout un chacun d'aller vivre là où il le veut.

Il est sûr que des éléments comme -M. le Président, si vous me le permettez, cela ne fait pas partie du mémoire, mais étant donné les questions qui me sont posées par M. le député - l'élimination du péage sur les autoroutes, c'est quelque chose avec lequel, comme Montréalais, on ne peut pas être totalement en accord parce qu'on se dit que cela ne permet que l'étalement, puisque ce sera plus facile d'aller vivre plus loin à pas plus cher, si on n'est pas appelé à payer son écot. Je sais que nos concitoyens de Laval ne partagent pas cette opinion. C'est une décision qui n'est pas la nôtre, mais il faut bien constater que cela n'aide pas le territoire de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Champagne: Vous pourriez avoir une réponse à cela, M. le président de la Communauté urbaine de Montréal, si vous acceptiez d'avoir une carte intermodale au point de vue du transport. Peut-être que les Lavallois qui ne paieraient qu'un transport auraient plaisir à aller au centre-ville le plus souvent possible.

Une voix: Vous ne vivriez pas là?

M. Champagne: Un dernier élément, M. le Président. Vous parlez aussi du vieillissement de la population. En 1981, c'était 11, 5 % et, en 1996, ce sera 17 %. Sûrement que cela aura quand même un impact sur le territoire. Avez-vous fait des

études à ce sujet? Qu'est-ce que vous pensez mettre en place au point de vue des services, considérant que la population sera vieillissante dans quelques années, dans un pourcentage assez élevé?

M. Des Marais II: De mémoire, il n'y a pas de services particuliers. Encore une fois, ce n'est pas une responsabilité de la communauté. Dans nos villes, se développent, au fur et à mesure, des activités qui s'adressent plus particulièrement à ces gens. Que ce soit des jardins communautaires qui sont réservés à des gens du troisième âge, ou la possibilité de construire des maisons pour des personnes du troisième âge, cela s'est fait au cours des années.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Si vous le voulez bien, on va rester dans la conclusion. C'est vrai que le début de la conclusion était un peu pessimiste, mais à la page 40 vous vous ressaisissez très bien. Vous demandez un peu d'aide des gouvernements, qui vous a été fournie, d'ailleurs, comme vous le dites dans le premier paragraphe, pour des infrastructures vraiment importantes et coûteuses. Vous voulez qu'il y ait du monde pour exploiter le plus possible ces infrastructures.

Dans le paragraphe suivant, vous faites votre choix pour vous-même. Vous nous dites que la communauté a choisi et préconise la consolidation du tissu urbain à l'intérieur du périmètre urbanisé actuel et le réaménagement accéléré de l'île de Montréal. C'est tellement simplifié que j'aimerais que vous développiez un peu votre choix pour garder et augmenter si possible notre population.

M. Des Marais II: Cela se retrouve tout d'abord dans une décision du gouvernement du Québec quant à l'option préférable d'aménagement de l'île de Montréal qui est le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Cela a été exprimé au début de 1977 par le gouvernement du Québec. Les gestes qui ont été posés depuis ce temps étaient en concordance avec cette expression d'opinion. Où on retrouve particulièrement notre niveau, c'est dans les propositions du schéma d'aménagement qui permettent ou qui favorisent cette consolidation du territoire et qui empêcheraient un étalement plus grand.

Comme vous le savez, le schéma d'aménagement a fait l'objet de longues discussions et d'études avec mes collègues du conseil de la communauté; c'est un processus qui est long, complexe mais qui avance bien et qui nous mènera vraisemblablement à une adoption finale l'an prochain. Si cela se développe de la façon dont cela a été accepté de façon préliminaire, on retrouvera dans le schéma d'aménagement cette consolidation du tissu urbain pour notre territoire. C'est un peu ce que ce court paragraphe veut dire.

M. Hains: Je vous rends hommage et je rends hommage aussi à mon bon compagnon, M. Yvon Lamarre. C'est que depuis quelques années Saint-Henri n'est presque plus reconnaissable. Les gens me disent, des fois: Ne me dis pas que tu es député de Saint-Henri, en voulant dire: Tu n'as pas choisi le plus bel endroit. Je leur dis alors: Revenez dans Saint-Henri et vous allez voir que Saint-Henri, depuis quinze ans, n'est plus reconnaissable. Je me dis que dans quinze ans cela deviendra un endroit sélect de Montréal tout aussi bien que Westmount. Voyez-vous?

M. Des Marais II:... espère-t-on.

M. Hains: Cela dit, vous continuez, à la fin de votre conclusion, et vous demandez encore une plus grande coopération au point de vue gouvernemental. Est-ce que vous pourriez là aussi nous dire un peu en quoi vous aimeriez que le gouvernement davantage vous aide davantage?

M. Des Marais II: Je dois dire encore une fois, après cette déclaration du gouvernement de l'option préférable d'aménagement et les gestes qui ont été posés, qu'on considère qu'il y a eu convergence. C'est simplement de rappeler, à l'occasion du dépôt de ce mémoire, au gouvernement que, l'île de Montréal, le territoire de la Communauté urbaine de Montréal étant le moteur économique du Québec, il faut se poser la question si en fonction de cette diminution de population on voit là des signes d'affaiblissement. Si oui, quels gestes faudrait-il poser? Je pense que c'est plutôt au gouvernement de déterminer lui-même ce qu'il veut faire. J'ai mentionné tantôt qu'au niveau municipal, peut-être très égoïstement, on s'aperçoit que notre économie et notre actif se sont améliorés au cours des dernières années. Si on était venus ici vous présenter des statistiques qui indiquaient que notre potentiel fiscal, que notre rôle d'évaluation avait diminué de 50 %, soit par une diminution de la valeur des propriétés ou la démolition, je pense qu'on serait beaucoup plus inquiets que nous le sommes actuellement. C'est simplement pour situer et rappeler cette baisse de population qui est importante à ce point que votre commission a décidé de se pencher sur cette question.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Jean? Non? Je voudrais poursuivre dans les traces de mes deux collègues. Je ne

veux pas vous acculer au pied du mur, mais il me semble qu'il y a une curieuse inégalité entre le mémoire et l'intervention du président de la Communauté urbaine de Montréal, en ce sens que le mémoire nous invite à réfléchir de façon assez soutenue sur un avenir démographique et sur un passé immédiat, qui est aussi évoqué, qu'ici tout n'est pas noir, mais ce n'est certainement pas un avenir comparable à celui de la ville de Toronto. En gros, avec les inconvénients et les avantages, si, sur le plan démographique et économique, Montréal semblait avoir un avenir semblable à celui de Toronto, je pense que tout le monde serait un peu moins inquiet. Ce n'est pas que je dis qu'elle fait mieux que nous dans le sens qu'il y aurait des vertus intrinsèques, inhérentes à Montréal par rapport à Toronto, et vice versa. C'est plutôt qu'il y a là matière à réflexion importante.

Cependant, il me semble que par votre présence ce soir vous reculez devant nos tentatives de vous inviter à nous aider quant au problème de la population de la région de Montréal. De ce qu'on peut toucher et comprendre en tant qu'homme politique ou femme politique, c'est surtout le problème de payer les services du transport en commun de la région de Montréal, ce qui est un problème important, mais qui n'épuise pas, il me semble, tous les enjeux de l'avenir démographique de l'île de Montréal.

Peut-être que cela aiderait si je vous invitais à commenter à titre personnel et non pas à titre de président, si je vous assurais que la commission - et, j'espère, la presse qui nous écoute - ne considère pas ce que vous dites en réponse comme une politique de la communauté, mais plutôt comme une opinion personnelle ou les idées personnelles du président. (20 heures)

Encore une fois, je vous invite à nous faire part, au-delà de la question des relations fiscales entre les couronnes, les villes de banlieue et l'île de Montréal, si vous pouvez nous offrir d'autres idées, d'autres pistes que nous pourrions suivre en tant que commission afin de renverser un peu les tendances démographiques qui se dessinent à la fin de votre mémoire. Après tout, vous évoquez, par exemple, que, depuis cinq ou dix ans, la ville de Toronto a repris 1 % de l'importance relative dans la population du Canada que la ville de Montréal a perdue. J'ai été frappé par cette consonance, même si je sais qu'il n'y a aucune relation de cause à effet démontrée, mais il n'est pas difficile d'en faire une hypothèse et vous faites quasiment dans votre mémoire la même hypothèse que celle que j'évoque.

Il me semble que ça devrait nous inquiéter et inquiéter plus particulièrement le président de la communauté urbaine. Je vous rappelle que le maire de Westmount n'est pas équipé pour réfléchir là-dessus. Même l'administration de la ville de Montréal n'est pas très équipée pour y contribuer. Il me semble que, s'il y a une entité autre que le gouvernement de la province qui peut parler pour la région montréalaise, elle est devant nous. Je vous invite, tout en répétant que je ne vous invite pas à nous donner les politiques établies, discutées et acceptées par tous les intervenants de la communauté, à nous donner vos idées personnelles ou les hypothèses qu'on peut émettre, même sans les endosser devant ce genre de problématique.

M. Des Marais II: Je vous remercie, M. le Président, mais vous savez qu'il est difficile de dissocier un intervenant, particulièrement à une commission... Je ne suis pas ici comme individu mais particulièrement à titre de président du comité exécutif de la communauté.

Je dois vous avouer que je ne pourrai pas vous répondre, ni à titre personnel, ni dans le poste que j'occupe, et voici pourquoi. Dans un premier temps, cette réflexion, aidée par des techniciens, s'est amorcée chez nous il n'y a que quelques années. Les outils dont nous disposons, nous ne sommes pas sûrs qu'ils soient complètement exacts. Souvent on se pose des questions sur Ies dix ans de recensement. La comparaison avec Toronto, je l'ai étudiée pour comparer par exemple les zones de recensement. Quand on dit Toronto et Montréal, comme vous le savez, M. le Président, on ne parle pas de la ville de Toronto ou de la ville de Montréal, ni de la région métropolitaine de Toronto ou de la Communauté urbaine de Montréal. On parle d'une zone de recensement selon des critères déterminés par les spécialistes. On s'aperçoit que d'un recensement à l'autre ces zones varient légèrement. Elles incluent ou pas certaines agglomérations à l'extérieur du territoire selon, si je me rappelle bien, le critère d'un certain nombre de personnes qui oeuvrent dans ces secteurs dans le territoire central.

Je dois vous dire que nous n'avons pas complété cette démarche et ces études pour déterminer en fonction de quoi, par exemple, 1000 citoyens d'une agglomération en périphérie dans le recensement d'il y a dix ans ne se retrouvent plus aujourd'hui dans la zone de recensement de Montréal ou de Toronto parce qu'ils travaillent chez eux, qu'une usine s'est construite là, etc. On n'a pas complété notre réflexion là-dessus et nous allons sans doute continuer à nous pencher là-dessus.

D'autre part, je vous répète, M. le Président, et j'ajoute ce renseignement additionnel, que, quand je vous parle de notre valeur foncière, on s'inquiète moins parce que des statistiques nous indiquent

aussi que notre taux d'émission de permis de construction sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal est le double, depuis les deux dernières années, de n'importe quel autre territoire au Canada.

Le Président (M. French):...

M. Des Marais II: En pourcentage, en chiffres de dollars d'évaluation.

Le Président (M. French): En chiffres de dollars d'évaluation potentielle d'un bâtiment construit.

M. Des Marais II: Exact. On pourrait dire que tous les permis émis ne mèneront pas nécessairement aux bâtiments éventuellement. Il y a des gens qui vont chercher un permis et qui ne construisent pas, mais cela vaut partout. L'un portant l'autre, c'est aussi bon à Halifax qu'à Vancouver ou à Toronto. Quand on parle du double, on peut se dire que notre territoire est en plein développement.

Notre développement économique est présent. C'est peut-être un peu pour ça que, quant à la question démographique, on se dit: Bon, il y a moins de monde, mais ce n'était pas pour nous une question très très prioritaire. C'est une question qui nous préoccupe, nous allons continuer notre réflexion là-dessus et en faire part à cette commission ou à qui de droit en temps utile. Encore une fois, l'exercice du schéma d'aménagement nous a amenés, pour la première fois, à faire un peu une projection au niveau de la communauté, au niveau de nos villes et cet exercice n'est pas terminé, il prend du temps, mais c'est peut-être mieux que cela prenne du temps, que cela se fasse bien pour que nous ayons des données qui soient exactes.

Le Président (M. French): Je retiens que ce qui préoccupe surtout la Communauté urbaine de Montréal - et je soupçonne que ce sera la même chose pour la Communauté urbaine de Québec - c'est la conscience démographique avec laquelle le gouvernement supérieur essaie de diviser ou de répartir les coûts de l'agglomération montréalaise. Vous voudrez demander aux décideurs d'être très conscients des réalités démographiques au-delà de ce que l'histoire nous a légué en termes de municipalités structurées ou de communautés urbaines structurées. Autrement dit, notre structure est toujours de dix à quinze ans en arrière des réalités démographiques et des réalités du transport et tout cela. Vous nous invitez, je pense, à être très conscients de cela; d'une part, à respecter les axes de développement que vous avez identifiés dans notre schéma d'aménagement et, d'autre part, à être très conscients, surtout pour ce qui est du trans- port en commun, de la répartition du fardeau du coût du réseau.

M. Des Marais II: M. le Président, c'est de rappeler cela et de rappeler aussi - parce qu'on s'imagine que les gens sont toujours bien au fait - l'importance du moteur économique que sont l'île de Montréal et le territoire de la Communauté urbaine de Montréal pour le Québec.

Le Président (M. French): Là, vous ouvrez encore la porte que je veux vous voir franchir et vous refusez de le faire. Oui, je veux bien la promotion économique, c'est d'accord... J'ai remarqué cela, M. le député. Mais j'imagine, par exemple, que, devant une population vieillissante, vous auriez pu nous dire que la communauté voudrait voir un gouvernement provincial plus agressif sur le plan de l'immigration et que cela vous aiderait, surtout si c'étaient des immigrants investisseurs, avec la possibilité de créer des marchés, marchés qui vont changer radicalement si la structure et l'âge de la population continuent de changer. Après tout, vous avez une industrie du vêtement très importante qui, avec le vieillissement et certains changements technologiques et tout cela, est menacée. On peut imaginer qu'une population plus jeune serait meilleure pour cette industrie. J'émets des hypothèses "off the top of my head". Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Je peux imaginer un certain nombre de choses que vous pourrez nous dire à partir de l'analyse de vos besoins économiques dans laquelle entreraient des données démographiques qui alimenteraient nos réflexions.

M. Des Marais II: M. le Président, je solliciterai une invitation à poursuivre vos travaux pour répondre à cette question-là.

Le Président (M. French): Une dernière question de ma part. Certaines villes américaines ont vécu un peu le même genre de problèmes. Avez-vous étudié un peu ce qu'elles ont fait pour freiner les problèmes qu'on a évoqués ou essayer de rebâtir les centres-villes comme "contre-attractions"? Cela vous concerne-t-il? Est-ce surtout la ville de Montréal qui est concernée?

M. Des Marais II: M. le Président, si on regarde les villes américaines qui ont subi beaucoup plus que nous des exodes de population et particulièrement une détérioration de la qualité de la vie dans leur périmètre - je n'ai pas l'intention de nommer des villes, nous les connaissons tous les villes américaines où cela s'est réellement détérioré - on s'est aperçu qu'il y avait dans certains cas des promotions technologiques qui ont aidé l'économie du lieu, mais, si on visite ces villes-là, on

s'aperçoit que c'est par l'amélioration de la qualité de la vie, la construction, l'amélioration des infrastructures, l'ouverture vers les plans d'eau, quand il y en a, que ce soit l'océan, les lacs et les rivières, la revitalisation des vieux ports, les activités de loisirs qui sont plus importantes... Si on les prend une à une, on s'aperçoit que là où cela a recommencé à fonctionner, c'est que ces éléments-là se sont retrouvés. Chez nous, nous avons l'avantage que cela ne s'est pas détérioré de façon considérable. On a vu une amélioration constante de la qualité de la vie sur notre territoire, avec une rapidité plus ou moins grande, selon les périodes, des constructions d'infrastructure, des ouvertures, etc., qui font encore une fois que nos concitoyens... On pourrait dire que le fardeau fiscal est important pour celui qui veut s'installer, mais beaucoup plus l'environnement dans lequel il est, lui et les siens, fait que cela l'intéresse plus de s'installer dans le centre-ville de Montréal, dans le Vieux-Montréal, à Pointe-Claire, à Montréal-Est, dans Westmount, à Outremont, etc. C'est là où on se sent le mieux à des coûts à peu près équivalents. Quand les coûts sont équivalents - c'est un peu pour cela que je vous mentionnais tantôt la question du transport en commun - il faut que ces coûts demeurent. Les gens ont tendance à aller là où il y a le plus d'attractions et nous pensons que, sur le territoire de la communauté, c'est là où il y a le plus d'attractions, sans doute.

Le Président (M. French): Certains intervenants, des démographes surtout, qui sont venus devant nous ont évoqué - je reviens à ma première question - la perte de population du centre-ouest de Montréal par les migrations interprovinciales. Ils disaient qu'on ne sait pas vraiment pourquoi cette perte s'est faite, mais que, sûrement, cela a affecté et affectera beaucoup l'avenir de la communauté urbaine. Je veux bien que votre base de taxation reste relativement forte. N'est-il pas inquiétant de voir 100 000 personnes par quinquennat partir? Quelle attitude la Communauté urbaine de Montréal adopte-t-elle devant ce phénomène? Est-ce qu'elle essaie tout simplement de reconnaître cela et de dire que c'est essentiellement la responsabilité d'une autre juridiction? Est-ce que la communauté serait prête à endosser des mesures plus agressives pour garder ces personnes-là? Je vous pose la question et je ne veux pas vous faire parler de choses que vous trouvez trop controversées.

M. Des Marais II: Pas du tout, M. le Président. Dans ce domaine, nous avons assumé une responsabilité. Nous avons trouvé que certains de nos concitoyens se posaient des questions sur la qualité de la vie sur notre territoire pour toutes sortes de raisons qui dépassaient, dans certains cas, de beaucoup la responsabilité municipale. Nous avons produit un film qui donne des témoignages de gens qui vivent ou qui sont venus vivre sur le territoire de la communauté. C'est un film qui, si votre commission décidait de le visionner, est très intéressant. Je pense que c'est un film d'une durée de 15 ou 20 minutes. Il fait dire - ils le font de façon absolument libre - à des gens qui travaillent soit dans des industries de haute technologie, soit dans le domaine bancaire: "I love being here", "J'y suis depuis cinq ans, depuis dix ans, depuis quinze ans", "C'est un endroit extraordinaire", "Je me trouve bien dans mon milieu de travail", "Je me trouve bien comme professionnel". Il y a un ingénieur, entre autres, dans le film qui vient dire comme il se trouve dans une atmosphère, dans son bureau d'ingénieur qui a une vue "mondiale", à toutes fins utiles, comme il est bien et comme il est bien, lui et sa famille, dans le centre-ville de Montréal, là où il réside, dans sa maison. Nous avons huit ou dix témoignages de cet ordre-là. Au niveau personnel, nous sommes intervenus et nous présentons ce film sur Montréal. Ce film est utilisé par des industries, des entreprises qui ont à faire bouger du personnel de différentes provinces ou de différents pays.

Nous avons aussi publié une brochure qui s'appelle Décision Montréal. Des présidents de grandes sociétés qui oeuvrent à Montréal nous ont donné des témoignages absolument extraordinaires sur la façon dont on faisait les affaires chez nous, la qualité de la vie, tout ce qu'ils y retrouvaient. Évidemment, chaque ville fait sa promotion économique, mais je dois dire qu'en comparaison avec toutes sortes de dépliants que j'ai vus de toutes sortes de villes, en particulier en Amérique du Nord, c'est probablement - je le dis sans fausse modestie celui dans lequel on retrouve les témoignages les plus sincères et les plus importants. Dans ce domaine, à notre office d'expansion économique, nous sommes très actifs pour montrer ce que nous avons. Une fois qu'on l'a montré et démontré, on s'aperçoit que les gens viennent investir, viennent vivre à Montréal, viennent chez nous.

On a beaucoup parlé de l'évolution du centre des affaires du Canada vers Toronto, et je suis sûr que vous en avez parlé avec de plus grands spécialistes que moi, mais c'est un mouvement nord-américain. On l'a vu de Boston à New York vers Chicago, vers la côte ouest. Je pense que, dans cette évolution, Montréal, la Communauté urbaine de Montréal et tout notre environnement se retrouvent - nous le voyons aujourd'hui - et se retrouveront en très bonne situation dans un endroit où il fera extrêmement bon vivre et où on va retrouver tous les services, à

toutes fins utiles. (20 h 15)

Évidemment, on ne retrouvera pas les mines - on ne retrouvera pas cela chez nous - mais on va retrouver les services financiers normaux. Il y en aura à Toronto, il y en aura ailleurs. On a vu au cours des dernières années l'expansion de la Bourse de Montréal, qui vient de l'initiative de certaines personnes. On a vu que nous étions présents dans ces domaines. On a vu l'évolution des Québécois qui se sont intéressés aux choses que nous offrons, qui sont à Montréal aujourd'hui dans des domaines où ils étaient absents il y a plusieurs années. Alors, à mon avis, notre territoire aujourd'hui, pour les gens qui y vivent, est favorable, de meilleure qualité qu'il l'était il y a25 ans et de moins bonne qualité qu'il le sera dans 25 ans, j'en suis convaincu, M. le Président.

Le Président (M. French): Je retiens de cela un refus de l'alarmisme ou du pessimisme et un optimisme que je partage entièrement sur le plan économique quant à l'atmosphère pour le monde des affaires à Montréal, à la Communauté urbaine de Montréal.

Une autre question. Le vieillissement de la population de la CUM doit avoir des implications importantes, il me semble, sur le schéma d'aménagement et le développement de la ville. Est-ce que cela a été -c'est peut-être à M. Gravel de répondre - un facteur important dans... Est-ce que cela entre encore en ligne de compte ou est-ce que c'est trop prématuré d'essayer de voir toutes les implications de ce phénomène qui est nord-américain mais qui est aigu, comme vous le démontrez dans votre mémoire, pour la Communauté urbaine de Montréal?

M. Gravel (Guy): Oui, M. le Président, comme mon président le disait tantôt, le schéma d'aménagement est en cours de fabrication. C'est un document évolutif. Nous avons déposé une version préliminaire. C'est un document qui se raffine. La version définitive sera produite dans quelques mois. Évidemment, ces données qui vous sont présentées ce soir sont raffinées continuellement. Les études se poursuivent. Nous savons que le vieillissement de la population commande, par exemple, des équipements qu'on ne retrouvait peut-être pas en aussi grand nombre sur notre territoire. Ces choses font l'objet de nos préoccupations.

Quand je parlais tantôt d'accessibilité d'un plus grand nombre de citoyens, par exemple, à des équipements de transport, d'une part pour les rentabiliser et d'autre part pour les rendre accessibles à ces gens qui en ont le plus besoin, c'est un petit peu plus loin dans le schéma d'aménagement et surtout vers la version définitive qu'on retrouvera une volonté de répartir ces nouveaux équipements ou ces équipements additionnels et de les conjuguer avec des éléments qui sont déjà en place, toujours avec le but ultime que poursuit le schéma d'aménagement d'améliorer cette qualité de la vie sur l'ensemble du territoire.

Je comprends qu'uniquement l'ensemble de la population de la communauté ne devrait pas avoir ces équipements à sa charge. Je pense qu'il va falloir à un moment donné se pencher sur des phénomènes comme ceux-là où des populations vieillissent plus rapidement dans certains secteurs et les populations jeunes se retrouvent ailleurs. Il faut, je pense bien, créer un équilibre et, quand cet équilibre sera atteint, je pense qu'on aura une mosaïque qui rendra la vie d'autant plus intéressante. Je ne peux pas aller plus loin que cela ce soir, mais cela fait partie de l'ensemble des préoccupations qu'on voudra retrouver dans nos propositions à venir.

Le Président (M. French): Merci, M. Gravel. M. le président, avez-vous quelque chose à ajouter? Alors, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je voulais seulement dire ceci. Au point de vue du dépeuplement de la ville et de la communauté, on peut dire qu'on demeure un peu inquiet. Au point de vue de la valeur foncière, vous en êtes très très fier, je pense bien, et cela va de mieux en mieux. Votre choix est donc d'améliorer surtout la qualité de vie. C'est marqué ici: "Pour attirer de nouveaux résidents et, en même temps, garder ceux qu'on a. " Et, pour cela, vous bâtissez beaucoup. On rénove le milieu. Il y a des arbres, des fleurs, des parcs, le port, tous les équipements culturels. Les gouvernements, comme on le disait aussi, investissent beaucoup dans les grosses infrastructures. Je vous demande combien de temps vous vous donnez, messieurs, pour réaliser ce beau plan de réaménagement afin qu'on puisse dire un jour que la fierté a une communauté, celle de Montréal.

M. Des Marais II: M. le Président, je pense qu'on pourrait dire aujourd'hui que cette fierté se retrouve partout sur le territoire. Il faut bien dire que tous les éléments que vous avez mentionnés, M. le député, sont déjà en cours. Si on venait ici en vous disant: Nous avons un beau plan, nous allons commencer demain et, dans X années, ce sera terminé, on dirait: peut-être. Mais, tout ce que nous avons mentionné, c'est en cours. L'intervention des gouvernements supérieurs se fait depuis plusieurs années. Il s'agissait un peu de cadrer ces activités; le schéma d'aménagement va le faire. Il y a de ces éléments qui dépendent tellement de la volonté ou des disponibilités financières des deux autres gouvernements, à

toutes fins utiles, que je ne pourrais pas répondre et que je serais bien malvenu de fixer un échéancier quelconque; on va le faire à la limite des capacités financières de ceux qui participent au financement et de notre participation aussi.

Par exemple, quand on a décidé d'aller de l'avant avec l'aménagement de nos parcs régionaux, nous n'avons pas attendu que le gouvernement du Québec nous indique qu'il voulait y participer très clairement. On nous a dit oui, à un moment donné mais, au moment où on se parle, notre règlement est adopté et nous pourrions procéder à ces investissements et il n'y a pas d'engagement du gouvernement du Québec d'y aller. Nous avons démontré que nous pouvions assumer nos responsabilités. Si le gouvernement du Québec - et nous l'espérons - à travers les différents programmes - par exemple, Archipel ou d'autres - vient collaborer, cela nous permettra d'en mettre un peu plus ou d'accélérer. À mon avis, nous sommes en bonne voie.

Prenons le cas de l'épuration des eaux, par exemple. C'est un programme qui devrait se terminer dans cinq ans, à peu près. Déjà, la rivière des Prairies, qui est, au point de vue de l'utilisation, le plan d'eau le plus important, a commencé à se nettoyer. Le lac Saint-Louis, rapidement, quand le premier intercepteur sera en marche, d'ici quelques années, commencera à se nettoyer et le fleuve Saint-Laurent par la suite. L'épuration des eaux, cela sera fait.

J'ai parlé de la qualité de l'air, c'est déjà fait, c'est réglé. Les infrastructures de transport: il ne nous reste, à toutes fins utiles, que deux lignes importantes sur lesquelles portent nos discussions: la ligne 7, dans l'axe du boulevard Pie-IX, et la ligne 3, sur la ligne du CN. Le développement du centre-ville se fait bien. Il y a des projets. Le gouvernement du Québec a adopté un décret, récemment, pour se pencher sur la question des abords de l'autoroute Ville-Marie, à l'est du Palais des congrès, c'est un projet très important; a un moment donné, il y a certainement des choses qui vont se faire là. Tout est, soit terminé, ou fort bien amorcé. Je pense qu'il n'y a pas un seul projet dont on pourrait dire aujourd'hui: On n'a rien fait dans ce domaine et nous allons commencer demain. Nous avons, ou complété, ou commencé la plupart des projets qui mèneront à l'amélioration de cette qualité de vie sur notre territoire.

M. Champagne: Je pense qu'il faudrait même ajouter que le gouvernement va faire en sorte aussi de favoriser un centre banquaire international, éventuellement, un parc agro-alimentaire et une salle de concert. Il ne faudrait peut-être pas arrêter la nomenclature à ce sujet. Je pense que ce sont tous des éléments qui vont rendre davantage Montréal accueillante et la progression démographique va se faire sentir aussi; on va l'espérer.

M. Des Marais II: M. le Président, mon énumération n'était pas limitative et il y en a sans doute d'autres. Ce qui serait intéressant - je pense que même les spécialistes que nous consulterions aujourd'hui ne pourraient pas nous donner la réponse -c'est quels vont être les effets de tous ces gestes, dans cinq ans, dans dix ans? On verra. On ne peut que penser que ce sera mieux, mais on verra.

M. Hains: Le rêve, par conséquent, c'est que nos familles soient heureuses et nous donnent beaucoup de nouveaux petits Montréalais.

Le Président (M. French): M. le président, MM. Campeau, Gravel et Gamache, on vous remercie. Nous allons suspendre pour une couple de minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 24)

(Reprise à 20 h 28)

Communauté urbaine de Québec

Le Président (M. French): Je souhaite la bienvenue à nos amis de la Communauté urbaine de Québec.

M. Rivard, je vais vous inviter tantôt à présenter vos compagnons, mais je voudrais dire, bien que vous sachiez, je pense, qu'il n'y a pas de député de la région de Québec ici, que ce n'est pas pour autant que nous ne sommes pas hautement intéressés par ce que vous avez à dire. J'ajouterai que nous n'avons pas pu étudier votre mémoire. Alors, je vous prierais d'aller relativement lentement pour qu'on puisse tous assimiler. Vous avez vécu avec, mais pour nous c'est du tout neuf. Donc, cela nous aiderait beaucoup si vous pouviez aller lentement et peut-être -je sais que ce n'est pas long - nous permettre d'assimiler cela au fur et à mesure.

M. Rivard (Michel): Avant de présenter mes collègues, je dois quand même dire que beaucoup de problèmes qui ont été exposés par mon collègue de la CUM sont les problèmes également de la CUQ, ce qui veut dire que les deux mémoires se ressemblent étrangement.

M. le Président, messieurs les députés, madame, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Maurice Bergeron, directeur général de la Communauté urbaine de Québec; à l'extrême droite, M. Edouard Lafrance, urbaniste qui

travaille au Service d'aménagement du territoire de la Communauté urbaine de Québec, et finalement, à ma droite immédiate, M. Jean Guyard, urbaniste, directeur du Service d'aménagement du territoire. Alors, on va y aller lentement comme vous me l'avez suggéré, M. le Président.

L'intérêt manifesté par la Communauté urbaine de Québec à l'égard des diverses composantes de son territoire remonte aux premières heures de son existence. En effet, la CUQ s'est engagée dès 1970 à la réalisation d'inventaires techniques et d'études portant sur les caractéristiques physiques, socio-économiques et démographiques de son territoire.

Ayant obtenu, en 1978, du législateur québécois une confirmation de ses pouvoirs habilitants en matière d'aménagement du territoire, la CUQ complétait dans le cadre de la préparation de son schéma d'aménagement différents travaux et analyses. Elle développa, entre autres, avec la participation de chercheurs de l'Université de Montréal, un modèle de projections démographiques à micro-échelle. Révisées à plusieurs reprises pour tenir compte des données disponibles, le Service d'aménagement du territoire rendait publique, en janvier 1984, une nouvelle version des projections de population de la région métropolitaine de Québec.

Le présent mémoire tentera de sensibiliser les membres de la commission sur les particularités de l'évolution démographique du territoire de la région métropolitaine de Québec et, plus spécialement, de la Communauté urbaine de Québec et de ses municipalités constituantes.

De plus, une analyse comparée et critique des projections de population réalisée par le Bureau de la statistique du Québec et la Communauté urbaine de Québec sera présentée dans le but d'évaluer les effets prévisibles de tels résultats opposés sur le public en général.

En dernier lieu, la Communauté urbaine de Québec soumettra, pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire sur la culture, des propositions d'interventions, eu égard aux remarques soulevées lors de l'analyse critique des perspectives démographiques du BSQ et de la CUQ.

L'évolution démographique de la région métropolitaine de Québec: ses caractéristiques et ses problèmes. L'analyse des données rétrospectives de population pour l'ensemble de la Communauté urbaine de Québec et de la région métropolitaine de Québec (RMQ) laisse entrevoir des changements importants, tant au niveau du rythme d'accroissement de la population que de la répartition de celle-ci sur ces territoires. Les périodes 1956-1961 et 1961-1966 furent celles où la région métropolitaine de Québec connut ses plus forts taux d'accroissement de population. Or, depuis 1966, on enregistre une diminution substantielle de la progression de la population pour l'ensemble de cette région. Cette réduction du rythme suit d'assez près les comportements observés dans ce domaine dans les principales agglomérations urbaines du Québec. Je pense que M. Des Marais II l'a démontré clairement.

Par ailleurs, il est possible d'observer depuis 1966 une distribution spatiale fort différente de la croissance générale de la population par rapport à celle observée au cours des années antérieures. La répartition des volumes d'accroissement dans l'ensemble du territoire de la région métropolitaine de Québec met en évidence la diminution de la progression de la population sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec au profit des territoires qui lui sont adjacents. Entre 1956 et 1961, la CUQ accaparait à elle seule près de 83 % de l'accroissement total de population de la région métropolitaine de Québec. Le recensement de Statistique Canada de 1981 indique que la Communauté urbaine de Québec n'a absorbé, entre 1976 et 1981, que 33 % de l'accroissement total de la population du territoire de la région métropolitaine de Québec. À l'opposé, la rive sud de Québec continue d'augmenter substantiellement sa performance en attirant sur son territoire plus de 50 % de l'augmentation totale de la population de la région métropolitaine de Québec.

À cette évolution particulière de la répartition des accroissements de population sur le territoire de la RMQ, s'ajoutent des changements inquiétants dans la distribution géographique de la croissance à la CUQ. En effet, des variations importantes de population s'observent à travers plusieurs territoires de la communauté. Le dernier recensement fédéral de 1981 met en évidence l'accélération du processus de dépeuplement de la région urbaine centrale. L'envergure du phénomène provoque de sérieux problèmes d'ajustement tant au niveau de la gestion courante des affaires publiques qu'au cours des exercices de planification des principales composantes du territoire urbanisé. Il laisse également perplexes autant les administrateurs élus que les planificateurs, face à l'éventualité d'un réajustement à court terme des tendances observées en ce domaine.

Par ailleurs, cet exode de la zone urbaine centrale de la CUQ affecte d'une façon plus précise certains secteurs des municipalités constituantes. Une diminution de 52 000 personnes enregistrée dans les anciennes limites de la ville de Québec entre 1956 et 1981 traduit l'ampleur, sinon la gravité, de ce phénomène. Je vous invite à prendre connaissance du tableau dans la page de gauche. On se rend compte qu'entre 1971 et 1981 la population s'est accrue de 36 740;

par contre la zone urbaine centrale a diminué de 31 700, alors que la zone périphérique s'est engraissée de 64 160 citoyens, la zone rurale et forestière, de plus de 4280.

Souvent interprété comme le résultat inévitable de la mise en place d'infrastructures autoroutières dans le territoire de la CUQ et de la région métropolitaine de Québec, ce transfert de la croissance démographique ne devrait pas, dans l'état actuel des choses, se résorber ni s'atténuer à court terme. En fait, certains espaces situés à l'extérieur de la zone urbaine centrale de la communauté demeureront encore longtemps attractifs, compte tenu principalement de leur excellente accessibilité routière avec les principaux pôles d'emplois et de services de son territoire.

Quoiqu'un certain essoufflement puisse s'observer à moyen terme quant à la part de croissance captée par les municipalités de la rive sud, il semble cependant assuré que l'ouverture récente des autoroutes de la rive nord - de la 440 en 1977, de Henri-IV en 1976, de la Capitale en 1975 et de l'autoroute Montmorency en 1983 - est suspectible de contribuer de nouveau, au cours des prochaines années, à cette forme d'essaimage de la population à l'extérieur de la partie centrale de la CUQ.

Les ménages. À l'instar des tendances observées en ce qui a trait aux accroissements de la population sur le territoire de la CUQ et de la région métropolitaine de recensement de Québec, les dernières statistiques sur les ménages révèlent dans les derniers recensements de 1971, 1976 et 1981 des signes importants de changements au sein de notre collectivité.

D'abord, la répartition depuis 1971 du nombre de ménages à travers les différents secteurs compris à l'intérieur de la région métropolitaine de Québec témoigne d'une évolution tendancielle jugée défavorable au poids et à l'importance reconnue à la CUQ dans l'échiquier régional. En effet, la répartition des ménages pour chacun des secteurs compris à l'intérieur de la région métropolitaine de Québec, suivant les années 1971, 1976 et 1981, met clairement en évidence les particularités de cette évolution tendancielle. Quoique la diminution en valeur relative de l'accroissement du nombre de ménages sur le territoire de la CUQ demeure moins marquée que celle observée en ce qui a trait à la population, cette baisse traduit néanmoins un malaise, une inquiétude que l'on peut difficilement nuancer. En fait, il est reconnu qu'une baisse relative de l'accroissement du nombre de ménages se traduit inévitablement au plan pratique par une baisse de l'accroissement de la demande de logements. Encore une fois, on peut se référer à la carte du côté gauche, la carte no 2. On y voit qu'entre 1971 et 1981 il y a plus de 45 800 ménages familiaux ou non familiaux; la région urbaine centrale s'est accrue de 20 250; la zone urbaine périphérique et rurale s'est enrichie de 25 550 nouveaux ménages.

Les variations enregistrées en ce qui a trait aux types de ménages témoignent du caractère et de l'intensité des transformations qui s'opèrent présentement dans ce domaine sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Ces transformations nécessitent et nécessiteront de la part du marché du logement, pour ne citer que celui-ci, des ajustements significatifs. En effet, les secteurs les plus densément urbanisés de la CUQ voient accroître substantiellement leur nombre de ménages non familiaux pendant que les secteurs périphériques de la communauté absorbent près de 75 % entre 1971 et 1976 et 100 % entre 1976 et 1981 de l'accroissement brut de ménages familiaux.

L'évolution de la taille des ménages -on peut voir le graphique à la page 8 -soulève également des signes importants de changements. L'envergure de ces transformations implique des ajustements significatifs tout au long des opérations de gestion et de planification des composantes clefs du territoire de la communauté. Ainsi, face aux effets combinés de cette réduction de la taille des ménages et de la perte nette de population dans ses parties centrales, il est possible de spéculer sur les bénéfices éventuels d'une telle évolution socio-démographique à l'égard des fonctions urbaines, économiques et sociales du territoire.

Les projections démographiques: leurs pertinences, leurs limites et leurs risques. Le Bureau de la Statistique du Québec rendait publiques en décembre 1984 des projections de population pour l'ensemble des communautés urbaines et des MRC du Québec. À la lecture de ce document, on constate pour la région métropolitaine de Québec une perte de population d'environ 23 000 personnes pour la CUQ, entre 1981 et 1996, alors que les MRC adjacentes à la communauté verraient leurs populations croître de 43 000.

Par ailleurs, la CUQ publiait en janvier 1984 une nouvelle version de ses projections de population pour la région métropolitaine de Québec et de ses composantes sous-régionales. Cette étude proposait une augmentation de l'ordre de 44 000 personnes pour la CUQ entre 1981 et 1996, et une augmentation de population d'environ 38 000 personnes pour l'ensemble des communautés régionales adjacentes à la CUQ.

Contrairement aux projections présentées par le BSQ, la CUQ indiquait clairement que ses projections de population pouvaient être considérées comme optimistes

mais que, compte tenu de leurs utilisations principales dans le cadre du schéma d'aménagement, il semblait justifié et justifiable dans un tel contexte de véhiculer des projections de population légèrement à la hausse. Ayant obtenu la confirmation auprès des responsables du BSQ que leurs projections de population n'étaient élaborées que sur la base d'indicateurs exclusivement démographiques, les administrateurs élus de la CUQ communiquaient alors avec le ministre responsable de l'époque, M. Jacques Parizeau, pour tenter de faire introduire au document du BSQ les nuances nécessaires et pertinentes à l'utilisation de ces données. Il s'avérait impérieux pour la CUQ que des projections de population aussi pessimistes soient au moins accompagnées de nuances nécessaires permettant de prendre en considération les enjeux spécifiques aux territoires urbanisés de la région 03. De plus, les administrateurs élus de la CUQ jugeaient pertinent que l'étude du BSQ ait au moins la décence d'indiquer les tendances observées dans l'évolution des mises en chantier, du rééquilibre qui se manifeste à l'égard des structures de taxation des municipalités périphériques, entre autres de la rive sud, par rapport à celles des municipalités centrales de la CUQ et des phénomènes de saturation observés sur certaines voies de communication qui permettent d'envisager sérieusement le plafond des taux de croissance des municipalités périphériques de la CUQ. (20 h 45)

II ne faudra pas se surprendre des effets négatifs que va entraîner la parution des projections démographiques réalisées par le BSQ. La publication de ces résultats ne peut être que néfaste pour toute la région métropolitaine de Québec. Le comité exécutif signifiait dans sa lettre au ministre des Finances, M. Duhaime, en date du 5 décembre 1984, le danger qui résulterait de telles projections de population, et je cite: "Comment peut-on espérer intéresser des investisseurs aux avantages comparatifs de notre communauté lorsque le gouvernement vient de ratifier pour l'avenir un constat aussi pessimiste? Sommes-nous sûrs que les milieux financiers internationaux n'interpréteront pas négativement, lors d'emprunts, le potentiel fiscal futur de nos municipalités membres? "Le fait d'entériner en quelque sorte de telles données ne vient-il pas créer de faux espoirs d'investissements futurs en infrastructures lourdes pour les municipalités périphériques, tels pont supplémentaire, usines d'épuration, autoroutes, etc. ? Est-ce que le gouvernement du Québec veut encourager, dans la préparation des schémas d'aménagement des MRC limitrophes a la CUQ, de tels projets d'implantation?"

L'intervention directe de la CUQ dans le débat entourant les projections démographiques ne se veut pas une guerre de chiffres afin de savoir qui a raison et qui a tort dans ce domaine. En fait, tous les organismes s'entendent pour reconnaître à la région de Québec une situation problématique dans le domaine de l'évolution de sa population. Or, comme cette situation pourrait vraisemblablement avoir des répercussions sur l'économie régionale, il apparaît essentiel qu'une étude visant à établir le portrait démographique de la région de Québec puisse être réalisée et prenne en considération l'ensemble des indicateurs permanents dans ce domaine.

Finalement, le suivi. Comme il est important de s'instruire du passé, la connaissance du futur s'avère tout aussi pertinente dans l'exercice des mandats et responsabilités des différents paliers de gouvernement. L'analyse de l'évolution de la population des centres urbains du Québec mériterait d'être réalisée plus en profondeur et selon une vision plus élargie des mécanismes de développement de ces milieux. Ainsi, les indicateurs démographiques, économiques, urbanistiques de ces mêmes territoires devraient être introduits à cette étude. dans le but d'en venir à une perception globale et intégrée des facteurs de croissance ou de décroissance. En fait, une analyse plus fine devrait être réalisée pour répondre à cette absence presque totale d'information sur les perspectives démographiques et les impacts réels des transformations qui se font dans ce domaine au sein de la collectivité québécoise.

M. George Mathews, de l'INRS-Urbanisation, nous a indiqué dans son dernier ouvrage que la société québécoise sera confrontée, à brève échéance, a un choc démographique. Les effets appréhendés d'un tel choc mériteraient sans aucun doute d'être évalués avec plus de précision, d'autant plus si les grands centres urbains du Québec s'inscrivent dans une décroissance de leur population. Une telle étude devrait se pencher sur les conséquences urbanistiques et économiques de ces transformations. Ainsi, ayant, d'une part, à organiser l'espace en fonction d'une population vieillissante composée de ménages de plus en plus nombreux, mais de plus en plus petits et, d'autre part, ayant à réaliser des investissements publics considérables pour répondre aux nouveaux besoins formulés par cette population, il semble, pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, que le gouvernement du Québec devrait, en collaboration avec les principales collectivités régionales, engager les ressources nécessaires pour réaliser un tel exercice prospectif. En fait, c'est devant de telles perspectives de croissance et à l'égard des responsabilités de chacune des administrations publiques que doivent s'unir

tous les efforts en vue de permettre une meilleure planification des villes et des régions de la fin du siècle actuel.

Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M. Rivard. Comme je vous l'ai dit tantôt, nous apprenons au fur et à mesure ce qui est contenu dans votre mémoire et nous constatons que, même s'il est court, il y a beaucoup de contenu. J'espère que vous nous pardonnerez si nous essayons de nous y retrouver sans, évidemment, saisir tout du premier coup. Vous avez fait référence à un rapport que vous avez fait à la suite du rapport du gouvernement provincial. En haut de la page 7, vous dites "la CEQ publiait en janvier 1984". Serait-il possible de nous faire parvenir copie de cette étude? Je pense que M. Mathews, qui est notre expert-conseil, serait très intéressé.

M. Rivard: Ce que je pourrais vous dire également, c'est que, comme vous le savez probablement, la CUQ a été le premier organisme important - telles les communautés urbaines, entre autres - à adopter son schéma d'aménagement; et, dans ce schéma, nous avons tous les constats qui pourront être utiles à votre réflexion. Par contre, on vous enverra quand même l'extrait que vous voulez avoir.

Maintenant, nous demandions à M. Parizeau de retenir la diffusion, sinon de la modifier en y apportant des notes, en disant, par exemple: Si on ne fait pas tel geste concret, bien sûr, les prévisions seront à la baisse. Par contre, si certains gestes sont faits... À tire d'exemple, qu'on se souvienne d'un projet qui, heureusement, a été mis au ban par le gouvernement, c'est le projet de l'axe Orléans qui, en dollars d'aujourd'hui, est évalué à un milliard. Il est bien clair qu'un tel axe Orléans - un pont entre Beaumont, l'île d'Orléans et Beauport -n'aurait pour seul résultat que d'amener un exode encore plus important de nos citoyens vers la rive sud plutôt que l'effet contraire. Bien sûr, la population s'est déplacée sur la rive sud il y a quelques années avec l'ouverture du pont Laporte et l'amélioration du service de traversiers entre Québec et Lévis. Loin d'avoir été un geste pour densifier la communauté urbaine, au contraire, cela a eu un effet d'étalement vers la rive sud. On peut dire que c'est un mirage parce que, pendant quelques années, certaines populations de la rive sud ont pu garder des taux de taxation inférieurs jusqu'au moment où elles ont été prises avec les mêmes problèmes que nous avons sur la rive nord, que ce soient des corps policiers qu'on doit maintenant mettre sur pied, du transport en commun dispendieux, des infrastructures en loisir - centres sportifs, à titre d'exemple. Dix ans après, les citoyens qui ont quitté la région de Québec pour aller dans ce supposé paradis terrestre, ils se rendent compte qu'ils ont les mêmes problèmes qu'ils avaient lorsqu'ils vivaient sur la rive nord.

Le Président (M. French): L'essentiel de votre différend avec le BSQ, c'est justement une série de constatations que vous faites en tant qu'administrateur, au niveau municipal et régional, dont on n'a pas tenu compte dans les projections plus ou moins mécaniques des tendances démographiques, comme l'écart de taxation qui s'amincit comme l'achalandage sur les routes qui s'aggrave...

M. Rivard: Justement, on n'a pas tenu compte de ces facteurs pour prévoir la population de la fin du siècle. Comme il était clairement dit - on donnait deux exemples - nous allons régulièrement sur les marchés des emprunts, que ce soit le marché européen ou même le marché local, et il n'est pas certain, avec de telles prévisions, que les prêteurs nous consentiront les taux compétitifs que nous avons présentement. Encore une fois, il est très rare qu'un investisseur qui cherche un endroit propice choisisse une région qui est supposée voir sa population décroître de façon considérable au cours des années qui viendront. Et cela a, je crois, cet effet. Encore une fois, nous sommes en mesure - et nous venons de le prouver avec le dépôt de notre schéma - de mettre en place des mécanismes pour garder le compte de taxes à un niveau acceptable en accentuant la densification plutôt que l'étalement. On s'est donné, entre autres, des mécanismes... Avant d'ouvrir des nouveaux secteurs résidentiels, nous devons commencer à combler énormément de terrains qui sont viabilisés. Dans le schéma, à titre d'exemple, vous allez vous rendre compte que nous pouvons dès aujourd'hui construire au-delà de 12 000 logements, ce qui ne coûte rien ou presque rien au contribuable. Il y a 80 000 000 $ d'infrastructures qui sont payées par l'ensemble des citoyens qui ne sont pas utilisées et les villes...

Le Président (M. French): Excusez-moi, combien...

M. Rivard: II y a actuellement pour 80 000 000 $ d'infrastructures dans le sol de la CUQ qui ne servent à peu près pas parce que les terrains ne sont pas développés.

Le Président (M. French): Les terrains ne sont pas développés.

M. Rivard: Exactement. Nous avons établi également que nous sommes privés de 18 000 000 $ de taxes annuelles du fait que ces terrains ne sont pas développés. Alors, avec notre schéma, nous allons accentuer la

densification. Nous avons privilégié - c'était un voeu unanime des 34 élus du grand conseil de la CUQ. Excusez-moi, sauf une personne qui était contre - le retour au centre-ville de Québec pour rentabiliser tout ce qui est là, les commerces, etc. Permettez! Même, on s'est donné un moratoire sur les centres commerciaux parce que, comme la population est stable ou diminue, naturellement, le pouvoir d'achat ne grandit pas. Nous avons pensé...

Le Président (M. French): C'est par le zonage, le moratoire s'effectue par le zonage.

M. Rivard: Le moratoire, c'est que -peut-être que M. Guyard peut m'éclairer sur le nombre de pieds carrés - passé un certain nombre de pieds carrés, il est impossible d'établir de nouveaux centres commerciaux sur notre territoire, et ce, pour au moins les trois prochaines années. Nous pourrons réévaluer dans trois ans si nous maintenons notre moratoire ou non.

Le Président (M. French): Avant de passer la parole à mes collègues, vous avez entendu M. Des Marais II, et, malgré le mémoire que vous n'avez pas lu mais qui évoque toute une série de problèmes qui vont pas mal au-delà de la fiscalité municipale, il semblait très satisfait en définitive du fait que la base fiscale de la CUM était appelée à connaître un avenir plus ou moins rose. Bien qu'il y eût quelques petites inquiétudes ici et là, en gros cela allait bien. Pouvez-vous nous dire - parce que je trouvais intéressant la taille des ménages, le vieillissement, etc., au centre-ville - si vous avez la même expérience et si vous êtes aussi rassuré que M. Des Marais II semblait l'être?

M. Rivard: Relativement optimiste. Il est bien sûr que le potentiel fiscal croît d'année en année, mais il reste quand même que, la population étant pour le moins stagnante ou diminuant quelque peu, c'est là qu'est notre inquiétude. C'est un fait que les nouveaux commerces, les nouvelles résidences accroissent notre potentiel fiscal chaque année, peut-être pas aussi en flèche que dans la région de Montréal, étant donné l'infrastructure de Québec qui est une ville de fonctionnaires. Dieu sait si la fonction publique ne croît plus. À partir de cela, on a plus de problèmes que la région de Montréal mais quand même la CUQ, qui est responsable de la promotion industrielle, est agressive et le sera encore plus pour attirer sa juste part des nouvelles industries. On est tout de même moins optimistes que notre collègue de Montréal.

Le Président (M. French): J'ai une foule d'autres questions, mais je passe la parole au député de Mille-Iles.

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux remercier Ies représentants de la Communauté urbaine de Québec de s'être présentés devant nous. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons lu son mémoire. J'avais quelques questions à poser. Votre préoccupation est - j'étais pour dire matérielle - physique. Je ne pense pas que vous soyez contre le progrès et que vous disiez: On ne bâtit pas de pont pour la rive sud. Enfin, simplement je ne pense pas que ça soit cela. Voici une des premières questions, comme entrée en matière. Que faites-vous pour garder la population au point de vue physique et au point de vue humain? J'aurai aussi une sous-question à ce sujet.

M. Rivard: Écoutez, il n'y a pas de grandes mesures incitatives qu'on puisse faire. On ne peut pas, à titre d'exemple, offrir à un citoyen qui s'apprête à quitter la CUQ pour la rive sud un dégrèvement de taxes, c'est impossible de le faire. On ne peut pas avoir de telles mesures. Ce qu'on vous demande, vous, au gouvernement qui faites les infrastructures... Il faut bien admettre que la région de Québec, le territoire de la CUQ est équipé, au point de vue d'infrastructures routières et de ponts, pour accueillir pratiquement autant de population que nous en avons présentement. Cela a actuellement comme effet que les gens peuvent, par exemple, franchir des distances assez importantes en très peu de temps si l'on compare avec la région de Montréal.

Hier, nous étions invités par le CRIQ à une rencontre. Cela me passe encore par la tête, un des vice-présidents m'a dit: Moi, je suis fier de dire que je demeure à Beaupré, cela me coûte moins cher. C'est un ancien Montréalais et il m'a dit: Je traverse trente milles pour aller chez moi en moins de trente minutes. Dans le temps que je demeurais à Montréal, la même distance m'aurait pris environ une heure et demie à deux heures. Alors, toutes ces infrastructures font que c'est facile pour un citoyen qui veut venir seulement travailler à Québec, à titre d'exemple, de rester dans des banlieues plus ou moins lointaines. Cela a pour effet que les gens vont s'établir à l'extérieur et cela nous cause un problème de dépeuplement. Alors, on dit que nous avons les infrastructures routières présentement, nous sommes gâtés, et on ne voudrait pas qu'on en fasse d'autres sans nous consulter au niveau local. (21 heures)

M. Champagne: D'accord. Cela demeure des aspects physiques qui ont une influence sur l'immigration. Je suis d'accord avec vous, mais il y a d'autres éléments aussi, vous le

dites à la page 6, lorsque vous parlez du nombre de ménages non familiaux entre autres. Vous parlez aussi de la réduction de la taille des ménages, des familles.

J'ai des questions à vous poser. Quand même, la Communauté urbaine de Québec a-t-elle pensé aux loisirs familiaux en fonction, je ne sais pas, des parcs qui y sont? Est-ce que vous favorisez quand même les services de garderie? Est-ce que vous avez une politique de restauration de vieux logements qui ferait en sorte que ce serait plus accueillant et que ce seraient peut-être des loyers à prix modique? Est-ce que vous avez des logements aussi pour des personnes avec des enfants? En tout cas, est-ce que vous tenez compte de ces éléments plus humains?

M. Rivard: La plupart des villes importantes constituant la CUQ ont ce genre de politiques, mais ce n'est pas de la responsabilité de la CUQ. Je sais que Québec, entre autres, a une politique de logements et favorise les garderies. Certaines autres villes importantes de la CUQ le font. Ce n'est peut-être pas le cas des treize villes de la communauté urbaine, mais ce n'est pas de la responsabilité de la Communauté urbaine de Québec.

M. Champagne: Enfin, si vous vous plaignez, comme communauté urbaine, d'une diminution de la population, faut-il qu'il y ait quand même des éléments qui fassent en sorte que la population reste, que ce soit peut-être une des treize municipalités qui a une politique de restauration de vieux logements pour avoir des logements à prix modique. C'est une des mesures. Je pense que la communauté urbaine ne peut être indifférente à cela.

M. Rivard: Non, on n'est pas indifférent. Bien sûr aussi, les gens qui forment la communauté urbaine sont des élus dans leur ville. Ils le font individuellement, mais ce n'est pas la responsabilité de la CUQ. Je sais que certaines villes le font, favorisent, par exemple, des parcs, favorisent des garderies comme vous le dites. Cela se fait dans certaines villes, mais est-ce que c'est suffisant pour garder une population sur notre territoire pour empêcher l'exode vers les MRC avoisinantes ou la rive sud? Le grand attrait pour les gens qui ont quitté la CUQ - je pense qu'on pourrait peut-être faire une enquête bien exhaustive sur cela, mais c'est évident parce qu'on le sait - c'est le taux de taxation qui est inférieur dans les autres municipalités.

Prenez le cas de Québec, par exemple, qui perd sa population. C'est évident que, le taux de taxation à Québec étant le plus élevé et de beaucoup par rapport aux autres villes, si une personne a la chance de quitter la ville de Québec, elle le fait. Alors, nous cherchons des moyens. D'ailleurs, nous savons qu'il y aura une commission d'étude qui va être formée incessamment pour faire des constats, pour trouver des solutions, mais c'est à peu près tout ce que nous pouvons faire.

M. Champagne: Est-ce que vous avez envisagé...

M. Rivard: Si vous me le permettez, j'ai une note importante que j'oubliais. Je remercie mon collègue de m'en faire part. Dans le schéma d'aménagement, entre autres, nous avons mis encore une fois des mécanismes pour la densification. La densification veut dire, justement, une baisse des coûts des services. Aller porter, par exemple, le transport en commun à l'extrémité du territoire dans certaines rues où il y a dix maisons, cela coûte sûrement plus cher que de passer dans les quartiers populeux de Québec.

Avec le schéma, l'outil que nous avons maintenant, cela va nous aider à garder nos citoyens par des services à des coûts inférieurs et de meilleure qualité.

M. Champagne: Est-ce que vous avez déjà envisagé, comme Montréal le réalise actuellement, une opération 20 000 logements au niveau, pas nécessairement de la communauté urbaine, mais d'une des municipalités, que ce soit la ville de Québec ou...

M. Rivard: Cela existe présentement. Il y a un projet qui s'appelle Kabir-Koubat qui est le repeuplement du centre-ville de Québec. La ville de Québec a cela; elle prête à des taux d'intérêt inférieurs pour attirer également de l'industrie. Québec a un fonds industriel. Elle peut prêter à certaines entreprises à des taux inférieurs au taux du marché. D'autres villes ont d'autres bons programmes. Je pense que, même si on constate une situation pour le moins inquiétante, on réagit. On ne fait pas que constater les dégâts. On fait les efforts qu'il faut pour garder notre population et tenter de l'augmenter.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Si je comprends bien, M. le Président, vous n'acceptez pas et vous vous opposez beaucoup aux statistiques qui ont été publiées par le BSQ.

M. Rivard: On ne les accepte pas. On les conteste.

M. Hains: Vous les contestez, c'est cela.

M. Rivard: On dit que, même si elles ont une certaine valeur, on n'a pas tenu compte de certains facteurs. Il aurait pu y avoir des annotations indiquant que, si ta situation actuelle se maintient, il y aura un dépeuplement. Si, par contre, des mesures sont prises, il pourra y avoir une augmentation de population. Grâce à notre schéma, nous prévoyons certains gestes qui vont nous aider à garder une population, soit en abaissant le compte de taxes ou, du moins, en le conservant à un rythme moins accéléré. Alors, avec des choses concrètes comme cela, on dit que la population devrait un peu augmenter d'ici 1996.

M. Hains C'est ce que vous nous dites d'ailleurs, je crois, à la page 7, que vous publiiez, en janvier 1984, une nouvelle version de vos projections. Vous prévoyiez une augmentation de 44 000 personnes.

M. Rivard: Oui.

M. Hains: Maintenant, sur quoi basiez-vous - je pense que vous l'avez dit tout à l'heure, mais redites-le-moi - ces...

M. Rivard: Sur les... M. Hains:... projections?

M. Rivard: D'accord. Sur les constats que nous avons faits, lorsque nous avons étudié le nombre de ménages, l'âge de la population et tout; ce sont tous ces renseignements qui sont contenus dans notre brique du schéma d'aménagement que nous vous avons fait parvenir récemment, qui a été envoyé à certains ministres, mais qu'on pourra mettre à la disposition de la commission.

M. Hains: Vos 80 000 000 $ d'infrastructures, dont vous avez parlé tout à l'heure...

M. Rivard: II y a, présentement, pour 80 000 000 $ d'infrastructures qui sont payées par l'ensemble des contribuables de la CUQ, qui ne servent pas présentement parce qu'il y a 12 000 logements qui peuvent être construits sans coût supérieur. Il y a ce qu'on appelle des terrains viabilisés; mais viabilisables, ce sont les terrains très près des infrastructures, qui peuvent être raccordés à très peu de frais. Cela, nous en avons quelque 50 000 qui peuvent être faits.

Alors, la région de Québec fait penser un peu à un fromage gruyère avec un lot de trous qu'on veut combler, maintenant. On s'est donné des mécanismes pour inciter. On ne pourra plus faire des développements anarchiques comme on le voit sur le territoire, surtout dans les petites villes qui font la couronne. Cela coûte énormément cher en transport scolaire, en transport en commun. Alors, avec les mécanismes qu'on s'est donnés, je pense qu'on devrait arrêter le problème. Mais on demande quand même... Je réitère la demande au gouvernement: Avant de penser à améliorer les systèmes routiers, que ce soit des ponts vers la rive sud, un troisième pont, ou un axe comme l'axe Orléans, on demande d'être consultés et qu'on pèse les implications qui peuvent affecter la Communauté urbaine de Québec.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. French): Vous avez entendu, M. Rivard, le président de la Communauté urbaine de Montréal... Je m'excuse, Mme la députée de Maisonneuve, vous alliez me faire signe...

Mme Harel: Non, allez-y, M. le Président.

Le Président (M. French): Vous avez entendu le président de la Communauté urbaine de Montréal. Il évoque la nécessité de répartir, parmi un plus grand nombre d'usagers et d'usagers potentiels, le coût de certaines infrastructures, notamment le transport en commun. Je vous avoue que ce n'est pas la préoccupation centrale de la commission. Vous ne semblez pas axer votre intervention sur ce genre de problématique, mais plutôt sur une problématique peut-être antérieure un peu. C'est que vous nous dites: Ayons une discussion à la lumière d'une analyse démographique sur une base régionale avant d'établir les infrastructures.

Pour ce faire, vous nous dites que la région ne peut pas se concerter pour le faire puisque les intérêts et les structures historiques des villes, des communautés urbaines et de la rive sud ne se prêtent pas vraiment à ce genre de concertation, qui ne pourrait que faire - excusez-moi, pas ce genre de concertation, mais ce genre d'analyse démographique. Ce genre n'étude ne pourrait se faire avec crédibilité que par une entité au-delà de la région; évidemment, une entité qui accepterait les opinions de tout le monde, qui ajouterait son expertise et son objectivité. Est-ce que c'est à peu près cela que vous nous dites?

M. Rivard: Oui, c'est un fait. Il reste quand même que la région de Québec, la CUQ affronte des concurrents, soit les MRC et la rive sud. Là, je fais une parenthèse. Vous savez qu'à la suite du sommet économique de la région de Québec, l'année dernière, on a formé un comité; on l'appelle la table de concertation régionale, à laquelle assistent, bien sûr, les gens de la rive sud. Je comprends les gens de la rive sud qui nous proposent, à titre d'exemple, au point de vue du transport en commun, que les

billets d'autobus qui servent pour la rive sud servent également pour la rive nord. Je comprends que, pour ce qui est de la rive sud, cela va être extrêmement intéressant pour eux; mais, encore une fois, cela va être au détriment des gens de la rive nord. Si des gens veulent s'établir sur la rive sud, ils pourront utiliser les deux transports. Donc, on va, encore une fois, faciliter cela. On est devant des concurrents assez importants et, des fois, on nous donne des allures de personne qui défend trop sa peau et qui n'a pas d'esprit régional. On l'a mais surtout pour la Communauté urbaine de Québec. Je ne voudrais pas jouer le rôle des MRC de la rive sud.

Le Président (M. French): Alors, la problématique de la répartition des coûts existe, mais vous ne l'évoquez pas comme axe principal de votre mémoire.

M. Rivard: Non.

Le Président (M. French): Ce que j'ai retenu du mémoire, c'est particulièrement la nécessité de prendre les décisions sur les infrastructures au niveau régional à la lumière d'une analyse plus exhaustive que les analyses qui existent et qui sont faisables par des entités comme la communauté urbaine et les villes; l'OPDQ ou le gouvernement du Québec, ou une extension de ces autorités, devrait le faire.

M. Rivard: Je m'excuse, je ne saisis pas votre question.

Le Président (M. French): Non, alors passons à la fin de votre mémoire où vous nous dites: "L'analyse de l'évolution de la population des centres urbains du Québec mériterait d'être réalisée plus en profondeur, et selon une vision plus élargie des mécanismes de développement de ces milieux. Ainsi, les indicateurs démographiques, économiques et urbanistiques de ces mêmes territoires devraient être introduits à cette étude", etc. Et vous demandez au gouvernement du Québec de prendre cette responsabilité, si j'ai bien compris.

M. Rivard: On fait allusion à une étude qui vient du Bureau de la statistique du Québec. Ce sont des statistiques que vous pouvez avoir, auxquelles vous avez accès, que vous faites vous-mêmes. Également, avec Statistique Canada. On veut que les chiffres que vous nous avez présentés soient faits d'une façon plus exhaustive que ce qui nous a été présenté, en tenant compte des facteurs qu'on vient de vous donner.

Le Président (M. French): Alors, là, je comprends mieux. Alors, c'est tout simple- ment de demander aux autorités statistiques - qui, je vous rappelle, ne sont pas l'Assemblée nationale - du gouvernement du Québec et du Canada d'être plus soucieux de la réalité de la vie humaine, qui est plus complexe que leurs statistiques peuvent le démontrer, à un moment donné. Une meilleure analyse plus sophistiquée devrait être faite.

Pourrait-on explorer quelque peu les implications pour l'administration municipale ou l'administration de la Communauté urbaine de Québec de la diminution de la taille des ménages et du vieillissement? Vous dites quelque part dans votre mémoire qu'on peut formuler des hypothèses quant aux implications, "qu'il est possible de spéculer sur les bénéfices éventuels d'une telle évolution sociodémographique à l'égard des fonctions urbaines, économiques et sociales du territoire. " Les bénéfices, les coûts, quel genre de changements cette évolution fait-elle par rapport aux responsabilités de la Communauté urbaine et des villes composantes? Qu'est-ce qu'un gouvernement ou un effort de mieux comprendre ces tendances pourrait faire face à cette problématique?

M. Rivard: Si notre population reste stable ou augmente, les coûts des services ne pourront qu'être amoindris. Si, au contraire, la population nous quitte et, surtout, si les statistiques que nous contestons s'avèrent réelles, on va se ramasser avec un coût supérieur.

Le Président (M. French): Alors, pouvez-vous faire des estimations de ces coûts supérieurs? Allez-vous en faire? Avez-vous fait...

M. Rivard: Honnêtement, ce n'est pas quantifié.

Le Président (M. French): Et ce n'est peut-être pas quantifiable. Je vous pose une question en tant que profane.

M. Rivard: C'est difficile. Je réponds comme M. Des Marais, c'est extrêmement difficile à établir. Mais cette chose est certaine, c'est évident; plus on est pour séparer le gâteau, moins la pointe de taxe est importante. C'est évident. Si, au Québec, nous étions le double de population pour le même budget, cela coûterait moins cher à tout le monde. C'est le même raisonnement au niveau supramunicipal.

Le Président (M. French): Sauf que je vous rappelle que M. Des Marais ne semblait pas préoccupé par cela. Sa préoccupation était de mettre plus de monde dans l'assiette de taxes pour ses transports en commun, mais au-delà de cela il était bien heureux. Il

n'était pas... En tout cas, j'exagère quelque peu, je caricature.

M. Rivard: Bien, moi, je l'applique à tout. C'est la même chose. Si on est plus de monde, ce n'est pas seulement le transport en commun qui va être moins dispendieux, ce sont tous les autres services qu'on a à se donner. Cela ne coûtera pas plus cher au corps policier, cela ne prendra peut-être pas beaucoup plus de policiers à Québec ou sur le territoire pour 10 % ou 15 % de population de plus.

(21 h 15)

Le Président (M. French): Cela me semble très évident, mais cela ne semble pas l'être dans l'exposé de M. Des Marais. D'accord.

Mme la députée.

Mme Harel: Évidemment, les interventions des gouvernements dans le domaine du transport peuvent être très structurantes; on le voit dans le transport en commun à Montréal en particulier. Je pense que l'exemple que vous donnez, enfin, l'hypothèse d'un autre pont qui pourrait desservir la rive sud montre que ce sont des interventions qui ne sont pas sans conséquence. Je pense juste à la station de métro à Longueuil qui, il y a bien 20 ans de cela, a eu un effet d'entraînement et éventuellement à une desserte de la population de Rivière-des-Prairies, en fait, qui serait meilleure que ce qui est le cas présentement à Montréal. On pourrait peut-être ravoir...

Est-ce que vous en arrivez même à privilégier des programmes gouvernementaux? Je pense à Corvée-habitation, par exemple, un programme qui a eu des effets dont on dit qu'ils ont été bénéfiques et je crois qu'on peut le constater très objectivement. Est-ce que vous allez jusqu'à recommander que des programmes comme ceux-là se fassent en privilégiant certaines zones et pas d'autres?

M. Rivard: Ce serait extraordinaire, ce serait trop beau même pour le faire. Je vous fais un parallèle, encore une fois, entre des programmes. Je pense, par exemple, à Loginove, qui a été expérimenté dans un quartier de mon ex-ville, Beauport, dans le quartier Montmorency. Cela a eu un effet bénéfique. Alors, si on pouvait faire de tels programmes, comme des programmes de restauration de logements, j'aimerais peut-être mieux cela que des programmes comme Corvée-habitation. Corvée-habitation, dans le cas de Québec, je ne pense pas que cela ait attiré beaucoup de personnes de l'extérieur parce qu'il était disponible dans l'ensemble de la province. Mais le programme Loginove a permis la restauration de logements sur le territoire; cela a peut-être empêché des gens de se construire à l'extérieur du territoire.

Mme Harel: Mais les 12 000 unités de logement qui pourraient être construites sur le territoire dont vous avez parlé...

M. Rivard: Oui. Ce seraient peut-être des programmes où certaines villes...

Mme Harel: Spécifiques.

M. Rivard:... pourraient offrir des dégrèvements de taxes si des personnes s'établissent. Ce sont des mesures qui peuvent être prises, comme on peut, par exemple, pour garnir les deux parcs industriels qui relèvent de la communauté urbaine, s'entendre avec certaines villes. Prenons les cas de Beauport, de Saint-Augustin. Pour ces deux endroits où sont situés les parcs, on pourrait peut-être penser à des programmes de dégrèvement de la taxe d'affaires ou de la taxe foncière, pour un certain temps. Ce sont des mesures incitatives, bien sûr.

Mme Harel: J'imagine que M. Mathews proposerait que ce soit associé à l'utilisation de ces éventuelles 12 000 unités de logement par des familles qui ont fait le choix d'un troisième enfant.

Le Président (M. French): On ne s'y opposerait sûrement pas.

Une voix: Je n'ai pas le droit de parler.

M. Rivard: Et même si on vous cite.

Le Président (M. French): II y aurait quand même une raison sociale qui ne serait pas nécessairement nataliste, si tel était le cas.

Mme Harel: C'est-à-dire que cela répondrait, à ce moment-là, à plusieurs objectifs.

Le Président (M. French): Bien, entre autres, au fait que le troisième ou le quatrième enfant crée, au point de vue du logement, des coûts supplémentaires...

Mme Harel: C'est cela.

Le Président (M. French):... beaucoup plus élevés que pour les premier et deuxième enfants.

M. Rivard: Écoutez, il y a beaucoup de mesures qui peuvent être prises. Il y en a qui sont prises par certaines villes. Mais, au point de vue du schéma d'aménagement que nous venons d'adopter comme je vous le dis encore une fois, nous avons pris des mesures pour garder notre population et, surtout, pour abaisser les coûts. Je pense que cela n'aura

pas d'autre effet que le but visé, soit garder nos citoyens et, autant que possible, en attirer de nouveaux. Mais j'insiste toujours, pour ce qui est des décisions gouvernementales pour de nouvelles infrastructures, sur le fait que nous devrions être consultés et non pas toujours être mis devant un fait accompli. Il me vient encore une idée: l'autoroute 440, qui longe le fleuve pour se diriger vers le pont de l'île, quant à nous, c'est une erreur monumentale avec le peu de population qu'on a. Cela n'a eu pour effet, pour ce qui est des citoyens, que de les faire sortir du territoire parce que la desserte est très facile; cela a fait mourir un lot de commerces sur le boulevard Sainte-Anne, des restaurants, des stations-service, etc. Quant à moi, c'était inutile parce que ce n'était pas justifié. C'est sur des points comme celui-là, sur des décisions comme celle-là qu'on aimerait être consulté avant d'être devant un état de fait.

Mme Harel: M. le Président, j'aimerais saisir l'occasion pour demander aux autorités de la CUQ s'il y a des programmes ou s'il y a déjà eu un débat ou une réflexion sur une présence qui est très faible en termes d'immigration. Parce que, enfin, vous souhaitez, je pense, attirer, comme vous dites, une nouvelle population. Il est vraisemblable que cela ne puisse se faire que par des transferts d'une région à l'autre, mais dans le cas d'une population immigrante, les chiffres de la Communauté urbaine de Montréal révèlent, je crois, que c'est presque 80 %, 77 % en tout cas, des nouveaux arrivants qui s'installent dans la région de Montréal proprement dite et à peu près 23 % dans l'ensemble du Québec, mais je crois que c'est essentiellement aussi dans la ceinture de Montréal. Est-ce qu'il y a des programmes? Est-ce qu'il y a déjà eu une réflexion qui s'est faite à votre niveau à ce sujet-là?

M. Rivard: Je dois vous dire honnêtement que non, mais, a priori, c'est bien sûr que nous serions heureux d'accueillir plus d'immigrants ici à Québec, surtout des investisseurs. Maintenant, encore une fois, c'est une politique qui ne relève pas de nous, mais à première vue on y serait favorable. C'est un fait que la plupart des nouveaux arrivants s'établissent dans la région de Montréal; du moins, au Québec, ils s'établissent dans la région de Montréal. Quant à nous, si on pouvait avoir notre part... Encore une fois, il y a toutes sortes de nouveaux arrivants. Nous avons des arrivants qui viennent ici sans aucune spécialité, qui s'accaparent de tout ce qu'on appelle le "cheap labor", mais c'est au détriment des personnes qui sont en place. On aggrave plutôt le problème. Si on veut accueillir des gens qui ont des professions, des gens avec des métiers spécialisés et surtout même des investisseurs, bien sûr, ils seront les bienvenus.

Mme Harel: Est-ce que des démarches ont été faites auprès des services qui s'adressent aux investisseurs immigrants? Est-ce qu'il y a des démarches qui sont faites, par exemple, à l'étranger de la part de la CUQ?

M. Rivard: À ma connaissance, cela ne se fait pas présentement. Les seules démarches que nous faisons à l'étranger, c'est pour attirer les industries. Nous avons un département de promotion industrielle qui est de plus en plus agressif. Nous nous unissons, bien sûr, avec la Société Inter-Port pour faire la promotion sur les marchés extérieurs, mais pour aller chercher des individus, non; c'est surtout sur les entreprises que nous mettons nos efforts présentement.

Mme Harel: Je dois comprendre qu'il n'y a pas eu de contact avec les services gouvernementaux qui s'adressent aux investisseurs immigrants.

M. Rivard: À ma connaissance, non.

Mme Harel: II y a déjà eu une réflexion sur le fait qu'il y avait peu d'immigrants qui venaient dans la région de Québec?

M. Rivard: À ma connaissance, encore une fois, on n'a jamais étudié la raison pour laquelle on choisit plutôt Montréal. Est-ce qu'il s'agit d'une question de langue? C'est bien sûr qu'un immigrant français va peut-être favoriser Québec plutôt que Montréal. Si c'est un anglophone, si c'est un Italien -nommons toutes les races - est-ce que la région de Montréal est plus favorable à cause de son caractère plus bilingue que la région de Québec qui est à 99, 8 %, 99, 9 % uniquement francophone? Je ne saurais vous le dire, c'est une étude que nous n'avons jamais poussée.

Le Président (M. French): Avant de donner la parole à mon collègue de Saint-Henri, je voudrais vous dire quelque chose qui ne se veut absolument pas un reproche en aucune manière, mais que je trouve intéressant. Cela m'a frappé d'une façon on ne peut plus claire ce soir. C'est que vous, étant administrateurs municipaux, vous vivez de façon beaucoup plus aiguë, les implications de l'évolution démographique qu'un élu ou un administrateur au niveau provincial. Cela est très évident. Cependant, si vous me le permettez - je le dis en tout respect - je pense que vous ne vous êtes pas encore rendu compte des outils, des instruments, des attitudes, des politiques ou

des programmes qui pourraient être mis en branle au niveau provincial pour vous aider, vous, à mieux résoudre vos problèmes.

Vous nous en parlez comme si le problème était essentiellement de savoir si, oui ou non, Ils viennent. Je suis d'accord avec vous. Sans doute qu'il y a bien des infrastructures qui ont été installées par des politiciens ambitieux qui voulaient faire la manchette, être prodigues avec l'argent de la population et qu'à la longue cela ne fait que réduire le potentiel pour tout le monde. C'est un éparpillement, c'est stupide, je suis d'accord. Pour vous, c'est tellement évident parce que c'est tellement tangible.

Au-delà de cela, vous êtes en mesure de dire aux élus du gouvernement du Québec et du gouvernement du Canada que vous, vous vivez "on the front lines" de la dépopulation, de la nécessité de recycler nos investissements et nos infrastructures historiques, tant privés que publics. Mais, si vous me permettez, vous manquez peut-être du vocabulaire nécessaire pour le faire parce que l'immigration ne relève pas de vous. Les migrations interprovinciales ne relèvent pas de vous. Vous ne le voyez pas de façon assez claire, sauf que vous vivez des résultats on ne peut plus clairs. Je ne vous demande pas de me répondre, mais je vous dis - c'est un argument que j'aurais dû apporter à M. Des Marais II également - que je pense que nous essayons, nous, de façon très modeste et sans grand intérêt de la part de nos collègues, d'ailleurs, et surtout pas du gouvernement... Non, excusez-moi, ce n'est pas un argument qui se voulait partisan. C'est un exercice qui se fait un peu dans le vide, sauf qu'il me semble que c'est également à vous non pas de nous aider, mais de batailler pour votre paroisse et vos propres intérêts. C'est très clair pour moi ce soir que vous avez beaucoup à dire, mais il ne faudrait pas vous limiter à une problématique de la politique régionale ou municipale parce que les enjeux se jouent également à un niveau beaucoup plus généralisé. À ce niveau, par contre, les décideurs ne sont pas conscients de vos problèmes ou, en tout cas, ne sont pas conscients de ce qu'ils pourraient faire pour vous.

M. Rivard: Alors, on va tâcher, dans les prochains mois et les prochaines années, de vous sensibiliser à tous nos problèmes. C'est peut-être un manque, mais, comme je vous le disais, on a toujours été mis... Moi non plus, je ne fais pas de partisanerie. Tous les gouvernements qui se sont succédé ne nous ont jamais consultés pour savoir si on était d'accord ou non avec des projets d'infrastructure. On est trop souvent mis devant le fait accompli. Encore une fois - on donne suite un peu à votre suggestion - le fait qu'on conteste la façon dont les statistiques ont été établies, c'est peut-être un commencement de contestation qu'on amènera sur tous les paliers.

Le Président (M. French): Si, dans les politiques de logement ou de recyclage, dans les politiques d'immigration, il y avait une plus grande conscience du potentiel et des problèmes que vous avez dans les communautés urbaines, on saurait mieux comment roder et ajuster ces programmes. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Une dernière question. Moi aussi, j'ai été frappé parce que vous préconisez des mesures très drastiques pour conserver votre monde à la CUQ. Vous demandez d'être consultés au moins - vous ne refusez pas - sur l'ouverture de nouveaux ponts, de nouvelles autoroutes, etc. La question que je me pose, sans être méchant, c'est: Est-ce que ce n'est pas un peu refuser le progrès? Est-ce que ce n'est pas en même temps des causes possibles de frictions et même de conflits avec les municipalités environnantes?

M. Rivard: Non, je ne partage pas... Ce que je retiens surtout, c'est "refuser le progrès".

M. Hains: Non, j'ai dit: "Est-ce que ce n'est pas"...

M. Rivard: Écoutez, on prévoit que la population de la CUQ va légèrement diminuer; c'est la même chose que pour la CUM. Je crois que, pour l'ensemble de la province, c'est stagnant. Est-ce qu'on va attirer de nouveaux citoyens avec des autoroutes, avec de nouveaux ponts? Dans l'ensemble, le même problème s'applique à votre niveau de gouvernement. Il s'agit de faire des choix. Si, à un moment donné, il y a de l'argent à investir et qu'on est pris... Je comprends qu'actuellement c'est l'assainissement des eaux qui a la priorité. On est tous d'accord, il y a un problème de pollution qu'il faut régler. Il y a dix ans, c'était les écoles et, avant cela, c'était un autre domaine. Les problèmes que nous vivons, vous les avez également et on vous demande de faire des choix. Si vous voulez que les paliers supramunicipal et municipal participent à votre pensée pour vous aider à prendre des décisions, on est prêts à le faire avec vous.

M. Hains: La deuxième partie de ma question était: Est-ce que cela ne crée pas, quand même, des rivalités ou, enfin, des frictions avec des municipalités environnantes?

M. Rivard: C'est sûr, c'est certain. Je me souviens encore des réactions lorsque nous avons rendu public notre schéma

d'aménagement, nous avons eu des critiques de la part des gens de la rive sud comme des MRC environnantes. On prend des mesures pour garder nos citoyens, en prenant des mesures incitatives pour commencer à combler nos terrains vacants, à titre d'exemple. Cela ne fait pas l'affaire des MRC et de la rive sud qui aimeraient attirer ces citoyens. Malheureusement, on se fait une compétition parce qu'il n'y a pas assez de nouveaux citoyens. La dénatalité, c'est évident, on la vit, et c'est la cause de nos problèmes. On joue du coude. Je reviens toujours sur le schéma parce que je pense qu'on s'est donné des moyens pour rationaliser tout cela. (21 h 30)

Le Président (M. French): Mme ladéputée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je trouve cela extrêmement intéressant parce que je pense que votre problématique, celle que vous avez exprimée ce soir, est quand même de plus en plus connue et partagée. On peut vraiment constater qu'il y a eu un cran d'arrêt à ce qu'on appelait l'exode commercial, l'exode industriel et l'exode résidentiel. Ce qu'a connu la Communauté urbaine de Québec est en fait un scénario semblable à ce qui s'est vécu à Montréal. Il y a eu ces exodes qui, dans le fond, ont été comme amplifiés, justement, par les grandes politiques d'autoroutes. C'était l'exode commercial au profit des centres commerciaux, au détriment des artères commerciales, l'exode résidentiel sur souvent des bonnes terres agricoles et l'exode industriel avec les parcs industriels, les commissariats industriels qui étaient subventionnés par les deux gouvernements à l'extérieur des centres-villes, au détriment des infrastructures industrielles qui étaient plus vétustes et qui, elles, n'étaient pas subventionnées parce qu'elles existaient déjà. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais il y a quand même eu un cran d'arrêt. On ne considère plus le progrès maintenant comme étant les grands échangeurs. On ne voit plus les échangeurs d'autoroutes comme étant le progrès. Il y a eu certaines mesures. Je pense à ReviCentre; je crois que c'est une mesure, dans le domaine commercial, qui a pu être intéressante.

Maintenant, il ne faut pas seulement un cran d'arrêt. J'imagine qu'il faut des mesures positives, ce qu'on peut appeler de la discrimination positive pour rétablir, d'une certaine façon, l'équilibre. Je comprends très bien et je partage un peu le point de vue du président quand il disait: Cela dit, cela ne peut pas être qu'un problème de transfert de population; il y a aussi un problème - c'est peut-être là la problématique à développer à la commission - d'accroissement tout court de la population. Parce que, malgré qu'on puisse souhaiter que cette population soit densifiée, à un moment donné, on ne pourra pas, non plus, se faire transférer d'une grande densification à une autre.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Je voulais vous poser la question, mais vous n'êtes peut-être pas des spécialistes. Nous, comme membres de la commission, qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va favoriser davantage l'immigration? Est-ce qu'au lieu d'avoir, je ne sais pas, 40 000 immigrants cette année, on devrait peut-être penser à 60 000 l'an prochain? Ou bien, je ne sais pas, je donne un chiffre au hasard, est-ce que c'est...

Mme Harel: On en a 15 000 par année.

M. Champagne: Alors, 15 000 par année avec une politique bien établie ou bien est-ce qu'il y aura aussi des politiques natalistes? Qu'est-ce qu'on devrait favoriser pour une politique familiale? C'est cela, notre préoccupation. C'est bien sûr que vous ne devez pas nécessairement répondre à cela.

M. Rivard: Mais je me pose les mêmes questions que vous. Encore une fois, je me pose des questions sur les nouveaux citoyens qui viennent de l'extérieur. Quel genre de citoyens? Est-ce qu'on va prendre des "boat people"? Si on allait chercher les Éthiopiens qui crèvent de faim pour les nourrir ici, est-ce que cela améliorerait l'économie? J'en doute fort.

Comme la politique de natalité, est-ce qu'on devrait augmenter les dégrèvements d'impôt plutôt que faire l'inverse, comme on l'a vu dernièrement? C'est une question que je me pose. Je ne suis pas un fiscaliste, mais c'est bien sûr que plusieurs mesures incitatives peuvent être prises. Je ne pense pas qu'une campagne de sensibilisation à la télévision, par exemple, pour dire: Faisons des enfants, cela pourrait avoir un bon effet. J'en doute fort aussi. Je ne connais pas la formule miracle, mais nous faisons tous ensemble le même constat: nous avons un problème de population. Comme entité québécoise, nous avons une population qui, malheureusement, ne s'accroît pas au même rythme que d'autres nations.

Le Président (M. French): Je dirais tout simplement ceci en guise d'observation, M. Rivard: C'est ironique, mais les "boat people", ne vous en faites pas, "no problem", ils vont créer plus d'emplois que n'importe quel Québécois arbitrairement sélectionné. Par contre, probablement que les Africains du sud du Sahara auraient beaucoup plus de difficulté à s'ajuster. Ce n'est pas aussi simple que cela peut en avoir l'air. Même si

un immigrant arrive sans un sou, son équipement culturel est beaucoup plus important que son équipement physique. On aimerait bien qu'ils soient tous millionnaires, mais... Cela n'est pas un reproche que je vous fais, mais je vous souligne que c'est trop facile parfois de porter ces jugements.

Je voudrais ajouter que nous sommes très sensibles, quand même, à vos arguments qui sont: Soyons intelligents sur le plan démo-économique. Essayons ensemble de mieux comprendre les dynamiques dans les communautés urbaines et leurs régions environnantes. Consultez avant d'annoncer les grands projets. Essayons d'avoir des analyses qui ne sont pas trop unidimensionnelles. Présentez des scénarios différents pour qu'on puisse essayer de choisir entre ces scénarios plutôt que de présenter un scénario unique qui prétende être la vérité mais qui ne l'est presque jamais. Je ne sais pas si je saisis bien vos constatations, mais c'est cela que je retiens.

M. Rivard: Vous avez l'heure juste.

Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M. Bergeron, M. Guyard, M. Lafrance et M. Rivard.

M. Rivard: Je vous remercie moi-même au nom de mes collègues de nous avoir accueillis ce soir et de nous avoir écoutés.

Le Président (M. French): La commission de la culture ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 36)

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