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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Monday, June 17, 1974 - Vol. 15 N° 95

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du lundi 17 juin 1974

(Quatorze heures sept minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs! La commission reprend l'audition des organismes sur le bill 22. Mais avant de procéder, j'aimerais faire savoir à la commission qui sont les membres de cette commission. Ce sont M. Dufour (Vanier), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Choquette (Outremont), M. Tardif (Anjou), M. Morin (Sauvé), M. Brown (Brome-Missisquoi), M. Beauregard (Gouin), M. Bonnier (Taschereau), M. Roy (Beauce-Sud), M. Veilleux (Saint-Jean).

Aujourd'hui, les organismes qui sont appelés à témoigner sont les suivants: la Fédération des associations italiennes du Québec, la Québec Association of Protestant School Boards, la Société des traducteurs, the United Church of Canada, la Corporation des enseignants du Québec, c'est-à-dire cinq organismes. J'invite donc immédiatement M. Pietro Rizzuto, président de la Fédération des associations italiennes du Québec, à bien vouloir s'approcher et à nous présenter les gens qui peuvent l'accompagner.

Fédération des associations italiennes du Québec

M. RIZZUTO: M. le Président, j'ai avec moi le premier vice-président de la fédération, M. Montini, qui est le responsable des études faites pour les affaires linguistiques et l'éducation pour la fédération. J'ai aussi avec moi le deuxième vice-président, M. Moretti, et le secrétaire de la fédération, M. Manno. Nous serons à votre disposition, si vous jugez utile que nous répondions à vos questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais vous rappeler, M. Rizzuto, que les règlements prévoient une période de vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et une période de quarante minutes pour permettre aux députés déposer les questions qui s'imposent. Vous avez la parole.

M. RIZZUTO: M. le Président, si vous me permettez avant de commencer le mémoire, j'aurais voulu poser une question aux membres de la commission. Je pense que cette question est importante pour nous et nos arguments, pour les questions qui vont être posées. A plusieurs reprises, on a entendu des déclarations, même de la part des membres de la commission. Nous nous interrogeons sur ces déclarations, surtout nous, les Néo-Canadiens ou les Néo-Québécois, et quand on parle de la province de Québec, nous voulons être réellement éclairés. Nous ne dirions pas qu'elles ne sont pas exactes mais nous voulons avoir des éclaircissements là-dessus.

Si je peux donner des exemples personnels, je suis un immigrant, je suis arrivé ici au Canada, dans la province de Québec, je suis devenu Canadien. Au moment où j'ai prêté serment devant le juge de la citoyenneté du Canada, on m'a garanti les mêmes privilèges, les mêmes droits et les mêmes respects que tout citoyen au Canada.

Après certaines déclarations faites par des membres du gouvernement, députés de l'Assemblée, il semblerait qu'il y ait des groupes d'individus qui ont des droits acquis dans la province de Québec, qui, comme moi et comme trois quarts de million approximativement, ont leurs enfants. On s'attend d'avoir les mêmes privilèges et, paraît-il, nous n'aurions pas les mêmes privilèges que ces gens.

Je voudrais avoir une explication ou une réponse, afin de savoir réellement sur quoi on se base et pourquoi nous n'aurions pas les mêmes privilèges que ces gens qui ont des droits acquis dans la province de Québec.

M. CLOUTIER: M. le Président, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux que la fédération présente son mémoire et la discussion nous permettra peut-être d'apporter des éclaircissements en cours de route. Si je comprends bien la question que l'on pose, on désire savoir si tous les citoyens ont exactement les mêmes droits? La réponse est oui, sans un moment d'hésitation. Mais comme je ne pense pas que ce soit le lieu pour engager un débat, je suggérerais qu'il y ait présentation du mémoire et lors des questions, nous pourrons peut-être apporter des précisions.

M. RIZZUTO: M. le Président, c'est que moi, si je sais d'avance que je n'ai pas les mêmes droits, cela me permettra de me conformer, dans mes questions, à notre mémoire. Si j'ai des droits comme tout Canadien, cela me permettra de discuter comme tout citoyen. C'est extrêmement important que je sache si j'ai les mêmes droits ou non que les autres dans la province de Québec.

M. CLOUTIER: Je comprends mieux maintenant. Tous les citoyens canadiens ont les mêmes droits.

M. RIZZUTO: M. le Président, encore la semaine dernière j'ai lu un article dans la Presse disant que tous devraient aller à l'école française, sauf les anglophones qui ont des droits acquis au Québec, au Canada si vous voulez et

c'est une des raisons. Il y a eu d'autres déclarations depuis des mois, depuis des années, mais la plus récente, celle de la semaine dernière dit que les anglophones du Québec ont des droits acquis. L'article dit également que nous, les Néo-Canadiens ou le reste de la société du Québec, nous n'en avons pas. C'est normal que je me pose la question. Depuis quatre ou cinq jours, on ne peut que constater des déclarations semblables.

M. CHOQUETTE: M. le Président, il est évident que, comme président de la Fédération des associations italiennes du Québec, vous êtes venu vous asseoir à cette commission parlementaire pour faire des représentations en faveur des membres de votre fédération et, en particulier, des gens d'origine italienne.

Vous avez donc les droits de venir ici exprimer votre point de vue. Lorsque vous posez une question qui a autant d'envergure que celle de savoir si vous avez tous les droits de tous les autres Canadiens, vous comprenez que c'est une question à laquelle il est impossible de répondre, parce que, même au Canada, tous les gens n'ont pas les mêmes droits.

Si vous allez en Ontario, vous n'aurez pas les mêmes droits. Si vous allez en Colombie-Britannique, vous n'aurez pas les mêmes droits. Par conséquent, il n'est pas exact, et c'est une question, à mon sens, qui n'est pas justifiée pour vous d'arriver et de dire: Est-ce que j'ai les droits de tous les autres Canadiens? Il est évident que vous avez un certain nombre de droits en commun avec tous les Canadiens et tous les Québécois, mais cela ne veut pas dire que vous avez intégralement les mêmes droits, parce que cela dépend des situations respectives des gens.

Je crois que vous posez mal le problème en abordant la discussion sur un plan aussi général et en posant une question à laquelle il n'est pas possible de donner une véritable réponse. Je pense 'que mon collègue, le ministre de l'Education, lorsqu'il vous invitait à aborder vos représentations, vous indiquait peut-être la voie, c'est-à-dire vous demandait de nous exprimer votre point de vue en tant que Canado-Italien ou que Québécois d'origine italienne en nous disant: Quels sont vos problèmes particuliers? Quel est votre vue sur les problèmes que soulève ce projet et loi et quels sont vos objectifs?

M. RIZZUTO: M. le Président, avant de poser réellement des questions valables ou de donner des arguments valables, je veux savoir dans quelle situation je me trouve au Québec. Si je n'ai pas les droits de tout le monde, c'est normal que je m'en tienne à des droits qui me sont permis.

M. Choquette parle, je pense, des droits que peuvent avoir les gens des différentes provinces dans le Canada. Je pense bien qu'on parle des droits canadiens. Je me situe encore dans le Canada. On devrait savoir réellement, autant que les citoyens et les autorités du gouvernement, quelles sont les lois pour la société.

M. CHOQUETTE: M. Rizzuto, permettez-moi une interruption. De quels droits parlez-vous? Dites-nous de quels droits. Quand vous dites: Est-ce que j'ai les mêmes droits que les autres Canadiens, je vous demande de quels droits vous nous parlez. Droits en regard du code criminel? Droits en regard du code civil? Droits en regard des lois d'éducation? De quels droits nous parlez-vous?

M. RIZZUTO: Je parle des droits en général, comme cela m'a été confirmé par le gouvernement canadien, M. Choquette.

M. CHOQUETTE: Mais, M. Rizzuto, je suis un député et un ministre provincial. Je n'ai pas les mêmes droits qu'un député ou un ministre fédéral. Je suis un Québécois. J'ai les droits d'un Québécois. Je n'ai pas les droits d'un Ontarien.

M. RIZZUTO: Non, mais...

M. CHOQUETTE: Mais de quels droits nous parlez-vous?

M. RIZZUTO: Pourquoi déviez-vous de la situation? Je veux savoir si j'ai les mêmes droits ou si je ne les ai pas. C'est facile pourtant. Vous devriez le savoir si on a les mêmes droits ou non.

M. CHOQUETTE: Mais non, cela ne se résout pas comme cela.

M. RIZZUTO: Pourquoi n'est-ce pas facile? C'est tellement compliqué d'être dans son droit? On n'a pas le droit.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

Messieurs, si vous le permettez, je pense qu'on ne veut sûrement pas engager un débat ni là-dessus, ni sur autre chose. On est ici pour entendre vos représentations, M. Rizzuto. Je vous inviterais à faire vos représentations et à poser vos questions comme si tous les droits étaient vôtres. Vous avez sûrement le droit de vous exprimer au nom de votre association devant cette commission parlementaire. C'est le but de la convocation d'aujourd'hui. Je vous invite à y aller sans aucune réserve, sans aucune contrainte. Je suis sûr que les questions ou les sujets qui pourront être soulevés seront traités de la même façon, dans votre cas que dans le cas de tout le monde. Je vous invite donc à faire votre présentation, si vous voulez.

M. RIZZUTO: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, on a les mêmes droits que tout le monde.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Absolument!

M. RIZZUTO: Parfait!

M. MONTINI: Je pense qu'en s'engageant là-dessus, puisqu'on a les mêmes droits, et je pense bien qu'on parlait de droits humains, M. Choquette, pour vous répondre, on voudrait bien soulever certains points. D'abord, on aimerait souligner qu'on accepte que la langue française doit être prioritaire au Québec. On en est pleinement conscient et on l'accepte pleinement. Elle doit être favorisée même. C'est-à-dire que, dans la situation actuelle du Québec, elle doit être prioritaire et favorisée. Donc, c'est à partir de là, je pense, que notre intervention, aujourd'hui, se pose, et que nos interventions précédentes aussi se sont posées, puisque, depuis un an, la fédération, je pense, a parlé dans ce sens. Acceptant la langue française comme langue prioritaire, on accepte aussi les droits fondamentaux des Québécois français. A ce moment, par rapport au bill 22, intégralement, comme jugement global, on doit dire, on a un point d'acceptation et non de rejet total, même si on doit rejeter ou essayer à certains moments, de proposer des changements par rapport à certains chapitres ou à certains paragraphes de ce bill. C'est notre position, au moins, au point de départ, pour qu'on sache qu'on n'est pas là tout simplement pour rejeter quelque chose au départ.

Mais ce que M. Rizzuto vient de dire tantôt est très important. Nous voulons savoir si nous sommes acceptés comme citoyens à part entière, puisque, à un certain moment, les minorités anglaises semblent avoir — je ne parle pas de droits, je parle de privilèges — certains privilèges.

Leur statut est conservé. Or, je me pose la même question.

Est-ce que, moi, citoyen, est-ce que, moi immigrant reçu, qui suis là, je suis citoyen à part entière? Et à partir de cela, on fonde toute notre argumentation. Et j'aimerais vous présenter d'abord un certain nombre d'attendus sur lesquels on ne discutera pas puisqu'on pourrait, avec vous, les défendre; mais, il faut vous présenter certains autres points qu'on considère presque aussi importants que les attendus, sans avoir aucun droit là-dessus. Donc, on ne parlera pas au niveau des droits ou de l'absence de droits.

On considère que le Québec, dans le domaine de l'éducation, a une tradition bien établie de justice envers les groupes minoritaires. On considère et on accepte cette tradition qui le distingue des autres groupes majoritaires en Amérique du Nord, que cela soit au Canada ou aux Etats-Unis, même si avant de partir ce matin, j'ai eu des nouvelles pour l'Etat du Maine et pour deux autres Etats des Etats-Unis où, s'il y a 20 élèves demandant que l'enseignement soit donné dans leur langue, ce- la est accepté. Par exemple: Floride, Maine, et le Massachusetts. Mais, comme je l'ai dit, cette tradition nous distingue quand même des autres Etats du Canada et des Etats-Unis, cette tradition est un exemple unique que le français est la langue de la majorité, donc langue prioritaire, ce qu'on a exactement dans le projet de loi 22. A cause des événements historiques, culturels, économiques, sa survie doit être garantie et même favorisée. Par conséquent, c'est un devoir de tout citoyen — et cela fait un an qu'on continue à le dire, et on croit à cela— du Québec d'apprendre la langue française et on avait même suggéré des moyens.

Le gouvernement du Québec doit donc assumer ses responsabilités sur ses sujets. Il doit donc légiférer s'il le veut, mais avec tout cela à l'esprit, il serait bon qu'on considère les points suivants que nous considérons des réalités:

Que dans la législation, le gouvernement doit respecter les droits de l'individu — vous posez la question — au moins, les droits humains; qu'afin de jouir de tous les avantages économiques, une souplesse quant au changement de lieu devient nécessaire et par le fait même, la connaissance de l'anglais est essentielle en Amérique du Nord; que c'est donc d'une importance vitale pour tout citoyen du Québec d'apprendre la langue anglaise; que toute loi juste qui essaie de légiférer dans le domaine de l'instruction publique ou dans le domaine linguistique tout court, doit s'appliquer à tout Québécois et non seulement à une minorité; que c'est un devoir du gouvernement québécois de voir que l'enseignement de la langue seconde ait une qualité telle qu'il devienne un enseignement valable et une condition de promotion à tous les niveaux de l'enseignement public; que, dans le contexte actuel, chaque parent, au Québec, ait le droit indéniable — je dis bien dans le contexte actuel — du choix de la langue d'enseignement qui lui semble le mieux adapté à son enfant; que ceux qui poursuivent l'unilinguisme tiennent la langue pour liée à une culture, à des attaches traditionnelles et, dans certaines situations, à des problèmes de survie, de réussite et de statut social; et que l'individu totalement bilingue soit parfaitement conscient de ces relations, mais qu'il soit en même temps capable d'ajuster sa pratique du langage à l'environnement social, démontrant par là qu'il appartient à plus d'un milieu donné.

Avec tout cela à l'esprit, on a essayé de relire le document et, dans ce qui est important dans les quatre premiers chapitres, on n'a pas apporté de changement majeur, même s'il y aurait des souhaits qu'on pourrait exprimer à un certain moment.

Les changements fondamentaux qu'on retrouve dans le projet de loi 22, c'est par rapport au chapitre V, le chapitre sur l'enseignement. Nous proposons, nous recommandons de corri-

ger le chapitre en essayant de rester, comme M. Cloutier le disait bien, dans l'esprit de la loi, dans l'esprit de celle qui est là. On a essayé vraiment de l'interpréter dans ce sens, même si on a présenté des changements majeurs.

Je dois vous avouer aussi que le paragraphe 49, faute de temps — on a voulu consulter beaucoup de gens — est mal formulé. On en a été conscient, mais, à la dernière minute, il y a eu des changements à l'assemblée générale dans toutes les commissions et on l'a formulé d'une façon boiteuse, en gardant l'ancienne formulation. Mais on va vous expliquer ce qu'on veut dire dans ce paragraphe. On s'excuse du français, puisque cela a été changé sur-le-champ. Cela a été dimanche avant même qu'on sache qu'on pouvait retarder la déposition du projet.

Au paragraphe 48, on le lira étant donné que vous avez tous la loi: "L'enseignement se donne en langue française dans les écoles régies par les commissions scolaires, les commissions scolaires régionales et les corporations de syndics". Tout ce qu'on ajoute c'est "et les écoles privées". C'est qu'on voudrait inclure aussi les écoles privées. Ces organismes — cela change un peu — doivent, cependant, donner l'enseignement en langue anglaise lorsqu'un nombre suffisant d'enfants éligibles à fréquenter une classe en fait la demande. C'est pour clarifier un peu l'élément que les commissions ne peuvent ni commencer, ni cesser. Ensuite, on garde le dernier point: La commission scolaire du Nouveau-Québec peut aussi donner l'enseignement, dans leurs langues, aux Indiens et aux Inuit.

L'article 49, le paragraphe dont on avait dit qu'il y a eu des malentendus. Je vais vous les exprimer d'abord en peu de mots. Ce qu'on veut dire à l'article 49, c'est que tout citoyen et tout immigrant reçu qui est là actuellement, avant que la loi n'entre en vigueur, aient les mêmes droits face à la langue d'enseignement.

Que les nouveaux immigrants, tous — c'est cela que vous ne trouvez pas dans le document — aient aussi le choix du système d'enseignement seulement après avoir suivi trois ans d'immersion en français. Cela veut dire que tous devraient avoir trois ans d'immersion en français. Cependant, on voudrait que ce soit aussi inscrit dans la loi que les nouveaux immigrants doivent être formellement renseignés de la situation linguistique et scolaire du Québec avant de quitter leur pays d'origine. Là, nous mettons un petit paragraphe: Que les dispositions contenues dans le paragraphe précédent ne s'appliqueraient pas aux enfants qui ont déjà commencé leurs études primaires, ni aux autres enfants nés de mêmes parents, ni aux enfants d'immigrants résidant au Québec avant l'entrée en vigueur d'une telle loi, ni aux citoyens. On aimerait que ce soit inclus parce que vous savez mieux que moi que nous, malgré que nous soyons citoyens depuis 1890, nous serons toujours des immigrants; qu'on se réfère au rapport Parent. C'est dans les chiffres du rapport Parent.

Il appartient à chaque principal — cela aussi on l'a changé parce que c'était réservé aux commissions, en se basant sur le règlement no 7, au paragraphe 11, puisque c'est là que c'était marqué; peut-être que les mots ne sont pas tout à fait les mêmes, nous avons traduit de l'anglais — avec son corps professoral de déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un élève doit être intégré, eu égard aux critères d'admissibilité exposés à l'article précédent. Nous avons trouvé que c'était un fait, que c'est par droit, que ce n'est pas tout à fait contradictoire avec ce qui existe, parce que la commission peut déléguer cela au principal. Mais, dans le contexte actuel où on laisse beaucoup de liberté, où on essaie de partager les pouvoirs, on verrait très mal que tout soit centralisé à nouveau. C'est pour cela que nous ramenons le règlement no 7, au paragraphe 11.

A l'article 51, vu les éléments énoncés plus haut, la connaissance suffisante de la langue française ou anglaise n'y étant plus, puisqu'on a réservé les éléments un peu plus haut, pour nous cela devient inutile. Cela serait par le fait même éliminé, puisqu'il y a l'autre critère qu'on a soulevé.

On lit tel quel l'article 52 et on y ajoute d'autres éléments. Les programmes d'étude doivent assurer la connaissance de la langue française parlée et écrite aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise et le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires à cette fin. Les programmes d'étude doivent aussi assurer la connaissance de la langue anglaise parlée et écrite aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue officielle du Québec. C'est l'élément que nous avons ajouté à cause aussi de nos réalités. On parle souvent de qualité; alors, pourquoi ne pas l'inclure dans la loi telle quelle si on y croit vraiment?

Il est résolu enfin de corriger l'article 128 du chapitre 5 du projet de loi no 22 par l'article suivant: De septembre 1974, on considère beaucoup plus réaliste et moins illusoire de mettre au moins 1975. Et le reste demeure tel quel.

C'est un peu la position qui partait de notre position précédente dans laquelle on avait souvent exprimé que, pour une loi juste, pour qu'elle soit respectée, elle doit s'appliquer à tout le monde, qu'à la fois l'anglais doit être bien enseigné dans le contexte dans lequel on vit et dans tous les principes que j'ai énoncés plus haut et, si on veut être beaucoup plus réalistes, que les gens qui sont là aient le choix et pour les autres à un certain moment, qu'on les mette, d'accord, dans une immersion française de trois ans, parce qu'ensuite il le pourrait éventuellement, si le système s'occupe de les intégrer comme il faut... Par exemple, les classes d'accueil cette année ont attiré 75 p.c. de la population présente, même si, en chiffres absolus, c'est illusoire, c'est dans les 300, mais peu

importe, c'est 75 p.c. des gens des classes d'accueil cette année qui ont été attirés. Si, avec les trois ans d'immersion qu'on propose, le système et la qualité s'amélioraient, il y a une grande solution au problème qu'on voit actuellement.

C'est à partir de là que je reviens aux questions, puisqu'on accepte les droits fondamentaux des Québécois français, puisqu'on accepte aussi et qu'on demande un statut égal pour tous les gens qui sont là, immigrants ou citoyens; on voudrait un statut égal pour tous les gens à venir. Je le dis à nouveau, on se base uniquement sur le pur droit humain, parce que la possibilité de relations égalitaires entre individus n'existerait pas si un gars entre avec moi et a des droits différents. C'est uniquement sur ce droit que je demande l'égalité pour tous; en plus, l'autre droit des gens qui sont là. J'aimerais avoir une réponse à ce niveau. D'abord, je pose la question de M. Rizzuto tantôt parce, que ça devient important à ce moment-ci: Est-ce qu'on a tous, les immigrants — je dis bien les immigrants résidants à ce moment pour ne pas se confondre — les mêmes droits que les citoyens qui sont là? Et si oui, pourquoi le projet de loi l'a-t-il oublié?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs. Nous passons maintenant à la période des questions. L'honorable ministre de l'Education.

M, CLOUTIER: M. le Président, je remercie la Fédération des associations italiennes du Québec de son mémoire. Je note avec plaisir que cette fédération est d'accord sur les objectifs que poursuit le projet de loi 22. Ces réserves portent surtout dans le secteur de l'enseignement et le mémoire comporte un certain nombre de recommandations que le gouvernement étudiera très certainement. A ce propos, j'aurais une seule question. Cependant, avant de la poser, je voudrais, peut-être, pour qu'il n'y ait pas de malentendus — le ministre de la Justice aura l'occasion d'y revenir — dire clairement que les citoyens canadiens au Québec se trouvent dans la même situation, qu'ils soient nés ou qu'ils aient été naturalisés. En posant la question de cette façon, on évite peut-être une discussion trop académique sur la nature des droits. Autrement dit, quelle que soit la façon dont on devient citoyen canadien, on se trouve exactement traité de la même façon.

Ceci dit, je voudrais simplement relever une affirmation que le président vient de faire, à savoir qu'il est important, pour qu'une loi soit juste, qu'elle s'applique à tout le monde.

Or, j'ai l'impression que, dans le projet de loi 22, quels que puissent être ses mérites, peu importe pour l'instant, le chapitre de l'enseignement s'applique à tout le monde. La liberté de choix est maintenue, mais elle est liée à une condition qui en est une d'ordre pédagogique et cette condition est la même pour les anglopho- nes, pour les francophones, pour les citoyens canadiens d'une autre origine et pour les nouveaux immigrants.

Alors, en quoi, et c'est ma question, y a-t-il discrimination ou y a-t-il injustice par rapport à un traitement qui doit être équitable et identique pour tous?

M. MONTINI: Je vous pose une question en répondant à votre question, puisque vous posez des questions en répondant aux questions.

M. CLOUTIER: II ne faudrait quand même pas s'y tromper. C'est mon rôle de poser des questions...

M. MONTINI: Oui.

M. CLOUTIER: ... parce que la raison d'être...

M. MONTINI: La question est une réponse.

M. CLOUTIER: ... de la commission est d'éclairer le gouvernement.

M. MONTINI: La question est une réponse et, M. le Président, puisqu'on se base sur un critère, celui de connaître suffisamment la langue pour pouvoir appartenir à un groupe, je vous pose donc ma question. D'abord, y a-t-il, et c'est impossible, je vous donne la réponse moi-même — si vous dites non, c'est déjà discriminatoire par le fait même — un test objectif validé pour le moment? Non, parce qu'il ne peut pas être appliqué.

Deuxièmement, le test qu'on peut appliquer à des immigrants et celui qu'on peut appliquer à des anglais ne sont pas les mêmes.

Troisièmement, le test permettra-t-il à un Anglais moyen, même déficient, de réussir cet examen?

Quatrièmement, le test permettra-t-il, puisqu'il est basé sur des niveaux, à un moment donné, d'aller loin? Ce critère est tellement subjectif que, dans la subjectivité, il y a discrimination même.

M. CLOUTIER: On peut, M. le Président, ne pas aimer le critère choisi dans la rédaction actuelle, qui est le critère du test. Mais je ne crois pas que l'on puisse dire — et votre réponse me l'indique — que la loi est injuste, en ce sens qu'elle imposerait à un groupe des conditions qui ne seraient pas les mêmes pour les autres groupes. Les tests sont tout à fait objectifs et il est courant d'utiliser des tests pour déterminer les niveaux; ceci se fait partout, il y en a actuellement plusieurs dizaines qui sont utilisés dans plusieurs commissions scolaires du Québec.

M. le Président, j'ai terminé mes questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais d'abord dire toute la satisfaction que l'Opposition ressent à accueillir nos invités et à constater que cette association, à plusieurs reprises dans le passé et aujourd'hui encore, reconnaît le caractère français du Québec.

Nous estimons quant à nous que votre organisme a fait preuve d'ouverture d'esprit sur ce plan. Cela ne veut pas dire que nous soyons d'accord sur toutes les positions de détail que vous ayez prises, mais il me semble que c'est une bonne base sur laquelle établir une discussion franche.

La première question que je voudrais vous poser est destinée à confirmer cette impression, que votre Fédération me donne, depuis deux ou trois ans que je suis ses prises de position, ses déclarations, son cheminement en matière linguistique.

Est-ce vraiment, comme j'ai cru le comprendre, votre désir profond de vous intégrer à la société québécoise? J'entends cela, compte tenu de vos origines, car je ne suis pas de ceux qui croient à faire du Québec un "melting pot" intense, compte tenu de votre "italianité", laquelle, à mon avis, doit être conservée; laquelle doit se voir reconnaître le droit à l'existence dans la société québécoise. Compte tenu de cela, est-ce vraiment votre désir de vous intégrer à la vie sociale, économique et politique du Québec?

M. MONTINI: Si je vous répondais en vous disant qu'on est des Québécois, est-ce que cela répondrait à votre question?

M. MORIN: Ce serait magnifique.

M. MONTINI: C'est ce que j'avais dit au tout début. C'est l'objectif pour lequel on est venu ici cet après-midi. Ce n'est pas pour revendiquer des droits, mais c'est plutôt pour construire un Québec, parce qu'on sentait que le bill 22 ne pourrait pas aller là où il voudrait arriver.

M. MORIN: M. le Président, on vient de confirmer l'impression que ces messieurs nous donnent depuis déjà quelques temps au Québec. Même si, sur le plan des modalités, nous cherchons tous des solutions qui soient justes si cela est votre point de départ, j'estime que c'est déjà un grand pas de franchi.

J'ai, pour ma part, été éduqué avec un certain nombre de camarades italiens durant mes études. Il y en avait un qui portait un bien grand nom italien, puisqu'il s'appelait Malatesta, l'autre s'appelait Biffi. En ce qui concerne mon camarade Biffi, il occupe une place tout à fait honorable dans la société québécoise; il fait une très belle carrière au Québec. Cela a été traditionnellement — je crois que vous en êtes conscients, messieurs — l'attitude des Québécois d'origine italienne, ici au Québec, jusqu'à ces toutes dernières années, alors que s'est posée la question linguistique. Les jeunes Italiens allaient à l'école française sans qu'il y ait la moindre difficulté. C'était l'exception, ceux qui allaient à l'école anglaise, jusqu'à ces dernières années.

D'autre part — et ce serait ma seconde question — vous pensez qu'il convient d'apprendre l'anglais, de bien connaître l'anglais puisque nous vivons sur un continent qui compte 215 millions d'anglophones et que, même au Québec, la connaissance de cette langue est fort utile. Là-dessus, nous n'en disconvenons pas.

Je voudrais vous poser la question suivante: Si vous étiez assurés — j'emploie votre propre vocabulaire, à la page 3 de votre mémoire — que la connaissance de la langue anglaise serait donnée à vos enfants dans le système scolaire québécois, si ce système était français à la base, est-ce que cela répondrait à votre anxiété fondamentale de faire apprendre à vos enfants la langue anglaise en plus de la langue française?

M. MONTINI: Partiellement, parce que la question repose sur un si hypothétique. Je pense qu'on parle en intellectuel. Je vous réponds à la fois en vous disant ceci: La réponse qu'on a essayé de formuler contient à la fois un certain compromis. On croit que les classes d'accueil portent fruit. Cela apparaît par les chiffres.

Si cela est vrai, puisqu'on accepte, pour tous les nouveaux immigrants, trois années d'immersion française, je me dis, à ce moment, que ces citoyens sont tellement habiles à discerner par eux-mêmes, sans qu'il y ait un "si" au préalable, qu'ils pourraient automatiquement rester dans le système.

M. CLOUTIER: M. le Président, il est important que le président réponde à la question du chef de l'Opposition parce que c'est une question fondamentale.

M.MORIN: M. le Président, je ne veux absolument pas bousculer nos invités. Je crois qu'il faut que nous fassions ce raisonnement ensemble, à petits pas. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de leur dire: Voilà, vous devez répondre.

M. CLOUTIER: Vous verrez ce que sera à très petits pas.

M. MORIN: Eh bien...

M. MONTINI: Je vous remercie infiniment.

M. MORIN: Nous pouvons prendre les deux hypothèses. Je ne pense pas que vous ayez des objections.

M. MONTINI: Ce sont vraiment les deux qu'il fallait prendre, parce que je ne pouvais répondre seulement...

M. MORIN: Alors, prenons les deux hypothèses. Première hypothèse: L'enseignement de l'anglais n'existe pas ou est très mal donné dans les écoles françaises.

M. MONTINI: J'ajouterai de plus que c'est ce qui a attiré les immigrants italiens, parce qu'on représente les Italiens. On ne représente pas les autres. C'est ce qui a attiré les Italiens dans le système. Dans le rapport de M. Cloutier, qui a paru dernièrement dans la Presse, on disait que 83.7 p.c. sont dans les écoles anglaises. C'est causé par quoi? Sinon par ce souci de bilinguisme, de parler les deux langues. Là où on l'a trouvé, c'est uniquement dans le système anglais, pour le moment, généralement.

M. MORIN: Puis-je vous poser une petite question entre parenthèses, pour ne pas briser le cheminement de notre raisonnement commun. Est-ce que, dans les écoles anglaises, ils ont vraiment trouvé un enseignement correct et suffisant de la langue française?

M. MONTINI: Les écoles anglaises permettaient l'enseignement du français dès la première année, alors que les écoles françaises ne le permettent pas, même si une loi... Vous parlez de loi, je vous dis oui. Vous avez raison. Mais pensez à la CECM, à l'application.

M. MORIN: Bien.

M. MONTINI: Ce fameux si 26 ou 27 parents le demandent, ce n'est jamais appliqué. C'est même indiqué de ne pas l'appliquer. Ce qu'on trouve actuellement dans la réalité, c'est que les écoles anglaises effectivement offrent le français dès la première année, et les gens qui sont sortis de là semblent le prouver. Je voudrais être un peu orgueilleux et vous dire: Regardez-nous. Ils semblent prouver — moi, je ne suis pas sorti de l'école anglaise, malgré tout — qu'ils peuvent parler les deux. Pour le moment, j'ai une chose positive. Je sais que, si je m'en vais par là, je l'apprends. Je ne veux pas parler, à ce moment, de préjugés, ils nous ont refusés, et puis de la merde — excusez le mot — ils nous ont refusés dans ce sens. Je pense que c'est...

M. MORIN: Vous semblez bien Français, par votre vocabulaire, en tout cas.

M. MONTINI: Oui, cela peut-être une crainte, à ce moment, de le devenir trop.

M. MORIN: Bien.

M. MONTINI: Je continue l'argument. M. MORIN: Oui, s'il-vous-plaît.

M. MONTINI: Je pense que je vous rejoins à ce moment. Lorsque vous aurez changé le premier et les classes d'accueil, je dirai à M. Cloutier: Vous avez raison. C'est une preuve cette année. Mais je dois aussi, de l'autre côté... je ne peux pas marcher sur un plan qui dit: Enlève-moi la liberté actuellement. Je ne parle pas, dans le sens, sur un "si".

M. MORIN: J'ai compris le raisonnement. On a vu cette première hypothèse. J'ai parfaitement suivi votre raisonnement. Maintenant, prenons l'autre hypothèse. Peut-être une hypothèse qui peut se réaliser en quelques années ou à long terme, je ne sais pas; je ne veux pas entrer dans le détail. Je veux simplement vous demander: Si les Québécois d'origine italienne se trouvaient devant un système scolaire qui assure vraiment une bonne connaissance de l'anglais, dans quel système préféreraient-ils s'inscrire?

M. MONTINI: Je pense que répondre par le système — j'aurais de la difficulté à me prononcer pour les autres — mais ce dont je serais certain, c'est que, s'il y a, comme vous dites, l'accueil, s'il y a à la fois cette langue enseignée comme il faut, je pense que personne n'hésiterait à choisir ce qu'il aime le plus. C'est le système qui leur convient le plus, qui est le plus près d'eux.

M. MORIN: Et, en l'occurence, si j'ai bien compris, ce serait le système...

M. MONTINI: Vous connaissez la réponse. M. MORIN: Ce serait le système français.

M. MONTINI: En l'occurrence, oui, mais à condition vraiment... C'est donc dire qu'on ne peut pas, actuellement, accepter, par le fait même un "si" au départ de la loi, puisque la réalité est bien différente. Deuxièmement, parce qu'on ne peut pas accepter non plus une discrimination par rapport aux gens, si on le met pour ces gens qui vont venir, pour qu'ils soient capables d'échanger à part entière avec l'autre immigrant qui vient aussi. Ceux qui sont au même niveau, au moins, on devrait les traiter exactement de la même façon.

M. MORIN: Oui, autrement dit, le système scolaire québécois porte une lourde responsabilité à votre endroit en n'ayant pas assuré des dispositions qui vous permettent de vous intégrer pleinement à la société québécoise sans que vous ayez l'impression de perdre quelque chose.

M. MONTINI: Je pense que vous venez de toucher un point très important.

Va-t-on légiférer pour les intégrer ou va-t-on plutôt les intégrer sans légiférer? C'est presque la réponse, parce que toute votre question et tout votre raisonnement arriveraient à cette réponse et je crois davantage au deuxième point.

M. MORIN: Oui.

M. MONTINI: Mais s'il le faut, parce que je crois, effectivement, que le gouvernement a le devoir de défendre la langue, si on croit vraiment à cela, qu'on le fasse, mais qu'on le fasse d'une manière complète. Qu'on ne joue pas à l'incertitude, si on connaît suffisamment, si on ne connaît pas suffisamment, si le premier ministre peut changer d'opinion du jour au lendemain, si le monsieur de la commission scolaire, je peux l'acheter et si l'autre, je n'arrive pas à l'acheter. Ces critères sont tellement subjectifs et discriminatoires...

M. MORIN: Oui.

M. MONTINI: ... je pense que c'est un jeu de cartes, un jeu de hasard, et par le fait même, c'est vendre le Québec. C'est pour cela que je vous disais que nous sommes venus ici, non pas pour défendre seulement les droits des immigrants à venir, nous sommes venus aussi pour cela, parce que j'ai été immigrant, mais aussi parce que je suis citoyen. C'est aussi pour cela que je le défends. Quant à y être, qu'on fasse une loi claire. C'est dans ce sens qu'on avait proposé ce mémoire afin d'arriver à une loi claire, qu'on avait essayé de trouver d'autres critères moins discriminatoires, parce que si on cache la discrimination en arrière de critères subjectifs, je m'excuse, mais en bon Canadien français, on dit: Mon oeil.

M. MORIN: En bon Québécois aussi. J'aimerais vous poser une autre question. Compte tenu de vos déclarations passées, que nous avons suivies du côté de l'Opposition avec beaucoup d'intérêt, avec beaucoup de sympathie même, on a l'impression que vous nous dites, par moment: Messieurs les Québécois, branchez-vous donc! Vous connaissez aussi cette expression?

M. MONTINI: Oui.

M.MORIN: Branchez-vous donc! Décidez donc ce que vous voulez et qu'on sorte de l'incertitude actuelle où on ne sait pas très bien où le Québec s'en va. Est-ce que je me trompe? J'ai eu cette impression à vous lire, que vous étiez dans l'incertitude quant à savoir ce que le Québec veut pour son avenir et que, devant cette incertitude, vous vous sentiez vous-mêmes incertains.

M. MONTINI: C'est exactement là-dessus, mais je clarifie, par exemple, parce que ce que je veux dire exactement, c'est qu'en arrière de la pensée de l'individu, il y a toujours l'individu.

M. MORIN: Bien sûr.

M. MONTINI: C'est exactement là-dessus. Nous avons tenu tellement à nous identifier une fois pour toutes au Québec comme Italiens et non comme Canadiens français ou comme Canadiens anglais. Les Italiens sont des Anglais je peux écouter les Canadiens français me le dire et j'entends aussi les Canadiens anglais me dire que les Italiens sont des Canadiens français. Or, je pense que nous avons quand même une position autonome tout en étant des citoyens à part entière.

M. MORIN: Je voudrais maintenant éclaircir un ou deux passages de votre mémoire pour bien comprendre votre pensée. Je pense, en particulier, aux changements que vous proposez à l'article 49. Vous dites: "Les élèves dont la langue maternelle est le français peuvent fréquenter les cours dispensés par le système français". Est-ce que ce "peuvent" est choisi à dessein? Quel est son sens précis? Est-ce qu'il comporte une faculté ou une obligation?

M. MONTINI: Je précise l'idée que j'ai exprimée avant de lire le paragraphe 49. Ce paragraphe étant le paragraphe contesté lors de l'assemblée générale de dimanche soir et le document devant vous parvenir à deux heure lundi, on a dû le corriger sur le champ en gardant l'ancienne formulation qui disait autre chose. Le sens du "peuvent" est donc le suivant: Pour les citoyens — parce que l'on dit aussi: "... pour les Anglais, si la langue maternelle est l'anglais — ... On dit tout simplement ceci : Que pour les gens qui sont là, citoyens ou immigrants reçus, qu'ils aient tous le libre choix. Pour les autres, les immigrants à venir, et à nouveau, pour tous, qu'ils aient l'immersion en français pendant trois ans. C'est le sens qu'on voulait donner à notre point de vue.

M. MORIN: Je pense à vos déclarations antérieures aussi et je n'arrive pas à voir le lien logique entre ce paragraphe 49 et certaines des choses que vous avez dites auparavant. Je voudrais que vous m'éclairiez. J'ai lu quelque part dans mon dossier que vous n'acceptiez pas la discrimination entre les immigrants d'origine anglophone et les immigrants d'origine non anglophone. J'ai lu quelque part une de vos prises de position qui est très nette là-dessus. Tout le monde doit être sur le même pied. Pas de discrimination. Mais je vois ici: "Les élèves dont la langue maternelle est l'anglais peuvent fréquenter leur cours dans le système anglais". Est-ce que cette phrase s'applique seulement à ceux qui sont déjà au pays et non pas aux immigrants?

M. MONTINI: Seulement aux gens qui sont au pays.

M. MORIN: Ah vraiment!

M. MONTINI: C'est pour cela que je pense qu'on pourrait le biffer complètement ou presque tout en gardant le dernier point: "Les nouveaux immigrants doivent être informés... " On voudrait garder cela, mais ce qui est important, c'est qu'on voudrait, pour tous les gens qui sont là, qu'ils aient le libre choix et que la même égalité existe par rapport aux autres, qu'il n'y ait pas de distinction entre deux classes d'immigrants.

On ne parle plus ni d'anglophones, ni de francophones, même si la formulation pourrait légalement s'appliquer uniquement aux gens qui ne parlent ni anglais ni français. Ce n'est pas là qu'on vous le dit. Même si vous avez un document, comme je dis, l'erreur n'a pas été découverte après, elle s'est glissée dans des discussions de table avec plusieurs individus. Il a fallu corriger, mais le document était déjà parti vers Québec.

M. MORIN: Oui, parce qu'autrement on se demande comment c'est conciliable avec vos déclarations antérieures.

M. MONTINI: Ce n'est pas conciliable du tout.

M. MORIN: Bon. Cela éclaircit quand même la situation. Maintenant, j'ai encore une ou deux questions à vous poser. Ce "bain d'immersion" de trois ans, est-ce qu'il est fondé sur des travaux scientifiques, psychologiques, sur des travaux qui ont étudié le comportement des jeunes immigrants dans le milieu québécois, ou bien si c'est un chiffre plus politique que scientifique? Vous comprenez le sens de ma question?

M. MONTINI: Je comprends très bien. Le chiffre trois n'est pas un chiffre fatidique. H est basé sur une étude du chiffre un, c'est-à-dire les classes d'accueil, d'abord. Mais je me suis demandé pourquoi ne pas aller un tout petit peu plus loin et donner — c'est là, à un certain moment, l'esprit de collaboration qu'on a cru offrir plus — plus de possibilités d'améliorer le système de la qualité d'enseignement de la langue seconde. Je dis que un semble bon, classes d'accueil 1972, 1973, 1975; je pense même si je ne me trompe pas — j'ai le chiffre, mais par coeur, il m'est difficile de vous le dire - 1972?

M. CLOUTIER: 1972 qui porte sur à peu près 300 enfants.

M. MONTINI: J'ai les chiffres, mais cela m'échappe actuellement. Ils sont donc actuellement dans le système français. Je me dis que si cela n'est pas suffisant pour un gouvernement pour le pousser à créer cette même ambiance et de donner ce qu'on désire aussi, la qualité de la langue seconde, voilà pourquoi je vous réponds à la première question que vous avez posée, c'est bon que je ne me base pas sur un "si". Si cela s'applique, je dis que vous avez automatiquement la francisation.

M. MORIN: Maintenant, les bases scientifiques ne me semblent pas très sûres.

M. MONTINI: ... un seul exemple, comme je dis, et les autres bases scientifiques comme telles, si on voulait trouver des bases scientifiques, l'étude faite à McGill par Turner, je pense, est tout à fait dans l'autre sens, puisqu'on croit qu'une loi du genre, touche aussi un aspect très politique, parce qu'il parle de l'enseignement de deux langues, le bilinguisme. Il faudrait à ce moment, s'embarquer dans la langue seconde de la maternelle. D'après les études actuelles que l'on peut connaître, ce serait plutôt l'inverse. C'est ce que la loi semble proposer.

M. MORIN: Oui.

M. MONTINI: II faudrait aller dans l'autre système, mais on ne voulait pas embarquer là-dessus, puisque premièrement, c'est un fait, c'est une étude longitudinale de sept ans. On ne connaît pas tout à fait les échantillons. On connaît tellement peu de choses et c'est laissé à l'étude.

M. MORIN: Oui. En fait, trois ans, c'est un peu court.

M. MONTINI: Trois ans, c'est qu'on peut se baser. Cela peut...

M. MORIN: Cela peut être cinq ans aussi?

M. MONTINI: Cela peut être le critère de la citoyenneté proposé actuellement par le fédéral et ce mouvement électoral. Cela peut être aussi bien ce critère, mais on ne pourrait pas s'attaquer uniquement à l'aspect citoyenneté, puisqu'il y a bien des immigrants qui sont citoyens à part entière, mais qui malheureusement ou heureusement pour des raisons tout simplement psychologiques personnelles, n'accepteront jamais de devenir des citoyens, sans pour autant, être des citoyens.

M. MORIN: Oui.

M. MONTINI: C'est pour cela qu'on a pensé "chiffre" plutôt que "définition".

M. MORIN: Oui, ce qui m'inquiète un peu quant à trois ans, c'est que, si je m'en tiens à votre déclaration initiale d'intention, qui est vraiment de vouloir vous intégrer à la société québécoise, trois ans d'immersion, cela me paraît un peu mince. Je me place dans votre propre perspective et je trouve cela un peu mince comme exigence.

M. MONTINI: A tel point qu'à un certain moment, le citoyen, on l'a dit plus haut, a tous les droits, pourquoi ne pas le permettre à l'autre qui le deviendrait?

M. MORIN: Maintenant, une dernière question. J'en aurais mille, M. le Président, mais je dois me limiter, puisque le temps nous manque. On pourrait passer des heures avec nos invités, parce que vraiment, nous avons devant nous une association qui est très au fait des problèmes des immigrants et qui pourrait certainement nous apprendre encore mille et une choses.

Je vous pose une dernière question toujours d'ordre technique. Les trois ans d'immersion dont vous parlez, est-ce à l'école ou si cela pourrait avoir lieu avant l'école?

M. MONTINI: Vous comprenez que je pourrais vous poser la question. Les citoyens, est-ce que vous les différenciez?

M. MORIN: Non, je voudrais que vous répondiez...

M. MONTINI: Ce serait la première question, certainement. Dès qu'il devient un citoyen à part entière, on n'a pas le droit d'y toucher. D'après moi, même s'il n'a pas un papier, dans la mesure où je ne veux pas toucher les autres citoyens qui sont là aujourd'hui, je n'aurai pas le droit non plus après, lorsque je les accepte comme citoyens. A nouveau, on présente deux critères, deux statuts, deux niveaux, des citoyens de deuxième ordre. C'est la raison fondamentale. Mais je dis cependant qu'il y a plus dans ce que nous proposons. C'est à nous à le gagner. C'est à nous de l'avoir.

M. MORIN: Mais je vous posais une question tout à fait technique parce que, sur la question du statut du citoyen par rapport à ceux qui ne le sont pas devenus, cela serait un très beau débat juridique de savoir si la loi peut s'appliquer aux uns et pas aux autres, si leur statut est vraiment différent au regard de la loi en matière d'enseignement au Québec. Ce serait un très beau débat que je pourrais avoir, par exemple, avec le ministre de la Justice, mais nous pouvons remettre cela à plus tard. La question que je vous posais était la suivante: ces trois ans d'immersion, est-ce que vous pensiez à trois années scolaires, c'est-à-dire à l'école proprement dite ou si, parmi les trois ans, il pourrait se trouver un an, deux ans, voire toute la période de trois ans en formation préscolaire, maternelle ou autre?

M. MONTINI: Cela peut-être selon la date d'entrée en vigueur. Je prends un exemple. Cela peut me permettre de répondre. Si j'arrive avec un fils de... Je sais...

M. MORIN: C'est important ma question, parce que vous voyez venir la suivante...

M. MONTINI: La question était très pertinente, c'est pour cela que je vous réponds en prenant un exemple.

M. MORIN: C'est cela.

M. MONTINI: Si j'arrive avec un fils de quatre ans, ce gars commence par les classes d'accueil, cela fait la première année; la maternelle est la deuxième année; la première année est la troisième année, et à ce moment-là il aurait le droit de choix. Si j'arrive avec un fils de deux ans, il va faire ses trois ans et devenir citoyen. Mais, dans les hypothèses les plus impossibles, d'après moi, après trois ans, il a tellement collaboré qu'il est Québécois. C'est peut-être là le débat qu'on devrait faire à un certain moment pour savoir s'il est vraiment citoyen. Je vais plus loin. Un enfant qui naît de ces mêmes parents est Canadien. Or, je pense que vous nous obligez à nous mettre sur deux niveaux. Vous répondez en nous disant: Envoyez-le trois ans, de la première à la troisième, parce que c'est là le cycle obligatoire actuellement. Ce serait automatiquement pénaliser beaucoup de gens. Je ne crois pas à cela. Je pense que notre position se veut une position de justice basée, comme je dis, pas sur des droits acquis — d'ailleurs vous avez même répondu à quelqu'un: Ce n'est pas cela, les droits acquis — mais basée vraiment sur les droits humains d'égalité, du citoyen à part entière.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, vous me permettrez de vous faire remarquer qu'il reste environ dix minutes. J'invite le chef de l'Opposition...

M. MORIN: J'avais encore plusieurs autres questions, M. le Président, mais étant donné que nous sommes bousculés, j'y renonce volontiers.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, l'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, à mon tour, je veux en profiter pour féliciter et remercier la Fédération des associations italiennes du Québec de s'être donné la peine de venir présenter un mémoire devant la commission parlementaire afin de nous exposer son point de vue sur le projet de loi 22. J'ai remarqué, dans votre mémoire, que vous avez indiqué certains principes, que vous avez fait des recommandations et surtout que vous avez proposé des amendements, surtout au chapitre 5 de la loi, concernant les articles 48, 49, 50 et 51. Advenant que le gouvernement n'amende pas lesdits articles, tel que vous l'avez demandé, et advenant que le projet de loi 22 soit présenté devant l'Assemblée nationale tel que formulé présentement, je vous pose la question suivante: Est-ce que vous préféreriez, si vous aviez à choisir, qu'il n'y ait pas de loi 22 plutôt que d'avoir une loi 22 telle

que celle que nous avons actuellement entre les mains?

M. MONTINI: Oui.

M. ROY: Vous préférez ne pas avoir de loi 22? Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais à mon tour féliciter la Fédération des associations italiennes du Québec pour le mémoire qui nous a été présenté cet après-midi. Je crois que ce mémoire, sans que j'exprime une approbation à tout ce qu'il contient, apporte quand même des éléments très positifs pour les fins de la discussion que nous avons sur le bill 22. Le premier aspect positif que j'y retrouve, c'est une reconnaissance de l'anglais comme langue seconde dans le système français. Je crois qu'en signalant cet aspect, la Fédération des associations italiennes du Québec souligne une préoccupation très pratique de la part de beaucoup de citoyens et de parents du Québec qui se rendent compte qu'il ne suffit pas de faire les autruches et de faire semblant que l'on puisse ignorer l'existence de la langue anglaise même au Québec.

Je pense que la preuve est faite, de façon abondante, de l'utilité, comme l'a dit le chef de l'Opposition — mais moi je dis, de la nécessité — pour les citoyens québécois de langue française ou néo-canadiens d'avoir un usage ou une connaissance très convenable de l'anglais et ceci pour accéder à certains postes de commande et pour réussir dans les carrières qu'ils entreprennent. Par conséquent, sur le plan pratique, je trouve que le fait, pour la Fédération des associations italiennes du Québec, d'avoir souligné cette nécessité de la connaissance de l'anglais pour les citoyens du Québec est un apport positif aux discussions.

Je dois dire aussi que j'ai trouvé un autre point qui m'a impressionné dans le mémoire de la fédération. C'est celui qui se réfère à l'immersion, pendant trois ans, que l'on imposerait aux immigrants qui arriveraient au Québec. Je crois que si la fédération a fait cette suggestion, c'est parce qu'elle se rend compte qu'au Québec nous sommes dans un milieu qui veut, de façon prépondérante, être français et qu'il est temps que le gouvernement l'affirme d'une façon très claire et précise. Je crois qu'en inscrivant cette disposition quant à la fréquentation du système scolaire français par les nouveaux immigrants, l'on a simplement été dans la logique du français prioritaire qui était un des principes posés au départ par la fédération.

Cependant, j'aimerais soulever cette question de l'attachement qu'ont certains pour le libre choix ou le prétendu libre choix de la langue d'enseignement. Je ne connais pas de pays, je ne connais pas d'endroit au monde où il y ait un libre choix pour les parents d'envoyer leurs enfants dans un système scolaire ou un autre et qui n'est pas de leur propre langue. Le Québec est unique à ce point de vue, où des parents de langue française peuvent dire: Nous, nous dirigeons nos enfants vers le système anglais. Je ne vois pas ce qui justifie le maintien du libre choix comme principe ou, du moins, je ne vois pas ce qui le justifie au niveau des principes. Car, à mon sens, il ne s'agit pas d'un principe, il s'agirait, tout au plus, d'une mesure pratique à laquelle le législateur pourrait consentir à certaines conditions. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi la Fédération des associations italiennes se fonde sur ce principe du libre choix comme étant une donnée fondamentale du problème. J'ajouterais à cela qu'il me semble qu'une majorité qui impose un régime linguistique, et spécialement un régime linguistique au point de vue scolaire, ne doit pas seulement l'imposer à des immigrants, mais elle doit se l'imposer à elle-même.

Evidemment, j'exprime des opinions personnelles, je ne lie personne par mes propos aujourd'hui, mais mon avis est que si l'on veut parler d'égalité des citoyens et d'égalité des droits, on ne peut pas décemment faire de distinction entre les droits de la majorité et les droits de ceux qui arrivent au pays. A mon sens, ceux qui arrivent au pays doivent accepter le système juridique du pays. Ceci est incontestable et ils n'ont pas à rouspéter ou à vouloir mettre en cause ce système. Encore faut-il que la majorité accepte ce système, s'y plie et l'adopte comme le sien. C'est la seule justification, à mon sens, sur le plan politique — et je ne me situe pas tellement sur le plan juridique parce qu'on peut très bien dire qu'un immigrant, avant de venir au Québec, n'a aucun droit et, par conséquent, on pourrait le forcer à adopter toutes sortes de systèmes d'éducation différents de la majorité — politiquement parlant, sur un plan d'ordre moral, si la majorité veut imposer des conditions à des nouveaux immigrants, il faut que ce soient ces mêmes conditions, qui s'appliquent à cette majorité, qu'elle est prête à accepter.

C'est à ce point de vue que je ne crois pas à la théorie du libre choix; je ne crois pas à la doctrine ou au dogme du libre choix; je ne crois pas qu'il y ait de tels principes qu'il faille consacrer législativement. Je pense que, si on doit le reconnaître dans une certaine mesure, c'est au plan de la pratique, c'est au plan des usages, c'est au plan du pratico-pratique, c'est-à-dire de la vie politique qui se déroule suivant certaines données. Il faut faire des compromis, à un moment donné, il faut donner des libertés, mais cela ne se justifie pas d'une façon absolue. C'est donc dire, M. le Président, que j'abonderais personnellement dans le sens qui nous est suggéré par la Fédération des associations ita-

liennes à l'effet que l'immersion française est valable pour les Néo-Canadiens qui arriveront au Québec, mais elle est également valable pour les Québécois.

C'est une opinion préliminaire que j'exprime, mais je la sortirais sur le plan pratique de cet aspect sur lequel vous avez insisté, à mon sens, à bon droit, c'est-à-dire la nécessité absolue que l'on enseigne la langue seconde, soit la langue anglaise dans le système francophone et qu'on donne une formation très suffisante dans la langue anglaise. Ceci, à mon sens, me paraît correspondre à des impératifs pratiques.

M. RIZZUTO: M. le Président, si je peux faire un commentaire sur ce que vient de dire M. Choquette, nous n'avons jamais dit que nous devons imposer ou dire quoi faire au gouvernement ou à la majorité du Québec, il n'en a jamais été question. Il ne sera jamais question d'imposer quoi que ce soit et on ne voudrait pas vous dire quoi faire. Comme on fait partie de la société du Québec, on fait des recommandations et je pense que, lorsqu'elles sont bien justifiées et bien étudiées, cela peut être utile avant de prendre des décisions.

Je donne raison à M. Choquette quand il dit qu'un gouvernement ou la majorité peut dire aux gens s'ils doivent aller à l'école française ou anglaise et qu'ils peuvent choisir. Où je ne suis pas d'accord, c'est que le même gouvernement ou la même société se sert de ses droits pour imposer la langue à un groupe et donner les privilèges à un autre groupe.

Nous ne pouvons pas être d'accord. On ne se poserait pas de questions si on passait une loi pour tout le monde. Mais on s'en posera si on dit que tel groupe aura le choix et tel autre groupe ne l'aura pas. C'est justement la question qu'on se pose. On ne dit pas que l'on ne veut pas l'avoir. Pour régler ces points, on dit: II faut avoir le choix comme tout le monde. S'il n'y a pas de choix pour personne, on va se soumettre aux lois, aux autorités et, même si c'est le contraire, on est des gens qui veulent se soumettre aux lois, on veut respecter les lois, mais on veut les juger, nous aussi, à savoir si elles sont bonnes ou non.

M. CHOQUETTE: Mais, M. Rizzuto, c'est dans ce sens que je sais intervenu. Je ne sais pas si vous avez compris ce que j'ai dit. J'ai dit qu'on devait légiférer en fonction de la majorité et que, les Néo-Canadiens et les immigrants, s'ils devaient avoir un régime juridique, que ce régime juridique devrait se rapprocher du régime de la majorité. Vous comprenez ce que je veux dire? Je veux dire que...

M. RIZZUTO: Tout le monde est compris dans cela?

M. CHOQUETTE: Vous avez bien compris ce que je disais?

M. RIZZUTO: Oui, oui.

M. CHOQUETTE: C'est dans le même sens que ce que vous venez de dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...

M. RIZZUTO: Si on parle du projet de loi lui-même, si vous voulez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez, M. Rizzuto.

M. RIZZUTO: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, mais en vertu de l'article 8 de nos règles de pratique, je veux vous faire remarquer que le temps alloué se termine. Est-ce qu'il est du désir de la commission de continuer pour quelques minutes?

M. CHARRON: J'ai deux questions, M. le Président.

M. CLOUTIER: II faudrait, comme d'habitude, s'entendre sur une certaine période. L'Opposition a parlé abondamment, je n'ai pas l'intention de le lui reprocher, bien au contraire. Je crois que dix minutes représenteraient certainement un maximum et qu'à ce moment, M. le Président, il serait juste de conserver cinq minutes pour le parti ministériel si un de mes collègues désirait prendre la parole, alors que le député de Saint-Jacques puisse peut-être tenter de condenser sa pensée dans cinq minutes.

M. MORIN: Est-ce qu'il y a un député gouvernemental qui veut prendre la parole?

M. HARDY: On ne le sait pas, attendez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que dix minutes conviendraient à la commission?

M. CHARRON: Je vais poser mes questions, M. le Président, elles ne sont pas tellement longues. D'ailleurs...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: ... elles partent de la déclaration que vient de faire le ministre de la Justice, je pense que personne ne peut être inattentif à la portée des paroles que vient d'avoir le ministre de la Justice. Je veux bien croire qu'il nous a signalé qu'il parlait comme individu, mais, à cette table, nous devons le considérer comme membre du cabinet, je pense, vous comme moi.

Les affirmations très catégoriques de l'individu Choquette, si vous me permettez l'expression, nous ont quand même éclairés. M. le ministre de la Justice a, une fois pour toutes, je pense, et pour le reste des travaux de la

commission, fait un énoncé qui avait besoin d'être fait aux travaux de cette commission, c'est-à-dire le fait que, lorsque nous discutons de ce libre choix, il est faux d'en parler comme d'un droit acquis pour quiconque, il est faux d'en parler comme un principe, a-t-il même dit, mais nous devons l'aborder comme une mesure pratique, laquelle peut être retirée, comme laquelle peut être étendue.

Il a même dit, si j'ai pris les notes fidèlement: Une mesure pratique à laquelle le législateur pourrait consentir à certaines conditions et à laquelle il ne peut pas consentir aussi si le législateur... Si j'ai bien compris l'intervention du ministre de la Justice, surtout lorsqu'il aborde ce genre de question, le législateur est libre de consentir ou non et, s'il consent, à certaines conditions. C'est une affirmation, je pense, qui est d'importance. Vous en conviendrez avec moi, M. Rizzuto, surtout après les travaux de la semaine dernière où le ministre de l'Education avait peut-être tenu des propos sensiblement différents.

D'ailleurs, un endroit aussi où le ministre de la Justice nous apporte un nouvel éclairage qu'on n'avait pas eu aux travaux de la commission — et je vais vous demander votre avis là-dessus, M. Rizzuto — c'est lorsque le ministre de la Justice affirme — il est le premier, je pense, de la majorité libérale à l'affirmer — qu'il n'est pas question, comme vous le demandez, de faire des classes et que ce qu'on exige des immigrants, comme le Parti québécois le demande dans sa position, on doit également l'exiger de la majorité. Sur ce goût de la certitude que vous avez signalé, en réponse aux questions du chef de l'Opposition, je puis simplement vous signaler que tous les groupes qui ont défilé avant vous, et d'avance, pour avoir lu certains mémoires, je sais que certains groupes qui viendront après vous font aussi expression du même goût de certitude. On a besoin d'une loi qui s'applique pour tout le monde, pour tous les Québécois de quelque origine qu'ils soient et surtout pour ceux qui vont venir comme vous êtes venus nous aider à construire le Québec.

Mais, à cette affirmation du ministre de la Justice, que nous défendons à la table de cette commission, depuis qu'elle siège et depuis que le débat est en cours, je veux vous demander: Quelle serait la réaction de votre groupe à une décision du législateur qui viendrait à retirer cette mesure pratique qu'est le libre choix, depuis la loi 63, et à la retirer à tout le monde, c'est-à-dire en commençant par nous? Ce n'est certes pas notre intention de légiférer à l'encontre de ceux qui vont venir construire le Québec avec nous, mais si les francophones, qui sont majoritaires à cette table, à cette Assemblée et dans le Québec, prenaient la décision d'aller ensemble s'inscrire uniquement dans le réseau d'enseignement français où ils travailleraient d'arrache-pied à perfectionner un enseignement de la langue seconde — ce qui, je vous le signale, est en même temps une cause d'érosion des francophones aussi bien que chez vous d'inscriptions à l'école anglaise — est-ce que cette décision claire, précise, cette certitude qui émanerait de l'Assemblée nationale et qui ne ferait, comme vient de le souhaiter le ministre de la Justice, aucune distinction entre les droits de la majorité et de la minorité, mais qui s'imposerait à tout le monde telle qu'une loi doit le faire, quelle serait la réaction de votre groupe à une décision collective des Québécois — comme vous êtes un Québécois, et vous nous l'avez signalé — si elle devait être prise au cours de la présente session?

M. MONTINI: Je pense que, sans se prononcer sur aucune allégeance politique, on n'a pas de réponse à donner. C'est clair et net. Mais je pense que le problème n'est pas là. On est venu pour construire, parce qu'on croit à un besoin de la langue, mais ce besoin est un peu radical, probablement. Je pense que ce n'est pas à moi de m'engager à ce niveau, en tant que groupe. Je m'engage en tant que Québécois et, pour le moment, j'ai l'impression qu'on a besoin et de l'anglais et du français. Les systèmes actuels qui sont là semblent permettre cela. Je trouve difficile de pouvoir répondre à une question si restrictive qui, à la fois, engagerait autant sans savoir en quoi. A la fois, tantôt, j'avais répondu rapidement: Non, et je tiens à dire pourquoi. C'est parce que cela montrerait une mauvaise foi, M. Roy. Quand je vous dis qu'on serait pour le bill 63, cela démontrerait une mauvaise foi de la part du gouvernement s'il ne voulait pas changer dans le sens positif. On évolue vraiment dans le sens de construire, non pas de briser et de rebâtir. C'est très difficile, briser et rebâtir, alors que je crois davantage qu'on peut construire en y mettant les mêmes éléments que vous avez soulevés tantôt.

M. CHARRON: C'est-à-dire?

M. MONTINI: C'est-à-dire qu'on puisse apprendre l'anglais, qu'on puisse apprendre le français et qu'on puisse à la fois avoir la liberté.

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander si le reste du projet de loi, à l'extérieur des chapitres de la langue d'enseignement, vous apparaît convenable ou, je dirais, profitable au français, tel que dans le préambule, on affirme l'intention du législateur, et il irait donc dans le sens de vos remarques au fait que vous acceptez "que le français est la langue de la majorité: elle est donc la langue prioritaire, et que, à cause des événements historiques, culturels et économiques, sa survie doit être garantie et même favorisée"?

Avez-vous l'impression — c'est ma dernière question — que les autres chapitres que vous

n'avez pas traités dans votre mémoire — mais que vous avez quand même parcourus, parce que vous êtes un Québécois — constituent le maximum de ce que ce gouvernement des Québécois pourrait faire dans le respect des attendus que vous avez déposés aux premières lignes de votre mémoire?

M. MONTINI: Ce dont je suis certain, c'est qu'ils constituent un pas vers...

M. CHARRON: Avez-vous l'impression, vous, que la place que l'anglais continuerait à occuper dans la vie collective des Québécois, à la suite de la loi 22, serait réduite par rapport à la place qu'il occupe déjà actuellement?

M. MONTINI : Pourriez-vous répéter la question?

M. CHARRON: Est-ce que la loi 22 signifie, à vos yeux de Québécois, une restriction quant aux droits, aux acquis, à la situation de force, je dirais, dans certains domaines, qu'occupe l'anglais actuellement dans la vie collective des Québécois?

M. MONTINI: J'ai de la misère à voir où vous voulez en arriver.

M. CHARRON: Est-ce une...

M. CLOUTIER: M. le Président, je sais ce qu'il essaie de vous faire dire.

M. MONTINI: Je le sais, moi aussi. C'est que je ne peux pas répondre à ce que...

UNE VOIX: Soyez prudent.

M. MONTINI: ... vous demandez carrément. Je pense que c'est tout l'esprit contraire à notre démarche, ce que vous demandez. Je crois sérieusement que ma démarche, avec celle de tout le comité, est une démarche qui voulait être positive. La critique, vous l'avez lue dans les journaux. On l'a faite au gouvernement. On a fait de la critique qui pouvait être en soit négative, mais pas le sens négatif, c'est parce qu'on a vu les éléments de rechange, de construction; et en tant que citoyen, moi, j'ai l'impression que je n'ai jamais le droit de critiquer qui que ce soit sans avoir la possibilité de le restructurer. C'est ce que je propose actuellement au gouvernement, puisque j'ai l'impression qu'il y a des pas à faire encore. C'est tout ce dont je suis conscient, parce qu'autrement, faire des pas à moitié où il faut... où tout change surtout, des éléments seconds comme peut-être quelques immigrants. C'est là qu'on ne marcherait plus. C'est injuste. C'est la raison pour laquelle on est venu, pour construire un Québec, mais je crois — et c'est la promesse que j'ai émise — que le projet de loi 22 est un pas vers cette construction.

M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que maintenant que l'Opposition s'est bien enferrée, on pourrait peut-être passer à un autre groupe.

M. RIZZUTO: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question à M. Charron?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. RIZZUTO: M. Charron, en arrivant, j'ai posé la question à tout le monde. Je vous pose la question personnellement. Est-ce que vous croyez qu'on peut obliger tout le monde dans le Québec, à part les anglophones, parce qu'ils ont des droits acquis dans le Québec? Quelle est votre position là-dessus?

M. CHARRON: Je ne crois pas qu'on ait déjà répondu, pas simplement nous, mais bien d'autres également, à la question des droits acquis des anglophones. Il n'y a pas de droits acquis dans le secteur scolaire, pas plus qu'ailleurs, des anglophones au Québec actuellement. Si vous me posez cette question — est-ce que je pars avec un boulet aux pieds — qui s'appellerait les droits acquis des anglophones que j'ai moi-même augmentés... C'est d'ailleurs pourquoi, M. Rizzuto, je peux aborder la question de la langue d'enseignement avec les mêmes principes que vous avez cherchés, c'est-à-dire un goût de certitude, une loi qui s'applique à tout le monde au même endroit. Je ne parle pas de droits acquis à qui que ce soit au départ.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...

M. RIZZUTO: Je m'excuse. Je vais de nouveau poser la question, parce que, quand je parlais d'un article de la semaine passée, justement je voyais un article à votre nom qui disait que vous seriez d'accord que tout le monde doit être obligé d'aller à l'école française, sauf les anglophones, puisqu'ils ont des droits acquis. Probablement, ce sont les journalistes qui ont dû mal prononcer cela ou quelque chose. Je n'y tiens pas de dire que c'est vrai ou que ce n'est pas vrai. Je vous ai posé la question et vous venez de répondre. Je vous remercie.

Comme on n'a plus le temps, je remercie tout le monde de nous avoir donné la possibilité de pouvoir être devant vous et de donner nos points de vue et nos recommandations; j'espère que vous en tiendrez compte.

Comptez sur nous, la seule position qu'on a à la fédération, c'est d'être utiles, d'essayer de travailler pour l'harmonie, pour le bien de tous les Québécois. Quand on pourra être utile, on est à votre disposition. Merci, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, au nom de la commission...

M. MONTINI : Juste un mot à cause de la représentativité. On a reçu un télégramme, avant

de partir, de la Confédération nationale italo-canadienne, qui regroupe 400 associations autour du Canada. Si vous permettez, je vais vous le lire.

Il n'est pas tellement long et il parle exactement au sujet de cette conférence: "L'exécutif national du Congrès national des Italo-Cana-diens, après avoir examiné et discuté le bill 22 proposé par le gouvernement du Québec, juge que le bill est discriminatoire envers certains groupes ethniques, y inclus les Italo-Canadiens résidant au Québec. L'exécutif désire donc donner tout son appui à la position assumée par la Fédération des associations italiennes du Québec dans le but de protéger les droits fondamentaux des Italo-Canadiens du Québec, comme citoyens de ce pays avec des droits identiques à ceux de tous les autres citoyens." Cela était pour la fédération et nous avons à la fois un mandat de bien des citoyens non associés car, dans l'espace de trois jours, on a pu en rencontrer 13,000; si vous vouliez des éléments, on pourrait vous en amener.

Nous vous remercions infiniment de votre attention.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Au nom de la commission, merci infiniment de votre mémoire. J'invite maintenant the Québec Association of Protestant School Boards et son président, M. Douglas Sheldrick, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

M. MORIN: Ce serait pour défendre le droit à la parole du député de Saint-Jean, M. le Président. Je suis sûr qu'il aurait eu quelques questions tout à fait pertinentes et courtes...

M. DEOM: C'est parce que les travaux sont suspendus pour quelques minutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Sheldrick.

The Québec Association of Protestant School Boards

M. SHELDRICK: Honourable members of the Parliamentary committee, may I introduce those who have accompagnied me? On my right, Mr O. Kiar, who is the first vice-president of the Québec Association of Protestant School Boards and chairman of the St. Maurice School Board; Mr Robert Cooling, chairman of the Eastern Québec Regional School Board; Mr Chris Wilson, chairman of the Greater Québec School Board and Mr Don MacCulloch, general secretary of the QAPSB.

LE PRESIDENT (M. Gratton): May I remind you, Sir, that we have 20 minutes for your presentation and another 40 minutes for questions from the members of the commission? Please, go ahead.

M. SHELDRICK: Thank you. Our brief is very short, Mr President, and with your permission, I would like to just go over it. It is less than one page. The Québec Association of Protestant School Boards warmly supports sound approaches to the promotion of the vigor and quality of the French language both in Québec and throughout Canada. After careful examination of bill 22, our member boards share the opinion that its clauses, if enforced, would not accomplish those objectives. They foresee also that its passage would work seriously to the disadvantage of Québec, culturally and economically, and also to the detriment of francophone interest in the other provinces of Canada.

Attention is drawn to the fact that, with due consideration for the two main founding races, Canada as a nation has, by federal law democratically adopted, two official languages, English and French. In response to this legislation, this association in Québec and similar organizations in other provinces have been faithfully and successfully promoting bilinguality. The school boards represented by this association have been, particularly successful in this matter.

Actions projected by bill 22 are in direct violation of this federal law. Moreover, clauses almost everywhere throughout bill 22 infringe the basic rights of every individual person residing in Québec, as now universally accepted by the free world.

Under these circumstances, the Québec Association of Protestant School Boards has no alternative but to request the withdrawal of bill 22.

To add to our brief, I would like to make a few comments which will explain the rational for our particular approach. I should say that we represent some 35 protestant school boards in the province and our policy is bilingualism, as we have said.

I would like to point out that in the national theatre, when we attend the Canadian School Trustees Association meetings, or when we meet with the directors from the equivalent associations from other provinces, we make it our business to interpret the requirements of the francophones in Quebec and to give them an understanding of what happens in this province in a way that they otherwise would not get. We have found them receptive and we have found a continual improvement in provinces across Canada, notably in Ontario, in Alberta, in Manitoba and in other provinces as well.

We do not propose to debate this bill clause by clause, since it does not fulfill, in our opinion, its alleged purpose. As a matter of fact, some of our component boards will be presenting briefs to you independently and some of them, although they are not dealing with the bill clause by clause, will perhaps go into deeper detail as to the reasons why they find the bill unsatisfactory.

But we would like to say that we feel the

effective way of strengthening French can be accomplished by positive steps, not by the negative steps of denigrating English. These positive steps we would see as being: the improvement of the teaching of French in all of the schools; improvement of the teachers of French, and steps to bring understanding and increase sympathy between the two founding races; an impartiality in the teaching of history, far-sighted funding in support of all these aims, and finally, encouraging immigrant children to achieve bilinguality in the same manner as for any other citizen.

Sometimes I wonder whether it is generally realized that English-speaking people in Quebec entertain nothing but aspirations for the welfare and the progress of all of Quebec, socially, economically and culturally, but to do that in an ambiance of equality for all of our citizens. We see no purpose in creating an adversary situation. We have tried to cooperate in every way possible in the furtherance of bilinguality and we think we have been reasonably successful. I would like to point out too that in this province of Québec, there are said to be something like — and I do not think it is less than this figure — 1,300,000 people who have chosen English as their primary tongue. And these come from all sorts of ethnic groups, not only people of the Anglo-Saxon race, but the Italian, the Greek, the Ukrainian, the Chinese and ever so many other types of ethnic groups. These are what make up the anglophones of Québec. And in fact, we are the fourth largest English-speaking province in Canada.

Now, these people have contributed and will contribute tremendously to the future welfare of this province, but to live and do their business and to make the contribution that they would like to continue making, they will need equal freedom for English as for French.

This is the appeal that would like to make. We feel that the role of government is a protective body for the rights of all the people, not just those who happen to be in the majority, nor any one part, and we think too that there are greater things at stake here than merely the future of Québec, because there is the future of Canada. And Canada, you must recognize, stands internationally as one of the leading nations in the world. They have a tremendous respect when we send our forces abroad, they go for peace-keeping. We assist under-developed countries. We stand for freedom of all, including the immigrants. That is something to be treasured and something that the world values very highly. So, anything that threatens the unity of this country is very much to be worried about. That is why we feel so strongly that this bill must be withdrawn.

We find that in Europe, there are several countries which have several languages, all of which flourish side by side. We think that the French language has done very weel in Québec for 300 years. We are proud to live with francophones as neighbours. We find this a dynamic province in which to live, but we think that some of that can be lost and perhaps a great deal of it can be lost, if we lose sight of this overall basic principle of liberty as generally accepted by the free world today.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you. J'invite maintenant le ministre de l'Education à commencer la période de questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Québec Association of Protestant School Boards, plus particulièrement le colonel Shel-drick. Je l'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et j'ai constaté qu'il mettait beaucoup d'émotion dans sa présentation. Je me demande si on a vraiment, au sein de cette association, évalué le projet de loi 22 tel qu'il est. Je dois avouer que je suis un peu surpris parce que je ne crois pas que cette loi représente une initiative radicale au point de justifier — je sais que le colonel Sheldrick comprend le français pour avoir parlé souvent avec lui — des réactions.

Are you following me, most of you? Well, I have always spoken French to Colonel Sheldrick. I am a bit surprised, gentlemen, to hear your brief and I heard it with great sympathy. I feel that bill 22 is only aiming at a reasonable solution here in Québec and I wonder if — and please do take my statement in the same spirit that I make it — you do not have a certain tendency to overdramatize the situation. I will only ask two questions. My first question refers to the statement where you say: "Actions projected by bill 22 are in direct violation of this federal law". You are referring most likely to the Law on official languages. I do not think that such a statement can be made unless you can prove that you are right. It is my duty to ask you: How is bill 22 coming in violation with the federal law? Which articles are in violation with the federal law? Because it is the assumption of the government that it is not in violation with the federal law and, if it is in in violation with the federal law, the government is certainly prepared to correct it. Because the government does not wish to be in violation with the federal law. I believe this is clear. So, I made my statement, if it is in violation, we will change it. So, on what article do you think it is in violation?

My second question is: You say: "Moreover, clauses almost everywhere throughout bill 22 infringe the basic rights of every individual person residing in Quebec as now universally accepted by the free world". This is a very important statement indeed, because this is not what the government wants to do. So, if we are doing this, please would you point out in the

bill where the individual rights are infringed upon? Actually, we do not wish to infringe upon any individual rights and if you have heard some of the groups who came here before the commission, we are precisely accused of protecting the rights of the English-speaking here in Quebec. So, this is a rather strange situation. On the one hand, there are groups who say that not only we are not infringing on individual rights, but we are protecting individual rights to too great an extent, and on the other hand, we have groups who consider exactly the reverse. So, it is absolutely necessary for me to get answers on those two points. What are the articles in this bill who are violating the federal law and where are the articles who are infringing on individual rights?

M. SHELDRICK: Honorable Minister, I would say that when there are two official languages, that makes two languages of equal rights in the country and steps are being made to correct the situation where that is not the case and when you legislate a situation which puts English into a secondary category in Quebec, I find that inconsistant.

M. CLOUTIER: I am sorry, Mr President, if I may interrupt. I am sure that you have read the federal law. The federal law applies to federal institutions, which means that what we are doing in Québec is perfectly compatible with the linguistic policies of the federal government.

For instance, Saskatchewan has made English its official language. This does not prevent Saskatchewan from taking all steps in order to protect its minorities. New Brunswick, where you have a different mixed up population, 40 p.c. of French-speaking, 60 p.c. of English-speaking, has chosen to make two official languages, French and English. Ontario has indicated clearly that English was the official language. But again, its French minority is receiving decent treatment. Nothing, nothing — and this is the assumption of the government, if you can prove that we are wrong, we are going to correct our approach — prevent Québec from making French the official language while giving to its English-speaking citizens their rights.

M. SHELDRICK: Well, we look in Québec as being similar to any other province in Canada; here we have two founding races, it is true, we have two founding races in other provinces as well. All of these citizens should have equal rights. Now, answering your second question, treating particularly not of the education field but let us select the field of the professions...

M. CHOQUETTE: If you permit an interruption, you have more rights in Québec then are possessed elsewhere. Take before the courts, for example. The French and English languages remain before the courts. Taking the National Assembly, the French and English languages remain. But in the other provinces, the French language has no status whatsoever before the courts, except the federal courts. So, you have more rights in Québec than you have elsewhere.

M. SHELDRICK: It is not my purpose. As I said in the initial point, I am not a lawyer and I do not propose to pretend to be able to answer to your legal arguments in detail. It is general philosophy that I can give you and the feeling of the community which I represent. And the point that I wanted to make was that, taking the professions for instance, it seems to me that your bill sets up a situation which favors... For instance, take among engineers, which is a field with which I am entirely familiar. If a man wants to go out to do business as a consulting engineer, he must be able to show a complete fluency in French before he can even try to get business. As I read the law, he could remain in his office as long as he did not go out to talk to a customer. Now, does that allow equally quality for two citizens, an anglophone and a francophone, when one can go out and get business and the other cannot? Maybe they have been operating in the province for the last 15, 20 or 25 years; suddenly one finds that he is excluded from his profession. Not to me; it is not equality.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je remercie l'Association québécoise des commissions scolaires protestantes de nous avoir apporté ce court et catégorique mémoire. Le chef de l'Opposition aura d'ailleurs quelques questions sur certaines affirmations contenues dans votre mémoire. Moi, j'aimerais prendre avec vous, puisque vous êtes des dirigeants scolaires, le chapitre de la langue d'enseignement dans le projet de loi, sur lequel vous ne vous étendez pas aussi longuement qu'on l'aurait pensé de la part d'une association aussi importante que la vôtre. Je croyais que les remarques — je pouvais même deviner les oppositions que vous aviez au projet de loi 22, si je devais me fier aux précédents témoignages anglophones — vous auraient amenés, comme administrateurs scolaires, à critiquer d'une façon plus sévère ou plus sérieuse les dispositions du chapitre V que ne l'ont fait les anglophones qui vous ont précédés à la commission. Peu importe, vous avez choisi de vous en tenir aux généralités, c'est donc mon devoir d'aller dans les détails.

Actuellement, sous l'empire de la loi 63, comment les commissions scolaires protestan-

tes opèrent-elles lorsqu'il s'agit de recruter des étudiants? Existe-t-il actuellement, au sein de vos associations, des critères d'admissibilité aux classes anglaises pour qui que ce soit? Est-ce qu'il existe des tests d'aptitude pédagogique? Est-ce qu'il existe des catégories spéciales où un étudiant, qui n'aurait pas la connaissance d'usage de la langue anglaise qui prédomine dans le secteur protestant de l'éducation au Québec, serait placé dans un groupe spécial où il devrait subir des contraintes pédagogiques différentes, soit des heures de rattrapage de cours ou quoi que ce soit? Quel est le tableau actuel, lorsqu'il s'agit pour vous d'accueillir des étudiants qui ne sont pas de langue maternelle anglaise dans les écoles protestantes du Québec?

M. SHELDRICK: I will ask Mr Kiar to reply.

M. KIAR: Under bill 63, parents have the right to choose the language of instruction for their children. Be there Roman Catholics, be there English-speaking, be there Protestants, be there French-speaking, be there Italians, they have the right to choose the language instruction for their children. When a parent chooses to send a child to a Protestant school where the language of instruction is English and that child, who is going to attend that school, has a mother tongue which is French or Italian, that child is brought into the school with the understanding that, after a trial period, we do not rely on subjective test, we rely on the objective test of, how do you say it in French, "le pratique". We practically test that child for a month, possibly two months, in the classroom. After that period of time, the ability of that child to be absorbed at that level in our school system has been determined. At that time, the question is discussed with the parents involved, and the child is placed in a level where he can manage to take his instruction in the English language.

M. CHARRON: Si l'enfant est en première année, vous ne pouvez quand même pas le descendre de niveau. Il est à la première année. Est-ce qu'il y a des classes spéciales actuellement dans vos commissions scolaires?

M. KIAK: Malheureusement, le gouvernement n'a pas jugé approprié de nous passer l'argent nécessaire pour couvrir complètement ces possibilités. En effet, nous sommes obligés de créer des classes spéciales pour nos enfants, tout en demandant quelquefois des efforts supplémentaires de la part de nos enseignants. Il faut dire que nos enseignants sont assez enthousiastes dans ce sens-là, nous avons une coopération étroite. Dans certaines circonstances, dans les écoles plus grandes —donc, il faut se rendre compte que notre population anglaise est dispersée sensiblement partout dans la province, nos écoles sont plutôt petites — mais dans le cas où nous avons des écoles assez grandes, nous avons réussi à créer des classes spéciales pour enseigner l'anglais, pour permettre à des enfants qui entrent dans notre système, qui ont une langue maternelle autre que l'anglais, d'apprendre l'anglais suffisamment pour entrer à leur niveau, lorsqu'ils ont laissé une école française.

M. CHARRON: Ceci veut dire que certaines commissions scolaires ont pris l'initiative de faire de l'immersion rapide en langue anglaise, pour que l'étudiant puisse rattraper le niveau normal où il doit se trouver à son âge?

M. KIAR: II faut dire premièrement que ce n'est pas un processus rapide. Apprendre une deuxième langue n'est jamais rapide. Donc, cela peut durer un an, peut-être deux ans, selon les aptitudes de l'enfant en question. Il y en a qui vont apprendre très vite et d'autres qui seront plus lents à apprendre la langue anglaise. Je veux souligner en plus, avant que la question ne soit posée, que nous ne recrutons pas des élèves de langue française, de langue italienne ou d'autres langues.

Si les parents ont fait le choix, nous attendons les demandes de ces parents.

M. CHARRON: Vous voulez dire que vous ne faites pas de publicité ni de panneaux-réclame pour aller...

M. KIAR: Aucune publicité.

M. CHARRON: Je comprends. Je pense que cela se fait déjà assez facilement d'ailleurs avec la bénédiction du gouvernement. Mais je veux vous demander si le processus que vous m'avez défini est effectivement étendu à l'ensemble des commissions scolaires protestantes, si c'est la même chose partout qui est suivie, c'est-à-dire que c'est après avoir vérifié l'aptitude pédagogique, pour reprendre un mot du gouvernement, d'un étudiant que vous décidez à quel niveau vous devez l'inscrire. Est-ce qu'il arrive souvent que vous refusez des étudiants?

M. KIAR: Cela est déjà arrivé. Pas souvent, je le suppose. Dans notre école, cela n'est pas arrivé souvent.

M. CHARRON: Non, parce que les commissions scolaires ont évidemment un avantage matériel à avoir un plus grand nombre d'étudiants, il va sans dire.

M. KIAR: Evidemment.

M. CHARRON: Suivant les normes du ministère, il est avantageux pour une commission protestante d'avoir plus d'étudiants, parce qu'elle va recevoir plus du ministère, c'est bien sûr.

M. KIAR: Evidemment, dans une petite école de 200 élèves, à partir de la maternelle jusqu'au secondaire V, vous avez un problème énorme. Mais nous réussissons à en venir à bout.

M. CHARRON: Si on regarde ensemble le chapitre de la langue d'enseignement tel que proposé alors que la mesure pratique et le libre choix ont été reconnus dans le chapitre V, je voudrais vous demander en quoi ce qui est au chapitre V diffère de la situation actuelle. Car, comme je le vois, et je vous demande si c'est votre façon de le voir, on dit à l'article 50: "It is the function of each school board, regional school board and corporation of trustees to determine to what class, group or course any pupil may be assigned, having regard to his aptitudes in the language of instruction". Est-ce que ce n'est pas déjà ce qui existe actuellement, ce que vous venez de m'expliquer, à savoir qu'il appartient à chaque commission scolaire, commissions scolaires régionales comme les vôtres, corporations de syndics — je ne sais pas si vous en regroupez — de déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un élève peut être intégré, eu égard à ses aptitudes dans la langue d'enseignement?

Je veux dire que, pour un parent francophone, demain matin, qui voudra vous emmener son enfant ou un Italien qui voudrait vous emmener ses enfants, vous aurez encore la même responsabilité, une fois qu'il aura fait son choix, que celle que vous avez actuellement. L'empire de la loi 63 et la façon de procéder depuis qu'on vit sous la loi 63 ne sont aucunement changés.

Quand on dit, à l'article 49, que les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue, c'est un principe, mais il n'y a aucune modalité d'affirmée, il n'est aucunement question que vous soyez obligés d'imposer un test quelconque, il n'est aucunement question que vous puissiez agir avec d'autres critères que ceux avec lesquels vous avez traditionnellement agi, c'est-à-dire que c'est à vous de juger le degré de connaissance suffisante et d'établir le niveau où l'enfant doit aller, exactement comme actuellement.

La seule disposition nouvelle, c'est la discrétion que le tout-puissant ministre se garde, à l'article 51, dans le cas où cela irait très mal, d'intervenir et d'imposer des tests, mais il n'est pas dit... On dit: Peut, cependant, imposer des tests, conformément aux règlements, que personne d'ailleurs connaît encore aujourd'hui et que le ministre ne veut pas nous révéler. Vous pouvez bien voir qu'on ne peut pas considérer l'article 51 comme une restriction fantastique au statu quo actuel qui est répété aux articles 48, 49 et 50.

J'ai eu des discussions...

M. BONNIER: Votre question est intéressante, mais j'ai l'impression que vous répondez à votre question en même temps.

M. CHARRON: Oui.

M. BONNIER: Est-ce qu'on pourrait avoir la réaction...

M. CHARRON: Bien sûr. J'étais à dire, pour que vous me répondiez, que la semaine dernière, on a eu des témognages d'anglophones un peu cabrés, si vous voulez.

Je pense, comme on a eu l'occasion de le démontrer, qu'ils invoquaient des statistiques ou des droits acquis présupposés qui, en fait, n'existaient nulle part excepté dans leur esprit. Vous-mêmes, d'ailleurs, ce midi, vous n'avez pas péché par modestie quand M. Sheldrick a affirmé qu'il y avait au Québec 1,300,000 anglophones. Je pense qui si on se base, tout le monde, sur le même recensement, il y en a 789,000 dont c'est la langue maternelle. Il n'y en a que 946,000 qui disent que c'est une langue d'usage. Je pense que vous avez l'extrapolation facile. Je comprends, parce que cela apporte des revenus aux commissions scolaires.

Mais je voudrais vous demander si mon interprétation des articles 48, 49 et 50 diffère de la vôtre. En quel endroit avez-vous une contrainte? Vous a-t-on retiré des droits, imposé des contraintes, vous a-t-on manqué de respect ou quoi encore, dans ce chapitre qui répète, à notre avis, je vous l'ai dit, la loi 63?

M. KIAR: Je veux répéter ce que M. Sheldrick a dit tout à l'heure. Ce n'était pas notre intention de venir ici aujourd'hui discuter les articles un par un. Notre approche était simplement une approche globale, et je pense que le groupe qui est passé avant nous cet après-midi a très bien expliqué la position que nous appuyons. La loi 22 crée une situation en triangle. En effet, vous avez trois sortes de citoyens dans la province. Notre principe, le principe que nous appuyons, c'est celui des deux langues dans notre pays et dans notre province, la langue anglaise et la langue française. Nous insistons, comme le dit notre mémoire, pour que ce principe soit applicable aux trois catégories de citoyens, les immigrants, nouveaux et anciens, les anglophones, les francophones.

M. CHARRON: Ecoutez, je ne peux pas vous blâmer de ne pas répondre à ma question et de vouloir vous en tenir aux clauses générales, excepté que vous êtes peut-être le groupe d'administrateurs scolaires, du côté anglais, le plus protestant que nous aurons jamais à cette table. Je pense que ce qui est le plus intéressant pour les membres de la commission, c'est de vérifier votre appréciation des articles 48, 49 et 50. Ou alors, je dois considérer que votre refus de répondre équivaut à me donner raison. Mais c'est très important pour nous de le savoir, parce qu'il y a encore une liste considérable de groupes anglophones qui vont venir nous dire que la liberté de choix leur est arrachée, que c'est un droit acquis qui leur est en-

levé, même si ce n'est qu'une mesure pratique; comme disait le ministre de la Justice, on va continuer à nous dire que c'est un droit acquis, que c'est un principe fondamental des sociétés humaines. Je pense que le groupe le plus apte à nous donner une véritable version dans l'application pratique, parce que c'est vous qui allez voir à l'appliquer cette loi, si elle est jamais votée par entêtement par le gouvernement, ces articles 48, 49, 50, est-ce que cela change quelque chose dans votre façon habituelle, je dirais, et numériquement prouvée d'assimiler des francophones dans vos écoles et d'assimiler des immigrants? Après cette question, je n'en ai plus, parce que l'essentiel de votre mémoire, par la suite, vient de prendre un sérieux coup de barre.

M. SHELDRICK: Mr President, I think that clause 50 has to be read after reading 49, which says that "Pupils must have a sufficient knowledge of the language of instruction to receive their instruction in that language. "Pupils who do not have a sufficient knowledge of any of the languages of instruction must receive their instruction in French".

Now, this is a denial of human rights, because the parents of the child may want to have the instruction in English. It is for them to choose. That is why that particular part of bill 63 was a good fair law. This denies that. That is what this amounts to. It then goes on in clause 50 and says that it is the function of each school board, regional school board...

M. CHARRON: Comme actuellement, M. Sheldrick, comme actuellement, comme vous le faites aujourd'hui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. CHARRON: Attendez. On peut, peut-être, avoir une réponse. Est-ce que je dois considérer la réponse que vous venez de donner comme étant votre appréciation des articles 48, 49 et 50? C'est très important. Il n'y aura pas de groupe plus important que le vôtre pour nous éclairer là-dessus.

M. SHELDRICK: As I have said at the outset, Mr Chairman, I do not propose to take each clause of this bill, here and now, and go through it. I do not think that this is the place for that sort of thing.

M. CHARRON: Très bien.

M. SHELDRICK: We have expressed our point of view. He have expressed it in a broad sense, in the Québec sense, in the national sense and that is the prupose of our group coming here today to do that. I did not propose to take clause by clause, to criticize the bill. I do not think either you or we have the time to do that in the light of the attitude which we find ourselves and with relations to this bill. I want to emphasize again that we are very sympathetic with the future of Quebec. I feel that Anglophones of various ethnic groups have contributed immesurably to the growth of this province. I do not think that we take second place to anyone and we feel at home here, we are part of it and we want to remain so and we find it a very difficult thing said and to be told that our language is in the second or third or some other place. That is the whole situation and I think that we have said all I need to say, Mr Chairman.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: J'aurais environ trois questions à poser à nos interlocuteurs. Ma première question est la suivante. Vous dites dans votre mémoire, et je cite le deuxième paragraphe, de la version française: "Le fait que le Canada, en tant que nation et en vertu d'une loi fédérale adoptée selon le processus démocratique, a deux langues officielles, l'anglais et le français, doit rester présent à l'esprit. En réponse à cette législation, cette association québécoise et des organisations identiques dans d'autres provinces et en toute bonne foi, et avec succès, ont promu le bilinguisme".

J'aimerais avoir quelques exemples, à un certain moment, des efforts que vous avez faits, non pas que j'ai des doutes à l'esprit, mais j'aimerais que cela soit précisé à l'intention des membres de la commission, de l'effort qui aurait été fait par votre association en vue de promouvoir le bilinguisme, particulièrement au Québec.

M. KIAR: Dans le milieu francophone, il y a des bilingues et il y en a qui sont unilingues. Dans le milieu anglophone, il y a des bilingues et des unilingues. Vous avez en avant de vous des ministres de notre gouvernement provincial qui sont bilingues. Il y en a d'autres qui ne sont pas bilingues. Je suppose qu'une des raisons pour lesquelles les ministres ont été nommés est en partie parce qu'ils étaient bilingues. C'était utile parce que, évidemment, malgré ceux qui rient en arrière de moi, il faut absolument que ces personnes fassent affaires avec les Etats-Unis et le reste du monde.

Nous croyons que le système d'éducation d'une province comme la nôtre est le plus bel outil pour faire avancer le principe du bilinguisme. Vous avez en avant de vous cinq personnes de la communauté anglophone. Sur les cinq, il y en a trois qui sont bilingues ou habiles comme moi — je ne parle pas parfaitement le français — à parler l'anglais et le français. Il y en a un parmi les cinq qui est habile dans une troisième langue. Donc, il me semble que le problème du bilinguisme devrait être résolu, premièrement. Deuxièmement,

dans nos écoles provinciales, nous avons fait un effort extrêmement louable pour faire avancer ce principe.

Il faut dire, comme le groupe qui nous a précédés cet après-midi, que du doté francophone, les efforts laissent à désirer. Nous croyons aussi que, si des efforts ne sont pas mis du côté francophone, ce sont les francophones qui en souffriront simplement parce que, comme cela a déjà été dit, nous demeurons dans un milieu de 210 millions d'anglophones.

La question que le français devra être la langue principale dans la province, nous ne la combattrons pas du tout. Nous sommes d'accord. Mais nous insistons sur le fait que la langue anglaise soit à un niveau égal à la langue française.

M. ROY: Vous m'avez répondu, si j'ai bien compris, de l'effort qui a été fait du côté francophone en vue de promouvoir le bilinguisme. Ma question n'était pas sur la question du principe. Je voulais savoir ce que votre association avait fait pour promouvoir la cause du bilinguisme dans vos écoles à vous autres. J'aimerais qu'on me donne quelques exemples. Par exemple, je vais me permettre de préciser davantage ma question. Est-ce que dans toutes les écoles affiliées, situées au Québec présentement, il y a des cours de français qui se donnent à tous les niveaux, au niveau primaire, au niveau secondaire et aux niveaux supérieurs, même dans les parties les plus unilingues anglophones? Est-ce qu'il y en a partout?

M. KIAR: A ma connaissance, toutes nos écoles protestantes enseignant le français à partir du premier niveau élémentaire. Parfois, nous commençons à la maternelle. Etant un produit de notre système, il démontre un peu la réussite que nous avons eue.

M. ROY: Pour enseigner le français, est-ce que vous avez des professeurs francophones à votre service?

M. KIAR: Dans mon école, chez nous, nous avons un professeur catholique francophone qui enseigne le français au secondaire. Le professeur à l'élémentaire, une femme, est francophone. Elle commence l'enseignement du français au premier niveau de l'élémentaire jusqu'au secondaire.

M. ROY: Je vais peut-être un peu dans les détails, mais je pense que c'est quand même assez important. Comme vient de le dire celui qui a parlé avant moi, vous êtes l'association la plus représentative en quelque sorte pour nous donner le maximum d'informations de ce côté. Vous dites que, dans votre école, vous avez un professeur francophone pour enseigner la langue française, mais est-ce que vous pourriez me dire, dans l'ensemble, combien de professeurs francophones vous avez dans votre réseau d'écoles, dans les écoles qui vous sont affiliées?

M. KIAR: Celles qui concernent le secteur de la Mauricie, nous avons un total de 4.5 professeurs de français qui enseignent tous les jours, une heure par classe, le français, à tous les niveaux; à l'élémentaire, c'est un peu moins. C'est pour un total d'environ 800 élèves.

M. ROY: Pour un total de 800 élèves, mais dans le Québec?

M. KIAR: Pardon?

M. ROY: Dans le Québec, vous parlez d'un secteur de 800 élèves, mais dans l'ensemble?

M. KIAR: Je n'ai aucune...

M. ROY: Dans l'ensemble des écoles qui vous sont affiliées. Vous m'avez donné la réponse, à l'aide d'un pourcentage?

M. KIAR: Je crois que nos écoles, dans la Mauricie, sont égales aux autres écoles protestantes dans le reste de la province. Même dans certaines écoles, nous avons des classes d'immersion complète en français pour deux ou trois ans consécutifs.

M. ROY: Croyez-vous que ce pourcentage de 4.5 peut vous donner satisfaction? Est-ce que cela donne satisfaction? Est-ce que cela répond aux objectifs?

M. KIAR: Non, si le gouvernement pouvait nous donner encore de l'argent, on ferait encore plus d'efforts.

M. MACCULLOCH: Si vous me permettez, je peux vous donner un chiffre assez intéressant. A la commission scolaire de l'agglomération de Montréal, qui a à peu près 55 p.c. de tous les élèves protestants dans la province de Québec, 27 p.c. de leurs instituteurs sont de langue maternelle française. Ce sont tous les chiffres pertinents que nous avons actuellement.

M. ROY: Mais au niveau des écoles protestantes, vous avez également des écoles protestantes francophones complètes qui vous sont affiliées.

Ce dont je veux parler, c'est du secteur anglophone. Par exemple, dans mon comté, il y a une école francophone protestante qui probablement vous est affiliée, au Québec Protestant School Board — de toute façon, elle doit vous être affiliée en définitive — mais c'est francophone à 90 p.c, près de 95 p.c. Il est évident que la moyenne peut changer, mais ce que je veux savoir, pour le bénéfice des membres de la commission, dans le secteur anglophone plus particulièrement, j'aimerais avoir les chiffres précis dans le secteur anglophone uniquement.

M. SHELDRICK: May I just throw on something here on this question of what we are doing in teaching French in Greater Montreal? We have about four different alternative types of methods. We have, what we call, French immersion and kindergarten one, two and three. We have immersion in grade seven following on the normal old fashion program and we have the 40 p.c. of subjects in High School taken in French and we have no doubt whatsoever that we are going to be turning out and are turning out already students who are going to be able to be bilingual in this province. We have about three elementary schools and have had them for years, dispensing language education completely in French. We now have a French High School for the Protestant francophones.

M. ROY: Dans les cours que vous donnez en langue française, je pense bien que, pour voir quelle peut être l'efficacité précise à la fin du niveau secondaire... Est-ce que vous avez des chiffres pour nous dire quel est le pourcentage des étudiants qui terminent leur cours secondaire dans vos écoles et qui sont bilingues? J'aimerais que le monsieur, à la droite de M. le Président, réponde s'il vous plaît.

M. SHELDRICK: I find it is very difficult to give you a precise answer on that. I know that, as far back as the fifties, students, who are graduating from the High School in my community, are able to have what you might call a working knowledge of French. But I am sure that a very high proportion of our students today are coming out with much better than what you call a working knowledge of French. You know, you cannot take other subjects in French and learn them unless you are able to absorb the language, and when you have High School students doing 40 p.c. of their subjects in French, they are certainly going to become bilingual, except for those who just do not have the mental capacity. I cannot give you a precise figure on that and we do not even yet know which of the some three or four different methods which we are using is the best. All of these are still under evaluation and will be for years until we know which is the best approach to bilinguality. We are very concerned with the whole area of education as regard even in the pre-school child.

M. ROY: Est-ce que vos écoles, actuellement, bénéficient de subventions accordées par le gouvernement fédéral dans le cadre des grands programmes de bilinguisme canadien?

M. KIAR: Nous savons que l'argent a été reçu par la province, mais répondre d'une façon définie à votre question, c'est impossible, parce que toute subvention passe par l'entremise du ministère de l'Education, que ce soit l'argent du fédéral ou du provincial. Nous ne le savons pas.

M. ROY: J'aimerais quand même avoir des précisions de ce côté. M. le Président, deux autres courtes questions. Il y en a une qui m'inquiète d'une façon un peu spéciale. Dans votre premier paragraphe, vous dites: Elle prévoit aussi — en parlant de votre association et en parlant de la loi 22 — que son adoption irait sérieusement à l'encontre des intérêts culturels et économiques du Québec et se ferait au détriment des francophones des autres provinces. Quand vous dites que cela pourrait se faire au détriment des francophones des autres provinces, j'aimerais que vous me donniez des précisions à ce sujet.

M. SHELDRICK: As you can imagine, we just came back about ten days ago from Vancouver where they were having the annual meeting of the Canadian School Trustees' Association and bill 22 has caused a fury all across this country.

One of the men came to me from one of the other provinces with a resolution and he said: What do you think? Do you think we should put this forward? He said: We are very, very concerned. Just as we are beginning to make progress and getting bilinguality and treating our francophone minority properly, Québec comes up with bill 22. I read his resolution and I said: Well, it says; you express grave concern and you tell me that you are not trying to get this into the political arena because I said this is the last time you want that into the political arena in Canada just before a federal election. I said: I cannot see anything wrong with your expressing grave concern, if you want to bring it to the floor. It came to the floor of that meeting and it was debated at great length and I, as a director from Québec, had to get up and tell them to cool it. Because I said: When we left Québec, we have not even finished reading bill 22, we do not know the full significance of it. We intend to study it. We are going to do our homework, as we always do and we will deal with our problems in our home province first; before you get all excited. And so they withdrew that resolution after due debate because of the action largely that we took from Québec. So, you have really stirred up a good deal of worry.

I had a call from the radio station in Vancouver, from CBM out there and they wanted to talk to... they had a call in from Mme Lavoie-Roux, the chairman of the CECM in Montréal or for me. Unfortunately, the whole FCSCQ is not a member of the Canadian School Trustees' Association, much to our regret. So, I was the only one, I called back to the station and asked her what it was she wanted. She said she wanted someone who could speak in French to the people in

BC who wanted to hear what we were doing in teaching French in the province of Québec. I immediately arranged that Mr Cooling, who sits over here, should go to the station, and he did, and spoke to them among that subject.

This is the kind of thing that bill 22 has stirred up in the rest of Canada and we were, in that particular association, with a thousand delegates present visitors and guests, able to get them to cool it.

M. CHARRON: Vous auriez pu, M. Sheldrick, pour calmer la population de Vancouver, où vous étiez, lire les articles 48, 49, 50, leur dire que ça ne changeait rien au statut de la minorité et les inciter à faire la même chose, peut-être, en français, aux gens de la Colombie-Britannique. Vous auriez pu leur dire qu'il n'y a pas une minorité au Canada, même sous la loi 22, en vertu des articles 48, 49 et 50, qui, sur le plan scolaire, sera mieux traitée que la vôtre.

M. ROY: La dernière question, puisque vous demandez dans le dernier paragraphe le retrait du projet de loi 22 — ce que j'ai demandé, probablement pas pour les mêmes raisons — j'aimerais savoir si le gouvernement, à la suite du retrait de son projet de loi 22, éventuellement, si le gouvernement acquiesçait à votre demande, s'il allait plus loin et retirait le bill 63, quelle serait votre position face au retrait du bill 63 qui a été adopté, si ma mémoire est bonne en 1969?

M. SHELDRICK: The big thing about bill 63, if it is desirable, is that it gives to parents the rights which, up to that point, were vested in school boards. Now, when school boards behave themselves and give parents the rights that they should have, there is no problem. But bill 63, in that particular respect, was really a good thing because it guaranteed to the parent and if there was some intransigent school boards somewhere which was not doing justice to these parents, then, that law, in that respect, guaranteed that right. There are other clauses, however, in bill 63 and in regulation 6, particularly, with which we did not agree.

M. ROY: Dois-je comprendre que vous seriez contre son retrait?

M. SHELDRICK: You are asking if our association is against the withdrawal of bill 63, is that the question? To the extent that it takes away the rights of the parent, I think we would be.

But to the extent that it corrects other faults which are in it, we would not be.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Monsieur...

M. SHELDRICK: That is a crazy kind of an answer, but that is the only way I can answer the question.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Monsieur, j'aimerais vous faire remarquer qu'il nous reste à peine sept ou huit minutes pour compléter l'audition de ce groupe et j'ai reconnu le député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, il me reste sept minutes, si je comprends bien.

M. MORIN: M. le Président, je me suis également inscrit sur votre liste et j'imagine que j'aurai tout le temps nécessaire pour interroger les témoins car j'ai moi aussi des questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si c'est le désir de la commission, parce que j'ai plusieurs noms d'inscrits actuellement. On va commencer par l'honorable député de Laporte.

M. ROY: Moi, je suis prêt à donner mon consentement, M. le Président, qu'on permette...

LE PRESIDENT (M. Gratton).: L'honorable député de Laporte.

M. ROY: ... de poser des questions jugées importantes et qu'on prenne le temps de discuter. Je comprends que le député de Terrebonne puisse être pressé...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: M. le Président, ce serait bon que le député sache que j'ai l'intention de poser des questions, parce que s'il prend entièrement les sept minutes, il serait mal venu par la suite de me priver de mon droit de parole.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je vous ferai remarquer que je minute aussi bien que possible, je répartis le temps aussi équita-blement que possible, tel que le veut le règlement et je pense que, si on s'éternise dans un débat de procédure présentement, nous aurons écoulé le temps et même le député de Laporte n'aura pas le temps de poser ses questions. Je le prie de le faire immédiatement.

M. DEOM: Je vais faire vite, M. le Président. Deux questions. Mr Sheldrick, referring to when you talked about the dynamism of the Québec society, in your estimation, which situation would most favor the dynamism of Québec society, the maintenance of the status quo which you are proposing, I understand, for the bill 22? And as a subquestion: In your estimation, has Ontario lost its dynamism, when French became the second language?

M. SHELDRICK: To your first question, I think that when you get in an area where you appear to be bringing out legislation which is

in any century pressive and forcing people into situations which are inimical to them, you immediately have lost ground. Whereas if you have people working together in unanimity and each in control of... We have two cultures here, francophone and anglophone and I think that we, each, make the thing more dynamic by retaining the purity of those cultures, but by having a proper friendly interchange. This has vastly improved in the course of the last few years in the educational field and enriched both of us I think. I think it is very important that we retain control of our culture and of course, language is the key to culture. I think that the secret of dynamism in the province of Québec or anywhere else, is a friendly relationship, not setting up an adversory situation. That is really the essence of my argument, of our argument. First of all, I am not close enough to know all the details of Ontario in the way I do of Québec, but I would feel that there has been a vast improvement in the situation in Ontario, and there were injustices there. They are not all cleared up yet, but they are working at it and making sizeable improvements. I do not know, Sir, whether that answers your question adequately.

M. DEOM: To a certain extent, but it has not actually answered my question. But nevertheless, here is my second question. You mentioned that you have 35 Protestant school boards affiliated with your association. You said at one point that members of the boards would probably present briefs with... My question is: Are your board members going to present briefs that are most similar to the one that you have already presented, and has this brief been discussed with your 35 school boards?

M. SHELDRICK: We have a board of directors which is representative of all those boards which meet monthly. The policies which we follow have to be based on a majority opinion in those directors meetings, and we were very careful to make sure — we always are — whenever we present a brief on anything, that we consult fully and we would like to have been, in this instance — and have said that — unanimous. In the first draft of the brief, we put that in, but we did find that one or two boards did not want to say: Withdraw the bill, they wanted to say to have the bill amended to say to have the bill amended.

Then, they went into detail about all the amendments they wanted, so that we removed the word "unanimous". We could not state that every board wanted it withdrawn. A few of our boards might be contented with having it amended. Some of the briefs which will be presented to you will be quite lengthy, maybe nine or ten pages and they will go into philosophy much more deeply that we have.

M. DEOM: But would they generally follow the same position?

M. SHELDRICK: Yes. M. DEOM: Thank you.

M. SHELDRICK: Thank you very much for this opportunity to have been able to ...

LE PRESIDENT (M.Gratton): Mr Sheldrick, I am sorry, but the chief of the Official Opposotion has some questions. Si la commission est d'accord, nous pourrions continuer l'interrogatoire jusqu'à quatre heures trente. Adopté?

Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Je crois que j'aurai suffisamment de temps pour poser mes questions, M. le Président. J'aimerais demander à nos invités comme première question, étant donné l'accent qu'ils ont mis dans leur court mémoire sur la loi fédérale et sur l'usage en matière linguistique dans le "monde libre", pour employer leur expression, avec quelle loi fédérale les projets actuels sont en contradiction. Comprenons-nous bien, je n'entends pas défendre le projet actuel, je veux simplement être éclairé...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas si mal.

M. MORIN: ... sur les arguments en question.

M. SHELDRICK: This is the same question which Mr Cloutier asked a few moments ago.

M. MORIN: Le ministre vous a donné son opinion. Moi, je vous demande la vôtre. J'aimerais savoir à quelle loi vous faites allusion et à quel article de cette loi.

M. SHELDRICK: The Official Languages Act.

M. MORIN: Quel article?

M. SHELDRICK: As I said earlier, I am not a lawyer. I do not propose to enter into an analysis of the laws in that matter.

M. MORIN: Mais, enfin, M. le président de l'association, vous avez fondé votre mémoire, un mémoire qui comprend quatre ou cinq paragraphes, au moins pour un cinquième sur l'argument qui veut que ce soit en violation directe de la loi fédérale. Vous comprenez qu'à titre de membre de cette commission, j'estime que vous devez pouvoir établir vos prétentions. C'est un de vos principaux arguments, si j'ai bien compris, ou est-ce que vous avez dit cela en passant? Is this perfunctory or is this essential?

M. SHELDRICK: It is certainly based on fact.

M. MORIN: On fact? M. SHELDRICK: Yes. M.MORIN: Quel fait?

M. SHELDRICK: Read the clauses of the bill and you will find continual infringements upon the rights of the individual.

M. MORIN: Dans quel domaine? Est-ce que vous pensez seulement à l'éducation ou à d'autres aspects?

M. SHELDRICK:Not only in the educational sense but also for professional men, for business, for labour.

M. MORIN: Quelles sont les dispositions pertinentes de la Loi fédérale sur les langues officielles?

M. SHELDRICK: One would think in reading the bill that it were set up with a view to favouring one race over all others. That is a basic infringement of humain rights.

M. MORIN: Non. Les droits fondamentaux de l'homme, nous y viendrons dans quelques instants. C'est également une question importante que vous soulevez, mais c'est dans le praragraphe suivant. Pour l'instant, je m'en tiens à votre affirmation qui veut que les projets du gouvernement soient en violation directe de la loi fédérale et vous me dites qu'il s'agit de la Loi fédérale sur les langues officielles. Je vous demande quel article de cette loi est en cause.

M. SHELDRICK: Once again, and this is the third time that I have made this statement, I do not propose to become a lawyer here or to pretend something I am not. This is a matter for courts. I do not think we are in a court at the moment, and I do not think that you have any right to ask me this question.

M. MORIN: Do you have any right to invoke it if I have no right to question you about it?

M. SHELDRICK: Well, you have a right to question me, of course, and I am glad you are. But the point is that you are asking me for legal opinions, and that is not my role.

M. MORIN: Non, M. le Président de l'Association, vous avez invoqué un argument juridique dans votre mémoire. Alors, je voudrais comprendre la portée et le sens de cet argument. Vous avez fait une affirmation; je veux la comprendre. Je vous demande les détails; vous affirmez que c'est en violation directe de la loi fédérale. Je vous dis: Oui, mais dites-moi quel article. C'est donc que vous avez lu la loi fédérale, puisque vous l'invoquez. Alors, dites-moi quel article ou quelle disposition.

M. SHELDRICK: The only reply I think I can make, further to what I have already said, is that I am very glad that the honorable minister of Education made a statement a while ago that if it is in breach of law, he would like to know about it because he does not want any breach of the law. I think that it should be lawyers who decide whether or not it is or it is not.

M. MORIN: Bon! Si je comprends bien, vous êtes incapable de répondre à ma question.

M. CHARRON: Vous voulez faire un virage.

M. SHELDRICK: I think I have answered your question. You asked us whether we were serious or whether we were just sort of doing some guess-work here. We never do guess-work. We always have counsel's opinion.

M. MORIN: Très bien! Alors, je vous demande de quel article de la loi fédérale il s'agit. Vous ne faites pas de devinettes, dites-vous. Vous avez étudié la loi sérieusement, sûrement, puisque vous faites une affirmation très entière. Je vous demande quel est, quels sont les articles en cause.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs...

M. MORIN: Je note qu'il n'y a pas de réponse. Je pose la seconde immédiatement pour épargner du temps, M. le Président.

Dans le paragraphe suivant, vous dites: "Moreover, clauses almost everywhere throughout bill 22 infringe the basic rights of every individual person residing in Québec as now universally accepted by the free world".

Dans votre témoignage plus tôt, aujourd'hui, vous avez laissé entendre, je crois, qu'il s'agissait de droits de l'homme. N'est-ce pas?

La question suivante est celle-ci: A quel pays du "monde libre" faites-vous allusion, et à quels droit humains ou droits de l'homme faites-vous allusion exactement?

M. SHELDRICK: Well, the United Nations have brought out a statement on what they consider to be basic human rights. Canada has its own statement of what are basic human rights. To give you one example of what is behind that paragraph. Let us take the situation where you put in the hands of civil servants the role of being a sort of "Inquisition" who can oversee and make judgments which may go well beyond the powers inherent in the law. I think the free world feels that laws should state what they want done in detail, and that the role of the civil servants should be to interpret that, not to rate regulations from it, which may expand upon it and carry it to extents which may infringe the rights of citizens.

Then you set up a board where you have, I think, nine members of which three is a quorum and this is a situation which does not look to us like justice or liable to give you a fair answer under all circumstances.

These are just a few examples to illustrate what is behind paragraph four.

M. MORIN: Si je vous ai bien compris, dans ce paragraphe, vous pensez, non pas au choix de la langue, mais aux pouvoirs arbitraires qui sont confiés au ministre où à la Régie. D'après la réponse qui m'a été donnée, j'ai eu l'impression que le président de l'association songe, lorsqu'il parle des droits individuels dans le monde libre, non pas au choix de la langue au Québec, mais aux pouvoirs discrétionnaires qui sont laissés au ministre et à la Régie de la langue par le projet de loi no 22.

M.SHELDRICK: Mr President, I would like to express our appreciation for the opportunity to present our brief and to speak to it. Thank you very much indeed on behalf of our...

M. MORIN: A moins que vous ne vouliez vous défiler, je n'ai pas terminé mes questions. Je vous ai posé une question. Vous ne m'avez pas répondu.

M. SHELDRICK: I am sorry, Sir. It is terminated. We have presented our brief.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous avions convenu d'aller jusqu'à quatre heures trente, il est maintenant cinq heures moins vingt-cinq.

M. CHARRON: La rescousse.

M. MORIN: Dois-je comprendre...

M. HARDY: C'est le règlement.

M. MORIN: ... messieurs, que vous ne voulez pas répondre aux questions que nous vous posons?

M. HARDY: J'invoque de nouveau le règlement.

UNE VOIX: J'ai compris.

M. HARDY: Lors d'une séance antérieure, un autre membre de la commission a demandé aux membres de la commission de respecter les personnes qui se présentaient devant nous. Je pense que nous devons témoigner de ce respect pour toutes les personnes qui se présentent devant nous, qu'elles soient d'origine française, d'origine anglaise ou néo-canadienne et je pense que la façon d'agir, actuellement, du député de Sauvé, constitue un manque de respect pour les témoins. Je pense qu'il est clair que le président se préparait à mettre fin à son témoignage et la façon très peu astucieuse et très peu délicate du député de Sauvé ne fait pas honneur au poste qu'il occupe.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la question de règlement?

M. MORIN: ... j'ai posé exactement les questions dans le même sens que le ministre de l'Education tout à l'heure...

M. HARDY: Je ne parle pas des questions.

M. MORIN: ... et je ne suis même pas allé aussi loin que le ministre. Je n'ai fait que poser des questions. J'estime que ces messieurs, non invités, doivent, dans toute la mesure du possible, éclairer la commission. Je ne pense pas avoir manqué, fût-ce une seconde, à la politesse élémentaire qui est due aux comparaissants.

M. HARDY: Ils sont libres de répondre ou de ne pas répondre.

M. MORIN: Ils sont libres de répondre ou de ne pas répondre, mais Us doivent nous dire si oui ou non ils entendent répondre. Je trouve que le ministre des Affaires culturelles fait de la démagogie de façon absolument inadmissible.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le règlement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HARDY: ... et je dirai au député de Sauvé qu'il se comporte en petit maître d'école et non pas en député.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Le voilà encore dans les rideaux.

M. MORIN: J'ai posé une question aux comparants et je n'ai pas eu de réponse. Dois-je comprendre, Messieurs, que vous avez maintenant terminé votre témoignage et que vous n'entendez pas répondre plus avant?

M. KIAR: ... M. le Président, je pourrais peut-être répondre à la question qui a été soumise par un petit exemple qui m'est arrivé, cela doit faire quatre ou cinq ans. Je m'étais assis à la table avec le ministre de l'Education. A sa droite, il y avait un fonctionnaire. Une question avait été posée au ministre sur un tel sujet, je ne me rappelle plus ce que c'était. C'était une question, en ce temps, concernant le bill 72. La question avait été posée au ministre. Il a commencé à répondre et le fonctionnaire lui a touché l'épaule; ils ont eu un petit caucus tous les deux ensemble, au bout de la table. En

effet, ce que le ministre avait dit, il a tout repris cela et il a recommencé parce qu'apparemment le ministre n'avait pas donné la réponse qu'il aurait dû donner, d'après l'opinion du fonctionnaire.

D'un autre côté, cela donne un exemple de nos craintes au point de vue du sujet que vous avez amené. En effet, trop de pouvoirs vont se loger chez les fonctionnaires publics, au lieu de chez les membres de notre gouvernement élu.

M. CLOUTIER: Question de privilège.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. MORIN: Sur un point de règlement sans doute?

M. CLOUTIER: Non, il y a des questions de privilège de par le règlement général. Je voudrais simplement que celui qui vient de raconter cette anecdote précise qu'il ne s'agissait pas de l'actuel ministre de l'Education.

M. KIAR: D'accord. J'ai dit que cela faisait quatre ou cinq ans. Donc...

M. CLOUTIER: Oui, mais de manière qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je tenais à apporter cette précision.

M. ROY: ... je ne vous ai pas demandé tout à l'heure si l'indépendance prévalait...

M. CLOUTIER: M. le Président, quand je dis quelque chose j'en prends toute la responsabilité.

M. MORIN: M. le Président, je crois que le dernier répondant a répondu effectivement à ma question. Si ce paragraphe porte sur les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre ou, dans votre esprit, aux fonctionnaires, je vous dirai — et c'était le sens de ma question tout à l'heure, jusqu'à ce que je sois interrompu abruptement — que nous sommes d'accord que ce projet de loi laisse trop de pouvoirs discrétionnaires au ministre. Si, par ce paragraphe, vous entendez invoquer les droits de l'homme à l'encontre de la langue française au Québec, je serai obligé de vous faire remarquer qu'il n'existe pas de pays, en tout cas pas de pays non anglophone qui confère des droits à un système public d'écoles anglaises et qui permet aux parents de choisir la langue scolaire de leurs enfants. Je suis obligé de vous dire cela. Peut-être le saviez-vous déjà, peut-être ne le saviez-vous pas. C'eût été très simple de me dire tout de suite, comme on vient de le faire, que vous ne visez que les pouvoirs discrétionnaires du ministre. Là-dessus, nous sommes d'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, mes sieurs de l'association, merci au nom de la commission. J'invite immédiatement la Société des traducteurs du Québec à se placer à la barre. La Société des traducteurs du Québec remplace — d'ailleurs, on l'avait annoncé au début de la séance — l'Association des mines de métaux du Québec incorporée. Si je ne m'abuse, le porte-parole de la société est M. André Desrochers.

Société des traducteurs du Québec

M. DESROCHERS: M. le Président, vous avez bonne mémoire. Je suis le porte-parole et je suis depuis quelques jours le président de la société. Permettez-moi de vous présenter mes collègues qui composent avec moi la délégation. Ici, à ma gauche, M. Raymond Frenette, vice-président; à la gauche de M. Frenette, Mlle Denise Lemay, vice-présidente; à ma droite, Mme Aline Manson-Daoust, membre du conseil d'administration et chargée du dossier sur la reconnaissance professionnelle; à mon extrême droite, M. Victor Jaar qui est aussi membre du conseil d'administration et qui est représentant au conseil de la section de la ville de Québec. M. le Président et messieurs les membres de la commission...

M. HARDY: Pour éviter que ceci constitue un précédent, je n'ai pas personnellement d'objection à ce que nous entendions les propos de cette association, mais une lecture rapide du mémoire me laisse croire que l'endroit où elle se présente n'est pas tout à fait l'endroit indiqué. Je pense qu'elle devrait plutôt se présenter devant la commission sur les corporations professionnelles. Encore une fois, je dis ceci tout simplement pour que cette situation ne constitue pas un précédent, parce qu'à ce moment-là toutes les corporations professionnelles qui désirent avoir des amendements à leur loi pourraient profiter de la commission parlementaire des affaires culturelles, de l'éducation et des communications pour venir ici. Si cette association a des suggestions pertinentes à faire sur la loi 22 et que ce mémoire ne soit qu'un incident à son propos, je ne voudrais pas être plus formaliste qu'il ne le faut, mais je voudrais bien qu'il soit entendu que le but de la présente commission parlementaire est d'étudier le projet de loi 22 et non d'étudier des problèmes d'ordre professionnel.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: Comme le mémoire le montre, le projet de loi a des conséquences pratiques pour cette association et de ce point de vue nous sommes heureux de lui souhaiter la bienvenue. Nous estimons que tous les citoyens de la province de Québec ont le droit de se faire entendre, quelle que soit la façon dont le projet de loi les frappe ou les atteint. C'est pourquoi,

contrairement à ce qu'a dit le ministre, je soutiendrai que les comparants ont le droit d'être entendus et que toutes les associations qui auront été touchées d'une manière ou d'une autre par le bill 22 ont le droit...

M. HARDY: M. le Président, j'ai vu des politiciens... J'invoque le règlement. M. le Président, j'ai déjà vu des politiciens malhonnêtes intellectuellement, mais comme le député de Sauvé, jamais. Je n'ai pas dit que ce groupe n'avait pas le droit de se faire entendre, j'ai pris la peine de bien nuancer ma pensée, mais malhonnête comme le député de Sauvé est...

M. CHARRON: Le mieux aurait été de vous fermer tout simplement.

M. HARDY: M. le Président, ce n'est pas le député de Saint-Jacques qui va me dicter ce que j'ai à dire ou ne pas dire.

M. CHARRON: Non, je m'en aperçois. Je sais que vous fonctionnez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: Vous auriez été mieux d'être plus sérieux lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles, plutôt que de vous contenter de poser des questions insignifiantes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: M. le Président, c'est malheureux qu'il n'y ait pas de rideaux dans cette pièce, parce que le ministre serait déjà rendu au plafond.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. ROY: C'est probablement la raison pour laquelle il expose à intervalles réguliers.

M. HARDY: M. le Président, venant du député de Beauce-Sud, ces remarques démontrent que ce dernier a un sens de l'humour absolument incomparable. M. le Président, sur la question de règlement, je tiens à bien souligner qu'il n'a jamais été...

M. CHARRON: II insiste.

M. HARDY: Oui, j'insiste pour démasquer votre malhonnêteté intellectuelle.

M. CHARRON: Quelle opération! Allez-y, mon cher ami.

M. HARDY: Je sais que c'est une opération très difficile et qui prendrait des mois et des années, tellement elle est ancrée.

M. MORIN: Nous n'en demandons pas tant.

M. CHARRON: Je ne sais pas si vous le savez, mais vous vous livrez en spectacle d'une façon assez particulière.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: M. le Président, le député de Saint-Jacques, qui profite habituellement, non pas de ce théâtre qui est trop restreint, mais de l'Assemblée nationale pour faire ses bouffonneries, lui aussi a un drôle de sens de l'humour.

M. MORIN: Bon! Maintenant c'est assez. Revenons à nos moutons.

M. HARDY: Je n'ai pas terminé, et aussi longtemps que vous allez m'interrompre, cela va allonger les propos.

M. CHARRON: Croiriez-vous que c'est cela le ministre des Affaires culturelles?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HARDY: M. le Président, je sais que le député de Saint-Jacques s'imagine un jour être ministre des Affaires culturelles, mais je pense bien que ses rêves ne se réaliseront jamais.

M. CHARRON: Avec le ministère qui va rester, je vous assure...

M. HARDY: Donc, M. le Président, je disais que je n'ai aucune objection à ce que l'association devant nous se fasse entendre, mais ce que je...

M. MORIN: Ah bon!

M. HARDY: C'est ce que j'avais dit. Vous relirez mes propos.

M. MORIN: Vous nous rassurez.

M. HARDY: M. le Président, dire que c'était professeur d'université. Pauvres élèves!

M. le Président, ce que je voulais tout simplement dire, c'est que l'on ne profite pas de cette assemblée...

M. CHARRON: Pauvres affaires culturelles!

M. HARDY: ... que l'on ne profite pas de cette commission pour faire porter la majeure partie des interventions sur des problèmes d'ordre professionnel et je pense que les gens qui sont devant nous, qui sont beaucoup plus honnêtes intellectuellement que ceux qui siègent à votre gauche, ont très bien compris le sens de mes propos.

M. CHARRON: Vous essayez de vous corriger.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...

M. MORIN: M. le Président, je suis très heureux que le ministre des Affaires culturelles nous sorte de la mauvaise interprétation dans laquelle il nous avait plongés et réaffirme...

M. HARDY: Vous étiez le seul à l'avoir.

M. MORIN: ... plongé.

M. HARDY: Vous étiez le seul à l'avoir.

M. MORIN: ... le droit des comparants de se faire entendre.

M. HARDY: Vous étiez le seul que votre malhonnêteté... vous inspirait.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, à l'ordre, messieurs! Je vous avoue ne jamais avoir été aussi éclairé sur une question de règlement. J'invite donc M. Desrochers à faire sa représentation tout en sachant qu'il ne s'agit pas là d'un précédent mais que...

M. CHARRON: Abstraction faite du ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Desrochers.

M. DESROCHERS: M. le Président et MM. les membres de la commission, puisque vous avez la bonté de faire peut-être une anicroche au règlement pour consentir à nous entendre, je vous avouerai au départ que nous avons abordé la rédaction de ce mémoire avec une certaine appréhension et je dois reconnaître qu'il se situe une certaine ambiguïté. C'est une interprétation, je pense, dans une certaine mesure, qui peut se défendre. Nous nous sommes nous-mêmes interrogés un certain temps à savoir si nous devions comparaître devant la commission et c'est en toute confiance envers la largeur d'esprit et la compréhension de la commission que nous avons décidé, en définitive, de faire entendre notre voix.

M. CHARRON: Vous voyez.

M. DESROCHERS: Et la polémique, qui s'est engagée avant même que notre mémoire ne soit lu, m'invite à vous le lire pour dissiper dans la mesure du possible cette polémique. Notre mémoire étant très bref, je pense que vous me permettrez de vous le lire tout simplement, ce serait la meilleure façon de lancer le débat.

Le débat, qui s'est engagé sur le projet de loi sur la langue officielle, le projet de loi no 22, intéresse au plus haut point la Société des traducteurs du Québec. Si la société n'entend pas intervenir sur les questions proprement politiques de ce débat, elle croit qu'il est de son devoir d'attirer l'attention du législateur sur l'importance que ne saurait manquer de revêtir la fonction de traduction pour assurer au Québec la qualité de la langue de l'administration publique, des professions, du travail, des affaires et des enseignements.

La Société des traducteurs du Québec a été constituée en 1943 par des lettres patentes sous l'empire de la troisième partie de la Loi des compagnies. Depuis qu'en 1967, le Cercle des traducteurs et la Corporation des traducteurs professionnels du Québec se sont fusionnés avec la société, celle-ci regroupe au-delà de 800 membres, sans doute la majorité des traducteurs professionnels exerçant au Québec. De l'avis de la société, il ne fait aucun doute qu'étant donné l'importance de la place que la traduction occupe dans le milieu québécois, il est indispensable d'encadrer la profession de traducteur dans une corporation dotée des organes de contrôle et des pouvoirs disciplinaires dont jouissent des professions reconnues.

Dans le mémoire qu'elle a soumis en 1969 à la commission d'enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, la société a formulé quatre recommandations qu'elle estimait nécessaires à l'assainissement de la langue et à la création d'une politique linguistique: a) l'adoption officielle de la norme du français établi par l'Office de la langue française; b)la normalisation des modes de formation du traducteur; c) l'encouragement à la recherche terminologique; d)l'organisation de la profession de traducteur.

Deux de ces objectifs se retrouvent manifestement dans le projet de loi, à savoir la formation de commissions de terminologie et la transformation de l'Office de la langue française en régie de la langue française. En revanche, la société ne peut que déplorer l'absence de toute disposition propre à garantir les qualités de la langue traduite. Il est pourtant à craindre que la masse de traductions, qui résultera de l'entrée en vigueur de la Loi sur la langue officielle, ne donne naissance à une génération spontanée de traducteurs non qualifiés et de compétence douteuse. Ainsi, devient-il d'autant plus urgent de donner suite au projet de reconnaissance de la profession de traducteur que la société a présenté en juin 1972 à la commission spéciale sur les professions et qui reprenait, pour l'essentiel, le projet de loi privé qu'elle avait déjà déposé devant l'Assemblée nationale en mars 1969.

Ces interventions n'ayant pas eu de suite, la société a soumis à l'Office des professions et au Conseil interprofessionnel du Québec en mars 1974, une demande de constitution en corporation à titre réservé. Dans le dossier qu'elle a soumis à l'appui de sa demande, la société a démontré qu'elle répondait aux critères de l'article 25 du code des professions et qu'elle disposait déjà de plusieurs des mécanismes de contrôle requis des professions reconnues, notamment l'exigence d'une formation universitai-

re, un examen d'agrément, des cours de perfectionnement et un code de déontologie.

Notre recommandation précédée d'un bataillon d'attendus.

Attendu que le gouvernement du Québec a déposé devant l'Assemblée nationale un projet de loi visant à faire du français la langue officielle du Québec;

Attendu que la qualité du français au Québec dépend dans une large mesure de la qualité de la traduction qui s'y pratique;

Attendu que le projet de loi prévoit expressément la formation de commissions de terminologie et l'institution de programmes de francisation, notamment aux articles 35, 47, et 58;

Attendu que le fonctionnement des commissions de terminologie et l'efficacité des programmes de francisation seront fonction de la qualité des traducteurs qui s'y emploieront;

Attendu qu'il y a lieu d'assurer un service professionnel de qualité à la population québécoise au niveau de la traduction;

Attendu que la Société des traducteurs du Québec regroupe la majorité des traducteurs professionnels exerçant au Québec et qu'elle est prête à accéder au statut de corporation professionnelle et à en assumer les obligations, la Société des traducteurs du Québec prie instamment la commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, d'appuyer la demande de constitution en corporation à titre réservé qu'elle a présentée à l'Office des professions et sollicite l'honneur de comparaître devant la commission pour lui exposer plus en détail son point de vue et pour répondre du présent mémoire.

La seconde partie de notre recommandation, messieurs, vous nous l'avez accordée. Quant à la première, nous sommes ici pour en répondre devant vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Desrochers. L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la Société des traducteurs du Québec. Je pense, à l'analyse, que le mémoire est pertinent et, même s'il ne donnera probablement pas lieu à de très nombreuses questions, il s'insère certainement dans l'optique des auditions que nous avons eues jusqu'ici. Je me contente de souligner que la Société des traducteurs est le premier organisme, et peut-être même le seul — cela reste à voir — qui a souligné le très grand intérêt de la création des commissions de terminologie et du souci de la qualité de la langue.

M. le Président, je n'ai pas de question particulière.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: ... comme le ministre, et contrairement au ministre des Affaires culturelles, le juge également fort pertinent l'apport que vient d'apporter à la commission la Société des traducteurs du Québec. Je voudrais...

M. HARDY: Faute de fonds, on est malhonnête.

M. CHARRON: ... vous poser une seule question, mais qui, peut-être, par la réponse, pourra en entraîner d'autres. C'est que vous affirmez, au bas de la page 2, qu'à votre avis, l'application de la loi 22 entraînera une masse de traductions qui résultera de l'entrée en vigueur de la loi sur la langue officielle et vous craignez, en ce sens-là, que cela ne donne naissance à une génération spontanée de traducteurs. Quand vous affirmez qu'il y aura une masse de traductions qui découlera de ce projet, à partir de quel chapitre, ou à quel endroit en particulier, vous êtes-vous fait cette opinion?

M. DESROCHERS: Je pense, M. Charron, justement par curiosité, tantôt, pendant que j'écoutais le groupe qui nous précédait délibérer avec vous, j'ai pris le soin de noter quelques articles du projet de loi qui, advenant son adoption, donneront lieu à des travaux de traduction. Je vois, par exemple à l'article 8, on dit: Les textes et documents officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise. Quelqu'un devra la préparer, cette version anglaise.

M. CHARRON: Si vous me permettez, on va les prendre un par un, comme cela.

M. DESROCHERS: Remarquez que cela n'est pas une liste exhaustive, mais enfin...

M. CHARRON: Allez-y, je reviendrai par la suite, un par un.

M. DESROCHERS: Je note, par exemple, qu'à l'article 11, toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais, à son choix. Je ne connais pas l'intention du législateur. Je suppose que, si on s'adresse à l'administration en anglais, elle répondre en anglais. Je ne sais pas. Mais à supposer qu'elle réponde en anglais et qu'elle dicte en français, quelqu'un devra traduire.

A l'article 13, on dit que le français et l'anglais sont les langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise. Evidemment, cet article n'est peut-être pas le mieux indiqué de tous et on peut peut-être le passer sous silence. J'ai noté à l'article 16 que le ministre de la Justice doit faire en sorte que les jugements prononcés en anglais soient traduits dans la langue officielle.

A l'article 20, les entreprises d'utilité pu-

blique peuvent faire accompagner d'une version anglaise les textes et documents qu'elles destinent au public. S'il y a avantage à ce qu'on continue la liste, on peut la continuer. Les employeurs, en vertu de l'article 24, doivent rédiger en français les avis, communications et directives qu'ils adressent à leur personnel, et peuvent cependant les faire accompagner d'une version anglaise, dans certains cas. Je pense que j'ai donné suffisamment d'exemples pour démontrer que traduction il y a et traduction il y aura au Québec.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce qu'essaie de démontrer le président de l'association et ce qu'essaie de démontrer le député de Saint-Jacques sont deux choses différentes.

M. CHARRON: Je vais continuer, M. le Président.

Vous avez fait vous-même deux distinctions quant à la masse de traduction et de bilinguisa-tion découlant du bill 22, entre le secteur public, lorsque que vous entrez dans le chapitre III, et l'article 24 qui le suit. C'est ce qui devrait s'appliquer normalement au secteur privé. Je pense que le statut des traducteurs ne peut être le même à un endroit et à l'autre.

Pour ce qui est de la langue officielle dans le secteur public, je pense que vous avez parfaitement raison d'être venus à cette commission nous indiquer que c'était une responsabilité gouvernementale et qu'il aura donc des mesures à prendre par la suite si jamais cette loi devait être appliquée à rencontre des désirs des Québécois.

Pour la suite, je pense que ce sera la responsabilité du secteur privé. Je veux revenir au chapitre... Il y a eu des témoins avant vous, évidemment — et nous sommes ici depuis la semaine dernière — entre autres, le président du Syndicat des fonctionnaires du Québec. J'ai fait avec lui, article par article, l'étude du projet de loi, en particulier les chapitres de l'administration publique où le syndicat est directement concerné. A chaque endroit, le président, M. Harguindeguy, me confirmait que c'était déjà la pratique habituelle dans laquelle ses syndiqués, ceux de la fonction publique québécoise, travaillaient.

Autrement dit, les textes et les documents officiels souvent accompagnés d'une version anglaise existent déjà. C'est le statu quo. Il me disait également, à d'autres endroits, que toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais à son choix. C'est déjà le statu quo. Que le français et l'anglais deviennent les deux langues officielles des municipalités où il se trouverait 10 p.c. d'anglophones, c'est déjà le cas. Même à certains endroits, il y a des dispositions qui augmentent les privilèges de l'anglais par rapport au statut actuel.

Nous ne voulons pas vous mettre en contradiction avec le témoignage de M. Harguindeguy, nous voulons vous demander si cette masse de traduction que vous affirmez exister n'existe pas déjà. Quel est alors le statut des traducteurs membres de votre société actuellement dans le gouvernement du Québec, puisque le gouvernement du Québec fait déjà énormément de versions comme il continuera à le faire avec la loi 22? Il s'adresse très fréquemment au public en anglais. A cause de tout cela, il doit donc exister quelque part des traducteurs. Est-ce que ce sont des membres de votre société? Est-ce que ce sont eux qui ont des remarques à faire sur le projet de loi?

M. DESROCHERS: Votre question, M. Charron, si vous me le permettez, est passablement complexe. Je vais essayer d'en saisir tous les aspects.

M. CHARRON: D'accord.

M. DESROCHERS: D'abord nous avons effectivement beaucoup de nos membres qui sont dans la fonction publique. M. Jaar, ici, est fonctionnaire du gouvernement provincial. Il est au ministère des Communications. Les traductions de l'administration publique, j'imagine, et non seulement j'imagine, je suis convaincu qu'elles émanent en majorité de traducteurs qui sont à l'emploi de la fonction publique. Tous ces traducteurs ne font pas nécessairement partie de la corporation. Cela répond à la dernière partie de votre question.

Pour répondre à la première partie de votre question, je pense que je répondrai de deux façons. D'abord, dans le secteur public à proprement parler, si les articles que j'ai évoqués tantôt ne sont à votre esprit que la reconduction d'un état de fait, je pense que cet état de fait, étant maintenant institutionnalisé ou légalisé, pourra peut-être exiger une plus grande rigueur de la part des professionnels de la traduction.

M. CHARRON: Je suis d'accord avec vous.

M. DESROCHERS: En seconde partie, il ne faut pas oublier l'institution de ces programmes de francisation et de ces commissions de terminologie où il faudra une collaboration entre l'entreprise privée et le secteur public. Nous croyons que le traducteur a un rôle à jouer dans le fonctionnement de ces commissions et de ces programmes.

M CHARRON: A votre avis, la création de ces programmes de francisation, d'incitation, d'ailleurs, que toutes les entreprises demeurent parfaitement libres de prendre ou de ne pas prendre, dans l'hypothèse où une entreprise accepterait, considérez-vous que votre travail à vous, comme traducteurs professionnels, se fera plutôt au niveau de l'administration publique à ce moment-là qu'à l'échelle même de l'entreprise?

M. DESROCHERS: Pour l'instant, les modalités sont très vagues, mais je pense que nous sommes en mesure de participer à ces commissions. Nous sommes en mesure de participer à ce travail. Notre rendement sera d'autant meilleur que nous aurons un certain statut qui nous permettra d'exiger de nos membres l'excellence et de l'imposer à la population.

M. CHARRON: Ce vague que vous notez et que tout le monde sent autour de ce projet de loi, peut-être que le ministre est en mesure de nous l'expliquer. Ces programmes de francisation...

M. CLOUTIER: Ne posez pas trop de questions remplies de jugements de valeur.

M. CHARRON: Ce programme de francisation.

M. CLOUTIER: Vous ne ratez pas une occasion. C'est gênant pour nos invités.

M. CHARRON: ... M. le ministre, s'il a à s'appliquer, à quel endroit les membres de la Société des traducteurs auront-ils à y travailler? Est-ce que ce sera au niveau des entreprises mêmes ou si ce sera au niveau de la banque de terminologie? Par la suite, les entreprises seront libres de l'appliquer à leur façon à leur propre niveau.

M. CLOUTIER: Si le président me permet de répondre, je n'ai pas d'objection, mais ce n'est quand même pas la raison de convocation de cette commission. Je n'ai pas d'objection à apporter certaines précisions qui sont utiles.

M. CHARRON: Cela éclairerait tout le monde, à commencer par les membres de la société.

M. CLOUTIER: La réglementation qui sera sinon déposée dans tous ses détails, mais tout au moins largement expliquée, lors de la discussion en commission élue, apportera toutes les précisions nécessaires de ce point de vue. Il existe, à l'Office de la langue française, des programmes de refrancisation depuis 1970. Ces programmes se font en collaboration avec l'entreprise et les traductions qui ont dû se faire, se sont faites au sein de l'entreprise, dans la plupart des cas, si j'excepte un ou deux projets pilotes.

M. CHARRON: Dans ces cas précis, est-ce que les traducteurs étaient des traducteurs professionnels que le gouvernement recommandait, ou que l'entreprise trouvait d'elle-même?

M. CLOUTIER: Le seul cas auquel je pense est celui de l'Aigle d'Or, alors que les travaux terminologiques, dans le secteur du pétrole, se sont faits en relation avec la France, dans le cadre des accords mixtes. Nous avons eu un certain nombre de spécialistes français. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas sûr que ce soit le lieu d'entrer dans tous les détails. Ce que je voudrais dire, c'est que les traducteurs auront très certainement leur place dans le cadre de ces deux programmes, parce que je ne voudrais pas laisser subsister l'impression que notre loi en est une de traduction. Loin de là. A mon tour d'amener certaines nuances. Il s'agit bel et bien d'une loi qui donne la priorité au français partout et qui n'instaure pas le bilinguisme. Loin de là.

Cependant, il est bien évident que, dans les secteurs techniques, et c'est le cas des programmes de refrancisation, il y aura un besoin accru de traduction.

M. CHARRON: Combien de traducteurs sont actuellement à l'emploi de l'Office de la langue française?

M. DESROCHERS: Ma collègue me fait remarquer que tout d'abord, pour ma part, je n'ai pas de statistiques précises là-dessus ...

M. CLOUTIER: Je crois que le président de l'association devrait répondre qu'il n'est pas compétent pour répondre à une question comme celle-là. Je crois qu'il s'agit véritablement d'un problème qui relève de l'office. Ne vous sentez pas obligé de répondre.

MME MANSON-DAOUST: Nous pourrions avoir le nombre de ceux qui travailleraient à l'Office de la langue française, mais actuellement, ce sont surtout des terminologues qui sont à l'office. Il y a peu de traducteurs véritablement qui sont à l'office et qui sont membres de notre société.

M. JAAR: Si vous me permettez, M. le Président, étant donné que je suis à la tête de la section de Québec, et je suis aussi fonctionnaire, je peux vous dire que nous sommes à peu près un tiers des fonctionnaires traducteurs membres aussi de la société, actuellement. A ma connaissance, très peu de traducteurs de l'Office de la langue française sont membres de la société. Ils sont très peu nombreux.

M. CLOUTIER: C'est exact. Oui.

M. CHARRON: Quand vous dites qu'un tiers des fonctionnaires traducteurs sont membres de la société, combien cela veut-il dire, en nombre absolu?

M. JAAR: Je dois vous avouer que nous n'avons pas de chiffres. J'ai dû m'adresser au chef de service, aux traducteurs qui travaillent dans différents ministères, pour préparer les listes. Ce n'est pas facile, parce qu'il y a des fois où leur profession ou leur travail n'est pas bien défini. Nous n'avons pas de chiffres précis à ce sujet.

MME MANSON-DAOUST: Le problème qui complique la traduction, c'est que souvent les gens font de la traduction en plus de faire autre

chose. Ce que nous voulons souligner, en tant que traducteurs, c'est la qualité du travail que nous voulons faire. Si le volume de traduction est amplifié dans les premiers temps, pour pouvoir franciser un certain nombre de textes, il ne faut pas que n'importe qui fasse de ia traduction. C'est le gros problème que nous avons actuellement, quand nous voulons essayer de déterminer le nombre de gens qui font de la traduction. Beaucoup de gens sont spécialistes d'un domaine et se mettent à traduire dans ce domaine. C'est là que se pose le problème de mauvaise traduction, très souvent. Il nous semble que le projet de loi, en demandant une francisation et en multipliant les traductions, peut créer un nombre de traducteurs improvisés.

M. CHARRON: Je comprends l'aspect politique que vous apportez en ce sens. Plusieurs des programmes de francisation, par exemple, qui pourraient découler de ce projet de loi ou des initiatives privées qui ont déjà été prises dans ce domaine, ont donné lieu à plusieurs commentaires sur la qualité du français, par exemple, que certaines entreprises, dans l'étiquetage ou ailleurs, allaient donner à une version qu'on voit naturellement anglaise, mais qu'on a traduite pour le marché local. Si je comprends bien le sens de votre déposition, vous voudriez qu'il y ait également dans la loi des dispositions qui obligeront les entreprises à se conformer à un minimum de qualité quant au français qu'elles utiliseront à la suite de l'application d'un programme de francisation.

Je vous demande si c'est ce rôle de surveillance quant à la qualité du français traduit qui découlerait... Est-ce qu'il n'est pas déjà prévu dans le projet de loi, à vos yeux, et quelles sont les dispositions précises que vous exigeriez?

M. DESROCHERS: Je pense que, implicitement, M. le député de Saint-Jacques — si je fais erreur, je vous prie de me corriger — vous faites allusion à la question terminologique. Il est très important que la Régie de la langue française exerce une fonction de censure sur le vocabulaire technique, mais ce n'est pas la Régie de la langue française qui va traduire, qui va appliquer ce vocabulaire dans un texte donné. La régie va fournir les outils, les matériaux qui sont constitués par le vocabulaire, mais c'est le traducteur qui devra les utiliser.

M. CHARRON: Vous avez certainement vécu, comme consommateur, l'expérience que bien des Québécois ont connue, soit l'expérience d'acheter un produit dont les indications sont dans une telle langue — le mode d'emploi, le mode d'usage — que l'unilinguisme anglais aurait été largement satisfaisant à ce moment. Alors, quelle est la disposition qu'un Etat peut prendre, à votre avis, pour s'assurer une traduction de qualité? Est-ce à dire qu'on devrait ajouter aux pouvoirs de la Régie de la langue française la possibilité d'intervenir dans les marchés privés et de faire retirer des produits, par exemple, s'ils ne sont pas...

M. DESROCHERS: Je ne sais pas. Je ne suis pas législateur. C'est vous, messieurs les législateurs, qui pouvez trancher cette question. Nous sommes ici pour vous fournir des suggestions et une suggestion que nous pouvons vous fournir est celle de donner au groupe de traducteurs qui le sollicite depuis plusieurs années et qui prétend répondre aux critères, les pouvoirs juridiques, le statut de corporation professionnelle qui lui permettra d'exercer ces contrôles en votre nom, comme vous l'avez fait pour 38 autres corporations.

M. CHARRON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: J'aurais une question et j'ai bien peur que cela soit une question indiscrète à l'intention de nos interlocuteurs, question bien indiscrète puisqu'on dit que la société n'entend pas intervenir sur les questions proprement politiques de ce débat. Alors, comme le projet de loi 22 est quelque chose qui nous intéresse tous, je vais poser une question parce que pour moi, cette question de la langue est fondamentale et doit être discutée et traitée en dehors de toute option constitutionnelle globale. J'aimerais bien savoir si la société comme telle, sans entrer dans des questions purement politiques, vis-à-vis des objectifs, si vous avez examiné le projet de loi 22 à l'égard des objectifs et si vous êtes satisfait du projet de loi 22 comme tel ou si vous avez beaucoup de réserves. Soyez bien à l'aise pour me répondre.

M. DESROCHERS: Je répondrai à cette question et je répondrai sans ambages que nous n'avons aucun mandat de nos commettants et que nous ne pouvons pas nous prononcer sur le texte, qui est devant nous, dans son ensemble. Nous sommes certainement favorables à l'implantation d'une politique linguistique au Québec Oui, c'est indubitable. Nous sommes aussi favorables à ce que la langue qui se parle au Québec, fût-elle le français, l'anglais ou les deux à la fois, soit une langue digne d'une collectivité cultivée.

M. ROY: Je n'insisterai pas davantage.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Nous avons la chance d'avoir des traducteurs devant nous. Est-ce que je pourrais me pencher avec vous sur le préambule de la loi? Est-ce que vous avez devant vous

le préambule du projet de loi no 22? Je prendrai le premier "attendu": "Attendu que la langue française doit être la langue de communication courante de l'administration publique..." que nous voyons traduit en anglais par: "Whereas the French language should be the ordinary language of communication in the public administration." Est-ce que cette traduction est correcte à votre avis?

M. DESROCHERS: Cest une consultation gratuite, si je comprends bien? Peut-être que mes collègues...

M. MORIN: En quelque sorte. Non. Je voudrais votre opinion en tant que Société de traducteurs sur...

M. DESROCHERS: Est-ce qu'il y a un de mes collègues qui pourrait se hasarder à ce piège?

M. MORIN: C'est une question technique. Il n'y a pas de "piège" derrière la question.

M. HARDY: M. le Président...

M. MORIN: J'aimerais vous demander si, autrement dit "doit" est correctement...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le règlement.

M. MORIN: ...traduit par "should".

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le règlement. Il est évident qu'en tant que membre de la commission je serais très heureux de connaître la réponse à la question formulée, mais je voudrais également que les témoins se sentent tout à fait libres de répondre ou de ne pas répondre.

M. MORIN: Oui, ils sont libres et ils ne sont pas obligés de répondre.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que je peux terminer? Est-ce que le professeur...

M. MORIN: Ils sont libres.

M. HARDY: Est-ce que le professeur, député de Sauvé, me concède le droit de parole?

M. MORIN: Ils sont libres de répondre, c'est bien évident.

M. HARDY: Est-ce que je peux parler à cette commission? Vous êtes le seul qui a le droit de parole.

M. MORIN: Qu'est-ce qui vous en empêche?

M. HARDY: Vous, avec vos murmures. M. le Président, à titre de membre, je vais invoquer le règlement. Est-ce que l'aspirant président de la commission a quelque chose à dire?

M. ROY: D'abord, je vais rectifier: Je ne suis pas aspirant président de la commission du tout, parce que je veux prendre part au débat.

M. HARDY: M. le Président, je voulais tout simplement souligner que les témoins qui sont actuellement devant la commission, sont tout à fait libres de répondre ou de ne pas répondre, puisque la question du député de Sauvé est une opinion professionnelle. Ils ne sont pas venus ici en tant que spécialistes pour nous donner des opinions. Ils sont venus ici pour traiter des relations entre le projet de loi 22 et les conséquences que cette loi pourraient avoir sur leur profession en tant que telle. Je voudrais tout simplement que les témoins se sentent tout à fait libres de répondre ou non.

M. MORIN: II est évident, M. le Président, que les témoins sont libres. D'ailleurs, il n'est pas besoin de le leur rappeler; ils le savent. Ce sont des citoyens, sans doute, auxquels on n'a pas besoin de rappeler comme cela, à tout propos, qu'ils sont libres de répondre aux questions qui leur sont posées. J'aimerais simplement répéter ma question. Je pourrais la poser, au fond, à toutes les associations qui comparaissent, mais étant donné que vous êtes, de surcroît, des traducteurs, il m'intéresse d'avoir votre avis là-dessus, si vous voulez bien nous le donner.

M. DESROCHERS: Ecoutez, je ne sais pas, parce que la question que vous me posez est très périlleuse. Je pense que pour y répondre, il faut qu'on s'appuie sur le projet de loi tout entier. En somme, vous me demandez si le mot "de" est bien traduit par "in". J'avoue ne pas me...

M. MORIN: "Doit" est bien traduit par "should"?

M. DESROCHERS: Oui, "should be"... Enfin, vous savez, j'avais buté...

MME MANSON-DAOUST: En fait, c'est une question d'interprétation du législateur. C'est admis de dire ce que vous pensez.

M. DESROCHERS: ... sur une autre difficulté. Je pense que c'est inutile. Vous savez, on peut avoir une discussion qui va être, à mon sens, futile. Est-ce que la langue de l'administration, cela veut dire la langue interne à l'administration, donc, "in administration"?

M. MORIN: Non.

M. DESROCHERS: Ou est-ce que c'est la langue avec des ressortissantes...

M. MORIN: Non, c'est une autre difficulté.

M. DESROCHERS: Le "doit" et le "should be", c'est...

M. MORIN: Vous avez raison, il y a plusieurs difficultés dans ce paragraphe et dans ceux qui suivent. Je me demandais tout simplement si, à votre avis, on doit traduire "doit" par "should"?

M. CLOUTIER: Je pourrais peut-être régler le problème en disant que, pour ma part, je ne suis pas entièrement satisfait de la qualité de cette traduction. Je pense que pour un certain nombre de précisions qu'il faudra apporter, elles le seront en commission et lues en temps et lieu. Peut-être aurions-nous dû faire appel à la corporation.

M. DESROCHERS: Nos services vous sont acquis.

M. MORIN: M. le Président, puis-je attirer l'attention des traducteurs aussi sur le quatrième attendu: "Attendu que la langue française doit être omniprésente dans le monde des affaires, etc., et attirer leur attention sur la traduction qui a été donnée de cette expression d'omniprésence, et leur dire qu'effectivement, leurs services seraient grandement requis par le ministère de l'Education ou, en tout cas, par l'organisme qui a assuré la traduction de ce préambule.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Si jamais il vous manque un traducteur, vous pourrez fort bien prendre comme membre de votre corporation le député de Sauvé, parce qu'il maîtrise très bien l'anglais.

M. MORIN: J'en serais très honoré.

M. VEILLEUX: Je voulais tout simplement leur poser la question suivante. Vous présentez, ou du moins la présentation du projet de loi 22 constitue pour vous un motif raisonnable supplémentaire pour demander aux députes que votre corporation ou la Société des traducteurs ait une reconnaissance à l'intérieur du code des professions.

Si le gouvernement du Québec avait déposé un projet de loi décrétant l'unilinguisme français, est-ce que vous auriez pu vous présenter devant la commission parlementaire pour demander que votre société soit reconnue, compte tenu qu'il y aurait des possibilités de disparition ou une possibilité plus grande de travail, compte tenu que les compagnies privées, le gouvernement, etc., auraient dû recourir à vos services pour discuter ou envoyer des documents à l'extérieur du Québec?

M. ROY: Question intelligente, très intelligente.

MME MANSON-DAOUST: A cette question, on peut répondre que, même en cas d'unilinguisme français, il faut considérer la situation du Québec. Le Québec étant entouré de régions et de pays anglophones, il est impossible qu'il n'y ait pas, à un moment donné, une traduction vers le français ou vers l'anglais, dans un sens ou dans l'autre, ne serait-ce que pour communiquer avec l'extérieur. Donc, il y aura toujours un minimum, un besoin de traduction.

M. VEILLEUX: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, au nom de la commission, nous vous remercions, messieurs, mesdames, de la société, tout en vous souhaitant bonne chance dans vos revendications.

J'appelle maintenant The United Church of Canada et son porte-parole, Mr Batstone. Mr Batstone?

United Church of Canada

M. BATSTONE: Mr President, I am Bat-stone, the chairman of the Montreal Presbytery of United Church of Canada. At my right, Reverend Ralph Watson, the executive secretary of the Presbytery; on my left, Mr Martin Campbell, a lay member of the Presbytery. We thought we would outline just briefly some of the thougths which you already have before you.

Let me say, at the beginning, that the Montreal Presbytery represents a part of the United Church of Canada, not only in Canada, but in Quebec. It is composed of persons, both clergy and lay, representing more than 100 different churches, more than 72,000 people whose first language is French or Italian, Hungarian, Japanese, Indian and English. The brief we have presented to you, we have discussed with the French representatives of our communion of which they are something like 2,500. However, we regret that time did not permit us to deal with each of the other groups, not only to deal with the other groups, but to prepare a thoughtful and detailed brief as we would like to present. Our task today is not to become involved in the legal intents, because we feel that bill 22, while it does not pose any threat to our way of worship, there are many social concerns and, as a Church, we are always concerned with the social implications in our society. It is not our object to suggest that the status quo should be protected because, I think, as a Church, we have been in the forefront of changing the status quo and that is necessary. But we are concerned about the best interest of Canada and Quebec, both

French-speaking and English-speaking, and other groups.

We feel that this bill does not recognize the vital needs of the French-speaking minority in North America and there are several areas which give us some concern. One of which is that there is no status given to English as an official language; secondly, that there is nothing to actively promote the teaching of French in English schools and we feel that this legislation could be protective and insular. And history has proved that no culture can florish in the protective surroundings.

We feel that the Bill has not made sufficient attempt to acknowledge the fact that French Canada must, in all its ways, culturally and economically, speak English in order that it might negociate with the United States and a great deal of the rest of Canada.

Another point that gives us some concern is the wide executive scope given in formulating the rules and carrying out the rules of this Act. We feel, as we have stated at one place, that various individuals, not necessarily elected, would be given wide powers to introduce their will in their scope, for many things would be present. I think our Church in the Montreal area has been most interested in bilingualism; it has spared no effort, financially or otherwise, in promoting French among its clergymen and we are doing a great deal so that we can relate to the French majority in which our Church finds itself. Perhaps at this point that Mr Watson who has been associated with the Presbitery in an executive capacity for some time, can outline to you some of the efforts being made by the Church to relate to the French community.

M. WATSON: Mr President, our Church, as our chairman has mentioned, has been involved in dealing with social and political issues over many years and dealing, it believes, always with the whole man, man and society. Over our history in Canada and in Québec, while we have been a Protestant Church and largely Anglo-Saxon, we have always had an association with French Protestants and French from foreign groups within the province of Québec. About ten years ago, when the situation in Québec and in Canada began to be discussed, with regard to bilinguism and biculturalism in a new way, our Church took seriously the situation that Canada found itself in, and it took every opportunity to promote a better understanding between French-speaking and English-speaking Canadians. It also took every opportunity to make possible the maximum development of individuals and groups, both French-speaking and English-speaking. And as far as ten years ago now, our Church has been involved with the matter in particular; we organized and set up a commission on bilingualism and biculturalism which made its presentations to the Royal Commission of that day. Among the many things which they recommended, as I recall, were such things as where there exists, say, a substantial minority of either language anywhere in Canada, that such person should be able to communicate with and be communicated to, by all levels of government. And also, in another area, we urged the official declaration of two official languages in Canada and that each province should accept and promote the fact. And then, just two years ago, we had another commission which met end its basic purpose was to look at the situation again in Canada with a view to assisting the United Church of Canada and its 3 million members to understand the situation, both in Québec and in Canada, with regard to bilingualism and biculturalism.

And among these specific things that we did, we made every effort so that our French-speaking congregations within our organization could have an organization that will allow them to express, in every way possible, their own freedoms, their own ideals and their own goals as a French-speaking in Reformed or Protestant Church. At the same time, we adopted policies to provide for a better understanding through study papers, through our National Church papers of the situation, both in Québec and in Canada, and to encourage and financially support, for instance, every pastor, in Québec or those coming in to Québec, to gain a working knowledge of French and, at the present time, we feel that we are having some success with this particular endeavour and we hope to be able to continue in that way.

But our basic concern has been for the freedom of individuals to exercise, within their own culture and within their own language ability, their own freedoms to develop and get, at the same time, to be involved with one another.

This has been something of the work of our Church and it is out this kind of background that we make our presentation to you and it is out of this kind of background that we approach bill 22 and, in the other relevant matters that deal with us, as citizens in Canada and in Québec.

M. BATSTONE: That will conclude what we have to say now. We will be very happy, either of us, to attempt to answer any question you may have.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you, gentlemen. L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je remercie the United Church of Canada de son mémoire et la présentation que son président en a fait. Je voudrais d'abord m'assurer que je suis compris, si je parle français.

M. CAMPBELL: Je peux comprendre, oui.

M. CLOUTIER: Je n'aurai qu'une question. A la lecture du mémoire, j'ai l'impression que ce que souhaiterait la United Church serait une loi dont le principe reviendrait au bilinguisme au Québec. Est-ce que je me trompe?

M. CAMPBELL: Generally, that is correct.

M. CLOUTIER: C'est cela. J'en conclus donc que, dans l'opinion de votre groupe, la loi actuelle, le projet de loi 22, ne consacre pas le bilinguisme, bien au contraire.

M. CAMPBELL: It is not given enough weight to the fact that there are a large number of English-speaking people in the province of Québec who have a historical interest in speaking the English language. But our larger aim is to show that, by necessarily restricting the teaching of French in English schools, or English in French schools, the people of the province of Québec will be limited in their dealings in North America.

M. CLOUTIER: Mais à quel endroit de la loi y a-t-il restriction de l'enseignement des langues secondes?

M. CAMPBELL: Perhaps the word "restriction" is too broad. There is no encouragement given to English-speaking persons to learn the French language.

M. CLOUTIER: II y a un article de la loi, un article précis, soit l'article 52...

M. CAMPBELL: There is an...

M. CLOUTIER: ... que je vous suggérerais de lire.

M. CAMPBELL: There is an absence in provisions.

M. CLOUTIER: Les dispositions se retrouvent dans un plan qui s'appelle le plan de développement des langues et il ne serait pas approprié de les prévoir dans un texte législatif. Enfin, je n'ai pas l'intention d'entreprendre un débat peut-être là-dessus, je voulais simplement m'assurer que, dans votre esprit, ce que vous reprochez surtout au projet de loi 22, c'est le fait qu'il ne va pas assez loin sur le plan du bilinguisme ou dans le sens de la reconnaissance des droits des anglophones. Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je me réjouis de voir l'Eglise Unie du Canada comparaître devant cette commission. J'ai eu l'occasion à maintes reprises dans le passé de suivre leurs prises de position à leurs déclarations sur les questions qui nous intéressent aujourd'hui.

Je sais que vous vous intéressez à ce problème depuis déjà plusieurs années. Je me réjouis également du souhait que vous formulez à la première page de votre mémoire, où vous dites qu'il est à souhaiter que la commission parlementaire et l'Assemblée nationale accorderont à ce projet de loi le temps et l'attention nécessaires.

C'est avec raison que vous avez souligné et regretté que seulement trois semaines aient été accordées pour la présentation de ces mémoires. Quoi qu'il en soit, vous voilà maintenant devant la commission et j'aurais quelques questions à vous poser.

La première est la suivante. A la page 2 de votre mémoire, vous consacrez deux longs paragraphes aux objections qu'auraient pu faire valoir ou que pourront faire valoir d'autres groupes intéressés à l'encontre du projet de loi 22 ou à l'encontre de toute politique autre que celle qui est contenue dans le projet de loi 22, en faveur du français. Est-ce que vous êtes d'accord avec les opinions exprimées par ces autres groupes? Est-ce que vous endossez dans ces deux paragraphes les opinions émises par ces groupes?

M. CAMPBELL: Do I understand the question correctly to the effect that we necessarily state that the provisions mentioned are unconstitutional? Is that the trust of your question?

M. MORIN: C'est cela. Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce que vous reprenez ces arguments à votre compte?

M. CAMPBELL: Not necessarily. We believe that in this particular form, it would be not worthwhile to waste a great deal of time in needless legal debates. Our particular organization is not affected by anyone of these provisions, except in a very general sense. It is highly debatable whether or not we would have a legal interest to contest anyone of the provisions of this Act.

Therefore, in stressing that there may well be — and that is as far as we go — constitutional or other difficulties, we merely wish to draw to the attention of this commission that there are potential problems. But having heard some of the other groups, I believe the commission is probably well aware of some of these potential problems. That is the sole purpose of placing within our brief these particular notations.

M. MORIN: Mais pourquoi les mentionnez-vous? Est-ce purement en passant? Is it strictly perfunctory or does it have any meaning for you?

M. CAMPBELL: If you wish us to be more specific, article 26.3 of the Universal

Declaration of Human Rights grants to parents a prior right to decide the kind of education should be given to children. Paragraph 2 of article 26 says that education should be directed to the full development of the human personality and to the strengthening of respect for human rights and fundamental freedoms. It shall promote understanding, tolerance and friendship among all nations, racial or religious groups and shall further the activities of the United Nations for the maintenance of peace.

Now, we admit that there may well be large numbers of countries which do not necessarily adopt these provisions, but we would prefer to see, within this bill 22, provisions tending to promote understanding, tolerance and friendship among all nations.

The fact that there has been such an outcry shows that perhaps it is possible to interpret this bill as not containing such provisions. But I way that "en passant", and not as a particular interest of our congregations.

M. MORIN: Eh bien, M. Campbell,"en passant," est-ce que vous pourriez nous dire s'il existe des pays où l'on a considéré que l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme s'applique à la langue d'enseignement?

M. CAMPBELL: I cannot name any specific country, but I do not see why that would necessarily limit Quebec's right to enact such legislation.

M. MORIN: Est-ce que vous pouvez nous mentionner un pays, peut-être, un pays qui ne soit pas anglophone naturellement, et qui établit un système d'enseignement anglophone et permet aux parents d'y inscrire leurs enfants?

M. CAMPBELL: Again, I state that there is no particular limitation on Quebec's right to enter into such legislative enactments. Merely being the first should not necessarily lock any activity by your particular commission.

M. MORIN: Bien! En tout cas, toujours "en passant", je vous dirais que, dans ces deux paragraphes, il se trouve plusieurs erreurs, qui sont graves, parce que vous semblez les reprendre à votre compte. Mais je n'insisterai pas, puisque vous-mêmes, vous n'entendez pas accorder plus d'importance qu'il ne faut à cet aspect de la question. Je crois cependant qu'il faudrait peut-être que vous examiniez la chose de plus près, pour vous rendre compte que le Québec pourrait très bien — sans contrevenir ni au moindre engagement international, ni même à la moindre loi fédérale — établir, par exemple, un système d'enseignement entièrement français au Québec. Je ne crois pas que cela irait à l'encontre de quoi que ce soit. Je tiens à vous le dire, "en passant", parce que c'est un élément qui peut-être a son poids dans le débat actuel. Si vous le voulez bien, nous pourrions passer à la page 3. Vous nous dites, au premier paragraphe: Les deux groupes doivent être protégés. Est-ce que, dans l'état actuel du droit québécois, les protestants du Québec n'ont pas droit à leurs écoles? Est-ce qu'ils ne sont pas déjà protégés?

M. CAMPBELL: Article 93 of the British North America Act grants certain — shall we say — protection to Protestant and Catholic groups, but it is based on denominational grounds.

M. MORIN: Bien. Mais ce que je vous demande, c'est quelle protection vous pensez perdre, à l'heure actuelle.

M. CAMPBELL: It is not necessarily a question of losing protection. I think the emphasis of the bill is wrong in the sense that it seeks to protect. It is our opinion that no group can survive when it seeks to protect itself by legislation which blocks free interchange of ideas, and so on. It would be...

M. MORIN: Mais est-ce que... Oui?

M. CAMPBELL: ... better if, in our opinion, legislation stressing the bilingual aspect of Québec were adopted, rather that trying to protect, rather have legislation to move out, to expand.

M. MORIN: Puisque vous nous dites que vous êtes sceptique devant la possiblité de protéger un groupe, pourriez-vous nous dire alors ce que vous êtes venus nous demander? Est-ce que vous n'êtes pas en train de nous demander, justement, de protéger la langue anglaise au Québec?

M. CAMPBELL: It is not a question of protecting English rights in Québec or the English-speaking rights in Québec. It is a question of protecting the French people in Québec.

This particular legislation, in a sense, shows a type of tragedy that the French-speaking people must resort to this type of legislation to protect their interests. It is a shame when a group of people of a certain language must say: we need legislation to protect us; our own society is not strong enough to.

The English-speaking community, in Québec can probably flourish to a certain extent, with the right that it has now, because it is ultimately the dominant language in North America which is the context of Québec. Therefore, we say among ourselves, as English-speaking Quebecers: We want to maintain the strength of the French culture. We

want to maintain the strength of the English culture in Québec because, only with a knowledge of these two languages, can a person in Québec, English-speaking or French-speaking, live in Québec and in Canada and in North America. Therefore, we way: Strengthen French-speaking institutions as much as possible. Strengthen English-speaking institutions as much as possible, but provide that as much as possible both people in both groups can understand the language of the others.

M. MORIN: C'est très bien et je suis d'accord avec vous quand vous dites que c'est vraiment la fin de tout quand un peuple est obligé d'utiliser la loi pour se protéger. C'est vraiment grave, effectivement, comme situation. Mais est-ce que vous niez que, dans certaines circonstances, cela soit nécessaire?

M. CAMPBELL: I do not think that the circumstances in Québec, at this time, have reached that point. I think that everywhere we look, in the City of Montréal, throughout the Province of Québec itself, in Québec City, evidence of the strength that French language is there. We do not need legislation like this to guarantee it. This legislation, whatever its defects, whatever its advantages, will not necessarily ultimately decide the future of French in French Canada.

M. MORIN: Est-ce que vous admettez que vous êtes mal placé pour décider ces questions pour nous?

M. CAMPBELL: As an English-speaking Quebecer, I, perhaps, have a great deal of experience being in a minority position.

M. MORIN: Oui. Est-ce que vous admettez, cependant, que les francophones du Québec puissent avoir une autre perception du problème que la vôtre?

M. CAMPBELL: Certainly.

M. MORIN: Vous admettez que les francophones du Québec peuvent même ressentir le besoin de législation et de sanction pour protéger leur langue? Vous admettez cela?

M. CAMPBELL: Certainly. They are ultimately the only people to choose the best course of action, but there is nothing wrong with certainly other people saying: I think you have gone too far or I think you are not doing enough.

M. MORIN: Oui. Je respecte ce droit et je trouve que vous êtes, de toutes les associations qui ont comparu devant nous, l'une de celles qui sont les plus ouvertes à la discussion. Nous avons eu des groupes qui étaient beaucoup moins ouverts et, dès qu'ils se sentaient coincés un peu, refusaient d'aller plus loin dans la discussion. De ce point de vue, je vous félicite. Je trouve que vous répondez à nos questions. Mais si j'ai bien compris votre passage à la page 3, c'est essentiellement, du paragraphe un jusqu'au paragraphe six, le bilinguisme intégral que vous nous proposez.

M. CAMPBELL: As much as possible, yes.

M. MORIN: Si c'est bon pour le Québec, est-ce que vous admettez que cela serait bon aussi pour les autres provinces?

M. CAMPBELL: Where there are significant minorities — and I would be prepared to adopt the 10 p. c. rule mentioned by the BB Commission — I think that the provinces, which do not respect the place of those minorities, are retrogressive, shall we say, or failing in their duties to all citizens within their borders.

M. MORIN: Est-ce que l'Eglise Unie du Canada est intervenue dans les autres provinces historiquement ou récemment pour défendre les minorités francophones ou les minorités catholiques? Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de cela?

M. WATSON: The United Church, through its general council which is its highest governing body, has, in 1972, at its meeting in Western Canada, adopted some of the regulations which I briefly outlined at the beginning, and has, in fact, activily, through this kind of promotion of legislation within the Church... Legislation always has its limitations in terms of converting people, but so far as we have been able to dialogue, so far as we have been able to present the kind of opinions which we have represented here in this particular section of page 3, we have done what we can in other provinces, as well as in Québec to support this kind of thinking in other provinces, as it affects French-speaking people or Catholic people. I would say that the last commission, which we had and on which I was a member and where some of the things which I outlined verbally were adopted, was a commission composed of people from across Canada. They shared in the kind of thinking that we have here in this particular section and it was adopted by our Church and has been promoted by the Church through the congregations through the regions of Canada, as a national policy of our Church.

M. MORIN: Est-ce que l'Eglise Unie a comparu devant les instances fédérales lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles?

M. WATSON: One of the recommendations, which we made to the Royal Commission on bilingualism and

biculturalism, was the promotion of two official languages across Canada and that it should be adopted by the provinces as well as by the federal government.

M. MORIN: Si je comprends bien, vous auriez été en faveur d'un système d'écoles françaises et anglaises d'un bout à l'autre du Canada?

M. WATSON: Yes. I would say, in our Church, while we have not every one with us in our point of view, the point of view that has been at least adopted by the majority and by the courts of the Church, has been to support a bilingualism across Canada, the right of French-speaking Canadians, in any part of Canada where there is a substantial minority, for their own schools, to maintain their own language and their own culture.

M. MORIN: Bien.

M. BATSTONE: If I may add to that. I do not have the exact figures, perhaps Mr Watson may give the exact figures of the proportion of French to English across Canada. But practically all the relevant material that relates to the whole Church is, at considerable effort and expense, produced in both French and English, wrote in the whole United Church in Canada. So, that people in every province, from Newfoundland to British Columbia, would get bilingual material. This is being done.

M. MORIN: Que voulez-vous dire par "bilingual material"?

M. BATSTONE: Practically everything that is sent out from Toronto, which is the headquarters of the United Church of Canada, is sent out in two languages. Even though...

M. MORIN: Je sais cela et je sais que votre Eglise a fait des efforts particuliers dans ce domaine. Mais ce qui m'inquiète un peu, c'est que votre intérêt — est-ce que je me trompe? — remonte à 1972. Or, les droits du français et les droits des catholiques, dans tout le Canada, ont été abolis avant cette date, en sorte qu'aujourd'hui il se fait bien tard pour les protéger. Vous savez que les droits garantis, protégés, pour revenir à ce dont nous discutions tout à l'heure, par le British North America Act de 1870, par le Manitoba Act, par le British North America Act de 1867 à l'égard du Nouveau-Brunswick, que ces droits n'ont pas été respectés, même s'ils étaient inclus dans la constitution. Vous savez que le français dans les écoles confessionnelles du Manitoba, du Nouveau-Brunswick a été aboli; le français dans les écoles publiques a été aboli et cela a entraîné des conséquences historiques considérables qui font qu'aujourd'hui il est bien tard pour intervenir. Je me demande, messieurs, si vous estimez qu'il est possible de redresser cette situation. Vous êtes intervenus en 1972, mais le recensement de 1971 démontre déjà que les minorités sont en voie de disparition, sauf peut-être dans une ou deux régions attenantes au Québec. Qu'avez-vous à dire à cela?

M. CAMPBELL: It is very difficult to deal with other provinces without the specific facts, of course. I think it would be best if we limited ourselves to this discussion on this bill frankly. It is difficult for us to pluck out from memory some positions taken earlier. I admit that in many parts of the country the rights and so on of the various minority groups have not been respected as they have in Québec. This is regrettable; wherever it is possible, our Church has tried to, in many ways, redress the unbalanced, but I think we would be best to limit this... There will be too general discussions without valid factual background.

M. BATSTONE: To add to what you are saying, I must admit that perhaps I find a little more difficult to get the exact nature of what you say, but I think I have the spirit of it.

I think the English people are the first to admit, and the English people in the United Church of Canada are the first of the first, to admit that we have not made all the effort that was necessary over the years to promote the two languages throughout Canada. Yes, we have been the first to admit it, but in the passed five, six, seven, ten years, we were really going all the way in trying to promote this and I think the committee which prepared the speech feels that the atmosphere, perhaps, if Bill 22 were looked at detail by detail, by all the people of Canada, but the majority of people of Canada will probably never even read bill 22. They will read what the papers say about it in Kingston, Toronto and Winnipeg and that is where they get their opinion. We can see that this might very well upset the whole effort that we are trying to make. We think that we are really on the way in the Church with this and there is fears that the publicity, whether right or wrong, that the bill is getting will upset all of this.

M. CHOQUETTE: Excuse me, but do you think that the media are misrepresenting the bill 22 and its intent?

M. BATSTONE: If you read the...

M. CHOQUETTE: That they are making a caricature of this bill?

M. BATSTONE: If you read some of the papers, I will not mention any paper in Ontario, but if you read some of the Ontario papers, they are making a lot of mileage out of it.

M. CHOQUETTE: I think you are right. M. BATSTONE: Yes.

M. MORIN: M. le Président, je pourrais continuer longtemps parce que ces messieurs de l'Eglise Unie ont certainement apporté dans le passé une contribution importante dans ce domaine et je tiens à leur dire. Quel que soit le sort de ce projet de loi et quel que soit le sort du Canada ou du Québec, je crois que vos efforts, de toute façon, seront toujours utiles.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, je vous remercie. J'avais deux questions à poser et elles ont été posées. Alors, mon intervention se limitera à ce que je viens de dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On vous remercie. Est-ce qu' il y a d'autres questions à l'endroit de...

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on peut faire un commentaire?

M. ROY: Le ministre ne veut pas et surtout le ministre des Affaires culturelles.

M. CHOQUETTE: Je vais poser une question d'abord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Une question de l'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Would you say that your presentation and what you have told us is made in an oecumenical spirit?

M. BATSTONE: I would think so. We did talk to some of the other Churches from which, in fact, one of the other Churches in Montreal, we did them the favor of bringing here their brief to day and, in due course, I imagine it will come before you.

But in the United Church of Canada, we are always well out in front, and we were able to get our brief in within the original deadline that you had stated for accepting briefs, but because of the shortage of the time, we could only discuss with them verbally, and tell them something about what we were doing but to say that it was a joint oecumenical effort, I do not think we can say that, although we did keep them informed of what we were doing.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député d'Anjou.

M. TARDIF: M. le Président, j'aurais une courte question qui ne sera précédée d'aucun préambule. A la page 2, en bas, vous dites: "Le presbytère émet certaines réserves sur les intentions et la mise en pratique de cette politique d'assurer la prééminence de la langue française au point de priver les Québécois d'expression française de communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord." Est-ce qu'à votre avis le projet de loi no 22, qui vise à accorder une prééminence à la langue française, empêche les Québécois d'expression française de communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord en anglais? Si oui, j'aimerais que vous m'expliquiez comment. Troisième partie de ma question, est-ce que vous croyez que c'est absolument nécessaire pour tous les Québécois, y compris l'agriculteur du Lac-Saint-Jean, de pouvoir parler anglais?

M. WATSON: I do not think that that is a goal that we can... It might be an ideal we would wish to attain across Canada, both for English-speaking people in Vancouver, to be able to speak French, to participate in Québec society. That may be our ideal, but we doubt if we will ever attain it but where people are coming together, we would hope that that would be the ideal. And I would think that so far as the people in Lac-Saint-Jean are concerned or any other area, maybe that the ideal there is much less than the ideal that would pertain, we will say, in the city of Montréal, with regard to French people knowing English and English people knowing French to deal with North America. I think the ideal varies in degree according to the circumstances, I think it has to.

M. TARDIF: Je pense que vous n'avez pas répondu aux deux premières parties de ma question qui étaient de savoir comment le projet de loi 22 qui vise à accorder une certaine prééminence à la langue française, empêche les Québécois d'expression française de pouvoir communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord. En somme, ce que vous semblez vouloir dire, vous semblez faire l'équation suivante. La prééminence de la langue française signifiera, à toutes fins pratiques, l'unilinguisme et ne permettra pas aux francophones du Québec d'apprendre l'anglais pour communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord.

Si j'interprète bien votre pensée, pouvez-vous m'expliquer comment le projet de loi va empêcher — je vous cite mot à mot — les Québécois d'expression française de communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord?

M. CAMPBELL: Along the provisions in the Act tending to promote the instruction of English in the schools, that would tend to limit the right of communications, the ease of communications.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, il est 6 heures. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15, alors que nous compléterons les discussions avec l'Eglise Unie.

I assume that you can return at 8:15?

M. CAMPBELL: We have made all the points that we wished to make. Quite frankly, I do not know...

Perhaps if there are no other questions, we could terminate?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Well, it seems that the Member for Saint-Jacques still has some questions for you.

M. CHARRON: A 8 h 15.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Is it possible for you to remain?

M. BATSTONE: If we have come this far, I think we can continue. We will do it.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you very much.

M. MORIN: Merci. (Suspension de la séance à 18 heures).

Reprise de la séance à 20 h 15

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission qu'il reste environ 20 minutes pour terminer la période des questions avec la United Church of Canada, et au moment de la suspension, la parole était au député d'Anjou.

M. TARDIF: M. le Président, à la dernière question que j'ai posée aux représentants de l'Eglise Unie du Canada, ceux-ci nous ont dit qu'ils auraient préféré trouver dans le texte de loi, de façon formelle, des incitations pour l'apprentissage de l'anglais.

Je pose une dernière question qui est peut-être hypothétique, mais qui vise à savoir s'il y aurait possibilité qu'éventuellement le projet de loi 22 puisse mériter un appui chez vous. Si dans un texte formel, soit dans ce projet de loi ou dans un autre projet de loi quel qu'il soit, on y inscrivait en toutes lettres ce que l'on retrouve à l'article 52, mais pour la langue anglaise, à savoir que les programmes d'études doivent assurer la connaissance de la langue anglaise, parlée et écrite, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française, est-ce que, à ce moment, vous reconnaîtriez la nécessité d'assurer une prééminence à la langue française, et est-ce que les principes sous-jacents que l'on rencontre dans le projet de loi mériteraient votre approbation?

M. CAMPBELL: Generally, we are in favor of any provision which encourages the instruction in English. The English-speaking students acquire a knowledge of spoken and written French. Also, we wish to add that it would be wise for those members of the population who speak French to receive some English instruction, hopefully on a par with the quality of French instruction given in English schools.

M. TARDIF: Ce que je veux savoir, c'est si c'était inscrit dans une loi ou dans une autre, savoir qu'il serait nécessaire d'avoir une connaissance suffisante de la langue anglaise pour réussir son secondaire au secteur français, est-ce qu'à ce moment vous reconnaîtriez le principe de la prééminence qui est inscrit dans le projet de loi no 22, et est-ce que les principes fondamentaux de ce projet de loi mériteraient votre approbation?

M. CAMPBELL: As I said, anything which encourages the instruction of French and the instruction of English is fine. The principle we wish to adoption is bilingualism.

It is difficult to deal with the provisions of the law as it is, additional amendments would have to be looked at specifically.

M. TARDIF: Vous ne pourriez pas vous prononcer en faveur, même si...

M. CAMPBELL: Articles 6 and 52 are fine as fer as it goes. We suggested that additional provisions could be added which would encourage the instruction in French.

M. TARDIF: Oui, et si le même principe qu'on retrouve à l'article 52 s'appliquait à la langue anglaise, ma question est la suivante: Est-ce qu'à ce moment le projet de loi rallierait fondamentalement votre approbation?

M. CAMPBELL: As far as education is concerned, probably, yes. But we would have to look at the specific provision.

M. TARDIF: Mais vous ne pouvez pas vous prononcer quant aux autres chapitres?

M. CAMPBELL: No. Your particular question deals with section 52 and so on.

M. TARDIF: Cela n'est pas ça du tout, en fait. Je pense qu'il y a une certaine irréconcilia-bilité de vues entre vous et moi. Si je comprends bien, même si on assurait l'enseignement de l'anglais de façon adéquate, vous continueriez à croire à un bilinguisme intégral. Est-ce que c'est ainsi?

M. CAMPBELL: The general principle is that the bilingual nature of Canada must be respected as far as possible across the country, in all aspects, not just education. This is the general thrust of our position. Therefore, insofar as provisions encourage the instruction in both languages of both groups, we support this bill and our members also do support it. As for other provisions, we would have to look at each particular section on its own merits and ask whether or not the general policy which we have tried to put before you is met by the various provisions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Bro me-Missisquoi.

M. BROWN: Gentlemen, you were saying that you have 70,000 members. How many counties would this involve in the Province of Quebec? How many counties would you have a religious center in?

M. WATSON: First of all, our area concerned jurisdiction is the Montreal area, the 50 mile radius of Montreal, but then, we have also in the Province of Quebec United Churches mainly located in the Gaspé and the Hull-Ottawa areas but our main area of jurisdiction for which we are representing the United Church is the greater Montreal area and about a 50 mile radius around the city.

M. BROWN: As a cross-section of population, what type of people have you consulted in dealing with your brief?

M. BATSTONE: I think we stated, at the beginning that we do represent in the Montreal Presbytery, practically every group, language group in Canada. As the particular concerned was the French group in this case, this was the first that we talked about. Time prevented us in going into anymore detail about what the Hungarians, the Japanese, the Italians of which we have congregations in Montreal, congregations which workship in that particular language. But we did work with the French, of course, in our own communion.

M. BROWN: But the dealing with workers and professional people and the things of this type, have you had a good contact and representation with them regardless of what their race or language might be?

M. BATSTONE: On the commission itself, which we set up in our presbytery, we had representatives from the community, the home and school. We had business, member, one of the members was a member of the Board of Trade, another member was a business man, president of this company, housewives, we had a pretty good cross section of our community.

M. BROWN: About how many would you hazard to guess that you contacted dealing with questions and discussions of the bill?

M. BATSTONE: Directly, on our commission, the subcommittee and the committee as a whole, something like 25 people.

M. WATSON: I wonder if I might just elaborate just a little further by saying that, of course, we had a relatively short time to get our brief together, but, at the same time, as I mentioned earlier in the afternoon, we had a fairly long history of dealing with this particular situation within Canada, so that the membership that we represent, the kind of approach that we have suggested in the brief, is generally shared and supported by them. Not that they have been able to see this particular brief, the 70,000, but the attitudes expressed, the philosophy expressed in the brief, have been before them on many other occasions through commissions on bilingualism and biculturalism.

When we present this brief, because of the shortage of time, it is gone to the Executive of the "consistoire de Montréal", and it has been approved by them. But, generally speaking, the sentiments that are here are shared by the Churches and the certification of that has come over the years as we have shared these ideas together in the past. We had very little time to do it in the last three weeks but it has grown, it has not been a

subject which we have only discussed in the last three weeks; it is something that we are aware of within our community, over a long period of time.

M. BROWN: Thank you, Mr President.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, dans le même esprit que l'a fait le chef de l'Opposition à l'égard des représentants de l'Eglise unie du Canada, j'aimerais aborder plus spécifiquement certains points mentionnés dans le mémoire.

A la page 3, si je prends le paragraphe qui suit la nomenclature, en six points, des exigences que vous formulez, vous dites: "L'on ne peut apporter son appui à un tel projet de loi que s'il poursuit ces fins". Vous exprimiez avant la nomenclature en six points cette phrase. En conséquence, une législation de la nature du présent projet de loi doit prévoir: un, deux, trois, quatre, cinq, six... D'accord, nous sommes situés.

J'aimerais reprendre avec vous les six exigences que vous posez pour que vous apportiez votre appui au projet de loi actuel ou à un autre qui pourrait venir du gouvernement. Quant au premier point, vous exigez que les débats à l'Assemblée, les procédures judiciaires, les lois et autres documents officiels de la province soient rédigés en français et en anglais. Est-ce que vous avez tenu compte que le gouvernement actuel avait refusé de retirer l'article 133 de la constitution et donc, que les débats à l'Assemblée, les procédures judiciaires, les lois seront en français et en anglais?

Lorsque vous exigez que les autres documents de la province soient rédigés en français et en anglais, est-ce que vous avez lu l'article 8 du projet de loi qui ajoute, à ce qui était déjà contenu dans l'article 6, que les textes et les documents officiels peuvent être accompagnés d'une version anglaise? Ainsi, votre première exigence au sujet du projet de loi se trouve intégralement respectée dans le projet de loi actuel.

Plus loin — si vous me permettez le deuxième point — lorsque vous exigez que les personnes puissent s'adresser et recevoir des communications de l'administration publique soit en français, soit en anglais est-ce que vous avez lu l'article 11 du projet de loi qui dit que toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais, à son choix?

Quand vous dites, à l'article 3, que les services de nature professionnelle devront être disponibles au public en français et en anglais, est-ce que vous avez lu l'article 21 du projet de loi qui dit que les corps professionnels pourront utiliser les deux langues dans l'exercice de leur profession, à moins qu'ils aient une connaissan- ce d'usage du français, ce que, notez bien, la majorité est en droit d'exiger?

Quand vous dites, au paragraphe 4 de vos exigences, que la publicité dans le public soit française et anglaise, est-ce que vous avez lu l'article 43 du projet de loi qui dit que l'affichage public doit se faire en français, ou à la fois en français et en anglais, sauf dans la mesure prévue dans le règlement, que ni vous ni moi ne connaissons actuellement.

Quand vous dites, également au même paragraphe, que la publicité dans le public soit faite en français et en anglais, est-ce que vous avez lu l'article 20 du projet de loi qui dit que les entreprises d'utilité publique et les corps professionnels doivent émettre dans la langue officielle les avis, communications et formulaires? Avez-vous lu le deuxième paragraphe qui contredit le premier et qui dit: Les textes et documents susdits peuvent néanmoins être accompagnés d'une version anglaise?

Quand vous posez, comme cinquième exigence, que toute personne à l'emploi de l'administration publique soit capable de servir une personne en français et en anglais, avez-vous lu l'article 11 du projet de loi qui autorise chaque citoyen du Québec à s'adresser dans sa langue au gouvernement, donc de recevoir une réponse là-dedans? Quand, sixièmement, vous posez comme exigence que les avis publiés soient publiés en anglais et en français et autres dispositions similaires, est-ce que vous avez lu l'article 9 du projet de loi qui dit que les organismes municipaux et scolaires dont au moins dix pour cent des administrés sont de langue anglaise — ce sont les deux tiers des municipalités du Québec, si vous regardez cela comme il se doit — la ville aura un caractère bilingue dans ses actes officiels?

Je vous réfère encore à l'article 20 qui a les mêmes dispositions. Autrement dit, ce que je suis en train de vous demander, c'est: Est-ce que les six exigences que vous posez pour porter votre appui au projet de loi de votre gouvernement ne sont pas déjà respectée intégralement dans les articles du projet de loi 22 et que le bilinguisme que vous réclamez aux débats, à l'Assemblée, dans l'administration publique, dans les services de nature professionnelle, dans la publicité et dans les avis des municipalités et corporations scolaires est déjà bien respecté par le parti au pouvoir qui a, à chaque endroit, répété et répondu aux exigences que vous formulez?

J'aimerais savoir si votre analyse du projet de loi diffère à ce point de celle de tous les autres groupes que nous avons entendus à la table de cette commission et qui disent qu'à trop d'endroits, selon certains groupes, le caractère, les privilèges de l'anglais sont intrinsèquement maintenus et même à certains endroits, comme certains témoins nous l'ont signalé, agrandis.

M. CAMPBELL: No wonder you want a dinner to get that one through; that is quite a

mouthful. First of all, I think we should stress that the six points which we have raised are not necessarily limitative. The very last sentence on paragraph 6 has another similar disposition. We are prepared to add to this if necessary. But I think you should not forget the line immediately below paragraph 6, which says, in the English version at least : "To the extent that this bill achieves those ends it is worthy of support". To deal with your specific points, one by one, and it will take a great deal of time to go through this...

M. CHARRON: Je m'excuse, est-ce que les textes français et anglais que vous nous avez fournis sont les versions intégrales?

M. CAMPBELL: Je peux lire en français: "On ne peut apporter son appui à un tel projet de loi que s'il poursuit ses fins". Je réfère à ce paragraphe.

M. CHARRON: Oui, je vous l'ai cité aussi.

M. CAMPBELL: First of all, section 8 states, in the English version: "Official texts and documents may be accompanied with an English version". The "may" does not have a formal obligation on the Legislature. It is something which is discretionary. It is this we object to, we believe that there is provision that states that official texts and documents must be accompagnied or must be in English and French would meet with our requirements. In section II, the word in used is "every person may address the public administration in French or in English as he may choose". It says nothing about receiving communication from the public administration. It says: "may address the public administration".

Section 21. We agree that any professional organization given service to the public should be able to give that service in the language of the person seeking the service. Section 21, we believe, is perfectly in order and we have no quarrel with it. We have mentioned it as being one of the principles which should be respected by the law. In fact, it does so respect that principle and, to that extent, be supported. That is clearly stated in this particular provision. I believe you also referred to section 43, publicity. I think that public signs must be drawn up in French or in both French and another language.

Again there is protection for the use of French, but the use of another language is perhaps discretionary, or in both French and another language, the discretion is there. Public signs are something very important, I think in particular of road signs and so on, with many tourists and so on coming in to Québec; it would be very disadvantageous for the province to limit instructions to tourists to French only, for an example, but this, I do not think, is a crucial point, I do not know whether or not they have really no objection to seeing public signs in French alone.

You also mentioned several other sections. Section 20, as you quite correctly pointed out, is somewhat contradictory but, again, the second paragraph is: "The texts and documents mentioned above may nevertheless be accompanied with an English version." We accept the fact that the English version would be protected, but the word "may" again, does not lead one to believe that there is a formal obligation.

M. CHARRON: Vous aimeriez mieux "must", soit "must be accompanied".

M. CAMPBELL: Yes, that would be consistant with our basic...

M. CHARRON: Alors...

M. CAMPBELL: ... principle.

M. CHARRON: ... ce que vous exigez, c'est ni plus ni moins que le statut égal de l'anglais par rapport au français?

M. CAMPBELL: I think that point was made before. Yes.

M. CHARRON: C'est ce que je voulais vous entendre dire à nouveau, parce que vous vous imaginez bien que les caractères discrétionnaires que vous pouvez craindre de voir jouer à l'encontre de vos intérêts, qui sont loi, la majorité francophone est, devant ce gouvernement en particulier, d'autant plus justifiée de craindre qu'ils puissent jouer à l'encontre de ses intérêts. Personne ne peut oublier le caractère particulier que prend une langue officielle dans le projet de loi actuel. Je vous rappelle simplement l'exemple du Manitoba où votre groupe ethnique est majoritaire et fortement majoritaire. On n'a pas lésiné 25 minutes avant de poser une question. En 1890, on a décidé que c'était l'anglais qui devenait la langue officielle du Manitoba. Il y a eu une loi d'adoptée. L'article 1 dit: L'anglais est la langue officielle du Manitoba, de son Parlement et de ses tribunaux. L'article 2 dit: La loi entre en vigueur aujourd'hui. Cela s'est terminé comme cela. Le gouvernement actuel veut faire du français la langue officielle. C'est ce qu'il affirme dans l'article 1. Mais il confère à chacun des articles qui suivent un statut que je vous prierais de considérer comme privilégié par rapport à n'importe quelle autre langue et n'importe quelle minorité.

J'aimerais aborder la question de l'éducation et de la langue d'enseignement sur laquelle vous avez passé assez rapidement. Est-ce que vous concevez que le projet de loi actuel limite l'enseignement de l'anglais.

M. CAMPBELL: First of all, I think I

should reiterate the point that we made. We have no particular interest in debating the question of instruction, education generally. We have made that reasonably clear. But for your interest, you could perhaps read the second paragraph of article 48: "Such bodies may provide instruction in English;". That again is a discretionary matter. The first paragraph reads: "The language of instruction shall be French in the schools governed by the school boards, the regional school boards and the corporations of trustees". "Such bodies may provide instruction in English;". It is our position and we can debate if you wish in a great length and a great inutility, the constitutional aspects of this; but, frankly, our position has been that in both French schools and in English schools, both language groups should receive instruction in the other official language of Canada. That is our position in a nutshell.

M. CHARRON: J'ai également lu cela dans votre mémoire, lorsque vous dites qu'il serait préférable d'encourager l'enseignement du français dans les écoles anglaises et de l'anglais dans les écoles françaises. Je pense qu'il y a pas mal d'ententes entre les groupes pour le fait d'améliorer l'enseignement des langues secondes dans chacun des systèmes, mais c'est parce que vous avez fait précéder cette phrase d'une affirmation dans laquelle vous dites: Au lieu de limiter l'enseignement de l'anglais, on devrait faire ceci et cela. Je vous demande à quel endroit vous avez vu, dans le projet de loi...

M. CAMPBELL: In the second paragraph of article 48: "Such bodies may provide instruction in English;". It is not a clear cut duty. "The language of instruction shall be French in the schools governed by the school boards... Such bodies may provide instruction in English;".

Again, as I stated, our particular concern is not so much with education per se, our particular concern is with promoting both English and French within the province and within Canada.

M. CHARRON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Gentlemen of the United Church, we thank you very much for your presentation.

J'invite maintenant la Centrale de l'enseignement du Québec...

M. BATSTONE: Thank you for hearing us so courteously. We want to show you that the United Church of Canada and Québec will continue to be interested and concerned with every issue which affects the French-speaking and the English-speaking community. Thank you very much!

LE PRESIDENT (M. Gratton): We thank you.

J'invite M. Yvon Charbonneau, le président de la Centrale d'enseignement du Québec.

M. Charbonneau, je vous inviterais à présenter, s'il vous plaît, ceux qui vous accompagnent.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. CHARBONNEAU: A ma gauche, M. Léonce Pelletier, qui est directeur général de la CEQ, et, à ma droite, M. Michel Agnaieff, qui est directeur de l'information à la CEQ.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci.

M. CHARBONNEAU: M. le Président, messieurs les parlementaires, messieurs les ministres promus parce que bilingues, selon ce qu'a dit M. Sheldrick cet après-midi, je dois vous dire que c'est avec passablement d'hésitation que la CEQ, que le Conseil provincial de la CEQ nous a autorisés à présenter notre point de vue devant cette commission parlementaire, parce que nous avons déjà goûté à certaines commissions parlementaires, et aussi, parce qu'avant que le débat ne commence, au niveau de la commission parlementaire, le ministre de l'Education semble s'être bien campé dans son fauteuil ministériel et nous a avisés qu'il serait intraitable sur le fond. C'était assez pour faire reculer des moins hardis que nous. Cependant...

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charbonneau, si vous me permettez une courte parenthèse, j'inviterais les gens dans les galeries du public à bien vouloir s'abstenir de manifester d'une façon quelconque, le règlement de l'Assemblée nationale ne le permettant pas. Nous, de notre côté, nous tâcherons de ne pas réagir non plus. M. le Président de la centrale.

M. CHARBONNEAU: Enfin, comme vous le voulez.

Je dois vous dire aussi que nous avons surmonté cette hésitation, mais je dois dire quand même, en préambule, que nous nous sentons vraiment humiliés, comme Québécois, comme Québécois francophones, comme travailleurs, comme travailleurs de l'enseignement, d'avoir à venir parader, défiler devant une commission parlementaire pour défendre le statut du français au Québec, pour venir commenter un projet de loi qui, d'après nous, ne va pas dans le sens souhaitable pour la majorité francophone au Québec. C'est humiliant, pour des représentants d'une fraction de la majorité francophone, de venir défiler à la queue leu leu derrière des groupes minoritaires que nous respectons, dont nous respectons les droits, de venir défiler à côté d'associations

anglophones qui ne sont mêmes pas capables de répondre aux questions que vous leur posez.

C'est difficile. Nous nous sentons vraiment à genoux, comme Québécois francophones, quand nous venons discuter forcément, en de tels termes, d'un projet de loi présumément orienté à faire du français la seule langue officielle. Nous imaginons assez bien la satisfaction mal dissimulée parfois, du ministre de l'Education et du gouvernement, de voir s'organiser ce que j'appellerais cette espèce de combat de coqs linguistique —cet après-midi, le ministre des Affaires culturelles a même parlé de théâtre. "Messieurs, il y a d'autres théâtres pour cela", a-t-il lancé à quelqu'un c'était un mot qui en laissait dire long — un certain plaisir donc que nous constatons à voir ce combat de coqs organisé où des anglophones viennent ici à tour de rôle lancer des cris de guerre contre le bill 22, sans même pouvoir soutenir d'argumentation sérieuse leur point de vue, sans même pouvoir vous assurer qu'ils ont même lu le projet de loi; ils viennent ici pour réclamer et pour vous blâmer de ne pas avoir mis dans le projet de loi ce que pourtant vous avez mis. Une espèce de faux combat de coqs, par conséquent, où il y a une opposition qui, en principe, doit se manifester entre, avez-vous dit dès le lancement du projet de loi, deux extremis mes.

Pourtant, vous avez pris toutes les précautions, nous semble-t-il, pour rassurer ces soi-disant extrémistes anglophones qui viennent ici comme des figurants incapables, encore une fois, de soutenir ce qu'ils avancent.

Nous avons tout de même décidé de venir à cette commission parlementaire parce que nous croyons que les Québécois francophones, malgré tout, doivent avoir ce sursaut d'énergie et de dignité de venir exprimer leur nausée à ce projet de politiques ou, en tout cas, leur rejet de ce projet de loi 22 qui ne fait pas du français la seule langue officielle malgré son titre. Ce projet de loi qui, d'après nous, est un projet de loi d'un nain politique, un projet de loi qui soustrait une fois pour toutes du domaine législatif la question linguistique, malgré les apparences, tout en faisant mine de légiférer, globalement, de façon très large sur la question linguistique, qui par ses nombreux trous, par ses nombreuses exceptions, par ses nombreux oui, mais, oui, mais, en arrive à soustraire du domaine législatif, finalement, et pour longtemps, tout le débat linguistique.

Ce projet de loi qui élargit le champ d'usage statutaire du français comme langue officielle tout en faisant mine de le restreindre, ce projet de loi, à notre avis, non pas qui demande ou qui exige la démission du ministre, mais qui prend état, je crois, d'une certaine forme de démission devant l'avenir de la majorité francophone au Québec.

J'aurais une question à poser dès le début. Etant donné que nous avons entendu comme tout le monde, le soir de l'élection au mois d'octobre, le premier ministre dire que sur les questions importantes, étant donné la majorité numérique qu'il détient — que le gouvernement détient — il y aurait des commissions parlementaires itinérantes c'est-à-dire qu'elles pourraient se déplacer d'une région à l'autre pour aller écouter les gens de très près, est-ce que cette commission parlementaire sera itinérante jusqu'à un certain point dans le sens annoncé par le premier ministre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je présume que vous me posez la question, à moi?

M. CHARBONNEAU: Oui, ou à quelqu'un qui est en...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Malheureusement, je ne suis pas habilité à donner des réponses à ces questions. Je pense, d'ailleurs, qu'il est bon de souligner qu'il y a une motion dans ce sens qui a été défaite dès la première séance...

M. CHARRON: J'ai présenté une motion en ce sens la première journée, elle a été défaite par la majorité gouvernementale. L'Opposition officielle appuyée par les députés créditistes qui siègent en commission avaient voté en faveur de cette motion.

M. CHARBONNEAU: Je dois vous dire que le conseil provincial de la CEQ qui est l'organisme suprême entre les congrès, avait vivement souhaité que cette commission parlementaire puisse se déplacer et aller rencontrer sur les lieux des représentants des syndicats d'enseignants un peu partout. Est-ce qu'au moins, M. le Président, on peut être assuré que chacun des affiliés de la CEQ qui a envoyé un mémoire dans les délais au ministre ou à cette commission parlementaire, sera directement et lui-même entendu à la commission parlementaire, parce qu'il y a eu des rumeurs voulant qu'une fois que la centrale a passé, les affiliées sont automatiquement passées?

LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, comme on l'a dit dès le début et comme on le répète, la commission entendra, dans la mesure où c'est possible, tous les organismes qui ont demandé à être entendus.

M. CHARBONNEAU: Parce que vous comprenez que le point est d'importance. Si, d'une part, la commission parlementaire n'est pas itinérante, et que, d'autre part, par hypothèse, on n'admet pas ici tous les organismes régionaux, vous comprendrez qu'on est dans un cul-de-sac et dans une contradiction importante. On aimerait avoir l'assurance, parce que cela suppose une certaine préparation. Ce sont des gens qui viennent d'un peu partout dans le Québec et ils aiment bien être assurés à l'avance que leur point de vue sera directement entendu ici. On aimerait bien le savoir, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue que je suis très mal placé pour donner des références, car en fait, ce sera à la commission de décider de quelle façon elle procédera et jusqu'à quel point elle entendra des...

M. HARDY: M. le Président, est-ce que, là-dessus, je peux poser une question? Est-ce que vos questions impliquent que vos organisations locales n'ont pas approuvé le mémoire que vous présentez ce soir?

M. CHARBONNEAU: Vous avez parfaitement mal compris, monsieur.

M. HARDY: Non, c'est une question que je pose.

M. CHARBONNEAU: Elles n'impliquent rien du tout dans ce sens. C'est que les affiliées que nous avons ont des données régionales, des statistiques sur les régions, sur les mouvements d'anglicisation, par exemple, suite à la loi 63, dans le Saguenay, dans la région de Shawinigan, à Montréal, à Québec. J'aime bien savoir ici si ces gens auront l'occasion de venir vous expliquer les mouvements d'anglicisation, suite à la loi 63. Pour un exemple. Il y a eu d'autres conflits linguistiques et scolaires un peu partout, je pense à Laval, je pense à la banlieue de Montréal, un peu partout dans le Québec, dans l'Outaouais. Il y a des phénomènes avec coloration particulière régionale qui se sont produits. Je ne crois pas vraiment qu'il soit du ressort de la centrale d'expliquer tous ces phénomènes. Je veux m'assurer que nos affiliées pourront venir vous dire réellement ce qui s'est passé dans leur région. C'est très important pour nous, étant donné que la commission parlementaire n'est pas itinérante, que nous puissions acheminer ici, à votre connaissance, les dossiers que nous avons accumulés.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire que les raisons que le président de la CEQ vient d'invoquer, sont exactement celles qui m'ont amené l'autre jour à appuyer la motion du député de Saint-Jacques. C'est parce que les problèmes varient d'une région à l'autre, que nous avons proposé cette commission itinérante. Je ne vous cacherai pas, M. le président de la centrale, que nous avons des inquiétudes dans le sens de celles que vous venez de mentionner.

Nous avons lu avec une certaine inquiétude des passages de certains articles de journaux qui laissaient entendre que peut-être le gouvernement cherchait ou chercherait à mettre un terme aux comparutions devant cette commission, le jour où il estimerait nécessaire de le faire.

On nous dit: La commission décide de sa propre procédure et c'est la commission qui tranchera. Mais nous savons bien que derrière la majorité de la commission se dissimule le gouvernement. Je ne ferai que dire, pour l'instant, que nous partageons vos craintes.

M. ROY: M. le Président, je me serais peut-être permis d'ajouter que nous allons tenir, en ce qui nous concerne, à ce que la commission parlementaire entende tous les organismes qui ont manifesté l'intention de venir se présenter devant la commission parlementaire, à moins que le gouvernement acquiesce à notre demande et à la demande de ceux qui sont ici ce soir de retirer son projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charbon-neau.

M. CHARBONNEAU: M. le Président, je pense que ma question est restée sans réponse de la part de celui qui pourrait ce soir nous donner une orientation et je pense que ça commande la présentation de ce mémoire. Vous comprendrez que si le ministre de l'Education nous dit : Une fois que la centrale est passée, les affiliées ne seront pas reçues, ça commande une présentation bien particulière, parce qu'à ce moment je devrai annexer, joindre ou inclure à ma présentation une quantité de statistiques régionales alors que ce ne sera pas le cas si on m'assure que les affiliées seront reçues ici.

M. CLOUTIER: M. le Président, il y a un règlement, la commission aura à suivre ce règlement. Il ne m'est pas possible de préjuger de ses décisions, de donner d'assurance. Nous sommes prêts à écouter le mémoire de tous les organismes qui sont appelés. Pour l'instant, la CEQ est devant nous, et je serai, pour ma part, très heureux d'assister à sa présentation. Je la souhaite la plus complète possible.

M. CHARBONNEAU: Est-ce que c'est le maximum, pensez-vous, M. le Président, qu'on peut obtenir comme indication?

LE PRESIDENT (M. Gratton): II semble que oui pour le moment.

M. CHARBONNEAU: Très bien, nous pourrons nous reprendre plus tard.

Je voudrais saluer l'arrivée de M. Roger Lapointe, qui était un enseignant tout comme moi il y a quelques années; il est maintenant député libéral du comté de Labelle-Laurentides.

M. LAPOINTE: Je voudrais saluer mon confrère de Mont-Laurier, M. Charbonneau.

M. CHARBONNEAU: Je voudrais vous dire aussi que Roger Lapointe a été président de syndicat bien avant que je ne le sois, à l'époque.

M. LAPOINTE: C'est ça.

M. CHARBONNEAU: Et dans l'enseignement privé et dans l'enseignement public.

M. MORIN: Est-ce que vous croyez avoir eu quelque influence sur lui?

M. CHARBONNEAU: Enfin!

M. MORIN: Nous verrons comment il votera sur le bill 22, si jamais il y a un vote.

M. CHARBONNEAU: J'espère qu'il se souviendra réellement de certaines convictions que je n'espère pas trop éloignées.

La question linguistique revêt une extrême gravité, mais elle est loin d'être la seule à se poser à la collectivité québécoise. L'aliénation du peuple québécois, une nation de salariés à la recherche d'une patrie, est d'abord de nature économique, et elle découle de la position que son écrasante majorité occupe dans le processus de production, le bas de l'échelle.

Le problème linguistique n'est par conséquent que la répercussion de cet état de choses sur le plan culturel, et, à trop vouloir isoler la question linguistique de son contexte, à mon avis on procède comme un médecin qui s'occupe davantage de la maladie que du malade.

Le Québec ne réussira à régler de façon définitive son problème qu'au moment où il aura la volonté et le courage politique de procéder à la repossession des leviers de contrôle de son économie et à la réappropriation de son patrimoine de richesses naturelles et à la réorientation de son économie dans le sens de la satisfaction des besoins collectifs. Ce sera l'entreprise d'un peuple en voie d'émancipation économique, sociale et nationale.

Un objet de transformation globale ne contredit pas toutefois la nécessité de tenter de régler des éléments du problème linguistique et ce, à toutes les occasions possibles.

Bien loin de mériter le qualificatif d'extrémistes dont on nous a affublés en haut lieu — ils ne sont pas loin d'ici — la position de la CEQ s'inspire des principes suivants : La langue nationale est un bien collectif et non pas un bien de consommation individuel. Elle ne saurait être non plus la simple résultante des choix individuels ou des choix des sous-groupes composant l'ensemble du Québec. La langue nationale est un instrument de cohésion, ceci explique la logique de notre position sur la langue d'enseignement. L'existence d'une langue nationale forte est compatible avec le maintien de langues minoritaires.

La situation géographique du Québec, la volonté d'entretenir des liens d'égal à égal avec d'autres Etats du monde — ce n'est pas nécessairement les Etats américains un par un — nous imposent d'assurer un enseignement efficace de l'anglais et des autres langues étrangères et la minorité dite anglophone ne constitue pas, nous le savons, un bloc monolitique et ce qui sépare un travailleur salarié anglophone d'un travailleur salarié francophone est bien moindre que ce qui les unit. Comme principe, également, le respect du bien des élèves actuellement engagés dans le système scolaire anglais, celui de l'immigrant par l'aménagement d'une structure efficace d'accueil, celui des droits de la minorité anglaise décantés des privilèges abusifs devra caractériser le train des mesures d'application. La CEQ demande le retrait du projet de loi 22. Ce projet de loi, nous le ressentons comme une triple agression à notre égard: à titre de Québécois: le français est une condition de vie; à titre de travailleurs francophones: le français est véritablement une condition de travail des plus essentielles, et, à titre de travailleurs de l'enseignement: le français est notre outil de travail et est l'objet de notre travail, pour une bonne part d'entre nous. Dans le premier chapitre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, si vous me permettez, est-ce que vous avez l'intention de faire la lecture de tout le mémoire?

M. CHARBONNEAU: A moins que cela ne vous indispose.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. Vous ne m'indisposez pas personnellement, mais je remarque que, selon le règlement, il reste cinq minutes pour la partie de la présentation et j'aimerais que la commission me donne une directive, à savoir si nous devons dès maintenant prolonger cette période ou si nous vous inviterons plutôt à résumer le mémoire de façon que nous passions à la période de questions plus rapidement.

M. ROY: M. le Président, si vous me le permettez, je pense qu'étant donné que c'est le dernier mémoire que nous avons ce soir, nous avons toute la soirée. Comme le mémoire de la CEQ est un mémoire très important, j'estime qu'on devrait prendre le temps nécessaire pour que le mémoire soit lu de façon que nous puissions prendre des notes — bien que je l'aie étudié personnellement — pour permettre à tous les membres de la commission de prendre des notes et que nous puissions revenir après poser des questions. Je pense que la Corporation des enseignants du Québec avec ce mémoire et compte tenu de ses fonctions, de son rôle dans la collectivité québécoise, devrait mériter une attention spéciale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que c'est là le voeu de la commission?

M. CHARRON: Certainement.

M. CLOUTIER: M. le Président, je n'aurai certainement pas d'objection non plus à ce que la CEQ lise son mémoire. Une fois le mémoire lu, nous pourrons voir combien il reste de temps et nous pourrions, à ce moment-là, nous entendre sur la période de discussion. Il faudrait prévoir une période de discussion raisonnable

de manière à ne pas créer de précédent vis-à-vis des autres organismes, mais, moi aussi, je souhaite que la CEQ puisse s'exprimer.

M. CHARBONNEAU: A quelle heure est-ce qu'on termine ici? Dix heures et demie...

M. CLOUTIER: Non. Commençons par lire le mémoire qui, normalement, devrait être terminé dans cinq minutes, mais prenez tout le temps nécessaire. Ensuite, nous verrons combien de temps il reste dans le cadre des règlements et nous nous entendrons, au sein de la commission, pour voir combien de temps pour la discussion...

M. CHARRON: La commission est maîtresse de ses travaux, M. Charbonneau.

M. CHARBONNEAU: Je remercie...

M. MORIN: En principe, nous avons jusqu'à 11 heures.

M. CHARBONNEAU: Dans le premier chapitre, nous énumérons un certain nombre de commentaires et nous présentons notre analyse des premiers chapitres du projet de loi, nous réservant dans le deuxième chapitre des commentaires sur le chapitre V en particulier, les langues d'enseignement et, dans un troisième chapitre, l'enseignement des langues.

La Centrale de l'enseignement du Québec réclame depuis déjà plusieurs années une législation linguistique faisant du français la seule langue officielle du Québec — déjà plusieurs années, c'est-à-dire depuis février 1969 exactement — et la langue réelle du travail, des affaires et de l'administration. Nous voulons bien admettre que l'anglais puisse être utilisé comme langue d'enseignement pour une partie de l'enseignement dispensé aux véritables anglophones natifs du Québec. Voilà une affirmation que nous avons tenu à placer dans le premier paragraphe de notre premier chapitre de sorte que l'on cesse d'agiter l'épithète d'extrémiste à propos de notre position. Mais, nous n'avons jamais admis que le français et l'anglais aient, comme langue d'enseignement, un statut juridique équivalent ou quasi équivalent. C'est dans cet esprit que nous avons combattu le bill 63 en 1969 et que nous en demandons toujours le rappel.

Le gouvernement s'est bien trompé s'il a cru que nous pouvions nous satisfaire de déclarations de principe ronflantes. Qu'il soit bien clair que nous n'accepterons pas de payer n'importe quel prix pour l'article premier du projet de loi 22. Le Titre du bill est un mensonge, l'article 1 nous semble une supercherie. Le bill 22 aurait dû s'intituler plus justement: Une loi définissant les statuts respectifs des deux langues officielles et reconnaissant au français une certaine priorité protocolaire. Etant donné l'esprit général des 130 articles du projet de loi, étant donné que l'article premier devra être interprété en fonction de cet esprit général, la signification réelle de cet article pourrait s'exprimer comme suit: II n'y a pas d'autres langues officielles pour l'ensemble du Québec que le français et l'anglais. Le français est la première langue officielle et l'anglais est la seconde langue officielle. Sauf exception prévue par la loi, et dans la mesure prévue par les règlements, le français peut avoir priorité sur l'anglais. Toutefois, dans la plupart des cas, chacun pourra s'exprimer dans la langue officielle de son choix. Tout ce qui se dit ou s'écrit dans les deux langues répond aux exigences de la loi. A notre point de vue, cette formulation n'est nullement caricaturale, elle ne fait que traduire l'esprit qui se retrouve à travers toutes les portes ouvertes et la cascade d'exceptions qui marque l'ensemble des autres articles, après l'article permier.

Créer deux langues officielles. Nous ne voyons vraiment pas comment on pourrait raisonnablement prétendre que l'adoption du projet de loi 22, tel que rédigé, n'accorderait pas à l'anglais un réel statut de deuxième langue officielle, statut applicable à tous les secteurs de la vie régis par les lois québécoises. Qu'est-ce, en effet qu'une langue officielle? Au sens large, il s'agit d'une langue dont le statut est proclamé ou explicitement reconnu par une autorité compétente. En ce sens, une langue est officielle dès qu'elle est explicitement reconnue par législation comme langue nationale, comme langue prioritaire, comme langue seconde ou autrement ou encore, dès que la loi qui reconnaît nommément une fonction, des attributions ou des droits qui ne sont pas reconnus aux langues qui ne sont pas nommées par la loi. Voilà, au sens large, ce qu'on peut appeler une langue officielle et, selon tous ces critères, l'anglais est une langue officielle en vertu du projet de loi 22.

Dans un sens plus restreint, la langue officielle, c'est la langue de la législation, de l'administration publique, des tribunaux, des délibérations officielles, des contrats et de tout autre document ayant ou pouvant avoir des effets juridiques. C'est la langue dans laquelle doit être rédigé tout texte officiel susceptible d'être invoqué pour une question de droit. Dans un sens comme dans l'autre, l'anglais sera effectivement très officiel si le projet de loi 22 est adopté.

En effet, plus de la moitié des articles de la loi font directement référence à la langue anglaise, alors qu'un seul article, l'article 48, fait référence, mais sans les nommer, aux langues des Indiens et des Inuit du Nouveau-Québec. On mentionne souvent la possibilité que le texte français puisse être accompagné d'une version anglaise, aux article 8, 17, 20, 24, 36 et 39, sans indiquer qu'il peut être aussi accompagné d'une version dans une troisième langue. Est-ce à dire alors que toute version

dans une autre langue est interdite? Ou est-ce à dire que la version en langue anglaise peut être exigible? Dans un cas comme dans l'autre, on reconnaît à l'anglais un statut officiel exclusif par rapport aux langues qui ne sont pas nommées dans la loi.

Le privilège reconnu à l'anglais par l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique d'être langue officielle de législation et des tribunaux est maintenu. Notons toutefois que le caractère officiel de l'anglais, octroyé par l'article 133, était strictement limité aux délibérations du corps législatif, à la publication des textes de loi et aux procédures des tribunaux. Ce qui ne veut pas dire que l'anglais était formellement interdit dans les autres secteurs de la vie collective du Québec, mais seul le français avait un statut de langue officielle générale, non limité à l'un ou l'autre des secteurs déterminés. En 1969, le bill 63 est venu faire officiellement de l'anglais l'une des deux langues d'enseignement, juridiquement sur le même pied que le français.

Ce qu'on nous propose maintenant avec le projet de loi 22, c'est d'étendre le statut officiel de l'anglais à tous les secteurs importants de la vie québécoise. Désormais, si le projet de loi 22 est voté, toute personne physique ou morale pourra s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais, à son choix, mais non pas dans une autre langue; c'est l'article 11. En assemblée délibérante, dans l'administration publique, à tous les niveaux et dans toutes les régions du Québec, les interventions dans les débats officiels pourront se faire en français ou en anglais, au choix des intervenants, mais dans aucune autre langue. Cela va donner un caractère statutaire au genre de conversation qu'il y a eu cet après-midi en assemblée parlementaire, où l'anglais semblait déjà devenu une langue officielle, par extension, et nous n'étions pas ici à l'Assemblée nationale, mais dans une commission non élue, selon l'expression employée, et pourtant l'anglais semblait déjà avoir un statut de langue officielle de communication.

Le français et l'anglais seront langues de la communication interne dans les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise, article 13. Les organismes municipaux et scolaires, dont 10 p.c. des administrés sont de langue anglaise — il y en a des milliers — devront produire en français et en anglais leurs textes et documents officiels, les deux versions ayant alors la même valeur juridique, l'article 9. Les tribunaux du Québec pourront prononcer leurs jugements en anglais seulement s'ils le désirent, mais le ministre de la Justice devra alors faire en sorte que ces jugements soient traduits dans l'autre langue officielles, article 16. Evidemment, ce n'est pas long quand il y a seulement sept mots.

Le français et l'anglais seront donc les langues officielles de l'administration publique, le français jouissant d'un statut de langue officielle prioritaire.

Dans les entreprises d'utilité publique et dans la pratique professionnelle ainsi que dans le monde du travail, la priorité du français est encore théoriquement affirmée mais, partout, l'anglais est explicitement et officiellement établi comme langue seconde officielle.

De plus, l'affirmation théorique de la priorité du français apparaît beaucoup plus sous forme de voeu pieux que sous forme d'obligation vraiment contraignante. Il n'y aurait guère, dans ces chapitres, que l'article 19 pour affirmer de façon contraignante la priorité absolue du français, mais de façon bien moins contraignante que la loi 19, d'auguste mémoire, qui renfermait des sanctions pour d'autres types de violation. On n'a pas vu de $5,000 ni de $50,000 comme sanction pour ceux qui contreviendraient à cette loi. Pourtant cela avait été rédigé par le même parti et les mêmes hommes.

Mais il arrive que cet article entre en contradiction avec le principe général énoncé à l'article 11, de sorte que partout où le français est exigé, l'anglais est également permis. Mais sans doute pas seulement à la façon dont toutes les autres langues peuvent également être permises (c'est-à-dire comme versions complémentaires non officielles et non exigibles au texte officiel, obligatoire et exigible,) puisque seul l'anglais est explicitement mentionné. En fait, on crée une obligation morale à produire sur demande des versions anglaises quasi officielles de tous les textes français officiels et obligatoires. On a même prévu dans ce projet de loi des cas où le texte anglais sera le texte officiel avec priorité sur la version française également obligatoire (voir articles 26 et 29).

Dans le monde des affaires, c'est nettement le bilinguisme français-anglais qui est privilégié. Le texte du bill, à ce chapitre, se fait suppliant à l'endroit des maîtres de l'économie pour qu'ils daignent accorder au moins l'égalité de traitement à la langue des Québécois. L'article 41, combiné à l'article 119, constitue une incitation directe aux consommateurs unilingues à exiger des contrats bilingues. Aucune sanction n'est prévue contre ceux qui n'accorderaient pas au français un traitement convenable, mais des cadeaux sont offerts aux entreprises qui se soumettront de bon coeur aux supplications de la loi. Aveu de faiblesse, porte ouverte au remerciement, cette pratique est également immorale en ce qu'elle exige d'un peuple qu'il paie ses exploiteurs pour que ceux-ci accordent à la langue du pays un minimum de respect. Hem! Hem! Ce n'est pas l'émotion. Ne vous en faites pas.

Dans une autre partie de ce mémoire, nous allons faire connaître en détail nos positions sur la langue d'enseignement et sur l'enseignement des langues, ce qui est pour nous bonnet blanc, blanc bonnet. Mais nous tenons à affirmer tout de suite que l'ensemble du projet de loi nous apparaît inacceptable parce qu'il ne fait pas du français — et nous l'avons prouvé par une vingtaine d'exemples, d'illustrations — la seule

langue officielle du Québec, parce qu'il reconnaît un caractère très officiel à l'anglais un peu partout, à peu près à tous les points de vue que nous avons énumérés et parce qu'il ne prévoit aucune mesure vraiment efficace pour assurer à notre langue une réelle primauté dans tous les secteurs de la vie québécoise.

Le projet de loi 22 aura aussi pour effet de soustraire la question linguistique à la responsabilité du pouvoir législatif en transférant cette responsabilité au pouvoir discrétionnaire du ministre responsable, du cabinet et d'une régie bien édentée. Ce gouvernement aime gouverner par décrets et par règlements. Je crois que cela méritait une pause. Les textes législatifs sont en passe de devenir de simples occasions d'énumérer les domaines de plus en plus nombreux où s'appliquera désormais le pouvoir discrétionnaire des arrêtés en conseil et des règlements.

Nous allons maintenant aborder plus particulièrement le chapitre qui traite de la langue de l'enseignement. Je crois que ce chapitre présente une politique que beaucoup ont commentée en la qualifiant de confusion générale, mais qui, d'après nous, est d'une confusion très claire sur les intentions ou plutôt les non-intentions, les velléités du gouvernement de trancher un certain noeud gordien. Que le français soit la langue de l'enseignement dans un Québec où le français est la seule langue officielle ne devrait même pas faire l'objet d'une discussion tant il est normal, comme c'est le cas dans la majorité des pays civilisés, que la langue de la majorité soit celle du système d'éducation en même temps que l'instrument privilégié pour assurer le maximum de cohésion nationale.

Or, l'article 1 du projet de loi 22 qui proclame que le français est la seule langue officielle du Québec est tellement édulcoré par le chapitre V consacré à la langue de l'enseignement, que cette proclamation tient, à l'examen le moindrement attentif des multiples restrictions ou concessions de ce projet de loi, du plus pur calcul politique ou d'une très grande naïveté.

En effet, dans ses implications concrètes, tout le chapitre V du projet de loi met en évidence le "velléitarisme" de l'article 118 qui fait mine d'abolir la loi 63. En outre, en tentant de modifier les paragraphes 3e et 4e de l'article 203 de la Loi de l'instruction publique qui consacrent le libre choix des parents quant à la langue de l'enseignement, le bill 63, l'article 115 du projet de loi devient inopérant, voire incompréhensible, quand on le confronte à l'article 51, dont l'application demeure alors des plus problématiques. En effet, les tests visant à évaluer la connaissance de la langue reposent sur les pouvoirs tout aussi discrétionnaires qu'arbitraires dévolus par voie de règlements à venir au ministre de l'Education.

Nous sommes particulièrement étonnés que l'on soit aussi prompt à laisser à l'arbitraire local — probablement dans des buts de politi- que de décentralisation — le pouvoir de décider dans un domaine aussi névralgique que celui de la langue d'enseignement, qui est une des premières responsabilités fondamentales du gouvernement. Pourtant, pour des questions beaucoup moins importantes, comme c'est le cas, par exemple, dans certaines discussions concernant la sécurité d'emploi des enseignants, les mises à pied pour surplus de personnel, et tant d'autres questions, pour des questions moins fondamentales par rapport à l'avenir du Québec, les commissions scolaires demeurent encore sous le joug d'une excessive centralisation. Et voici que, quand arrive l'assiette linguistique, on la refile à ses partenaires locaux.

Comment ne pas être aussi médusés par le silence total du projet de loi au sujet des CEGEP, au sujet du secteur universitaire, au sujet du secteur privé d'enseignement pourtant en plein essor dans le Québec et qui devrait préoccuper davantage le ministre? Devrait-on conclure qu'il s'agit là d'une démission ou d'un oubli?

Il est inadmissible que seulement cinq des 130 articles de ce projet de loi soient consacrés à la langue de l'enseignement, mais pour ce qu'ils contiennent, ils étaient déjà assez nombreux, nous l'admettons, et qu'à ce chapitre on ait fait la preuve d'un refus évident de prendre position en faveur de la plus élémentaire démocratie qui, normalement, est l'expression de la majorité. Dans un contexte comme celui dans lequel se débat la majorité francophone, cela eût été non pas un exemple pour le monde entier, mais tout simplement l'affirmation d'une dignité enfin retrouvée. Assez tristement, hélas, ce projet de loi consacrera, s'il est adopté par une deputation majoritairement francophone, un précédent tristement historique, celui de représentants d'un peuple majoritaire et de combien, mais sans échine, humiliés, veules, qui mettent leur fierté à respecter coûte que coûte les pressions et les supposés droits d'une des minorités, même au risque de handicaper l'identité de la majorité.

L'école est le premier instrument collectif que se donne une nation civilisée qui veut préserver et transmettre son patrimoine national. Et puisqu'on ne transmet pas un patrimoine national comme on transmet un chèque bilingue, la nécessité d'une langue nationale s'impose et seule une langue nationale et commune à toutes les ethnies qui composent une nation peut garantir cette cohésion et ce sentiment d'appartenance sans lesquels il n'y a plus cohésion, mais juxtaposition d'individus ou de communautés culturelles ou de groupes d'objectifs ou d'intérêts divergents.

Pour qu'une telle langue nationale existe, il faut qu'elle soit perçue comme un bien collectif et la pierre d'assise de la nation.

Commentant un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme, un éminent

juriste a émis l'avis qu'il ne faut pas distraire les droits dits "de l'homme" de leur enracinement économique et social. Et je cite: "Le droit de l'homme y perd l'absolu et l'intangibilité dont on le pare quelque peu hâtivement. Plutôt qu'un droit individuel, il devient en quelque sorte un droit "social" en tant qu'il se pose en une relation de l'individu à la société, dans l'équilibre de leurs exigences respectives, problématique à tout prendre plus conforme à la notion de personne humaine que l'individualisme "classique". Il postule le respect des exigences d'un être qui trouve au sein d'un corps social sa voie de perfection, plutôt que d'un être qui jouit en dehors de celle-ci des principes de sa perfection."

Nous prétendons que tous les Québécois, qu'ils soient natifs du Québec ou immigrants, doivent être reconnus comme des égaux en dignité et en droit. Voilà une affirmation qu'il convient mal de qualifier d'extrémiste.

Nous croyons que les individus devraient être protégés contre toute discrimination fondée sur l'origine ethnique, que nous devrions reconnaître à chacun le droit à l'originalité et garantir une certaine protection aux diverses langues maternelles des Québécois au niveau des relations d'ordre privé.

Les groupes minoritaires qui veulent conserver leur langue maternelle respective doivent aussi pouvoir communiquer entre eux et avec le groupe majoritaire au moyen d'une langue commune. Ils doivent pouvoir participer de plein droit à la vie économique et politique du Québec d'où une nécessité pour eux de savoir s'exprimer dans la langue nationale des Québécois. Si ce principe était mis en application et respecté, on n'assisterait pas à ce spectacle extrêmement triste et indigne de nous auquel nous assistons, comme c'était le cas ce soir et cet après-midi, où des gens viennent ici et sont incapables de répondre à des questions posées en français. Es sont même incapables de répondre en anglais à des questions posées en français par des représentants de la population. Nous l'avons vu cet après-midi.

Puisque la majorité des Québécois reconnaît que le français au Québec est un bien collectif, il s'agit donc, dans les circonstances bien particulières d'agressions multiples où nous nous débattons, d'établir le statut du français en fonction, d'abord, des droits collectifs de ceux qui parlent cette langue plutôt que des intérêts particuliers des individus ou des sous-groupes habitant le Québec. C'est ce que tous les autres au Canada ont compris.

Au premier chef, le respect de ce principe implique donc que soit créé un système scolaire francophone unifié desservant les citoyens québécois de toute provenance linguistique ou de toute croyance. Le français ne sera vraiment la langue officielle que s'il devient la langue de telles administrations publiques.

Nous admettons que, concurremment avec la langue nationale, la langue maternelle puisse être aussi la langue de l'enseignement dans le cas des enfants véritablement anglophones et québécois, esquimaux ou amérindiens. Pour ces groupes particuliers, les uns étant arrivés avant nous et les autres quelque peu après nous, tout de même, nous concédons même qu'il puisse exister des écoles ou des classes à l'intérieur de ce réseau scolaire intégré. Cependant, on doit reconnaître, dans les faits, le principe fondamental de l'école pour tous les autres groupes.

J'espère qu'on retiendra bien ce paragraphe avant de nous classer au niveau des extrémistes, non que nous ayons peur du nom, mais nous savons ce qui se cache en dessous comme possibilité de démagogie pour démolir des thèses qui ont pourtant du bon sens.

Nous sommes d'avis qu'il ne suffirait plus d'abroger la loi 63, mais qu'il faut en réparer les effets d'érosion subis par la majorité francophone depuis 1969.

D'après certains calculs, d'après certains chiffres livrés au public par le ministre de l'Education devant cette commission parlementaire, il y aurait environ 23,000 à 25,000 élèves de langue française inscrits à l'école anglaise et environ 10,000, qui ont fait le trajet inverse, anglophones qui se sont inscrits à l'école française.

Ce dernier volet de la situation est tout à fait normal au moment où on se considère une majorité qui a un pouvoir normal d'attraction et d'assimilation dans un contexte donné. C'est normal qu'au moins 10,000 enfants anglophones s'inscrivent à des écoles françaises, mais les 25,000 et la courbe croissante de ce transfert linguistique devraient nous inquiéter, nous faire sourciller au plus haut point. Ces 25,000 élèves, de toute façon, n'enlèvent pas moins de 1,135 postes d'enseignants francophones au Québec. Je suis sûr que cela fait sourire certaines personnes, sauf celles qui ont à régler actuellement le problème de surplus de personnel.

Nous exigeons donc le rapatriement immédiat des francophones passés au secteur anglophone depuis 1969, le retour progressif à l'école française des enfants d'immigrants, anglophones ou autres, qui ont choisi l'école anglaise depuis 1969, depuis le moment du bill 63. Nous réclamons l'interdiction pour les francophones de s'inscrire aux classes ou écoles spécialement aménagées pour ceux que nous appellerions — dans notre hypothèse de réseau scolaire unifié avec dispositions spéciales pour les vrais Anglais — ceux que nous appellerions alors "la véritable minorité anglophone du Québec" à laquelle nous sommes disposés encore une fois à reconnaître certains aménagements particuliers, dans l'espoir qu'ils comprennent qu'il est dans leur intérêt de comprendre qu'une minorité est en train de lutter pour sa propre existence, ce qui suppose qu'elle recourt à des moyens qui peuvent paraître inutiles ou exagérés à des majorités anglo-saxonnes confortablement établies dans leur sécurité économique et culturelle.

Nous reconnaissons d'emblée que, dans tout

système moderne d'éducation, l'enseignement des langues étrangères constitue un enrichissement culturel important, tout en répondant parfois, pour un certain nombre de personnes dans une population donnée, à des exigences d'ordre pratique incontestables. Nous n'avons donc aucunement comme objectif de confiner ou d'enfermer la communauté francophone du Québec dans un ghetto hostile aux cultures étrangères. La géographie même nous interdit de devenir une enclave fermée aux relations socio-économiques avec le continent nord-américain.

Toutefois, nous nous opposons à ce que l'enseignement des langues étrangères se fasse au détriment des priorités fondamentales de notre système scolaire et au détriment de notre vie collective dans ce qu'elle a de plus précieux: son intégrité linguistique, son identité culturelle, voire sa propre survie.

Avant d'aborder cette question de l'enseignement des langues, il nous semble impérieux que nous examinions la situation concrète dans laquelle nous sommes. Les conditions préalables à cet enseignement ne nous convaincront que davantage de la nécessité de corriger d'abord l'injustice dont est victime la majorité francophone.

Comme tant d'autres Québécois depuis 1969, nous avons conspué l'infâme loi 63, nous avons demandé sa radiation. Comme tous les oppositionnistes d'alors, nous appréhendions les effets corrosifs de cette loi au détriment de notre majorité. Mais quatre ans plus tard, des études fouillées confirment nos craintes d'alors, et, à partir de maintenant, ce n'est plus d'hypothèses échafaudées par des extrémistes qu'il s'agit, c'est de statistiques et de faits bien vérifiables qui crèvent les yeux de tout le monde, sauf, bien entendu, les yeux fermés.

Les dispositions frelatées du projet de loi 22 relatives à la langue de l'enseignement donnent gain de cause aux minorités possédantes qui, grâce à un "lobbying" puissant, pourront maintenir, à même les deniers publics, leur système public-privé d'enseignement.

Contradictoirement et compte tenu d'une opinion publique dont on entretient sciemment les préjugés, c'est encore la langue de la minorité que le projet de loi 22 consacrera comme la langue de la sécurité et de la réussite dans la vie. Déjà très alarmante, la tendance aux transferts linguistiques s'accrof-tra et ce n'est surtout pas la mascarade du test ministériel qui changera cet état de fait, d'après nous. Cet hypothétique test relèverait de l'arbitraire ministériel et il serait appliqué par les commissions scolaires avec toute la bonne volonté, la compétence, l'ouverture d'esprit qu'on reconnaît, même au ministère de l'Education, à ces instances tellement démocratiques et dynamiques. Ce test serait une incitation de plus à une anglicisation plus précoce, non pas par conversion... comme nous avons fait l'erreur de l'écrire, quoique avec le colonel Sheldrick, je crois que l'immersion ne suffirait pas, il faudrait vraiment espérer une conversion. Tout de même pour les plus jeunes enfants, nous pourrons procéder par immersion ou autrement des tout jeunes enfants. Il n'y a là que fumisterie et comédie, que tentative de maintenir de façon évidente la primauté des options individuelles sur les droits collectifs, que volonté délibérée de donner un air de libéralisme à une politique dictée par les intérêts d'une minorité qui s'est si bien exprimée dans la langue de son choix dans le rapport Fantus. "We would accept a few crazy things" — je n'en ai pas mis long, pour ne pas faire plus dur que ça — fut la réponse d'un eminent financier anglophone à qui l'on demandait d'accepter quelques changements au statut de la langue au Québec (Presse, 25 mai 1974).

S'il est vrai de dire que l'enseignement est une fonction politique, il est assurément vrai d'affirmer que l'enseignement des langues au Québec est devenu une tâche ingrate et explosive. Cet enseignement est d'une portée stratégique évidente, non seulement de notre point de vue, enseignants ou francophones — ce que nous savons depuis toujours — pour la classe dominante et son Etat. A preuve, tout le soin manifesté par le ministre de l'Education à accoucher en avril 1973 d'un ambitieux plan de développement de l'enseignement des langues de $100 millions en cinq ans. A preuve, les nombreux arrêtés en conseil précédant ou accompagnant ce plan et certaines dispositions du décret régissant nos conditions de travail au chapitre 8 des conditions de travail et au chapitre 7 des plans de perfectionnement, lesquels sont venus tranquillement, par toutes sortes de biais, insidieusement, en dehors des débats publics, préparer les structures et les mentalités à la bilinguisation progressive des francophones.

Comment interpréter autrement cet investissement massif dans le perfectionnement des professeurs d'anglais, langue seconde, alors que le français même dépérit à vue d'oeil? Comment interpréter autrement cette directive ministérielle imposant au niveau élémentaire l'engagement en toute priorité de spécialistes de l'enseignement de l'anglais comme langue seconde et à compter de la première année, si c'est voulu par la commission scolaire, alors que les enfants de ce niveau d'enseignement ne reçoivent aucune éducation physique, artistique ou musicale satisfaisante dans le Québec, alors que le réseau d'enseignement préscolaire est très sous-développé au Québec, alors qu'il y a des besoins criants en enseignement pour l'enfance inadaptée, en enseignement professionnel, en éducation permanente, alors que les "dropouts" quittent l'école par milliers?

D'où vient l'imposition par toutes sortes de moyens détournés, décrets, arrêtés en conseil, plans très dispendieux, bien sûr financés en sous-main par le fédéral, mais officiellement

très dispendieux, d'où vient cette espèce d'imposition, de ce chambardement des priorités normales de l'école si ce n'est de vouloir asservir à des fins politiques l'école québécoise et le travail des enseignants?

Nous pensons que le problème de l'enseignement du français est avant tout un problème politique et qu'on ne saurait enseigner une langue qui n'a pas d'assises et de raison sociale, une langue dégradée par la promiscuité linguistique anglophone, une langue humiliée et sans utilité publique dans le monde de tous les jours. Aussi, préconisons-nous de toutes nos forces un certain nombre de mesures de guerre, c'est-à-dire un état d'urgence quant à l'enseignement du français à tous les Québécois, à tous les niveaux du réseau scolaire. Nous connaissons les critiques fort justifiées qui ont cours dans le public, qui sont reprises de temps en temps par les têtes d'affiche en milieu scolaire, sur la qualité du français appris dans les écoles. Nous devons dire que nous nous sommes naïvement lancés à fond de train dans la réforme scolaire il y a une dizaine d'années et que les professeurs de français se sont engagés avec une bien légitime appréhension dans les programmes-cadres de français il y a trois ou cinq ans. Nous nous retrouvons, après dix ans d'efforts, les vivres coupés, les priorités chambardées, privés des moyens d'aller plus loin et de mieux faire. Certes, on nous propose des cours de linguistique et des magnétophones à la douzaine — un par enseignant de français s'il le faut, cela me surprendrait qu'il n'y ait pas un vendeur là-dessous — mais le problème n'est pas là. Ce n'est pas à la langue que les Québécois ont mal, c'est à leur être tout entier et de la façon la plus totale et la plus intime.

Nous proposons donc de considérer comme prioritaire l'enseignement de la langue nationale des Québécois accompagné — et nous insistons là-dessus parce que notre point de vue c'est qu'on n'isole pas la question linguistique de son contexte socio-culturel et économique — d'un programme global de repossession de notre culture, d'acculturation à notre propre condition de Québécois, ce qui comporte un enseignement intensif de notre propre histoire, de notre culture et de nos conditions de vie économiques et politiques. On sait ce que pensent les spécialistes de l'enseignement de l'histoire qui ne se donne pas actuellement à tous les élèves du niveau secondaire.

Par ailleurs, nous sommes convaincus de l'importance de l'enseignement des langues au Québec. La langue nationale et les langues étrangères doivent trouver place dans notre système d'enseignement et être enseignées de façon efficace selon des méthodes pédagogiques adaptées à chacune d'elles. Mais l'enseignement des langues ne doit se faire ni d'une façon anarchique, ni en fonction d'impératifs étrangers à notre situation, à nos besoins, à nos aspirations collectives comme majorité.

Sous cet angle, le plan de développement de l'enseignement des langues adopté en avril 1973 fait montre d'une improvisation totale du point de vue même de la pédagogie et de la psycholinguistique. Ce plan ne s'étaie sur aucune étude sérieuse, ni étrangère ni locale, quant aux exigences à respecter dans l'implantation d'un tel programme.

Nous dénonçons le fait que soit financé par l'Etat un enseignement de l'anglais dès la première année dans les écoles élémentaires francophones. Avec maints spécialistes en la matière, nous condamnons aussi l'imprudence, voire l'irresponsabilité et l'illogisme de cette démission devant une certaine opinion publique sondée, nous l'avouons, qui cherche à appliquer au Québec, sans examen critique suffisant, une technique pédagogique conçue ailleurs.

Dans un pays aussi fortement sécurisé sur le plan culturel et linguistique que l'Angleterre, on a cru nécessaire de lancer, en 1963, un programme de recherche des plus complets, étalé sur une période de sept ans, de la deuxième année de l'école primaire à la deuxième année de l'école secondaire et touchant environ 13,000 élèves répartis en deux groupes.

Pour l'un des groupes, l'enseignement du français débute dès l'âge de huit ans, avec un programme oral à raison de quelque 30 minutes par jour. L'enseignement du français débute, pour le deuxième groupe, à l'âge de onze ans. Voilà tout le soin qu'on a mis à expérimenter l'implantation de l'enseignement d'une langue seconde dans un pays aussi sûr que celui-là au point de vue culturel et économique.

Parmi les questions fondamentales auxquelles cette étude a cherché à répondre, on trouve celle-ci, pour montrer quel était l'objectif visé par cette recherche, quelles étaient les préoccupations des responsables de l'éducation dans ce pays, nous citons cette question: La maîtrise d'une langue étrangère est-elle vraiment facilitée du fait qu'on commence à l'enseigner à huit ans plutôt qu'à onze ans? Eux en doutaient. L'introduction d'une langue étrangère à l'école primaire aidera-t-elle ou nuira-t-elle au développement intellectuel et au rendement scolaire de l'élève? Les Britanniques se posaient cette question. Nous avions trouvé la réponse. Doit-on posséder un minimum d'aptitudes pour que l'enseignement d'une langue étrangère soit valable? Ils ont pris le temps d'étudier cette question. Nous ne nions pas l'engouement qu'ont certains parents ou certains responsables scolaires pour l'enseignement de plus en plus tôt, de plus en plus précoce, de l'anglais. Les marchands de bilinguisme ont grand succès et l'utopie se vend bien.

Le bilinguisme, faut-il le rappeler une fois de plus, n'est pas une valeur en soi. Il ne devrait pas être question de le proposer comme la panacée à une prétendue ouverture au monde pour les Québécois. Au niveau individuel, il est avantageux, à certaines conditions, et il est parfois nécessaire et très souvent utile de savoir parler deux langues, de savoir parler l'anglais pour un francophone dans le Québec. Au niveau des institutions politiques, il en va

autrement. Là où on le pratique, il représente un moindre mal, mais pour l'ensemble d'un peuple, nous soutenons que le bilinguisme, comme fait social, est un état anormal et pathologique.

Il est une source d'infériorité, il est une étape transitoire dans le passage d'un unilinguisme à un autre. Il est une des caractéristiques les plus évidentes d'un peuple en train de perdre sa culture et son identité. Lorsque deux peuples vivent côte à côte, que l'un d'eux est unilingue, les 1,300,000 du colonel Sheldrick, et l'autre bilingue, c'est le peuple unilingue qui assimile et qui domine. Les chiffres de M. Castonguay, de nombreuses études unilingues, le démontrent fort bien. C'est le peuple unilingue qui a les moyens d'imposer sa langue comme langue normale de toutes les relations entre ces deux peuples. Ce fait a été prouvé cet après-midi, puisque les unilingues anglo-protestants ont imposé au ministre de l'Education d'une majorité francophone de parler anglais. C'est le peuple unilingue qui crée pendant que l'autre copie et traduit.

Extrémisme? Racisme? Ignorance du contexte nord-américain et des impératifs économiques? Voilà en résumé les arguments que certains nous servent chaque fois que nous tenons de pareils propos. Et pourtant, c'est avec d'aussi fallacieux arguments que ces mêmes gens font fi, ont négligé de prendre des avis auprès des spécialistes les plus autorisés dans ces matières. La réalité est que nous vivons au Québec dans un contexte où la langue dominante n'est pas celle de la majorité. Quand, dans un pays unilingue, on propose l'apprentissage d'une langue seconde, on suppose déjà que le contexte socio-économique, linguistique, familial et culturel est d'abord unilingue, ce qui n'est pas le cas pour le Québec.

Aucune politique des langues ne doit ignorer cette mise en garde fondamentale au risque de favoriser l'assimilation de la langue française déjà très avancée dans les régions de Montréal et même de Québec, là où sont concentrés plus des deux cinquièmes de la population francophone du Québec.

A l'adresse de ceux qui nous accusent de pessimisme, de défaitisme, nous citons ces extraits d'une étude menée par des professeurs de l'Université du Québec à Rimouski: "De l'avis de la plupart des linguistes, c'est l'étude des professeurs Tremblay et Martinez, de langue française, dans le contexte bilingue où elle se trouve, ne vivra plus guère d'un demi-siècle au Québec. "Nonobstant les raisons socio-linguistiques, la langue française ne sera qu'une langue qu'on ne parle qu'après cinq heures du soir et cette langue à ce moment-là est déjà une langue morte. C'est déjà le cas de plusieurs milliers de francophones qui sont obligés de parler anglais toute la journée. Ils parlent un peu français dans le métro, quand le chauffeur peut parler aussi français. "La langue française est menacée dans ses structures les plus profondes, syntaxiques principalement, et c'est là le réel danger envisagé par la linguistique. Avant d'entreprendre l'apprentissage d'une langue seconde, il importe, messieurs, d'assurer avant tout la maîtrise pour tous, y compris pour les protestants, de la langue maternelle de la majorité. "Or, la maîtrise de la langue maternelle dans des conditions idéales — professeurs compétents, milieux familial et social adéquats, motivation personnelle satisfaisante — est assurée vers l'âge de 12-14 ans, c'est toujours l'étude de spécialistes que je cite, c'est-à-dire l'âge correspondant au niveau secondaire. Si nous prenons connaissance de plus récentes recherches sur l'état de la langue française au Québec, il ne nous est pas possible, disent ces spécialistes, de "débuter" l'apprentissage de la langue seconde avant 14-15 ans et même seize ans en étant très prudents."

Et je continue de les citer. "La position qui veut que l'apprentissage d'une langue seconde débute le plus tard possible, insiste sur le fait que la langue maternelle, comme instrument de pensée, n'est pas seulement une acquisition de phonèmes entendus et imités sur un modèle idéal, mais qu'elle est aussi un système de structures mentales très complexes, qu'on ne maîtrise pas nécessairement, devant être acquis dans des conditions idéales avant d'entreprendre l'apprentissage des structures d'une deuxième langue.

Selon cette théorie, il importe peu que le cerveau soit malléable ou non. Il importe surtout que la langue maternelle ne soit pas perturbée dans ses structures profondes par une autre langue possédant des structures semblables ou radicalement différentes. Selon les plus récentes recherches tendant à déterminer l'âge d'apprentissage de la langue seconde, la plupart des savants fixent cet âge environ vers la douzième année chronologique. Cet âge requis est déterminé dans le but d'un apprentissage fonctionnel, c'est-à-dire dans le but de permettre un meilleur apprentissage possible de la langue seconde et aussi dans le but d'éviter tout danger de confusion avec la langue maternelle et les autres manières inscrites au programme scolaire: mathématiques, musique, etc. De fait, nous croyons que le débat amorcé sur la question de l'âge d'acquisition d'une langue seconde démontre — ce débat a été amorcé par l'implantation prématurée du plan d'avril 1973 — que le problème n'a pas été envisagé là où il aurait dû l'être.

En effet, tout linguistique peut constater malgré ses appartenances à une école linguistique donnée, qu'il y a des enfants qui réussissent à acquérir une langue seconde sans perturber la langue maternelle et d'autres qui se voient coincés entre les deux systèmes linguistiques, sans assimiler correctement l'un ou l'autre système.

Pour le linguiste, le problème de l'âge d'ap-

prentissage d'une langue seconde se pose de la manière suivante: il doit déterminer comment et jusqu'à quelle limite la langue seconde influence la langue maternelle, c'est-à-dire dans quel état se trouve celle-ci, et, de plus, quelles sont ses chances de survie. Il nous faut d'abord remarquer que l'avance du jeune enfant au niveau de l'apprentissage de la prononciation n'est pas en soi une condition nécessaire et suffisante pour accepter d'emblée le début de l'apprentissage d'une langue seconde à la maternelle ou à l'école élémentaire."

Certes, pour beaucoup de professionnels oeuvrant dans les secteurs économique, technologique et industriel, ces considérations forcément succinctes, ne les persuaderont sans doute pas que la langue française peut avoir une utilité pragmatique et qu'elle ne favorise pas comme l'anglais la communication technologique, juridique et économique.

Voilà la réponse des spécialistes Tremblay et Martinez: Comment, à partir d'une conception semblable, pouvons-nous maintenir la langue française à un niveau d'utilisation lui permettant d'être plus vivante... d'abord, ce réflexe que le français ne peut pas avoir cette qualité d'échange au niveau des échanges économiques, technologiques et techniques autant que l'anglais. Si on a cela comme première impression à propos du français, comment peut-on maintenir la langue française à un niveau d'utilisation lui permettant d'être plus vivante... et lui assurant, dans un contexte nord-américain, une vie à long terme? Comment prétendre introduire l'enseignement de l'anglais à l'élémentaire sans conclure que cet enseignement conduit à la perte de la langue maternelle? Nous pensons qu'il faut en premier lieu, à travers tout cela, démontrer et faire valoir l'utilité pragmatique autant que culturelle de la langue française. Il est faux d'affirmer que la langue française n'est pas une langue appropriée pour véhiculer la pensée scientifique et technologique. Personne ne peut prouver que la langue française n'est pas propice à l'utilisation d'un vocabulaire administratif ou technologique (domaines de l'application hydroélectrique, aérospatiale, nucléaire, océanographique, téléphonique, bref tous les domaines de pointe dans la recherche appliquée).

Nous vivons, au Québec, dans une situation de diglossie qui rend déjà très pénible l'enseignement du français à des élèves à qui on apprend très tôt que là où il y a de l'argent, là il y a de l'anglais et vice-versa. Là où il y a l'anglais, là est l'argent. Ce n'est pas avec l'achat de milliers de magnétophones qu'on leur donnera le goût de vivre en français puisque tout l'environnement constitue une constante menace d'acculturation. En conséquence, le simple bon sens — et c'est humiliant d'avoir à le rappeler — ne nous dicte-t-il pas qu'il faut d'abord assurer la maîtrise par tous. D'ailleurs, voilà où est la priorité. Bien avant l'enseignement des langues secondes aux francophones, assurer d'abord la maîtrise par tous les Québécois de la langue nationale avant d'introduire à l'élémentaire, par-dessus le marché, l'enseignement d'une langue étrangère. A l'appui de cette thèse, voyons ce qu'en dit le professeur Caston-guay qui reprend à son compte les avis de spécialistes aussi réputés que le professeur Stern et Carrol: "II peut y avoir d'autres retombées négatives du fait de l'enseignement hâtif d'une langue seconde, à part celle bien connue de l'interférence linguistique et conceptuelle avec la langue maternelle et, par ricochet, avec les autres matières scolaires. Le plus redoutable pour le Québec en ce moment serait une évolution vers le bilinguisme social— c'est cela le pas que certains représentants cet après-midi vous disaient.vous accordaient comme étant en voie d'être franchi — un pas de plus vers le bilinguisme social, dernière étape avant l'assimilation linguistique: Jusqu'à quel point le bilinguisme social est-il possible? Qu'arrive-t-il lorsqu'une communauté, comme telle, dispose de deux systèmes différents de communication? Un examen tout récent et très fouillé de l'expérience linguistique canadienne depuis la Confédération jusqu'en 1972 confirme la loi empirique que deux langues de force inégale ne peuvent coexister en contact intime et que la plus faible des deux doit inévitablement disparaître".

Enconséquence, nous réclamons la suppression immédiate de l'enseignement de l'anglais à l'élémentaire dans le secteur francophone, parce qu'il est inutile et nuisible; et en retour, nous demandons que l'anglais s'enseigne de la façon la plus compétente possible au niveau secondaire, à côté d'un certain nombre d'autres langues étrangères.

Par ailleurs, nous sommes entièrement d'accord avec ceux qui souhaitent un enseignement de langues étrangères qui soit de la plus haute qualité.

A cet avis et à cette fin, nous sommes prêts à collaborer à la mise en oeuvre des moyens qui pourraient permettre l'atteinte de cet objectif, notamment en ce qui a trait à la formation des enseignants aux méthodes pédagogiques les plus appropriées en fonction des divers milieux socio-économiques, à la structuration des programmes qui permettront un apprentissage actif des langues étrangères.

Toutefois, nous sommes d'avis que cet apprentissage ne devrait débuter qu'au niveau secondaire et ce, sans préjudice quant à l'enseignement de la langue nationale. Nous dénonçons, entre autres choses, le fait actuellement permis et prévu et, en quelque sorte, ordonné par le ministère de l'Education d'un nombre de périodes égales au niveau secondaire pour l'enseignement de l'anglais et du français. Cinq périodes d'anglais, cinq périodes de français au niveau secondaire. Si la semaine compte six jours, six-six; sept-sept, si c'est une semaine de sept jours. C'est absolument abominable comme cadre d'enseignement des deux langues au niveau secondaire.

Cela, c'est parce que vous les avez retenus, M. le Président.

La maîtrise d'une langue étrangère est beaucoup plus une question d'intensité et de méthode qu'une question d'années. Ce n'est pas parce qu'on étale l'enseignement de l'anglais pendant quatre ans de secondaire, trois ans de primaire pour les commissions scolaires qui sont en train de l'autoriser à compter de la quatrième ou de la troisième année et, pour celles qui le veulent, à compter de la première année, ce n'est pas parce qu'on égrène pendant tout ce nombre d'années quelques minutes d'enseignement de l'anglais que ces élèves sauront très bien l'anglais à la fin du secondaire. Cela est prouvé, c'est un gaspillage actuellement de la manière que c'est organisé.

Ce n'est pas en saupoudrant un petit trente minutes par-ci, par-là. Tout cela n'est qu'un divertissement. Tout cela n'est qu'un chambardement des priorités normales de l'école au niveau élémentaire.

La maîtrise d'une langue étrangère étant beaucoup plus une question d'intensité et de méthodes qu'une question d'années... Parce qu'on a vu que, même avec ce grand nombre d'années, il y a des personnes très âgées de langue anglaise qui ne parviennent ni à comprendre ni à parler le français, même quand ils s'adressent aux représentants de la population francophone du Québec

Les résultats seront certes plus satisfaisants que ceux actuellement obtenus au niveau de secondaire V après sept ans d'efforts dispersés et inutiles.

Notre conclusion sera celle-ci: La loi 63 et ce non moins calculé projet de loi 22 constituent deux gifles — notre secrétaire avait cru comprendre deux gaffes, mais cela revenait au même, elle a très bien rétabli le sens— deux gifles monumentales à la dignité de la majorité francophone. L'abrogation de l'un et le retrait de l'autre sont les seuls gestes décents que doit poser un gouvernement qui se dit si soucieux des valeurs démocratiques.

C'est le ministre de l'Education lui-même qui, s'adressant au public très choisi de la Chambre de commerce du district de Montréal, le 13 novembre 1973, affirmait: "Qu'une politique linguistique ne peut être conçue dans l'abstrait pour être efficace ou plus simplement applicable. Elle doit s'appuyer sur les réalités d'une société donnée, autrement dit elle est soumise inévitablement à certaines contraintes qu'un gouvernement responsable ne peut ignorer."

Evidemment, ce mot "contrainte" employé par le ministre de l'Education ne dit pas tout. Quand on a lu le rapport Fantus, on peut se faire une certaine idée tout de même. Quand on est à quinze jours d'une campagne électorale remportée avec un tel succès, évidemment ce sont là de belles paroles devant la Chambre de commerce qui les a bien rendues ici d'ailleurs il n'y a pas longtemps.

Mais le ministre poursuivait: "Je n'hésite pas à dire qu'une politique linguistique qui ne serait pas acceptable par une majorité de citoyens et qui dresserait une partie de la population contre une autre non seulement serait vouée à l'échec, mais encore irait à l'encontre même du but recherché."

Le combat de coqs linguistique que vous avez organisé, messieurs de la majorité, n'est-il pas l'opposition d'une partie de la population à une partie de la population? Et si c'est cela, le ministre a lui-même condamné toute loi qui provoquerait une levée de boucliers d'une partie de la population contre l'autre.

Mais l'abrogation de la loi 63, le retrait du projet de loi 22 sont les deux seuls gestes décents à poser maintenant. La souveraineté culturelle passe d'abord par le respect de nous-mêmes et les Québécois de langue française n'ont que faire d'une souveraineté proclamée en principe, mais quotidiennement soumise à un régime d'exception.

Come travailleurs de l'enseignement, nous ne pouvons accepter un projet de loi qui incite, en dépit des tests, les jeunes Québécois à l'assimilation parce qu'il maintient et qu'il agrandit le statut officiel de l'anglais comme langue seconde officielle, ce que nous avons prouvé en première partie. Que l'on sache bien que les travailleurs de l'enseignement que nous représentons ne se feront pas les complices d'un tel calcul politique.

Il faut vraiment avoir perdu le sens de la réalité, être coupé des besoins scolaires qui sont des besoins sociaux au Québec pour nous asséner un tel projet de loi. Ces mêmes gens, qui ne sont pas si loin de nous — physiquement parlant — qui nous disent de ne pas faire de politique à l'école, ont fait de l'école et de notre travail d'enseignement un rouage de leur domination politique. La CEQ ne craint pas d'affirmer que les enseignants, malheureusement, font bien moins de politique dans les écoles que les politiciens ne font de politique sur le compte de l'école.

A compter de maintenant, nous devons nous rappeler que la libération linguistique n'est pas suffisante en soi, que toutes les libérations se tiennent, mais que celle-ci peut nous donner le goût de la dignité, de la liberté et nous donner, au fond, le goût un peu plus de nous-même. Aussi, préconisons-nous, de toutes nos forces, l'état d'urgence quant à l'enseignement du français à tous les Québécois et à tous les niveaux du réseau scolaire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs de la commission, nous avons maintenant passé une heure et vingt minutes à l'audition du mémoire de la CEQ. Est-ce que vous seriez prêts à me donner une directive quant au temps que nous devons passer à la période de questions?

M. MORIN: Oui. Il est prévu, d'après les arrangements qui ont été faits la semaine dernière, que nous pourrons consacrer le lundi, toute la période qui va jusqu'à onze heures du

soir, aux comparants. Je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne continuerons pas jusqu'à onze heures ce soir, étant donné qu'il n'y a pas d'autres invités devant nous. Je vous le propose.

M. CLOUTIER: J'ai toujours pour ma part été le plus souple possible quant à l'audition de ceux qui comparaissent devant la commission et je demanderais simplement au chef de l'Opposition s'il ne craindrait pas de créer un précédent par rapport à d'autres organismes et s'il ne préférerait pas limiter peut-être la discussion jusque vers dix heures trente.

M. MORIN: En ce qui me concerne, non, je ne voudrais pas. Je voudrais simplement que nous commencions dès maintenant à poser nos questions. Nous verrons jusqu'où cela nous mènera. C'est un mémoire substantiel. Tous les mémoires qui nous ont été soumis — vous le savez, M. le ministre — n'avaient pas cette importance. Nous avons passé une heure à deux reprises et même une heure et quart ou une heure et demie cet après-midi sur des "mémoires" qui n'étaient en fait que des lettres d'une longueur d'une page. Je crois qu'avec un mémoire de seize pages, nous pourrions bien y consacrer quelques minutes de plus.

M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord.

M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je voudrais remercier la CEQ pour son mémoire. Il a certainement le mérite de la clarté. Comme je connais depuis longtemps la position de cet organisme, et comme le mémoire a couvert tous les aspects de ses positions, je n'ai pas de question à poser pour l'instant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également le président de la centrale de l'enseignement du Québec et ceux qui l'accompagnent, de ce mémoire qui constitue, je dois le dire, sans minimiser son importance, un pas de plus fait par tous les témoins qui ont déjà déposé à la table de cette commission, à l'encontre du projet de loi 22 et qui constitue, je dirais, un pas de plus également dans l'isolement du gouvernement à sa position originale, qui est celle du projet de loi 22.

M. Charbonneau, je crois que le chef de l'Opposition interviendra avec moi par la suite pour l'ensemble de votre mémoire. J'aimerais aborder plus spécifiquement avec vous les questions qui ont trait à la langue de l'enseignement telle que vous en traitez dans votre mémoire. Je crois, à moins que je ne me trompe, que vous étiez présent cet après-midi dans la salle au moment où je posais des questions au représentant de la Quebec Association of Protestant School Boards et où, très simplement je lui demandais de m'expliquer la façon dont, lui, entendait et expliquait les dispositions des articles 48, 49, 50, 51, éventuellement si vous voulez le joindre 52, pourquoi pas tout le chapitre 5 du projet de loi 22 sur la langue d'enseignement.

Je ne sais pas si c'est à cela que vous faisiez référence quand vous disiez tout à l'heure qu'un membre de la commission n'avait pas obtenu de réponse cet après-midi. Je crois que, si ce n'était pas le cas, vous auriez pu le faire, à ce moment, parce qu'effectivement je n'ai pas reçu de réponse aux questions que je posais, qui sont les mêmes que l'Opposition pose à tous les groupes anglophones, c'est-à-dire, pour l'amour du bon Dieu, comment avez-vous lu le projet de loi pour en venir à monter dans les rideaux comme vous le faites, alors que les articles 48, 49 et 5*0 expriment le statu quo.

Je veux vous poser cette question à vous aussi, parce que dois la poser, non seulement aux anglophones, mais aux francophones. Est-ce qu'à votre avis les dispositions des articles 48, 49 et 50 équivalent ou à peu près au statu quo en ce qui s'appelle cette mesure pratique comme l'a défini le ministre de la Justice cet après-midi, ce qui est pour le ministre de l'Education, un droit acquis, mais peu importe, ce libre choix dont tout le monde parle, et qui, semble-t-il, aux dires de plusieurs témoins, serait révoqué actuellement ou littéralement abrogé et ne figurerait plus. Comment la CEQ envisage-t-elle ces articles?

M. CHARBONNEAU: Nous qualifions tout le chapitre 5 de vaste manoeuvre de confusion d'abord. Faisant mine de préciser le régime qui prévaut, en ce qui concerne la langue de l'enseignement en concordance avec le premier titre du projet — ce serait la langue française — faisant mine d'être concordant avec tout cela, ce que nous y voyons, c'est la consécration définitive de la possibilité de deux réseaux d'enseignement dans le Québec, un en langue française et un en langue anglaise. Même si dans certaines dispositions de la fin du projet de loi il y a un paragraphe, le paragraphe 115, je crois, qui prétend abroger la loi 63, ce que nous voyons dans les paragraphes 48 à 52, c'est une réintroduction avec une petite nuance sur laquelle nous allons revenir, du principe de base qui prévaut depuis 1969 jusqu'à maintenant, c'est-à-dire la création de deux réseaux scolaires dans le Québec. Même si c'est tricoté d'une façon un peu plus savante, des paragraphes 48 à 52, c'est encore cela qui est le fondement de cette politique. C'est ce que nous y voyons en tout cas. A partir de là, vraiment, c'est du pareil au même.

M. CHARRON: C'est l'article...

M. CHARBONNEAU: Pour nous, c'est une répétition du statu quo. Le seul élément nouveau qui arrive sur la table en discussion, c'est dans le cas de l'article 51 de la question du test.

Pour nous, ce n'est pas du tout une innovation, c'est plutôt une espèce de mesure qui va tromper peut-être un certain nombre de personnes, mais qui n'empêchera pas — c'est ça qui est vicieux dans la situation actuelle — que la politique linguistique en milieu scolaire soit finalement la résultante de choix individuels. Cela n'empêchera tout de même pas ça.

Là je ne critique même pas le test; si on veut fouiller cette hypothèse de test, on s'aperçoit que toutes les hypothèses sont permises en arrière de cette notion de test. Qui va le faire? C'est uniforme. Une fois que ce sera échafaudé au niveau du ministère, qu'est-ce que les commissions scolaires vont en faire, elles qui sont de plus en plus autonomes?

M. CHARRON: Surtout quand s'appliquera-t-il également? Parce qu'il n'est pas obligatoire.

M. CHARBONNEAU: Tout est ouvert de ce côté. On sait que les commissions scolaires revendiquent fièrement leur autonomie depuis un certain temps. Le ministre s'apprête à leur accorder plus d'autonomie et à décentraliser davantage toute l'organisation scolaire au Québec; il faut vraiment douter des possibilités d'appliquer de façon pratique le test auquel auraient pensé les ministériels ou le gouvernement.

C'est la seule mention nouvelle. Mais ça n'empêche pas — je le répète, c'est ça qu'il nous paraît fondamental de bien mettre en relief — que finalement il y aura encore des transferts linguistiques vers l'école anglaise, moyennant cette petite enjambée du test que trouveront à contourner évidemment encore là les éléments qui ont le plus d'argent dans le Québec, les parents qui sont capables de payer des cours spéciaux à leurs enfants, qui sont capables de les envoyer dans des écoles privées pour apprendre un peu d'anglais, qui sont capables de payer une session d'été ou de faire voyager leurs enfants durant l'été dans un des Etats voisins, qui sont capables enfin de faire en sorte que ce test puisse n'être qu'une simple formalité.

En réalité la seule question que pourrait comporter ce test, c'est: Do you speak English? Et si l'élève répond oui, ça va être encore mieux que le colonel Sheldrick cet après-midi.

M. CHARRON: Diriez-vous que l'article 50, tel que rédigé dans le projet de loi, où on dit qu'il appartient à chaque commission scolaire, commission scolaire régional et corporation de syndics, de déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un élève peut être intégré, eu égard à ses aptitudes dans la langue d'enseigne- ment... Notez qu'on ne parle pas du test, le test c'est le ministre qui se le réserve en vertu de l'article 51; si jamais ça va mal quelque part, sous pression publique, un Saint-Léonard, un Brossard, un Laval, le ministre peut intervenir avec le test.

Mais sans ça c'est à la discrétion comme vous dites — pour reprendre le vocabulaire suave du ministre de l'Education — des instances décentralisées. Les instances décentralisées ont-elles actuellement dans votre pratique de l'enseignement et du monde de l'enseignement, M. Charbonneau, ce pouvoir? Est-ce que ce sont elles qui établissent la classe, le groupe ou le cours auquel un élève peut être intégré?

M. CHARBONNEAU: II me pareil que les commissions scolaires ont une certaine possibilité de classer les étudiants selon certaines rubriques ou certains points de référence mentionnés à l'article 50. Mais il me parait qu'en ce qui concerne le choix d'une langue d'enseignement, on ne peut pas se permettre d'avoir une mosaïque de politiques locales.

Il y a, je crois, 225 commissions scolaires environ dans le Québec, si on compte les régionales et les locales; il y a une certaine transformation constante des juridictions des commissions scolaires, mais peu importe, il y en a au-delà de 200. Et à ce moment chacune pourrait avoir son brin de politique, une poussée par ci, une poussée par là, une politique ici, une politique là, et à l'intérieur du Québec, on se retrouverait avec un grand nombre de modalités d'application d'une soi-disant politique linguistique. On s'apercevrait au bout de la course qu'il n'y en a pas de politique linguistique, parce que chacune peut effectuer le classement et répondre aux pressions du milieu, si un milieu a 25 p.c. d'anglais, si un autre en a 10 p.c. et si un autre n'a pas d'anglophone, en fait, selon toutes les colorations régionales que nous puissions imaginer. Il me paraît que si le ministre de l'Education profite de cette occasion pour nous parler de décentralisation, c'est à peu près l'équivalent d'une abdication sur ce qu'il y a de plus fondamental comme une des responsabilités d'un ministre de l'Education dans un Etat à majorité francophone ici.

M. CLOUTIER: Si c'était, M. Charbonneau, le même test — parce que la loi telle que rédigée le permet — imposé aux commissions scolaires partout sur le territoire québécois...

M. CHARBONNEAU: Je vous ai dit...

M. CLOUTIER: ... est-ce que vos objections tomberaient?

M. CHARBONNEAU: Elles ne tomberaient pas parce que j'ai pris la peine tout à l'heure de préciser qu'indépendamment de ce que vous feriez ou du degré de force ou d'obligation que vous donneriez à ce test, ce qui est

mauvais à la base, c'est que des individus puissent, par leur choix personnel, contrevenir à un bien collectif, à l'essor ou à la promotion du bien collectif qu'est la langue française pour la majorité francophone par la juxtaposition et l'addition à travers les années et l'accumulation des décisions et des tests réussis quels qu'ils soient. On arriverait encore à se retrouver au bout de la course avec des transferts linguistiques et on n'a plus le moyen actuellement d'accepter ce genre de transfert linguistique ici au Québec en faveur de l'anglais.

M. CLOUTIER: Cest cela, c'est une option. Parce qu'il est bien évident que le test peut restreindre, mais n'interdit pas les transferts dans certaines conditions. Ce que vous souhaitez, c'est la création d'un réseau unique, en quelque sorte, alors que, soit dit en passant, vous êtes au courant probablement, le PQ a ici même et même publiquement dit qu'il souhaitait deux réseaux d'éducation ici au Québec et était même disposé à donner des garanties au réseau anglophone.

M. CHARRON: Je ne sais pas si c'est une perche ou un panier que s'imagine me poser le ministre de l'Education...

M. CLOUTIER: Non. Je fais ma politique moi aussi. Je crois qu'il ne faut pas qu'il y ait de l'ambiguïté et j'aimerais bien que les positions de votre parti soient clairement établies.

M. CHARRON: J'ai simplement repris, à peu près dans le même style que la CEQ le fait dans son témoignage, que nous considérons qu'il peut exister un réseau scolaire pour les gens qui sont, comme dit M. Charbonneau, véritablement anglophones, c'est-à-dire ceux qui sont de langue maternelle anglaise ou ceux qui sont déjà inscrits dans le système parce que, par votre faute et la faute de ceux qui ont laissé croupir le système, il se trouve des gens inscrits et il n'est pas question maintenant de les retirer de... une fois qu'ils...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas ce que souhaite la CEQ. Relisez le mémoire. La CEQ souhaite la disparition du réseau. Je ne sais pas si j'interprète bien votre pensée, M. le Président, vous me corrigerez. Elle souhaite la disparition du réseau anglophone, elle est prête à concevoir des aménagements à l'intérieur du réseau unique intégré qui est un réseau francophone et souhaite même le rapatriement de tous les élèves, c'est-à-dire de tous ceux qui, depuis plusieurs années, au fond depuis la loi 63, ont transféré dans le réseau anglophone. Cela va très loin. Alors, c'est pour cela que je voudrais que vous réfléchissiez un peu avant d'approuver trop vite.

M. CHARRON: M. le Président, je veux demander à M. Charbonneau d'expliquer la position de la Centrale de l'enseignement du Québec sur l'intégration des immigrants.

M. CHARBONNEAU: Même si le ministre de l'Education soulève ou émet certaines remarques dans le sens qu'il y a des différences entre la position de la CEQ et la position du PQ, cela ne fait que montrer que nous ne sommes pas une succursale si évidente.

M. CLOUTIER: Vous dites: Une succursale si évidente. Je vous cite...

M. CHARBONNEAU: Si évidente que vous l'avez dit à un moment donné dans certaines envolées.

M. CHARRON: Les envolées du ministre de l'Education, faites attention!

M. CHARBONNEAU: II y a beaucoup plus...

M. CHARRON: Vous manquez quelque chose quand vous en manquez une!

M. CHARBONNEAU: II y a beaucoup plus d'envolées que d'atterrissages!

M. CLOUTIER: Rappelez donc le député de Saint-Jacques à l'ordre avant qu'il fasse des bêtises.

M. CHARBONNEAU: Alors, en ce qui concerne les immigrants...

M. CHARRON: II est même très élégant, même dans ses envolées. On a de la classe, beaucoup de classe.

M. CLOUTIER: C'est ce dont il est jaloux!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Calmez votre jeune compagnon!

M. MORIN: Revenons à nos moutons.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARBONNEAU: Alors, en ce qui concerne notre politique linguistique, je crois que le ministre de l'Education ne nous a pas mal interprétés. Cependant, il n'a pas été complet dans son résumé en ce qui concerne nos exigences ou nos souhaits — si vous aimez mieux, M. Déom, nos souhaits, nos exigences — à l'encontre des blessures que notre majorité francophone a subies depuis quatre ans. Nous préconisons l'instauration d'un réseau scolaire

public intégré ou unifié et ce que nous répétons ici à l'occasion d'un débat sur la langue est à joindre à ce que nous avons déjà dit à propos d'autres projets de loi concernant le regroupement des commissions scolaires, lois 27, 28, 72, etc.

Nous préconisons que, dans le Québec, il faut que la gestion des affaires scolaires dans le milieu soit confiée à des commissions scolaires qui donnent des services à la population de leur territoire, quelles que soient la langue, la croyance, ou même un enseignement de type non confessionnel, mais que ce soit donné par une instance intégrée, unifiée. A partir de là, c'est ce que nous voulons dire par l'expression "réseau scolaire public unifié francophone". Pourquoi francophone? Parce que toute administration publique dans le Québec, d'après nous, doit être francophone, et à l'intérieur de ce réseau de commissions scolaires dispensant ces enseignements, nous acceptons qu'il y ait certaines formes d'aménagements sous forme d'écoles ou de classes dans des écoles, des aménagements à la disposition de la minorité, mais de la véritable minorité anglophone. D'après nous, nous avons pris comme ligne de partage des eaux, 1969, moment où le bill 63 a été adopté. C'est un critère comme un autre, on aurait pu remonter en 1961, au dernier recensement. Mais nous pensons qu'il y a eu des débats suffisamment perturbateurs dans le Québec depuis 1969 sur la question linguistique depuis le bill 63, nous pensons que cette loi a été vraiment une date historique dans le Québec à tel point que nous croyons pouvoir considérer ce critère comme valable.

Les immigrants, anglophones ou non anglophones, qui arrivent au Québec, à compter de maintenant ou qui sont arrivés au Québec depuis 1969, depuis la loi 63, nous pensons qu'ils devraient obligatoirement être dirigés vers les écoles francophones. Comme mesure d'adaptation ou d'acculturation, il est bien clair que nous sommes prêts à un train de mesures souples, progressives. Il est bien clair que, si on veut que les Italiens qui sont venus ici aujourd'hui ou que d'autres minorités aiment vivre en français, s'intègrent réellement et harmonieusement à la majorité francophone, cela ne peut pas se faire par des contraintes pesant sur les individus comme tels, des contraintes rigoureuses et détestables qui feraient en sorte que ces gens auraient l'impression d'être introduits de force dans un milieu hostile. Ce n'est pas notre politique, ce ne serait pas notre manière d'appliquer une telle politique. Alors, il pourrait y avoir des possibilités graduellement, au niveau de l'enseignement donné à compter de quatre ans. Nous réclamons de toute façon des maternelles et des prématernelles pour tous les enfants du Québec et non seulement les enfants d'immigrants. Il est bien sûr que par des mesures commençant à l'adresse des jeunes enfants, des immigrants inclusivement, nous pourrions peu à peu introduire ces jeunes enfants d'immigrants dans le cercle de vie francophone puisque, par ailleurs, dans notre esprit, d'autres dispositons assureraient, mais vraiment cette fois, la primauté du français à tout point de vue social et économique, dans les affaires, dans le travail, le français étant devenu une langue qui a de l'attrait, il nous serait assez facile d'imaginer des mesures d'intégration progressive pouvant, par exemple, recouvrir les premières années du cours élémentaire inclusivement. Cela pourrait être à compter de quatre ans, jusqu'à huit ans ou neuf ans, il pourrait y avoir un enseignement décroissant incluant une bonne partie d'enseignement fait dans la langue maternelle des individus. Mais, à travers ça, il y aurait une tendance, il y aurait une poussée, je ne dis pas de contrainte sur les individus mais nous disons de contrainte au point de vue des tendances. Peu à peu, il y a un sens à cette politique et peu à peu, les immigrants deviennent francophones parce que les rouages les ont intégrés et assimilés progressivement. Ne craignons pas le mot, il faut chercher comme majorité à assimiler les minorités, sinon, c'est l'inverse qui se produira. Nous ne sommes pas encore prêts à concéder cela.

M. CHARRON: M. Charbonneau, vous affirmez au haut de la page 8 de votre mémoire que plutôt que de chercher à devenir un exemple pour le monde entier comme l'a prétendu le ministre de l'Education, nous devrions plutôt nous contenter de l'affirmation d'une dignité enfin retrouvée. Vous mentionnez dans la dernière partie de ce paragraphe que, s'il est adopté par une députation majoritairement francophone, ce projet de loi et cette décision constitueront un précédent historique que vous qualifiez dans les lignes qui suivent et j'ai remarqué que, quand vous avez lu ce passage, tout à l'heure, vous avez insisté de façon particulière. Est-ce que je peux vous inviter encore à préciser l'insistance que vous avez mis à la lecture de ce texte.

M. CHARBONNEAU: Cela fait partie des humiliations que nous avions prévues, que de répéter des paragraphes comme ça, en venant devant une commission parlementaire. Nous sommes dans une terre, dans un pays où la population est à 80 p.c. francophone, nous sommes face à une Assemblée nationale dominée par une majorité écrasante composée elle-même d'une majorité écrasante de francophones à l'intérieur même et nous avons connu, depuis des générations, des problèmes aigus du côté linguistique, du côté du développement de notre culture, du côté de notre développement socio-économique. Il y a des études à la douzaine maintenant et que ne conteste même pas le ministre; dans aucun de ses exposés, il ne prend la peine de réfuter ces études, de toute façon, les études de Castonguay, certaines études du rapport Gendron, les études que j'ai citées tout à l'heure, il ne prend même pas la

peine de les réfuter. Des dizaines et des dizaines d'études, de statistiques montrent l'évolution de la collectivité francophone que le ministre appelle la communauté francophone à l'intérieur du Québec.

Nous savons maintenant où nous allons, où nous nous dirigeons, s'il n'y a pas de politique plus noble, plus digne de la majorité qui est adoptée maintenant. Nous nous retrouvons avec le projet de loi 22 devant une espèce d'éblouissement pour naïfs, une espèce de grand parapluie plein de trous, une législation d'envergure mondiale, que sûrement on se passera sur les tables des sommets de la francophonie. Pourtant, c'est un grand manteau plein de trous, à chaque fois que vous ouvrez un volet de ce projet de loi, vous retrouvez un mais, une exception, une possibilité, vous retrouvez, reformulée, après l'affirmation initiale, en faveur du français, une affirmation toute aussi importante, qui n'est pas dans le titre cependant, en faveur du maintien ou de la reconnaissance de la langue anglaise.

Cela a consacré de façon définitive le statut officiel de l'anglais et du français, avec une certaine priorité, nous l'admettons, nous l'avons dit; le premier paragraphe parle du français et le deuxième de l'anglais, c'est une priorité. Il faut être sérieux. Alors, avec un certain type de priorité, des lettres plus grosses ou je ne sais trop, on verra à l'application. Il y a toutes sortes de règlements qui viendront, de toute façon, on ne les a pas vu, personne, enfin, personne d'entre nous, le monde ordinaire. Alors, cette politique linguistique qui s'en vient ici va certainement établir le caractère officiel de l'anglais à une série de domaines où l'anglais n'était pas reconnu de façon aussi explicite, comme langue officielle. Bien sûr, je pense qu'au fond cela correspond à une certaine philosophie de gouvernement qui voit où son peuple se dirige et lui dit : Va-t-en par là, ça presse. Bien sûr, on sent, on sonde, on vient à se faire une idée, d'où s'en va instinctivement, naturellement la collectivité québécoise, c'est la majorité francophone. Cela se sent ces choses. On fait des sondages pour pouvoir l'expliciter et ensuite on dit: Voici, nous légiférons comme ça. Il faut que cela aille de cette façon.

C'est une certaine philosophie de gouvernement, bien sûr. Je pense que ce n'est pas ce genre de politique dont nous avons besoin, si on pense que cette majorité francophone doit être maîtresse sur son territoire, avoir un essor, une vie propre, un projet social, économique et politique qui lui appartienne en fonction de son identité.

Nous n'avons absolument aucune indication de volonté de la part du gouvernement d'aller dans ce sens, sous aucun de ses angles à l'examen sérieux du projet de loi. Un grand manteau plein de trous, un bill pour boiteux, oui, mais, oui, mais, oui, mais.

M. CHARRON: M. Charbonneau, je regrette de vous avoir demandé de refaire ce que vous avez considéré comme une humiliation devant la table de la commission, mais si je vous ai demandé de le faire, c'est parce qu'il y a encore des gens qui espèrent que l'immense majorité gouvernementale trouvera au moins une ou deux exceptions à l'exception de ceux qui essaient de devenir temporairement les Arsène Lupin de la langue française, mais pour d'autres qui se trouvent dans cette majorité, des hommes pour qui l'humiliation dont vous parlez déclenchera un sursaut de dignité, à un moment donné, il y en a encore qui espèrent. Je dois vous dire que je ne suis pas de ceux-là. Je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, toujours avec les mêmes réserves du début, parce qu'à chaque fois que je parle du projet de loi 22, j'ai toujours l'impression de marchander et de négocier ce que nous avons le plus à nous, notre langue, je dois dire que c'est à peu près la seule chose actuellement que nous avons au Québec qui nous appartienne et qui n'est pas taxée, du moins pas taxée encore.

Si je regarde l'article 31, je me demande si le projet de loi 22 est adopté, nous n'aurons pas à payer des taxes pour récompenser les autres de parler notre langue.

Je retrouve justement dans le mémoire de la CEQ des principes et des propos que j'avais tenus lors de l'ouverture de la commission parlementaire, ce qui prouve une chose. Je pense que le ministre commencera à se rendre compte dans quel soulier il est, pour ne pas dire dans quelle culotte il se trouve, à se rendre compte, que tous les Québécois et que de plus en plus de Québécois font bloc contre le projet de loi 22.

Ma question va être très courte, parce que je considère toujours que la culture, la langue et la fierté d'une nation ne se négocient pas. J'ai une seule question à poser au président de la CEQ. Seriez-vous d'accord pour dire que le ministre de l'Education devrait être assez patriote et assez courageux pour retirer son projet de loi dès maintenant?

M. CHARBONNEAU: Je pense que c'est un plaisir pour moi d'être contraint de le répéter; c'est bien clair, au risque de passer pour une succursale créditiste cette fois-là.

M. CLOUTIER: M. le Président de la CEQ, le vrai risque n'est pas de votre côté, il est du côté du député de Beauce-Sud quand il vous attaquera à l'Assemblée nationale et qu'il se plaindra des enseignants.

M. ROY: M. le Président, je me dois d'invoquer le règlement.

M. CLOUTIER: Régulièrement.

M. ROY: Le ministre veut aller un peu loin. Attendons que les débats arrivent au fur et à mesure. Je n'ai jamais eu peur de dire ce que je pense et j'ai encore démontré ce soir que je n'ai pas peur de dire ce que je pense.

M. CLOUTIER: Ce serait trop...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lauren tides-Labelle.

M. LAPOINTE: M. le Président, si on regarde quelques paragraphes du mémoire de la CEQ, le paragraphe 2 de la page 1 et l'avant-dernier paragraphe, il est dit que le Québec ne réussira à régler de façon définitive son problème qu'au moment où il aura la volonté et le courage politique de procéder à la repossession des leviers de contrôle de son économie. A la fin, on dit: "A compter de maintenant, nous devons nous rappeler que la libération linguistique n'est pas suffisante en soi, que toutes les libérations se tiennent".

Est-ce qu'on doit comprendre que la CEQ lie la question linguistique à l'indépendance économique du Québec?

M. CHARBONNEAU: M. le Président, je dois dire que j'ai été bien touché d'entendre Roger relire certains paragraphes de notre mémoire avec vraiment beaucoup de compréhension. Cela me rappelait certaines époques où il le lisait parce que c'étaient ses convictions. Cela l'est peut-être encore d'ailleurs. C'est pourquoi il questionne. C'est clair qu'il y a des liens à établir entre la libération linguistique, la question linguistique et l'épanouissement, le développement et la possession de nous-mêmes en entier.

C'est bien évident, je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas à la langue... Qui a déjà vu cela quelqu'un qui a mal à la langue? On dirait qu'on est actuellement en train de se faire croire qu'on a mal à la langue. C'est un des aspects de notre problème. Si on a des problèmes linguistiques, c'est parce qu'il y a tout un environnement qu'on ne possède pas. Il y a toutes sortes de leviers de commande du destin, de l'avenir de notre collectivité que nous ne possédons pas. Cela a des répercussions sur l'aspect linguistique. Alors, nous n'extrayons pas de son contexte ce qui y est si intimement relié. Bien sûr, il y a des liens à établir, et nous sommes en train, à côté de beaucoup d'autres groupes populaires dans le Québec, de définir peu à peu des volontés de changer ces choses. C'est pourquoi nous affirmons que ces diverses libérations se tiennent, mais qu'on ne nous fasse pas dire que nous sabordons le débat linguistique en vertu d'une lutte idéologique globale. Je sais que ces tentations ont déjà effleuré certains porte-parole en haut lieu, pas si loin d'ici. Mais qu'on ne nous fasse pas dire que l'idéologie supplante notre réalisme. Même si nous faisons ces liens qu'il faut faire et qu'il faut être fier de faire entre les divers aspects de notre libération collective, nous avons le réalisme de proposer une politique linguistique, même si nous savons qu'elle est très difficile à réaliser comme telle, extraite d'un projet global. Nous savons qu'elle est difficile à réaliser, peut-être même impensable à réaliser, extraite de son contexte. Mais nous aurions l'impression, le sentiment de manquer à notre devoir actuel si nous nous refusions à des propositions qui ne font injure à personne — qu'on y songe à deux reprises — qui ne font injure aux droits de personne dans le Québec, ni des immigrants, ni des anglophones, qui, bien loin de faire injure aux droits des francophones, permettraient de donner plein espoir à la majorité francophone au point de vue de son développement.

Nos propositions ne sont une attaque contre personne, ne sont extrémistes en rien. Personne ne pourrait nous dire que nous proposons quelque chose, aveuglés par une idéologie. Cependant tout se tient.

M. LAPOINTE: Je me passerai de commentaires, M. le Président, sur les remarques de mon ami Yvon, au tout début. Cela pourrait soulever un débat.

De toute façon, j'aurais une autre question. Si on va à la page 2, vous parlez du respect du bien des élèves actuellement engagés dans le système scolaire anglais, celui des immigrants par l'aménagement d'une structure efficace d'accueil et celui des droits de la minorité anglaise. A la page 8, vous dites que tous les Québécois, qu'ils soient natifs du Québec ou immigrants, doivent être reconnus comme des égaux en dignité et en droit; Nous croyons que les individus devraient être protégés contre toute discrimination fondée sur l'origine ethnique.

A la page 9, vous me direz s'il peut y avoir une contradiction, vous dites: "Nous exigeons le rapatriement immédiat des francophones passés au secteur anglophone depuis 1969, le retour progressif à l'école française des enfants d'immigrants anglophones et autres qui ont choisi l'école anglaise depuis 1969; nous réclamons l'interdiction pour les francophones de s'inscrire aux classes ou écoles spécialement aménagées pour ceux que nous appellerions la véritable minorité anglophone du Québec, etc."

Il me semble y avoir une contradiction entre ces divers paragraphes.

M. CHARBONNEAU: Je pense que cette question nous donne l'occasion de préciser vraiment... Je vais essayer d'être encore plus clair que tout à l'heure, mais c'est la même question qui m'est posée cette fois-ci encore. Je pense que c'est l'équivalent. C'est l'explication de notre politique linguistique face aux immigrants ou face à la minorité, puisque vous nous parlez de respect des droits des minorités à travers tout cela et que tout le monde doit être sur le même pied; enfin, je revois la même

question au fond. Ce que nous préconisons, c'est l'étalement dans le temps de l'intégration et de l'assimilation des minorités, des immigrants et de la minorité ou des anglophones depuis 1969. Ce qui implique le rapatriement au secteur francophone des élèves francophones qui ont choisi l'anglais depuis 1969.

Cette loi n'aurait pas dû exister. D'ailleurs, le législateur fait mine de la retirer. Nous pensons que, s'il est conséquent, il devrait en réparer les effets.

Premièrement, les francophones qui ont choisi l'école anglaise depuis 1969 devraient être réintroduits là où ils n'auraient jamais dû cesser d'aller à l'école. Je ne pense pas que cela soit faire injure à leurs droits. Je vais y aller point par point parce que je pense qu'il y a trois catégories dans votre question.

Quant aux francophones, il est normal que, d'abord, ils épousent à fond leur condition de francophones. Il est normal qu'ils aillent à l'école élémentaire francophone et à l'école secondaire française aussi parce que c'est là qu'ils deviendront des citoyens québécois à part entière, des membres de la collectivité francophone. C'est ça que ça veut dire: la langue nationale, facteur de cohésion. Pour eux, je ne vois aucun problème d'injustice ou quoi que ce soit.

Qu'en est-il maintenant pour ce qui est des immigrants arrivés au pays depuis 1969, qu'ils soient d'origine anglaise ou non? Premièrement, si cette catégorie de personnes est actuellement inscrite à l'école anglaise par choix fait depuis 1969, nous demandons le retour progressif au secteur francophone de ces gens; retour progressif, il y a le principe de l'étalement dans le temps. Il s'agit de programmer l'affaire, il s'agit d'adopter le principe, il s'agit de créer une tendance — je pense que c'est cela une politique — et ensuite, qu'on programme l'affaire. Dans quelques années, ces gens, qui sont actuellement dans le secteur anglophone, qui portent à 1,300,000, sans doute, la minorité anglophone dont parlait le colonel cet après-midi, parmi ces 1,300,000, il doit certainement ramasser des Français et des Italiens. Alors, nous pensons que c'est nettement gonflé et que cela doit revenir progressivement à l'école française. Il s'agit de programmer, il s'agit de vouloir, comme homme politique, que cela se fasse. Je ne pense pas que cela soit faire injure à leurs droits. Ils sont, à ce moment, lancés dans un cadre qui est conforme aux aspirations minimales de la majorité.

Qu'arrive-t-il au sujet des Anglais, des vrais Anglais? On ne remonte pas à un siècle en arrière, en 1969. Que cela soit des Anglais devenus Anglais par immigration, assimilation ou quoi que ce soit, on ne se fatigue pas avec cela. Des vrais Anglais, ceux que nous aidait à définir notre ami Veilleux au Conseil provincial de 1969, à la CEQ, quand il faisait voter, en amendement à nos politiques linguistiques préconisant l'unilinguisme, de bien considérer que les Néo-Québécois arrivés au pays en février 1969 devaient être considérés comme membres à part entière de la minorité anglaise. Et nous étions d'accord sur les propositions Veilleux de l'époque.

M. VEILLEUX: C'était une...

M. ROY: M. Veilleux ne nous a jamais dit cela.

M. CHARBONNEAU: Cest un cachottier. Il n'y a pas si longtemps qu'il commence à s'asseoir du côté de l'Opposition. Jacques, il y a encore de l'espoir.

M. CLOUTIER: Vous êtes venu ici pour faire du recrutement?

M. VEILLEUX: Je tiens à vous dire — d'ailleurs, je l'ai déjà dit à une précédente séance de la commission parlementaire — que le simple fait que je sois assis de ce côté-ci, ne veut pas nécessairement dire que je faisais partie de l'Opposition.

M. MORIN: Non. Non. Je vous assure que non.

M. VEILLEUX: Mes collègues...

M. CHARBONNEAU: Pas nécessairement.

M. VEILLEUX: ... sont tellement nombreux de l'autre côté que cela prend quelqu'un de ce côté-ci. C'était la fois où, lorsqu'on pouvait discuter avec une certaine cohésion...

Mais je n'ai pas l'intention de ressortir des choses qui se sont passées au conseil provincial parce que je suppose, à l'époque, et je me souviens que, lorsque nous avions ces discussions, cela se faisait à huis clos et cela devait rester à l'intérieur du conseil provincial, parce qu'il y a bien des choses, M. Charbonneau, que je pourrais relever de l'époque et je pourrais vous mettre en contradiction avec aujourd'hui aussi.

M. CHARBONNEAU: Ne revenez pas.

M. VEILLEUX: Quand vous mentionnez, vous répondez à la question de mon collègue et du député de Saint-Jacques, je pense que vous faites mention quand même d'un point important qui est le transfert de francophones dans le secteur anglophone. Vous aviez dit tout à l'heure que des associations locales ou régionales de la corporation avaient des statistiques sur le passage des francophones dans le secteur anglophone.

M. CHARBONNEAU: Oui.

M. VEILLEUX: Mais est-ce que la raison principale qui a fait que ces francophones se sont transférés ou ont préféré le secteur anglophone au secteur francophone... est-ce que vous avez la ou les raisons qui amènent les francophones à passer dans ce secteur?

M. CHARBONNEAU: La raison nous semble être le choix des parents. Il n'y a pas même à répondre à des questionnaires.

M. VEILLEUX: Non, pourquoi?

M. CHARBONNEAU: C'est le choix d'un certain nombre de parents.

M. VEILLEUX: Oui, mais pourquoi les parents...

M. CHARBONNEAU: Je vais vous dire quelque chose là-dessus...

M. VEILLEUX: Ce que je veux dire, M. Charbonneau, c'est pourquoi les parents ou des parents font ce choix?

M. CHARBONNEAU: Oui. Il y a la question de M. Hardy qui s'en vient, il y a la vôtre qui est posée et il y a le troisième volet de la question de M. Lapointe qui n'a pas encore trouvé sa réponse.

M. HARDY: C'est la même.

M. CHARBONNEAU: D'accord. On répon-ira à cela en même temps. La troisième de Roger, le troisième volet, c'était :Crée-t-on des situations d'injustice? J'avais analysé le sort ou la situation des francophones qui ont choisi l'école anglaise, les immigrants. J'étais en train d'expliquer notre politique concernant les véritables anglophones, ceux qui avaient choisi l'école anglaise en 1969. Notre politique prévoit que, pour ces gens, il y a une possibilité d'avoir des écoles ou des classes où la langue d'enseignement soit la langue anglaise, leur langue maternelle. Ces gens non plus, dans notre politique, ne se voient brimés en aucune façon. C'est notre manière à nous, en respectant le principe qui est le principe premier de notre politique, que la langue française comme langue officielle est un bien collectif qui doit être tout d'abord objet de politique, avant que l'on ne s'évertue à protéger ou à définir les droits ou les situations des groupes minoritaires, nous respectons ces minorités, mais avant de s'ingénier à trouver des formules pour toutes les minorités, nous aimerions que le gouvernement s'ingénie à faire un sort clair à l'avenir de la majorité. Il me semble que cela a du bon sens? N'est-ce pas Roger?

M. LAPOINTE: Cela ne convainc pas, M. le Président, il y a une certaine contradiction quand même entre les trois paragraphes que j'ai énumérés, particulièrement le principe qu'on apporte à la page 2 par rapport aux autres paragraphes que j'ai lus. De toute façon, je n'ai pas d'autres questions.

M. CHARBONNEAU: Roger, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre l'annonce faite par le premier ministre le soir de son élection de permettre aux commissions parlementaires de parcourir le Québec sur des questions importantes? Ce n'est pas important cela, M. Lapointe?

M. LAPOINTE: Je ne veux pas soulever un débat ici. La commission a pris une décision à ce sujet.

M. CHARBONNEAU: Etiez-vous là quand...

M. LAPOINTE: Je pense bien qu'on peut entendre ici les gens qui veulent se faire entendre. C'est ce qu'on fait dans le moment.

M. CHARBONNEAU: Je présume que vous êtes...

M. LAPOINTE: C'est ce qu'on a fait toute la semaine dernière et c'est ce qu'on fera dans toutes les semaines qui vont suivre.

M. CHARBONNEAU: J'ose croire que vous ne détesteriez pas avoir une commission parlementaire à Sainte-Agathe ou Mont-Laurier?

Pour la question de M. Veilleux, qui semble être celle de M. Hardy, nous pensons que ce problème ne trouverait pas sa solution par le biais du projet de loi 22.

M. VEILLEUX: M. Charbonneau, dans des régions comme par exemple l'Outaouais, pour ne mentionner que celle-là, il y a un pourcentage — d'ailleurs même à Saint-Jean — de parents francophones qui ont choisi pour leurs enfants le secteur anglophone. Je vous demande si vous connaissez les raisons principales qui font que des parents francophones, un jour, font ce choix?

M. CHARBONNEAU: Oui, et nous avons maintes fois exprimé notre compréhension profonde du choix que font certains parents, qui son très souvent des travailleurs — ce n'est pas seulement une certaine élite qui fait ce choix — qui choisissent le plus tôt possible l'enseignement en anglais pour leurs enfants.

Nous avons exprimé notre compréhension publique pour ces personnes qui font ces choix et, jusqu'à un certain point, nous trouvons que ce sont les gens les plus lucides, des gens qui ont en quelque sorte fait un choix, choix pas mal semblable à celui que le gouvernement s'apprête à faire, que, de façon définitive, de toute manière, quoi qu'on y fasse, le succès dans la vie, c'est en anglais.

D y a ce choix. Ce n'est pas nécessairement clair, M. Hardy, pas nécessairement un choix

explicite. Si vous demandez au travailleur à $5,000, $6,000 ou $7,000 par année, pourquoi il fait ce choix, il va dire: Pour que mon enfant n'ait pas les problèmes que j'ai eus, moi; pour que mon enfant ne soit pas privé de promotion, ne soit pas privé de tel ou tel poste qui m'a filé sous le nez quand j'étais plus jeune. Probablement qu'ils vont vous répondre dans ce sens, dans les meilleurs cas. Il y a d'autres personnes qui peuvent le faire pour d'autres type d'intérêts, mais je parle de moyenne et j'essaie d'être de bonne foi.

A ce moment, ça montre, M. Veilleux, à mon avis, pour avoir une conclusion à ce raisonnement, que les travailleurs sont forcément conditionnés par le milieu socio-économique où prévaut l'anglais. La langue du succès, la langue de l'épanouissement, la langue du développement, la langue des hauts salaires, de la promotion sociale, Sheldrick l'a dit, même pour les ministres, c'est l'anglais.

Ce sont quand même des données fondamentales et un travailleur qui choisit ça pour son enfant, jusqu'à un certain point, il est lucide, parce qu'il a désespéré que ce gouvernement change des choses.

M. HARDY: M. Charbonneau, votre réponse à la question de M. Veilleux nous démontre que vous patinez aussi bien que certains politiciens.

M. VEILLEUX: Pour revenir au sujet...

M. CHARBONNEAU: On va prendre la bonne partie de cette affirmation, si vous le permettez soit que les politiciens patinent.

M. VEILLEUX: M. Charbonneau, je n'aurai plus le temps de vous poser de questions s'il commence à y avoir une discussion de procédure.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais simplement rappeler aux membres de la commission qu'il reste six minutes et que le chef de l'Opposition a demandé le droit de parole.

M. VEILLEUX: Est-ce le chef de l'Opposition, M. le Président, qui a la parole ou moi?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. C'est vous qui l'avez, mais je vous demanderais d'être aussi concis que possible.

M. VEILLEUX: Cela fait à peine quinze secondes. Cet après-midi, je n'ai pas été capable de poser de questions, manque de temps, je ne voudrais quand même pas que cela m'arrive ce soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y, cher ami.

M. VEILLEUX: Ce qui revient à dire, si je vous comprends bien, M. Charbonneau, que l'enseignement de la langue seconde, par exemple, dans le secteur secondaire, aurait pu être déficient jusqu'ici dans le secteur francophone, ce qui fait que, possiblement, à un certain moment, les parents posent ce choix.

M. CHARBONNEAU: C'est un autre facteur qui a pu être à la base du choix d'un certain nombre. Tout à l'heure, j'ai bien pris soin de le dire, je crois qu'il faut d'abord expliquer les choses par leur fondement réel, les choix socio-économiques m'apparaissaient plus fondamentaux. Il y a certainement aussi des gens, des adultes, des personnes qui ayant eu elles-même la chance d'acquérir une bonne connaissance de l'anglais se rendent compte que l'enseignement de l'anglais au niveau de l'école secondaire laisse à désirer, mais ne laisse pas à désirer nécessairement pour certaines raisons que l'on cite quelquefois. Il y a quand même cinq heures d'enseignement de l'anglais par semaine sur 35 périodes, le même nombre de périodes que pour l'enseignement du français qui se donne actuellement au secondaire.

M. VEILLEUX: Vous allez dire avec moi que ce n'est pas le fait qu'il y ait cinq heures qui peut faire qu'une langue peut être apprise ou non, c'est le programme qui a quand même son importance, la préparation que peuvent avoir les enseignants, cela a aussi son importance et les méthodes d'enseignement aussi.

M. CHARBONNEAU: Nous croyons vraiment que ce n'est pas la quantité...

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être en arriver à deux heures en langue anglaise dans le secteur francophone et les étudiants qui sortiraient du secteur secondaire pourraient s'exprimer ou pourraient comprendre du moins un peu mieux l'anglais qu'ils le comprennent à l'heure actuelle avec cinq heures. Ce n'est pas le nombre d'heures qui compte, comme en français aussi d'ailleurs. Nous avions discuté avec l'Association des professeurs de français du Québec longuement la semaine passée de l'enseignement du français comme langue maternelle dans les écoles du secteur francophone.

Nous avions trouvé conjointement le député de Saint-Jacques, le représentant de l'Association des professeurs de français et moi-même, certaines raisons qui faisaient que l'enseignement pouvait être déficient, notamment dans la langue maternelle et que ce n'était pas nécessairement dû aux enseignants, mais à un manque de préparation, compte tenu, je me souviens, de l'euphorie des méthodes nouvelles dans l'enseignement il y a quelques années, lorsque j'étais moi aussi, en même temps que vous, président de mon association dans ma région.

M. CHARBONNEAU: Je voudrais souligner

à ce propos qu'il y a un développement qui répond exactement à votre préoccupation, M. le député Veilleux, c'est à la page 15, quand nous exprimons très clairement que nous sommes prêts à contribuer à la mise en oeuvre de moyens qui permettront un meilleur enseignement de la langue seconde. Mais quand nous voyons le ministre parler de tests comme porte d'accès à l'enseignement en anglais et que, par ailleurs, nous faisons un lien avec certaines dispositions du plan de développement d'enseignement des langues qui prévoit la possibilité d'enseigner l'anglais dès la première année, nous voyons déjà le ministre préparer par des structures, comme il l'a si souvent dit, sa politique linguistique de bilinguisation progressive sur le plan social. Puisqu'en permettant, à compter de la première année, à ceux qui le désirent, pour les francophones qui le désirent, d'apprendre l'anglais à l'école élémentaire, ces gens réussiront un test à la fin de l'élémentaire pour passer à l'école anglaise s'ils le désirent. On voit le nid qui se prépare par des mesures administratives jamais discutées en Assemblée nationale.

M. VEILLEUX: Je termine, M. le Président, en citant la page 4, où la centrale dit: "Plus de la moitié des articles de la loi font directement référence à la langue anglaise". Disons que j'ai fait un rapide relevé des quelque cent articles et j'en ai remarqué 21 sur 130 où on mentionnait la langue anglaise. Dans mon esprit, c'est pour limiter l'application de cette langue plutôt que de lui donner une valeur officielle, comme vous semblez le démontrer dans votre mémoire. Mais là, ça devient, de votre part comme de ma part, de l'interprétation. Si je lis votre mémoire, c'est entendu que vous n'avez pas la même interprétation de la langue anglaise lorsqu'on la mentionne dans le projet de loi.

M. CHARBONNEAU: II y a tout le chapitre des dispositions finales, le chapitre des enquêtes et le chapitre de la régie de la langue avec toute sa composition, il y a à peu près quinze articles là-dessus. Naturellement, ce n'est pas de ces articles dont on parle, c'est de ceux qui essaient de poser un principe au niveau du statut de la langue. Presque tous ces articles sont immédiatement démolis ou troués par une disposition reconnaissant à 1 anglais une certaine forme de statut officiel.

M. VEILLEUX: Ce que je voulais vous dire, c'est que j'ai noté 21 articles sur 130.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, même si je me rends compte, à ma grande surprise, que la Centrale de l'enseignement du Québec est une pépinière de députés libéraux, j'aurais quelques questions à vous poser. A vrai dire, j'aurais eu de nombreuses questions, mais nous nous som- mes fait un point d'honneur jusqu'ici, de terminer vers onze heures.

J'aurais aimé vous interroger sur les conséquences, pour les enseignants, de l'accélération du dépeuplement des écoles francophones; c'eût été un chapitre où vous auriez certainement eu beaucoup de choses à nous apprendre. J'aurais aimé vous interroger aussi sur l'attitude des jeunes dans nos écoles, à l'égard de l'enseignement de l'anglais et du français aussi, car nos jeunes, sur le plan psychologique, même jusqu'à l'université, me paraissent passablement mêlés lorsqu'ils abordent cette question.

Je me contenterai d'une seule question, parce qu'elle m'a intrigué plus que les autres, et j'avoue que j'ai plus à apprendre sur le programme d'enseignement des langues que sur les autres aspects. Vous m'avez beaucoup étonné; j'aurais cru que des études à tout le moins préliminaires avaient été entreprises par le ministère ou par les commissions scolaires avant d'appliquer ce programme. Pourrais-je vous demander d'abord si on vous a consulté, à tout le moins? Et quels ont été les préparatifs en vue de ce programme d'enseignement du français?

M. CHARBONNEAU: En ce qui concerne la préparation et l'élaboration d'un tel plan de développement d'enseignement des langues, je dois dire que nous n'avons jamais su que cela était en préparation et je crois ne pas faire erreur en disant qu'il en va de même pour nos collègues spécialisés en enseignement du français.

M. MORIN: Le programme nous est arrivé comme un cheveu sur la soupe? Sans préparation?

M. CHARBONNEAU: Oui. Comme une nouvelle à travers les barreaux. C'était en avril 1973.

M. MORIN: Vous avez parlé, M. le Président, des "retombées négatives" de ce programme d'enseignement des langues, pour employer le vocabulaire du professeur Castonguay. Est-ce que vous pourriez être un peu plus précis? Quelles sont, d'après votre expérience, les retombées négatives...

M. CHARBONNEAU: Du plan? M. MORIN: Du plan.

M. CHARBONNEAU: Du plan en question.

D'abord, nous trouvons que ce plan, sous une enveloppe très générale de plan de développement de l'enseignement des langues, en réalité, à l'intérieur de l'allocation des sommes et des millions relativement parlant à l'importance au niveau numérique de ceux qui parlent l'anglais et le français à l'intérieur des diverses dispositions relatives au perfectionnement des enseignants, notamment ce que nous avons

étudié plus particulièrement. Il y a une priorité relative, compte tenu de ceux qui parlent les deux langues, accordée au perfectionnement des professeurs de langue seconde, de langue anglaise. C'est prouvé, nous avons fait des recherches là-dessus relativement au nombre de ceux qui parlent ces langues.

Il y a des dispositions dans ce plan qui font que des bourses sont octroyées selon un meilleur contexte, avec plus de bénéfice, plus facilement, pour ceux qui enseignent l'anglais comme langue seconde que pour ceux qui iraient enseigner le français aux anglophones. C'est un aspect que nous avons étudié.

Les retombées sont encore en train de se préciser. Si on me parle d'une étude scientifique sur la qualité relative de la connaissance du français et de l'anglais, de ceux qui aujourd'hui sont en sixième année primaire, parce qu'ils auraient commencé à apprendre l'anglais en troisième année, par rapport à ceux qui autrefois... Vous voyez le genre d'études auquel il faut se livrer. On n'a pas ce genre de données ici. Ce que nous savons, par exemple, ce sont les conclusions auxquelles en sont arrivés les professeurs de français et les professeurs d'anglais comme langue seconde au Québec. Ces deux groupes de professeurs ont tenu des congrès récemment, ont tenu des colloques, et on dit qu'actuellement, en ce qui concerne en tout cas les professeurs de français, la priorité devait être vraiment accordée à tout niveau. Il y a un état d'urgence à créer autour de l'enseignement du français à tout niveau jusqu'au niveau collégial et universitaire et dans l'enseignement privé, puisque cela occupe plusieurs millions du budget de l'éducation maintenant.

En ce qui concerne l'enseignement de l'anglais, les professeurs de l'Association SPEA, Société des professeurs de l'enseignement de l'anglais comme langue seconde ont dit dans un récent colloque ou congrès qu'il était devenu très difficile en quelque sorte de motiver les francophones à l'enseignement de l'anglais pour des raisons qui leur apparaissaient non pas nécessairement pédagogiques mais d'ordre à la fois psychologique et pédagogique. Il y a une espèce de résistance à se faire enfoncer pour eux, à se faire en somme violenter au niveau de l'apprentissage d'une langue qui leur apparaît comme étrangère et comme celle du dominant. C'est l'expression même utilisée par les professeurs de l'enseignement de l'anglais comme langue seconde.

Je crois que ces deux témoignages nous indiquent vraiment vers quelle situation déplorable on se dirige. Il y a une motivation décroissante de la part des francophones à apprendre le français, parce qu'ils savent que la langue des promotions est la langue anglaise. Il n'y a même pas de motivation évidente pour les francophones à apprendre l'anglais, parce que c'est la langue de la fraction dominante de la société.

Or, on se dirige peu à peu vers la dégradation de notre possibilité de nous exprimer. C'est extrêmement pénible, cette situation. C'est vers cela qu'on se dirige peu à peu, un peuple sans langue finalement.

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Charbonneau...

M. MORIN: Ces propos rejoignent, M. le Président, des constatations semblables que j'ai faites au niveau de l'enseignement universitaire. C'est ce même climat qu'on retrouve et chez les enseignants et aussi chez les universitaires.

M. le Président, je voudrais remercier la centrale non seulement de la qualité des idées qu'elle est venue défendre devant nous aujourd'hui, mais de la vigueur qu'elle y a mise, et c'est à regret — je le dis bien, je le souligne — c'est à regret que je dois constater que le temps est écoulé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs de la CEQ, au nom de la commission, merci infiniment. J'aimerais, avant d'ajourner la séance...

M. CHARBONNEAU: M. le Président, est-ce que vous auriez une réponse à la question à savoir si chacune des affiliées va pouvoir présenter ses propres statistiques parce que vous avez constaté maintenant qu'il est onze heures et que je n'ai pas eu l'occasion d'exposer les données régionales des transferts linguistiques. C'est très important que les législateurs mesurent régionalement parlant. On se fait l'illusion, M. le Président, que le problème existe à Montréal, dans l'Outaouais, c'est généralement admis, mais on ignore que le problème est devenu crucial, même au Saguenay — Lac-Saint-Jean, même dans la ville de Québec, même dans une région comme Shawinigan, et en plusieurs autres endroits. Il y a des écoles dites anglaises actuellement qui sont fréquentées par des majorités de transfuges francophones. C'est très important que l'Assemblée nationale soit informée, région par région, de ce dossier. Je n'ai pas eu le temps d'aborder cela ici. Il faut que cela se sache. Il faut que cela se dise. Puisque la commission ne veut pas venir à la population, je crois que ce serait normal que la population puisse venir à la commission.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis complètement d'accord avec vous, M. Charbonneau. Je suis sûr que la commission fera tout ce qui est possible pour entendre toutes ces filiales.

Avant d'ajourner...

M. MORIN: Je conteste, je m'excuse. Le ministre nous a promis pour ce soir la liste de toutes les personnes physiques et morales qui désirent comparaître devant la commission. Puis-je lui demander si nous pourrions avoir cette liste maintenant?

M. CLOUTIER: M. le Président, ce que j'ai dit, c'est que, d'après le règlement, le secrétaire des commissions devait attendre la fin du dépôt des mémoires. Si je ne m'abuse c'est demain, quatre heures, n'est-ce pas? C'est ce soir, quatre heures?

Alors, je vais demander au secrétaire de la commission quand il pourra donner la liste. Demain matin? Alors demain matin.

M. MORIN: Bon!

M. CLOUTIER: II faut quand même comprendre que, sur le plan administratif, le secrétaire a besoin de quelques heures, après la limite des dépôts, pour pouvoir terminer cette liste.

M. MORIN: Si nous avons la liste demain matin, nous en serons entièrement satisfaits.

J'ai une seconde question avant de passer à la liste de ceux qui comparaîtront demain. J'aimerais savoir ce qu'il adviendra des deux associations qui n'ont pas comparu aujourd'hui, c'est-à-dire l'Association des mines de métaux du Québec Inc., et le Conseil des fédérations ethniques de la province de Québec. Est-ce que ces deux associations vous ont fait parvenir des télégrammes se décommandant? Pour quelle raison? Quand vont-elles comparaître?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Les informations que j'ai obtenues cet après-midi indiquent que les deux organismes en question sont reportés à la fin de la liste et seront probablement... Non? Elles sont déjà à l'horaire pour vendredi?

M. MORIN: Laquelle n'est pas sûre de comparaître?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le Conseil des fédérations ethniques de la province de Québec n'a pas encore indiqué s'il pourra comparaître et quand.

M. MORIN: Autrement dit, cet organisme n'est pas écarté.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quant à l'Association des mines de métaux du Québec Inc., elle comparaîtra vendredi de cette semaine.

M. MORIN: Très bien. Donc, ces deux organismes ne sont pas écartés et nous aurons le loisir de les entendre.

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne peux pas m'engager des semaines à l'avance sur des organismes précis. Nous suivons le règlement. Nous avons démontré la plus grande disponibilité. Nous avons, à plusieurs reprises, quand un organisme ne pouvait pas venir à un moment précis, tenté de le placer à un autre moment. Il est bien évident qu'un organisme qui ne se présente pas et s'il n'a pas été possible à la commission d'en tenir compte, il se trouve à être éliminé. C'est le règlement qui le veut. Je ne vois pas pourquoi nous aurions un débat maintenant là-dessus. Nous avons pu régler chaque cas d'espèce. Nous avons d'ailleurs convenu que nous tenterions de trouver des solutions devant chaque problème.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour terminer, j'aimerais aviser les membres de la commission des organismes qui comparaîtront demain. Dans l'ordre, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes, le Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal, le Comité Canada, The Association of Protestant School Business Officials of Quebec, la Société nationale populaire du Québec, le Mouvement Québec français et le Mouvement national des Québécois; donc sept organismes. Sur ce, la commission ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 9)

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