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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Wednesday, June 12, 1974 - Vol. 15 N° 89

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du mercredi 12 juin 1974

(Dix heures dix minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Avant de compléter les questions des membres de la commission aux représentants de la Ligue des droits de l'homme, j'aimerais aviser la commission de certains changements: M. Kennedy remplace M. Bérard; M. Springate remplace M. Lapointe; M. Tardif remplace M. L'Allier; M. Ciaccia remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard remplace M. Phaneuf.

Je pense que nous pouvons continuer. La parole, hier, au moment de la suspension des travaux, avait été accordée au député de Laporte, et je l'invite à poser ses questions aux représentants de la Ligue des droits de l'homme.

Ligue des droits de l'homme (suite)

M. DEOM: M. le Président, je reprends la question que j'avais commencé à formuler hier soir, et cela traite de la modification de la recommandation, à la page 3, section V, concernant la langue de travail, dans laquelle la Ligue des droits de l'homme propose de décréter des mesures de francisation uniformes pour toutes les entreprises.

Je demandais à la Ligue des droits de l'homme comment elle entendait procéder pour appliquer des mesures de francisation uniformes et je donnais trois exemples. D'une part, la compagnie de papier Rolland, qui est une entreprise francophone exploitant une usine en Ontario et deux usines au Québec, avec siège social à Montréal, par rapport à une autre entreprise dans le même secteur, qui est Soucy de Rivière-du-Loup, qui a un marché plutôt régional. Un autre exemple est la Banque Royale du Canada qui fonctionne au niveau international, et dont le siège social est à Montréal, par rapport à la Banque Provinciale qui a un marché presque exclusivement provincial; et, enfin, finalement, dans un autre secteur, celui des véhicules automobiles, le cas de General Motors, à Sainte-Thérèse, par rapport à Bombardier. Est-ce qu'on peut appliquer, à ce moment, des mesures de francisation uniformes et est-ce que des transferts linguistiques, comme on les a appelés, peuvent être faits au même niveau hiérarchique?

M. CHAMPAGNE: On pourrait faire une très longue réponse à cette question et entrer dans le détail d'études relevant de devis techniques, au fond. Mais je vais vous faire une réponse plutôt en retournant la question au gouvernement, et en demandant quelque chose de très précis qui relève de la nécessité de l'Etat de satisfaire au droit à l'information en certaines circonstances.

Quant à la question que soulève le député Déom, je pense que le gouvernement est bien placé pour savoir qu'on a beaucoup de réponses dans deux études qui ont été faites dans le cadre des travaux commandés par l'Office de la langue française: une étude de programmes d'implantation du français dans les entreprises et une étude sur les coûts de la francisation.

Nous demandons au gouvernement de rendre publiques ces études. Cela faciliterait beaucoup plus les débats actuellement et nous comprenons mal que ces études n'aient pas encore été rendues publiques. Cela faciliterait, je crois, la compréhension de la dynamique sociale, de la dynamique actuelle. En me référant aux propos du ministre de l'Education hier, je pense qu'il y avait là une donnée importante de dire: Le gouvernement tient compte de la dynamique actuelle de la société. Je crois que ces études sont très importantes et il serait très avantageux de les connaître actuellement.

Le président de l'Office de la langue française a fait allusion à de telles études récemment et, ce qui ressortirait de ces études, c'est justement le fait que cela n'est pas un problème de coût. Cela n'est pas un problème technique, mais c'est un problème politique.

M. CLOUTIER: M. le Président, je m'excuse de parler quand cela n'est pas mon tour, mais devant une question précise, je n'ai pas objection à apporter une réponse tout aussi précise.

Ces études ont été faites à ma demande et sous ma direction immédiate et ont servi, parmi de très nombreuses autres études, à permettre au gouvernement d'adopter les positions qu'il a adoptées dans la loi 22.

Je n'ai aucune objection à les rendre publiques lorsque le moment sera venu. En fait, j'ai l'intention, au cours de l'étude en commission plénière, de mettre à la disposition de la commission tous les éléments qui nous servent actuellement à établir des analyses au sein de l'entreprise en vue d'une refrancisation.

Dans mes remarques préliminaires, j'ai clairement indiqué qu'il était important, pour bien comprendre la signification du projet de loi 22, de tenir compte des structures qui ont été mises en place préalablement.

Quant à l'étude des coûts, elle est imcom-plète et je ne crois pas qu'il soit actuellement opportun de la rendre publique. De toute façon, je n'ai pas objection à dire que les coûts ne sont pas très élevés, que le problème ne se situe pas à ce niveau et il ne s'est jamais situé à ce niveau pour le gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. SAINT-LOUIS: Vous me permettez d'ajouter quelque chose?

M. CHARRON: Oui.

M. SAINT-LOUIS: On devra aussi se référer à certaines expériences faites dans d'autres pays, notamment dans les pays européens. C'est ainsi qu'en Suisse il y a une loi qui veut que la moitié ou les deux tiers des cadres d'une entreprise doivent être suisses. Ce qui permet quand même, disons donc, la francisation, notamment pour le canton de la République de Genève, de se faire à l'intérieur d'une entreprise.

M. CHAMPAGNE: C'est dans ce sens que nous croyons que des choses fondamentales pourraient être faites.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais reprendre, avec M. Champagne, une partie de l'échange qu'il a eu hier soir avec le chef de l'Opposition et qui portait sur cette disctinction sur laquelle a travaillé la Ligue des droits de l'homme entre le droit collectif et le droit individuel, les ressemblances et les distinctions qu'on peut porter entre les deux droits. J'admets la qualité de la réponse fournie dans le mémoire et j'aimerais la voir précisée, en demandant à M. Champagne et à ses collègues si, â leur avis, le gouvernement du Québec suivait ce qui a été retenu dans d'autres cours, par exemple, la Cour européenne des droits de l'homme ou ailleurs et affirmait carrément considérer la langue comme un bien collectif et, en ce sens, que les droits, qui y sont attachés, deviennent prioritaires. Est-ce que, si le gouvernement du Québec avait pris cette position, ce n'est pas celle qui est au projet de loi 22, mais s'il avait pris cette position, est-ce qu'en ce sens le gouvernement du Québec aurait fait rupture avec une tradition québécoise aux yeux de la Ligue des droits de l'homme, en insérant, pour la première fois peut-être dans notre vie collective, la notion de droit collectif, ou si, à votre avis, il y a déjà des précédents dans l'histoire québécoise en d'autres domaines qui pourraient nous apparaître comme guides pour justement considérer la langue comme un bien collectif et donc d'intervenir avec la notion moderne de droit collectif? En fait, dans toute cette philosophie qui est à la base du mémoire de la ligue qui est d'une excellente qualité, est-ce qu'on propose aux Québécois et à leur gouvernement une bifurcation dans la façon traditionnelle de concevoir les droits au Québec, ou si on propose simplement d'utiliser ce qui a déjà été présenté auparavant?

M. CHAMPAGNE: Si vous permettez encore, je me référerai aux propos du ministre

Cloutier hier, parce que je pense qu'il a dit des choses très importantes dans la façon de situer le problème. Je reviendrai à la distinction qu'il a faite entre les préoccupations du gouvernement qui touchent une société actuelle, réellement établie qui porte de tels types, et la société idéale. Nous ne croyons pas qu'un gouvernement, surtout un gouvernement qui a les moyens dont dispose le gouvernement actuel, devrait privilégier le statu quo. Il me semble qu'il est du rôle de l'Etat de faire évoluer notre société d'une façon positive et dans le sens, justement, de la question que pose le député de Saint-Jacques. Il faut reconnaître que, traditionnellement, les droits individuels et les droits collectifs ont été interprétés d'une façon souvent fausse et qu'ils donnent lieu chez nous à un débat qui est encore très faux dans le sens suivant. Quand on parle de droits collectifs, pour beaucoup, on jette l'épouvantail d'une société devenue socialiste à l'extrême, marxiste, etc. Il y a peut-être des raisons de craindre cet épouvantail dans la société québécoise, parce qu'il faut dire qu'il y a beaucoup de gens, de pseudo-intellectuels de gauche ou autres qui ont improvisé chez nous des notions marxistes ou autres et que cela ne nous a pas profité toujours. Par ailleurs, je pense que nous sommes accrochés à l'extrême à un concept de société libérale où la notion de droit individuel est plutôt fausse, et nous croyons qu'il doit y avoir une évolution sur ce plan dans le sens que l'on reconnaisse que, dans une société, le comportement des individus est toujours tributaire de l'organisation sociale. Ce n'est pas une question d'idéologie pour nous.

Avoir telle idéologie sociale...

M. CHARRON: Je m'excuse auprès de M. Champagne.

M. CHAMPAGNE: Oui.

M. CHARRON: Je veux entendre sa réponse et, depuis tout à l'heure, il y a deux ministres en face de moi qui discutent constamment et qui m'empêchent de saisir la réponse. Je pense que le ministre de l'Education aurait intérêt également à écouter le mémoire de la Ligue des droits de l'homme.

M. CLOUTIER: M. le Président, je tiens à souligner que je n'ai pas de leçon à recevoir du député de Saint-Jacques et je lui conseillerais de s'occuper de ses propres affaires.

M. CHARRON: Si vous voulez discuter, je vous prie de vous retirer, parce que cela m'empêche de comprendre.

M. CLOUTIER: II est parfois nécessaire, M. le Président, quand on a la responsabilité d'une commission, de faire des consultations avec ses collègues.

M. CHARRON: De passer des commentaires sur la qualité des gens qui témoignent pendant qu'ils témoignent, avoir le moindrement de déférence, c'est de les écouter, vous garderez vos commentaires pour la fin.

M. CLOUTIER: Je répète, M. le Président, que je ne tolérerai pas que le député de Saint-Jacques, avec sa grossièreté habituelle, se permette ce genre de remarque.

M. CHARRON: Je vous en prie, M. Champagne, reprenez.

M. CLOUTIER: Foutez-moi la paix!

M. CHAMPAGNE: Nous croyons donc, pour résumer ce premier aspect, qu'il y a une saine évolution que ce gouvernement pourrait amorcer dans notre société...

M. BEAUREGARD: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander au chef de l'Opposition d'écouter également?

M. CLOUTIER: ... ce petit crétin...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHAMPAGNE: ... et prolonger sous certains aspects pour qu'on cesse d'établir un fossé entre les droits individuels et collectifs. Pour nous, ça ne se sépare pas, la reconnaissance des droits collectifs n'est pas une idéologie. Les droits collectifs sont des droits naturels et, liés aux droits collectifs, il y a les conditions sociales d'exercice des droits des individus. Je vais reprendre un exemple ici, dans un domaine que nous connaissons bien et qui est un des domaines les plus pitoyables dans notre société qui se dit juste. Il est illusoire de parler des droits des personnes âgées au Québec, comme individus, aussi longtemps que nous n'aurons pas de politique de la personne âgée qui fasse que ces individus seront respectés dans toutes sortes de secteurs. Je passe le détail de l'énumération. C'est la même argumentation que nous faisons au niveau des droits linguistiques. Il est impensable de croire que les individus pourront vivre en français, se développer en français, s'il n'y a pas des conditions sociales, des droits collectifs qui sont reconnus. Et là, on pourrait évoquer toute la situation des noirs aux Etats-Unis, par exemple; on a passé des lois qui assuraient la reconnaissance de certains droits individuels, mais parce qu'on n'a pas légiféré au plan collectif, parce qu'on n'a pas assuré des conditions sociales, des politiques qui pouvaient avoir un effet d'entraînement, ces choses sont restées lettre morte.

Deuxième partie de la réponse, j'en viens aux exemples. Notre société qui veut être une société libérale, traditionnelle, joue comme elle le veut avec la notion de droits collectifs et de droits individuels. Quand ça fait notre affaire, on invoque le bien commun et on dit: Voilà, les individus ont des obligations; et quand ça fait notre affaire, on fait le contraire, on dit systématiquement autre chose. Nous croyons, dans ce cas, avoir souligné dans notre mémoire, à la première partie, à la page 5, quantité de réalisations au Québec, surtout dans les quinze dernières années, qui montrent l'importance qu'on a accordée aux droits collectifs. Quand on a nationalisé des entreprises chez nous, au nom de quoi l'avons-nous fait, si ce n'est pas au nom des droits collectifs? Je pense à la nationalisation de l'électricité, je pense à ce qui s'est passé dans les services de santé, dans les services de l'éducation.

Quand nous avons fait la réforme de l'éducation et que, du jour au lendemain, nous avons imposé à notre société la disparition des collèges classiques, par exemple, qui étaient des institutions privées qui existaient depuis 100 ans et au-delà, au nom de quoi l'avons-nous fait, si ce n'est pas au nom des droits collectifs?

Quand, dans les programmes de bilinguisme, au niveau de la fonction publique fédérale, on oblige pendant un certain laps de temps les individus à s'adapter à apprendre le français pour pouvoir garder leur fonction, pour pouvoir l'accomplir comme le gouvernement le souhaite, qu'est-ce qu'on fait, si ce n'est que limiter les droits individuels ou demander aux droits individuels de s'adapter à des critères supérieurs relevant de l'exercice des droits collectifs?

Je pourrais continuer longtemps cette énumération et c'est pour cela qu'il nous étonne tellement que, quand il s'agit de la langue qui est le bien collectif peut-être le plus important pour les Québécois à ce stade-ci, on ne veuille plus maintenir le discours, on ne veuille plus reconnaître la prééminence des droits collectifs.

M. CHARRON: Une autre question, M. le Président, à M. Champagne; celle-là touche certaines dispositions précises de la loi 22 et, je crois, certaines dont vous avez demandé le rappel. Je crois que, sur ce point particulier, l'avis de la Ligue des droits de l'homme peut être très intéressant pour la commission. Il s'agit de la langue des tribunaux. Dans toutes les sociétés, la langue officielle d'une société est également la langue des tribunaux de la société. Je crois que l'exemple qu'on a donné du Manitoba n'a jamais été contredit; le Manitoba a légiféré en deux articles sur la langue officielle devant s'appliquer chez lui et cela voulait dire que tous les tribunaux allaient employer la langue de l'Etat provincial du Manitoba, donc l'anglais.

Ici, le gouvernement n'a pas voulu modifier l'article 133; donc, il est soumis encore une fois au bilinguisme des institutions judiciaires. Sur ce chapitre d'une espèce de normalité entre le décret d'une langue officielle et la conséquence que cela doit porter dans la langue des tribunaux, quel est l'avis de la Ligue des droits de

l'homme? Et deuxièmement, pour que le justiciable ne soit pas en quelque sorte pénalisé de l'établissement d'une langue officielle, quel qu'il soit, quelque Québécois que ce soit, comment pouvons-nous concilier l'établissement du français comme langue officielle, donc langue des tribunaux, et en même temps le respect intégral de chacun des citoyens québécois à la justice, à être jugé de façon adéquate?

Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas d'organisme mieux placé que la Ligue des droits de l'homme pour nous donner son avis.

Finalement, troisième question: Puis-je vous demander votre avis très particulier sur la façon dont le gouvernement a voulu contourner le problème dans le projet de loi 22 et sur cet article 16, au caractère un peu loufoque, du projet de loi qui oblige le ministre de la Justice à fournir des versions de jugements rendus dans une langue qui n'est pas la langue officielle du Québec?

M. CHAMPAGNE: La question de la justice évidemment, comme beaucoup d'autres, est très complexe face à toutes les modalités d'application que nous pouvons envisager. Il y a des choix à faire. A ce titre, et j'insiste là-dessus pour dire comment, justement, à notre avis, dans le domaine des droits de l'homme, rien n'est établi en principe. Il y a des droits fondamentaux qui sont établis en principe, le droit à la vie, mais il n'y en a pas beaucoup qui sont donnés dans l'absolu et qui ne demandent pas une renégociation selon les circonstances.

Dans ce cadre, je dirais que — et nous en avons beaucoup parlé, nous en avons discuté abondamment avec le Barreau — les droits individuels sont très importants devant les tribunaux. Souvent, c'est une situation où on doit mettre l'individu dans la situation la moins risquée possible et la plus protégée possible. Cela pourrait vouloir dire, comme modalité, les services d'interprètes assurés à des individus. C'est une modalité qu'on peut envisager.

Quant à la traduction des jugements, qu'il y ait une traduction des jugements dans un système où il y a quand même des relations importantes au niveau des tribunaux, au niveau des recours à des instances suprêmes d'ordre fédéral, des études qui seront faites à un moment donné, des consultations de jugements, etc., nous n'aurions pas, en principe, objection à ce qu'il existe des traductions des jugements. Ce qui nous parait important, évidemment, c'est que, dans ce domaine comme dans les autres, il soit clairement établi que la justice est rendue en français, mais que, dans le même temps, il soit clairement établi qu'on prendra des mesures pour ne jamais léser aucun individu devant les tribunaux, de ce point de vue.

Services de traducteurs ou autres, mais il est sûr qu'il faut prévoir là des modalités précises, à notre avis. Parce que là, il y a une prééminence de la reconnaissance des droits individuels et de la protection des droits individuels dans un secteur clé.

M. CHARRON: Trouvez-vous, par exemple, que les plaidoyers écrits dans les tribunaux devraient être faits en français, et qu'il n'en tiendra comme responsabilité qu'à l'avocat, au besoin, d'offrir une version de son plaidoyer dans la langue de son client, si son client n'est pas de langue française, mais que tout plaidoyer écrit s'intégrant donc aux archives des tirbunaux devrait être dans la langue officielle de l'Etat?

M. CHAMPAGNE: Bien sûr qu'il devrait être dans la langue officielle de l'Etat, à condition qu'on franchisse encore des étapes et qu'on reste souple devant l'évaluation des circonstances. Parce qu'à ce niveau, il n'y a pas que le client à considérer, il y a l'ensemble de la cause. Il y a les témoignages, etc. Donc, si on se trouve devant des cas où il est clairement établi, si vous voulez, qu'il y a une ambiance d'une autre langue, il faudra pouvoir être habilité à rendre des services dans telles circonstances. Au niveau des tribunaux, cela nous paraîtrait être le grand principe, que là il faille, dans certaines circonstances, prévoir des aménagements précis pour respecter les droits individuels et respecter, aussi, les droits qui relèvent d'un contexte juridique, le contexte qui définit une cause en particulier.

Dans la même mesure que nous allons dans certains secteurs, il faut aller très loin dans la protection des droits collectifs, dans la même mesure, il faut être prêt à aller loin dans certaines circonstances, dans les droits individuels. D'ailleurs, vous savez, je pense, que là-dessus, on a eu beaucoup d'études sur l'analyse de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en considérant le phénomène religieux, le phénomène scolaire et le phénomène linguistique vis-à-vis des écoles. Il y a beaucoup de recherches qui seraient à faire dans ce sens pour voir comment, dans la tradition, il a été clair que ce qui pouvait justifier les écoles séparées c'était le phénomène religieux qui est un phénomène classique de droit individuel intouchable. C'est la liberté de conscience. C'est la religion, etc. C'est là-dessus qu'on a protégé, et c'est là-dessus que notre civilisation, et surtout la civilisation anglophone, a insisté.

Alors que sur le plan de la langue, c'est pour cela que vous ne trouvez pas de droits constitutionnels au niveau des écoles, parce que je pense qu'il y a, implicitement — quand je dis "je pense", nous pensons, les juristes qui sont à la ligue et les autres conseillers — une indication du caractère collectif de la langue, en opposition au caractère religieux. Sur ce plan, nous sommes assez déçus des analyses mêmes de la commission Gendron, parce que c'était un aspect fondamental pour nous, en termes de jurisprudence également, pour voir ce que le Canada a fait dans ce secteur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, si vous permettez, on avait, hier soir, convenu de reconnaître quatre ou cinq députés. On avait convenu également de se limiter à environ une

demi-heure. Pour être aussi larges que possible, nous pourrions continuer jusqu'à environ moins le quart, puisque nous avons quatre autres organismes à entendre aujourd'hui et que nous devons suspendre nos travaux de ce matin à midi. Qui sont déjà reconnus? Il y a le député de Mont-Royal, le député de Gouin, le député de Saint-Jean, le député de Sauvé et le député de Beauce-Sud.

J'invite donc les députés à poser des questions très courtes et j'invite M. Champagne à tâcher de donner des réponses aussi concises que possible.

Le député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: Mr President, I understand from the remarks of the director general that the Ligue des droits de l'homme is representative of all Quebecers. Could the director general tell us how many members of the English-speaking community are on the board of directors?

M. CHAMPAGNE: Je vais répondre sans exiger de traduction.

M. CIACCIA: Vous pouvez la traduire, si vous voulez.

M. CHAMPAGNE: On nous a posé plusieurs fois cette question concernant les membres. J'y ai répondu très clairement, je crois, hier, en disant que nous assurions au conseil — parce que c'est là qu'il y a certains mécanismes qui peuvent être prévus — une représentation des minorités. J'ai dit qu'il y avait des gens qui représentaient les minorités, 5 postes sur les 21 membres du conseil.

M. CIACCIA: Est-ce que ces postes sont remplis ou non?

M. CHAMPAGNE: Oui. Il y a un poste à combler.

M. CIACCIA: Est-ce qu'il y a des membres de la communauté anglophone au bureau de direction?

M. CHAMPAGNE: Des membres des communautés anglophone, amérindienne, noire, italienne...

M. CIACCIA: Comme vous avez laissé entendre que la communauté anglophone n'a pas des droits mais des privilèges, est-ce que ces membres croient que les droits ou les privilèges dans l'éducation sont seulement des privilèges? Est-ce que cette théorie de privilèges a son inspiration ou son origine dans la théorie de privilèges du premier ministre Duplessis?

M. CHAMPAGNE: Non. Cela n'a rien à voir, mais la position des anglophones à la Ligue des droits de l'homme a été très claire là-dessus et figurez-vous que nous avons même tenu une partie de notre assemblée générale annuelle en anglais. Mais la position des anglophones est justement sur ce plan...

M. TETLEY: Est-ce que cela vous a fait mal de faire cela?

M. CHAMPAGNE: Pas du tout! Absolument pas! Cela nous a fait beaucoup de bien parce que nous sommes très ouverts et nous avons la tolérance que souhaitait voir se développer au Québec le ministre Cloutier hier et que nous attendrions...

M. CIACCIA: Est-ce que vous pouvez nous nommer les membres anglais de votre bureau de direction?

M. CHAMPAGNE: Non. Je m'excuse. Nous ne nommons pas les gens ici comme cela pour dire qu'un tel est plus connu. Nos dossiers sont ouverts.

M. CIACCIA: Cela n'est pas public. Est-ce que c'est public?

M. CHAMPAGNE: C'est public.

M. CIACCIA: Mais vous ne pouvez pas les nommer, même si c'est public.

M. CHAMPAGNE: Nous avons actuellement Philip Edmonston qui est à l'Association pour la protection des automobilistes, par exemple; Bernard Mergler. Il y a beaucoup de juristes anglophones qui sont avec nous et Me Frank Scott est encore membre de la ligue des droits de l'homme, même s'il n'est pas au conseil et il est une des personnes que nous consultons. Mais, figurez-vous que le droit à la dissidence à la Ligue des droits de l'homme, contrairement à l'Etat, est permis.

Mais il est arrivé que, dans ce cas, nous avons adopté une position unanime et sous l'influence souvent d'anglophones qui connaissent bien l'expérience canadienne et qui disent: Soyons équitables là-dessus. S'il faut reconnaître — et si on veut vraiment sauver l'unité canadienne et la promouvoir — ce que vous appelez des droits à la minorité anglaise au Québec, il va falloir aller très loin, revoir toute l'unité canadienne et faire l'investigation qui convient dans toutes les provinces pour assurer à ce stade-ci des privilèges équivalents, aux minorités francophones et autres dans le pays.

C'est ce que nous avons dit hier et c'est pourquoi il ne nous paraît pas possible que ce gouvernement prenne la position qui convient sur les droits linguistiques sans passer par une renégociation systématique du bilinguisme dans tout le pays et du statut qui est fait aux minorités dans ce pays. Si l'on veut parler de justice, nous allons en parler. Nous allons entrer dans l'inventaire et nous estimons que le gouvernement québécois fait cet inventaire; mais là,

il devient très difficile d'envisager la justice réelle.

M. CIACCIA: Mais c'est vous qui dites que les Québécois ont le droit de survivre et, d'après votre définition, les Québécois comprennent tous les Québécois, comprennent les anglophones et les francophones.

M. CHAMPAGNE: Bien sûr.

M. CIACCIA: Alors, vous ne pensez pas qu'il y a une contradiction entre le droit de survivre des anglophones et vos conclusions de faire disparaître les écoles anglophones?

M. CHAMPAGNE: Non, c'est une question de système. On est attaché à des structures. Je sais qu'on est attaché à des structures. Quand on fait des réformes ici, on fait souvent des réformes de structures. On a la preuve, quelques années après, que cela ne vaut pas grand-chose, n'est-ce pas? Bon. Je crois qu'on part en peur là-dessus. Nous prétendons précisément que le système scolaire séparé, c'est ce qui va permettre au Québec de prolonger ce système de ghetto. Je vous invite à considérer attentivement le troisième texte quand nous parlons de l'isolement à la solidarité. On n'arrivera jamais dans un peuple à amener des gens à coexister si on les enferme dans des ghettos. Pourquoi les Anglais ont-ils si peur de venir à l'école française? Les francophones en Ontario vont dans les écoles anglaises et dans des situations qui sont souvent discrétionnaires.

Je crois que vos questions, messieurs, ouvrent un débat, le débat fondamental. On sait qu'actuellement, malheureusement, dans cette élection, on évite soigneusement le projet de loi 22. On a raison de l'éviter, car cela entraînerait peut-être le vrai débat. Nous pensons que ce qu'on nous a dit, les théories qu'on nous a imposées depuis quelques années sur le bilinguisme ou sur le multiculturalisme ne sont peut-être pas les seules voies. C'est pourquoi nous avons pensé à proposer une autre voie qui est celle de l'adoption dans les provinces, comme langue officielle, de la langue de la majorité et, à côté de cela, d'un cortège de mesures pour assurer le respect des minorités. Mais les minorités, comment les départager? Quel sort a-t-on fait aux Amérindiens au Québec? Qui sont les peuples fondateurs de ce pays? Je vous le demande. Comment, dans ce pays et au Québec en particulier, survaloriser une minorité au détriment des autres, les Amérindiens?

Dans le projet de loi, on dit: On pourrait, la commission scolaire du Nouveau-Québec peut aussi donner. On espère qu'on dira: doit donner. C'est fondamental pour nous que les Amérindiens aient comme première langue leur langue.

UNE VOIX: ... le reste du bill.

M. HARDY: Pas les anglophones.

UNE VOIX: Vous êtes pour les droits de l'homme...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Le député de Gouin.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, particulièrement la partie 2 du mémoire de la Ligue des droits de l'homme. J'aurais deux questions. Je vais limiter mon intervention à deux questions rapides. La première serait la suivante: J'aimerais demander à M. Champagne, cela touche peut-être un peu également le caractère représentatif de la Ligue des droits de l'homme...

M. MARCHAND: Cela ne vaut pas la peine de leur poser des questions!

M. BEAUREGARD: J'aimerais demander à M. Champagne combien la Ligue des droits de l'homme compte de membres actifs ayant signé leur formule d'adhésion? Vous l'avez déjà dit?

M. CHAMPAGNE: Oui. Je m'excuse, M. le député, mais cette question est nettement tendancieuse et elle est le signe, à mon avis, si vous permettez...

M. MARCHAND: Vous êtes tendancieux depuis que vous êtes là!

M. BEAUREGARD: M. le Président...

M. CHAMPAGNE: Je ne crois pas que ce qui est en cause... Je dis qu'elle est tendancieuse dans ce sens qu'elle a comme premier objectif d'évaluer l'organisme qui est ici. Je ne pense pas que ce soit le rôle...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs! M. LACHANCE: C'est cela.

M. CHAMPAGNE: Nous sommes ici pour témoigner, pour affirmer une position. D'ailleurs, je pense qu'un organisme comme le nôtre... Je trouve curieux qu'on se pose tant de questions sur un organisme, parce que, peut-être, il peut nous embêter, alors qu'on n'en pose pas quand il se trouve différents papes dans notre société pour prendre des positions et les dicter à l'Etat, même dans les journaux.

M. BEAUREGARD: M. le Président, je note que la Ligue des droits de l'homme refuse de répondre à ma question. Ce n'est pas...

M. CHAMPAGNE: J'ai répondu trois fois hier.

M. BEAUREGARD: Si vous avez déjà répondu, je vous remercie.

M. CHAMPAGNE: Et j'ai donné tous les détails à une conférence de presse à la tribune parlementaire hier.

M. TARDIF: C'est ici.

M. MARCHAND: Vous n'avez que le titre de l'organisme, mais vous ne respectez pas l'organisme représenté!

MME GOBEIL: Messieurs, je vous invite à lire les compte rendus d'hier soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Beauce-Sud sur une question de règlement.

M. ROY: M. le Président, lorsque la commission parlementaire a décidé de tenir des audiences publiques, il a été bien entendu que nous inviterions, à ce moment, tous les organismes qui seraient intéressés à présenter des mémoires et à faire connaître leur point de vue sur toutes les questions que touche le bill 22. Nous avons un groupement, une association devant nous ce matin et je demande à mes collègues, membres de l'Assemblée nationale de faire preuve de suffisamment de dignité et de respect pour interroger les gens qui viennent, qui ont droit à leurs opinions, qui sont venus ici pour s'exprimer de façon qu'on ne fasse pas des interventions disgracieuses comme celles qui ont été faites par mes collègues du côté ministériel. M. le Président, je vous inviterais sur ce point à être énormément sévère et à faire appliquer notre règlement à la lettre. Je voudrais que tout groupe, quel qu'il soit, même un groupe anglophone qui ne partagerait pas les points de vue de certains membres de la commission parlementaire, puisse s'exprimer librement devant la commission parlementaire sans qu'ils se fassent injurier ou crier toutes sortes de choses.

M. le Président, je vous inviterais à rappeler à l'ordre le député de Laurier qui passe son temps à crier toutes sortes de choses ce matin et à vouloir invectiver ses collègues.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HARDY: M. le Président, je soulève une question de privilège. Je vais tenter de la soulever dans toute la dignité...

M. ROY: II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. HARDY: M. le Président, depuis les nouveaux règlements, je le rappelle très amicalement à l'honorable député de Beauce-Sud, dans l'ancien règlement il n'y avait pas de question de privilège en commission, mais il y en a maintenant.

M. ROY: II ne connaît pas son règlement.

M. HARDY: Oui, monsieur, parce qu'il y a un article qui dit que les prescriptions du règlement qui s'appliquent en assemblée générale s'appliquent également en commission. Or, M. le Président, ma question de privilège est la suivante: Je pense qu'autant les membres, qui paraissent, à la barre ici, on le droit de s'exprimer totalement, largement et en toute liberté, autant les membres de cette commission, qui sont ici pour recevoir les observations, ont également le droit de poser toutes les questions qu'ils jugent pertinentes. Je considère que la dernière réponse, qui a été donnée par ceux qui comparaissent, est une violation totale du droit des députés quand ils ont dit: Vous n'avez qu'à relire ce que nous avons dit en dehors de l'Assemblée. Si nous vous avons convoqués ici à la commission parlementaire, c'est pour vous donner, d'une part, la liberté de dire tout ce que vous avez à dire, mais c'est également, d'autre part, pour nous donner la liberté de vous interroger. Je considère que vous manifestez un mépris profond pour les élus du peuple en donnant la réponse que vous avez donnée tantôt, c'est-à-dire: Allez lire ce que nous avons dit hier.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la question de privilège.

M. MORIN: M. le Président, sur la question de privilège, je ne sais pas si le député qui vient de soulever cette question était des nôtres hier, j'ai cru l'apercevoir autour de la table au Salon rouge. Les comparants ont déjà répondu à cette question. Ils ont dit combien ils avaient de membres et je crois que ce matin le fait de revenir sur cette question nous fait perdre du temps. Il est déjà 10 h 45, nous n'avons pas fini de les interroger. Il y a encore deux ou trois députés qui se sont alignés pour interroger les comparants. J'estime que ce débat nous a déjà suffisamment fait perdre de temps.

M. HARDY: M. le Président, en réponse au député de Sauvé, j'étais absent au moment où ces questions ont été posées hier. Si elles ont été effectivement posées et les réponses données, on n'avait qu'à nous référer aux réponses données à la commission parlementaire. Mais là où je dis qu'il y a violation du privilège de la commission, c'est quand on nous reporte à des déclarations qui ont été faites en dehors de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît! J'invite le député de Gouin à conclure sa série de questions.

M. BEAUREGARD: M. le Président, il y avait un deuxième volet à cette question. Si on a déjà eu une réponse hier ou si mon interprétation de la séance d'hier soir n'était pas la bonne, j'inviterais M. Champagne simplement à me le

dire. Si j'ai bien compris, M. Champagne nous a dit que le mémoire de la Ligue des droits de l'homme avait été adopté à l'unanimité. Est-ce que ceci veut dire que tous les membres de la Ligue des droits de l'homme ou seulement le conseil a adopté ce mémoire?

M. CHAMPAGNE: C'est le conseil de 22 membres, qui travaille en relation avec les membres par l'intermédiaire de comités, et c'est l'assemblée générale des membres qui l'a adopté. Si vous me permettez de compléter la réponse, je sais que les citoyens n'ont pas la question de privilège, peut-être surtout parce que le Québec n'a pas encore de charte...

M. HARDY: Votre privilège, c'est de vous faire entendre et on le reconnaît actuellement.

M. BEAUREGARD: Vous pouvez vous faire entendre tant que vous voulez.

M. CHAMPAGNE: Je crois que j'ai répondu à cette question de façon très claire hier. Je l'avais indiquée et c'est pourquoi je n'ai pas senti le besoin de revenir sur cette question, n'est-ce pas?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, j'ai une seule question à poser. Hier, vous avez parlé, à la fin de votre mémoire du sondage malheureux qui avait été publié dans les journaux, c'est le terme, je pense, que vous avez employé. Vous avez également insisté en disant qu'il y avait une question qui avait été mal posée.

J'aimerais, si c'est possible, que vous nous donniez plus de détails sur cette déclaration de sondage malheureux et de question mal posée. Laquelle des questions, parmi toutes celles qui ont été posées, estimez-vous, aurait dû être posée de façon différente? Comment aurait-elle dû être posée, cette question?

M. CHAMPAGNE: Oui. On me permettra d'abord de dire qu'il va peut-être falloir, à un moment donné, étant donné l'importance que prennent les sondages, que nous les étudions à la ligue, et que nous nous posions des questions sur l'éthique des sondages. Il y a des domaines où l'on peut obtenir des réponses par téléphone, qui ont une certaine valeur. Par exemple, concernant des options électorales, encore que souvent ça puisse traduire des réponses qui, malheureusement, n'auront pas été inspirées par suffisamment de réflexion. Mais dans une question comme celle des droits linguistiques, nous contestons la valeur du sondage et nous nous interrogeons sur l'éthique qui peut présider à une telle opération.

Quand on dit à la plupart des Québécois, quand on leur parle de la langue officielle et avec tout le chantage qui est fait depuis des générations, qu'est-ce que ça veut dire pour la plupart des gens? J'ai fait le test cette semaine auprès de quantité de gens de différents partis politiques, d'autres l'ont fait. Ils ont tout de suite l'impression qu'il ne sera plus possible de parler anglais. Cela, ils ne l'admettent pas, comme nous. Cela dicte des réponses. Quand vous posez une question aussi grave que la liberté de choix, encore là, la même chose. Quoique là encore, et c'est l'aspect que nous avons souligné en priorité hier, ce sondage est pour nous une indication d'une propension trop grande au racisme chez nous. Nous ne comprenons pas que des Québécois francophones et anglophones — je répète ce que j'ai dit hier — veulent se réserver la liberté de choix de l'école pour eux et qu'ils la refusent aux Québécois d'autres origines que canadienne fraçaise ou anglaise. Pour nous, c'est du racisme.

Deuxième élément dans le sondage, le sondage ne révèle pas, à notre avis, des options, mais des conditionnements. La statistique qui indique justement que plus de 50 p.c. pensent qu'on ne peut pas vivre au Québec sans maîtriser l'anglais, etc., c'est là qu'est le problème. Et on dit: Passons une vraie loi qui va garantir le droit aux Québécois de toute expression de pouvoir vivre dans leur langue, en français, ici, dans le sens où nous l'avons indiqué hier, et peut-être qu'on aura d'autres réponses. Mais, actuellement, aussi longtemps qu'on n'aura pas de loi pour donner enfin à cette majorité la sécurité dont elle a besoin pour pouvoir communiquer positivement avec les autres groupes ethniques, évidemment les sondages nous révéleront non pas des options mais des conditionnements.

Et nous pensons que la question principale était absente aussi, c'est-à-dire la question qui aurait dû, en démocratie, à ce moment-ci, concerner l'élément le plus important, savoir: Est-ce qu'il ne serait pas opportun, nécessaire, de prolonger ce débat sur le projet de loi le plus important de notre histoire, jusqu'à l'automne? C'était une question qui était mlaheureusement absente.

Nous avons soulevé hier une deuxième question et nous invitons le gouvernement, si on peut le faire, ou d'autres, à faire des sondages pour voir à combien de citoyens est accessible une commission parlementaire au Parlement? Enfin, ce que nous reprochons par-dessus tout, c'est d'avoir lié un sondage sur des droits à des options électorales. Cela nous ramène à ce que nous avons souligné en termes d'éthique, qu'on sépare la question des droits linguistiques des options politiques. Le PQ le fait lui-même, j'imagine que d'autres peuvent le faire.

M. HARDY: Vous dites ça sérieusement?

M. CLOUTIER: Relisez le journal des Débats.

M. HARDY: Vous avez un sens de l'humour noir.

M. MARCHAND: Le ridicule ne tue pas.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, j'aimerais avoir une précision pour faire suite à une question posée hier par le député d'Anjou. Vous vous exprimeriez sur le français comme langue à l'intérieur des corporations, pour les discussions entre une compagnie et une autre — vous me reprendrez si je fais erreur — en disant, à un certain moment: II serait bon que les compagnies anglophones des autres provinces apprennent à communiquer en français avec des compagnies francophones qu'on pourrait retrouver au Québec. Vous avez donné certains exemples en partant de compagnies françaises qui communiquaient en français avec des compagnies à l'extérieur de la France et vice versa.

Il y a deux ans ou deux ans et demi, le gouvernement du Québec a vécu une expérience avec le Crédit lyonnais; nous avions fait un emprunt en eurodollars, via le Crédit lyonnais. Je me souviens à l'époque, parce que le ministre des Finances me l'avait montrée, qu'il avait reçu une réponse du Crédit lyonnais exclusivement en anglais. Cela avait surpris le ministre des Finances du Québec. Il avait communiqué avec le Crédit lyonnais et cette compagnie disait: Lorsqu'on se rend sur le marché européen pour faire des emprunts en eurodollars, nous devons communiquer en anglais.

C'est tout simplement pour vous prouver que le principe que vous avez démontré hier n'est pas mauvais en soi, cela est certain, mais, dans son application, on peut éprouver plus de difficultés ici, dans le contexte nord-américain, compte tenu que les provinces ou le pays principal qui nous entourent sont quand même des pays qui ne parlent qu'une seule langue, tandis qu'en Europe vous en retrouvez avec plusieurs langues.

M. CHAMPAGNE: M. le député, je vais vous répondre une chose bien simple. Comment voulez-vous demander à d'autres pays de reconnaître aux Québécois les droits que le Canada et le Québec ne leur reconnaissent même pas?

M. VEILLEUX: Lorsque le gouvernement du Québec communiquait avec le Crédit lyonnais, j'ai la très nette impression qu'on avait communiqué en français. La réponse du Crédit lyonnais, qui est une compagnie exclusivement française, a été unilingue anglaise. Je voulais tout simplement vous mentionner ce cas d'exception...

M. CHAMPAGNE: Bien sûr.

M. VEILLEUX: ...qu'on peut retrouver à différents endroits.

M. CHAMPAGNE: Pour nous, cela prouve les conditionnements. Le conditionnement qui joue ici joue à l'étranger, joue dans le monde. Quand on aura une véritable loi pour nous protéger, les gens la respecteront.

M. VEILLEUX: Tout à l'heure, le monsieur qui vous accompagne à votre droite...

M. SAINT-LOUIS: Je m'appelle René Saint-Louis.

M. VEILLEUX: M. Saint-Louis disait qu'en Suisse, lorsque les deux tiers des gens étaient d'une langue, il pouvait y avoir certaines transformations à l'intérieur de l'industrie. Est-ce que j'ai bien compris lorsque vous avez mentionné cela?

M. SAINT-LOUIS: Je vous ai dit qu'on devait se référer à l'expérience européenne, étant donné qu'il y a des lois, dans certains pays d'Europe, qui demandent que les compagnies multinationales emploient des cadres locaux.

Dans la mesure où cela serait fait ici, on pourrait arriver plus ou moins à la francisation de la langue. Je dois vous dire aussi que la Ligue ne rejette pas l'anglais.

M. VEILLEUX: Mais ma question, en partant de cela...

M. SAINT-LOUIS: Et je continue, si vous voulez...

M. VEILLEUX: En partant de ce que vous avez dit...

M. SAINT-LOUIS: Oui.

M. VEILLEUX: Ce fait-là, l'obligation, par exemple, en Suisse, d'engager deux tiers du personnel de cadres chez les Suisses, dans quelle législation est-ce contenu, en Suisse?

M. SAINT-LOUIS: Je ne vous parle pas de législation. Dans certains pays d'Europe, notamment en Suisse, à Genève, où j'ai travaillé d'ailleurs pour la Chrysler, la plupart des employés des cadres étaient des Genevois. Il y a même une loi à ce sujet-là. Je ne peux pas vous donner le titre, le numéro, etc.

M. CHAMPAGNE: On en viendra...

M. SAINT-LOUIS: Mais je réponds à votre question. C'est que le français, disons donc, en France, n'est pas menacé d'une part. D'autre part, qu'on le veuille ou non, dans vingt ou trente ans, l'anglais sera la langue mondiale. La Ligue des droits de l'homme n'a jamais contesté l'usage de l'anglais comme seconde langue ici.

M. VEILLEUX: Non, ce n'est pas cela que je veux dire.

Je vous ai posé une question, notamment pour la Suisse. Vous m'avez dit que c'est contenu dans une loi, mais vous ne savez pas laquelle. Je suis d'accord avec vous qu'on ne peut pas savoir exactement le nom de la loi.

M. SAINT-LOUIS: On vous enverra une copie, si vous le voulez... en Belgique, en Suisse et en France aussi.

M. VEILLEUX: Ce que je peux vous dire, c'est qu'en Suisse ce n'est pas compris dans une législation linguistique. Ce qui touche la langue en Suisse est contenu dans la constitution du pays qui s'appelle la Suisse. Des choses comme celles que vous mentionnez sont contenues, soit dans des lois spécifiques, des lois des compagnies ou des lois concernant la main-d'oeuvre ou le travail. Ici au Québec il y a quand même la loi de la langue qui établit certains principes. Dans son application, qu'est-ce qui vous dit que la loi des compagnies, par exemple, ne pourrait pas être éventuellement amendée dans le sens que vous le mentionnez?

Je me souviens, lorsqu'on a discuté en commission parlementaire de la réglementation des lois qui s'appliquent dans le domaine des communications au Québec, que nous avons dit, à ce moment-là, qu'il devait y avoir un certain pourcentage de propriétaires résidants au Québec. Dans notre esprit Québec, c'étaient tous ceux qui résident au Québec.

Dans des lois autres qu'une législation linguistique, par exemple, on peut établir certains principes ou certaines modalités comme celles que vous avez mentionnées. Je veux tout simplement vous dire cela en passant. Ce n'est pas nécessaire que cela soit contenu dans une loi qui concerne la langue, mais on peut en faire des applications, soit à l'intérieur de la loi du ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, notamment les raisons sociales, le code des professions. On a donné des exemples depuis un certain temps. C'est tout simplement cela que je voulais dire.

M. CHAMPAGNE: Si vous me permettez de seulement compléter la réponse là-dessus. Je crois que vous soulevez une question fondamentale par rapport à la conception du projet de loi. Si je comprends bien ce que vous venez de dire, vous dites que, dans certains secteurs, le projet de loi auquel nous sommes confrontés devrait formuler des grands principes qui serviraient à modeler des lois particulières. Nous en sommes; mais, à ce moment-là, il faut vraiment revoir la loi, parce que dans le domaine de l'enseignement, ce n'est pas ce qu'on veut faire, dans le domaine de l'enseignement, on est beaucoup plus précis. C'est une loi extrêmement polyvalente.

De ce point de vue, je pense qu'il faut vraiment étudier sérieusement la conception de la loi et, à ce moment-là surtout, il faut, dans la mesure où on veut une loi de ce type qui va être une loi de grands principes et entrafner des lois particulières, être extrêmement précis dans la formulation des principes. C'est là que nous remettons en cause, actuellement, dans le projet de loi sous sa version actuelle, la confusion dans le principe fondamental, dans l'inspiration politique qui nous paraît plus bilingue que française.

M. VEILLEUX: Je prends, par exemple, votre proposition dans le domaine de l'enseignement. C'est une proposition que vous faites, c'est une suggestion que vous faites aux membres de la commission. On pourrait en discuter longuement; vous dites que votre position dans le domaine de l'enseignement protège des privilèges, parce que vous ne voulez pas employer le mot "droit", garde des privilèges à toutes les minorités, qu'elles soient anglophones, italiennes, grecques, etc. Ce sont des discussions sur lesquelles on pourrait s'éterniser. On pourrait ne pas être d'accord là-dessus, au départ.

Mais il y a un autre point dans votre mémoire qui me frappe énormément. On a eu à un certain moment, ici, si je ne me trompe pas, dernièrement, la Chambre de commerce du Québec qui est venue reprocher..

M. CHAMPAGNE: J'ai un peu de difficultés à vous entendre.

M. VEILLEUX: ... au gouvernement, à l'Assemblée nationale de déléguer ses pouvoirs —je vais parler plus dans le micro — au conseil des ministres ou à un ministre, etc. Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'on devrait donner beaucoup plus de pouvoirs à la régie qui serait un organisme quasi autonome, qui ferait un rapport à l'Assemblée nationale, notamment annuellement.

Sans mentionner d'organismes existant à l'heure actuelle qui sont des régies dans le sens que vous le mentionnez, parce qu'à ce moment-là ce serait peut-être s'attaquer à des individus que de les mentionner, l'expérience que j'ai comme député, monsieur, c'est que lorsqu'on établit une régie, qu'on lui donne un caractère d'autonomie, les gens qui sont nommés, sont nommés pour dix ans. Je puis vous dire que, pendant dix ans, je ne dis pas tous les organismes et tous les gens membres de ces organismes, mais plusieurs membres de ces corporations, d'organismes quasi autonomes se foutent éperdument, bien des fois, de la population, des députés et de l'Assemblée nationale.

Peut-être que la formule proposée par le projet de loi n'est pas suffisamment claire là-dessus, mais il y aurait peut-être lieu de trouver un mécanisme qui permettrait de remettre certains pouvoirs — on en parle dans la loi — au ministre... J'aime mieux, personnellement —on peut avoir des divergences d'opinion — le pouvoir entre les mains d'un ministre qui a à répondre de ses gestes et de ses actes non seulement devant la population, mais continuellement devant l'Assemblée nationale, que de remettre cela à une régie qui ferait un rapport à

l'Assemblée nationale tous les ans, qu'on pourrait critiquer ici en commission parlementaire, mais la régie en question retournerait chez elle, et continuerait à refaire ce qu'elle voudrait bien refaire pendant un an.

Vous savez que ce sont des positions ici, et c'est la question que je me pose. On remet cela entre les mains du Protecteur du citoyen. A certains moments, hier, on parlait du Protecteur du citoyen; quelle sorte de pouvoirs doit-on donner à une personne comme celle-là? C'est quand même une personne. Est-ce qu'on doit remettre les pouvoirs à une telle personne qui n'a pas, quand même, de fait, à répondre à intervalle régulier ou irrégulier, comme au gouvernement fédéral à la population de ses gestes?

M. CHAMPAGNE: J'aime bien la fin de votre intervention, quand vous dites: Est-ce qu'on doit remettre tant de pouvoirs à une seule personne? Peut-être que, quand nous parlons d'évolution de la société, nous pensons qu'il faudrait peut-être, à un moment, dans l'évolution même de la démocratie, faire plus de confiance aux pouvoirs par équipes qu'aux pouvoirs individuels. Cette notion, elle vaut pour la représentation politique. Bien sûr qu'il ne s'agit pas de remplacer des ministres, mais il s'agit de placer plus souvent des ministres en situation de collégialité et de respect des données d'équipes. Dans des secteurs aussi importants, il est clair que nous pourrions établir une régie. Je l'ai dit hier. Il y a des mécanismes précis pour faire que cette régie puisse amener à être contrôlée, si vous voulez — ce n'est pas le mot exact — à être présente et suivie par l'Assemblée nationale de la même façon qu'un ministre peut l'être. Mais il y a d'autres exemples, je sais, qu'on pourrait prendre. Je pourrais dire simplement, parce qu'il s'agit, au fond, de policer la langue; donnons-lui au moins autant de pouvoirs qu'une commission d'enquête comme celle sur le crime organisé.

M. VEILLEUX: Comme je vous l'ai dit, je me pose actuellement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, à l'ordre! J'inviterais le député de Saint-Jean...

M. VEILLEUX: Je termine là-dessus, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est un débat très intéressant, mais...

M. VEILLEUX: Non, je termine là-dessus en disant: Moi aussi, je me pose la question à savoir quel est le moyen idéal pour régler ce problème. Mais en terminant, je tiens à vous dire ceci: Vous savez que cela ne fait pas longtemps, je n'ai une expérience de député que depuis quatre ans. Lorsqu'un citoyen du Québec a l'impression ou subit un préjudice d'une régie comme celle qui existe présentement, je tiens à vous dire que le blâme, ce n'est pas la régie qui l'a, mais c'est l'homme politique qui s'appelle le député, de quelque parti politique que ce soit, qui a été élu dans un comté. On se trouve devant cette situation nous aussi, et avant de trouver la réponse idéale, on doit se poser ces questions. C'est tout simplement cela que je voulais vous dire.

M. CHAMPAGNE: Quant à nous, nous pensons qu'il faut évoluer sur ce plan, et s'habituer, blâme ou félicitation, à les adresser à des groupes et pas toujours à des individus. Nous pensons qu'il pourrait être plus souvent démocratique, efficace et plus représentatif; et surtout, notre point de vue fondamental là-dessus vient de la polyvalence des secteurs en cause.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Dernière question. Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais revenir très brièvement sur un document qui a été mentionné par le directeur général de la ligue dans son exposé hier, et qui est le jugement, l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme de 1968, dans l'affaire des écoles de la banlieue bruxelloise.

Dans cet arrêt, la cour s'est fondée sur le principe de la territorialité linguistique, et a rejeté, à la lumière de la convention qu'elle avait à interpréter, le principe de la personnalité.

M. Champagne, j'estime que cette décision est extrêmement importante, parce que nous allons souvent entendre invoquer, au cours de ces assises, et au cours du débat qui va suivre, la question des droits de l'homme. J'aimerais que vous expliquiez à mes collègues la différence qui existe entre le principe de la personnalité, le principe de la territorialité. Dans quel sens la cour a-t-elle jugé?

S'il m'était possible, M. le Président, je demanderais également au directeur général de la ligue de faire parvenir à tous les membres de cette commission, un exemplaire de l'arrêt en question parce qu'il est très instructif et qu'il contient de nombreux renseignements.

C'est un arrêt qui a bien 50 ou 60 pages de longueur, mais la lecture paie amplement ceux qui se donnent la peine de l'entreprendre. M. Champagne.

M. CHAMPAGNE: Je vais essayer de donner l'explication la plus brève. Elle se relie directement à ce que j'ai indiquée tantôt dans l'évolution des droits individuels et collectifs. Le principe de personnalité est, bien sûr, un principe qui était surtout fondé sur la reconnaissance des droits individuels au sens traditionnel. C'est une explication analogique.

C'est pour cela d'ailleurs que, dans l'évolution de la société belge, dans le contexte de l'évolution des sociétés européennes et d'autres, on a reconnu progressivement que le principe

de personnalité était très difficile et qu'on a passé des lois centrées sur le principe de territorialité, lequel principe est beaucoup plus informé par la notion de droit collectif.

C'est un cas type. Je pense que c'est l'explication principale qu'on peut donner à ce niveau et, pour la faire comprendre, je prendrais un autre exemple tiré du projet de loi. Dans la section sur la langue de travail et sur l'affichage, par exemple, la raison pour laquelle nous sommes contre un affichage bilingue tel qu'il serait rendu possible par le projet de loi sous sa version actuelle, où les raisons sociales françaises peuvent être accompagnées de versions anglaises, etc., les gens nous disent: Ecoutez, on ne peut pas demander à un commerçant anglophone d'avoir un affichage unilingue, parce que c'est du droit privé. On s'excuse, cela n'est pas du droit privé. Quand on est dans les affaires, quand on a pignon sur rue, la notion privée devient chargée de la notion de droit public.

Je vais prendre un autre exemple au niveau des droits de l'homme. Pourquoi est-on en train, dans cette loi même, dans les travaux du code civil, d'introduire la notion de déchéance de puissance parentale au niveau du droit familial? C'est parce qu'on reconnaît que le droit des parents n'est plus comme d'autres sociétés l'ont reconnu depuis longtemps, un droit sacro-saint individuel, parce que les enfants ne sont pas la propriété des parents. Ils sont des êtres personnels et sociaux.

C'est ce qui fait qu'on introduit ce principe et qu'encore une fois on se retrouve devant du droit qui n'est pas du droit individuel, mais qui est du droit collectif, qui est du droit privé et qui est du droit public.

Quand on parle de l'affichage, nous disons: Nous sommes devant un droit sacré de la majorité qui est le droit à l'environnement linguistique en français, qui a une puissance extrêmement importante d'entraînement. Si on arrive dans cette province et qu'on est avec un affichage bilingue,on est nettement dans une province bilingue et cela a l'impact que l'on sait. De l'affichage, on se rend à l'intérieur et on a toutes les libertés d'exiger des services bilingues. Encore là, nous disons: C'est un droit à l'environnement. Cela se situe dans la priorité des droits collectifs de la majorité à protéger. Or, le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme se situe, je crois, M. le chef de l'Opposition, dans ce contexte extrêmement important de réévaluation des rapports entre les droits individuels et collectifs. Dans le même sens d'ailleurs, ce texte est complété par d'autres documents.

J'attire l'attention sur un autre document que nous avons cité, la convention sur la protection de la non-discrimination dans l'enseignement de l'UNESCO qui dit: On doit reconnaître des droits spéciaux, des mesures spéciales à des minorités pourvu que cela ne mette pas en péril les droits collectifs de la nation dans laquelle se trouvent les minorités. C'est une autre affirmation claire.

MME GOBEIL: Si vous permettez, j'aimerais ajouter tout simplement que, dans le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme, les juges ont fait allusion aux travaux qui ont préparé la signature de la convention européenne des droits de l'homme. Les juges ont souligné qu'à ce moment le Danemark avait saisi les pays éventuellement signataires de la question du droit individuel des parents à choisir la langue d'enseignement et que ce droit a été rejeté par l'ensemble des pays signataires et c'est la raison pour laquelle il ne figure pas dans la convention européenne des droits de l'homme.

J'aimerais faire une référence très rapide aussi, si vous me le permettez, à un mémorandum du secrétaire général des Nations Unies en 1949 qui parlait des minorités.

Il disait qu'il faut entendre le mot "minorité" dans le contexte d'une nation qui peut être majoritaire, mais qui peut avoir un comportement de minoritaire, qui peut avoir une situation sociale de minoritaire, de minorité, à cause de tout un contexte et qu'on doit, à ce moment, protéger. Une minorité, ce n'est pas un petit groupe. Enfin, je vous réfère à ce mémorandum, en 1949, du secrétaire général des Nations Unies.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais demander à la ligue, comme dernière question, de faire parvenir aux membres de cette commission, par vos soins, un exemplaire de l'arrêt de 1968 de la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi qu'un exemplaire du mémorandum du secrétaire général de l'ONU? Je crois que ce serait utile. Cela devrait figurer au dossier.

M. CHAMPAGNE: Oui, bien sûr. Nous ferons parvenir ces documents et d'autres, le cas échéant, parce que c'est notre intention, évidemment, et avec le gouvernement comme avec toutes les autres personnes, de collaborer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, madame et messieurs de la ligue, au nom de la commission, nous vous remercions de votre présentation. Nous passons maintenant à l'audition des...

MME GOBEIL: Excusez-moi, est-ce que c'est terminé?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, on vous remercie. C'est terminé dans le cas de la Ligue des droits de l'homme.

MME GOBEIL: Je voulais également vous remercier et peut-être ajouter un petit mot, si vous me permettez. Lorsque la représentativité de la ligue a été mise en cause par certains membres de la commission et de l'Assemblée nationale, j'aimerais tout simplement ajouter que j'espère que ces membres feront en sorte qu'au sein de leur parti respectif, l'Assemblée

nationale soit plus représentative, dans les années qui viennent, et qu'on retrouvera entre autres — un instant, vous me permettez de terminer? — plus de femmes à l'Assemblée nationale.

DES VOIX: Oh! oh! oh!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs de la commission, les groupes que nous devons entendre aujourd'hui, sont les suivants. J'inviterais la présidente du Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education for the Island of Montreal, Mme Barbara Davis, à bien vouloir se présenter à la barre. A la suite, nous entendrons the Quebec Federation of Home and School Associations; la Chambre de commerce de la province de Québec; l'Association québécoise des professeurs de français.

May I ask, gentlemen, that you identify yourselves before proceeding with the presentation of your brief? A l'ordre, s'il vous plait!

Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education

M. SUTER: M. le Président, membres de la commission, premièrement, j'aimerais vous remercier de l'occasion que vous nous avez accordée de présenter nos points de vue aujourd'hui. Deuxièmement, j'aimerais vous dire que la traduction se fait présentement. On a eu des délais très courts pour présenter notre mémoire et la traduction vous sera envoyée dans quinze jours.

We are presenting this brief on behalf of Barbara Davis. She is unable to be here today, because of the short notice. We got notice yesterday afternoon and she has other commitments. The group that is here today includes Mrs Maureen Tester, on my far right, from the Lachine area; Michael Macdonald, from Montreal, on my left; Patrick McKeefrey, from Verdun on my immediate right and myself, Frank Suter, from Lakeshore.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Please go on.

M. SUTER: Thank you. The Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education for the Island of Montreal is a committee composed of delegates from all organizations: parents, teachers, principals, senior administrators, the clergy, cultural and religious groups, of the Anglophone Catholic Community of the Island of Montreal. We represent approximately 73,000 English Catholic students, I qualify that Anglophone Catholic students on the island.

We do represent the largest minority group.

The committee strongly opposes bill 22 which revokes the right of all residents of this province (French, English and immigrants) to choose a school where education is conducted in the language of their choice, either French or English, both of which are official languages of Canada. As our interests are primarily educational, we are limiting our comments on the bill to the preamble section, the language of instruction section and the language of the public administration section.

We agree that the French language is a national heritage which the body politic is in duty bound to preserve. We also agree that it is incumbent upon the government to ensure the pre-eminence of that language and to promote its vigour and quality. However, we cannot agree that the government of the Province of Québec must employ every means in its power to achieve these aims.

It is the duty of the government to protect the collective rights of the French majority; it is equally the duty of the government to protect the collective rights of minorities and especially the individual rights of all citizens of this province. We deplore that there is no mention of the English language in the preamble. English is reduced to the status of a privilege instead of a right. We deplore that the elected government has chosen to ignore the English language altogether in its preamble. We do not refer here to the bill itself, but the preamble which often says the philosophy of the legislation.

English has a long tradition in Québec. It has always had legal status in the Legislature. It is used by approximately 35 p.c. of the population of the Island of Montreal. It is used by approximately 20 p.c. of the population of the province. It is one of the official languages of Canada, and it is used by approximately 230,000,000 North Americans. It has become the international language of finance, business, transportation, trade and commerce, science and technology. It is becoming the language of world diplomacy. In short, the knowledge and usage of the English language is an asset for people around the globe, except in the province of Quebec, it seems. Surely, the governement's language policy must include provisions and guarantees enabling Quebec's citizens to acquire a knowledge of English if they so choose.

We deplore that bill 22 repeals bill 63 which had confirmed in law for all parents the freedom of choice of the language of instruction. We also deplore the use of law to restrict freedom. The French language has never been spoken by so many people, in so many parts of Québec and Canada. Bilingualism is beginning to work, and it is really working in certain sectors of this province in Canada. Instead of revoking the freedom of parents to choose French or English schools, we suggest that the government legislate measures to ensure that all graduates of a public school

system are bilingual. This can best be accomplished by persuasion and incentives, not by coercion.

The government's $100 million dollar language development policy is a step in the right direction. Providing more and better second language teachers, at the elementary level, is the next step. Finally, and if we can afford it, the second language specialists must be excluded from the 1/26 teacher-pupil ratio. The "bilingualization"of Québec and Canada is an evolving process. Governments cannot force massive social changes by legislation alone. No one can legislate philosophy, culture, religion or language. People choose them freely and embrace them openly if there is value in them. Does this government really believe that the French language and culture will be enhanced by removing the freedom of choice from parents and reducing the anglophones to second class citizens and the immigrants to third class citizens?

The freedom of speech is a fundamental right. We contend that the freedom to choose the language of instruction is also a fundamental right. We contend that the 1960 Canadian Bill of Rights guarantees every Canadian an education in institutions using as a medium of instruction the official language of its choice. We further contend that the United Nations Universal Declaration on Human Rights gives parents the right to choose the language in which their childreen are educated. Also, Canada and 71 other countries have signed a convention against discrimination in education.

If the government does not have the wisdom to withdraw the bill, it must amend it considerably.

Article 48. We suggest that school boards, the regional school boards and corporations of trustees shall provide English language schools and French language schools. Such bodies shall provide instruction in French and English. They shall not cease to provide instruction in those languages without the prior approval of the Minister of Education. Where numbers do not permit, agreements must be made with neighbouring school boards. The School Board of New Québec may also provide instruction to the Indians and Inuit in their own languages, if they so desire. It is the individual's right to have and the school board's duty to provide schooling in both languages.

Article 49. We recommend that we delete paragraph 1 and 2 and replace them by : School boards must provide opportunities for children to attend either English schools or French schools.

Article 50. We suggest that it be deleted completely.

Article 51, delete.

Article 52, we suggest that it be replaced by: The curricula must ensure that all pupils acquire a knowledge of spoken and written French and English. The minister should adopt the necessary measures to that effect.

The language of the public administration section. Whereas school boards come under the heading of public administration, we recommend the following changes to this section.

No 6: Official texts and documents emanating from the public administration must be drawn up in French and English. Taxpayers are entitled to this.

Article 8. Official texts and documents must be accompagnied with an English version when article 9 applies, that being 10 p.c. of the population.

Article 9. If, at least, 10 p.c. of the persons administered by a municipal or school body are English-speaking, that municipal or school body must draw its official texts in both French and English. Whether it has been a practice to do so or not.

Article 12. Both French and English are the languages of internal communication in the public administration. We maintain that this is a basic right.

Article 13. Delete completely.

Article 14. Delete paragraph 1 and replace it by: No one shall be admitted or promoted to an administrative office in the public administration unless his knowledge of both languages is appropriate to the employment.

In conclusion, the Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education regards bill 22 as restrictive legislation which should be withdrawn. In the event that the government decides to maintain the bill, it must be amended drastically.

Perhaps the most frightening aspect of this bill, from the anglophone point of view, is that the government's many verbal assurances, reassurances and even promises of protection for individual rights and language minorities have not materialized in the written law. This complete about-face creates a dangerous credibility gap between the government and the people.

Finally, we must stress that the parent has the primary responsibility for the education of his children. This is emphasized in the encyclical of Pius XI and in the document on education of Vatican II. The government proposes to deny this responsibility by taking away a freedom of choice which is already enshrined in the law, in this case bill 63.

The business of the state is solely to ensure the provision of opportunity for the education of its citizens. It has no business in telling them what language they must speak or what type of school they must send their children to. Thank you.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement pour vous faire remarquer qu'hier soir, sur une décision du vice-président de la Chambre, qui était alors président de la com-

mission, je crois qu'on a mal interprété le règlement et qu'on aurait avantage ce matin, avant d'entreprendre de questionner le premier témoin de ce matin, à renouveler notre mémoire et à relire ensemble l'article 8 des règles de pratique de nos commissions parlementaires.

Cet article dit ceci: "La durée limite allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé sommaire de son mémoire est de 20 minutes et le temps alloué aux membres de la commission, pour la période des questions, est de 40 minutes, réparti équitablement entre les partis..." Or, hier soir, le député de Roberval, vice-président de la Chambre, a probablement contre son gré, prouvé qu'il méconnaissait le règlement. Il avait prétendu dans son jugement, que la période de questions était ainsi ouverte entre les treize membres de la commission et même, puisque nous avons accepté que les autres membres de l'Assemblée participent aux travaux de la commission, donc, si vous me permettez cet anglicisme, un "free for all" dans le domaine des questions était permis.

Ce n'est pas l'esprit du règlement que nous avons adopté. Je crois qu'avant de céder la parole au ministre de l'Education, comme c'est son droit, nous devons partager équitablement entre les partis la période de 40 minutes qui nous est réservée. Quand on dit équitablement, j'imagine, M. le Président, que nous avons déjà des précédents dont vous pouvez vous inspirer ou, au besoin, demander au président de la Chambre de statuer en cette matière.

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, je pense qu'en effet le règlement est clair. Je n'aurais certainement pas objection, pour ma part, à ce qu'on en arrive à une répartition équitable; je veux simplement souligner le fait que le député de Saint-Jacques a bien spécifié qu'il s'agissait d'une période de 40 minutes. J'ai cru comprendre hier qu'il souhaitait plutôt que l'on prolonge cette période. Aujourd'hui, il insiste sur le respect intégral du règlement. Je suis entièrement de cet avis. Je suis obligé, pour ma part, de penser que nous avons reçu plus de 150 demandes d'organismes qui veulent se faire entendre. Je suis également obligé de penser au secrétaire de la commission, qui doit convoquer à l'avance les organismes et qui les convoque sur la base du règlement, c'est-à-dire sur la base d'une heure par organisme, à peu près. Je félicite le député de Saint-Jacques et si nous nous mettons d'accord pour appliquer rigoureusement le règlement, je suis tout à fait satisfait.

M. TARDIF: M. le Président, question de règlement.

M. CHARRON: M. le Président, sur la même question de règlement, je voudrais rétablir immédiatement les faits.

M. TARDIF: Oui.

M. CHARRON: Si je propose l'application du règlement, comme vient de le dire le ministre de l'Education, je veux proposer également la dernière partie de l'article 8 que je n'ai pas lue, mais qui dit: "Ces périodes peuvent être prolongées, si la commission le juge à propos". C'est exactement ce que nous avons proposé hier, parce que je crois que la commission a jugé à propos d'entendre plus longuement que le règlement nous y limitait la Ligue des droits de l'homme. Evidemment, quand la commission le jugera-t-elle à propos? Cela dépend beaucoup de l'ouverture d'esprit du côté ministériel et rien ne nous le garantit et ne peut nous le garantir dans le règlement actuel, bien sûr.

Est-ce qu'à une autre occasion on fera part, du côté ministériel, de la même ouverture d'esprit qu'on l'a fait pour entendre la Ligue des droits de l'homme d'une façon prolongée plus que les 40 minutes réglementaires? J'espère que, dans différentes occasions, on fera preuve de la même ouverture d'esprit, mais si le ministre me dit que je demande l'application intégrale du règlement, c'est exact, quant à l'article 8, en admettant toutefois que nous pourrons toujours prolonger ce temps si la commission le juge à propos.

M. TARDIF: M. le Président, sur la question de règlement. Lorsque l'article 8 mentionne le mot "équitablement", cela veut dire que ça doit être dans le sens de juste et non pas dans le sens de "également". Lorsque l'on a adopté le règlement ou cette règle de pratique, si on avait voulu dire de façon rigoureusement égale pour chacun des partis, on aurait plutôt utilisé le mot "également". Alors, "équitablement" a le sens de juste. Si vous avez un député d'un parti et douze députés d'un autre parti, à mon avis, bien qu'on ne devrait pas suivre nécessairement la règle d'un sur douze ou un sur treize, on devrait tenir compte du fait qu'il y a beaucoup plus de députés d'un parti qui sont ici et qu'il n'y a qu'un représentant d'un autre parti.

En ce qui a trait à l'expression "entre les partis", j'imagine, si on se fie à l'économie du règlement, que cela voudrait dire "partis reconnus" et qu'à ce moment-là, malheureusement, on enlèverait un droit de parole, si on se limite à quarante minutes, au député de Beauce-Sud qui, comme vous le savez, n'est pas membre d'un parti reconnu.

Quant à moi, je pense que les quarante minutes doivent être réparties de façon équitable, mais non pas de façon rigoureusement égale entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je pense que nous...

M. ROY: Je veux rassurer mon collègue tout

de suite pour dire que jusqu'ici je n'ai pas abusé de mon droit de parole.

M. TARDIF: Non, je n'ai pas dit le contraire.

M. ROY: Je me suis limité à poser des questions et c'est dans ce sens que j'entends continuer. Vous pouvez vous rassurer, point n'est nécessaire de faire de débat de procédure sur ce point, à moins qu'on m'empêche de poser des questions.

M. TARDIF: C'est beaucoup plus pour qu'on applique rigoureusement le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Ce n'est pas nous autres...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, pour une rare fois, nous semblons être tous d'accord sur l'interprétation de l'article 8 du règlement, d'autant plus qu'il semble qu'il y aura rencontre des leaders parlementaires dès ce midi pour fixer les modalités des travaux de la commission.

J'invite donc le ministre de l'Education à commencer la période de questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne poserai qu'une question pour permettre aux autres députés de s'exprimer. A la lecture de ce mémoire, j'ai eu l'impression que votre groupe souhaiterait, au fond, que rien ne change dans le domaine linguistique au Québec. Pourriez-vous me préciser si cette impression est fausse ou si elle est juste?

M. SUTER: M. le Président, c'est certain que cela donne l'impression qu'on aimerait que rien ne change. C'est parce qu'on maintient que le bilinguisme va assez bien, qu'on n'a pas besoin de voter des lois restrictives qui pourraient blesser une minorité ou l'autre.

M. CLOUTIER: On doit conclure, d'après vos explications, que cela va bien pour les anglophones, parce que vous vous placez, bien sûr, du point de vue anglophone?

M. SUTER: Certainement.

M. CLOUTIER: Je ne peux pas en conclure que cela va nécessairement bien du côté des francophones, surtout si je me reporte à ce qu'a dit le groupe précédent. Je voulais simplement souligner cette espèce de décalage qui existe entre deux groupes, un groupe francophone que l'on vient d'entendre qui, manifestement, trouve qu'on ne va pas suffisamment loin, et un groupe anglophone que nous venons d'entendre qui trouve qu'au fond les choses ne devraient pas changer et qu'on va nettement trop loin.

Merci, M. le Président.

M. MACDONALD: I think that the minister of Education may be taking this a little out into left field. I think the feeling of this group is that legislation is not necessary. Our people in the Montreal area have shown a great anxiety to become bilingual. We have asked for additional funds to make our children bilingual. These funds have not been forthcoming. This is our feeling that legislation is not necessary. Our people are already showing a great interest in becoming bilingual.

M. CLOUTIER: C'est bien ce que je disais, M. le Président. Si j'interprète M. Macdonald, il semble que vous n'ayez pas de problème en tant que groupe anglophone, sauf que vous souhaiteriez devenir de plus en plus bilingues.

M. MACDONALD: C'est cela.

M. C10UTIER: Vous seriez parfaitement satisfaits que la situation actuelle reste sans législation, à la condition peut-être que l'on puisse donner des fonds encore plus importants dans le domaine de l'apprentissage des langues.

M. MACDONALD: C'est nécessaire que, des deux côtés, nous ayons un meilleur enseignement des langues secondes.

M. CLOUTIER: Bien sûr, nous sommes entièrement d'accord. Vous préféreriez ne pas avoir de législation du tout.

M. MACDONALD: Dans la question des langues.

M. CLOUTIER: Parfait, c'est tout simplement ce que je voulais établir.

M. MCKEEFREY: Mr President, may I? I have had a long experience of teaching in Québec and in many countries. I started teaching in 1920, 54 years ago. In my experience of the teaching of the second language, of French, in the English schools, we have been really harddone by. We have been presented with teachers who, yes, can speak French, but any educator knows that there are a great difference between those who can speak French and those who can teach French as a second language.

And what has happened, in my experience? We have been presented with teachers in the English schools mainly, and I say this quite deliberately, mainly because they could not get all involved in the French schools. They did not like the rigid atmosphere there in the French schools, and so, in order to get rid of a problem, the teacher could speak French, send them to the English school, the English are easy-going, they will put up with it. This has been my experience and I think the ministry of Education and the School Commissions have been very lax in promoting the

teaching of French as a second language. This is a big problem and a great deal could be done by regulations in this respect. We do not need a law. The minister has the power to make regulations regarding this, even under the existing of the bill which was called an act to promote the French language, which is now being depromoted it seems. The minister has the regulations to ensure that there is adequate teaching of French as a second language in the English schools. We want this done.

M. CLOUTIER: Je conclus, parce que je passe mon temps à conclure à partir de votre mémoire depuis le début, que si nous nous contentions d'avoir des programmes qui favoriseraient l'enseignement des langues, nous aurions réglé le problème linguistique au Québec.

M. MCKEEFREY: But, Mr. Minister, not by coercion. There are other means by which to promote the teaching of French in Quebec in the English schools.

M. CLOUTIER: Dois-je comprendre que vous résumez le problème linguistique au Québec à une question d'enseignement de l'anglais, langue seconde, et du français, langue seconde? Dois-je comprendre que les Canadiens français n'ont pas de revendications légitimes, que les Canadiens français n'ont pas des frustrations accumulées, que les Canadiens français n'ont pas un malaise qui exige des dispositions législatives?

M. MACDONALD: I think once again, Mr President, we are being endeavoured to be taking up the garden-path on this situation. We are suggesting that it is not necessary to legislate the teaching of the French language. In my opinion, the area in which the most gains will be made by the French Canadians is in the field of industry, not in language or education. I think the great gains have been made in this area already, and that people are becoming more and more bilingual. I think we could quote from the Abbé Dion when he addressed the Saint-Jean-Baptiste Society where he made the statement that: "One must remember that in Canada and in Québec, never has the French language been used by so many persons. It has never been accepted more than it is today".

I do not think that we want to make general statements in appealing of language we do not feel legislation in teaching and education is necessary; because we think that there is a great desire of our people to learn French. We also are against the legislation on the question of schools; the whole field of education. I think where the greatest gains and where the French Canadians have the greatest interests is in the field of industry.

This is an area that we are not concerning ourselves with very deeply in our brief.

M. SEGUIN: Une question supplémentaire, M. le Président, sur ce qu'on vient de commenter.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez...

M. SEGUIN: A moins que l'Opposition continue sur la même question. C'est que je ne voudrais pas, ensuite, revenir sur le sujet. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue que je préférerais que nous revenions, et que nous suivions l'ordre des gens que j'ai déjà reconnus. Autrement, on risque de se perdre.

M. SEGUIN: J'accepte cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je me réfère à la page 5 du mémoire présenté par le Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education, etc.

On y dit: "We contend that the 1960 Canadian Bill of Rights guarantees every Canadian an education in institutions using as a medium of instruction the official language of his choice". Quel article, s'il vous plait, de la Déclaration canadienne des droits de l'homme confère ce droit?

M. SUTER: M. le Président, étant ici comme parent et non pas comme spécialiste en droit, je dois vous avouer que je ne peux pas vous donner l'article précis.

M. MORIN: Vous avez de la difficulté parce qu'il n'y a aucun article sur cette question.

M. TARDIF: II faudrait avoir le texte de la Déclaration canadienne des droits de l'homme.

M MORIN: Est-ce qu'un autre membre de votre équipe pourrait peut-être répondre à ma question?

M. MCKEEFREY: Yes. If you will notice, we do not say that it is contained. We say: "We contend that the 1960 Canadian Bill of Rights implies..." "We contend" is the phrase we used.

M. MORIN: Vous ne dites pas "implies", vous dites "guarantees". Je vous demande quel article.

M. MCKEEFREY: I regret that we cannot give you the article.

M. MORIN: II n'existe pas; vous auriez

beaucoup de difficulté à le trouver, mais vous n'auriez pas dû affirmer une chose aussi entière. Seconde question. "We further contend that the United Nations Universal Declaration on Human Rights gives parents the right to choose the language in which their children are educated". Quel article, s'il vous plaît?

M. SUTER: Encore la même réponse. Je vous avoue franchement que vous nous avez donné tellement peu de temps pour préparer notre mémoire et, comme parents, notre seule responsabilité n'est pas d'écrire des mémoires. Je pense que la personne qui a suggéré cela nous avait dit que cela avait été écrit dans le journal, que cela avait été pris dans un article qui avait été écrit par une personne qui commentait les droits de l'homme de l'UNESCO.

M. MORIN: Vous n'avez pas lu vous-même la Déclaration universelle des droits de l'homme?

M. SUTER: Quelqu'un vient de me donner ce que vous cherchez. L'article 26.

M. MORIN: Paragraphe 3? Ce n'est pas de cela que l'article parle.

M. SUTER: "Universel Declaration of Human Rights in the United Nations declares in article 26 that parents have a prior right to choose the kind of education that should be given to their children".

M. MORIN: Est-ce que cela inclut la langue? M. SUTER: Cela peut impliquer la langue.

M. MORIN: Est-ce que vous connaissez des pays où cela a été interprété ainsi?

M. SUTER: Tout à l'heure, il y avait des personnes qui parlaient de la Suisse. Cela parait qu'il y en a qui connaissent la Suisse. Je la connais parce que je suis Suisse. Je suis né en Suisse et je sais qu'en Suisse il y a une liberté de choix de la langue.

M. MORIN: Oui. A l'intérieur d'un même canton?

M. SUTER: Non. Il s'agirait peut-être de voyager un peu. Il est certain que les distances en Suisse ne posent pas de problèmes comme au Canada.

M. MORIN: Oui, est-ce que vous pouvez nous dire si, en Suisse, s'applique le principe de la territorialité linguistique ou le principe de la personnalité linguistique?

M. SUTER: Je ne suis pas au courant.

M. MORIN: Mais vous êtes d'origine suisse?

M. SUTER: Oui, mais je suis allé à l'école ici au Québec. Cela fait longtemps que je n'ai pas été en Suisse.

M. MORIN: II faudra que vous retourniez en Suisse pour y constater que c'est le principe de la territorialité. Je vous le dis, en toute déférence. Je crois que le fait d'avoir invoqué l'article 26, paragraphe 3, est tout à fait inapproprié. Mais je vous pose une autre question: Vous dites: "Also Canada and 71 other countries have signed the convention against discrimination in education". Pouvez-vous nous dire quel article de cette convention porte sur le choix de la langue?

M. SUTER: Je vais demander aux membres plus anciens du comité de répondre, ceux qui sont un peu plus aptes.

M. MORIN: Mais vous auriez de la difficulté, parce qu'il n'y a aucun article qui porte sur cette question. Je pense que vous avez fait des affirmations passablement gratuites dans votre mémoire, messieurs.

M. MACDONALD: Mr Morin, to go back to one of your previous questions where you indicated, on article 26, the choice of language which would not apply, I assume that you are referring to other provinces in Canada.

M. MORIN: Non, les autres pays.

M. MACDONALD: Because I wonder if you were contented with the legislation that is occured in other provinces on language.

M.MORIN: Mais nous en reparlerons dans un instant justement. Pour l'instant, je vous demanderais si, dans le cas de la convention contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, vous pouviez me dire lequel des articles porte sur le choix de la langue. Vous avez invoqué cette convention, présumément, vous savez ce que vous dites.

M. MACDONALD: What we are saying is: This brief was prepared by many members and we will check this convention and send along by letter the article that is involved there.

M. MORIN: Mais il n'y en a pas.

M. MACDONALD: I will send it to your attention, Mr Morin.

M. MORIN: Mais il n'y en a pas, monsieur, vous allez chercher en vain.

M. MACDONALD: Vous avez lu cette convention?

M. MORIN: Oui, cela fait partie des choses

que j'ai été appelé à enseigner dans le passé. Il ne s'y trouve rien sur la langue.

M. MACDONALD: Aussi, vous avez dit qu'il n'y avait pas un article dans "United Nations". Il semble qu'il y ait un article...

M. MORIN: Non, il ne porte pas là-dessus. Dans la déclaration universelle, l'article 26, paragraphe 3, ne porte pas sur la liberté de choisir la langue d'enseignement. C'est sur la religion et autres choses comme celles-là, mais non la langue. Cela n'a été interprété nulle part comme s'appliquant à la langue. Je tiens à vous le dire et je vois qu'il y a plusieurs libéraux qui sont d'accord avec moi. Ceux qui ont étudié la question le savent. Ni dans la déclaration canadienne, ni dans la déclaration universelle, ni dans la convention que vous avez invoquée, il ne se trouve de disposition portant sur le choix de la langue d'enseignement. Il faudrait que ce soit bien clair. Mais j'ai d'autres questions à poser, M. le Président.

A la page 1 de votre mémoire, vous dites, parlant de l'anglais et du français: "... both of which are official languages in Canada".

J'aimerais vous demander plus de détails là-dessus. Est-ce que vous vous référez à l'article 133 et aux institutions fédérales seulement ou si vous vous référez aux autres provinces? C'est à la page 1, à la fin du second paragraphe.

M. SUTER: No. We are referring to Canada as a whole, not to a particular province.

M. MORIN: Oui, mais l'éducation relève des provinces, messieurs.

M. SUTER: D'accord.

M. MORIN: Dans le domaine de l'éducation, quelle est la portée de la phrase que je lis à la page 1? Vous dites: "The Committee strongly opposes bill 22 which revokes the right of all residents of this province to choose a school where education is conducted in the language of their choice, either French or English, both of which are official languages in Canada". Vous semblez vouloir justifier, par ce dernier membre de phrase, le fait que vous vous opposiez à ce projet de loi. Je me demande comment vous faites le lien logique entre ces deux parties de la phrase. Est-ce que c'est parce que le français et l'anglais sont officiels au Parlement du Canada et devant les cours fédérales, que vous prétendez qu'on doit avoir le libre choix de la langue dans les écoles du Québec? C'est cela, votre raisonnement?

M. SUTTER: Ce serait normal d'avoir les deux langues, oui.

M. MORIN: Alors, ce serait normal aussi, j'imagine, au Manitoba.

M. SUTER: D'accord.

M. MORIN: Est-ce que cela l'est?

M. MACDONALD: Do you think that is right, Mr Morin?

M. MORIN: C'est à moi de poser les questions. Est-ce que cela l'est au Manitoba?

M. MACDONALD: We do not think it is right. That is why we do not think it is right for Québec.

M. MORIN: En Saskatchewan, maintenant, quelle est la situation en matière de langue d'enseignement ?

M. MACDONALD: You have the same situation there which we think is not right and it is not right for Québec either.

M. MORIN: En Colombie-Britannique, maintenant, messieurs, quelle est la situation de la langue d'enseignement?

M. MACDONALD: You have the same situation.

M. MORIN: C'est-à-dire? Pouvez-vous nous la décrire? ... vous ne savez pas?

M. MACDONALD: I said it is the same situation as it is in Saskatchewan and in the others.

M. MORIN: C'est-à-dire quoi exactement? Soyons précis.

M. MACDONALD: In my opinion, they have education in one language.

M. MORIN: Peut-on passer maintenant à l'Alberta? Quelle est la situation en Alberta?

M. MACDONALD: The same situation.

M. MORIN: Quelle est la situation à Terre-Neuve?

M. MACDONALD: You take the same situation all except Nova Scotia and New Brunswick. You will save some time.

M. MORIN: Quelle est la situation en Nouvelle-Ecosse puisque vous en parlez?

M. TETLEY: Vous vous trompez. M. MACDONALD: The same thing. M. MORIN: La même chose.

M. TETLEY: Dans Terre-Neuve, pour l'éducation, il y a même des écoles, Eglises unies, Salvation Army, un système plutôt, pas de langue, mais de religion. Très compliqué.

M. MORIN: Oui, mais ce dont nous parlons, le ministre des Institutions financières en conviendra, c'est de la langue, de la liberté ou de la soi-disant liberté de choix de la langue. Je pense que les personnes qui comparaissent devant la commission ce matin admettent qu'à Terre-Neuve il n'y a pas de choix pour les parents, ni en Nouvelle-Ecosse nous a-t-on dit. C'est bien cela? Parlez-nous maintenant du Nouveau-Brunswick, comment est-ce que ça fonctionne? J'imagine que vous avez étudié la question, messieurs?

M. MACDONALD: No, we have not studied the question. We are down here to talk of the situation in Québec and we are not familiar with New Brunswick. We know that there is some status given to French in New Brunswick.

M. MORIN: Messieurs, je regrette. Vous avez invoqué le fait que les deux langues soient officielles au Canada. Moi, si vous vous appuyez sur le Canada, je veux aller voir ce qui se passe ailleurs dans les autres provinces. Je suis intéressé à le savoir et vous aussi, sûrement. Vous n'êtes pas myopes au point de croire que le Québec vit dans un vacuum, n'est-ce pas? Ce n'est pas un ghetto, le Québec. Cela s'inscrit dans un contexte plus large, on doit s'inspirer du contexte plus large. Je vous demande: Quelle est la situation au Nouveau- Brunswi ck ?

M. MACDONALD: We have gone along with you, Mr Morin, and said that what is happening in these other provinces we do not think that is right and if it is not right for these other provinces, then it should not be right in Québec either.

M. MORIN: Et dans l'Ontario, maintenant, messieurs, quelle est la situation?

M. MACDONALD: We repeat ourselves again and say it is much the same situation.

M. MORIN: Autrement dit, si je comprends bien, vous invoquez le fait qu'il y ait deux langues officielles au Canada, mais vous reconnaissez que, dans aucune province, il n'existe un choix de la langue d'enseignement.

M. MACDONALD: We are saying that because we have a freedom of choice in Québec here, we want to retain that freedom of choice in education.

M. MORIN: Mais vous admettez que ça n'existe nulle part ailleurs?

M. MACDONALD: That does not mean that it is not a good thing.

M. MCKEEFREY: Mr Morin, in Ontario, the French schools have increased at a great number. The organization of the francophone teachers in Ontario is a very strong organization within the Ontario teachers federation. And the teaching and the opening of French schools has gone under a great rate in Ontario. So, we will except, I think, it will be justified in making of Ontario an exception. We cannot justified such people as the mayor of Monc-ton. We do not want to see a mayor of Moncton in Québec.

With regard to the official languages, we say that they are official to that extent, over and above the clauses of the British North America Act 93-133. The two official languages are implied in Quebec because we get our income tax forms in English and in French, we get the programs of the political parties at election-time in English and French, we get various directives from the ministry of Education and other government departments in English and French, so, to that extent, there is an implicit recognition of English and French as the two languages of Québec.

M. SUTER: I would like to conclude Mr McKeefrey's remarks by sayins to Mr Morin that if the other provinces have not progressed to the extent that this province has, then why should we take a retrograde step and legislate restrictive measures. Maybe we should show the way for other provinces to act and I am not sure that we should return to what they are doing. Thank you.

M. MORIN: Autrement dit, le Québec devrait faire ce qui n'est fait nulle part ailleurs.

M. SUTER: If it is in the interest of all citizens of Québec, then, yes.

M. MORIN: Et cela ne serait pas alors dans l'intérêt des citoyens des autres provinces?

M. SUTER: I think the other provinces can only follow them, when they see that there is progressive legislation in Québec.

M. MORIN: Est-ce que vous avez entendu parler de Sturgeon Falls?

M. SUTTER: Oui, et de Cornwall et de Saint-Boniface, on en entend toujours parler.

M. MORIN: Oui.

M. SUTER: Certainement.

M. MORIN: Et cela vous dit quelque chose?

M. SUTER: Oui, cela me dit que si je pouvais faire quelque chose dans ces endroits, je le ferais, pour améliorer la situation. C'est cela le premier...

M. MORIN: M. le Président, on pourra y revenir plus tard, je vois qu'il est midi, maintenant, à moins que le ministre veuille continuer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai déjà une longue liste de membres de la commission qui ont demandé le droit de parole. La commission va suspendre ses travaux jusque après la période des questions c'est-à-dire vers trois heures quarante-cinq ou quatres heures cet après-midi. Nous invitons les membres de l'organisme qui témoigne à revenir à cette heure, à cette même salle. La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, seize heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1 )

Reprise de la séance à 16 h 4

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Au moment de la suspension des travaux ce matin, the Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education for the Island of Montréal was testifying. La parole était au chef de l'Opposition. J'aimerais faire remarquer qu'il reste, selon les règlements très flexibles, bien entendu, une dizaine de minutes pour compléter les questions à adresser à cet organisme. L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: Merci, M. le Président.

J'aimerais demander à nos invités, à partir d'un passage qui se trouve dans leur mémoire à la page 3 qui se lit comme suit: "In short, the knowledge and usage of the English language is an asset for people around the globe except in the province of Québec, it seems", compte tenu de cette affirmation, quels sont à leur connaissance les pays non anglophones qui permettent un système d'école anglaises et permettent à tous leurs citoyens d'y envoyer leurs enfants?

M. MCKEEFREY: Mr President, in my capacity, which I worked for ten years as the secretary general of the Provincial Association of Catholic Teachers, I had the opportunity of meeting most of the teachers representatives from the emergent countries: India, Pakistan, Zaire, Keny, Tanganyika, Senegal, Gambia, etc. And one of the questions I always ask is: What is the language of instruction in your public schools?

In India and Pakistan, it is well known that the language of instruction under the British was English. Perhaps this is one of the reasons why the British lost that empire.

I found also, when I asked the people of Kenya and Tanganyika why it was that English was taught in their public schools, they said : It is necessary for business, for commerce. I found, in the case of Senegal and Gambia — Senegal is a former French colonly, perhaps it is silly as I have forgotten, or is it Gambia? One of them is English-speaking and the other is French-speaking — in both those countries, there seem to be a bilingual type of education.

So, in answer to the question, there is ample evidence that English is rapidly becoming a language, if not a first language in some of the emerging countries as well as their native language, at least a second language in most of the countries of the world for purpose of commerce and diplomacy.

M. MORIN: Je pense que le sens de ma question aura échappé à notre invité, M. le Président.

Je ne voulais pas lui parler des anciennes colonies britanniques où, naturellement, les

suites du colonialisme continuent à développer leurs effets. Je lui ai demandé quels sont les pays non anglophones ou, s'il préfère, qui n'étaient pas des colonies britanniques auparavant, qui permettent un système d'écoles anglaises et permettent à tous les citoyens d'y envoyer leurs enfants.

M. MCKEEFREY: M. le Président, I can think of India and Pakistan at this moment.

M. MORIN: M. le Président, il s'agit là d'anciennes colonies britanniques. Est-ce que, en dehors des anciennes colonies britanniques, notre invité pourrait nous nommer des pays non anglophones qui permettent un système d'écoles anglaises et permettent à tous leurs citoyens d'y envoyer leurs enfants?

MME TESTER: Mr President, what we are concerned with is the freedom of choice in the language of instruction, as we presently have it under bill 63. My experience is not broad enough to discuss which countries have which and why and wherefore. I live in the Province of Québec. I am proud to live in Québec. I wish to point out that our concern in that the freedom to choose the language of instruction for the children is a right of all parents. This is in the law by virtue of bill 63. In addition to that, I would like to make strong mention of the undue amount of power given to the civil servants within the context of bill 22 as it has been presented. This, I am sure you will all agree, can be a most dangerous ground to threat for all, not for one side or another, but for everyone. Because the power then, the authority is within the hands of the civil servants, and not within the hands of the creators of the law.

M. MORIN: M. le Président...

MME TESTER: May I continue? May I finish? I have one more point.

M. MORIN: Oui.

MME TESTER: Thank you, M. Morin. The improvement of second language teaching is of vital concern to affect the bilinguism, so that two cultures may exist and grow side by side, not one to the detriment of the other, not a majority to the detriment of the minority or a majority that is suffering of a majority or anything else, a bilinguism for two to grow side by side. This, Sir, is what our concern is. The freedom of choice of the parents to choose a language of education for their children, which is their right. Thank you.

M. MORIN: M. le Président, nous pouvons apprécier maintenant, avec quelques années de recul, à quel point le bill 63 a été une erreur historique, mais je ne m'attarderai pas sur ce point. Ce qui m'intéresse dans le mémoire qui nous a été soumis par cette association, c'est qu'elle invoque à plusieurs reprises des droits fondamentaux et elle invoque également ce qui se fait dans le monde entier. Je cite en particulier deux phrases: "The freedom to choose the language of instruction is also a fundamental right." J'ai démontré ce matin, je pense, que les sources sur lesquelles s'appuyait cette association, c'est-à-dire la Déclaration canadienne des droits de l'homme, la Déclaration universelle des droits de l'homme et la convention contre la discrimination dans l'éducation, dans l'enseignement, ne pouvaient, en aucune façon servir de fondement à une assertion comme celle-là.

Cet après-midi, je suis parti d'une autre phrase contenue à la page 3 du mémoire et qui dit: "In short, the knowledge and usage of the English language is an asset for people around the globe except in the Province of Québec, it seems." Et naturellement, une telle phrase amène la question suivante: Mais enfin, quels sont les pays non anglophones qui ne sont pas d'ex-colonies britanniques qui permettent un système d'écoles anglaises et qui permettent à tous leurs citoyens d'y envoyer leurs enfants?

M. MACDONALD: I do not think that the question leads properly from that phrase. We have discussed this question of rules in other provinces and legislations in other provinces. We have agreed that we do not think what they legislate in other provinces is right and if M. Morin wants to continue on that vein and take it to the ridiculous and say that if there is a rule or a regulation in Saskatchewan, that we shoot people who are walking on the street after eight o'clock in all of the other provinces of Canada except Québec, except that law, I still do not think it becomes a precedent for Québec to accept that law.

M. MORIN: Oui, mais...

M. MACDONALD: It is wrong somewhere else and I do not think it is right here.

M. MORIN: C'est une autre question, M. le Président. Je n'ai pas abordé cet après-midi la comparaison avec les autres provinces. Nous l'avons fait ce matin. Il est bien évident que, non seulement les autres provinces canadiennes, mais notre voisin américain, lui non plus, ne permet pas le choix de la langue d'enseignement. Un pays fort comme les Etats-Unis pourrait peut-être se le permettre, parce que culturellement, cela ne causerait aucun danger pour la culture américaine. La question est de savoir si un pays comme le Québec, avec les problèmes linguistiques auxquels il est affronté depuis quelque temps, si un pays comme celui-là peut se permettre d'offrir ce choix. Mais cet après-midi, ce n'était pas le sens de ma question. Je n'ai pas encore eu de réponse qui

me donne satisfaction. Je le dis en toute déférence pour nos invités. Ils affirment, à la page 3 de leur mémoire, que la connaissance et l'usage de la langue anglaise sont un avantage partout autour du globe, sauf au Québec, il semble.

Je leur dis: Nommez-nous des pays qui ne sont pas des pays anglophones, qui ne sont pas d'ex-colonies britanniques et où l'on se rend à votre argument, à l'argument de votre mémoire, et qui permettent à tous leurs citoyens d'envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises. Nommez-nous un pays. Vous n'avez pu nous donner aucune province, ni aucun Etat américain ce matin; maintenant je vous demande s'il y a des pays qui pourraient nous servir d'exemple.

M. MCKEEFREY: M. le Président, with regard to that particular phrase, it seems this refers to the possible passage of bill 22 as it now stands. Up to the present time, of course, we have freedom of choice, but if bill 22 is passed as it stands, we are creating different classes of people in Quebec. Those who have the means will be able to send their children to private schools to learn English. There were laws being created in Québec and a lead class, a governing class, but the vast majority of — let us say — the people French and English-speaking will not be able to afford this luxury. And thus, you will have what I will call a submerged class who will not have the opportunities for employment and for freedom of movement, which the more affluent class will possess as the result of the passage of this bill as it stands. That is what the phrase, it seems, refers to.

M. CHARRON: Puis-je compléter le dire du chef de l'Opposition.sur quelques points?

D'abord, à la suite des remarques du chef de l'Opposition, je voudrais vous faire remarquer aussi qu'il n'y a pas que ce que le chef de l'Opposition vous a fait remarquer comme faux dans votre mémoire, les affirmations que vous faisiez qui ne sont basées sur rien, mais encore en est-il des statistiques que vous donnez.

Vous affirmez en page 3 que l'anglais est la langue d'usage d'à peu près 35 p.c. de la population sur l'île de Montréal. Ce n'est pas vrai. La langue d'usage, l'anglais, pour la population de Montréal touche 25 p.c. de la population du Montréal métropolitain. Quand vous affirmez que l'anglais est utilisé par approximativement 20 p.c. de la population de la province de Québec, ce n'est pas vrai non plus. L'anglais est la langue maternelle de 13.1 p.c. de la population du Québec. Ce n'est pas la langue maternelle de ceux que vous avez assimilés par votre système scolaire actuel. Ce n'est pas vrai. Surtout, ce que je veux vous faire remarquer et je vous inviterai ensuite à le commenter parce que je dois terminer avec une question. Je ne suis pas d'accord sur la première affirmation — et tout le zèle et le militantisme que vous mettez, je ne peux que le reconnaître, à l'ardeur que vous mettez à défendre vos positions — de la première phrase du deuxième paragraphe de votre mémoire quand vous dites: "The Committee strongly opposes bill 22 which revokes the rights of all residents of this province to choose a school where education is conducted in the language of their choice." Ce n'est pas vrai non plus. Le projet de loi 22 ne vous retire pas la liberté de choix, il ne la retire à personne. Vous aurez encore, toujours, la possibilité d'assimiler les immigrants et d'assimiler les francophones.

Comprenez-vous que l'opposition unanime que les francophones ont manifestée en même temps que vous à la loi 22 a porté à une occasion bien simple, c'est que la liberté de choix demeure. Elle est toujours là. Si vous lisez la loi attentivement, elle ne révoque en rien la liberté de choix. Il est dit aux articles 48 et 49 que l'enseignement sera donné dans les deux langues. Ce sera aux commissions scolaires de vous placer exactement au niveau scolaire où elles croient devoir vous placer, ce qui est exactement le cas actuel que la Commission scolaire de Brossard a utilisé, par exemple.

Le test n'est même pas obligatoire. Il ne surviendra que sur discrétion du ministre lorsque la situation lui paraîtra envenimée, autrement dit, quand il y aura des Saint-Léonard, des Brossard, des Laval, des feux quoi, quand des parents francophones manifesteront, au besoin avec violence, pour que le ministre de l'Education se croie justifié d'intervenir et d'imposer un test que personne de nous ne connaît encore.

Le test sera une connaissance d'usage de l'anglais pour un enfant. Mais savez-vous ce que c'est que la connaissance d'usage de l'anglais d'un enfant de cinq ans, comme vous nous le signalez vous-même? Ce que je refuse, dans votre position, au départ, c'est que vous arrivez ici en brandissant le spectre de la discrimination, d'un droit qu'on vous retirerait, celui d'envoyer vos enfants à l'école de votre choix, dans votre cas. Ce qui veut dire, très suavement, le droit d'assimiler certains des nôtres, comme le pourcentage l'indique clairement, et le droit d'assimiler les immigrants à notre place.

Puis-je vous rappeler à une lecture très simple du chapitre de l'enseignement qui est aussi très simple — il porte en cinq articles — que ce droit est maintenu? La loi 63, chère madame, que vous défendiez avec vigueur tout à l'heure, se retrouve dans le projet de loi 22, comme il est là. Le seul effet qu'il puisse y avoir, c'est cette discrétion que se réserve le ministre, dans des cas aussi éclatants que ceux de Laval, de Saint-Léonard, d'intervenir avec un test. Mais, encore une fois, pour reprendre le témoignage de John Abbott hier soir, avez-vous à craindre de ce gouvernement que ce test soit si difficile que

ça pour empêcher l'accès à l'école anglaise? C'est votre gouvernement, vous l'avez élu, vous l'avez financé, il est à cette situation de force actuellement parce qu'il vous appartient. Et c'est lui qui a fait un projet de loi aussi vague et aussi confus parce qu'il voulait, en même temps, vous maintenir et, en même temps, à ce point soudoyer l'opinion publique francophone pour qu'elle croie retrouver un argument en sa faveur dans le projet de loi.

Vous n'avez aucune crainte à avoir comme anglophone, tous vos droits sont intégralement maintenus et vous en avez plus que jamais aucune minorité n'en a eu, y compris la nôtre dans des endroits du pays où vous êtes une majorité et où vous ne vous comportez pas exactement comme vous voudriez que nous nous comportions envers vous actuellement. Ces craintes, je sais que vous les témoignez avec ardeur. D'autres groupes anglophones qui viendront à la table de cette commission le feront encore. Nous, de l'Opposition, referons exactement le même message. Avant de partir en peur, de brandir le spectre de la discrimination et de la disparition de votre minorité si puissante dans la vie québécoise, reprenons ensemble, article par article, le chapitre de la langue d'enseignement. Et vous allez voir que tous les droits que vous aviez d'usage, qui vous ont été reconnus légalement dans ce bill 63, vous les avez encore dans le bill 22. Il vous sera toujours permis d'assimiler les francophones, il vous sera toujours permis d'assimiler les immigrants à notre place. Et c'est exactement pourquoi une bonne partie de l'opinion publique francophone, comme nous aurons l'occasion de l'entendre, dénonce le projet de loi, parce qu'il ne convient pas à notre intérêt.

Autrement dit, ce que nous exigeons maintenant du Québec, c'est la même règle que tous les pays du monde ont exigée à l'égard de leurs minorités ou à l'égard de leurs immigrants, que vous-mêmes vous avez exigée à notre égard dans les autres endroits du pays où vous étiez une majorité. Nous demandons simplement à devenir un peuple normal, c'est tout. Je peux vous inviter à commenter la position que je viens de prendre, si vous le voulez.

M. MAC DONALD: I think that was a pretty long question, M. Charron. I think that the answer to your question is contained in the definition of the word "anglophone". Our definition of the word "anglophone" is those people who have chosen to have their children educated in the English Catholic system.

UNE VOIX: Or Protestant.

M. MACDONALD: Or Protestant. But we are speaking for the Catholic group, at this moment. Now, we know that a large number of immigrant children in our system... And I resent that word "immigrant" because I think we have to distinguish when a person disconti- nues being an immigrant. Once, they have their citizenship papers and they are Canadian citizens, and they have the right of choice. Now, in that context, you have people who might be of Italian descent, who might be of Greek descent or some other. And if they speak their language at home, their native language, their mother tongue at home, then their children may not be able to pass that test, and this is where we say that freedom of choice has been withered away.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, j'aurais quelques courtes questions à poser, en me référant à la dernière page de votre rapport, à la page 8, dans vos conclusions. Dans l'avant-dernier paragraphe, vous mentionnez un principe, que nous admettons d'ailleurs, selon lequel ce sont les parents qui doivent assumer la première responsabilité de l'éducation de leurs enfants. D'ailleurs, ce principe, nous avons eu l'occasion de le défendre en maintes et maintes occasions, mais je veux aller plus loin. Pour renforcer votre position, vous dites plus loin et vous vous référez à une encyclique du pape Pie XI. J'ai trouvé cela un peu curieux, parce que j'aimerais savoir si le pape Pie XI a abordé la question linguistique dans ses encycliques.

M. MCKEEFREY: No, Mr President, he did not, but perhaps we could have a valid analogy here. If sometimes in the future, there were elected to the province of Québec a Parliament which was strongly and extremely Catholic, and they discovered that the Catholic population was going down, we shall then be justified in framing laws which would compel all future immigrants to be baptised again and to join the Catholic church, such as the Albigensians did in the XIII and XIV centuries.

This is a valid analogy, I think.

M. ROY: Ils l'ont abordé sur une question de croyance, sur une question de foi, mais en aucun moment... J'aimerais qu'on me cite l'article dans lequel la question linguistique a pu être abordée.

J'aurais une deuxième question, M. le Président, puisque vous vous référez en plus, encore pour renforcir votre position, au document de l'éducation de Vatican II Je vous cite l'avant-dernier paragraphe de votre rapport, en guise de conclusion. J'aimerais que vous me disiez quand et où, dans les documents de l'éducation de Vatican II, on a discuté de la question linguistique?

M. MCKEEFREY: It does not discuss the question, it covers everything under the heading of: The parent has the primary responsibility. It just happens that in the Province of Québec, unlike some of the other provinces, there are two linguistic systems of education, in fact.

Therefore, there is a choise, And the choice is actually already in the law, the law which is proposed now to abrogate.

The Vatican documents do not have to specify. The simply say "primary responsibility". The parent has the responsibility.

M. ROY: Vous parlez de deux systèmes d'éducation dans la province de Québec et il y a une question de loi là-dedans. On sait très bien, à ce moment-là, que vous devez faire référence à la fameuse loi 63. Pourquoi ne vous référez-vous pas à une question linguistique? Parce que ce ne sont pas les questions de foi qui sont en cause, ce sont les questions linguistiques dans votre rapport.

Je trouve qu'il n'y a pas de relation entre ce que vous venez de dire et toute la question qui est en cause dans le projet de loi 22 et les documents sur lesquels vous vous êtes référés pour renforcir votre position dans l'avant-dernier paragraphe de votre mémoire. Parce que si on prend le même principe — et vous parlez des deux systèmes d'éducation et de la liberté de choix — parce que vous en avez beaucoup parlé plus tôt, j'aimerais que vous me disiez, si demain matin je m'en vais demeurer à Toronto, si j'aurai la possibilité et la liberté de choisir entre deux systèmes d'enseignement?

M. MCKEEFREY: In Toronto?

M. ROY: Oui.

M. MCKEEFREY: Yes.

M. ROY: Je peux choisir des écoles francophones dans Toronto pour le système d'éducation primaire et au secondaire?

M. MCKEEFREY: Of course. I can tell you, in my capacity, I have been associated with the 8,000 francophone teachers of Ontario.

M. ROY: D'accord pour des cours de français, mais un système d'écoles entièrement francophone public?

M. MCKEEFREY: No, in the separate schools, I am sorry but there have been...

M. ROY: Dans les écoles privées. M. MCKEEFREY: Yes, I know.

M. ROY: Je parle de système d'éducation dans Toronto. On ne parle pas des écoles privées, à ce moment-là, on parle de système d'éducation public. Est-ce que, dans Halifax, j'aurai la liberté de choix entre l'école publique sans avoir recours à l'école privée? Est-ce que j'aurai la liberté de choisir entre deux systèmes d'éducation publics, l'un francophone, l'autre anglophone?

M. MCKEEFREY: Mr President, we are back to the old question again. If a person can beat his wife in Moncton, there is no reason why that law should not be applied in Québec.

M. ROY: A Moncton, il y a le maire Jones, on est au courant de tout cela.

Mais si je n'ai pas la liberté de choisir entre deux systèmes d'éducation publique à Halifax ou à Toronto, est-ce que cela veut dire qu'à partir du moment où je quitte la province de Québec je deviendrai un citoyen diminué, c'est-à-dire un citoyen qui ne pourrait pas être considéré à part entière?

MME TESTER: Mr President, possibly this government could consider that a democracy is judged by how it treats its minorities. It will go down in history on that basis. And maybe, if in the Province of Québec, it can be shown that two systems are available, at the choice of the parents whose right it is to choose, then maybe some of the problems in the other provinces that we keep hearing about, will be cleared up. We are here concerning the problem of the Province of Québec at the moment.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Pointe-Claire.

M. SEGUIN: Vous me surprenez, M. le Président. Franchement, avec le peu de temps qui restait, je pensais que je n'aurais pas l'occasion de faire des commentaires.

Je voudrais être très bref et couper court à tous les commentaires que je voulais faire, toutes les observations que je voulais faire à la suite de l'intervention que nous avons entendue.

I will switch back now, to be in conformity with the language spoken by the people presenting this particular brief.

Unfortunately this morning, you were taken over the coals very astutely and very capably and very well by the leader of the Opposition, who is an expert in constitutional law, and I can recognize the fact that to the points made by the Opposition in that particular sphere, especially in matters concerning page 5, I think, of the brief, seem to distract somewhat from the presentation that you were trying to make. Possibly, it would have been advisable, had the organization picked professor Frank Scott's observation in last weekend's Montréal Star to defend the constitutional aspects of your presentation. However, that was not the case. We did have to accept and receive the presentation you made. Therefore, the members of the commission will have to judge your presentation, if you will, and "le bien-fondé", the value of your argument related to the arguments that you used and the proposals you made.

I would like to come back very briefly again, and this will be the tenure of my questions throughout the studies of the bill. You did refer to the fact that you represented 73,000

Catholic students, if my memory is correct, according to the first statements of the opening of your address this morning. Could I have a little more details, please, from any one of the persons involved who would like to clarify this situation for me? Would you give a description as to how the brief was prepared? Who took part in the preparation of the brief? Was the brief submitted to a group who would vote on it or agree to it? So we will recognize the value, if you will, as to the voting power of the people who sent you here to represent them, and also, how are the members appointed to the coordinating committee? That is, the members coming from the different areas. That is not a loaded question. If you do not have the answers, simply say so. I just want that clarification for now.

M. MCKEEFREY: Mr President, in answer to the question, we had about twelve meetings, I think of a group of anything from 20 to 30 people representing educators and presidents of Catholic parents' committees of the Island of Montréal. Practically all areas were represented from Pointe-Claire to the East End. A subcommittee was set up after six or seven meetings of discussion.

We were, of course, handicaped by the vague language of the bill. We had a terrible job with the language determining what was what, determining how, for example, the minister of Education, in clause 52, could ensure that any "pupils receiving their instruction acquire a knowledge of spoken and written French..." I do not know in all my experience of education... I have never been able to ensure anything of the kind. So we had certain difficulties over the vague nature of the bill. We had certain difficulties of what kind of tests, what kind of people would set these tests, how you could test a five year old for his knowledge of the language, etc. So you could realize there was great difficulty and a great deal of discussion before this brief was prepared.

Eventually, we set up a small subcommittee to write out the brief. They prepared the brief. It was brought back. There were certain corrections made. The brief was then submitted to the representatives of the parents committees mainly, because the educators were not so much concerned. It was given to the representatives of the parents committees to take back to their school committees and to their parents committees and we even consulted the Italian population as to what sort of position they would take and then, when we got back the votes of the people, we decided that this was the position which would be taken by the majority of the anglophone Catholics on the Island of Montreal. It is what the minister has called many times participatory democracy.

M. SEGUIN: Therefore, one could assume... And I should ask the next question: In these meetings, was there unanimous consent as to the presentation or was there some dissension shown as towards your qualifications as representing them? Was there some dissension? Was there opposition to your use?

M. MCKEEFREE: Well, of course, there was in the early stages of every discussion, there was the ordinary opposition, there was the ordinary objection to some things that were proposed but, eventually, we hammered out a brief that could be supported by the majority. In fact, I think that, at the last meeting, the vote was unanimous.

M. SEGUIN: I recognize therefore your right to represent the organization called Committee for the Coordination of Anglophone Catholic Education for the Island of Montreal. I could go into more details. The time is pressing. I am trying to speak fast, so someone else will have an opportunity... The next point that I want to make is this: Simply to clarify the brief in the presentation and the intent, if you will, if not specifically spelled out, but is your intent, reading diagonally through the suggestions that you make as to amendments or proposals, changing the bill, its intent, its composition, its make-up, etc., and its bearing on the future, are you — and this might be contrary to a suggestion that was made earlier as to your position but I will like you to think over the following question and I will enonciate a sentence here and I would like you to either affirm with a yes or a no and that will be the end of my question — for clarification, are you suggesting that and agree with the fact that greater emphasis and encouragement, including financial encouragement, should be enforced by the provincial government towards the teaching of the French language in this province, that you would agree to this extraordinary effort of promoting the French language across the Province and most specifically in the English areas?

At the same time, as the province would indulge or become involved in a greater promotion situation with the assistance necessary, you are asking that no restrictive measures be brought to the teaching of the English language. Would this be a résumé of your presentation? You do not object to the emphasis of French, but you do seem concerned, and you are suggesting to this commission that the teaching of the English language should not be, in any way or form, restricted or classified. I am talking of freedom of choice as well. Is the answer yes or no to that exposé?

M. SUTER: Most emphatic, yes.

M. SEGUIN: Yes, thank you. That is the end of my question.

M. MACDONALD: We would like to see the teaching of English in the French schools improved also. We think that parents have a real concern in this area.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: Mr Speaker, the honourable member from Pointe-Claire has asked many of the questions that I would have wished to ask. However, I would just like to ask the members of the Catholic commission this particular question: Would you state that Québec is a province and not a country? Emphatic, yes. Would you also state that what happens elsewhere...

M. MORIN: Je n'ai pas saisi la réponse à la question que vient de poser le député.

M. SPRINGATE: Would you answer the question that I just asked?

M. MACDONALD: I have not seen anything to lead me that Québec has separated yet.

M. SPRINGATE: In other words, an emphatic yes to the...

M. MACDONALD: It is still a part of Canada, to my understanding.

MME TESTER: Yes.

M. SPRINGATE: Would you state that, in the educational sphere, if other provinces are not treating their minorities in a fair and equitable manner, that Québec should reduce themselves to the level of those particular provinces or should Québec remain the leader and demand of Canada that the other provinces come up to Quebec's level?

MME TESTER: Hear! Hear!

M. MCKEEFREY: Emphatically yes!

M. SPRINGATE: Emphatically, yes. These are all the questions I have.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Vous dites, dans votre mémoire, à la page 5: "Does this government really believe that the French language and culture will be enhanced by removing the freedom of choice from parents and reducing the English to second class citizens and the immigrants to third class citizens".

J'avoue ne pas trop comprendre le sens de cette affirmation. Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous voulez réellement dire par ce paragraphe?

M. SUTER: The purpose of the bill is to make French the official language of this province. You will note that our brief does not contest article 1. In anyway, we are not opposed to that. At the question: Does this governement really believes that the French language and culture will be enhanced, we ask ourselves this question: Can you improve any situation by restricting the rights that are established in law to the minorities or an individual?

That is why the question was put in that fashion.

M. SAINT-GERMAIN: Pourquoi dites-vous que les citoyens anglophones vont être de deuxième classe et les immigrants de troisième classe?

M. MCKEEFREY: The purpose of the bill will be to create different classes of citizens: those who have a free choice, they already have it, those who have a choice under certain conditions and those who will have no choice at all. So, in those three classes of course, there must be some discrimination. But with regard to the first point, Mr President, of course we recognize, and everybody does except a fool, that Québec is a French province: 80 p.c. of the people are French-speaking. We recognize that. All that we are asking for is that the French language and culture be developped and preserved, we will certainly help that along, but we are asking also that the rights of the minority be respected and we do not see how giving the right of choice will cause a great deal of difficulty to the further advancement of the French language. I give you my case. When somebody mentions anglophone, of course, I always maintain I am neither an Anglophone nor a saxophone if you want that. When I speak in English, I am speaking the language of the "vainqueurs de mon pays de naissance". It has not made me anymore English, nor, as far as I can see from the history of the country in which I was born, because a language was forced on the pople of that country, it certainly has not made them English. It has not destroyed their culture. In fact, the English have gained a great deal from forcing their language on the inhabitants of the country where I was born.

M. SAINT-GERMAIN: On dit, M. le Président, à la deuxième page: "We agree that it is incumbent upon the government of the Province of Québec to ensure the pre-eminence of that language and to promote its vigour and quality". Qu'est-ce que vous croyez que devrait être cette politique du gouvernement pour promouvoir la langue et la culture de la majorité dans le Québec?

MME TESTER: Mr President, by that statement that we agree that the government

of the Province of Québec to ensure the pre-eminence of the language and promote its vigour and quality, we do agree to promote it, to encourage it, to improve it, to make it a choice that people will take freely, not to impose it on the parents. Again, it is a question of choice which is the basis for the whole brief, for the whole position. It is a question of freedom of choice.

M. SAINT-GERMAIN: Yes, but we know very well, let us say, that you are against a number...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Si vous me permettez, j'aimerais vous faire remarquer que nous dépassons le temps alloué de quelque 20 minutes déjà.

M. SAINT-GERMAIN: C'est la dernière question.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez la comprimez, s'il vous plaît.

M. SAINT-GERMAIN: Entendu. Nous tenons pour acquis que vous êtes contre le bill 22. Mais vous admettez tout de même que la province de Québec devrait avoir une politique pour protéger la langue et la culture françaises au Québec; quelle devrait être, à votre sens, cette politique?

M. MACDONALD: I think, to answer your question, if something could be done about the declining birth-rate, this would help the "québécois" culture, because I think... I am not saying that...

M. SAINT-GERMAIN: Je ne parle pas d'une...

M. MACDONALD: ...facetiously because the point must be realized that the "québécois" culture, which you want to preserve, if you take many immigrants into this, will change, it will not be a "québécois" culture. It has to change. So, if you really want to preserve your "québécois" culture, you have to increase your birth-rate and bring your population up. I know that sounds very pragmatic.

M. SAINT-GERMAIN: That is the only way, you would say.

M. MACDONALD: No, I do not think it is the only way.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: Mr President, this morning, as the member from Pointe-Claire pointed out, many questions were asked and just for the clarification of the people appearing before the commission and who do not know all of its rules, it is not permitted for another member of the commission to intervene when other loaded questions or statements, which are not factual are made and I would just like to clarify one or two points that were made this morning. When you were asked on what basis, you stated that French or English are official languages in Canada, I must conclude that you based that on the Official Language's Act of 1969 and also on the recent judgement of the Supreme Court in the Jone's case. And furthermore, when you contend that the 1960 Canadian Bill of Rights guarantees linguistic rights, I must presume that this is an opinion that you have and you are basing that opinion partly on the Official Language's Act and partly on the statement of the Bill of Rights which provides for freedom from discrimination on the basis of race, language or creed.

Mais il y a deux questions que je voudrais vous poser, si vous me permettez de les poser en français, s'il vous plaît. On parle des droits des autres provinces, mais est-ce que vous avez connaissance que l'Ontario et le Manitoba ont récemment promulgué une loi pour garantir la liberté de choix aux parents en anglais ou en français aux écoles primaires et secondaires où il y a un nombre suffisant d'étudiants? On a fait ça en Ontario et au Manitoba. Quand on parle des autres pays, parce que je crois qu'on va toujours demander ce qui arrive dans les autres pays, je voudrais poser la question et ça pourrait peut-être nous guider dans nos délibérations avec les autres mémoires qui seront présentés. Est-ce que vous connaissez aucun autre pays au monde qui s'appelle démocratique, où il y a une minorité culturelle ou linguistique de 13 p.c. à 20 p.c. — je vais prendre les chiffres du député de Saint-Jacques — et où cette langue n'est pas reconnue comme officielle et où cette minorité n'a pas accès à ses propres écoles? Est-ce que vous connaissez un pays au monde où ces conditions existent? Je vais vous citer un pays que je connais, la Finlande où les Suédois, qui sont 7 p.c. de la population, ont leurs propres écoles et c'est un droit qu'ils ont dans la loi. Connaissez-vous d'autres pays qui ne reconnaissent pas ces droits culturels et linguistiques à une minorité aussi large que la minorité dans la province de Québec au Canada?

M. MCKEEFREY: No. M. CIACCIA: Merci.

M. SUTER: M. le Président, est-ce que je peux avoir la parole? The answer is no. Quite clear. I would, however, like to complete Mr Macdonald's answer to Mr Saint-Germain, perhaps because there were some laughters, you got an incomplete answer, I think the answer is contained in our brief. We say that

it can be best accomplished by persuasion and incentive, not by coercion and I may give an example.

I think if you encourage an Italian pizzeria to change its sign from purely Italian or from English and Italian to French, if you tell him he has to do it within eight days, and get it down fast, or if you are going to take it down for him, you will have confrontation. If you have incentives, if you encourage him by paying for 10 p.c. on the sign or 20 p.c. on the sign, he will change it in due time, especially when he finds out that by changing the sign, he sells more pizzas. That is quite clear. We are opposed to the coercion, that is all. We demand the freedom of choice. Thank you.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jean. Dernière question. Avant-dernière question.

M. VEILLEUX: Vous dites à la page 9, dernière ligne, que la loi restreint la liberté. Vous êtes des parents anglo-catholiques qui avez des écoles anglo-catholiques. Expliquez-moi donc de quelle façon le projet de loi restreint votre droit de parents anglo-catholiques à envoyer vos enfants dans les écoles anglaises catholiques? Expliquez-moi cela, parce que tout votre mémoire repose sur cette ligne-là. Expliquez-moi cela comme il le faut, parce que je ne comprends pas. C'est aussi simple que cela.

M. MACDONALD: Mr Member, as I said before, we have a large number of ethnic groups who are part of our anglophone Catholic community, who have chosen...

M. VEILLEUX: Excusez, vous avez dit ce matin que vous représentiez des anglo-catholiques...

M. MACDONALD: Non, non, des anglophones catholiques.

M. VEILLEUX: Les anglophones catholiques, 70,000 étudiants, si je ne me trompe pas...

M. MACDONALD: 73,000.

M. VEILLEUX: Ces 73,000, expliquez-moi de quelle façon le projet de loi restreint leur liberté.

M. MACDONALD: And I also defined this for Mr Charron. We defined the anglophones as those who have chosen to have their education in the English Catholic system. Now, where we see an "accrochement" is in article 48. And I said that we have some people who are of Italian extraction, and they still speak Italian at home. You may have a ten year old who is in the English Catholic system and his brother who is three, if they speak Italian at home, will not be able to pass an English test. So, he will be directed towards French school.

This is where we see a restriction of freedom of choice, because these people are citizens of Canada, we consider them a part of our group.

M. VEILLEUX: Si je comprends bien, si les enfants sont nés de parents, soit de mère ou de père, anglo-catholiques, le projet de loi tel quel ne restreint pas la liberté des parents, en tant qu'anglo-catholiques.

M. MACDONALD: If you are speaking of Anglo-Saxons, they will normally speak English at home. We use the term anglophone catholics, because these are the people who are in our Catholic system.

M. VEILLEUX: On parle d'élèves, d'enfants dont le père ou la mère est catholique de langue anglaise. Est-ce que le projet de loi restreint la liberté?

M. MACDONALD: It will not affect those, but we are here speaking for all the groups.

M. VEILLEUX: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La dernière question pour l'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: Je voudrais poser une toute petite question d'ordre technique. Est-ce que, à votre avis, madame, messieurs, l'article 133 du British North America Act est modifié de quelque façon que ce soit par le bill 22?

M. SUTER: It is not within our jurisdiction to comment on this. We are not in position to. We are not constitutional lawyers.

M. MORIN: Je vous pose cette question parce que vous affirmez à la page 2 de votre mémoire: "English is reduced to the status of a privilege instead of a right". Mais, lorsque je me penche sur les droits que possède l'Anglais au Québec en vertu de l'article 133, je suis obligé de constater qu'ils sont intacts dans le bill 22. Alors, je me demande bien comment vous pouvez affirmer que les droits de l'Anglais deviennent des privilèges?

M. SUTER: La loi 63 nous donne ces garanties et c'est certain que la loi 22 abroge la loi 63. Provided you can pass the test.

M. CHARRON: D'après le texte, ce n'est même pas obligatoire. lisez-le l'article 51 avant de revenir toujours avec la même histoire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON : Le test est à la discrétion du ministre, au besoin, mais aucune commission scolaire n'est obligée de l'ouvrir.

Demain matin, si la loi 22 est adoptée, le Protestant School Board of Greater Montreal peut toujours accepter dans son école n'importe qui, immigrant, francophone ou anglophone, il n'est soumis à aucun test. Il peut le placer au rang qu'il veut, comme il le peut au système actuel. Le test ne viendra que dans des cas de pourrissement de situation, c'est-à-dire quand les francophones protesteront comme ils ont été appelés à le faire dans le cas actuel.

Oubliez le test, actuellement, il n'est sur la tête de personne et personne n'est obligé de passer le test actuellement. C'est toujours l'appréhension que vous avez.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je peux revenir à l'article 133?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous en prie.

M. MORIN: J'ai posé une question sur l'article 133, on me répond par le bill 63. Voulez-vous maintenant répondre à la question que je vous ai posée tout à l'heure? Vous nous dites que le statut de l'anglais deviendrait un privilège plutôt qu'un droit. Je vous dis que l'article 133 n'est en aucune façon modifié. Comment pouvez-vous affirmer une chose comme celle-là?

MME TESTER: Mr President, unfortunately, as we said before, we are not constitutional lawyers nor can we debate in that category. To me, the crucial thing is the word "may", the indication of "may". If it was "must" or "shall", then that enshrines in the law a right but, with "may", the choice is left in the hands of the civil servants.

We all know that the future is unpredictable and "may" is most certainly unpredictable. These are the terms that we are referring to, but we certainly cannot be expected to debate on constitutional issues.

M. MORIN: Pourtant, ces questions constitutionnelles sont à la base de toute la discussion, M. le Président. Il y a dans ce mémoire plusieurs allusions, continuellement, à la situation constitutionnelle, aux déclarations de droits, etc., mais quand on commence à vous poser des questions un peu plus précises, vous dites: Nous ne sommes pas des constitutionnalistes. Je vous dis: Retournez, étudiez la question de nouveau. Peut-être, à ce moment-là, pourrons-nous avoir un dialogue intelligent.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sir ce...

Madam and Gentlemen, we thank you for your presentation and I would invite the Québec Federation of Home and School Associations, represented by their president, Mr Goodchild, to please come to the bar.

Québec Federation of Home and School Associations

M. SUTER: Thank you very much, Mr President.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'inviterais les membres de la commission à noter qu'il est 17 heures et que, normalement, si tout allait bien, nous devrions terminer l'audition du prochain groupe avant la suspension à 18 heures, ce qui ne vous empêche pas de faire tout le nécessaire pour finir avant 18 heures, si possible.

M. Goodchild, pourrais-je vous inviter à présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaft, avant de procéder à la présentation?

M. GOODCHILD: On my right hand side, Mr Laker who is the director of our association and the past vice-president; Mrs Betty O'Connell, executive vice-president; Mr Lyman Roberts, vice-president; Mrs Potter, a member of the board of directors; Dr Calvin Potter, the treasurer of our association; Mrs Margaret Bullen, vice-president; Mrs Riches, who is chairman of our policy committee and Mrs Fay Richardson who is a vice-president also.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you. Please proceed, Sir.

M. GOODCHILD: The Quebec Federation of Home and School Associations represents approximately 14,500 Québec families who are members of local associations throughout the province. In addition, our brief has been endorsed by a number of school committees and other associations who have similar educational interests. On several occasions, our members have reiterated their belief in principles which we believe are cornerstones of modern democratic government. The existing rights possessed by Quebecers must be maintained and not unilaterally abrogated; and when a government requires a public hearing, it should show good faith by allowing adequate time for a detailed study commensurate with the importance of the legislation, and furthermore, all legislation should be precise and not ambiguous. It must be debated and approved without haste by our elected representatives and should not be introduced by regulation.

The following commentary on the language philosophy in the Québec situation provides a foundation for our specific critique of parts of bill 22.

M. POTTER (Calvin): Mr President, in our view, this is a bilingual society, this is a bilingual province and, in that context, the regulation of language is a linguistic policy, and it has explosive cultural significance. We regard

language as a vehicle of culture. It is the prerequisite for its survival and the means of its reproduction. Therefore, in our view, language policy is not an incidental matter, like passing legislation about drivers' licences, about liquor permits. It is a matter that requires due time for deliberation, and our first observation is that we, as an association, have not been allowed due time for deliberate consideration of the implications of this bill. We think that has been a deplorable omission on the part of the government.

Now we recognize that the origin of this legislation reflects a sense of a community menaced in terms of its cultural and linguistic survival. Indeed, in this province, now, there are two communities who feel menaced in terms of their cultural identity and survival. And I suggest that, in that context, where we have two communities living in fear, we have a very serious problem that we must all face calmly and with due care and deliberation. la our deliberations, as short as they have been, we went back to the time of Confederation, because at that time, there was the same sense of menace reflected in Québec at the prospect in the Province of Canada of the French Québec becoming a permanent minority. Confederation was a solution or a tentative solution to that problem. And the nature of that tentative solution was that Canada was conceived as a nation, not as a national state, and it was a nation that had political and judicial unity, but had cultural and linguistic duality. And again, in that pact of Confederation, the nature of the duality was reflected and recognized in Québec. At that time, Québec was some 76 p.c. French-speaking and 24 p.c. English-speaking, and indeed in many constituencies, the English-speaking were majorities within that constituency.

That was reflected in the fact that the BNA Act was conceived of as a dual duality and the nature of that dual duality was raised this morning when the question of what the nature of bilinguism was, because from the time of 1867 on where the nature of bilinguism has been of a personal nature, particularly in Québec where there has been freedom of use of language. And that is the basic concept of the dual personality concept of bilinguism, the rigth of the individual to speak his language and to use it and that is not only a matter of individual but of a culture, the right of a culture to survival and reproduction.

In bill 22, we find a basic premise that is a contradiction of that has been the concept of dual duality in Canada for a hundred years. And that contradiction is that as we read bill 22, its basic premise is of territorial bilinguism. It conceives of Quebec eventually being a French-speaking province and the rest of Canada, eventually being English-speaking provinces. And we submit that is contrary to that basic concept to the philosophy of the

Constitution of Canada and we think, that concept, when carried to its extreme, carry serious implications not only for the immediate survival of the non French-speaking minorities in Québec who under the concept of dual duality had their rights to survival. Those rights are threatened by territorial bilinguism as it is conceived in the bill because the bill does not even recognize the advice of the government's own Gendron Commission that stated that if Québec were to go that territorial bilinguism route then Montreal itself will have to be an officially bilingual district but that is not recognized in bill 22, but our concern is not only for the immediate rights of the non French-speaking in Québec, but we contend because as citizens of Québec we are concerned not only with the welfare of one community but the welfare of all communities and we contend that territorial bilinguism as it is conceived is not in a long run interest of Québec.

M. GOODHILD: We feel that by stampeding this bill into legislation, and by imposing this sort of restrictive and discriminatory legislation, the Québec government appears to be both ignoring the increasing voluntary acceptance of the French language on all sides, and being unaware of or indifferent to the goodwill existing today between French-speaking Quebecers on the one hand, and, on the other hand, not only the English-speaking Quebecers, but those third language Quebecers, has referred to them as immigrants, who came here to escape perhaps from racial, political, or other oppressions and who generally endeavour to use both of Canada's official languages. If this evident goodwill is damaged, I feel that the results will be clearly visible and regrettable.

We have prepared this specific critique and I will run very briefly over the section which we have reviewed. I will point out we are concerned parents, we would prefer to leave the constitutional arguments to experts. We have not had time to consult legal opinion on this matter and therefore, I would say that we are parents concerned about the education of all our children, not only anglophone children, not only francophone children, but all children in the province.

In section 9 and 13, grave doubts exist to us concerning the procedure which would be applied should the ratios fall below those specified. Our concern in this matter is reinforced since the situation exists in Montreal, as an example, where the Island Council conducts its business primarily in French, with no translation facilities, and its transactions are published in French only.

Thus, many English-speaking Quebecers have difficulty in fully participating or following the activities of the council.

In section 48, we believe that these proposals do abrogate the historic right of

English-speaking parents to educate their children in their mother tongue. Making it subject to a school board decision and a ministerial confirmation to us is unacceptable.

In section 49, these proposals are unacceptable since they remove the right of parental choice which the government confirmed and enshrined (the government's own words) at the time of bill 63. These rights have been enshrined in law.

In section 50, some form of appeal should be provided to prevent abuse. Recently in the Montreal area there have been instances of the application of non-legal powers or abuses of legal powers to the detriment of individuals.

In section 51, we are very concerned because the provisions are open-ended and could be subject to all kinds of abuse and discrimination. Our comments on section 50 also apply to this section.

In section 52, the requirements of this section are already being met by English language schools and boards. However, in order to meet this requirement many other disciplines in our schools have suffered requests for additional funds for second language instruction have not been met.

In passing section 53, where the law requires that notices be published in French and English, we feeled this must be done. The proposals in section 53 appear to make a mockery of the judicial system.

In title IV, the concept of a small number of people regulating the linguistic and thereby the cultural and economic lives of many, is totally unacceptable. In our opinion, the means and methods of control of the advancement of the French language, if these actually require legislation must provide for normal judicial appeal procedures. The functions of the Board must be restricted to the advisory capacity of the Language Bureau as stated in bill 63.

In section 32 to 35, the vague powers assigned could be subject to abuse and even could destroy small businesses.

M. LAKER: Mr President, we are of the opinion that:

I)The bill strives to ensure the pre-eminence of the French language at the expense of Canada's other official language.

II)As a means of promoting the French language, this bill prescribes coercion, restrictions and vague regulations.

III)It removes the basic human right to freedom of choice.

IV)It abrogates the right of the use of English as the language of instruction in English schools.

V)It leaves too much power in the hands of civil servants and appointees who are not answerable to the electorate.

VI)The bill restricts any safeguards by removing the right to appeal the enactment of any regulation.

As positive steps in promoting the use of the French language, our Federation recommends that: 1 ) Since the Province of Québec is federated with the other provinces that constitute Canada, any language legislation adopted by the province should recognize the two official languages of the country, French and English, and that the native peoples in Québec should retain the rightful use of their own languages. 2)a) All official texts and documents in the public sector must be available in both languages, and both must be official. b) All texts, documents and agreements in the private sector should be available in both languages. However, should any discrepancy not be resolved by the ordinary rules of interpretation, the original language version should prevail. 3)Non-legislation should have within its terms the right to restrain lawful trading patterns or the right to restrain policies established by individuals, companies and similar organizations for their own economic survival. 4)The concept of the parental right to selection of the language of instruction must be preserved as is stated in section 2 of bill 63, with the additional guarantee that the School Board of New Québec shall provide instruction to the native people in their own languages, and where feasible shall use them as the language of instruction. 5)The program of studies should have as an objective the acquisition by each pupil in the English language educational system of a working knowledge of oral and written French. The minister of Education should provide the necessary funding and other resources to attain this objective. 6)Where the law requires that notices be published in French and English, this must be done. 7 ) The concept of a small number of persons regulating and enforcing the linguistic and thereby the economic and cultural lives of the many is totally unacceptable, and therefore the functions of the language board must be restricted to an advisory capacity.

M. G00DCHILD: In conclusion, it is our opinion that over the past decade there has been a positive change in attitude toward the "French Fact" and that, given time, the vigour, vitality, use and application of the French language in all segments of society will manifest itself, the present momentum of the language virtually guarantees this.

As it is now, bill 22 is simultaneously coercive, restrictive, and in many instances perhaps unconstitutional, and dangerous, in that it permits dictarorial decisions affecting the lives of all Quebecers, regardless of their mother tongue.

The implementation of bill 22 will

undermine the positive progress that the French language has already achieved in the past decade. At the same time, it will develop a majority underprivileged unilingual — French-speaking only — with a small bilingual elitist leadership. The bill also fails to provide for the cultural survival and renewal of the English-speaking minority which has, for the past two hundred years, been a significant part of and made a significant contribution to the province.

Our final conclusion is that a language bill should recognize and protect both French and English language communities of Québec. A language bill that does not recognize this fundamental principle can only work to the detriment of all Quebecers. Bill 22, as it now stands, in our opinion, should be unacceptable to all, as it is to our Federation.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Goodchild.

L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie la Quebec Federation of Home and School Associations pour son mémoire. Il me laisse à peu près la même impression que le mémoire précédent, à savoir qu'à la lecture des recommandations, je me demande si cette association ne préférerait pas le statu quo, ne préférerait pas qu'il n'y ait aucun changement dans la situation linguistique au Québec. Je me demande si le porte-parole de l'association pourrait confirmer ou infirmer cette impression.

M. POTTER (Calvin): Mr President, can we first have the minister's definition of what he means by status quo?

M. CLOUTIER: C'est moi, en ce moment, qui demande une définition et j'aimerais savoir ce que vous entendez par statu quo?

M. POTTER (Calvin): C'est justement cela, M. le Président, que j'ai demandé au ministre.

M. CLOUTIER: Les recommandations que vous faites en viennent, à toutes fins utiles, à changer complètement la loi 22, c'est-à-dire à consolider la situation actuelle. C'est cela le statu quo.

M. POTTER (Calvin): Mr President, in my opinion, we have been in a situation of rapid transition for fifteen years in education or at least twelve years in education, there has been what you can call rolling adjustments. That is why I ask what the definition of status quo was, what the minister's definition was. Surely the contestation within the educational field itself is a reflection of a rate of rapid change. We accept the necessity for this change, we, in fact, have supported much of the change, as parents, we have been advocating even greater change in some areas. However, we contend that change has to recognize the cultural rights of both communities and we are not opposed to change per se, we are opposed to change that does not recognize minority rights in the context of majority rule.

M. CLOUTIER: Alors, j'en arrive à ma deuxième question. Vous dites que le projet de loi 22 est inconstitutionnel en plusieurs de ses aspects. Pourriez-vous me dire exactement à quel article vous vous référez? Quels points vous paraissent non constitutionnels?

M. POTTER (Calvin): Mr President, we appear here as parents and concerned citizens of Québec, not as constitutional lawyers. But we have had advice and indeed if one reads the submissions to the Gendron report itself you see that there is a division of opinion regarding the constitutionality of the bill.

I can refer you to Mr Scott's article in the Montreal Star where he points out that the experts of the Gendron Commission completely ignored the fundamental article in relation to this bill, namely the provisions in the Act of 1860-1861.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je dois admettre la même chose que le ministre de l'Education, c'est que j'ai l'impression que j'aurai à le faire à chacun des mémoires provenant de groupes qui sont partis en croisade. J'ai l'impression que nous allons retrouver à plusieurs occasions la même interprétation.

M. SEGUIN: Laissez faire les commerciaux.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CIACCIA: ... donner leur opinion. Soyez un peu courtois au moins.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: On s'aperçoit qu'il y a des députés qui sont en croisade aussi.

M. ROY: D'ailleurs, ils sont en majorité à la commission.

M. CHARRON: Pour bien comprendre votre texte, je suis obligé de me référer encore une fois au chapitre sur la langue d'enseignement qui, semble-t-il, vous a causé plus d'une inquiétude, qui fait brandir plusieurs adjectifs que vous utilisez, de dictature, de restriction, de coercition. Il faut relire ensemble le chapitre sur la langue d'enseignement que ce gouvernement

vous a présenté et vous enlever un peu le tape-à-l'oeil qu'il y a de contenu et qui était disposé là pour les francophones et retrouver la réalité, ce que veut dire véritablement le projet de loi quant à cette liberté de choix que vous réclamez. Puis-je vous faire remarquer, en tout premier lieu, que s'il y a un groupe à qui on ne veut pas retirer la liberté de choix, c'est bien le groupe de la minorité anglophone du Québec? Pour ma part, quand je vous entends devenir les défenseurs de la liberté de choix, je comprends très mal, parce que je n'ai pas encore entendu un groupe voulant vous la retirer. Par exemple, le parti que je représente reconnaît que vous avez droit...

M. SEGUIN: Les représentants des droits de l'homme.

M. CHARRON: ... à vos écoles. En même temps, bien sûr, si vous avez, comme anglophones, le désir de vous inscrire à une école française, ce qui est le comportement normal d'une minorité en situation de majorité — c'est le comportement que nous avons pris comme francophones dans toutes les autres provinces, l'assimilation à la majorité — je ne vois pas qui vous interdirait d'entrer dans une école française. Le jour où vous réaliserez que vous vivez avec une majorité qui commence à avoir le respect d'elle-même, que vous voulez partager entièrement la vie culturelle, la vie sociale de cette collectivité, je n'ai aucune intention d'empêcher un anglophone d'inscrire son enfant à l'école française. Comme, en même temps, je vous reconnais le droit d'avoir les écoles de votre langue. S'il y a bien un groupe à qui la liberté de choix est affichée comme un principe inattaquable, c'est le groupe de la minorité anglophone. C'est de la nôtre que nous sommes en train de parler, de cette prétendue liberté de choix qui, selon le gouvernement, puisqu'il la maintient dans le projet de loi, serait un avantage mais qui, sur le plan collectif, peut constituer, à la longue, un suicide. C'est de nous que nous sommes en train de parler. Quant à votre liberté d'inscrire vos enfants à votre école anglaise ou dans la nôtre, tous les partis représentés à cette table et tous les opinants, dois-je dire, ceux qui ont pris position, la reconnaissent intégralement. Mais reprenons, si vous voulez, mot à mot, chacun des passages de votre mémoire.

Je suis surpris de vous entendre dire que nous n'êtes pas des experts constitutionnels et que vous n'entendez pas répondre aux questions d'aspect trop juridique. Pourtant, vous ne ménagez pas vos efforts et vos allusions au domaine juridique et constitutionnel à chacune des pages de votre mémoire. Si vraiment vous n'êtes pas des experts au point qu'on ne peut vous interroger sur votre entendement de la constitution canadienne, vous auriez peut-être eu avantage à ménager vos allusions à cette confédération puisque vous nous y référez constamment, d'ailleurs de façon très fausse, à mon avis. Parce qu'à la page 3, quand vous dites que la constitution a garanti au Québec le choix dans l'enseignement de sa langue, c'est faux. Il n'y a aucun endroit dans la constitution, le BNA Act, qui parle de langue d'enseignement. On parle de religion, on est toujours à parler de religion.

M. SEGUIN: Tu liras Frank Scott en fin de semaine.

M. CHARRON: D'autre part, M. le Président...

M. SEGUIN: Montreal Star, last Saturday. M. CHARRON: Quand vous...

M. SEGUIN: Read what Frank Scott had to say.

M. CHARRON: S'il vous plaît, le député bilingue de Pointe-Claire devrait au moins se contenir et intervenir à son tour. M. le Président, je veux demander, à l'allusion que nous fait au bas de la page 5 — d'ailleurs contenue dans un paragraphe que je conteste et sur lequel je demanderai des explications au groupe qui témoigne actuellement — aux deux dernières lignes, vous dites que le gouvernement aurait eu avantage à considérer que "those provincial Legislatures that have responded on the basis of good neighbourliness to the language crisis of Québec."

Ces efforts, qu'a soulignés tout à l'heure le député de Mont-Royal, des autres provinces dans le domaine scolaire, après 100 ans d'efforts de la part des minorités, faut-il le dire, et à un moment de leur existence où elles étaient sur la voie du déclin irrémédiable, mais peu importe, cette allusion que vous faites aux expériences des autres provinces est-elle basée sur une véritable connaissance de ce qui s'est produit dans les autres provinces? Nous avons souligné, avec les témoins précédents, que, par exemple, l'effort en Ontario s'était porté uniquement dans des écoles séparées, des écoles privées. En ce sens-là, ce n'est pas ce que le bill vous propose et ce n'est pas ce qu'aucun des tenants du français au Québec propose, de vous réduire aux écoles privées. D'autre part, si vous prenez l'exemple du Nouveau-Brunswick, il y a effectivement des écoles françaises reconnues dans la loi au Nouveau-Brunswick maintenant; vous le savez. C'est probablement à ce bon voisinage, pour vous traduire, que vous faites allusion. Mais savez-vous que les écoles du Nouveau-Brunswick, les écoles françaises, sont uniquement faites pour les francophones du Nouveau-Brunswick, "French-speaking pupils", comme on le dit dans le texte même du projet de loi, et qu'il n'est pas question, dans ces écoles de la minorité francophone, qu'on assimile des membres de la majorité anglophone

du Nouveau-Brunswick ou qu'on assimile les immigrants?

Le Nouveau-Brunswich a institué un réseau scolaire à l'intérieur de son système d'enseignement anglophone, un réseau scolaire très particulier dans trois comtés particuliers du Nouveau-Brunswick et qui est strictement réservé à ceux qui sont de langue française. Je vous rappelle, puisque vous m'avez vous-même invité à me référer au bon voisinage des provinces, que c'est exactement ce que nous vous proposons.

Nous proposons des écoles anglaises, au Québec, pour ceux qui sont de langue maternelle anglaise et encore ceux qui sont inscrits dans le système. Parce qu'il n'est pas question de les arracher actuellement.

Puisque vous nous invitez à cette référence, puis-je vous dire que c'est exactement le programme que nous vous proposons? Mais ce n'est pas ce que le gouvernement vous propose. Le gouvernement vous propose actuellement encore la liberté de choix d'inscrire vos enfants à l'école, quelle qu'elle soit, aux francophones également et aux immigrants également.

J'aimerais que vous m'expliquiez, en même temps qu'une réponse à ce bon voisinage, le fait que vous voyez dans la loi 22 l'adoption du principe de la territorialité d'une langue, plutôt que de l'individualité de la langue. Je ne sais pas si vous étiez présent ce matin lorsque nous avons interrogé les répondants de la Ligue des droits de l'homme, mais cette distinction européenne d'affirmer un territoire à une langue d'enseignement plutôt qu'à un droit individuel, vous dites la retrouver dans la loi 22. Où exactement? A quel endroit dans la loi 22 affirme-t-on que, sur un territoire donné, il n'y aura qu'une langue d'enseignement? Nulle part. Peut-être pourriez-vous me dire le premier paragraphe de l'article 48 qui dit: "L'enseignement se donne dans la langue française dans les écoles régies par les commissions scolaires." En ce sens-là, si l'article 48 n'était constitué que de cela, je vous dirais: Oui, le Québec vient d'adopter le principe de la territorialité dans le domaine de la langue d'enseignement.

Mais poussez un peu la lecture jusqu'au deuxième paragraphe de ce même article: "Ces organismes peuvent donner l'enseignement en langue anglaise. Ils ne peuvent cependant ni commencer ni cesser l'enseignement en cette langue, sans l'autorisation préalable du ministre de l'Education".

C'est la même chose que le bill 63, que vous dites disparu, affirmait. Rappelez-vous, il disait: La langue d'enseignement est le français. Un paragraphe plus loin, il nous disait: Ils seront donnés également en anglais à ceux qui en feront la demande.

M. POTTER (Calvin): Mr President, we were asked a question. It has taken ten minutes to pose the question. I understand that we have been allowed forty minutes for discussion.

M. CHARRON: Ne vous inquiétez pas pour cela.

M. POTTER (Calvin): If I take ten minutes to answer this question, we will have exhausted half of the time of the discussion. I think that is deplorable, Mr Chairman.

Now, to come to... I will give you a very tearse answer to your question that took ten minutes. It only takes a minute to answer it.

M. CHARRON: C'est parce que je voulais que vous la compreniez bien.

M. POTTER (Calvin): Une minute, s'il vous plaît. It you read chapter VI, it says: "Notices required by law to be published in French and English may nevertheless be published only in French." What does that imply? At the beginning, it says there is only one official language. That official language may be used at the discretion of anyone. That is the only language that may be used at the discretion of anyone. Now, if that does not constitute an unilingual policy, I whish you would explain unilingual policy to me, without taking ten minutes.

M. CHARRON: Without taking ten minutes, but without answering the question also. Parce que je vous avais posé une question bien précise sur la langue d'enseignement. Je ne vous avais pas invité à aller puiser dans d'autres chapitres.

M. POTTER (Calvin): Mr. Chairman, our presentation was that language is the base of culture. We are concerned with the survival and reproduction of the English culture that has been here for 200 years. If you look at the portraits in the hall, you will see that there have been English "présidents de conseil" in this building for the last hundred years, time in and time out. If you go outside, you will see that there are statues to Dorchester and Baldwin. I forget the others. We have been here for 200 years and I do not think it is time for us to start justifying our existence.

M. CHARRON: Ce n'est pas la question. On n'est pas obligé de remonter à la bataille des plaines d'Abraham. Je vous ai posé une question bien précise.

M. SEGUIN: Vous remontez aux plaines d'Abraham.

M. CHARRON: Vous affirmez dans votre mémoire que vous voyez dans le projet de loi 22 le principe de l'unilinguisme français dans le domaine de l'enseignement, le principe de la territorialité. Vous avez vous-mêmes souligné le titre. Je vous demande où, à quel article vous avez vu cela, avant d'affirmer des choses comme celles-là.

M. POTTER (Calvin): I said, in the brief, it does not say instruction, it says a different language philosophy. We submitted that the language philosophy of Canada was dual, duality, a personality principle of bilingualism where a person may speak, is free to use French or English anywhere in Canada. The Federal Government's Official Languages Act establishes that that Act is now reinforced in Ontario, is reinforced in New Brunswick, is reinforced in Manitoba and the hope is that anywhere where significant minorities exist in due time, that principle will be established. Our position is that the principle is denied by this bill.

M. CHARRON: Vous n'avez pas encore répondu à ma question. C'est peut-être parce que le député de Robert Baldwin a des antennes spéciales.

M. SEGUIN: Non, c'est Pointe-Claire, maintenant.

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander...

M. SEGUIN: Je change de comté, 89 p.c. des électeurs, oui, non pas 200 votes.

M. CHARRON: Est-ce que vous avez fini? Est-ce que je peux vous demander, monsieur, si vous considérez, quand vous proposez un amendement à l'article 48... C'est un endroit où j'ai presque envie de vous donner raison, quant à la rédaction du texte actuel du projet de loi.

Nous aimerions également voir figurer plutôt au paragraphe 48 que ces organismes doivent donner l'enseignement en langue anglaise à ceux qui sont de langue maternelle anglaise et ceux qui sont déjà inscrits dans le système. J'admets avec vous que la rédaction actuelle du projet de loi est ambiguë et vague. En ce sens, c'est peut-être à partir de ce point précis que toute la croisade que vous avez menée est inutile et exagérée, à mon avis, parce que vous n'êtes pas capables de défendre et de soutenir la plupart de vos affirmations. Mais si c'est à partir de ce point vague et précis que vous vous inquiétez, la responsabilité en tient au gouvernement.

Je vous rappelle simplement que ce gouvernement a procédé à une telle rédaction du projet de loi, parce qu'il avait souci également d'impressionner l'opinion publique francophone, et que c'est en ce sens peut-être que, selon votre avis, il s'est trouvé à porter atteinte à vos droits. Mais à cet endroit précis, quand vous affirmez, par contre, qu'on abroge le droit historique — c'est ce que vous affirmez — des parents de langue anglaise, d'instruire les enfants dans leur langue, où voyez-vous, dans le projet de loi actuel, la disparition des écoles anglaises?

M. LAKER: Mr President, under articles 48 and 49, had they been in effect, in this province, and had I been living in this province at the age of six, when I was ready to enter grade I Elementary School, I would not have permitted to enter an English school system, since, at that time, I only spoke French and Greek, Greek being my mother's tongue, French being the only common language of my parents, my father being English, my mother being Greek, both being educated Europeans, spoke French as their common language. That was also my first language. At the age of six, I spoke French, first language; Greek, second language; Arabic, third language. I did not speak a word of English. Under the criteria of articles 48 and 49, I would not have been permitted to enter the English school system.

M. LEGER: C'est là qu'on vous a perdu.

M. CHARRON: Quand vous affirmez que vous n'auriez pas eu ce droit, à quel endroit voyez-vous la restriction dans le projet de loi?

M. LAKER: M. le Président, l'article 49... Je vais vous le lire, parce que je crois que le député n'a pas lu l'article peut-être: "Les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue".

M. CHARRON: C'est cela. Je l'avais lu. Qui va vérifier cela?

M. LAKER: C'est cela, notre question. Qui va vérifier cela?

M. CHARRON: Actuellement, c'est dit à l'article 50. C'est chaque commission scolaire, commission scolaire régionale et corporation...

UNE VOIX: C'est cela, mon cher ami.

M. SPRINGATE: Saint-Léonard, Laval, Brossard.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. LAKER: M. le Président, est-ce que cela veut dire qu'avant ma naissance, je dois décider où je dois naître pour être certain que je peux recevoir mon instruction dans la langue de mon choix, soi-disant Pointe-Claire, Laval, Brossard, Saint-Léonard ou Repentigny? Est-ce que mes parents doivent, pour commencer, vérifier, se demander si on aura le droit d'avoir l'enseignement dans la langue de notre choix pour nos enfants? Si c'est cela que vous lisez dans cela, moi aussi, je lis cela, et je ne l'accepte pas.

M. CHARRON: Est-ce que c'est l'interprétation de la loi, M. le ministre?

M. CLOUTIER: Je suis très heureux, M. le

Président, de constater que le Parti québécois défende ce projet de loi. Je note également...

M. MORIN: Je n'irais pas...

M. LEGER: II l'explique. Ce n'est pas pareil...

M. MORIN: ... si loin que cela, M. le ministre. C'est à vous de le défendre.

M. CLOUTIER: Je constate également que le Parti québécois serait éventuellement d'accord pour que l'on précise le deuxième paragraphe de l'article 48, alors qu'il semble que le droit au secteur anglophone ne soit peut-être pas donné d'une façon suffisamment précise sur le plan de la formulation.

M. LEGER: Cela satisferait les Anglais.

M. CLOUTIER: Ce ne sont pas les Anglais qui en ont parlé, pour reprendre votre expression, c'est le Parti québécois.

M. LEGER: Oui...

M. CLOUTIER: Je me permets tout simplement de le souligner. Il n'y a pas d'autre jugement de valeur, pour le moment.

Je pense, et j'ai toujours maintenu que la liberté de choix dans ce projet existe, mais elle devient conditionnelle. Elle est liée à une condition d'ordre pédagogique, qui se retrouve partout au monde, et qui est une connaissance suffisante de la langue d'enseignement. Je n'ai pas voulu intervenir, parce que ce n'est pas le lieu de faire le débat. La commission parlementaire écoute les mémoires et ceux qui les présentent. Mais j'ai été, moi aussi, étonné, comme le PQ, pour des raisons tout à fait différentes, de voir que le groupe qui vous a précédé et votre groupe semblent convaincus que la liberté de choix disparaît complètement.

Il n'y a jamais eu de contradiction dans les déclarations gouvernementales. La liberté de choix est maintenue, mais elle est rendue conditionnelle et cette condition est une condition pédagogique, qui est la connaissance suffisante de la langue d'enseignement.

Nous avons choisi cette option plutôt qu'une autre option plus radicale, que très certainement le PQ aurait préférée, parce que nous considérons que cette option est suffisante pour nous permettre de contrôler les problèmes qui peuvent découler d'une liberté de choix totale et nous considérons qu'il existe une tradition, tant du côté anglophone que du côté francophone, qui souhaite le maintien de la liberté de choix. C'est exactement la situation et je crois qu'il y a effectivement beaucoup de confusion de part et d'autre, et cette confusion n'est pas tellement liée, quoi qu'on dise, au fait que le texte puisse être difficile à comprendre, mais elle est davantage liée à des prises de position antérieures au projet de loi, c'est-à-dire à ce que les gens pensent sur cette question fondamentale de la liberté de choix.

M. GOODCHILD: Mr minister, expliquez. What is a right when it is hedged by constraints and constrictions? I believe you said that there were constrictions and constraints to this liberty This is what we are saying too. A right is a right. I am sorry, Sir, a right is a right. Once it is hedged with constrictions, it is no longer a right, it is at the whim of any person. Sir, I will submit to you. We all choose to be governed by law and not by men. I am not saying anything about any personalities in this matter. We are content to be ruled today by this government. I do not know what government we will have in this province a hundred years from today. It does not worry me. I will not be around and not many of us here will be, anyway. It we are, we will be very concerned about it.

But, Sir, we have to make certain that our rights are protected because they are the only things which put a fence around this against abuse, ans I submit to you, Sir, a government which has a minority gains much credibility in the world by protecting the minority. The majority can look after itself because you have control of the Legislature. I will submit to you, Sir, that much credibility can be gained by protecting the rights of minorities.

M. CLOUTIER: Je ne voudrais pas commencer ici un débat. Je répète que cela n'est pas le lieu. La commission parlementaire se réunit pour vous entendre avec le plus de sympathie et d'ouverture d'esprit possible. Nous sommes là pour poser des questions et nous tiendrons compte de vos points de vue, du point de vue que vous exprimez et du point de vue que tous les autres qui viendront ici exprimeront.

Cependant, je désire vous faire observer qu'il n'existe pas de droit absolu, si nous voulons véritablement transformer cette commission en débat, cela serait la réponse qu'il faudrait vous donner, et tous les droits sont des droits conditionnels en fonciton d'un certain nombre de circonstances. Voilà tout ce que je veux dire pour l'instant. Nous prenons note. Nous prenons acte.

M. ROBERTS: I have been silent, so if you do not mind, I will say a few words. This is my first experience to a hearing of this nature, and that has been very educational. I am going back with a different understanding of the responsibilities that are on your shoulders. You, gentlemen, have a responsibility of the whole Province of Québec. My roots go back fairly far, I claim about 175 years, now others are longer. But together, we have built this Province of Québec. We had our struggles and our group, certainly this minority group, accepts your good intentions on faith's value. But, you know, it was rather ironic to listen to

the honourable member for Saint-Jacques defend this bill. I almost got the impression that he possibly had a hand in writing it.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. ROBERTS: I know it is not right because... I will summarize very quickly, gentlemen, as I mentioned to my member from the riding of Laporte, this is a bad bill. Your intentions may be good and we will accept your intentions and we will work hard to implement a bill that will help to solvewhatyou consider a problem within the French community. But you have to help us too. We are here. And you know, we are going to stay. My neighbour, when his barn burned down, there was no question about when we ran to the feu or the fire, we work together. The impression I got from this hearing today, there are far too many speeches and not enough common sense, from the people. I really think that you, gentlemen, who are buried with this responsibility of governing Québec, you have got out of touch with the people, with all of our people. And I beg you to stop and think. And do not push this bill because one person says it is good and another person says it is bad, and try to score points on it. Come back to the people and say to a francophone population: Is this going to solve our problem?

Say to your anglophones, whatever your definition of an anglophone may be: Can you revoke us? Because if you produce a bill that does not produce a contented and a prosperous French community, our area is not going to be happy or prosperous and we are not going to be, in that context, good citizens. We want to be good citizens. Too much of this has been: The Anglophones say this, the Francophones say that. Goodness sake, let us get together and go back to the people and talk a little bit, as my friend from Huntingdon would say: "Horse sense to the people". Thank you, Mr President.

M. CLOUTIER: M. le Président, je dois dire que c'est très touchant de vous entendre et c'est avec beaucoup de sympathie que je réalise le drame que peut représenter pour vous et pour un groupe qui se perçoit de plus en plus comme une minorité, l'avènement d'une loi comme celle-ci. Je pense que, et c'est avec véritablement de l'amitié que je le dis, vous avez peut-être une tendance à dramatiser la situation.

Nous aurons l'occasion, lorsque le débat sera véritablement engagé, d'expliquer les intentions du gouvernement, d'apporter tous les éclaircissements qui s'imposent, j'en conviens, pour certains articles, et également de mettre l'accent sur le fait que, si nous faisons du français la langue officielle, et nous allons le plus loin possible dans la francisation, nous protégeons en même temps les droits de la minorité. Ceci est absolument fondamental et nous tenons à le faire parce que c'est l'orientation de notre gouvernement.

Maintenant, croyez-moi, le député de Saint-Jacques n'a rien eu à voir avec cette loi et si, par hasard, il avait eu quelque chose à voir avec cette loi, cela ne serait pas celle-là, ce serait une loi beaucoup plus radicale, parce qu'elle correspond à son option politique. L'option que nous faisons, nous, en est une qui tient compte de tous les citoyens du Québec et c'est la raison pour laquelle elle s'inscrit dans une dynamique de francisation, mais une dynamique de francisation qui tient compte véritablement des droits des citoyens sur le plan individuel.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Beauce-Sud. Pas de question. L'honorable député d'Anjou, rapidement s'il vous plaît.

M. TARDIF: M. le Président, il y a un désavantage de passer après les représentants du gouvernement et de l'Opposition, c'est qu'un bon nombre des bonnes questions ont été posées.

Je voudrais, malgré tout, attirer l'attention du groupe qui a proposé le mémoire, sur le texte au bas de la page 11: "Du moment que la province de Québec est fédérée avec d'autres provinces et qu'elles toutes constituent le Canada, tout droit concernant la langue adoptée par la province doit reconnaître les deux langues officielles du pays, le français et l'anglais, les peuples indiens, esquimaux du Québec doivent avoir droit à leur propre langue." A la page suivante, on dit: "Tous les textes et documents officiels du secteur public doivent être à la disposition de tous dans les deux langues et les deux versions être considérées comme officielles".

Si je comprends bien, en somme, vous favorisez un bilinguisme presque intégral au niveau de l'administration.

Je vous pose la question, mais avant que vous ne me répondiez, je vous fournirai certains éléments de comparaison qui peuvent peut-être vous permettre de donner une réponse qui ne soit pas un cliché.

Etant donné que vous proposez, pour ainsi dire, une égalité des deux langues, dans ce domaine du moins, vous refusez que le français soit à tout le moins prioritaire dans ce domaine. Si on fait la comparaison avec l'Ontario, où les documents au plan administratif sont imprimés dans la langue de dépôt, si on fait la comparaison avec le Manitoba où l'anglais est la langue officielle, où, pour les débats et les lois, seul l'anglais est utilisé et où on accorde une certaine tolérance à l'égard du français, si on fait la comparaison également avec le Nouveau-Brunswick où, en théorie, depuis 1969, il y a une certaine égalité entre les deux langues, mais où l'anglais prédomine beaucoup sur le français, est-ce que vous ne pensez pas qu'il serait normal qu'au Québec on essaie d'être aussi français ou francophone que dans ces autres provinces.

Je ne voudrais pas la réponse typique habituelle: Voyez-vous, si on fait le mal dans les autres provinces, qu'on ne le fasse pas au Québec. Tous les groupes anglais l'ont dit jusqu'à présent et je suis persuadé que tous les autres groupes anglais vont donner encore cette réponse. Je suis convaincu de ça. Par contre, surtout vu que les Québécois francophones sont seulement 5 millions et que leur environnement est plus menacé que les 17 autres millions de Canadiens anglais qui sont entourés de 205 millions d'Américains, est-ce que vous ne pensez pas qu'il serait normal qu'on prenne des mesures peut-être un peu plus favorables au maintien du français dans ce domaine?

Moi, je suis toujours surpris de voir que des gens qui se disent fédéralistes et qui le sont sûrement, lorsque vient le temps de faire une comparaison avec les autres provinces, disent: Là, attention, qu'on ne fasse pas comme dans les autres provinces à ce niveau, mais qu'on soit les leaders ! Est-ce que vous ne pensez pas que, depuis 107 ans, on a tout de même été les leaders dans ce domaine et qu'il serait temps peut-être qu'on commence à se protéger ici au lieu d'essayer de penser aux autres exclusivement? Vous savez une chose, le projet de loi dans le domaine de l'administration, s'il était adopté tel quel, va "saprement" plus loin, dans la protection de l'anglais au niveau administratif, que ce qui existe en Ontario, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. Je ne parle pas des six autres provinces parce que, dans les six autres provinces, il n'existe à peu près rien. Mais est-ce que vous n'avez pas considéré ça? Est-ce que vous n'avez pas pensé aussi que le gouvernement doit légiférer en fonction de la situation actuelle qui est que les 80 p.c. des gens qui sont ici sont canadiens-français et qu'ils n'ont pas 220 millions de personnes autour pour s'arc-bouter et défendre ainsi leur culture?

Je vous demanderais de me donner une réponse, mais s'il vous plaît, si c'est pour être le cliché habituel, qu'on doit continuer à être les leaders dans ce domaine, j'aimerais tout simplement que vous ne me répondiez pas.

M. ROBERTS: Mr Chairman, the member from Anjou has again fallen to his trap; he does not recognize me as a Quebecer. I am a Quebecer.

M. TARDIF: C'est faux, M. le Président, j'invoquerai la question de privilège s'il le faut. D'ailleurs, il y en a une. Vous regarderez votre règlement; depuis le nouveau règlement, cela existe. En ce qui a trait à la déclaration que vous venez de faire, c'est faux, parce que je considère que tous ceux qui habitent au Québec sont des Québécois, mais que, d'un autre côté, on doit accorder une certaine protection, plus grande à mon avis, à certains qu'à d'autres. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer au cours des cinq dernières minutes, mais il semble que vous n'ayez pas compris.

Mais ne partez pas des prémisses que je dis que vous n'êtes pas québécois, parce que cela, c'est faux. Vous êtes québécois autant que les autres. Mais, d'un autre côté, vous avez peut-être besoin d'un peu moins de protection que d'autres, parce que vous pouvez vous arc-bouter sur 215 millions de parlant anglais en Amérique du Nord.

M. ROBERTS: Mr Chairman, I, first of all, apologize to the member from Anjou if I implied something that he did not intend; I apologize, Sir. I have remained in Québec, I do not accept the laws and the customs of Ontario, and Manitoba and New Brunswick. That is my answer to that. We, Quebecers here, have worked together, the majority has given to the minority certain rights and we work together. We have not really abused those rights. We are often accused of not taking part in elections and not really getting there and fighting . You know, if we want to get back to party organizations, you look around, no matter which party, and the honorable member for Saint-Jacques, I am sure, will agree that if he could pull in a little bit more of the other side, he might have had a member for Laporte. But the honorable member for Laporte had had members who got out and worked for him. You see? We are building up a pyramid of pushing one another. That is not right! We are always talking about Ontario. Talk to some of the francophones in Ontario. I was talking to one in the office who has come to Québec, and I almost said: "Well, darn well. Go back to Ontario! " He said: "The way you do things here in Québec". He is not a Quebecer. He does not understand us, and yet, his mother tongue is French, he is a francophone. You see?

I say to you, gentlemen, we have this tremendous responsibility of trying to work out a language problem. Come back to the people !

M. TARDIF: La commission parlementaire est certainement une façon de venir à la population. Cela, vous devrez l'admettre, je pense bien.

M. ROBERTS: I appreciate that, Mr Chairman.

This is a terrific thing, but what is happening here is that here is a little unqualified individual arguing against qualified professional politicians. Now, really, if you want to get it back to the people, if two or three of you could go into a room and sit down, you know, not pushing one type of beverage against another, but having a beer together, we would solve this problem.

M. TARDIF: Je pense que c'est plus compliqué que de régler une marque de bière.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

A moins que les députés de la commission n'aient plus de questions à poser et que la délégation n'ait plus rien à dire, ce dont je doute fort, vous devrez nous excuser puisque les députés sont appelés à aller voter. La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir...

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant, messieurs.

M. MORIN: ... j'aimerais que ce groupe revienne ce soir. Nous n'avons pas encore terminé. Je crois qu'il y a encore un ou deux députés inscrits. Pour ma part, j'ai des questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais que la commission me donne une directive pour savoir si on se prévaudra du dernier paragraphe de l'article 8. J'aimerais que vous me disiez combien de temps on va consacrer à l'audition du groupe qui est présentement ici.

M. CLOUTIER: M. le Président, nous n'avons pas objection à appliquer cet article qui prolongerait la période d'examen du mémoire. Je souhaiterais cependant que l'on puisse la limiter à vingt minutes de manière à ne pas faire attendre trop longtemps ceux qui sont ici depuis le début de l'après-midi. Je souhaiterais que le président puisse rappeler quels sont les deux groupes que nous entendrons ce soir et faire état plus tard, à notre retour, de notre ordre du jour.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Qu'il en soit ainsi. La période sera de vingt minutes au maximum. Les députés que j'ai reconnus seront ceux de Lafontaine, Laporte, Pointe-Claire et le chef de l'Opposition. Les groupes de ce soir seront la Chambre de commerce de la province de Québec et l'Association québécoise des professeurs de français.

La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Calendrier des séances

LE PRESIDENT (M. Gratton): Avant de terminer, ou avant même de procéder à l'audition du groupe présentement devant nous, j'aimerais aviser les membres de la commission, ainsi que le public, que, suite à une entente entre les leaders parlementaires des différents partis ce midi, les heures des séances de la commission de l'éducation sur le bill 22, seront les suivantes: les lundis, de 14 heures à 23 heures; les mardis, de 10 h 30 à 23 heures, sauf dans le cas du 18 juin où ce sera de 10 heures à 23 heures; les mercredis et jeudis, de 10 heures à 23 heures; et les vendredis, de 11 heures à 16 heures. Dans le cas des lundis, forcément, le 24 huin, le premier lundi de juillet et le 8 juillet, il n'y aura pas de séances de la commission. Il y en aura lundi prochain à compter de 14 heures.

M. MORIN: Ce qui veut dire ainsi que les autres lundis du mois d'août et du mois de juillet...

LE PRESIDENT (M. Gratton): On va se contenter de...

M. CLOUTIER: Contentons-nous...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... juin et de juillet pour le moment.

M. SAINT-GERMAIN: Les samedis?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Les samedis, il n'en est pas question pour le moment. Les vendredis, ce sera de 11 heures le matin à 16 heures, avec les...

M. OSTIGUY: Avec le consentement unanime de la commission.

M. CLOUTIER: Non, pas de la commission, mais des leaders parlementaires.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Avec les heures normales, bien entendu, d'ajournement pour les périodes de questions et les heures des repas.

Sur ce, j'inviterais le chef de l'Opposition à poser la dernière question au groupe qui... D'abord, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que nous nous sommes entendus pour limiter l'audition du groupe devant nous à un maximum de 20 minutes. Je sais que nous avions reconnu certains députés. J'inviterais le chef de l'Opposition à poser ses questions, et si, à l'intérieur des 20 minutes, il restait un certain temps, on pourrait reconnaître le député de

Pointe-Claire, par exemple, si c'est de l'assentiment de la commission.

M. MORIN: De même peut-être que le député de Lafontaine, s'il vient siéger. Je sais qu'il avait l'intention de poser une ou deux courtes questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II faudra juger. Je devrai être très strict quant aux vingt minutes, et je vous fais remarquer que cela voudrait dire à 20 h 45.

M. SEGUIN: M. le Président, je vous ferais remarquer que, dès ce matin, j'avais déjà cédé un droit de parole, à ce moment, au chef de l'Opposition. Je n'ai aucunement l'intention de faire une répétition dans la même journée, et de céder ce droit à nouveau, même si je reconnais son droit de parole, et tout cela. Je pense bien qu'il reconnaît le mien.

M. MORIN: Bien sûr. Cela va de soi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Je voudrais dire à nos invités que j'ai été très sensible à certaines des choses qu'ils ont dites, très sensible à ce moment émouvant où l'un d'eux évoquait sa jeunesse — deux d'entre eux ont évoqué leur jeunesse au Québec — et l'attachement qu'ils ont pour leurs droits individuels, le droit de parler leur langue à l'école.

Cela n'était pas sans me rappeler l'émotion extrêmement profonde qu'ont dû ressentir, il n'y a pas si longtemps encore, les francophones du Manitoba lorsque la langue française a été abolie là-bas, et en 1885 lorsque les écoles publiques françaises ont été abolies.

Cela n'était pas sans me rappeler l'émotion qui a dû empoigner un certain nombre de francophones lorsque les provinces de Saskatchewan et d'Alberta ont refusé de reconnaître le français comme langue officielle.

Je ne pouvais m'empêcher de penser à l'émotion, à l'amertume extrêmement profonde ressenties par les francophones de l'Ontario lorsque le règlement 17 les a privés de la langue française dans l'enseignement.

Je ne pouvais m'empêcher de songer aussi à l'abolition de la langue française dans les Territoires du Nord-Ouest en 1912. Je ne pouvais m'empêcher de songer à l'abolition de la langue française dans les écoles du Nouveau-Brunswick en 1870. Quelle amertume a dû être ressentie par ces gens à l'époque et comme je suis à même de pouvoir apprécier l'émotion qui vous agite aujourd'hui.

Cependant, je dois constater que partout en Amérique du Nord où les anglophones ont obtenu une majorité, soit par la force des armes, soit par d'autres moyens, ils n'ont pas tardé à imposer la langue de la majorité.

L'histoire des Etats-Unis, pour ne pas parler de celle du Canada, est farcie de décrets imposant la langue de la majorité.

M. le Président, je ne sais pas si nos invités, je ne sais pas si mes collègues les députés savent que dans 34 Etats des Etats-Unis, sur la cinquantaine que nous connaissons, la langue anglaise a dû être imposée à des minorités qui, quelquefois, étaient majoritaires. Je songe au Maryland, où l'allemand pendant un certain temps a été majoritaire. Je songe au Texas et on me permettra de citer un extrait: "A decree issued by the Victoria County Council of defense in Texas read in 1918: "We call upon all Americans to abandon the use of the German Language in public and private, as an outmost condemnation of the rule of this sword."

On ajoute: "Although it was impossible to stop the use of German in the private sphere, council attempts to suppress its use in public were successful. In Findlay, Ohio, the town council levied a fine of $25 for the use of the German language on the streets." Il semble donc que la règle en Amérique du Nord, sauf par les aléas de l'histoire au Québec, ait été d'imposer partout la langue anglaise. Je n'ose, M. le Président, songer au jour où nous aurions au Québec une majorité anglophone.

Cela étant dit, on me permettra de me référer maintenant à deux ou trois passages du mémoire qui nous est soumis. A la page 3, on dit au bas de la page: "Section 93 granted the minority, according to confessionality (usually Protestant, and thus English-speaking, but in some areas, Catholic and thus French-speaking) the right to dissentient schools."

Je voudrais poser la question suivante, en plus d'appeler les commentaires qu'on voudra bien faire sur mon préambule. Est-ce que vous insinuez par là que l'article 93 du British North America Act protège non seulement la confes-sionnalité, mais la langue? Car si c'était le cas, je devrais vous démentir. C'est ma première question.

M. POTTER (Calvin): If I may reply, to that, Mr President, we said at the beginning that we were here as concerned parents and as concerned citizens of this province.

We are not here to discuss North American politics or language policies; although, in passing, may I point out to the distinguished member who, I know, knows it as a constitutional lawyer, that our whole concept of the Canadian Constitution was to protect minority rights and that indeed is why Canada is the dual duality that it is and that is why matters of language and culture were deposited in the area of responsibility of the provinces, and that was the intention being that the French-speaking majority in Québec would therefore be able to protect their language and their culture. I am sure that Mr Morin is perfectly conversant with the provisions of the Act and its intent.

However, in dealing with the question that

the member has posed, I would suggest that we have phrased that carefully and we say no more then was intented, namely that section 93 protects confessionality and, since confes-sionality involved language, it protected language. If you want a constitutional reference on it, I refer you to Me Scott.

M. MORIN: M. le Président, ce n'est pas ce qu'enseignait, il n'y a pas si longtemps Me Frank Scott et je pense bien qu'il se trouvera peu de constitutionnalistes de l'une ou l'autre langue pour appuyer une position comme celle-là, mais passons.

Je ne nierai pas à nos invités le droit de tirer tout ce qu'ils peuvent du contexte constitutionnel. Je voudrais simplement leur dire qu'ils en abusent quelque peu lorsqu'ils prétendent que l'article 93 protège la langue comme la confes-sionnalité. En tout cas, cela n'a pas été le jugement des tribunaux dans le cas où la langue française a été abolie au niveau de l'enseignement dans les autres provinces. Cela n'a pas été le cas. Je ne vais pas m'amuser ce soir, nous n'avons pas le temps de citer toute la jurisprudence, mais elle est abondante, notamment à propos de l'Ontario. Pour parler de votre "dual quality", monsieur, je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin que ce que contient l'article 133 sur ce point, et cette "dualité dualiste", nous ne la trouvons qu'au Québec et au Parlement fédéral et devant les tribunaux fédéraux. Nous ne la trouvons pas dans le reste du Canada.

Ma seconde question, justement, est amenée par ce que vous venez de dire. Vous dites, à la page 4: "Although Canada was established as a nation-state, with the emphasis on cultural duality, rather than as a nationalist state, the B.N.A. Act made no special provision for the French language or French schools outside of Quebec, although the Protestant (mainly English-speaking) minority within Québec was protected". Je suis obligé de vous dire que vous faites une erreur. Je ne sais pas si c'est vous, monsieur, qui avez rédigé ce passage, mais le B.N.A. Act de 1870 — je ne vous parle pas decelui de 1867 — étendait au Manitoba les dispositions de l'article 93 et ce sont ces dispositions qui ont été abolies quelques années plus tard unilatéralement par la Législature du Manitoba.

Est-ce que vous saviez cela, monsieur?

M. POTTER (Calvin): I said at the beginning, Mr Chairman, that we refused to discuss constitutional issues, we have our advice and the advice we have received is what we have reported there. If the member still refuses to believe it, I suggest that the place to settle it is in the courts. And we would be very pleased to see the matter taken to the courts to establish constitutionality of these proposals. However, coming back to the other issue that you raised, namely what the conditions were at the time of confederation, I point out to you that the English minority in Québec was an exceptionally and very different minority from anywhere else in Canada at that time. In that day, non French-speaking minority in Québec was 24 p.c. of the population and indeed, a majority in many of the constituencies that were adjacent to the boarders of the United States, Ontario and New Brunswick. If the dual duality were not established at that time as anybody, who has read John A. Macdonald's autobiography, knows the boundaries of Québec would have been different from what they are now. We are pleased that the boundaries of Québec are what they are and there has been an history of a hundred years of accommodation of majority-minority relations. Minority rights under majority rule. That relation of majority rights or minority rights under majority rule has not been challenged in the way it has been challenged until today in bill 22.

M. MORIN: II n'a jamais été question, et ce n'est pas moi qui ai à défendre le bill 22, ce n'est pas mon bill, tant s'en faut...

M. CLOUTIER: Cela va très bien, M. le chef de l'Opposition, continez, vous avez tout à fait raison sur les aspects constitutionels.

M MORIN: Oui, mais les aspects constitutionels doivent être au-dessus de la mêlée parce que ce sont des éléments objectifs sur lesquels tout le monde peut se mettre d'accord.

M. CLOUTIER: C'est pour ça que je vous rends hommage.

M. MORIN: Je remercie le ministre. Je voudrais dire à nos invités qu'il n'est pas question de leur enlever le droit à leurs écoles, j'espère qu'ils n'ont pas l'impression que c'est ce que le bill 22 a l'intention de faire, pas du tout. Vraiment, je trouve ça incroyable. C'est un bill qui, au contraire, protège vos droits systématiquement. Mais je tiens surtout à vous dire que nous ne comprenons pas certaines de vos attitudes. Vous dites par exemple, à la page 5: Bill 22, however, has as its basic premise a different language philosophy to that of bill 63.

This philosophy is not based on the North American experience of majority-minority accommodation.

M. MORIN: Je pense que le "North American experience of majority-minority accommodation" a été une expérience un peu similaire à celle que les Indiens de l'Amérique du Nord ont pu connaître; quelle qu'ait été la minorité allemande, espagnole ou française que la majorité a rencontrée sur son chemin, elle l'a traitée exactement comme les Indiens, mais je pense bien que l'aventure de Louis Riel sur ce point est probante.

Mais on continue, "But rather, on the Belgian experience of the last 40 years, it adopts a territorial principle for bilingualism

that Canada consists of two unilingual regions, one English-speaking, comprising the existing nine English-speaking provinces, and one French-speaking, comprising the present day Province of Québec". Je suis obligé de vous demander, en lisant cela: Mais est-ce que vous vivez vraiment au Québec? Est-ce que les anglophones ne conservent pas leurs écoles, en vertu de ce projet de loi? Est-ce qu'on vous prive de vos écoles?

M. POTTER (Calvin): This bill, as we stated at the beginning, Mr Chairman, deals more with more than just the rights of choice regarding school, we are concerned about the rights of choice but we are also and fundamentally concerned about our rights as a culture, the right to survival and the right to reproduction as a culture, and just having the right to choose your school when you do not have the freedom of use of your language, is a withering right.

M. MORIN: Alors là, si nos invités veulent nous dire qu'ils perdent le droit à leur langue comme langue officielle, je suis obligé de leur dire que l'article 133 est maintenu tel quel dans le projet actuel. D'ailleurs, ce n'est pas un point sur lequel l'Opposition est d'accord, mais nous sommes obligés de constater que l'article 133 est maintenu tel quel; il n'y a aucun changement sur ce point. Comme vous avez également le droit à vos écoles, que rien ne vous enlève vos écoles dans le projet de loi en question, je ne vois pas de quoi vous êtes venus vous plaindre. Je cherche et je ne le trouve pas dans votre mémoire.

M. POTTER (Calvin): We regret, Mr President, that the member does not understand what we are talking about.

M. MORIN: Pourtant, je lis l'anglais et je l'ai lu deux fois, et je n'y trouve que des inexactitudes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Dernière question par l'honorable député de Pointe-Claire.

M. SEGUIN: Dernière question.

Again, Mr Chairman, I do not want to involve myself in constitutional matters, I will also indicate at that time that I do not think it is the opportunity to throw in a crying towel from one side or the other, I do not believe however that that will be necessary, but I am going to refrain my questions to the very simple ones that I have asked from the beginning of our hearings and that have to do with the representation that is made before us, their powers of representing, their mandate, if you will.

I understand that before or during my absence earlier this afternoon, it was stated by the group that is here before us that they represented or did have some 14,000 members, paid-up members — correct me if I am wrong, this is what I have been given as information — and that you as representatives, were elected by bodies concerned. I am not involved with the election rights and how it was achieved, and so on, and so forth.

Here is the first question. How many meetings did you have as a group relative to this brief? Was your membership approached following those meetings with your conclusions as regards to the brief and the result of the conclusions that you have arrived at? And the third question that I would like to ask, which is the perennial one now for the fourth time or the third time, anyway: Reading the brief diagonally and listening to the very wise and considerate observations of the members of this commission, including yourselves as approaching this commission, do you have any objection to the provincial government in its statement that they will endeavour to promote the use of the French language within this Province to the utmost, that they will do everything in their power, that is the provincial government, including financial assistance, to promote the use of the French language in our school system and in the province generally, economically and otherwise? Do you agree to this position adopted at the moment by the present government providing that there is no restriction whatsoever on the use or availability to any citizen of this Province, regardless of where they come, of access to the teaching of the English language within a recognized institution of this Province under the department of Education?

The answer to all of these could be resumed by yeses or noes and therefore I do not want likely answers.

MME RICHES: As the policy chairman of the Québec Federation, I would like to outline the mandate of this group. I think that the figures that you were given, Mr Seguin, should read 12,500 dues-paying families, potentially 25,000 voters, I suspect.

These come from 130 different local associations. The executive is elected at large at an annual meeting by delegates sent to the meeting by the local associations. The board of directors is comprised of fifty people. Area directors are sent by groups of local associations, the executive and the chairmen of standing committees.

The statement of position was based on policy developed over the past few years, including resolutions which have been submitted to this government among other bodies. We have a very welldeveloped policy of consultation with our locals which, in three weeks, we cannot fully implement. However, all our locals received a letter from the president outlining the basic premises upon which the brief was to be based. We have had responses

from the locals in form of letters, petitions, telephone calls, some of which have been made in copies to us and submitted directly to you.

The paper went through four writings over twelve meetings. It was submitted to the local associations this week-end. There has been some responses from locals. The basic premises were almost unanimously received. We have a very strong consensus. The only discussion was over the manner of presentation, the wording of the brief and we are all members of the board of directors.

I would like to ask another member of the delegation to answer your final question.

M. GOODCHILD: Yes.

M. SEGUIN: Thank you. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ladies and gentlemen of the association, we thank you for coming here.

J'inviterais maintenant la Chambre de commerce du Québec.

M. GOODCHILD: I want to thank you and your committee for the courteous reception we have had today. Thank you, Sir.

Chambre de commerce de la province de Québec

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si je comprends bien, messieurs de la Chambre de commerce, M. Gilles Champagne est le porte-parole.

M. CHAMPAGNE: M. le Président, M. Aubin va être le porte-parole pour la Chambre de commerce.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. le Président Aubin, je vous inviterais, s'il vous plaît, à présenter les gens qui vous accompagnent, pour les fins du journal des Débats.

M. AUBIN: M. le Président, à gauche, M. Pierre Talbot, directeur général de la Chambre de commerce et de l'industrie du Québec métropolitain; M. Charles Plamondon, secrétaire de la Chambre de commerce de la province de Québec; M. Louis Boudreau, membre de l'exécutif de la Chambre de commerce du Québec métropolitain et M. Gilles Champagne, directeur des recherches et de la législation, à la Chambre provinciale. A droite, M. Jean-Marie Poitras, vice-président de la Chambre de commerce provinciale; Me René Amyot, trésorier de la Chambre de commerce provinciale; M. Pierre Morin, directeur général des affaires publiques de la Chambre de commerce provinciale et M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la Chambre de commerce provinciale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous remercie, M. le Président. Si c'est possible, je vous inviterais à faire la présentation en deçà des limites de vingt minutes. Je pense que les membres de la commission ont tous eu l'occasion de consulter votre mémoire, et nous pourrons ainsi consacrer plus de temps aux questions que les membres de la commission pourront vouloir vous adresser. La parole est au président.

M. AUBIN: Merci beaucoup, M. le Président.

La dernière fois que la Chambre de commerce de la province a étudié le sujet de la langue, c'était en assemblée générale. A ce moment, il y a cinq ans environ, nous nous sommes opposés à l'adoption d'une législation qui ferait du français la langue de travail. Tout d'abord, parce que l'expression était fort ambiguë, selon nous, et parce que, en cette matière, les mesures législatives et coercitives seraient très difficiles de conception et d'application. Subséquemment, la commission Gendron est venue, après des études longues et exhaustives, établir le besoin d'une intervention gouvernementale, afin d'accélérer certains processus de francisation et de franconisation au sein de la société québécoise. D'autre part, le bill 63 n'a pas tari les discussions sur la place publique.

Enfin, le gouvernement présente le projet de loi actuel, et manifeste son intention arrêtée de consacrer, dans les textes législatifs, de nouveaux droits prépondérants à la langue française. Avec la commission Gendron et le gouvernement, nous reconnaissons maintenant le besoin de consacrer, par des textes législatifs, le français comme langue première au Québec, et d'en assurer, par la même occasion, le respect et l'épanouissement.

Après avoir fait un examen attentif, voici sommairement notre appréciation du projet. Il est premièrement une contribution majeure pour faire du français la langue prépondérante au Québec et en assurer le respect, la promotion et le développement. Il est, secondairement, une réponse valable et raisonnable aux aspirations profondes de la population francophone du Québec, tout en respectant la minorité.

Enfin, il est un geste de l'Etat qui devrait contribuer grandement à la paix sociale au Québec.

Il est cependant assorti de modalités qui nous inspirent des réserves parce qu'il laisse trop de pouvoirs à la discrétion exclusive du lieutenant-gouverneur en conseil, du ministre responsable et de l'appareil administratif; parce qu'il contient certaines mesures coercitives et même incitatives que nous ne pouvons accepter; parce qu'il doit être clarifié et plus détaillé à certains endroits pour mieux protéger les droits individuels.

La langue de l'administration publique.

D'une façon générale, nous sommes d'accord pour ce chapitre. Il nous est, cependant, difficile de cerner complètement la réalité que recouvre l'expression "textes et documents officiels". Plusieurs peuvent toucher la majorité des per-

sonnes physiques et morales tant francophones qu'anglophones.

L'article 8 indique qu'ils peuvent être accompagnés d'une version anglaise. Ceci laisse place à beaucoup d'arbitraire puisqu'il n'est pas précisé quels critères guideront ceux qui décideront quels textes pourront bénéficier d'une version anglaise.

Pour assurer l'efficacité de l'appareil administratif et assurer de même l'exercice des droits de tous les citoyens, il nous apparaît impératif que les textes et documents officiels doivent être accompagnés d'une version anglaise lorsqu'ils peuvent toucher des personnes physiques anglophones.

Nous sommes d'accord sur les articles 10 à 17 concernant la langue officielle de communication de l'administration publique. Cependant, nous croyons que les articles 10 et 12 devraient être amendés ou assortis d'autres articles afin d'éviter une incongruité, telle l'obligation pour des organismes anglophones de communiquer entre eux en français.

L'article 11 devrait être modifié de sorte qu'une personne physique ait le droit de recevoir une réponse dans la langue de son choix.

La langue des entreprises d'utilité publique et des professions.

Ici, de même, nous sommes d'accord sur les principes énoncés. Toutefois, nous avons les mêmes réserves quant à cette incongruité qui pourrait ressortir entre deux entreprises anglophones qui auraient à communiquer entre elles en anglais.

Au chapitre de la langue du travail, nous sommes d'accord sur les objectifs, mais nous avons des réserves sur les moyens préconisés.

Nous aimerions voir définir les termes "employeurs" et "entreprises" pour la bonne intelligence du texte législatif.

Nous nous opposons, d'une façon générale, à l'article 31 qui prévoit des subventions aux entreprises pour adopter et appliquer un programme de francisation. Ceci pourrait être relativement onéreux pour les petites entreprises tant celles à direction anglophone que francophone.

Cependant, même en dépit de cela, ces subventions nous apparaissent comme "dégradantes" auprès de la population francophone et constituent, à notre avis, une injustice pour les entreprises qui peuvent elles-mêmes se charger de cette fonction.

Donc, nous croyons qu'une aide technique adéquate pour les entreprises devrait exister afin qu'elles puissent élaborer des programmes prévus par la loi et les règlements pour les guider dans l'utilisation des moyens à prendre pour atteindre les objectifs fixés.

Nous prévenons aussi le législateur qu'à notre avis il s'engage dans une aventure très complexe où il risquera très facilement de s'embourber lorsqu'il prévoit, par l'article 32 et suivants, l'émission de certificats. Il faudrait réaliser que ceci entraînera la vérification, la procédure d'émission, la mise à jour constante et, dans de nombreux cas, la préparation, l'acceptation et la surveillance de programmes, pour toutes les entreprises au Québec, soit environ 85,000 (si notre interprétation du mot "entreprise" est correcte). Ce sera là une tâche énorme et, nous le craignons, fort coûteuse et d'une efficacité encore douteuse.

Si cette formule était retenue malgré les objections que nous formulons, nous désirons signaler les dispositions que nous jugeons excessives et dangereuses:

Premièrement, conditionner le droit d'obtention de permis de l'administration publique à tous ses niveaux, à la possession du dit certificat, nous apparaît excessif et même impensable. Les permis sont, la plupart du temps, des documents qui conditionnent l'existence même de l'entreprise. Les conséquences de leur retrait ou suspension pourraient être désastreuses surtout pour les employés, les fournisseurs, les créanciers et souvent sur toute une collectivité. Nous ne pouvons concevoir l'application de pénalités aussi graves pour l'application du présent projet. De plus, il faut retenir les dangers d'abus considérables qui existent dans cette formule sans parler des difficultés extrêmes d'application.

Deuxièmement, conditionner les concessions à la possession dudit certificat nous apparaît tout autant inacceptable. Nous remarquons qu'il n'y a aucune disposition particulière dans ce chapitre permettant des exceptions pour les sièges sociaux d'entreprises ayant des établissements à l'extérieur du Québec. La présence des sièges sociaux d'entreprises de toute nature, dont les activités débordent à l'extérieur du Québec ou même souvent se situent en majorité à l'extérieur du Québec, est un apport économique dont trop peu de gens soupçonnent toute l'importance.

Nous n'avons ni le temps ni les ressources nécessaires pour évaluer à fond la portée des articles de ce chapitre sur ces sièges sociaux et l'effet qu'ils pourraient avoir sur leur localisation ou activités au Québec. Nous soupçonnons cependant que les articles 32, 33 et ceux qui en découlent pourraient, dans certains cas, leur apporter des contraintes nouvelles ayant un effet négatif sur leur localisation et leurs opérations au Québec. En conséquence, nous recommandons que cette loi prévoie un traitement qui tiendra compte de leur situation particulière.

Langue des affaires. Nous sommes en général d'accord sur ce chapitre. Nous remarquons cependant qu'en matière d'étiquetage, une nouvelle loi fédérale, qui respecte pleinement la langue française, sera bientôt en vigueur. Nous recommandons que le législateur étudie attentivement cette réglementation fédérale et que, de toute façon, toute réglementation, en cette matière, amène généralement pour les manufacturiers et les marchands des complications sérieuses dont nous ne voyons pas la raison présentement.

Langue de l'enseignement. A l'étude de ce

chapitre, nous avons considéré important de rappeler au législateur certaines priorités. Premièrement, nous estimons que le choix de la langue d'enseignement est un droit individuel qui appartient aux parents et qu'il est très important de ne pas le diminuer, non plus que leur enlever ce droit. Deuxièmement, plusieurs des problèmes que l'on veut régler par les dispositions de ce chapitre tiennent, dans une large partie, à la mauvaise qualité de l'enseignement de la langue seconde dans nos écoles tant francophones qu'anglophones. Il est urgent que le ministère agisse avec vigueur dans cette matière. Troisièmement, l'enseignement de l'économique à l'école, que nous demandons depuis plusieurs années, nous apparaît ici prioritaire, compte tenu du rôle que l'on veut faire jouer aux francophones dans les entreprises.

La régie de la langue française. Nous sommes d'accord en général sur ce chapitre de la loi. Nous recommandons cependant des amendements qui auraient pour effet: premièrement, de dissocier clairement les deux fonctions principales qui sont, d'abord, la diffusion du français et, deuxièmement, la surveillance des infractions aux droits linguistiques. Nous recommandons aussi de rendre la régie responsable à l'Assemblée nationale. Nous recommandons de donner un droit d'appel des décisions de la régie en matière de surveillance des infractions. Nous demandons d'assurer une représentation raisonnable des minorités à la régie et dans son personnel. Nous recommandons de situer le siège social de la régie à Montréal où se trouve la très grande majorité des problèmes auxquels elle aura à s'attaquer. Enfin, nous recommandons de faire en sorte que les membres et les employés de la régie ne relèvent pas de la fonction publique afin de rendre cet organisme plus perméable aux échanges de personnel avec les milieux qu'elle a pour mandat de comprendre et d'aider.

Recommandation concernant les pouvoirs de réglementation. Nous reconnaissons avec le gouvernement qu'il est nécessaire de déléguer certains pouvoirs de réglementation, compte tenu de la souplesse qu'il faudra donner à l'application de la loi. D'autre part, nous devons aussi reconnaître qu'encore une fois, cette loi éloigne de l'Assemblée nationale des pouvoirs importants dont l'exercice pourrait changer le sens de cette loi tel que perçu et accepté au moment de son adoption. En l'occurence, nous recommandons que tous les règlements qui devront être adoptés pour rendre cette loi opérante, soient soumis, préalablement à leur adoption, à une commission parlementaire où pourront être entendus tous les intéressés qui en feront la demande. Nous souhaitons enfin que les règles du jeu en cette matière soient clairement établies et nous avons la conviction que la très grande majorité du monde des affaires québécois est prête à apporter sa collaboration aux objectifs gouvernementaux et à appliquer les règles proposées. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Aubin. J'invite immédiatement le ministre de l'Education à procéder à la période de questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, tout d'abord, je désire féliciter vivement la Chambre de commerce de nous avoir présenté un mémoire qui me paraît être excellent et qui constitue certainement un modèle. En effet, ce mémoire cherche à analyser le projet de loi 22 et propose un certain nombre de recommandations. C'est exactement ce que le gouvernement attend d'une commission parlementaire comme celle-ci.

Je crois qu'il est important de souligner que la Chambre de commerce considère le projet de loi 22 comme une contribution majeure pour faire du français la langue prépondérante au Québec, comme une réponse valable et raisonnable aux aspirations de la collectivité et comme un geste de l'Etat susceptible d'avoir des répercussions favorables sur l'équilibre social.

C'est bien ainsi en effet que le gouvernement a conçu le principe de sa législation. Il y a là-dedans de véritables dynamiques de refrancisation qui, dans tous les secteurs de l'activité, permettra, dans une période relativement courte, de transformer littéralement le Québec. Je crois qu'il y a intérêt à en être conscient et j'espère que, de plus en plus, les groupes s'en rendront compte. C'est ainsi, par exemple, que dans le domaine de l'administration publique, nous donnons un cadre législatif à une pratique que nous avons instaurée depuis quelques années en poussant davantage les obligations que nous imposons. C'est ainsi que dans le domaine des professions, dans le domaine des services, nous élaborons également des lois et la commission Gendron avait déploré le fait que les corporations scolaires, les corporations municipales fonctionnaient sur le plan linguistique d'une manière un peu empirique qui était très souvent au détriment du français.

C'est ainsi que, dans le domaine des affaires, nous avons mis au point une formule qui n'est pas une formule de coercition matraque, laquelle aurait été inopérante de toute façon et qui permet d'utiliser le pouvoir économique du gouvernement dans le but de refranciser les entreprises, compte tenu du fait que nous avons mis au point toutes les techniques et toutes les méthodologies nécessaires. C'est ainsi que, dans le domaine de la langue du travail, le fait que les conventions collectives pourront être rédigées en français et pourront permettre aux ouvriers d'exiger la présence de la langue française constitue des leviers et un des instruments les plus puissants et, en même temps, les plus souples qui amèneront progressivement la transformation du climat au sein des entreprises.

Je pourrais continuer ainsi, mais j'ai cru utile de profiter de ce mémoire pour faire le point sur le principe même de la législation. Le mémoire attire l'attention du gouvernement sur tout un

ensemble de points. Je peux d'ores et déjà dire que nous en tiendrons compte, comme nous tiendrons compte d'ailleurs de toutes les recommandations qui nous paraîtront positives et qui nous parviendront dans les jours qui viennent. Il y a très certainement dans cette loi, un certain nombre d'imprécisions. Sans aller jusqu'à dire que ces imprécisions étaient voulues, je n'hésite pas à soutenir qu'elles étaient inévitables. Pourquoi? Parce qu'elles doivent venir d'une réglementation ou de plusieurs réglementations et il est bien certain que pour mesurer les conséquences de certains articles, il faut attendre les réglementations.

C'est l'intention du gouvernement, je l'ai signalé dans mes remarques préliminaires, d'apporter dès la commission plénière, tous les renseignements nécessaires à cet égard. Je ne m'engage peut-être pas à déposer des textes définitifs des réglementations, mais très certainement, à déposer les principes et toute l'information pertinente. Si je repasse les principales critiques, je constate qu'elles portent sur des définitions, par exemple, et c'est justement la réglementation qui apportera ces définitions. Elles portent sur l'extension qu'on doit donner au mot "permis". H y a très certainement là une difficulté, mais cette difficulté ne peut pas être résolue dans le cadre même de la loi et c'est cela qu'il faut comprendre. Non seulement s'agit-il d'une loi-cadre mais il s'agit également d'une loi-cadre qui porte sur un domaine extrêmement difficile. Et une législation ne peut que contenir des principes, des orientations, autrement elle deviendrait rapidement un véritable carcan.

C'est la raison d'ailleurs pour laquelle il n'y a pas, dans la loi même, des dispositions qui tiendraient compte des sièges sociaux, mais il est bien évident que les sièges sociaux — ce n'est qu'un exemple — devront être traités, certains d'entre eux tout au moins, de façon différente. Je pense à des sièges sociaux qui font affaires avec l'extérieur du Québec dans une proportion très importante. Je ne veux pas, pour l'instant, commencer le débat, mais ces quelques exemples, je les donne uniquement pour bien montrer que la réglementation viendra préciser les principes généraux, non pas restreindre ces principes généraux, mais précisément les rendre applicables, de sorte que je ne suis pas du tout étonné et je ne considère pas comme un jugement défavorable les remarques très positives que nous apporte la Chambre de commerce.

Bien au contraire, je considère comme une assistance précieuse la raison d'être, comme je l'ai laissé entendre, de cette commission parlementaire, et nous permettrons d'en tenir compte.

Je m'arrête là, M. le Président, parce qu'il y a tout de même des points sur lesquels je ne suis pas d'accord et ce sont ces points-là que le débat viendra éclairer. Mais dans l'ensemble, je crois que le principe de cette législation étant accepté, il restera à attendre que le débat ait lieu et que la commission plénière ait lieu pour que l'on puisse véritablement arriver avec un cadre législatif satisfaisant pour l'ensemble de notre collectivité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, le mémoire récent de la Chambre de commerce du Québec sur l'érosion du pouvoir législatif me tombe sous les yeux. Il nous était présenté il y a quelques semaines à peine dans cette même salle. J'aimerais reprendre un ou deux points que vous aviez alors soulignés dans ce mémoire, pour vous demander si vous êtes toujours du même avis. Ce sera ma première série de questions.

A la page 7, vous disiez ceci: "Nous notons cependant que le délai accordé aux individus et aux corps intermédiaires pour comparaître devant la commission parlementaire est d'une durée trop réduite pour leur permettre de préparer un mémoire ou des commentaires qui aideraient vraiment les membres de l'Assemblée nationale à mieux percevoir leurs opinions."

A la suite de l'expérience que vous venez de traverser avec le présent projet de loi, est-ce que vous êtes toujours de cet avis?

M. AUBIN: Est-ce que je dois donner notre réponse immédiatement?

M. MORIN: S'il vous plaît, oui.

M. AUBIN: Nous sommes d'avis que le temps est réduit absolument; cependant, nous reconnaissons l'urgence de la présentation de la présente législation. Nous avons dû mettre les bouchées doubles nous-mêmes et nous nous sommes imposé ce devoir.

M. MORIN: En sorte que, lorsque la législation est urgente, vous apporteriez une nuance à votre mémoire?

M. AUBIN: Nous avons, je crois, quelque part dans le mémoire indiqué qu'il y aurait des exceptions.

M. MORIN: A ce paragraphe en particulier?

M. AUBIN: Certainement.

M. MORIN: Pourriez-vous trouver le passage en question?

M. AUBIN: Quelqu'un cherche en ce moment. On pourrait peut-être passer à...

M. MORIN: Je vais vous poser ma question suivante. A la page 14, paragraphe f), comme dans "François"...

M. CLOUTIER: Merci, M. le chef de l'Opposition.

UNE VOIX: Albert Angers.

M. MORIN: Ou encore "f" comme dans "français".

M. CLOUTIER: Merci encore.

M. MORIN: Vous suggériez que les commissions parlementaires puissent siéger en dehors de la cité parlementaire. Etes-vous toujours du même avis?

M. AUBIN: Oui.

M. MORIN: Dans le cas présent?

M. AUBIN: Oui.

M. MORIN: Merci, mais il est trop tard hélas, car la commission en a décidé autrement dans le cas qui nous intéresse.

M. CLOUTIER: Processus démocratique.

M. MORIN: Messieurs, j'aimerais maintenant repasser avec vous, rapidement, la situation actuelle des hommes d'affaires francophones dans l'économie québécoise. J'ai devant moi le compte rendu d'un mémoire qui a été soumis récemment à l'opinion par la Chambre de commerce de Montréal qui est affiliée, je crois, à votre Chambre québécoise. On y trouve les extraits suivants: "La cause principale des problèmes linguistiques du Québec est la domination économique et plus précisément l'omniprésence des anglophones dans les centres de décision des grandes entreprises économiques opérant — j'imagine qu'on veut dire "faisant affaires" — au Québec". Un peu plus loin, le document en question démontre ce qui suit: "Le pourcentage de francophones aux cinq premiers rangs de la direction générale des 105 plus grandes entreprises du Québec, (800 employés et plus) n'est que de 18 p.c. et encore si l'on atteint ce pourcentage, c'est grâce aux 12 entreprises de plus de 800 employés contrôlées par les francophones, lesquelles embauchent 95 p.c. des cadres francophones".

Et on continue: "En effet, dans les 93 entreprises du Québec contrôlées par des anglophones et embauchant 800 employés ou plus, le nombre de francophones à la direction générale n'est que de 7 p.c". Plus loin, on trouve cette phrase qui est tirée du compte rendu de M. Vennat: "Si la Chambre de commerce de Montréal a tenu à préparer un dossier sur la direction générale des quelque cent plus grandes entreprises opérant au Québec, à partir des renseignements disponibles à l'automne 1973, c'est que son directeur général, M. Pierre Shooner, a déclaré qu'elle veut éviter que la législation que présentera prochainement M. Bourassa ne tourne autour du pot".

Bien, est-ce que vous êtes d'accord sur ce verdict de votre chambre affiliée?

M. AUBIN: M. le Président, nous n'avons rien soulevé à propos du paragraphe b) de l'article 35 qui indique que, parmi les critères qui seront employés pour l'émission de certificats, au cas où serait retenue cette disposition, nous n'avons pas exprimé d'objection à la présence francophone dans l'administration des entreprises.

M. MORIN: Oui, mais je vous ai demandé, je l'espère, ce serait bien le comble, ce serait la fin des haricots...

M. AUBIN: Nous faisons la même constatation que le chef de l'Opposition et nous-mêmes, nous souhaitons le redressement de cette situation.

M. MORIN: Et vous êtes sensibles au fait de la sous-représentation des francophones dans les entreprises québécoises.

M. AUBIN: Nous le sommes.

M. MORIN: Passons, maintenant, à la question des salaires qui, j'imagine, vous intéresse également. Parmi les dossiers économiques de la commission Gendron, on en trouve quelques-uns qui traitent de la place des francophones dans les cadres de l'industrie et, parmi les dossiers qui ont été publiés, on trouve ceci: "Plus particulièrement, les francophones, largement représentés aux niveaux de salaires les plus bas, sont à peu près complètement absents aux niveaux les plus élevés. Si les francophones devaient un jour participer à la gestion des entreprises proportionnellement à leur représentation numérique dans la population du Québec, il faudrait que leur participation soit plus que le double de ce qu'elle est maintenant aux niveaux salariaux deux et trois". Les niveaux salariaux deux et trois sont les niveaux de $15,000 à $20,000 et de plus de $20,000 par année. Et dans les deux catégories, on trouve 30 p.c. de francophones et 70 p.c. d'anglophones.

Est-ce que cette situation vous est connue et quelle est votre attitude à ce sujet?

M. AUBIN: Au paragraphe 2-1 de notre mémoire nous indiquons que la commission Gendron a relevé les faits que vous citez que c'est la base de notre prise de position.

M. MORIN: Donc, vous n'êtes pas satisfait de cette situation et, si j'ai bien compris la Chambre de commerce, elle aimerait bien redresser la situation.

M. AUBIN: Nous sommes d'accord pour ne pas être d'accord avec vous.

M. MORIN: Je saisis mal la réponse.

M. AUBIN: Nous déplorons cette même situation.

M. MORIN: Donc, à moins que je ne m'abuse, vous êtes pour le changement.

M. AUBIN: Pour l'évolution.

M. MORIN: Oui, pour l'évolution, pour le changement, je n'ai pas d'objection à ce que vous parliez d'évolution.

Eh bien, maintenant, si vous le voulez bien, à la lumière de ces constatations plutôt pénibles et de votre volonté d'évolution, nous allons jeter un coup d'oeil sur ce que vous en dites dans votre mémoire. Nous allons d'abord prendre, si vous le voulez bien, la page 1. Vous vous êtes opposés, il y a quelques années, à l'adoption d'une loi pour faire du français la langue de travail. Cela est-il conforme avec les faits que nous venons d'examiner et que vous déplorez?

M. AUBIN: Nous avons fait référence à cette prise de position antérieure par souci d'honnêteté et pour faire ressortir que nous faisons partie d'une société dynamique en évolution, pour employer le même mot, et, nous-mêmes, nous nous rendons compte aujourd'hui du besoin d'une loi telle que celle qui est proposée.

M. MORIN: Pour ce qui concerne un autre aspect, la langue d'enseignement, quelle était votre position sur la loi 63?

M. AUBIN: Nous avons appuyé la loi 63.

M. MORIN: Aujourd'hui, si je me réfère à la page 9 de votre mémoire, vous appuyez encore la loi 63?

M. AUBIN: La loi 63, d'après l'analyse qui a été faite par nombre de personnes, se serait, en somme, effacée des statuts en grande partie. Nous avons considéré, dans notre étude, le projet de loi no 22. C'est sur cette base que nous présentons nos idées.

M. MORIN: Est-ce que vous considérez vraiment que la loi 63 est effacée dans les faits de la vie québécoise par le bill 22?

M. AUBIN: La situation a évolué considérablement depuis.

M. MORIN: Pour le pire, peut-être.

M. AUBIN: Ce n'est pas nécessairement notre opinion.

M. MORIN: Je vous ai posé une question. Est-ce que vous estimez, M. le Président, que la loi 63 est vraiment rayée, en réalité, de la vie québécoise?

M. AUBIN: Elle fait partie de la législation générale de la province de Québec. Le présent projet de loi viendra sûrement modifier ses dispositions et de façon considérable.

M. MORIN: Vous nous dites, à la page 9: "Nous estimons que le choix de la langue d'enseignement est un droit individuel qui appartient aux parents et qu'il est très important de ne pas leur diminuer ou enlever ce droit." Donc, vous en êtes encore à la loi 63.

M. AUBIN: Selon votre interprétation. M. MORIN: Expliquez-moi la vôtre.

M. AUBIN: La nôtre est basée, non pas sur la loi 63 elle-même, mais sur le droit fondamental des citoyens dans notre société de pouvoir choisir la langue d'enseignement de leurs enfants.

M. MORIN: En somme, c'est le statu quo que vous recommandez?

M. AUBIN: Non, car le bill 22 lui-même porte quantité de modalités qui certainement vont changer le statu quo.

M. MORIN: Est-ce que vous vous êtes penchés, vous de la Chambre, sur ce qui se passe dans les provinces canadiennes et à l'étranger en ce qui concerne la langue d'enseignement? Est-ce que vous avez établi des comparaisons? Est-ce que vous vous êtes renseignés sur ce qui se faisait ailleurs?

M. AUBIN: Nous n'avons pas fait cette étude détaillée dernièrement.

M. MORIN: Est-ce que vous l'avez faite dans le passé?

M. AUBIN: Mais nous avons quand même pris des constatations qui étaient incluses dans le rapport Gendron.

M. MORIN: A la page 3 de votre mémoire, vous dites exprimer votre méfiance à l'égard des mesures coercitives et incitatives que vous ne pouvez accepter. Pourriez-vous nous dire de quelles mesures coercitives et incitatives il s'agit, en l'occurrence?

M. AUBIN: Ceci s'adresse tout particulièrement aux articles 32 et 33 qui, selon nous, doivent êtres lus ensemble; pour ce qui est des mesures coercitives et aux dispositions prévoyant des subventions pour les programmes de francisation en ce qui concerne les mesures incitatives, article 31.

M. MORIN: Vous semblez très méfiant à l'égard — et nous le sommes aussi d'ailleurs, mais j'aimerais explorer cette question avec vous — des subventions que vous considérez comme "dégradantes". De même, vous exprimez beaucoup de méfiance à l'égard des permis, mais qu'est-ce que vous mettriez à la place de ce système? C'est ce qui nous intéresse. Qu'est-ce

que vous feriez pour corriger, en somme, les graves lacunes que nous avons constatées ensemble tout à l'heure quant à la place des francophones dans l'économie québécoise? Vous ne semblez pas avoir grand-chose à proposer.

M. AUBIN: II n'est pas de notre domaine de faire ce genre de propositions.

Nous avons pensé, entre nous, qu'il pourrait y avoir un système de pénalités, d'amendes. Nous avons aussi pensé qu'il y ait une saction morale, par la publication des noms des entreprises qui n'auraient pas atteint les objectifs qu'elles recherchaient. C'est le genre de solutions auxquelles nous avons pensé entre nous.

M. MORIN: Et surtout avec le genre de régie dont vous vous faites l'avocat, à la page 11, où vous suggérez de faire en sorte que les membres et les employés de la régie ne relèvent pas de la fonction publique, afin de rendre cet organisme plus perméable aux échanges de personnel avec les milieux qu'elle a pour mandat de comprendre et d'aider. Si j'ai bien compris, il s'agit des milieux d'affaires.

M. AUBIN: Oui. Les milieux syndicaux.

M. MORIN: Alors, vous pensez bien, s'il y aurait moyen de publier des listes noires.

M. AUBIN: Pardon?

M. MORIN: Je dis: Vous pensez bien qu'avec un système de régie comme celui que vous proposez, on pourrait, effectivement, publier des listes d'industries délinquantes.

M. AUBIN: Je crois que le mandat auquel seront tenues ces personnes fera en sorte qu'elles doivent faire les rapports auxquels vous faites allusion.

M. MORIN: M. le Président, encore quelques questions, et j'en aurai terminé.

A la page 4, vous dites: "Pour assurer l'efficacité de l'appareil administratif et l'exercice des droits de tous less citoyens, il nous apparaît impératif que les textes et documents officiels "doivent" être accompagnés d'une version anglaise, lorsqu'ils peuvent toucher des personnes physiques anglophones". Et un peu plus loin, vous recommandez que les personnes physiques anglophones puissent recevoir des réponses du gouvernement en anglais. En somme, c'est le statu quo, sur ce plan, entièrement le statu quo, puisque c'est comme cela que cela se passe actuellement.

M. AUBIN: Pour les personnes physiques, vous avez raison. Je vais maintenant vous donner notre raisonnement là-dessus. Les personnes de langue anglaise, dans la province de Québec, vont demeurer des citoyens. Ces personnes devront être au courant des dispositions qui les affectent, pour pouvoir observer la loi. D'autre part, ces mêmes personnes ont les mêmes droits, en tant que citoyens, que le reste de la population. Elles devront comprendre la loi et les règlements, pour pouvoir avoir recours à ces droits qui sont leurs. C'est le raisonnement que nous avons employé.

Je ferai remarquer cependant que les personnes morales, soi-disant anglophones, devront communiquer en langue française, et les lois et réglementations qui s'adresseront à elles ne comporteraient pas cette obligation d'être accompagnées d'une version anglaise.

M. MORIN: A la page 4, toujours, vous dites: "Nous sommes d'accord avec l'esprit des articles 10 à 17, concernant la langue officielle de communication d'administration publique, cependant nous croyons que les articles 10 et 12 devraient être amendés ou assortis d'autres articles limitatifs, afin d'éviter des incongruités, telle l'obligation pour les organismes anglophones d'administration publique de communiquer entre eux en français".

A la lecture de ce paragraphe, comme de plusieurs autres paragraphes de votre mémoire, je me demande si vous êtes venus là pour défendre les droits de nos concitoyens francophones ou pour défendre les droits de nos concitoyens anglophones. Vous m'étonnez beaucoup.

M. AUBIN: C'est un jugement qu'on peut poser. Cependant notre animation provenait d'un souci d'équité.

M. MORIN: Et dans tout cela, que faites-vous de vos constatations initiales de tout à l'heure?

M. AUBIN: Nous approuvons toujours le projet de loi. Ce que vous venez de relever était limité, vous vous en êtes rendu compte vous-même, à certains organismes de l'administration publique anglophone. On peut penser aux universités anglophones, aux CEGEP anglophones. Et au-delà de cela, l'imagination coupe court. La même chose s'appliquerait, comme nous l'avons mentionné dans notre rapport, aux hôpitaux, aux entreprises d'utilités publiques. Mais ce sont des cas fort limités.

M. MORIN: Je passe rapidement, parce que nous avons si peu de temps à notre disposition. Au paragraphe 6.2: "Le deuxième alinéa de l'article 28, nous apparaît injuste pour les salariés anglophones qui, ayant le droit de formuler le grief en anglais, devraient pouvoir bénéficier de la procédure entière en anglais".

M. AUBIN: Nous vous demandons la permission d'ajouter quelques mots à ce paragraphe. Vous pourriez en refaire la lecture et ajouter, après le mot "anglais", "à l'intérieur de syndicats qui ne se seraient pas prévalus du deuxième

paragraphe de l'article 29". Cela change le sens, la portée de notre alinéa 6.2.

M. MORIN: Savez-vous l'impression que me fait la lecture de votre mémoire, Messieurs? Je le dis en toute déférence parce que j'estime que votre organisme est important et représente des intérêts auxquels on doit accorder certainement de la considération au Québec. Compte tenu de la description — que nous avons examinée au tout début — de la place des francophones dans l'économie québécoise et compte tenu du fait que le salarié francophone reçoit la portion congrue, je suis étonné de recevoir un mémoire comme celui-là; alors que nous aurions attendu de vous des remèdes aux maux que certaines de vos chambres affiliées ont identifié, vous nous remettez un mémoire qui ne va pas même aussi loin que le bill 22 et cherche même à l'édenter sur certains points. Messieurs, je trouve cela renversant; je ne saisis pas. Je me demande si j'ai vraiment affaire à la Chambre de commerce du Québec, ma foi! Why gentlemen! It is just as if we had the Board of Trade before us!

M. TETLEY: I think you had better wait until you see it !

M. MORIN: I will bet you. It will not be substantially different, j'ai terminé, mais je ne peux exprimer autre chose que de la déception devant ce mémoire.

M. AUBIN: Je ne veux pas comprendre que le chef de l'Opposition veut que je lui donne une réponse circonstanciée sur son dernier commentaire, mais je lui rappellerai que le Board of Trade de Montréal et d'autres chambres anglophones sont aussi membres de la Fédération des Chambres de commerce de la province de Québec.

D'autre part, nous étudions un bill qui porte le titre de Loi sur la langue officielle du Québec, mais en même temps, il touche lui-même la langue anglaise. Nous ne pouvions pas nous priver de faire porter nos réflexions sur le statut de la langue anglaise en ce qu'elle touche les entreprises, le gouvernement et les citoyens.

Nous devions, nous-mêmes, faire voix à nos principes, aux principes fondamentaux auxquels nous souscrivons dans le mouvement des chambres de commerce. En même temps, nous savons que cette loi pourrait avoir une influence, soit favorable, soit défavorable sur l'économie de la province de Québec. Ce sentiment a aussi présidé aux idées que nous venons d'exposer devant votre commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Avec toutes les réserves que j'ai signalées hier concernant le projet de loi 22, j'aimerais quand même poser quelques petites questions. Ma première question fera suite à une question qui vient d'être posée lorsqu'on a parlé des droits des citoyens d'être informés des lois et des règlements et de toutes ces choses.

J'aimerais savoir de la chambre de commerce si ces droits pourraient aller jusqu'à exiger que tous les avis de contravention aux lois dans le Québec devraient être bilingues.

M. AUBIN: Je crois que lui, parce que là on s'adresse au citoyen lui-même et c'est faisable.

M. ROY: Tous les avis de contravention dans toutes les régions de la province de Québec devraient être bilingues? En somme, ce que vous préconisez, ce que vous voyez dans la loi 22, c'est un avancement vers le biculturalisme intégral au Québec.

M. AUBIN: Ma réponse devra être qualifiée. Si l'on parle de contravention émise en vertu d'une loi provinciale, je crois que cela devra l'être, mais lorsque l'on parle d'administration municipale, scolaire ou autre, le statut de l'administration locale devra déterminer de la façon prévue dans le bill.

M. ROY: En somme, c'est le bilinguisme intégral que vous favorisez.

M. AUBIN: Non, nous ne favorisons pas le bilinguisme intégral, car notre étude a porté sur tous les aspects et nous excluons les personnes physiques de cette bilinguisation.

M. ROY: Mais si vous dites que les avis de contravention et tout ce qui regarde le Québec comme tel devrait être bilingue, il peut arriver qu'il y ait des lois qui ont une extension municipale. Il faudrait alors que les lois municipales, qui sont une extension aux lois provinciales, ces lois municipales devraient quand même respecter les mêmes critères, si j'ai bien compris ce que vous avez voulu dire tout à l'heure.

M. AUBIN: Lorsque la personne physique est touchée, c'est ce que nous mentionnons dans le bref, nous considérons que la personne doit comprendre l'avis, la contravention ou autre chose qui est émis à son endroit. Maintenant, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, certaines municipalités, certaines commissions scolaires auront un statut unilingue. En ce cas, je vois difficilement que ces administrations puissent, pour l'émission d'une contravention ou d'un avis, faire exception.

M. ROY: Mais dans la majorité des cas, ce serait bilingue, si on ne regarde que dans la région de Montréal. C'est là que vous trouvez la plus grande concentration de la population, la région métropolitaine.

M. AUBIN: Maintenant, nous mentionnons aussi dans notre mémoire que, lorsque ces avis,

contravention ou autres, peuvent toucher des personnes physiques de langue anglaise, ils seront accompagnés d'une version anglaise. Lorsqu'il n'y a pas de chance que cela touche une personne de langue anglaise, il n'y a pas obligation dans notre esprit.

M. ROY: Est-ce que cela veut dire que les officiers ou les employés du gouvernement devront avoir deux systèmes de papeterie, si vous voulez, d'infractions?

M. AUBIN: C'est la chose que nous aimerions voir expliciter par le gouvernement avant d'aller plus loin.

M. ROY: Mais la position de la chambre de commerce sur ce point?

M. AUBIN: La position de la chambre de commerce se résume en disant: Lorsque des personnes de langue anglaise peuvent être touchées par le texte d'un document officiel, celui-ci devra être accompagné d'une version anglaise.

M. ROY: Mais comme les citoyens peuvent circuler dans toutes les régions du Québec à n'importe quel moment de l'année, cela veut dire que, si le principe vaut, le principe doit également valoir dans tout le Québec. C'est votre position?

M. AUBIN: J'ai assorti ceci il y a un instant en disant qu'une administration locale qui aurait un statut unilingue ne serait pas tenue à cette obligation.

M. ROY: Maintenant, deuxième question: Est-ce que la Chambre de commerce ne croit pas que le projet de loi 22 tel que présenté, tel que rédigé actuellement, ne fait que de légaliser la situation qui prévaut au Québec?

M. AUBIN: Non, il y a certainement une évolution ici.

M. ROY: J'aimerais que vous me citiez quelques exemples.

M. AUBIN: Revenant encore à la langue des affaires, à la langue du travail, on consacre la langue française comme langue première, prépondérante, au-dessus de la langue anglaise, alors qu'aujourd'hui, ce n'est pas le cas.

M. ROY: Mais il y a certainement d'autres points que vous pouvez me citer.

M. AUBIN: La langue de l'administration, la langue interne des administrations, sauf les exceptions que nous avons suggérées. Le français sera la langue de communication interne.

M. ROY: Mais avec toutes les ...

M. AUBIN: Le statu quo est rompu.

M. ROY: Avec toutes les explications qu'il y a dans la loi et avec les exclusions ou les parenthèses qui sont ajoutées, vous ne croyez pas qu'on en revient à légaliser le statu quo?

M. AUBIN: Nous ne croyons pas que le statu quo sera légalisé par ce projet de loi.

M. ROY: Vous ne croyez pas non plus qu'au niveau de la langue de l'enseignement, puisqu'on en a parlé tout à l'heure, c'est tout simplement, si on se réfère aux articles 48, 49, 50 et 51 que, de ce côté, surtout au niveau de la langue de l'enseignement, c'est la continuation du fameux bill 63 et même avec plus de garanties.

M. AUBIN: Non, les nouveaux immigrants, selon le projet de loi qui est devant nous, n'auront plus le choix qu'ils possédaient autrefois lorsque les enfants ne sauront pas une des deux langues, l'anglais ou le français.

M. ROY: Oui, mais il est bien dit: fonction de l'examen.

M. AUBIN: Oui.

M. ROY: Alors si l'examen...

M. AUBIN: Cet examen n'existait pas.

M. ROY: Si l'examen démontre que l'enfant a une meilleure connaissance de l'anglais qu'une connaissance du français, l'enfant sera automatiquement orienté vers les écoles anglaises.

M. AUBIN: Ces normes auront un rayonnement provincial et seront, nous l'espérons, administrées de la même façon partout. Ces règlements n'existent pas encore.

M. ROY: Nous ne connaissons pas ces règlements, mais il y a quand même des...

M. AUBIN: Non, mais je mentionne que ces règlements n'existent pas encore, pour illustrer le fait qu'il y aura changement, qu'il n'y aura plus statu quo après l'adoption d'une disposition telle que celle-là.

M. ROY: Comme dernière question, M. le Président, je trouve qu'on fait beaucoup référence — on en a beaucoup discuté aujourd'hui — aux droits des parents dans l'éducation; on s'y réfère. D'ailleurs, le ministre s'est référé à plusieurs reprises au fait que les parents doivent avoir un droit de choix, un droit fondamental, un droit individuel à ce niveau. Je me demande quels sont les droits qui restent, les droits que possèdent réellement les parents au Québec à ce niveau, au niveau de l'éducation. On en parle beaucoup, mais il me semble qu'on en parle

lorsque cela fait l'affaire du gouvernement et que cela fait l'affaire de certaines tendances. Mais est-ce que de ce côté, la Chambre de commerce est consciente que des droits des parents dans le domaine de l'éducation, il n'en reste à peu près pas?

M. AUBIN: Nous-mêmes, nous suggérons que les droits qui existent et fondamentalement le choix de la langue d'enseignement des enfants soit assuré de façon plus ferme qu'il ne l'est en ce moment dans le projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Verchères.

M. OSTIGUY: M. le Président, dans votre mémoire à la page 5, aux paragraphes 6-3 et 6-4, vous mentionnez une certaine crainte vis-à-vis des subventions aux petites entreprises dans un programme de francisation. Est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage de quelle façon vous verriez que la francisation ou l'aide aux petites entreprises pourrait apporter dans vos recommandations ou dans les articles 31 et 32 de la loi...

M. AUBIN: Notre position est une position de principe. Nous sommes contre les subventions gouvernementales sauf dans des cas où des conditions très locales mettent le gouvernement dans une position où il doit donner des subventions; mais sur un sujet général comme celui-ci, nous avons une position de principe contre les subventions. C'est notre point de départ. Nous ajoutons à ceci qu'accorder des subventions pour aider des entreprises à se franciser c'est un peu odieux lorsque l'on considère que la majorité des contribuables de la province de Québec sont de langue française. Nous reconnaissons aussi que ceci pourrait être onéreux pour certaines entreprises petites et moyennes. C'est pour cette raison que nous faisons la suggestion qu'une aide technique adéquate soit prévue pour les entreprises qui en ont besoin dans l'élaboration des programmes prévus par la loi et les règlements, et pour les guider dans l'utilisation des moyens à prendre pour atteindre les objectifs fixés.

M. OSTIGUY: Est-ce que votre crainte n'est pas justement: Comment se définit le mot "entreprise"? Cela commencera à combien d'employés et cela ira jusqu'à combien?

M. AUBIN: Non. On en a une assez bonne idée. Cependant, dans un texte législatif, surtout un texte législatif qui contient des dispositions telles que celles-ci, nous prétendons qu'il est absolument nécessaire de déterminer ce qu'est le mot "entreprise".

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Pointe-Claire.

M. SEGUIN: Je me prends de bonne heure.

M. le Président, je ne devrais pas le dire, mais je vais le dire quand même, je n'ai pas le pessimisme du chef de l'Opposition. Après avoir lu votre mémoire, je pense plutôt que je suis optimiste en ce qui concerne l'avenir de nos administrateurs francophones, surtout avec les progrès qu'on a vus durant les dernières années avec la provenance toujours grandissante de nos étudiants qui se dirigent de plus en plus vers le secteur administratif, secteur des affaires. Je n'ai qu'à me féliciter. Je trouve que votre mémoire ne reflète pas le pessimisme, mais est plutôt optimiste et nous indique que la Chambre de commerce de la province, du moins pour le moment, a comme de coutume les pieds à terre.

Alors, je voudrais vous féliciter de vos commentaires parce que je trouve que votre présentation est très bien faite, avec les réserves que vous avez voulu apporter.

Je m'en voudrais un peu d'aborder la prochaine question ou mon prochain commentaire parce que je ne voudrais pas, d'aucune façon paraître ou ressembler ou indiquer un problème alarmiste ou une situation alarmiste. Je voudrais vous demander, surtout s'il y a quelqu'un qui vous accompagne qui est intéressé dans le domaine de l'immeuble, du développement de l'immeuble, soit industriel, commercial ou résidentiel... Je constate certains faits depuis quelques jours, surtout depuis la présentation de ce projet de loi no 22, qu'il semble y avoir un refroidissement dans certains milieux de la province et dans le milieu d'où je viens qui est dans la région de Montréal, le secteur de Pointe-Claire, en ce qui concerne l'habitation. C'est dire que déjà le marché a subi une influence à la baisse tandis que je constate que du côté du développement industriel ou commercial, ça n'a pas semblé avoir le même impact sur ces entreprises ou sur ce secteur de la population. Est-ce que vous seriez en mesure d'avoir constaté ce phénomène? Sinon dites non et la question se termine là. Si oui, avez-vous une explication à donner qui pourrait justifier le fait qu'au niveau de l'individu il y a peut-être un peu de nervosité temporaire, je l'admets et je l'accepte, tandis que dans la communauté industrielle, commerciale, cette nervosité n'existe pas ou ne paraît pas, du moins, à ce moment-ci?

M. AUBIN: M. Poitras.

M. SEGUIN: M. Poitras, oui.

M. POITRAS: M. le Président, je suis à même de constater dans notre entreprise que, à cause de la situation du coût de l'argent, il y a certainement une résistance de la part du public, lorsque les taux de prêts sont rendus à 12 p.c. Pour ce qui concerne les entreprises commerciales, il y a eu souvent une planification à l'avance et un besoin de développement industriel dans le Québec qui fait que, quand même, les projets peuvent aller de l'avant. Il y a

une incertitude avec les changements très rapides des taux et du coût de l'argent; je pense qu'il y a certainement une hésitation de la part de l'individu.

M. SEGUIN: Je ne vais pas plus loin. De par votre réponse, le projet ne semble pas avoir eu d'influence mais ce sont d'autres influences qui auraient pu faire ces modifications du marché. Je reviens à mes questions habituelles, puisque déjà d'autres avant moi ont fait un peu l'analyse de votre mémoire et vous ont fait donner les réponses voulues. Est-ce qu'on me permettrait de vous demander combien de temps vous auriez utilisé à la préparation de votre mémoire ou encore pour l'analyse du projet? Avez-vous un mandat des membres de la chambre de commerce, "province wide", c'est-à-dire dans toute la province? Quant à la dernière question que je pose habituellement, question de refrancisation, je pense que vos commentaires ont déjà répondu à cette question. Pourriez-vous peut-être me donner ou à la commission un peu plus d'information en ce qui concerne la préparation de votre mémoire?

M. AUBIN: La préparation immédiate de ce mémoire a pris deux semaines. Le sujet est à l'étude depuis des années, on le sait; nous avons touché à divers autres aspects économiques de la province de Québec mais nous avons toujours considéré que la langue des affaires, la langue de l'enseignement faisait partie du problème économique de la province de Québec. Donc, on peut dire que nos études remontent à plusieurs années; cependant, la préparation immédiate de ce mémoire nous a pris deux semaines. Il y a 225 chambres de commerce et boards of trade qui font partie de la Fédération des chambres de commerce de la province de Québec.

Ce mémoire, que vous avez devant vous, a été fait en consultation avec 36 administrateurs de chambres qui proviennent de 36 régions ou grandes agglomérations. Et vous avez devant vous le résultat de nos consultations. Ces mêmes 36 administrateurs eux-mêmes représentent les chambres de commerce qui font partie de leur secteur.

M. SEGUIN: C'est de cet ensemble que vous avez reçu le mandat pour la présentation...

M. AUBIN: C'est cela.

M. SEGUIN: ... de votre... Je vous remercie M. Aubin.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je constate que les 60 minutes prévues par le règlement sont dépassées de quelque trois minutes. Dois-je conclure que la commission souhaite se prévaloir des dispositions de l'article 8 et de... J'avais déjà reconnu cinq députés. Puis-je vous suggérer que nous tentions de terminer avec la Chambre de commerce d'ici dix heures?

M. TETLEY: Deux minutes.

M. VEILLEUX: Il ne faut pas pénaliser...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. Est-ce que la commission est d'accord?

M. VEILLEUX: D'accord. M. MORIN: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais féliciter la chambre de son mémoire, surtout à la page 3, article 31, où vous refusez une subvention. Je crois que c'est la première fois dans l'histoire de Québec qu'un groupe de commerçants est venu s'opposer aux subventions aux entreprises.

Deuxième commentaire, je crois que vous acceptez ou que vous approuvez l'idée, dans le bill 22, au sujet des immigrants?

M. AUBIN: Nous acceptons.

M. TETLEY: Troisième observation, à l'article 40, vous voulez laisser au fédéral le contrôle de l'étiquetage bilingue. Je crois que c'est peut-être une erreur, parce que le fédéral n'a juridiction que sur l'"interprovincial trade", les importations, par exemple mais pas dans Chicoutimi, pour le commerce à l'intérieur de la province. Donc, je me demande si c'est bien fondé.

Quatrième observation: Votre mémoire ressemble énormément aux sondages de la fin de semaine. Est-ce par hasard ou avez-vous préparé votre mémoire après les sondages?

M. AUBIN: M. le Président, vous me permettrez de répondre d'abord aux commentaires de M. le ministre à propos de l'étiquetage. Nous ne voulons pas céder une juridiction au gouvernement fédéral. Tout ce que nous faisons, c'est que nous recommandons que la législation, les règlements qui pourraient être édictés soient en concordance avec ceux que le gouvernement fédéral mettra en vigueur très prochainement, de façon à ne pas alourdir le fardeau des entreprises québécoises qui elles-mêmes doivent concurrencer sur d'autres marchés.

M. TETLEY: Mais je préfère que vous envoyiez votre avis au fédéral parce que je crois que nous allons peut-être agir beaucoup plus vite que le fédéral.

M. AUBIN: Maintenant, pour ce qui est de votre commentaire...

M. TETLEY: ... apporte d'autres problèmes. M. AUBIN: Pour ce qui est du commentaire

de M. le ministre sur les sondages, je vais faire serment ici que nous n'avions pas connaissance des constatations de ces sondages, mais nous avons été assez heureux de constater que notre propre jugement concordait avec celui qu'ont révélé les sondages. C'est probablement que nos propres sources de renseignements, qui sont dispersées à travers la province de Québec, s'établissaient sur un milieu assez représentatif.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de...

M. AUBIN: Je fais référence au mouvement des chambres de commerce à ce moment-là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, en principe, vous acceptez que les enfants du Québec ou les parents du Québec aient le choix de l'enseignement. J'aimerais bien vous entendre faire plus de commentaires relativement au fait que les immigrants qui ne parlent ni anglais ni français soient canalisés vers le système français. Est-ce que vous croyez qu'ainsi on porte préjudice aux droits acquis de la minorité de langue anglaise?

M. AUBIN: Je ne crois pas. Dans notre esprit, cette réglementation viendrait toucher des gens qui ne sont pas déjà engagés dans le système d'éducation. Ils seraient par conséquent prévenus des conditions qui s'appliqueront à leur cas propre. Nous croyons ceci équitable.

M. SAINT-GERMAIN: Selon le même principe, j'aimerais aussi entendre vos commentaires sur ces tests qui seront soumis à ceux qui voudront passer du système anglais au système français ou vice versa. Est-ce que vous croyez qu'il y a là une restriction dans cette liberté de choix dont doivent jouir les Québécois?

M. AUBIN: II y a une certaine restriction puisqu'à l'heure actuelle ces tests n'existent pas. Maintenant, les tests eux-mêmes, s'ils doivent exister, nous espérons très fortement qu'ils reçoivent une administration absolument identique à travers la province. A ce moment, tous les citoyens seront sur le même pied, sauf ceux qui ne sont pas encore citoyens, les immigrants, qui, eux, ayant passé le test et n'ayant pas réussi ni dans l'une ni dans l'autre langue, seront canalisés vers le secteur français.

M. SAINT-GERMAIN: Une dernière question, M. le Président. C'est beaucoup plus localisé, si je peux dire, ou restreint. Concernant les hôpitaux, vu que les hôpitaux, comme corps publics, sont déjà de par la nouvelle loi 65 extrêmement démocratiques, pourrais-je dire, il reste en fait qu'il y a des hôpitaux dont la clientèle, le personnel et le milieu où on donne des services sont à forte majorité de langue anglaise. Est-ce que vous croyez que dans ces cas d'exception que les hôpitaux devraient tout de même correspondre avec les autorités provinciales en français exclusivement?

M. AUBIN: Eh bien, sur cette question, je répondrai que nous suggérons nous-mêmes que la langue de communication interne, celle qui se dirige vers les patients, soit l'anglais dans les institutions de langue anglaise.

M. SAINT-GERMAIN: Et pour ce qui regarde les communications avec les autorités provinciales.

M. AUBIN: Avec les autorités provinciales, en français.

M. SAINT-GERMAIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, le chef de l'Opposition a insisté beaucoup sur ce qu'on a convenu d'appeler le phénomène de francopho-nisation en essayant de mettre la Chambre de commerce en contradiction. Pour ma part, j'ai beaucoup de réserve à relier la francophonisa-tion à une loi qui fait du français la langue officielle. Je pense que c'est poser le problème en termes de pouvoir et j'ai l'impression que — on me pardonnera l'expression — c'est prostituer la langue et la culture françaises que de les utiliser comme moyen de reprendre le pouvoir économique.

J'aimerais entendre la réaction de la chambre de commerce sur mon commentaire et j'ajouterai peut-être une question: Est-ce que la Chambre de commerce est d'avis que ce n'est pas dans un bill faisant du français la langue officielle qu'on doit viser à remettre aux mains des francophones le pouvoir économique, mais que le gouvernement du Québec possède un certain nombre d'autres instruments qui pourraient lui permettre éventuellement de "franco-phoniser" l'entreprise au Québec?

M. AUBIN: Dans l'examen que nous avons fait du projet de loi, nous avons reconnu qu'il y avait là un instrument pour favoriser l'accession des francophones dans l'entreprise et aussi dans l'administration à travers la province. Je dois malheureusement dire que nous ne pourrions pas accompagner les constatations que vous venez de faire.

M. DEOM: Je pense, par exemple, à des lois comme celles que le gouvernement de l'Ontario a adoptées, des amendements à la loi sur les compagnies qui obligent à ce qu'un certain nombre d'administrateurs soient des résidents de l'Ontario. N'êtes-vous pas d'avis que c'est beaucoup plus par ce type de moyen que l'on

peut favoriser l'accession des francophones à la direction supérieure?

M. AUBIN: Nous ne voulons pas nier qu'il y ait d'autres moyens pour faire la promotion des francophones à l'intérieur des entreprises, mais l'examen de ce projet de loi, tout de même, nous amène à penser que les francophones vont avancer davantage dans les entreprises.

Il faut aussi — et nous y faisons allusion dans nos commentaires — que tout ceci soit accompagné d'une meilleure éducation économique, car ce n'est pas la langue elle-même par elle-même qui va accomplir tout cela. En ce sens, nous rejoignons votre idée.

M. DEOM: M. le Président, j'aurais d'autres questions, mais je vais laisser la parole au député de Saint-Jean.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Parce que je lui ai dit qu'il restait deux minutes et demie. Disons que, dans certaines commissions scolaires, notamment sur la rive sud du Saint-Laurent, il existe présentement des tests pour les francophones qui veulent aller à l'école anglaise et vice versa pour évaluer pédagogiquement les connaissances de la langue des élèves qui veulent passer d'un secteur à l'autre.

Je m'attarde à la dernière partie de votre mémoire, parce que vous êtes venus, l'autre jour, déposer aussi chez les membres du gouvernement un document sur l'érosion du pouvoir législatif entre les mains de personnes interposées.

On vit présentement — et vous le vivez vous aussi comme n'importe quel citoyen ou personne physique — certaines expériences malheureuses, compte tenu que des pouvoirs trop grands sont donnés à des régies. Vous dites, dans ce mémoire, qu'on doit déléguer certains pouvoirs. Je remarque que vous tenez surtout à déléguer ces pouvoirs à la régie. J'ai beaucoup de réticence à déléguer des pouvoirs de réglementation ou exclusifs de surveillance à une régie qui n'aurait, selon votre mémoire, qu'à répondre en déposant un document quelconque, comme le font bien des régies, à l'Assemblée nationale, puis on ne les revoit jamais.

J'aime beaucoup mieux que ce soit entre les mains d'une personne, ici, en l'occurrence, si toutefois il y avait à déléguer des pouvoirs de réglementation et de surveillance. Je verrais beaucoup cela entre les mains d'un ministre, par exemple du ministre responsable de l'application de cette loi, parce que lui, il a à répondre de ses gestes chaque jour à l'Assemblée nationale et que chaque député peut poser des questions, à la période de questions, au ministre concerné et l'obliger à rendre compte des gestes qu'il pose, ce qu'on ne peut pas faire à une régie.

M. AUBIN: Pour que notre position soit bien comprise, c'est à regret que nous reconnaissons qu'il devra y exister des règlements. Nous espérons cependant que le nombre de ces règlements sera tenu au minimum. Ceci dit, nous recommandons que la rédaction de ces règlements ne soit pas mise entre les mains de la régie, mais plutôt que ces règlements, comme nous le disons au paragraphe 10.2, soient soumis, préalablement à leur adoption, à une commission parlementaire telle que celle-ci, où pourront être entendus tous les intéressés qui en feront la demande.

Par la suite, le ministre qui aura l'administration de cette loi, et non pas la régie, sera responsable lui-même devant ses collègues et devant l'Assemblée nationale.

M. VEILLEUX: Vous ne trouvez pas que le projet de loi, tel qu'il est stipulé dans sa dernière partie donne trop de pouvoirs à la régie et aux enquêteurs, qui n'auront pas à répondre de leurs gestes aux membres de l'Assemblée nationale?

N'oubliez pas que ces gens qui vont être nommés à la régie — cela va être probablement comme toutes les autres régies — vont l'être pour un mandat de dix ans. Le gars, une fois assis là, dit : Moi, je suis assis pour dix ans, je me fous même de celui qui m'a assis là. C'est ce qu'on voit, je ne dis pas toujours, mais c'est ce qu'on peut rencontrer dans certaines régies vis-à-vis de certaines personnes. J'aurais peur même si ce n'était qu'un cas sur les quatre, cinq ou six personnes qui pourraient être nommées là-dedans, même si on ne voyait qu'un individu agir de cette façon. Je pense que ce serait beaucoup trop dangereux.

M. AUBIN: Selon le libellé du projet de loi, les commissaires, c'est-à-dire les régisseurs, la régie elle-même doivent déposer leur rapport entre les mains du ministre, qui le transmettra à l'Assemblée nationale. Nous préconisons nous-mêmes que le rapport soit remis directement à l'Assemblée nationale. Donc, d'une certaine façon, nous sommes de la même opinion que vous.

M. VEILLEUX: Cela veut dire qu'on recherchera, en tout cas, je vais essayer de rechercher la formule idéale pour que la régie n'ait pas un caractère d'autonomie de telle façon qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra interroger les membres et rendre compte de leur mandat à quelque moment que ce soit.

M. AUBIN: C'est le but que nous poursuivons lorsque nous suggérons que la régie soit responsable à l'Assemblée nationale, pour qu'on puisse lui poser des questions pertinentes. Que les représentants du peuple eux-mêmes puissent faire l'examen de leurs activités.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Dernière question pour le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'ai deux questions à poser aux représentants de la chambre de commerce. D'abord je vais vous dire que j'ai eu aussi une surprise à la lecture et à l'audition de votre mémoire. Cet endroit, cette page de votre mémoire où vous qualifiez de dégradant, je vous ai entendu dire également odieux, ce système de subventions par lequel le gouvernement que vous appuyez a décidé d'intervenir pour franciser les entreprises...

Notez que c'est assez surprenant, parce que des sursauts de dignité chez la classe possédante, les Québécois ne sont pas tellement habitués à cela. On s'étonne également de votre côté à voir qu'elle est très circonstantielle. Elle porte, dans ce domaine de l'utilisation des taxes et des impôts qui doit vous toucher certainement de très près. Mais lorsqu'il s'agit d'un principe plus général, la dignité fout le camp, j'ai l'impression.

Par exemple, est-ce que vous ne trouvez pas aussi dégradant et aussi anormal qu'une société comme la société du Québec, au contraire de toutes les sociétés du monde, ne légifère pas pour assimiler chez elle l'ensemble de ses immigrants? Est-ce que vous ne trouvez pas dégradant qu'au Québec également une majorité laisse ses enfants s'assimiler au sein des classes de l'école de la minorité dominante sur le plan économique? J'en conviens avec vous, vous êtes encore mieux placés que moi pour le savoir. Ce sursaut de dignité que vous avez eu dans l'emploi de vos taxes et de vos impôts, pouvez-vous l'avoir également sur un principe quand il s'étend à la promotion collective des Québécois, de ceux qui travaillent pour vous, de ceux qui se trouvent en quelque sorte à établir les échelons inférieurs de la société sur lesquels vous avez passé pour obtenir les postes de direction que vous occupez actuellement?

J'aimerais vous demander si vous pouvez étendre ce sursaut de dignité jusque-là.

M. AUBIN: Tout d'abord, je mentionnerai à l'assemblée que les chambres de commerce n'appuient aucun gouvernement, car elles sont composées de personnes à opinions politiques hétérogènes.

M. CHARRON: Ce soir, on a vu que c'est le gouvernement qui s'appuie sur vous. C'est pareil.

M. AUBIN: D'autre part, je laisse à M. le député ses propres opinions qu'il a émises; mais pour nous, le présent projet de loi constitue une base de départ valable pour l'affirmation du fait, que l'on a appelé pendant longtemps, le fait français dans la province de Québec. Nous avons confiance dans l'évolution de notre société, et nous considérons que maintenant nous faisons un pas dans la direction de l'affirmation de notre collectivité francophone. Ceci permettra à notre collectivité d'affirmer sa fierté dans les faits et non pas seulement dans les textes.

M. CHARRON: Deuxième et dernière ques- tion, M. le Président. Parmi ce petit groupe que vous constituez, qui a réussi à se faufiler dans les postes de direction économique, ce faible pourcentage de francophones...

M.,TETLEY: J'invoque le règlement. Je crois que l'argument est sur le bill 22, pas sur le statut d'un groupe devant nous.

M. CHARRON: Je reprends ma question, M. le Président.

Parmi ce petit groupe que vous constituez, qui s'est faufilé à la direction économique du Québec, dans le faible pourcentage que vous avez vous-même constaté, M. le Président, je voudrais demander à M. Aubin, membre de ce groupe, s'il a la connaissance de cette caricature qu'on a souvent faite des hommes d'affaires québécois, en ce sens que leur promotion économique équivaut à la longue à une assimilation, peut-être pas linguistique — j'en conviens parce que vous parlez un excellent français — mais une assimilation culturelle à la minorité qui domine la vie économique des Québécois. En ce sens, ils deviennent inévitablement, comme on les a appelés parfois de façon méchante, des cocus contents, c'est-à-dire des gens qui, à une époque de leur existence deviennent ni plus ni moins que les porte-parole de ceux auxquels ils se greffent tant bien que mal pour gérer, en partie, le développement économique de toute une collectivité.

Je veux vous demander si, dans cette hypothèse, vous ne considérez pas également comme dégradant et qui rajouterait à l'image qu'on a souvent des affairistes québécois que les hommes politiques n'en viennent pas à obliger les entreprises à une promotion qui ne soit plus qu'individuelle ou si vous voulez, effet de la chance ou du hasard pour certains francophones, mais vraiment collective en ce sens. Je voudrais vous demander surtout de m'expliquer, encore une fois, les passages de votre mémoire où vous considérez que cet objectif est atteint par les dispositions actuelles de la loi 22. Je maintiens encore: Promotion collective. Les petites promotions individuelles au hasard, les Québécois les ont toutes connues, les ont toutes identifiées, les ont toutes même caricaturées à certaines occasions.

Nous parlons maintenant comme peuple normal d'une promotion collective des nôtres et à ce chapitre de promotion collective, je voudrais que vous me réexpliquiez l'endossement, sans équivoque, que vous donnez aux faibles mesures du projet de loi 22.

M. AUBIN: Nonobstant les règlements, j'aimerais rappeler ce que je mentionnais tout à l'heure. Nous représentons ici, non pas des maisons d'affaires, mais 30,000 membres distribués dans 225 chambres de commerce qui ne font pas toutes unanimité sur tous les sujets; mais nous représentons, quand même, de ces personnes.

D'autre part, nous nous trouvons ici, dans la

province de Québec, au confluent de deux grandes cultures et nous croyons que nous avons une chance inespérée, inégalable à travers le monde dont nous devons faire le meilleur emploi. Ceci apparaît dans les commentaires que nous avons faits sur la langue anglaise dans notre mémoire.

En même temps, nous poursuivons, au nom des chambres de commerce que nous représentons, le développement économique de la province de Québec et, par le fait même, puisque la population est en majorité canadienne-française, la promotion des intérêts des francophones.

Quels sont les passages du bill 22 qui feront la promotion collective à rencontre de la promotion individuelle qui, lorsqu'on en fait la somme, devient la promotion collective? Vous avez des mesures quant aux politiques d'achat du gouvernement. Cela en serait une. Dans les administrations publiques, le personnel devra posséder la langue française pour pouvoir accéder aux échelons.

M. CHARRON: C'est le statu quo.

M. AUBIN: Dans le code des professions, nous voyons que la langue d'usage est la langue française.

M. CHARRON: C'est le statu quo.

M. AUBIN: Nous sommes d'accord sur les objectifs de l'article 35 qui stipule que la connaissance de la langue officielle que doivent posséder les dirigeants et le personnel constitue un facteur qui devrait être reconnu, que la présence francophone dans l'administration des entreprises est elle-même un de ces facteurs qui sera tenu en ligne de compte. Nous voyons la langue des manuels, des catalogues, etc., qui devient la langue française et autres dispositions. Elles ne manquent pas dans tout ce document.

M. CHARRON: A votre avis, c'est une promotion collective.

M. AUBIN: Lorsque surtout on ajoute que la langue du travail sera la langue française, que la langue de l'administration, sauf quelques exceptions et des exceptions qui protègent des droits individuels, que cette langue de l'administration sera le français.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, au nom...

M. AUBIN: Je pourrais signaler, si M. le Président me l'accorde, et vous l'aurez remarqué, que les personnes morales seront toutes obligées de traiter en français. Là, il y a un changement de grande importance.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Aubin, messieurs de la Chambre de commerce, au nom de la commission, je vous remercie.

Nous procédons maintenant à l'audition de l'Association québécoise des professeurs de français. Est-ce que c'est bien M. Gilles Dorion, président de l'Association, qui est le porte-parole?

Association québécoise des professeurs de français

M. DORION: Oui, c'est bien cela, de même que M. André Gaulin, qui complétera mon exposé, vu l'état de ma voix, et qui est également spécialiste des questions de politique linguistique à notre association. M. André Gaulin est notre représentant officiel au Mouvement du Québec français. M'accompagnent également le président de la section de Québec, qui est M. Aurélien Boivin, et le vice-président de la section de Québec, M. Romain Belleau. Vous comprendrez aussi pourquoi nous sommes si peu ici ce soir, c'est que notre association est actuellement en colloque international à Montréal cette semaine. Tous nos membres, enfin ceux qui ont pu se dégager, ceux qui sont surtout du collégial et de l'universitaire, se trouvent à ce colloque international à la faculté des sciences de l'éducation à l'Université de Montréal. Les autres sont des enseignants à l'élémentaire et au secondaire, ils sont pris actuellement par des corrections et des examens. Tout de suite, pour répondre à certaines inquiétudes qui pourraient se manifester, l'Association québécoise des professeurs de français, qui est née en 1967, en même temps d'ailleurs que l'Association française des enseignants de français, pour répondre à la rénovation de l'enseignement du français qui s'annonçait tant en France qu'au Québec a pris depuis 1967 des positions assez nettes sur le français.

En somme, la consultation que nous avons faite s'étend, si vous voulez, depuis 1967; nos prises de position ont déjà été clairement définies et annoncées à maintes occasions et nous le rappelons au début de notre bref mémoire. C'est principalement à partir de certaines constatations du rapport Parent, dont nous vous livrons un paragraphe, à la septième page de notre rapport, qu'il faut d'abord s'arrêter: Le gouvernement du Québec tout entier doit, tout en veillant à ne pas isoler le Québec en un ghetto, adopter des mesures très fermes pour protéger le français non seulement dans les écoles et universités, mais dans toute la vie publique. C'est particulièrement urgent à Montréal. L'administration provinciale et les services publics, la vie industrielle et commerciale, l'affichage doivent témoigner de ce respect de la langue de la majorité québécoise: il y a là une question de justice et d'honneur. Aucun écolier ne prendra le français au sérieux à l'école si, à Montréal particulièrement, les ouvriers, administrateurs et hommes d'affaires sont obligés de parler anglais dans leur travail quotidien ou pour obtenir une promotion. Dans

le Québec, une excellente connaissance du français devrait être tout aussi nécessaire pour réussir en affaires. Cette motivation socio-économique doit être le point d'appui de la réforme que nous proposons pour l'enseignement de la langue maternelle de la majorité.

Or, en novembre 1969, le sous-ministre de l'Education de l'époque, M. Yves Martin qui représentait le ministre de l'Education lors du lancement du programme-cadre au Plateau à Montréal a insisté énormément au nom du ministère de l'Education sur cette motivation socio-économique et sur la motivation sociale qu'on doit donner à l'enseignement du français. Vous comprenez que nous nous présentons ici en tant qu'enseignants de français et, bien entendu, nous ne sommes pas spécialistes de toutes les questions juridiques qui pourraient découler du projet de loi 22. Mais en tant qu'enseignants de français, nous considérons précisément dans la réalité quotidienne que nos étudiants manquent de motivation pour apprendre le français. Ce n'est pas le bill —vous permettez que je dise le bill — le projet de loi 22 qui donnera cette motivation, encore une fois, aux enseignants de français. Nous avons dénoncé à plusieurs reprises ce faux principe qui s'appuie sur le bilinguisme ici au Québec. Nous l'avons dénoncé déjà dans notre livre noir en 1970, nous avons passé pour pessimistes, mais je pense que vous devez considérer que notre présence ici ce soir en est une quand même qui voudrait être optimiste. En ce sens que nous voudrions convaincre la commission parlementaire qui nous entend de bien vouloir étudier de nouveau le principe sur lequel s'est fondé le gouvernement du Québec pour énoncer cette nouvelle politique linguistique.

Hier, en entendant à la télévision une mise en garde du ministre de l'Education voulant que le principe ne serait pas sujet à rappel et qu'on serait intraitable à ce point de vue, cela me met assez mal à l'aise. Cependant, je viens quand même demander qu'en toute objectivité, on étudie de nouveau les principes sur lesquels on s'est fondé pour proposer ce projet de loi. Je pense que d'autres vous l'ont dit, d'autres vous le diront, fonder un projet de loi sur la langue française, sur 22 articles "bilinguisants" dans les 55 premiers, c'est déjà fausser le jeu dès le point de départ. Nous l'avons déjà dénoncé dans le plan de développement de l'enseignement des langues au mois d'avril 1973, lequel plan de développement de l'enseignement des langues s'appuyait sur la bilinguisation du système public. Nous nous étonnons que les pages les plus faibles et les plus dangereuses du rapport de la commission Gendron pour la survie et l'affirmation du fait français au Québec aient été utilisées pour fabriquer ce projet de loi. Nous réaffirmons le principe que la bilinguisation au Québec nous conduira, à toutes fins pratiques, à l'unilinguisme anglais. Je pense que c'est sur ce débat de fond que devraient de nouveau se pencher les députés et la commis- sion ici. Nous voudrions que ce débat de fond soit fait avant l'adoption de quelque partie que ce soit de ce projet de loi.

Les propositions que nous faisons, parce que nous faisons un certain nombre de propositions, sont assez parlantes par elles-mêmes. Elles sont au nombre de dix. Nous nous sommes limités, comme vous l'avez vu, à dénoncer surtout l'aspect "bilinguisant" du bill 22 et nous nous sommes attachés également à la langue d'enseignement. Comme nous nous sommes attachés à ces deux points précis, notre mémoire, qui est très sobre, n'a pas épilogué longtemps sur les aspects dangereux que présente déjà ce projet de loi.

Nous proposons donc que le gouvernement du Québec proclame le français seule langue officielle sur son territoire. Nous proposons que la langue de l'administration publique soit le français; que les entreprises d'utilité publique et les corps professionnels offrent leurs services en français; que les raisons sociales soient unilin-gues françaises; que la langue d'affichage soit le français; que le système scolaire public soit le français; que l'enseignement de l'anglais comme langue seconde soit dispensé à partir du niveau secondaire seulement; que les immigrants soient tenus de s'intégrer au système scolaire de la majorité, quelle que soit leur origine; que le matériel didactique, manuels, films d'enseignement, utilisés dans le système scolaire public soit de langue française, bien entendu, sauf dans le cas de l'enseignement des langues étrangères; que l'Office de la langue française continue à jouer son rôle, exerce plus de pouvoir et relève directement de l'Assemblée nationale.

Vous voyez donc que nous ne nous attachons pas nécessairement à des questions de modalité, mais aux principes mêmes qu'avait déjà présentés d'ailleurs l'honorable ministre de l'Education dans sa réponse au chef de l'Opposition en date du mardi 27 novembre 1973, lors des débats de l'Assemblée nationale. M. Gaulin va poursuivre maintenant.

M. GAULIN: M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur quelques références historiques. Je vous rappelle "Les insolences du frère Untel" où il était déjà dit, par Jean-Paul Desbiens, qui a amorcé, en étant la voix collective du Québec, la révolution tranquille, que "c'était à l'Etat de supporter la culture. Les congrès, les concours, le bon langage, les campagnes sont pratiquement inefficaces. Seul l'Etat, gardien du bien commun, peut agir au niveau de la civilisation; c'est à la civilisation de supporter la culture". Jean-Paul Desbiens ajoutait que "l'Etat avait légiféré quand les castors étaient en voie de disparition. Il semble même, dit-il, qu'on avait légiféré lorsque les grues ont été en voie de disparition". Il ajoutait: "La langue vaut bien une truite".

On pourrait également citer plusieurs textes ici à l'appui, dont, en particulier, André Langevin qui est le Prix Liberté de 1967, dans un de

ses nombreux articles à Maclean, où il posait la question à savoir si parler français, c'était une forme d'extrémisme. On a dit souvent que les investisseurs craignaient davantage le français que les bombes. Je vous laisse à penser quels drôles de terroristes nous sommes, étant subventionnés par l'Etat pour enseigner le français qui fait peur, semble-t-il, aux investisseurs. Je pense que, tant que l'Etat ne sera pas français, tant qu'il n'y aura pas un Etat français en Amérique, dans le cadre confédératif, si vous voulez, nous serons toujours des gens qui, comme dit encore André Langevin, vivent en pénitence en Amérique.

Je voudrais rappeler ici que l'anarchie a commencé au Québec en octobre 1969, soit un an avant les troubles du Front de libération du Québec et c'est l'Etat qui a installé l'anarchie au Québec en donnant un bien collectif au choix des familles. L'Etat, par le gouvernement au pouvoir, a créé l'anarchie collective et je pense que, quand l'Etat demande aux citoyens de supporter la langue française, de ne pas aller dans les écoles anglaises, l'Etat agit exactement, ayant approuvé le principe du choix individuel d'un bien collectif, je pense que l'Etat fait tout simplement ce que ferait un père de famille qui demanderait à une fille d'être vertueuse et qui coucherait chaque soir un homme dans son lit.

Je voudrais également rappeler que nos positions n'ont pas tellement changé parce qu'en fait je dois dire que, si l'on s'en tient à ce que disait le ministre de l'Education dans une conférence donnée à la Chambre de commerce du district de Montréal le 12 novembre, le ministre rejetait l'unilinguisme et il donnait un certain nombre de solutions. La solution retenue, c'est, d'une certaine façon, comme l'exprimait le ministre hier dans sa déclaration préliminaire, le français, et l'anglais et le français quand nécessaire. De sorte que, comme le disait le président Dorion, nous sommes dans une situation ambiguë qui est une situation de bilinguisme.

Le bill 22 fait du français une langue de traduction. Et on l'a très bien vu dans ce qui s'est passé ici depuis une journée et demie. Il y a des gens qui se sont exprimés de façon unilingue anglaise tout le temps, même s'ils nous ont compris, mais ils n'ont jamais dit un traître mot de français. C'est ça le bilinguisme, c'est-à-dire un état de diglossie qu'on appelle mensongèrement le bilinguisme ou trompeusement le bilinguisme. C'est-à-dire un Etat où deux langues en situation économique ne sont pas égales, l'une étant inférieure à l'autre, de sorte que l'on peut dire que le français est une langue humiliée, je parle d'une humiliation objective. Le français est une langue qui n'a pas la considération qu'il devrait avoir parce que l'Etat ne supporte pas cette langue de façon évidente et nette.

Quand, hier encore, le ministre de l'Education nous disait que certains l'avaient accusé de trahison, ce sont sans doute de grands mots.

Mais je voudrais tout simplement rappeler que le mot "trahison" et le mot "traduction" — je n'ai malheureusement pas eu le temps de consulter mon Gaffiot avant de partir, ayant déménagé récemment — viennent de la même racine latine "traho, trahere". D'ailleurs, l'adage italien le dit: "traduttori traditori". En faisant du français une langue de traduction, c'est-à-dire en ne lui assurant pas un support fort, je pense que le français sera toujours une langue de traduction, une sous-langue, une langue de sous-titre et j'ai peur que le Québec français soit un Québec de sous-titre et un Québec de traduction.

Je pense que, comme l'a dit hier le député de Beauce-Sud, le français n'est pas négociable. M. Roy disait que le Québec était le territoire qui était l'assise d'une nation et il rappelait ceci qui est très juste, que ou il y aurait au Québec l'unilinguisme français, ou il y aurait au Québec l'unilinguisme anglais. Il ne peut pas y avoir de bilinguisme. Des Etats bilingues, cela n'existe pas sans support de territoires unilingues, et je ne pense pas qu'on puisse donner des pays dans le monde où cela existe.

Je rappellerais ici, puisque je pense qu'également chez les ministériels il y a des gens qui se sont prononcés là-dessus, la déclaration du ministre Bienvenue qui disait également que le Québec était un pays français. Il rappelait d'ailleurs la définition du Petit Robert de "nation" et de "pays", en voulant dire que cela ne s'opposait pas du tout aux cadres confédéra-tifs.

Il y a également cette expression des Jeunes chambres de commerce du Canada français qui disaient récemment à Hull, cette ville anglaise, que le Québec devait être massivement français. Je pense que le Québec, effectivement, ne peut pas être bilingue. Le Québec sera diglotte, c'est-à-dire que la langue française sera inférieure et nous conduira nécessairement vers l'unilinguisme anglais. Et encore une fois, je vous rappelle que ce que nous avons vécu depuis une journée, c'est ce qui va arriver, c'est-à-dire que des gens nous ont entendus, ont communiqué avec nous, mais le bill 22 permet à ces gens-là de continuer de vivre en anglais, de communiquer avec nous en anglais, de recevoir des communications en anglais, d'avoir des indications, des panneaux-réclames en anglais, ou bilingues si vous voulez.

Je pense et je veux rappeler en terminant que l'unilinguisme est la seule solution modérée possible politiquement. On nous accuse d'être extrémistes ou d'être à l'extrême comme le disait hier le ministre de l'Education, d'être à un extrême, je pense qu'il n'est pas possible de créer un Québec qui soit bilingue sans assassiner ici la langue française. C'est l'unilinguisme français qui peut être la seule mesure efficace et la seule mesure de paix sociale et de justice sociale. On ne peut pas, au nom de la liberté, au nom de la tolérance, imposer l'assimilation du bloc majoritaire. Est-ce que c'est intolérant que

de refuser son suicide? Est-ce que c'est être fanatique que de vouloir être soi-même et parler sa langue chez soi?

Je pense qu'il ne faut pas mettre les Québécois dans un état de violence linguistique qui peut nécessairement dégénérer en état de violence tout court. Si on ne voit pas à créer un état unilingue français, Montréal deviendra très bientôt un nouveau Londonderry. On aura la même situation et il faudrait que les hommes politiques en soient conscients. En tout cas, nous, comme professeurs de français, nous disons que nous ne pouvons enseigner une langue qui n'ait pas des assises sûres, fondées sur l'unilinguisme français.

Je termine en disant qu'il doit y avoir au pays du Québec une dynamique d'un pays français; je pense que le gouvernement qui nous dirige depuis 1970 a insisté sur l'économie; l'investissement fondamental, c'est la langue, c'est elle-même qui assoit l'économie. L'investissement fondamental des Québécois, c'est leur pensée, c'est leur coeur, ce sont leurs entrailles, ce sont leurs tripes. On a beau dire que la question linguistique est une question affective, oui, c'en est une question affective.

Mais les anglophones sont tout aussi affectifs que nous vis-à-vis de l'impérialisme économique d'une langue anglaise d'ailleurs que l'on veut nous imposer et qui n'est pas forcément la langue de Shakespeare, mais la langue des multinationales et de 1"'American way of life". Vis-à-vis de l'impérialisme économique, il n'y a qu'une volonté politique du Québec à infirmer l'unilinguisme français. C'est là, je pense, le défi de la souveraineté culturelle que s'est posé le gouvernement qui nous dirige. Il n'y a pas de souveraineté culturelle au Québec, nous n'y croirons pas, s'il n'y a pas d'unilinguisme français au Québec, parce que l'unilinguisme français au Québec peut seul assurer la survie et la vie d'un Etat français.

Je pense que le Québec, se déclarant un Etat français, sera un Etat de prestige, un Etat fort, un Etat qui aura de la fierté et qui va s'imposer à toute l'Amérique du Nord qui n'est pas qu'anglo-saxonne, mais qui comporte aussi plusieurs dizaines de millions d'Espagnols qui vivent au Mexique. Il y a trois grandes langues en Amérique et nous voudrions que l'Etat du Québec assure la promotion du français et le circonscrive dans un territoire bien précis, ce qui ne peut, en passant, qu'assurer la survivance des minorités francophones qui sont autour de nous.

On ne concevrait pas un Québec français sans la France et la francophonie et on ne concevra un Canada français, s'il en reste un, sans le Québec français.

Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire tout d'abord remercier l'Association québécoise des professeurs de français d'avoir bien voulu se présenter devant notre commission et de nous avoir soumis son mémoire.

Je l'ai écouté avec attention et beaucoup plus de sympathie peut-être qu'on ne peut l'imaginer parce que lorsqu'on en arrive à des prises de position comme celles-là, il est très certain que ceci manifeste des frustations et un malaise, je serais le dernier à le sous-estimer.

Je ne poserai qu'une question, mais avant de la poser, j'aimerais peut-être m'attarder brièvement sur deux points. Le premier point est le suivant. J'aimerais savoir combien de professeurs de français compte votre association.

M. DORION: Nous approchons actuellement le nombre de 1,000 et vous savez qu'au Québec il y a environ 20,000 professeurs à l'élémentaire.

M. CLOUTIER: Professeurs de français, c'est cela.

M. DORION: Mais à l'élémentaire, ces professeurs de français enseignent toutes les matières et là est le problème du recrutement, comme d'ailleurs à l'Association française des enseignants de français. Proportionnellement, je peux vous dire que nous sommes un peu plus nombreux que l'Association française des enseignants de français. Et cette association, en Belgique, compte environ 6,000 membres.

M. CLOUTIER: Je vous remercie. Maintenant, soit dit en passant, je crois qu'il existe au Québec un état de diglossie, mais à moins que mes souvenirs soient inexacts, cet état de diglossie ne correspond pas du tout à ce que semble penser l'Association québécoise des professeurs de français qui donne l'impression qu'il y aurait une langue dominante et une langue dominée. En fait, la diglossie, au Québec, c'est le français et sa dégradation, le jouai. Il y a un phénomène de diglossie en Suisse, par exemple, alors que l'on trouve un allemand qui constitue la langue et un sous-allemand qui est le "schwissdeutsch" qui constitue l'état de diglossie.

Le véritable danger au Québec, dans cette perspective, c'est le "jouai", mais ce n'est certainement pas la présence de l'anglais. Mais, ceci dit, j'en arrive à ma question.

Vous avez, à plusieurs reprises, parlé du principe de la législation. Vous avez, d'ailleurs, à un moment donné, dit que vos prises de position étaient antérieures au projet de loi 22. En fait, il est exact qu'à maintes reprises vous vous êtes exprimés, comme c'est votre droit le plus strict, sur ce que vous pensez du français au Québec.

Je voudrais tout de même vous demander ce que vous considérez comme le principe de la loi, parce qu'à vous entendre, vous avez cru déceler que ce principe était le principe du

bilinguisme. Est-ce que je me trompe? Je ne me trompe pas, c'est votre interprétation.

M. DORION: Vous vous êtes prononcé devant l'Assemblée nationale, le mardi 27 novembre. Au journal des Débats, à la page 61, vous dites ceci, en conclusion de votre discours: "Une politique linguistique ne doit pas se faire sous la pression de groupes quels qu'ils soient. Elle ne doit pas se faire non plus par opportunisme. Mais une politique linguistique ne doit pas se faire dans l'intolérance et dans le rejet des minorités". Si ce n'est pas un principe déjà de bilinguisme, parce que je voudrais bien...

M. CLOUTIER: II y a un principe de bilinguisme dans la citation que vous traitez et c'est d'ailleurs exact.

M. DORION: Oui, je voudrais bien savoir de quelle minorité vous parlez.

M. CLOUTIER: Mais j'avoue que je suis très étonné. Je ne vois aucun principe de bilinguisme là-dedans, comme, d'ailleurs, je ne vois aucun principe de bilinguisme dans le projet de loi que je souhaiterais vous voir étudier — et je le dis en toute objectivité — de très près. Il y a une priorité donnée au français qui devient langue officielle, mais il y a une reconnaissance des droits individuels d'une minorité qui est une minorité de 20 p.c. et qui constitue des citoyens du Québec.

Je me demande où vous allez chercher le principe du bilinguisme là-dedans.

M. DORION: Donc, si vous parlez de priorités, vous qui savez votre latin, parce que vous êtes du régime où on apprenait le latin, vous savez bien que "prior" est un comparatif et que, par le fait même, il implique une deuxième partie.

M. CLOUTIER: Mais cela va de soi.

M. DORION: Cela est déjà un bilinguisme.

M. CLOUTIER: Non, ce n'est pas un bilinguisme. Il y aurait bilinguisme — et je ne veux pas engager de débat, parce que je vous pose des questions — s'il y avait un équilibre rigoureusement exact entre les deux langues; ce qui n'est pas le cas, parce que nous sommes justement en train de renverser une tendance en donnant au français toute la place qu'il peut occuper, mais en respectant des droits qui sont des droits réels, les droits de la minorité. Je vous pose ma question. Où voyez-vous le principe du bilinguisme et que faites-vous de la minorité? En tenez-vous compte?

M. GAULIN: M. le ministre, je vais répondre en disant que ce que vous avez dit tantôt, à savoir que vous ne considéreriez pas qu'il y avait diglossie, ici, en ce sens où il y avait une langue dominante et une langue dominée. Je vous dirai que nous considérons —nous divergeons d'opinion là-dessus — qu'il y a au Québec une langue dominante qui est l'anglais et une langue dominée qui est le français.

M. CLOUTIER: C'est un autre problème. J'essayais de vous expliquer ce que signifiaient nos diglossies.

M. GAULIN: Partant de cela, nous pensons, justement, que la langue française n'est pas vraiment la langue officielle établie par le projet de loi 22. Il y a un certain nombre d'articles et, en particulier, ceux qui nous frappent le plus seraient, par exemple, l'article 9, où on établit deux langues, c'est-à-dire que toutes les municipalités ayant 10 p.c. de population anglophone pourraient s'adresser en anglais; également, l'article 13, et également l'article 15, où on dit: "En assemblée délibérante dans l'administration publique, les interventions dans les débats officiels peuvent être faites en langue française ou en langue anglaise, au choix de ceux qui interviennent". C'est le prolongement de l'article 133, donné aux citoyens.

M. CLOUTIER: Bien sûr.

M. GAULIN: Une minute, M. le ministre. Je dois vous dire là-dessus que, même aux termes de cet article, les gens qui seront à la régie de la langue française pourront s'adresser en anglais s'ils le désirent.

M. CLOUTIER: Permettez-moi de vous faire observer que le principe de cette loi n'en est pas un de bilinguisme. Les quelques exemples que vous donnez sont des exemples d'exception, sont des situations d'exception pour tenir compte d'une minorité qui existe et d'une minorité qui est inquiète et qui s'est exprimée ici, aujourd'hui.

M. GAULIN: Là-dessus, M. le ministre, nous pensons ceci. J'ai essayé de le dire clairement tantôt. Il ne peut y avoir de situation linguistique ici, où une langue soit prioritaire par rapport à l'autre.

M. CLOUTIER: Que faites-vous des minorités?

M. GAULIN: Oui, je vais répondre. Ou bien le français domine ou bien il est dominé. La minorité, à ce moment-là — d'abord qui n'est pas de 20 p.c, mais de 13.1 p.c. dont 6.4 p.c. d'allophones qui ont été assimilés, par cette minorité possédante, socio-économiquement — n'a pas le choix.

Ce que nous en faisons, nous lui demandons de s'intégrer à la nation québécoise. Nous lui reconnaissons la possibilité de continuer à revendiquer sa culture et à la cultiver, mais nous lui demandons de s'exprimer en français, de faire que le français soit la seule langue officiel-

le de l'Etat, et qu'il n'y ait pas de mesures d'exception.

M. CLOUTIER: C'est-à-dire que vous ne reconnaissez pas à cette minorité ses droits individuels. C'est bien cela?

M. GAULIN: C'est cela. M. CLOUTIER: Parfait!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également l'Association québécoise des professeurs de français. Avant d'entrer dans le vif du mémoire, les trois chapitres qu'ils ont traités, j'aurais quelques questions d'information qui ne seront pas inutiles, je crois, pour le reste de l'étude des travaux de la commission parlementaire dans l'éclairage que vous avez à apporter aux membres de la commission.

Je ferai quand même cette première partie en me servant d'une citation que vous avez eu fort raison d'inscrire dans votre mémoire et que vous avez tirée du rapport Parent. D'abord, parce qu'elle nous rappelle deux choses. Ce texte que vous avez signalé, qui est du deuxième tome du rapport Parent date, c'est le moins qu'on puisse dire maintenant en 1974. C'est une oeuvre déjà bien cordée dans les bibliothèques. Pourtant, à cette époque, on appelait à une action urgente déjà le gouvernement québécois. Ce qui peut nous laisser entendre que tout le temps qu'on a mis pour accoucher de ce mince projet de loi au point de vue des réformes qu'est la loi 22 nous rappelle encore une fois toute la considération que nous devons avoir devant l'échec que constitue la loi 22, à faire du Québec un Québec français, tout le temps qu'on a mis avant de le faire. Mais, il y a aussi au centre de cette citation, cette phrase: "Aucun écolier ne prendra le français au sérieux à l'école si, à Montréal particulièrement, les ouvriers, administrateurs et hommes d'affaires sont obligés de parler anglais dans leur travail quotidien ou pour obtenir une promotion. Dans le Québec, une excellente connaissance du français devrait être tout aussi nécessaire pour réussir en affaires".

Je suis heureux que vous ayez mis cette citation. D'ailleurs, dans les explications que vous avez apportées, vous m'avez semblé reporter exactement le problème à sa juste place. Nous avons eu beaucoup de discussions, vous l'avez entendu vous-mêmes, en anglais, avec des témoins d'autres groupes, de même qu'avec la chambre de commerce qui vous a précédés. La plupart du temps, on a eu tendance à aborder la question de la langue d'enseignement comme un problème en soi. Cette citation du rapport Parent nous incite à replacer le problème de la langue d'enseignement dans le cadre de la langue de la vie économique d'une société.

Nous avons affirmé hier, dans la déclaration d'ouverture des travaux de cette commission, que si nous réglions le problème et si nous faisions du français la langue de l'économie québécoise, nous ne serions pas en train de nous déchirer et de nous diviser pour savoir si les enfants des immigrants de langue française, de langue anglaise ou autre iront à une école anglaise ou à une école française ou, encore moins, si les nôtres conserveront ce prétendu libre choix qui serait un avantage que de s'assimiler à la minorité. Nous n'aurions même pas ce débat probablement.

La loi 63 ne serait jamais venue et la loi 22 ne répéterait pas la loi 63. Je suis content parce que, non seulement vous replacez le problème, mais c'est comme professeurs de français que vous le faites effectivement.

Vous savez que vous avez été critiqués quant aux résultats de votre enseignement. Plusieurs —et c'est fondé — ont affirmé que des étudiants du niveau collégial, première année, donc issus de cinq ans, oublions l'élémentaire, de formation secondaire où l'enseignement du français est dispensé dans les écoles françaises —c'est le moins qu'on puisse souhaiter — ces étudiants se retrouvant au niveau collégial n'ont pas une connaissance suffisante de leur propre langue. Ils s'expriment mal lorsqu'ils ont à l'utiliser et ils l'écrivent mal lorsqu'ils ont à l'écrire.

J'ai eu personnellement cette expérience comme enseignant pendant quelque temps, mais je crois que tous ceux qui sont entrés en contact avec la jeune génération ont pu constater cet effet. J'aimerais que comme professeurs, en particulier ceux d'entre vous qui travaillent au niveau secondaire du système d'éducation québécois, vous puissiez prendre quelques minutes de cette commission pour nous expliquer ce phénomène. Comment se fait-il que les jeunes Québécois de 17 ou de 18 ans qui occupent actuellement les sièges des collèges d'enseignement général et professionnel du Québec aient une aussi mauvaise connaissance du français, l'écrivent aussi mal, le prononcent aussi mal et au fond — on le sent dans l'étendue de leur vocabulaire — le connaissent aussi mal dans sa précision, dans sa subtilité, dans ces nuances que l'on a toujours reconnues à la langue française? Comment se fait-il que tous ces avantages et toute cette richesse semblent, au premier contact, être absents de cette classe d'étudiants qui sont sortis des écoles où vous enseignez?

M. DORION: Vous savez que les programmes-cadres de français lancés en 1969 devaient apporter déjà un début de solution à la mauvaise qualité du français au Québec. Or, tout le monde sait que nous étions heureux que ces programmes fussent lancés; mais vous savez aussi, d'autre part, que les professeurs de français n'étaient pas préparés à appliquer ce programme-cadre de français, ni au niveau élémentaire, ni au niveau secondaire.

Nous sommes actuellement à la phase de

préparation de ce qu'on appelle le PERMAFRA, c'est-à-dire le perfectionnement des maîtres de français, qui, malheureusement, pour ce qui est de la langue maternelle ne pourra être mis en application que dans au plus deux ans. Mais, nous savons que pour ce qui est de l'enseignement du français comme langue seconde, déjà des professeurs ont joui durant ce semestre de 1974 de cours de perfectionnement du français, langue seconde et nous déplorons que nous ayons encore eu à subir l'expression populaire qui dit: Mettre la charrue avant les boeufs, n'est-ce pas? Et lorsqu'on fait des reproches aux professeurs de français, il faut aussi tenir compte de ces impératifs qu'on avait de lancer un programme-cadre de français et aussi de l'impératif qu'il y aurait eu de le lancer parallèlement à un programme de formation des maîtres de français, quelque imparfait qu'il fût à l'époque, quitte à le roder au fur et à mesure. C'est une chose que le public doit savoir, n'est-ce pas? Il doit être au courant de cette chose. Ici, je déplore le fait que nous n'ayons pas de professeurs du secondaire actuellement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne sais pas si quelqu'un voudrait ajouter une précision.

M. BOIVIN: Je pourrais vous donner...

M. DORION: Peut-être que M. Boivin, qui a enseigné à ce niveau, pourrait davantage expliciter ma pensée à ce sujet.

M. BOIVIN: Je pense que le plus gros problème que l'on peut rencontrer au secondaire, c'est que tous les professeurs peuvent enseigner le français. Si quelqu'un est incapable d'enseigner de la physique, de la chimie, de la catéchèse, etc., on va le nommer professeur de français. A brûle-pourpoint, le monsieur, qui est spécialiste en débosselage d'automobiles, est nommé professeur de français en secondaire III. Sa formation importe peu. Il faut respecter les normes, il faut donner une "job" à ce gars. Il faut le nommer professeur de français, puisqu'il reste des postes.

Deuxième chose, on n'a pas besoin de s'éterniser longtemps là-dessus, ce n'est pas avec des groupes de 40, 45, 42, 38, quatre groupes, six heures par semaine sur l'échelle de six jours que vous allez apprendre à des jeunes à maîtriser leur français, surtout avec le nouveau programme-cadre de français qui exige, de la part du professeur de français, une somme considérable de travail. On entendait ce midi dire que les députés travaillaient douze heures par jour, douze, treize, quatorze. C'est exactement le même cas au secondaire, parce qu'avec la correction que les travaux exigent, déjà le professeur de français est défavorisé. Donc, le rapport maître-élèves devrait favoriser le professeur de français et on devrait l'amender pour favoriser le professeur de français. C'est probablement le professeur de français qui a la plus lourde charge dans le cadre scolaire actuel.

La dernière chose qu'on pourrait relever, c'est que les élèves savent fort bien, dans la plupart des cas, que c'est plus important pour eux d'apprendre l'anglais. Donc, ils ne sont absolument pas motivés pour maîtriser leur français, ils n'en auront peut-être pas besoin.

M. DORION: Je pourrais ajouter un élément aussi à la réponse qu'a donnée M. Boivin, c'est que depuis le lancement des programmes-cadres, sont venues certaines directives aux professeurs de français devant le manque d'un plan général de perfectionnement des maîtres et d'application du programme-cadre. Un de ces premiers — je ne sais pas, on pourrait appeler cela un décret peut-être — demandait de privilégier l'oral. Vous savez que le programme-cadre de français tant à l'élémentaire qu'au secondaire comporte quatre savoirs. Le premier savoir, le savoir-parler, a été privilégié, mais depuis ce temps, il semble qu'on ait oublié aussi de demander aux professeurs de français de continuer aussi à privilégier les autres savoirs, ou enfin à les expliciter, ce qui fait qu'au niveau secondaire et élémentaire, on s'attache beaucoup à privilégier l'oral et à laisser l'enfant ou l'adolescent s'exprimer librement dans des formes moins conventionnelles de cours que celles que nous avons connues nous-mêmes, lorsque nous étions étudiants. Ce qui fait que l'apprentissage de la langue écrite, par les textes littéraires, entre autres, et par les textes écrits, se fait beaucoup moins d'une façon suivie.

Pour ne prendre que l'enseignement de la littérature, ce n'est que dans les dernières années du secondaire qu'on essaie de rattraper, pour ainsi dire, le temps perdu à cet égard et il est déjà trop tard. On a déjà acquis des habitudes de mauvaise écriture et il n'y a pas, entre les 38 CEGEP de la province, une sorte de planification quant à l'enseignement même du français, tant dans le domaine de l'oral que dans le domaine de l'écrit. Vous comprenez tout de suite pourquoi, à l'université — parce que j'enseigne à l'université Laval avec M. Gaulin — nous recevons des étudiants auxquels il faut, encore une fois, montrer comment écrire et le problème s'est perpétué malgré déjà les cinq ans d'application du programme-cadre de français.

M. BOIVIN: II faudrait peut-être se poser la question aussi, si vous me permettez, pour les fabricants de méthodes à l'élémentaire, les vendeurs de méthodes. Il faudrait savoir ce que vaut telle méthode, telle autre méthode, quelle enquête a été demandée par le ministère, par exemple, pour savoir que, dans telle région, on doit appliquer telle méthode, que, dans l'autre région, c'est une autre méthode, mais quel résultat ces méthodes vont donner, de sorte que, dès que l'enfant arrive au secondaire, il y a déjà un problème. Remarquez un petit bonhomme de dix ans, onze ans, faites-le écrire et vous allez avoir votre réponse.

M. GAULIN: Je voudrais rappeler, M. Charron, que ce n'est pas particulier au Québec, en

particulier pour l'orthographe, ce que M. Dorion disait à propos de l'audio-visuel, c'est-à-dire le phénomène de la parole par rapport à l'écrit. On constate aussi en France que les jeunes Français, les jeunes Belges, les jeunes Suisses francophones font énormément de fautes. Mais je voudrais rappeler ceci. Il m'apparaît que la raison fondamentale reste toujours une motivation profonde qui manque à l'étudiant et qui est une motivation qui ne lui est pas donnée parce que cette motivation n'est pas supportée par la société. Au fond, le problème de l'enseignement du français, bien sûr, est un problème d'ordre pédagogique, méthodologique et didactique, mais c'est également, et avant tout, au Québec, un problème d'ordre politique. On nous a souvent accusés, comme professeurs de français, de politiser l'enseignement du français. Nous ne politisons pas l'enseignement du français, l'enseignement du français est politique. Je vous pose la question parce que c'est la même chose pour l'enseignement de l'anglais. Comment se fait-il que les jeunes Québécois, pendant cinq heures-semaines, pendant dix ans, étudient l'anglais comme langue seconde et sortent de l'école sans savoir cette langue alors que, dans un pays normal, France, Belgique, on sort, après trois heures-semaines pendant trois ans, en apprenant une langue?

Le temps que l'on met pour apprendre l'anglais ici et ne pas le savoir, dans un pays normal où le français serait assis, on pourrait en apprendre trois.

M. CHARRON: M. Dorion, j'ai l'intention de continuer à poser quelques questions sur ce chapitre de votre profession en particulier et de le permettre sans doute au député de Saint-Jean et au député de Beauce qui ont aussi manifesté l'intention de poser des questions sur cette partie avant de revenir à votre mémoire proprement dit. Pendant que vous me répondiez, j'entendais le ministre de l'Education marmonner que toute cette époque que vous dénoncez était l'oeuvre de l'ancien gouvernement et que depuis qu'il était arrivé, bien des choses avaient changé.

M. CLOUTIER: M. le Président, je suis obligé d'intervenir, question de privilège. Je n'avais pas l'intention de parler, mais le député de Saint-Jacques me met en cause. Il est exact que j'ai échangé quelques réflexions avec mon collègue, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt l'explication que les deux porte-parole de l'association ont donnée et je suis très largement d'accord sur tout cela. Ce programme-cadre, qui a été effectivement lancé par l'ancien gouvernement, il faut le dire, c'est en 1969, n'a pas été accompagné par un programme de formation des maîtres, n'a même pas été accompagné des budgets nécessaires pour l'équipement. C'est la raison pour laquelle, depuis que je suis au ministère de l'Education, j'ai tenté d'intervenir, avec un rattrapage considérable et des retards considérables, en mettant au point le plan de développement de l'enseignement des langues. Il est exact également que, sur le plan de développement...

M. CHARRON: Votre privilège est rétabli.

M. CLOUTIER: ... des langues, cela n'a pas donné, pour ce qui est du français langue maternelle, les résultats escomptés parce qu'on s'adresse à peu près à 30,000 enseignants et c'est une opération d'envergure. Cela aurait dû être fait avant. Merci de cette occasion.

M. CHARRON: Le ministre ayant rétabli son privilège, je peux donc continuer abondamment à le citer. Au moment où M. Boivin faisait mention du rapport maîtres-élèves dans les classes de français, notre élégant ministre de l'Education disait que ça n'avait rien à voir avec le problème. Mais je crois plutôt...

M. CLOUTIER: M. le Président, je suis absolument désolé. Je pense d'abord que c'est un manque de discrétion de la part du député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: Ne parlez pas si fort. Vous passez votre temps à commenter les propos des gens qui sont là, mais en sourdine.

M. CLOUTIER: J'aurai, moi, la gentillesse de ne pas commenter les propos très souvent grossiers du député de Saint-Jacques, qui s'est permis d'enguirlander les associations qui vous ont précédés lorsqu'il n'était pas de leur avis.

M. CHARRON: Je l'ai fait en face, M. Cloutier, je leur ai dit en face ce que j'avais à leur dire, je n'ai pas émis d'opinion en sourdine à mon collègue, aucunement.

M. CLOUTIER: Ce que j'entendais en sourdine...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: J'ai dit tout ce que je pensais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Cela va tellement bien que j'ai l'intention de vous faire remarquer qu'il est 23 heures.

M. ROY: Pour la bonne marche de nos travaux, M. le Président, considérant que les esprits commencent à s'échauffer, je voulais justement vous signaler qu'il est onze heures.

M. CLOUTIER: M. le Président... non, non, la séance n'est pas terminée. J'ai quand même quelque chose à dire, j'aimerais savoir combien de temps il nous restera pour la discussion

demain, parce que nous avons des associations qui ont été invitées.

Il y en a sept que nous devons entendre, et dans le cadre de notre règlement, il faut que nous déterminions la période qui reste.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Jusqu'à maintenant, nous avons débuté à 10 h 15, ce qui veut dire qu'il nous resterait normalement une quinzaine d'autres minutes. J'avais déjà reconnu cinq députés. Alors, j'ai bonne confiance qu'on pourrait compléter...

M. CLOUTIER: M. le Président, il faut quand même penser à cette association, qu'on obligerait à rester à Québec. Si l'association accepte et si la commission est d'accord, nous pourrions continuer pendant quinze minutes, de façon à mettre fin à votre intervention. Les députés sauront restreindre leurs questions.

M. DORION: Vu que la plupart des autres associations et groupements ont joui aussi de quelques minutes supplémentaires, peut-être que 11 h 15 serait un peu trop bref pour répondre à toutes les questions. Peut-être que jusqu'à 11 h 30...

M. HARVEY (Jonquière): 11 h 30.

M. DORION: ... ce serait sans doute possible; sinon nous pourrions, à la limite, revenir demain, bien entendu, pour compléter notre exposé.

M. CHARRON: Je vais vous demander: Est-ce que cela vous dérangerait beaucoup de revenir demain?

M. DORION: Non.

M. CHARRON: Parce que la journée d'aujourd'hui...

M. DORION: Je retournerai à Montréal plus tard, tout simplement.

M. CHARRON: La journée d'aujourd'hui me semble assez complète.

M. DORION: Alors, si vous préférez qu'on revienne demain, nous n'y voyons aucune objection.

M. ROY: C'est cela.

M. HARDY: Vous n'avez pas de courage devant des problèmes importants comme celui de la langue.

M. ROY: M. le Président, sur ce point-là, je pense qu'il est normal, étant donné que nous avons accepté un horaire extrêmement chargé, que nous prenions un soin rigoureux de garder les heures que nous avons à notre disposition pour refaire nos forces. Je pense que c'est important.

M. CLOUTIER: M. le Président, je l'ai proposé dans l'intérêt de l'association.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, la commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 heures)

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