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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Tuesday, September 28, 2010 - Vol. 41 N° 47

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 103 - Loi modifiant la Charte de la langue française et d’autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace M. Kelley (Jacques-Cartier) et M. Deltell (Chauveau) remplace Mme Roy (Lotbinière).

Le Président (M. Marsan): Alors, nous accueillons ce matin, pour débuter, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, M. Mario Beaulieu. M. Beaulieu, vous avez environ 15 minutes pour nous faire votre présentation, et par la suite les parties vont vous poser quelques questions. Alors, la parole est à vous, M. Beaulieu.

Auditions (suite)

Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal (SSJBM)

M. Beaulieu (Mario): Bonjour, merci de nous recevoir. La Société Saint-Jean-Baptiste a été fondée le 24 juin 1834 dans le courant du mouvement Patriotes. C'est la plus ancienne institution de promotion et de défense du français en Amérique. Alors, on va parler... Je ne lirai pas le mémoire, je pense que vous avez dû en prendre connaissance. Je vais parler un petit peu, très brièvement du contexte historique, du contexte dans lequel le projet de loi n° 103 arrive.

Tout d'abord, notre mémoire s'appelle Pour une école québécoise inclusive parce qu'on veut insister sur le fait que faire du français la langue commune, c'est le contraire de l'exclusion. C'est ce qui permet d'inclure tous les citoyens dans un même espace public. C'est ce qui permet de former une société cohérente et inclusive. Dans ce sens-là, quand on vous entend parfois faire des allusions, quand on veut faire un renforcement de la loi 101, tout ça, que ça implique une fermeture ou un genre de xénophobie, on trouve ça tout à fait déplorable parce que ça alimente, d'une part, les préjugés négatifs au Canada anglais, et Dieu sait qu'il y en a, on l'a vu récemment avec l'histoire du journal Maclean's, et c'est de façon constante qu'on subit ce genre de propos, disons, de dénigrement face à la loi 101, alors que la loi 101, c'est tout à fait le contraire, c'est la façon d'inclure tous les citoyens.

Si on regarde les systèmes d'éducation à travers le monde, ailleurs, à peu près partout, dans tous les États, il y a une langue officielle, qui est la langue de la majorité et qui est aussi la langue des services publics et la langue de l'enseignement public. Donc, partout où on voit un bilinguisme institutionnel, ça entraîne invariablement l'assimilation des langues minoritaires. Les seuls endroits où il y a plusieurs langues nationales et où on n'observe pas cette assimilation, c'est des endroits où les modes d'aménagement linguistiques sont fondés sur le principe de la territorialité et des droits collectifs, comme en Belgique ou en Suisse, où il y a plusieurs langues nationales; mais dans chaque territoire donné, il y a une seule langue des services publics, sauf, par exemple à Bruxelles, en Belgique, et c'est là où on observe des problèmes, c'est là où on a observé une assimilation considérable du flamand.

Alors, si on regarde au Canada, à l'extérieur du Québec, à travers l'histoire, finalement, c'est ce qui démontre aussi l'importance de l'éducation, parce qu'il y a eu l'interdiction des écoles françaises aux francophones sur une centaine d'années dans à peu près toutes le provinces aujourd'hui majoritairement anglophones, ce qui a donné lieu à l'assimilation ou l'anglicisation d'environ le trois quarts des Canadiens français. On ne mesure plus cette variable-là, je pense, depuis 1991, et la dernière fois où on posait la question sur l'origine des gens, ceux qui disaient être d'origine canadienne-française, il y en avait, je pense, près de 70 % qui utilisaient l'anglais à la maison. Donc...

Par la suite, il y a eu l'établissement de la politique des langues officielles par M. Trudeau. Et, comme on sait que le bilinguisme institutionnel aboutit toujours à l'assimilation des langues minoritaires, bien, ce qui était prévisible est arrivé, c'est-à-dire qu'il y a un taux croissant d'assimilation à chaque recensement. On en fait le constat, et on espère qu'il va y avoir encore des recensements valables. Mais ça, c'est un autre dossier.

Alors, au Québec, avant la loi 101, on finançait des écoles anglaises publiques sans limites, sans restrictions, et ça faisait en sorte que, bon, plus de 80 %, près de 90 % des enfants des nouveaux arrivants fréquentaient l'école anglaise. Donc, les écoles françaises fermaient de plus en plus, les écoles anglaises prenaient de l'ampleur, ce qui a donné lieu à plusieurs réactions: il y a eu la crise de Saint-Léonard, etc. C'est un peu ça qui a mis le feu aux poudres dans le débat linguistique, parce que les mesures scolaires, tout ce qui touche l'éducation, c'est central, c'est ce qui est le plus important pour transmettre une langue et une culture dans à peu près toute société.

Donc, suite à une mobilisation populaire quand même massive sur plusieurs années, on a assisté à l'établissement de la loi 101, qui ne faisait que rétablir ce qui... bien, en tout cas, qui visait à rétablir ce qui est la normalité dans à peu près tous les États au monde, c'est-à-dire qu'il y a une langue officielle, qui est la langue de la majorité, en établissant cependant des mesures d'exception parce qu'on ne voulait faire ce que le Canada anglais a fait aux Canadiens français, c'est-à-dire qu'on a maintenu un système d'éducation public pour la minorité historique anglophone. Mais, si on lit le livre blanc de Camille Laurin, qui a été cité souvent ici, le but, c'était que l'école anglophone ne serve plus à assimiler les allophones ou les francophones. Puis, bon, M. Laurin était très favorable à la clause Québec, c'est-à-dire qu'au départ la condition, c'était qu'un des parents ait fait la majeure partie de ses études au Québec.

On sait que, bon, suite à l'établissement de la loi 101, il y a eu véritablement une offensive majeure du gouvernement fédéral et du Canada anglais. Ça a été, bon, le financement de groupes comme Alliance Québec, et ça, ça se poursuit toujours avec le Québec Community Network Group, dont la directrice, je pense, est membre du Conseil de la langue française, et on a souligné un peu la contradiction qu'il y ait la présidente d'un organisme qui est voué à affaiblir la loi 101 dans un organisme qui est voué à la défense ou à la promotion de la loi 101. C'est assez contradictoire. Par exemple, le Québec Community Network Group se vante, sur son site Internet, de recevoir de l'argent de Santé Canada pour faire élire des anglophones sur les conseils d'administration des différents hôpitaux du système de santé. Donc, on voit aussi que ça a des effets concrets. Il y a des hôpitaux, comme par exemple le centre de réadaptation... l'Institut de réadaptation de Montréal qui a fait une demande pour obtenir un statut bilingue suite à la fusion avec l'institut Lindsay.

**(10 h 10)**

Puis, bon, ça, ça résulte beaucoup aussi de ce qu'on a appelé, dans le mémoire, le court-circuitage constitutionnel parce que, bon, il y a eu, en 1982, la Constitution de M. Trudeau qui, là, a imposé la Charte canadienne des droits et libertés en rapatriant l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sans le consentement du Québec. Alors, on a vu neuf provinces anglophones, avec le concours d'un gouvernement fédéral majoritairement contrôlé par des gens de langue anglaise, avec l'appui d'un gouvernement de langue anglaise à Londres, rapatrier une constitution qui se trouve à être finalement un bon pour défaire la loi 101 graduellement, et c'est ça qui est arrivé à travers l'histoire. Et ce qu'on a vu, c'est que le gouvernement libéral a eu pour politique de se plier continuellement au jugement de la Cour suprême, par la loi 178, ensuite la loi 86 qui n'était pas seulement une question d'affichage, mais qui bilinguisait, qui ramenait l'anglais dans les services publics. Puis, bon, suite à cette Constitution-là de 1982, qui visait spécifiquement à affaiblir les mesures scolaires de la loi 101, on a eu, bon, le résultat qu'on connaît, jusqu'à l'invalidation de la loi n° 104, dont je vais parler un petit peu plus tard.

Alors, avec tous ces affaiblissements-là de la législation linguistique et le retour du bilinguisme institutionnel, bon, on a assisté à une dégradation de la situation du français et, aujourd'hui, avec pour résultat que, bon, on a atteint... on est en dessous de la barre des 50 % à Montréal, en dessous de la barre des 80 % dans l'ensemble du Québec. Ça, c'est la langue maternelle qui est un indicateur sur plusieurs générations; mais si on regarde l'indicateur de langue d'usage à la maison, il y a un déclin très rapide: à Montréal, c'est à 54,2 %, alors que c'était à 61,8 % en 1986. Alors, c'est un...

Puis ce déclin-là est causé en partie parce qu'il y a eu un exode quand même considérable de la population anglophone depuis quelques années, qui peut être dû à toutes sortes de facteurs, ce qui est déplorable de toute façon, et un exode des immigrants, des nouveaux arrivants ou des allophones qui sont anglicisés. On sait que pour 13 allophones anglicisés qui quittent le Québec, il y en a un qui parle français, les autres, c'est des allophones qui ont été surtout anglicisés. Et le problème, c'est que la force d'attraction du français n'est pas suffisante. On a vu... bon, on parle des transferts linguistiques, et les transferts linguistiques bruts qui sont à 51 % vers le français, ce qui constitue une amélioration; mais, par contre, ce chiffre-là, les transferts linguistiques bruts sont augmentés par le fait que ceux qui ont fait des transferts vers l'anglais ont tendance à quitter le Québec. Donc, ça donne toujours cette impression-là.

Si on regarde un indicateur qui est moins sensible aux variables extralinguistiques, comme l'indicateur de vitalité linguistique, mais là, ce qu'on voit, c'est qu'il y a eu une légère amélioration du français. Si on regarde, bon, la proportion de francophones de langue maternelle par rapport à la proportion de francophones de langue d'usage à la maison, je pense que, dans l'ensemble du Québec, ça a augmenté de 9 %. Par contre, du côté de la force d'attraction de l'anglais, ça a augmenté beaucoup plus rapidement que ça, et je pense c'est encore rendu autour de 40 % de gain grâce aux transferts linguistiques. Donc, ça donne une situation assez périlleuse. À Montréal, avec le déclin de la proportion de francophones, ça devient de plus en plus difficile de ramener les affaires. Les indicateurs du français langue commune donnent à peu près les mêmes résultats. On sait que, bon, moins de la moitié des allophones travaillent surtout en français. Donc, ça, on pourrait en parler longtemps aussi.

Ce qui fait qu'on arrive à la question de la loi n° 103 proprement dite. On a dit que, bon, avec les mesures scolaires de la loi 101, il y a eu une augmentation considérable de la proportion des enfants d'immigrants qui fréquentent l'école française. Mais on a observé, à partir de 1992 -- vous avez le tableau dans le mémoire -- il y a eu un déclin sur plusieurs années de la proportion d'écoliers qui fréquentent l'école française par rapport à la proportion d'écoliers qui fréquentent l'école anglaise. Alors, il y a eu une augmentation de 1992 jusqu'à 2004, un peu après l'établissement de la loi n° 104, qui a permis de stabiliser, d'arrêter le déclin de l'école française et de ramener un équilibre. Mais il y a quand même, selon les dernières données qu'on a eues du ministère de l'Éducation, environ 11,5 % des enfants d'allophones qui fréquentent l'école anglaise, donc des enfants en général, la proportion d'écoliers, alors qu'il y a seulement 8 % d'anglophones de langue maternelle. Donc, on voit qu'il y a quand même beaucoup d'autres échappatoires, comme par exemple en passant par l'Ontario.

Alors, pour nous, c'est essentiel de maintenir l'impact de la loi n° 104. Notre objectif, ce n'était pas d'empêcher l'accès à l'école privée, mais la Cour suprême, quand même, dans un jugement très étonnant, nous a dit qu'on ne peut pas empêcher... L'objectif, c'était d'empêcher de passer par l'école privée pour contourner la loi 101. La Cour suprême, en vertu d'une constitution qu'on n'a jamais signée, a défait une mesure qui avait été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Juste à ce niveau-là, on considère que c'est une décision illégitime qui menace l'avenir du français. Et, de plus, avec la loi n° 103, bien, on se trouve à entériner ce droit de contourner la loi 101 en accédant aux écoles privées non subventionnées.

Nous, on pense que la solution, c'est d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Et les écoles privées sont déjà assujetties à un régime pédagogique, les écoles privées ne peuvent pas enseigner n'importe quoi n'importe quand. Alors, que le régime pédagogique comprenne le respect de la loi 101, de la Charte de la langue française, on considère que c'est tout à fait légitime. Et c'est une réponse qui va en droite ligne avec le jugement de la Cour suprême, puisque la Cour suprême nous a dit que la charte de M. Trudeau ne fait pas de distinction entre le privé et le public.

Donc, nous, on en appelle au gouvernement, bien qu'on doute que le gouvernement va vraiment s'ajuster. Parce que, si on regarde dans le dossier linguistique, ça a été plusieurs mesures qui ont affaibli le français. Si on regarde, bon, il y a eu une tentative d'abolir les allocations de francisation. On a organisé des manifestations; finalement, le gouvernement a reculé. Il y a eu, bon, toute l'histoire des études de l'office qui étaient censurées ou qui étaient très difficiles. Moi, j'ai assisté à un congrès de l'ACFAS où une chercheure nous a dit qu'on lui interdisait de publier ses résultats. Il y a eu, bon, l'histoire de l'étude au centre-ville suite à un reportage du Journal de Montréal sur le français langue de travail au centre-ville. On se référait toujours à une étude qui démontrerait le contraire, que tout va bien. On a essayé d'avoir cette étude-là autant comme autant, il n'y avait pas moyen, et ce qu'on nous disait, c'est que c'est la ministre qui l'interdisait. Moi, c'est ce qu'on m'a dit à l'office. Par la suite, on a dénié ça, sauf que, quand finalement cette étude-là est sortie, on a vu que ce n'était pas une étude scientifique comme telle, c'était simplement une enquête.

Si on regarde le dossier de la santé, la fusion du dernier hôpital francophone de l'Ouest-de-l'Île avec McGill, la construction d'un mégahôpital, un gros Stade olympique, pour l'Université McGill, où on sait que 50 % des médecins qui sont formés là quittent le Québec... en tout cas. Si on regarde au niveau de la langue de travail, il y a eu, bon, un grand rendez-vous des gens d'affaires qui était organisé en collaboration avec la Chambre de commerce, Board of Trade, mais, pendant ce temps-là, le gouvernement communique en anglais avec les entreprises parce qu'il ne met pas en oeuvre l'article 16 de la loi 101, qui dit que les communications entre l'État et les personnes morales doivent être exclusivement en français, et c'est non en vigueur.

Donc, nous, on considère que le gouvernement doit mettre ses culottes. Il doit montrer la volonté de l'Assemblée nationale. Il doit appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Et, s'il ne le fait pas, bien, on va, par une grande mobilisation populaire, essayer d'arrêter ce gouvernement-là et de s'assurer qu'il assure l'avenir du français. Merci.

**(10 h 20)**

Le Président (M. Marsan): Alors, nous débutons la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Mario): Bonjour.

Mme St-Pierre: Merci d'être ici, ce matin, parmi nous. Je sais qu'à 1 heure vous allez vous joindre à Mme Marois et le député de Borduas pour faire une conférence de presse, ainsi qu'avec M. Larose. Alors, je trouve que, personnellement, cette conférence de presse là devrait avoir lieu à la fin de nos travaux. Nos travaux ne sont pas terminés, et c'est un manque de respect pour les institutions parlementaires de faire une conférence de presse avant la fin des travaux. Alors...

Une voix: ...

Mme St-Pierre: Pardon?

Une voix: ...

Mme St-Pierre: Donc, pendant vos commentaires... j'aimerais faire certains rectificatifs. Vous avez parlé de la loi n° 86. Oui, la loi n° 86 avait été pilotée par M. Ryan. Cependant, le parti... le gouvernement Landry avait promis de faire en sorte que cette loi-là soit abolie et de revenir à l'affichage unilingue, et je vous ferai remarquer que ça n'a jamais été fait sous un gouvernement du Parti québécois. Alors vous ne pouvez pas dire que c'est la pensée unique du Parti libéral, mais ce fut également le cas du Parti québécois de ne pas avoir reculé sur la loi n° 86 et de faire en sorte de la maintenir, contrairement aux engagements qui sont dans le programme du parti et contrairement à une résolution qui avait été adoptée lors d'un conseil général à Saint-Hyacinthe.

Vous avez parlé du Conseil supérieur de la langue. Je pense qu'il faut avoir un profond respect pour les membres du conseil d'administration du Conseil supérieur de la langue. Il est possible que vous n'aimiez pas certaines nominations au Conseil supérieur de la langue, mais je pense que ce conseil doit avoir, comme membres, des représentants de tous les Québécois, y compris des enfants de la loi 101. Et c'est moi, comme ministre, qui ai nommé au Conseil supérieur de la langue le premier membre du conseil d'administration issu des communautés culturelles et issu de... ce qu'on appelle un enfant de la loi 101.

Maintenant, vous parlez de l'article 16, les modifications pour la question des communications avec les entreprises. Le gouvernement Landry n'a jamais mis en application cet article-là, alors... Il aurait pu le faire en 2002. En 2002 également, il aurait pu appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Il ne l'a pas fait, et la raison est simple, parce qu'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées nécessitait d'appliquer la clause dérogatoire, et le gouvernement, à ce moment-là, a décidé de ne pas le faire.

Donc, M. Beaulieu, j'ai beaucoup de respect pour vous, j'ai beaucoup de respect pour votre organisation, mais je pense que vous avez un devoir, quand vous vous adressez à la population, de dire les faits tels qu'ils sont. Et, quand vous dites que la ministre a empêché de publier une étude, c'est faux. C'est faux. Et, quand vous parlez... vous dites que ce n'est pas une étude, c'est une enquête, on peut parler longtemps sur les mots, mais vous parlez d'une étude du Journal de Montréal, je ne pense pas que c'était une étude, LeJournal de Montréal non plus, si vous considérez que le travail de l'Office québécois de la langue française, ce n'était pas une étude.

Ceci étant dit, vous recommandez de reculer sur la loi n° 103, d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Est-ce que vous recommandez également d'appliquer la loi 101 dans les cégeps? Puisque nous sommes dans un exercice d'ouverture de la loi 101, de la charte, est-ce que vous recommandez d'appliquer la loi 101 au niveau collégial?

M. Beaulieu (Mario): Est-ce que je peux répondre à l'ensemble des questions?

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Beaulieu.

Mme St-Pierre: Ce n'était pas des questions, c'étaient des réponses à vos commentaires de tout à l'heure.

Le Président (M. Marsan): Oui, mais la parole est à M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Mario): Oui? O.K. Bien, d'une part, moi, je ne considère pas que c'est un manque de respect de faire une conférence de presse parce que tous les organismes de la coalition ont terminé leurs mémoires. On aurait peut-être pu attendre à demain, mais on a des conditions matérielles aussi qui font qu'on fait ça à ce moment-ci. Mais, moi, je considérais aussi que c'est un manque de respect, votre attitude, au début, de dire que c'est une atteinte à la réputation internationale, de jouer sur les mots, de dire que c'est une atteinte aux libertés fondamentales, alors qu'il y a plusieurs juristes qui disent le contraire. Puis je pense que d'empêcher de contourner la loi 101, moi, je ne pense pas que c'est une atteinte aux droits fondamentaux. Je trouve que, quand vous utilisez des arguments comme ça, vous jouez le jeu du Canada anglais puis vous alimentez les préjugés du Canada anglais. On n'est pas des xénophobes, nous autres. Tout ce qu'on veut, c'est d'assurer la survie du français puis d'inclure les nouveaux arrivants.

Sur la loi n° 86, vous dites: Ah! le Parti québécois ne l'a pas fait, donc on est corrects, c'est une bonne chose. On a dénoncé le fait que le Parti québécois n'a pas appliqué la loi n° 86 à de nombreuses reprises, puis on ne se gênera pas pour être critiques. Nous autres, on est non partisans. On n'est pas affiliés à aucun parti politique. Là, on parle de la loi n° 103. Mais, quand vous faites référence, vous dites: Bon, M. Landry n'a pas fait ci, etc., moi, je trouve que vous déviez de l'essentiel du sujet. On est mieux de parler du bien-fondé de chaque mesure.

Puis sur l'Office québécois de la langue française, moi, tout ce que je vous dis, je vous répète, j'ai essayé d'avoir les études, c'était impossible. Puis cette étude-là, c'est une enquête, je ne l'invente pas, là. Je suis d'accord avec vous, c'est une enquête journalistique que LeJournal de Montréal avait faite, mais, cette étude-là, c'est des gens qui sont allés, ils faisaient une démarche promotionnelle pour le français au centre-ville, ils ont posé des questions très rapidement. Et il y a eu plusieurs, plusieurs, plusieurs études qui n'étaient pas publiées, et on donnait toujours la même raison. Ça fait qu'il y a quelque chose en quelque part, il y a quelqu'un qui ne dit pas la vérité en quelque part. Puis le rapport quinquennal, il a été présenté un an en retard, puis en essayant de faire accroire que, non, ça respectait les délais. En tout cas, c'est moi qui l'ai appris à plusieurs journalistes. En tout cas. Je veux...

La question des membres du C.A., moi, je suis tout à fait d'accord qu'il y ait des membres, au Conseil supérieur de la langue française, j'en ai déjà fait partie, qu'il y ait des gens de toute origine. C'est juste que je trouve ça contradictoire. Le Conseil de la langue française, son but, c'est de voir à l'application de la loi 101, c'est un organisme qui est voué à la promotion et à la défense du français. De faire siéger quelqu'un qui est contre la loi 101, même qui ferait partie d'un organisme qui se vante d'utiliser de l'argent du fédéral pour faire élire des citoyens sur des conseils d'administration, ce qui est illégal, en passant, je trouve ça contradictoire.

Si on regarde l'article 16, en 2002, ça a été l'article 1 de la loi n° 104, oui, c'est vrai, le Parti québécois ne l'a pas mis en oeuvre, mais ce n'est pas une raison pour que vous ne le fassiez pas. Je pense que la loi 101, au départ, elle laissait une latitude pour les services aux individus, ce qui doit être resserré beaucoup. Maintenant, on est obligés, nous, d'intervenir auprès des ministères pour qu'ils respectent la politique linguistique québécoise. Qu'on pense aux répondeurs téléphoniques, les «Press 9», ça a pris je ne sais pas combien de fois. Puis, même encore, il y en a qui continuent à l'enfreindre. Je sais que, dans le reste de la loi n° 103, il y a un article qui va aider pour ça, mais je pense qu'il faut vraiment resserrer ça; il n'y a pas aucune raison de donner des services en anglais aux nouveaux arrivants. Moi, si je m'en vais en Italie, je vais m'attendre d'être servi en italien. Je pense que tout ce bilinguisme-là, ça fait que, quand vous arrivez à Montréal, vous n'avez pas besoin de connaître le français, tous les services du gouvernement du Québec sont donnés en anglais, même quand c'est des services administratifs.

Alors, pour revenir à la question des cégeps, oui, on considère que l'application de la loi 101 aux cégeps, c'est très important parce que, on l'a vue récemment, il y a eu une étude de l'IRFA qui démontre que ça a un impact anglicisant majeur. Il n'y à peu près aucun endroit au monde où on finance l'enseignement supérieur dans une autre langue que celle de la majorité, sans aucunes limites, sans restrictions. Dans le reste du Canada, les universités, les services universitaires francophones -- parce qu'il y a à peu près aucune université qui est unilingue française, il y a Moncton puis je pense qu'il y en a une autre petite en Nouvelle-Écosse -- le financement de ces services-là, il est moindre que la faible proportion de francophones. On est, dans le reste du Canada, à 4,5 % de francophones de langue maternelle, 2,5 % de langue d'usage à la maison. Et ici on finance les universités anglophones trois fois plus que le poids démographique des anglophones. On donne environ 25 % du financement du gouvernement du Québec. Pour les cégeps, je pense que c'est environ 18 % des étudiants qui fréquentent les cégeps anglophones.

Alors, ça a un impact majeur pour angliciser les nouveaux arrivants. On forme l'élite des enfants des nouveaux arrivants, et le résultat de ça, c'est qu'il y en a beaucoup qui quittent le Québec par la suite. On forme des gens jusqu'à l'université, on finance ça en anglais pour qu'ils puissent aller ailleurs, puis ceux qui ne quittent pas, bien, ils restent à Montréal, ils sont anglicisés, donc ils anglicisent le...

Moi, je pense que c'est majeur, l'application de la loi 101 aux cégeps, puis l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées aussi, parce que même au niveau des écoles primaires, secondaires, on est en recul par rapport à ce que ça devrait être.

Mme St-Pierre: Vous avez dû suivre les travaux. Il y a quand même le groupe des écoles Vision qui a 2 000 élèves, là. Puis c'est quand même une bonne proportion des élèves qui fréquentent les écoles privées non subventionnées. Eux sont venus nous dire que, bon, ils étaient satisfaits avec le projet de loi.

Vous voyez comment l'avenir des écoles Vision, dans nos scénarios où on appliquerait la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?

**(10 h 30)**

M. Beaulieu (Mario): Je pense que c'est un cas particulier. Il faudrait le voir. Je pense que, la règle générale, ça doit être d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. À ce moment-là, en tout cas, il faudrait regarder par quels mécanismes, mais il existe déjà des régimes pédagogiques que les écoles privées doivent respecter pour avoir leur permis. Donc, je pense que ce régime pédagogique là pourrait être conforme à la Charte de la langue française. Les écoles Vision, bien, à ce moment-là, elles seraient tenues, comme l'ensemble des écoles privées, pour les enfants qui n'ont pas le droit d'aller à l'école anglaise publique en vertu des règles de la loi 101, bien, à ce moment-là, il devrait y avoir un corpus qui est en français. Ça n'empêcherait pas qu'il pourrait y avoir une étude spécialisée en allemand, spécialisée dans toutes sortes de types de religions. Je pense que ça impliquerait simplement que ces enfants-là apprendraient plus le français.

Mme St-Pierre: Donc, vous verriez comme certaines exceptions dans l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées dépendamment du type d'écoles, si ce sont des écoles religieuses ou des écoles...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, mais...

Mme St-Pierre: ...des écoles Vision ou...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, puis je ne pense pas que ça... Il peut y avoir des écoles qui sont spécialisées dans l'apprentissage de différentes langues, ça se fait déjà en partie dans le régime public. Alors, je ne vois pas pourquoi... Mais je pense que ce qui est important, c'est que les gens fréquentent l'école française. Notre but premier... Vous avez parlé, bon, en 2002, M. Landry n'a pas appliqué la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Moi, je faisais partie à ce moment-là de ceux qui ont poussé beaucoup pour colmater cette brèche-là de la loi 101. Le premier choix, ce n'était pas de toucher aux écoles privées non subventionnées. Mais là on nous empêche de faire en sorte qu'on ne puisse pas contourner la loi 101, on nous empêche d'empêcher que ça donne un accès à l'école publique puis un...

Mme St-Pierre: Mais ce scénario-là avait été étudié...

M. Beaulieu (Mario): Oui.

Mme St-Pierre: ...quand même en 2002, d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées.

M. Beaulieu (Mario): Oui.

Mme St-Pierre: Vous êtes en train de me dire que vous avez travaillé sur les scénarios?

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, tout à fait. La solution idéale, c'était la loi n° 104.

Mme St-Pierre: Pourquoi ça n'avait pas été fait? Pourquoi?

M. Beaulieu (Mario): Parce que la solution idéale, c'était la loi n° 104, et...

Mme St-Pierre: Oui, mais il y a quand même... Quand on prépare un projet de loi...

M. Beaulieu (Mario): Oui.

Mme St-Pierre: ...on étudie différents scénarios...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, c'est ça.

Mme St-Pierre: ...des plus et des moins. Pourquoi...

M. Beaulieu (Mario): Il y avait peut-être une partie du scénario que, moi, je ne connais pas. Parce que je pense qu'une législation comme ça, c'est essentiel que ça soit adopté à l'unanimité, que tous les partis soient d'accord. C'est quelque chose qui a un impact vital sur l'avenir du français. C'est pour ça que je vous dis: je pense que ça va être important, le projet de loi que vous allez défendre, qu'il fasse l'unanimité à l'Assemblée nationale. Si vous passez ça avec le bâillon, je pense que là ça va être vraiment un affront au peuple québécois. Pour moi, c'est notre avenir en tant que peuple. C'est le droit à l'autodétermination des peuples, donc on a le droit d'assurer ça.

Je ne pense pas... Les écoles Vision puis tout ça, ça peut s'adapter. Mais c'est sûr que notre choix premier puis notre intention première, ce n'est pas d'empêcher l'accès aux écoles privées, c'est d'empêcher que ça donne un contournement aux accès aux écoles publiques, et là on n'a plus d'autre choix avec la loi 101. On peut s'imaginer toutes sortes de stratagèmes, comme M. Bernard a dit, mais ça revient tout au même, ça finit tout à donner accès aux écoles publiques à des gens... Puis, c'est assez loufoque, même, les règlements, le cadre réglementaire de la loi n° 103, je ne comprends pas pourquoi il est retiré de la loi aussi. J'en ai parlé, on a eu beaucoup de difficulté à le trouver. Même, à un moment donné on pensait qu'il n'était pas du tout publié. On l'a trouvé sur le site du ministère de l'Éducation. Mais même la Protectrice du citoyen a dit que, bon, pour assurer une application équitable de la loi à tous les citoyens, bien il faudrait que, le cadre réglementaire, il soit dans la loi n° 103.

Alors, quand on parle des droits individuels, bien, ça, je pense que ça va bafouer les droits individuels si on fait ça, parce que là l'accès aux écoles anglaises, qui est névralgique pour l'avenir du français, peut être modifié par un simple règlement sans même toucher à la loi. Ça, je trouve que ça n'a pas de bon sens.

Mme St-Pierre: Mais seriez-vous satisfait si on incluait le règlement dans la loi?

M. Beaulieu (Mario): Bien, ce serait un pas de plus. Je pense qu'à ce moment-là, si vous vouliez le modifier ou quiconque voulait le modifier par la suite serait obligé de modifier la loi, ça ne pourrait pas donner lieu... Parce que là ça laisse place à l'arbitraire. Puis je le regardais, le projet de règlement, puis, je vous dis, c'est vraiment incroyable, là, on décide que ceux qui ont des bonnes intentions peuvent contourner la loi. Si vous voulez faire un parcours authentique, vous avez l'intention vraiment de vous intégrer à la communauté anglophone, là c'est correct, vous pouvez contourner la loi 101. Ça revient à peu près à ça, un parcours authentique. Là, on dit: Ça va être trois ans. Bon, bien, tu envoies ton enfant trois ans. Après ça, ça lui donne le droit d'aller à l'école anglaise publique, ses frères et soeurs et leurs descendants. Ce n'est vraiment pas une solution acceptable. Puis il n'y a rien qui va empêcher, à un moment donné... comme on voit le gouvernement fédéral aller, qui finance des fonds pour permettre aux gens de se payer le contournement de la loi 101, ça ne me surprendrait pas.

Donc, moi, je pense qu'il y a une seule voie, c'est d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Il y a moyen de le faire de façon raisonnable, de façon à respecter les écoles religieuses. De toute façon, une religion, que ça se donne dans une langue ou l'autre, je pense que ce n'est pas ça qui est l'essentiel. Donc, moi, je ne vois pas en quoi ça brimerait... C'est sûr que c'est une restriction plus considérable des libertés individuelles que la loi n° 104, mais là on n'a pas d'autre choix, le gouvernement fédéral... Puis c'est vraiment étrange, ce jugement-là, tu sais. Moi, en tout cas, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre qu'ils ont pu... puis je ne suis pas le seul, puis même des intervenants qui ne sont pas du tout de la même opinion générale sur la langue, comme André Pratte, tout ça, avaient déclaré un peu avant que, si la Cour suprême invalidait la loi n° 104, on serait justifiés d'envisager d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Là, il a l'air à commencer à reculer un peu. Mais, moi, je pense qu'on est tout à fait justifiés de le faire et je pense que là on pourrait avoir quelque chose, un signal qui dirait que vraiment le gouvernement libéral est sincère quand il dit qu'il veut assurer l'avenir du français.

Mme St-Pierre: Toute la situation que vous décrivez sur Montréal et le Québec... Est-ce que vous croyez qu'en appliquant la loi 101 aux écoles privées non subventionnées on réglerait ces situations-là?

M. Beaulieu (Mario): Ça serait un pas dans la bonne direction. Je pense qu'il faut absolument appliquer la loi 101 aux cégeps. Il faut reconfigurer éventuellement, peut-être graduellement, le financement des universités, parce que sous-financer les universités francophones comme ça se fait en ce moment, c'est illogique, je pense. En ce moment, il y a plus de profs d'université dans les universités anglaises que dans les universités françaises. Donc, vous n'avez presque pas le choix. Donc, c'est sûr qu'il y a plus que 50 % des allophones qui vont fréquenter les universités anglaises.

Mais c'est comme ça pour toutes les institutions. Si on regarde les hôpitaux, il y a déjà trop d'hôpitaux anglophones par rapport à la proportion d'anglophones. La loi 101, au départ, premièrement, le statut dit «bilingue», là, anglais-français, il devait être accordé seulement de façon temporaire. Par la suite, ça a été modifié -- je pense que c'est la loi 57 -- c'est devenu permanent. Puis, deuxièmement -- ça, c'est encore écrit dans la loi -- c'est supposé être réservé à des institutions qui servent une majorité d'anglophones, ou d'italophones si c'est le statut bilingue italien-français, ou d'une seule langue. Ce n'est pas du tout le cas. Même le système de santé, le réseau d'hôpital McGill, ils ont déclaré eux autres mêmes qu'ils servent à peu près seulement 30 % d'anglophones.

À un moment donné, là, on est rendu qu'on est obligé d'aller dans des hôpitaux anglophones, puis, parfois, dans 10 % des cas selon la dernière étude de l'office, on est confronté à un membre du personnel qui ne parle pas du tout français. Ça fait que donc... On a des témoignages, nous autres. Par exemple, une dame qui s'est fait dire qu'elle avait le cancer par un interne unilingue anglais, elle ne comprenait pas. Est-ce qu'il disait qu'elle avait six mois à vivre ou c'étaient des traitements de six mois? Ils ont voulu aller chercher un autre médecin, il ne parlait pas plus français. Là, finalement, c'est une secrétaire qui lui a expliqué.

En tout cas, il y a plusieurs exemples. C'est seulement 10 % des cas, mais un sur 10, quand vous êtes ce un sur 10 là, c'est moins agréable. Puis, quand on regarde la situation, par exemple, à l'Hôpital Lachine, il devait y avoir un comité de transition, tout ça, pour s'assurer que ça reste français. Mais, moi, les échos que j'ai de gens qui devaient être sur le comité de transition, il n'y a rien qui se passe là, puis ça s'anglicise à grande vitesse, parce que les organismes qui ont le statut bilingue sont dispensés, peuvent engager des unilingues anglais quand ils n'ont pas de contact avec le public. En tout cas, je ne veux pas trop dériver. Merci, merci.

Mme St-Pierre: Alors, merci beaucoup. Je pense que notre temps est écoulé de ce côté-ci. Merci.

M. Beaulieu (Mario): Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Alors, nous débutons maintenant la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

**(10 h 40)**

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Beaulieu. Il y a un tableau que vous publiez dans votre mémoire, qui est le tableau n° 1. En fait, il y en a un seul, tableau, qui est celui sur la répartition du nombre d'élèves du secteur des jeunes à l'enseignement primaire. Les associations anglophones qui étaient... En fait, dans les associations anglophones, la majorité n'étaient pas d'accord avec le projet de loi. Souvent, ils trouvaient qu'il fallait qu'il y ait des modifications, soit limitées, soit importantes, ou ils étaient carrément contre parce qu'ils souhaitaient le libre choix. Leur argument de base est l'affaiblissement du système d'enseignement anglophone. Je voudrais savoir si vous avez creusé un peu plus, parce que ce que vous offrez comme statistiques montre qu'il y a eu une légère baisse mais rien de majeur, et les chiffres que j'ai du ministère de l'Éducation semblent montrer que la fréquentation des élèves des différents systèmes, francophone et anglophone, c'est un parcours relativement parallèle. Alors, je voulais savoir si vous avez creusé un peu plus cette question-là.

M. Beaulieu (Mario): Bien, on a ces données-là du ministère de l'Éducation. Je pense qu'il y a un déclin démographique du côté francophone et anglophone, donc il y a un déclin... Le tableau, ce qu'il montre, c'est que, de 1991-1992 jusqu'à 2003-2004, il y avait plutôt une augmentation de la proportion des étudiants qui vont à l'école anglaise puis, parallèlement, il y avait une diminution, qui est quand même passée d'à peu près 91 % à 88,5 %, des écoliers qui fréquentent les écoles françaises. Donc, je pense que le déclin, moi, je pense, c'est un faux-fuyant. Les institutions anglophones qui utilisent cet argument-là, dans le fond, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont piger dans la clientèle des écoles francophones continuellement par des stratégies de publicité. On a vu dernièrement la promotion qu'ils faisaient en disant qu'ils enseignent très bien le français, tout ça, mais en même temps on a des données qui indiquent qu'il y a toujours 30 % d'anglophones qui ne parlent pas français, et même, c'est la même statistique chez les plus jeunes. Donc, je ne pense pas que l'école anglaise remplit son rôle d'enseigner le français si bien que ça. Donc, moi, je pense qu'il y a un déclin des deux côtés, mais, relativement, proportionnellement -- c'est ce que le tableau indique -- il y a eu plutôt une augmentation, puis là il y a eu un léger déclin. Mais, en fait, c'est passé, disons, de 11,42 % en 2003-2004 à 11,48 %, puis ça a passé par 11,51 %. Ça s'est comme stabilisé, je pense, ça monte, ça descend.

Mais il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres voies de contournement de la loi 101 qui commencent à être de plus en plus populaires. Même, quand je suis allé à Embrun, en Ontario, il y a un journaliste qui m'a dit qu'il préparait un reportage là-dessus, parce qu'il y a beaucoup de gens qui passent par l'Ontario, et c'est très encouragé par des journaux comme The Gazette. Ça, je me souviens, il y a peut-être trois semaines, j'étais assez surpris de voir la une, ils disaient... C'est une mère qui avait gagné une grande victoire: elle avait amené ses enfants en Ontario, elle avait finalement réussi à contourner la loi 101, puis dans les médias anglophones on présente ça comme des grandes victoires puis on indique un peu par quelles voies on peut contourner la loi 101.

Je pense que c'est dommage, mais c'est le résultat de gouvernements qui ont été ambigus, qui ont tergiversé. Je pense qu'il faut être clair. Puis, à ce moment-là, je pense que même la population anglophone gagnerait beaucoup à être davantage incluse, et à faire davantage partie de la société québécoise, et à développer un sentiment d'appartenance, parce qu'il y a un problème de déficit migratoire important chez les jeunes, puis, moi, je pense que ça se trouverait à être contré si le système permettait que ces gens-là aient une meilleure connaissance du français puis de la société québécoise.

M. Curzi: Vous êtes en train de dire qu'un des problèmes, ce serait probablement que beaucoup de gens qui sont anglophones, qui ont une connaissance de l'anglais quittent. En fait, vous êtes revenu quelques fois là-dessus...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, c'est un facteur.

M. Curzi: ...il y a une sorte de migration.

M. Beaulieu (Mario): C'est ça.

M. Curzi: Il y a plus de mobilité, en fait. Ce qu'on sait...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça.

M. Curzi: ...c'est qu'il y a plus de mobilité chez les anglophones, c'est ce que vous dites.

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, c'est ça. Si on regarde, par exemple, la principale raison... Parce que, dans les faits, en 2006, c'était une première, il y a eu un déclin du français par rapport à l'anglais. Mais, avant ça, il y avait quand même une augmentation de la proportion de francophones, mais qui était due au déficit migratoire des anglophones qui quittent Montréal pour l'extérieur du Québec. Il y a eu quand même près de 30 % de la population anglophone qui a quitté de cette façon-là. Mais ils ont pratiquement tout récupéré, parce qu'ils réussissent davantage que la langue française à intégrer... Les transferts linguistiques vers l'anglais sont beaucoup plus forts, proportionnellement, parce que...

M. Curzi: Oui.

M. Beaulieu (Mario): Puis la raison, je pense, c'est parce que le français n'est pas la langue officielle au Québec, le Québec est un État bilingue dans la réalité. Si vous allez dans n'importe quel service gouvernemental, vous allez avoir les services en anglais. Vous allez chercher votre permis de conduire, vous pouvez l'avoir en anglais, vous avez le service. Même, il y a des démarches, je pense, parce que -- nous autres, il y a des employés, tout ça, qui ont dénoncé ça, ils ont dénoncé ça aussi dans les journaux -- quand quelqu'un, un nouvel arrivant demande à être servi en anglais, on cochait un item «langue», puis il était servi en anglais pour le reste de ses jours. Il y avait une étude du Devoir qui avait montré que 75 % des immigrants allophones à Montréal sont servis uniquement en anglais par le gouvernement du Québec. Alors, moi, je pense que ce bilinguisme-là institutionnel fait que, d'une part, les gens de la communauté anglophone peuvent vivre complètement en vase clos, complètement de façon anglaise sans jamais avoir à se servir du français, puis les allophones, il y a une bonne proportion des allophones qui le font, puis ça se sent à Montréal. Nous autres, on est au centre-ville ouest, puis c'est rendu... on ne peut plus commander une pizza sans... Ça arrive une fois sur deux que le serveur sert seulement en anglais. Il faut vraiment insister.

Donc, je pense que oui, il y a une anglicisation de Montréal, puis il faut que les régions prennent conscience que ça s'en vient chez eux. De plus en plus, Laval s'anglicise; sur la Rive-Nord, les villes qui sont proches du fleuve s'anglicisent, en tout cas la force d'attraction du français est en baisse; c'est la même chose en Montérégie. Donc, si on ne réagit pas, si on veut avoir un niveau d'immigration à 50 000 immigrants par année, bien, ça va très rapidement. Les gens, par exemple, dans... Il y a certaines régions, là, qui ont très peu d'anglophones, mais ça, ça peut changer très rapidement une fois que Montréal est anglicisée. Moi, j'ai grandi dans l'Ouest-de-l'Île. Il y a un taux d'assimilation de 12 % des francophones dans l'Ouest-de-l'Île, parce que... Mais je pense qu'aussi c'est un phénomène de société. Notre but, ce n'est pas de viser personne personnellement, mais on a une attitude de minoritaires, on est portés à parler en anglais avec les nouveaux arrivants à Montréal. Beaucoup de nouveaux arrivants, d'allophones nous disent: Bien, les francophones nous parlent en anglais. Donc, il y a un changement d'attitude à avoir, puis je pense qu'il faut se remobiliser.

La question linguistique a été un tabou pendant peut-être une vingtaine d'années. Mais là on est rendu à un point que, si on ne réagit pas, bien, Montréal va devenir un gros West Island, puis là ça va se propager ailleurs, puis ça va être fini. Je pense que ce n'est pas être alarmiste que de dire ça. Quand on regarde les chiffres, c'est très clair. On ne dit pas qu'il n'y a eu aucun progrès avec la loi 101, il y a eu des progrès. Mais la loi 101, elle a été tellement affaiblie qu'on est revenus au bilinguisme institutionnel intégral ou presque, puis là on assiste à un déclin du français.

M. Curzi: Il y a plusieurs groupes qui sont venus... Je vous entends bien. Évidemment, je serais mal placé pour vous dire que je ne partage pas une partie de votre analyse. Mais il y a plusieurs groupes qui sont venus. Les syndicats nous ont parlé de leurs inquiétudes et, jusqu'à un certain point, de ce qui ne se passait pas au niveau du français langue de travail dans les milieux de travail. Il y a des fonctionnaires qui sont venus -- le Syndicat de la fonction publique du Québec -- qui sont venus nous dire qu'effectivement au niveau de la langue de l'administration il y avait des pratiques qui ne favorisaient pas le français non plus ou qui même allaient à l'encontre d'une politique d'application du français.

Là, actuellement, on sait bien que la loi n° 103... ou le fait d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées, ce n'est pas une solution... ce n'est pas la panacée, mais c'est une des solutions -- vous parliez des cégeps -- donc qu'il y a un ensemble de secteurs ou de lieux où on devrait intervenir, semble-t-il, dans l'esprit de la loi 101. Est-ce qu'à votre avis il serait temps -- puisque M. Larose est là aussi -- qu'il y ait de nouveau une réflexion générale sur l'évaluation? Ou est-ce qu'à votre avis on est suffisamment informés de ce qui se passe, particulièrement dans la grande région de Montréal? Donc, croyez-vous qu'il y ait nécessité qu'il y ait de nouveau une réflexion collective sur la situation du français au Québec?

M. Beaulieu (Mario): Bien, je dirais, d'une part, il faut agir, il ne faut pas attendre de faire encore des études, des états généraux, des colloques. Je ne suis pas contre qu'il y ait des études puis qu'on étudie vraiment la situation, puis, bon, il faut que ça se fasse. Comme l'étude sur les cégeps, je pense que c'était très important, c'est assez étrange que ça n'a pas été fait avant. Mais je pense qu'il faut agir dès maintenant.

La situation du français exige qu'il y ait une réforme majeure et globale, je suis d'accord avec vous, au niveau de la langue de travail. Au niveau de la langue de travail, c'est des interventions directement dans le secteur privé. Ce n'est pas nécessairement plus facile, mais je pense que c'est très important. Disons, on est d'accord aussi avec le fait d'appliquer la loi 101 aux plus petites entreprises. Il faut voir par quels mécanismes, parce que c'est quand même beaucoup d'entreprises, mais je pense que c'est essentiel de le faire, il faut que les gens comprennent. Puis, là encore, je pense qu'il faut que le gouvernement mette en oeuvre l'article 16 de la loi 101. Je pense que, tant que le gouvernement va communiquer en anglais avec les entreprises, c'est très difficile de les inciter à utiliser le français comme langue commune.

**(10 h 50)**

M. Curzi: C'est une des raisons, j'imagine, qui ont fait que vous n'avez pas passé beaucoup de temps sur les autres mesures que le projet de loi présente, parce qu'il vous semble que ces mesures-là ne sont peut-être pas... Je ne sais pas. Vous avez peu passé de temps. Je veux juste vous laisser commenter.

M. Beaulieu (Mario): C'est ça. Bien, on a touché à beaucoup de dossiers depuis quelques années. En ce moment, c'est sûr que le secteur de l'éducation, c'est crucial, c'est par l'éducation qu'on transmet une langue, qu'on intègre les nouveaux arrivants. C'est ça, je pense, qui est le plus important. Mais il y a toutes les mesures pour assurer les services publics en français, débilinguiser les services publics, intervenir pour le français langue de travail, puis c'est un peu l'objectif. Il y a quand même une coalition de plus de 35 organismes qui est pour l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et il y a de plus en plus des organismes qui se mobilisent.

Puis le jugement de la Cour suprême, ça a été un réveil, parce que ce que ça démontre, c'est, en tout cas jusqu'à nouvel ordre, que tant qu'on est dans le Canada, on n'a pas le pouvoir de protéger ou d'assurer l'avenir de notre langue. Pour l'instant, la seule façon d'être certains d'assurer l'avenir du français -- là, je parle pour la Société Saint-Jean-Baptiste -- c'est l'indépendance du Québec. C'est la seule façon qu'on récupère vraiment nos outils collectifs, puis à ce moment-là on n'aura pas de Cour suprême puis de jugements comme ça qui viennent constamment nous affaiblir, puis je pense que c'est pour ça aussi que ce n'est pas intéressant...

Disons, la communauté anglophone, je pense que oui, elle aurait intérêt à s'intégrer davantage, parce qu'on a vu ici quand même plusieurs intervenants qui réclamaient carrément l'abolition de la loi 101, puis, si on regarde dans les sondages, c'est un peu ça que ça indique. Ça fait que je pense qu'il va falloir se mobiliser, puis je pense qu'il faut répondre aussi quand The Gazette... M. Macpherson, quand il parle du libre choix, là, le libre... Oh! Il ne faut pas nommer d'individus, excusez-moi. En tout cas, je ne sais pas. Mais, quand on parle de libre choix, le libre choix de qui? Je me souviens, à la fête du Canada, j'ai ramassé une grosse pancarte rouge -- en tout cas, je peux avoir une photo -- collée sur l'office, qui était là, Freedom of Choice, qui reprenait les propos de M. Macpherson, mais il faudrait peut-être lui dire: Le libre choix de qui? Le libre choix des gens de contourner la loi 101?

À un moment donné, je pense qu'on s'est beaucoup fait culpabiliser, puis c'est assez paradoxal, parce que le Canada anglais, moi, je trouve, ils sont très mal placés pour nous culpabiliser. Eux autres, ils ont interdit les écoles françaises aux francophones, ils ont fait ce qui revient ni plus ni moins qu'à un génocide culturel quand tu élimines, tu anglicises 75 % de la population. C'est de l'histoire, mais c'est quand même important de le réaliser. Mais, moi, je pense qu'il faut arrêter de se faire culpabiliser puis il faut recommencer vraiment à se motiver, et ça prend une réforme majeure de la loi 101, puis il y a une mobilisation qui se prépare pour ça.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond, vous avez la parole, mais il reste autour de deux minutes.

M. Blanchet: Bonjour, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Mario): Bonjour. Oui.

M. Blanchet: Je vais faire ça vite. D'une part, je ne peux pas ne pas saluer votre connaissance holistique, à la fois quantitative et qualitative, du dossier linguistique. Vous semblez pouvoir aller d'un aspect à l'autre avec une aisance et une franchise qui est tout aussi remarquable.

Je veux revenir sur la question du parcours authentique. Si je comprends bien ce que vous nous disiez, la Cour suprême a essentiellement dit au gouvernement du Québec: Écoutez, trouvez une façon de légitimiser que quelqu'un qui prétende être de bonne foi puisse contourner la loi 101 sous réserve -- c'est arrivé par la suite -- qu'il en ait les moyens. Cela dit, le règlement, qui ne fait pas partie de la loi et donc qui est soumis à tous les arbitraires futurs, est quand même assez copieux. Donc, j'aimerais que vous élaboriez, parce que ce règlement-là doit...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, c'est ça.

M. Blanchet: ...suggérer autre chose que ce simple raccourci d'une apparence de bonne foi.

M. Beaulieu (Mario): C'est ça. C'est sûr que pour nous il ne devrait pas y en avoir du tout, de règlement, parce que ça devrait être l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Mais, quand on regarde ça, c'est 15 points, c'est donné en fonction des différents types d'école. Si vous avez fait plus que trois ans, je pense, à ce moment-là, ils disent: Vous avez fait la majeure partie de vos études primaires à l'école anglaise, donc ça vous donnerait le droit d'accéder au système public anglais -- ça, je trouve, ça n'a pas de sens -- puis là il y a toute une série de critères dépendant du type d'école ou même qualitatifs. Je ne sais pas comment on peut évaluer l'intention d'aller du côté anglophone. Puis c'est surtout, c'est quoi, la légitimité de ça? Parce que tu veux vraiment aller du côté anglophone, tu as le droit de contourner la loi. Fondamentalement, c'est vicié comme jugement.

Mais c'est ce qui nous fait dire que la Cour suprême est comme la tour de Pise, elle penche toujours du même côté, et c'est ce qu'on voit là, puis c'est vraiment choquant. Mais, moi, je pense que, si l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité pour la loi n° 104, bien, elle devrait établir l'unanimité sur une façon d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Il me semble qu'il y a moyen. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, ceci termine la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au chef de l'Action démocratique du Québec, le député de Chauveau. M. le député.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Salutations aux confrères et consoeurs élus. M. Beaulieu, bonjour...

M. Beaulieu (Mario): Bonjour.

M. Deltell: ...ça me fait plaisir de vous rencontrer. Il y a bien des points de vue qui nous séparent, comme par exemple tout à l'heure, quand vous avez parlé que vous souhaitez appliquer la loi 101 dans les cégeps. Nous, on n'est pas de cette optique-là. On estime que, lorsqu'on est au cégep, on prépare sa carrière, et il y en a qui peuvent vouloir faire des études en anglais à l'université puis qui voient le cégep anglais comme étant une espèce de match préparatoire à tout ça, ce qui est tout à fait légitime. Et donc, nous, on ne souhaite pas que la loi 101 soit appliquée dans les cégeps.

Tout à l'heure aussi, quand vous avez parlé que votre solution à vous, c'est l'indépendance du Québec, comme ça on n'aura pas de Cour suprême, je sais qu'évidemment vous faisiez référence à la Cour suprême du Canada puis que vous allez respecter...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça.

M. Deltell: ...une Cour suprême québécoise, on l'aura compris. Mais...

M. Beaulieu (Mario): Oui, oui. On n'est pas contre un État de droit.

M. Deltell: Mais c'est parce que je trouve ça un peu inquiétant quand vous dites ça, parce que c'est comme prendre pour acquis que la Cour suprême du Québec, ça va être fait avec des bonnes personnes qui pensent comme vous, alors que nous vivons toujours dans un système de droit et que le droit devra toujours faire une contrebalance avec le pouvoir législatif, que nous respectons, que nous honorons, mais notre système est fait de telle sorte qu'il doit toujours y avoir une contrebalance avec le système judiciaire, que nous devons respecter, et qu'on ne peut pas présumer, advenant un Québec indépendant, que la Cour suprême sera toujours de votre bord.

Cela dit, j'apprends aussi que vous allez tenir une conférence de presse tantôt. Bien, tant mieux. Bravo! Je la salue, puis félicitations. Je crois comprendre que je n'y serai pas. Mais ce que je veux vous dire là-dedans, c'est que...

M. Beaulieu (Mario): Bien, si vous ralliez notre cause, vous êtes le bienvenu.

M. Deltell: Mais ce n'est pas le cas, et ce que je veux vous dire là-dessus: Bravo! Vous l'avez fait de façon très digne et responsable jusqu'à présent. Je vois M. Larose, d'ailleurs. Je vous remercie pour la qualité du débat que vous faites. Les interventions de vos gens et de tous les organismes qu'on a pu entendre jusqu'à présent, c'est fait dans la dignité et dans le respect, et je vous salue. Vous faites une conférence de presse tantôt? Bravo! Tenez-la bien, on a hâte de voir ce que vous allez dire. On s'en doute un petit peu, mais on a hâte de voir ce que ça va dire.

Pour les trois secondes qu'il me reste, j'aimerais juste entendre votre commentaire sur notre position. Vous en avez peut-être entendu parler. Nous, on souhaite que les Québécois soient bilingues dans un Québec français. Pour ça, on souhaiterait qu'on enseigne correctement l'anglais, ce qui passerait par des cours d'immersion d'anglais intensif au primaire. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Beaulieu (Mario): Bien, nous, on n'est pas contre l'apprentissage d'une deuxième langue ou de plusieurs langues. Il faut être sûr que d'abord le français est bien appris. Puis, bon, les études qu'on a... En ce moment, les mesures de saupoudrage de cours d'anglais en première année, c'est inefficace. Les études montrent... Au Nouveau-Brunswick, je pense qu'ils le faisaient, ils ont arrêté de le faire, parce que c'est plus l'immersion. De quelle façon? Il faudrait le voir. Puis je pense que ce serait dommage aussi qu'on passe notre temps à apprendre seulement une deuxième langue, l'anglais. Je pense qu'il y a encore plus de parlants espagnol en Amérique que de parlants anglais. Si vous prenez toute l'Amérique latine, l'Amérique du Sud, en chiffres absolus, il y a davantage de gens qui parlent espagnol que de gens qui parlent anglais en Amérique. Ça, je suis pas mal sûr de mon coup. Vous validerez.

M. Deltell: C'est un discours qu'on entend souvent chez beaucoup de...

M. Beaulieu (Mario): C'est ça, mais...

M. Deltell: ...souverainistes, qui souhaitent qu'on apprenne d'abord la troisième langue avant d'apprendre la deuxième.

M. Beaulieu (Mario): Je n'ai pas dit ça, mais j'ai dit: Pourquoi apprendre une seule langue? Ce serait peut-être bon de s'ouvrir aussi à d'autres langues...

M. Deltell: Mais d'abord bien apprendre notre première.

M. Beaulieu (Mario): ...puis je pense qu'en ce moment il ne faut pas oublier qu'il y a quand même... Je pense que, dans la région métropolitaine, c'est près de 60 %, 70 % des francophones qui connaissent l'anglais. Dans l'ensemble du Québec, c'est 35 %. Alors, on est un des endroits les plus bilingues au monde. Si on se compare au Canada anglais, je pense que c'est 9 % des Canadiens anglais qui connaissent le français. Mais ce n'est pas une raison. On n'est pas contre améliorer l'apprentissage de l'anglais, mais je pense qu'en ce moment il y a... Sur les cégeps, moi, je pense qu'on apprend tout le vocabulaire de notre travail au Québec, de financer les cégeps en anglais pour les nouveaux arrivants, je pense que c'est aussi aberrant que quand on finançait des écoles primaires et secondaires en anglais pour les nouveaux arrivants. C'est encore plus important, parce qu'aujourd'hui ça prend le cégep pour travailler, c'est comme le niveau de base pour presque tout.

Mais je pense qu'on peut apprendre plusieurs langues, en s'assurant que le français est la langue commune. Là-dessus, je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Beaulieu, de nous avoir fait connaître la position de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal sur le projet de loi n° 103.

J'inviterais maintenant Le Conseil de la souveraineté du Québec à venir se présenter à notre table, et je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 3)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir M. Gérald Larose, président du Conseil de la souveraineté du Québec. M. Larose, nous allons vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et par la suite vous pouvez nous donner votre présentation pour une période d'environ 15 minutes. La parole est à vous.

Le Conseil de la souveraineté du Québec

M. Larose (Gérald): Mme la ministre, membres de cette commission, M. le Président, alors je vous présente, à ma gauche, Francine Lavoie, qui est vice-présidente du conseil...

Le Président (M. Marsan): Bonjour.

M. Larose (Gérald): ...et, à ma droite, Pierre-Paul Sénéchal, qui est administrateur au conseil.

Le Président (M. Marsan): Bonjour.

M. Larose (Gérald): Alors, on a lu, relu le projet de loi n° 103, on l'a analysé, on a aussi regardé à nouveau la Loi sur l'enseignement privé, le jugement de la Cour suprême et la Constitution du Canada. Le conseil a débattu l'ensemble de ces textes, a consigné ses réflexions dans un mémoire que nous vous avons déposé, et nous avons arrêté notre proposition, qui correspond à ce que l'immense majorité des groupes vous a présenté et que le Conseil supérieur de la langue française également vous a présenté, c'est que, quant à nous, toutes les écoles, publiques comme privées, subventionnées comme non subventionnées, doivent être soumises à la Charte de la langue française. Je ne vous lirai pas le mémoire, je vais tout simplement épingler quelques démonstrations pour laisser le plus de temps possible pour le débat.

Si le projet de loi n° 103 vise à permettre à plus de gens d'appendre l'anglais, je vais vous dire qu'à 2 % de locuteurs français en Amérique du Nord, l'anglais, ça ne s'apprend pas, ça s'attrape. Quand il y a 98 % des dispositifs scolaires en Amérique du Nord qui sont en anglais, si les gens n'ont pas accès à ces dispositifs-là, ils ont un problème personnel; ce n'est pas un problème collectif. Et quand, on vient de le rappeler, à 8,8 % de la population québécoise, les anglophones ont plus de 10 % des ressources au primaire et au secondaire, plus de 18 % des ressources au collégial, plus de 25 % des ressources à l'universitaire, qu'à Montréal l'Université McGill et l'Université de Montréal ont plus de professeurs plein temps que l'UQAM et... c'est-à-dire que Concordia et McGill ont plus de professeurs plein temps que l'UQAM et l'Université de Montréal, je pense qu'il y a un problème. Et quand on sait que les médecins à 70 % formés à McGill quittent le Québec en dedans de cinq ans, il y a un problème. Il y a un problème de disproportion en défaveur du français. Soyons clairs sur les faits.

Deuxièmement, les dispositifs internes des réseaux académiques au Québec sont déjà pourvus de mécanismes pour apprendre l'anglais, perfectibles, mais le résultat net, c'est qu'on est six fois plus bilingues que le reste du Canada. On est neuf fois plus trilingues que le reste du Canada. C'est quoi, le problème? La loi n° 103, le projet de loi n° 103, et là je voudrais qu'on prenne le terme dans son sens technique, c'est une loi de colonisés, au sens où on reproduit le discours dominant et, en voulant articuler en législation québécoise le jugement de la Cour suprême du Canada, on fait la job du Canada au Québec. Parce qu'ici il y a deux régimes linguistiques, deux régimes linguistiques qui se contredisent et qui se concurrencent, et la loi n° 103 donne raison au régime linguistique canadien. C'est ça, le vrai projet.

Beaucoup d'efforts ont été mis dans cette loi, pas toutes des choses inutiles, mais pour faire accroire que c'est un projet de loi de type administratif, alors que c'est un projet de loi politique, structurel, constitutionnel. Je rappelle que le statut de la langue, dans l'histoire des rapports des British versus les Canayens, des Canadiens anglais versus les Canadiens français, du Canada versus le Québec, le statut de la langue est au coeur de cette histoire, qui est une histoire houleuse, une histoire de résistance, une histoire de tentative d'éradication, une histoire de reconquête. C'est un combat qui n'est pas fini. La loi n° 103 vient donner du poids à un des deux camps.

Je veux rappeler qu'il y a eu au moins sept législations au Canada pour éradiquer le français, les écoles françaises, sans que le gouvernement fédéral ne se prévale de son droit de désaveu. Ça suppose qu'il y avait un projet. Le projet est le suivant: c'est que la question de la langue, c'est d'abord et avant tout une question politique. Avec la langue, on fait une nation, mais, avec la langue, on défait la nation. Et le Canada a pratiqué ça allègrement pendant 250 ans, pas rien qu'à l'endroit des francophones, à l'endroit des Amérindiens qu'on a sortis des réserves, à qui on interdisait de parler leurs langues. Parce que la langue, c'est l'ingrédient de base de la cohésion sociale, de la cohésion culturelle, et donc, effectivement, quand on est dans le «nation building», ce qu'on n'a pas réussi par les armes, on a essayé par la colonisation, par le régime colonial; ce que l'on n'a pas réussi par le régime colonial, on le tente par le régime juridique. C'est là-dedans que nous sommes.

La loi 101, c'est la seule loi qui a sauvé le français en Amérique du Nord; toutes les autres lois l'ont calé. D'abord, la loi de 1969 de Trudeau. Et c'est précisément là le coeur du conflit, et que le projet de loi n° 103 vient donner raison à Trudeau, c'est que la loi 101 a restauré le caractère national et le caractère collectif de la langue. Le projet de loi... la loi Trudeau de 1969, qui a été migrée dans la Constitution de 1982 pour sanctionner l'Assemblée nationale parce qu'elle avait voté la loi 101, eh bien, la perspective Trudeau, c'est de dire qu'il n'y a pas de propriété collective et nationale sur la langue, ça s'atomise dans les individus. Et on ne parle pas de droit, on parle de services, là où c'est accessible.

**(11 h 10)**

Alors, que les juges de la Cour suprême disent qu'un service ça peut s'acheter, il y a là une logique infernale. Oui, les droits linguistiques du Canada, c'est de la camelote, qu'on peut acheter, ça dépend de l'épaisseur de votre portefeuille. On n'est plus dans un régime de droit, à ce niveau-là.

Trudeau a refusé qu'on parle de nation, il voulait qu'on parle de majorité et de minorité; ça change tout. Trudeau a refusé qu'on parle de bilinguisme, il fallait parler de dualité linguistique. Trudeau a refusé qu'on parle d'un droit inaliénable, il nous a amenés à parler de services.

Le Québec a branlé dans le manche. On a eu le bill 63, on a eu la loi 22, bon, on a branlé dans le manche, mais finalement, avec la loi 101, on a tranché. On a dit: Il y a un avenir pour le français ici. Ça a été un geste fort, contre l'ordre canadien, mais un geste qui a marqué les esprits, et, en quelques années, le visage a changé. Mais le combat n'a pas été abandonné pour autant. Le Canada n'a pas désaccéléré et a détricoté systématiquement l'impact de la loi 101, en commençant par financer toutes les contestations, puis ensuite en amendant sa Constitution pour avoir le pouvoir de neutraliser le Québec, puis ensuite la Cour suprême a fait le reste.

Le dernier, c'est les écoles. Pour le travail, ne vous inquiétez pas, ça se fait. On n'aura pas besoin de jugement de la Cour suprême, ça s'anglicise vitesse grand V: il n'y a plus un poste de travail à Montréal qui s'octroie sans l'obligation de l'anglais.

L'Assemblée nationale n'a pas le droit de se mettre à genoux. L'Assemblée nationale n'a pas le droit de soumettre le Québec à l'ordre de la Cour suprême du Canada. L'Assemblée nationale, si elle est digne, n'a qu'un seul choix, c'est de poursuivre la lutte que la loi 101 a restaurée, c'est-à-dire qu'il y a, en Amérique du Nord, un peuple qui entend vivre en français, et se servir de l'anglais et des autres langues comme un atout, et, n'ayant pas l'anglais et d'autres langues, ça ne devrait pas être un handicap. Ça, ça s'appelle vivre dans la normalité. On va souhaiter que l'Assemblée nationale nous fasse vivre dans la normalité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci M. Larose. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. Larose. Merci d'être là ce matin. Le moins qu'on puisse, c'est que vous êtes en pleine forme.

M. Larose (Gérald): Je suis habituellement en forme.

Mme St-Pierre: Oui. Oui. On connaît votre verve, et j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt parce que, tout d'abord -- c'est vous qui en êtes l'auteur, je serais prête à le parier -- il est très bien écrit. Vous reculez très, très loin dans l'histoire des francophones en Amérique, et c'est intéressant à lire.

Cependant, vous comprenez qu'on ne partage pas la même opinion que vous concernant la loi n° 103, c'est bien évident. Et vous avez mentionné M. Trudeau et, moi, je peux vous dire aussi qu'on a abondamment mentionné, dans cette commission parlementaire là -- vous avez dû suivre un peu nos travaux -- M. Lévesque et M. Laurin. M. Bernard d'ailleurs est venu nous en parler, de la raison pour laquelle M. Lévesque et M. Laurin n'avaient pas appliqué la loi 101 aux écoles privées non subventionnées à l'époque.

Je voudrais vous poser une question sur le rapport que vous aviez publié, en fait les états généraux sur la langue et le rapport que vous aviez préparé. Vous aviez fait 149 recommandations dans ce rapport qui est fort intéressant, que j'ai lu également. Vous avez fait 149 recommandations. Il a coûté 2,4 millions de dollars. En 2003, là, deux ans après sa publication, est-ce que vous étiez un peu frustré de voir que le gouvernement n'avait pas mis en place vos recommandations? Peut-être pas dans sa totalité, mais, 149, on a fait le calcul ici, il y a eu huit recommandations qui ont inspiré des actions, seulement huit ont été prises en compte. Est-ce que c'était, pour vous, un... Est-ce que c'était frustrant?

M. Larose (Gérald): Tout d'abord, vous rappeler que cette commission effectivement a été celle qui a coûté le moins cher pour neuf commissaires. Deuxièmement, vous rappeler que cette commission a eu lieu en l'an 2000 et 2001, au moment où on constatait qu'effectivement nous étions sur un plateau quant à la progression du français à Montréal et au Québec, mais qu'à partir de 2006 -- c'est les chiffres qui nous sont donnés -- là, les indicateurs se sont inversés. On est en retrait. Si on avait été en présence d'un retrait, à mon avis, un certain nombre de recommandations auraient été différentes.

Quant à l'application des recommandations, oui, il y a eu quelques recommandations qui ont été appliquées. Ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on avait proposé, mais on aurait souhaité que le gouvernement qui a suivi poursuive et qu'effectivement on puisse en appliquer davantage. Mais la loi n° 103 est dans une direction totalement contraire.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous faites en sorte aussi que... Est-ce que, dans votre esprit, on devrait également appliquer la loi 101 au niveau collégial et même jusqu'au niveau universitaire?

M. Larose (Gérald): Le conseil n'a pas disposé de cette question, a fait une activité par ailleurs pour se saisir de la réalité, et je dirais que le principal acquis à ce jour, sans que le débat n'ait été complété... Il est vrai que les institutions scolaires, y compris de cégeps et universitaires, sont des machines à fabriquer des citoyens. Et, quand elles sont des institutions anglaises, effectivement, ça fabrique des citoyens qui sont anglais ou anglicisés.

Je vous donne un seul exemple: la consommation des produits culturels, quand elle se fait du côté d'étudiants allophones qui fréquentent les cégeps anglais par rapport aux cégeps français, il se consomme cinq fois moins de produits culturels, français, j'entends, chez les allophones qui fréquentent les institutions anglaises par rapport à ceux qui fréquentent... les institutions anglaises. Et, dans une proportion moindre, les francophones qui fréquentent les mêmes institutions anglaises effectivement diminuent très singulièrement leur consommation de produits culturels. Donc, ce n'est pas neutre que les écoles et les institutions académiques dans une société.

Je vous rappellerai que, si la France a établi l'école publique au début du XXe siècle -- on l'appelle l'école de Ferry, de Jules Ferry -- ça a été précisément d'abord pour faire l'unité nationale. Alors que le français s'est appliqué ici dès le XVIIe siècle, le français est devenu la langue commune en France au début du XXe, deux siècles plus tard. C'est parce que les institutions jouent un rôle capital dans la cohésion sociale et culturelle.

Donc, à votre question, je pense qu'il faut qu'on regarde effectivement si le dispositif actuel favorise, je dirais, la cohésion française ou l'inverse.

**(11 h 20)**

Mme St-Pierre: Mais je pense qu'aussi, sociologiquement, il y a une prise de conscience de chacun et chacune d'entre nous pour ce qui est de la question de la langue anglaise. Et je ne sais pas si c'est une maturité ou si c'est un glissement, mais on voit... Par exemple, dimanche soir, j'écoutais l'émission Tout le monde en parle, et, la première partie de l'émission, il y a eu au moins cinq minutes de chansons, d'extraits de chansons en anglais. Je comprends qu'on présentait le disque de Roch Voisine, mais il reste quand même que c'est une institution, Radio-Canada. Puis des chanteurs également très connus francophones qui vont chanter en anglais puis qui vont en être très fiers, qui vont endisquer en anglais, puis qui vont aussi être des grands, grands, grands défenseurs de la langue française.

Alors, il y a quelque chose, on dirait, là, qui se passe, mais je ne sais pas si c'est quelque chose de si... Comment on explique ça? Est-ce que c'est parce qu'on a un sentiment de sécurité puis que ce sentiment de sécurité là ne devrait pas être là? Mais, je sais qu'il faut que nous fassions la promotion du français. Il faut que ce soit chacun d'entre nous, dans notre vie, qu'on soit en mesure de défendre nos racines. Puis, moi, M. Larose, je suis venue au monde sur une ferme dans un petit village dans le Bas-du-Fleuve, fondé par mes ancêtres, alors il n'y a personne qui va venir me dire que je n'ai pas le français à coeur, et par respect pour mes ancêtres et par respect aussi pour ceux qui vont nous suivre. Alors, il y a quelque chose d'important, il faut conscientiser davantage, je pense, les jeunes.

Mais ce n'est pas le but de notre projet de loi, là. Notre projet de loi, c'est un projet de loi qui fait en sorte qu'on n'applique pas la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Vous savez, puis je l'ai expliqué en long et en large, vous connaissez la raison pour laquelle ça serait très difficile de le faire.

Puis aussi il y a des gens qui sont venus nous parler de leur projet d'écoles Vision, que vous connaissez probablement. Il y a 2 000 élèves, au Québec, qui fréquentent les écoles Vision. Et leur projet éducatif, la loi ne leur permettrait pas de le faire si la loi 101 était appliquée aux écoles privées non subventionnées. Vous allez me dire: C'est des gens bien nantis. Oui et non. On nous a dit qu'il y avait des gens qui faisaient beaucoup de sacrifices pour envoyer leurs enfants là.

Alors, vous savez comme moi, vous qui êtes un penseur et un grand intellectuel, vous le savez que ce n'est pas quelque chose qui est aussi facile, d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, qu'on pourrait le croire à première vue.

M. Larose (Gérald): Là-dessus, je ne partage pas votre point de vue. C'est facile. La pratique politique, sociale et culturelle du Québec moderne, c'est la loi 101. Elle... je dirais, elle s'est appliquée en contredisant l'ordre canadien. Si on avait demandé la permission au Canada pour le faire, jamais ça aurait eu lieu. Ça a été fait contre l'ordre canadien. Aujourd'hui, il faut être à nouveau contre l'ordre canadien.

Comment on le fait? D'abord, en affirmant que la loi 101 va s'appliquer à toutes les écoles. Puis je ne suis pas le premier, on n'est pas le premier à le dire, tout le monde le dit, y compris le Conseil supérieur de la langue française. Ensuite, on avise. Il faut se battre. Si on ne veut pas se battre, on se couche. On n'est pas d'accord pour qu'on se couche. Il y a un espace, y compris juridique, qu'on peut occuper. Et, dans ce sens-là, c'est une question de volonté politique, point à la ligne.

Et, dans notre histoire, on a toujours eu les deux camps: on a eu ceux qui ont voulu se battre et ceux qui ont voulu se coucher. Malheureusement, il y en a eu plus qui ont voulu se coucher que de se battre. Mais, dans l'ère moderne, ça a changé. Ça s'adonne qu'à partir des années soixante, sur la lancée, je dirais, des mouvements de libération nationale, le Québec s'est retrouvé, je dirais, dans ses essentiels.

Je vous rappellerai, Mme la ministre, que, pendant un siècle, de 1840 jusqu'à, disons, 1960, le français s'est replié dans le privé, dans la ruralité et dans l'église. Tous les ministres des Finances des gouvernements étaient des anglophones. À la ville de Montréal, tous les actes juridiques, jusqu'en 1956, c'était en anglais. Alors, je ne vous parle pas de l'affichage puis je ne vous parle pas de comment ça marchait dans les entreprises, etc., c'était en anglais.

Quand il y a eu le poing sur la table, là, oh!, et qu'il y a eu la montée en puissance du peuple québécois, disons, ça s'est tassé un peu. Et, quand il y a eu branlage dans le manche avec le bill 63 et la loi 22, ça... Moi, j'estime que ça a été des étapes où, collectivement, on a apprivoisé que peut-être qu'on serait capables effectivement de s'affirmer, et que le tout a été, je dirais, rivé avec la loi 101. Oui, ça a été un crescendo. Il est possible de poursuivre ce crescendo, mais ça suppose qu'on n'ait pas peur de faire face à la musique.

Mme St-Pierre: D'accord. Bon, encore une fois, je présume...

Le Président (M. Marsan): On me dit que M. Sénéchal...

Mme St-Pierre: Est-ce que j'ai terminé?

Le Président (M. Marsan): ...voulait rajouter, je pense. Excusez.

M. Sénéchal (Pierre-Paul): Oui, juste un petit complément à ce que M. Larose vient d'énoncer. Mme la ministre, vous dites que vous avez, en raison de vos origines, le français à coeur. Et il n'y a aucun doute là-dessus, on partage votre point de vue. Et je suis certain que toutes les personnes ici, autour de la table, ont le français à coeur. Mais l'essentiel du message du mémoire du conseil est plutôt celui-ci: il faut, face à l'avis de la Cour suprême, avoir l'intégrité et la souveraineté de notre Assemblée nationale à coeur. On en est rendu là, là. La loi 101 a été mise en déroute à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada, qui, à toutes fins pratiques, se substitue au pouvoir de désaveu que le fédéral a à l'article 94 de la loi qui est constitutive du Canada, de 1867. Et, en octobre dernier, à nouveau, ce pouvoir de désaveu via la Cour suprême a été exercé contre le Québec. Et l'Assemblée nationale du Québec, ce n'est pas une assemblée provinciale, c'est une assemblée nationale parce que le Québec constitue une nation, même le gouvernement fédéral l'a consacrée. Et on ne peut pas admettre que des juges, sur une base purement interprétative, des juges nommés par un premier ministre canadien, de surcroît, viennent mettre en déroute de façon aussi continue les prérogatives et la souveraineté de l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Oui. Alors, merci, M. Sénéchal. D'ailleurs, M. Larose, quand vous avez présenté les personnes qui étaient avec vous, vous avez dit que c'est des personnes qui sont sur votre conseil d'administration. Vous en avez oublié une dans cette salle, parce que, dans la liste qu'on nous a envoyée, le député de Borduas est sur votre conseil d'administration aussi, je pense. Alors, on en a quatre.

J'aimerais vous citer... J'aimerais vous citer Me Bernard, lorsqu'il est venu ici, et qu'il nous... Parce que vous avez... Votre mémoire fait beaucoup appel à l'histoire, alors je me sens très à l'aise de faire appel à l'histoire avec vous. Il a dit: «Et, moi, je pense que, quand on a passé la loi 101, on a laissé cette zone de liberté là parce qu'il n'y avait pas de fonds publics, puis on l'a laissée, et je pense que c'est un atout de la loi 101. Puis, d'ailleurs, le Dr Laurin s'en est vanté quand il a passé la loi, puis M. Lévesque était très fier de ça. Alors, je pense que, si on [enlève ce droit], on va avoir des problèmes importants parce qu'il y a toutes sortes d'écoles là-dedans. Il y a [les] écoles ethniques, [les] écoles religieuses, [les] écoles qui sont à régime pédagogique privé [...] c'est une réalité très diversifiée. Alors, je pense qu'enlever ça, il faudrait avoir vraiment de très bonnes raisons.

«Puis ensuite, je suis d'accord avec ce que la ministre a dit, qu'au point de vue réputation internationale, si on passe la clause "nonobstant" -- parce que je pense qu'on serait obligés de la passer -- ça ne serait pas bon pour la réputation du Québec. Et puis, à tous les cinq ans, le problème reviendrait parce que, si on prend la clause "nonobstant", c'est bon pour cinq ans, alors, à tous les cinq ans, le problème reviendrait. Donc, si on est capables d'éviter d'aller aussi loin que [cela]...» Puis, plus loin, il parle d'une solution, il parle d'une solution radicale. Donc, c'est quand même...

Là, ce que vous êtes en train de dire, c'est que M. Bernard se couche aussi, là.

M. Larose (Gérald): Bien, M. Bernard, quand il cite René Lévesque et Camille Laurin, aurait dû vous préciser que Camille Laurin et René Lévesque parlaient avant la Constitution de 1982. Ce qui change la game, pour prendre un mot canadien, c'est la Constitution de 1982. On n'est plus dans le même cadre constitutionnelle. Si Camille Laurin avait su que la Constitution de 1982 serait celle dont on parle, et que le Québec a refusé de signer notamment l'article 23.11A, je peux-tu vous dire qu'il vous aurait verrouillé ça à double tour. Alors, c'est peut-être le petit oubli chez mon ami Bernard. Maintenant...

Mme St-Pierre: Et M. Bernard est quand même docteur en droit et il pense toujours aujourd'hui que la loi 101 aux écoles privées non subventionnées serait une solution trop radicale.

M. Larose (Gérald): Je vais laisser la parole à Pierre-Paul, mais je veux vous dire que, sur la clause dérogatoire, si c'est une maladie honteuse que la clause dérogatoire du Canada, il me semble que vous devriez être la première à combattre cette maladie honteuse. Comment se fait-il qu'il n'y a personne qui demande l'abolition de cette clause dérogatoire? Je vous rappellerai que ce n'est pas le Québec qui l'a demandée, c'est l'Alberta. Si c'est bon pour l'Alberta, ça doit être bon pour à peu près tout le monde.

Alors, dans ce sens-là, je trouve que c'est un peu -- je m'excuse du terme un peu dur, là -- démagogique que d'invoquer la réputation... De toute façon, réputation internationale, les autres s'en chargent amplement. Ce n'est pas la clause dérogatoire qui est la plus, dans les circonstances, disons, dévastatrice. Ce qui est dévastateur, c'est le projet n° 103 qui valide, entérine et bénit la décision de la Cour suprême. Ça, c'est dévastateur. Mais sur...

**(11 h 30)**

Mme St-Pierre: On est quand même signataires du Pacte sur les droits civils et politiques.

M. Larose (Gérald): On est signataires mais, à ce que je sache...

Mme St-Pierre: En fait, nous avons adhéré...

M. Larose (Gérald): ...ceux qui se prononcent là-dessus, c'est des avis qu'ils donnent. Alors, si on a peur des avis, ce n'est pas tout à fait mon cas...

Le Président (M. Marsan): M. Sénéchal.

M. Sénéchal (Pierre-Paul): Pour revenir à M. Bernard... Avant de revenir à la déclaration ou la position de M. Bernard, je voudrais revenir quelques secondes sur la question de la clause dérogatoire. On se sent gênés de l'utiliser, mais, pour moi, la clause ou l'utilisation de la clause dérogatoire est l'illustration parfaite du fédéralisme asymétrique dont votre premier ministre se targue d'être le champion et se targue d'avoir réussi à faire des percées là où aucun autre gouvernement ne l'avait fait avant. Lorsqu'on regarde la réalité justement, l'utilisation de cette clause dérogatoire, ça démontre que justement toutes les provinces canadiennes ne sont pas obligées de fonctionner de la même façon.

Pour revenir à M. Bernard, il a oublié bien sûr de mentionner que les déclarations de MM. Lévesque et Laurin dataient d'avant 1982. Et, malgré toute la science qu'il possède et l'admiration que j'ai pour lui, il a été mon supérieur hiérarchique pendant quelques années, il semble avoir oublié dans sa déclaration un article important de la loi sur les écoles privées, l'article 25, qui spécifie que toutes les écoles, qu'elles soient privées, subventionnées ou non subventionnées, sont tenues de suivre obligatoirement toutes les prescriptions du régime pédagogique qui est déjà décrit dans la Loi de l'instruction publique, et que les écoles soient ethniques, qu'elles soient grecques, juives ou autres, elles sont tenues de se conformer à ce régime pédagogique. Donc, le fait que ça se fasse en français ne contrevient en rien à la qualité, là, de l'enseignement et aux prescriptions qui sont déjà en force actuellement.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Et nous poursuivons, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Mme Lavoie, M. Sénéchal, M. Larose, bonjour. C'est vrai que je fais partie du conseil, malheureusement je dois dire que je suis souvent absent, et j'y représente le Parti québécois, comme il y a d'autres représentants de d'autres partis politiques qui sont là. Donc, moi, j'ai relu ce matin votre mémoire parce que je trouve que c'est en quelques pages un résumé formidable du combat dans lequel nous nous inscrivons actuellement, et vous l'avez développé. Et honnêtement je vous reconnais une compétence remarquable aussi. Je ne veux pas être obséquieux, mais je me sens quand même, disons, dans la lignée, et je me sens très modeste par rapport à votre connaissance et votre intelligence de ce que la langue signifie.

Et ce qui est clair aussi, c'est que vous situez très bien la langue au coeur de ce qui s'appelle la construction d'une nation, le «nation building». Et, moi, ça, je trouve que construire la langue, construire une nation à partir de ce qui nous apparaît comme l'essentiel d'une identité et de son déploiement, voilà qui est passionnant. Et, si on y revient avec cette intensité... Parce qu'on pourrait dire à l'extrême que le projet de loi n° 103, visiblement c'est un projet de loi qui est rejeté, sauf par quelques groupes vraiment minuscules. Puis je comprends que la ministre se raccroche à ceux qui ont pu exprimer vaguement un type d'accord, je comprends ça, c'est de bonne guerre et ça ne présuppose pas qu'elle ne soit pas attachée à la langue française. Mais ce qui est passionnant de ce temps-ci et qui est inquiétant, et c'est là-dessus que je voudrais vous amener, c'est qu'on a le sentiment, non seulement le sentiment mais de plus en plus de convictions basées sur des études, qu'actuellement la nation doit de nouveau se reconstruire et se remobiliser à partir même de la langue française.

Et, quand on a vécu, puis on est assez vieux pour l'avoir vécu, toutes les années soixante, soixante-dix, où le combat de la langue a été un des éléments moteurs de l'ensemble de la société et d'une espèce de libération qui a été à la fois économique, culturelle, politique, sociale, et la construction d'une société, et sa modernisation, et son ouverture au monde, son apparition en quelque sorte au monde, j'ai le sentiment que plus on investit, plus on creuse dans notre compréhension du débat actuel, plus on est en train de se requestionner non pas uniquement sur les mesures qui devraient favoriser la présence et l'épanouissement du français à Montréal puis dans la grande région et dans l'ensemble du Québec mais qu'on est en train de se redonner l'intelligence d'une nouvelle accession ou d'un nouvel élan de l'ensemble du Québec à sa présence au monde et à sa propre existence.

M. Larose (Gérald): Moi, j'ai étudié, puis Francine pourra compléter là-dessus, j'ai quand même étudié ce qui s'était passé en Louisiane et ce qui s'est passé dans le reste du Canada. Et je vous rappelle qu'en Louisiane ça s'est réglé en une génération. Après la Première Guerre mondiale, quand les États-Unis sont apparus comme étant l'hyperpuissance mondiale et puis que, bon, la langue était l'anglais, les jeunes qui voulaient se développer un avenir savaient fort bien que ce n'était pas en prolongeant, disons, l'héritage acadien et francophone. Et, en 30 ans, le tout a basculé et on est aujourd'hui dans le folklore. Même, il y a une nouvelle discipline qui s'est développée aussi dans le reste du Canada, ce qu'on appelle la traçabilité. On n'est pas tellement, disons, sur le présent ni sur le futur, on est sur quel est l'héritage du français: alors, la toponymie, qu'est-ce qui reste dans le vocabulaire, bon, etc. C'est intéressant, là, comme discipline, là, je ne veux pas nier ça, mais...

Alors, les peuples n'ont pas pour vocation, et surtout les segments de peuple n'ont pas pour vocation d'être minoritaires. Les gens ne souhaitent pas entretenir... à moins qu'il y ait des dispositifs. Alors, parfois il y a des dispositifs religieux, hein? Dans nos communautés, il y a des dispositifs religieux très fermes où les gens maintiennent leur identité, etc. Je n'ai rien contre, là. Mais, disons, globalement, un peuple a pour vocation de rayonner, d'être à l'égal des autres sur la planète.

Alors, au Québec, je dirais... au Québec, plutôt en Louisiane et au Canada, je dirais, l'histoire a réglé le futur de ces peuples. Le Québec n'en est pas là, parce qu'il y a ici une masse critique, hein, grosso modo, 80%. Il y a surtout le dispositif collectif qui est l'État. Bon. C'est un demi-État, on n'a pas tous les pouvoirs, et effectivement il y a une lutte serrée de deux ordres de pouvoir, et le fédéral, ce qu'il fait depuis toujours, c'est d'essayer d'encercler le pouvoir du Québec, notamment dans sa capacité de s'autodéterminer dans sa langue et dans sa culture, et c'est là qu'est l'enjeu principal. On peut, je dirais, on peut solliciter tous les individus, etc., tu sais, qu'ils fassent des efforts, c'est vrai aussi, mais ce qui est déterminant, c'est le cadre collectif dans lequel tu évolues. Alors, nos amis, disons, du Canada, nos amis français du Canada qui sont obligés de se battre, disons, pour avoir accès à des services et puis 50 % n'ont pas de service, hein, il faut se dire ça, là, alors qui sont obligés de se battre, moi, je ne suis pas surpris, des fois il y en a qui abandonnent, puis ils se disent: Oui, c'est vrai que mon avenir, dans telle région, puis l'avenir de mes enfants, ce n'est peut-être pas tellement en français, là. On peut garder ça, tu sais, pour le privé, pour la religion, mais, disons, la vraie vie, la vie citoyenne, la vie économique, la vie politique, ça va se faire en anglais.

Alors, le Québec n'en est pas là. Mais, dans la situation de minoritaires en Amérique du Nord, je peux-tu vous dire que, si jamais la conviction collective, c'est que, oh! ça se peut que l'avenir ne soit pas en français, je suis convaincu que les choses vont aller rapidement, et j'allais dire, ce sera normal si collectivement on a démissionné. Alors, d'où l'importance de rappeler à l'ordre ceux qui nous représentent, qu'ils ont une immense responsabilité. Et n'eût été de cette responsabilité, dans les années soixante et soixante-dix, on n'y serait même pas, à en discuter. Alors, moi, je trouve qu'on joue à la fois avec les poignées de notre tombe comme on joue aussi avec, je dirais, le théâtre du rayonnement qu'on peut avoir au plan, au plan mondial. Francine?

n(11 h 40)**

Le Président (M. Marsan): ...Mme Lavoie.

M. Larose (Gérald): Oh! excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Mme Lavoie, la parole est à vous.

Mme Lavoie (Francine): J'ai accroché à ce que vous disiez, M. Curzi, tout à l'heure à propos de l'éducation, à propos de l'enseignement du français. Moi, c'est ce qui me touche parce que ma carrière s'est passée dans ce domaine-là. J'entendais les écoles Vision, Mme la ministre aussi, parce que j'ai pris ça, bon, à l'extérieur, et je ne peux pas croire, moi, qu'on s'imagine qu'on va enseigner un français langue maternelle à deux ou quatre heures d'enseignement par semaine qui, oui, si ma mémoire est bonne, se résument à quelques technicalités, là. On est dans la fonction utilitaire de la langue. À deux ou quatre heures-semaine dans un curriculum, on va enseigner les règles de participe passé, on va apprendre la grammaire, on va faire des dictées, puis ensuite on s'en va dans les autres matières, mathématiques, histoire, sciences, qu'on enseigne en anglais? Mais où est l'esprit de la langue? Comment peut-on parler d'un apprentissage complet de langue quand les autres matières se font dans une autre langue que notre langue maternelle ou que la langue qu'on doit apprendre parce qu'on vit au Québec? Ça me semble tout à fait impensable.

D'ailleurs, on parle souvent d'immersion, on dit souvent que l'anglais s'apprend mieux, et je l'ai vécu avec mes enfants, d'autres, beaucoup l'ont fait, par immersion dans un milieu anglophone. C'est vrai. Mais la première immersion, c'est l'immersion de sa langue maternelle, pour les francophones, j'entends, et pour ceux qui veulent vivre au Québec en français. Une immersion se fait dans une école où toutes les matières s'enseignent en français. Voilà.

Le Président (M. Marsan): M. Sénéchal.

M. Sénéchal (Pierre-Paul): Oui, peut-être encore un complément. M. Larose vient quand même de dire une phrase importante, là: Les peuples ne veulent pas être minoritaires, ça, c'est mondial. Et ce qui est paradoxal dans le projet de loi n° 23...

Une voix: 103.

M. Sénéchal (Pierre-Paul): 103, pas 23, excusez-moi. On en a tellement eu. Ce qui est un peu paradoxal dans le projet de loi n° 103, c'est qu'on veut accommoder une certaine partie de la population qui veut faire partie justement de la minorité linguistique du Québec. C'est curieux. Habituellement, on se bataille pour vouloir s'associer et faire partie de la majorité et, dans ce projet de loi là, n° 103, et suite à des contestations en Cour suprême, on se bataille pour pouvoir faire partie de la minorité linguistique du Québec. Donc, ça démontre tout ce qui a été amené comme arguments au cours des présentations lors de cette commission, que la langue française de la majorité est une langue fragile, vulnérable et qui n'est pas vue comme une langue attractive pour beaucoup de nouveaux arrivants du Québec.

Et une des traces de ça, pour être un peu plus précis, lorsqu'on regarde le projet de loi à l'article 19, on fait un grand énoncé déclaratoire à l'effet que «toute personne qui s'établit au Québec a droit, dans la mesure [...] suivant les normes prévues par la loi, d'apprendre le français». Normalement, dans une société majoritaire où la langue française serait prépondérante, on donnerait un droit à une minorité justement d'apprendre la langue de la minorité, puis on est en train de se dire que tous ceux qui arrivent au Québec ont le droit de vivre en français. Ça fait un peu paradoxal.

Et d'ailleurs cet article-là, si j'avais une modification à faire, précise, parce qu'on dit toujours qu'on a des énoncés très généraux, cet article-là, et la loi elle-même, est en réponse à l'avis de la Cour suprême qui évoque l'article 23.2 qui se rapporte à la langue de l'enfant et non pas la langue des parents. En fait, c'est le nouveau stratagème. La nouvelle incursion, en termes de pouvoir de désaveu de la langue française, là, c'est d'utiliser l'article 23.2 qui donne à chaque enfant qui pourrait avoir une connaissance de la langue de la minorité, donc la langue anglaise, au Québec, de pouvoir transmettre ça à la fratrie et à ses descendants. Normalement, à cet article déclaratoire de 19 qui est la réponse, votre loi n° 103, c'est la réponse à l'avis de la Cour suprême, on devrait spécifier le droit des enfants et non pas le droit des parents. Autrement dit, on devrait le formuler davantage dans le sens que tout enfant dont les parents s'établissent au Québec a droit, dans la mesure des normes prévues par la loi, non pas d'apprendre le français, parce que c'est vague, ça, mais d'être instruit en français. Et, à ce moment-là, là on s'ajuste vraiment à la trame qui était celle de l'avis de la Cour suprême.

Je trouve que vos avocats ne se sont même pas mis sur le même terrain que les avocats qui ont rédigé l'avis de la Cour suprême sur ce plan-là. Parce que, si on l'écrit comme ça: Tout enfant dont les parents s'établissent au Québec a le droit d'apprendre ou d'être éduqué en français, ça justifie beaucoup moins qu'on institue des écoles passerelles. C'est sûr que votre article de loi dit: On ne pourra plus gérer, ou faire fonctionner, ou opérer des écoles qui seront principalement passerelles. Mais aussitôt qu'on met un adjectif qualitatif dans une loi, là, les contestations juridiques sont toutes proches derrière, hein?

Le Président (M. Marsan): Je voudrais céder la parole au député de Drummond. M. le député... Oh? M. le député de Borduas?

M. Curzi: La question va être posée par le député de Drummond, je voulais juste conclure. Parce que ce que je comprends, c'est que ce que vous dites, M. Larose, c'est que vous ne partagez pas le pessimisme des historiens pour qui la loi du nombre est une loi invincible et que vous dites: Au contraire, nous constituons une masse suffisante. Et j'ajoute qu'ayant sa propre souveraineté ce pays-là saurait défendre et participer à la diversité culturelle. Mais je laisse la question à monsieur.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Il y aura une certaine continuité. Messieurs dame, M. Larose, d'abord je vous remercie d'avoir clarifié le point de MM. Lévesque et Laurin qui a été utilisé à outrance et, je dirais même, à outrecuidance dans cette commission, insultant parfois la mémoire de ces grands hommes.

La notion de langue seconde présuppose non seulement l'existence, mais bien la maîtrise d'une langue première. Et tout à l'heure mon collègue de Chauveau accusait M. Beaulieu de vouloir qu'on maîtrise une troisième langue avant une deuxième. Moi, je dis: Reprenons le raisonnement au début, allons-y avec la première. Et ce n'est pas du tout un acquis. Et on va vous amener, peut-être dans les prochaines minutes, comme dans bien d'autres cas, sur le terrain du bilinguisme, alors que l'enjeu, je pense, en termes sociologiques ou en termes ethnolinguistiques, c'est bel et bien, appelons les choses par leur nom, un enjeu d'assimilation à long terme. Je connais la réponse en version courte, mais je voudrais la version pas si courte pour l'émulation des gens qui nous regardent: Y a-t-il un avenir pour le français au Québec en dehors de l'indépendance?

Le Président (M. Marsan): M. Larose, il ne reste pas beaucoup de temps, mais en terminant. Je suis certain que vous pouvez nous faire...

M. Larose (Gérald): Je vais être très clair. C'est-à-dire, à mon avis, si la loi n° 103 s'applique, il n'y a qu'une autre solution, c'est la souveraineté du Québec. Parce que la loi n° 103, c'est la traduction canadienne, c'est la déclinaison du «nation building» canadien en sol québécois. Alors, il va falloir éradiquer le problème à sa source et effectivement se libérer des institutions canadiennes et créer les nôtres, c'est-à-dire un pays avec l'ensemble des dispositifs qui devront être ajustés, y compris une Cour suprême du Québec qui, à ce que je sache, aura à interpréter des lois qui seront votées par le Parlement québécois.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre nos échanges, et je vais céder la parole au chef de l'Action démocratique du Québec, M. le député de Chauveau.

**(11 h 50)**

M. Deltell: Merci, M. le Président. Madame messieurs, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Il me fait plaisir de vous parler, et j'apprécie grandement la qualité intellectuelle de vos propos, ça fait du bien à entendre. M. le Président, la nation québécoise ne s'est jamais couchée, la nation québécoise a toujours été debout et la nation québécoise a toujours combattu, la nation québécoise a toujours gagné. C'est pour ça qu'après les abandonnés, les 60 000 abandonnés de 1760 nous sommes là aujourd'hui, 250 ans exactement plus tard, ici, en notre Assemblée nationale, à parler français, à vivre dans un Québec français, dans un Québec où justement on protège la langue française, mais on pourrait peut-être mieux l'enseigner avant de pouvoir se dire qu'on est plus ou moins nationalistes, qu'on est plus ou moins combattants ou qu'on est plus couchés que debout. Nous sommes debout depuis 250 ans et nous pouvons être fiers de ça. Et c'est ça, le vrai nationalisme qui se vit au Québec, qui se vit continuellement. Parce que la langue française au Québec, M. le Président, c'est comme l'amour de sa mère, c'est universel, on est tous pour ça. Tous les Québécois aiment la langue française, veulent la garder, veulent la protéger, veulent vivre en français.

Mais ça, ça ne veut pas nécessairement dire qu'on doit tous être d'accord sur tous les points de vue politiques. Et cet amour de la langue française doit être préservé, oui, mais ça ne veut pas non plus nécessairement dire qu'il faut occulter ou qu'il faut brimer d'autres langues. Bien au contraire, il faut la faire vivre fièrement, et ça commence d'abord et avant tout par un enseignement correct.

Et là-dessus, je rejoins le député de Drummond qui disait à juste titre: Avant d'apprendre une troisième langue ou une deuxième langue, encore faut-il apprendre une première. Il a parfaitement raison, et je suis d'accord avec lui, comme je suis certain que vous êtes d'accord avec moi. Vous qui avez grandi dans les écoles du cours classique, vous qui avez eu droit à un enseignement du français impeccable, vous le savez, c'est quoi, le bon enseignement du français et vous savez, j'en suis sûr, qu'aujourd'hui on aurait de très grands devoirs à faire, nous, collectivement, pour enseigner notre français correct.

Vous avez dit tout à l'heure que c'est presque impossible à Montréal maintenant de se trouver un emploi sans être bilingue. Je ne suis pas prêt à dire ça. Je ne suis pas prêt à dire ça. Mais il est vrai qu'en effet pour plusieurs emplois maintenant il faut être bilingue. Et savez-vous pourquoi? Est-ce que c'est parce que la loi 101 ne s'applique pas? Est-ce que parce qu'au fil du temps les gouvernements successifs, que ce soient les gouvernements péquiste ou libéral, se sont adaptés au règlement de la charte... des décisions de la Cour suprême, ou bien c'est parce que tout simplement on vit au XXIe siècle et qu'au XXIe siècle on appelle ça la mondialisation et que, que vous le vouliez ou non, la langue qui est actuellement parlée dans bien des places à travers le monde, c'est l'anglais? Et c'est pour ça que, nous, nous souhaitons que le Québec reste toujours encore et entier français, mais que les Québécois puissent être bilingues.

Je vous entendais parler tout à l'heure, madame, de vos enfants. Vous avez fait des cours d'immersion. Je vous ai entendu souvent, M. Larose, parler en anglais, un anglais impeccable. Moi, ce que je souhaite, c'est que tous les Québécois soient aussi riches et équipés que vous. Moi, ce que je souhaite, c'est que les Québécois puissent faire face aux défis du XXIe siècle, et ça, ça passe par la fierté de la langue française mais ça passe aussi par l'apprentissage de la langue du XXIe siècle qui est partout à travers le monde reconnue comme telle.

Et c'est pour ça que notre proposition à nous, et je veux vous entendre là-dessus, c'est de dire: Québec français, Québécois bilingues, et ça passe par un meilleur enseignement du français mais également par de l'immersion, des cours d'anglais intensifs en cinquième et sixième année. On dépense 14 milliards de dollars en éducation, j'estime que c'est notre devoir, comme gestionnaires publics, de s'assurer que nos enfants soient équipés correctement pour les défis du XXIe siècles, et ça, ça passe par, oui, l'apprentissage d'une deuxième langue.

Le Président (M. Marsan): M. Larose, le mot de la fin.

M. Larose (Gérald): Moi, je distingue les compétences individuelles des compétences institutionnelles. Au niveau des compétences individuelles, les Québécois sont plus riches que n'importe qui en Amérique du Nord, puis même au plan mondial. Il y a ici plus de compétences linguistiques en anglais et dans d'autres langues que partout ailleurs, alors le problème n'est pas là. Le problème est au niveau des compétences institutionnelles. Et je vais vous donner une réponse que m'ont faite, dans le cadre des états généraux de la langue française, des groupes des communautés culturelles qui sont venus dire: M. Larose, si on n'avait pas eu l'obligation de la loi 101, nous serions unilingues anglais. Parce qu'à Toronto, dès la première génération, ils perdent leurs langues d'origine; ici, ils conservent leurs langues d'origine au minimum pendant trois générations et, obligés d'apprendre le français, ça leur fait trois langues. C'est une richesse. La loi 101, ce n'est pas une contrainte, la loi 101, c'est un acquis pour les individus comme pour l'ensemble de la société.

Alors, dans ce sens-là, je dirais: Les Anglais, ils ne manquent pas de ressources, là, ils ont plus de ressources proportionnellement dans les systèmes scolaires, je le disais tantôt, que les Français n'en ont dans le reste du Canada. Eux, pour ce qu'ils représentent, ils ont des ressources moindres que ce qu'ils représentent. Le problème, ce n'est pas le bilinguisme, le problème, c'est le cadre dans lequel se déploient les langues. Et, dans le cas du français minoritaire, si le cadre, disons, s'affaisse, c'est clair qu'on va vivre ce qui est vécu ailleurs. Ça a été vécu. Au Manitoba, au début du XXe, ils étaient majoritaires, aujourd'hui ils sont 24 000, ils se connaissent par leurs prénoms. Disons qu'il faudrait peut-être apprendre un peu de l'histoire. Si le cadre institutionnel n'est pas ferme, dans le cadre minoritaire que nous sommes, vous êtes faits.

Le Président (M. Marsan): M. Larose, je vous remercie. Je remercie Mme Lavoie, M. Sénéchal de nous avoir présenté la position du Conseil de la souveraineté du Québec sur le projet de loi n° 103.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Et je vous invite à ne pas laisser vos affaires personnelles, puisqu'il y a une réunion. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

 

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives. À ce moment-ci, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des comités de parents anglophones qui sont représentés par M. Jacques Thériault, M. Thériault est le président, et M. Denis La Rocque, qui est trésorier.

Alors, M. Thériault, je vais vous demander de procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez une période d'environ 15 minutes. La parole est à vous, M. Thériault.

Association des comités
de parents anglophones

M. Thériault (Jacques): Merci, M. le Président. Mme la ministre et membres de la commission, il me fait plaisir d'être ici pour vous transmettre le mémoire de notre association. Avec moi, aujourd'hui, il y a M. Denis La Rocque, trésorier. Moi-même, je suis parent de deux enfants qui sont à l'école secondaire ici, à Québec.

M. La Rocque (Denis): Je suis parent de trois enfants, trois filles qui sont maintenant au niveau secondaire.

Le Président (M. Marsan): M. La Rocque, qui a trois filles, et vous, deux. Alors, M. Thériault, vous pouvez poursuivre.

M. Thériault (Jacques): Je continue. L'Association des comités de parents anglophones est une jeune association qui représente sept comités de parents parmi les neuf commissions scolaires anglophones de la province de Québec. Les comités représentent environ 100 000 élèves. Plus précisément, nous représentons les comités de parents de la commission scolaire Central Québec, région de Québec, English-Montréal, Lester-B.-Pearson, New Frontiers, Riverside, Sir-Wilfrid-Laurier et Western Québec.

Un des aspects de notre mission est de participer au débat public sur l'éducation et prendre une position qui reflète les véritables attentes des parents qui envoient leurs enfants dans les commissions scolaires anglophones du Québec. Notre raison d'être est le succès de nos enfants à l'école publique anglophone. Nous croyons que c'est la première fois qu'un comité de parents, une association de comités de parents prend la parole sur le débat linguistique, et nous sommes ici aujourd'hui pour prendre la défense de nos institutions, de nos écoles.

Les parents qui envoient leurs enfants dans une école de langue anglaise sont également des citoyens qui contribuent à l'essor de la société québécoise. Ils encouragent leurs enfants à apprendre et à maîtriser le français à l'école pour qu'ils puissent prendre leur place dans la société québécoise. Depuis de nombreuses années, les parents constatent une diminution du nombre d'enfants et voient, dans ce projet de loi, la fin de nos écoles. Présentement, sur l'île de Montréal, les commissions scolaires ont de la difficulté à garder certaines écoles ouvertes. Dans les régions, c'est souvent la Constitution du Canada qui maintient nos écoles ouvertes grâce à l'article 23, cet article qui stipule que l'on a le droit d'instruire nos enfants dans des établissements d'enseignement publics lorsque le nombre le justifie. Nous sommes en droit de nous inquiéter de la pérennité de nos écoles et de la qualité de l'enseignement qui y est offert.

Les parents ont la nette impression que l'État québécois a décidé de couper l'oxygène et de laisser nos écoles s'asphyxier tranquillement. Nous croyons sincèrement que les écoles de langue anglaise apporte une plus-value à la société québécoise, et celle-ci se tire dans le pied en agissant ainsi. Tout le monde sait que l'anglais est la langue d'affaires et que nous avons besoin de Québécois bilingues dans des postes clés de notre société.

Le présent débat devrait se situer plus sur l'accessibilité et la qualité de l'enseignement dans nos écoles de langue anglaise et sur le respect de nos institutions.

Nous retrouvons, dans le préambule de la Charte de la langue française, le texte suivant: «L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec.»

Le préambule de la charte admet donc notre apport à la société québécoise, mais également une volonté de respecter nos institutions. Que veux dire le mot «respecter»? Le souci de ne pas porter atteinte à quelqu'un, mais également dans le Petit Robert: considération que l'on porte à une chose jugée bonne, avec la résolution de ne pas y porter atteinte et de ne pas l'enfreindre. Ce respect, cet esprit de justice et d'ouverture ne doivent pas être que symboliques, mais authentiques dans son application. Le projet de loi n° 103 démontre tout le contraire en restreignant de nouveau tout nouvel apport dans les effectifs scolaires de nos écoles, et ainsi cela porte atteinte à la pérennité de celles-ci.

Nous tenons à souligner que nous souscrivons aux objectifs de la Charte de la langue française et que, pour nous, la charte a pour but d'instaurer le français comme langue d'usage public et non de bannir la langue anglaise.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. La Rocque.

M. La Rocque (Denis): Oui, c'est ça. Oui, merci. Le projet de loi n° 103 introduit à son article 2 le pouvoir de réglementer un cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité fondée sur l'article 73. Ce cadre d'analyse peut notamment établir des règles, des critères d'appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire ou un seuil de passage et des principes interprétatifs.

Le règlement peut préciser dans quels cas ou à quelles conditions un enfant est présumé ou est réputé satisfaire à l'exigence d'avoir reçu la majeure partie de son enseignement en anglais au sens de l'article 73.

Nous craignons que ces règlements ne soient pas appliqués objectivement et donnent une trop grande latitude à la bureaucratie. Plusieurs parents nous ont raconté leurs difficultés à obtenir des certificats d'admissibilité pour leurs enfants et nous ne souhaitons pas prolonger indûment le temps nécessaire pour la délivrance d'un certificat d'admissibilité. Nous désirons que les critères soient objectifs et ne laissent aucune place à interprétation.

Au cours des dernières années, les commissions scolaires anglophones, avec l'aide des parents, ont réussi à avoir un taux de diplomation plus élevé que la moyenne provinciale. Ce succès s'obtient à un coût élevé à nos élèves, nos enfants, car plusieurs d'entre eux doivent faire plus de deux heures d'autobus par jour. Les élèves en dehors de l'île de Montréal ne connaissent pas les écoles de quartier. Il y a également ceux et celles qui apprennent le français et l'anglais langue d'enseignement, ce qui n'est pas une mince affaire.

En effet, la plupart des écoles de langue anglaise donnent plus d'heures d'enseignement de français que ce que la loi prescrit. Plus de 25 % de nos écoles secondaires offre le cours de français langue d'enseignement avec un succès qui ferait l'envie de beaucoup d'écoles françaises. Plusieurs écoles anglophones de l'île de Montréal offrent des cours d'immersion en français au lieu des cours de français langue seconde, pour la bonne raison que les parents du conseil d'établissement l'exigent. Il y a des parents qui envoient leurs enfants dans les écoles françaises pendant un certain temps pour s'assurer qu'ils maîtrisent bien les deux langues. Malgré ces fardeaux supplémentaires que nous demandons à nos enfants, nous avons un taux de diplomation plus élevé que la moyenne québécoise. En 2008, sept de nos neuf commissions scolaires anglophones se sont retrouvées parmi les 10 meilleures dans le taux de diplomation.

Les parents et les élèves croient fermement que les avantages de connaître le français... pardon, dans les avantages de connaître le français parce que cela permet à leurs enfants de participer à la vie économique et culturelle du Québec. Nous vivons et acceptons les contraintes de la langue qu'il y a actuellement au Québec, mais le projet de loi n° 103 est une attaque injustifiée contre notre réseau scolaire.

La société québécoise fait face à l'internationalisation des entreprises, aux changements technologiques ainsi qu'à l'émergence de l'économie du savoir. Nos écoles de langue anglaise aident présentement l'économie en formant des Québécois et des Québécoises bilingues.

**(15 h 30)**

En 2006, selon Statistique Canada, le Québec était la province qui avait le plus haut pourcentage de personnes bilingues au Canada. Environ 35,8 % de francophones et 68,9 % des anglophones du Québec ont déclaré être bilingues, ce qui est une progression substantielle par rapport aux 36,7 % des anglophones qui affirmaient pouvoir tenir une conversation en français en 1971. À Montréal, 53,8 % des répondants ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en français et en anglais, alors qu'à Gatineau le pourcentage était à 63,0 %. Également, nous pouvons lire, dans un article du Devoir du 24 septembre dernier, que les Anglo-Québécois emploient majoritairement le français, la langue française lorsqu'ils ont recours à certains services plutôt que d'autres, lorsque... le portrait des minorités de langue officielle au Canada. L'analyse démontre que la plupart des anglophones utilisent la langue de Molière lorsqu'ils s'adressent notamment à des policiers municipaux ou à des professionnels de santé de la ligne téléphonique Info-Santé.

En juin 1978, les écoles de langue anglaise accueillent plus de 207 230 élèves et, en juin 2006, seulement 121 397 élèves, soit une baisse de 42 %. Nous représentions près de 20 % de l'effectif scolaire en 1979 et maintenant nous ne représentons plus que 11 %. L'avenir ne s'annonce guère mieux selon le tableau de synthèse que nous retrouvons sur le site de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Nous pouvons lire que les effectifs scolaires en 2014 vont diminuer d'environ 5,5 % dans les écoles françaises et 9,5 % pour les écoles de langue anglaise, selon les prévisions du MELS.

Dans un autre document intitulé Analyse des tendances démographiques, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport arrivent à cette conclusion aux pages 3 et 4: Les commissions scolaires francophones suivent et même établissent la tendance provinciale décrite plus haut. En 2018, l'effectif des commissions scolaires francophones passera à 102 % de l'effectif de 2008. Les commissions scolaires anglophones sont sous la moyenne provinciale. Leurs effectifs de 2018 représentera 92 % de l'effectif observé en 2008. Donc, si nous comprenons bien, il y aura 10 points de différence entre les commissions scolaires anglophones et francophones. L'effectif du secondaire, en 2023, va diminuer de 25 000 élèves dont 7 100 élèves proviendront des écoles de langue anglaise, soit 28 % de perte effective, c'est-à-dire que le nombre total des élèves de langue anglaise correspond à 96,6 % de l'effectif observé en 2008.

Que l'on ne vienne pas nous dire que tout va très bien, Madame la Marquise. Les écoles de langue française ont la chance de profiter de l'immigration pour diminuer l'effet de la dénatalité tandis que les écoles de langue anglaise n'ont droit qu'à une asphyxie lente et pénible qui peut être associée à une assimilation.

L'école de langue anglaise n'est pas l'ennemi de la langue française, bien au contraire, elle en fait une des plus importantes matières de son curriculum, et nous l'avons prouvé au cours des années. Nous sommes déçus que le projet de loi nous considère encore comme une menace à la promotion du français au Québec et ne reconnaisse pas notre contribution à la valorisation de la langue française. En contribuant à faire graduer des élèves bilingues, nos écoles aident le Québec à avoir une main-d'oeuvre qualifiée qui contribue au développement et au rayonnement du Québec.

Le véritable enjeu se situe à un autre niveau. Une portion importante de parents francophones désire que leurs enfants soient bilingues et exprime leur insatisfaction sur les cours d'anglais qui sont présentement offerts dans les écoles de langue française. Combien de fois entendons-nous des parents francophones faire des remarques suivantes: J'aimerais bien envoyer mes enfants à l'école anglaise. Comment peut-on envoyer nos enfants à l'école anglaise? Pourquoi n'ai-je pas le droit? J'aimerais tellement qu'ils apprennent bien l'anglais.

Nos écoles ont su trouver des solutions pour adapter la Charte de la langue française, mais le système scolaire francophone ne semble pas avoir trouvé une solution pour faire face à la mondialisation de la langue anglaise. La Charte de la langue française était une réponse à un problème donné que le Québec vivait dans les années soixante, soixante-dix, mais le projet de loi n° 103 ne fait que reprendre une solution qui ne s'applique plus en ces débuts du XXIe siècle. Les économies sont en pleine mutation et les parents du Québec ne veulent pas que leurs enfants manquent le bateau de la nouvelle économie.

L'attirance de l'anglais est beaucoup plus complexe que le simple accès à l'école de langue anglaise. Peut-être qu'il y a lieu que la société québécoise prenne le temps de s'évaluer sur les mesures à prendre pour rendre le français plus sexy. On attire plus facilement les gens par la douceur que par les paroles aigres. La fierté de parler le français ne peut se légiférer.

Le Président (M. Marsan): En terminant, monsieur...

M. Thériault (Jacques): En conclusion, oui.

Le Président (M. Marsan): C'est ça, M. Thériault.

M. Thériault (Jacques): Nous désirons que nos enfants connaissent la langue française tout en bénéficiant des avantages de maîtriser la langue de communication internationale qu'est l'anglais. Notre société a su au cours des siècles profiter de cette ambivalence et nous espérons qu'elle saura en tirer profit pour faire grandir la société québécoise.

Le projet tel que rédigé va faire en sorte de fermer nos écoles les plus performantes du Québec en empêchant tout nouvel apport d'oxygène. Nous devons cesser de voir la dualité linguistique comme une ennemie mais comme un atout supplémentaire pour faire grandir le Québec.

L'Association des comités de parents anglophones demande donc ce qui suit: le retrait du projet de loi n° 103; que l'Assemblée nationale se conforme à l'alinéa 3 du préambule de la Charte de la langue française et démontre un véritable respect de nos institutions; de nous consulter, de consulter toutes les parties prenantes anglophones avant de prendre toutes nouvelles mesures concernant l'accessibilité aux écoles de langue anglaise; de s'engager à maintenir le ratio actuel des effectifs scolaires -- pourcentage d'élèves -- qui fréquentent les écoles de langue anglaise par rapport à ceux des écoles de langue française.

Les menaces à la langue française ne proviennent plus des écoles de langue anglaise ni de la communauté anglophone, mais bien de la mondialisation de la langue de communication. Ce n'est pas en s'attaquant encore une fois à nos écoles de langue anglaise que va cesser l'attrait de cette langue auprès des francophones. Tous les jours, nous sommes en mesure de constater que le Québec est confronté à des situations complexes sur le plan linguistique. La mondialisation, la technologisation, le bilinguisme, le trilinguisme des gens et les exigences de la qualité de la langue française, tant écrite que parlée, font que les écoles de langue anglaise peuvent participer et contribuer adéquatement au succès et au rayonnement du Québec au point de vue international.

Nos écoles, malgré leur déclin, ont su relever le défi de s'adapter à la Charte de la langue française, et le prochain défi va être de développer des compétences linguistiques de haut niveau, tant en français qu'en anglais, chez nos enfants. Elles n'ont donc pas besoin d'obstacles inutiles tel que le projet de loi n° 103. Nous avons besoin d'une école forte et en santé et, pour cela, nous devons ouvrir le dialogue.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Thériault et M. La Rocque. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

**(15 h 40)**

Mme St-Pierre: Merci. Bonjour. Alors, merci d'être ici parmi nous. On arrive à la fin de cette commission parlementaire. Nous avons entendu, du côté de la communauté anglophone, à plusieurs reprises, à peu près essentiellement le même discours que vous venez de nous livrer par rapport aux effectifs, par rapport également... le mot «oxygène» a été employé à plusieurs reprises, je pense qu'il y a des gens qui se sont passés le mot. Cependant, je pense que vous décrivez une situation qui est beaucoup plus large que la situation de la loi n° 103 pour ce qui est des écoles, parce que le problème que nous avons, c'est que des parents utilisaient, enfin il y avait la création d'écoles passerelles, les parents utilisaient une année pour sauter de l'autre côté de la clôture, et ça, on n'en veut pas, puis la Cour suprême du Canada nous a dit que c'était une façon de contourner la loi, il y avait même des écoles qui s'annonçaient comme telles.

On reconnaît l'apport de la communauté anglophone, bien sûr, à tout ce qui s'est fait au Québec. On reconnaît aussi que, depuis l'adoption de la loi 101, le nombre d'anglophones devenus bilingues a vraiment explosé, et c'est tout à votre honneur, parce que c'est une façon aussi de dire que la société québécoise est plus riche et que vous avez compris que le français aussi devait être protégé.

Moi, j'aimerais vous entendre vraiment sur la question des écoles passerelles. Vous n'êtes pas, j'espère, en train de nous dire que vous souhaiteriez qu'il n'y ait pas de loi du tout, qu'on laisse faire tout ça sans bouger, sans broncher. Moi, je ne crois pas que ça viendrait d'abord augmenter de façon exponentielle vos clientèles. Je pense qu'il faut peut-être trouver d'autres façons de faire parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus nous dire: Oui, on veut que nos enfants apprennent l'anglais, on veut que nos enfants soient plus à l'aise en anglais, qu'ils soient plus... et il y a peut-être d'autre chose aussi qui pourrait être explorée, mais je ne crois pas que la question d'envoyer des enfants dans les écoles privées non subventionnées et laisser faire après ça pour passer de l'autre côté, ça réglerait la situation.

Puis je vais vous faire aussi un commentaire: Vous auriez dû entendre, ce matin, là, ce qui s'est dit ici, parce qu'il y a vraiment... c'est comme s'il y avait deux côtés, là, puis que les gens, on dirait qu'ils... pourtant, les gens communiquent, les francophones lisent en anglais, les Anglais lisent en français, puis on dirait que chacun est campé dans sa position puis il n'y a personne qui veut essayer de trouver une position qui serait raisonnable, qui serait légitime, acceptable, puis c'est ça, le projet de loi n° 103. Il n'est peut-être pas parfait, mais c'est ça, le projet de loi n° 103.

Puis, moi, je vais vous faire une confidence, je pense qu'il faut vraiment faire en sorte que tous les Québécois soient fiers de la langue française. Quand je suis dans un restaurant puis que je n'entends que de la musique en anglais dans le restaurant, là, je trouve qu'on a des créateurs québécois qui mériteraient d'être entendus dans nos restaurants au Québec, particulièrement à Québec puis aussi, évidemment, à Montréal. Je pense également qu'il y a plein de gestes qu'on pourrait poser pour donner plus de force, plus de force et de fierté, parce qu'on voit bien sûr, à Radio-Canada, les téléromans, il y a de la musique en anglais, les films, les trames sonores de films sont souvent... on le voit de plus en plus. Alors, est-ce qu'on va comprendre qu'il y a peut-être des gestes de fierté à poser, là?

Donc, ce long préambule pour vous dire: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous ne voulez pas de loi du tout pour arrêter le phénomène d'écoles passerelles? Parce que, là, nous interdisons les écoles passerelles, nous établissons un mécanisme qui n'est peut-être pas parfait, mais il y a un mécanisme. Ça, vous ne voulez pas de ça?

M. Thériault (Jacques): Ce que nous disons, c'est que présentement il y avait un apport d'oxygène -- puis que j'en ai la paternité en passant. Ce que nous disons, c'est que nos écoles sont en train de mourir tranquillement pas vite. Si on prend ici, à Québec, Saint Patrick's High School, c'était 1 200 élèves en 1976, ils ont descendu jusqu'à 200. Heureusement, là, ils remontent, ils sont rendus à 600, mais, là, il ne se passera plus rien, là, c'est à peu près... il ne se passera plus rien. En 2024, il n'y en aura pas 29 % de plus, c'est 2 %, 3 %, puis peut-être un petit peu... au point de vue provincial, ça va être plus bas de 2 % en 2024, mais on s'entend que 2024, c'est 14 ans, c'est loin, tout le monde peut se tromper.

Mais ce qu'on désire, nous autres, c'est trouver un moyen de faire que nos écoles puissent poursuivre leur vocation, que la communauté anglophone puisse continuer à participer à l'évolution du Québec. Ce qu'on dit, on l'a dit, c'est la parole, dans nos recommandations, on demande qu'on soit consultés. Tout le monde y croit à la langue française. Je pense que tous les parents avec qui j'ai discuté depuis un an, là, parce que ça fait à peu près un an qu'on en entend parler, ils comprennent les objectifs de la loi 101, ils ne sont pas contre. Comme il y en a un qui me l'a dit, ils ont pris la 401 puis ils sont partis, puis c'est un anglophone qui m'a dit ça. Parce que je suis francophone de naissance, là, c'est ma femme qui est anglophone.

Ce qu'on veut nous autres, c'est la pérennité de nos écoles, on veut qu'on ait du monde qui va remplir nos écoles. Là, lorsqu'on voit que les écoles augmentent en 2018, on a dit qu'ils allaient être de 108 %, 102 %, puis nous autres, on est de 92 %, c'est encore un 10 points de moins, là. C'est encore des écoles qui vont fermer, c'est encore du temps de déplacement. Quand on dit que, moi, à Québec, mes enfants faisaient une heure d'autobus, de Charlesbourg à la haute-ville de Québec, 1 h 15 min pour aller à l'école, 1 h 15 min pour revenir, si on continue à diminuer nos écoles, bien, ce ne sera plus 1 h 15 min, ça va être 1 h 30 min, ça va être 2 heures, puis là, finalement, ce ne sera plus possible parce qu'il y a des parents qui ne pourront plus.

Mme St-Pierre: Vous auriez pu choisir de les envoyer à une école proche de la maison, puis, si votre épouse est anglophone, bien, elle pourrait parler anglais avec les enfants, puis ils apprendraient l'anglais, c'est sûr. Mais vous vouliez choisir une éducation en anglais pour vos enfants. Mais il y a des situations vraiment particulières, puis, le Québec, c'est grand.

M. Thériault (Jacques): Bien, ce n'est pas particulier, c'est très... Moi, ce que je voulais dire, c'est qu'on perd du monde qui ne veulent plus envoyer leurs enfants à l'école anglophone parce que justement ils ont une heure, 1 h 15 min. Donc, ce que, nous autres, on disait, on ouvre le dialogue, bien, pouvons-nous nous asseoir puis trouver des moyens pour que nos écoles soient pleines?

Mme St-Pierre: À Québec, il y a les écoles Vision, il y a des écoles privées non subventionnées, ce sont les écoles Vision, puis les écoles Vision n'en faisaient pas de passerelles. Donc, si la loi n° 103... si on n'avait pas de loi à Québec, ça ne changerait pas plus votre situation, à mon avis, là.

M. Thériault (Jacques): On est à Québec, là, mais là je vous donne mon exemple personnel.

Mme St-Pierre: Oui. Mais vous représentez les parents, là...

M. Thériault (Jacques): De cette commission scolaire, là.

Mme St-Pierre: ...de l'ensemble de plusieurs commissions scolaires.

M. Thériault (Jacques): Ce que je veux dire, sur l'île de Montréal, il y a des écoles qui ferment.

Mme St-Pierre: Mais vous savez que chez la clientèle francophone aussi, la clientèle francophone -- bien, vous en avez parlé dans votre mémoire -- la clientèle francophone diminue aussi.

M. Thériault (Jacques): On sait. Mais, nous, on diminue plus vite et on diminue toujours. Si vous prenez... 25 %, dans l'article du Devoir, 25 % des jeunes anglophones quittent le Québec. Donc, on s'entend qu'eux autres ne viendront pas avoir des enfants au Québec. De toute façon, logiquement vous prenez des immigrants pour remplir les classes de langue française. Donc, nous autres, on n'a pas ces immigrants-là. Donc, le calcul n'est pas difficile à faire. Vous autres vous avez un apport d'immigrants, nous autres, on n'a personne. Il faut que ce soit la communauté anglophone qui fait que ça grossisse. Tu sais, ce n'est pas difficile... Puis, en plus de ça, il y en a 25 % qui quittent le Québec. Donc, il n'y a rien qui nous aide. Ce qu'on désire, nous autres, c'est au moins dire, on stabilise.

Mme St-Pierre: Vous êtes un francophone -- puis ça va être ma dernière question, si j'ai des collègues qui veulent poser des questions -- vous êtes un francophone, la situation du français en Amérique du Nord, vous êtes conscient qui c'est une situation qui est délicate. Vous êtes conscient qu'il faut qu'il y ait une protection additionnelle. Vous êtes conscient de ça?

M. Thériault (Jacques): On est conscients, puis je pense aussi, quand on dit que, dans les conseils d'établissement, nous demandons que nos enfants aient des cours de français, des heures supplémentaires. La loi, je ne me souviens plus c'est quoi les chiffres, mais, disons, 10 heures par semaine, nous autres, on demande, dans le conseil d'établissement, on a des jeux, qu'on ait 14 heures de français. On s'arrange pour qu'ils connaissent la langue française, faire la promotion de la langue française. Puis, quand je dis que, la fierté de parler le français, ça ne se légifère pas, c'est quand tu vois ici, à Québec, qu'il y a des centres d'achat qui marquent «shopping», puis tu es à Québec, posons-nous la question en tant que francophone, là. Est-ce que c'est les anglophones qui sont le danger ou c'est nous, les francophones, qui menaçons la langue française? Parce qu'on est en train de la diluer, notre langue française.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, moi, je n'aurais pas d'autre question.

Le Président (M. Marsan): Merci.

Mme St-Pierre: Je ne sais pas si mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Marsan): Ça va. Alors, nous poursuivons et je vais céder la parole... Est-ce qu'on m'indique que quelqu'un veut prendre la parole? Ça va? Alors, oui. Ah! Alors, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Merci d'être là. Vous avez parlé beaucoup de la situation des écoles anglophones dans la région de Montréal, dans le région de Québec. Est-ce que les comités de parents, le comité de parents que vous représentez a été consulté aussi en dehors des zones urbaines? Est-ce que votre position est aussi partagée par les comités de parents à l'extérieur, là, dans les zones rurales du Québec?

M. Thériault (Jacques): O.K. Les comités de parents, c'est les commissions scolaires. Bien, en tout cas, notre association, on a un représentant de chaque commission scolaire. Ça a été unanime. Donc, Western Québec, New Frontiers, Riverside, Central Québec, Lester-B.-Pearson, English-Montréal, puis il en manque un... ont toutes été...

Une voix: Sir-Wilfrid.

M. Thériault (Jacques): ...Sir-Wilfrid-Laurier, ont toutes adopté cette résolution-là ou une résolution semblable qui dit que... La dénatalité à La Tuque, là, c'est une école de 100, hein? Ça ne prend pas grand-chose pour qu'elle soit fermée.

**(15 h 50)**

Mme Vallée: Bien, c'est un petit peu ça qui me préoccupait. J'aimerais bien connaître l'état de la situation ou des autres préoccupations de votre comité pour les communautés rurales. Je vous pose la question de façon très intéressée parce que, dans le comté que je représente, il y a effectivement certaines écoles anglophones, mais il y a une communauté anglophone qui est bien vivante. Je pense au secteur Wakefield, au secteur Chelsea, au secteur de Low, de Kazabazua. Il y a une communauté anglophone qui est vieillissante, mais qui est encore quand même relativement présente. Mais, dans les secteurs comme l'Abitibi, comme par exemple la Gaspésie, où les communautés anglophones sont moins fortes ou moins présentes qu'elles ne l'étaient il y a un certain nombre d'années, quelle est la réalité qu'on vit là-bas, que les enfants vivent, que les parents vivent?

M. Thériault (Jacques): La réalité? Bien, on s'entend que c'est toutes des écoles souvent de 60, 100, gros maximum 200, si on est au Lac-Saint-Jean. Du côté de la Gaspésie, je suis moins au fait des choses, je sais qu'ils ont beaucoup de difficulté. C'est 1 200 élèves, donc 400 parents, 500 parents. C'est des longs trajets. Je sais qu'en Mauricie, à Trois-Rivières, il y a des parents... Quand je disais tantôt: Il y a des parents qui ne désirent plus envoyer leurs enfants à l'école anglophone parce que le transport scolaire est trop long, souvent c'est des ententes avec les commissions scolaires francophones, donc ils sont comme à la remorque, ils sont les derniers servis. Donc, c'est une grosse difficulté. Quand arrive le temps des problèmes un peu, on va dire, d'audition, où on a besoin d'un orthophoniste, il n'y en a pas, d'orthophoniste anglophone en région. Donc, ils vont sûrement envoyer... ils vont malheureusement envoyer leur enfant à l'école francophone parce qu'ils vont avoir les services que, nous autres, on a de la difficulté à leur offrir.

Mme Vallée: Donc, des parents qui auraient la possibilité, en vertu des lois actuelles, d'envoyer leurs enfants à l'école anglophone de façon tout à fait légitime, en raison de la baisse de fréquentation, en raison de la difficulté de l'éloignement, font le choix de se tourner vers l'école francophone?

M. Thériault (Jacques): Parce que faire 1 h 15 min d'autobus, pour les petits bouts de chou de 5 ans, 6 ans, 7 ans, là, c'est rough.

Mme Vallée: Avez-vous une... Oui, j'imagine, vous avez une augmentation de ce type de préoccupations là qui sont portées à votre comité?

M. Thériault (Jacques): Oui. Moi, je ne sais pas si vous avez lu, Central Québec, la semaine passée, parlait d'un enfant qui fait 1 h 30 min de route aller, 1 h 30 min de route retour. C'est certain que, moi, à mon comité, dernièrement, le transport... Parce que Central Québec, c'est aussi gros que la France, c'est de La Tuque à Thetford Mines, Chibougamau. Donc, c'est certain que nous autres, le transport, c'est beaucoup, puis aussi les services. Quand arrive le temps de donner une bonne formation aux éducateurs, on a bien beau avoir été aux conférences, mais des fois ça prend du monde... On a de la difficulté à avoir l'argent nécessaire pour donner les bons outils à nos enseignants.

Mme Vallée: Il y a eu la semaine dernière des groupes qui demandaient justement une diminution du financement accordé au secteur public anglophone, qui nous demandaient d'intervenir à ce niveau-là. Qu'est-ce que vous avez à dire face à ça?

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Thériault.

M. Thériault (Jacques): Oui. Je crois qu'ils ne sont pas au fait de... Bien, c'est la «fixie» de tantôt. Je pense qu'on a le même montant qu'un élève francophone a. Notre problème qu'on a, c'est que des fois on peut avoir le budget de la ville puis des fois le budget de la campagne, c'est difficile, pour le ministère, on dirait, de faire l'équilibre, mais on n'a pas plus d'argent qu'un francophone. Donc, je ne verrais pas pourquoi on serait moins bien traités qu'un citoyen du Québec.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous poursuivons, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Thériault, M. La Rocque, bonjour. J'ai compris que vous, comme parent francophone, c'est par mariage que vos enfants avaient le critère d'admissibilité. Est-ce que c'est la même chose pour vous, M. La Rocque?

M. La Rocque (Denis): Oui et non. Oui et non, parce que j'ai l'éligibilité avec mon épouse, oui, mais j'ai aussi l'éligibilité par ma soeur et ma mère, donc...

M. Curzi: Votre famille.

M. La Rocque (Denis): ...la famille.

M. Curzi: O.K. Parce que c'est quand même surprenant de voir deux francophones qui représentent l'Association des comités de parents anglophones. Ça, j'ai été surpris.

M. La Rocque (Denis): Je ne suis pas francophone, je suis...

M. Curzi: Ah, vous êtes anglophone.

M. La Rocque (Denis): ...je suis bilingue.

M. Curzi: O.K.

Une voix: Mon Dieu, M. Deltell va vous...

M. Curzi: Oui, M. le député de Chauveau va vous adopter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.

M. Curzi: M. Thériault, vous parlez des problèmes d'accès ou des problèmes d'éloignement, des problèmes de transport, mais vous connaissez la Charte canadienne des droits, à l'article 23, vous savez qu'ailleurs, dans les autres provinces, les francophones qui sont minoritaires sont soumis à cette règle qui dit que, là où le nombre le justifie... Vous êtes conscient de ça, que dans le fond, actuellement, quand on applique la loi 101, quand on applique la charte, l'article 23, finalement, on applique strictement ce qui est imposé par la Charte canadienne des droits et libertés. Est-ce que vous êtes vraiment conscients de ça?

M. Thériault (Jacques): La loi 101... En tout cas, la charte a un grand éventail. Est-ce que vous appliquez la loi 23? Rien n'empêche de donner plus à sa population. Rien n'empêche de donner du service à ses citoyens. Si le citoyen est bilingue, ou francophone, anglophone, je pense qu'on mérite d'avoir une bonne éducation. Comme j'ai dit tantôt, je pense qu'on vous l'a dit aussi en commission, les avantages à être bilingue...

De toute façon, seulement les résultats de diplomation de nos commissions scolaires démontrent le bien-fondé d'une éducation anglophone. Comme j'ai dit, en 2008, on s'est retrouvé de la deuxième à la huitième position comme les meilleurs diplômes, ceux qui ont obtenu le plus haut taux de diplomation. Et nos objectifs du ministère de l'Éducation sont au-dessus de 85 %. Je pense qu'il y a une commission scolaire qui ne l'a pas, c'est Eastern Shores parce qu'ils ont des... bien c'est pauvre puis ils ont de la grosse difficulté.

M. Curzi: Argument qu'on a entendu beaucoup. Est-ce que vous avez entendu quelqu'un dire qu'on n'était pas satisfaits...

M. Thériault (Jacques): Non.

M. Curzi: ...que le système d'éducation soit efficace? Non. Je pense que tout le monde est heureux que votre système fonctionne. Mais est-ce que vous considérez qu'il ne serait pas aussi normal que des enfants puissent apprendre l'anglais ou d'autres langues dans le système scolaire francophone? Est-ce que ça vous apparaît comme illégitime ou anormal?

M. Thériault (Jacques): Je pense qu'on apprend dans sa langue maternelle. De toute façon, c'est un droit reconnu dans la Charte canadienne. Je crois qu'on a le droit de... En tout cas, je ne veux pas embarquer dans le droit de choisir, je ne veux pas embarquer dans la politique de ça.

Moi, notre discours est que la loi 103 empêche un apport de nouveaux élèves à notre communauté anglophone... à nos écoles anglophones et on désire que cesse cette asphyxie-là, tout simplement. Est-ce qu'on a le droit ou pas le droit, c'est une question d'opinion, puis je ne suis pas ici pour donner mon opinion personnelle.

M. Curzi: Bien, ce n'est pas juste une question d'opinion. Dans ce cas-là, c'est une question de loi et puis c'est une question d'un jugement qui a été édicté par la Cour suprême, qui a défait le consensus qui permettait avant qu'il y ait une sorte d'oxygène, si on utilise vos termes, pour alimenter le système scolaire anglophone en utilisant la fréquentation des écoles privées non subventionnées. Là, c'est un jugement de la Cour suprême, vous reconnaissez ça, qui vient de défaire cette loi n° 104 qui faisait votre affaire, j'imagine?

M. Thériault (Jacques): Ça apportait un sang neuf parmi nos écoles. C'était la loi... on parle de... en tout cas, la 104...

M. Curzi: Ce qu'il y avait avant, là. C'est ce qui fonctionnait...

M. Thériault (Jacques): Avant 2002?

M. Curzi: Non, depuis 2002.

M. Thériault (Jacques): Depuis 2002, bien là, la charte... En tout cas, le jugement a 38 pages, donc je n'embarquerai pas dans le...

M. Curzi: Quand vous dites comme statistiques qu'il y a 35,8 % des francophones, 68 % des anglophones qui sont bilingues, est-ce que vous considérez qu'il y a un problème pour la connaissance de l'anglais au Québec?

M. Thériault (Jacques): Je... Répétez votre question.

M. Curzi: Est-ce que le taux de bilinguisme que vous constatez, dont vous donner les statistiques, est-ce que pour vous ça indique qu'il y a un problème d'accès à la langue anglaise au Québec?

M. Thériault (Jacques):«D'accès», en voulant dire d'enseignement?

M. Curzi: Est-ce qu'il est difficile au Québec pour quelqu'un d'apprendre l'anglais?

M. Thériault (Jacques): Non, s'il se donne la peine de...

M. Curzi: S'il se donne la peine d'apprendre...

M. Thériault (Jacques): S'il paie, s'il paie, oui. S'il s'en va prendre des cours privés puis il débourse...

M. Curzi: Considérez-vous que c'est une richesse personnelle de pouvoir parler plusieurs langues?

M. Thériault (Jacques): C'est sûrement une richesse personnelle. Est-ce que ça doit être l'État ou pas l'État? J'ai l'impression que vous voulez m'amener sur le sujet de ce matin, à savoir de ne pas payer pour l'éducation en anglais. Je pense qu'on...

**(16 heures)**

M. Curzi: Ah non, non, je ne veux pas vous amener nulle part. Moi, je cherche juste à être... Parce que vous affirmez beaucoup de choses dans votre mémoire que j'ai lu, puis il y a plusieurs choses qui sont surprenantes. En fait, vous, vous dites: le système scolaire anglophone -- et on l'a dit puis on l'a reconnu -- est efficace dans l'enseignement du français. Mais, quand on demande: Est-ce que c'est possible d'imaginer qu'un système scolaire français, francophone, puisse enseigner adéquatement une langue seconde, dont l'anglais et peut-être d'autres, sûrement d'autres, vous êtes d'accord avec ce principe-là?

M. Thériault (Jacques): Oui, je suis d'accord, mais je pense que vous avez...

M. Curzi: Puis vous êtes d'accord aussi avec la Charte canadienne des droits qui dit: Quand on fréquente un... quand on est de langue anglophone ou qu'on est admissible, comme vous l'êtes tous les deux, vous pouvez fréquenter adéquatement l'ensemble du système scolaire anglophone. Vous avez ce droit-là, c'est reconnu, c'est...

M. Thériault (Jacques): Apprendre l'anglais quand tu arrives à la maternelle, c'est une question de trois mois. Apprendre l'anglais quand tu as fini tes cours à l'âge de 18 ans, bien, ça ressemble plus à moi. Tu le comprends, tu le parles, tu es correct, mais tu n'es pas bilingue comme mes enfants peuvent être bilingues, comme Denis peut être bilingues. Donc, je pense qu'avoir cette chance d'apprendre une autre langue quand on est jeune... Nous autres, dans nos écoles... Au Lac-Saint-Jean, il y a une école qui partage le temps de sport pour que l'anglais soit bien appris des deux bords. L'école anglophone passe son gymnase pour le basketball, mais le cour se donne en anglais pour le basketball, puis les anglophones vont jouer au football, mais en français. Donc, il y a une possibilité que tout le monde puisse apprendre l'anglais, et il faut que... Je pense que, pour bien apprendre l'anglais, pour avoir une meilleure connaissance, pour son développement intellectuel, tout le kit, je pense que ça a été prouvé qu'apprendre l'anglais en bas âge est bon. Si c'est ça pour les francophones, tant mieux.

Le Président (M. Marsan): Je vais maintenant céder la parole au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, messieurs. On parle de langue, et évidemment le poids des mots est important. À la page 5, vous dites, et je cite: «...tandis que les écoles de langue anglaise n'ont droit qu'à une asphyxie lente et pénible qui peut être associée à une assimilation.»

Donc, vous nous dites ici, aujourd'hui, devant un commission parlementaire, que des citoyens de langue maternelle anglaise transfère à la maison leur langue au français. C'est ça, de l'assimilation. On sait c'est quoi. On sait comment c'est vécu à l'extérieur du Québec et même au Québec. Donc, vous êtes en train de nous dire... Pourtant on voit des chiffres depuis un an, depuis des années, on voit des chiffres que c'est pas mal l'effet inverse qui se passe. Le risque d'assimilation sur le continent nord-américain où la langue anglaise est roi et maître, sinon dans le monde, où la langue anglaise est roi et maître, c'est plutôt le contraire qu'on voit. Et là, vous nous dites que maintenant la communauté anglophone est en voie d'assimilation au Québec, assimilation au français, c'est ce que je comprends, là.

M. Thériault (Jacques): Bien, pouvez-vous me...

M. Lemay: Alors, la situation des Anglais du Québec est exactement la même que les francophones hors Québec. C'est exactement la même chose pour vous, même traitement, même histoire, même chose.

M. Thériault (Jacques): Il ne faut pas tout exagérer, là, mais on avait quand même 230 000 élèves à l'école secondaire et élémentaire au Québec au début des années 1980. Il y en a 95 000. Expliquez-moi pourquoi il y a une différence, si ce n'est pas une... ils n'ont pas tous pris la 401, je m'excuse, là. Il y a du monde qui ont décidé d'aller à l'école française parce que tout était trop loin.

M. Lemay: Ça a été dit à maintes reprises également, M. le Président, dans les écoles francophones, c'est le même phénomène. Le taux de natalité en Occident en général, et particulièrement au Québec, depuis 30 ans, 40 ans, est à la baisse, dramatiquement même, M. le Président, ça a été signalé à plusieurs reprises.

M. Thériault (Jacques): Bien, en 2018, vous avez 102 %, nous autres, on est à 92 % des effectifs de 2008. Il y a 10 points de moins en dedans de 10 ans, les effectifs vont diminuer de 10 %... de 10 points.

M. Lemay: M. le Président, on se comprendra qu'il y a une différence entre l'assimilation et le niveau d'inscription à l'école primaire. Pour moi, là, on ne parle pas de la même chose du tout. Et c'est la raison pour laquelle je redis que les mots ont leur importance. Et de dire, comme plusieurs autres ont dit avant vous, notre collègue l'a souligné également, que les écoles du milieu anglophone veulent de l'oxygène, de dire ça, c'est une chose; de dire que la communauté s'assimile, ça en est une autre.

Mais, M. le Président, j'irais vers une dernière question, parce que le temps est... s'il en reste. Mais, connaissant votre gentillesse, je sais qu'il en reste un peu. C'est que, tous sans exception, les représentants du milieu anglophone ont dit, sans exception, ont dit: Le français est important, il faut préserver le français. Il faut se battre pour le français, nous reconnaissons votre bataille. Tous le disent.

Dès que le gouvernement, quel qu'il soit, dès que le gouvernement bouge, là, ça ne marche plus. Là, c'est toujours trop, c'est toujours contre les droits. Alors, s'il faut effectivement protéger le français, s'il faut faire en sorte que le français continue à être une langue utilisée non seulement au Québec, mais au Canada, et tout, qu'est-ce qu'on fait? C'est la loi de la jungle, tout le monde fait ce qu'ils veulent et il arrivera ce qui arrivera? Ou il faut effectivement de temps en temps faire des gestes pour signaler la protection du français?

M. Thériault (Jacques): Est-ce que la protection du français peut s'appeler bilinguisme aussi? On profite de deux cultures. On profite des avantages des deux mondes. Je suis content d'avoir appris le français à mes enfants puis je suis content d'avoir appris l'anglais grâce à ma femme. Ça m'a appris beaucoup de choses. Ça me montre autre chose dans la vie.

Le Président (M. Marsan): Je vais maintenant céder la parole au chef de l'Action démocratique du Québec. M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Je vois que mes amis de l'opposition officielle sont tout enthousiasmes, parce que vous êtes bilingues et vous savez que, nous, notre formation politique souhaitons que le Québec soit français et que les Québécois soient bilingues.

J'aimerais vous poser une question, parce qu'il y a un thème que vous avez abordé tout à l'heure vous fiant sur une recherche effectuée par Le Devoir ou un article du Devoir qui, moi, m'interpelle beaucoup. 25 % des jeunes anglophones du Québec quittent notre province. Chaque départ est une perte. Chaque départ est un échec. Chaque départ est une inquiétude et on cherche à savoir pourquoi. On est une nation qui doit être riche de toutes ses composantes et, quand des gens, nés ici, quittent, on doit se poser des questions. J'aimerais savoir comment vous expliquer justement que le quart des jeunes anglophones quittent leur province natale?

M. La Rocque (Denis): Pourquoi? Je n'ai pas analysé la problématique...

M. Deltell: Vous entendez ce que les gens vous disent.

M. La Rocque (Denis): Ce que les gens me disent? Bien, qu'est-ce qu'on va faire au Québec. On peut trouver quelque chose ailleurs peut-être qui est plus attrayant. L'exode des cerveaux, ce n'est pas nouveau puis on sait qu'il y a une problématique au Québec. On a une particularité au Québec, on est une société qui se bat pour sa survie avec sa langue dans un bassin anglophone, et puis j'aimerais juste amener une corrélation à l'existence de la communauté anglophone qui, elle, aimerait bien survivre à l'intérieur de cette communauté francophone.

Donc, s'il n'y a pas l'attrait pour ces 25 %, bien, comment aller le chercher? Ça, c'est le défi. C'est le défi des différents ministères, pour l'industrie et de la culture... pour l'industrie et du commerce, pardon, de générer l'attrait des professions et des emplois au Québec pour les garder justement ici.

M. Deltell: Est-ce que... Oui.

M. Thériault (Jacques): Oui. Pour mes enfants, c'est certain que c'est toujours la question: Est-ce que je vais pouvoir pratiquer? Il y en a une qui veut devenir chirurgienne, un beau défi. C'est certain qu'elle a dit: Bien, je peux-tu étudier en anglais? J'ai dit: Oui, il y a McGill. Est-ce que je peux pratiquer en anglais? Peut-être dans la région de Montréal. À Québec, tu sais, si tu es chanceux tu vas poigner un anglais sur 10.

C'est certain que, si l'enfant a étudié dans un domaine, il va désirer travailler un peu dans sa langue sans avoir de contraintes excessives, là. Je pense que c'est une des raisons... Est-ce qu'il y a d'autres raisons? Pour moi, quand vous dites que c'est une perte, oui, c'est une grosse perte pour le Québec. On a investi dans ces gens-là et il faudrait qu'ils contribuent à la société québécoise.

M. Deltell: Une question. Je vous pose en terminant la question un peu brutale: Est-ce que la loi 101 est une raison pour laquelle les gens s'en vont?

**(16 h 10)**

M. La Rocque (Denis): Ça peut être une raison, ça peut être une raison fondamentale pour certains, certains qui peut-être ne désirent pas relever un défi. Par contre, je crois que ça peut être un attrait parce qu'il y a quand même beaucoup d'immigrants qui choisissent le Québec justement parce qu'il y a une structure comme ça. Donc, ça va dans les deux sens, et puis, moi, je ne vois pas de problème à vivre à l'intérieur de la loi 101.

Pour répondre à Mme la ministre, je ne sais pas si vous avez eu votre réponse, si on est pour ou contre les écoles passerelles, moi, je ne crois pas qu'un individu puisse acheter son droit à l'éducation, ça devrait être un droit qui est inhérent. Donc, une école passerelle n'a pas sa place dans un système d'éducation.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Thériault, M. La Rocque, je vous remercie beaucoup de nous avoir donné le point de vue de l'Association des comités de parents anglophones.

J'inviterais maintenant M. Yves Beauchemin à se présenter à notre table, et je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

 

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Je voudrais vous informer qu'à ce stade-ci de nos travaux nous avons terminé de rencontrer les représentants des divers groupes qui présentaient des mémoires.

Nous sommes maintenant à l'étape où nous recevons les personnes qui ont fait parvenir à la commission une demande d'intervention sans mémoire, et c'est pour ça que M. Beauchemin est avec nous. Nous avons, après M. Beauchemin, une autre personne, M. Roland Ewing. Et le règlement est très clair, il nous indique que, pour l'ensemble des gens qui se présentent ici et qui n'ont pas présenté de mémoire, il y a une période d'au plus 45 minutes qui est prévue pour l'ensemble des interventions. Alors, nous allons donc séparer le 45 minutes entre les deux intervenants, et je vais laisser M. Beauchemin nous faire la présentation qu'il veut nous faire pour une période d'environ cinq minutes, et ensuite le temps sera réparti entre les partis ministériel et l'opposition officielle et le deuxième groupe d'opposition.

M. Beauchemin, la parole est à vous.

M. Yves Beauchemin

M. Beauchemin (Yves): Merci, M. le Président. Mme la ministre. Si j'ai bien compris, j'ai intérêt à parler vite, hein?

Si cette présente commission siège, c'est à cause d'un jugement qui a été émis par la Cour suprême le 22 octobre 2009. Je voudrais, dans un premier point, insister, et je ne suis pas, j'en suis bien conscient, le seul à l'avoir fait ou à le faire, insister sur le manque de légitimité du jugement qui a forcé le gouvernement à travailler sur son projet de loi n° 103.

Vous avez, d'une part, sept juges, parce qu'ils étaient sept, non élus, nécessairement, deux francophones et cinq anglophones -- mais ça, ça ne m'apparaît pas tellement important -- et ces sept juges sont nommés par une seule des parties, c'est-à-dire le gouvernement fédéral. Ils invalident, ces sept juges, une loi qui a été votée par l'Assemblée nationale, donc tous des gens élus, une loi qui a été votée, et c'est rare, à l'unanimité. Et c'est une loi qui ne touche absolument pas les intérêts des neuf autres provinces du Canada, c'est une loi qui vise à protéger le français, notre langue nationale. Et ces juges s'appuient, dans leur jugement, sur une constitution que le Québec refuse de signer depuis 28 ans. Ça commence à faire faible comme légitimité, là.

Pour la Cour suprême, il semble que c'est peu important la signature du Québec sur un document constitutionnel. Il semble également que, pour ces mêmes juges, l'Assemblée nationale, même unanime, c'est une chose qui ne pèse pas lourd. Et, en plus, on est forcés de conclure qu'il semble que, pour ces juges, la démocratie elle-même n'est pas importante, parce que qu'est-ce qui a de plus pur comme expression démocratique que le jugement unanime d'une assemblée d'élus? Je ne trouve pas autre chose, moi, en tout cas. Ça me porte à faire une comparaison: c'est un peu comme si la Cour suprême des États-Unis invalidait une loi mexicaine, ou alors Stephen Harper riait dans sa fausse barbe quand il a reconnu publiquement que le Québec forme une nation.

Le seul cran d'arrêt que le phénomène des écoles non subventionnées anglaises offrait pour contrôler un peu l'hémorragie du système scolaire francophone, c'est un cran d'arrêt pas très sympathique, c'est le cran d'arrêt des frais scolaires élevés. Mais avez-vous pensé qu'une fois que la loi n° 103, selon les projets du gouvernement actuel, sera votée, avez-vous pensé à l'apparition possible de fondations qui subventionneraient, fondations privées, qui subventionneraient généreusement ses écoles privées non subventionnées de façon à abaisser le taux de scolarité? Avez-vous pensé que, quelques années plus tard, en catimini un peu, le gouvernement fédéral pourrait créer une telle fondation, dans le genre, vous savez, bourses du millénaire? Ils en ont l'habitude. À ce moment-là, la brèche créée par la loi n° 103 s'agrandirait, deviendrait béante, et là, le gouvernement serait placé devant quel choix? Faire voter une loi pour interdire aux écoles non subventionnées de recevoir des subventions privées? Je pense que, le «Québec bashing», on n'a rien vu si on était obligés de voter une telle loi.

Il est évident que la seule solution, à mon avis, et puis je pense que plusieurs la partage, c'est d'appliquer tout simplement la loi 101 aux écoles privées non subventionnées.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Beauchemin. Nous allons immédiatement ouvrir la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour une période d'environ sept minutes.

**(16 h 20)**

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Alors, M. Beauchemin, pour vous permettre de vous exprimer davantage, je ne ferai pas de long préambule à ma question, et je voudrais... Dans votre document, ici, vous parlez du nombre d'écoliers qui fréquentaient les écoles privées non subventionnées anglaises sans détenir un certificat d'admissibilité, ça dépassait 4 000 pour l'année 2007-2008, mais ce ne sont pas ces 4 000 élèves là qui voudraient, du jour au lendemain, passer du côté du secteur public anglophone subventionné, vous êtes d'accord avec moi?

M. Beauchemin (Yves): Ce sont des chiffres qui ont été fournis par le juge Lebel.

Mme St-Pierre: Oui, mais ces élèves-là, dans plusieurs cas, dans la grande, grande, grande majorité des cas, leurs parents veulent tout simplement qu'ils aillent à l'école privée non subventionnée jusqu'à la fin du secondaire, là. Il y en a eu certains qui ont essayé de passer, mais il y a des parents qui choisissent d'envoyer leurs enfants à l'école privée non subventionnée pour tout le primaire, tout le secondaire, des anglophones et des allophones.

M. Beauchemin (Yves): Je pense que la stratégie habituelle, quand on veut que... pour les parents, le désir qu'ont les parents, c'est deux choses: que leurs enfants fréquentent des écoles de qualité et que ça ne coûte pas trop cher. Alors, les écoles passerelles, ça permettait de faire les deux: tu envoies ton enfant en payant de ta poche pendant un certain temps, puis ensuite tu l'envoies dans le réseau public où tu as déjà payé parce que tu es payeur de taxes. Alors, je doute que la plupart des élèves qui fréquentaient les écoles privées non subventionnées... On ne les appelle pas les écoles passerelles pour rien, c'est pour passer quelque part, c'est pour changer de lieu, c'est pour changer de système. Et, sans avoir de chiffres, je ne suis pas ni statisticien ni juriste, mais j'ai la conviction que la plupart de ces élèves-là n'étaient là que de passage, comme on passe sur une passerelle.

Mme St-Pierre: Mais vous avez lu le projet de loi, j'imagine, et vous savez très bien qu'on n'applique pas la... qu'on interdit les écoles passerelles. Dans le projet de loi, on interdit les écoles passerelles, les écoles qui voudraient se lancer dans la passerelle.

M. Beauchemin (Yves): Oui, mais la loi n'est formée que de règlements. C'est très fragile un règlement, ça se change n'importe quand.

Mme St-Pierre: Non, la loi est très claire là-dessus, il y a des articles... il y a un règlement sur la grille d'analyse, mais les articles de loi sont très clairs. Ici: «Nul ne peut mettre en place ou exploiter un établissement d'enseignement privé, ni modifier l'organisation, la tarification, la dispensation de services d'enseignement, dans le but d'éluder l'application de l'article 72 ou d'autres dispositions du présent chapitre...» Alors, on le dit clairement, là, qu'il y a une interdiction.

Mais, vous qui êtes un auteur, qui êtes un grand intellectuel, qui croyez à la liberté d'expression, ça ne vous dérange pas qu'on dise ou qu'on prenne la décision de suspendre la liberté d'expression? Ça ne vous dérange pas, ça...

M. Beauchemin (Yves): Quand des...

Mme St-Pierre: ...comme artiste, là, puis intellectuel, puis auteur, puis vraiment...

M. Beauchemin (Yves): La liberté d'expression absolue d'abord, vous êtes d'accord avec moi, Mme la ministre, que ça n'existe pas, et quand c'est dans des limites raisonnables et que ça vise un but plus grand, bien sûr. C'est la même chose lorsqu'on éduque des enfants, hein, tout le monde est d'accord pour que nos enfants jouissent de la plus grande liberté possible, mais si vous arrivez chez vous puis qu'ils sont en train d'allumer un feu de camp dans le milieu du salon, je pense que vous allez restreindre leur liberté, n'est-ce pas?

Mme St-Pierre: Mais il y a quand même des... la loi n° 103 interdit les écoles passerelles, vous êtes d'accord avec ça? Vous n'avez pas l'air à être d'accord avec ça.

M. Beauchemin (Yves): D'après moi, elle aura le même effet ou à peu près le même effet. C'est un affaiblissement indubitable de la loi 101, puisqu'elle se conforme au jugement de la Cour suprême, et le jugement... Les jugements de la Cour suprême; il y en a eu plusieurs, il y a eu 200 changements apportés à la loi 101. Je serais, sans être un spécialiste de la question, je serais porté à croire que 90 % de ces changements-là ont été des affaiblissements à la loi 101 dont il ne reste plus grand-chose d'ailleurs de sa formule originale.

Mme St-Pierre: Je peux vous dire que ce n'est pas 200 changements qui ont été provoqués par des décisions de la Cour suprême, absolument pas, et ce ne sont pas des affaiblissements de la Charte. Dans plusieurs, plusieurs, plusieurs cas, ça a donné plus de force à la loi 101.

M. Beauchemin (Yves): La plupart, c'est des affaiblissements, Mme la ministre, sauf votre respect.

Mme St-Pierre: Alors, on pourra vous montrer. Il y a eu cinq, je pense que c'est cinq décisions de la Cour suprême, il n'y a pas eu 200 décisions de la Cour suprême dans le dossier de la langue.

M. Beauchemin (Yves): On parle de 200 modifications à la loi. Certaines ont été apportées... enfin, tous les gouvernements en ont apporté.

Mme St-Pierre: Sur les autres aspects du projet de loi... Il y a quand même d'autres aspects du projet de loi qui sont là. On parle de la Charte de la langue... la Charte des droits et libertés, on parle d'augmenter les amendes, on parle également d'imposer aux collèges et aux universités une sorte de reddition de comptes, si vous voulez. Ils sont obligés d'établir des politiques linguistiques, mais ils ne sont pas obligés de rendre compte de ce qu'ils font. Alors là, on le met dans la loi. On parle également des municipalités. Est-ce qu'il y a des aspects que quand même... Est-ce que vous trouvez tout négatif ou il y a des choses quand même que vous trouvez un petit peu positives ou très positives?

M. Beauchemin (Yves): Bien, vous essayez de gérer les dégâts, en fait. Je vous comprends, vous êtes au pouvoir, vous êtes bien obligée de...

Mme St-Pierre: On essaie de?

M. Beauchemin (Yves): Vous êtes bien obligée d'essayer de gérer les dégâts, mais il y a différentes qualités de gestion, bien sûr. Il semble que tous ceux qui... la plupart de ceux qui sont passés devant la commission ne semblent pas être 100 % d'accord avec cette sorte de gestion que vous faites.

Et je voudrais revenir au point principal de ma déposition, c'est qu'en voulant vous plier à un jugement qui est profondément illégitime vous participez à cette illégitimité.

Mme St-Pierre: Vous avez entendu les gens avant vous, je voyais que vous les écoutiez. Comment vous réagissez à ce qu'ils sont venus nous dire?

M. Beauchemin (Yves): Bien, moi aussi, j'ai eu la même réaction que celle de M. Curzi. Je trouvais ça comique de voir que c'était, enfin, en apparence, deux francophones qui défendaient les intérêts de la communauté anglophone. Ça, je trouvais ça quand même un peu bizarre. Mais, vous savez, je vais avoir 70 ans bientôt, alors j'ai vu bien des choses dans ma vie.

Mme St-Pierre: Bien, je n'aurai pas de question, et vous ne les faites pas du tout.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme la ministre. Puis je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Beauchemin. Je n'ai pas votre document, moi, mais un écrivain qui n'a pas écrit, je trouvais ça surprenant. Ça me rassure de savoir que vous avez écrit un document, même si je n'en ai pas une copie.

Le Président (M. Marsan): ...juste pour faire une mise au point...

M. Curzi: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Marsan): ...à ma connaissance, il n'y a pas de mémoire qui a été présenté par M. Beauchemin.

M. Curzi: O.K. Vous aviez un texte...

Une voix: ...

M. Curzi: Ah! D'une page, O.K. Mais, dans le fond, moi, ce qui me... Vous êtes un auteur, et non seulement un auteur de qualité reconnu, mais en plus un auteur qui a une bonne assise dans la population. Vous êtes un auteur qui est lu, un auteur populaire au sens de bien fréquenté par la population. Moi, ma question, c'est plus de... je voudrais savoir... Je sais votre engagement politique, votre engagement en faveur de la langue. Je voudrais que vous nous parliez un peu de ce que vous avez pu constater comme évolution dans l'univers culturel. Et ça, ça m'intrigue, d'avoir votre perception de ça. Est-ce qu'il y a eu des changements? Comment ça a évolué? Votre perception de ça.

**(16 h 30)**

M. Beauchemin (Yves): C'est assez coloré parce que je ne suis pas né à Montréal, je suis arrivé à Montréal en 1962 pour faire mes études universitaires. Et il y a deux changements qui se sont produits depuis à Montréal: à partir de 1962, on est en pleine destruction du patrimoine urbain et on vivait encore dans un Montréal qui visuellement était très anglais au niveau de l'affichage et au niveau de la langue de service des commerces. J'ai connu ça, moi, la difficulté d'acheter une chemise en français chez Eaton. Ça, j'ai connu ça. Ça n'existe plus maintenant parce qu'on a réagi. Il ne faut pas oublier une phrase, ça m'a toujours frappé, une phrase d'Alexis de Tocqueville. Je l'ai retenue parce qu'elle est très belle puis surtout elle est très profonde. La loi 101, dans son projet, a opéré un changement tellement profond qu'on pourrait parler d'un changement révolutionnaire, parce que l'image qu'on avait de nous-mêmes et de notre langue a été radicalement changée, mais tout ça maintenant est en décroissance, on le sait. Tocqueville dit: «Les révolutions, en détruisant les causes qui leur ont donné naissance, deviennent inintelligibles.» Et c'est le problème qu'on a avec les jeunes générations qui n'ont pas connu avant. Ils disent: Il était où, le problème? Bien oui, mais le problème, mon cher, on l'a réglé. Mais, si on continue...

Une autre comparaison que je pourrais faire, c'est, disons, les Pays-Bas. Les Pays-Bas ont gagné du territoire sur la mer en créant des barrages puis en pompant l'eau. Alors, on essaie de nous faire croire qu'en affaiblissant la loi 101, étant donné que maintenant tout va tellement mieux, que la chose est gagnée, il ne peut plus rien arriver, regardez aujourd'hui. Bien, essayez de faire croire à un Hollandais: Bien, on peut enlever les barrages, la mer s'est habituée. Non, elle ne s'est pas habituée, la mer. Si on enlève les protections... Puis je dis bien les protections, parce que Mme la ministre nous rappelait avec justice tout à l'heure, que le français en Amérique, c'est 2 % de la population. On ne pourra jamais, jamais penser atteindre une situation de confort comme celle des Américains qui n'y pensent même pas. Enfin, je dis ça, mais ils ont leurs problèmes avec l'espagnol. Et donc, ces affaiblissements-là qui sont apportés sans cesse à la loi qui... En fait, je pense que, si la loi 101 n'avait pas été promulguée en 1977, la partie serait finie à Montréal depuis longtemps, parce que les effectifs scolaires, les immigrants, vous le savez, s'inscrivaient à l'école anglaise dans une proportion phénoménale, je pense, de l'ordre de 90 %, et donc la partie serait jouée. Et là on a gagné, il y a eu des progrès. Après ça, il y a eu la réaction du Canada anglais. Et puis là, bien, c'est encore une autre réaction de la Cour suprême qui nous dit que la loi n° 104... Ça prend vraiment... ça prend quand même un certain culot, là, quand on décide d'invalider une loi qui a été votée par une assemblée nationale à l'unanimité. Il faut être vraiment culottée, hein, sauf le respect qu'on doit à ces personnes non élues, mais ils en prennent large, ils en prennent très large.

M. Curzi: En fait, ça, c'est un aspect important, parce qu'on est très technique dans le loi n° 103, mais, dans le fond, puis ça a été dit ce matin, et je trouve que vous dites à peu près la même chose, il s'agit d'un projet politique. Et c'est ce qu'il y avait de rassurant jusqu'à un certain point avec la loi n° 104, c'est que politiquement il y avait une décision unanime de l'Assemblée nationale. Et là on est soumis à une décision judiciaire qui relève d'un autre esprit -- qui a été assez bien décrit par M. Gérald Larose, ce matin -- l'esprit où tout à coup ce sont des juges qui, en quelque sorte, s'accapare d'un pouvoir et de décisions politiques et qui nous contraignent soit à affirmer ou à renoncer à notre pouvoir politique.

Mon autre question est aussi d'un ordre assez... Parce que c'est une belle image de dire que c'est comme une mer, parce qu'effectivement on est plongés dans une mer d'une culture extrêmement forte et extrêmement séduisante. Donc, on a l'obligation de maintenir les digues en bon état. C'est ce que vous dites et la loi 101, dans un sens, c'est une digue qui est en bon état. L'autre aspect, puis c'est un argument qui est très populaire, qu'on entend souvent, c'est -- et je vous demande votre avis là-dessus -- comment conjuguer le fait qu'on a besoin d'avoir des digues, et que ces digues-là ne sont pas des murailles, et donc, en quelque sorte, qu'en est-il de l'argument qui fait que la défense du français serait un signe de fermeture ou nous empêcherait d'avoir accès à un ordre mondial anglicisé?

M. Beauchemin (Yves): Je pense qu'en Amérique du Nord les Québécois francophones forment la cohorte la plus bilingue qui soit. Alors, ça ne ressemble pas beaucoup à une fermeture, ça. Et puis la vie culturelle, quand on pense à des personnes comme Dany Laferrière et compagnie, je veux dire, je n'ai pas du tout l'impression que... Au contraire, au contraire, Montréal est une ville cosmopolite, mais on veut qu'elle soit cosmopolite et française. C'est notre droit. C'est notre ville. C'est notre métropole. Nous sommes chez nous. Nous formons la majorité de la population. On ne demande seulement que la normalité. Et je voudrais insister sur le fait que la loi 101, lorsqu'elle a été promulguée, elle ne visait pas du tout l'indépendance du Québec. Ce n'était pas un outillage fait pour ça. L'outillage fait pour faire l'indépendance du Québec, c'est un référendum. Elle visait à maintenir notre langue et notre culture, c'était son seul but.

Et toutes les attaques dont elle a été l'objet nous confortent dans la conviction que, bien, il faut la faire, l'indépendance, parce que l'instrument qu'on avait... Parce qu'elle aurait pu avoir un effet pervers terrible pour un indépendantiste, c'est-à-dire créer un sentiment de sécurité culturel et linguistique tellement grand qu'on se serait dit: Ah bien, ce n'est plus nécessaire de quitter le Canada, on est bien ici. Mais le Canada nous prouve le contraire. Le Canada ne nous accepte pas, n'accepte pas l'unilinguisme territorial comme il se pratique, par exemple, en Suisse.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Beauchemin. Ceci termine la période d'échange. Et je vais suspendre quelques instants, mais je vais inviter M. Ewing à se présenter à notre table. Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

 

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir M. Ronald Ewing, qui va nous donner, durant une période de cinq minutes, sa position sur le projet de loi n° 103, et par la suite nous procéderons à la période d'échange. M. Ewing, la parole est à vous.

M. Ronald Ewing

M. Ewing (Ronald): Merci. Comme vous ne me connaissez pas comme M. Beauchemin, je vais juste vous dire que j'ai travaillé plus que 30 ans dans les écoles publiques anglaises et, depuis les cinq dernières années, j'ai travaillé dans les universités Sherbrooke et Bishop's. À l'Université de Sherbrooke, je travaille dans le programme BEALS, qui est le bac anglais... non, excuse, Bac enseignement anglais langue seconde. Et alors, mon opinion est personnelle, mais je pense que j'ai beaucoup d'expérience pour la donner.

With regard to Bill 103, we have to ask ourselves: Why were so many more and more parents, immigrant and francophone, using the «écoles passerelles» to gain entrance into English schools before the loophole was declared illegal? Parents have their children's future in consideration when they choose a school. For many parents, bilingualism is of great importance. They also know that their children are not likely to become bilingual while attending the French public system. So, they did what was necessary to enroll their children in an English public school. English parents want their children to be bilingual, and their schools reflect this desire.

Il y a en effet des différences majeures entre l'enseignement du français langue seconde dans les écoles anglaises et l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les écoles françaises. Plusieurs écoles anglaises ont des maternelles de français langue seconde, et la plupart ont au moins des maternelles offrant des demi-journées de français langue seconde. Il est pourtant interdit par la loi d'enseigner l'anglais langue seconde dans les maternelles françaises, et ce, malgré le fait que toutes les recherches démontrent qu'une seconde langue est mieux apprise durant l'enfance. Since languages are best learned in childhood, all English schools continue to prioritize FSL through elementary school while continuing immersion classes or at least daily FSL classes. Until a few years ago, French schools were not allowed to teach ESL until grade 4.

Bien que l'anglais puisse maintenant être enseigné dès la première année, le temps alloué à l'anglais langue seconde dans les écoles françaises est plus de cinq fois moindre que celui alloué au français langue seconde dans les écoles anglaises. Il y a des écoles françaises au Québec qui utilisent le modèle anglais pour enseigner la langue seconde. Les parents avec de l'argent envoient leurs enfants durant tout leur primaire aux écoles de langues privées. Such schools are available in practically all urban areas in Québec. The children of the rich attend these schools and then attend the scandalously subsidized private high schools that offer many extra activities in culture that assist in the learning of English. Que les parents riches soient libéraux ou péquistes, leurs enfants ont toutes les chances de terminer leurs études secondaires complètement bilingues. Parents who are not that rich try to send their children to an English school.

Quand j'étais le directeur de la seule école publique anglaise à Drummondville, les parents me demandaient souvent comment ils pouvaient entrer leurs enfants dans notre école. I explained the Byzantine complexities of Bill 101. These parents felt that they were betrayed by the public school system that did not teach their children enough English to become even remotely bilingual.

Notre école à Drummondville n'était pas anglaise. Plus que 90 % des élèves parlaient français chez eux. Mais c'étaient tous des élèves légaux. Quelque part, il y avait un anglais ou une anglaise dans la famille.

Many English schools teach French Québec children how to speak English. A considerable number of schools outside the Montréal area serve as emergence schools like the one in Drummondville.

La présente commission ne devrait pas être à propos de qui a le droit d'aller à l'école publique anglaise. L'on doit plutôt se demander pourquoi le MELS, le ministère, et les commissions scolaires françaises ne permettent pas d'écoles pour les parents qui veulent que leurs enfants apprennent plus d'anglais au primaire. Pourquoi une éducation bilingue est-elle accessible aux enfants des riches et pas aux élèves dans le réseau public?

Parents should not be able to buy their way into an English school system and this proposed Bill is unworthy of any ethical discussion. It's an example of Québec's bureaucratic education system at it's worst. It fails to recognize that the public English schools system has its right to its share of immigrant children. An English public school should be open to any child immigrating from any country that has English as the primary language. English schools are owed this by the Québec Government.

Lorsque les enfants immigrants, n'étant ni catholiques ni protestants, sont premièrement arrivés dans les années vingt, trente, quarante, cinquante et même soixante, les écoles protestantes les acceptaient. L'Église catholique et l'établissement canadien-français ne voulaient rien savoir de ces immigrants.

**(16 h 40)**

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Ewing.

M. Ewing (Ronald): Oui. Now, the immigration door is closed to those very schools that accepted the children of immigrants when they were not desirable as they presently are. It is unfortunate that MELS refuses to recognize the revolutionary idea that English public schools should be opened to children who speak English as their first language and that these English schools have a historical right to welcome these students into their schools.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci...

M. Ewing (Ronald): Merci.

Le Président (M. Marsan): ...pour cette présentation. Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, la parole est à vous.

Mme St-Pierre: Merci, monsieur. D'abord, c'est intéressant d'entendre quelqu'un qui vraiment travaille dans le milieu. Est-ce que vous seriez capable de me dire... On voit, depuis l'arrivée de la loi 101 que le bilinguisme chez les anglophones a beaucoup progressé, c'est-à-dire, je pense que c'est passé de 30... bilinguisme anglais-français évidemment. Est-ce qu'avec l'enseignement, d'après vous, l'enseignement du français qui se fait dans les écoles anglophones, on peut atteindre presque à, dans quelques années, chez les anglophones, un bilinguisme comme le vôtre, là? Avec l'enseignement qui se fait présentement dans les écoles publiques anglophones?

M. Ewing (Ronald): Bien, ce n'est pas nécessairement dans les écoles qu'on va apprendre une langue. Peut-être, tu vas l'apprendre beaucoup plus en jouant au hockey avec quelqu'un d'autre, tu sais, que dans l'école. Alors, les écoles dans les régions ont beaucoup plus de chances d'apprendre le français, je dirais, que les écoles dans le West Island parce qu'ils n'ont pas l'occasion de parler et jouer avec des francophones. Alors, pour être à 100 %, je ne pense pas. Il y a toujours des personnes qui ont une attitude négative...

Mme St-Pierre: Du talent.

M. Ewing (Ronald): ...pour ne pas apprendre une deuxième langue, que ce soit l'anglais ou le français.

Mme St-Pierre: Oui. Oui, c'est vrai, il y en a qui ont plus de talent que d'autres, là-dessus. Du côté de l'enseignement de l'anglais dans le secteur francophone...

M. Ewing (Ronald): Oui.

Mme St-Pierre: ...alors vous le qualifiez... je ne veux pas insulter personne, là, mais l'anglais dans le secteur francophone, vous le qualifiez comment? Est-ce que vous trouvez que c'est suffisamment d'heures? Est-ce que ça doit être plus d'heures pour...

M. Ewing (Ronald): Bien non, c'est...

Mme St-Pierre: ...que les élèves atteignent une certaine aisance en anglais?

M. Ewing (Ronald): Bien non, c'est clair. On sait qu'on apprend une langue sans accent si on commence ça très jeune.

Mme St-Pierre: Oui, oui.

M. Ewing (Ronald): Et c'est pour ça qu'on enseigne ça dans la maternelle et on enseigne ça plus... C'est tout en arrière, on pourrait dire. On a des cours de français... je veux dire, anglais langue seconde chaque jour dans l'école secondaire. Ils devraient mettre ça dans le primaire et donner le choix dans l'école secondaire, si on voudrait.

Mme St-Pierre: Je posais la question par rapport à l'enseignement de la langue seconde du côté des écoles anglophones puis l'enseignement de la langue seconde du côté des écoles francophones.

M. Ewing (Ronald): Oui, mais c'est ça que je dis. Sur le côté anglais, on donne cinq fois le temps d'enseignement...

Mme St-Pierre: O.K. C'est combien d'heures, à peu près, ça, cinq fois de temps?

M. Ewing (Ronald): Bien, je peux parler, comme si on compte la maternelle, ça donne beaucoup. Mais, dans notre commission scolaire, je ne travaille plus là, mais je veux le dire, la commission scolaire Eastern Townships, c'est 90 minutes par jour minimum.

Mme St-Pierre: Enseignement du français. O.K. À partir de la première année.

M. Ewing (Ronald): Oui. Et je sais qu'il y a des écoles à Montréal qui enseignent plus que ça. Mais, comme je viens de dire, mon école, ma dernière école, à Drummondville, 90 % de ces élèves retournaient chez eux et parlaient en français. On ne donnait pas des cours de français deuxième langue. On donnait des cours de français langue maternelle. On utilisait les livres, les mêmes livres que les écoles françaises utilisaient. Ils venaient à notre école pour apprendre l'anglais parce qu'ils savent qu'ils ne vont pas l'apprendre dans l'école publique française, c'est aussi simple que ça.

Mme St-Pierre: Bien, ce n'était pas une école privée, ça. Vous ne me parlez pas d'une école privée.

M. Ewing (Ronald): Non, on ne parle pas d'une école privée.

Mme St-Pierre: C'est des gens qui avaient le certificat pour pouvoir y aller.

M. Ewing (Ronald): Oui, mais il y avait... On parle de l'école Vision. L'école Vision, ça a commencé à Drummondville, la première école était à Drummondville. Et, à ce temps-là, oui, si quelqu'un avait plus que la majorité, comme s'il avait passé, on va dire, quatre ans dans l'école Vision, il avait le droit de venir à l'école anglophone dans ce temps-là, oui. Ça pouvait compter comme une école passerelle.

Mme St-Pierre: Parce que les écoles Vision nous ont dit qu'ils n'avaient jamais fait ça, eux autres, de la business d'école passerelle.

M. Ewing (Ronald): Bien, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai.

Mme St-Pierre: Ah bon.

M. Ewing (Ronald): Ils ont venu dans mon école à Drummondville, d'une école Vision.

Mme St-Pierre: O.K. Bon.

M. Ewing (Ronald): Mais ce n'est plus la même...

Mme St-Pierre: Ils vont être contents d'apprendre ça.

M. Ewing (Ronald): Bien, ce n'est plus la même chose. Le monsieur qui a commencé ça, il a fait banqueroute puis il y a quelqu'un d'autre qui a pris ça en charge.

Mme St-Pierre: O.K. O.K. Bien, écoutez, merci d'être venu nous rendre visite. On arrive à la fin de nos travaux. Je ne sais pas s'il reste du temps. Peut-être que ma collègue, madame... Non? J'ai fait mon sept minutes?

Le Président (M. Marsan): Oui, c'est bon.

Mme St-Pierre: O.K. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour M. Ewing. Bien, je suis ravi parce que vous venez de... vous avez dit: Ah, les écoles Vision, ce n'est pas vrai, ils servaient... ils servent d'écoles passerelles... ils servaient d'écoles passerelles. C'est ça que vous avez dit.

M. Ewing (Ronald): Mais ce n'est pas ça qu'ils voulaient.

M. Curzi: Ce n'est pas ça qu'ils voulaient, mais c'est ça qu'ils ont fait.

M. Ewing (Ronald): Non, ce n'est pas ça qu'ils voulaient. Ils voulaient être vraiment des langues de... des écoles...

M. Curzi: Ils sont bien intentionnés.

M. Ewing (Ronald): Et, nous autres, on a ouvert une école à Drummondville, une école publique, après qu'ils étaient déjà là. Alors, ils n'aimaient pas ça. D'une façon, on volait leurs élèves, mais pas vraiment, c'est les parents qui trouvaient ça cher.

M. Curzi: Mais les parents veulent que leurs enfants apprennent l'anglais. C'est une chose avec laquelle tout le monde est d'accord. Est-ce que vous avez entendu quelqu'un dire qu'on ne voulait pas que les enfants québécois apprennent l'anglais ou d'autres langues, l'espagnol ou... mais principalement l'anglais. On n'est pas fous, là, tu sais, 2 %, on s'imagine que beaucoup de gens vont apprendre d'abord l'anglais.

M. Ewing (Ronald): Oui, mais ça fait plus que 20 ans que j'entends des parents dire ça. Et, dans ces 20 ans là, il y a eu très peu d'améliorations dans l'enseignement. Si les écoles françaises... s'ils pouvaient dire: On va sortir des gradués bilingues, il n'y aurait pas une liste d'attente pour aller dans les écoles anglaises.

M. Curzi: D'accord. Donc, ce que vous dites fondamentalement, puis vous n'êtes pas le premier à le dire, c'est, dans le système scolaire francophone, on enseigne mal la deuxième langue qui serait l'anglais.

M. Ewing (Ronald): Ah, je ne dirais pas ça.

M. Curzi: Ah!

M. Ewing (Ronald): Maintenant, on sort des enseignants, comme de BEALS, qui sont pas mal bilingues. Ils ont maintenant la formation pour enseigner ça bien. Mais si tu enseignes à une classe, on va dire, là, de première année pour une demi-heure et tu prends tous les livres, tu as une petite trolley, puis tu vas dans l'autre classe puis tu enseignes pour une autre demi-heure, ça, ça veut dire 20 minutes avec le va-et-vient, et tu vas voir la même classe à quatre jours, et tu compares ça avec qu'est-ce qu'on enseigne dans le système anglais, ou compares ça avec les écoles privées pour les riches, ce n'est pas la même chose. Il faut se demander pourquoi que maintenant il y a tellement d'écoles privées pour les langues? Parce qu'ils savent que leurs enfants ne vont jamais devenir bilingues dans l'école publique française.

M. Curzi: Ah, mais, donc, vous êtes d'accord pour dire que, s'il y avait vraiment un bon enseignement de l'anglais dans le système public francophone, vous seriez d'accord avec ça.

M. Ewing (Ronald): Oui.

M. Curzi: Vous dites que toutes les études recommandent que ça se passe en bas âge. Je crois que ce n'est pas toutes les études, je pense qu'il y a une querelle...

M. Ewing (Ronald): Il y a une vieille...

M. Curzi: ...il y a une querelle là-dedans.

M. Ewing (Ronald): Non, non, non.

M. Curzi: Il n'y a pas de querelle?

M. Ewing (Ronald): Non, pas maintenant. Pas maintenant.

M. Curzi: C'est vraiment ça. O.K. Puis est-ce que, dernière question, est-ce que vous reconnaissez qu'il est peut-être plus logique que des gens qui sont minoritaires cherchent à apprendre la langue de la majorité? Comme nous, comme minoritaires, on cherche à apprendre la langue de la majorité?

M. Ewing (Ronald): Ça, je n'ai pas suivi. Voulez-vous répéter?

**(16 h 50)**

M. Curzi: O.K. Comme minoritaires anglophones, c'est logique que vous cherchiez à apprendre la langue commune officielle au Québec, le français.

M. Ewing (Ronald): Oui.

M. Curzi: Ça, vous reconnaissez que ça a beaucoup de bon sens que vous fassiez plus d'efforts, comme il y a beaucoup de raisons pour que plusieurs francophones connaissent la langue de la majorité anglaise.

M. Ewing (Ronald): Oui.

M. Curzi: On est d'accord.

M. Ewing (Ronald): Oui.

M. Curzi: Est-ce que, quand vous faites ça, là, est-ce que vous établissez une différence entre ça, la connaissance de la langue de la majorité, et ce que vous appelez le bilinguisme? Est-ce que pour vous, le fait de connaître la langue de l'autre, comme vous, vous parlez français, comme moi, je parle anglais, est-ce que pour vous je suis bilingue et vous êtes bilingue?

M. Ewing (Ronald): Oui.

M. Curzi: Parfait. Merci. À toi.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Une bénédiction du ciel que vous ne soyez pas venu plus tôt, parce que Mme la ministre aurait manqué un argument majeur dans la plupart des interventions en référant aux écoles Vision, qui étaient, selon vous, des écoles passerelles, Drummondville étant mise en cause et les représentants, je suis obligé de lever un peu la main ici. D'une part, malgré la disparition de l'école Vision, et peut-être quasiment depuis, mais je pense que ça ne serait pas lié, Drummondville connaît un développement assez remarquable et sa population essentiellement francophone ne s'en porte pas plus mal. Je suis un produit de l'école publique de Drummondville, en milieu, à l'époque, on s'entend que je ne suis plus si jeune, extrêmement ouvrier, passablement pauvre. Je me considère comme bilingue, je parle passablement bien anglais, quoi que jamais dans un restaurant montréalais au serveur, et je vais assez souvent aux États-Unis, en Ontario. J'ai eu la chance de voyager un peu et d'utiliser mon anglais assez fréquemment pour le considérer comme fonctionnel, pas mal correct fonctionnel, donc la perception...

M. Ewing (Ronald): ...question en anglais?

M. Blanchet: Difficilement à l'Assemblée nationale. Ma perception... j'ai développé une espèce d'irritation devant le fait que combien de gens sont venus ici, et notamment autour de la table, d'ailleurs, pour laisser entendre que la qualité de la formation en anglais donnée par l'école publique française au Québec était inadéquate et ne pouvait pas former des gens bilingues. C'est inexact, j'en suis une modeste preuve, mais j'ai l'impression de ne pas être le seul. Bien sûr, je l'ai complétée en consommant des produits culturels anglophones, que ce soit cinéma, littérature ou autre, de mon propre choix, et je pense que la culture est une excellente porte vers la langue de l'autre, mais cette perception-là est inexacte.

Quand on fait une présentation, qu'on présente un argumentaire, on peut des fois couper les coins un petit peu ronds, mais je vous en présente un et je vous invite à le commenter.

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Blanchet: On a tous intérêt, très rapidement, à être bilingues. L'école publique ne forme pas de gens bilingues. Donc, pour être légitimement bilingues, il faut aller soit à l'école anglaise ou soit faire de l'immersion anglaise. Donc, pour que la société québécoise française devienne bilingue, il faudrait que tout le monde aille en immersion ou à l'école anglaise. Où est-ce que je m'accroche dans le raisonnement qui ressemble à ce qu'on nous a présenté à plusieurs reprises?

Le Président (M. Marsan): M. Ewing, je vais vous demander de répondre très rapidement, puisque le temps est presque...

M. Ewing (Ronald): Oui. Bien, premièrement, il y a toujours des exceptions, et comme j'ai dit, on peut apprendre une langue en dehors de la classe. Moi, je n'ai pas appris mon français dans l'école non plus, je l'ai appris en jouant au hockey, à avoir des amis francophones. Moi, je vous demande comment que vous avez appris votre anglais. Seulement dans l'école? J'en doute. Alors, oui, certainement, il va en avoir qui vont apprendre l'anglais, et ce n'est pas la qualité de l'enseignement, c'est le nombre... c'est le nombre de temps.

M. Blanchet: Le désir d'apprentissage...

Le Président (M. Marsan): Alors...

M. Blanchet: ...est une variable essentielle dans toutes les matières.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Ronald Ewing, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait connaître votre point de vue sur le projet de loi n° 103. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 54)

 

(Reprise à 16 h 56)

Mémoires déposés

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Avant de passer aux remarques finales, je vais procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions. Il s'agit des mémoires suivants: l'Académie Kuper, le Comité politique régional de Québec de l'Action démocratique du Québec; et M. Bernard Gilles Grenier. Alors, les trois documents sont déposés officiellement à la commission.

Alors, nous arrivons à cette période de remarques finales, et j'inviterais d'abord le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le chef de l'Action démocratique du Québec, le député de Chauveau, à nous faire ses remarques finales.

Remarques finales

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'entrée de jeu, je tiens à saluer tous les membres de cette commission qui ont tenu, et tous ceux qui ont participé d'ailleurs et qui ont fait en sorte que la commission a été de très grande qualité et de très haut niveau intellectuel. Je suis fâché envers moi-même de ne pas avoir pu assister à tout, mais, quand j'y étais, je le savourais à plein, et sachez que j'en suis très reconnaissant et envers les gens qui sont venus et surtout envers les confrères et consoeurs députés qui ont tenu un débat de grande qualité.

Je vous rappelle notre position à nous. Nous, on estime que la loi n° 103, bien, on est de principe en faveur avec l'opposition du gouvernement qui veut ne pas faire appel à la clause «nonobstant». Nous, notre solution, c'est de dire que les gens francophones qui utilisent les écoles passerelles, c'est parce qu'ils souhaitent que leurs enfants soient bilingues, et notre solution à nous, c'est de s'assurer que l'éducation dans nos écoles, particulièrement dans le secteur public, fasse en sorte qu'à la fin de leurs études nos enfants soient bilingues, et ainsi on va assécher le besoin des écoles passerelles.

Cela dit, nous avons été très attentifs aux propos émis, particulièrement envers celui de Louis Bernard, et donc notre formation politique se dirige vers une recommandation qui contiendrait la proposition de M. Bernard. Merci bien, M. le Président.

**(17 heures)**

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le chef de l'Action démocratique et député de Chauveau. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue à nous faire ses remarques finales. M. le député de Borduas.

M. Pierre Curzi

M. Curzi: Merci, M. le Président. Au moment où le jugement de la Cour suprême a été connu, nous avons réagi très rapidement et nous avons immédiatement demandé que le gouvernement applique la loi 101 avec la clause dérogatoire. Après avoir vécu ces consultations générales, après avoir entendu les très nombreux groupes qui sont venus avec, ma foi, des mémoires extrêmement documentés dans plusieurs cas, est-ce que cette position-là a évolué d'une façon notable? À l'évidence, les différents mémoires, les intervenants ont confirmé que la position que nous avions prise dès après le jugement de la Cour suprême était la bonne position, c'est-à-dire la stricte application de la loi 101. Pourquoi? Parce que ce jugement venait de défaire un consensus qui avait été voté à l'unanimité et qu'en conséquence il apparaissait impérieux, et il apparaît impérieux que la loi 101 s'applique.

Les raisons qui justifient l'application de la loi 101 sont des raisons extrêmement fortes, et on a pu comprendre, au fil du temps, que ces raisons-là qui de prime abord pourraient n'être que des raisons, disons, politiques ou législatives, en fait puisent profondément dans l'inquiétude, d'une part, que nous avons sur la situation du français au Québec, d'une part, et, d'autre part, dans le fait que, pour accéder à la mondialisation, il nous apparaît évident qu'il ne faut pas seulement avoir une attitude de se préserver, mais qu'il faut au contraire avoir une attitude extrêmement ouverte. Et, dans cette ouverture-là, il serait absurde de renoncer à l'atout principal que nous avons, comme nation, cet atout étant celui de naître dans une nation de langue et de culture francophones.

Et on peut imaginer que la stricte application d'un système législatif, et d'un ensemble de mesures, et d'une politique globale dont le but serait non seulement de préserver notre minorité face à un continent nord-américain anglais, mais en plus de permettre l'épanouissement et l'apprentissage de nombreuses langues au Québec, peut être un projet extrêmement exaltant, puisque, plutôt que de considérer qu'il s'agit d'une attitude défensive, je pense que ce qui est clair, c'est qu'on pourrait considérer aussi qu'il s'agit d'une richesse et que, s'il y a un endroit en Amérique où on devrait parler l'anglais, l'espagnol, le portugais, le français, à tout le moins les quatre langues qui existent dans les Amériques, ça devrait être le Québec.

Et j'ai toujours pensé qu'on était, nous, au coeur de ce qui... Exactement dans la même situation que l'ont été les personnes qui sont arrivées de France il y a 400 ans, c'est-à-dire qu'ils ont découvert un continent, qu'ils ont été des truchements qui ont permis de nommer ce continent-là, de la même façon il m'apparaît que notre volonté collective politique pourrait nous permettre d'être des défricheurs d'un continent qui sera celui d'une mosaïque culturelle, d'une diversité culturelle, et on a déjà entrepris certains gestes en ce sens.

C'est donc dire que je souhaite ardemment que la position que nous avons recommandée soit entérinée. Et rien ne me ferait plus plaisir que le gouvernement accepte de retirer un projet de loi qui, à l'évidence, ne reçoit l'approbation de personne et entérine avec nous une application de la loi 101, ce qui permettrait d'amorcer une véritable réflexion sur les autres véritables enjeux qui sont mis en cause. Et je les résume en disant non seulement la protection mais l'épanouissement d'une langue, non seulement le refermement... non pas le refermement mais l'épanouissement d'une nation.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député de Borduas. Je vais maintenant inviter la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à nous faire ses remarques finales. Mme la ministre.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous remercier pour la qualité et la patience, la qualité de votre travail. Vous avez fait ça avec une main de maître. Je veux remercier les députés de l'opposition, également les députés qui m'accompagnent et aussi, bien sûr, l'équipe de gens formidables qui est avec moi. Nous avons parlé, discuté, entendu, écouté pendant plusieurs jours, huit jours, nous avons reçu plusieurs mémoires et nous sommes en mesure évidemment... maintenant nous devons poursuivre ce travail. C'est une étape qui est importante qui vient de se terminer, c'est la démocratie qui s'exprime, mais les gens sont venus s'exprimer avec beaucoup de coeur, beaucoup d'énergie.

Donc, il y a plusieurs constats qu'on peut faire. Le premier constat concerne bien entendu la réponse gouvernementale au jugement de la Cour suprême concernant les écoles non subventionnées de langue anglaise. Sur cette question, bien sûr, deux visions qui s'affrontent. D'une part, il y a ceux qui, à l'instar de l'opposition officielle, préconisent d'étendre l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées de langue anglaise, assorti de l'usage de la clause dérogatoire. D'autres groupes ou individus la jugent non nécessaire, cette clause, pour l'instant et affirment qu'il sera toujours temps d'y avoir recours si les tribunaux venaient invalider la mesure de la loi 101.

D'un autre côté, on retrouve les représentants de la communauté anglophone qui affirment que notre projet de loi va beaucoup trop loin selon eux, qui affirment que le réseau scolaire anglophone a besoin d'oxygène et que les effectifs diminuent, que le projet de loi n° 103 ferme ni plus ni moins la porte au réseau public anglophone. Par ailleurs, du côté de la communauté anglophone, divers groupes réclament que les immigrants de langue maternelle anglaise puissent avoir accès au réseau public anglophone comme le recommandait, il y a 20 ans maintenant, le rapport Chambers.

Comme on le constate, les opinions sont fort contrastées. Mais je veux aussi mentionner la proposition de Me Louis Bernard, ancien secrétaire général du gouvernement du Québec sous l'administration des premiers ministres René Lévesque, Jacques Parizeau et Pierre-Marc Johnson. Ce que nous a proposé Me Bernard, c'est de conserver ce qu'il appelle cette zone de liberté des parents francophones ou allophones de scolariser leurs enfants en langue anglaise, tout en leur demandant au préalable de faire une déclaration solennelle suivant laquelle ce parcours scolaire dans une école privée non subventionnée devrait s'y dérouler au complet et qu'ils ne visent pas, sauf des situations exceptionnelles, à justifier, à obtenir un transfert dans le réseau public ou dans une école privée subventionnée de langue anglaise.

Mais ce qui est surtout important de retenir du témoignage de Me Bernard, pourtant un proche conseiller de René Lévesque et ancien candidat à la chefferie du Parti québécois, c'est qu'il rejette l'approche mise de l'avant par l'opposition officielle parce qu'elle représente pour lui une solution radicale, pour reprendre ses mots. Selon lui, et je cite: «...il ne faut pas aller plus loin que nécessaire quand on brime ou [quand] on encadre les droits fondamentaux des personnes...» Il a ajouté: «...cette zone de liberté qui existe, on l'enlève et puis on est obligé de passer la clause dérogatoire, bien, évidemment, on va avoir de la difficulté à expliquer ça sur la scène internationale...»

Selon cet ancien grand commis de l'État qui, aux côtés de René Lévesque et du Dr Laurin, a participé à l'élaboration et l'adoption de la loi 101, cette dernière a toujours préservé ce qu'il qualifie comme une zone de liberté permettant à des parents de scolariser leurs enfants en anglais lorsque les fonds publics ne sont pas en cause. Me Bernard a fait remarquer à ce propos, et je cite: «Et le Dr Laurin et M. Lévesque, et, je dois dire, l'ensemble des gens, à ce moment-là, étaient tout à fait d'accord à dire que, s'il n'y a pas de fonds publics, il n'y a pas de justification -- pour le moment, en tout cas -- d'enlever la liberté de choix de la façon d'éduquer les enfants. C'est quand même une liberté importante, choisir comment on éduque ses enfants...» Fin de la citation.

Je le dis ici avec beaucoup de franchise, je crois que sincèrement, d'un côté ou l'autre de la Chambre, nous souhaitons le bien et l'intérêt supérieur du Québec ainsi que la promotion du français comme langue commune de la société québécoise. Cet objectif va au-delà de toute partisanerie. Je crois que, tous autant que nous sommes, nous souhaitons que des citoyens francophones ou allophones ne puissent acheter pour leurs enfants un droit constitutionnel à l'enseignement en anglais au Québec ou en se servant de l'enseignement reçu en anglais. Nous différons cependant sur les moyens pour y parvenir, parce que le gouvernement ne veut pas s'aventurer dans une voie qui nécessiterait l'utilisation de la clause dérogatoire. Nous ne voulons pas, comme l'a exprimé Me Bernard, opter pour une solution radicale qui limiterait les libertés de nos concitoyens et concitoyennes et qui serait néfaste pour l'image du Québec à l'étranger.

Nous ne voulons pas non plus d'une solution qui entraînerait des effets négatifs liés au risque de fermeture d'écoles légitimes et dûment reconnues par le ministère de l'Éducation, à tous les parcours scolaires perturbés par cette fermeture et aux contestations judiciaires qui s'ensuivraient.

M. le Président, la quasi-totalité des gouvernements qui se sont succédé depuis la création de la Charte de la langue française ont choisi de légiférer en matière linguistique plutôt que de brimer les droits des Québécoises et des Québécois. Ni René Lévesque ni Camille Laurin n'ont voulu opter pour une telle solution, pas plus que Lucien Bouchard qui déclarait, en 1996, et je cite: «Je ne puis envisager l'hypothèse selon laquelle le Parti québécois invoquerait la clause dérogatoire et mettrait de côté les droits fondamentaux de notre charte pour quelle que solution que ce soit en matière linguistique. Il faut rechercher une autre solution.» Fin de la citation. Pas même le gouvernement du Parti québécois, en 2002, qui, confronté à une situation semblable à celle qui nous occupe actuellement, a choisi de ne pas utiliser la clause dérogatoire.

En 2010, notre gouvernement fait le même choix sensé. Le projet de loi n° 103 n'est certes pas parfait, et nous l'avons dit, mais il a l'avantage de présenter une solution pragmatique, équilibrée et légitime. Et je crois que nous pouvons difficilement se faire reprocher ce choix par l'opposition, M. le Président.

M. le Président, nous avons entendu beaucoup de gens ici, et ce que je retiens surtout, c'est ce besoin de dialoguer, ce besoin de faire en sorte que nous puissions peut-être avoir des discussions sur comment on peut évoluer en tant que société québécoise et que chacun y trouve sa place. Ça a été une très belle commission parlementaire. Merci à vous. Merci à vous tous. Merci à ceux et celles qui nous ont écoutés patiemment par le truchement de la télévision. Merci à nos techniciens qui ont fait ça de main de maître.

Alors, on va passer maintenant à l'autre étape.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre et les gens qui vous accompagnent. Merci, M. le critique de l'opposition officielle en matière de langue, les gens qui vous accompagnent également. Merci au chef de l'Action démocratique, député de Chauveau. Merci à tous les députés pour la qualité de la participation, les périodes d'échange. Je voudrais également souligner l'excellent travail qui a été fait par nos secrétaires. On ne les voit pas, ils ne parlent pas beaucoup, mais ils sont là. Ils sont effectifs pour tous les députés, non seulement pour le président. Alors, merci Mme Stéphanie Boutin et Mme Madeleine Lévesque. Merci au personnel technique audio, vidéo, nos transcriptrices, nos pages et enfin à tous nos téléspectateurs.

Et, sur ce, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 9)

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