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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, February 10, 2011 - Vol. 41 N° 52

Élection à la présidence et à la vice-présidence


Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 82 - Loi sur le patrimoine culturel


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Douze heures quatre minutes)

Le Président (M. Vallières): ...le quorum. Conséquemment, cette séance de la Commission de la culture et de l'éducation est ouverte. Le mandat de la commission est de procéder, conformément à l'article 134 du règlement, à l'élection à la présidence et à la vice-présidence de la commission.

Et, conformément à l'article 127 du règlement, la Commission de l'Assemblée nationale a décidé, le 10 février 2011, que la présidence de cette commission revenait à un membre du groupe parlementaire formant le gouvernement et que la vice-présidence revenait à un membre du groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Selon l'article 135 du règlement, le président et le vice-président de chaque commission sont élus à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire.

Élection du président,
M. Pierre Marsan

Je suis donc prêt à recevoir des propositions pour le poste de président.

Mme St-Amand: Alors, M. le Président, je propose que le député de Robert-Baldwin, M. Pierre Marsan, soit élu président de la Commission de l'éducation et de la culture.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci de cette proposition, Mme la députée de Trois-Rivières. Est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant le gouvernement, cette proposition est adoptée? C'est adopté. Est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant l'opposition officielle cette proposition est adoptée?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Vallières): C'est adopté. Alors, je déclare donc M. le député de Robert-Baldwin président de cette commission. Je veux le féliciter de son élection et je lui remets immédiatement la destinée de cette assemblée avec mes félicitations par anticipation pour la vice-présidence.

Élection du vice-président,
M. Pierre Curzi

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Alors, nous allons procéder à l'élection à la vice-présidence, et je vais immédiatement recevoir les candidatures à titre de vice-président de la commission. Je suis prêt à recevoir les propositions pour ce poste.

M. Robert: M. le Président...

Le Président (M. Marsan): Allez-y.

M. Robert: ...alors, conformément à notre règlement, il me fait grand plaisir de proposer que le député de Borduas soit élu vice-président de la Commission de la culture et de l'éducation pour la durée de son mandat.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Prévost. Est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant le gouvernement, cette proposition est adoptée? Adopté. Est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cette proposition est adoptée? Adopté.

Alors, je déclare donc... le député de Borduas est élu vice-président de la Commission de la culture et de l'éducation, et je pense que ça mérite nos applaudissements, M. le député.

Et je vais lever la séance. Et, la commission ayant accompli son mandat, on va suspendre nos travaux pour quelques instants afin de poursuivre immédiatement notre autre mandat. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

 

(Reprise à 12 h 9)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert (Prévost) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ce matin, à notre ordre du jour, nous recevons les représentants du Laboratoire de muséologie et d'ingénierie de la culture et, ensuite, M. Marcel Junius. Alors, nous allons immédiatement saluer notre invité du Laboratoire de muséologie et d'ingénierie de la culture, M. Philippe Dubé. M. Dubé, vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Laboratoire de muséologie et
d'ingénierie de la culture (LAMIC)

M. Dubé (Philippe): Très bien, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président de la commission bien sûr, Mmes et MM. les députés membres de la Commission de la culture et de l'éducation et, enfin, le dévoué personnel de la commission et du ministère concerné, je voudrais, tout d'abord, vous remercier de me permettre de présenter brièvement devant vous et au public, par les voies de la commission télévisuelle, le mémoire du Laboratoire de muséologie et d'ingénierie de la culture.

**(12 h 10)**

Il s'agit d'une belle occasion pour débattre des enjeux que la nouvelle loi n° 82 soulève en matière de gouvernance du patrimoine culturel national. Le Laboratoire de muséologie et d'ingénierie de la culture, que je représente, est le premier centre canadien de muséologie expérimentale et l'un des rares du genre dans le monde. Ses recherches sur l'objet, l'espace et le visiteur, thématiques abordées à la fois sous l'angle du réel, à travers l'expérimentation, et du virtuel, à travers la simulation, bénéficient de l'expertise et des réseaux d'une équipe de neuf chercheurs chevronnés provenant de domaines aussi variés que l'archéologie, l'architecture, les arts électroniques, le design industriel, l'ethnologie, le génie électrique et informatique, la géographie, l'histoire, y compris, bien sûr, histoire de l'art et histoire de l'architecture, la tracéologie, la robotique, la scénographie, la sociologie et, bien sûr, la muséologie.

Nous devons aussi préciser que nous sommes rattachés, en tant qu'infrastructure de recherche, d'abord au CELAT, le Centre d'études sur la langue, les arts et traditions, le plus ancien centre de recherche universitaire québécois s'intéressant à la culture, qui, actuellement, focalise ses activités autour de la thématique du vivre-ensemble. Sa directrice, l'anthropologue Francine Saillant, nous fait l'honneur de sa présence aujourd'hui, je la remercie. Puis, en ce qui a trait plus spécifiquement aux TI, nous sommes affiliés à l'Institut Technologies de l'information et Sociétés, l'ITIS, qui se veut une plateforme de regroupement des recherches en TI, qui est représenté ici par sa directrice, Mme Marie-Andrée Doran, qui est ici présente. Je la remercie aussi. Mme Doran dirige un institut fédérateur de 150 chercheurs, dont près de 25 spécifiquement en ce qu'on appelle la e-culture, culture électronique, provenant de six facultés dont l'objet des recherches concerne non seulement l'utilisation des TI, mais également l'étude de leur impact sur le développement de la société et des individus. Nous nous savons bien appuyés par ces deux instances structurantes qui font figure d'innovation et de cohésion dans le domaine de la recherche universitaire.

Ceci étant dit, il me fait grand plaisir de pouvoir partager avec vous nos préoccupations, celles du LAMIC, à l'égard d'une loi qui arrive à point nommé dans le contexte d'un élargissement de la notion même du patrimoine culturel et, du coup, des nouvelles responsabilités qui incomberont demain aux institutions patrimoniales en présence. On constate, en effet, qu'il y a des changements majeurs d'orientation dans le domaine du patrimoine culturel que nous pourrions résumer par un titre choc et qui, à mon sens, illustre assez bien le parcours des dernières décennies du patrimoine. On pourrait dire, en effet: De l'artefact au mentefact, et on devra dorénavant prendre acte de ce changement de paradigme.

Il faut croire que le temps était venu -- il y a certainement une conjoncture favorable qui a permis ça, bien entendu -- de revoir certains paramètres au sujet de la gouvernance du patrimoine culturel sur le territoire québécois. En 2011, nous y sommes enfin arrivés, abordant le problème de manière beaucoup plus globale. Le concept de patrimoine culturel sous-entend aujourd'hui les dimensions matérielle et immatérielle et correspond davantage aux tendances actuelles qui considèrent l'héritage comme un legs à faire fructifier plutôt qu'un trésor à figer dans un moule de protection stérile qui, en quelque sorte, le funérarise -- excusez-moi le néologisme -- comme un simple objet de souvenir.

On reconnaît d'entrée de jeu que le projet de loi n° 82 est dans la bonne direction en offrant une perspective du côté plutôt de l'advenir que du souvenir, et nous nous en réjouissons. Pour ma part, je vais présenter sommairement, pour les fins de cet échange avec vous, mon point de vue, qui n'est évidemment pas celui d'un juriste ni même d'un spécialiste du patrimoine culturel, bien que j'y oeuvre depuis plus de 30 ans, mais plutôt celui d'un muséologue qui reconnaît au contexte actuel une belle opportunité pour faire valoir l'expertise qui existe déjà au sein des institutions muséales pouvant contribuer directement à une meilleure gouvernance du patrimoine sur le territoire québécois.

Je devrai m'expliquer, évidemment, sur les choix des sept recommandations assorties au mémoire, qui en constituent, en quelque sorte, la clé de voûte. Au final, je vais tenter de saisir plus prosaïquement qui fait quoi dans un contexte de rareté des ressources. Et sachez que nous en sommes, évidemment, bien conscients, et paradoxalement, dans ce même contexte, donc, de rareté des ressources, je devrai signaler une sous-utilisation des ressources existantes et disponibles.

À partir de mon ancrage professionnel, qui est celui de la recherche expérimentale en muséologie et, plus spécialement, l'étude des modalités de transmission de la culture et du patrimoine en contexte muséal, j'ai développé dans ce mémoire un point de vue singulier sur le rôle des petits et moyens musées, hein, que j'appelle PMM, dans le contexte spatial du vaste territoire québécois. Ça, je pense que c'est un enjeu qui est important. En bref, je suis d'avis que les petits et moyens musées devraient être les premiers gardiens, disons, gardiens de première ligne du patrimoine culturel, étant donné leurs pratiques de proximité et l'expertise de gestionnaires du patrimoine local qu'ils développent depuis des années dans leur milieu d'appartenance avec les outils qui leur sont propres, à savoir la surveillance, l'entretien, l'accès direct, la documentation locale, l'appropriation communautaire, ce qui n'est pas rien non plus dans le contexte, l'animation culturelle, le bénévolat, autant d'éléments que ces petits acteurs... ou, enfin, acteurs sur le terrain pourraient éventuellement contribuer à la gouvernance du patrimoine culturel.

S'appuyant sur cette idée de fond en vue d'un meilleur équilibre dans le partage des responsabilités patrimoniales, je souhaiterais aussi voir l'utilisation des technologies numériques plus directement engagée au chapitre, notamment, des inventaires du patrimoine culturel. Ici, la dimension de capture numérique 3D offre une saisie intégrale des données sur le terrain -- on pourrait dire une ethnographie intégrale -- et ce travail hautement technologique saurait être parfaitement complémentaire au travail de base que peuvent accomplir sur le terrain les petits et moyens musées à l'égard de la sauvegarde et du développement des connaissances du patrimoine culturel.

Par cet énoncé de principe, je souhaiterais, de plus, voir une ligne de force ou une ligne d'autorité à travers le modèle de gouvernance qui se dégage actuellement du projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel et que cette ligne de force soit mieux définie sur un axe opérationnel alors qu'il est dans l'état, à mon humble avis, certes méritoire, mais l'énoncé actuel, sous forme de projet, ne va pas assez loin en termes de responsabilisation du milieu à l'échelle locale, et ce, dans l'esprit, justement, de la Déclaration de Shawinigan -- de Solidarité rurale du Québec, qui a été, donc, déclarée juin 2010 -- Pour un Québec fort de ses communautés.

En somme, je développe un point de vue qui favorise un meilleur partage des ressources au chapitre de la gouvernance territoriale du patrimoine culturel québécois, Ceci est une particularité qui pourrait même venir distinguer le Québec, possédant un patrimoine culturel étendu et dispersé -- je pense que ça fait partie de nos spécificités -- mais aussi aux ressources partagées et partageables sur la base des principes de la communauté, de la coopération et de la mutualité.

Premièrement, je reconnais que la loi, telle qu'énoncée, ne va pas assez loin, comme je l'ai dit, au sens où elle ne permet pas d'affirmer clairement l'autorité de son centre, qu'elle rebaptise d'ailleurs -- et je pense que c'est tout à fait bienvenu -- Conseil du patrimoine culturel du Québec, mais qu'à l'autre extrémité de son spectre d'autorité elle n'identifie pas assez clairement le rôle des acteurs en périphérie que seront les conseils du patrimoine local qu'elle crée par son initiative. L'aspect contradictoire ou paradoxal de cette situation pourrait se comparer à la figure du centre et de sa périphérie telle que promue par les politiques où, dans un juste équilibre, on favorise justement un centralisme démocratique. Tout le monde reconnaît qu'il est faux de penser qu'un centre faible renforce la périphérie. Ce n'est pas là le sens véritable de la décentralisation. Nous proposons donc la création d'un conseil du patrimoine culturel du Québec fort, qui s'affirme et affiche son autorité scientifique tout en accompagnant le milieu dans la prise en charge de son héritage patrimonial.

Alors, je vais commenter simplement mes sept recommandations et je vais terminer avec ça. Mes deux premières recommandations traitent spécifiquement de cet aspect, justement, d'une centralité bien assumée et elles s'expriment de la façon suivante. Alors, je me permets de les lire: Que la ligne d'autorité du Conseil du patrimoine culturel du Québec, et ce, jusqu'à l'échelon territorial du conseil du patrimoine local, soit mieux définie en termes de rôle et responsabilité à tous les niveaux. Je favorise une approche, donc, collégiale, «bottom-up», et participative qui doit animer l'esprit général de la loi n° 82 sur le patrimoine culturel.

**(12 h 20)**

La deuxième recommandation, qui va un peu dans le même sens, donc d'un pôle central fort: Que le Conseil du patrimoine culturel du Québec soit un pôle d'animation au sein de la société en valorisant ainsi le patrimoine comme ciment social et lieu symbolique de médiation culturelle.

Puis on a évoqué le centralisme démocratique, donc l'idée que le centre soit fort, mais aussi que sa périphérie soit tout aussi forte, devrait ainsi, donc, s'incarner concrètement par un geste fort qui donnerait notamment au registre national une place centrale dans la gouvernance du patrimoine culturel. Un des éléments que j'ai trouvé faible dans la loi, c'est cet aspect-là, et on aura sûrement l'occasion d'échanger là-dessus. La recommandation, donc, à cet égard-là se lit de la façon suivante: Que le registre national -- et le registraire, par le fait même -- exerce un rôle de référence scientifique en matière de documentation patrimoniale et qu'il soit relocalisé à la réserve des collections patrimoniales de la Capitale nationale afin de le confirmer comme pôle documentaire et centre de recherche de haut niveau en matière de patrimoine culturel du Québec. Ça, c'est un premier élément.

Le deuxième, concernant toujours ce fameux registre: Que le registre national du patrimoine culturel soit public et partageable avec le plus grand nombre, notamment en se rendant disponible sur Internet et en offrant éventuellement une approche Wiki afin de devenir interactif auprès de la population en général.

Puisqu'on parle des nouvelles technologies, je fais ici référence, donc, aux technologies de l'information documentaire. Ce que j'évoquais tout à l'heure comme des technologies de numérisation 3D devrait être mis à contribution afin de favoriser l'avancement des connaissances et une meilleure diffusion publique du patrimoine. Nous croyons que l'utilisation du numérique offrirait une appropriation accrue et, surtout, qu'il y ait plus d'impact auprès des jeunes générations. Donc, ma recommandation 5 se lit comme suit: Que les technologies numériques de captation 3D soient mises au service de l'inventaire afin d'offrir une documentation complète des éléments du patrimoine culturel du Québec. Cette nouvelle manière d'archiver le patrimoine, somme toute plus intégrale, permettra au final une meilleure médiation du patrimoine culturel, surtout auprès des jeunes générations.

Mes deux dernières recommandations concernent plus directement le milieu muséal, qui offre des ressources qui pourraient être mieux exploitées -- au sens, évidemment, positif du terme -- pour valoriser notre patrimoine culturel. Mes deux dernières recommandations se lisent comme suit: Qu'une exposition muséale d'envergure soit tenue à tous les cinq ans, permettant ainsi de pouvoir débattre publiquement des enjeux du patrimoine culturel, tout particulièrement de sa préservation. Du même coup, cette mise en public favorisera une appropriation plus effective du patrimoine culturel par la population en général.

Ma dernière recommandation concerne plus directement les petits et moyens musées: Que les PMM, donc, sur le territoire québécois soient mis à contribution plus directement dans la gouvernance du patrimoine culturel au niveau, notamment, de l'étude du patrimoine de proximité -- voire des petits patrimoines -- et de sa gestion en agissant comme relais territoriaux et plateformes de mise en réseau des acteurs patrimoniaux.

Alors, voilà qui est l'essentiel de ce j'avais à vous dire, évidemment, de manière un peu formelle, je m'en excuse. Mais, si je voulais respecter le temps qui m'était imparti, j'ai préféré, donc, en faire la lecture, texte, d'ailleurs, qui vous a été distribué, je pense, par la secrétaire ce matin même.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Dubé. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci. Je veux saluer Mme Doran et Mme Saillant. Merci d'être avec nous. Merci de votre patience aussi. Ce matin, nous avions quelques nominations à faire pour que les commissions puissent bien fonctionner. Parce que nos commissions fonctionnent très bien, et je veux féliciter notre président et notre vice-président pour leur nomination ce matin.

J'aimerais avoir des précisions quant au Conseil du patrimoine culturel du Québec. Vous dites dans votre document que... vous semblez dire ou comprendre que nous créons des conseils régionaux, mais notre loi ne crée pas de conseils régionaux du patrimoine... de patrimoine...

M. Dubé (Philippe): Pas de conseils régionaux, mais bel et bien de conseils du patrimoine local, donc, où on indique...

Mme St-Pierre: Il n'y en a pas, de conseils de patrimoine local, dans notre loi.

M. Dubé (Philippe): Bien là il faudrait que je me réfère directement à la loi. Je pense que...

Mme St-Pierre: ...la loi, c'est l'article ici, là, c'est la section X. Puis il va y avoir des membres qui vont venir des régions qui vont siéger sur le conseil, mais on ne crée pas dans cette loi de conseils régionaux. «Le conseil doit donner son avis...» C'est un conseil... «Un organisme de consultation est institué sous le nom de "Conseil du patrimoine culturel du Québec", ayant son siège à Québec.»

M. Dubé (Philippe): Bien sûr.

Mme St-Pierre: Et ça définit son rôle: «Le conseil doit donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui réfère...» Et, après, ça parle de, bon, d'autres... Mais, enfin, je pense connaître pas mal la loi, puis c'est pour ça que je veux vous dire qu'il existe des conseils locaux, mais ils ne sont pas sous la responsabilité du ministère de la Culture.

M. Dubé (Philippe): Bien, enfin, moi, ce que j'en comprenais, dans le sens que, comme c'était exprimé à travers... Donc, ce que j'en ai compris, c'est qu'en fait la loi incitait quand même le local à s'organiser et, donc, à former des conseils locaux du patrimoine... enfin, conseil local du patrimoine.

Mme St-Pierre: Mais la loi n'oblige pas...

M. Dubé (Philippe): Non. Ça, je comprends bien qu'elle ne l'oblige pas, mais elle incite quand même à ce qu'il y ait, donc, des conseils qui soient formés sur place et semble relayer les municipalités ou les conseils de bande à s'organiser en conséquence.

Mme St-Pierre: Bien, en fait, c'est qu'il peut y avoir la... Il y en a déjà présentement, il peut y avoir des conseils, puis c'est ces conseils-là qui aident les municipalités en leur donnant... Si une municipalité veut faire une citation, par exemple, ce sont ces... Mais ces conseils-là ne sont pas sous la responsabilité du ministère de la Culture et ils ne sont pas encadrés dans notre loi.

M. Dubé (Philippe): D'accord. Même s'ils sont mentionnés dans la loi comme tels... Enfin, moi, je le voyais un peu comme des relais.

Mme St-Pierre: Bien, moi, je ne sais pas où vous les voyez mentionnés. C'est ça, mon problème. J'essaie de regarder. À moins que je ne l'aie mal lu, mais il ne me semble pas qu'ils soient mentionnés dans la question de donner des avis. Mais enfin...

M. Dubé (Philippe): D'accord. Si je me réfère, Mme la ministre, à la section VI, donc les articles 152, 153 jusqu'à 160 traitent justement du conseil local du patrimoine, et c'est à ça, donc, que je réfère et de dire que, finalement, il s'agit de...

Mme St-Pierre: Bien, c'est parce que...

M. Dubé (Philippe): Pardon?

Mme St-Pierre: Mais c'est un état de fait, c'est qu'il existe déjà des conseils locaux. Donc, il faut s'y référer dans le sens qu'on les reconnaît, on leur reconnaît une expertise, une crédibilité, mais on n'oblige pas la création de ces conseils parce qu'on est bien conscients que ce n'est pas tout le monde partout au Québec qui peut le faire. Il y a des endroits, c'est tout petit, puis ils ne peuvent pas le faire.

M. Dubé (Philippe): Effectivement. Donc, je pense que j'avais bien lu le document. Simplement que ce que, moi, je dis... enfin, ce que je tente de dire, c'est qu'on prenne en compte les acteurs du patrimoine local pour, justement, venir constituer ces conseils. Donc, je ne sais pas si, à travers la loi... ou que le conseil du patrimoine, tout simplement, culturel du Québec, donc feu la Commission des biens culturels, puisse accompagner, encourager ce type, donc, d'amalgame où, justement, les unités locales soient, disons, constituées de manière intéressante et mettent à contribution les acteurs patrimoniaux, et tout spécialement les petits et moyens musées, qui sont -- c'est un peu le sens de mon mémoire -- des veilleurs naturels.

Mme St-Pierre: Bien, ce que vous nous dites finalement, c'est qu'à l'article 152, 153, même si on ne crée pas de conseils -- parce que ce qu'on fait, c'est qu'on reconnaît qu'il existe des conseils -- ce que vous voulez, c'est que la loi dise aux municipalités, au local comment ils devraient constituer leurs conseils.

M. Dubé (Philippe): Peut-être pas...

Mme St-Pierre: On devrait leur imposer la façon qu'ils doivent décider des gens qui vont siéger sur le conseil. Pourquoi?

M. Dubé (Philippe): Non, sûrement pas leur imposer. Ce n'est pas du tout le but, c'est simplement, peut-être, de signaler qu'il existe déjà des acteurs. C'est comme si... Quand on lit ici, on n'est pas tout à fait sûr. On dit «toute personne intéressée», c'est un peu vague, alors qu'il y a des acteurs sur le terrain qui ont à coeur, évidemment, leur patrimoine. Et ce que je dis, c'est qu'au fond ces gens-là, ces acteurs-là, et tout spécialement les petits et moyens musées, devraient être plus directement visés. Alors, est-ce que c'est une manière d'indiquer qu'il existe des ressources, que ces gens-là sont sur le terrain? Je ne sais pas très bien comment le dire, le formuler, mais simplement de rappeler par la loi qu'il y a des veilleurs sur le territoire.

**(12 h 30)**

Mme St-Pierre: Alors, ce que vous faites, c'est que vous demandez à... vous faites la recommandation que les rédacteurs du projet de loi regardent cette chose-là pour tenir compte de l'expertise locale qui est déjà là en présence. C'est-à-dire vous donnez l'exemple des musées, des musées...

M. Dubé (Philippe): Et, jusqu'à un certain point, en faisant ça, j'ai l'impression que ça va faire aussi un appel du pied de ces acteurs-là, dans le sens de dire un peu: Il y a des instances que vous pouvez même créer. Parce qu'en fait, effectivement, je veux dire, ce n'est pas la loi qui les crée, mais c'est sur l'initiative locale. Donc, c'est une manière d'encourager, finalement, les gens du lieu à se mobiliser sur ces questions-là.

Mme St-Pierre: O.K. Vous parlez des nouvelles technologies, qu'est-ce que vous voulez dire, au juste? Ça veut dire qu'il faudrait qu'on précise de façon beaucoup plus précise... Mais les nouvelles technologies, ça change. À tous les six mois, on est face à des nouvelles technologies. Celles d'aujourd'hui ne seront plus les bonnes demain matin, là, ça va à une vitesse folle. Comment un... Je comprends qu'on peut toujours amender une loi puis on peut toujours aller... mais il me semble que, préciser les nouvelles technologies, il y a quelque chose qui... Parce que c'est de portée générale, une loi...

M. Dubé (Philippe): Je comprends très bien, bien sûr.

Mme St-Pierre: ...et ça peut les inclure, non?

M. Dubé (Philippe): Oui, mais c'est peut-être juste dans... Je vous dirais, je suis tout à fait d'accord avec vous que les technologies changent, bon, et ce n'est pas pour autant qu'on n'utilise pas ces technologies-là, donc ce qui fait que ce que, moi, je vois dans les actions mêmes de la Commission des biens culturels actuellement, dans l'état du patrimoine, cette question des technologies, elles ne sont pas vraiment utilisées à bon escient, dans le sens où, à l'heure d'aujourd'hui, on serait tout à fait capables, entre autres, de procéder à un inventaire qui soit... Je sais qu'il en a été question ici, d'autres intervenants en ont parlé. Moi, j'irais un petit peu plus loin, dans le sens que, bien sûr, il faut poursuivre les efforts de cet inventaire-là, mais le faire le mieux possible. Et, quand je parle, donc, de capture 3D, bien c'est de se servir un petit peu d'une capture qui se fait actuellement, qui est le... ce qui sera demain. Et donc, tant qu'à déployer cet effort-là, aussi bien de bien faire les choses et que, jusqu'à un certain point, le Conseil du patrimoine soit un modèle dans ce domaine-là, un leader. Et, moi, je pense qu'on a une très belle occasion là de pouvoir se marquer dans le domaine, justement en adoptant, je dirais, une attitude proactive dans le domaine de la technologie.

Mme St-Pierre: C'est vrai qu'avec les nouvelles technologies il se fait des choses extraordinaires, on voit des reconstitutions de sites archéologiques comme ils étaient à l'origine, avec toutes ces nouvelles technologies, nous montrer comment c'était, on peut même entrer dans... C'est formidable. Et c'est sûr qu'idéalement, en plus d'un inventaire puis de décrire ce qu'on a, on pourrait peut-être essayer... en souhaitant que les nouvelles technologies soient très accessibles sur le plan financier, parce que c'est des choses qui coûtent très cher. Mais c'est sûr que ça peut être passionnant, là.

M. Dubé (Philippe): Mais là vous abordez un point qui est important. Évidemment, je l'ai dit d'entrée de jeu que la question des moyens nous préoccupe, là, tout autant, alors on n'est pas ici pour dire un peu: Faites ci, faites ça, et puis organisez-vous avec les coûts. Je pense que l'occasion est belle de dire qu'il y a des ressources qui existent, hein? Notamment, bon, le Laboratoire de muséologie, bien sûr, en est un, mais, je veux dire, ce n'est pas le seul. Donc, des lieux qui, justement, ont développé une expertise seraient capables de donner un coup de main à un conseil et de pouvoir, justement, travailler dans la bonne direction dans un inventaire qui soit systématique...

Mme St-Pierre: ...plus de temps, mais je veux juste préciser que l'inventaire est la responsabilité du ministère, et non pas la responsabilité du conseil... bien, de la commission présentement.

M. Dubé (Philippe): Absolument.

Mme St-Pierre: L'inventaire est la responsabilité du ministère, mais on prend bonne note que vous êtes prêts à travailler avec nous aussi.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Et nous allons poursuivre, et je vais donner la parole au député de Drummond, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Rapidement, parce que je sais que nous ne disposons que de peu de temps. On m'a remis ce matin un bref mémoire de la Fédération des producteurs des races patrimoniales du Québec, et ces gens-là auraient voulu être entendus. Je crois qu'ils comprennent qu'il est trop tard, mais j'aurais quand même souhaité pouvoir déposer le mémoire, donc le remettre à la commission. C'est fort intéressant, c'est un peu un sous-ensemble au niveau agricole, mais c'est une forme de patrimoine très riche dont le ministère pourra prendre acte.

Cela dit, bonjour, monsieur. Je ferai ça rapidement. Votre mémoire est un exemple, d'après moi, de la nécessité d'extraire... ou de précéder la loi d'une politique parce que vous soulevez des points qui, d'après moi -- et, à cet égard, je suis d'accord avec la ministre -- qui ne vont pas nécessairement dans une loi parce que ce sont des technicalités d'application.

Cela dit, c'est quand même fort intéressant, en particulier sur le plan que le nombre et les petits et moyens musées qui occupent le territoire n'ont de vertu que dans la mesure où ils sont fréquentés. Le musée est un lieu de transmission de connaissances. Et là on n'est pas tellement sur le terrain de la loi, mais on est assurément sur le terrain d'une importante préoccupation. Ce que je veux savoir de vous, la loi transfère un certain nombre de responsabilités -- et, dans votre cas précis, je vais parler des expertises vers les municipalités, souvent petites, toutes petites municipalités -- est-ce que ce transfert-là, est-ce que cette demande-là pour des municipalités contenant peu de gens, avec peu de moyens d'avoir des experts pointus, est-ce que c'est quelque chose d'envisageable? Est-ce que c'est quelque chose qui, dans le temps, pourrait finir par se faire ou est-ce que ce n'est pas un peu utopique de penser que les municipalités vont être capables de se donner accès à des ressources précises en termes de patrimoine à son sens le plus large? On va de l'ethnologie jusqu'à la muséologie, le traitement, protection d'immeubles. Est-ce que c'est une utopie ou est-ce que c'est vraiment faisable?

M. Dubé (Philippe): Vous me donnez l'occasion, M. le député, de revenir sur le point que j'ai tenté de développer, qui est sur cette idée, donc, d'avoir un centre fort, et tout en menant une action du côté de la périphérie. Ce centre fort, je vois, moi, le conseil, le nouveau Conseil du patrimoine culturel comme un lieu d'expertise. Je souhaite que le conseil puisse, je dirais, renouer avec une tradition de faire connaître le patrimoine, de le diffuser. Donc, cette expertise-là devrait être, à mon sens, confirmée par la création ou la reconduite, si on veut, du nouveau Conseil du patrimoine, et cette affirmation-là, donc, d'un centre fort où l'expertise est là, présente, devrait, à mon sens, rejaillir sur le territoire et justement sur les acteurs dans le milieu.

Je veux dire, le territoire géographique est vaste, bien sûr. Tout à l'heure, on évoquait la question des nouvelles technologies. Je pense que, justement, si on avait un lieu avec les ressources nécessaires pour pouvoir y référer à travers les technologies, bien sûr la distance géographique, évidemment, n'est pas un véritable obstacle. Et, en ce sens-là, je pense que cette accentuation, disons, de la vocation du conseil dans l'expertise réelle pour ce qui est du patrimoine culturel au sens large, donc cette confirmation-là devrait jouer à la faveur des petits acteurs qui, bien sûr, ont besoin d'aide, ont besoin d'accompagnement dans la mesure où, justement, il y a un centre qui est fort, mais que les gens en périphérie se sentent supportés par ce centre-là. Je ne sais pas si je réponds à la question, mais c'était le sens de...

M. Blanchet: Oui, c'est dans l'esprit de la question, assurément. N'y a-t-il pas un risque qu'un centre fort impose un certain nombre de contraintes à un ensemble de lieux tout à fait décentralisés, tout à fait régionaux, de petites municipalités qui, elles, de bonne foi, veulent rencontrer ces obligations-là, mais avec un amateurisme compréhensible qui aura l'effet contraire, on identifiera mal, traitera mal, protégera mal et, à la limite, endommagera un patrimoine qui, au contraire, est supposé être protégé? Est-ce qu'on ne prend pas ce risque-là? À défaut d'avoir la capacité d'une ressource qui sera partout et en même temps, on est... Elle n'existe pas, elle n'existera pas à court terme. Tout amant des sciences sociales que je sois, je ne pense pas que nos universités vont, demain matin, se remplir de muséologues en devenir, et d'archéologues, et d'ethnologues en devenir. À ce moment-là, ça voudrait dire qu'il y aurait un exercice qui se ferait en séquences. Il faudrait que des équipes aillent faire le tour une place à la fois. Donc là, on s'inscrit dans quelque chose qui, dans la durée, devient, ma foi, difficile à aborder.

Et l'autre élément sur lequel je voudrais que vous vous prononciez... Parce qu'effectivement les technologies évoluent bien, mais, quand je parlais du risque d'endommager ou de ne pas bien faire le travail, je prends l'exemple de la captation d'un rituel par une communauté qui ne partage pas l'essence de notre culture, il est bien connu en ethnographie que, d'emblée, l'observateur, celui qui va capturer l'essence du rituel, risque de contaminer les rituels par sa simple présence, et, donc, ça relève d'une expertise extrêmement précise. Si on se précipite puis on y va, toute nouvelle technologie aidant, on risque de faire un dommage. Moi, j'ai cette crainte-là d'une précipitation, même s'il y a des éléments qui sont très urgents au niveau du patrimoine, qu'il y ait un côté apprenti sorcier à l'exercice et que ce soit imprudent, et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que vous avez assurément des compétences précises à cet égard.

**(12 h 40)**

M. Dubé (Philippe): Je ne sais pas si j'ai les compétences pour vous répondre, mais, moi, ce que je dirais, c'est qu'encore là c'est quelque chose que j'évoque ici et plus longuement dans le mémoire, c'est qu'en fait nous avons des ressources que nous n'utilisons pas. Entre autres, le fait d'avoir un réseau universitaire... Vous dites, bon, les universités, demain matin, ne produiront pas, évidemment, une manne de spécialistes, il ne s'agit pas de ça. Mais je dirais que l'expertise, elle existe un peu partout à travers, justement, le réseau des universités québécoises, à travers le réseau des musées tout autant, et, à mon sens, c'est là qu'on devrait peut-être tirer profit de ces bénéfices qui sont réels, des ressources qui sont là, existantes et qui, peut-être, ne se sentent pas, à l'heure actuelle, concernées par le patrimoine... bien, pas par le patrimoine parce qu'ils le sont, je veux dire, c'est leur vie, c'est leur pain quotidien, mais, en même temps, peut-être pas dans la perspective qu'a ou qu'aura le Conseil du patrimoine culturel du Québec, donc une vision d'ensemble qui pourrait très bien être portée par le centre, mais qui rejaillit vers la périphérie à travers justement le réseau des universités, sensible à la question, question patrimoniale, et, bien sûr, relayée aux petits et moyens musées, qui sont très présents sur le territoire.

M. Blanchet: Je ne demande, de bonne foi, qu'à partager votre enthousiasme à cet égard, tant mieux si... L'expertise, je ne doute pas qu'elle existe en qualité. En volume, en capacité d'occuper le terrain, si vous me le dites, je veux bien le croire. Mon collègue soulevait sa déception, mentionnait sa déception du peu d'institutions universitaires qui se sont manifestées dans le but de participer à ces audiences. Il y en a qui le sont, mais il manque des gros joueurs. Donc, c'est peut-être un peu déplorable qu'on n'ait pas accès à la possibilité de leur poser ces questions-là.

Et dernière question rapide: Le même raisonnement qu'on fait pour les municipalités dans, je comprends, dans votre intention, celui qu'il se fasse au niveau des musées, que les musées en région soient appelés à s'approprier peut-être pas des juridictions, mais de donner un sens très concret à leur intérêt par leur proximité de ce qui doit être protégé, préservé, identifié, de participer à l'exercice d'inventaire, pour faire ça -- un peu la même question -- est-ce que les ressources dont les musées ont besoin pour faire ça, est-ce qu'elles existent, ces ressources?

M. Dubé (Philippe): Je ne peux pas répondre, évidemment, à leur place. Moi, je vous dirais que, justement, le fait que ces gens-là sont déjà investis dans le domaine... Je voudrais juste prendre mon propre exemple, hein, alors que, dans une vie antérieure, j'ai été conservateur de musée. J'ai travaillé au Musée de Charlevoix pendant cinq ans avant de passer au Musée de la civilisation, et justement, pour moi, la Commission des biens culturels, c'était quelque chose de très abstrait, je n'y ai jamais référé dans ma vie professionnelle comme telle. Ce n'était pas une ressource, c'était quelque chose qui était très abstrait. Bien sûr, on avait un support... on savait qu'il y avait une sorte de support. La commission a publié quelques documents qui, à certaines occasions, ont pu nous être utiles, mais on ne sentait pas... enfin, de mon point de vue, moi, je ne me sentais pas du tout partie prenante de la Commission des biens culturels, ne sachant pas très bien que nous travaillions dans le même secteur, et peut-être que l'occasion, justement, de cette nouvelle loi et cette affirmation, donc, d'un nouveau conseil où, justement, les acteurs du milieu pourraient se référer à la commission non pas comme une espèce de sénat un peu abstrait qui réfléchit sur le patrimoine dans l'abstrait, mais bel et bien comme étant une vraie vigile du patrimoine sur l'ensemble du territoire et qui met à contribution les acteurs qui sont là présents sur le terrain...

Mémoire déposé

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Dubé. J'officialise le dépôt du mémoire présenté par le député de Drummond de la Fédération des producteurs de races patrimoniales du Québec, et on a distribué les photocopies à tous les membres.

Je vous remercie, M. Dubé, de nous avoir fait connaître le point de vue du Laboratoire de muséologie et d'ingénierie de la culture et j'invite M. Marcel Junius à venir se joindre à notre table.

Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

 

(Reprise à 12 h 46)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir M. Marcel Junius. M. Junius, vous avez une période d'environ 10 minutes pour nous faire connaître vos points de vue sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.

M. Marcel Junius

M. Junius (Marcel): ...M. le Président, Mmes, MM. les députés, Mme la ministre, avant de me présenter, si vous permettez et pour situer le débat dans les 10 minutes qui me sont allouées, je vous dirai ceci: Culture, langue et patrimoine constituent, outre le contrôle économique et politique, trois aspects indissociables de l'essence d'un peuple. Le patrimoine généralement entendu évoque trop souvent les princes de l'architecture que sont les palais, les édifices publics impressionnants, les cathédrales, les basiliques. Il apparaît maintenant indispensable de redéfinir le terme de patrimoine en appréciant l'intérêt d'un édifice, glorieux ou modeste, à l'aune de l'importance symbolique et affective que lui accorde la communauté qui le revendique. Ça ouvre beaucoup de portes et ça en ferme d'autres.

Et, pour m'expliquer, je vous dirai qu'il n'y aura pas de tabous dans le patrimoine, il ne devrait pas y en avoir. Et je vous dirai, pour symboliser tout ça et aller très vite, que la Manic est aussi importante culturellement que la place Royale à Québec. Je vous dirai que l'édifice Marie-Guyart, à côté de chez nous, ici, oeuvre contemporaine qui témoigne de l'édification de la fonction publique suite au renouveau, la Révolution tranquille, est aussi important que la basilique de Québec et que l'alignement -- pour aller plus loin dans un autre domaine -- l'alignement des escaliers extérieurs dans certains quartiers de Montréal ou de Québec, est aussi important que le silo en béton au bassin Louise, à Québec.

Alors, dans tout ceci, maintenant, je suis Marcel Junius, architecte et urbaniste émérite. Je suis entré en la fonction publique comme on entre en religion et j'ai passé mon temps, j'ai travaillé à la fonction publique en aménagement du territoire, en urbanisme, en habitation, en patrimoine culturel et naturel et en environnement. En 2003, pour faire court et pour vous situer vraiment le débat, je suis lauréat du Prix du Québec, prix Gérard-Morisset pour le patrimoine justement, et, à cette occasion, la ministre de la Culture de l'époque me remet le prix, et je la cite, et elle dit ceci -- vous allez voir que tout ça revient dans les discussions que vous avez ces jours-ci: «Vous avez décodé le langage de notre architecture traditionnelle, nous révélant les splendeurs secrètes des textures, des formes, de l'espace. Et, surtout, vous l'avez défendu pied à pied, pierre à pierre, ce précieux héritage, à une époque qui ne jure parfois que par le progrès. Vous avez plaidé sans relâche pour un urbanisme se conjuguant à l'humanisme en nous introduisant l'importance primordiale de conserver à nos villes et à nos villages leur coeur. Ça veut dire leur mémoire et leur essence même.» Fin de la citation. Tout est dit.

**(12 h 50)**

Et tout ça a commencé en 1972. Je fais un parallèle avec la loi aujourd'hui, en 1972 j'ai été le premier directeur général du patrimoine, donc le premier administrateur de cette nouvelle loi, qui était très encourageante, et Claire Kirkland-Casgrain avait fait un travail remarquable. Nous avions à mettre en oeuvre la loi sur le patrimoine. Demain, il y en aura d'autres. Mes successeurs, qui auront à mettre en oeuvre la loi que vous avez aujourd'hui, alors je dis: Attention, attention et attention! Il faut, pour mettre la loi en oeuvre, il faut du personnel compétent, il faut du personnel qui ait la foi, surtout la foi, il faut du personnel qui connaisse ce que c'est, le patrimoine, et il faut ce que j'ai eu, moi, la chance d'avoir des collaborateurs -- nous étions une centaine au Patrimoine -- qui soient des croisés. Ça veut dire des légions, comme ça, des légions qui sont dans tout le Québec et qui transmettent la bonne parole.

Ceci étant dit, je trouve, aujourd'hui, qu'avec la loi que nous avons nous ne sommes pas au rendez-vous. Ça veut dire que je trouve que, dans la loi, d'après ce que j'en ai étudié, on est à mi-chemin de quelque chose qui aurait été formidable, extraordinaire. Et, donc, je me réfère à Georges-Émile Lapalme... Vous allez me dire: Ah! bien, c'est vieux, tout ça, etc. Non, ce n'est pas vieux du tout, c'est toujours d'actualité. C'est que, là, lorsque nous avons soumis, à l'époque, en Allemagne et partout ce qu'on entrevoyait comme mise en oeuvre de la Loi sur les biens culturels pour le patrimoine québécois, on nous a dit: Mais, ces études, vous devriez les rendre publiques au monde entier, c'est extraordinaire. C'est dans les rapports annuels de la Commission des biens culturels signés pas M. Lapalme, et je suis très heureux d'être un de ses successeurs.

Tout cela pour vous dire que la foi, la mise en oeuvre, le personnel et puis les budgets... On n'avait pas de budgets tellement, nous, mais, enfin, on a fait avec et on a toujours demandé des budgets supplémentaires. Alors, ce que je veux vous dire ici, c'est simplement ceci, c'est que le patrimoine... culture, langue et patrimoine, comme je le dis, mais c'est l'urbanisme, c'est l'aménagement du territoire. Et, ici, nous sommes vraiment... c'est le noeud du problème, et je reproche à loi actuelle justement ceci, de n'être pas allée assez loin, ça veut dire de ne pas avoir fait le pas que l'on recommande depuis 1979 par Italia Nostra, qui disait ceci: «La planification de rénover, dorénavant, sera fondée sur les biens culturels.»

Je revois, en 1976, Jean-Paul L'Allier, pour l'évolution de la politique culturelle, il y a une régie qui est envisagée extraordinaire. J'en suis le premier à être informé avec M. Lapalme, et on nous met tous les deux pour travailler là-dessus, puisque nous serons les prochains administrateurs de la régie. Malheureusement, les événements ou, heureusement, les événements, suivant de quel côté on se trouve, là, 1976, il y a chambardement, et la régie est tombée dans les oubliettes, ce qui arrive souvent au gouvernement. Peu importe, l'idée était lancée, la semence était là.

En 2000, le rapport Arpin nous dit qu'il faut une loi qui soit gouvernementale, une loi qui ne soit pas une loi sectorielle. Je m'excuse, madame, mais ce n'est pas... je suis... Ma maison mère, c'est là où vous habitez maintenant, au ministère, c'est ma maison mère. Donc, le petit ministère des Affaires culturelles -- parce qu'on nous a assez barbés là-dessus, de nous dire que nous étions le petit, petit, petit, le dernier de classe, celui qui n'a pas la voix très forte -- nous, on a eu la voix forte. Alors, le rapport Arpin nous dit: Une loi gouvernementale, pas une loi sectorielle, et puis des mécanismes pour la mise en oeuvre, qui fait la concertation interministérielle.

Dans le Regard neuf sur le patrimoine de 2007, je revois qu'on va proposer la formation d'un comité interministériel permanent de protection du patrimoine. Et je revois la politique même de la ville de Québec qui nous dit exactement la même chose. Avec l'élargissement de la notion de patrimoine, elle lie désormais la notion de gestion du patrimoine bâti à celle du territoire. Là, c'est dit clairement, et c'est ce que, moi, je propose, et c'est ce qui n'est pas écrit tellement... Enfin, je l'ai écrit, mais je l'ai raffiné pour venir ici et pour vous dire que l'aménagement culturel du territoire induit le développement durable aussi, puisque nous savons que nous avons cette fameuse Loi de développement durable qui fait déjà bien des choses, mais qui n'est pas assez, où le patrimoine n'a pas la place qu'il doit avoir. Or, nous devons revendiquer. Quand je suis au ministère des Affaires culturelles, moi, je revendique le patrimoine culturel aussi bien que celui qui est à la santé va réclamer, je ne sais pas, un hôpital de plus ou trois médecins de plus, je ne sais pas. Moi, je suis aux Affaires culturelles et je dis: Il faut plus que ça, il faut que la planification du territoire soit fondée sur notre patrimoine culturel. Le patrimoine culturel, c'est le paysage. Enfin... Merci.

Le Président (M. Marsan): M. Junius, je vous inviterais à conclure.

M. Junius (Marcel): Mais je n'ai pas tout dit, là.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je vous remercie de votre présentation et j'inviterais immédiatement Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à poursuivre nos débats. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. Junius, d'être avec nous aujourd'hui. C'est fascinant de vous entendre, mais surtout de parler de votre expérience. Et, quand vous mentionnez Georges-Émile Lapalme, c'est grâce à lui que nous avons le ministère de la Culture parce que c'était l'article 1 du programme du parti de M. Lesage. Alors, on est très fiers, cette année, de célébrer les 50 ans du ministère de la Culture.

Vous semblez dire, si je comprends bien, le projet de loi, bon, c'est une bonne chose, il va dans le bon sens, il est dans la bonne direction, mais il y a des choses qui devraient aller plus loin. Qu'est-ce que je dois entendre, au juste? Est-ce que je dois entendre que le projet de loi devrait avoir une influence sur les autres ministères, une influence déterminante, dans le sens presque un droit de veto, c'est-à-dire en agriculture, les mines, les forêts, les ressources naturelles, tout cela, ou si ça devrait être vraiment le comité interministériel qui...

Le Président (M. Marsan): ...

M. Junius (Marcel): Merci. Le comité interministériel, une base horizontale, et on termine avec le silo. Et les planificateurs de tous les ministères, parce qu'il y a des planificateurs dans tous les ministères, vont rejoindre les conservateurs -- le mot est... enfin, bref, je n'ai pas trouvé un autre -- les conservateurs ou les sauvegardeurs -- si le mot existait -- du patrimoine. C'est la rencontre des deux qui n'a pas encore eu lieu. Moi, j'ai eu de la misère pendant des années au Patrimoine... Pendant mes années à la Commission des biens culturels, on a tout fait pour essayer de rejoindre et les planificateurs et les conservateurs, ceux qui doivent sauvegarder le patrimoine, on n'a jamais obtenu ça. Alors, c'est pour ça que le comité interministériel global, sous, évidemment, disons, la direction ou, tout au moins, la supervision de la ministre de la Culture, c'est bien, mais il faut aller plus que ça. Ça s'appelle, ça, la conservation intégrée.

Et la conservation intégrée, je le retrouve dans tous les documents que je peux lire et... Ce n'est pas en faisant le patrimoine, comme vous le savez... Et tout ce que je peux... les colloques, les symposiums, tout ce que vous voulez, c'est toujours, on en revient là, la conservation intégrée, c'est que ça s'appuie... Parce que, là, il y a tout de même des notions... Oui.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous faites un parallèle avec ce qui s'est passé dans le domaine du développement durable, c'est-à-dire que chacun des ministère doit...

M. Junius (Marcel): C'est bien, ça.

Mme St-Pierre: À partir du ministère du Développement durable, il y a eu comme un...

M. Junius (Marcel): Un début.

Mme St-Pierre: ...en fait, une obligation...

M. Junius (Marcel): Une obligation, elle est là, oui.

Mme St-Pierre: ...de se doter...

M. Junius (Marcel): Oui, oui, c'est ça. C'est ça, mais, ici, il faut aller plus loin. Parce que, dans le développement durable, il y a bien des choses qui sonnent dans le développement durable. Nous, ici, on parle de patrimoine culturel, mais nous parlons aussi... Quand nous parlons de patrimoine culturel, il faudrait qu'on se comprenne et qu'on dise que c'est le territoire du Québec qui est culturel. Et je ne m'excuse pas de dire cette chose-là, c'est le territoire qui est culturel, c'est là que tout a commencé. Le Saint-Laurent, voie de pénétration culturelle, voie de pénétration marchande, mais surtout aussi voie de développement du Québec. Et pourquoi on a des terres divisées de cette façon du régime seigneurial le long du Saint-Laurent? Pourquoi on a ces terres-là? Parce que c'est le régime français. C'est ça qu'il faut protéger, il faut protéger les bandes. Le développement que vous connaissez très bien, il faut le protéger, et il n'y a encore personne qui a dit qu'on allait le protéger. Mais les bocages de l'Estrie sont aussi importants. C'est un autre régime, c'est les Anglais, etc. C'est très bien, mais c'est un autre régime. Et puis, les rangs, qui me dit que... Avec l'expansion des villes, et les villes, et les villes, on va tomber dans les rangs, on va foutre les rangs en l'air. Or, les rangs, c'est important au Québec, ça fait partie de notre identité.

Mme St-Pierre: Que ça se retrouve dans... Tout ce que vous nous dites, à mon avis, se retrouve dans la Loi du développement durable, qui a des principes de protection du patrimoine, et tous les ministères et organismes doivent respecter ces principes-là.

**(13 heures)**

M. Junius (Marcel): Mais ce n'est pas dans la vocation culturelle du paysage, culturelle du territoire, culturelle du patrimoine urbain, ce n'est pas... C'est pris dans le sens -- comment je dirais, là -- très matérialiste, un peu, je dirais, alors que, nous, nous apportons quelque chose de plus qui est cette flamme de l'identité. C'est une grosse différence, et alors c'est pour ça qu'il faut, avec une conservation intégrée, que, là, il y ait un leadership. On le répète souvent, leadership, leadership, mais il faudra toujours qu'il y ait un leadership du ministère de la Culture, ce que je souhaite, n'est-ce pas, très fort pour précisément donner l'impact, donner le... Parce que je crois que, sans faire appel... On peut faire appel au développement durable, mais, sans faire appel à l'aménagement du territoire, protéger le patrimoine est un leurre, vraiment. Il faut vraiment passer par la chose du patrimoine.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup, M. Junius. C'est un plaisir de vous entendre.

M. Junius (Marcel): Il y avait bien des choses sur les monuments, il y avait bien des choses...

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de la communication, M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Vous amenez une notion qui peut avoir l'air théorique pour être prise en compte dans une loi, mais je pense que l'ensemble de votre exposé présuppose un élément fondamental lorsqu'on parle de culture au sens large: est culture ce qui est porteur de sens. Et, dans cette perspective-là, la définition ou le travail que vous faites dans la réflexion est assez extraordinaire. Comment on transpose ça dans une loi? Comment est-ce que ça doit toujours être cette espèce de flamme dont vous parliez qui guide l'ensemble de la réflexion qui donne une loi? Ça me semble un défi considérable.

Dans beaucoup d'interventions des gens qui viennent -- et j'aurai seulement une question parce que mes collègues en avaient -- dans beaucoup d'interventions, moi, je ressors la question de temps. Je pense que la loi est une piste intéressante avec des intentions intéressantes et qu'elle est inachevée. Je pense qu'il y a des éléments qui sont soulevés dans la loi qui sont fort intéressants, mais qui vont demander une réflexion experte, beaucoup plus étoffée, paysage patrimonial, patrimoine immatériel, des choses dont je ne suis pas sûr de comprendre où la loi veut aller. Les personnages et les événements, comment on traite ça, ce n'est pas abordé, et c'est des questions qui semblent pertinentes.

Avant que la loi... Dans le temps entre maintenant et le moment où la loi sera bonifiée ou, idéalement, qu'une politique apparaîtrait, ou qu'il y aurait un inventaire qui serait fait, même s'il y a des éléments de ça qui ne sont pas possibles, ou, encore pire, la mise en oeuvre de ça, il n'y a pas des morceaux, justement, de patrimoine qui sont menacés d'être cédés, négligés, tomber un peu en décrépitude et qui deviendraient des espèces de dommages collatéraux du fait que, tant qu'à faire une loi, il faut la faire comme il faut? Et, si c'est le cas, qu'est-ce qu'on fait pour gérer dans l'intervalle des cas qui sont plus urgents?

M. Junius (Marcel): Je vous dirais qu'on pourrait commencer... Merci, M. le député. Je vous dirais qu'on devrait commencer par créer un comité de la maintenance... mais le mot est anglais, là, de l'entretien des monuments. Nous avons, je ne sais plus combien... Maintenant, on en a 500, 600, des monuments à travers le pays. Savez-vous dans quel état ils sont? Moi, j'en ai été visiter ici ou là, etc., on peut se poser des questions: Est-ce qu'il y a une borne-fontaine à proximité? Est-ce qu'il y a des paratonnerres sur les édifices? Est-ce que l'édifice est encore en bon état de maintien, de sous-sol, de sol, de toiture, etc.? On peut bien demander des subventions.

On avait dit que... Nous avions commencé, nous, à faire des pedigrees de chacun des biens classés, etc. Mais vous avez soulevé un programme, et j'oublie ceci, vous avez dit: Il faudrait une politique générale. Je crois, M. le Président, que, si on avait travaillé à créer maintenant une politique générale du patrimoine avec tous les documents que nous avons -- et nous avons de très bons documents -- une politique générale du patrimoine ou globale, si l'on veut, qui se résumerait en une page et demie, nous aurions là le fondement, vraiment le fondement... Le distribuer aux sorties des messes, le distribuer aux sorties des cinémas, je ne sais pas comment, mais distribuer ça aux Québécois pour qu'ils soient à même de dire: On m'a prévenu, on m'a dit que j'avais un patrimoine. On m'a dit que, dans ma rue, c'était... Alors, c'est pour ça que j'ai dit qu'il faudrait une politique globale courte qui dise ceci, comme je l'ai noté ici: Le territoire québécois est un patrimoine commun de ses habitants. Moi, j'aimerais qu'on dise ça, hein? Je ne l'ai jamais entendu. Pourquoi on ne le dit pas? On dit que le territoire du Québec est le bien sacré de la nation. Bien oui, moi, j'y crois, à ça.

Et, de là, découlent des actions: protéger le patrimoine culturel, s'appuyer sur le bien commun qui donne le sens, mais attendez, à l'espace public en tant que principe d'ordre supérieur qui doit, etc. Alors là, on entre dans toute une machine, si vous voulez. Et la conservation intégrée, dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est la même chose, elle engage la responsabilité de tous, municipalités, MRC et tout le monde, ministères, sociétés d'État et agences qui régissent des portions de territoire, de structures. Et c'est pourquoi je dis que, quand on voit l'envergure de la chose, on dit: C'est le patrimoine... le territoire, c'est le patrimoine culturel des Québécois. À ce moment-là, je vous dis: Faisons sauter les arrondissements historiques. Vous savez, on a bien de la misère avec ces arrondissements historiques ces jours-ci, et on en a toujours eu, et on en aura encore parce que, là, c'est la caution morale de l'autorité publique. Ah! mais là je vais mettre de l'argent dans l'arrondissement historique, mais, de l'autre côté de la rue, je vais laisser tomber parce que je n'ai pas de programme. Alors, j'ai un programme culturel là, je vais le mettre dans l'arrondissement, mais... Alors, c'est ce qui nous amenait à dire: Nous avons un arrondissement historique qui est fait comme ça, on va l'élargir, on va faire un périmètre sensible, on va mettre un périmètre... Alors, faisons le territoire.

Et puis, vous savez, il y a tellement de choses dans... Quand on parle de patrimoine, j'aimerais bien... Et ça donne l'occasion aux députés que vous êtes de comprendre ce que nous voulons dire. Nous voulons dire que le patrimoine, c'est des monuments, bien sûr. Madame a compris que c'était des paysages aussi, ce qu'on n'avait pas compris il y a quelques temps. Mais, néanmoins, des alignements de rues, comme je l'ai dit tantôt, des escaliers, des places publiques, etc., tout cela, ça fait partie du patrimoine.

Le Président (M. Marsan): M. Marcel Junius, architecte, urbaniste émérite, prix du Québec en 2003, prix Gérard-Morisset pour le patrimoine, nous vous remercions bien sincèrement de nous avoir donné votre point de vue sur le projet de loi n° 82.

Nous allons...

M. Junius (Marcel): C'est terminé, vraiment?

Le Président (M. Marsan): Oui, c'est vraiment terminé.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Vous pouvez laisser vos effets ici si vous le souhaitez. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de La Société d'histoire de Sillery, de La Société des musées québécois et d'Héritage Montréal. Alors, nous débutons immédiatement avec M. Charles-Robert Dionne, qui est le vice-président de La Société d'histoire de Sillery. Je vais lui demander de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Et vous avez une période d'environ 15 minutes pour faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 82.

La Société d'histoire de Sillery (SHS)

M. Dionne (Charles-Robert): M. le Président, merci. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, Johanne Elsener, elle est du conseil d'administration de La Société d'histoire de Sillery; à mon extrême gauche, Gaston Saint-Laurent, professeur émérite en agriculture à la retraite de l'Université Laval, il est membre de la Coalition de l'arrondissement historique de Sillery; et, à ma droite, Jean Bousquet, qui est professeur à l'Université Laval en foresterie.

D'abord, vous avez reçu... Avant que je commence, parce que je vois que plusieurs consultent ceci, là, c'est un petit document qui vous dit de quoi on va parler. Pour ceux qui ne sont pas de la région de Québec, on va parler de l'arrondissement historique de Sillery. Alors, ça vous donne une idée, visuellement, là, de quoi on parle exactement.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Mme la ministre, nous voulons vous féliciter, dans le cadre du projet de loi n° 82, de l'élargissement du concept de site patrimonial pour maintenant inclure les paysages culturels patrimoniaux. L'arrondissement historique de Sillery représente un de ces lieux nationaux chargés d'une riche histoire. Depuis l'époque amérindienne, en passant par le Régime français puis le Régime anglais, enfin l'époque des grandes communautés religieuses, avec ses quelque 225 hectares, soit presque trois fois la superficie du parc des Champs-de-Bataille, cet arrondissement historique est riche de paysages naturels remarquables, à grande valeur patrimoniale, situés de surcroît en milieu urbain. Il se démarque par la conservation des traces de l'organisation ancienne du territoire associées aux quatre époques culturelles clés de notre histoire. Cet arrondissement historique représente un joyau patrimonial national pour les Québécois actuels et les générations qui suivront.

Force est de constater qu'il y a grand péril en la demeure. Pour les arrondissements historiques du Québec, et notamment pour ceux à caractère paysager et naturel comme celui de l'arrondissement historique de Sillery, l'heure est critique. C'est un cri du coeur, madame, associé aux voix de la raison que nous nous permettons de vous faire entendre aujourd'hui. Le mémoire que vous avez reçu témoigne -- et cela est un euphémisme -- d'une relation frustrante avec la ville de Québec en ce qui concerne la sauvegarde et la mise en valeur de l'arrondissement historique de Sillery: consultations ardues, empreintes de méfiance et manque de transparence, informations tronquées ou difficiles à obtenir. Nous jouons, actuellement et depuis de nombreuses années, avec la ville de Québec au jeu du chat et de la souris pour obtenir des renseignements utiles quant à la planification et à l'avenir de notre arrondissement.

On nous promet, depuis plus de quatre ans, un programme particulier d'urbanisme, le fameux PPU, qui ferait, selon ce qu'on entend dire entre les branches, l'objet d'une ultime concertation avec votre ministère. Eh bien, voilà, madame, une action qui est excellente et capitale pour nous, le rôle central que votre ministère joue pour ralentir les appétits municipaux d'une utilisation du sol aux seules fins du développement immobilier et de l'élargissement de l'assiette fiscale. Votre ministère fait prendre en compte les enjeux significatifs ayant trait à la protection du patrimoine historique, culturel et paysager de l'arrondissement historique de Sillery. Confier ce rôle à la ville de Québec, comme le suggère le projet de loi n° 82, notamment à l'article 165, à savoir le transfert de responsabilité quant à la protection d'un site patrimonial déclaré comme l'arrondissement historique de Sillery, nous inquiète au plus haut point.

Dans cette allocution, nous ne reviendrons pas sur l'argumentaire exposé dans notre mémoire pour vous faire part de nos inquiétudes liées à ce transfert de responsabilité. Nous nous attarderons plutôt sur deux points: dans un premier temps, porter à votre connaissance des faits nouveaux qui sont survenus depuis le dépôt de notre mémoire; et, dans un deuxième temps, insister sur la responsabilité du gouvernement du Québec comme gardien de notre patrimoine.

**(15 h 10)**

Le premier fait nouveau que j'aimerais porter à votre attention concerne le cimetière Saint-Patrick. Dans la semaine du 15 novembre dernier, des bornes d'arpenteurs suggérant l'emplacement d'une rue future sont apparues dans le cimetière Saint-Patrick, à même une petite érablière. Nous apprenions également dans le courant de l'année 2010, suite à des recherches au registre foncier, que cet ancien domaine, l'un des plus beaux au Canada avec Cataraqui et le Bois-de-Coulonge, a été morcelé pour du développement immobilier. Nous apprenions avec stupéfaction que la lisière ouest, concernant un peuplement d'arbres patrimoniaux de plus de 250 ans, était vendue pour un développement d'une centaine de condos. Or, ce terrain et ces arbres sont les témoins vivants d'une histoire remontant à l'époque du Régime français. Ils forment aussi un écran visuel devant les immeubles en hauteur avoisinants permettant de sauvegarder ce panorama admirable et de conserver au cimetière son paysage et sa quiétude propices au recueillement.

Pourtant, dans un secteur protégé comme l'arrondissement historique de Sillery, on ne peut modifier quoi que ce soit sans l'accord de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. C'est ainsi qu'en avril 2010 le ministère publiait un cadre de gestion pour les grandes propriétés de Sillery que nous avons accueilli avec joie. On y recommande, entre autres, de préserver les grandes parcelles en évitant leur morcellement et de conserver comme écran visuel ce même boisé patrimonial situé à la lisière ouest du cimetière Saint-Patrick. L'autorisation récente de la vente de cette partie du cimetière semble contredire ce principe énoncé par votre ministère. Dans ce contexte, il serait primordial que le ministère reconnaisse l'urgence d'adopter des règles claires qui précisent son cadre de gestion de l'arrondissement historique de Sillery et qu'il intègre à ces règles un mécanisme d'évaluation patrimoniale.

Le deuxième fait nouveau concerne la firme Patri-Arch. À la mi-décembre 2010, un groupe de travail mis sur pied par la ville de Québec remettait un rapport sur le patrimoine des communautés religieuses de Québec. Ce rapport recommande notamment, pour l'arrondissement historique de Sillery, que la ville retienne explicitement les recommandations du rapport de la firme Patri-Arch, qui portait le nom, et je cite, Évaluation patrimoniale des couvents et autres propriétés de communautés religieuses situées sur le territoire de la ville de Québec. Or, ce rapport, publié à l'été 2006 à la demande de la ville de Québec, avait pour mandat de faire un inventaire des propriétés religieuses et de proposer un développement immobilier le plus étendu et dense possible, propriété par propriété, en vue, comme on le dit même dans le rapport, et je cite, «de tirer le maximum de ces propriétés».

En outre, les auteurs eux-mêmes sont mal à l'aise à l'égard de leurs propres conclusions et prennent la peine de faire des mises en garde sérieuses, et je cite: «Des solutions plus douces ou moins étendues seraient souvent souhaitables, notre but étant avant tout de démontrer jusqu'où il était possible d'aller. Nous n'avons donc illustré qu'une seule piste pour chacune des propriétés, alors que d'autres options sont sûrement possibles.» Fin de la citation.

Et pour cause, d'autres solutions existent. Une vue citoyenne a été mise de l'avant par la Coalition de l'arrondissement historique de Sillery. Il nous fera plaisir de vous remettre une copie de leur vision. Bien, on vous l'a déjà remise, cette copie-là, vous l'avez entre les mains présentement.

En fait, ce que proposent la firme Patri-Arch et le groupe de travail mandaté par la ville de Québec, et en complète rupture avec le statut d'arrondissement historique de ce territoire patrimonial, c'est d'envisager l'avenir de l'arrondissement en le morcelant comme un saucisson pour en tirer le maximum de revenus fonciers. Il n'y a aucune vision globale pour la protection et, surtout, la mise en valeur de l'arrondissement.

Notre dernier point: le rôle protecteur du patrimoine du ministère. Pour protéger les paysages naturels des grandes propriétés conventuelles de Sillery et stopper le lotissement, c'est par arrêté en conseil que le gouvernement du Québec a créé, le 5 février 1964, l'arrondissement historique de Sillery et qu'il l'a placé sous la coupe du ministère des Affaires culturelles. Georges-Émile Lapalme, qui était un excellent ministre libéral, disait, à l'époque de la création des arrondissements historiques, que le ministère des Affaires culturelles devait être vigilant, toujours sur ses gardes pour éviter les erreurs et les coups de force, car les vautours ne sont pas loin. Contrairement à ce qui est proposé dans le projet de loi n° 82, nous sommes d'avis, Mme la ministre, que vous avez le devoir, au nom du gouvernement du Québec, de poursuivre votre implication dans la conservation et la mise en oeuvre de l'arrondissement historique de Sillery, un bien patrimonial national qui appartient à tous les Québécois et que l'on ne saurait remettre à un gestionnaire local ayant des visées foncières et une vision trop à court terme. Le cadre de gestion pour les grandes propriétés de l'arrondissement historique de Sillery que vous avez publié en avril 2010 témoigne de votre intérêt indéniable pour sauvegarder l'identité de l'arrondissement. C'est ce document-ci.

Il y a un autre document aussi qui a été publié et qui est très bon, c'est le livre récent de la Commission des biens culturels du Québec et ses recommandations sur la conservation et la mise en valeur de l'arrondissement historique de Sillery. Elles vont également dans le même sens. C'est ce document-ci, qui a été publié par la Commission des biens culturels, Empreintes et mémoire -- Les arrondissements historiques de Sillery, Beauport et Charlesbourg.

Mme la ministre, vous devez continuer dans la direction inscrite dans votre cadre de gestion, être le guide pour tracer la voie et dicter les valeurs et la façon de faire en collaboration avec les organismes du milieu. Notre plus grande inquiétude est de remettre le sort des arrondissements historiques entre les mains des autorités municipales avec des règles qui nous semblent trop permissives. Nous croyons que la situation difficile vécue avec la ville de Québec a le fort potentiel de se matérialiser, si ce n'est déjà fait, dans les autres arrondissements historiques du Québec. Dans ce contexte, l'expérience nous a montré que les grands domaines patrimoniaux de Sillery ne résisteront pas longtemps aux forces vives et municipales désireuses d'obtenir encore davantage de lots à bâtir.

En résumé, nous vous demandons, Mme la ministre, d'occuper la première place pour la sauvegarde des richesses patrimoniales de notre arrondissement et que vous entraîniez avec vous les autres acteurs, ministres, sociétés d'État, villes, experts, gens d'affaires et, bien sûr, les organismes du milieu.

En terminant, comme recommandation, conséquemment, La Société d'histoire de Sillery vous recommande, Mme la ministre, de conserver toutes vos prérogatives quant à la protection des arrondissements historiques. Toutefois, si vous allez de l'avant avec le transfert de certaines de vos responsabilités vers les villes, il faudrait s'assurer qu'un plan clair de conservation et de mise en valeur durable soit élaboré en concertation avec les différents partenaires, dont les organismes du milieu, préalablement à ce transfert. En outre, dans le cadre du transfert de responsabilités quant à la protection du patrimoine vers les villes, il serait approprié de resserrer les règlements qui seront gérés par la ville, c'est-à-dire l'article 137 à 142. Je vous remercie. J'aurais Mme Elsener qui voudrait compléter. Je pense qu'elle aurait deux minutes pour le faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Marsan): Oui. Bien, d'abord, je vous remercie. Et, oui, Mme Elsener, vous avez le temps nécessaire, les collègues des deux côtés de la salle ont accepté de vous donner le temps approprié. Alors, la parole est à vous.

Mme Elsener (Johanne): Merci beaucoup. Merci. Alors, M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Mme la ministre, notre intervention d'aujourd'hui voudrait aller au-delà de cette requête visant le maintien de vos prérogatives quant à la protection des arrondissements historiques entre les mains de votre ministère. Nous voulons donc vous proposer un changement dans la gestion de ces arrondissements qui, s'il veut être effectif, devrait s'inscrire dans un cadre législatif.

Nous vous proposons de modifier le projet de loi de telle sorte qu'un plan non pas seulement de conservation, mais aussi de mise en valeur et de développement durable soit élaboré et déposé pour chacun des arrondissements historiques avant que toute modification puisse être envisagée. Cette intervention a priori vous placerait dans une meilleure position, à la fois à titre de créatrice et de visionnaire. En plus d'être élargi à un plan de mise en valeur et de développement durable, le plan de conservation qui est proposé pour les sites patrimoniaux déclarés dans le projet de loi devrait être élaboré en concertation avec différents intervenants, dont votre ministère, bien sûr, mais aussi les ministères des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, du Tourisme, du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, avec les fonctionnaires des villes, bien sûr, les experts indépendants comme ceux de l'École supérieure d'aménagement du territoire et de développement régional de l'Université Laval, les regroupements de gens d'affaires et les groupes de citoyens.

**(15 h 20)**

Pour l'arrondissement historique de Sillery, le cadre de gestion est certes un bon document d'orientation. Cependant, il faudrait aller au-delà de ce cadre pour concevoir un plan précis de conservation, de mise en valeur et développement durable. Il faudrait identifier les caractéristiques historiques, paysagères, urbanistiques et touristiques qui permettraient de dégager une ligne de conduite et les balises pour un développement durable qui soient non seulement en lien avec ces caractéristiques identitaires, mais qui permettent de les maintenir et de les faire partager par le plus grand nombre tout en conservant l'unité et l'unicité du territoire.

L'arrondissement historique de Sillery possède la plus forte concentration au Canada de villas d'époque. Il faudrait pouvoir les réseauter, notamment par la création d'un parc des grands domaines, le classement du chemin Saint-Louis comme artère patrimoniale et l'implantation de projets qui mettraient en valeur l'histoire de cet arrondissement et qui assureraient un accès public à l'ensemble des Québécois. Ce réseau bonifierait l'offre touristique à Québec en créant un second pôle vers l'ouest, désengorgerait le Vieux-Québec et sauvegarderait un bien collectif national, car les arrondissements historiques sont bel et bien un héritage national qui appartient à tous les Québécois.

C'est à ce titre que nous avons obtenu, pour soutenir notre démarche, les appuis des conseils de quartier de Sillery, de Saint-Louis-de-France, de Saint-Sacrement, de Pointe-de-Sainte-Foy, de Cap-Rouge, de la Coalition héritage Québec, des comités des arbres de Sainte-Foy--Sillery et de Charlesbourg, de la Coalition pour l'arrondissement historique de Sillery, du Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu, des sociétés d'histoire de Québec et de Charlesbourg, d'Héritage Montréal et de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, qui regroupe 250 sociétés et qui rejoint 50 000 membres.

Nous croyons qu'en intégrant la nécessité d'un plan concerté de conservation, de mise en valeur et de développement durable dans un cadre législatif pour chacun des arrondissements historiques vous pourrez, Mme la ministre, assumer un véritable rôle de protectrice et de visionnaire. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Elsener. Nous allons immédiatement débuter nos échanges, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je vois que vous avez pris connaissance du document, cadre de gestion, que le ministère a fait préparer. Je pense que, pour avoir une vue d'ensemble sur ce qui est à faire ou sur comment on devrait le faire dans l'arrondissement, je pense qu'on a une bonne idée ici. L'article 160... C'est 165 qui vous inquiète, j'ai... Ici, ça dit que, bon, «lorsqu'une municipalité locale, par règlement de son conseil, présente une demande à cet effet, le ministre peut déclarer inapplicable en tout ou en partie des [...] 49 ou 64 à 67...» Mais, à la fin de 165, ça dit: «Avant de se prononcer sur une telle demande, le ministre tient compte de la réglementation de la municipalité en regard des objectifs de la présente loi et prend l'avis du Conseil du patrimoine culturel du Québec.» Ce n'est pas quelque chose qui pourrait se signer, là, sur le coin du bureau, là, ces transferts de responsabilités là. Et, quelquefois, ça peut être que, bon, une municipalité va dire... En plus, il y aurait une reddition de comptes puis une surveillance, et tout ça, puis ça peut être retiré... Ce transfert de responsabilités là pourrait être retiré si la municipalité ne respecte pas le plan de conservation qui doit être mis en place. Donc, il y a certains mécanismes, là, il y a des polices d'assurance autour de cela.

Ce que je comprends de vos commentaires, c'est que ce n'est pas le grand amour entre votre association puis la ville de Québec, là, ça semble assez clair. J'aurais une question sur les bâtiments qui sont dans l'arrondissement de Sillery. Vous comprenez qu'il y a un défi énorme. Les communautés religieuses, on les a entendues hier, leur population baisse de 5 % par année. Elles doivent s'occuper des vieilles soeurs jusqu'à la fin de leurs jours, et on a... Et, ces bâtiments-là, l'État ne pourra pas les prendre tous sous son aile, là. Alors, il va falloir faire quelque chose avec... Si on parle de ces bâtiments-là, il va falloir, un jour, qu'on s'entende sur quelque chose. Puis on nous disait hier -- Me L'Allier était là -- que les décisions sont tellement longues à prendre que, pendant ce temps-là, le bâtiment se détériore, et les communautés religieuses doivent payer l'électricité et le chauffage. C'est très, très, très long. C'est le reproche qu'on est venu nous faire hier. Quelquefois, il faut prendre son temps avant de prendre une décision pour prendre la bonne décision.

Mais, avec ces défis qui se présentent devant nous, si on parle de ce qui est bâti, là -- je ne parle pas de ceux qui veulent peut-être essayer de bâtir ailleurs -- qu'est-ce que vous proposez comme procédure pour être capable de protéger ces bâtiments-là, peut-être leur donner une seconde vie, leur donner d'autres vocations? On fait quoi, là? On est vraiment devant une situation qui n'ira pas en s'améliorant, là. Et la ville est supposée faire un PPU, et je pense que c'est au mois de juin qu'ils devraient le présenter.

Le Président (M. Marsan): ...M. Dionne.

M. Dionne (Charles-Robert): Je voudrais répondre à un certain nombre de points que vous avez soulevés. La première, c'est concernant l'article 165, le dernier alinéa, concernant la réglementation de la municipalité en regard des objectifs de la présente loi. Effectivement, on a un historique avec les villes à Sillery, à l'arrondissement historique de Sillery. Depuis qu'on a un règlement spécial en ce qui concerne l'arrondissement historique de Sillery, il s'est construit à peu près, depuis 1964, à peu près 1 000 à 1 200 logements. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a une protection qui était assurée, là, qu'il sera garant à l'avenir qu'il n'y aura pas de nouveau développement qui sera assuré par la ville de Québec. D'ailleurs, on l'a vu récemment, en ce qui concerne le cimetière Saint-Patrick, je vous l'ai dit, malgré votre cadre de gestion, malgré ce qui existait, à l'heure actuelle il y a des terrains dans les cimetières qui sont l'objet de convoitise de la part des promoteurs, et là on commence à gruger à l'extérieur des grandes propriétés conventuelles pour s'attaquer aux cimetières, et ça, ça nous inquiète. Et ça, c'est le présent. Et, si le présent est garant de l'avenir, bien c'est ça qui nous inquiète en ce qui concerne la ville. C'est un point particulier, je pourrais vous en mentionner plusieurs autres.

Mme St-Pierre: Bien, moi, j'ai une question, de toute façon, à vous poser tantôt là-dessus. Mais là ma question porte sur les bâtiments qui sont là, qui appartiennent à des communautés religieuses. Les communautés religieuses sont venues nous dire hier que ça urge, et elles trouvent qu'on se traîne les pieds parce qu'elles veulent faire des transactions puis elles ne peuvent pas les faire. Dans le cadre de gestion, on parle du respect des volumétries, il y a comme un certain... il y a un certain arbitrage qui se fait, il me semble, dans le respect des lieux. Bon, ce n'est peut-être pas parfait, c'est peut-être perfectible, mais il n'y a pas de hauteur, il y a des... les volumétries sont respectées. Alors, pour ces bâtiments-là, qu'est-ce que vous proposez comme procédure? Parce que c'est de ça dont on parle, là.

Mme Elsener (Johanne): On est tout à fait d'accord avec le cadre de gestion, qui dit qu'on devrait recycler les bâtiments actuels, qu'on devrait, si on les agrandit, les agrandir de façon pavillonnaire, de la façon dont ils ont été conçus par ces communautés religieuses là. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on... au lieu de proposer des habitations privées, c'est-à-dire des condos de luxe... Parce qu'à partir du moment où ça devient des condos de luxe -- et on l'a vu au domaine Benmore -- le terrain se privatise, et il n'y a plus d'accès des Québécois à ces terrains-là. Et ces promoteurs immobiliers là ont toujours l'incitatif de construire de plus en plus sur les terrains. C'est ce qu'on voit sur le site immobilier de Benmore, ils offrent, à compter de ce printemps, deux autres tours sur le terrain de Benmore.

Alors, nous, ce qu'on dit: Oui, c'est une excellente idée de recycler ces édifices-là, de les agrandir de la façon dont ils ont été conçus au départ pour l'agrandissement, mais qu'on devrait favoriser une utilisation qui soit publique, dans le sens où, par exemple, un des projets qui est sur le terrain et dont je possède ici une lettre d'intention, c'est un musée de la forêt et du bois qui reprendrait et mettrait en valeur l'histoire de ces grands domaines là qui ont été possédés par les barons du bois, qui reprendrait notre histoire québécoise et qui serait un projet mixte avec des sociétés de l'industrie du bois qui auraient des bureaux, là, avec eux.

**(15 h 30)**

Mme St-Pierre: Oui. Je ne veux pas vous décourager trop. C'est sûr que ça serait idéal de faire des musées avec ces propriétés-là, c'est clair, mais je pense que la capacité de l'État est comme limitée pour ce qui est du développement des musées. On en a quand même de nombreux au Québec, on en appuie financièrement plusieurs. Alors, de penser que ça sera l'État qui pourra prendre tout ça à sa charge, c'est de l'utopie pure, là. Puis je ne veux pas que vous sortiez d'ici en disant que je n'ai pas de coeur, j'ai du coeur, puis on en a... tout le monde a du coeur. Mais, à un moment donné, il faut être réaliste. Alors, il faudra qu'on s'entende.

Mais les grands principes du cadre... Je reviens au cadre de gestion, il y a six grands principes qui sont, à mon avis, des principes qui donnent une certaine... qui peut vous donner une certaine assurance, même plus qu'une certaine assurance, une assurance certaine de la volonté du gouvernement de ne pas laisser faire n'importe quoi par n'importe qui n'importe comment dans cet endroit-là. Sur la question du boisé dont vous me parliez tout à l'heure, le boisé, il y a quelqu'un qui l'a acheté. On ne peut pas empêcher les achats, mais la personne, elle ne peut pas rien construire là tant qu'il n'y a pas eu d'autorisation. Le ministère doit donner son autorisation. Alors, s'il y a un promoteur qui décide d'acheter, bien, s'il décide d'acheter, il peut acheter, mais il ne peut pas développer. Je ne comprends pas pourquoi il achète quand il ne sait pas s'il peut développer, là, mais...

Mme Elsener (Johanne): Ce qui nous a déçus, c'est que ce terrain-là a pu être morcelé, et c'est ce qui lui a permis d'acheter ce terrain-là. Ce terrain-là a été morcelé en septembre 2010, et, suite au morcellement, il a pu acheter cette partie de terrain là qui contient le boisé.

Le Président (M. Marsan): Madame...

Mme St-Pierre: Mais c'est une vente privée, c'est privé.

Mme Elsener (Johanne): Sauf que, pour morceler le grand domaine, il a fallu qu'il ait l'autorisation de votre ministère pour que le cimetière Saint-Patrick puisse morceler ce terrain-là. S'il n'y avait pas eu de morcellement, il n'y aurait pas eu de possibilité d'achat.

Mme St-Pierre: Mais il n'y a pas de permis de construction.

Mme Elsener (Johanne): Effectivement, oui.

M. Dionne (Charles-Robert): J'aimerais apporter un éclairage nouveau également sur les communautés religieuses. Et puis nous sommes très sensibles concernant ça. Écoutez, Sillery, c'est des communautés religieuses depuis le début de l'autre siècle. Effectivement, on doit respecter leur volonté, comme propriétaires fonciers, de vendre leurs propriétés. Ce que, nous, on veut, en fait, ce qu'on désire, c'est que ces propriétés soient recyclées et que, dans leur recyclage, qu'elles soient vendues à un prix suffisamment intéressant pour qu'il puisse y avoir une rétrocession des terrains derrière les bâtiments. Ce qui nous intéresse, nous, c'est moins les bâtiments, qui peuvent être très intéressants... Ces bâtiments peuvent servir à autre chose aussi, Mme la ministre, que du condo, il pourrait y avoir un hôtel, il pourrait y avoir un hôtel-boutique. C'est la rétrocession des terrains, ce sont les terrains derrière, ce sont les terrains derrière les propriétés qui devraient être rétrocédés et qui pourraient servir éventuellement à former, tu sais, une lisière, un parc, des grands jardins, par exemple, et qui pourraient très bien se concevoir dans ce cadre-là. Alors, c'est ça, notre préoccupation. Donc, ce n'est pas de priver les communautés religieuses de leurs biens et de l'argent qui va avec, mais c'est d'avoir ces terrains pour pouvoir... Parce que ces terrains sont magnifiques, ils ont une valeur patrimoniale exceptionnelle, ils sont comme les plaines d'Abraham, et, si on s'en sépare et si on les charcute à l'heure actuelle par de la construction le long de la falaise, on va perdre cela pour les générations à venir. Oui.

Mme St-Pierre: ...le cadre de gestion ne permettrait pas d'autres constructions, enfin, qui seraient comme sur le bord de la falaise, là. Écoutez, il ne faut pas non plus... Le cadre de gestion, il semble être assez respectueux de...

Pour ce qui est du cimetière, là, parce que vous venez de dire quelque chose qui est inexact, puis je ne veux pas que les gens qui nous écoutent pensent qu'on a donné des autorisations, le lotissement était illégal, puis ce qu'on a permis, c'est de refaire le cadastre, et on n'a pas autorisé de projet. Puis le lotissement, il était illégal. On a permis de refaire le cadastre sans autoriser de projet.

M. Dionne (Charles-Robert): Bien, merci de la précision, madame, parce que...

Mme St-Pierre: Bien, parce que ça donne l'impression qu'on... Écoutez, j'ai une équipe, là, au ministère, c'est des gens hyperprofessionnels qui sont... ils sont vraiment proches de ces dossiers-là, là, puis c'est... Enfin, O.K., c'est beau.

Mme Elsener (Johanne): Non, mais merci beaucoup, parce qu'on était dans l'ignorance quant à ce point-là.

M. Dionne (Charles-Robert): Vous avez raison, madame, là-dessus. Vous savez -- je l'ai dit dans mon texte -- on est toujours au chat et à la souris, on... Nous, comme groupe de citoyens, pour obtenir l'information exacte, transparente, ça ne vient pas de soi, hein? Qu'on s'adresse à un ou à l'autre, ce n'est jamais nécessairement facile. Mais là on est contents d'apprendre aujourd'hui, là, qu'il y cet éclaircissement-là. Et, si on pouvait l'avoir constamment, s'il y avait un canal de communication avec la ville qui soit toujours transparent et qu'on soit associés non pas en consultation, mais en concertation, ce qui est très différent, comme vous savez, là on serait peut-être en voiture là-dessus.

Mme St-Pierre: Parce que, les espaces que vous souhaiteriez qu'ils deviennent comme des espaces qui permettraient à la population d'en profiter, il va falloir que quelqu'un les achète, ces espaces-là. Est-ce que c'est le gouvernement? Est-ce que c'est la municipalité? C'est là qu'on entre dans des propriétés qui sont des propriétés qui appartiennent aux religieuses. Mais, si l'État veut les acheter... Vous parlez des plaines d'Abraham, mais ça, c'est quand même... c'est des sommes assez importantes. Alors, il va falloir que les contribuables québécois acceptent encore une fois de fouiller dans leurs poches, là.

M. Dionne (Charles-Robert): Madame, là-dessus... Excuse-moi, vas-y, vas-y.

M. Bousquet (Jean): Oui. Vous avez absolument raison, ce n'est pas une question facile à régler, mais je crois, avec de la de créativité, avec une volonté concertée, on peut arriver à préciser les balises de développement de cet arrondissement historique là. Ce n'est pas qu'on veut le mettre dans une bulle. Et des balises de développement, ça veut dire prendre les valeurs de l'arrondissement historique. Il y a des valeurs vertes dans cet arrondissement historique là, c'est presque un parc national, là, avec toute la verdure qu'il y a là.

Donc, il y a moyen d'aller chercher des partenaires, des sièges sociaux d'entreprises reliées au développement durable, d'avoir, par exemple, dans un des anciens couvents, des incubateurs ou des... pour des sièges sociaux comme QWEB ou d'autres gens qui nous ont approchés. On peut aller chercher aussi une hôtellerie de luxe à l'européenne. Les Européens qui viennent à Québec... Et, moi, je vous le dis, j'organise des congrès, là, et on les organise au Concorde pour être proche des plaines. Moi, j'organiserais des congrès n'importe quand s'il y avait un hôtel. Et, d'ailleurs, l'école d'hôtellerie, c'est fantastique comme concept parce qu'on va chercher les valeurs de l'arrondissement, et on amène un positivisme économique à ça, et on peut, à ce moment-là, développer ce territoire-là en conjonction avec l'histoire de tout ce territoire-là qui est... de la nature, les propriétés religieuses, et tout ça. Donc, ce ne sont pas juste des musées, mais on parle d'écoles, par exemple, d'écoles reliées à l'environnement, à l'arboriculture, des observatoires.

On parle aussi de... Ces bâtisses-là, on peut les acheter. Un privé peut acheter une bâtisse comme ça, et, avec des questions de... Je ne veux pas entrer dans les détails fiscaux, mais les dons, et tout ça, rétrocéder une partie des terrains, par exemple, à la Commission de la capitale nationale, et elle, elle pourra prendre en charge le maintien des terrains, ce ne sera pas au privé de le faire. Là, le privé lui s'occupe de la bâtisse, il développe son hôtel quatre étoiles à l'européenne. Et ça, je vous dirai, là, Clotaire Rapaille, là, s'il avait pu déposer son rapport, là, il nous aurait dit: Les valeurs, en tout cas, de l'arrondissement historique de Sillery, c'est la nature, c'est la culture. Et c'est beaucoup ça que viennent chercher les touristes à Québec, ce n'est pas nécessairement les événements festifs à répétition, mais ce sont vraiment... C'est de la valeur ajoutée, c'est de les garder une journée ou deux de plus à Québec, et on a là un territoire... On a l'Aquarium qui n'est pas loin, on a le pont de Québec qui est une richesse, là, mondiale au niveau du patrimoine, qui n'est même pas mis en valeur. Allez à San Francisco, tout ça, c'est tout intégré le long de la baie jusqu'au pont. Alors, on a là vraiment un trésor.

Et, si on allait plus loin que le plan de conservation qui est indiqué aux articles 61 à 63, si on faisait un effort de mieux préciser les balises de développement qui peuvent se faire dans ces arrondissements-là, on arriverait vraiment à faire travailler tous les gens en concertation vers des buts déjà identifiés par la ministre, des buts qui sont très clairs, pas uniquement au niveau de l'aménagement territorial, mais vraiment au niveau de ce qui peut être développé dans cet arrondissement-là. Et ce n'est pas nécessairement la même recette pour le Vieux-Québec puis pour Sillery ou pour le mont Royal, là, chacun a une recette distincte. Mais vous avez en plus des experts aussi de différents ministères au gouvernement.

Et je regarde juste l'arrondissement historique de Sillery, il y a tellement une grande composante environnementale là-dedans que le ministère du Développement durable et de l'Environnement pourrait être impliqué, ses experts, les gens de la Commission de la capitale nationale, des gens aussi du ministère des Forêts. Il y a là, donc, un patrimoine même biologique qui peut être utilisé pour l'éducation, pour le tourisme, etc. Il y a donc un ensemble de ressources qu'il ne faut pas simplement comptabiliser une après l'autre, mais, en regardant ça ensemble, il y a vraiment là des effets de synergie avec une vision, une vision... de ne pas imposer une vision, mais de rassembler les acteurs et de dire: Voici, ici, les balises, et on vous donne ici, là, le mandat de nous amener un plan de développement sur 20 ans qui va être dynamique et qui va faire l'unanimité, qui va amener les gens...

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Ceci termine notre premier échange avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au député de Drummond, qui, lui, est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.

**(15 h 40)**

M. Blanchet: Bonjour, messieurs dames. Votre mémoire a tellement la vertu de la clarté que c'est difficile d'imaginer de nombreuses questions. Et vos revendications s'adressent assez directement à la ministre et au ministère, dont je suis convaincu aussi que le ministère est occupé par des gens compétents et dévoués aux enjeux culturels au Québec. J'ai l'impression que vous êtes confrontés à un autre phénomène et qu'à la religion des dieux on a substitué la religion du développement, et que, dès qu'il y a quelque chose de beau quelque part, on regarde ce qu'on peut faire avec dans une perspective de développement économique à tous crins, et qu'un bel endroit, un bel immeuble, si ça peut se transformer en condos, on y va, puis les terres agricoles, puis à peu près tout endroit. Et je me questionne là-dessus souvent parce que la substitution de la notion de développement durable à celle de développement économique tout court, pour l'instant c'est encore une vue de l'esprit, et vous en faites les frais.

Je pense, cependant, que l'existence d'une loi ne vous soustraira pas à l'obligation de faire ce que vous faites maintenant. Quel que soit le cadre législatif, vous allez devoir faire les représentations, défendre votre position, défendre votre carré de patrimoine paysager et historique, ce qui est très vertueux. Vous soulevez, par contre, le risque de façon très nette -- et je veux l'élargir au-delà de l'arrondissement historique de Sillery -- que des intérêts particuliers interviennent et qu'une municipalité qui a le pouvoir de protéger ait forcément le pouvoir de ne pas protéger, et qu'en conséquence, alors que vous faites vos représentations pour préserver une zone, d'autres gens fassent des représentations peut-être plus discrètes dans le but de pouvoir exploiter le même endroit. Le ministère et la loi ne pourra pas s'empêcher pour autant de décentraliser et de rapprocher la décision et, espère-t-on, les moyens des citoyens. Pensez-vous, donc, qu'il soit possible, imaginable d'avoir un mécanisme dans les consultations qui doivent avoir lieu en termes d'identification, d'inventaire, que, lorsqu'une séance bien spécifique, un mécanisme bien spécifique de consultation rassemble, appelle les citoyens à venir s'exprimer, il y ait quelqu'un du ministère qui soit là et qui puisse, un peu, être une sorte de rapporteur puis dire: Écoutez, peut-être qu'on devrait jeter un coup d'oeil sur une situation donnée? Et je ne parle pas spécifiquement de la vôtre, je parle en général parce que j'ai la crainte que ces situations-là se produisent.

Aujourd'hui, on se pose parfois des questions sur certains comportements au niveau municipal. Cela dit, ce n'est pas une garantie non plus que le gouvernement du Québec va tout faire les choses comme vous pouvez le souhaiter. Est-ce que cette espèce de présence, sinon réciproque, au moins des gens du ministère lorsqu'il y a des consultations, en début de processus, localement, vous apparaît une forme de garantie ou de protection adéquate?

M. Dionne (Charles-Robert): Là-dessus, c'est toute la question de la consultation versus de la concertation. Consultation, on donne un avis, et puis celui qui le reçoit décide ce qu'il veut bien en faire. Alors, s'il y avait un mécanisme différent en ce qui concerne les groupes de citoyens comme celui de Sillery où on serait en concertation, c'est-à-dire qu'on serait partie prenante derrière un plan de conservation, par exemple, qui serait mis en place et qui donnerait des balises plus sérieuses que le cadre de gestion à l'heure actuelle, oui, nous serions partants pour ça.

Vous nous avez dit que nous étions vertueux. Effectivement, nous sommes vertueux, mais on n'est pas seuls à avoir été vertueux. Je vous rappelle juste que Lord Dufferin a été un homme très vertueux, hein, il y avait des appétits très grands en 1875 pour détruire l'enceinte qu'on a juste ici, à côté des murailles, et que «over my dead body» qu'il a dit à la ville, et aux promoteurs, et aux gens d'affaires, il ne sera pas question de défaire les enceintes.

Après ça, en 1905, la ville voulait construire le prolongement, là, de Monk, de la rue du Parc, de la rue Bougainville, ils voulaient le construire jusqu'à la falaise. Le gouvernement fédéral a décidé de ne pas aller dans ce sens-là parce qu'ils se sont dit: On va créer un parc. Alors, ce parc-là a été fait contre la volonté de la ville de Québec à l'époque et contre la volonté des gens d'affaires. Alors, c'est deux groupes, là, de gens, là, qui étaient des fédéraux, à l'époque, qui étaient des anglophones, qui ont pris sur eux de protéger notre patrimoine, sur lequel on est extrêmement heureux de pouvoir compter aujourd'hui.

Dans le cadre de l'arrondissement historique de Sillery, on aimerait ça qu'il y ait ce genre de vision là qui puisse s'attacher. C'est les derniers terrains qu'il nous reste à faire. C'est les derniers terrains. Et de quoi on parle ici? Et je vais arrêter juste là-dessus, là, l'arrondissement, c'est 225 ha. On en a 8 % à développer. Sur le 8 % qu'il nous reste, c'est des paysages extraordinaires, magnifiques. On en demande à peu près 50 %, de ces terrains-là, qui sont des prairies, qui devraient être protégés, sauvegardés pour les générations futures et qu'on puisse s'y promener dans le cadre d'un parc de grands jardins, par exemple. Et c'est à peu près 15 ha, ce n'est pas si énorme que ça. Qui pourra le prendre en charge? Bien, dans le cas de la promenade Samuel-De Champlain, par exemple, qui l'a prise en charge? Nous, on était présents en 1997 avec la Commission de l'environnement de la ville de Sillery. À l'époque, on nous a dit que ce n'était pas possible de faire la promenade Samuel-De Champlain, on n'avait pas d'argent. Bien, 10 ans plus tard, on a été capable de trouver l'argent nécessaire pour faire cette promenade-là qui est devenue un grand succès. Bien, je suis persuadé que, si on avait le quart de cette somme-là pour être en mesure de faire de ce qui reste de l'arrondissement historique quelque chose de valable pour les générations futures, ce serait un geste d'éclat. Enfin, pour ma fille de 15 ans.

M. Blanchet: Ce n'était pas ni le sens ni le sujet de mon...

M. Bousquet (Jean): Je voudrais répondre à votre question.

M. Blanchet: Oui, s'il vous plaît.

M. Bousquet (Jean): Oui. Aux articles 61 à 63 de la loi, on pourrait bonifier ces articles-là -- et nous en avons discuté fréquemment -- au niveau, donc, de mieux impliquer la population au niveau de l'établissement des plans de conservation, que, nous, on voudrait plus larges que simplement de la conservation. On voudrait que ça inclue aussi les balises pour la mise en valeur, pas juste la conservation, et que ça implique les organismes du milieu et, dans certains cas -- et là c'est du cas par cas -- selon certains arrondissements, les experts concernés. Dans le cas de l'arrondissement historique de Sillery, on a quasiment affaire à un parc provincial au niveau des arbres puis de la forêt qui est là. Vous comprenez? D'autres arrondissements, c'est différent. Mais, au niveau de ces articles-là, moi, je crois qu'il devrait y avoir un processus d'implication -- appelez-le consultation, concertation -- d'implication de la population pour que, finalement, tout le monde, finalement, aille dans la même direction, qu'on ne soit pas constamment, certains groupes, avec la ville, avec le gouvernement, en train d'être en affrontement.

Et je pense que ça permettrait un dynamisme nouveau dans les arrondissements historiques. On voit, dans le Vieux-Québec aussi, qu'est-ce qui se passe, tout ça, les arbitrages ne sont pas faciles à faire, et je pense qu'avec, donc, ce plan-là, qui impliquerait plus le milieu, là, «at large», dans ces articles-là on pourrait bonifier ce...

M. Blanchet: Je suppose que la loi arrivera avec ce qui sera ultimement les mécanismes de tels arbitrages, mais, au-delà de votre cas...

Une voix: ...

M. Blanchet: ...au cas de votre cas spécifique, est-ce que vous pensez qu'une... Je suppose, je crois qu'il devra et qu'il y aura une élaboration plus soutenue, plus détaillée de la notion de paysage patrimonial. Est-ce qu'il y a dans cette notion-là potentiellement les poignées dont vous avez besoin pour invoquer la loi et ainsi assurer une meilleure protection de votre arrondissement historique?

M. Bousquet (Jean): Au niveau technique, donc, ces aires patrimoniales culturelles sont traitées différemment dans la loi que les sites patrimoniaux déclarés. Donc, effectivement, la démarche pour ces paysages culturels, où, le milieu, on lui demande de s'impliquer, d'arriver avec un plan avec l'aide des ministères, je crois que cette formule-là devrait s'appliquer aussi aux sites patrimoniaux déclarés qui sont de l'ampleur d'un arrondissement historique. O.K.? Il y a des subtilités. Et, dans le projet de loi, je pense que tout est là, mais on aurait pu élargir, je pense, la portée des articles qui s'appliquent à ces aires-là aussi, donc aux cas des arrondissements historiques, pour que ces plans de conservation là partent cependant, partent du ministère, que ce soit de l'animation, partent du ministère.

Parce que ces arrondissements-là, ils existent. On n'est pas en situation de demande, ils existent, alors que, dans le cadre des paysages culturels, ça va être des demandes qui vont partir des villes, qui vont remonter vers le ministère. Il devra y avoir une concertation des villes intéressées, alors qu'ici on ne voudrait pas repartir à zéro et effacer tous les arrondissements historiques. Moi, je vous garantis qu'à Québec il va juste en rester un, arrondissement historique, parce que, dans le document de la ville de Québec, trop souvent on oublie ceux de Charlesbourg, Beauport et Sillery, il en existe juste un. Et, donc, c'est important, donc, que l'animation, présentement, provienne du...

Je ne ferai pas de citation, là, sur ce que l'administration municipale pense du patrimoine par les temps qui courent, mais c'est surtout le patrimoine du futur présentement sur lequel ils tablent, hein? On a eu une conférence de presse aujourd'hui, c'est le patrimoine du futur, c'est les constructions. Le patrimoine du passé, là, on a beaucoup de misère à le mettre en valeur puis à sensibiliser à ce niveau-là. Donc, il faut, je pense, garder ce leadership-là du ministère, mais, en concertation, arriver à développer des plans, et avec les ministères qui sont concernés, par arrondissement. Je pense qu'on arriverait à un bon modèle, à ce moment-là, au niveau des articles 61 à 63 en empruntant des articles 15 ou 20, là, de...

**(15 h 50)**

Le Président (M. Marsan): Mme Elsener, vous voulez intervenir?

Mme Elsener (Johanne): Juste une brève intervention. Et je suis probablement hors d'ordre parce que je ne réponds pas à votre question, en fait, mais c'est pour revenir au financement, vous savez, de ce parc des Grands Domaines là. La coalition a une fondation, et je pense que, si elle avait l'appui du gouvernement du Québec pour ce projet-là, qu'elle pourrait très bien aller cogner à des portes pour aller chercher aussi du financement privé. Il y a beaucoup de gens dans Sillery et dans d'autres endroits de la ville de Québec qui tiennent beaucoup à ce projet-là de parc des Grands Domaines qui sont plus ou moins fortunés et qui seraient prêts à investir dans la création de ce parc-là, et je pense qu'il y a une partie de cet investissement-là qui pourrait venir du domaine privé si on avait l'appui de votre ministère, Mme la ministre, qui nous donnerait beaucoup, si vous voulez... enfin, un cautionnement.

Le Président (M. Marsan): M. le député.

M. Blanchet: Moi, je n'ai plus de question. Je ne sais pas si mes collègues en avaient, par contre.

Le Président (M. Marsan): Alors, écoutez, Mme Elsener, M. Saint-Laurent, M. Dionne et Dr Bousquet, un gros merci pour nous avoir fait connaître la position de la Société d'histoire de Sillery. Et nous allons maintenant poursuivre, et je vais demander aux représentants de La Société des musées québécois de s'en venir à notre table.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

 

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Marsan): Alors, votre société est représentée par M. Yvon Noël, le vice-président. Je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire vos commentaires sur le projet de loi n° 82. Alors, la parole est à vous.

La Société des musées
québécois (SMQ)

M. Noël (Yvon): M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir initié cette consultation sur la Loi sur le patrimoine culturel et de permettre à La Société des musées québécois d'en discuter avec vous aujourd'hui. Notre présidente, Mme Guylaine Simard, aurait aimé être avec nous aujourd'hui certainement, mais, malheureusement, elle avait des engagements qui la retiennent à l'extérieur. Elle m'a donc demandé de bien vouloir l'excuser de sa part.

Je suis accompagné aujourd'hui par le directeur général de la SMQ, M. Michel Perron, et par la directrice du Réseau Info-Muse de la SMQ, Mme Françoise Simard.

Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas notre organisme, je veux d'abord souligner que la SMQ est un organisme à but non lucratif créé en 1958 qui regroupe et représente les institutions muséales et les professionnels de la muséologie au Québec. Elle oeuvre au développement du secteur et de ses différentes fonctions tout en faisant la promotion des institutions muséales sur le plan national et international. Ses actions ont pour cadre les intérêts supérieurs du réseau muséal québécois et... oeuvre dans les différents secteurs du patrimoine culturel, dont le tourisme culturel, la gestion et la documentation des objets de collection, ainsi que par un service de formation et de perfectionnement. Finalement, la SMQ regroupe quelque 300 institutions muséales et 600 membres individuels qui oeuvrent dans le domaine de la muséologie.

C'est à titre d'association sectorielle reconnue par le ministère de la Culture et des Communications et de la Condition féminine que la SMQ désire faire connaître sa position sur certains enjeux soulevés par le projet de loi n° 82. Tout d'abord, nous tenons à souligner que nous avons été très heureux de constater que l'importance du patrimoine immatériel et des paysages culturels patrimoniaux est dorénavant prise en compte dans le projet de loi. Nous nous réjouissons aussi de l'insertion des notions d'objets patrimoniaux et de patrimoine scientifique et technologique, ainsi que la reconnaissance de l'importance des inventaires pour la protection du patrimoine culturel québécois, notion qui n'apparaissait pas dans le livre vert. On remercie d'ailleurs Mme la ministre d'avoir été à l'écoute de ces demandes.

Cependant, le principal objectif de notre présentation aujourd'hui est de vous convaincre du rôle essentiel que jouent et que pourraient jouer encore davantage les institutions muséales pour la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel québécois. À ce moment-ci, je vais passer la parole à M. Perron, qui va poursuivre notre présentation.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Perron, vous avez la parole.

**(16 heures)**

M. Perron (Michel): Merci. Mme la ministre, M. le Président, mesdames messieurs. Donc, la place des institutions muséales, puisque c'est de cela que l'on parle. Les institutions muséales, convenons tout de suite qu'il s'agit pour nous tout autant des musées, des lieux d'interprétation et des centres d'exposition. Ceux-ci sont présents dans toutes les régions du Québec, constituent un réseau extrêmement dynamique et important. Ces institutions, elles ont, entre autres, comme mandat de sensibiliser et d'éduquer les citoyens à l'importance et à la richesse de leur patrimoine. En tant que muséologues, ces tâches font d'ailleurs partie de notre expertise et de nos activités au quotidien. Donc, on parle, en d'autres termes, de notre fonds de commerce. Lorsqu'on parle de patrimoine, on parle du secteur qui est le nôtre. Les institutions muséales font également preuve de créativité pour développer, entre autres chez les jeunes -- on parle de 1,2 million de visites scolaires par année, environ, dans le réseau, ce n'est quand même pas rien -- le goût de découvrir et de s'approprier l'histoire et la richesse de notre patrimoine

Que ce soit à partir de l'interprétation d'artefacts archéologiques, de bâtiments, de sites historiques ou industriels, en passant par l'accès à des oeuvres d'artistes d'ici ou d'ailleurs, la découverte des sciences ou des technologies ou encore par la création de sens à partir d'objets de mémoire, d'une façon générale les institutions muséales sont habilitées à intervenir dans toutes les étapes de la transmission du savoir. En 1999, déjà, nous prenions position dans le mémoire déposé au Groupe-conseil sur la Politique du patrimoine culturel, le rapport Arpin, et je cite si vous me permettez: «Il existe au Québec un partenaire de premier plan pour la transmission et la diffusion de l'histoire, soit le réseau muséal, [...]plus de la moitié des institutions se consacrent à cette thématique.» Aujourd'hui, grâce à... les enquêtes et les travaux de l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, l'OCCQ, on sait que ce nombre est, en réalité, de 64 %, il y a 64 % des institutions muséales dont les mandats sont... On parle donc de 283 institutions, là, à travers tout le Québec qui se consacrent à des questions de nature patrimoniale de façon directe.

Souvent, au Québec, le rôle des musées transcende celui qu'on entend classiquement pour celui des institutions muséales, puisqu'il englobe, par exemple, celui de gestionnaire du patrimoine local ou régional. Ce rôle-là, souvent, on le voit chez nos institutions. Les institutions muséales gèrent, en grande partie, du patrimoine mobilier historique, identitaire, scientifique, et ainsi de suite. Qu'il s'agisse d'objets patrimoniaux artistiques, d'archives historiques, de patrimoine naturel ou bâti ou encore de patrimoine immatériel, les musées et les lieux d'interprétation ont une grande responsabilité en ce qui concerne la reconnaissance, la conservation, la transmission du patrimoine culturel québécois.

Par ailleurs, je dirais, en complément de programme, les institutions muséales excellent dans certaines opérations, notamment celle de la réalisation d'inventaires ainsi que dans la protection et la mise en valeur du patrimoine. Ces institutions pourraient d'ailleurs jouer un rôle encore plus important dans la transmission de cette expertise vers d'autres intervenants du patrimoine. On va y revenir un petit peu plus tard, dans les quelques minutes que j'ai devant moi.

En bref, en raison de leur expertise dans le secteur du patrimoine et de la répartition de ce réseau sur le territoire du Québec, nous sommes d'avis que les institutions muséales devraient tenir une place importante au sein de la Loi sur le patrimoine culturel, que cette place-là soit reconnue, nommée, à quelque part inscrite. Nous proposons donc que soient inscrits l'importance et le rôle stratégique des institutions muséales dans cette loi. Nous aimerions également vous proposer que l'on puisse se pencher avec vous et le Conseil du patrimoine sur les moyens à mettre en oeuvre pour accroître la capacité des institutions muséales de rejoindre encore davantage la population, de la sensibiliser et, évidemment, de l'intéresser au patrimoine culturel du Québec.

Quelques mots sur le rôle des municipalités et notre perception à l'égard de la loi. Le projet de loi augmente ou propose d'augmenter sensiblement les responsabilités des municipalités sur le plan de l'identification et de la protection du patrimoine culturel. Nous considérons qu'il s'agit d'un élément intéressant, mais nous nous questionnons sur deux choses, entre autres sur les moyens et l'expertise dont disposent ces entités pour y parvenir dans une très grande proportion des cas. On l'a entendu d'ailleurs lors de différents mémoires... dans différentes présentations, on n'est pas les seuls à avoir soulevé cette crainte de la capacité à l'égard du mandat, capacité d'expertise, capacité financière, et ainsi de suite.

Nous croyons également qu'il faut maintenir un équilibre entre une vision nationale et une vision régionale, voire municipale du patrimoine. Encore là, je pense qu'on retrouve... On n'est pas les premiers à cette table à mentionner cette question de la nécessité de maintenir une écologie saine des influences et des pouvoirs à travers une vision nationale du patrimoine. Et ça, on y croit beaucoup, et on croit que le ministère doit, à cet égard, avoir un rôle de leader clairement identifié et clairement en place, tout ça n'empêchant d'aucune façon, avec des moyens... le conseil en est un, d'ailleurs, le futur conseil, mais également avec des moyens de concertation avec les milieux municipaux, régionaux, et ainsi de suite, pour créer vraiment, là, une écologie saine de décision. Entre autres, c'est un élément qui s'inscrit dans les philosophies d'avenir. On pense à celle, entre autres, du développement durable, et tout ça. Pour nous, ces éléments-là sont en convergence.

On aimerait également souligner que de nombreuses institutions muséales déjà présentes, comme on disait, dans le centre des régions détiennent une expertise importante quant à l'identification, la conservation, la gestion et la mise en valeur du patrimoine tel quel. J'aimerais ici juste mentionner, entre autres, que 57 % des institutions muséales du Québec occupent des bâtiments patrimoniaux. Donc, il y a déjà, là, une habitude de la gestion, de la considération patrimoniale qui est déjà inscrite à quelque part. Ce n'est pas toujours simple, hein, c'est parfois des vecteurs de complication énormes, mais c'est surtout une richesse, un potentiel en soi, cette réalité-là. 57 %, c'est quand même un chiffre important.

Nous croyons qu'il faudrait explorer des moyens de favoriser la consolidation ou l'établissement de liens plus étroits entre les municipalités et les institutions muséales afin que leur expertise puisse être mise à contribution sur l'ensemble du territoire. Il va de soi que les institutions muséales, tout comme, d'ailleurs, les entités municipales ou régionales, devront obtenir -- et on comprend que la question est entière -- les moyens nécessaires -- on entend également des moyens financiers, bien entendu, nommons la bête -- leur permettant d'établir cette collaboration-là. Mais ça, on le sait qu'on ne pourra pas faire abstraction de cet état de fait.

Une autre partie de notre présentation touche l'importance des collections muséales comme telles. Peu de biens mobiliers sont reconnus, classés ou cités actuellement au Québec. Pourtant, de nombreux objets, archives, oeuvres d'art, artéfacts -- bref, tout ce que la loi englobe sur le vocable d'«objets patrimoniaux», vocable auquel on n'a aucun problème de notre côté -- présents sur le territoire sont porteurs de sens et constituent une part importante de notre héritage culturel collectif. Les collections muséales, entre autres, sont composées, en grande partie, d'objets identitaires ou emblématiques de la société québécoise et de son histoire. Ça semble évident, mais il ne faut pas perdre ça de vue, lorsqu'on crée les moyens et lorsqu'on gère... pose un geste aussi important que la création d'une loi, de bien tenir en compte de ce fardeau-là en quelque part et, en même temps, du trésor dont on parle.

À cet égard, nous demandons que soient mis en place des mécanismes pour augmenter la représentativité au sein des collections comme telles déjà présentes... Nous pensons entre autres, à titre d'exemple -- je vais vous donner deux types d'exemple là-dessus -- aux collections archéologiques hors institutions muséales, qui pourraient avantageusement bénéficier des services d'une institution muséale, d'un musée à qui le gouvernement attribuerait un mandat national. Ici, on pense que ce serait un geste, là, concret, et on aurait ce qu'il faut pour la faire actuellement avec les expertises muséales qui sont en place. On pense également au patrimoine industriel, qui est un type de patrimoine peut-être le plus délaissé actuellement au Québec. Ça, c'est le parent pauvre des parents pauvres en matière de protection du patrimoine.

J'en profite également, Mme la ministre, pour vous dire quelques mots au sujet de l'importance de disposer au Québec d'inventaires en format numérique. Je sais que c'est une question qui vous intéresse beaucoup, vous avez bien raison de vous y intéresser. On porte à votre attention une chose que vous savez déjà, mais on ne pourrait pas cacher actuellement l'importance qu'on accorde à la mise à l'avant d'un projet qu'on souhaiterait pouvoir réaliser avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec et la SMQ pour la mise en place d'un réseau québécois de numérisation patrimoniale. On parle ici que seulement 6 % des collections patrimoniales conservées par les musées -- 6 % seulement -- bibliothèques et centres d'archives du Québec est disponible en format numérique. Il faut s'attaquer à ça parce que c'est un problème réel, et on va perdre le peu de terrain qu'on pourrait gagner là-dessus, on va le perdre très rapidement si on n'agit pas avec vigilance. Ce très faible taux de collections numérisées, là, pour prendre un terme court, ça constitue un frein extrêmement important à l'accès en ligne au patrimoine, donc à un accès collectif facile, d'avenir.

Je me réfère aux paroles de M. Dubé, ce matin, qui... Je crois qu'il décrivait très bien cette situation-là, d'agir rapidement également en matière d'inventaires et d'inventaires disponibles sur des plateformes technologiques contemporaines, modernes, voire de pointe. Donc, ce frein-là de la non-numérisation actuellement, c'est un frein à la connaissance, c'est un frein à la reconnaissance aussi par la population, évidemment, ça va de soi, et c'est même un frein pour la protection parce qu'on protège moins bien ce qu'on connaît moins bien, bien entendu.

Afin de garantir la conservation du patrimoine québécois et d'assurer sa présence sur le Web, nous désirons obtenir un soutien et un appui -- du moins, c'est notre voeu -- pour permettre la mise en place d'un réseau patrimonial numérique ainsi qu'un programme national de numérisation, une opération d'envergure, on en convient, mais qui permettrait de justement s'attaquer à un problème important. Et nous, ce qu'on peut mettre dans la balance pour ça, c'est déjà la constitution de comités d'experts, là. On s'est penchés, on a fait des études là-dessus, on sait de quoi l'on parle, on peut s'établir sur un certain nombre d'années, il faut maintenant avoir les moyens d'agir dans ce domaine-là.

En bout de ligne, ce que l'on souhaite, c'est un accès libre et gratuit, en fin de compte, aux collections patrimoniales du Québec, un accès libre et gratuit par le Web, donc à la population elle-même. On parle autant d'archives de bibliothèques et de musées. Et la bonne nouvelle, c'est qu'on est concertés pour ça. Est-ce qu'il me reste encore 1 min 30 s?

**(16 h 10)**

Une voix: ...

M. Perron (Michel): Oui. Alors, je vais la prendre au complet. Nous voudrions également attirer votre attention, Mme la ministre, sur la valeur et le pouvoir de commémoration des collections patrimoniales qui transcendent souvent les frontières du Québec. De quoi parle-t-on? Bien, on parle notamment de patrimoine artistique comprenant, entre autres... allant jusqu'à l'art contemporain et qui transcendent de par leur valeur nos propres frontières. J'ai envie de vous... Très rapidement, deux cas de figure, par exemple des collections qui ont été constituées par des collectionneurs privés et qui maintenant... Le Dr Stern, dans les années cinquante au Québec, par exemple, et dans les années soixante, a permis de collectionner des oeuvres extrêmement importantes d'artistes de calibre international et qui venaient d'ailleurs, par exemple des oeuvres de provenance européenne. C'est évident qu'aujourd'hui ces collections-là font partie, en quelque part, de notre patrimoine, font partie de notre lecture et enrichissent notre patrimoine. Alors, ce serait important de pouvoir reconnaître ces contributions-là.

La contribution, lorsqu'on parle de l'international, c'est aussi de l'autre côté, c'est-à-dire du Québec vers. Encore un exemple classique, mais d'un geste qui a été très, très bien posé et juste au bon moment, c'est... on parle de Riopelle, par exemple, Jean-Paul Riopelle au moment où on a réussi à protéger des oeuvres qui peut-être, dans certains cas, auraient pu quitter le Québec et qui... Évidemment, lorsqu'on parle d'oeuvres majeures, c'est très important que le Québec puisse conserver... j'emploie un vieux terme un peu désuet, mais ses chefs d'oeuvre, hein, parce que c'est de ça qu'on parle. Il faut les conserver ici, et c'est de ça qu'on parle ici.

On aimerait également porter à votre attention le fait que la loi devrait, selon nous, renfermer des mécanismes permettant une protection accrue des biens d'importance internationale, donc, pour les raisons qu'on vient de vous citer.

Je termine avec le conseil comme tel, le nouveau Conseil du patrimoine culturel. Nous sommes heureux et nous accueillons très favorablement la constitution d'un conseil du patrimoine culturel qui prendrait lieu et place de la Commission des biens culturels. À cet égard, on souhaite que le milieu muséal soit adéquatement représenté au sein de ce conseil, et puis je pense que ça vient... J'ai envie de dire pour toutes ces bonnes raisons ou, du moins, les raisons évoquées plus tôt, on offre notre aide, nous, comme société représentant ce milieu-là, on est prêts à recevoir une invitation et à dire oui. On serait prêts également, donc, à voir... En fin de compte, le plus important, c'est qu'une représentation adéquate du milieu muséal soit présente sur le conseil.

Et je termine avec la Politique du patrimoine. Malgré tout ce qu'on vient de dire... et ce n'est pas un désaveu d'aucune sorte des paroles qu'on a dites précédemment, mais on continue à souhaiter, nous, que le gouvernement du Québec, indépendamment du fait... et, surtout, sans ralentir le processus et l'élan extrêmement important, le momentum qui est amené, là, par vous, Mme Saint-Pierre, au niveau de la loi, on dit que, sans ralentir ces travaux-là et toute leur importance, il serait fort pertinent, selon nous, que le gouvernement se penche à l'élaboration d'une loi gouvernementale sur le patrimoine.

Mme St-Pierre: Une politique.

M. Perron (Michel): D'une politique, excusez-moi, d'une politique sur le patrimoine. Pourquoi une loi... Pourquoi une politique? Excusez-moi, j'ai les mots qui glissent. Parce qu'une politique permettrait d'englober certaines orientations gouvernementales, j'oserais dire interministérielles, ça, de façon plus forte. Donc, voilà pourquoi nous serions très intéressés à collaborer à un tel projet. Et, d'ores et déjà, soyez assurés de notre collaboration pour l'ensemble de vos travaux.

Le Président (M. Marsan): Merci bien, M. Perron. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. Perron. C'est toujours un plaisir d'échanger avec vous. On a eu l'occasion de se rencontrer quelques fois, pas assez souvent à mon goût, mais c'est toujours un grand plaisir d'échanger parce que vous êtes tellement passionné par ce que vous faites. Et, si on mettait bout à bout toutes les heures de bénévolat qui se font dans le milieu muséal au Québec, on serait vraiment, je pense, étonnés parce que c'est incroyable, ce qui se fait. On a un nombre de musées important, le gouvernement en appuie financièrement. Bien sûr, il y en a qui voudraient qu'on continue, puis on le souhaite aussi, mais, souvent, les ressources sont limitées. Mais, moi, j'admire le travail que vous faites au sein de votre association puis le travail aussi que les gens font partout au Québec parce que c'est vraiment une passion, puis on le sent.

Vous avez donc raison au sujet de la numérisation, c'est très, très clair que... Qu'on puisse, d'un clic de souris, avoir accès à toutes ces collections et ces richesses, que l'on soit au Québec ou à l'extérieur du Québec, partout dans le monde, pour aller voir ces choses-là, ce serait extraordinaire. Alors, on le souhaite. Le partenariat avec Bibliothèque et Archives nationales est clair là-dessus, puis la volonté est claire là-dessus pour... 6 %, ce n'est, évidemment, pas suffisant, là. Je pensais que c'était plus que ça, mais 6 %, c'est clair que ce n'est pas suffisant. On va essayer d'y aller plus loin, et plus rapidement surtout. Je pense qu'il faut le faire rapidement.

Vous n'avez pas parlé de protection des biens... de l'aspect immatériel. Est-ce que, du côté des musées, cette notion de patrimoine immatériel, qu'on l'amène, cette notion-là, dans la loi, est-ce que ça vous réjouit ou si les musées n'ont pas nécessairement besoin de ça, qu'il y a une... C'est complet ou est-ce que ça, ça vient... c'est complémentaire à l'action dans les musées?

M. Perron (Michel): Je suis très heureux de votre question. Vous savez, à l'automne dernier, notre congrès annuel portait sur la question du patrimoine immatériel et les musées. Nous, on applaudit à l'insertion de cet aspect-là très, très important du patrimoine au sein de la loi. On ne se sent pas du tout étrangers à cette notion-là parce qu'en fin de compte, en bout de ligne -- et on peut le démontrer facilement -- les musées non seulement sont d'accord, mais ce sont, je dirais, des acteurs aussi au niveau du patrimoine immatériel. Il n'y a pas de césure si forte que ça entre le patrimoine matériel et immatériel à partir du moment où, justement, on réussit à... Tous les programmes d'interprétation et de mise en valeur qui sont faits dans les musées, parfois à partir de ce qu'on appelle l'action culturelle ou de d'autres manifestations, sont des éléments qui sont porteurs de patrimoine immatériel. Nous, on ne se sent pas du tout en opposition, hein, avec... Ce n'est pas l'un contre l'autre, c'est l'un avec l'autre parce que... Et, dans la tête des citoyens, le patrimoine, c'est une chose, et c'est une chose qu'on doit encore lui vendre. Alors, il n'y a pas de chapelle à défendre, là, d'aucune façon. Pour nous, c'est une globalité, ça. Donc, on est très à l'aise avec ça.

Mme St-Pierre: Vous aimeriez que la nouvelle loi renferme des mécanismes permettant la reconnaissance ou la protection de biens ayant une importance internationale. Il me semble que, quand il y a un classement, on reconnaît évidemment son importance patrimoniale nationale, mais il y a un Stradivarius au Québec qui est classé, puis c'est une valeur internationale. La classement, il me semble, n'exclut pas ça. Qu'est-ce que vous voulez dire? Peut-être que je saisis mal.

M. Perron (Michel): Oui. Bien, dans certains cas, ça peut être de l'ordre des incitatifs aussi, là, de cette reconnaissance-là pour... Dans certains cas, ça peut être des pouvoirs que vous exercez déjà, des pouvoirs de préhension, par exemple, qui peuvent être exercés et... Mais on croit que la loi mentionne cette importance-là... Et, avec le conseil, il y aurait sûrement moyen d'affiner, je dirais, et d'être... Là, j'en lance une grosse, là, comme on dit, mais d'être, à quelque part, un peu plus proactifs vis-à-vis ces... Lorsqu'on parle, par exemple, d'augmenter la représentativité dans les collections, c'est de ça qu'on parle. Donc, on parle de se doter d'éléments qui vont inciter à voir venir, à quelque part, les coups, et non pas de travailler en réaction, ce qui est toujours, évidemment, la moins bonne des solutions et qui nous oblige souvent à prendre des solutions plus radicales ou quoi que ce soit. Donc, de travailler à inscrire déjà dans la conscience, là, je pourrais dire, de la loi... Puis là je suis obligé de vous dire que ça, d'après moi, c'est tellement un beau volet d'une politique, mais, vous voyez, c'est dans cet esprit-là, donc, de dire: Essayons de travailler de façon proactive dans ce domaine-là.

Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas d'autre question, mais je sens que mon adjoint parlementaire s'intéresse beaucoup aux questions patrimoniales. Je...

Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Lévis.

**(16 h 20)**

M. Lehouillier: Tout à fait. Alors donc, lorsque vous demandez que soit reconnue l'importance des collections muséales et que soient mis en place des mécanismes pour en augmenter la représentativité, est-ce qu'au niveau de la représentativité des collections muséales, au niveau de l'établissement des politiques, ce n'est pas les musées, justement, qui seraient les mieux placés pour faire ça ou... Comment vous voyez ça, finalement?

M. Perron (Michel): Bien, c'est une belle question, je vous en remercie, parce qu'elle touche deux choses qui sont très importantes, je crois, à distinguer. Et la loi, là-dessus, est très respectueuse, selon nous. Par contre, elle manque peut-être de précision si je peux me permettre. La mission, en fin de compte, des musées, les missions de collectionnement des musées qui sont reliées à leur mission de façon intrinsèque, mais, je dirais, les créneaux de collectionnement, tout ça, effectivement, ça appartient -- et on tient à ça, je pense, tout le monde -- ça appartient à une certaine... comment dire, une façon de faire, et ça appartient à la personnalité propre de l'institution, et ainsi de suite. Donc, il ne s'agit pas, comme on dit, de légiférer où il n'y a pas besoin de légiférer.

Par ailleurs, il peut être important de prévoir des mécanismes qui permettent cette représentation-là de façon un peu plus efficiente. En langage clair, il pourrait y avoir, entre autres, des moyens de faciliter la donation, les legs de façon plus importante au sein des institutions, et là on pourrait travailler... Évidemment, il existe quelques prises, entre guillemets, fiscales quelques intérêts, là, quelques outils, mais force est de reconnaître que la plus grande partie de ces outils-là, ce n'est pas au Québec qu'ils se gèrent, c'est par la commission d'Ottawa. À quelque part, il serait peut-être intéressant qu'on se pose cette question-là en disant: Comment, chez nous, on peut gérer le développement de nos propres collections avec le respect de la nation vue comme entité, hein? Alors là, encore une fois, il y a comme se donner des outils à nous-mêmes pour faire nous-mêmes ce qui nous concerne le plus directement.

On parle d'incitatifs, il y a sûrement d'autres moyens... d'incitatifs fiscaux, il peut y avoir des systèmes d'appariement qui soient mis en place. On a vu le succès, par exemple, de la création de Placements Culture, qui a été un grand succès. Il y a probablement des inventions à faire. On comprend, là, que, nous, on ne l'a pas dans nos poches actuellement, mais on est persuadés qu'avec de la créativité on pourrait trouver des incitatifs qui permettraient cette plus large représentation au niveau des collections. Mais ça induit deux choses. Ça induit de bien analyser, que les institutions aient les moyens de bien analyser ce qu'elles ont en main -- les inventaires en font partie, de ce passage obligé, évidemment -- et, en quelque part, par la suite, d'être capable de cibler des projets d'acquisition, encore une fois pour être plus en proaction, là, d'être plus proactif plutôt qu'en réaction à ce qui est offert ou...

M. Lehouillier: O.K. Moi, une autre question qui touche les collections, justement, muséales parce que j'ai eu l'occasion de visiter certains musées, puis ils font des acquisitions de collections souvent par legs et divers éléments. Mais, justement, vous avez parlé beaucoup des liens. Parce que ce que je me suis aperçu en cours de route, quand on regarde des gens qui travaillent beaucoup pour la conservation de collections, alors on se rend compte qu'il n'y a pas beaucoup, souvent, de dialogue entre les institutions muséologiques, les organismes dans le patrimoine et des municipalités, et, vous, vous en parlez un peu de ça dans votre mémoire, de cette nécessaire relation, là, qui ne se fait pas toujours. Parce que, souvent, ça crée un problème pour la mise en valeur de ces collections-là ou, des fois, la municipalité pourrait aider davantage, mais on dirait qu'on laisse ça entre les mains du musée, on se dit: Bon, bien, c'est à eux à s'occuper de ça. Comment vous voyez ça dans l'avenir, toute cette concertation-là avec les musées, là?

M. Perron (Michel): J'aurais envie de vous référer à l'état des lieux, par exemple, qui a été fait avec l'Observatoire de la culture et des communications, l'état des lieux et patrimoine, musées, archives qui décrit assez bien cette situation-là. Elle dit deux choses, cette situation-là. Cet état des lieux là, dit, entre autres, que la capacité des musées, par exemple, à générer des partenariats, à générer des revenus privés est beaucoup plus forte qu'on l'anticipait et elle a eu une vitesse de croissance assez importante. Aujourd'hui, cette capacité-là atteint un peu son plafond, là, on a atteint, là, un plafond là-dessus. Et elle dit, effectivement, aussi que ceci n'est pas encore suffisant, on souhaiterait, évidemment, arriver à davantage.

Il existe beaucoup de relations entre les municipalités et les institutions muséales. Souvent, ces relations-là se concrétisent, par exemple, par la présence des municipalités dans les conseils des musées -- dans les conseils d'administration, j'entends -- et ainsi de suite, il y a un jeu, là, d'interactions, mais on croit que... Et c'est pour ça aussi, également, que, nous, ce que l'on prône, c'est que, dans l'optique de la loi, on puisse trouver des incitatifs, des encouragements parce que, ça, ça ne peut fonctionner que sur des bases volontaires. C'est sûr qu'on ne peut pas obliger les gens, comme on dit, on ne peut pas obliger les gens à danser le tango, là. Donc, si on met les bons incitatifs, on va favoriser davantage ces liens-là. J'ai presque envie de parler de liens d'affaires ou, du moins, de mandats qui peuvent être donnés de l'un vers l'autre pour utiliser...

Moi, je pense qu'en grande, grande part les municipalités, les... Du côté des institutions muséales, je peux vous dire, les gens sont prêts, ça, c'est clair, parce que déjà ils ont l'habitude du partenariat, là, on l'a dans les gènes. Mais à quelque... Et je pense qu'en bonne partie les municipalités sont prêtes, mais il va falloir, encore une fois -- puis je suis obligé de le dire -- qu'il y ait une pinte d'huile en quelque part pour que le moteur tourne sans trop que les valves fassent du bruit, là, parce que, tout ça, les municipalités sont déjà, évidemment, on le sait, très chargées dans leurs propres mandats. Les institutions muséales, c'est la même chose. Alors, pour utiliser de façon écologique ces forces-là déjà en place, ça prendrait effectivement des incitatifs, là, des facilitants. Mais il y a un très grand potentiel, là, ça, c'est sûr.

M. Lehouillier: Il est sous-exploité actuellement. C'est ça que vous me dites un petit peu.

M. Perron (Michel): Oui. Oui. Ah oui! absolument. Et la loi, vue de là, pour nous, présente une opportunité.

M. Lehouillier: O.K. Il reste encore un peu de temps, M. le Président. Moi, j'aurais une autre question. Vous avez parlé de la Société des musées québécois, de l'importance du rôle stratégique des institutions muséales dans la loi. Comment vous voyez ça, la reconnaissance de ce rôle stratégique?

M. Perron (Michel): Bien, c'est-à-dire ça, ça a été pour nous un petit peu le choc à un moment donné lorsqu'on a eu... On est sensibles, Mme la ministre le disait. Donc, parfois, on a des chocs. Mais on a eu un choc au moment du livre vert, et on n'a pas vraiment... notre choc ne s'est pas nécessairement calmé là-dessus au niveau du projet de loi, puis je m'explique. C'est que dans... autrement que par les sociétés d'État, que par les musées d'État, il n'est pas mention vraiment dans la loi de l'environnement, je dirais, dans lequel cette loi-là s'applique autrement qu'une mention que, je dirais, d'ordre de paliers de gouvernement, on pourrait dire simplement comme ça. En termes légalo-légaux, on comprend l'idée, on comprend cette chose-là, mais on pense qu'il y aurait là l'occasion -- et c'est une question de finesse d'écriture, là -- de nommer cet environnement-là, de nommer à quelque part les partenaires potentiels, de nommer les rôles de la même façon que pour les collections, que pour les institutions.

Donc, je le dis pour les musées parce que voilà ma cause, mais je sais que cette même remarque là pourrait s'appliquer aux centres d'archives, pourrait s'appliquer à certaines sociétés d'histoire. Il y a une écologie en place qui peut être extrêmement productive et aidante dans l'application d'une loi comme celle-là, mais, je veux dire, il faut d'abord être nommé, il faut d'abord aussi sentir cette reconnaissance-là, et, de là, cette reconnaissance-là peut stimuler vers des partenariats. Je ne sais pas si je vous réponds convenablement.

M. Lehouillier: Oui. Ça va aller. Ça va aller. Alors, est-ce qu'il reste un peu de temps? Donc, je veux juste revenir sur les collections puis... Mais savez-vous pourquoi je reviens sur les collections? Parce qu'on a une collection à Lévis, dans mon comté, là, que... On est en train de regarder ça avec la municipalité, c'est la fameuse collection du Collège de Lévis, donc, et je voudrais juste... Parce que, chez nous, sur notre territoire, à Lévis, il n'y a pas de musée comme tel. Est-ce que votre Société des musées québécois, comme société, vous êtes sensibilisés à ça au niveau du territoire? Comment ça fonctionne, le rayonnement d'un musée sur un territoire donné? Parce que je vais vous dire pourquoi je vous pose la question, parce que, des fois, je trouve qu'il y en a qui, dans les cercles d'intersections, se retrouvent comme dans le vide, et, des fois, je me demande si on ne perd pas des éléments importants de notre patrimoine à cause de ça.

M. Perron (Michel): Vous venez de faire ma journée, là, vous.

M. Lehouillier: Non, non, mais je pose la question...

M. Perron (Michel): Non, mais, écoutez, je vous réponds sérieusement, effectivement ça me fait plaisir, effectivement, votre question. Je vous réponds plus sérieusement, là, du fait que, oui, il n'y a pas nécessairement des institutions muséales pour chaque cause muséale ou chaque... Ça, c'est clair, et puis je pense que, par ailleurs, ce qu'on dénote, il y a 400 quelques, là, 446, très précisément, adresses d'institutions muséales au Québec. Donc, ça, c'est...

M. Lehouillier: O.K. Qui est quand même beaucoup, là.

**(16 h 30)**

M. Perron (Michel): Oui. Et qui sont constituées, là, de façon légale, sans but lucratif, tout ça, là, hein? Donc, il y a déjà un parc, entre guillemets, qui est très grand. On dénote une chose, on dénote... Nous, notre analyse dit qu'il y a un manque, entre autres, d'institutions qu'on pourrait qualifier d'intermédiaires ou de rôle intermédiaire, donc de... et qui peuvent, dans certains cas, avoir un mandat et un rayonnement qui couvrent suffisamment large, entre guillemets, ce qu'on appelait avant un musée régional, par exemple. C'est une dénomination avec laquelle, pour toutes sortes de raisons, il y a... c'est moins clair, là, aujourd'hui qu'on utilisait ce terme-là et... Mais il manque d'institutions qui ont des rayons d'action suffisamment larges pour couvrir un peu la question que vous dites.

Par ailleurs, la société et la communauté, je dirais... Parce que, là, c'est au-delà de la société, la communauté muséale, je pense, peut être interpellée et peut être active à l'intérieur d'une collection dans une municipalité sans y être présente de la même façon que l'on dit, nous, lorsqu'on parle de partenariats municipalités et institutions muséales. On comprend très bien qu'il ne faudrait pas régir ces ententes-là dans un cadre régional très serré parce que, parfois, l'expertise, elle est juste de l'autre côté de la frontière, à deux kilomètres, là. Donc, on pense qu'il ne faut pas travailler avec des... il ne faut pas que ça devienne des silos, mais bien qu'on puisse travailler d'une façon transversale.

Par ailleurs, la nature des collections et le fait... Moi, je serais porté à croire... D'ailleurs, vous avez des collections -- j'aurais presque envie de vous relancer -- aussi sur le patrimoine industriel chez vous, qui est une question drôlement importante.

M. Lehouillier: Tout à fait. Le chantier A.C. Davie, entre autres, à la traverse. Oui, tout à fait, vous avez raison. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. le député de Lévis. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Messieurs dames, bien le bonjour. C'est un plaisir. Lorsque des éléments de patrimoine ne sont pas un paysage difficile à bouger par nature ou un immeuble, ce sont, au sens large, des artefacts ou des oeuvres. Et ça, pour être entre bonnes mains, en général ça atterrit chez un de vos membres. Le rôle des musées est crucial, et, effectivement, l'espace occupé pourrait être plus vaste au niveau de la loi.

La culture n'a de sens que dans sa diffusion et dans la connaissance qu'elle perpétue. Encore une fois, où va-t-on? Dans les musées. Et les musées sont les lieux où se concentre l'essentiel de l'expertise à laquelle cette loi doit référer pour bien faire ce qui en est l'objet fondamental. Je souligne, je suppose, effectivement, que le message passera qu'effectivement il faudrait qu'il y ait une loi, mais je reconnais votre élément, votre commentaire à l'effet qu'il ne faudrait pas que ça crée un recul et que ça ralentisse, en effet, un élan dont on voit qu'il anime un certain nombre de personnes.

Je retiens aussi la notion de mandat national parce que, lorsqu'on parle de la difficulté de décentraliser l'expertise et de confier à des municipalités des mandats, des responsabilités au-delà, strictement, des considérations financières, il y a, évidemment, la considération au niveau du savoir-faire, et le mandat national confie, effectivement, à une institution-phare la charge d'être ce point de référence auquel des institutions ou des municipalités de plus petite taille pourront référer. C'est une idée qui mérite réflexion, ça, j'en suis convaincu.

Je relève aussi la question de la numérisation, qui prend une forme différente selon ce qu'est l'objet. Il ne s'agit pas que d'une captation brute d'un geste, ça peut prendre un grand nombre de formes. Ce qui est intéressant, par contre... Et la numérisation a un rôle très singulier lorsqu'on aboutit dans le patrimoine immatériel parce qu'elle est... la captation est essentiellement la seule façon de retenir, et transmettre, et diffuser, et ça, bien, oui, évidemment, le lieu par excellence pour le faire, ce sont les musées.

Mais les musées sont aussi, je pense, le lieu dans le cadre précis du patrimoine immatériel où on peut le faire survivre et se perpétuer. On peut capter un rituel, on peut capter une technique de fabrication traditionnelle, des raquettes, on peut tout faire ça, mais il n'y a rien de mieux que d'avoir quelqu'un dans une institution muséale qui le fait au bénéfice des gens qui y vont. Moi, j'ai la chance d'avoir des enfants qui vont au musée n'importe quand. Ils lisent beaucoup puis ils vont au musée. Ils jouent aux jeux vidéo, puis ça me... Mais ils sont toujours prêts à aller au musée, et je suis souvent exposé à ça, et donc c'est un lieu de perpétuation de ce qui est vivant, de rassemblement d'expertise, là où le patrimoine se transmet et vit. Et, à cet égard-là, je ne peux qu'encourager vos démarches pour que vous soyez davantage reconnus.

Je pose quand même la question, même si je suppose que vous aurez autant envie de dire oui que, moi, j'aurais envie d'entendre oui: Est-ce que les institutions muséales, au Québec, sont en mesure, dans le cadre des partenariats qui sont inscrits dans vos gènes, comme vous le disiez, est-ce qu'elles sont en mesure de créer l'arrimage avec les municipalités et d'être cette courroie de transmission des connaissances et des expertises dont les municipalités auront besoin pour ne pas, par simple inexpérience, faire le contraire de ce qu'on leur demande et avoir un effet parfois préjudiciable sur des morceaux de patrimoine extrêmement précieux?

M. Perron (Michel): Oui. Bien, c'est une question... Je vous réponds oui et je nuance mon oui de la façon suivante. Oui, l'expertise existe dans le milieu muséal, elle n'existe pas que là. Elle existe avec les universités, elle existe avec d'autres milieux avec qui, d'ailleurs, les musées sont, en règle générale, en collaboration. Oui, l'expertise existe. Ce qui n'existe pas, c'est l'espace... le dégagement que nécessiterait de mandater des gens en institution pour faire ces choses-là s'il n'y a pas de moyens financiers qui accompagnent cela. C'est simple -- comment vous dire? -- l'agenda, la tâche... Et, Mme la ministre, vous le disiez de très belle façon tantôt lorsque vous parliez du bénévolat, par exemple, mais les musées travaillent de façon... les horaires d'un muséologue, c'est quelque chose. On n'est pas les seuls, vous le savez bien. Mais, à quelque part, la cour est un peu pleine si on n'a pas d'autres moyens pour réussir à accompagner ce travail-là. Donc, ça prend des moyens pour faire ça. Ça ne peut pas se faire à coût nul, comme on dit, là, soyons clairs là-dessus.

Par ailleurs, on considère que, vu de nous, c'est la meilleure écologie possible que de travailler avec des acteurs du milieu, les municipalités, et ça va dans l'esprit de la loi. On a un bon exemple de ça, concret, là. On regarde le travail que nous sommes en train de faire en ce qui concerne le patrimoine religieux -- c'est grâce, d'ailleurs, au support du ministère qu'on peut faire ça, sinon on ne ferait rien -- bien c'est un très bon exemple de capacité, entre autres, des institutions muséales via la Société des musées québécois, je dois le dire, et, évidement, le Conseil du patrimoine religieux, évidemment, le support important, logistique, financier -- mais ce n'est pas que financier -- du ministère, on est capables de faire des opérations et de bien les livrer, on est capables d'évaluer des plans, on est capables d'avancer des prospectives là-dessus. Donc, oui, cette expertise-là, elle existe, et on est en train de démontrer, à travers ce projet-là entre autres -- je pense que c'est un bon exemple -- de comment on peut faire avancer les choses. Puis, dans le fond, on a deux choix. Ou on se dit: La montagne est tellement haute qu'on n'ose pas s'y attaquer, puis ça, ce n'est pas notre genre au Québec, je pense, ou bien donc on se dit: Bien oui, il faut commencer le travail tout de suite parce que c'est notre travail, parce que c'est notre devoir de le faire. Et ce n'est pas seulement le travail et le devoir des muséologues, mais c'est le devoir, évidemment, des entités ministérielles et gouvernementales.

M. Blanchet: Lorsqu'on parle de patrimoine et lorsqu'on parle de musées, peut-être, malheureusement -- mais ce n'est pas du tout indigne -- on a tendance à regarder un peu vers le passé. Or, il existe des expressions qu'aujourd'hui on met, évidemment, dans les expressions artistiques qui sont totalement contemporaines. Les musées qui hébergent ces oeuvres sont parmi vos membres, et c'est un peu cliché, mais quand même vrai de dire que c'est le patrimoine de demain. C'est un patrimoine qui est actif, qui est en développement. C'est vrai au niveau de la musique, c'est vrai dans les arts visuels, c'est vrai en architecture, c'est vrai à tous les égards. Est-ce que, de votre point de vue, la loi encadre adéquatement, réserve une place satisfaisante à cet aspect du patrimoine qui est en gestation ou en évolution de façon très contemporaine?

**(16 h 40)**

M. Perron (Michel): C'est une question qui est, encore une fois, très pointue, et je suis bien content que vous me la posiez. Nous, voilà pourquoi on a voulu, entre autres, insérer la notion d'art contemporain dans nos propositions en se disant: L'art contemporain, ce n'est pas l'art actuel, mais on pourrait...

Une voix: ...

M. Perron (Michel): Hein, on comprend les distinctions, mais il y a un peu plus de recul, là. Mais si je vous répondais de la façon suivante. Imaginons la perte de sens pour l'identité québécoise si le Refus global n'était pas conservé au Musée d'art contemporain, si L'Étoile noire de Borduas n'était pas au Musée des beaux-arts de Montréal, si Rosa Luxembourg n'était pas au Musée national des beaux-arts du Québec, hein? Tout ça, c'est de l'art relativement récent en termes d'années, tout ça. Et tout ça est une partie intégrante du patrimoine vu de nous, hein? Donc, le patrimoine, c'est ce qui marque l'identité d'un peuple, c'est ce qui le définit comme tel. Et c'est un travail très délicat, très fin que de distancer la recherche actuelle de la part qui devrait s'inscrire en termes de patrimoine. Les institutions muséales sont habituées à ce genre d'éléments là.

Je vous donne un exemple d'une chose très belle, à mon sens, qui se pratique depuis plusieurs années au Musée national de beaux-arts du Québec, c'est cette notion d'art actuel versus la notion d'art contemporain, par exemple. Alors, le musée dit: Une oeuvre qui a moins de 10 ans -- je le dis en gros, M. Noël, vous qui travaillez, vous pourrez me dire -- est considérée comme une oeuvre d'art actuel, c'est-à-dire on a... Et elle peut être très intéressante, et les musées peuvent l'acquérir parce qu'elles sont emblématiques d'une recherche de pointe qui s'effectue tantôt en peinture, en sculpture, peu importe le moyen d'expression comme tel. Donc, on est dans cibler la recherche de pointe à ce moment-là.

On ne peut pas avoir la prétention de dire d'une oeuvre qui a deux ans qu'elle va s'inscrire de telle ou telle façon dans l'histoire, hein, on se garde une gêne, comme on dit, et on prend le recul nécessaire. Et les muséologues, dans le cas, par exemple, qui concerne l'art actuel, de façon générale, on se donne une dizaine d'années. Et, après une dizaine d'années, les collections d'art actuel, les oeuvres s'intègrent dans ce qu'on appelle l'art contemporain. Je ne sais pas si vous voyez, donc on inscrit le sens, hein, on inscrit le sens, et c'est une façon aussi de considérer les lieux muséaux comme des lieux de création de sens. J'ai un collègue qui décrivait la chose très simplement et de façon très efficace en disant: Une institution muséale ne fait pas que montrer, elle démontre.

M. Blanchet: Même le volet immatériel du patrimoine, il peut être contemporain. Par nature, un spectacle de danse s'inscrit dans la notion de patrimoine immatériel. Le spectacle du Cirque du Soleil s'inscrit dans la notion de patrimoine immatériel, fût-il capté de mille et une façons. D'ailleurs, ça ne sera jamais un remplacement de l'expérience d'y être. Donc, c'est vaste, c'est large.

Je reviens à la décentralisation. Vous avez des institutions... Encore là, il n'y en a pas partout parce que, par exemple, dans ma circonscription, il y a une institution muséale, qui ne pourrait pas offrir les expertises qui pourraient être requises dans le cadre du transfert de mandat. Par contre, il y a des experts en patrimoine de haut niveau à d'autres égards.

Est-ce que vous croyez -- et là, à la limite, disons qu'il y a trois scénarios... il y a deux scénarios puis il y a l'entre-deux -- que les ressources qui devront... Veux veux pas, inévitablement, il y a des ressources qui vont devoir venir en parallèle de la loi, idéalement dans une démarche de politique. Est-ce que les ressources doivent aller nécessairement sous la juridiction de la municipalité, transiter par les institutions qui disposent de l'expertise et de la volonté évidente d'avoir un rôle de protecteur du patrimoine ou est-ce qu'on doit laisser à chaque région une espèce de souplesse quant à comment elles vont gérer cette situation-là? Mais il me semblerait irresponsable ou... dans la perspective de ce que disaient les gens de l'arrondissement de Sillery, de ne pas, d'emblée, inclure des gens qui ont l'expertise, mais aussi, je dirais, la passion du patrimoine dans l'exercice de décentralisation. Purement au niveau des ressources, là.

M. Perron (Michel): Oui. Bien, je pense que la question que vous posez, c'est celle que... Moi, le terme que j'ai en bouche est celui d'«écologie» encore une fois, dans le sens que... Et, de un, comprenons que, pour nous, il serait difficile d'utiliser un modèle unique, hein, selon les régions, leur potentiel, les liens qu'ils ont d'ailleurs déjà avec des municipalités. Considérons qu'il y a un certain nombre d'institutions muséales qui sont municipales, d'ailleurs, de fait. Là, c'est un autre cas de figure déjà qui se dessine. Mais, dans les faits, on pense que ce qu'il faut faire, c'est trouver le modèle le plus souple possible pour qu'on reconnaisse l'expertise pure et dure où elle est de façon pure et dure et qu'on permette à cette expertise-là d'être mise à distribution, hein, donc, directement et, dans certains cas, dans l'esprit de la loi, qui est aussi d'accroître les responsabilités et, donc, de responsabiliser davantage les institutions. Mais je pense que c'est un choix entre les deux, là, qu'il faut trouver où c'est un peu de l'un, c'est un peu de l'autre. Il y a une formule à trouver d'équilibre. Moi, je crois beaucoup à l'équilibre dans les choses, et je pense que c'est comme ça qu'on peut trouver des moyens efficaces de fonctionner. Mais c'est vrai qu'il faut... À mon sens, la solution ne passerait pas par le transfert d'une enveloppe que d'une entité vers une autre ou une autre entièrement. Ça, c'est le seul modèle auquel j'aurais des... Et n'oublions pas aussi qu'il y aura un conseil qui devrait aider à étudier ces modèles-là, préciser ces modèles-là, à mon sens.

M. Blanchet: Je vous remercie infiniment. Pour ma part, je ne sais pas s'il reste du temps, mais, moi, je n'ai plus de...

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. À mon tour, M. Perron, Mme Simard, M. Noël, de vous remercier.

Nous allons suspendre quelques instants, mais je dois vous indiquer qu'on attend un invité de marque, spécial. On m'indique que le Bonhomme Carnaval devrait être avec nous pour l'espace de quelques instants. On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

 

(Reprise à 16 h 54)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous avons eu cette chance d'avoir le Bonhomme Carnaval avec nous. Ça a été très, très agréable. Et nous poursuivons maintenant nos travaux, et nous accueillons M. Dinu Bumbaru, qui est d'Héritage Montréal. M. Bumbaru, ça nous fait plaisir de vous accueillir ici, à l'Assemblée nationale. Vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.

Héritage Montréal

M. Bumbaru (Dinu): Merci. M. le Président, Mme la ministre, commissaires, membres de l'Assemblée nationale, c'est avec plaisir qu'on se présente devant vous pour apporter quelques éléments de commentaire sur un projet de loi qu'on trouve particulièrement important et sur lequel on a certaines réflexions qui débutent, je pense, en 1985, lorsque le ministre des Affaires culturelles de l'époque nous avait demandé de commenter un projet qui amena l'ajout d'un chapitre à l'actuelle Loi sur les biens culturels. C'est un chapitre qui a ouvert une certaine disponibilité, des outils législatifs ou des pouvoirs qui étaient décrits là-dedans aux municipalités. Ça a permis de faire des choses. Ça aurait permis d'en faire plus, mais peut-être qu'avec le travail d'aujourd'hui... On espère qu'on arrive à un niveau qui nous permette d'anticiper l'avenir avec ce genre d'outils. Souvent -- je l'ai entendu tantôt -- le patrimoine est associé au passé. Or, s'il n'existait que dans le passé, on n'appellerait pas ça le patrimoine, ce ne serait pas un défi pour les gens d'aujourd'hui et, comme disaient M. Arpin et son équipe, un présent pour l'avenir.

Nous avons fait parvenir un mémoire. Enfin, on a essayé de le faire d'une manière assez méthodique. C'est un exercice qui, dans notre cas, interpelle la nature de l'organisation. Héritage Montréal, ce n'est pas un service de la municipalité, c'est une association. On a été fondés en 1975 pour encourager et promouvoir la protection de l'héritage historique, architectural, naturel et culturel des communautés de la province de Québec. Ce sont les termes de notre article 1, pour employer un terme bien connu dans ces assemblées-ci. C'est un terme qui a été reconnu le 15 octobre 1975 par le bureau d'enregistrement des compagnies, une association, et nous sommes très fiers de cette mission que nos fondateurs, Mme Lambert, Phyllis Lambert, notamment, mais la communauté de l'époque, nous a confiée et on essaie de s'en acquitter le mieux possible.

On parle d'encourager et de promouvoir la protection. On reconnaît que les protecteurs sont d'abord les détenteurs du patrimoine, propriétaires, porteurs de mémoire, gardiens, et, d'autre part, les tuteurs parfois, mais également les autorités publiques, le législateur en premier lieu, qui a la capacité, dans notre esprit, la mission, de faire un équilibre entre des intérêts particuliers et un intérêt collectif qui porte sur ces biens.

On a fait cet exercice en réunissant nos bénévoles, le comité patrimoine et aménagement, dont plusieurs membres de l'organisation font partie et qui a... On a également entrepris une lecture collective de ce document, qui est... Vous savez, ce n'est pas très fréquent que des textes de loi apparaissent sur le patrimoine, hein? C'est généralement d'autres sujets qui font l'objet de vos travaux ici, et, donc, on n'a pas l'habitude, hein? Puis, pour être honnête, ce n'est pas du National Geographic, hein, ce genre de lecture là, là, les illustrations sont très pauvres. Et, par contre, on s'est dit: Il faut faire ça en sérieux, on a énormément... il y a beaucoup d'amertume dans beaucoup de nos milieux, beaucoup d'anxiété, de déception, mais également beaucoup d'espoir, et on voulait valoriser cette dernière dimension et encourager une appropriation, donc, avec des gens des sociétés d'histoire, des différents organismes qui vous ont par la suite transmis des représentations.

Nous avons procédé à cette lecture ensemble pour avoir un travail qui mettait en valeur deux, au moins... enfin, notre secteur, mais peut-être également un deuxième parce que, pour nous, l'action en patrimoine... Et on verrait cette loi, ce projet de loi, la future loi comme un élément législatif d'un cadre général de gestion et de mise en valeur du patrimoine au Québec. Et ce cadre-là nous intéresse dans son ensemble, non seulement dans certaines de ses composantes. Et, pour nous, un cadre de cette nature doit interpeller, bien sûr, le privé, les détenteurs, les investisseurs, les offreurs de services, les artisans, les gens qui ont une capacité de contribuer -- le secteur privé, c'est un des quatre piliers de l'action en patrimoine -- le secteur public, avec son rôle d'arbitre, mais également de détenteur. Combien du patrimoine, au Québec, est entre les mains des ministères, des agences publiques, des commissions scolaires, des services des sociétés de la couronne, enfin, du Québec, ici? Le privé, le public, mais également l'académique est un troisième pilier, les lieux de développement de savoir, et la connaissance est un des éléments sous-jacents à tout cet exercice. Et le quatrième, qui est très actif dans notre société, c'est le secteur associatif. La société civile, en 2011, ne peut plus être vue uniquement comme des groupes de pression qui sont là pour écoeurer une partie de la table, alors que l'autre veut faire un mauvais coup.

Vous savez, on a une personnalité propre, il y a, au Québec, 150 ans d'action communautaire dans le domaine du patrimoine. Le mont Royal a été protégé suite à des pétitions il y a 150 ans cette année. Les gouvernements successifs s'en sont intéressés avec un rythme variable, et c'est uniquement en 2005 que le gouvernement du Québec a classé le mont Royal. Je prends cet exemple parce qu'il est proche de nous, mais, à travers les différentes régions, on voit l'action des citoyens, qui a été présente, et qui s'est développée, et qui, aujourd'hui, est un partenaire à part entière. Et c'est un des éléments qu'on regarde dans le projet de loi, voir à quel point ce pilier est reconnu et associé à la démarche. Non pas pour qu'il écrive la loi ou l'exerce, ce n'est pas son rôle, mais qu'il en soit au moins une composante, de ce système de gestion.

**(17 heures)**

On a fait certaines remarques plus particulières, et je voudrais aussi vous donner notre cadre de référence. À Héritage Montréal, on a passé à travers plusieurs époques où le patrimoine a d'abord été l'objet de multiples démolitions. Ce sont des conditions qui ont aussi déterminé le creuset dans lequel nos associations, nos idées sont nées. Entre les années soixante et soixante-dix, soixante-quinze, on dit qu'à Montréal on a perdu 35 000 maisons. Il faut comparer ça avec le prix, le tribut que les villes européennes ont payé aux guerres, et aux séismes, et aux dictateurs. Alors, nous, ça s'est fait avec des permis, avec une indifférence, avec de la démolition. Plusieurs étaient vétustes de ces bâtiments, mais, en général, c'est des quartiers entiers qui ont disparu, puis avec eux la mémoire populaire, avec eux des habitudes, avec eux des églises, des paroisses, bien des choses sont parties.

Donc, c'était une époque de démolition, ça nous a amenés à réfléchir sur trois grands sujets. Le premier, c'est le patrimoine, sa reconnaissance, son identification. Il y a encore énormément de travail d'inventaire. Et ce que le Québec a fait est absolument remarquable, d'essayer d'intégrer les différentes dimensions dans ces inventaires, et ça se reflète dans le projet de loi. Nous, on apprécie ça. On le voit en relation avec ce qui se passe dans d'autres pays parce qu'on s'est donné un devoir de référence sur la planète aussi, qu'est-ce qu'il y a ailleurs.

On a un deuxième... Pour nous, les cinq dimensions qui nous intéressent, c'est le patrimoine construit, dont les créations humaines, individuelles, que ce soit un bâtiment, que ce soit un ensemble de bâtiments ou un campus, une usine, une structure, une sculpture. Prenons le monument de Georges-Étienne Cartier sur l'avenue du Parc, à Montréal, pour nous c'est une construction aussi, c'est un objet. Donc, le construit.

Le paysager, qui transcende l'objet individuel. Un quartier est un paysage, à notre avis. Il y a des repères. Et, si on prend les définitions internationales, on se rend compte aussi qu'il y a des routes, des parcours. On pense beaucoup au chemin du Roy, mais pensons au grand chemin qui marche, que les nations amérindiennes nous ont appris à reconnaître dans les fleuves et les rivières du Québec. Le paysages, ce sont les vues, ce sont des éléments qui ont une dimension immatérielle. C'est très difficile de toucher une vue, mais c'est très facile de la reconnaître, et de l'apprécier, et également de la boucher.

Troisième dimension qui nous intéresse, c'est le mémoriel. On est quand même sur la terre du Je me souviens. Bien, les usages, les traditions associées à des lieux, la toponymie, qui est un élément du patrimoine ici puis qui est traitée par un autre corps de loi, là, nous, on essaie de ramasser ça dans une vision d'ensemble.

Le quatrième, c'est l'archéologique et c'est un chantier qui a connu beaucoup de progrès, puis qu'il y a encore beaucoup de progrès à connaître à l'avenir au Québec, dans nos villes comme dans nos territoires et notre ruralité.

Et le dernier, c'est le naturel. Pour nous, on ne devrait pas séparer le naturel du culturel, surtout que serait bien valeureuse la personne, ici, qui pourrait nous décrire le rocher Percé. Est-ce que c'est du patrimoine naturel ou culturel, le rocher Percé? Est-ce que ça ne correspond pas aux paroles des philosophes qui parlaient de monuments de la nature, qui parlaient de monuments qui ont une transcendance, mais qui nous créent une émotion? Enfin, pensons à certains de nos endroits, nos rochers, nos rivières et certains de nos arbres, ce sont des éléments naturels, mais qui ont une valeur très puissante dans notre identité. Les peintres les ont décrits, les poètes les ont décrits, les écrivains les ont fait vivre aussi. Alors, nous, ce sont les cinq dimensions.

On a également des principes de développement. On sait que le Québec s'est doté d'un modèle de développement durable assez exceptionnel qui intègre le patrimoine culturel. C'est une chose presque invraisemblable dans les ordres connus du développement durable, mais, ici, on a transcendé ces frontières abstraites et on a dit: Le patrimoine culturel, c'est une source de développement durable aussi et... Mais, nous, on s'est donné des principes d'excellence, et ils sont au nombre de cinq également.

Il y a la pertinence et la recevabilité. Est-ce qu'il y a des mécanismes de recevabilité qui sont construits là-dedans? Est-ce qu'on a un mécanisme qui dit: Les projets sont irrecevables? On sait qu'on a un gros problème dans beaucoup de cas, la question de cette nature se pose à la fin du processus, pas au début. Donc, tout le monde est fâché, puis là les élus sont pris avec ça, puis ce n'est vraiment pas très constructif. La pertinence, recevabilité des projets.

Deuxièmement, la prise en compte du patrimoine dans sa diversité et de l'urbanité. Nous, le patrimoine n'est pas isolé de l'espace urbain humanisé.

Troisième, c'est la qualité du processus. C'est des questions qu'on discute avec la chambre de commerce, par exemple. On a beaucoup de convergence depuis des dossiers qui ont démontré la faiblesse de nos processus d'aménagement et de prise de décision. Un succès, quant à nous, c'est l'avenue McGill College au centre-ville de Montréal, là. Ce n'est pas transférable partout, mais c'est une expérience sur laquelle on a eu une alliance avec le milieu des affaires parce que tout le monde s'entendait, ça prenait des règles un petit peu plus claires qui évitent des situations aberrantes. Et les connaître le plus tôt possible, ça sécurise les investisseurs aussi bien que la population puis les gens en patrimoine.

Donc, l'innovation est très importante. On adore notre patrimoine parce que, souvent, il nous traduit l'ingéniosité des... apporte auprès de nous le témoignage de l'ingéniosité des gens qui nous ont précédés. Bien, qu'est-ce qu'on va laisser comme imagination démontrée dans notre patrimoine d'ajout? Bien, il faut mettre ce défi-là, et élevé.

Et le dernier, c'est la durabilité. Trop de choses sont faites pour le moment où on les autorise, où on les photographie, où on les annonce, trop peu sont faites pour dire: Dans 25 ans, la prochaine génération va recevoir un plus ou une calamité. Nous, on préfère beaucoup qu'on travaille les projets de construction, d'aménagement de programmes, de politiques dans l'optique de laisser à la prochaine génération un trésor enrichi.

Ce sont les principes, et c'est à travers ça... Vous allez me dire: C'est un peu poétique comme point de vue, mais, nous, on l'a pris puis on a passé à travers un projet de loi qui était d'une écriture fascinante et d'une prose exceptionnelle, mais surtout tellement plein d'articles qu'on n'a pas su comment s'arrêter de les admirer. Mais on a essayé d'organiser ça en deux, trois points qu'on voudrait vous communiquer.

Il y a des éléments centraux dans notre commentaire. Il y en a un, par exemple, c'est la clarté des rôles. Il y a beaucoup de confusion actuellement dans la loi au Québec entre la science et la politique, donc la connaissance et le devoir civique. Les institutions, avec la démocratie parlementaire, qu'on apprécie tant, et tout, ont un rôle, mais est-ce qu'on accepterait, dans un hôpital, de se faire opérer par un membre du conseil d'administration élu par la population? Non, on va chercher les meilleures personnes pour ça, puis on veut les meilleures personnes pour représenter la population sur certains enjeux. Il faut établir cette clarification, et ça nous aiderait grandement, à notre avis, à avoir des inventaires qui soient beaucoup moins des inventaires qui, s'ils voulaient atteindre la capacité pleine du Québec, épuiseraient nos ministres. Parce que, présentement, le patrimoine est déclaré soit par le gouvernement soit par les ministres. Pensez-vous que ces gens-là ont ce temps à passer à signer des décrets à tour de bras? On a probablement 100 000 biens à classer au Québec. On est rendus, selon les données qu'on a à, quoi, 15 000, 20 000, peut-être. Bon, bien, si on veut rattraper ça en deux ans, vous imaginez bien, on va perdre du monde, là, dans les tranchées.

Alors, cette séparation entre la science et le processus décisionnel nous apparaît heureuse. Puis on a besoin d'une plus grande reconnaissance du patrimoine, à notre avis, pour pouvoir travailler non pas sur des mesures d'exception, mais des mesures d'encouragement. On voudrait une loi qui encourage les choses à se faire dans le bon sens plutôt qu'une loi qui ne soit uniquement que préventive sur le 5 % de cas qui sont néfastes.

On a des préoccupations sur la capacité de certaines des instances qui sont très spécifiquement désignées là-dedans -- les municipalités, en particulier -- pour jouer des rôles majeurs. À notre avis, beaucoup n'ont pas les qualifications au niveau de leur personnel, et la fiscalité, au Québec, des municipalités les met constamment en conflit d'intérêts. Un site protégé, c'est un site qui, peut-être, grève l'assiette fiscale de la municipalité, alors qu'il faudrait trouver une façon d'aborder ça d'une manière différente. Est-ce qu'on pourrait imaginer des contrats de confiance? On parle de confier aux municipalités certaines actions. Est-ce qu'on pourrait imaginer le mécanisme de confiance qui serait associé à ça, qui ne serait pas juste un mécanisme automatique, mais qui serait basé sur une structure de coopération, de développement des connaissances? Enfin, imaginons-le, puis toujours imaginer comment la société civile peut participer à ces exercices-là.

On a observé peut-être des éléments qui nous semblaient présents dans les discussions précédentes et qui ont un peu disparu. La notion d'étude d'impact patrimonial, ça nous semblerait utile pour travailler les choses en amont plutôt que d'arriver avec des crises en aval.

Le lien entre la loi et d'autres lois. On sait qu'il y a un avant-projet de loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme qui a été déposé, qui interpelle les notions de milieu bâti, paysages à protéger au niveau des plans, des agglomérations, des MRC, des communautés métropolitaines. Est-ce qu'il y a un lien à faire entre tout ça ou on va se créer un sous-marin du patrimoine puis un autre sous-marin de l'urbanisme, puis on va s'attendre à ce qu'ils se rencontrent puis qu'ils se parlent? Maintenant, peut-être qu'il y a lieu d'harmoniser ces choses-là, surtout que ce sont des feux roulants actuels, là. Ce n'est pas une loi qui s'en vient dans 10 ans, c'est une loi... les deux sont... Devant nous, comme des laïcs, on est un peu... on aimerait voir un peu plus de liens entre tout ça, et même avec d'autres corpus.

**(17 h 10)**

Le Fonds du patrimoine culturel québécois, il est très intéressant. Est-ce qu'on va l'alimenter uniquement avec des prélèvements sur des permis? Il faudrait faire de ça un mécanisme efficace et incitatif.

On mentionne également la question de concertation. Peut-être en conclusion, parce que je vois le temps qui passe derrière vous, au-dessus de vous, M. le Président, la notion de comment est-ce qu'on peut... Nous, on anticipe ce travail-là sur 25, 50 ans. C'est une loi pour équiper le Québec d'aujourd'hui et de demain, on veut que des réalités spécifiques soient reconnues là-dedans. Montréal, ça, on ne peut pas vous le cacher, il y a des choses là-dedans... il faudrait mettre le Conseil du patrimoine de Montréal dans cette loi, ça nous apparaît naturel, surtout qu'il est créé par l'Assemblée nationale.

Mais il faudrait peut-être imaginer des mécanismes de suivi et de mise en oeuvre. Donc, une loi formidable, plan d'action pour la complémenter, essentiel, également un mécanisme de suivi. Et on apporte à votre attention l'exemple de Parcs Canada. Peut-être qu'on n'a pas le droit d'arriver avec des exemples comme ça ici, mais on s'essaie. C'est une agence du gouvernement, ils font des bonnes affaires, puis ils en font d'autres qui pourraient être mieux. Mais Parcs Canada est une agence gouvernementale, dans la loi constituante de cette agence se trouve un mécanisme qui oblige les ministres titulaires de l'agence à convoquer aux deux ans une table ronde des parties prenantes pour faire le point. C'est des mécanismes de capitainerie qu'il nous semble intéressant d'introduire là-dedans. On parle aussi d'état biennal, de rapport biennal. Beaucoup de pays se rendent compte que la question du suivi, c'est là où se trouve beaucoup la capacité de transformer la colère des peuples en imagination et en contribution pour que, sur le long terme, on arrête de traverser juste la partie rocailleuse des rapides puis qu'on prenne les parties un petit peu plus coulantes.

On aurait besoin de règles. Pour nous, plus de règles, ce n'est pas nécessairement mieux. Pour nous, ça prend des règles plus claires. C'est une question d'efficacité, l'ordre. Et ce genre de mécanisme de suivi nous apparaîtrait très utile à intégrer dans la démarche et sur des cycles qui permettent à la société civile de participer. Vous savez, deux ans, c'est raisonnable. Trois ans, on fait juste se rappeler des mauvaises affaires puis on oublie qu'il y a des... ça devient compliqué. Et, passé ça, bien c'est rendu de l'histoire ancienne, cinq ans, les gens oublient de le faire. Alors, deux ans, ça nous apparaît raisonnable, et pas juste pour donner la liste des contrats ou bien des... ce n'est pas... Vous savez, le Vérificateur général de l'Angleterre avait fait un rapport sur l'état du patrimoine en Angleterre, il y a quelques années. Ce n'était pas un rapport de vérificateur chiffré, c'était un rapport sur la performance des outils de l'État au nom de la population, et ça a été un outil très utile pour anticiper le travail à long terme.

Alors, voilà quelques suggestions. Et on s'excuse de ne pas avoir mis assez d'illustrations dans notre document, mais on pensait que c'était de bon ton pour rendre écho et hommage aux travailleurs.

Le Président (M. Marsan): M. Bumbaru, merci beaucoup pour cette excellente présentation. Nous allons débuter immédiatement nos échanges, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. Bumbaru, d'être avec nous aujourd'hui. C'est un plaisir d'entendre parler de patrimoine avec vous parce que vous le faites avec beaucoup de poésie, et c'est agréable, et, enfin, c'est une façon aussi de nous présenter notre projet de loi en nous disant: Bien, votre projet de loi, on pense que c'est une bonne chose, mais, en même temps, il y a des choses à améliorer, puis on veut le bonifier. Puis merci d'être là pour nous aider à le faire, ce n'est pas un travail facile, effectivement. J'aime bien la facture de votre mémoire. Vous reprenez des articles, vous faites des commentaires, vous posez des questions aussi. Mais j'aime ça, la façon dont c'est fait, c'est vraiment clair.

Juste petite question très courte en démarrant. Parcs Canada, les deux ans dont vous parlez, est-ce qu'ils le font réellement, cette analyse-là? En fait, c'est comme un sommet, là, d'où on est rendu avec la gérance de nos parcs, c'est ça?

M. Bumbaru (Dinu): Bien, ça s'appelle la table ronde du ministre sur Parcs Canada, et j'en parle d'expérience parce qu'on nous a invités. Vous savez...

Mme St-Pierre: ...le ministre de l'Environnement...

M. Bumbaru (Dinu): Le ministre de l'Environnement, c'est une chose parce que, Parcs Canada, on imaginerait que ça va avec le ministère du Patrimoine canadien, et c'est le ministère du Patrimoine canadien qui est une genèse d'un gouvernement fédéral à une époque, suite à des recommandations que des Québécois avaient faites pour leur dire de mettre un petit peu d'ordre en prenant l'exemple du Québec avec la langue française, dit: Il faut consolider les choses à l'intérieur. Ils ont créé un ministère, mais, malheureusement, le patrimoine s'est trouvé complètement écrasé par les grandes institutions de développement culturel, artistique, la création de Téléfilm et compagnie, donc il a fallu réchapper ça, et ça s'est retrouvé au ministre de l'Environnement.

Donc, ça, c'est un peu pour résumer ça, mais il y a effectivement une table ronde qui est convoquée. Il y a une certaine discrétion qui existe, mais ce n'est pas là une table ronde pour vérifier est-ce que les orignaux dans les Rocheuses sont heureux. Tu sais, ce n'est pas ça, la question, c'est: Quel est l'état des politiques, l'état des... Par exemple, un des grands problèmes qui se pose avec certains de ces sites, c'est leur distance par rapport à la population. On a travaillé sur le concept de «wilderness», la nature sauvage, donc on a détaché le patrimoine, dont le gouvernement a la fiducie, des populations qui sont les premières intéressées. Alors, eux, ils ont des sites historiques, ils ont des parcs naturels, et ça permet de débattre de ces choses avec les parties prenantes, qui sont l'industrie touristique, les associations, le monde de la communication, le monde de la recherche, les autorités locales, les peuples autochtones, et ça permet... Pour ce que j'ai observé, là, ça varie beaucoup, mais c'est un exercice qui mérite d'être pris en considération dans l'application d'une loi comme celle sur laquelle vous travaillez.

Mme St-Pierre: Remarquez qu'il y avait peut-être du chemin à faire avec les relations avec la population parce que mettons que Forillon puis Kouchibouguac, là, ça n'a pas été très, très heureux de la façon dont ils ont procédé. D'ailleurs, nous, c'est pour ça qu'on privilégie la méthode, pour nos paysages patrimoniaux, de faire ça à partir de la base pour que ça monte plutôt de... de se trouver devant des exemples comme ceux-là.

Mais, enfin, c'était mon petit éditorial. Et je trouve aussi que c'est magnifique, puis il y a des parcs extraordinaires au Canada, mais il n'y a pas beaucoup de monde qui ont le moyen d'y aller. Souvent, ça coûte... Il faut quand même se déplacer, puis ça coûte assez cher, les droits d'entrée.

M. Bumbaru (Dinu): ...l'autre bord de la rue, là, c'est...

Mme St-Pierre: Oui, oui, il y en a un pas loin, mais les... Je voudrais vous poser une question assez pointue sur les aires de protection. Est-ce que je lis bien, vous aimeriez que ça aille même jusqu'à 500 m? Ça, ça veut dire un demi-kilomètre. Je n'ose pas imaginer une aire de protection dans une ville où on aurait une aire de protection de 500 m et que, là, on serait obligé de donner des permis pour des changements de fenêtres et de poignées de porte, là.

M. Bumbaru (Dinu): Bien, d'abord, une chose, c'est très important que cet outil demeure. Il a été question de faire disparaître ces choses-là, dire: Ça va être juste de l'urbanisme, puis tout ça. Non, c'est un mécanisme qui permet d'affirmer la notion de contexte. On s'interrogeait sur le caractère un peu exotique du chiffre 152 qu'il y a dans une loi, tu sais, on peut connaître... L'origine, c'est 500 pi traduit en métrique, hein, c'est ça. Ils ont pris les 500 m de la loi française, République française, ici, Malraux et compagnie -- puis on s'entend, la densité de bâti en France est un petit peu plus conséquente qu'ici -- ils ont pris 500 m entre la France puis ici, ils ont mis ça à 500 pi, puis là on a traduit ça en métrique, 152 m. On trouve que peut-être qu'il y aurait lieu, plutôt que de mettre un chiffre, mettre une qualité, donner la discrétion nécessaire sur la base d'une justification. Mais, si on est pour mettre un chiffre, bien mettons un chiffre qui donne de la marge au moins pour travailler le contour avec assez d'espace.

Vous savez qu'il y a des... Et c'est un concept. On a vu ici des gens de l'île d'Orléans parler des abords de l'île d'Orléans, bon, une zone tampon. Enfin, il y a peut-être un raffinement à faire sur le vocabulaire exact, là, mais c'est une notion intéressante qui existe au Québec, qui existe dans peu de pays qu'autour des biens on a un peu d'attention et de présence. On aurait peut-être évité la tour noire en face de la basilique Notre-Dame si on avait eu cette considération dans les années soixante. La basilique Notre-Dame a perdu un atome de son intégrité physique, mais une construction de 25 étages d'une tour à bureaux juste de l'autre bord de la rue, ça lui a fait perdre beaucoup de présence qui avait une présence symbolique. On a failli enlever la cathédrale de Cologne de la liste de l'UNESCO à cause de phénomènes comme ça.

Donc, c'est utile, mais on trouve que cette notion de 152 m... ce n'est peut-être pas un vocabulaire pour un lieu si noble, mais c'est un peu riquiqui, tu sais. Alors, travaillons sur quelque chose qui soit plus adéquat. Des fois, ça va avoir l'air... Essayons de comprendre les limites naturelles où la présence s'établit, s'assoit, puis ça force un exercice de réflexion souvent avec les autorités de gestion du territoire qui est peut-être plus... enfin, plus conséquent.

**(17 h 20)**

Mme St-Pierre: Parlez-moi donc du patrimoine archéologique. Vous faites quand même certaines remarques, là, par rapport à l'article 69, l'article 73. Vous dites: «Tout en reconnaissant la vulnérabilité du patrimoine archéologique notamment au pillage ou à la destruction volontaire, il faudrait préciser le texte de loi pour que soient mieux énoncés les motifs qui amènent l'imposition d'un régime de confidentialité et d'une certaine discrétion des ministres pour communiquer de l'information de nature scientifique, notamment l'expression "dans le but de protéger"» Donc, vous voudriez qu'il y ait une certaine discrétion pour...

M. Bumbaru (Dinu): Nous, fondamentalement, on accepte le principe que les autorités aient une marge de manoeuvre qui leur permette de conserver des choses privées, on accepte ça. On n'aime pas ça quand ça se produit suite à des consultations publiques, mais, dans un univers scientifique, il me semble qu'il y a une notion qui peut être acceptable. Mais ce serait bon d'établir une fonctionnalité, et c'est pour l'idée de... Dans le but de protéger, il faudrait peut-être dire c'est dans le but... Enfin, il y a peut-être une question de formulation, de raffiner l'objectif, de protéger et... Dans certains cas, on sait aussi qu'il y a besoin que certaines études soient raffinées. Il y a des hypothèses qui naissent à l'occasion d'une découverte archéologique. Je pense qu'il y a des gens beaucoup plus qualifiés que moi pour parler de ça, mais on se rend compte que c'est un processus qui n'est pas a, b, puis ça s'arrête là.

Alors, pour nous, il faudrait juste, dans une loi comme ça, établir des phrases qui ne soient pas nébuleuses et qui communiquent à la population qu'il y a un travail qui se poursuit. Parce qu'on est dans une société qui voit beaucoup le mythe de la découverte, le mythe de l'Indiana Jones, et tout ça, là, est très présent sur l'archéologie, mais il faudrait qu'il y ait une discipline qui s'établisse et qu'on dise: Oui, il y a des instances, et c'est peut-être, pour les autorités politiques, l'occasion, à travers la formulation ici, de dire: On retient, mais on confie à une instance neutre, hein? Les instances scientifiques ont un rôle dans cet exercice, dans cette réserve. On a eu des cas où, pour prendre le temps qu'une instance scientifique se penche, il a fallu que, nous autres, on se mette entre le politique puis... Je ne veux pas dire l'hystérique, mais ça a suscité beaucoup de passions, certaines de ces choses-là, et ce n'est pas toujours facile d'être entre les deux carabines.

Mme St-Pierre: M. le Président, je sais que mon collègue ici a des questions. Moi, je voudrais juste rapidement... M. Bumbaru, vous avez parlé à la fin du Conseil du patrimoine de Montréal, qui devrait être mentionné dans la loi, et vous dites: Puisque c'est le gouvernement qui l'a créé, c'est le ministère qui l'a créé, le Conseil du patrimoine de Montréal, mais...

M. Bumbaru (Dinu): L'Assemblée nationale.

Mme St-Pierre: Pardon?

M. Bumbaru (Dinu): C'est l'Assemblée nationale.

Mme St-Pierre: L'Assemblée nationale. Pourquoi il faut y donner... Pourquoi il faut le mentionner dans le... Qu'est-ce que ça va lui donner de plus, ou de moins, ou...

M. Bumbaru (Dinu): Bien, écoutez, d'abord, ça leur... On est dans un système, c'est pour ça... La spécificité montréalaise mérite un peu d'exposé, puis je ne veux pas aller trop loin parce qu'on... c'est déjà assez compliqué comme ça. Mais on a une ville qui est à l'intérieur d'une agglomération, on a cette ville qui a des arrondissements. Chaque arrondissement a un comité consultatif d'urbanisme. Dans le projet de loi, ici, on dit: Eux autres, là, ils vont s'occuper du patrimoine.

La ville de Montréal, à notre demande, donc on a un sentiment important, nous, on... L'Office de consultation publique de Montréal et le Conseil du patrimoine de Montréal, c'est notamment des représentations d'Héritage Montréal qui ont amené à les incorporer lors de la réforme municipale en prenant exemple sur ce qui se passe à New York, sur Paris, sur Londres, où vous avez des instances comme ça qui permettent de guider les décisions à une échelle métropolitaine ou d'une grande ville, et on ne voudrait pas que la démarche qui est là mine ça alors qu'on a vu, à Montréal, disparaître pratiquement le service d'urbanisme. On a vu des instances que certains appellent, pour les dénigrer, centrales, alors que ce sont des instances d'infrastructures communes au niveau de l'expertise, du savoir... Il ne faudrait pas que ça disparaisse. Le bureau du patrimoine vient de disparaître à Montréal. Alors, le conseil, à notre avis, est une instance qui est en interaction avec la population, qui mérite d'être consacré par ça, et ça va peut-être aider à clarifier la situation des villes où il y a des arrondissements, par exemple, qui sont reconnus par d'autres textes de loi comme capables de générer les instances que vous prévoyez ici. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on l'amène.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Lévis, la parole est à vous.

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, vous venez de toucher quelque chose de fort intéressant et vous dites dans votre mémoire que vous vous interrogez, vous êtes préoccupés pour la loi en ce qui concerne la capacité réelle des acteurs municipaux de jouer le rôle qu'on leur propose de jouer, alors qu'on sait qu'actuellement, en particulier dans les grandes villes, les villes, les élus municipaux assurent un rôle majeur, entre autres en ce qui concerne la protection du patrimoine et ces divers éléments là, Québec, Montréal en sont un exemple. Alors, qu'est-ce qui explique cette préoccupation-là par rapport aux acteurs municipaux?

M. Bumbaru (Dinu): On a vu tantôt un personnage illustre de notre identité nationale rentrer ici, mais il y a un sport qui s'appelle le hockey. Alors, nous, on voudrait que les municipalités soient plus sur la glace que dans les estrades parce qu'il y a beaucoup de gérants là-dedans. Mais, pour être sur la glace, il faut des très bons joueurs, et ça veut dire des gens qui savent patiner, et pas pour s'évader, mais pour aller scorer. Et, trop souvent, on néglige que le patrimoine, ce n'est pas juste un phénomène de décision, c'est un phénomène aussi d'expertise. C'est pour ça, cette notion: la science, la société, la démocratie. Et il faut trouver une façon d'articuler ça. On a tendance à croire que, parce que les administrations locales sont locales, soudainement elles ont une connaissance, elles savent comment gérer de l'archéologie, elles savent comment gérer de la conservation du patrimoine bâti, elles savent comment gérer du paysage. Ce n'est pas évident, ça. Ils sont peut-être au courant de l'histoire locale parce qu'éventuellement ils finissent par se connaître, mais il y a un problème réel d'expertise au niveau des municipalités. Et là on ne parle pas de la ville de Montréal parce qu'on reconnaît... Vous savez, il y a plus de personnel en patrimoine à la ville de Montréal qu'au ministère, là, il faut quand même mettre les points sur les i, là.

M. Lehouillier: C'était ma prochaine question, en vous disant: Bien, justement, ils ont...

M. Bumbaru (Dinu): Oui, oui. Donc, ça ne s'applique pas à Montréal.

M. Lehouillier: Ils ont du personnel en plus.

M. Bumbaru (Dinu): Mais, vous savez, il n'y a pas juste Montréal sur l'île de Montréal, il y a des municipalités dans l'Ouest-de-l'Île qui ont un patrimoine très intéressant, aussi bien des vestiges des peuples amérindiens qui faisaient le... Tu sais, le grand chemin qui marche, il passe... D'ailleurs, le grand chemin qui marche, ça devrait être un chantier national en patrimoine. Ça, ça pourrait aider pour alimenter le plan d'action.

Mais ces municipalités-là sont maintenant confrontées avec des questions très complexes. Il y a le ministère qui peut appuyer un peu, mais il ne faut pas transférer ça directement à ces gens-là, ils vont être... Sur des cycles de quatre ans, qu'est-ce que vous pensez qu'ils peuvent faire? Ce n'est pas une question de mauvaise foi, c'est simplement que, si on faisait le tour... Puis on n'est pas tous compétents dans tous ces domaines-là, il y a des dimensions complexes, et, à notre avis, il faut être prudent. C'est pour ça qu'on proposerait plutôt des mécanismes de confiance. Comment confier? Est-ce que c'est des contrats de confiance? On a eu des contrats de ville, on a eu toutes sortes de contrats ces jours-ci. Moi, je ne veux pas embarquer tout ce qui circule autour du mot «contrat», mais, en quelque part, il faut identifier des pactes entre le porteur constitutionnel du devoir de protection et de mise en valeur du patrimoine qui est ici -- c'est en ces murs, c'est le gouvernement du Québec, et c'est officiel -- et des créatures qui en découlent, par exemple les administrations locales. Et, nous, on pense qu'il y a aussi de la place pour les MRC là-dedans. Les MRC ont peut-être une capacité de réunir des équipes professionnelles qui peuvent soutenir la prise de décision.

Et j'ai entendu tantôt une référence à la gestion des poignées de porte. On ne veut pas que l'action en patrimoine au Québec, ça se réduise à gérer des poignées de porte. Il y a peut-être une couple de poignées de porte, au Québec, qui ont besoin d'être mises au musée national des poignées de porte ou de je ne sais pas où, mais, pour nous, il faut trouver une façon de décanter ça d'une manière réaliste, et, présentement, on craint qu'on va juste ouvrir la trappe puis on va tout envoyer ça en bas. Confier, ce n'est pas pelleter. On veut confier, on ne veut pas pelleter, et c'est ça que ça nous amène à dire. Nous, c'est l'observation sur le terrain, hein?

Et en plus, au niveau de l'impôt, de la fiscalité, vous conviendrez avec moi qu'une bonne partie de la fiscalité, des ressources municipalités proviennent du foncier. Le foncier... Puis là je ne parle pas de patrimoine immatériel, tout ça, là. On sait que, dans le patrimoine immobilier, les lieux du patrimoine, souvent il y a des conflits. Ça crée des tensions, ça crée des frustrations, ça crée des colères, ça crée aussi des appétits. Alors, il faudrait trouver une façon de gérer ça. Est-ce que la loi ici peut créer des zones franches au niveau fiscal? On le voit dans certains projets de loi en Europe, il y a des traditions, on dit: Bon, par exemple, l'application des codes de construction sur les monuments historiques, elle est pondérée pour respecter le truc. Peut-être que la fiscalité peut jouer ce genre... C'est des éléments qui... est peut-être dans la loi actuelle d'une manière un peu embryonnaire. Peut-être qu'il y a lieu d'exploiter ça davantage, et ça pourrait aider à avoir plus confiance dans les municipalités, en plus de les aider pour avoir des équipes professionnelles qui sont à la hauteur du patrimoine qui est sur leur territoire.

M. Lehouillier: Mais je peux-tu risquer une dernière question, une autre question? Oui, j'ai encore du temps. Mais, concrètement, là, ce que vous avez dit là, c'est bien. Mais, concrètement, comment on fait pour s'assurer que les municipalités vont aller chercher cette expertise-là? Puis où elle est, cette expertise-là? Puis on donne-tu un mandat à Héritage Montréal, exemple, ou... Je vous pose la question parce que ça a l'air simple comme ça, mais ce que vous venez de dire là, c'est très complexe, et qu'est-ce que vous attendez d'amélioration du projet de loi par rapport à ça?

**(17 h 30)**

M. Bumbaru (Dinu): Bien, on pourrait installer, par exemple, dans le projet de loi ce mécanisme de pacte avec les administrations régionales et locales, mais... Ça, ça permettrait, d'une part, de clarifier le fait qu'il y a un devoir national sur le patrimoine. Puis, pour nous, le patrimoine local, là, ce n'est pas cette idée d'avoir des classes, là. Il y a eu assez ça dans certains pays du monde, de la ségrégation, essayons d'avoir une idée un peu globale, quelque chose qui a l'air très modeste à un endroit... Ils participent à la chanson de tout le monde, là, c'est une chorale, hein? Alors, est-ce qu'on pourrait imaginer introduire là-dedans un mécanisme qui permet, par exemple, au ministre de passer ce genre d'entente?

Dans les pouvoirs du ministre, il y a des éléments qui sont à la base qui pourraient être simplement amplifiés. Pour nous, la question de subvention juste dans les pouvoirs de la ministre, ce n'est pas suffisant, ça devrait être d'établir des mécanismes financiers et de soutien auprès des détenteurs du patrimoine. là. Parce que la subvention, c'est une phrase, là, c'est juste... S'il n'y a pas de subvention, c'est comme en dehors des pouvoirs. Il faudrait qu'on puisse négocier des pactes fiscaux ou... Bien, je ne le sais pas, là, je ne veux pas toucher des trucs des délicats. On entend souvent parler de ces... vous avez raison, c'est complexe. Mais, en quelque part, il faudra l'ouvrir, cette boîte-là, puis travailler avec.

Puis il y a plein d'endroits où ils ont fait une réflexion pour dire comment est-ce qu'on... En Angleterre, il y a 10 % du territoire qui est protégé. C'est un pays... Bon, on peut dire qu'ils ont peut-être des problèmes, là, mais ils n'ont pas momifié le pays. C'est dans une dynamique économique, des prises de décision se prennent tous les jours, toutes les semaines, et ils ont trouvé un système. Et il me semble, à notre avis, que, si on introduisait... Là, le sentiment, c'est qu'il y a un transfert tellement fort aux municipalités que le mécanisme de partage n'est pas clair. Et, nous, on l'avait suggéré dans le cas du mont Royal, à un moment donné est-ce qu'on pourrait avoir un pacte pour confier un mandat d'intérêt national dans l'application d'un statut à une administration locale selon certains termes? Et «certains termes», bien ça veut dire qu'on peut vérifier si les termes sont livrés, et on introduirait là-dedans aussi des mécanismes de concertation un petit peu.

M. Lehouillier: Est-ce qu'il reste encore...

Le Président (M. Marsan): C'est terminé, M. le député de Lévis. Nous vous remercions. Ceci termine ou complète l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au député de Drummond, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Bien le bonjour, monsieur. Fort intéressant exposé, coloré. Ça fait du bien en cette fin d'après-midi, ça nous repeppe. Et je n'irai pas très loin dans le mémoire, je vais cependant mentionner qu'il m'a frappé comme étant la rencontre entre une expertise et une articulation franchement exceptionnelles et aussi beaucoup de dévouement et de passion pour le sujet, et je pense que ce sont les ingrédients qui font un bon exercice de patrimoine et qu'une loi ne peut jamais pleinement refléter parce que, par nature, c'est un peu froid.

Cela dit, avant de confier les rênes à mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques qui a des questions, moi, je vais vous amener sur un point précis seulement, une résolution qui est en annexe de votre mémoire, la résolution 2010-05 sur la mise en valeur du patrimoine religieux et institutionnel de Montréal, et je vous la lis:

«Considérant l'importance des bâtiments et des sites du patrimoine religieux et institutionnel dans l'identité et dans le paysage vivant de la métropole et de ses quartiers et les pressions ou l'abandon auxquels ils sont de plus en plus exposés;

«Considérant que le gouvernement du Québec et la ville de Montréal, malgré leurs engagements, ne semblent pas avoir adopté ni publié de stratégie intégrée pour faire face aux menaces et aux défis qui pèsent sur ce patrimoine comme le démontre le traitement à la pièce de plusieurs dossiers dont celui de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus à Maisonneuve et de son patrimoine artistique majeur -- entre parenthèses -- peintures orgues.

«L'assemblée générale des membres d'Héritage Montréal demande que le gouvernement du Québec tienne des consultations spécifiques, adopte et mette en oeuvre une stratégie nationale et transparente sur le patrimoine d'origine religieuse comprenant la publication des critères d'évaluation patrimoniale et des mesures incitatives pour amener [à] soutenir des projets respectueux des valeurs patrimoniales de ces biens.

«[Deuxième trait,] que la ville de Montréal se dote d'une stratégie semblable dans le cadre de la mise à jour de son plan d'urbanisme et de politique du patrimoine.»

La question est fort simple: Avez-vous eu une réponse?

M. Bumbaru (Dinu): On la propose dans le plan d'action qui compléterait ceci. Alors...

M. Blanchet: Est-ce que vous avez acheminé la résolution?

M. Bumbaru (Dinu): Bien, les résolutions sont... Est-ce qu'elle a été acheminée, celle-ci? Je pense qu'on s'est concentrés sur le Stade Molson. Vous savez, c'est peut-être moins spectaculaire parce que les Alouettes ont gagné. Mais, des fois, quand on perd, on est plus sensible, là. Mais le Stade Molson, c'est une installation qui a dénaturé un paysage qui avait été gagné de haute lutte avec des investissements publics pour enlever un échangeur d'autoroute, pour avoir un accès plus humain. Puis on a mis des gradins parce que les calculs d'impacts visuels et patrimoniaux n'avaient pas été faits peut-être comme ils auraient dû l'être, et je pense qu'on est tous en train d'apprendre.

Dans le cas du patrimoine religieux, vous pouvez l'imaginer bien, la question, depuis longtemps, c'est pour ça qu'on aimerait qu'il y ait des rapports... Puis je peux vous dire, je ne pense pas qu'on ait reçu de réponse spécifique à cette résolution, mais on a préféré, plutôt que de... On a vu les chantiers qui s'ouvraient ici, la consultation générale. Pour nous, c'est l'endroit d'apporter cet élément parce qu'on espère qu'il ait une conséquence plus utile, et les mêmes choses se font du côté de la ville de Montréal.

Mais, pour nous, un dossier comme le patrimoine religieux, ça fait 20 ans qu'on sait que c'est un... La vague s'en vient. J'ai entendu récemment quelqu'un qui nous disait qu'on va voir à l'avenir... les historiens vont regarder ce qui se fait ici comme le transfert de la sphère sacrée à la sphère civile d'un important pan de notre patrimoine. Et c'est un mégasystème de patrimoine, ce sont des lieux, des bâtiments, des archives, des mémoires, des noms. C'est une grande sphère, puis je pense qu'il faut le voir comme un éconosystème avec toutes sortes de composantes.

Et on sait que c'est un truc... Vous savez, en Europe, là... Tout le monde dit: Ah! l'Europe, c'est formidable, ils ont nationalisé leurs églises. Le journal La Croix, il y a quelques semaines, sortait un article dans lequel il disait: Paris est débordée. Bordeaux est débordée. Lyon est débordée. Nantes est débordée. Marseille est débordée. Ils ne sont plus capables de gérer ça. Alors, comment est-ce qu'on va faire si on n'a plus la France comme modèle? Alors, pour nous, ça devrait être dans le chantier. On demandait la transparence sur les critères. Parce que c'est une chose que nous avions amenée à la Commission sur la culture -- à l'époque, elle s'appelait ainsi -- dans le cadre de son mandat d'initiative sur le patrimoine religieux. C'était très important que les justifications... Si on accepte que les autorités prennent des décisions, c'est important que les décisions soient compréhensibles. Ça ne veut pas dire que les décisions doivent être tributaires de l'opinion du plus grand nombre selon les formules statistiques, ça peut être des décisions courageuses qui sont des décisions d'avant-garde sur le nom de la responsabilité publique. Nous on l'accepte, mais on aimerait ça savoir les bases... Et il y a beaucoup de hiérarchisation du patrimoine religieux, là. Les abc qu'on retrouve sur les inventaires, les critères ne sont pas clairs. Ils ne l'étaient pas à l'époque, ils ne le sont toujours pas. Alors, ça serait vraiment utile qu'on mette ça transparent.

Mais, nous, ce qu'on propose maintenant, c'est que, sur la base de cette résolution-là... Puis c'est pour ça qu'on l'a mise dans le mémoire. Vous savez, ce sont des choses qui sont sur l'Internet, mais ce n'est pas tout le monde qui va sur l'Internet. Mais on a dit: On va le mettre dans le mémoire avec les autres résolutions depuis celle de 2004 aussi. Ça devrait faire partie du plan d'action. Au lieu d'essayer de rentrer le patrimoine religieux ou n'importe quelle sorte de patrimoine dans la loi, c'est des enjeux qui méritent une stratégie. Est-ce que ça peut se développer? Nous, on trouve que c'est un travail qui devrait se faire avec la population, mais d'une manière organisée.

C'est de la capitainerie, là, on s'enligne dans... La rivière passe par un chemin étroit, le chenal est difficile. On connaît un peu les écueils qui s'en viennent. On n'a peut-être pas assez pris la mesure du sol ou du fond du tirant qu'on a, mais il faut trouver une façon de guider la société québécoise à travers ça. Et ça, c'est un élément qui est un grand défi parce qu'on a aidé à restaurer ça, il y a eu énormément d'engagement citoyen. C'est un modèle d'intérêt planétaire. Vous savez, le conseil... l'exercice québécois en matière de patrimoine religieux, nous autres, on en parlait avec le Saint-Siège, avec les gens dans la sphère musulmane, la sphère en Asie, les grandes religions d'Asie, et ils trouvent ça formidable que les confessions travaillent ensemble et qu'il y ait un modèle semblable.

Aux Pays-Bas, il y a eu un débat au Parlement qui s'est traduit par l'établissement transparent des barèmes qui permettent au gouvernement d'intervenir avec un cadre solidarisé avec son assemblée élue. Alors, c'est des choses sur lesquelles, nous, on pense qu'il y a un peu de travail à faire. Les bases sont bonnes, mais il faudrait l'intégrer dans le plan d'action puis ne pas attendre cinq ans pour le faire. Peut-être qu'on peut se donner un 12 mois puis avoir déjà une première structure là-dessus. Il y a énormément de choses qui ont déjà été faites.

Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Oh! Oui, excusez.

M. Blanchet: ...je pourrais ne pas avoir eu raison et je ne suis sûrement pas le seul à l'avoir dit, mais, effectivement, dans les remarques d'ouverture, j'avais mentionné que le patrimoine... la période serait considérée par les historiens comme celle où le patrimoine religieux aurait été approprié par la société civile.

M. Bumbaru (Dinu): Bien là faites attention à ce que vous dites, ça peut être entendu.

M. Blanchet: Bien oui, je vois bien ça.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Drummond. Maintenant, la parole est au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

**(17 h 40)**

M. Lemay: Merci beaucoup, M. le Président. M. Bumbaru, c'est toujours un plaisir. Je pense que vous ameniez l'exemple de Parcs Canada. Vous pouvez amener l'exemple de Parcs Canada parce qu'à certains égards c'est un bel exemple. C'est un organisme qui a des budgets, qui a une expertise. Moi, j'envie beaucoup Parcs Canada en termes... Je pense que ce n'est pas parce que c'est du Canada que c'est nécessairement mauvais, au contraire. Mais Parcs Canada, particulièrement en ce qui concerne le patrimoine, pour moi, est un exemple. Et je rêve du jour où on va, tous gouvernements confondus, là, je rêve du jour où on va assumer cette fameuse identité autrement que par des discours parce qu'ultimement l'identité, c'est aussi ce dont on parle depuis plusieurs semaines.

Il y a plusieurs choses qui sont... Vous avez dit, évidemment, plusieurs choses intéressantes, mais il y en a une qui revient constamment, et je vais partager avec vous une grande inquiétude que j'ai. Si nous avons salué le fait que le gouvernement veuille déposer cette loi-là... Je pense qu'il faut le saluer. 300 articles, ce n'est pas une mince tâche. Mais ce qu'on pourrait appeler, là, de façon très prosaïque l'inventaire, l'inventaire des bâtiments, des paysages, les gens nous ont parlé beaucoup de ça, et à juste titre, d'ailleurs. On parle de patrimoine religieux, un magnifique édifice sur Fullum sera peut-être vendu, l'ancienne maison mère des Soeurs de la Providence. L'extérieur est beau, là, mais, l'intérieur, il y a un escalier de bois qui est... il n'y en a pas un autre à Montréal qui est beau comme ça, la chapelle. Alors, le bâtiment, c'est une chose, c'est des chambres, ça peut éventuellement être transformé, mais, à l'intérieur même de cet immeuble-là, vous avez des trésors. Alors, quand on parle... C'est non seulement un bâtiment qui a trois étages, des corniches, et tout ça, c'est à l'intérieur aussi quelquefois. Il y a une pièce, une oeuvre d'art qui est un trésor national.

Donc, l'inventaire... Et là vous dites qu'il y a 15 000 biens, ou à peu près, là, 10 000, 12 000, 15 000 biens classés ou répertoriés. Il y en a quoi, 60 000, 100 000? Alors, on commence où avec ça, là, on... Avec les gens d'Héritage Montréal, avez-vous dégagé des pistes de priorité, de... Il faut commencer en quelque part, là. Parce qu'il y a une nouvelle loi, donc il faut retravailler à ça très rapidement, là. Comment vous voyez ça?

M. Bumbaru (Dinu): Est-ce qu'on pourrait commencer par créer un inventaire national, vous savez, puis on l'alimente constamment, puis il y a un mécanisme d'intégration qui soulage les ministres de la charge... Enfin, ça peut être une plaie, hein, juste de signer des décrets, là. Enfin, je ne sais pas, mais peut-être... Je ne veux pas parler au nom de la ministre, mais il me semble qu'il y a moyen d'utiliser mieux les talents des personnes dans cette fonction-là, et, vous voyez, il y a peut-être un travail à faire de ce côté-là. On est dans le patrimoine culturel. Il faut ne jamais oublier une chose, c'est que la culture, c'est comme la planète, elle continue de tourner. La nature, c'est un peu différent. Si on faisait l'inventaire naturel du Québec, on peut imaginer un jour... Quoique les changements climatiques transforment la nature d'une manière qu'on n'avait pas prévue, mais, théoriquement, on pourrait imaginer qu'un jour on aura décrit le Québec au niveau naturel, son sol, ses espèces, son hydrologie, mettons, par exemple. Mais, au niveau culturel, qu'est-ce qui dit que... Tu sais, il y a quelques années, personne ne se préoccupait de patrimoine industriel, aujourd'hui c'est beaucoup plus naturel. Il y a quelques années, le patrimoine, c'était ce qui était très ancien. Il y a quelques années à peine, Mme la ministre a classé Habitat 67, puis, je pense, tout le monde est heureux de ça. Alors, il ne faut pas arrêter le temps dans le domaine du patrimoine culturel. Alors, qu'est-ce que ça veut dire...

M. Lemay: Mais ça augmente, M. le Président, ça augmente d'autant plus le besoin d'un inventaire parce que ce n'est effectivement plus juste des maisons, disons, du XVIe ou du XVIIe siècle.

M. Bumbaru (Dinu): Du XVIe, il y en a peu, rassurez-vous.

M. Lemay: On s'entend.

Une voix: ...

M. Lemay: J'espère, en tout cas.

M. Bumbaru (Dinu): Bien, je pense qu'il manque quelques pierres. Mais c'est peut-être une chose qu'il faudrait faire, c'est de distinguer l'inventaire du patrimoine et les actions qui interpellent, par exemple, les pouvoirs publics, qui interpellent les fonds publics, qui interpellent certains pouvoirs législatifs particuliers. Je vous donne un exemple. La France et l'Allemagne sont des pays voisins. La France a un inventaire d'à peu près, je ne sais pas, 60 000, 70 000 biens classés. C'est un système qui correspond beaucoup à notre tradition législative au niveau de patrimoine. L'Allemagne, c'est 1 million, et ça a été soulagé pas mal de son patrimoine par certains dictateurs, par l'armée rouge, la Royal Air Force et puis la US Army. Ça, ça a fait pas mal de ménage. Ils en ont 10 fois plus. Pourquoi? Parce qu'ils ont dit: On va avoir un inventaire qui a une nature scientifique, qui décrit l'État, tu sais, qui décrit le génome de l'Allemagne à travers son patrimoine, les lieux historiques, les bâtiments, les éléments de structure de paysages. Et c'est constamment en train d'évoluer parce que le secteur qui décrit ça évolue. Que ce soient les associations ou les universités, les secteurs de la recherche, ils identifient plus de choses.

Mais, par contre, cet inventaire sert de base pour ensuite établir des stratégies qui sont des stratégies du gouvernement, des länder qui leur permettent d'identifier les priorités, c'est pour telles choses. Les législateurs se voient soumis des textes s'il y a lieu, mais il y a un repérage constant qui est fait. Et c'est peut-être cette nuance-là qui mériterait d'être établie. On a un réseau universitaire qui peut aider à faire la grande base de connaissances. À notre avis, il ne faudrait pas négliger la société civile parce que, dans beaucoup de régions, ce ne sont pas des académiciens qui connaissent le patrimoine, ce sont les gens de terrain, c'est les familles, les sociétés d'histoire, les comités de citoyens qui, par curiosité, ont développé une connaissance. Alors, ça, c'est un élément.

Mais, dans le cadre de la loi, peut-être qu'on pourrait donner à la notion du registre qui est présent... Puis, à notre avis, c'est très utile, la façon dont c'est décrit là, là. L'idée d'un registraire, là, c'est formidable, ça, entendons-nous. Et peut-être que ça pourrait être un lieu de réception des suggestions, des propositions, comme ça se fait dans plusieurs... pour qu'on fasse un croisement avec les traditions démocratiques d'aujourd'hui. Vous savez, à travers les nouvelles technologies de l'information, là, les gens créent une géographie tous les jours sur l'Internet du monde. Alors, peut-être qu'on pourrait en tirer une certaine leçon.

M. Lemay: J'aurais une question technique, monsieur...

Le Président (M. Marsan): Allez-y.

M. Lemay: Et c'est M. Bumbaru qui nous l'a apporté, moi, en tout cas, ça m'avait échappé. Toponymie, c'est vrai, ça relève de qui, ça? Est-ce que c'est chez vous? Est-ce que...

Une voix: Oui.

M. Lemay: C'est chez vous aussi. Est-ce que c'est la même... C'est ailleurs, dans un autre...

Une voix: La Commission de toponymie.

M. Lemay: La Commission de toponymie, qui est sous un autre... O.K. Alors, effectivement, c'est une bonne question à voir.

L'autre question, c'est: Quand j'ai lu le projet de loi la première fois, c'est effectivement l'idée que je me suis faite parce que vous avez dit: La confusion des rôles, et tout ça, et plusieurs nous ont partagé... Et l'UMQ aussi, là, a dit: On n'est pas sûrs, là, pour accepter tous ces nouveaux pouvoirs là, d'avoir la compétence, et tout ça, les ressources financières surtout, parce que c'est toujours ça, le débat. Comment vous voyez... Parce que ça a aussi un bon côté que les municipalités, les régions prennent en charge une certaine gestion de ce domaine-là sur leur propre territoire, mais, effectivement, comment avoir les ressources, et tout ça, ça, c'est une autre question. Mais comment avoir... Parce que plusieurs nous l'ont dit aussi, comment, à un moment donné, organiser tout ça? Parce que la loi est adoptée demain et elle rentre en vigueur deux semaines après, comment tout ça va s'articuler, va s'organiser, que rien ne va tomber entre deux chaises, que, bon... Alors, je ne sais pas si vous avez réfléchi à une certaine manière de faire en sorte que tout ça soit organisé. Parce qu'un texte de loi, c'est une chose, comment l'organisation va se faire après, c'est une autre chose.

M. Bumbaru (Dinu): Bien, il y aura certainement beaucoup de formation à faire. Les élus aussi... Tu sais, s'il y a une période de transition, l'entrée en vigueur de la loi va amener... Les élections municipales, maintenant, sont synchronisées, donc il y a une capacité de planifier les choses peut-être un petit peu mieux, former le personnel où est-ce qu'il est. Est-ce qu'il y a un rôle pour les MRC dans ce contexte-là? On sait que, dans certaines circonstances, elles peuvent être très utiles, mais, parfois, les relations sont difficiles entre l'administration locale et régionale, tu sais, on... Et, nous, on se sent dans une situation un peu particulière parce que, sur le territoire premier de notre action, bien on a arrondissement, ville, agglomération, communauté métropolitaine, MRC, etc. Alors, tu sais, il faut vraiment...

Mais je pense que, de notre point de vue, ça va être beaucoup par la formation et comprendre dans le programme de formation et d'information pas juste la fonction publique et la fonction politique, la fonction civile, hein? Les associations, intégrons-les à... pour que ces gens-là comprennent leur rôle futur en relation avec les administrations municipales parce que, sinon, on va se retrouver à instaurer un système de guerre de clocher en tranchées localement, puis ça va créer... On voudrait avoir une meilleure paix autour du patrimoine pour le découvrir plutôt que de toujours le craindre.

**(17 h 50)**

M. Lemay: ...vous dire, M. Bumbaru, que, entre autres, les communautés religieuses, hier, c'est ce qu'ils sont venus nous dire, là. Elles aussi, les communautés, dès que... Ils ne savent plus, là, ils mettent à vendre, pas à vendre, qu'est-ce qu'ils vendent, qu'est-ce qu'ils ne vendent pas. Les communautés aussi, ils ont hâte de voir clair dans tout ça, là, parce que, dès qu'il y a quelque chose de mis en vente, là c'est, évidemment, très souvent je ne dirais pas une levée de boucliers, mais là ça prend souvent de l'ampleur et...

M. Bumbaru (Dinu): On se rend compte, à travers des cas comme ceux-ci, que la dimension immatérielle est aussi... il y a un lien avec l'usage. Et on a eu tendance à croire que l'usage était un élément juste de fonctionnalité, alors que, des fois, il a une valeur d'attachement qui est importante. Une loi est froide, mais...

Une voix: ...

M. Bumbaru (Dinu): Je m'excuse. Bon, alors... Non, mais je voulais dire, sur la question des... peut-être que c'est une façon de réfléchir aussi aux... Les outils d'aménagement du territoire qui sont supposés prendre le relais sur ces questions d'usage, nous, on a une opinion différente qu'on a mise là-dedans, là, mais, au moins, il faudrait avoir une stratégie de transfert qui soit plus claire. Nous, on pense que ça doit être basé sur la confiance. Bien, la confiance, ça s'écrit. Ça se décrit, et ça s'écrit, et ça se signe. Et, après ça, mettons en place également le mécanisme biennal pour qu'on puisse anticiper déjà qu'il va y avoir des corrections de tir, là. Ce n'est pas une retraite en pagaille qu'on fait. Au contraire, c'est qu'on est en train de partager les responsabilités. C'est des thèmes qui sont présents dans la discussion depuis 15 ans, une responsabilité partagée... Puis le projet de loi amène des propositions là-dessus, mais on voudrait avoir des mécanismes de suivi un petit peu plus clairs, un plan d'action dans lequel cette responsabilisation du monde municipal sera mieux éclairée. Puis on comprend que le texte de loi ne peut pas tout amener ça, mais il faudrait qu'on ait quelque chose... La partie B, là, ça nous... Ce n'est pas le plan B, là, c'est la partie B que ça nous prend pour mieux comprendre ça et savoir comment est-ce que, nous, on peut contribuer au succès de cet exercice, là. On n'a pas passé 25 ans à essayer de travailler là-dessus pour que ce soit un échec.

M. Lemay: ...

Le Président (M. Marsan): D'accord.

M. Lemay: Merci, M. le Président...

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Dinu Bumbaru. Merci beaucoup pour nous avoir donné le point de vue d'Héritage Montréal.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 15 février 2011, à 10 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci, et bon retour.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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