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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, June 18, 1974 - Vol. 15 N° 99

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du mardi 18 juin 1974

(Dix heures dix minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Alors, tel qu'annoncé hier soir, la commission entendra aujourd'hui les organismes suivants: l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes; le Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal; le Comité Canada; The Association of Protestant School Business Officials of Québec; la Société nationale populaire du Québec; le Mouvement Québec français et le Mouvement national des Québécois.

J'invite donc immédiatement M. Dougherty de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes à bien vouloir se présenter à la barre, s'il vous plaît.

M. BEAUDOIN: M. le Président, est-ce que vous seriez d'accord que le Comité Canada soit entendu en premier lieu ? Nous avons conversé avec M. Dougherty auparavant et il serait d'accord pour qu'on présente notre mémoire en premier, si vous n'avez pas d'objection.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II semble que la demande auprès de la commission est la suivante: Que le Comité Canada, à cause d'un engagement antérieur, passe à la place de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes, ce qui voudrait dire que celle-ci passerait en troisième, à la place du Comité Canada. Est-ce que la commission accepte cette demande?

M. CHARRON: C'est le cas de le dire, on commencerait par la fin ce matin.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, qu'il en soit ainsi! J'invite donc M. J. L. Beaudoin, directeur général du Comité Canada, à bien vouloir se présenter et nous présenter ceux qui l'accompagnent.

Comité Canada

M. BEAUDOIN: M. le Président, encore là, il y a eu peut-être une petite confusion. C'est le président du Comité Canada qui présentera le mémoire, M. Louis Rochette. Alors, si vous voulez faire la correction. M. Louis Rochette, président du Comité Canada.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite M. Rochette à se présenter immédiatement. Je vous inviterais, M. Rochette, dès le départ, à bien vouloir, pour les fins du journal des Débats, nous présenter les personnes qui vous accompagnent ce matin.

M. BEAUDOIN: M. le Président, à ma droite, M. Paul Racine, vice-président du Comité Canada; M. Louis Rochette, président du Comité Canada, et Me Jules Blanchet, secrétaire du Comité Canada.

M. ROCHETTE: M. le Président, M. le ministre et membres de la commission parlementaire, le Comité Canada est un organisme national composé de membres provenant de tous les coins du pays, qui entendent conjuguer leurs efforts en vue d'améliorer et d'accroître l'unité canadienne en favorisant les échanges et les rapports harmonieux entre les divers groupes ethniques et, en particulier, entre les deux groupes fondateurs de la nation, les francophones et les anglophones qui y oeuvrent depuis des générations.

Tout ce qui, de près ou de loin, est de nature à améliorer ou détériorer ces rapports attire naturellement notre attention. Or, le projet de loi 22, portant sur la langue officielle, fait justement cela. D'une part, il assure aux français la place prépondérante qui lui revient au Québec, ce qui aura pour effet de clarifier et d'améliorer les rapports linguistiques entre francophones et anglophones dans le domaine du travail et des affaires.

Mais, d'autre part, le projet comporte des imprécisions. On y soupçonne même des omissions qui nous paraissent de nature à envenimer passablement les choses, notamment au chapitre qui traite de la langue dans le domaine de l'enseignement.

Compte tenu des risques de dissensions et de querelles débilitantes que peuvent comporter ces imprécisions ou omissions, Comité Canada doit assumer pleinement son rôle en attirant l'attention du législateur sur quelques faits et quelques principes.

Nous vivons dans un pays qui a hérité des plus grandes traditions démocratiques. Instinctivement, nous proclamons que tous les citoyens sont égaux devant la loi et, au Québec, nous estimons que ce principe s'applique à tous, aux francophones, aux anglophones et aux immigrants. Ici, avec la permission de la commission, j'aimerais intercaler des remarques additionnelles que nous venons de vous distribuer en annexe. Alors, nous nous référons à l'annexe A premièrement: Droits linguistiques.

La langue est l'instrument de culture le plus important d'une collectivité. Cet instrument devient prépondérant et officiel quand une majorité de citoyens, dans cette collectivité, en ont absolument besoin pour communiquer entre eux.

Mais le fait qu'une langue s'impose à une

majorité de citoyens dans une collectivité donnée ne confère pas à cette langue des droits exclusifs et absolus. Dans une société évoluée, la majorité linguistique est tenue de tenir compte des droits de la langue de la minorité, surtout si cette minorité tient ces droits de circonstances historiques.

Au Canada, la majorité des citoyens parlant l'anglais, soit parce que c'est leur langue maternelle, soit parce que c'est leur langue d'adoption. Ces citoyens, soit plus de 72 p.c. de la population canadienne, ont absolument besoin de l'anglais pour communiquer entre eux.

Mais, au sein de cette majorité, vit une collectivité, soit près de 28 p.c. de la population canadienne, dont la langue maternelle est le français. Cette minorité, à cause de son importance numérique et à cause de droits acquis en vertu de son ancienneté en terre américaine, a droit à ce qu'on reconnaisse et respecte sa langue. C'est ce qu'a voulu faire le gouvernement canadien en reconnaissant au français, et ce au même titre que l'anglais, un caractère officiel au Canada.

Au Québec, la majorité des citoyens parlent le français, soit parce que c'est leur langue maternelle, soit parce que c'est leur langue d'adoption.

Ces citoyens, soit près de 85 p.c. de la population québécoise, ont absolument besoin du français pour communiquer entre eux.

Mais, au sein de cette majorité, vit une collectivité, soit près de 15 p.c. de la population québécoise dont la langue de communication est l'anglais. Cette minorité, à cause de son importance numérique et économique, et à cause de droits acquis, en vertu de son ancienneté au Québec, a droit à ce qu'on reconnaisse et respecte sa langue. C'est ce que fera le gouvernement si, dans son projet de loi no 22 sur la langue officielle, non seulement il affirme la prépondérance du français au gouvernement, sur les lieux de travail et dans le monde des affaires, mais définit aussi clairement le statut de l'anglais, lui reconnaissant droit de cité au Québec et ce, au même titre que le français.

Droits collectifs et individuels. Non sans raison, les théoriciens définissent la langue comme un héritage collectif qui commande la vénération et la sollicitude de tous ceux qui la parlent. Si cet héritage se trouve menacé, il importe de prendre tous les moyens, même draconiens, pour en assurer la sauvegarde. Comme ces moyens risquent de piétiner certaines libertés individuelles, on en vient à discuter deux catégories de droits: les droits collectifs et les droits individuels. La langue étant un bien collectif, on la fait relever des droits collectifs.

Poussant plus loin le raisonnement, on décrète que les droits collectifs passent avant les droits individuels. Cette opinion jouit d'une certaine vogue et on la met de l'avant pour réclamer une loi linguistique draconienne.

Nous avons la conviction qu'il s'agit là d'un sophisme dangereux. Si, au nom des droits collectifs, on cherchait à imposer indûment une langue, et ce, sous prétexte qu'on la croit menacée et qu'on la considère essentielle à l'identité d'une collectivité, pourquoi n'imposerait-on pas aussi éventuellement un système, une idéologie ou une religion qu'on jugerait également essentielle à l'identité d'une collectivité?

Tout au cours de l'histoire, des visionnaires, des princes, des tyrans ont tenté d'établir des droits collectifs au détriment de droits individuels avec les résultats terrifiants qu'on sait: guerres, insurrections, conflits, etc.

Loin de nous l'intention de minimiser l'importance des droits collectifs, mais la priorité qu'on semble vouloir leur reconnaître en certains milieux, nous inquiète. Conformément à la tradition scolastique, il nous apparaît que les droits de l'individu sont antérieurs à ceux de la collectivité et en conséquence prévalent sur eux.

Ceci dit, cependant, nous avons la conviction qu'un gouvernement habile comme a souvent su l'être le gouvernement du Québec, peut, dans le domaine de la langue, sauvegarder des droits collectifs évidents sans brimer les droits individuels essentiels. Toutefois, il nous semble que, dans sa rédaction présente, la loi 22 n'apporte pas pleinement cette assurance.

Si vous voulez retourner au texte original.

Les droits des francophones. D'abord quelques faits. Le Québec a toujours passé pour un exemple de tolérence et de largeur de vue dans ses rapports avec ses minorités et en particulier avec sa minorité anglophone. A cet égard on l'a souvent cité en exemple dans les autres régions du pays. Aussi nous paraît-il regrettable de constater qu'à moins de modifier la rédaction de certains articles, le projet de loi 22 risque fort de compromettre cette réputation enviable.

Il importe peut-être aussi de souligner le fait que c'est au Québec et en particulier dans la métropole que le caractère biculturel du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat.

C'est au Québec que les deux langues officielles, français et anglais, cohabitent avec le plus d'harmonie. Enfin, c'est incontestablement au Québec que le biculturalisme s'affirme avec le plus d'élégance au pays. Nombreux sont les Canadiens qui croient que le Québec ouvre la voie en ce domaine et nous avons le vif sentiment d'interpréter leurs désirs en souhaitant que le Québec continue à servir d'exemple au reste du pays dans cette expérience éminemment constructive.

A la page 3 de l'annexe maintenant. Incidemment, nous nous permettons de signaler qu'il entre dans les fonctions du Comité Canada d'inciter les autres grands centres culturels du pays à suivre l'exemple du Québec dans le domaine du biculturalisme. Notre organisme comprend que le Québec peut parfois se montrer las de servir d'exemple et d'avoir trop peu d'imitateurs. Mais il reste convaincu qu'en ce domaine, c'est celui qui donne l'exemple, qui ouvre les voies de l'avenir en ce pays.

Retournons au texte. Le projet de loi 22

contient quantité d'excellentes choses. Et nous nous réjouissons que plusieurs de ses articles correspondent à peu de chose près à des suggestions que nous nous étions permis de faire dans des mémoires antérieurs. Ainsi nous nous réjouissons de voir que le projet affirme nettement la prépondérance du français. Nous trouvons logique et normal que cette langue devienne la langue officielle de l'Etat québécois. Mais nous nous étonnons de voir que le projet ne fait nulle part mention de l'autre langue officielle du pays, qui est l'anglais, c'est-à-dire la langue seconde normale des francophones québécois.

Le projet a recours à des formules plutôt vagues pour distinguer l'école où la langue d'enseignement sera le français et l'école où la langue d'enseignement sera l'anglais.

Nous croyons que l'imprécision et le vague en pareil domaine peut se révéler nocif tant aux francophones qu'aux anglophones et peut compromettre par le fait même des relations harmonieuses entre les deux groupes. Expliquons-nous.

On précise que le français sera obligatoire à l'école où la langue d'enseignement sera l'anglais, mais on n'indique nulle part que la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, sera au programme des écoles où la langue d'enseignement sera le français.

On sent bien que, dans l'esprit du législateur, il va de soi que, dans les écoles où la langue d'enseignement sera le français, on enseignera également la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais. Mais une loi ne dit que ce qu'elle dit. Aussi, compte tenu de l'attitude plutôt hostile de plusieurs milieux enseignants à l'égard de l'anglais, on est justifié de trouver imprudent de ne pas spécifier dans la loi que la langue seconde sera enseignée dans les écoles où la langue d'enseignement sera le français.

Celui qui voudrait prendre au pied de la lettre le texte de la loi dans sa rédaction actuelle pourrait facilement soutenir que la langue seconde n'a pas à être enseignée dans les écoles où la langue d'enseignement sera le français. Tel que rédigé, le projet de loi oblige les anglophones à avoir une connaissance des deux langues officielles du pays s'ils veulent obtenir un diplôme, alors que les francophones n'ont pas l'obligation d'avoir une connaissance de leur langue seconde, l'anglais, pour obtenir le leur. Certains nationalistes à courte vue peuvent voir là une douce vengeance, mais, en réalité, la loi se trouve à obliger les anglophones à être bilingues, ce qui leur ouvrira plus de portes demain sur le marché du travail, alors qu'on incite presque les francophones à demeurer unilingues, ce qui est de nature à les isoler et à les écarter de quantité d'emplois.

La loi vise le noir, mais elle tue le blanc. Rançon de son imprécision, il nous apparaît qu'à la longue ce manque de précision se révélera discriminatoire pour les francophones; les anglophones seront bilingues, les francopho- nes seront unilingues avec tous les inconvénients que cela comportera pour eux.

En conséquence, nous croyons qu'en toute prudence la loi devrait spécifier que la langue seconde sera aussi obligatoire dans les écoles où la langue d'enseignement sera le français. Si vous voulez vous référer à la page 4 de l'annexe, maintenant, en d'autres termes, il faut à l'article 52 la contrepartie qui va de soi: Les programmes d'études doivent assurer la connaissance de la langue anglaise, parlée et écrite, aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue française et le ministre de l'Education doit prendre les mesures nécessaires à cet effet.

Il nous apparaît que le gouvernement ne veut pas instaurer un système d'écoles bilingues au Québec. Compte tenu de la prépondérance évidente du français en cette province, on ne peut que donner raison au gouvernement. Un système bilingue voudrait dire que l'enseignement dans toutes les écoles du Québec serait dispensé moitié en français, moitié en anglais, ce qui serait irréaliste.

Mais dire non à l'école bilingue n'implique aucunement qu'il faille aussi dire non à la langue seconde. Les écoles du Québec où la langue d'enseignement sera le français n'échappent pas à la règle. Et pour ces écoles, la langue seconde est évidemment l'anglais.

Il reste à savoir quelle doit être la part de la langue seconde dans les écoles où la langue d'enseignement sera le français. Nous venons de voir que moitié moitié serait irréaliste. N'y aurait-il pas moyen d'établir une proportion qui soit à la fois pratique et équitable pour les deux groupes linguistiques? Si par exemple on établissait pour toutes les écoles du Québec que l'enseignement serait désormais dispensé dans une proportion de 80 p.c. dans la langue d'enseignement et 20 p.c. dans la langue seconde, n'y aurait-il pas des chances que personne ne se trouverait lésé et tous y trouveraient leur profit.

A la lumière des plaintes portées ces dernières années contre l'école et pour assurer la stabilité et la satisfaction des écoles des deux groupes linguistiques, il semble qu'il va falloir un effort sérieux du côté du ministère de l'Education pour assurer une meilleure qualité de l'enseignement des langues dans plusieurs écoles du Québec.

Veuillez retourner au texte original.

Les droits des anglophones. L'article 48 du projet de loi inquiète, à juste titre croyons-nous, la minorité anglophone du Québec. Dans cet article, l'anglais, la langue continentale, et l'une des deux langues officielles du pays, a les apparences d'un simple idiome qu'on tolère, une langue qui ne jouirait d'aucun statut légal au Québec. Le français est sans conteste la langue prépondérante au Québec. Certains considèrent même qu'il devrait être désigné langue nationale du Québec, l'anglais devant être considéré comme une des deux langues officielles.

Mais loin de nous l'intention de nous chicaner sur les termes. Nous croyons que la minori-

té anglophone a des droits acquis au Québec et que la protection légale de ses droits acquis ne léserait et ne diminuerait en aucune manière les droits du français. Nous croyons qu'anglophones et francophones ne peuvent faire autrement que de vivre en bons termes au Québec. Cette coexistence constructive et désirable ne saurait être possible que dans le respect des droits légitimes de chacun.

A cause toujours de son imprécision, nous croyons que le projet de loi 22 dans sa rédaction présente pourrait éventuellement signifier, pour la minorité anglophone, la perte de ses droits acquis en matière linguistique et d'enseignement.

Encore une fois, le Comité Canada ne doute aucunement que dans l'esprit du législateur, il n'est absolument pas question de contester aux anglophones du Québec leurs droits acquis dans le domaine de la langue et de l'enseignement. Mais il reste que, dans sa formule présente, le projet de loi ne contient aucun article garantissant explicitement aux anglophones du Québec leurs droits acquis en matière de langue et d'enseignement. Dans l'intérêt commun des deux communautés linguistiques du Québec, la loi devrait comporter une telle garantie.

Personne n'ignore que les anglophones du Québec ont toujours eu droit à leurs écoles. Nous ne voyons pas quelle difficulté il y aurait à ce que ce droit acquis soit à l'avenir spécifiquement assuré dans une loi aussi importante que celle concernant la langue officielle du Québec.

Un autre droit acquis, tant pour les anglophones que pour les francophones du Québec, a trait à la liberté pour les parents du choix de la langue d'enseignement pour leurs enfants (liberté actuellement garantie par la loi 63).

Il appert que l'entrée en vigueur de la loi 22 sur la langue officielle abolira automatiquement la loi 63 garantissant la liberté de choix pour les parents de la langue d'enseignement pour leurs enfants. En conséquence, nous croyons qu'il faut que la loi 22 contienne un article garantissant explicitement cette liberté de choix.

Les droits des immigrants. Il nous apparaît que, dans l'esprit du législateur, la liberté pour les parents de choisir la langue d'enseignement de leurs enfants se trouve implicitement maintenue pour les citoyens francophones et anglophones de la province, de même que pour les immigrants anglophones. Pour ce qui est des immigrants d'origine autre qu'anglophone, ils devront obligatoirement s'inscrire dans des écoles où la langue d'enseignement sera le français.

Nous n'entendons absolument pas contester le bien-fondé de ces dispositions de la loi. Il nous apparaît logique qu'au Québec, l'immigrant, d'origine autre qu'anglophone, se voie intégré à l'école où la langue d'enseignement sera le français, mais à condition toutefois que, dans ces écoles, il puisse s'initier sérieusement aux rudiments de la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais. En prenant de pareilles précautions, le législateur démontrera qu'il considère tous les citoyens du Québec — les immigrants y compris — égaux devant la loi.

Nous avons intentionnellement éliminé de notre mémoire toute question de détail. Nous nous sommes bornés aux principes, surtout ceux qui nous paraissent essentiels aux bons rapports entre les deux grandes communautés linguistiques du Québec et à l'intégration harmonieuse des immigrants établis dans cette province.

Messieurs, je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Rochette, nous vous remercions et j'invite le ministre de l'Education à commencer la période de questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier le Comité Canada pour son mémoire qui contient des points extrêmement intéressants dont le gouvernement tiendra certainement compte. Il est écrit dans un style modéré et je tiens à le souligner. Cela n'est pas toujours le cas. Je note que le Comité Canada porte un jugement général sur le projet de loi 22 en s'inscrivant en faveur de son objectif, à savoir faire du français la langue officielle, assurer sa prépondérance suivant l'expression utilisée dans le mémoire et que le Comité Canada considère que ce projet de loi contient quantité d'excellentes choses. Je cite. Cependant, il semble que la préoccupation du Comité Canada porte surtout sur les droits individuels.

Certains jugements, ici et là, me portent à penser que le comité a l'impression que les droits individuels des anglophones, qui constituent une minorité, ne seraient peut-être pas suffisamment préservés. J'aimerais que, par la bouche de son président, le comité puisse expliciter un peu cela. Le gouvernement, dans l'économie de son projet de loi, tient à aller le plus loin possible en ce qui concerne la prééminence du français, langue officielle, mais il tient en même temps, sur le plan individuel, à conserver les droits qui ont été acquis, peu importe les querelles juridiques, par la minorité anglophone depuis déjà très longtemps.

M. ROCHETTE: M. le ministre, nous ne croyons pas que le projet de loi vise à diminuer les droits des anglophones. Nous croyons qu'il pêche plutôt par ommission, en ne garantissant pas la continuité de ces droits. Même si, dans l'intention du législateur aujourd'hui, il n'est pas question de porter atteinte aux droits acquis, le fait qu'il ne soit pas mentionné, qu'il ne soit pas garanti de façon explicite peut, à la longue, avoir le même effet que si on voulait réellement les retirer, ces droits acquis.

M. CLOUTIER: M. le Président, vous considérez qu'il faudrait préciser davantage dans certains articles les droits des anglophones?

M. ROCHETTE: C'est cela, nous croyons qu'ils devraient être précisés.

M. CLOUTIER: Avez-vous l'impression que, ce faisant, nous diminuerions les droits des francophones que nous cherchons, justement, à affirmer?

M. ROCHETTE: Non, je ne crois pas que nous diminuerions en aucune façon les droits des francophones. Si vous me permettez, comme il y a ici plusieurs membres de notre groupe, dont un vice-président du Comité Canada, M. Paul Racine, j'aimerais lui laisser l'occasion de faire quelques remarques sur ce point.

M. RACINE: Si vous me permettez, M. le ministre, comme le disait notre président, nous voyons le projet de loi 22 comme un projet de loi absolument positif qui favorise beaucoup, si vous voulez, la présence du français au sein du Québec, mais dans tout le bill ou le projet de loi 22, nous remarquons qu'il n'y a rien de positif pour dire, si vous voulez, à nos collègues de langue anglaise qui vivent avec nous ici au Québec, que, dans la même mesure où nos droits seront protégés, affirmés et auront probablement une prépondérance...

M. CLOUTIER: Je vais vous interrompre. Ce que vous dites, c'est que c'est positif pour les francophones et négatif pour les anglophones?

M. RACINE: Non, je dis que c'est plutôt ignoré, que cela ne leur assure pas, si vous voulez, d'une façon claire et nette les mêmes droits que l'on réclame sur le symbole de la majorité, qu'également on devra contracter ou qu'on contracte l'obligation de respecter les droits des anglophones ou les droits des minorités. On pense que tout en affirmant la valeur de nos droits ou la présence de ces droits, en même temps, on devrait souligner dans le projet de loi de façon positive qu'on ne diminue pas pour autant les droits et qu'on assure également la présence des droits acquis du monde anglophone. On a vécu comme cela depuis le commencement de notre histoire et c'est ce qui a fait de nous probablement une province aux couleurs bien différentes des autres. On croit qu'on a eu un héritage très précieux en ayant la bonne fortune de vivre dans une province où on peut s'exprimer comme majorité française, mais, à l'occasion, en anglais pour la conduite de nos affaires, pour des raisons économiques ou autres. On croit aussi que c'est une chose essentielle que ces droits soient protégés et de façon positive.

M. CLOUTIER: M. le Président, vous ne pensez pas que si l'on essaie de changer une situation, changer un rapport de forces entre deux langues et c'est ce qu'essaie de faire ce projet de loi, à ce moment-là il faut nettement mettre l'accent sur le français puisque c'est le français qu'on cherche à protéger.

M. ROCHETTE: Si vous me permettez, le fait de reconnaître certains droits acquis aux anglophones ne brimerait en rien les droits du français qui sont protégés comme jamais par l'introduction d'une loi comme celle-ci.

M. CLOUTIER: Bien que les droits du français soient protégés comme jamais par cette loi.

M. ROCHETTE: Certainement, je le reconnais.

M. BLANCHET: Vous voudriez qu'on fasse des précisions. J'ai déjà travaillé au mémoire qui fut présenté jeudi dernier par la Chambre de commerce de la province parce que je suis un de ses conseillers juridiques. Evidemment, à l'article 48, la Chambre provinciale nous suggère de faire un changement qui est établi dans son mémoire à la page 8 et, à l'amendement 8-1, elle y va dans les détails en disant que l'enseignement se donne en langue française et anglaise dans les écoles. Enfin, ce sujet a été discuté la semaine dernière, et je pense que Comité Canada serait sûrement d'accord sur une proposition semblable. Je ne voudrais pas que la commission discute de nouveau ces points de vue. Je soumets respectueusement que le Comité Canada est obligé, étant donné sa charte et son organisme bona fide de faire valoir ici des positions générales. C'est très difficile pour nous d'aller produire un document particulier parce que nous sommes un ensemble canadien et, tant et aussi longtemps que le Québec sera au Canada, nous serons obligés d'agir comme cela. Je vous remercie.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous croyez vraiment qu'il soit nécessaire d'inscrire dans la loi l'obligation d'enseigner l'anglais à l'école française comme langue seconde pour atteindre cet objectif?

M. BLANCHET: Je le crois. M. HARDY: Vous le croyez? M. RACINE: Nous le croyons.

M. HARDY: Mais comment, à ce moment-là, pouvez-vous expliquer... Partant de ce principe, il faudrait dire que tous les programmes d'enseignement doivent se retrouver dans la Loi de l'instruction publique.

M. RACINE: Non.

M. HARDY: Pourquoi la langue seconde et pas l'enseignement de l'histoire du Canada, par exemple? Pourquoi?

M. RACINE: Si vous voulez, je vais poser votre question à l'inverse. Pourquoi est-ce que dans un projet de loi vous ne déciderez pas, un bon matin, que l'histoire sainte, cela ne fait plus partie de notre culture? Pourquoi cela?

M. HARDY: C'est-à-dire que là...

M. RACINE: La langue anglaise, dans la mesure où on doit s'en servir tant pour les biens qu'elle nous apporte, pourquoi est-ce qu'on la brimerait ou pourquoi la laisserait-on tomber comme étant une présence qui n'a pas sa raison d'être dans le contexte des droits linguistiques? Je pense que la façon de penser aujourd'hui, chez beaucoup de Canadiens français qui ont eu l'avantage d'apprendre également la langue anglaise, cela fait partie de leur richesse culturelle. Ce n'est pas simplement le français qui est leur richesse culturelle. A l'origine cela l'est, mais le complément du savoir de la langue anglaise pour eux tout de même reste un actif précieux qu'ils ne sont pas prêts à perdre.

M. HARDY: Je pense que là vous confondez la richesse culturelle sur le plan individuel et sur le plan collectif. De toute façon, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je pense que personnellement je suis aussi convaincu que vous pouvez l'être de la nécessité de l'enseignement de la langue seconde anglaise dans les écoles françaises; mais là où je ne peux comprendre votre raisonnement, comme je vous l'ai laissé entendre tantôt, c'est qu'on doive mettre cela dans une loi. Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer dans un même mémoire qu'il est normal que la langue française soit prépondérante et en même temps venir nous dire que dans la loi on doit assurer l'obligation d'enseigner la langue française dans les écoles anglaises et la langue anglaise dans les écoles françaises. Si ce n'est pas mettre deux langues sur un pied d'égalité, je ne sais pas ce que c'est. Vous exigez le même traitement à la langue seconde française qu'à la langue seconde anglaise et, après cela, vous nous parlez de prépondérance.

M. RACINE: Est-ce que je peux, M. le Président? Si vous me permettez on ne dit pas qu'on les place sur un pied d'égalité, pas plus qu'on voudrait vous suggérer que le pourcentage que l'on suggère est un pourcentage précis sur le plan de la prépondérance. On dit simplement ceci. On dit que, s'il est vrai qu'il est important que chez les francophones la culture à la base dans l'enseignement pour les préparer à l'école de la vie sur tous ses plans, cela doit être le français, on doit également faire reconnaître cela aux enseignants.

Il faut surtout dire à nos enfants qu'il faut tout de même qu'il y ait une préparation, enfin des avantages de la langue anglaise parce que, sur le marché du travail et dans les codes de la vie que l'on vit aujourd'hui, il ne faut pas se faire croire que nous sommes limités aux barrières de Québec. Il faut également préparer nos gens à être capables, de prendre assez d'expérience...

M. HARDY: M. Racine, nous admettons tout ça, mais tout ce que je voudrais, c'est que vous fassiez suffisamment confiance au bon jugement et au bon sens des francophones pour qu'ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité d'apprendre l'anglais sans le leur imposer dans une loi. Je considère, M. Racine, que c'est manifester un paternalisme et un manque total de confiance envers les francophones que de leur dire: Mes enfants, vous avez besoin d'apprendre l'anglais pour vivre et, parce que ce besoin est très important, nous allons — c'est le législateur qui parlerait à ce moment — vous imposer l'obligation d'apprendre l'anglais dans une loi. Personnellement, encore une fois, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur l'objectif poursuivi, je suis d'accord avec vous. Mais je considère que, si nous faisions cela dans une loi, ce serait manifester un manque très grand de confiance envers les francophones, ce serait de leur dire: Vous ne réussirez pas à réaliser vous-mêmes la nécessité d'apprendre l'anglais, on va vous l'imposer dans une loi. Votre proposition, à mon avis, va à l'encontre du principe de la prépondérance de la langue française et également va à l'encontre de cette confiance que l'on doit manifester à la majorité. De plus — je termine là-dessus, M. le Président et ne pense pas avoir abusé de mon droit de parole depuis le début des travaux, je pense que je pourrais terminé — je pense que le brillant juriste, qui est assis à votre gauche, reconnaîtra qu'il serait un peu illogique, si on fait appel uniquement à ses talents de juriste, de mettre, dans une loi, des parties de programme d'enseignement, parce que, à toutes fins pratiques, c'est ce que vous demandez. Vous nous demandez, pour la langue, d'indiquer dans une loi, ce qui doit normalement se retrouver dans des contenus de programme.

M. ROCHETTE: M. le Président, dans vos remarques, vous avez mentionné qu'on ne peut imposer, aux parents francophones, que leurs enfants apprennent l'anglais, en mettant une disposition dans la loi pour que ça devienne obligatoire. En même temps que vous dites ça, par cette même loi, vous enlevez la liberté à ces mêmes parents de choisir la langue d'enseignement de leurs enfants.

M. HARDY: A quel endroit dans la loi?

M. ROCHETTE: Dans les dispositions de la loi 63 qui disparaissent aujourd'hui. Le fait de faire disparaître ces dispositions.

M. HARDY: Si nous avons lu le même texte de loi, la liberté de choix pour les autochtones demeure assujettie à un modérateur qui est d'ordre pédagogique, mais le principe fondamental de la loi 22, un des principes fondamentaux de cette loi reconnaît la liberté de choix aux autochtones.

M. RACINE: Si vous me permettez, M. le Président, le fait qu'il y ait un projet de loi,

est-ce que ce n'est pas une manifestation positive que déjà nous avons le droit de prétendre qu'il y aura peut-être certains différends sur le plan de la langue qui vont s'amorcer? Est-ce que le fait que le projet de loi 22, qui est en notre présence, soit là et qu'on le discute ce matin, n'est pas déjà une restriction à la façon de bien vouloir être les propres chefs de sa détermination, à savoir si on veut le français dans une mesure ou dans l'autre? On légifère actuellement pour nous dire: Vous devrez être plus français. Absolument d'accord. Mais parce qu'on fait ça, automatiquement, je crois que nous venons brimer un peu les privilèges de ceux qui sont tout de même les fondateurs de cette nation. Parce que la loi en soi n'a pas un caractère absolument positif. Elle a un caractère de défiance ou elle laisse interpréter à certains encroits un caractère de méfiance; on se met dans la position forte et on ne veut pas reconnaître que d'autres gens, qui ont déjà des droits, qui partent des mêmes années que la confédération, auront également des droits. Pourquoi est-ce qu'on les ignore? Pourquoi est-ce qu'on en fait pas mention? Il n'y a pas confusion quand on en fait mention. On dit simplement que le respect des droits de ceux qui sont là...

M. HARDY: Vous dites qu'on les ignore...

M. RACINE: ... ne sera pas mis de côté, même sur le plan de l'enseignement.

M. HARDY: Vous dites qu'on les ignore et tantôt, au cours de la journée, M. François-Albert Angers viendra nous dire qu'on les reconnaît d'une façon exagérée.

M. RACINE: Disons qu'il y a deux façons de l'interpréter. Peut-être que vous le poussez d'une façon trop positive. Remarquez on n'a rien contre, on aime bien cela, mais on veut que cela se fasse dans un climat de bonne foi et où la présence des gens...

M. HARDY: Si vous me permettez une réflexion toute personnelle...

M. RACINE: Parce que c'est nécessaire.

M. HARDY: ... sans être d'accord avec M. Angers, je considère plus normal que M. Angers dise des choses comme il les dit, que des francophones disent des choses comme celles que vous dites.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, avant de céder la parole au chef de l'Opposition, j'aimerais rappeler au public dans la galerie qu'il est interdit, selon les règlements de l'Assemblée nationale, d'applaudir ou de manifester de quelque façon que ce soit. L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais, si vous voulez bien, revenir au mémoire, à la page 2. Vous y dites, sous le chapitre intitulé "Les droits des francophones", au second paragraphe: "II importe peut-être aussi de souligner le fait que c'est au Québec, et en particulier dans la métropole, que le caractère biculturel du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat."

Savez-vous, messieurs, que selon le rapport Gendron, 53 p.c. des francophones de la région de Montréal font usage des deux langues au travail et que seulement 31 p.c. des anglophones le font? A Montréal, toujours selon le rapport Gendron, le bilinguisme est une condition d'obtention du premier emploi et il est exigé deux fois plus souvent pour les francophones que pour les anglophones. Connaissiez-vous ces faits? Si vous les connaissiez, que signifient alors les quatre lignes que je viens de lire?

M. ROCHETTE: Je crois, M. le Président, que des faits, comme vient de le mentionner M. Morin, existent certainement. Il y a une évolution graduelle qui se fait. On n'a pas à retourner tellement en arrière pour retrouver Montréal comme une ville à majorité anglophone et encore moins loin, pour y voir une prépondérance encore plus marquée de l'anglais, langue des affaires. L'évolution se fait graduellement, elle va en accélérant et il est certain qu'une loi comme la loi 22 permettra d'accélérer encore plus la prépondérance du français, non seulement comme langue culturelle, mais aussi dans le domaine des affaires.

M. MORIN: Alors, si je comprends bien, ce serait à cause de cette accélération du caractère biculturel que dans la région de Montréal on retrouve 70 p.c. des écoliers francophones du Québec qui fréquentent l'école anglaise?

M. BEAUDOIN: Pardon, 70 p.c?

M. MORIN: 70 p.c. des écoliers francophones qui fréquentent l'école anglaise se trouvent dans la région de Montréal.

M. BEAUDOIN: Pour l'ensemble du Québec.

M. MORIN: Oui.

M. BLANCHET: De l'ensemble du Québec.

M. MORIN: C'est cela. C'est ce que vous appelez l'accélération du caractère biculturel du pays? Est-ce que vous connaissiez ces chiffres?

M. ROCHETTE: Non. Vous me citez des chiffres que je n'ai pas moi-même à ma disposition...

M. MORIN: C'est le rapport Duchesne pour votre renseignement.

M. ROCHETTE: Je les tiens pour acquis

puisque vous les mentionnez vous-même, c'est signe que vous avez dû les vérifier. 70 p.c. de quelle quantité, de quel nombre? Je l'ignore; mais de toute façon, je crois que justement parce que Montréal est la métropole et qu'elle groupe près de la moitié de la population du Québec, il est probablement assez normal que ce soit à Montréal que se trouve la majorité des francophones qui fréquentent l'école anglaise. Il est certain que vous ne retrouveriez pas de proportion semblable dans un petit village du Saguenay ou du Lac-Saint-Jean où il n'y a pas d'école anglophone. A ce moment-là, il ne peut pas avoir de pourcentage de ces enfants qui vont à l'école anglophone.

M. MORIN: C'est vous qui nous présentez la métropole comme étant une sorte de paragon où le caractère biculturel du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat. Moi, je vous dis que cette région est une région d'anglicisa-tion.

M. BEAUDOIN: M. Morin...

M. ROCHETTE: Si vous me le permettez, je m'oppose à ceci. J'ai moi-même fréquenté l'école anglaise du choix de mes parents, lorsque j'étais enfant.

M. MORIN: Et voyez ce que cela donne aujourd'hui.

M. ROCHETTE: Vous pouvez trouver cela déplorable, si vous le voulez, mais je me considère encore comme un francophone; ma langue maternelle est le français et je la parle mieux que l'anglais.

M. MORIN: Est-ce que vous saviez que 88 p.c. des immigrants et 63 p.c. des francophones du Québec qui s'assimilent à l'anglais vivent dans la région de Montréal? Oui, les francophones qui s'assimilent sont surtout des francophones montréalais.

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. BLANCHET: M. le Président, nous avons noté dans notre mémoire que le caractère de bilinguisme apparaît beaucoup plus à Montréal; vous venez de le prouver, M. le chef de l'Opposition, que c'est plus bilingue à Montréal qu'ailleurs. C'est bien sûr.

M. MORIN: Et plus assimilateur aussi.

M. BLANCHET: Bien oui, mais si les Canadiens français de Montréal veulent bien apprendre l'anglais comme langue seconde au point de pouvoir prendre des postes très importants, je pense que c'est leur affaire et que cela les regarde. C'est une discussion qui va peut-être un peu loin en rapport avec le bill qui est présenté ici, parce qu'on comprend qu'en principe le bill 22 est un avancement. C'est bien sûr, mais de là à dire, M. le chef de l'Opposition, que le bilinguisme à Montréal n'existe pas, je pense que c'est l'endroit dans tout le Canada où il existe le plus.

M. MORIN: Me Blanchet, personne ne conteste la chose. Ce qu'on vous conteste...

M. BLANCHET: Non, c'est ce que nous avons dit.

M. MORIN: ... c'est d'en faire une sorte d'exemple à suivre, parce que c'est bien cela que vous voulez dire? "Le caractère biculturel du pays s'affirme avec le plus de force et le plus d'éclat". Nous vous disons que c'est une situation d'assimilation. C'est cela que vous voulez? C'est cela que vous êtes venus défendre, ce matin?

M. BLANCHET: C'est bien sûr qu'à Montréal il y a plus de bilinguisme que partout ailleurs au Canada. C'est ce qu'on dit.

M. MORIN: Oui, et vous êtes heureux de cette situation?

M. RACINE: M. le Président...

M. BLANCHET: Je pense que c'est important que le Canadien français, que le Québécois soit bilingue, s'il veut prendre des postes importants au Québec et au Canada. Je pense que c'est un facteur très important. Je ne vais pas plus loin que cela, mais je vous le dis.

M. MORIN: Est-ce que je vous comprends bien, Me Blanchet? Pour avoir un poste important dans l'économie québécoise, il faudrait connaître l'anglais, il faudrait être parfaitement bilingue. Cela s'applique à tous les niveaux et il n'y a pas à y échapper.

M. BLANCHET: C'est un des éléments nécessaires, M. le chef de l'Opposition.

M. MORIN : Et vous êtes satisfaits de cette situation, Comité Canada?

M. BLANCHET: Comme élément nécessaire, j'en suis satisfait, mais il faut autre chose, par exemple. Il faut que l'on connaisse absolument comment va le domaine économique. Il faut aussi avoir des écoles pour nous apprendre comment on doit régir les affaires pour être aussi bons que les Anglais en affaires. Je pense qu'ils ont commencé avant nous. Evidemment, cela n'est pas le domaine de la langue.

M. MORIN : Je vois que vous avez de très forts complexes à l'égard des anglophones, Me Blanchet. Vous avez l'air de nous dire que c'est la seule façon de réussir même au Québec.

M. BLANCHET: C'est un des éléments nécessaires, M. le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Est-ce que vous estimez que c'est une situation normale?

M. BLANCHET: Que ce soit un élément nécessaire, oui, d'apprendre l'anglais pour mieux réussir au Québec.

M. MORIN: Est-ce que vous êtes satisfait de cette situation où, pour obtenir, comme vous le dites, un très haut poste, il faille connaître l'anglais?

M. BLANCHET: Monsieur, je suis ici devant votre commission et je suis heureux d'y être, vu que le gouvernement a décidé de présenter le bill 22, qui a un caractère positif. Nous sommes ici...

M. MORIN: Nous sommes heureux de vous accueillir aussi.

M. BLANCHET: ... pour tenter d'améliorer ce bill suivant notre point de vue. Je ne suis pas ici en opposition, M. le Président.

M. CLOUTIER: L'Opposition vient de manifester son accord envers le bill 22.

M. MORIN: Je suis heureux d'accueillir ces messieurs, comme ils sont heureux d'être là, c'est tout.

M. CLOUTIER: Parfait.

M. ROCHETTE: M. le Président...

M. MORIN: Si M. Rochette, je crois, veut continuer, je n'ai pas d'objection.

M. ROCHETTE: Oui. M. le Président, sur les dernières paroles que vient de prononcer M. Morin, ce n'est pas exclusif au Québec où, pour atteindre les plus hauts postes dans le domaine des affaires, surtout avec les échanges internationaux tels qu'ils sont aujourd'hui, il faut avoir une connaissance de l'anglais. La même chose se présente pour le citoyen français en France, pour le Danois au Danemark, pour le Suédois en Suède. Ce n'est pas limité ici.

Je prends mon expérience personnelle, je n'aurais pas le poste que j'ai aujourd'hui si je ne connaissais pas de façon convenable l'anglais pour pouvoir traiter des affaires de l'entreprise que je représente un peu partout dans le monde.

M. MORIN: En réalité, vous n'auriez pas le poste que vous avez aujourd'hui si le Québec n'avait pas créé la SGF et n'avait pas repris à son compte Marine Industrie, c'est-à-dire si la collectivité québécoise ne vous avait pas donné la chance d'être où vous êtes.

M. ROCHETTE: Je pense que vous sortez un peu du contexte. On a sûrement des choses comme...

M. MORIN: Vous m'avez vous-même apporté cet exemple personnel. Je me permets de le commenter.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je peux fermer...

M. MORIN: Non, je n'ai pas complété.

M. RACINE: M. le Président, je vois d'après la déclaration que vient de faire le chef de l'Opposition, qu'il y a des pourcentages très forts qui ont tendance, comme vous le citez vous-même d'ailleurs, à avoir un choix, au point de vue de l'enseignement de la langue, qui penche beaucoup plus du côté de l'anglophone que du côté français. Mais savez-vous que pour en arriver là... Si vraiment c'est le cas, vous venez d'expliquer qu'on était bien mal préparé et qu'on avait un choix qui méritait d'être révisé. Quand les gens qui sont libres de faire le choix de leurs décisions selon leur bon vouloir et selon ce qu'ils pensent qu'il peut leur arriver de mieux, et à leur famille et à leurs enfants, comment m'expliquez-vous que les gens ont une tendance dans le domaine de l'éducation, à 70 p.c. ou à 80 p.c, d'aller du côté anglais? C'est que précisément nous n'avons peut-être pas reconnu de façon assez évidente que, si on veut ajouter au savoir qu'on a, à la culture qu'on a, aux exigences de la vie moderne par rapport aux communications qui... Aujourd'hui, on ne peut plus vivre sous des coupoles qui sont isolées.

M. MORIN: Messieurs...

M. RACINE: Cela veut dire qu'il faut être mieux préparé. Cela ne veut pas dire qu'il faut abdiquer devant ce qui est vrai, ce qu'on a, ce qu'on possède à l'origine; cela veut dire qu'il faut savoir davantage, qu'il faut connaître davantage pour obtenir aujourd'hui des postes à un niveau supérieur. Je crois qu'il faut être bien préparé. Dans la formation, je crois que la langue anglaise, comme la langue d'autre nations, est certainement une chose qui s'impose. Alors, on dit simplement ceci: Si on veut mieux préparer nos Canadiens français à être des gens d'élite et encore davantage, pourquoi ne pas leur dire qu'en même temps qu'on veut protéger le caractère ethnique, c'est nécessaire qu'il y ait un pourcentage de reconnaissance des droits de ceux qui vivent conjointement et collectivement avec nous, même s'ils représentent la majorité? Le jour où on voudra oublier complètement ou mettre de côté le droit de la minorité dans l'Etat qu'est le Québec, j'aurais grandement peur que, sur un autre plan, qui est peut-être le plan canadien, les gens nous paient la même politesse; et encore là, cela ne nous

placerait pas à l'avance. C'est cela qu'il faut défendre. Je crois qu'il faut préparer nos gens à avoir plus de savoir, plus de connaissances. Il ne faut pas chercher à diminuer l'intérêt ou le pouvoir des choses qu'ils peuvent apprendre et connaître et partant de là, la langue, parce que c'est essentiel pour les communications.

M. MORIN: Messieurs du Comité Canada, si vous êtes venus nous dire que l'anglais est utile dans le domaine des affaires et qu'il faut l'apprendre, nous sommes d'accord. Mais ce n'est pas cela que vous êtes venus soutenir. Vous êtes venus nous dire, enfin de compte, si j'ai bien lu votre mémoire, que les jeunes Québécois francophones peuvent aller à l'école anglaise, si tel est leur bon vouloir.

M. RACINE: Si c'est le choix de leurs parents.

M. MORIN: Non! La vraie solution et celle que vous auriez dû préconiser, si vous étiez d'authentiques Québécois, c'est qu'on apprenne correctement le français dans les écoles françaises et l'anglais dans les écoles françaises...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. RACINE: Quand vous dites: Si on est d'authentiques Québécois...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: Je conçois très bien qu'on puisse différer d'opinion avec ceux qui comparaissent devant nous. Je pense que je l'ai manifesté. Mais je ne pense pas, au nom de la liberté et de la démocratie, que l'on dise aux témoins, comme le chef de l'Opposition a tenté de le faire: Vous devriez dire telle chose. M. le Président...

M. MORIN: Bien non!

M. HARDY: ... le député de Sauvé en est rendu au point...

M. MORIN: J'exprime mon opinion.

M. HARDY: ... de dicter aux comparants ce qu'ils doivent dire. Nous sommes ici pour savoir ce qu'ils ont à dire. Nous pouvons qualifier leur intervention, mais je ne pense pas que nous ayons à dicter des réponses.

M. MORIN: Bon! M. le Président, il ne s'agit pas...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est une question de règlement.

M. MORIN: ... de leur dire ce qu'ils doivent penser, ils sont assez grands garçons pour savoir ce qu'ils pensent. Ce que je leur dis, c'est que j'aurais attendu d'eux qu'ils soutiennent qu'il fallait bien enseigner l'anglais dans les écoles françaises, et non pas le système qu'ils sont venus nous proposer, qui est un système d'assimilation.

M. HARDY: Pas d'accord!

M. MORIN: Je pense que le ministre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, j'en conviens...

M. RACINE: M. Morin...

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais profiter de l'occasion pour rappeler qu'en vertu de l'article 9...

M. RACINE: M. le Président, cette déclaration du chef de l'Opposition...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous pourrez continuer après. J'aimerais rappeler que l'audition d'aujourd'hui n'est pas pour engager un débat entre le Comité Canada et les membres de la commission, mais bien pour que la commission se renseigne. On doit admettre seulement les questions qui nous permettent de nous renseigner. J'aimerais également faire remarquer à la commission qu'il reste environ quinze minutes à l'audition du Comité Canada et qu'étant donné l'horaire chargé — nous avons sept organismes à entendre avec un total de séances d'environ sept heures — il nous faudra nous limiter à ce que prévoit le règlement, c'est-à-dire une heure pour chaque organisme. J'invite le chef de l'Opposition à compléter ses questions.

M. MORIN: Merci beaucoup, M. le Président. Aux pages 4 et 5 de votre mémoire, vous invoquez constamment la notion de "droits acquis" de la minorité anglophone. Vous avez un juriste parmi vous, qui est Me Blanchet. Ce dernier connaît sûrement le sens exact en droit de l'expression "droits acquis". J'attendrais de vous ou de lui qu'il nous dise exactement ce que vous avez voulu dire, car je dois attirer votre attention sur le fait qu'en droit constitutionnel les droits acquis n'existent pas, comme la commission Gendron vient de le constater une fois de plus. Qu'avez-vous voulu dire exactement? Est-ce que vous avez voulu employer l'expression dans son sens technique, comme j'imagine que c'est le cas puisque vous avez présenté un mémoire qui entend se tenir sur le plan juridique, ou bien lancez-vous cela en l'air comme ça, comme une expression purement poétique?

M. BLANCHET: Nous laissons la poésie, je pense, à nos honorables amis de l'Opposition.

Pour être éminemment pratique, les droits acquis, je pense, dans une société bien organisée...

M. MORIN: Vous êtes "pratiques" dans votre financement aussi, mais continuez...

M. BLANCHET: Je n'ai rien entendu. C'est difficile de comprendre. Je parlais à ce moment. Nous avons bien voulu présenter le fait que les droits acquis, dans une société moderne, devaient être considérés surtout par un gouvernement, surtout par une Assemblée nationale. Je pense que c'est important et que c'est fondamental. Et si nous l'avons mis, c'est parce que nous avons, non seulement une vision, mais une vue canadienne qui se tient. Si le projet de loi 22 avait été présenté dans un Etat qui ne faisait pas partie d'une fédération, je suis d'accord avec vous, M. le chef de l'Opposition, on n'aurait pas quand-chose à dire vis-à-vis des droits acquis. Mais comme le Québec fait partie de l'entité canadienne et que nous sommes tous des Canadiens jusqu'à preuve du contraire — je pense qu'en droit, on peut l'affirmer, on doit l'affirmer— alors, c'est pour cela que nous maintenons les droits acquis. Je pense que c'est important que nous l'ayons mentionné parce que nous sommes fiers du fait que nous sommes encore au Canada.

M. MORIN: Est-ce que vous entendez par cela, Me Blanchet, que vous reconnaissez la validité des droits acquis, même si cela n'existe pas en droit constitutionnel?

M. BLANCHET: Je pense que toute société, tout gouvernement, toute Assemblée nationale qui est élue, qui représente un peuple, qui représente tous les citoyens d'un pays doit considérer les éléments constituants de la société qu'elle représente. Je pense que c'est fondamental aussi.

M. MORIN: Bien. M. le Président du comité, j'aimerais vous poser une ou deux questions sur vos structures et votre financement. Si j'ai bien compris, à la lecture de la petite brochure que vous nous avez fait parvenir, vos membres proviennent essentiellement des affaires, des compagnies, des sociétés commerciales ou industrielles et le calcul de leurs cotisations se fait d'après le nombre d'employés et d'après le revenu net. Est-ce bien cela?

M. BEAUDOIN: C'est laissé libre. C'est laissé libre. C'est tout simplement un barème, tel qu'indiqué: Suggestions, tout simplement.

M. MORIN: Bien. Est-ce que j'ai bien compris? Vos membres sont d'abord et avant tout des sociétés commerciales et industrielles?

M. ROCHETTE: Non. Nous avons environ 10,000 membres. Ce que vous voyez dans la brochure, ce sont les membres du conseil d'administration.

M. MORIN: Oui, mais est-ce que vous avez des membres individuels?

M. BLANCHET: Oui.

M. MORIN: Qui paient en fait combien de cotisation?

M. BLANCHET: $5. M. MORIN: Combien?

M. BEAUDOIN: $5 et ils ont droit à un abonnement à un magazine qui s'appelle Opinion Canada que vous recevez vous-même d'ailleurs, que nous faisons parvenir à tous les membres élus au Canada.

M. MORIN: Bien sûr. Est-ce que ce calcul de cotisations, qui est indiqué dans votre brochure, s'applique seulement aux sociétés? C'est bien cela? Quelle proportion de votre budget de $402,000 pour l'année 1974 vient des sociétés commerciales et quelle proportion vient des membres individuels?

M. BEAUDOIN: II est incontestable que la plus grande proportion vient des sociétés indis-trielles. C'est absolument véridique. Nous n'avons pas l'intention de le contester non plus.

M. MORIN: Quel pourcentage?

M. BEAUDOIN: Peut-être 60 p.c.

M. MORIN: Pas plus que cela?

M. BEAUDOIN: Pas plus que cela, non.

M. MORIN: Vous touchez combien de cotisations individuelles?

M. BEAUDOIN: Nous touchons environ 5,000 à 6,000 cotisations individuelles.

M. MORIN: 5,000 à 6,000.

M. BEAUDOIN: Mettez cela à $5, à ce moment, vous avez un projet...

M. MORIN: Cela fait $25,000 sur un budget de $400,000. Ce n'est pas 60 p.c, cela.

M. ROCHETTE: Remarquez que c'est plus que cela. C'est un minimum, $5. De nombreux membres donnent plus que cela. Dans le budget total, il y a aussi des contributions des différents niveaux de gouvernement, fédéral et provinciaux.

M. MORIN: Vous avez des subventions?

M. BEAUDOIN: C'est ce qui fait les 60 p.c, M. le Président.

M. ROCHETTE: C'est cela.

M. MORIN: Vous avez des subventions?

M. RACINE: Quand vous dites qu'on a des subventions, ce sont des subventions qu'on a pour des fins spécifiques, pour l'aide à la jeunesse ou l'aide aux jeunes. Ce sont des fonds, si vous voulez, qu'on administre à la demande de l'un ou l'autre des gouvernements ou encore pour des programmes conjoints, qui vont directement, non pas aux fonds de l'organisation, mais pour des programmes, enfin, qui sont en...

M. MORIN: Est-ce que c'est extrabudgétaire ou si c'est compris dans votre budget de $400,000?

M. BEAUDOIN: C'est compris dans le budget.

M. MORIN: Combien touchez-vous ou avez-vous touché en 1973 de subventions du gouvernement du Québec?

M. BEAUDOIN: Est-ce que c'est absolument nécessaire de répondre, M. le Président?

M. MORIN: Oui, cela nous éclairerait sur votre organisme. On l'a fait pour d'autres organismes.

M. BEAUDOIN: Vous pouvez vérifier aux comptes publics. En fait, si c'est la réponse que vous voulez, on peut vous donner la réponse. Sur un projet de $300,000 d'un programme qui se nomme "Eté du Canada", où nous allons échanger cet été environ 2,500 étudiants dont environ 600 viennent du Québec, nous avons une subvention de $7,000 qui nous est accordée. Je ne crois pas que ce soit exagéré.

M. MORIN: $7,000 de qui?

M. BEAUDOIN: $7,000 du gouvernement du Québec.

M. MORIN: Bien. Qu'est-ce que vous touchez comme subvention du gouvernement canadien maintenant?

M. BEAUDOIN: Cela, monsieur, vous pouvez vérifier auprès du gouvernement canadien. Je ne crois pas qu'on soit ici pour vous donner nos comptes, en fait.

M. MORIN: Vous êtes libres de répondre, mais cela nous éclairerait.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il est rare que je sois d'accord avec l'honorable député de Sauvé, mais je pense que ses questions sont totalement pertinentes. Je pense que c'est un peu, comme devant un tribunal...

M. CHARRON: Cessez de nous interrompre, alors!

M. HARDY: Très bien, je vais me taire. M. CHARRON: Bon, continuons.

M. HARDY: Si vous ne voulez pas... M. le Président, ce n'est pas le député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: Depuis quand invoque-t-on le règlement pour dire qu'on est d'accord sur une question qui est en train de se poser?

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le...

M. CHARRON: A moins de vouloir passer pour un francophone qui maltraite le Comité Canada, à moins de vouloir...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. CHARRON: II n'y a pas de règlement là-dedans. La question est pertinente, il a le droit de la poser.

M. HARDY: M. le Président, voulez-vous demander...

M. CHARRON: M. le Président, je vous prie de respecter le règlement. Il n'a pas d'affaire à interrompre...

M. HARDY: M. le Président, j'ai invoqué le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais entendre le point de règlement du ministre des Affaires culturelles.

M.HARDY: M. le Président, je comprends...

M. CHARRON: S'il veut se donner des airs de francophile, il le fera ailleurs!

M. HARDY: ... que le député de Saint-Jacques ne comprend absolument rien au règlement, qu'il ne comprend absolument rien au déroulement d'une telle commission. J'invoque le règlement, parce que, comme membre de cette commission, j'ai les mêmes droits que le député de Sauvé. Je considère que les questions du député de Sauvé sont nécessaires à la bonne compréhension...

M. CHARRON: Alors,laissez-le aller!

M. TARDIF: Ferme donc ta boite, Charron!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HARDY: M. le Président, voulez-vous demander au député de Saint-Jacques de se taire?

UNE VOIX: II n'est pas capable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que...

M. HARDY: M. le Président, je considère que les questions posées en leur présence sont nécessaires, parce que le témoignage formulé par les comparants est lié à leur crédibilité dans une certaine façon. Je pense que le député de Sauvé, lorsqu'il pose des questions, je pense bien, ne les pose pas pour son parti, ne les pose pas pour son intérêt personnel, mais les pose pour l'intérêt général de la commission, donc pour tous les membres de la commission.

Or, en tant que membre de la commission, je dis que je suis intéressé à savoir quelles sont les sources de financement de ce comité parce que cela peut avoir une influence quelconque sur leur prise de position.

M. CHARRON: Vous voulez faire la manchette demain matin.

M. TARDIF: Bien voyons donc, Charron, ils sont capables de la faire!

M. MORIN: Je voudrais revenir à la subvention fédérale. Au cours de l'année 1973 et pour 1974, si vous en avez reçu également, de combien sont-elles?

M. RACINE: Si vous me permettez, nous n'avons pas en main ici tous les chiffres. On voudrait vous répondre avec beaucoup de précision, on n'aura aucune sorte d'objection à vous faire parvenir, si vous voulez, par les voies normales, nos états financiers, nos chiffres, parce que c'est un mouvement canadien, c'est une chose publique et on n'a aucune sorte d'objection. Mais la chose que je voudrais vous faire remarquer à ce stade-ci, qui est très importante, et qui va de pair un peu avec les questions que vous semblez vouloir suggérer, c'est ceci. Bien que ce soit un organisme à caractère national qui défend un droit, je ne dirai pas égal, mais selon les droits acquis ou les présences, et qui respecte beaucoup la présence de ceux qui sont en place, leur langage, leur culture, leur façon d'agir, je ferai remarquer que le Comité Canada, cette année, a comme président un canadien francophone, comme vice-président...

UNE VOIX: Alors, cela...

M. RACINE: Non, mais c'est important, parce que nous sommes tout de même neuf provinces dont une française. Comme vice-prési- dents sur cinq vous remarquerez qu'il y a deux autres Canadiens français...

M. MORIN: Vous en trouverez toujours pour cela.

M. CHARRON: Des Canadiens français de service, vous en aurez toujours.

M. RACINE: Ce que je veux vous dire, c'est ceci. Je pense que c'est important que vous l'écoutiez. Précisément, on a deux autres Canadiens français là; comme secrétaire national, on a un autre Canadien français et vous savez pourquoi?

M. CHARRON: On a un gouverneur général aussi.

M. RACINE: C'est parce que tous ceux-là savent également parler l'anglais. Cela nous avance.

M. CHARRON: On a un gouverneur général aussi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): H reste deux minutes à l'audition du groupe et j'aimerais accorder la parole, dans mon désir de répartition équitable du temps, au député de Laporte.

UNE VOIX: Cela va.

M. MORIN: Mais, je n'ai pas terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je comprends, mais il est 11 h 15.

M. BEAUDOIN: Ajouté à ce que M. Charron a...

M. MORIN: Cest quand même un organisme important, je pense qu'on pourrait leur consacrer encore quelques minutes.

M. BEAUDOIN: M. le Président, est-ce que je peux ajouter quelque chose? Je pense que M. Charron a avancé un point qui est assez blessant. Des francophones de service. Je voudrais vous faire remarquer qu'à la dernière élection il restait 70 p. c. de Canadiens. On ne peut pas nier cela. Alors, il reste tout de même 70 p.c. de Canadiens qui ne sont pas des francophones de service.

M. CHARRON: Je suis parfaitement d'accord sur le résultat de l'élection à le constater dans les urnes par rapport aux citoyens, mais ceux qui les manipulent de ce genre, et des Canadiens français de service comme vous en êtes actuellement, cela c'est une autre affaire.

M. HARDY: La manchette.

M. TARDIF: Des séparatistes de service. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! UNE VOIX: II va en rester plusieurs.

M. TARDIF: Un séparatiste de service comme vous.

M. HARDY: Vous répétez toujours la même chose. Vous avez la manchette quand même.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais tout simplement, non pas poser une question, mais faire un dernier commentaire.

M. DEOM: Un point de règlement.

M. MORIN: M. le Président, le hasard... Oui?

M. DEOM: J'ai cédé mon droit de parole, M. le Président, parce que vous m'aviez dit que la période était terminée, mais cette période n'était pas terminée et j'ai des questions à poser.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II reste une minute et trente secondes.

M. MORIN: Je pense que les deux députés peuvent avoir quelques minutes de plus.

M. CLOUTIER: Dans ce cas-là, nous allons discuter parce qu'il faut tout de même que cette commission puisse fonctionner d'une façon valable. Nous avons sept groupes à entendre, mais nous nous sommes toujours entendus sur une répartition. Je n'ai pas d'objection pour ma part à ce qu'on ajoute cinq minutes au temps réparti, mais il faudrait que le parti ministériel puisse également s'exprimer. Nous avons laissé l'Opposition parler, nous avons même laissé insulter les invités, ce qui est une chose que je réprouve pour ma part, mais que je commenterai à l'Assemblée nationale, lors du débat en deuxième lecture, parce que c'est tout de même très significatif que l'Opposition traite constamment de non-Québécois ceux qui ne sont pas de son avis. Mais chaque chose en temps et lieu. Alors, M. le Président, cinq minutes me paraissent adéquates.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, est-ce que la commission est d'accord pour que nous continuions jusqu'à 11 h 20?

UNE VOIX: Au plus tard.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, qu'il en soit ainsi.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais simplement dire ceci et je le dis en tout respect pour les comparants. Le hasard a voulu qu'en 1964 j'aie été convoqué par ceux qui ont pris l'initiative de créer Comité Canada, ceux qui ont lancé ce projet; peut-être ces messieurs n'y étaient-ils pas à ce moment-là. Je suis allé à la première réunion pour voir s'il y avait quelque possibilité de trouver un terrain d'entente.

C'était en 1964. Je me suis rendu compte en arrivant là que je connaissais quelques-unes des personnes qui s'y trouvaient, que j'avais affaire à un groupe de députés ou d'organisateurs libéraux fédéraux. Aussi ai-je pris la porte après la première réunion.

M. HARDY: NPD.

M. MORIN: Je me demande si, à la suite du mémoire qui nous a été soumis ce matin, ce n'est pas encore exactement le même décor que nous avons devant nous. C'est un décor, j'ai l'impression, et le contenu de votre mémoire le prouve. Messieurs, les vrais membres du Comité Canada, ceux qui vous financent, ne sont pas là aujourd'hui. C'est vous qu'ils ont envoyé. J'aimerais bien voir les vrais membres, ceux qui paient.

M. BEAUDOIN: ... vraiment, M. Morin.

M. RACINE: Je peux vous dire que ce que vous venez d'affirmer, excusez-moi de prendre des mots directs, c'est une des faussetés à peu près les plus monumentales...

M. MORIN: Vous n'y étiez peut-être pas; j'y étais moi, en 1964.

M. RACINE: Ecoutez, à l'origine...

M. HARDY: C'est leur marque de commerce.

M. RACINE: ... j'en connais des gens qui étaient là à l'origine et qui étaient des adeptes d'autres partis politiques de vouloir dire: Moi, pour ma part, je ne crois pas que je suis un libéral fédéral. Je ne crois pas — ça, je peux vous l'affirmer et j'ai contribué depuis plusieurs années pour les services que ça rend — vouloir affirmer... Je remarque que c'est un groupe et je ne vois pas... Ecoutez, la présence...

M. MORIN: Vous niez que les organisateurs du Comité Canada, à l'origine, étaient des organisateurs libéraux fédéraux?

M. RACINE: Si vous me permettez, moi, je n'ai pas le temps d'être négatif comme vous, je ne suis pas payé pour ça. Alors, je veux simplement dire ceci: Restez négatifs. Voici un organisme, M. le Président et M. le ministre, qui a à coeur l'intérêt du bill 22 et on croit que c'est notre rôle de venir donner une opinion objective, honnête, favorable sur ce que le

Parlement a l'intention de faire en apportant, si vous voulez, certaines suggestions que l'on voudrait également positives pour toute la nation canadienne-française, pour les francophones d'abord et pour ceux qui participent avec nous, si vous voulez, à l'édification de cette nation. C'est pour ça qu'on est ici. On n'est pas ici pour savoir si M. Morin pense comme nous ou non. Je pense que jamais on ne pourra penser la même chose.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, à la page 5, vous dites: Personne n'ignore que les anglophones ont toujours eu droit à leurs écoles". Ma question est la suivante: Est-ce que par ceci, vous voulez indiquer que le gouvernement du Québec devrait amender l'article 93 de la constitution canadienne?

M. ROCHETTE: II faudrait que j'aie devant moi cet article pour savoir exactement ce que vous voulez dire.

M. DEOM: En vertu de la constitution canadienne, je ne pense pas que les anglophones ont toujours eu droit à leurs écoles. C'est l'article 93 qui spécifie la confessionnalité et non la question linguistique.

M. BEAUDOIN: C'est un fait.

M. DEOM: Est-ce que vous proposez qu'on amende l'article 93 de la constitution?

M. BEAUDOIN: Je l'ai suggéré. M. DEOM: Merci.

M. CHARRON : M. le Président, j'ai une question très simple. Les membres de la commission auront certainement noté, à la lecture de votre mémoire, que ce genre de position que vous avez pris jusqu'à présent, n'avait été pris que par des anglophones; certains avec un ton de panique, d'autres de façon plus modérée mais peu importe, le fond, l'intégral était une position anglaise. Je me demande, à la lecture de votre mémoire, qui est un vaste tableau de l'assimilation, à mon avis, si vous ne croyez pas que votre texte aurait gagné de la limpidité, de la clarté, de la solidité s'il avait été rédigé en anglais. Parce que je crois que la pensée aurait été fidèlement traduite et qu'elle a beaucoup plus de difficultés à se poser comme cela.

M. TARDIF: Question, question!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. TARDIF: Laissez-le répondre maintenant!

M. RACINE: Quand même qu'on aurait pu avoir...

M. CHARRON: M. Racine, si vous permettez, quand vous affirmez, par exemple, à la page 2, de votre mémoire, avec une certaine audace, j'imagine, que c'est à Montréal que le bilinguisme a atteint son sommet d'élégance, vous n'êtes certainement pas dans les mêmes quartiers que je fréquente à Montréal et celui que je représente ici pour parler d'élégance du bilinguisme.

Je voulais vous demander si vous avez véritablement songé à traduire votre mémoire, pour que son esprit, son sens, sa position fondamentale soient explicitement traduits sans détour, sans forcer les mots, sans vocabulaire tiraillé, mais que la véritable pensée de votre organisme soit transmise aussi fidèlement que possible à la commission parlementaire.

M. BEAUDOIN: Pour notre information, au Comité Canada, nous avons l'habitude de produire tous nos documents bilingues, français et anglais, alors, ne vous inquiétez pas, nous allons le faire en anglais aussi.

M. CHARRON: Mais est-ce que habituellement, vous le faites en anglais ou si vous le faites plus souvent en français?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre messieurs!

M. BEAUDOIN: Absolument pas! On le compose en français.

M. CHARRON: Alors, cela veut dire que le mal est déjà fait en dedans?

M. BEAUDOIN: C'est ce que vous pensez. M. CHARRON: Si j'ai bien compris.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs du Comité Canada, au nom de la commission, nous vous remercions. J'invite maintenant le Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal et son porte-parole, M. Denis Dumas, à se présenter, s'il vous plaît. Je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal

M. DUMAS: On m'a nommé porte-parole surtout parce qu'on avait besoin d'un nom qui apparaisse quelque part, mais en fait nous sommes tous une équipe à représenter le département de linguistique de l'université du Québec à Montréal. Je vous les présente. A commencer par la droite, M. André Dugas, Mme Madeleine Saint-Pierre, Mme Claire Asselin, M. Philippe Barbeau, M. Guy Labelle et M. Alain Beaulieu.

Le mémoire que nous avons présenté à la commission représente en fait la position officielle et publique du département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal. Cette position a été débattue et adoptée lors d'une séance spéciale de l'assemblée départementale. L'esprit dans lequel ce travail a été fait, d'abord d'analyse critique, de débat ensuite et finalement de formulation d'un certain nombre de propositions précises que vous entendrez tout à l'heure, a été fait dans l'esprit suivant. Nous n'avons absolument pas voulu nous substituer au législateur, surtout pas pour la rédaction du libellé des articles. Nous avons simplement voulu affirmer très haut les dispositions essentielles que, selon nous, tout projet de loi linguistique au Québec doit absolument garantir.

Avant de procéder à la lecture de notre mémoire qui est très court, nous aimerions souligner quelques erreurs de typographie survenues malheureusement à cause des délais très courts impartis. A la première page, à la première ligne, succédé sans s. A la page 3, première ligne du deuxième paragraphe: la Suisse est en réalité. A la troisième ligne du bas de la même page, il faudrait enlever la virgule après entre autres. Celle-là est d'une importance capitale. A la page 7, c'est purement typographique, dans la première ligne du deuxième attendu, sous-tendre devrait sans doute se présenter en deux mots avec trait d'union. A la page 9, au paragraphe numéroté 11, l'affichage, etc., on devrait lire au début de la parenthèse, par exemple, panneaux-réclame, enseignes lumineuses. Finalement à la page 11, il ne s'agit pas bien sûr, à la troisième ligne de la fin du premier paragraphe, de l'article L33, mais de l'article 133.

Nous aimerions souligner que des copies du texte de notre mémoire sont disponibles aux représentants de la presse et que nous-mêmes, nous serons disponibles après l'audience pour répondre à leurs questions.

Préambule. Bien que les ministres qui se sont succédé à l'Education et aux Affaires culturelles de l'Etat du Québec aient fait appel aux services de linguistes lorsque le domaine linguistique était concerné — création des programmes-cadres de français, de l'Office de la langue française, de la Commission d'enquête sur la situation de la langue française au Québec, de la loi 63 — nous estimons que, dans le passé, cette consultation a été par trop restreinte et dirigée.

C'est, par contre, un fait reconnu que le milieu universitaire et en particulier les linguistes se soient très peu manifestés à propos du problème linguistique. Nous estimons que la mesure concrète de la présentation du projet de loi 22 commande maintenant de notre part des mises au point ayant pour but de réaffirmer ou de mettre en évidence un certain nombre de principes linguistiques pertinents sur lesquels nous croyons que notre formation universitaire et professionnelle nous autorise à nous prononcer.

Les professeurs du Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal s'inquiètent des nombreuses initiatives louables mais désordonnées que prennent les députés et ministres du Québec dans le domaine linguistique.

Le tout nouveau projet de loi 22 indique, dans la présentation qu'en fait M. le ministre de l'Education, une volonté ferme de doter le Québec d'une loi réglementant l'usage des langues de communication dans le domaine de l'éducation, de l'industrie et du commerce.

Cependant, la force même du texte de ce projet révèle de graves imprécisions. En outre, il accuse des contradictions flagrantes entre le principe fondamental du français langue officielle et les applications pratiques par lesquelles on entend le faire observer. On n'a qu'à faire le compte du nombre de "peut", "mais", "cependant", "néanmoins" qu'on y trouve pour s'en convaincre. Enfin, ce projet de loi définit et circonscrit de façon trop grossière l'exercice d'une ou de plusieurs langues concurremment utilisées. Ajoutons que ce texte fait preuve d'un silence inquiétant en ce qui a trait au secteur des moyens de communication. Pourtant, la clarté, la précision, la cohérence et la concision sont toujours de mise dans toutes les langues, y compris le français du Québec.

En dernier lieu, nous considérons, à titre de simples citoyens, que l'ensemble du projet de loi constitue une insulte à l'intelligence et au bon sens de tous les Québécois. En effet, comment donner son adhésion à un projet de loi dont les contraintes essentielles restent à spécifier par des règlements ultérieurs? Comment souscrire à l'idée de remettre entre les mains d'un seul homme, le ministre de l'Education, l'avenir de la langue, des institutions et de la culture de la communauté québécoise?

C'est à ces divers plans que se situe notre intervention collective. Le texte qui suit fera état successivement: des principes linguistiques fondamentaux dont il faut tenir compte dans l'élaboration de toute politique concernant le français du Québec; d'un ensemble de propositions ayant trait â la langue d'enseignement, à la langue des moyens de communication et à la langue de travail et des relations publiques.

M. BARBEAU: Principes linguistiques en cause. Premièrement, le bilinguisme institutionnel et le bilinguisme individuel.

Le terme de bilinguisme est souvent utilisé sans les précisions qui en délimitent la portée exacte. En fait, il existe deux types de bilinguisme : le bilinguisme institutionnel et le bilinguisme individuel. Un pays officiellement bilingue ou trilingue, comme la Belgique, le Canada ou la Suisse, n'est pas nécessairement un pays où tous les individus sont bilingues ou trilingues, mais plutôt un pays où deux ou trois groupes d'unilingues cohabitent, le plus souvent sur des territoires distincts.

Ainsi, la Suisse est en réalité composée d'au moins trois territoires officiellement unilingues,

et c'est uniquement l'Etat fédéral suisse qui se définit comme officiellement trilingue. Quant à lui, l'Etat fédéral canadien se définit bien comme officiellement bilingue mais le Québec, seul, est un territoire bilingue alors que les neuf autres provinces sont des territoires unilingues.

Il est certain que, pour l'individu, la connaissance de plus d'une langue est enrichissante et même utile, mais pour une collectivité, il est irréaliste de faire en sorte que l'ensemble de ses membres deviennent bilingues. L'histoire confirme que l'état de bilinguisme collectif est un stade forcément transitoire aboutissant toujours à un nouvel état d'unilinguisme, celui de la langue dominante. Ainsi, un Québec bilingue évolue nécessairement vers l'unilinguisme anglais. Il en découle que le gouvernement québécois a la responsabilité de garantir l'existence et le maintien de la langue maternelle, entre autres en excluant l'apprentissage trop hâtif de l'anglais comme langue seconde.

Deuxième principe, la langue est un bien collectif.

Poser, comme le fait le premier attendu du projet de loi 22, que "la langue française est un patrimoine national et qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l'épanouissement", c'est reconnaître, sans ambiguïté, la réalité supra-individuelle du langage.

Parler de liberté individuelle en matière de langage, c'est méconnaître le caractère social contraignant de celui-ci. Contrairement à la religion, par exemple, où l'individu est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer et, à la rigueur, de pratiquer la religion de son choix, l'exercice de la parole est entièrement subordonné à la langue de la collectivité. On peut en user comme bon nous semble — du moins dans les limites de l'intercompréhension — mais elle ne nous appartient pas en propre, elle est avant tout la propriété de la communauté linguistique dans laquelle l'individu s'insère.

Le gouvernement du Québec doit être le garant de cette propriété collective. Toute politique qu'il propose concernant cette propriété doit nécessairement subordonner aux droits de la collectivité francophone les droits des individus ou des minorités non francophones.

Le troisième principe: la liberté de choix de la langue d'enseignement.

Si la langue est un bien collectif sur lequel un individu ou une minorité d'individus n'a pas juridiction, le droit de choisir la langue d'enseignement revendiqué par certains constitue, en réalité, un privilège ou un avantage issu des conditions particulières qui ont caractérisé, jusqu'ici, l'organisation de l'enseignement du Québec.

Il est certain que tout individu possède le droit à l'instruction, et que l'Etat a le devoir d'en assurer l'exercice aux membres de la collectivité, en utilisant une partie des impôts versés par ses commettants. Par contre, la liberté de choix de la langue d'enseignement est un droit strictement individuel, et le devoir de l'Etat ne va pas jusqu'à accorder le privilège d'une instruction en langue chinoise, kurde ou anglaise.

Au Québec, le droit à l'instruction est le droit d'une collectivité qui se définit comme francophone. Le système scolaire mis en place par l'Etat doit donc être défini comme francophone, à l'image de la collectivité pour laquelle il est institué. L'individu ou la minorité qui veut exercer son droit de choisir une langue d'enseignement autre que celle qui est officiellement reconnue dans le système scolaire doit, par conséquent, assumer la responsabilité de le faire en marge du système scolaire national.

Il découle de ces principes fondamentaux que les minorités linguistiques non aborigènes qui vivent au Québec sont toutes égales en regard du réseau scolaire national. En outre, parce que tout immigrant qui choisit de venir s'établir au Canada, non seulement est censé être au courant de la réalité linguistique canadienne, mais doit aussi assumer les conséquences de cette réalité, et parce que tout immigrant non francophone qui choisit de venir s'établir au Québec, en particulier, doit assumer du même coup la responsabilité de s'intégrer dans une communauté dont le français est la langue nationale et officielle et dont le réseau scolaire est défini comme francophone, il découle aussi de ces principes fondamentaux que l'immigrant anglophone qui s'établit au Québec jouit d'un statut égal à celui de l'immigrant ne parlant ni anglais ni français.

Le quatrième: les moyens de communication.

Si la langue est un bien collectif de nature sociale, son état de santé est étroitement tributaire du milieu social et culturel ambiant. On imagine mal qu'elle puisse se développer ou même simplement continuer de vivre si elle est soumise à des pressions linguistiques étrangères trop fortes.

Il est indéniable qu'un environnement massivement et qualitativement perturbateur sur le plan linguistique doit être tenu partiellement responsable de la difficulté à exercer la parole par chaque individu.

L'Etat du Québec, parce qu'il est le garant de l'épanouissement et de la vitalité du français, a donc le devoir de légiférer en matière de communication, en particulier celle qui est véhiculée par les techniques audio-visuelles.

MME ASSELIN: Les propositions.

ATTENDU que la langue constitue un patrimoine national qu'il faut préserver et sur lequel l'Etat a le devoir de légiférer;

ATTENDU que les principes énoncés plus haut doivent sous-tendre toute politique ayant trait à la langue;

Nous proposons ce qui suit : 1. Le français est la seule langue officielle

du Québec. Cela implique que le français est reconnu comme étant la seule langue possédant un statut juridique.

I. Le français, langue d'enseignement. 2. Toute personne qui réside au Québec a le droit d'inscrire son enfant à une école du réseau d'enseignement public; elle peut cependant se prévaloir du droit d'inscrire son enfant dans un établissement privé. 3. L'enseignement du réseau scolaire public du Québec, à tous les niveaux (préscolaire, élémentaire, secondaire, collégial et universitaire) est dispensé dans la langue officielle. Cette disposition implique le remplacement du double réseau scolaire actuel par un réseau scolaire unique francophone. 4. Son considérées, entre autres, comme institutions privées pouvant être déclarées d'intérêt public, les institutions dans lesquelles la langue d'enseignement n'est pas le français. 5. L'enseignement du français comme langue seconde est obligatoire dans les institutions privées dès le premier cycle de l'élémentaire. 6. L'enseignement de l'anglais ne peut se faire au niveau préscolaire et élémentaire dans les écoles du réseau public. 7. Le gouvernement du Québec doit assurer l'enseignement en langue maternelle aux Exquimaux et aux Amérindiens de son territoire, sous réserve de l'apprentissage du français comme langue seconde obligatoire. Cela implique que le gouvernement provincial entreprendra des pourparlers avec le gouvernement fédéral en vue de rapatrier la juridiction que doit exercer le Québec sur les Esquimaux et les Amérindiens de son territoire.

II. Le français, langue de communication. 8. La presse écrite. a) La presse écrite de langue française révise les modalités de publication de toute information autre que journalistique (publicité, petites annonces, etc.); des spécialistes, groupés sous une instance gouvernementale, lui offrent des services adéquats et vérifient la teneur des textes après publication. b) La presse écrite de langue anglaise conserve le caractère original de ses publications. Elle est cependant tenue de publier les annonces et la publicité du gouvernement du Québec dans la langue officielle. c) Le gouvernement du Québec voit à l'établissement, dans les plus brefs délais, d'une agence de presse québécoise. 9. La télévision et la radio. a) Les films et les annonces publicitaires doivent être conçus et réalisés par des agences québécoises francophones. b) Le gouvernement du Québec entreprend des pourparlers avec le gouverne- ment fédéral en vue de récupérer sa juridiction sur les chaînes de radio et de télévision; cela implique, entre autres, la redistribution des permis de diffusion au prorata de la population de chaque groupe linguistique. 10. Nonobstant les modalités de l'éventuelle politique gouvernementale sur la production et la diffusion du cinéma, tout fils projeté commercialement, s'il n'est pas doublé en français, doit être, au moins, sous-titré en français. 11. L'affichage (panneaux-réclame, enseignes lumineuses), les contrats, l'étiquetage de produits, les factures, reçus, menus, cartes des vins, certificats de garantie, notice qui accompagnent les produits et les spécifications techniques se font en français. 12. Dans sa portion linguistique, la signalisation routière provinciale et municipale se fait exclusivement en français.

III. Le français, langue de travail et de relations publiques. 13. Toute personne physique ou morale doit assurer ses services au public en français. 14. a) La langue à utiliser pour les relations publiques entre employeurs et salariés ainsi que pour les autres documents des entreprises prescrits par la loi est le français. b) Les relations publiques comprenant les contrats individuels et collectifs, tant verbaux qu'écrits, entre employeurs et salariés qui ont avec l'emploi un rapport direct ou indirect. c) Les relations publiques entre employeurs et salariés comportent aussi, entre autres: i) toutes les relations entre employeurs et salariés qui se déroulent au niveau de l'entreprise sous forme d'ordres, de communications, de publications, de réunions de service ou de réunions du personnel, de service social, de service de la médecine du travail, d'oeuvres sociales, de cycles de perfectionnement, de procédures disciplinaires, d'accueil, etc.; ii) les relations qui se déroulent au niveau de l'entreprise au sein des divers conseils, comités, bureaux, groupes de travail, etc., ou entre l'employeur et la délégation syndicale, ainsi que les relations avec ou au sein de tout autre organe qui serait créé par voie légale ou par voie de concertation collective en vue d'institutionnaliser ces relations; iii) toutes les relations entre l'employeur et les institutions de droit privé ou public qui trouvent leur origine dans les rapports de travail.

M. DUMAS: En conclusion, nous sommes convaincus que l'ensemble de nos propositions concerne plusieurs aspects intimement liés et qu'à ce titre ils forment un tout indissociable. Notre position suppose le refus du projet de loi 22 tel que rédigé, ainsi que l'abrogation ou la révision de toute loi ou partie de loi existante, par exemple, de la loi 63 ou l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dont l'effet est contraire à celui des propositions ci-avant énoncées.

Selon des modalités à fixer par règlements, ce projet de législation linguistique devrait s'appliquer progressivement sur une période de cinq ans et ce à compter de son adoption par l'Assemblée nationale.

Pour des raisons de méthode, nous considérons que les questions relatives à la norme adoptée pour la langue d'enseignement, au dirigisme linguistique exercé par le gouvernement et à la coexistence normale des divers usages régionaux du français québécois constituent un problème à part sur lequel nous nous réservons de prendre position en temps et lieu.

Pour terminer, il va sans dire que nous manifestons notre opposition la plus totale vis-à-vis de l'instauration d'un système de privilèges et de récompenses aux entreprises qui accepteraient d'appliquer chez elles un quelconque programme de francisation. La loi devra les obliger à se franciser, ce qui n'est pas une faveur qu'elles font à la collectivité; elles ont, au contraire, l'obligation stricte de le faire pour s'y intégrer. Nous sommes à la disposition de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie les représentants du Département de linguistique de l'université du Québec à Montréal pour la présentation de leur mémoire. Je crois comprendre qu'il ne s'agit pas d'une association mais qu'il s'agit d'un certain nombre d'individus qui travaillent au sein d'un département universitaire. Est-ce que je me trompe?

M. DUMAS: Il ne s'agit pas d'un certain nombre d'individus, il s'agit d'abord d'une entité qui a une existence juridique et qui est un département au sein de la constituante de Montréal de l'université du Québec.

M. CLOUTIER: J'en conclus que vous représentez ce département officiellement. Ce département compte combien de professeurs ou d'enseignants?

M. DUMAS: Le département comporte officiellement 22 postes.

M. CLOUTIER: Alors, vous représentez donc 22 personnes?

M. DUMAS: Oui, exactement.

M. CLOUTIER: Merci. Je voudrais, simplement, avant la seule question que je vais vous poser, apporter une précision, parce que vous laissez entendre dans votre mémoire que c'est le ministre de l'Education qui se voit confier la responsabilité de la langue. Ce n'est pas tout à fait exact. Le texte de la loi prévoit qu'il s'agira du ministre nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est par hasard que c'est le ministre de l'Education qui présente ce projet de loi. Comme le projet de loi, une fois adopté, couvre plusieurs secteurs, il y aura à ce moment un ministre qui en aura la responsabilité générale. C'est un point de détail, mais j'ai tenu quand même à apporter la précision. Dans le plan que vous proposez, qui s'éloigne, bien sûr, du projet de loi 22, j'ai l'impression, et vous me corrigerez si j'ai tort, que vous tenez compte surtout de la majorité au Québec?

M. DUMAS: Effectivement.

M. CLOUTIER: C'est bien cela, n'est-ce pas? Est-ce que vous admettez qu'un gouvernement, quel qu'il soit, représente à la fois la majorité et la minorité?

M. DUMAS: C'est très juste.

M. CLOUTIER: Alors, comment conciliez-vous votre approche, qui est une approche de majorité, par rapport à celle d'un gouvernement responsable qui, suivant votre propre aveu, représente la majorité et la minorité?

M. DUMAS: Si je peux me permettre de répondre là-dessus, je pense que d'autres parmi mes camarades pourront ajouter ce qu'ils voudront bien.

M. CLOUTIER: Je ne veux pas vous mettre en difficulté. Ce n'est pas mon...

M. DUMAS: Non, sûrement pas.

M. CLOUTIER: J'ai toujours adopté le même ton ici à la commission. Je n'engage pas de débat, je cherche simplement à apporter un certain éclairage. Comme il est très net dans votre mémoire que vous construisez votre plan linguistique à partir de la majorité — vous me l'avez confirmé — j'aimerais quand même savoir comment vous imaginez le rôle d'un gouvernement qui, lui, est obligé de tenir compte de la majorité et de la minorité qu'il représente juridiquement.

M. DUMAS: Nous nous plaçons strictement du point de vue de la francophonie québécoise, s'entend. Nous avons voulu dire d'abord clairement au gouvernement notre opinion sur ce que doit être, au moins au niveau des principes, son rôle, c'est-à-dire celui de garantir l'existence de la majorité. Ceci n'implique absolument pas qu'il doive pour autant dénier des droits qui appartiendraient à des minorités.

Cependant, nous prétendons que la première chose à faire est de garantir l'existence de la majorité et, bien sûr, de ne pas se servir de textes de loi pour brimer les minorités.

M. CLOUTIER: Mais, dans le plan que vous proposez — ce sera ma dernière question — où situez-vous la minorité?

M. DUMAS: Laquelle?

M. CLOUTIER: La minorité anglophone.

M. DUMAS: Je pense que, advenant le cas où un projet de loi qui garantirait des points tels que ceux que nous avons développés, si elle décide toujours de rester au Québec, elle y sera bienvenue.

M. CLOUTIER: C'est cela. Alors, vous envisagez, sans le souhaiter, j'imagine, le départ de la minorité anglophone.

M. DUMAS: Absolument pas.

M. CLOUTIER: Ah bon! Je vous demande des précisions.

M. DUMAS: Tout ce que nous disions au fond, c'est que nous préconisons l'établissement d'un réseau d'enseignement public unique et non pas bicéphale.

M. CLOUTIER: C'est cela.

M. DUMAS: Unique et qui se définira comme francophone.

M. CLOUTIER: Parfait, merci.

M. BARBEAU: Je peux peut-être ajouter une information supplémentaire. Je pense qu'il est temps, maintenant, qu'on puisse penser à l'assimilation par les francophones de la minorité, qu'elle soit anglophone, tchèque ou n'importe quelle. C'est un réflexe qu'on peut maintenant considérer, étant donné que notre prise de conscience du fait québécois et de la francophonie québécoise est parvenue à un certain terme de maturité. Par ailleurs, l'action d'un gouvernement en face des minorités, en particulier la minorité anglophone, doit se faire de telle sorte que lorsqu'elle décide de faire un projet de loi, que ce projet de loi n'entre pas en contradiction avec les droits qu'une minorité peut avoir, mais encore faut-il que ces droits existent réellement. Nous pensons qu'en ce qui concerne les droits linguistiques, il n'y en a pas énormément qui tiennent.

Par conséquent, ce que nous proposons dans l'ensemble du projet, qui est en réalité un contre-projet au projet de loi 22, ne dénie pas les droits de minorités, en ce sens que nous préservons les droits fondamentaux comme celui de l'instruction, nous permettons à toutes les minorités de pouvoir s'insérer dans le système scolaire francophone. Par contre, comme nous le disons, si ces minorités à titre d'individus ou de collectivités décident de se tenir en marge du système fait pour la majorité, comme il n'y a pas de droits fondamentaux de violés, c'est à leurs risques et périls. Je pense que c'est une attitude saine et solide.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier les représentants du département de linguistique également pour la qualité du mémoire qu'ils nous ont apporté ce matin. J'aimerais prendre certaines dispositions particulières du mémoire pour avoir des explications supplémentaires et, également, peut-être vous signaler certaines omissions, enfin, certains points où j'aurais aimé, en votre qualité de linguistes, entendre votre position. Vous ne l'avez pas fait par écrit, il vous est toujours possible de le faire maintenant à la table de la commission.

Une question d'ordre général pour commencer avant de prendre les différentes dispositions du mémoire. Vous affirmez à la page 2, dans votre préambule, qu'à titre de simples citoyens, cette fois, vous considérez l'ensemble du projet de loi comme une insulte à l'intelligence et au bon sens de tous les Québécois. Puis-je vous dire que vous n'êtes pas les premiers à faire cette affirmation non plus puisque nous sommes ici pour la sixième journée, jusqu'ici le gouvernement n'a eu que deux béquilles, celle de la Chambre de commerce et le fameux comité que vous avez entendu juste avant vous. Le reste des gens ont effectivement qualifié le projet de loi à peu près de la même façon. Or, le gouvernement, sur ces deux béquilles, doit donc faire face de nouveau aune critique de ce genre. J'aimerais que vous expliquiez en quel sens vous considérez le projet de loi 22 comme une insulte à l'intelligence et au bon sens de tous les Québécois.

M. DUMAS: Je pense que c'est principalement dans le sens suivant, c'est pourquoi nous n'avons pas accepté, en faisant une analyse critique détaillée devant la commission, de tomber un peu dans le même piège. Les critiques qui sont revenues le plus souvent au moment de la séance spéciale où l'assemblée départementale a débattu la question, c'était que finalement, dans les attendus et surtout dans les premiers paragraphes d'à peu près tous les articles, on affirmait gros comme le bras une espèce de oui viscéral et inconditionnel à la prépondérance ou à la priorité du français. Mais dans les paragraphes deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf et dix, on disait un tas de petits non qui assuraient toutes les portes de sortie possibles vis-à-vis du oui qu'on a pourtant fait passer cousu de fil blanc dès le premier paragraphe, c'était disons, le sens de notre

critique générale vis-à-vis du texte du projet de loi lui-même.

M. CHARRON: D'accord. Vous voulez dire ce que tout le monde a signalé ici, anglophones comme francophones, c'est-à-dire le manque de clarté...

M. DUMAS : Le manque de clarté, c'est autre chose, je pense. C'est une critique à part qu'on peut faire aussi.

M. CHARRON: C'est une critique à part, vous voulez dire la structuration du projet de loi, enfin, l'affirmation d'un principe et sa contradiction inhérente dans les paragraphes qui suivent. Hier, il y avait un témoin important, le président de la Centrale de l'enseignement du Québec qui se demandait dans son mémoire: S'agit-il de machiavélisme politique ou de naïveté impardonnable? Je cite textuellement la CEQ. A votre avis, lorsque vous qualifiez cela d'insulte à l'intelligence et au bon sens des Québécois, c'est que vous prenez la structuration telle que faite dans le projet de loi par le parti gouvernemental, non pas comme une naiveté impardonnable, mais comme un calcul politique. En ce sens, c'est insultant. Est-ce exact?

M. DUMAS: Remarquez qu'un texte si bien structuré pour faire passer toute l'ambiguïté possible est ouvert à toutes les interprétations.

M. CHARRON: D'ailleurs, si vous aviez assisté à toutes les séances de la commission, on en a la preuve depuis le début; à partir du même article, il y a des gens qui apportent des versions tout à fait contradictoires. Depuis le début, le ministre se retire dans ses nuages et n'apporte aucun éclairage, non plus, que la commission est parfaitement en droit d'avoir. Puis-je vous demander, au chapitre du bilinguisme institutionnel et individuel, cette fois en tant que linguiste et non pas en tant que simple citoyen — vous avez eu la réaction que la grande majorité des Québécois ont eue —... Quand on a interprété les sondages, dont vous avez pris connaissance, j'imagine, comme tout le monde, ceux qui ont été publiés il y a maintenant presque deux semaines, à la question ambiguë où les gens répondaient sur le statut que devrait avoir la langue, enfin les 1,200 Québécois interrogés, pour autant que c'est un échantillon représentatif, ce que je crois... On a apporté comme explication que les gens, exactement comme vous le décrivez dans votre mémoire, ayant fait un choix individuel quant à l'utilité d'une seconde langue, et interrogés sur le caractère institutionnel du bilinguisme, faisaient la transposition de l'individu à l'Etat. Je me demande si, comme linguiste, vous pouvez nous dire si le choix individuel d'une connaissance d'une seconde langue, etc., pour s'affermir, pour se réaliser, doit comporter une contrepar- tie institutionnelle, dans le sens que si vraiment faciliter à quelqu'un l'apprentissage d'une seconde langue, dans son esprit, inciterait son environnement à épouser également la deuxième langue. Ou, est-ce que sur le plan linguistique proprement dit, on peut apprendre une seconde langue, maîtriser une seconde langue, sans que l'environnement où on est n'épouse cette seconde langue au même titre que nous le faisons?

M. DUMAS: Si j'essaie de résumer votre question, vous nous demandez si nous sommes d'avis d'affirmer, jusque dans les lois, la distinction que nous avons faite entre le bilinguisme individuel et le bilinguisme institutionnel?

M. CHARRON: Est-ce que le bilinguisme individuel est favorisé ou nécessite le bilinguisme institutionnel? Voilà, c'est peut-être encore plus clair. Est-ce qu'on devient mieux bilingue individuellement quand tout l'appareillage, l'environnement institutionnel...

M. DUMAS: Je pense qu'il y a deux choses. Disons, au départ, qu'il est toujours possible à une personne d'apprendre n'importe quelle langue seconde, même en dehors de tout milieu culturel, d'une part. D'autre part, il est bien sûr qu'un milieu culturel ambiant ou au moins voisin ou familier, à cause d'une quelconque caractéristique, favorise un bain culturel dans lequel, évidemment, peut s'exercer l'apprentissage de cette langue seconde. Cependant, je pense qu'il est clair, dans notre texte, que nous adoptons une position très particulière qui n'est pas strictement linguistique, mais plus globale; nous nous exprimons là en tant que linguistes et en tant que citoyens, et en tant que personnes, bien sûr. Nous ne croyons pas que l'enseignement des langues secondes doive s'appuyer nécessairement par la reconnaissance juridique des langues secondes. Je pense que, poussé à la limite, ça devient strictement absurde et on se retrouverait au Québec avec 25 réseaux d'enseignement public ayant autant de dénominations linguistiques. Nous sommes carrément pour un réseau d'enseignement public, d'une part, qui soit francophone, pour une législation des communications qui mette à sa vraie place le français que nous voulons être la seule langue officielle du Québec Nous sommes bien conscients également que ça implique aussi que le français sera langue de travail.

Donc, la position que nous prenons continue, au plan juridique, de faire des distinctions absolument fondamentales entre bilinguisme individuel et bilinguisme institutionnel. Non seulement nous continuons de faire la distinction, nous disons même que, dans le texte de la loi, l'anglais ne doit pas avoir de reconnaissance juridique à cause tout simplement d'un état de fait qui fait que c'est lui, ici au Québec, la langue dominante des deux qui sont principalement en opposition.

Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que nous allons, au contraire, dans un texte de loi, réglementer par le menu détail, en allant invoquer un quelconque pourcentage ou l'autre, l'enseignement de telle ou telle langue seconde, y compris l'anglais. Il est bien entendu, je pense, qu'en hommes et en femmes réalistes, nous sommes bien conscients que, de toute façon, il faudra bien que l'anglais soit quelque chose comme la première langue seconde, à cause tout simplement d'un état de fait. Mais pour autant nous n'allons pas, au contraire, jusqu'à préconiser la continuation, par exemple, d'un système d'enseignement bicéphale défini par deux dénominations linguistiques.

M. CHARRON: D'accord! Iriez-vous jusqu'à dire, comme linguiste, que si le Québec se dotait d'un véritable unilinguisme sur le plan institutionnel, je veux dire si on appliquait réellement l'article 1 du projet de loi, autrement dit, les Québécois en quête de bilinguisme individuel et soucieux d'apprendre une deuxième langue — je suis parfaitement d'accord avec vous, si vous me permettez d'ajouter au jargon que la langue seconde prioritaire devrait être l'anglais — seraient quand même encore favorisés pour l'apprentissage de cette langue seconde, même si le Québec était unilingue institutionnel, en ce sens que la proximité — vous êtes le premier groupe à y faire mention — des moyens de communication, l'entrée de la télévision et de la radio anglaises n'est pas par le fait même interdite. La proximité de la littérature, de l'ouverture des bibliothèques publiques comportant nombre d'ouvrages en anglais, etc., et l'environnement continental où nous nous trouvons, la proximité, la présence, même au sein du Québec, d'une minorité de 13 p.c. d'anglophones, tout cela ferait que le jeune Québécois en quête de bilinguisme individuel, même s'il vit dans un état unilingue institutionnel, aurait encore plus de facilité que le jeune Français ou le jeune Suisse ou le jeune Allemand à connaître la langue anglaise du fait que cette présence constitue un atout pour quelqu'un qui veut aller le chercher.

Je vous signale simplement que moi, par exemple, si j'ai une connaissance moyenne de l'anglais, c'est principalement par ces atouts de l'extérieur, l'environnement comme vous le disiez. Je reprends une question qui a souvent été posée, je ne sais plus par quel député ministériel, selon laquelle l'instauration de l'unilinguisme institutionnel serait un désavantage quant à l'apprentissage d'une seconde langue.

MME SAINT-PIERRE: Je voudrais...

M. DUMAS: Je crois que Madeleine Saint-Pierre aimerait vous répondre.

MME SAINT-PIERRE: Je pense, que sous-jacente à cette question, il y aurait peut-être la question de bilinguisme qui est accompagné ou non de diglossie. En linguistique ou socio-linguistique, on pense souvent à ces deux notions connexes. Le bilinguisme, s'il est individuel, peut être un état transitoire vers l'unilinguisme; c'est-à-dire que si, dans la vie d'un individu, à un moment donné, il est mis devant les faits d'apprendre une deuxième langue, pour quelque raison que ce soit, pour travailler ou encore parce qu'il voyage, il est très probable que cet individu va opter pour une des deux langues qu'il connaît. Il peut devenir unilingue, et il est très difficile pour la plupart des gens de maintenir en équilibre stable les deux langues qu'ils connaissent, si une langue domine dans leur vie sur l'autre. Si elle domaine soit par leur travail, leur famille, etc., alors au niveau collectif, il est également assez utopique de penser qu'un état de bilinguisme est un état qui dure. C'est un état de transition vers l'unilinguisme car il y a la plupart du temps — c'est très difficile de rencontrer le cas contraire — une valeur différente attribuée aux deux langues en présence, une langue étant considérée comme hiérarchiquement, socialement plus importante, plus efficace.

M. CHARRON: Plus rentable.

MME SAINT-PIERRE: On a vu l'exemple tout à l'heure de ce sentiment de diglossie au Québec qui est exprimé. Quand on dit, pour avoir un meilleur emploi, pour avoir une meilleure situation sociale, pour trouver un emploi: J'ai besoin de l'anglais, ce n'est plus devenir bilingue, c'est avoir besoin de l'anglais. Autrement dit, s'il était seulement anglophone, il ne se poserait pas la question du bilinguisme, mais il dirait: Ma langue me sert à trouver une meilleure situation, à trouver un emploi, à avoir aussi une promotion dans mon emploi.

Cela est le reflet même d'une situation de diglossie. Au Québec, on peut le voir à partir du cas des immigrants qui s'intègrent et qui s'assimilent à 95 p.c. au système anglophone.

M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait d'intervenir pour simplement poser une question pour mon édification personnelle?

M. CHARRON: Certainement.

M. CLOUTIER: Je ne voudrais pas transformer la discussion en discussion académique — et je sais que cela plaît à l'Opposition — mais c'est la deuxième fois que l'on amène cette notion de diglossie. Les professeurs de français en avaient également parlé.

J'ai toujours compris, et vous me corrigerez si j'ai tort, que la diglossie était la coexistence de la même langue, mais sous une forme normale et sous une forme dégradée. Autrement dit, l'état de diglossie serait la coexistence du français et du "jouai" ici, comme l'état de

diglossie en Suisse — exemple que j'ai déjà fourni — est la présence de l'allemand littéral et du "schweiss-deutsch" de sa forme dérivée. Corrigez-moi si j'ai tort, parce que je ne voudrais pas qu'à la suite de concepts mal définis, on aille édifier des théories.

MME SAINT-PIERRE: Oui.

M. CLOUTIER: II s'agirait d'un tout autre phénomène, si vous mettez en présence l'anglais, qui est évidemment une langue dominante sur le continent, et le français de par sa position précise. Pourriez-vous m'éclairer?

MME SAINT-PIERRE: A l'origine, le terme "diglossie" a été défini en 1959 par Ferguson, si vous voulez avoir plus d'information, comme l'état d'une situation linguistique dans lequel deux langues parlées par la communauté linguistique étaient en rapport hiérarchisé, l'une étant considérée comme supérieure, servant les tâches dites importantes comme la langue de l'administration, la langue de la religion, les sermons dans les églises, les situations officielles et "formelles". On utilisait une variété de langue. Pour les situations familières...

M. CLOUTIER: II s'agissait de la même langue, parce qu'il faut bien distinguer le concept politique du concept linguistique. C'est à des linguistes que je parle.

MME SAINT-PIERRE: Oui, mais je voudrais...

M. CLOUTIER: Sur le plan linguistique, j'ai toujours compris qu'il s'agissait de la même langue. Ai-je tort?

MME SAINT-PIERRE: Oui, mais je voudrais vous expliquer un peu l'évolution de la notion de diglossie qui a été apportée vers les années 1965, entre autres, par Fishman — je vais finir ma première définition — où la variété qui était utilisée pour les besoins familiaux, le langage spontané, la langue maternelle, en fin de compte qui n'était pas propagée par les systèmes d'enseignement — je n'appellerai pas cela une langue dégradée, parce qu'en linguistique on ne porte pas de jugement de valeur de telle sorte — c'était la langue qui servait les besoins de communication quotidienne.

Or, vers 1965, on voit l'extension, si vous voulez, de ce concept de diglossie à toutes les situations où deux langues sont en contact et une de ces deux langues est jugée comme plus importante, soit encore pour des besoins de promotion sociale, avancement social, et jugée comme supérieure par rapport à l'autre. Je pense qu'une illustration de cet état peut très bien se voir dans le Québec actuel.

M. CLOUTIER: Si vous pouviez répondre à ma question, vous m'éclaireriez vraiment. C'est que j'aime bien avoir des concepts qui sont précis. Est-ce qu'il y a état de diglossie... Allons, soyez poli, M. le jeune député. Essayons donc de parler entre adultes !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Dans le cas particulier, les deux sont incompatibles. Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il doit s'agir de la même langue.

M. CHARRON: ... je vous ai permis de poser des questions...

MME SAINT-PIERRE: Pas nécessairement, parce qu'il serait long de faire la différence entre dialecte et langue. Est-ce que l'interintelligibilité permet de parler de deux variétés d'une même langue? Je ne crois pas que, dans le cas de l'arabe dialectal et l'arabe classique, il y ait nécessairement interintelligibilité.

M. CLOUTIER: II ne s'agit pas d'un état de diglossie.

MME SAINT-PIERRE: C'est un exemple de diglossie au sens où deux variétés...

M. CLOUTIER: Parce que tous les cas d'exemples de diglossie que je connais, il s'agit de la même langue sous deux formes différentes.

MME SAINT-PIERRE: Dans le cas, par exemple, du guarani et de l'espagnol en Uruguay, il y a diglossie. Ils ne sont pas deux variétés de la même langue.

M. CLOUTIER: Alors, en somme, vous adoptez surtout l'approche politique, et moi j'adopte surtout l'approche linguistique.

MME SAINT-PIERRE: Je dirais que j'adopte l'approche socio-linguistique.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas mal.

M. MORIN: M. le ministre, la notion de diglossie.

M. CLOUTIER: Le jouai...

MME SAINT-PIERRE: Vous adoptez la position linguistique...

M. CLOUTIER: C'est cela. J'adopte la position linguistique en définissant la diglossie.

MME SAINT-PIERRE: ... qui a été...

M. CHARRON: Parce qu'elle fait politiquement votre affaire.

M. CLOUTIER: Ecoutez, soyons sérieux.

MME SAINT-PIERRE: ... à l'origine de la définition. Les exemples de diglossie qu'on a donnés...

M. HARDY: La discussion est un peu trop sérieuse pour le député de Saint-Jacques.

M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait se mettre d'accord, M. le ministre, pour dire que la notion a évolué et que, primitivement, elle avait peut-être le sens que vous lui donniez tout à l'heure, mais qu'avec les méthodes sociales, de plus en plus sociales de la linguistique, on a vu le concept évoluer vers le sens qui vient d'être défini devant la commission.

MME SAINT-PIERRE: A toutes les situations qu'il y avait...

M. CLOUTIER: C'est-à-dire, on l'a politisé.

M. MORIN: Non, on l'a éclairé avec la sociologie. Ce n'est pas la même chose.

M. CLOUTIER: Maintenant, le jouai, qui est quand même un phénomène ici, constitue-t-il, à vos yeux, une forme dégradée de français, compte tenu des apports étrangers?

M. HARDY: Le député de Saint-Jacques a fait semblant de comprendre.

MME SAINT-PIERRE: Linguistiquement parlant, je ne sais pas ce qu'est le jouai. Il y a, dans le jouai, une dimension folklorique que des littéraires ont propagée, enfin, on s'est servi de ce mot, mais linguistiquement parlant, le jouai est impossible à définir. Qui parle le jouai et qui ne parle pas jouai? Quels sont les éléments qu'on entrerait dans une description du jouai? Quels sont les éléments qu'on laisserait tomber? Certains disent: Les archaïsmes font partie du jouai. Certains autres disent : Les anglicismes font partie du jouai. Les autres disent: Les sacres et les jurons font partie du jouai. Il y a une dimension folklorique derrière cela que les linguistes ne peuvent pas retenir.

M. CLOUTIER: Je vous remercie de vos éclaircissements. Je vous remets maintenant entre les mains du député de Saint-Jacques à qui nous souhaitons bonne chance.

M. TARDIF: II n'y a pas de danger!

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux demander...

M. MORIN : Le ministre politise le débat.

MME SAINT-PIERRE: Je n'ai pas eu le temps de répondre.

M. CHARRON: ... à la page 5 de votre mémoire, s'il vous plaît, lorsque vous affirmez que si une minorité peut assumer la responsabilité de le faire en marge du système scolaire national, dans les propositions que vous faites à un autre chapitre, vous mentionnez même que vous seriez d'accord pour que cette minorité, si elle se donne des écoles privées, soit inscrite sous le chapitre des lois existantes et qui permet à l'Etat de subventionner les écoles privées. Donc, vous reconnaissez la possibilité, pour l'Etat, de subventionner, à même les fonds publics dont certains viennent de cette minorité — il faut le reconnaître — l'enseignement dans leur langue.

M. DUMAS: Partiellement, tout au moins, notre objectif était le suivant: Etant donné les délais très courts, il nous semblait plus important de bien mettre en lumière et de les affirmer très hautement les principes qui nous apparaissaient absolument fondamentaux. Un de ceux-là — et absolument premier, si vous voulez, dans toute la question de la langue d'enseignement — était pour nous d'affirmer qu'il ne devrait y avoir qu'un système d'enseignement public qui se définisse comme francophone.

A partir du moment où on dit que les minorités d'autres langues que le français peuvent, si on veut, et doivent assumer la responsabilité si elles n'acceptent pas de s'intégrer au système scolaire public francophone, doivent, à ce moment, le faire à leurs frais, nous entendons évidemment que cela se ferait sous la forme d'écoles privées. Nous n'avons pas examiné tous les détails. Nous sommes d'accord sur le principe que même ces écoles privées, qui utiliseraient comme langue d'enseignement une langue autre que le français, et cela ne comprend pas uniquement d'éventuelles écoles anglaises, mais des écoles que voudra bien se donner n'importe quelle minorité ethnique sur le territoire du Québec... Nous envisageons bien cependant d'éviter le piège qui consisterait à retrouver tout le PSBGM fractionné en 150 écoles privées à Montréal. Nous estimons que ce sera le devoir du ministère de l'Education d'établir des critères pour l'admission des écoles privées et pour leur admissibilité aux subventions gouvernementales qui font évidemment qu'on ne se retrouvera pas en face d'un PSBGM privé.

M. CHARRON: Bien. Est-ce que vous êtes d'accord sur la position de l'Opposition et du ministre de la Justice pour reconnaître que le libre choix n'est pas un principe, ni un droit acquis, mais bien une mesure pratique qui peut être accordée par le législateur ou qui peut être retirée par le législateur?

M. DUMAS: Je pense que nous l'avons clairement établi dans le texte. Nous estimons que le fameux principe de la liberté de choix de la langue d'enseignement n'a rien à voir avec des droits, mais est strictement un privilège issu d'une situation historique particulière. Vous

avez pu voir également, je pense, que par contre, nous considérons le fait que les Esquimaux et les Amérindiens puissent obtenir du gouvernement tout ce qui est nécessaire à leur assurer l'enseignement en langue maternelle, que ce n'est pas une question de droits acquis, mais c'est véritablement dans ce cas un droit qui, je pense, a une reconnaissance internationale et qu'on appelle le droit du premier occupant.

Quant à ce qu'on a appelé, dans le cas de la minorité anglophone, des droits acquis, nous estimons qu'il s'agit purement et simplement de privilèges et que cela n'a rien à voir avec la notion de droits.

M. CHARRON: Quant à la page 9 de votre mémoire, êtes-vous conscient du carcan constitutionnel dans lequel nous évoluons? Vous dites, au paragraphe b): "le gouvernement du Québec entreprend des pourparlers avec le gouvernement fédéral en vue de récupérer sa juridiction sur les chaînes de radio et de télévision". Est-ce que vous avez inscrit ce paragraphe en étant conscient que celui qui nous fait l'honneur de sa présence passagère à la commission aujourd'hui, le ministre des Communications, est effectivement depuis quelques mois déjà embourbé dans des négociations qui n'ont jamais apporté de résultat? Est-ce que vous avez inscrit ce paragraphe dans l'intention de signaler au ministre des Communications l'appui des Québécois aux positions qu'il revendique?

M. DUMAS: Je pense que nous avons vu la nécessité d'entreprendre des négociations avec le fédéral pour le rapatriement — dont les modalités restent à déterminer, bien sûr — de la juridiction sur les chaînes de radio et de télévision, comme une nécessité fondamentale. En quelque sorte, le fait que des négociations, dont nous avons eu vent par les journaux, bien sûr, comme tout le monde, sont à l'heure actuelle en voie de se faire ou en voie de se défaire, c'est une autre histoire. Ce qui nous a retenus surtout, c'était pour nous l'affirmation d'une nécessité que nous jugeons fondamentale.

M. CHARRON; Une dernière question, cette fois à titre de linguistes, nous avons eu plusieurs discussions depuis le début des travaux de la commission et, encore hier soir, le président de la Centrale de l'enseignement du Québec a consacré, je crois, deux ou trois pages de son mémoire à cette question de l'enseignement de la langue seconde, aux expériences vécues dans d'autres pays et à la fameuse question: A quel âge pouvons-nous introduire, dans un système d'enseignement, l'apprentissage d'une langue seconde, sans que cela ne nuise à la connaissance fondamentale qu'un individu doit avoir de sa langue maternelle et pour qu'en même temps on puisse dire qu'à un certain âge, le plus tôt possible, il ait une connaissance de la langue seconde qu'il recherche? Le président de la centrale a fait état de l'expérience anglaise, je crois — si ma mémoire est fidèle — qui dit que l'enseignement de la langue seconde ne saurait débuter à l'élémentaire. Le gouvernement actuel, dans son plan de développement des langues, a complètement laissé à l'initiative des commissions scolaires une décision à prendre là-dessus, ce qui veut dire qu'une commission scolaire peut l'introduire à la première année, comme ailleurs on peut l'introduire à la cinquième année, il n'y a pas de politique cohérente dans ce domaine au Québec.

Quelle est l'opinion de linguistes quant à cette question de l'heure d'arrivée de l'apprentissage d'une langue seconde?

M. DUMAS : Mon camarade Barbeau va vous répondre.

M. BARBEAU: La question de savoir à quel âge doit commencer l'apprentissage de la langue seconde, si c'est nocif, si c'est pernicieux, etc., cela a fait l'objet de nombreuses études, plus ou moins scientifiques, les une très, les autres à un degré moindre, etc. Finalement, il est très difficile à l'heure actuelle de se prononcer sur la valeur de l'une ou de l'autre hypothèse, à savoir si l'enseignement d'une langue seconde est bon dès le plus jeune âge et donne d'excellents résultats, ou si, au contraire, l'enseignement d'une langue seconde doit attendre que la langue maternelle soit assurée. C'est une question qui n'est pas tranchée. Je ne pense pas qu'elle puisse être tranchée sur une base scientifique. D'ailleurs, nous n'avons pas pris une position comme telle là-dessus. Par contre, il y a un point de vue dont il faut tenir compte quand il s'agit évidemment de planifier au niveau d'un réseau scolaire. Il faut tenir compte de la situation linguistique. Or, la situation linguistique, état de diglossie dans le Québec, fait que la maîtrise de la langue maternelle n'est absolument pas assurée chez l'enfant et, à un degré moindre peut-être, chez l'adulte; maîtrise à tous les points de vue, c'est-à-dire, en gros, sur le plan phonétique, sur le plan lexical, sur le plan de la syntaxe et tout cela, on peut vraiment dire que le jeune enfant n'a pas maîtrisé parfaitement sa langue maternelle, d'où d'ailleurs la grande difficulté d'enseigner le français à l'heure actuelle dans les écoles.

Compte tenu de cela, c'est ce qui motive notre position sur le plan linguistique, nous disons que la situation de langue dominante de l'anglais, de l'environnement anglais, etc., est un élément perturbateur dans l'acquisition de la langue maternelle et que, par conséquent, dans le réseau scolaire francophone, il faut retarder pour s'assurer ou au moins avoir une espèce d'assurance que la maîtrise de la langue maternelle puisse être correctement faite. Après, on peut penser à l'acquisition d'une langue seconde. De toute façon, aucun scientifique ne pourra prétendre que l'acquisition d'une langue

seconde ne peut pas se faire à l'âge de l'adolescence ou à l'âge adulte. A 34 ans, on peut apprendre une langue seconde, tout comme on peut l'apprendre à 25 ans. C'est une question de dispositions personnelles. Qu'il y ait plus de facilité à un niveau de l'enfance, peut-être. Effectivement, il peut y en avoir. Par contre, il y a des études qui démontrent que l'état de bilinguisme chez l'enfant, autrement dit la maîtrise de deux langues, la maîtrise plus ou moins grande de deux langues peut peut-être avoir des conséquences sur le plan émotif et sur le plan psychologique. La question n'est pas réglée, mais la question n'est pas claire non plus. Donc, ce sont de graves décisions qu'on prend lorsqu'on décide d'instituer l'enseignement d'une langue seconde au niveau primaire.

M. CHARRON: Merci beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, à la page 3 de votre mémoire, toujours avec les mêmes réserves — et je tiens à le signaler, parce qu'à chaque fois que je prends la parole sur ce projet de loi, j'ai l'impression de négocier — on dit à l'avant-dernière partie de votre dernier paragraphe: "Ainsi, un Québec bilingue évolue nécessairement vers l'unilinguisme anglais". D'autres groupes qui sont venus devant la commission parlementaire ont tenté et essayé de nous prouver le contraire. J'aimerais bien avoir de votre groupe plus de précision au sujet de cette affirmation.

MME SAINT-PIERRE: Ici, il est question de bilinguisme collectif. Tout à l'heure, j'ai essayé d'expliquer que, quand il s'agit de bilinguisme collectif, il y a peu de situations où l'une des deux langues n'est pas dominante sur l'autre. Dans le cas du Québec, si on arrivait à un bilinguisme collectif pour les Québécois — bilinguisme ici sous-entendant toujours anglais-français — il est certain que l'anglais dans le contexte nord-américain, est dominant. Alors, tôt ou tard, en une ou deux générations, l'assimilation est certaine. C'est ce qui est sous-entendu.

M. ROY: Je vous remercie. Est-ce que le projet de loi 22, tel que présenté actuellement, favorise ce bilinguisme intégral?

MME SAINT-PIERRE: Dans les principes, il favorise l'unilinguisme, mais au moment de l'énonciation du texte même, il ne le garantit plus. Il y a ambiguïté. Il y a des "peut", des "néanmoins", il y a des diminutifs, et c'est ici, pour préserver peut-être plus un droit de nécessité et d'opportunité, que nous avons proposé l'unilinguisme français, puis les moyens d'y arriver à cet unilinguisme. C'est entre droits que certains appellent acquis et qui ne sont pas finalement des droits acquis, puisqu'il ne s'agit pas de droits civils, et la nécessité de survivre comme francophones, que nous avons opté pour la nécessité. C'est devant une assimilation possible et certaine dans le cas du Québec, dans un cas où tous les gens seraient bilingues, que nous voulons prendre les mesures pour empêcher cela.

M. ROY: De toute façon... Oui?

M. BARBEAU: Je voudrais préciser la pensée de ma collègue. Le cas d'assimilation d'une minorité par une majorité linguistique quelconque se fait habituellement et systématiquement lorsqu'un tas de conditions sont réalisées: conditions économiques, conditions politiques, conditions sociales, culturelles et conditions de prestige d'une des deux langues. Lorsque toutes ces conditions sont réunies en faveur d'une langue, il y a à coup sûr assimilation. Par contre, il faut dire une chose. On peut freiner l'assimilation. Il y a des cas de populations, de peuples entiers qui ont résisté à l'assimilation lorsque ce peuple ou cette communauté, en l'occurrence la minorité francophone d'Amérique du Nord, a une conscience très forte de son identité linguistique. C'est probablement l'un des critères qui permet la résistance à l'assimilation. Or, je pense que justement une politique qui permettrait de concrétiser ce sentiment d'appartenance à un groupe différent linguisti-quement autonome pourrait permettre la résistance à l'assimilation. C'est chose possible. Par exemple, le cas des Grecs, quand ils ont été envahis par les Turcs, etc. Ils ont résisté à l'assimilation par les Turcs. Pourquoi? Parce que la langue grecque, à cette époque, était un symbole de prestige et que les Grecs ne voulaient pas entendre parler du turc, bien qu'ils étaient économiquement et politiquement dominés par les Turcs, mais ils ont réussi à tenir le coup. Voyez-vous?

Alors, je pense que les conditions pour une résistance à l'assimilation au Québec sont réunies dans la mesure où le Québec pourra se donner des instruments adéquats et pas simplement des principes qui peuvent être dilués par des dispositions.

M. ROY: En somme, vous êtes convaincus que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et donner des garanties.

M. BARBEAU: Absolument.

M. ROY: Je ne suis pas sûr du gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Beauce-Sud me permet, la période allouée est terminée; est-ce qu'il serait du désir de la commission de prolonger jusqu'à midi et trente?

M. ROY: J'aurais seulement une question à poser.

M. MORIN: Je le suggère, M. le Président, parce que nous avons encore des questions à poser.

M. BONNIER: Midi et trente.

M. CLOUTIER: Je ferais remarquer que le parti ministériel n'a pratiquement pas eu le temps de poser des questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II sera le prochain.

M. ROY: M. le Président, je n'ai certainement pas abusé des questions ce matin.

M. CLOUTIER: Je ne parle pas du Parti créditiste.

M. ROY: C'est la première fois ce matin que je prends la parole à la commission. Chose curieuse, à chaque fois que je prends la parole, on arrive toujours avec des délais.

M. CLOUTIER: Ecoutez, comment voulez-vous fonctionner autrement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, ma dernière question est la suivante. Dans la dernière page de votre mémoire, vous demandez le rejet de la loi. Advenant le cas des dangers que la loi soit acceptée intégralement, telle que présentée par le gouvernement, iriez-vous jusqu'à demander le retrait de la loi 22?

M. DUMAS: Je pense que, carrément, nous demandons non seulement le retrait de la loi, mais le retrait du simple projet de loi.

M. ROY: D'accord, merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Taschereau.

M. BONNIER: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire et surtout écouté les commentaires parce que je pense que sur le plan de la linguistique, il y a eu des propos intéressants. Cependant, étant donné que le groupe représente en fait 22 personnes qui sont des spécialistes dans le domaine de la linguistique, voici ma préoccupation fondamentale par rapport à l'option indéniablement assez tranchée que le groupe a prise. Est-ce que vous pensez que cette option vient du fait que vous êtes des spécialistes en matière linguistique et qu'évidemment, à cause de vos études, de vos discussions, vous avez pris cette option qui est influencée beaucoup plus par une théorie lin- guistique? Ou bien, diriez-vous qu'à cause de vos recherches dans le milieu du Québec, recherches socio-économiques par exemples, surtout sociales, ça vous aurait portés à cette option? Cela m'intéresserait de savoir votre point de départ.

M. DUMAS: Notre point de départ, c'est que nous sommes des personnes humaines et, de plus, des citoyens québécois. Evidemment...

M. BONNIER: Oui, cela, on l'est tous.

M. DUMAS: Oui, évidemment, nous avons un intérêt particulier à la question puisque nous sommes des spécialistes de la linguistique. Evidemment, nous sommes aussi des citoyens et nous avons chacun des options politiques. Je pense que toutes les distinctions qu'on pourrait faire entre l'homme simplement, le citoyen, le linguiste et aussi beaucoup d'autres dimensions qu'il faudrait rajouter, sont purement et simplement des distinctions de raison, parce que globalement, bien sûr, nous prenons position comme personnes, et en particulier, comme linguistes.

M. BONNIER: En fait, je pense que cela n'est pas nécessairement comme linguistes, c'est beaucoup plus comme personnes, mais spécialistes de la linguistique aussi.

M. DUMAS: C'est comme personnes... M. BONNIER: Cela donne...

M. DUMAS: Nous l'avons affirmé d'ailleurs dans le préambule, nous prenons position comme linguistes, comme citoyens et aussi toutes les dimensions qui y sont rattachées parce que nous n'avons pas de don d'ubiquité et nous ne pouvons pas nous couper en quatre. Je pense d'ailleurs que, puisqu'on en est aux questions de représentativité, peu de personnes dans cette assemblée pourraient s'engager de façon certaine sur un terrain aussi glissant.

M. BONNIER: Non, ce n'est pas du tout négatif...

M. DUMAS: D'accord.

M. BONNIER: ... mon point d'interrogation. C'est simplement pour savoir quel est votre point de départ. Je voulais le décanter tout simplement.

MME SAINT-PIERRE: En fait, dans ce projet, il y a des aspects linguistiques, des aspects psycho-linguistiques et des aspects socio-linguistiques qu'il est difficile de dissocier. C'est en tant que linguistes, mais en tant que faisant des recherches aussi dans des contextes assez précis et en couvrant un peu la littérature des situations de bilinguisme ou de langues en contact

dans le monde, qu'on s'aperçoit que finalement la force des choses fait...

M. BONNIER: Mais, est-ce que vous avez été à même de faire vous-mêmes, à votre département, des recherches quant au mode de comportement des gens du Québec, tant du côté anglais que du côté français, et l'influence l'un sur l'autre, ou si vos expériences sont plutôt des expériences qui viennent de la Grèce ou d'ailleurs? Jusqu'à quel point vos points de vue sont ancrés dans la réalité québécoise?

M. DUMAS: André Dugas va vous répondre.

M. DUGAS: En réalité, on travaille nécessairement toujours avec du matériel linguistique, pour des fins linguistiques, avec des étudiants qui sont en linguistique; il y a énormément de travaux qui sont faits...

M. BONNIER: Oui.

M. DUGAS: ... avec des étudiants et qui concernent des motivations, des attitudes des gens vis-à-vis de l'apprentissage des langues. Il y a les programmes de formation de professeurs, dont le ministre Cloutier est au courant, le projet de formulation, le programme de formation de professeurs de langue maternelle et de langue seconde, ce sont les témoignages qu'on ramasse et qui sont énormes sur la situation du français et des langues au Québec.

M. BONNIER: Par ailleurs, on a bien affirmé tout à l'heure qu'en ce qui regarde l'immersion dans une langue seconde et à quel moment il était opportun de le faire ou de ne pas le faire, les études...

Je pense qu'on l'a dit d'une façon bien objective, parce qu'on aurait pu dire: Moi, je suis spécialiste et c'est prouvé que c'est mieux d'une façon ou de l'autre. Je pense qu'on a dit qu'on n'était pas encore rendu au bout de notre rouleau.

M. DUGAS: Attendez un peu. Je vais prendre votre question autrement. Je pense que vous demandez si on est ici pour des fins politiques ou pour des fins de spécialistes en la matière.

M. BONNIER: Je n'ai pas utilisé du tout les mots "fins politiques". Non, ce n'est pas cela, c'est parce que, moi je suis beaucoup plus du domaine socio-économique.

M. DUGAS: Oui.

M. BONNIER: A ce moment-là, quand je fais une affirmation ou que je prends une position, j'essaie de m'y référer à partir de certaines recherches. Je me demandais si vos recherches étaient de type social, disons socio-économique ou plutôt des recherches de type linguistique?

M. DUGAS: Puisque vous vous préoccupez du domaine socio-économique, est-ce que ce texte vous agrée ou non, c'est-à-dire dans la conclusion? Quand on dit que la loi devrait obliger les compagnies à se franciser, c'est là le moyen par excellence de s'intégrer à la communauté.

M. BONNIER: Je ne voudrais pas prolonger le temps de la commission, mais je me pose des interrogations sérieuses quant à vos considérations au point de vue réaliste, par exemple que, dans les journaux anglais, il y ait des annonces françaises ou des choses de ce genre.

M. DUMAS: Je comprends mieux maintenant le sens de votre question, monsieur. Il est évident que nous travaillons d'abord comme linguistes, mais cela, nous devons le faire auprès de personnes chez qui, tout comme nous, tout comme vous, il est impensable de détacher diverses dimensions. Dans ce sens, si, pour des raisons de méthodes, nous sommes des linguistes nous attachant d'abord à des principes linguistiques, bien que cela puisse déborder et devenir ou socio-linguistique ou psycho-linguistique, nous ne pouvons vraiment jamais perdre de vue que les personnes auprès desquelles nous travaillons sont inscrites dans un contexte social, dans un contexte économique, dans un contexte culturel et aussi dans un contexte politique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, il est déjà 12 h 31...

M. DUMAS: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais finalement faire une remarque, qui vient non pas de moi personnellement, mais sans doute de tout le groupe qui est réuni ici. Je voudrais revenir sur la notion de langue dégradée que M. le ministre de l'Education a employée tout à l'heure.

En tant que linguistes, évidemment, non seulement nous ne savons pas ce qu'est une langue dégradée, mais nous prétendons que cela n'existe pas. Linguistiquement, il n'existe que des langues. Evidemment, elles peuvent être mortes comme le latin ou le grec classique ou elles peuvent être vivantes pour peut-être pas encore très longtemps, comme le français au Québec, et nous nous opposons absolument à cette notion. Il n'y a que des langues qui fonctionnent. La notion de langue dégradée est bien une notion politique, mais pas du tout linguistique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, mesdames et messieurs...

M. MORIN: M. le Président, j'aurais deux observations à faire. Le député de Gouin et moi-même n'avons pu poser nos questions.

M. BEAUREGARD: M. le Président, question de règlement. Nos règlements prévoient

que vous donniez un traitement équitable à chaque membre de cette commission. Je veux bien ne pas poser les questions que j'avais préparées étant donné que le temps est écoulé. Je vous signale peut-être pour le bénéfice des autres séances, que vous devriez donner un temps équitable à chaque membre de la commission. Moi, j'aurais au moins cinq ou six questions. Je vois des contradictions flagrantes dans ce mémoire. J'aurais aimé les poser. Peut-être que les personnes qui sont ici auraient pu me répondre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de doute que, depuis le début...

M. MORIN : M. le Président, j'aurais moi-même des questions à poser à ce groupe. Est-ce qu'on ne pourrait pas l'inviter à revenir plus tard cet après-midi?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Malheureusement, comme on l'a signalé, il nous reste environ six heures de séance, c'est-à-dire cinq heures de séance. Il nous reste encore cinq groupes à entendre et j'aurais peur que, si nous prolongions avec ce groupe-ci, il nous faudrait, à ce moment, demander aux derniers groupes de ne pas comparaître aujourd'hui, ce qui créerait un précédent très malheureux.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais vous souligner le fait qu'en fin de compte avec ce système où vous convoquez d'avance un nombre considérable d'organismes, nous n'arrivons qu'à effleurer les mémoires qui nous sont soumis.

M. HARDY: Monsieur...

M. CLOUTIER: C'est une question de règlement. Je sais que le chef de l'Opposition lorsque je lui ai dit, à un moment, qu'il voulait allonger les débats, a nié cette affirmation, laquelle affirmation est d'ailleurs contraire à ce qu'a dit le chef du Parti québécois...

M. MORIN: M. le Président, je regrette...

M. CLOUTIER: ... mais il reste que nous avons montré, jusqu'ici, la plus grande ouverture d'esprit. Nous voulons entendre le plus de groupes possible, nous voulons leur permettre de s'exprimer. H n'y a pas un groupe qui n'a pas eu plus de temps que ne le prévoient les règlements et nous nous sommes même entendus, l'Opposition et le parti ministériel, à savoir que, lorsque la période est terminée, nous tenons compte d'une rallonge, et nous nous entendons sur la rallonge. A 12 h 23, nous avons décidé que nous irions jusqu'à 12 h 30. Il n'y a pas d'autre façon de procéder. Moi-même, j'ai trouvé le débat extrêmement intéressant. Je pourrais poser des dizaines de questions, mais il faut quand même comprendre qu'il y a d'autres groupes qui veulent se faire entendre. Par conséquent, M. le Président, je crois qu'il faut mettre fin ici au débat. Le vrai problème ne se situe pas tellement dans les rallonges qu'on peut donner, mais dans le fait qu'il faudrait tenter de donner un temps à peu près égal au parti ministériel et à l'Opposition, ce qui n'est pas toujours le cas. En fait, personnellement, je me limite à des périodes de questions très courtes pour permettre à mes collègues de s'exprimer. Alors, voilà exactement la situation, M. le Président. Je regrette. Je ne crois pas qu'il soit possible de faire revenir le groupe. Ce serait au détriment des autres groupes, même si ce serait très intéressant pour la commission.

M. MORIN: M. le Président...

M. ROY: Est-ce que le ministre me permettrait de poser une question?

M. MORIN: Un instant, M. le député. M. le Président, je ne sais pas si le ministre veut insinuer que l'Opposition tente d'allonger les débats. Ce n'est pas le cas.

M. HARDY: Ha! Ha! Ha! C'est un euphémisme.

M. MORIN: Je vois que le ministre des Affaires culturelles nous prête des intentions. C'est bien dans sa manière. Mais je dirai au ministre que, si nous voulions faire de l'obstruction, on n'en finirait plus avec chaque groupe. Jusqu'ici, je pense que le ministre peut nous rendre le témoignage que nous n'avons pas abusé de notre droit d'interroger les témoins, que nous l'avons fait avec sérieux et je ne voudrais pas qu'il gâte le climat en insinuant que nous essayons de faire de l'obstruction.

M. CLOUTIER: Je ne parlais pas du chef de l'Opposition. Je parlais du chef du Parti québécois qui, dans les journaux, a bel et bien dit qu'il tentait, par tous les moyens possibles, d'allonger les travaux de cette commission de manière à reporter le projet no 22 à l'automne pour mobiliser ses troupes. Il ne faut quand même pas être naif.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: M. le Président, je regrette. J'ai une mise au point à faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II pourrait la faire...

M. MORIN: II est certain qu'en commission plénière, après la seconde lecture, nous ferons notre possible, mais en commission, en ce moment...

M. HARDY: Cela fait partie de la stratégie du Parti québécois.

M. MORIN: ... nous y mettons tout le

sérieux que le ministre lui-même veut y mettre. Que cela soit bien clair.

M. CLOUTIER: C'est vrai. Je l'avoue. Mais Je crois que le chef de l'Opposition conviendra avec moi qu'une fois que nous nous sommes entendus sur les règles du jeu, que nous avons de beaucoup assouplies, il faut s'en tenir à cela. Sinon, comment voulez-vous ne pas pénaliser les autres groupes? Je ne pense pas actuellement au gouvernement. Je pense aux autres groupes qui sont convoqués. Il y a un groupe qui est ici depuis dix heures et qui ne passera pas avant quatre heures ou quatre heures trente.

M. MORIN: M. le Président, j'ai deux points à faire valoir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je m'excuse, je pense qu'on a déjà fini.

M. MORIN: M. le Président, non...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions, soit aux environs de 16 heures. Nous entendrons à ce moment l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes. Messieurs, nous avions convenu qu'à midi trente, nous terminerions. Nous avons continué jusqu'à...

M. ROY: M. le Président, je vais vous poser une question sur une question de règlement.

M. MORIN: Le député a une question de règlement et vous refusez de l'entendre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quelle est la question de règlement?

M. ROY: La question de règlement, bien, le ministre est parti.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quelle est la question de règlement? Ce n'est pas lui qui...

M. ROY: Sur la question de règlement, je voulais savoir si tous les organismes qui ont été convoqués seront effectivement ici cet après-midi. Cela aurait été important de le savoir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. ROY: Parce que si tous les organismes, s'il y a deux ou trois organismes...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous donne la réponse. Ds seront ici. La réponse est là.

M. MORIN: Question de règlement. Quand nous sera remise la liste que le ministre nous a promise hier soir?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre donnera sûrement sa réponse à la reprise des travaux à 16 heures.

M. MORIN: Le ministre n'a pas quitté la salle encore. Est-ce que nous pouvons avoir une réponse, s'il vous plaît?

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

Reprise de la séance à 16 h 6

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Pour le bénéfice du journal des Débats, j'aimerais faire l'énumération des membres de la commission pour la séance de cet après-midi, soit M. Boutin (Johnson); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M. Lachance (Mille-Iles); M. Tardif (Anjou); M. Morin (Sauvé); M. Brown (Brome-Missisquoi); M. Beauregard (Gouin); M. Roy (Beauce-Sud); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Veilleux (Saint-Jean).

Liste des organismes et procédure

LE PRESIDENT (M. Gratton): Avant d'appeler le premier organisme à venir témoigner, j'aimerais faire une courte mise au point sur deux questions qui ont été soulevées après la suspension des travaux de la séance de ce matin, soit celle du chef de l'Opposition concernant la liste des organismes, et également celle soulevée par le député de Gouin concernant la répartition du temps pour les questions. Sur la première, sur la liste des organismes, l'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, l'article 3 de nos règles de pratique se lit de la façon suivante: "Après l'expiration de la date où les mémoires doivent être présentés, le secrétaire des commissions en dresse la liste qu'il fait parvenir à chaque membre accompagnée des mémoires et des résumés". La date étant expirée, le secrétaire de la commission m'a informé que la liste était prête et qu'il avait l'intention de la faire parvenir à chaque membre, tel que stipulé.

M. MORIN: Est-ce que nous l'aurons cet après-midi, M. le Président?

M. CLOUTIER: Très certainement, M. le Président. Il y a, à cette liste, un appendice, parce que tous les mémoires n'ont pas été reçus, mais, dans la plupart de ces cas, il y a eu une lettre d'intention disant que le mémoire allait parvenir. Il y aura la liste principale avec cet appendice.

M. CHARRON: Mais est-ce que nous aurons copie des mémoires plus de douze heures à l'avance ou 24 heures à l'avance, comme c'est le cas actuellement?

M. CLOUTIER: C'était impossible à cause du règlement et à cause du fait que la date d'expiration n'étant pas intervenue, tous les mémoires n'étaient pas disponibles. Maintenant, le secrétaire de la commission m'informe que c'est possible. Je vous suggérerais de vous adresser à lui.

M. CHARRON: Pour avoir l'ensemble des mémoires?

M. CLOUTIER: Je ne sais pas s'il est capable de vous fournir l'ensemble des mémoires, compte tenu du fait qu'ils ne sont pas tous parvenus, comme je l'ai indiqué, mais très certainement pourrez-vous obtenir les mémoires que vous souhaiterez à moyen terme.

M. CHARRON: Bien.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, quant à la deuxième question, soit celle du député de Gouin sur la répartition de la période des questions, je pense que les membres de la commission conviendront qu'il n'est pas du jugement de la présidence ou de celui qui assume la présidence de la commission, à un moment donné, d'interpréter les règlements, mais bien seulement de les faire appliquer.

Le règlement et je répéterai, pour le bénéfice de toutes les personnes présentes, le texte de l'article 8 de nos règles de pratique concernant les commissions parlementaires: "La durée limite allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé sommaire de son mémoire est de 20 minutes et le temps alloué aux membres de la commission pour la période des questions est de 40 minutes, réparties équitablement entre les partis. Ces périodes peuvent être prolongées, si la commission le juge à propos".

Ceci ne veut pas nécessairement dire qu'au moment où la commission doit normalement suspendre ses travaux, il soit possible pour la commission de prolonger les débats. C'est seulement avec l'assentiment unanime de la commission qu'il nous est possible de le faire. Par contre, quant à la répartition équitable entre les partis, j'aimerais suggérer et dire que c'est le barème que je tâcherai de faire respecter, à savoir que le temps de 40 minutes, même s'il est prolongé, soit divisé à 50/50 entre les députés ministériels et les députés de l'Opposition. Je n'ai pas de jugement de valeur à porter là-dessus, mais j'oserais croire que ceci devrait, normalement, satisfaire les députés et de la gauche et de la droite. On pourrait faire la même chose dans le cas où la commission, à la majorité, décide d'accorder un temps supplémentaire à la période d'une heure prévue au règlement, c'est-à-dire diviser ce temps-là également à 50/50 lorsque c'est possible.

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, cette directive que vous nous donnez, je suis heureux de vous entendre la prononcer de cette façon parce que je crois que le principal acquis que nous avions eu, lors de la discussion entre les leaders du gouvernement, de l'Opposition, le ministre

et moi-même, était marqué par la souplesse que l'un et l'autre voulaient apporter à l'étude des mémoires qui nous sont soumis par le public. Je crois que votre façon d'interpréter l'article 8 du règlement, s'il devait s'appliquer comme tel jusqu'à la fin de nos travaux, irait également dans l'esprit de souplesse que nous avions convenu à cette époque.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis très heureux de l'entendre et j'ose croire, je le répète, que je pourrai compter sur la collaboration de chacun des membres de la commission dans ce sens.

M. CHARRON: Ce qui ne veut pas dire, M. le Président, qu'il n'y aura pas d'accrochage jusqu'à la fin de nos travaux.

M. MORIN: M. le Président, ce qui m'inquiète un peu, c'est de voir que comparaissent surtout des organismes très importants tous rassemblés au début de nos travaux.

Au lieu de constituer un calendrier où l'on aurait eu chaque jour des organismes très importants, d'envergure nationale et des organismes de moindre importance qui auraient permis de donner un peu plus de temps aux organismes de premier plan, on nous amène tous les organismes de premier plan au départ. Ceci m'inquiète pour plusieurs raisons. D'abord, parce que ça ne nous permet pas de consacrer à chaque organisme le temps dont il devrait normalement pouvoir disposer pour expliciter son mémoire, pour répondre à toutes les questions des partis qui sont membres de cette commission.

Deuxièmement, cela m'inquiète aussi parce que je constate qu'on a tendance à faire passer les organismes anglophones au début et que, par la suite... je ne sais pas si on n'est pas à créer une situation où l'on pourra dire: Maintenant, nous avons entendu tous les organismes importants, alors on a entendu à peu près tout ce qu'il y avait à dire, on commence à se répéter; donc ça suffit, la discussion a suffisamment duré. Je m'inquiète de cela, M. le Président, je ne peux pas vous le cacher. J'aimerais bien que le gouvernement fasse connaître ses intentions. J'aimerais qu'on nous donne l'assurance que nous allons entendre tous ceux qui veulent être entendus.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai répondu à au moins dix reprises à cette question. Je n'ai pas l'intention d'y revenir. J'ai expliqué dans quelle condition une commission parlementaire fonctionnait et l'importance qu'il y avait de suivre le règlement de manière à ne pénaliser aucun des groupes. Le secrétaire des commissions est obligé de convoquer les groupes d'après les règlements, il le fait, nous essayons d'avoir la plus grande marge de manoeuvre possible. Jusqu'ici nous avons pu, dans le cas de certains groupes, allonger considérablement le débat. Je crois que si nous étions réalistes, nous commencerions immédiatement, ce qui va peut-être nous permettre justement de donner plus de temps à quelques-uns des groupes. Mais je ne vois pas comment nous pouvons procéder autrement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite immédiatement M. Dougherty, président de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes à bien vouloir nous présenter au tout début les personnes qui l'accompagnent et nous faire sa présentation.

Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes

M. DOUGHERTY: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, the Association of Directors General of Protestant School Board have prepared a very concise brief. Respecting the language of majority...

LE PRESIDENT (M. Gratton): You can sit down.

M. DOUGERTHY: ... je veux vous présenter M. Andrew Roy who will deliver the general comments in French.

M. ROY (Andrew): M. le Président, soyez complètement à l'aise, vous pouvez m'appeler Roy, si vous voulez, je me considère comme polyvalent. L'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes regroupe 31 associations et elle comprend environ 25 directeurs généraux et directeurs généraux adjoints. J'espère que tout le monde connaît assez bien le rôle d'un directeur général dans une commission scolaire. Je crois que notre rôle, assez souvent, est de régler les chicanes qui existent entre les commissions scolaires et le ministère de l'Education.

Je crois que j'ai raison de dire que les directeurs généraux sont les premiers membres du personnel de cadre des commissions scolaires.

M. le Président, j'espère que vous allez me dispenser de la lecture de notre mémoire aujourd'hui. C'est assez court et, comme vous le voyez assez facilement, nous avons soulevé trois points. Peut-être qu'au lieu de donner lecture du mémoire, vous nous permettrez tout simplement de le commenter, comme administrateurs d'écoles. Notre préoccupation primordiale, c'est l'application du projet de loi 22 et ce qu'on veut faire cet après-midi, si possible, c'est attirer votre attention, comme administrateurs d'écoles, sur les difficultés qui pourraient découler de l'application du projet de loi.

Comme point de départ, M. le Président, on déplore, mais on accepte que les immigrants, qui ne sont ni catholiques, ni protestants, n'aient pas de droits linguistiques au Québec;

on le tient pour acquis. Mais on veut réaffirmer, comme directeurs généraux de commissions scolaires protestantes, les droits des catholiques de fréquenter des écoles catholiques et les droits des protestants de fréquenter des écoles protestantes, si les écoles protestantes sont reconnues comme protestantes par le comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.

C'est notre opinion que les protestants ont quelques droits, ici au Québec, qui sont, comme je viens de le dire, des droits confessionnels. Si on fait allusion à Victoria Régina, chapitre 27, article 26, on voit que les commissaires d'écoles et que les syndics d'écoles ont le droit d'organiser et de gérer leurs écoles séparées.

En plus, si on fait allusion aux Statuts refondus pour le Bas-Canada, de 1861, section 65, paragraphes 1 et 2, on voit, à ce moment-là, que le syndic d'école protestante et également les commissions protestantes avaient le droit de choisir les professeurs, de régler le programme d'études et de choisir tous les manuels scolaires, sauf les manuels scolaires ayant trait à l'enseignement religieux.

Nous ne savons pas si de ces droits découlent des droits linguistiques ou non. On pose tout simplement la question, mais on n'a pas de prise de position là-dessus.

La question, parmi les directeurs généraux, qui nous tourmente le plus, c'est la suivante qui découle un peu des droits confessionnels, des droits des protestants de fréquenter des écoles protestantes. Si demain, M. le Président, j'ai une demande d'un parent d'un petit italien qui ne peut parler ni français, ni anglais, qui se présente au bureau du principal et qui se déclare protestant, ce petit garçon et ses parents ont-ils le droit de fréquenter une école protestante ou non? C'est la question que plusieurs de mes collègues se posent à l'heure actuelle.

Si, à toutes fins pratiques, à l'heure actuelle, les écoles protestantes dispensent un enseignement protestant à la suite de ce que je viens de dire, est-ce qu'on peut prévoir dans l'avenir un troisième réseau d'écoles de langue française, un géré par des commissions scolaires catholiques, un réseau privé et un autre réseau d'écoles de langue française géré par des commissions scolaires protestantes?

Alors, dans l'application, M. le Président, du projet de loi 22, c'est surtout la question de confessionnalité qui nous semble ne pas être étudiée en profondeur, dans l'élaboration du projet de loi 22. C'est surtout cette question qui nous tracasse. J'aimerais bien vous demander si peut-être vous pouvez éclaircir nos pensées sur ce point.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que ceci termine votre représentation?

M. DOUGHERTY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, j'invite immédiatement le ministre de l'Education à commencer la période des questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes...

M. DOUGHERTY: I cannot hear you.

M. CLOUTIER: Est-ce que vous m'entendez maintenant?

Je désire vous remercier, en tant que représentants de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes, pour la présentation de votre mémoire. C'est une brève présentation et ceci donnera peut-être aux membres de la commission l'occasion de le discuter en profondeur.

Je n'ai pas l'intention de faire de commentaires en ce qui concerne les aspects constitutionnels. La majorité, sinon la totalité des groupes anglophones qui se sont présentés devant nous, a soulevé ces points. J'ai eu l'occasion, ainsi que d'autres membres de la commission, de faire le point là-dessus, et de démontrer — du moins, je le crois — que la loi 22, quels que soient ses mérites ou quelles que soient les opinions que l'on puisse entretenir à son sujet, est constitutionnelle, qu'elle ne vient pas en conflit avec l'article 93 de la constitution canadienne, qu'elle ne vient pas, non plus, en conflit avec la Loi fédérale sur les langues officielles.

Je voudrais vous poser une seule question. Est-ce que vous souhaiteriez qu'une loi linguistique au Québec institutionnalise le bilinguisme?

En effet, à parcourir votre mémoire, j'ai eu l'impression que vous tentiez, par vos amendements, de transformer le projet de loi 22 en donnant une importance égale à l'anglais et au français, alors que le projet de loi 22 donne une importance plus grande, une priorité très nette au français.

M. ROY (Andrew): Quand on a fait allusion à l'article 1: "Le français est la langue officielle du Québec...", la question qu'on s'est posée était la suivante: On peut dire la même chose au Nouveau-Brunswick. Comme l'a soulevé hier soir Me Scott dans un article qui a paru dans la section D du Montreal Star, ce qu'on cherche, c'est une précision de cet article. Si on dit tout simplement: "Le français est la langue officielle du Québec...", c'est bien beau de dire cela. La langue française est officielle au Nouveau-Brunswick également. Cela ne dit pas que la langue anglaise n'est pas sur le même pied.

M. CLOUTIER: Et la législation au Manitoba? La langue anglaise est officielle. Il y a rien d'incompatible à ce qu'une province, compte tenu de sa population, décide de faire de la langue parlée par sa majorité la langue officielle. Le cas du Nouveau-Brunswick est peut-être particulier, en ce sens qu'au Nouveau-Brunswick on peut difficilement parler de majorité et de minorité. On est pratiquement en présence de deux majorités ou de deux minorités à quelque pourcentage près.

II ne semble pas y avoir d'incompatibilité entre une démarche comme celle-ci dans la mesure où les droits individuels sont préservés. Or, il semble bien que, dans le projet de loi 22, ces droits individuels sont préservés.

Je n'ai pas d'autre question.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais me référer d'abord à la page un de votre mémoire dans laquelle vous parlez, messieurs, du défaut — vous dites le manque, j'imagine que cela veut dire le défaut — de reconnaître l'anglais comme langue d'enseignement pour tous ces citoyens canadiens et immigrants qui ont choisi la langue française dans des milieux où la population anglophone est suffisamment nombreuse pour offrir un enseignement pédagogique viable. Vous dites qu'en conséquence votre association estime que le projet de loi 22 contredit les politiques et les législations du Canada sur le bilinguisme et le biculturalisme.

J'aimerais que vous nous indiquiez quelles lois canadiennes, quelles lois fédérales sont contredites par le projet de loi sur lequel vous avez soumis votre mémoire?

M. ROY: (Andrew): M. le Président, je suis certain que M. Morin lit régulièrement le Montreal Star et qu'il a eu la réponse hier soir, dans ce qui a paru dans la section D. Je pourrais facilement vous donner exactement la réponse à la question que M. Scott vous a donnée. Désirez-vous que je le répète?

M. MORIN: J'imagine que vous l'avez lue vous-mêmes attentivement et que vous êtes prêt à répondre à ma question.

M. ROY (Andrew): D'accord! M. MORIN: Alors, faites-le donc!

M. ROY (Andrew): Cela dépend premièrement de l'interprétation de votre titre I, encore une fois: Le français est la langue officielle du Québec. Si, par exemple, le gouvernement du Québec décidait d'abandonner la traduction de ses lois en anglais, c'est ceci qu'a dit M. Scott hier soir: "Section 133 of the BNA Act has not been amended. And that is the section which provides that the laws of Quebec must be in the two languages."

M. MORIN: Est-ce que vous savez que cet article s'appliquait également au Manitoba et qu'en 1890 la province du Manitoba a décidé néanmoins d'appliquer comme seule langue officielle la langue anglaise?

M. ROY (Andrew): M. Morin, j'en suis bien conscient. Je viens d'assister à un congrès de directeurs généraux des centres urbains à Banff, il y a quinze jours, où j'ai siégé avec le directeur général de la ville de Winnipeg. Mais cet après-midi, je pensais qu'on était ici pour discuter le projet de loi 22, ici, au Québec...

M. MORIN: De quoi parlez-vous?

M. ROY (Andrew): ...et non pas à Winnipeg.

M. MORIN: De quoi pensez-vous que nous parlons en ce moment?

M. ROY (Andrew): Vous avez posé la question, vous m'avez demandé si je connais ce qu'il se passe au Manitoba. Je sais très bien ce qui se passe à Saint-Boniface.

M. MORIN: C'est pour vous dire — je ne sais pas si vous l'admettrez — que l'interprétation qui est donnée dans le Montréal Star de l'article 133 n'est peut-être pas conforme aux précédents constitutionnels de ce pays. Elle n'est peut-être même pas conforme au texte de l'article 133.

M. DOUGHERTY: If I might respond to this for the purpose of this article, the English text is the official text. And the English text, its reads: ... "runs counter to..." It was not our intention that we were saying it was contradictory to law. It was our first intention to say: It was running counter to what was happening we hoped in the rest of Canada.

In the context of bilingualism, it was hoped that legislation in Canada since 1970, in particular 1966 and 1967, if you might had back that far, but that the trend was to increase bilingualism and to increase the rights of minority, not to subdue these. We said: "... runs counter to..." Mais en français, c'est un peu différent.

M. MORIN: Quelle que soit l'expression que vous ayez utilisée pour traduire: "... runs counter to...", est-ce que vous n'admettrez pas dans ce cas...

M. DOUGHERTY: ... seems to be going in the opposite direction.

M. MORIN: Bien. Est-ce que vous n'admettrez pas, dans ce cas, que la législation de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Ecosse, en somme de toutes les provinces, sauf le Québec, "seems to be going in the opposite direction? " Répondez audiblement, je ne vous entends pas.

M. ROY (Andrew): M. le Président, je ne sais pas où vous prenez vos renseignements. Comme je viens de vous dire, je reviens d'un congrès qui réunissait tous les directeurs généraux des grands centres du Canada et justement, durant

deux jours, nous avons consacré une partie de nos études à l'enseignement du français en dehors du Québec Ce qui m'étonne, c'est l'intérêt qui se manifeste à l'heure actuelle dans toutes les autres provinces en ce qui concerne le bilinguisme, le biculturalisme.

M. MORIN: Attention! On ne vous parle pas de supprimer l'enseignement de l'anglais au Québec en ce moment. Ne nous répliquez pas en nous disant qu'il est question d'étendre l'enseignement du français dans les autres provinces. Il n'est pas question de supprimer l'enseignement de l'anglais au Québec, ni du côté des ministériels, ni du côté de l'Opposition. Je ne sais pas quelle image vous vous faites des intentions du gouvernement ou des intentions de l'Opposition. Est-ce que c'est votre impression que le gouvernement, avec son projet, ou l'Opposition, dans son programme, tente de supprimer l'enseignement de l'anglais au Québec? Est-ce que c'est votre impression?

M. ROY (Andrew): Un point d'ordre, M. le Président. Est-ce que je suis obligé de répondre à ces questions?

LE PRESIDENT (M. Gratton); Vous êtes totalement libre de répondre ou de ne pas répondre.

M. ROY (Andrew): Dans ce cas je n'ose pas répondre.

M. MORIN: Vous n'osez pas répondre. Ecoutez, vous êtes entièrement libre; toutefois, vous nous laisserez libres aussi d'interpréter vos silences ou vos abstentions. Vous dites — ce sera ma seconde question et sans doute la dernière aussi, pour laisser le temps au député de Saint-Jacques de poser ses propres questions — vous dites avec raison à la page 2; "Le défaut de reconnaître le fait que les commissions scolaires protestantes ont des droits bien établis par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique constitue sans doute un fait dominant de la situation actuelle". Vous avez raison d'invoquer l'article 93, tout à fait raison. Il est évident que les commissions scolaires protestantes ont des droits bien établis en vertu de l'article 93, de même que, présumément, les commissions scolaires catholiques des autres provinces, au moins celles qui étaient touchées par l'article 93, c'est-à-dire l'Ontario, par exemple, le Nouveau-Brunswick et, plus tard, par le truchement du British North America Act de 1870, le Manitoba. Mais vous avez semblé indiquer, dans votre exposé oral, en vous fondant sur l'article du Montreal Star que l'article 93 protégeait également les droits linguistiques.

Je ne sais dans quelle mesure vous voulez reprendre ces propos à votre compte, mais je dois vous dire que, dans les trois autres provinces où cet article s'est appliqué, c'est-à-dire le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Ontario, l'enseignement public en français a été supprimé au cours des années. Il ne faudrait pas nous opposer cet article ici au Québec, alors qu'à sa face même, il ne porte que sur les droits confessionnels. Si vous invoquez l'article 93 comme protégeant les droits linguistiques, il faudra que vous teniez compte de ce qui s'est passé, d'abord au Nouveau-Brunswick, ensuite au Manitoba et ensuite, avec le règlement 17, en Ontario. Je ne sais si vous avez quoi que ce soit à répondre à cela, mais cela m'intéresserait de connaître votre réaction parce que, autrement, vous nous donnerez l'impression que vous vous servez de deux poids, deux mesures.

M. ROY (Andrew): Je prétends tout simplement, M. le Président, que les protestants ont des droits qui précèdent la Confédération, des droits confessionnels et peut-être, à la suite de cela, je le dis et je le répète, peut-être qu'il en découle des droits linguistiques. Je ne suis pas ici pour les discuter, on va laisser ça aux juristes.

J'aimerais bien cependant attirer votre attention sur le fait qu'avant la confédération, les protestants, les dissidents, les commissaires d'école protestantes avaient quelques droits; ils avaient le droit de choisir leurs manuels scolaires, de gérer leurs écoles, de choisir leur personnel. Je vous demande bien franchement si, aujourd'hui, une commission scolaire a le droit de choisir ses manuels scolaires, d'engager ses professeurs. Est-ce que ces droits confessionels ne pourraient pas aller à l'encontre d'un bill 22? Comme administrateur d'école, je vois des problèmes et je viens justement de vous en soulever un. Je serais bien intéressé à savoir, si le bill 22 passait, si vous étiez dans ma position, M. Morin, quelle serait votre réponse à cette question.

M. MORIN: Nous nous opposons au bill 22, M. Roy, vous le savez fort bien. Peut-être pas pour les mêmes raisons que vous, mais nous nous y opposons également. Mais j'aimerais faire remarquer qu'avec vos arguments et ceux qui sont parus dans le Montreal Star, on fait de la langue une religion.

M. ROY (Andrew): On fait...?

M. MORIN: De la langue une religion; c'est un peu neuf au plan consitutionnel.

M. ROY (Andrew): M. Morin, si on veut parler de facteurs historiques, je m'excuse de faire allusion à ça, mais peut-être que l'élément protestant fait exactement la même chose que ce qui s'est produit dans une autre communauté avant 1960.

M. MORIN: Donnez-nous des détails, je ne vous suis pas.

M. ROY (Andrew): Non, je ne donne pas plus de détails.

M. CHARRON: M. le Président, puis-je enchaîner aux questions de l'Opposition? Si vous allez du côté ministériel, ça m'est égal.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On peut peut-être passer du côté ministériel pour revenir ensuite à l'Opposition. Le député d'Anjou.

M. TARDIF: Je vous dirai tout de suite, monsieur, que le fait de ne pas répondre mine votre crédibilité et que nous avons tout intérêt à savoir ce que les gens pensent. Je pense que de, votre côté, vous avez tout intérêt à essayer de répondre aux questions, même si vous n'êtes pas complètement satisfaits des questions qui sont posées. Quoi qu'il en soit, à la page 2 de votre mémoire, vous dites: L'association s'oppose au défaut de reconnaître le fait que le meilleur avenir pour le Québec dépend d'une population bilingue. Est-ce que vous voulez dire par ça que, nécessairement, toute la population du Québec devrait être bilingue?

M. ROY (Andrew): Je m'excuse, je n'ai pas saisi votre question. Auriez-vous l'obligeance de la répéter, s'il vous plaît?

M. TARDIF: Ce que je veux dire, c'est ceci: En haut de la page 2 de votre mémoire, vous dites: L'association s'oppose au défaut de reconnaître le fait que le meilleur avenir pour le Québec dépend d'une population bilingue. C'est vous qui dites ça. Est-ce que, à ce moment-là, vous insistez pour que toute la population du Québec soit bilingue?

M. DOUGHERTY: No, it is not our intent that this be forced upon anyone. First of all, the brief that we submitted tries to be a conservative reasoning between quite radical approaches we consider and, secondly, as employees, it is our feeling that any legislation must be a democratic one leaving in the hands supposedly of those who are being ruled the right to decide for themselves.

In this context, it is felt that it is advantageous for individuals to be bilingual. If individuals are not bilingual, it does not mean that the province is not bilingual. What I am saying is it is quite possible to have a bilingual province, without each individual being forced to be bilingual.

We do not believe it is quite possible to force this upon every individual, but it should be a choice and it should be promoted to give them the opportunity, if possible, to be bilingual, and by bilingual, I mean English-French.

M. TARDIF: Maintenant, si vous estimez que les institutions au Québec doivent être bilingues, vous ne pensez pas qu'elles devraient l'être également dans les autres provinces?

M. ROY (Andrew): On accepte cela à 100 p.c.

M. TARDIF: Oui.

M. ROY (Andrew): Et je crois que, quand je vais à l'extérieur de la province, je suis le meilleur ambassadeur pour convaincre mes amis à l'extérieur, dans l'Ouest, que c'est justement dans ce but qu'ils devraient oeuvrer.

M. TARDIF: Oui, mais vous dites que...

M. ROY (Andrew): Complètement d'accord.

M. TARDIF: ... vous acceptez cela à 100 p.c. Vous ne trouvez pas que cela commence à être assez, après une centaine d'années, que le Québec soit la seule province qui soit effectivement bilingue et qu'on doive se fier nécessairement à la bonne foi et au désir manifesté par les autres provinces de se montrer éventuellement peut-être bilingues?

M. ROY (Andrew): Oui, mon cher monsieur. Mais si vous vous promenez sur Berard Inlet à Vancouver, demain soir, combien de Canadiens français allez-vous rencontrer?

M. TARDIF: Non, ce n'est pas cela.

M. ROY (Andrew): C'est tout simplement, et...

M. TARDIF: Ce n'est pas cela qui est le fond de la question. Vous dites que les institutions devraient être bilingues au Québec et que nécessairement elles devraient l'être également dans le reste du Canada, pour les autres provinces. Ne pensez-vous pas qu'au Québec on en a donné l'exemple pendant 100 ans et qu'il serait peut-être nécessaire, maintenant qu'on a vu que cela n'a peut-être pas servi à grand-chose, de récriminer pour exiger du bilinguisme dans les autres provinces? Au cours des 100 dernières années, cela n'a pas donné grand-chose. Vous ne pensez pas qu'il serait peut-être temps qu'on légifère en fonction des intérêts prioritaires de la majorité, tout en conservant à ceux qui sont minoritaires ici certains droits qui sont inclus dans le projet de loi no 22?

M. DOUGHERTY: I think it was clearly stated in our introduction that we are quite in favour of supporting and encouraging French. I think this is quite clearly established. And I think, partly in response to your question, that more has been done, we talk about a hundred years, but more has been done in the last six years about promoting French in the English schools than has been done in the previous hundred years.

Part of this has been done in the spirit of bill 63. Most of it has been done because of the organization, the positive orientation toward French that has been established by Protestant school boards and part of this has been encou-

raged by the directors generals as an association, and as directors generals as individuals.

We are not stating that the rest of Canada is an ideal. We would like to feel, if you want to compare with the rest of Canada, that we are far ahead of the rest of Canada today. And I would like to see Quebec stay ahead of the rest of Canada in promoting this.

M. TARDIF: Vous avez sans doute raison lorsque vous dites qu'il y a eu de l'amélioration dans l'enseignement du français comme langue seconde au cours des dernières années. Je pense personnellement qu'il était temps qu'il en soit ainsi. Mais, d'un autre côté, je vous pose la question suivante: Considérant le fait que les cinq millions de francophones au Québec n'ont pas 220 millions de personnes autour d'eux pour s'arc-bouter physiquement, économiquement et culturellement, vous ne pensez pas qu'il serait normal qu'on légifère prioritairement en fonction des intérêts de la majorité et qu'on laisse certains droits aux anglophones, mais certainement pas des droits qui se comparent à ceux des francophones? Vous ne pensez pas cela? Si je comprends bien, vous avez fait une équation. Il y a plusieurs groupes anglophones qui sont venus ici jusqu'à présent. L'équation est la suivante: On a toujours été des leaders dans ce domaine. On devrait continuer à l'être, nonobstant les dangers que la culture canadienne-française peut encourir au Québec. Et l'autre équation, c'est que bilinguisme égale, en fin de compte, bien souvent, parler anglais. Je pense personnellement que les groupes anglophones qui sont venus ainsi que vous-mêmes, vous êtes en rupture de ban avec la majorité ici au Québec.

Un des exemples que je vois, c'est lorsqu'à la page 3 vous faites allusion à différentes modifications qui pourraient être apportées. Vous acceptez sans doute que le français soit une langue officielle, qu'il ait un droit de priorité sur les autres langues.

Mais si je prends vos modifications éventuelles aux articles 6 et 9, on y voit que 9 p.c. de Canadiens français, qui habiteraient une municipalité, n'auraient pas le droit à une administration publique municipale de langue française. Vous ne trouvez pas cela contradictoire avec l'énonciation de votre principe voulant que vous reconnaissez la priorité à la langue française?

M. DOUGHERTY: It is one share here of economics as far as we are concerned, as well as serving the "milieu".

M. TARDIF: Oui, mais si on doit se fier exclusivement — monsieur, je m'excuse de vous interrompre — à l'économique, cela ne m'apparaît pas comme étant votre meilleur argument, parce que, à ce moment-là on va tout faire exclusivement en français et ce sera l'unilinguisme français. Je pense que ceux, qui vont écoper le plus, ce ne seront certainement pas les Canadiens français, mais ce seront les Anglo-Canadiens, si on se sert exclusivement des questions économiques pour mettre de l'avant un principe qui ne se concilie absolument pas avec votre déclaration de principe liminaire, voulant que le français doit être prioritaire au Québec.

En fait, vous ne voyez pas de contradiction entre le fait que, dans un endroit où il y a 90 p.c. de gens de langue anglaise, tout doit se faire en anglais alors que vous reconnaissez au Québec une priorité à la langue française.

M. DOUGHERTY: It does not seem logical even though we are prepared to promote French. It does not seem logical that a totally English organization operating in English must publish its public notices in French. We do not have the facilities. We do not think that we ever will have and, first of all, if the school board has the authority to engage its personnel, you are automatically stipulating the quality of personnel that it must engage. You are making French as the option in engaging this personnel.

M. TARDIF: Je pense que, en conclusion, M. le Président, ce groupe serait peut-être beaucoup plus honnête intellectuellement si, au tout départ, il ne reconnaissait pas la priorité au français et demandait ou exigeait plutôt un bilinguisme intégral. Quant à moi, je pense personnellement, si d'autres groupes anglophones continuent à mettre de l'avant un principe qui m'apparaft aussi inapplicable que le bilinguisme intégral, éventuellement, on pourra se réveiller avec des lendemains qui seront malheureux, je pense bien, pour tout le monde au Québec.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Juste une couple de questions, M. le Président, que j'aimerais poser à M. Dougherty. C'est cela, c'est bien votre nom?

M. DOUGHERTY: Oui, Dougherty.

M. SAMSON: Premièrement, M. Dougherty, est-ce que vous parlez vous-même français?

M. DOUGHERTY: Non, pas couramment.

M. SAMSON: Comment pouvez-vous soutenir, comme vous l'avez fait tantôt, le fait que vous êtes en faveur, de la promotion et d'encourager le français, alors que vous n'avez pas cru bon pour vous-même d'en faire une promotion?

M. DOUGHERTY: For the very simple reason, when I grew up in the province of

Quebec as an English Canadian, I did not have the chance to send my kids to the French school; bill 22 would keep me in the same category. My children of six years old and three years old are now bilingual.

Since I was 25 years old, j'ai bien essayé de parler le français, mais c'est une chance que je n'ai pas eue avant 25 ans.

M. SAMSON: Comment expliquez-vous le fait que vous n'avez pas pu envoyer vos propres enfants à des écoles francophones, parce qu'il n'y en avait pas ou quoi?

Je m'adresse à M. Dougherty, s'il vous plaît, je voudrais bien avoir sa réponse.

M. ROY (Andrew): J'ai vécu la même expérience, est-ce que je...

M. SAMSON: C'est de M. Dougherty que je veux avoir une réponse, non pas de M. Roy. Lequel des deux est M. Dougherty? C'est lui. Bon, c'est à lui que je m'adresse. C'est de lui que je veux avoir une réponse. Pourquoi vous n'avez pas pu envoyer vos enfants dans des écoles françaises? Il doit y avoir une raison, puisque vous dites que vous n'avez pas pu le faire.

M. DOUGHERTY According to the terms of bill 22 as I understand it, in order to change, they would have to pass a test established by some civil service to determine that they had sufficient French before they would be admitted to French schools.

M. SAMSON Mais avant le bill 22?

M. DOUGHERTY: This is, as I understand it, presently with the terms of bill 22. And if my children had sufficient knowledge to pass the test, I would not need to send them to the French school.

M. SAMSON: Mais avant le bill 22, est-ce que vous avez essayé d'envoyer vos enfants à des écoles françaises?

M.DOUGHERTY: I did not hear him. Avant maintenant?

M. SAMSON: Avant maintenant, est-ce que vous avez essayé d'envoyer vos enfants...?

M. DOUGHERTY: Avec la loi 63? Oui.

M. SAMSON: Oui, puis? Est-ce que vos enfants sont actuellement dans des écoles françaises?

M. DOUGHERTY: Dans une classe bilingue, 50 p.c. en français et 50 p.c. en anglais. J'en ai seulement un en première année. Un instant !

M. SAMSON: Ah bon! Alors, il va peut-être falloir étendre le projet de loi 22 à d'autres domaines. M. le Président...

M. DOUGHERTY: C'est une situation...

M. SAMSON: ... je note, à la page 2, paragraphe 2, "Le manque de reconnaître le fait que le meilleur avenir pour le Québec dépend d'une population bilingue". Ceci est votre interprétation. C'est votre opinion, si je comprends bien. Peut-être que M. Roy peut me répondre. C'est votre opinion, que l'avenir du Québec est avec...

M. ROY (Andrew): C'est souhaitable.

M. SAMSON: C'est souhaitable. Dans les démarches que vous avez faites et dans les voyages que vous nous avez mentionnés tantôt, à l'extérieur du Québec, dans les autres provinces, dans quelle proportion, selon vous, sont-ils aussi intéressés que vous à ce que la même chose se produise sur leur territoire, c'est-à-dire du Manitoba, de la Saskatchewan ou des autres provinces du Canada?

M. ROY (Andrew): M. le Président, je dirais que, parmi mes collègues, ils sont intéressés à garder le pays unifié, et ils savent fort bien qu'il faut bouger dans les autres provinces pour garder le pays ensemble.

M.SAMSON: Quelles sont les démarches concrètes, selon vous, qui ont été faites par vos collègues, ceux que vous mentionnez?

M. ROY (Andrew): Si vous prenez, par exemple, le cas du John Oliver High School à Vancouver, je dirais qu'au John Oliver High School il y aura une augmentation assez considérable des étudiants à partir du secondaire I où on enseigne le français depuis cinq ans. Je dirais que la même chose se répète dans les autres provinces dans l'Ouest.

M. SAMSON: Maintenant, comment expliquez-vous le fait que cela a pris si longtemps avant qu'ils se décident à faire quelque chose.

M. ROY (Andrew): C'est difficile pour vous, peut-être, de comprendre, mais dans mon cas, monsieur...

M. SAMSON: Je veux avoir votre opinion. Je ne suis pas ici pour vous dire ce que je veux. Je veux votre opinion.

M. ROY (Andrew): Ce n'est pas facile pour un anglophone d'apprendre le français. Je sais pendant combien d'étés j'ai fréquenté les cours d'été à l'université McGill pour apprendre le peu de français que je possède à l'heure actuelle. Je sais que je travaille en français tous les jours. Pour quelqu'un de l'extérieur qui a, disons une période par jour dans son école, en

français, c'est très difficile de devenir bilingue après une période par jour pendant cinq ans au secondaire.

M. SAMSON: M. le Président, une dernière question, advenant que — je regrette, mais je n'ai pas eu le temps de parcourir tout votre mémoire — tout ce que vous suggérez dans votre mémoire ne soit pas accepté par la commission, est-ce que votre association irait jusqu'à demander plutôt le retrait complet du projet de loi 22?

M. ROY (Andrew): Non, je dirais que non. Tout ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une formule qui pourrait faire avancer le sort de la majorité et, en même temps, respecter quelques droits de la minorité.

M. SAMSON: Vous n'avez peut-être pas saisi ma question comme il faut. Advenant que les suggestions que vous faites dans votre mémoire ne soient pas retenues par la commission parlementaire et que le projet de loi 22 ne soit pas amendé selon vos suggestions, est-ce que, plutôt que de ne pas le voir amendé selon vos suggestions, vous préféreriez le voir retiré?

M. DOUGHERTY: I would say that, as an employee group, you already heard our employer group yesterday whose prime position is to ask it to be withdrawn. I do not think it would be wise for us to speak and even to answer directly the question that you ask.

M. CHARRON: Ils ont dit de le retirer.

M. SAMSON: Si j'ai bien compris, vos employeurs ont demandé de le retirer. Vous êtes un employé modèle !

M. DOUGHERTY: C'est la position du QAPSB.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je vais revenir avec vous, si vous le permettez, sur le terrain proprement scolaire et essayer de vous réchapper sur ce terrain.

Vous avez dit, lorsque vous avez entrepris le dépôt de votre témoignage, que c'est comme administrateurs scolaires que vous vous posiez... Vous êtes, a dit M. Roy, comme directeurs généraux des commissions scolaires protestantes, peut-être le personnel de cadre le plus important, et donc, vous aurez à administrer cette loi et à l'appliquer.

Ce que j'ai trouvé tout à fait curieux, au moment où je m'apprêtais, en attendant la fin des questions du député de Rouyn-Noranda, à aborder la question sous l'angle sous lequel vous nous aviez invités à l'aborder, c'est d'entendre une phrase de M. Dougherty qui, à mon avis, a simplement prouvé qu'il n'a pas compris une loi dont il sera chargé de l'application, éventuellement, si jamais elle était adoptée.

Quand vous avez dit que si le projet de loi 22 était adopté et appliqué, vous ne pourriez pas placer vos enfants dans des écoles françaises, à moins de leur faire passer un test, je vous demande où vous avez vu cela dans le projet de loi.

M. DOUGHERTY: Dans le projet de loi 22?

M. CHARRON: Dans le projet de loi 22. Je me tue à le répéter à tous les anglophones qui se sont succédé à la table, il n'y a pas de test obligatoire, nulle part. C'est le statu quo, exactement comme vous, vous jugez de la connaissance suffisante d'un enfant francophone ou italien avant de l'admettre dans vos écoles, de la même façon un principal d'école francophone jugera, à son mérite, à son propos, à la façon dont il l'entendra... Parce que l'article 50, si vous le lisez avec moi, dit très bien: "It is the function of each school board, regional school board and corporation of trustees to determine to what class, group or course any pupil may be assigned, having regard to his aptitudes in the language of instruction". C'est clair. C'est le statu quo. C'est ce que vous avez déjà actuellement.

M. DOUGHERTY: Dans l'article 49, avant...

M. CHARRON: L'article 49 dit: "Les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue". Qui établira les critères de cela? Vous? Le ministère n'apporte aucun règlement actuellement.

M. DOUGHERTY: I would think that this is exactly...

M. CHARRON: Si vous me permettez, avant que vous ne répondiez...

M. DOUGHERTY: Oui.

M. CHARRON: ... puisque vous êtes des employés fidèles comme disait le député de Rouyn-Noranda, vos employeurs hier m'ont répondu qu'effectivement ils relèveraient d'eux-mêmes, sans critère précis venant du ministère ou de la loi, pour analyser la connaissance d'usage. Ceci peut être: Do you speak English? Yes, I speak English, et voilà, la connaissance d'usage vient d'être faite et vous êtes admis dans l'école anglaise ou vice versa. C'est ce qui se passe actuellement, comme le droit de la commission scolaire à placer un élève à son groupe. Vous le savez. Vous êtes administrateur scolaire. C'est le statu quo. A Brossard, on a décidé, cette année,

devant l'inaction du ministre de l'Education, de profiter de cette disposition qui existe déjà aux lois de l'éducation, de prendre les enfants qui s'inscrivaient à l'école anglaise et de les inscrire à un niveau inférieur pour ainsi décourager l'assimilation des francophones à l'école anglaise. Mais tout cela existe déjà.

M. DOUGHERTY: I believe that this is exactly the intent of this bill and if it is the intent of the bill to protect the freedom of choice, then we are in favor of the bill.

M. CHARRON: Ah! C'est cela.

M. DOUGHERTY: If it is the understood. However, we find that this is not quite the intent as we believe it to be and if it is not...

M. CHARRON: II ne faut pas que vous preniez le "traficage" qu'a fait le ministre pour le texte français. C'est fait pour l'opinion publique francophone. Il faut que vous preniez la portée réelle du projet de loi et la portée réelle du projet de loi est la liberté de choix qui, pour le ministre de l'Education, est un principe, pour son collègue de la Justice est une mesure pratique, peu importe, la liberté de choix est intégralement maintenue. Le ministre le dit. En vertu de l'article 51, le ministre peut imposer des tests et le ministre a déjà dit lui-même que c'était dans des cas où la situation l'y obligerait: Laval, Brossard, Saint-Léonard. Enfin, vous les connaissez les cas où la situation obligerait le ministre à intervenir.

Mais, jusqu'au moment où le ministre intervienne — je m'excuse de prendre ce temps, mais c'est important puisque vous me dites que vous seriez en faveur du bill le jour où vous l'auriez bien compris — c'est ce que le projet de loi dit actuellement, la liberté de choix est intégralement maintenue. Il en demeurera à vous, comme administrateurs scolaires, de placer les enfants au niveau où vous voulez les placer, exactement comme dans le cas actuel, c'est à vous de le faire. Et la question, M. Roy, que vous posiez tantôt quand vous vous demandiez si un enfant d'Italien, un jeune Italien, ne parlant ni anglais, ni français, vous arrivait et vous disait : Je suis protestant, si vous deviez le prendre, vous l'envoyez à l'école française protestante. Il en existe. Le respect de sa confessionnalité, dans les dispositions de l'article 93 de la constitution, etc.. Remarquez, comme vous l'a dit le chef de l'Opposition, que cela n'a pas embarrassé les autres provinces, mais si nous autres, cela nous embarrasse encore, on veut respecter la confessionnalité, vous lui direz: Oui, monsieur, vous avez droit d'avoir un enseignement dans votre foi, mais en français. Alors, je vous demande simplement, parce que le député de Laporte est toujours soucieux du règlement...

M. TARDIF: On ne peut pas en dire autant de vous.

M. CHARRON: Je vous demande simplement si vous êtes d'accord avec moi pour dire que le projet de loi actuellement, pour vous, comme administrateurs scolaires, ne change rien, en fin de compte, dans les dispositions que vous avez faites, à moins que le ministre quitte ses nuages et décide de venir nous informer de la portée du projet de loi.

M. CLOUTIER: Allons, M. le Président,...

M. CHARRON: Jusqu'à ce moment, nous en sommes exactement au même point.

M. CLOUTIER: ... demandez donc au député de Saint-Jacques de cesser de provoquer les membres de la commission parce qu'il a devant lui un auditoire qui semble lui plaire.

M. CHARRON: On ne peut pas en dire autant, quand vous aviez la Chambre de commerce...

M. CLOUTIER: Si nous étions à huis clos, le député de Saint-Jacques se tairait et là nous pourrions mesurer la pauvreté de sa pensée.

M. CHARRON: M. le Président, lorsque nous sommes à huis clos, le ministre est habituellement dans les rideaux.

M. CLOUTIER: Nous mettons fin à cet échange, soyons sérieux.

M. CHARRON: On ne met pas fin à cet échange, je m'excuse si cela vous embarrasse. Vous utilisez actuellement le mécontentement anglophone pour vous gagner des appuis chez les francophones.

M. CLOUTIER: M. le Président, il existe un règlement. Sur une question de règlement.

M. CHARRON: Nous avons l'occasion...

M. CLOUTIER: Je déteste invoquer le règlement, parce que je veux que chacun puisse s'exprimer, mais il y a tout de même une signification à une commission parlementaire, c'est qu'elle a pour fin d'entendre les témoins, de leur permettre de s'exprimer et de permettre aux membres de la commission de poser des questions, non pas pour faire de la politique de façon détournée, mais pour s'éclairer. Or, le député de Saint-Jacques fausse entièrement actuellement la signification de la commission parlementaire. C'est la raison pour laquelle le débat aura lieu à l'Assemblée nationale comme il se doit. Je n'ai pas l'intention de m'y prêter, quelles que soient les provocations.

M. CHARRON: Vous êtes sur le même point de règlement, M. le Président. Je fausse peut-être la signification de la commission parlementaire, mais j'aimerais que le ministre

me prouve que je fausse la signification du bill. C'est cela qui est important.

M. TARDIF: Règlement...

M. CHARRON: Ce n'est pas au député de Laporte de me donner ces précisions, on a un ministre qui est censé être responsable, encore pour quelques jours.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Qui devrait être en mesure de nous donner des renseignements là-dessus.

M. DEOM: Votre temps est écoulé.

M. CHARRON: Je vous demande simplement, monsieur, c'est la question que je vous ai posée, si les articles 48, 49 et 50 actuellement, à vous, comme administrateur scolaire, posent des modifications considérables, puisque c'est vous qui aurez éventuellement à appliquer cette loi.

M. DOUGHERTY: On the point of order, Mr President, if we were in favour of the contents of bill 22, we would not be here. We presented a brief to question certains articles. I do not believe that it is right for us to be submitted or even to respond to certain items from the Opposition.

M. CHARRON: Ce sera jugé. Ce que vous venez de dire là, c'est une position politique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La dernière question est par le député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, je suis toujours surpris des longs préambules du député de Saint-Jacques, parce que, devant la commission parlementaire des communications, on nous a dit que la langue était une dimension minimale de la culture. Je me demande donc pourquoi il prend tant de temps pour poser ses questions.

M. CHARRON: C'est...

M. DEOM: La mienne sera beaucoup plus précise. Vous nous avez parlé de bilinguisme et vous vous êtes référé à Vancouver en indiquant qu'à Vancouver il n'y avait pas lieu pour les Canadiens d'apprendre le français. Pensez-vous qu'on peut se faire le même raisonnement et qu'on puisse dire qu'au Québec, pour une grande partie de la population, ce n'est pas absolument obligatoire qu'elle apprenne l'anglais?

M. ROY (Andrew): Auriez-vous l'obligeance de répéter votre question? Excusez-moi, mais je n'ai pas tout à fait saisi.

M. DEOM: En parlant de bilinguisme intégral, vous nous avez donné l'exemple de Vancouver. Vous nous avez dit que vous ne voyiez pas la nécessité pour les gens de Vancouver d'apprendre le français, parce qu'ils ne l'utilisaient pas. Dans ce même ordre d'idées, est-ce que vous seriez d'accord pour constater la même situation au Québec et pour accepter que, pour une très grande majorité des Québécois, il n'y a pas de nécessité d'apprendre l'anglais?

M. ROY (Andrew): Pour répondre à votre question, je dirais que c'est utile pour la majorité de savoir parler anglais, pour la minorité, c'est indispensable.

M. DEOM: Mais vous ne répondez pas à ma question, en tout cas. Pensez-vous que le bilinguisme intégral est possible? Est-ce que vous imaginez, vous référant à votre...

M. ROY (Andrew): Au Québec, M. le député?

M. DEOM: Non, dans l'ensemble du Canada.

M. ROY (Andrew): Non, je ne crois pas.

M. DEOM: Vous ne croyez pas au bilinguisme intégral?

M. ROY (Andrew): Je le souhaiterais.

M. DEOM: Pourquoi l'appliquerait-on à ce moment-là au Québec seulement?

M. ROY (Andrew): Premièrement, je dirais parce que les anglophones sont suffisamment nombreux ici. Nous avons à peu près 20 p.c. qui sont d'expression anglaise. Au Nouveau-Brunswick, on pourrait avoir des districts bilingues, en Ontario aussi, mais quand vous commencez à parler de l'Ouest, alors je dirais qu'il n'y a pas une agglomération de Canadiens français assez nombreuse pour faire une force suffisante pour motiver la majorité à parler français. Pour apprendre une langue seconde, M. le député, il faut être motivé. Je dirais que c'est un manque de motivation dans l'Ouest.

M. DEOM: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, merci. J'invite donc The Association of Protestant School Business Officials of Quebec à bien vouloir se présenter à la table, s'il vous plaît.

M. DOUGHERTY: Merci, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Boule?

M. BOULE: C'est moi. Mais M. Scarfoney va parler avant moi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, si vous voulez commencer par nous présenter les gens, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît.

Association des administrateurs protestants du Québec

M. SCARFONEY: M. James Boule, à ma droite, président de notre association, M. H. Sylvia, vice-président de notre association. Je suis Franco Scarfoney, un des directeurs de notre association.

M. le Président, nous avons pensé présenter notre mémoire en français, mais vu que le député de Saint-Jacques a suggéré au Comité Canada de présenter son mémoire en anglais, et étant donné, nous n'en faisons pas un secret, que nous sommes plus à l'aise en anglais qu'en français, si vous voulez, M. le Président, nous allons présenter notre mémoire en anglais. C'est M. James Boule qui va lire notre mémoire.

M. BOULE: M. le Président, messieurs. The Association of Protestant School Business Officials of Quebec is concerned primarily with the business functions of the educational field. One of its aims is to provide through its members to their employers and to the government "input" on relevant matters. In this context, the Association believes it is obliged to express its opinion on the proposed bill 22.

We question seriously the interpretation being placed on statistics in reaching the conclusion that the language of the majority is indeed being eroded in its use and strength in the Québec of today. The increased use of French in business and industry and the degree of bilingualism of the non-Francophone population provide ample evidence to the contrary.

We question the wisdom of taking coercive steps under any guise as a means for achieving the pre-eminence of any language or culture.

We question the wisdom of elected representatives abrogating the policy making function to civil servants. Bill 22, as proposed, leaves too much power in the hands of the technocrats and is thus an open invitation for abuse in its application.

We question the wisdom of dividing a populace into segments with unequal status. It is not by such means that the art of human communication can be stimulated. Rather, attitudes will harden and stresses will develop. No modern society can afford the luxury of such divisive forces.

Each citizen is a potential contributory to the economic well being and growth of the province. We cannot accept that an elected government in a democratic society shall legislate the advancement of any segment at the expense of another. Our growing society requires capital and an influx of people. We can see nothing in this proposed legislation which encourages either. On the contrary, we believe there will be a resultant exodus of both.

Many aspects of the legislation are unrealistic in terms of the best utilization of manpower and abilities. The enforced substitution of linguistic criteria over managerial skills is counterproductive.

For these reasons, we strongly recommend that the government withdraw bill 22. A more vigorous effort must be made to stimulate the currently available means at its disposal to encourage and facilitate the development of a truly bilingual citizenry: one which is prepared and willing to respect the cultural and linguistic heritage of each individual.

By such means, the economic aspirations of all Quebecers may best be served and the culture of each of its elements will be preserved. And I submit this for your amusement if nothing else.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Thank you, Mr Boule. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier l'Association des administrateurs protestants du Québec pour nous avoir présenté son mémoire. Je n'aurai qu'une seule question. Dans ce mémoire, on semble se demander s'il est nécessaire de prendre des mesures coerciti-ves pour obtenir la prééminence d'une langue ou d'une culture. Est-ce à dire que vous préféreriez que le gouvernement n'intervienne absolument pas en matière linguistique par voie législative?

M. BOULE: At the moment, I find certain ambiguities in articles 21, 23, 38, 46 and 47.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas ma question. Vous dites dans votre mémoire que vous préféreriez qu'il n'y ait pas de mesures coercitives en matière de langue et de culture. Je vous réfère au troisième paragraphe. Est-il recommandable, vous demandez-vous, de prendre des mesures coercitives sous n'importe quelle forme pour obtenir la prééminence de n'importe quelle langue ou culture? Je vous demande si vous auriez préféré que le gouvernement n'intervienne pas du tout en matière linguistique par voie législative?

M. BOULE: I would prefer bill 63.

M. CLOUTIER: D'accord, je m'en doutais un peu. Maintenant, est-ce que je dois conclure que vous êtes satisfaits de la situation actuelle, telle qu'elle existe, en matière linguistique?

M. BOULE: Yes.

M. CLOUTIER: C'est ça. Est-ce que vous pouvez admettre que la majorité francophone ici puisse ne pas être satisfaite?

M. BOULE: I am not so sure that that is right. I have heard certain statistics exposed by Mr Bourassa. I questioned those statistics. I find

it difficult to believe. But then, may be, it is probably because I come from an area of the province where French and English still coexist.

M. CLOUTIER: Parfait. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Monsieur, je voudrais commencer par vous dire que nous sommes tout â fait d'accord sur certaines parties de ce mémoire, en particulier le quatrième paragraphe où vous dénoncez le pouvoir discrétionnaire qui est laissé entre les mains, comme vous le dites, des technocrates, situation qui entraîne le risque d'abus dans l'application de la loi. Nous sommes d'accord sur cela; je tiens à vous le dire. Cela étant dit, j'ai quelques questions à vous poser sur votre second paragraphe. Vous nous dites, et le dernier opinant l'a répété il y a un instant, que vous vous demandez sérieusement quelle interprétation donner aux statistiques établissant que la langue de la majorité au Québec est effectivement en train d'être rongée dans son emploi dans le Québec d'aujourd'hui. Est-ce que vous avez pris connaissance du rapport Gendron sur cette question?

M. BOULE: Oui.

M. MORIN: Donc, vous aurez pu constater que, dans la région de Montréal en particulier, 53 p.c. des francophones font usage des deux langues au travail mais seulement 31 p.c. du côté anglophone. Vous aurez pu prendre également connaissance du fait qu'à Montréal, le bilinguisme est une condition d'obtention du premier emploi plus souvent pour les francophones, beaucoup plus souvent, que pour les anglophones. A ces chiffres je pourrais ajouter beaucoup d'autres considérations, comme par exemple la suivante: dans la région de Montréal, l'assimilation ne donne qu'un gain net de 1,600 individus ou personnes au français contre un gain net de 87,000 à l'anglais. Est-ce que ces chiffres ne vous ont pas fait réfléchir sur l'état actuel de la langue française au Québec?

M. BOULE: I do not have access to your figures, but I have certain figures in front of me which indicate that the population of the province of Quebec is 6,027,000. The French population is 3,668,000. As a percentage that is just a little bit better than 50 p.c. of the total population in the province of Québec.

There are 632,000 English and there are other very substantial segments of the population who are of either ethnic groups.

M. MORIN: Où avez-vous pris ces chiffres-là? Je pense que des deux côtés de la table, nous serions curieux de le savoir.

M. BOULE: From the statistics that have just been released, it concerns the population, official language, language most often spoken at home, and sex from the Census Division, 1971.

M. MORIN: Est-ce que vous avez des pourcentages aussi, devant vous?

M. BOULE: The percentages, I have not worked them out.

M. MORIN: Et vous... M. BOULE: But...

M. MORIN: ... nous dites que, sur la base de ces chiffres, un peu plus de 50 p.c. des habitants du Québec sont francophones?

M. BOULE: There are 3,668,000 French Canadians in the province of Quebec.

M. CHARRON: Ecoutez...

M. BOULE: Do you have 5 million? According to some fellow over here, you have 5 million.

M. ROY: J'ai l'impression qu'ils ont ajouté les libéraux.

M. MORIN: Non je crois que... Est-ce que vous pourriez nous faire parvenir copie de ces statistiques...

M. BOULE: Peut-être après.

M. MORIN : Cela vient du recensement?

M. BOULE: 1971.

M. CHARRON: Voyons donc!

M. SAMSON: M. le Président...

M. CHARRON: II y a toujours un bout...

M. SAMSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une petite question?

M. MORIN: Oui.

M. SAMSON: Dans les chiffres que vous venez de mentionner...

M. BOULE: Oui.

M. SAMSON: ... vous n'avez pas dans vos statistiques, le pourcentage de langue française et le pourcentage de langue anglaise, plutôt que les groupes ethniques? Parce qu'il n'y a rien qui nous dit de quelle langue ou à quelle communauté, soit francophone ou anglophone...

M. BOULE: There are...

M. SAMSON: ... ces groupes ethniques se sont joints.

M. BOULE: ... 632,000 English and there are 1,663,000 English and French-speaking people in the province of Quebec.

M. SAMSON: Mais le partage entre les deux, quel est-il?

M. BOULE: The other million people are made up of both. These are bilingual people. 1,663,000...

M. SAMSON: Un instant, bilingues d'accord, mais de langue française d'abord, cela fait combien?

M. BOULE: 3,668,000...

M. SAMSON: Non ce n'est pas cela, l'autre million dont vous nous avez parlé.

M. MORIN: De toute façon, je veux bien accepter vos chiffres, monsieur, mais vous allez être obligés d'admettre que le français en prend un coup et que la situation est bien plus grave que celle que je connaissais.

M. BOULE: I doubt that.

M. MORIN: Parce que je m'étais fondé simplement sur les statistiques fédérales de 1971...

M. CHARRON: Cela vaut ce que ça vaut.

M. MORIN: ... qui nous dit qu'au Québec il y a 6,027,765 personnes...

M. BOULE: Oui.

M. MORIN: ... dont 789,185 anglophones, 4,867,250 francophones et 371,330 personnes classées comme étant autres. Cela ne correspond pas tout à fait avec vos chiffres, mais remarquez, si vous insistez, je suis prêt à vous suivre sur votre terrain.

M. BOULE: I do not see what this adds to the argument, to begin with.

M. MORIN: Comment?

M. BOULE: I do not see what this adds to the argument.

M. MORIN: C'est que vous avez l'air de dire qu'il n'y a pas de problème linguistique au Québec. Remarquez que, si je me plaçais de votre point de vue, j'imagine que les problèmes de la minorité francophone à l'intérieur du Canada et de la majorité francophone à l'intérieur du Québec me paraîtraient peut-être très lointains. Mais je pense que ce n'est pas à vous de nous dire s'il y a problèmes ou pas. Je vous le dis en tout respect, parce que vous, nos invités...

M. BOULE: At the moment, I do not really see any problem in Quebec with the present system that we have. We are here at this meeting today, it is being entirely conducted in French.

M. MORIN: Pour vous, c'est tout à fait exact, il n'y a pas de problème.

M. BOULE: You have... M. MORIN: ... mais enfin...

M. BOULE: ... the right. You have all the rights and prerogatives that you wish at the moment.

M. MORIN: Oui?

M. BOULE: The only thing you are trying to do with bill 22 is to legalize it and make it more...

M. MORIN: Non, non.

M. BOULE: ... it would appear to me.

M. MORIN: Je suis comme vous, messieurs, opposé au bill 22. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je constate simplement...

M. CLOUTIER: Probablement.

M. MORIN: ... que vos chiffres sont un peu bizarres.

Laissez-moi maintenant vous poser une autre question. Vous nous dites "que l'emploi croissant de la langue française dans le domaine du travail et de l'industrie et le niveau de bilinguisme que l'on retrouve dans les milieux non francophones nous donnent la preuve du contraire", c'est-à-dire prouveraient que la langue française est loin d'être en danger au Québec. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la langue de travail chez les administrateurs protestants du Québec?

M. BOULE: L'anglais.

M. MORIN: C'est l'anglais.

M. BOULE: Certainement.

M. MORIN: Est-ce que c'est uniquement l'anglais?

M. BOULE: Non.

M. MORIN: Est-ce que vous employez le français?

M. BOULE: Parfois.

M. MORIN: Quand?

M. BOULE: When we arrive in Quebec.

M. MORIN: Comme aujourd'hui.

M. BOULE: Every morning when I open my mail.

M. MORIN: Oui.

M. BOULE: I conduct my business in French, because it is all received in French, "mon ami".

M. MORIN: Et, est-ce que vous répondez en français?

M. BOULE: Si c'est nécessaire.

M. MORIN: Et cela représente quel pourcentage?

M. BOULE: I do not feel that, under the existing laws in the province of Quebec, it is necessary.

M. MORIN: Bien, c'est parce que...

M. BOULE: At the moment, any person can write to any other person in French and can be responded in English and vice versa.

M. MORIN: Soyons bien précis.

M. BOULE: And this is the basic right of any human being.

M. MORIN: Très bien. Soyons posés de part et d'autre, monsieur. Je ne cherche pas du tout à vous coincer. Je cherche simplement à savoir quelle est la pratique chez les administrateurs protestants. Vous venez nous dire que les milieux non francophones voient leur niveau de bilinguisme s'élever. J'aimerais savoir ce qu'il en est dans votre milieu, puisque c'est celui que vous connaissez le mieux. Vous ne pouvez pas venir nous parler de l'industrie, puisque vous n'y êtes pas, mais dans votre milieu d'administrateurs protestants du Québec, quelle est la pratique?

M. BOULE: Basically, we are English-speaking people. So therefore we conduct our business in English. When it is necessary to conduct our business in French, with our French counterpart here in Quebec, in the ministry of Education... And I must say to their benefit that most of the people that we deal with in the Department of Education are quite bilingual and we have no feeling of prejudice whatsoever in our dealings with the Department of Education.

M. MORIN: Non, vous savez, là-dessus il n'y a pas de problème. Quand un anglophone ne sait pas le français ou s'exprime mal en français, nous sommes tout à fait disposés à l'entendre en anglais. C'est ce que nous faisons cet après-midi et c'est sans doute ce que fait le ministère. Là-dessus, tout le monde est d'accord, mais nous aimerions connaître, lorsque vous n'avez pas affaire au pouvoir, autrement dit lorsque vous n'êtes pas en position de demandeur, quand on s'adresse à vous dans la correspondance, quelle est votre attitude. Vous me dites que vous répondez en français quand c'est nécessaire.

M. BOULE: When it becomes an economic necessity for me to hold on my job.

M. MORIN: Oui.

M. BOULE: As an individual...

M. MORIN: Oui.

M. BOULE: ... on that basis, I assure you, Sir, that I will do it and be able to do it.

M. MORIN: Bien. Vous recevez de la correspondance en français chez les administrateurs protestants du Québec. Vous recevez de la correspondance comme celle-là assez souvent? Tous les matins, me dites-vous?

M. BOULE: Practically every day, we receive correspondence from the Department of Education in French. There is no problem with that.

M. MORIN: Je ne parle pas du ministère. Je comprends très bien...

M. BOULE: D'autres correspondances aussi.

M. MORIN: Oui?

M. BOULE: Certainement.

M. MORIN: Est-ce que vous répondez en français à vos correspondants français?

M. BOULE: Cela dépend.

M. MORIN: Cela dépend de quoi?

M. BOULE: That depends on who it is.

M. MORIN: Ah! Expliquez-moi cela.

M. BOULE: The difference is that if I happen to know the individual involved and if he is someone I know that does not speak English, I have no hesitancy whatsoever about trying to use my poor French at the moment and put it into correspondence. But the fact is that I do not see the real need for a bill that is bill 22. I mean I am not against some of the

philosophy in here, I am not against some of the theory in here. I think it is good. Within the context of Quebec, I see nothing wrong with the basic philosophy of bill 22. What I see wrong with bill 22 is the way it is written in certain clauses.

M. MORIN: J'ai une dernière question.

M. BOULE: All right, I can name you a dozen clauses if you wish; but I do not like articles 21, 23, 38, 46, 47, 67, 87,104, 51, 35, 36.

M. MORIN: J'espère que le ministre sait compter en anglais. Bien.

Messieurs, une dernière question.

M. BOULE: The contexts of these clauses are easily understood, but they leave too much latitude in their application.

M. MORIN: Là-dessus, je vous ai dit que nous étions d'accord, que ce projet de loi pèche par imprécision. Croyez bien que nous ferons valoir les arguments qu'il faut faire valoir en temps et lieu.

J'ai une dernière question à vous poser. Vous dites: "Est-il recommandable ..." — attendez, en anglais, "We question the wisdom" — "Est-il recommandable de prendre des mesures coerci-tives sous n'importe quelle forme pour obtenir la prééminence de n'importe quelle langue ou culture"? Est-ce que vous ne savez pas que dans de nombreux pays, on a imposé une langue officielle ou des langues officielles pour, précisément, obtenir la "prééminence", pour sauver, quelquefois même , la langue du pays, et la protéger contre un certain nombre d'agressions extérieures? Est-ce que vous ne savez pas que cela s'est fait dans de nombreux pays?

M. BLANK: Quels pays?

M. MORIN: II y a énormément de pays où il y a des langues officielles.

M. BLANK: Oui, mais quels pays ont imposé une...

M. MORIN: J'ai posé la question, ensuite je vous répondrai. J'ai posé au témoin...

M. BLANK: Je veux savoir quels pays... UNE VOIX: ... répondre tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BOULE: Perhaps the imposition of an official language has been practiced in other countries and throughout history, but I think, if you start with very early history, go back to the Macedonians, Egyptians, Romans, Germans, you will find that the imposition of a language on another group has never had, as far as I know — history happen to be one of my favourite subjects — has never, to my knowledge, given the desired results in the long run, over a long period...

M. MORIN: Oui, sauf au Manitoba.

M. BOULE: ... and I do not think... Manitoba... You are talking about 5,000 French Canadians in a total population of 988,000, I think it is a disgrace that these people have not been recognized as a group with their language rights...

M. MORIN: C'était bien plus que 5,000 au départ; il n'en reste plus que 5,000 aujourd'hui.

M. BOULE: Oui, peut-être.

M. MORIN: Mais si on doit vous nommer des pays pour répondre au député, on pourrait faire le tour de l'Europe, et en trouver une bonne dizaine. Il y a des lois sur les langues officielles dans la plupart des pays nordiques dont la Finlande...

M. BOULE: Mr Morin, two wrongs do not make a right.

M. MORIN: Oui, mais je tiens à vous dire qu'il y a eu beaucoup de cas... Dans 34 Etats américains, au cour de l'histoire des Etats-Unis, il y a eu des lois qui imposaient l'anglais, contre l'allemand, contre l'espagnol, contre le français, contre tout venant, n'est-ce pas? Et que ceci est encore fait aujourd'hui dans des pays tout à fait civilisés, tout en respectant dans certains cas les droits des minorités. Nous ne sommes pas en train de vous dire, comprenons-nous bien, qu'on veut vous priver de vos écoles, par exemple. H n'est pas question du tout de cela. J'espère que vous n'êtes pas venus ici avec cette idée. Parce qu'alors vous êtes évidemment partis du mauvais pied dans votre comparution.

Non, c'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président, mais je trouve que vous auriez eu peut-être intérêt à écrire un mémoire un peu plus réfléchi, un peu mieux documenté et un petit peu plus long. Une page comme cela pour traiter de problèmes aussi fondamentaux, monsieur, c'est un petit peu court.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. BOULE: Your comments... May I answer to this? Your comments are well received, relative to the one-page document submitted. I must admit, when we sat down to do it, we did not think that this one page or a hundred pages would be taken very seriously. So, in the...

M. MORIN: Vous dites que le gouvernement

n'aurait pas accueilli un mémoire plus substantiel? Je m'en étonnerais beaucoup.

M. CHARRON: Ou alors, c'est parce que vous connaissez bien le ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. BOULE: The interest and amusement that this one page has afforded at the gathering here today, are appreciated.

If it were necessary, we will be quite happy to submit something in the great deal of more detail but I submit that perhaps, by the time these hearings are finished, sufficient revision will be made to bill 22, to make it more acceptable to all of us.

At the moment, it is not acceptable. It is not acceptable to you and it is not acceptable to me as it is presently written and it is not acceptable to my colleagues as it is presently written.

The basic philosophy, the basic contacts of the document are understood and I am not in disagreement with those basic philosophies, and neither are the people who I work with but the fact is that the document as it is written right now, with all the respect to Dr Cloutier, turns me off and it turns me off in many ways. And I think enough has been said.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Quant à nous, on ne tiendra pas rigueur à l'association d'avoir présenté un document d'une seule page. Cela fait partie des libertés des associations et des individus de débattre le sujet à leur façon. Mais je voudrais, immédiatement, dire que nous partageons peut-être un point de vue que vous énoncez dans votre document. Nous partageons le point de vue du retrait du projet de loi pour des raisons, probablement, différentes des vôtres, sûrement différentes des vôtres, mais, quand même, nous partageons ce point de vue.

Cependant, en interrogeant les responsables, les représentants de cette association, je voudrais leur demander s'ils ne trouvent pas contradictoire le paragraphe 2, par exemple, où vous dites: "On se demande sérieusement quelle interprétation fut donnée quant aux statistiques déterminant que la langue de la majorité au Québec est, effectivement, en train d'être rongée dans son emploi et sa force dans le Québec d'aujourd'hui. L'emploi croissant de la langue française dans le domaine du travail et de l'industrie et le niveau du bilinguisme que l'on retrouve dans les milieux non francophones nous donnent preuve du contraire".

Ne trouvez-vous pas qu'il y a contradiction entre ce paragraphe, cet énoncé de principe et la déclaration que vous avez faite tantôt prétendant, d'après les statistiques que vous nous avez démontrées et qui sont les vôtres, que les parlant français ne sont pas plus nombreux qu'environ 50 p.c. au Québec?

Alors, si les statistiques que vous avez énoncées sont valables, d'une part, cela voudrait dire, selon vous toujours, que les Canadiens français parlant français ou les parlant français au Québec ne sont pas plus nombreux qu'environ 50 p.c. alors que, dans le paragraphe 2, vous soutenez qu'il n'y a pas de danger pour la langue française parce que cela va en s'accrois-sant et que c'est la grande majorité.

Ne trouvez-vous pas qu'il y a quand même là une contradiction flagrante?

M. SCARFONEY: Si vous regardez les chiffres qu'on vous donne pour la population anglophone, même ces chiffres sont réduits, la contradiction est là. Nous parlons maintenant de 638,000 anglophones au Québec, ce qui veut dire que le restant de ce groupe se retrouve dans la catégorie des bilingues où on retrouve 1,663,790 bilingues au Québec.

M. SAMSON: Oui, d'accord, mais...

M. SCARFONEY: Donc, il n'est pas question que la population francophone au Québec soit en train de diminuer, mais plutôt qu'il y a un certain nombre de gens au Québec qui croient que le bilinguisme peut être une solution plus valable que l'unilinguisme, soit-il francophone ou anglophone.

M. SAMSON: Oui, mais selon votre interprétation, dans le groupe que vous considérez, selon les statistiques que vous nous avez données tantôt, comme bilingue, qu'est-ce que le mot "bilingue" veut dire? Est-ce que c'est rattaché à la communauté francophone de la majorité ou rattaché à la communauté anglophone de la minorité? Quelle est votre interprétation?

M. SCARFONEY: Peut-être puis-je vous donner un peu d'histoire à mon sujet particulièrement et peut-être au sujet de beaucoup d'autres ressortissants italiens. Ma famille a laissé l'Italie il y a plus de 100 ans et s'est baladée autour du monde. Pendant plus de 100 ans, nous avons appris plusieurs langues. Nous avons subi l'immersion dans plusieurs cultures. Nous n'avons jamais perdu notre culture italienne ce qui veut dire que les statistiques que le chef de l'Opposition nous jette à la figure à chaque minute, que 70 p.c. des francophones des écoles anglaises se retrouvent dans l'île de Montréal, que c'est un signe d'assimilation...

Je pense, pour ma part, que de connaître une langue, apprendre une langue, être éduqué dans une langue, cela ne veut pas dire être assimilé

dans une culture. Je ne sais pas si tout cela répond à votre question, mais si vous voulez une réponse plus précise, je vais vous dire que bilingue pour moi, c'est quelqu'un qui peut s'exprimer, soit en français, soit en anglais, ou bien en d'autres langues, et ça ne veut aucunement dire qu'il a perdu son héritage culturel ou sa culture.

M. SAMSON: Je voudrais connaître un petit peu vos intentions ou vos interprétations, lorsque vous mentionnez un volume de bilingues, dans votre idée, c'est quoi? Est-ce que ce sont des gens appartenant à la communauté anglophone ou à la communauté francophone? Quel est le pourcentage de ceux-là? Je pense que c'est ce que j'ai demandé tantôt et on ne m'a pas fourni la réponse là-dessus.

Selon vos statistiques, selon les statistiques que vous nous avez données, quel est le pourcentage? Puisque vous avez pris votre exemple personnel, je pense qu'on peut prendre l'exemple d'autres aussi. Je parle très mal l'anglais, mais je parle un peu l'anglais. On peut peut-être me considérer comme bilingue, mais je n'accepterais pas qu'on me considère comme faisant partie de la communauté anglophone.

M. SCARFONEY: Je trouve que c'est bien fondé.

M. SAMSON: Oui, votre raison? C'est sûrement bien fondé.

M. SCARFONEY : Les statistiques que nous avons ici sous la main ne nous disent pas quel pourcentage de 1,663,000 individus est d'origine francophone et d'origine anglophone. Je me demande si la question est valable.

M. SAMSON: Si vous vous posez la question à savoir si la question est valable, je vous la retourne de la façon suivante. Pourquoi à ce moment, insistez-vous tant dans le deuxième paragraphe? Parce que dans le deuxième paragraphe, vous semblez insister en mentionnant qu'il n'y a pas de danger au Québec pour la langue française, il n'y a aucun danger. Est-ce que c'est bien cela que j'ai compris? Remarquez bien que mon interrogatoire n'est pas pour vous accuser de quoi que ce soit. Je cherche à obtenir le plus de renseignements possible. C'est mon rôle.

M. SCARFONEY: Alors pour retourner au paragraphe 2, c'est seulement par des expériences personnelles qu'on peut vous répondre. On peut vous dire que beaucoup d'employeurs anglophones, même au niveau des commissions scolaires protestantes dans lesquelles nous travaillons, ont fait beaucoup de démarches pour que les employés acquièrent un certain degré de bilinguisme par des cours qui sont donnés à tous les employés sans frais, à longueur d'année et auxquels on n'est pas forcé, mais en même temps, on nous suggère de participer à ces cours pour que notre connaissance de la langue française puisse être accrue, augmentée.

M. SAMSON: M. le Président,... Pardon?

M. DEOM: Sur une question de règlement. On s'était entendu que l'Opposition avait 20 minutes, et elle est déjà rendue à 23 minutes.

M. SAMSON: M. le Président, j'ai une petite question, une dernière. Si on me le permet, d'accord, sinon, je suis bien prêt à respecter l'entente que vous avez faite. Pour la petite question, oui... Sixième paragraphe. "Tout citoyen est partie intégrante du bien-être économique de l'accroissement de la province. Nous ne pouvons pas accepter qu'un gouvernement élu dans une société démocratique puisse légiférer l'épanouissement d'une partie de la population aux dépens de l'autre." Dans votre esprit, que veut dire: On ne peut pas accepter que le gouvernement légifère et dépense les deniers publics pour une partie de la population aux dépens de l'autre?

M. BOULE: Again, we are talking about a specific paragraph of the bill which deals with how a business conducts its affairs, how a ministerial government conducts its affairs, how an industry will advertise its business, and so on and so forth. These are all things which to me denote pressure, undue pressure, by a government to change the basic structure of a particular organization and that is coerciveness.

M. SAMSON: Ne croyez-vous pas...

M. BOULE: And if they do not do it, there is going to be legislation which is going to help and force them to do it.

M. SAMSON: Ne croyez-vous pas que lorsque vous parlez...

M. BOULE: Like the way they called it in Nazi Germany between 1933 and 1939.

M. SAMSON: Remarquez que je ne vous donne pas ma position concernant ce sujet qui se retrouve dans le bill, je pose la question, mais ne trouvez-vous pas que des deniers dépensés par un gouvernement pour la promotion d'une langue, par exemple, ne proviendraient pas de la majorité qui est la majorité de la langue concernée?

M. BOULE: For me, it should be the will of the board of directors of any compagny, how it conducts its affairs.

M. SAMSON: Je pense qu'on ne s'est pas bien compris, M. le Président.

M. BOULE: In other words... Non. J'ai compris ce que vous avez dit.

M. SAMSON: Ce que j'ai dit, suivant la réponse que vous me donnez, il ne semble pas qu'on se soit bien compris.

M. BOULE: Oh! I think so.

M. SAMSON: Si vous m'avez bien compris, je vous dis que j'ai mal compris ce que vous avez donné comme réponse. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. On ne se comprendra pas plus à l'avenir.

M. BOULE: Bon!

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, je voudrais savoir combien de membres vous représentez dans cette association of Protestant School Business Officiais?

M. BOULE: We have approximately 100 people.

M. DEOM: Et de quelle façon avez-vous élaboré votre représentation? Est-ce que c'est une décision de votre exécutif ou si cela a été élaboré avec les 100 membres?

M. BOULE: No. We had a general meeting on May 31st.

M. DEOM: Est-ce qu'on peut vous demander si c'est un consensus général?

M. BOULE: Of the people present? Yes. About 60 people of the total membership were present.

M. DEOM: Et cela a été un consensus général.

M. BOULE: Oui.

M. DEOM: Me référant à ce que vous dites dans votre troisième paragraphe: We question the wisdom, etc.

M. BOULE: Yes, again, I refer to articles 21, 23, 38, 46, 47.

M. DEOM: Non. Laissez-moi finir ma question. Est-ce qu'à partir de ce que vous affirmez là on pourrait conclure que vous n'êtes pas d'accord sur la Loi fédérale sur les langues officielles qui, elle aussi, a imposé deux langues officielles au Canada?

M. BOULE: No. I do not like that either.

M. DEOM: Vous n'êtes pas d'accord avec la Loi fédérale sur les langues officielles?

M. BOULE: I do not like any law which detracts from my basic rights as a human being to make a decision relative to my own family. That, I do not like. And as a French Protestant, a descendant of Huguenots, I have a valid reason to think that way.

M. MARCHAND: You do not think that the law is good for Canada?

M. BOULE: I did not say that, I did not think that bilingualism was not good for Canada. I think bilingualism is good in any country. I think that for any government to legislate, that it must be, I think that is bad.

M. DEOM: Si je peux continuer, à votre paragraphe 4, vous dites: "We question the wisdom of elected representatives abrogating the policy making function to civil servants".

Ma question est: Où, dans le bill, voyez-vous que nous proposons de confier aux technocrates le pouvoir de réglementation?

M. BOULE: Articles 67, 87,104 and 51.

M. DEOM: Est-ce que vous considérez, à ce moment, que le ministre ou le cabinet, agissant par arrêté en conseil, agit en technocrate?

M. BOULE: Let us take article 51, for instance, I do not believe that the minister himself though rule...

M. DEOM: L'article 51 dit: "The Minister of Education may however, etc..." Vous considérez que le ministre de l'Education est un technocrate.

M. BOULE : I am saying that the technocrats will legislate that policy in application.

M. DEOM: Mais comment expliquez-vous ça? Le ministre est d'abord un député élu, et c'est après avoir été élu comme député qu'il devient ministre. Par réglementation, ça veut dire que c'est le cabinet tout entier.

M. BOULE: We all have good intentions when we get up in the morning.

M. DEOM: Non, mais...

M. BOULE: No, I mention you how I feel about it. You are asking me, and I am answering you how I feel about it.

M. DEOM: Essayez de ne pas être trop émotionnel. Il s'agit d'être rationnel dans ce débat et de me dire où, dans la loi, on confie à des technocrates le pouvoir de réglementation. Quand on dit dans la loi: "Le ministre...

M. BOULE: In other words, you are telling me that the minister, all by himself, arrived at bill 22.

M. DEOM: Mais êtes-vous conscients des mécanismes élémentaires du parlementarisme anglais? Vous savez comment fonctionne le parlementarisme anglais, j'espère? Le cabinet, dans le parlementarisme anglais, ce sont des élus du peuple, non? We are working under the parliamentary system, what I am telling you is that you do not seem to be familiar throughout the basic...

M. BOULE: Familiar enough to know the basic...

M. DEOM: ... mecanism of parliamentary system.

M. BOULE: Well, familiar enough to know that the minister does not, by himself, arrive at the certain regulations that are put forth in Parliament. So therefore, there is a very solid involvement by technocrats and they certainly do influence the ultimate decision that are reached.

M. DEOM: Ah! Là, vous changez...

M. BOULE: This is what I mean by that particular cause.

M. DEOM: ... un peu votre position.

M. BOULE: Oh, no, it does not change the position !

M. DEOM: Oui, mais quand vous dites: "abrogating", dans la mesure où je peux apprécier l'anglais, c'est un terme extrêmement péjoratif. Et là, vous dites: Les fonctionnaires suggèrent. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. BOULE: Peut-être. But, anyway, in view of the fact that you are absolutely bilingual as you are, why do not we continue the debate in English?

M. DEOM: Well. I respect your right to speak English and I think you should respect my right to speak French.

M. BOULE: Right.

M. DEOM: Under article 133 of the British North America Act.

M. BOULE: That is right.

M. DEOM: Je continue. Vous êtes d'accord avec moi qu'effectivement, dans le bill 22, on n'a pas concédé aux technocrates le pouvoir de réglementation. Vous dites: Les technocrates vont recommander certaines choses, mais il reste que ce sont des hommes élus, soit les membres du cabinet, qui décident de la réglementation.

M. BOULE: That is unfortunate.

M. DEOM: Avec un mécanisme additionnel de publication dans la Gazette officielle...

M. BOULE: It is unfortunate that, at that level, such a bill could be produced.

M. DEOM: Mais, comment pensez-vous que les gouvernements modernes fonctionnent, en Angleterre, par exemple, en France, aux Etats-Unis? Comment pensez-vous qu'ils fonctionnent?

M. BOULE: Autocratically, I would suspect from this meeting today.

M. DEOM: Est-ce que vous êtes familier avec les travaux de la commission?

M. BOULE: There is not point in discussing... I do not wish to continue this discussion.

M. DEOM : Alors, on peut passer à une autre chose. A un moment donné, vous dites dans votre quatrième paragraphe: "We question the wisdom of dividing a populace into segments with unequal status".

M. BOULE: That is right.

M. DEOM: Et plus loin, vous dites: "Rather, attitudes will harden and stresses will develop". Ma question est la suivante. Les attitudes de qui vont se durcir, pensez-vous? Celle des francophones ou des anglophones?

M. BOULE: Peut-être les "both". Perhaps both.

M. DEOM : Comment?

M. BOULE: In other words...

M. DEOM: Pourquoi?

M. BOULE: ... we could have a Northern Ireland in Quebec.

M. DEOM: Pardon?

M. BOULE: You heard me.

M. DEOM: Non, non. Je m'excuse.

M. TARDIF: M. le Président, j'aimerais invoquer le règlement. Il semble que monsieur a dit quelque chose d'important et on voudrait qu'il le répète, parce qu'on ne l'a pas entendu, moi, du moins, et le député de Laporte également.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Would you care to repeat?

M. BOULE: Simply, you are asking me

whether I consider to hardening of attitudes a possibility. I consider the real possibility for both English and French and other ethnic groups, to be taking positions on this thing which could be very troublesome and would be very unfortunate, because it is so ruddy unne-cessery.

You have bill 63, you have the rights of individuals protected at the moment, they have a freedom of choice, they make their own decisions relative to their own particular families, the agreements can be reached, within the Education Act at the moment, to conduct your affairs in this way. I cannot see how you can improve on bill 63 very much with a bill such as this one, as it is presently written.

M. DEOM: Le bill 63, est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que cela a aussi durci les attitudes?

M. BOULE: Non. It does not harden. Bill 63 encourages...

M. DEOM: Est-ce que vous lisez...

M. BOULE: ... dialogue between two ethnic groups.

M. DEOM: Est-ce que vous lisez les enquêtes d'attitude?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je veux vous faire remarquer que la période des questions de 40 minutes s'est terminée à 5 h 50. Je n'ai aucune objection, si c'est là le souhait de la commission, que nous continuions jusqu'à six heures, 18 heures...

M. DEOM: M. le Président, j'aimerais...

M. MORIN: Oui, je pense, M. le Président, qu'on peut continuer; les questions du député ne sont pas sans intérêt. J'espère que le député de Saint-Jacques et un autre député ministériel qui avaient des questions pourront se faire entendre au moins brièvement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour statuer là-dessus, la commission pourra en décider, mais j'ai noté ici que l'Opposition a accaparé environ 29 minutes jusqu'ici et que le parti ministériel en est rendu à treize ou quatorze minutes.

M. CLOUTIER: M. le Président, dans ce cas, allongeons la période jusqu'à six heures. Nous permettons alors d'équilibrer un peu cette anomalie. Comme, de toute façon, nous aurons sans doute terminé avec ce groupe, cela nous permettra de commencer à vingt heures avec un autre groupe.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.

M. DEOM: Je continue. Dans votre mémoire, au paragraphe 7, je pense, vous dites: "Many aspects of the legislation are unrealistic in terms of the best utilization of manpower and abilities. The enforced substitution of linguistic criteria over managerial skills is counter-productive". Je voudrais savoir où, dans le bill 22, vous voyez qu'on substitue des critères linguistiques à des critères de gestion.

M. BOULE: Actually, all of article 35. M. DEOM: Article 35? M. BOULE: Yes, 35.

M. DEOM: Où, dans cet article, voyez-vous qu'on substitue des critères linguistiques?

M. BOULE: "The francization programs which must be adopted and applied by business firms wishing to obtain the certificates mentioned above, must, while taking account of the situation of each firm, relate especially to: the knowledge that the management and the personnel must have of the official language; the francophone presence in management; the language in which the manuals, catalogues, written instructions and other documents distributed to the French-speaking personnel must be drawn up, the provisions that the business firms must make for communication in French by the members of their personnel, in their work, among themselves and with their superior officers".

M. DEOM: D'après vous, dans cet article, on substitue des critères linguistiques. J'en perds mon latin, je devrais dire mon anglais.

M. BOULE: Particularly in section (d).

M. DEOM: Quand on dit "must, while taking account of the situation of each firm, relate especially to", dans mon esprit, ce n'est pas limitatif.

M. BOULE: Well, that is as you are interpreting it.

M. DEOM: A moins que je perde mon anglais.

M. BOULE: We are only expressing an opinion on how we interpret the article. So, therefore, we are suggesting that this particular article be better written. That is all!

M. DEOM: Qu'est-ce que vous voulez de mieux que "while taking account of the situation of each firm"?

M. SCARFONEY: Peut-être que je pourrais répondre à cette question en me référant à une phrase que, je crois, le ministre des Affaires

culturelles a dite ce matin à propos de paternalisme.

Je trouve que cette clause est du paternalisme dans le fait que n'importe quelle industrie, compagnie ou entreprise qui veut s'établir au Québec, cela va de soi, elle va faire l'impossible pour avoir du personnel qui est sinon bilingue, au moins, dans un certain pourcentage, francophone, étant donné qu'elle doit faire affaires dans la province de Québec.

Pour pouvoir faire affaires avec le gouvernement, il faut obtenir un certificat du gouvernement dans lequel on dit que cette compagnie, cette entreprise est effectivement francophone ou a suivi un programme de francisation. A ce moment, je me dis que c'est du paternalisme. N'importe quelle entreprise qui a ses affaires à coeur, son argent, va faire l'impossible elle-même pour arriver à ce but. Maintenant, on dit: Non, il faut avoir un certificat pour avoir accès à un tas de choses. Qui va donner ce certificat? Une régie. Donc, ce n'est plus le ministre de l'Education. C'est sous recommandation de la régie. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. DEOM: Oui, mais vous savez ce que cela veut dire, "recommandation"?

M. SACRFONEY: Oui, des deux côtés.

M. DEOM: Vous êtes des administrateurs. "Recommends" et "approves" sont deux choses bien différentes.

M. SCARFONEY: Oui, je comprends bien cela. Mais on retrouve d'autres articles dans lesquels on voit par exemple... Je n'ai pas l'article sous la main. Si vous me donnez une seconde pour le retrouver. Je ne sais pas si vous m'excusez...

M. VEILLEUX: M. le Président, en revenant sur l'article 35, si je vous ai bien compris, vous n'êtes pas contre le principe établi dans l'article 35?

M. SCARFONEY: Le principe du bilinguisme...

M. VEILLEUX: Non, non.

M. SCARFONEY: ... et la présence francophone dans l'industrie, dans le domaine des entreprises privées, des entreprises publiques, ce sont des choses qui vont de soi. On voit, par exemple, qu'il n'y a pas de lois, jusqu'à présent — je suppose, je ne suis pas vraiment au courant — qui disent que, par exemple, la majorité des employés d'Hydro-Québec doivent parler français, etc. Ce sont des entreprises publiques qui font affaires avec le public, et je vois bien, par exemple, qu'elles doivent avoir une connaissance de la langue française pour pouvoir faire leurs affaires.

M. VEILLEUX: Etes-vous contre le principe que, dans l'industrie privée, il existe des programmes de francisation?

M. SCARFONEY: Oui.

M. VEILLEUX: Etes-vous contre cela?

M. SCARFONEY: Oui. Etant donné que c'est imposé par une loi, je suis contre cela. Etant donné qu'on me dit ce que je dois faire dans mon entreprise pour qu'elle soit rentable.

M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien, vous accepteriez — et je pourrais vous donner, dans le comté de Saint-Jean, le nom d'une industrie où tout se fait en anglais — que cela continue. Je veux bien être clair. Quand le personnel, non pas les cadres, mais le personnel ouvrier est à 99 p.c. francophone, vous accepteriez que dans cette industrie, on n'établisse pas de programme de francisation. C'est cela?

M. SCARFONEY: Mon opinion personnelle...

M. VEILLEUX: Dans un cas comme celui-là, accepteriez-vous qu'on établisse un programme de francisation?

M. SCARFONEY: Le problème qui se pose est qu'on ne peut pas faire une différence entre les entreprises qui adoptent d'elles-mêmes un programme de francisation et les entreprises qui ne le font pas. Alors, maintenant on s'amène avec une loi — ce qu'on appelle en anglais "blanket" — qui couvre tout le monde, alors tout le monde est assujetti à la même loi et doit se prévaloir de certificats à ce moment pour obtenir des contrats, des services, des subsides du gouvernement.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous admettez avec moi que les lois sont faites, assez souvent — je dirais dans la majorité des cas — à cause des exceptions qu'on peut retrouver ici et là. S'il n'y avait pas ces exceptions, comme le cas que je vous mentionne, probablement, on ne serait pas obligé d'en arriver à cela. C'est peut-être cela aussi. Il faut se demander pourquoi la loi arrive, pourquoi on arrive, par exemple, avec l'article 35, pourquoi on arrive avec un tel article. C'est peut-être parce qu'il y a des cas isolés.

Je vous dis que, dans le comté de Saint-Jean, il y a beaucoup d'industries à Saint-Jean. Il y en a au-delà de 80 et, à ma connaissance, il y a une industrie où on n'accepte aucunement que quelqu'un s'exprime en français à l'intérieur de l'industrie. C'est peut-être à cause d'un cas particulier comme celui-là qu'un gouvernement est obligé d'arriver à une loi générale.

M. TARDIF: Très bien.

M. SCARFONEY: Mais le contenu de la loi...

M. VEILLEUX: Je vais vous donner un exemple. Si tous les gens, lorsqu'ils passent près d'une école, roulaient en automobile à 20 milles à l'heure, le gouvernement n'aurait pas été obligé d'établir une réglementation disant que, dorénavant, lorsqu'on passe à côté d'une école, on doit circuler à 20 milles à l'heure. C'est parce qu'il y a des gens qui circulent à une vitesse de 75 ou 80 milles à l'heure. C'est la même chose là-dedans.

M. SCARFONEY: Je ne sais pas si je peux poser une question, mais je vous demande, par exemple, si vous avez deux entreprises qui vous font un devis pour un certain travail, laquelle choisirez-vous?

Vous allez choisir l'entreprise qui a un certificat de francophonisation émis par la régie ou bien vous allez choisir l'entreprise qui va vous faire le meilleur travail au moindre coût?

M. VEILLEUX: Je ne nommerai pas l'industrie en question, elle mériterait d'être nommée, mais je ne la nommerai pas. Je trouve inacceptable que, dans une municipalité comme Saint-Jean, on retrouve même un cas d'exception comme cela. Je ne me considère pas comme extrémiste, et les gens sont loin de me classer comme cela, notamment le député de Saint-Jacques, mais je ne peux accepter un cas comme celui-là. La loi prévoit qu'un anglo- phone, dans une industrie francophone, pourra faire valoir ses droits dans sa langue exactement comme un francophone.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, il est 18 heures. Au nom de la commission, nous vous remercions. Avant de suspendre, pourrais-je suggérer à la commission, étant donné que nous devons entendre trois organismes ce soir, que nous reprenions les travaux à 20 heures plutôt qu'à 20 h 15?

M. CLOUTIER: D.accord. M. MORIN: Non, écoutez...

M. CLOUTIER: D'accord, pour une excellente raison, c'est que nos règlements le prévoient. C'est par dérogation que nous acceptons 8 h 15.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que les membres de cette commission ne conviendraient pas qu'il est déjà passé 6 heures et que, si nous recommençons à 8 heures, de toute façon, nous aurons de la difficulté à avoir le quorum.

M. CLOUTIER: Je ne crois pas. Nos députés ont toujours été ici. Nous attendrons l'Opposition, si nécessaire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 1

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

J'invite M. Jean-Jacques Roy, secrétaire général de la Société nationale populaire du Québec, à bien vouloir s'avancer à la table et présenter celui qui l'accompagne, s'il vous plaît.

Société nationale populaire du Québec

M. ROY (Jean-Jacques): Je voudrais présenter à la commission mon compagnon, M. Jacques Rochefort, membre de la Société nationale populaire du Québec. Je dois aviser la commission que j'ai assisté cet après-midi en Chambre à la période des questions et j'aurais peut-être quelques remarques qui ne sont pas inscrites dans le mémoire. Après la lecture du mémoire, j'aurai aussi quelques remarques à faire, qui ne sont pas dans le mémoire actuellement.

A la pensée que j'avais à présenter ce mémoire au nom de notre société, j'étais un peu timide, n'étant pas habitué à faire ce genre de travail. Je pensais vraiment le faire dans les meilleures dispositions possible. J'ai assisté cet après-midi à la période des questions en Chambre et je croyais la députation libérale des gens distingués, polis et dignes de représenter le peuple québécois. Cependant, à la suite de ce que j'ai entendu de la part de la députation cet après-midi: interruptions, impolitesses, cris, et j'en passe, je me rassure donc et je pense que je vais y aller, étant assuré que le ton de ce mémoire est mieux que ce qui s'est passé en Chambre cet après-midi.

M. CLOUTIER: Est-ce qu'on laisse passer cela?

M. OSTIGUY: M. le Président, est-ce qu'on doit entendre les commentaires des sessions qui se déroulent ou si on doit entendre les commentaires selon les mémoires qui devaient être présentés?

M. ROY (Jean-Jacques): La Société nationale populaire du Québec, fondée en 1965...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. TARDIF: Quand quelqu'un a la parole, il faudrait laisser la personne parler.

UNE VOIX: La première chose qu'il faudrait que vous sachiez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! M. Roy, je vous inviterais, s'il vous plaît, à faire votre présentation et à vous limiter autant que possible au temps alloué par le règlement, soit celui de 20 minutes, et nous pourrons peut-être reprendre ensuite la période de questions et, à ce moment, vous aurez peut-être la chance d'émettre des opinions.

M. ROY (Jean-Jacques): Je vous remercie de votre remarque. Mes interventions personnelles étaient terminées à ce moment-ci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y.

M. ROY (Jean-Jacques): Présentation. La Société nationale populaire du Québec, fondée en 1965, est un organisme groupant des citoyens québécois préoccupés par les problèmes de leur Etat national.

Depuis sa fondation, notre groupement s'est surtout employé à promouvoir un Québec unilingue français dans les plus brefs délais possible.

Si notre organisme adopte une position ferme à l'égard des mesures à prendre pour sauvegarder la langue française au Québec, c'est que nous sommes de ceux qui croient que son existence même est menacée dans la mesure où un effort sérieux ne sera pas fait pour corriger la présente situation, dans la mesure où une politique radicale ne serait pas mise en oeuvre incessamment.

La position de la SNPQ sur la langue au Québec est en apparence quelque peu radicale, mais elle est jugée fort normale par les anglophones qui l'appliquent sans remords dans les neuf autres provinces du Canada en faveur de l'anglais.

Le projet de loi 22, tel que présenté actuellement, est un nouvel acte de démission de la part du Québec, un net recul. C'est une loi destinée à faire de privilèges consentis à la minorité anglo-québécoise des droits formels, favorisant en cela le lent, mais inéluctable processus d'assimilation qui affecte les citoyens du Québec.

Nous affirmons que ce sont les droits imprescriptibles de la majorité francophone qui sont en danger au Québec et non les trop nombreux privilèges dont jouit, à notre détriment, la minorité anglophone du Québec.

Préambule. Nous sommes de ceux qui croient que le Québec doit être aussi français que le Canada est anglais. Or, tout nous porte à constater que l'avenir de la langue française n'est même pas assuré au Québec. Ily a des quartiers entiers de Montréal, des municipalités entières de la région métropolitaine où le français est à peu près inconnu et où on ne lui consent même pas les privilèges d'une langue seconde. Ces ghettos doivent disparaître, leur existence au coeur de Québec fait de Montréal une ville au visage essentiellement anglais.

Il y a près d'un million de Québécois francophones qui doivent, chaque jour, ou travailler en anglais ou s'adresser à leurs supé-

rieurs dans cette langue. Cette situation doit cesser: seule une législation adéquate saura obliger les entreprises québécoises, canadiennes ou étrangères à respecter un droit aussi fondamental que celui de travailler dans sa langue.

Il en est de même pour l'éducation et l'intégration des immigrants. Ces derniers ne seront québécois que dans la mesure où ils seront francophones. Mais il nous faudra d'abord changer d'attitude; un immigrant ne s'assimile pas à un peuple colonisé.

Positions. Le Québec doit être un Etat fort dans tous les domaines. Ceci implique que l'Etat québécois doit posséder une véritable politique linguistique. Selon nous, ce n'est peut-être que la mise en place progressive de l'unilinguisme français. Le Canada n'est d'ailleurs pas un pays bilingue, mais aux neuf dixièmes unilingue anglais.

Le bilinguisme officiel et généralisé au Québec n'est rien d'autre qu'un génocide consciemment et machiavéliquement imposé à la nation québécoise. Plus encore, l'imposition de l'anglais comme langue de travail dans la majorité des établissements commerciaux et industriels du Québec est inacceptable et généralement mal acceptée.

Le Québec doit normaliser sa situation; la langue française doit devenir la seule langue officielle sur tout le territoire québécois et, pour ce faire, il ne suffit pas de le dire. Il faut légiférer pour qu'il n'y ait qu'un seul système d'éducation public pour tous et que ce système soit de langue française.

Recommandations. Le projet de loi 22 doit être retiré ou amendé de façon à: 1-Instaurer franchement l'unilinguisme français au Québec. 2-Abolir progressivement les écoles publiques de langue anglaise. 3-Nationaliser les trois universités de langue anglaise. 4-Abolir le bilinguisme au niveau des règlements et des conseils municipaux ainsi qu'à celui de l'Assemblée nationale et de la fonction publique québécoise. 5- Rendre obligatoire l'usage du français comme langue de travail dans toutes les entreprises. Si nécessaire, une période d'adaptation maximum de cinq ans peut être tolérée. 6- Faire du français la langue d'affichage. L'usage de l'anglais ou d'une autre langue pour rendre l'affiche bilingue étant frappée d'une taxe, comme cela se pratique dans certains cantons suisses.

Maintenant, M. le Président, est-ce que vous me donnez la permission de donner des explications qui ne sont pas incluses dans le mémoire? Ce ne sera pas long, je pense, environ trois ou quatre minutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.

M. ROY (Jean-Jacques): J'aurais peut-être des communications à formuler à ces mes- sieurs, si chatouilleux au niveau de la politesse, savoir qu'à Saint-Léonard, aux dernières nouvelles, cette défaite et cette honte de 1969, les italophones sont anglicisés ou vont aux écoles anglaises maintenant à 86 p.c. Ce sont les dernières nouvelles que j'ai eues hier d'un type qui est très près, c'est-à-dire qu'il milite là, à Saint-Léonard, un type digne de foi. Si M. le ministre veut son nom, peut-être me permettra-t-il de le nommer ici ou après.

M. ROY (Beauce-Sud): Quel pourcentage avez-vous dit?

M. ROY (Jean-Jacques): J'ai dit 86 p.c, M. Roy. Si nous avons accepté de présenter ce mémoire, c'est que la situation du français n'a cessé de se dégrader au Québec depuis que l'Union Nationale, appuyée en cela par les libéraux, ont voté l'hypocrite et traîtresse loi 63 qui, sous un titre qui se voulait le protecteur de la langue française, permettait aux mêmes Québécois de langue française d'aller aux écoles anglaises, permettait aussi aux immigrants d'aller aux écoles anglaises.

Les événements depuis 1969 ont donné raison aux adversaires de la loi 63. Nous ne pouvons croire que des élus du peuple peuvent, en toute lucidité, voter une pareille loi sans en ressentir, au plus profond de leur être de francophones, du dégoût et des remords pour leur geste posé. Pour expliciter les recommandations II et VI de ce mémoire, voici une suggestion que nous faisons au gouvernement afin de l'aider à rendre le français enseigné progressivement dans les écoles anglaises: Que le gouvernement instaure, dans les écoles anglaises, dès septembre prochain, au niveau primaire et secondaire, l'enseignement en français des mathématiques et des sciences. Il n'y a pas, selon nous, de meilleur moyen pour inciter un élève à continuer ces cours dans cette langue après.

D'ailleurs, le défunt département de l'instruction publique, sous la direction de M. Omer Desaulniers, vers les années 1950 — peut-être un peu avant 1950 ou après 1950, je l'ignore — avait permis l'enseignement aux immigrants, dans des écoles françaises, des mathématiques et des sciences en anglais pour les aider à apprendre l'anglais. Ces deux écoles sont à Montréal et se nomment Saint-Philippe Benizi et Notre-Dame-de-la-Défense.

Les immigrants d'alors, maîtrisant ces deux matières en anglais, commencèrent à remplir par la suite des écoles de langue anglaise et des écoles supérieures. Nous pensons que, si cela a valu pour leur faire apprendre l'anglais, cela vaut pour leur faire apprendre le français. En fait, c'est un moyen.

Avec le projet de loi 22 qui, selon nous, place sur un pied d'égalité l'anglais et le français, au lieu d'y aller franchement en favorisant le français, notre suggestion est une manière d'aider le gouvernement à être franc au

lieu de perpétuer une ambiguïté. Oui ou non, nous nous demandons si M. Bourassa, M. Cloutier ou les autres sont capables de prendre leurs responsabilités et de se tenir debout en disant: Au Québec, c'est en français. Nous nous posons la question.

Si les écoles de langue française ont été assez bonnes pour vous, M. Cloutier, M. le ministre, pour M. Roy, pour M. Morin, pour M. Bourassa, pourquoi ne le seraient-elles pas pour les autres? Cela devient quasiment du racisme.

Pour ce qui est de la recommandation VI, quant à l'affichage, voici: Que le gouvernement fasse en sorte, dans toute affiche publique, commerciale, etc., que le français ressorte plus que sa version anglaise, et que, dans toute autre affiche bilingue, l'anglais soit taxé, soit par une demande de permis ou autrement. Cela éviterait, par exemple, un commerçant dans des régions que l'on connaît au Québec où il n'y a pas un Anglais à dix milles à la ronde et on voit : Boucher-Butcher; Bière-Beer. C'est absolument ridicule.

Messieurs, nous sommes à votre disposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la Société nationale populaire du Québec pour son mémoire. J'aurai deux ou trois courtes questions. La première est la suivante :

J'aimerais savoir combien de membres compte la Société nationale populaire du Québec...

M. ROY (Jean-Jacques): M. le ministre...

M. CLOUTIER: ... et de quelle façon... Je m'excuse, je n'ai pas terminé.

M. ROY (Jean-Jacques): Oui.

M. CLOUTIER: De quelle façon le mémoire a été conçu, a été présenté aux membres de la société pour son approbation?

M. ROY (Jean-Jacques): M. le ministre, je vais vous expliquer. La Société nationale populaire compte 102 membres...

M. CLOUTIER: 102 membres...

M. ROY (Jean-Jacques): ... et si vous voulez, si vous permettez, M. Rochefort pourrait peut-être aller vous porter ce qu'on appelle la décortication, si on veut, des titres de nos membres, soit un avocat, un fonctionnaire...

M. CLOUTIER: C'est le nombre...

M. ROY (Jean-Jacques): ... en fait, on l'a fait, M. le ministre, on peut aller vous la porter.

M. CLOUTIER: Vous êtes très gentil, mais vous pouvez peut-être vous en tenir à mes questions.

M. ROY (Jean-Jacques): Oui.

M. CLOUTIER: II y a donc 102 membres dans la Société.

M. ROY (Jean-Jacques): Oui.

M. CLOUTIER: La société compte un exécutif probablement ou conseil d'administration...

M. ROY (Jean-Jacques): Oui, de huit membres. C'est cela, oui.

M. CLOUTIER: Alors, de quelle façon le mémoire a-t-il été présenté aux membres? Lors d'une assemblée générale régulière, j'imagine?

M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous expliquer. A la Société nationale populaire, nous sommes des gens qui se connaissent, en fait, nous sommes un groupe social.

M. CLOUTIER: C'est cela.

M. ROY (Jean-Jacques): Le mémoire a été préparé, M. le ministre, depuis 1968.

M. CLOUTIER: Alors, il est donc antérieur à la loi 22 et constitue des prises de position bien connues de la société.

M. ROY (Jean-Jacques): C'est cela. Maintenant, il se produit ceci. En 1968, on voulait le présenter, lors de l'adoption du projet de loi 85. Mais le projet de loi 85 ayant été retiré, évidemment nous ne l'avons pas présenté parce que nous n'avons pas été convoqués. C'était évident. Alors, nous l'avons gardé aux archives.

M. CLOUTIER: Je pense que vous avez répondu à mes questions de façon satisfaisante. Je vous remercie, surtout en ce qui concerne la représentativité de votre groupement.

Mais, ma deuxième...

M. ROY (Jean-Jacques): Excusez-moi. Vous permettez que je vous demande quelque chose? Vous m'avez demandé comment il avait été préparé, c'est-à-dire que je n'ai pas terminé. Nous l'avons adapté aux circonstances actuelles.

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. ROY (Jean-Jacques): Nous n'avons pas pris des choses de 1968 pour les déposer à cette table ce soir. Nous avons travaillé avec trois personnes, M. Paul Rochon — si vous voulez les noms — M. Paul Soulard et moi-même.

M. CLOUTIER: C'est cela.

M. ROY (Jean-Jacques): Maintenant...

M. CLOUTIER: Et vous l'avez présenté à l'assemblée générale.

M. ROY (Jean-Jacques): Non. Nous ne l'avons pas présenté, mais si vous permettez, nous le présenterons et nous sommes persuadés qu'il n'y aura aucune difficulté à le présenter...

M. CLOUTIER: Vous êtes persuadé que vos 102 membres, dans une assemblée générale régulièrement constituée, seront d'accord sur cette position.

M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous expliquer encore. Pour être membre de notre société, il faut trois conditions sine qua non et ces trois conditions sont, premièrement, la langue française prioritaire, deuxièmement, la souveraineté du Québec, et troisièmement, l'école lai: que de langue française.

M. CLOUTIER: Alors, ceci m'amène à ma deuxième question. Est-ce que vous considérez que la souveraineté du Québec est essentielle pour que votre proposition puisse être réalisée?

M. ROY (Jean-Jacques): Je vais vous donner mon idée franche. Je ne considère pas qu'il est absolument indispensable d'avoir un Québec indépendant pour faire ceci.

M. CLOUTIER: Mais pour devenir membre de votre société, il faut adhérer à l'option de la souveraineté.

M. ROY (Jean-Jacques): Oui, c'est cela.

M. CLOUTIER: Je crois que c'est très clair. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais demander à nos invités, en premier lieu, au sujet des idées dont ils nous font part à la première page de leur mémoire, si, dans leur esprit, il existe une différence entre l'unilinguisme des institutions et la connaissance de l'anglais ou du français par les individus. Je veux savoir, me référant à l'expression Québec unilingue français, si vous faites une distinction entre l'unilinguisme de l'Etat, des institutions, des divers organismes qui font partie de l'Etat, d'une part, et, d'autre part, l'unilinguisme ou le bilinguisme des individus, des personnes.

M. ROY (Jean-Jacques): M. le chef de l'Opposition, quant à la première partie de votre question, dans notre esprit, l'unilinguisme signifie ce qui est public, dont, évidemment, le gouvernement, les institutions, et je ne pense pas que nous puissions aller jusqu'à dire qu'on peut interdire le bilinguisme au niveau des individus comme option personnelle. Je ne pense pas qu'on puisse interdire à une personne d'apprendre l'anglais, si elle le veut, ou d'apprendre l'italien, si elle le veut.

M. MORIN: Votre mémoire n'a pas pour effet, si je comprends bien, de nier aux individus la faculté d'apprendre toutes les langues qu'ils voudront.

M. ROY (Jean-Jacques): Voulez-vous répéter? Je n'ai pas saisi...

M. MORIN: J'ai dit que votre mémoire n'a pas pour effet de priver les individus d'apprendre toutes les langues qu'ils voudront.

M. ROY (Jean-Jacques): Evidemment pas. On est dans un pays civilisé, écoutez...

M. MORIN: Pourriez-vous développer votre pensée là-dessus? Cela pourrait compléter peut-être le mémoire, le rendre plus précis sur ce point.

M. ROY (Jean-Jacques): M. Rochefort pourrait répondre.

M. ROCHEFORT: Disons que je pense que le mémoire est quand même assez clair dans les recommandations faites au gouvernement. Au niveau de la langue du travail, la langue d'enseignement, aussi la langue d'affichage et toutes ces choses, on demande que la langue française soit la seule qui soit employée, à tous ces niveaux. D'autre part, je ne vois pas pourquoi on serait contre le fait qu'une personne, pour augmenter sa culture, apprenne l'anglais, le russe, ou une autre langue. Je pense qu'il serait peut-être normal jusqu'à un certain point, étant donné que nous vivons en Amérique du Nord, que les personnes soient peut-être intéressées à apprendre l'anglais à un moment donné.

M. MORIN: Vous nous dites que vous êtes de ceux qui estiment que l'existence de la langue française est menacée dans la mesure où un effort sérieux n'est pas fait pour corriger la situation présente, dans la mesure où une politique radicale n'est pas mise en oeuvre incessamment. J'aimerais que vous disiez à cette commission les faits qui sont à votre connaissance et qui vous permettent d'affirmer que l'existence même de la langue est en danger, parce que vous ne nous les mentionnez qu'en passant. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de renseignements.

M. ROY (Jean-Jacques): D'accord, M. le chef de l'Opposition. M. le Président, pour expliciter davantage, je ne pense pas que ce soit un mystère pour tout Montréalais de vieille souche — je ne dirais pas de souche récente, mais tout de même de vieille souche — de s'apercevoir que Montréal devient de plus en plus anglais. Tous les jours, je parle anglais, au

niveau de la façade du moins. Si on va sur la rue, si on arrête à l'aéroport de Dorval, on voit que Montréal n'est tout de même pas une ville de langue française. Maintenant, ce dont on s'aperçoit et ceux qui ont des enfants surtout à Montréal s'en rendent plus compte... Il y a maintenant —et cela je l'ai vécu moi-même — des quartiers où un Canadien français, s'il entre le moindrement dans un magasin avec un sigle ou avec un papillon... Je citerai un cas. La semaine dernière, rue Saint-Laurent, dans le bout des Grecs, dans le bout de Prince-Arthur, il y a un gars qui est entré dans un magasin avec un papillon du Parti libéral.

Il y a quatre Grecs qui l'ont entouré pensant que c'était un péquiste. Cela est vrai, je pourrais vous emmener le gars ici à n'importe quel moment. Il ne faut pas parler, il ne faut rien dire, il faut absolument s'oublier, faire comme si on n'existait pas pour avoir la paix, rentrer dans nos rangs, rentrer dans nos maisons, rentrer dans nos choses. Il y a seulement au moment des fêtes populaires qu'il y a une grande tolérance. Même à ce moment-là, le maire Drapeau a jugé bon de passer un règlement antimanifestation et antiparade de la Saint-Jean-Baptiste et anti-tout ce que vous voulez.

Comme autre exemple, il suffit d'aller au coin des rues Papineau et Jean-Talon. Vous entrez dans les magasins, il faut que vous parliez italien, c'est clair. Si vous parlez français, vous n'êtes pas servi. Le gars ne comprend pas. Il n'est pas nécessaire d'être un phénix pour savoir cela. Maintenant, si on va au parc Extension, c'est dans le bout de la gare Jean-Talon et de l'avenue du Parc, là, c'est grec et du côté des Grecs, vous avez aussi une contestation. Vous avez des Grecs qui sont pour le pouvoir grec en Grèce actuellement, qui sont, je dirais, de droite, et vous avez les Grecs avant-gardistes qui sont plutôt contestataires et de temps en temps on en a avec nous de ceux-là, mais disons que c'est assez rare, c'est exceptionnel. En fait, si vous allez dans Côte-des-Neiges, si vous allez dans l'ouest, si vous allez dans Hampstead et si vous allez dans Mont-Royal, ce sont des ghettos. La ville de Mont-Royal a même mis une clôture pour qu'on ne passe pas, le long de la rue MacEachran et du boulevard L'Acadie, ce n'est pas nouveau cela. Les gars de Montréal savent cela. Ils ont caché la clôture parce qu'ils étaient trop gênés, ils avaient peur dans le temps du FLQ; ils avaient mis une petite bombe pour faire sauter la petite clôture. Ils ont eu bien peur. Ils ont mis à peu près 500 policiers pour faire attention à cela. Ils l'ont cachée avec de gros arbustes. Tout le long du boulevard L'Acadie, les enfants canadiens-français ne peuvent pénétrer dans Mont-Royal. Il ne faut pas mélanger le monde. En fait, c'est cela, Montréal actuellement. Quand on dit que dans la ville de Mont-Royal, vous avez des Canadiens français, je me demande ce qu'ils font là. Il n'y a pas un maudit nom de rue en français là-dedans. Est-ce assez fort? H y avait même une rue qui s'appelait Hocquart, d'après un ancien gouverneur de la Nouvelle-France. Il y en a un qui s'est aperçu de l'erreur. On a mis un L à la place du H et aujourd'hui c'est Locquart. Est-ce assez fort? Fanatique comme cela, c'est épouvantable. On vient nous taxer de fanatisme. On leur donne tout. On leur donne nos écoles.

Un autre exemple. Je ne veux pas me mettre en évidence outre mesure — j'ai participé il y a quatre à cinq ans, à un comité de parents à l'école où allait mon fils. C'était l'école Saint-Philippe-Apôtre, sur la rue Mar-guette, près de la rue Bélanger. Il nous est arrivé un M. Saint-Onge, de la zone scolaire no 4 à Montréal avec un tas de chansons. Ce monsieur voulait que le comité de parents prenne une décision. Il voulait nous embarquer avec lui. N'eût été le fait que je m'en suis aperçu, j'ai averti tous les parents lors d'une assemblée, on perdait notre école pour la passer aux Italiens du même quartier Bélanger. Il se servait, ce monsieur, du règlement no 1 du rapport Parent.

Ce règlement no 1 dit que, pour avoir, je pense, des classes à aires ouvertes, ça prend un plus grand nombre d'élèves en même temps. Donc, en ayant des petites écoles un peu partout, ces gens ne peuvent appliquer leur règlement d'aire no 1. A ce moment-là, ils ferment les écoles et donnent ça aux Italiens. Après ça, on leur demande aussi: Le règlement no 1, qu'est-ce que vous en faites? On va attendre l'année prochaine. Il y a cinquante raisons, ça n'arrive jamais, ce sont des chansons, ce sont des prétextes. Aussi, disons que la rue Sainte-Catherine dans l'Ouest, tout le monde va là à Montréal; on sait bien que ça n'a pas l'air d'une ville française. C'est très visible. Je pense bien que les membres de la commission ici qui vont à Montréal n'ont pas l'impression d'arriver à Québec. Ici, c'est tout de même plus français qu'à Montréal.

Disons que ce ne sont pas les anglophones, ce ne sont pas les anglais — anglophones, j'en ai marre de cette expression — ce sont les immigrants qui anglicisent Montréal et servent de cheval de Troie au pouvoir, à l"'establishment" anglais, pour angliciser la ville de Montréal. A part les quartiers, comme je disais tanôt, de Hampstead, Mont-Royal, Westmount, une partie de Verdun, LaSalle, Saint-Pierre... Là, on se rétrécit de plus en plus, on est rendu au boulevard Pie IX, je pense et il n'en reste presque plus. Le reste, c'est de l'immigrant.

Maintenant, disons qu'à la ville de Montréal... On me demande de préciser, je peux préciser. Même pour entrer comme pompier à Montréal, on exige l'anglais. Si le gars ne parle pas anglais, il ne sera pas pompier.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY (Jean-Jacques): Je pense, M. le chef

de l'Opposition, que j'ai donné quelques exemples. Si...

M. MORIN: C'est bien. Le président ne me permet pas d'aller plus loin. C'est à vous maintenant, M. le député, de poser des questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY (Beauce-Sud): J'ai seulement une question à poser concernant les questions qui vous ont été posées par le ministre. Vous avez bien dit tout à l'heure que pour être membre de votre association, il y avait trois conditions fondamentales. Je ne veux pas revenir sur cette question. La question que je veux poser, c'est: Vous avez bien déclaré et je voudrais être sûr d'avoir bien compris, que la question linguistique, pour vous, ne fait pas partie, autrement dit, d'une option constitutionnelle globale. Vous savez ce que je veux dire? C'est que la question linguistique, vous la voyez de façon différente: elle devrait être traité de façon différente à ce moment-ci. Est-ce que j'ai bien compris?

M. ROY (Jean-Jacques): C'est-à-dire que c'est un peu ça mais ce n'est pas tout à fait ça et si vous voulez, je vais expliquer. Pour être membre chez nous, il faut évidemment un type qui est partisan pour que l'avancement du français soit assez progressif; d'accord? Maintenant, nous n'avons pas d'objection: si l'Assemblée nationale, dans le système confédératif actuel, peut régler à notre satisfaction l'histoire de la langue française, on est bien d'accord sur ça.

M. ROY (Beauce-Sud): Mais vous ne la voyez pas dans un tout complet?

M. ROCHEFORT: Si vous me permettez... M. ROY (Beauce-Sud): Oui.

M. ROCHEFORT: ... je pourrais parler un peu plus là-dessus. Ce qu'on veut dire, c'est que pour nous il serait normal que dans un Québec souverain, la question linguistique soit sûrement, facilement et rapidement réglée. Mais nous, on considère que le gouvernement actuel, dans le système confédératif a les pouvoirs nécessaires pour faire de nos propositions une loi et la mettre en vigueur immédiatement.

M. ROY (Beauce-Sud): En somme, vous voyez que le gouvernement du Québec actuel a les pouvoirs nécessaires pour pouvoir prendre position et agir dans ce sens.

M. ROY (Jean-Jacques): Non seulement on dit qu'on veut qu'il les ait mais on dit qu'il les a. S'il ne le fait pas, c'est parce qu'il ne le veut pas; c'est ça qu'on dit. Evidemment, ça ne se fait jamais et ça fait des années que ça dure; à ce moment-là, qu'est-ce qu'on dit? On va faire la souveraineté et on va la faire nous-mêmes.

M. ROY (Beauce-Sud): Ce n'est pas une question de souveraineté, mais une question de responsabilité pour le gouvernement au pouvoir.

M. ROY (Jean-Jacques): Oui, d'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député d'Anjou.

M. TARDIF: M. le Président, au bas de la page 1, dans le mémoire présenté par la Société nationale populaire du Québec, on lit ce qui suit: "Le projet de loi 22, tel que présenté actuellement, est un nouvel acte de démission de la part du Québec. Un net recul. C'est une loi destinée à faire de privilèges consentis à la minorité anglo-québécoise des droits formels, favorisant en cela le lent mais inéluctable processus d'assimilation qui affecte les citoyens du Québec".

La question que je ne pose est la suivante: Est-ce que vous croyez que, si le maintien du libre choix existe pour les gens qui sont ici — Je ne parle pas des nouveaux arrivants éventuels, nous en discuterons plus tard, si vous voulez, je ne vais m'attaquer qu'à la question de ceux qui sont ici actuellement — le fait de fréquenter une école anglaise pendant quelques années conduit inévitablement à un processus d'assimilation?

M. ROY (Jean-Jacques): Je vais commencer une réponse et M. Rochefort ajoutera d'autres détails.

M. TARDIF: Aucune objection.

M. ROY (Jean-Jacques): Le fait d'aller dans une école anglais, s'il n'y avait pas l'état d'esprit qui règne dans ces écoles... On ne montre pas dans ces écoles la littérature française. Qu'est-ce qui arrive au gars? Il parle français chez lui, sort de l'école avec des auteurs américains dans la tête ainsi que des auteurs anglais. En fait, il devient quoi? Il devient un Canadien français qui pense anglais. Ce n'est pas fameux comme Canadien français.

M. TARDIF: Est-ce que vous diriez la même chose du chef de l'Opposition qui a fréquenté les écoles de langue anglaise?

M. MORIN: Pardon? C'est inexact.

M. TARDIF: C'est vrai, vous êtes allé à McGill et, par la suite, en Angleterre.

M. MORIN: C'est différent. L'université McGill n'est pas une école.

M. TARDIF: Une institution d'enseignement, si vous préférez.

M. MORIN: Ah!

M. TARDIF: Parce que... non, un instant.

M. MARCHAND: Parfait bilingue.

M. TARDIF: C'est cela qu'il y a; la recommandation no 3, c'est nationaliser les trois universités de langue anglaise. Je vais arriver à cela tout à l'heure, mais je vais prendre les éléments un à la fois, si vous permettez. Donc, est-ce que vous diriez à ce moment-là que le chef de l'Opposition qui a fréquenté des institutions d'enseignement de langue anglaise est nécessairement un assimilé?

M. ROY (Jean-Jacques): Vous me parlez, je vais m'adresser à vous. Est-ce que le chef de l'Opposition a été à l'école primaire anglaise?

M. TARDIF: C'est à lui de répondre, mais je veux vous affirmer une chose. Un instant, je vous ai dit qu'il était allé à l'université de langue anglaise.

M. ROY (Jean-Jacques): Vous jouez sur les mots, vous patinez comme d'habitude.

M. TARDIF: Un instant. D'abord, pour commencer...

M. MARCHAND: Un instant!

M. ROY (Jean-Jacques): Vous, je ne vous ai pas parlé, chose !

M. MARCHAND: Moi non plus, mais je vais vous parler par exemple.

M. TARDIF: M. le Président, ce grossier personnage devrait être rappelé à l'ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ROY (Jean-Jacques): En parlant de grossier personnage...

M. TARDIF: Un instant! Vous allez écouter. Avez-vous compris? Vous vous prenez pour un autre, alors que vous représentez 102 personnes et que cela fait neuf ans que vous existez.

M. ROY (Jean-Jacques): C'est tout. C'est tout.

M. TARDIF: Vous êtes une espèce de petit minable !

M. ROY (Jean-Jacques): Oui, c'est vrai. Je suis fier d'être un Canadien français minable!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ROY (Jean-Jacques): Vous ne me ferez pas avoir honte de moi-même, vous autres, ce soir, ici.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Roy, je vous invite, s'il vous plaît, à garder votre calme.

M. ROY (Jean-Jacques): D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite les membres de la commission à en faire autant, et si cet échange devait se répéter, nous devrons mettre fin immédiatement à l'audition de votre groupe.

M. ROY (Jean-Jacques): Très bien, M. le Président.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais rappeler à l'ordre également mes collègues qui sont un peu responsables de cet échange.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait.

M. MORIN: Oui. Je vous en remercie. Si on avait laissé le comparant dire tout ce qu'il avait à dire, sans l'interrompre, je pense que ces événements fâcheux ne seraient pas survenus. Je demanderais au député d'Anjou, qui a une meilleure éducation que cela, de faire attention à la façon dont il traite nos invités. Je l'en prie.

M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord sur ce que dit le chef de l'Opposition. Entièrement d'accord. Cependant, je dois lui rappeler qu'il a lui-même, et son parti, été extrêmement — je choisis mes mots, en ce moment — rigoureux vis-à-vis de certains groupes, surtout de groupes anglophones. Je n'ose dire grossier. Dans le cas du député de Saint-Jacques, c'était de la grossièreté et j'espère que cela ne se répétera pas.

M. MORIN: M. le Président, je ne m'en prendrais pas au député d'Anjou s'il se montrait rigoureux avec toute personne qui comparaft ici. Il le sait très bien. Mais être rigoureux, c'est une chose et être poli, cela en est une autre !

M. CLOUTIER: Je crois que c'était vraiment de l'impolitesse dans le cas du Parti québécois.

M. MARCHAND: Nous n'avons d'exemple à prendre de personne!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, j'invite le député d'Anjou à continuer.

M. TARDIF: M. le Président, je vais reposer ma question et je lui demande de ne pas faire de commentaire sur la façon dont je pose les questions. Je vous ai posé une question bien

précise, qui était une question globale, avant que nous arrivions à un cas particulier. Je vous soulignais ce cas particulier, qui n'a pas fait votre affaire. Est-ce que, nécessairement, la fréquentation par un élève, ou un étudiant, d'une institution d'enseignement de langue anglaise mène à l'assimilation, pour une personne qui est déjà ici? Je ne parle pas d'un nouvel arrivant éventuel.

M. ROY (Jean-Jacques): Ecoutez, je vais tenter d'y répondre. Je vais y aller calmement. Pour un Canadien français, disons un Québécois de langue française, qui va à l'école française, à Québec, à Trois-Rivières ou chez lui, jusqu'à sa neuvième année — je ne sais pas comment cela marche aujourd'hui, l'histoire du secondaire V et tout cela — et même s'il va à l'université McGill, monsieur, il va rester Canadien français. Mais ce n'est pas tout le monde. Vous savez qu'il y en a beaucoup qui virent en chemin. Aussitôt qu'ils poignent un Anglais, ils deviennent fous comme de la merde et ils s'imaginent qu'ils sont au pouvoir et qu'ils sont bourrés d'argent et ils n'ont rien dans leurs poches. C'est le côté colonisé de l'affaire. Mais mettons ça de côté.

Je ne pense pas qu'un type intelligent, qui a été dans une école de langue française et qui s'en va à McGill fasse un mauvais Canadien français.

M. TARDIF: A ce moment-là, on pourrait maintenir la liberté de choix pour ceux qui sont ici, si je vous suis bien?

M. ROY (Jean-Jacques): Non, pas du tout. M. TARDIF: Pour quelle raison?

M. ROY (Jean-Jacques): Je viens de vous le dire, monsieur. M. Rochefort va vous expliquer cela.

M. ROCHEFORT: Je pense qu'il faut situer dans son ensemble pourquoi une personne va envoyer ses enfants dans une école anglophone au primaire ou au secondaire, lorsqu'elle est francophone. Je pense que c'est tout simplement pour donner à ses enfants une plus grande chance d'avancement dans la société où nous vivons. Tantôt, mon confrère relevait plusieurs exemples. Ainsi, pour devenir pompier, il faut être bilingue, des choses comme celle-là. Si l'enfant, dès le niveau primaire ou secondaire, est acheminé vers une école anglophone, il va recevoir une éducation anglophone, avec la culture anglophone qui doit se greffer à cette éducation. Il va aussi avoir des amis, des copains de classe anglophones et il va se créer un certain milieu autour de cela.

Il est certain que l'enfant qui suit son cours primaire et secondaire dans une école française et qui veut augmenter ses connaissances — on considère qu'une personne rendue à douze ans de scolarité en langue française doit quand même avoir une certaine connaissance, une certaine force linguistique, si vous me prêtez l'expression, va peut-être vouloir entreprendre des études dans des écoles ou des institutions anglophones. Rendu à ce moment-là, d'une part, elle s'est quand même créé un univers français. D'autre part, elle a une force francophone, si vous me prêtez l'expression encore une fois, pour résister à ces forces. D'autre part, il y a plus de chance à ce moment-là que, si c'est pour aller fréquenter une université anglophone, ce soit pour acquérir plus rapidement la connaissance d'une langue seconde tout en gardant sa langue maternelle, tout en la pratiquant et en continuant de vivre dans son milieu francophone.

M. TARDIF: J'accepterais sans doute une bonne partie de votre raisonnement en ce qui a trait aux nouveaux arrivants éventuels qui, eux, doivent choisir entre une culture de langue française et une culture de langue anglaise, mais certainement pas pour ceux qui sont ici actuellement.

M. ROCHEFORT: Si le président me le permet, je faisais ces remarques pour les gens qui sont ici actuellement.

M. TARDIF: Oui, j'ai parfaitement compris cela.

M. ROCHEFORT: J'y répondais directement.

M. TARDIF: J'ai parfaitement compris. C'est pour cela que j'ai dit que j'accepterais une bonne partie de vos remarques, mais pour les nouveaux arrivants éventuels, parce que je n'aime pas tellement le terme d'immigrants, qui, eux, partent d'une troisième culture, qu'elle soit norvégienne, allemande ou japonaise, cela n'a aucune espèce d'importance pour les fins de la discussion, et qui doivent choisir ici entre une culture française ou une culture anglaise. Quoi qu'il en soit, je vous poserai une dernière question quant à votre troisième recommandation. Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous recommandez la nationalisation des trois universités de langue anglaise? Je comprends qu'on puisse nationaliser une compagnie de pâtes et de papiers et que cela n'en fera pas nécessairement une compagnie de langue française. Mais en ce qui a trait aux universités, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous entendez par le terme "nationaliser". Est-ce que cela veut tout simplement dire franciser ou si vous voulez dire que l'Etat va en devenir propriétaire et va en avoir le contrôle absolu, un contrôle plus grand que celui qui existe actuellement de la part de l'Etat ou du ministère de l'Education?

M. ROCHEFORT: J'aimerais faire remar-

quer au député d'Anjou qu'il a très bien compris le mot "nationaliser". Il est pris dans le vrai sens du terme, en ce sens que, pour nous, il ne s'agit pas seulement de rendre l'université francophone. Si vous connaissez très bien les universités anglophones de Montréal, ces universités sont généralement pour les anglophones une façon de donner un système d'éducation de grande qualité à leurs enfants, à leurs compatriotes en ce sens qu'ils s'arrangent, d'une part, pour recevoir des fonds gouvernementaux et, d'autre part, pour recevoir une énorme quantité de fonds privés qui leur permettent de donner une bonne instruction aux anglophones de niveau supérieur.

Or, nous considérons que, d'une part, il faut les nationaliser pour les rendre francophones, et d'autre part, leur permettre de vraiment vivre en université francophone, c'est-à-dire permettre à tous les citoyens du Québec de pouvoir aller s'instruire dans ces universités, et non pas d'être là comme des tolérés, mais comme des personnes qui sont vraiment chez elles.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. CLOUTIER: Peut-être, M. le Président, une dernière question du côté ministériel. Vous vous êtes dits souverainistes au début de cet entretien, et comme plusieurs groupes nationalistes qui vous ont précédés, vous souhaitez, ou plus exactement, vous exigez l'abolition progressive des écoles publiques de langue anglaise.

Il y a un seul parti qui est souverainiste ici au Québec, c'est le Parti québécois. Le Parti québécois a l'intention de maintenir le secteur anglophone de l'éducation. Je crois que cela fait partie de son programme, et de toute façon, les représentants du Parti québécois l'ont confirmé à plusieurs reprises au cours de ces séances.

Je voudrais savoir comment vous conciliez cela avec l'option souverainiste, et si vous considérez que le Parti québécois ne va pas assez loin.

M. ROY (Jean-Jacques): Tout d'abord, j'ai une correction à faire, je ne suis pas président général. Je fus président pendant sept ans, maintenant, je suis secrétaire général.

M. CLOUTIER: On reste toujours président, je peux vous appeler président quand même.

M. ROY (Jean-Jacques): Maintenant, nous devons dire, M. le Président, que la Société nationale populaire n'est pas le Parti québécois. Nous trouvons nous, à la SNPQ, la position du Parti québécois faible...

M. CLOUTIER: C'est cela. Vous prenez la position du Parti québécois.

M. ROY (Jean-Jacques): ... en matière de langue. Officiellement, je parle officiellement dans le programme, nous la trouvons faible.

M. CLOUTIER: Très bien!

M. ROY (Jean-Jacques): Mais cependant, pour les grandes circonstances, nous nous rallions.

M. CLOUTIER: Merci beaucoup, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors messieurs, nous vous remercions, et j'invite à l'instant même M. François-Albert Angers, du Mouvement Québec français, à bien vouloir s'approcher de la table, s'il vous plaît.

Mouvement Québec français

M. ANGERS: Messieurs les membres de la commission, je crois que vous connaissez tous le Mouvement Québec français. Enfin, il est peut-être bon de préciser, pour le dossier, que le Mouvement Québec français est une sorte de front commun dont les membres sont les présidents de huit associations dont deux sont montréalaises et six sont d'envergure québécoise, qui sont parmi les associations qu'on peut compter comme les plus représentatives de l'ensemble des milieux québécois, puisque cela comprend les deux grandes centrales syndicales, la Fédération des travailleurs du Québec, et la Confédération des syndicats nationaux; la Centrale de l'enseignement du Québec qui groupe les enseignants; le Mouvement national des Québécois qui groupe dans tout le Québec, ce qu'on pourrait appeler la petite classe moyenne; l'Association québécoise des professeurs de français, qui est aussi une association d'enseignants, particulièrement intéressés au français; l'Union des producteurs agricoles, donc, la grande association qui représente les agriculteurs du Québec, et finalement, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et l'Alliance des professeurs de Montréal.

J'ai ici avec moi, dans le moment, M. André Gaulin, qui représente l'Association québécoise des professeurs de français; M. Henri Laberge, qui représente la Centrale de l'enseignement du Québec; M. Léo Jacques, qui représente le Mouvement national des québécois; M. Gaston Miron, qui représente la commission technique; il devrait y avoir M. Yvan Sénécal, qui est quelque part, de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Pardon?

M. MARCHAND: Tous des organisateurs libéraux.

M. ANGERS: Oui... Des gens qui ne font pas de politique et qui s'occupent des intérêts de leurs associations.

M. MARCHAND: C'est la meilleure. Pas de politique. Des séparatistes!

M. ANGERS: Pas organisateurs politiques, en tout cas.

M. MARCHAND: Seulement séparatistes! D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ANGERS: Alors, le mémoire que nous...

M. MORIN: J'ai un point d'ordre.

M. ANGERS: ... voulons vous présenter...

M. MORIN: M. le Président, un instant, voulez-vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition sur une question de règlement.

M. MORIN: J'estime que les interruptions qui viennent d'avoir lieu sont tout à fait regrettables. Je pense qu'aucun mouvement, aucune association qui a comparu devant cette commission parlementaire depuis que les comparutions ont commencé n'a été traitée de la sorte. S'il y a des députés qui confondent le fait de s'intéresser aux questions politiques avec le fait de faire de la politique, j'estime que ce n'est pas leur place autour de cette table. Je leur demanderais de respecter les gens qui comparaissent. Nous avons jusqu'ici réussi assez bien à nous entendre pour que chacun ait sa complète liberté d'expression. Si, dès le départ, nous faisons des interruptions intempestives qui tendent à identifier qui que ce soit avec des partis politiques, si, dès le départ, avant même qu'ils n'aient parlé, nous agissons de la sorte, je crains que l'ambiance de cette commission ne soit appelée à se détériorer.

M. VEILLEUX: Sur la question de règlement soulevée par le député de Sauvé...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: ... je tiens à dire ceci. J'ai trouvé le député de Sauvé très subtil dans sa réponse, compte tenu que, ce matin, lui-même faisait exactement la même remarque pour un groupe de personnes qui sont venues ici déposer devant la commission parlementaire, en l'occurence le Comité Canada.

M. MORIN: M. le Président, je tiens à faire remarquer...

M. VEILLEUX: Je n'ai pas terminé. J'ai la très nette impression qu'il est fort possible que quelques membres de la commission parlementaire soient portés à suivre l'exemple du chef de l'Opposition officielle, en l'occurence le député de Sauvé.

M. MARCHAND: M. le Président, comme je suis l'attaqué, je dois ajouter que le député de Saint-Jacques a été- extrêmement impoli et également le chef de l'Opposition du parti séparatiste envers le Comité Canada.

M. MORIN: Je reconnais...

M. SAMSON: Je pense qu'on devrait donner la chance à tout le monde à ce moment-ci et permettre à M. Angers de continuer.

M. MARCHAND: Vous avez le droit de dire ce que vous voulez.

M. CLOUTIER: Excellente idée. Nous sommes d'accord avec votre parti.

M. MORIN: M. le Président, j'ai un mot à dire sur cette question. Si les députés ont des questions à poser à nos invités sur leurs allégeances ou sur le financement de leur mouvement, comme nous l'avons fait ce matin à l'endroit du Comité Canada, ils sont les bienvenus quand viendra le moment de le faire, mais je pense que jusqu'ici, nous avons réussi à l'égard de tous nos invités...

M. MARCHAND: Restez-en là.

M. MORIN: ... à les recevoir cordialement...

M. MARCHAND: Restez-en là.

M. MORIN: ... à tout le moins au départ; c'est ce climat qui est compromis, je crois.

M. MARCHAND: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la question de règlement, je pense que la suggestion du député de Rouyn-Noranda est excellente et j'invite M. Angers...

M. CLOUTIER: Elle a d'autant plus de poids que le Parti créditiste est ici au complet ce soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Angers, je vous en prie.

M. ROY: Vous ne pouvez pas en dire autant.

M. CLOUTIER: Ecoutez. C'était pour détendre l'atmosphère.

M. SAMSON: Je vous souhaite d'en faire autant.

M. CLOUTIER: On n'en finira pas.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MARCHAND: Depuis qu'ils sont deux, il n'y en a pas un du même parti.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ROY: Vaut mieux être deux que cent deux.

M. ANGERS: Le Mouvement Québec français, comme vous le savez déjà, parce qu'il est un front commun, représente ou exprime ce sur quoi les huit mouvements considérés sont unanimes, sans aucune déficience ou sans aucune faiblesse. Nous n'exprimons pas d'idées en dehors de ces points sur lesquels nous sommes unanimes, laissant au-delà de ces questions fondamentales aux mouvements eux-mêmes, chacun d'entre eux, d'exprimer les différentes politiques qu'ils peuvent avoir sur d'autres aspects du problème linguistique.

En ce qui concerne ce que nous exposons, c'est l'approbation unanime des huit mouvements en question.

A cause de cela, parce que déjà nous l'avons dit dans des mémoires, nous avons un accord fait sur l'essentiel, sur ce qui est fondamental dans cette question. Ce dont nous voulons essayer de vous saisir, ce soir, c'est de l'importance du geste que l'Assemblée nationale s'apprête à poser et de ses conséquences historiques et constitutionnelles.

Par conséquent, nous avons l'intention d'aller au coeur même de ce problème. Je ne vous cacherai pas que notre mémoire a pu ou pourra vous paraître dur pour les hommes politiques qui nous gouvernent, tout particulièrement depuis cinq ans. Nous y sommes obligés par la nécessité de vous sensibiliser davantage à la gravité du geste que vous êtes en train de poser, dans l'histoire de notre peuple avec toutes ses traditions et après tous ses combats. Nos sévérités sont, cependant, fondées sur des faits et sur des idées. Nous espérons vous voir les discuter à leur mérite, plutôt qu'en fonction des personnalités et des partis politiques que vous pouvez estimer concernés.

Ceci étant dit, le Mouvement Québec français vous le déclare tout net dès le départ. Il est profondément scandalisé de la présentation du projet de loi que le gouvernement a soumis à l'Assemblée nationale sous le titre de Loi sur la langue officielle. Et cela, tout spécialement en cette année 1974, un mois tout juste avant la date du 200e anniversaire de la proclamation à Londres de l'Acte de Québec, charte fondamentale de nos inaliénables libertés françaises.

Dans notre déclaration du vendredi 24 mai 1974, nous avons parlé, au sujet de cette loi, de véritable trahison de nos droits les plus sacrés. Et trahison il y aurait indiscutablement à voter une telle loi, et cela, au sens le plus strict et le plus objectif du terme par rapport aux faits et aux données relatives au problème en cause. Nous voulons encore croire que si le gouvernement ne l'a pas vu, c'est qu'il lui manque la perception suffisamment aigüe des principes et problèmes juridiques impliqués; peut-être parce qu'il est surtout dominé par la peur des réactions de la minorité anglophone. C'est pourquoi nous essaierons encore une fois d'exprimer encore plus clairement devant cette commission pourquoi le bill 22 est scandaleux de la part du gouvernement qui a en main les destinées de la seule nation francophone d'Amérique.

Le Mouvement Québec français, qui se compose des organismes intermédiaires les plus représentatifs de l'ensemble du peuple québécois, s'est donné beaucoup de mal et a consacré beaucoup de temps et d'argent pour approfondir cette question. Dans deux mémoires au premier ministre, entre autres, il avait indiqué très clairement au gouvernement les mesures essentielles minimales qui s'imposaient en matière linguistique pour correspondre aux droits et aux aspirations du Québec, qui est fondamentalement et doit rester intégralement un Québec français. Il avait non moins signalé au gouvernement que, dans un esprit juridique vraiment français, il convenait d'abord de s'en tenir à l'essentiel et d'établir d'abord séparément dans une loi constitutionnelle le statut de principe du français, seule langue officielle du Québec, sans rien de plus dans cette loi, sous la seule réserve des garanties constitutionnelles contenues pour l'anglais dans l'AANB, à l'article 133.

Pour que les réalités correspondent au principe général, il importait cependant d'amender en même temps, par une autre loi, la Loi de l'instruction publique, afin de corriger l'erreur du bill 63. Il est en effet incohérent, contradictoire de décréter une seule langue officielle et nationale à l'intérieur d'un territoire et de reconnaître l'égalité de droits et la liberté de choix de deux ou plusieurs langues dans le système scolaire de ce pays. Il fallait donc remettre le français à sa place comme seule langue fondamentale de l'école et définir alors les droits minoritaires que, dans notre deuxième projet de loi, nous consentions à reconnaître aux seuls véritables anglophones généreusement, très généreusement définis.

La commission Gendron, ayant ensuite assez bien défini les pouvoirs du Québec en matière linguistique, notre deuxième mémoire faisait état de ses conclusions sur le pouvoir de l'Assemblée nationale d'amender l'article 133. Il demandait un tel amendement au texte constitutionnel et la définition des droits minoritaires dans une loi spéciale et statutaire pour que la situation soit plus claire quant au caractère du français d'être vraiment la seule langue officielle du Québec.

Nous consentions à nous contenter de cela pour le début, quitte à voir clair ensuite, selon les événements et circonstances, sur les lois spécifiques qui pourraient se révéler nécessaires pour permettre au français de prendre la place concrète à laquelle il a droit comme langue de travail.

La réaction générale au bill 22 montre que le

gouvernement eut été mieux avisé de suivre les conseils du Mouvement Québec français.

A vouloir surprotéger l'anglais, il s'est créé, en somme, autant de problèmes qu'il y a d'articles, la plupart inutiles ou néfastes dans le projet de loi actuel.

Notre premier objet de scandale, c'est qu'au moment même où il dit vouloir défendre l'avenir français du Québec, notre gouvernement n'ait réussi à faire que la preuve de ce qu'il est au moins à demi assimilé et qu'il a l'esprit aussi bijuridique qu'il se veut bilingue. Il y avait deux façons d'établir le statut officiel du français au Québec. La première, qui correspond aux traditions juridiques françaises, consistait à proclamer les principes nécessaires pour l'établissement et le respect du français comme langue officielle effective. Il aurait appartenu ensuite aux tribunaux d'apprécier les situations où des citoyens se seraient estimés lésés dans leurs droits à ce sujet et des mécanismes auraient pu être prévus pour faciliter le règlement des griefs et en éliminer le coût au personnes lésées. C'est ainsi que procède notre système de droit civil du français. Au-delà des lois spécifiques auraient pu intervenir pour orienter les décisions des tribunaux sur l'interprétation de la loi fondamentale ou définir le cas de griefs plus flagrants de sorte que, devant l'évidence légale de culpabilité, personne n'ait plus le goût de les pratiquer à l'égard des francophones.

La deuxième façon correspond aux traditions britanniques et consistait à énumérer, en autant d'articles, les circonstances où l'usage et l'exigence du français seraient considérés comme un droit du citoyen émanant d'un droit coutumier relatif à l'usage courant de la langue française au Québec. Or, dans sa Loi sur la langue officielle, le gouvernement pratique les deux systèmes juridiques à la fois. Selon l'un, il y a proclamation générale (article 1) en faveur du français. Selon l'autre, on énumère toute une série de cas spécifiques en faveur surtout de l'anglais, même s'il paraît qu'on veut spécifier davantage certains droits relatifs au français. Il apparaît assez nettement que c'est surtout le désir de protéger l'anglais qui a inspiré ces articles bien plus qu'une nécessité de donner son sens plein à l'article 1.

En fonction des habitudes des tribunaux, en pareil régime de droit, les articles énumératifs risquent, quant au français, d'être autant d'éléments encore plus limitatifs de la signification du principe général formulé à l'article 1. Et comme au surplus, chacun des articles où l'anglais est mentionné constitue autant de droits nouveaux en faveur de l'anglais sur le plan légal, il est clair que l'anglais prend progressivement figure de langue non moins officielle que le français, surtout étant donné le champ très vaste concédé à l'exercice du droit à l'anglais dans l'ensemble des articles.

Est-ce parce que le gouvernement en est parfaitement conscient qu'il n'a pas osé intituler sa loi:

Loi du français langue officielle; mais tout en laissant voir au public que le titre ne regarde que le français seul. On notera qu'en français — et probablement pour les tribunaux, non moins vu la teneur de la loi et les deux systèmes juridiques pratiqués en même temps — Loi de la langue officielle ne signifie pas nécessairement que le projet ne rend qu'une seule langue officielle. Tout dépend du contenu de la loi car le titre peut n'avoir qu'une signification de portée universelle: loi sur la question du problème de la langue officielle au Québec. Ici, la solution que la loi donne au problème est nettement dans le sens de deux langues officielles. Comment les tribunaux l'entendront-ils?

Notre première réaction de scandale tient donc dans la sorte d'indignité que constitue une loi aussi mal faite, aussi loin de l'esprit français du droit, alors que son objet est ou devrait être d'affirmer à la face du monde le caractère français du Québec.

Le deuxième objet de scandale que constitue cette loi, c'est qu'après tant d'années de tergiversations, ce soit ce texte indigne qu'on nous apporte précisément en 1974, en ce 200 e anniversaire de l'Acte de Québec. C'était l'occasion où jamais de retrouver la véritable signification de nos droits tels que nous les garantis Sa Majesté britannique elle-même dans cette charte fondamentale de nos libertés françaises. Le bill 22 dénote que notre propre gouvernement n'y comprend rien et est prêt, sinon à les abandonner complètement, en tout cas à les diluer considérablement pour on ne sait trop quel plat de lentilles. Voilà bien où le mot trahison prend tout son sens d'objectivité.

Et comment pourrait-on le prétendre trop fort quand on sait que plusieurs de nos ancêtres sont allés sur les champs de bataille de la rébellion, y sont morts ou sont ensuite montés sur l'échafaud pour protester contre la violation des droits du peuple français du Québec à se gouverner lui-même selon ses institutions.

Tout le projet de loi 22 est construit, en effet, comme si le gouvernement croyait que le Québec est juridiquement un pays bilingue. Si bien qu'il nous le présente comme une grande conquête gagnée par des esprits déjà très audacieux, mais se défendant de l'extrémisme, qui seraient en train de faire reculer l'anglais dans ses droits pour donner au français un similica-ractère d'officialité.

Or, la vérité, depuis 1774, c'est que le gouvernement du Québec est celui d'un pays français, juridiquement établi comme tel, et où l'anglais ne dispose que de droits très limités tels que les a fixés l'article 133 de l'AANB.

Il est vrai qu'en pratique et dans l'usage quotidien, l'anglais s'est taillé une place concrète envahissante, au point qu'il met aujourd'hui en danger l'avenir même du français au Québec. Cela résulte du rôle économique dominant d'entreprises multinationales, surtout américaines, donc anglophones, mais encore plus, au départ et toujours, de l'entêtement des Anglo-

Canadiens, ceux de Montréal tout particulièrement, à refuser de reconnaître l'Acte de Québec et à agir comme si la proclamation de 1763 n'avait jamais été rescindée. Mais cette situation de fait n'est fondée sur aucun régime de droit. Elle est, au contraire, en contradiction avec le régime de droit que nous sommes toujours fondés à rendre efficace.

Le malheur, c'est que cette situation ambivalente a jeté beaucoup de confusion dans nos esprits, et que, raisonnant à la française pour interpréter du droit anglais, beaucoup des nôtres, et tout particulièrement notre actuel gouvernement, estiment la situation de fait conforme aux dispositions constitutionnelles qui, par l'article 133 de l'AANB, auraient établi, au Canada fédéral et au Québec, le bilinguisme officiel. C'est parce que cela est faux et que le bill 22 est construit sur cette fausseté qu'il y a, encore une fois très objectivement, trahison de notre héritage culturel. Sous le prétexte de sauver cet héritage, parce qu'on extirperait le français d'un cadre supposé bilingue pour lui donner une certaine primauté sur l'anglais, le bill 22 procède, au contraire, à la liquidation de toute une partie de nos droits pour reconnaître à l'anglais des droits jusqu'ici inexistants et dont l'établissement est totalement injustifié.

Il est à noter que cette admission de la signification bilingue de l'article 133 n'est ni partagée, ni professée par les juristes anglo-canadiens. Nous sommes à peu près seuls, du Québec, à avoir ridiculement le pas sur cette question, sauf que les politiciens anglo-canadiens n'ont pas manqué de nous y encourager en feignant de prétendre que le même article, rédigé de la même façon et pour le Canada fédéral et pour le Québec, signifiait unilinguisme à Ottawa et bilinguisme à Québec. Si bien qu'à Ottawa il a fallu une autre loi — et non la pure et simple application de l'article 133 — pour établir le bilinguisme officiel tout court. Et si la cour Suprême a émis l'opinion, dans l'affaire du maire Jones, que cette loi était constitutionnelle, ce n'est pas en vertu de l'argument que l'article 133 avait déjà établi un tel régime, mais bien qu'ayant une signification plus restreinte, il n'interdisait cependant pas d'aller plus loin.

La situation linguistique du Québec s'infère aisément de l'article 133 si on y applique l'interprétation du droit coutumier anglais par rapport au droit statutaire. Mais il y a plus. Il y a justement l'Acte de Québec qui en est le fondement constitutionnel écrit. L'article 133 est venu poser une limite précise à l'exercice plein des droits qui découlent de l'Acte de Québec et qu'aucune autre loi n'a affecté depuis jusqu'au bill 63. Le Québec est intégralement français de droit. La constitution de 1791 n'a fait que confirmer ce fait en séparant le Canada en deux provinces, dans l'intention déclarée de donner aux Anglo-Canadiens leur province et de laisser au Québec le droit de se perpétuer français: a) par la reconfirmation de l'Acte de Québec, donc de la perpétuation des droits et coutumes français; b) par l'attribution d'une Législature fonctionnant par la règle de la majorité et permettant ainsi au peuple français du Québec (Bas-Canada) de légiférer selon sa langue, ses institutions et ses lois.

L'avènement du gouvernement responsable en 1840, encastré ensuite dans le régime con-fédératif sous l'empire des articles 92 et 133, assurait, sous l'autorité même du roi d'Angleterre, la perpétuation de l'Etat français d'Amérique. Devant l'extrême gravité de ce que comporte le bill 22 comme révision fondamentale de nos droits et de notre héritage culturel, il importe donc d'aller au fond de cette question. C'est en prenant pleinement conscience seulement qu'on peut voir que ce bill est en train de faire du Québec d'un Etat français en droit, un Etat bilingue, plus bilingue qu'il ne l'a jamais été officiellement et juridiquement. Refaisons donc les étapes historiques de la préservation du caractère français et non bilingue ou biculturel du Québec.

Le fondement en est l'établissement français qu'a constitué la Nouvelle-France, de 1608 à 1760. La conquête a paru interrompre cette situation et, de fait, toujours traumatisés par cet événement, trop des nôtres, en commençant par l'actuel gouvernement, en sont restés au choc de la proclamation de 1763 et à la reconnaissance de la prédominance de l'anglais ou, à tout le moins, de son droit à l'égalité avec le français. C'est un fait que la proclamation de 1763 a mis en marche l'entreprise d'anglicisation du Canada. Mais justement, elle a été rescindée et déclarée nulle et de nul effet, comme si elle n'avait jamais existée, par l'Acte de Québec.

A partir de là, l'interprétation juridique en fonction de laquelle doit être appréciée notre situation nous fut donnée par les juristes de la Couronne britannique eux-mêmes, lorsqu'ils furent appelés à se prononcer sur l'opportunité et la validité de la proclamation de 1763.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Angers... M. ANGERS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, j'aimerais que la commission me donne une directive. Je note que vous en êtes à peu près à la moitié de votre présentation et nous avons passé au-delà des vingt minutes permis par le règlement. Je me demande si la commission pourrait à ce moment-ci se prononcer, à savoir combien de temps vous devriez prendre pour compléter votre présentation, étant donné que toute la période de questions y est...

M. CHARRON: M. le Président, sur votre appel au règlement, puis-je suggérer à la commission que, vu l'importance du groupe que nous entendons actuellement, nous permet-

tions à M. Angers de finir la lecture de son mémoire?

M. CLOUTIER: M. le Président, nous sommes consentants...

M. ROY: ... de permettre à M. Angers de compléter son mémoire.

M. CLOUTIER: Je suis certainement d'accord sur le principe, cependant pour moi, tous les groupes sont importants et je suis obligé de penser aux groupes suivants. Or, nos délibérations se terminent à onze heures, de par le règlement et de par les instructions que nous avons reçues de l'Assemblée nationale.

Il faut donc s'arranger pour que nous puissions également entendre l'autre groupe. Je n'ai donc pas d'objection à ce que le président du Mouvement Québec français termine sa lecture et nous pourrions peut-être, comme nous procédons toujours, ceci réduisant la période de questions; une fois que la période des questions normale sera terminée, nous verrons quelle heure il est, et nous verrons quel temps supplémentaire nous pouvons donner à la période des questions, de façon à tenir compte de l'autre groupe.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, allez-y, M. Angers.

M. ANGERS: Merci. Il est difficile de résumer ce mémoire parce que l'argumentation est très importante, à mon sens.

La plupart des opinions données au roi concouraient dans le même sens et se trouvaient bien synthétisées dans la formule du procureur Yorke en 1766: "Il n'y a pas une maxime de droit coutumier plus certaine, disait-il au roi, que celle qui déclare qu'un peuple conquis conserve ses anciennes coutumes jusqu'à ce que le conquérant introduise de nouvelles lois."

Je ne saurais trop souligner ce texte qui est devenu la base de nos institutions juridiques et vous faire porter votre attention sur le terme: "Jusqu'à ce que le conquérant introduise de nouvelles lois". Tout est resté comme avant, français, tant que de nouvelles lois ne changent pas la situation. C'est extrêmement important pour comprendre notre droit et ce qui se passe au Québec.

Il était dit ailleurs que l'introduction abrupte de telles lois constituerait une mesure oppressive dans une province depuis aussi longtemps française que l'était le Canada. A tout événement, c'était déjà dire au roi que la proclamation de 1763 était probablement inconstitutionnelle, puisqu'elle ne s'appuyait pas sur une loi du Parlement.

C'est après des avis juridiques de ce genre, répétés entre 1763 et 1774, que le Parlement de Westminster vota l'Acte de Québec, dès 1774, en y déclarant que les lois et coutumes françai- ses au Québec n'avaient jamais cessé d'exister, sauf que l'acte substituait définitivement le droit criminel anglais au droit criminel français. Ces opinions et ces événements nous donnent le filon à suivre ensuite pour juger de la situation constitutionnelle du français. Quelles sont les lois qui ont été votées depuis 1774 sur la langue? Or, il n'en est aucune qui ait jamais, sauf l'article 133 et le bill 63, restreint les droits pléniers du français et conféré quelque droit général d'officialité à l'anglais, depuis ce temps.

On a objecté souvent que l'Acte de Québec ne parle pas de la langue française. Donc, conclut-on explicitement ou implicitement, le Québec était dès lors bilingue, puisque inclus dans l'Empire britannique. Ce raisonnement à la française méconnaît totalement l'économie de la tradition juridique britannique, où le droit non écrit constitue le droit fondamental, que les lois écrites, statutaires, ne font que préciser. La situation constitutionnelle et juridique de la langue française prend racine dans le droit coutumier, ce que note Yorke. Et par suite, l'Acte de Québec ratifie le caractère français du Québec dans sa langue comme dans ses institutions, puisque aussi bien la proclamation de 1763 n'avait pas spécifiquement aboli l'usage de la langue française.

Les seules législations qui survinrent après 1791 concernaient l'usage des langues française et anglaise à la Législature. Et l'utilisation du droit criminel anglais, prescrit par l'Acte de 1774, entraîna la pratique de l'usage égal de l'anglais et du français devant les tribunaux. La législation de 1840 sur l'anglais ne saurait retenir l'attention puisqu'elle fut, elle aussi, rescindée. L'article 133 de l'AANB vint ensuite en 1867 ratifier l'usage libre de l'anglais à la Législature et devant les tribunaux sans rien de plus, comme la pratique s'était établie jusque-là. Le texte des commentaires réciproques de Macdonald et de Cartier, parlant au nom de deux majorités, celle du Canada à Ottawa et celle du Québec, montre clairement qu'il ne s'agissait de protéger que ces deux pratiques sous la garantie de la loi sans rien y changer.

Dorion, à la Conférence de Québec, s'est inquiété de l'avenir du français dans le Canada fédéral. Il le voyait bien mal en point, soumis à une majorité anglaise. Sur quoi se lève Sir John A. Macdonald pour dire ceci : "I desire to say that I agree with my honourable friend that as it stands just now the majority governs; but in order to cure this, it was agreed at the Conference to embody the provisions that the use of the French language should form one of the principles upon which the Confederation should be established and that its use, as at present, should be guaranteed by the Imperial Act". "As at present" signifiait évidemment les prescriptions que l'on retrouve à l'article 133: Parler français à la Chambre des communes comme au Parlement de l'Union et plaider en français devant les tribunaux fédéraux. A quoi

Cartier répondit pour garantir les mêmes avantages aux Anglais dans Québec : "I will add to what has been stated — c'est Cartier qui parle alors — on for Upper Canada, that is was also necessary to protect the English minorities in Lower Canada with respect to the use of their language, because in the Local Parliament of Lower Canada the majority will be composed of French Canadiens. The members of the Confederation will desire that it should not be in the power of that majority to décrète the abolition of the use of the English language in the Local Legislature of Lower Canada, anymore that it will be in the power of the Federal Legislature to do so with respect to the French language. I will also add that the use of both languages will be secured in the Imperial Act."

Donc, il est bien clair que ce qu'on a fait est exclusivement et uniquement cela. Il est donc on ne peut plus clair que l'article 133 n'a fait qu'étendre aux Anglais, dans un Québec clairement reconnu français, les mêmes droits que l'on garantissait au français au niveau fédéral. Le Québec était reconnu dès ce moment comme étant ou devant être aussi français que le Canada restait anglais, avec le seul droit limité de l'usage de l'anglais ou du français réciproquement dans les deux Parlements et devant les tribunaux.

Aussi bien, quand le Mouvement Québec français vous a demandé la proclamation écrite du français langue officielle du Québec, a-t-il toujours souligné qu'il ne s'agissait pas d'établir un nouveau système de droit, mais de confirmer seulement le droit déjà existant, coutumier, en en faisant du droit écrit pour que les anglophones soient forcés de la reconnaître et cessent de se complaire, comme ils se sont toujours complu, à en ignorer l'existence et à se comporter comme si l'Acte de Québec n'avait jamais été voté par le Parlement de leur propre souverain.

Dans cette perspective, personne de bonne foi et d'honneur ne peut nier la gravité des gestes posés en 1969 par le gouvernement Bertrand, avec le concours entier de l'Opposition libérale d'alors, gestes que s'apprête, en somme, à répéter en plus vaste encore, le présent gouvernement. Encore une fois, seule l'ignorance des faits réels de notre histoire et la confusion répandue dans nos esprits par plus de cent ans de propagande procanadienne sans trait d'union, de négation donc de notre identité propre et de nos droits comme peuple et comme nation dans l'histoire, ignorance et confusion trop réelles, peuvent retenir au bord de l'accusation de traîtrise dans la trahison même.

Il est évident qu'en 1969, l'anglais, langue juridiquement établie par le projet de loi 63 comme jouissant du libre choix dans l'enseignement, se voyait reconnaître un droit qu'elle n'avait jamais possédé au Québec, même si, effectivement, nous avions laissé s'exercer dans la pratique concrète ce libre choix. Cela ne peut être nié ou démontré par aucune argutie, sauf par celle de la fausse interprétation de l'article 133. Quand Jean-Jacques Bertrand soutenait, en 1969, que le bill 63 ne changeait rien, ce qui n'était même pas exact par rapport aux faits concrets, qu'il ne faisait qu'exprimer, disait-il, une situation reconnue depuis toujours, il faisait sans doute preuve d'une bonne connaissance de notre faiblesse ou de notre générosité envers la minorité anglaise au Québec, mais il faisait preuve, en même temps, d'une bien piètre carence de sens juridique et d'une triste méconnaissance de l'importance du droit dans les institutions d'une nation.

Si le gouvernement actuel fait voter le projet de loi 22, qu'il défend actuellement avec le même genre d'arguments par rapport aux situations concrètes que les anglophones occupent dans les diverses sphères de notre vie nationale, il fera preuve des mêmes carences et des mêmes méconnaissances.

Il est extrêmement pénible de voir des législateurs, et surtout en des matières constitutionnelles toujours si délicates, montrer une pareille absence de sens juridique et de sa portée dans l'histoire constitutionnelle d'un peuple, de voir des législateurs donc des fabrica-teurs de droits, ne pas faire la différence entre des situations de fait et des situations de droit, raisonner et légiférer comme si ce n'était pas une chose que d'avoir le droit de faire ou d'exiger quelque chose, et une toute autre que des pratiques qui se sont développées parce qu'elles n'étaient pas interdites jusque-là ou qu'elles étaient tolérées.

Et voilà qu'à la faveur de confusion va se trouver mis en jeu l'héritage culturel de tout un peuple par la transformation tout à coup en droits garantis par un texte légal de situations qui relèvent d'un tout autre ordre et dont la reconnaissance juridique ne saurait s'imposer à la conscience, même la plus civilisée qui soit.

Une situation de fait qui n'a pas de support de droit est tout simplement une chose que la loi n'a pas réglementée, mais qui reste toujours sujette à la réglementation. Le simple fait de n'avoir pas interdit une chose pendant un certain temps ne saurait non plus être confondu avec une coutume au sens juridique et donner prise à la notion de droits acquis. Autrement, on se trouverait dans la situation absurde de ne jamais pouvoir légiférer pour modifier un ordre ancien.

C'est sans doute en vertu de l'idée de droits acquis qu'il y a généralement opposition aux lois rétroactives, mais les lois qui viennent changer une situation de fait trouvent leur fondement dans les exigences du bien commun et de la justice. Personne ne saurait avoir des droits acquis à perpétuer l'injustice et à violer le bien commun. Aussi, si une législation spécifique s'impose à l'heure actuelle au sens d'une loi constitutionnelle de base, ce n'est pas pour ériger en droits les conséquences des abus dominateurs et le mépris des lois des Anglo-Canadiens au Québec, mais bien pour leur

interdire ce qui doit l'être, pour que le français soit effectivement langue officielle.

Au Québec, nous sommes en ces matières sous le régime du droit coutumier que décrivait le procureur York. Il serait absurde que la conduite dominatrice d'un conquérant lui conférât des droits acquis à perpétuer sa domination. Ce qui fait coutume alors, ce ne sauraient évidemment être les faits de domination du conquérant, mais bien les us et coutumes du peuple conquis qui restent le droit du pays tant que des lois ne les ont pas changés. Le fait que les Anglais aient continué de parler anglais à Montréal et ailleurs au Québec, au mépris des droits et coutumes reconnus explicitement aux Canadiens français par George III, et que ceux-ci aient dû subir ou tolérer ce fait par faiblesse ou générosité ne peut évidemment pas être la source d'un nouveau droit coutumier qui détruisait l'autre.

Or, ce que le projet de loi 22 s'apprête à faire, c'est de détruire toute une partie de ce droit coutumier, de changer la coutume par une loi dont le résultat en est une consolidation de droits nouveaux au profit des anglophones. Ce que le conquérant n'osa jamais faire en cent ans de domination coloniale, ni laisser faire en plus de cent ans de fédéralisme dominé par les Anglo-Canadiens, voilà que notre gouvernement français du Québec est en train d'y procéder. C'est tout simplement aberrant !

Cet éclairage était nécessaire pour bien faire ressortir la gravité, bien plus la véritable trahison de nos droits les plus sacrés que constitue le projet de loi 22. Et c'est là le troisième scandale du projet de loi 22 que nous voulons dénoncer. Voyons en effet ce qu'il signifie en regard de notre situation historique.

Dans un Québec, juridiquement, constitutionnellement français, les Canadiens français ont laissé les anglophones libres d'utiliser leur langue, de l'imposer même dans les relations individuelles courantes du commerce et du travail et de se donner des écoles selon leur langue. Ils ont poussé la courtoisie jusqu'à consentir à s'imposer l'anglais dans de nombreuses réunions, parce qu'un ou quelques Anglais ne connaissaient pas le français. Cette situation est devenue si abusive qu'elle menace l'avenir linguistique et culturel du Québec français. Le gouvernement du Québec décide enfin de légiférer pour mieux établir les obligations relatives à l'usage du français au Québec. Mais, du même coup, il rend obligatoires aussi toute une série de nouvelles dispositions pour garantir aux anglophones qu'ils pourront légalement exiger le respect des pratiques abusives qu'ils ont imposées aux Canadiens français ou qu'il faudra leur reconnaître un droit aux services qui relèvent de la pure courtoisie dans le cadre d'un pays normal.

Il faut dire tout d'abord que ces prescriptions en faveur de l'anglais sont odieuses, humiliantes, outrageantes pour le peuple qué- bécois. Pensons que pendant le dernier siècle, le gouvernement du Québec a laissé les anglophones bafouer notre langue, nous refuser de la reconnaître dans les relations du travail et du commerce, sans jamais intervenir pour assurer le redressement des torts. La Greater Montreal Protestant School Board, par exemple, a refusé, pendant des années et des années, des écoles françaises aux protestants français sans que le gouvernement lève même le petit doigt pour établir la liberté de choix des parents à la langue d'enseignement.

Mais il s'empressera de voter le projet de loi 63 pour forcer les Canadiens français de Saint-Léonard à donner des écoles anglaises même pas à des anglophones, mais à des citoyens de descendance italienne. Et maintenant qu'il songe à protéger un peu plus les droits du français par des lois écrites, il se croit obligé d'anticiper, par tout un appareil légal, les présumées vexations dont des anglophones pourraient risquer d'être victimes dans l'exercice par les Québécois de leur droit au français. H y a là une insulte publique jetée à la face de la nation québécoise qui est complètement intolérable. Pourquoi le gouvernement de Québec ne pratique-t-il pas à l'endroit des relations de francophones à anglophones les mêmes attitudes incitatrices qu'il estime normal d'appliquer à ceux qui nous ont opprimés dans nos droits linguistiques en ce siècle de Confédération?

Enfin, le quatrième scandale de ce projet de loi 22, c'est qu'au plan constitutionnel, le gouvernement ne paraît pas se rendre compte que ce qu'il fait aboutit à élargir, donc bien loin de la restreindre, la portée de l'article 133 de l'AANB. Après tous les débats de ces dernières années, la signification des luttes poursuivies, les promesses même du gouvernement d'une législation qui réglerait la question de la permanence du français au Québec, le projet de loi 22 donne l'impression que nous vivons dans un monde de fous, où nos gouver-nents, à la solde d'on ne sait trop quel pouvoir extérieur à nous, ne font que se moquer de la population.

L'article 133 original limitait aux points suivants la place de l'anglais au Québec: Droit de parler anglais à l'Assemblée et rédaction en anglais des procès-verbaux et des lois; droit de plaider en anglais devant les tribunaux.

Par le projet de loi 22, les habitudes suivantes deviennent garanties comme des droits en addition à l'article 133: 1— obligation morale de fournir des versions anglaises des documents officiels (article 2— obligation aux municipalités qui le font déjà et dont 10 p.c. des administrés sont de langue anglaise de continuer à rédiger leurs textes et documents officiels en anglais; la version anglaise étant alors aussi authentique que la française obligatoire (article 9); 3— obligation pour l'administration publi-

que d'accepter de toute personne, même morale, qu'elle s'adresse à elle en anglais (article 11); 4— l'anglais, langue officielle à égalité du français dans les organisations municipales et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise (article 13); 5— possibilité reconnue juridiquement de pouvoir être unilingue anglais dans les postes administratifs du gouvernement (article 14); 6— droit de parler anglais en assemblées délibérantes, non plus seulement à l'Assemblée nationale, comme dans l'article 133, mais ainsi partout dans l'administration publique (article 15); 7— droit de rédiger en anglais également les contrats conclus au Québec avec l'administration publique (article 17); 8— obligation morale créée aux entreprises d'utilité publique et de transport, et aux corps professionnels de fournir une version anglaise des avis, communications, formulaires et imprimés destinés au public (article 20); 9— obligation morale aux employeurs de donner en anglais leurs avis, communications et directives lorsque leur personnel est en partie de langue anglaise (article 24); 10— droit conféré à une majorité simple de salariés syndiqués présents à une assemblée de négocier en anglais et de rédiger les conventions collectives en anglais, avec version française seulement obligatoire (article 26); 11— droit de libre choix entre l'anglais et le français pour la formulation des griefs (article 28) et des procédures qui les accompagnent (article 29); 12— droit d'obtenir la rédaction en anglais comme en français des contrats d'adhésion, des contrats où figurent des clauses de style imprimées, ainsi que les bons de commande, les factures et les reçus imprimés (article 39); 13— droit de tout consommateur d'exiger un contrat d'achat en anglais; 14— droit pour les commissions scolaires de donner l'enseignement en langue anglaise, si elles ont déjà commencé à le faire, avec interdiction de cesser de le faire ou de commencer à le faire si elles ne le font déjà, sans l'autorisation du ministre.

Insistons sur le vrai tableau qui se dégage maintenant: Avant le bill 22 et le bill 63, le français a seul, de droit coutumier, tous les droits partout, sauf à s'opposer à l'exercice par les anglophones des points limités prescrits par l'article 133 de l'AANB. Par le bill 22 qui prétend affirmer la primauté du français, celui-ci doit au contraire reculer, en droit, devant toute la série des exigences que les anglophones seront dorénavant en droit de faire valoir et nous obliger à respecter.

Le Mouvement Québec français ne saurait assez dire, ni dire assez fort qu'il s'oppose formellement à toute addition de droits nouveaux à ceux qui sont conférés aux anglophones dans Québec par l'article 133, sauf en ce qui concerne les questions scolaires au sujet desquelles le Mouvement Québec français accepte, il commence à le croire beaucoup trop généreusement, l'amendement du bill 63 selon les clauses qu'il vous a soumises dans son projet de loi no 2.

La situation courante démontre déjà qu'au Québec, en dépit du caractère très limitatif de l'article 133, l'anglais a pu s'assurer une place plus que confortable sans aucune de ces garanties légales auxquelles les anglophones n'ont pas droit. Les clauses scolaires que nous acceptons à leur profit sont déjà plus généreuses que celles que leur congénères des autres provinces accordent aux minorités francophones. Si les anglophones du Québec veulent y conserver leurs caractéristiques propres, les clauses scolaires précitées leur en fournissent tous les moyens. Quant au reste, le Mouvement Québec français ne veut entendre parler d'aucune clause légale assurant des droits à l'anglais, que les anglophones apprennent à se comporter envers nous avec la courtoisie qui sera de nature à engendrer de notre part une attitude généreuse à leur égard.

Si on passe du point de vue droit au point de vue pratique, qu'est-ce que gagne effectivement le français dans le projet de loi 22? En fait, les articles qui veulent préciser la signification de l'article 1 ne déclarent devoir être français que ce qui l'est déjà:

Article 8: documents de l'administration publique;

Article 9 : documents des institutions municipales et scolaires à plus de 90 p.c. français;

Article 12: langue interne de l'administration publique;

Article 14: connaissance du français pour l'admission et la promotion dans l'administration publique, avec exception quand même permise pour des unilingues anglais s'ils ne sont pas en contact avec le public;

Article 16: traduction en français des jugements prononcés en anglais.

Dans tout ce domaine de l'administration publique, on ne fait guère qu'affirmer par le détail une situation de droit que proclame l'article 1 et qui est déjà pratique courante. L'énumération ne fait, en définitive, qu'affaiblir la portée de l'article 1, vu que le tout est assorti de la série des droits créés à l'anglais pour nous rendre obligatoire ce que nous avons déjà concédé par courtoisie ou subi par domination.

La portée du projet de loi est plus significative en ce qui concerne les entreprises d'utilité publique et les professions, mais toujours au prix de droits nouveaux créés en faveur de l'anglais. Et c'est la même chose, en beaucoup plus limité, dans le domaine de la langue de travail, mais toujours au prix de la création de droits nouveaux pour les anglophones. Tout ce que le français peut gagner concrètement de la loi reste du domaine de l'hypothétique, et d'autant plus incertain que la loi ne prévoit aucune sanction contre ceux qui y contreviendraient, sauf en ce qui concerne les malheureux employés de l'Office de la langue française qui pourraient se rendre coupables d'indiscrétion.

Aussi bien, le Mouvement Québec français

tient à dire solennellement qu'il n'acceptera jamais, pas plus qu'il n'a accepté la première version du bill 63, cette nouvelle version d'une même veine qui étend cette fois la règle du "libre choix juridique" à tous les domaines de la vie québécoise. Même si la loi est votée, nous refusons d'avance de la reconnaître au nom de toutes les couches de la population que nous représentons. L'esprit qu'elle véhicule et la construction en sont si mauvais que nous demandons, quant à nous, le retrait pur et simple, et immédiat, du bill et la présentation à l'Assemblée nationale, dès le début de l'automne prochain, d'un texte nouveau, vraiment conforme aux aspirations de notre nation.

Nous voulons ajouter quelques mots sur la partie de la loi qui concerne l'enseignement. Par l'article 118 du bill 22, le gouvernement abroge purement et simplement le bill 63. Et il se prépare sans doute à faire fond sur cette suppression radicale pour prétendre qu'il a réglé la question.

Mais la réalité est bien différente, car l'article 48 montre que l'article 118 ne constitue qu'une parodie d'abolition du bill 63 pour y substituer l'équivalent. L'article 48 nous répète d'ailleurs la même comédie que nous avait jouée le bill 63: "L'enseignement se donne en français dans tout le système scolaire... mais il peut aussi bien se donner en anglais au gré des parents". C'est le genre de formulation qui permet de pratiquer l'art des citations tronquées pour tromper les électeurs au cours des campagnes électorales. On a dit que, dans tout le système scolaire, l'enseignement se donne en français.

L'article 48, de même, prescrit que "l'enseignement se donne en langue française dans les écoles régies par les commissions scolaires..." Mais c'est tout de suite après pour dire qu'il se donne finalement en français ou en anglais. Le principe des deux langues officielles dans le régime scolaire est donc maintenu. Il est inacceptable et formellement contradictoire de l'article 1, en fonction duquel il ne serait censé n'y avoir qu'une seule langue officielle au Québec. L'histoire des tests de contrôle de la capacité de suivre les classes de l'une ou l'autre école est de nature pédagogique et n'a rien à voir avec le problème fondamental en cause. Quant aux pouvoirs de décision que se réserve le ministre, il ne saurait y avoir de domaine où le principe en soit moins acceptable. On ne place pas une mesure qui relève du droit constitutionnel et des droits fondamentaux de tout un peuple ou des minorités dans les mains d'un ministre.

Les articles qui concernent tous ces points font toujours foi de la confusion qui existe dans les esprits gouvernementaux entre situation de droit et situation de fait. Ce que la loi règle par la remise à l'arbitraire du ministre, ce sont les situations de fait: Laissera-t-on telle commission scolaire commencer à établir les classes anglaises ou cesser d'en tenir? Laissera-t-on tel ou tel enfant francophone s'inscrire dans une classe anglaise, et à quelles conditions? Mais cela même suppose que la langue anglaise est aussi officielle dans notre système scolaire que la langue française. Cela est inadmissible.

La seule primauté que la loi accorde au français, c'est d'y obliger les enfants d'immigrants qui ne savent ni le français ni l'anglais. Or, dans le cadre du reste de la loi, cet article 49 devient alors tout simplement odieux. Finalement, le premier énoncé de l'article 48 quant à la place du français dans l'enseignement au Québec ne s'applique vraiment et totalement qu'à ceux qui ne connaissent ni l'une ni l'autre des deux langues, ainsi considérées comme les deux langues officielles de notre système d'enseignement. A défaut de l'existence d'un système général français qui s'applique rigoureusement à tous, avec liberté de choix pour des classes anglaises à des minorités bien définies seulement, on prive les immigrants de cette catégorie d'un droit qu'on accorde à tous les autres citoyens ou non-citoyens sans autre distinction que celle-là. Cela aussi est inadmissible.

Le Mouvement Québec français vous a déjà indiqué dans un projet de loi type les changements qu'il attend à la situation créée par le bill 63. C'est là un minimum sur lequel aucun compromis n'est possible. De plus en plus, nous devenons chaque jour plus conscients que la difficulté à accepter ces propositions vient de ce que nous retenons l'existence de classes anglaises auxquelles ensuite tout le monde voudrait avoir accès. Si la situation ne se dénoue pas prochainement, il nous faudra avant longtemps considérer que la seule solution compatible avec la vie normale de l'Etat français du Québec serait la solution normale de toutes les nations normales, une seule école dans la langue nationale et la disparition complète de toute école ou classe anglaise publique, en tenant compte d'une période d'années d'adaptation pour ne pas engendrer de malaises indus à ceux qui fréquentent déjà l'école anglaise.

Conclusion. Le Mouvement du Québec français avait demandé, premièrement, que le français soit proclamé seule langue officielle au Québec par amendement constitutionnel; deuxièmement, que le bill 63 soit amendé de façon à n'accorder l'école anglaise qu'aux seuls véritables anglophones; troisièmement, que l'article 133 de l'AANB soit amendé pour que les droits minoritaires soient transférés de cet article constitutionnel à une loi ordinaire.

Or, le bill 22 ne fait rien de tout cela. Au lieu de s'inspirer de la tradition française, laquelle pose surtout les principes du droit, on nous donne plutôt, selon les habitudes juridiques britanniques, une loi de type statutaire qui procède par 1'énumération de cas particuliers, de sorte que les droits du français deviennent limités par les droits particuliers qui donnent droit de cité à l'anglais. Il ressort de tout cela que si le français est langue officielle en vertu de l'article 1, l'anglais le sera à peu près autant par la vertu de l'ensemble de la loi.

Or, l'utilité d'une loi du français langue officielle ne venait pas de ce que le français avait besoin de se faire donner des droits nouveaux, il les avait déjà à peu près tous, mais de ce qu'il était devenu nécessaire de légiférer pour clarifier cette situation par du droit écrit. C'est donc une idée saugrenue que celle qui a présidé à la rédaction du présent projet de loi de profiter de la situation pour élaborer de toutes pièces une charte nouvelle des droits de l'anglais au Québec de telle sorte que celui-ci deviendra juridiquement plus bilingue qu'il ne l'a jamais été. Le Mouvement Québec français ne peut, dans les circonstances, que dénoncer une telle entreprise et vous dire que si le projet de loi n'est pas retiré, il fera tout en son pouvoir pour obliger le gouvernement à se montrer plus respectueux des droits et des libertés du peuple québécois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je remercie M. Angers. Je répète encore la disposition du règlement de l'Assemblée nationale qui exige que le public ne manifeste d'aucune façon, et je demanderais la collaboration de tous. J'aimerais aussi demander une directive à la commission — notez que la présentation a duré, à toutes fins pratiques, 55 minutes — que la commission décide du temps qui sera alloué pour la période des questions qui doit être répartie entre les partis. Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer?

M. CHARRON: Je voudrais entendre la proposition du ministre.

M. CLOUTIER: M. le Président, compte tenu du fait qu'il y a un autre groupe qui a droit à sa présentation et qu'il faut compter 20 minutes plus 40 minutes pour l'autre groupe, le solde me paraîtrait pouvoir être affecté au Mouvement Québec français, ce qui nous mènerait au maximum jusqu'à dix heures, ce qui constitue un allongement de la période normale.

M. ROY: Une vingtaine de minutes. Il est évident qu'une vingtaine de minutes pour poser des questions à la suite d'un mémoire aussi élaboré, ça nous place dans une situation dans laquelle il va nous falloir des choix extrêmement limités.

M. CLOUTIER: C'est exact, M. le Président, c'est le choix du Mouvement Québec français qui a préféré lire son mémoire, lequel se tient et apporte une argumentation complète.

M. ROY: II a tenu à le lire mais à notre demande, parce que nous avons demandé tout à l'heure...

M. CLOUTIER: A notre demande, la commission était d'accord.

M. ROY: Moi, j'aimerais bien qu'on définisse quand même une certaine période de temps pour chacun des partis.

M. CLOUTIER: II y a vingt minutes, ce qui donne, suivant l'entente acceptée par l'Opposition, moitié moitié, moitié pour le parti ministériel et moitié pour l'Opposition.

M. CHARRON: M. le Président, on a voulu depuis le début fonctionner avec le plus de souplesse possible. Je pense que pour les deux derniers organismes entendus avant le Mouvement du Québec français, nous n'avons même pas employé tout le temps que nous avions pour le faire dans la parfaite connaissance du travail que cette commission a à faire au cours des prochains jours. Mais il reste que ç'a été une décision gouvernementale que de nous placer à un tel endroit de nos travaux de la commission l'étude du mémoire du Mouvement Québec français.

Je ne veux en sous-estimer aucun — je serais mal placé pour le faire, parce que j'ai été impressionné par plusieurs des mémoires déjà signalés— mais s'il est un mémoire que cette commission attendait et, je pense, le ministre de l'Education aussi bien que les représentants de l'Opposition, c'est celui du Mouvement Québec français qui s'est fait, plus que n'importe quel autre groupe, le porte-étendard de cette question.

Nous devons entendre par la suite le Mouvement national des Québécois. Si nous pouvons entendre ce soir, à la suite de nos questions, la lecture du mémoire du Mouvement national des Québécois, procédons demain matin, dès l'ouverture des travaux, à la période des questions du Mouvement national des Québécois.

M. CLOUTIER: Ceci est totalement impossible, M. le Président.

M. CHARRON: Pourquoi ceci est-il totalement impossible?

M. CLOUTIER: Parce qu'il y a d'autres organismes qui sont convoqués. Le secrétariat de la commission doit quand même fonctionner et, si nous commençons à décaler les organismes, même si j'ai toujours montré la plus grande ouverture et je continue de la montrer... Maintenant, j'ai peut-être une suggestion qui peut vous aider à sortir de l'impasse. Je constate que le président directeur général du Mouvement national des Québécois, qui doit venir après, est en ce moment le voisin immédiat, si je ne me trompe, du président du Mouvement Québec français. On peut peut-être déduire que les positions sont à peu près les mêmes. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir entente entre les deux groupements?

M. CHARRON: Ce n'est pas à eux de faire entente. M. le Président, je reviens sur cette

question de règlement, encore une fois d'une façon très modérée, et sans chercher à envenimer le débat. Je pense qu'on aborde une question qui est importante et qui ne doit pas être tranchée à la légère. Le ministre nous dit que c'est absolument impossible de remettre à demain matin la période de questions que nous aurions avec le Mouvement national des Québécois. Il dit cela parce que lui nous impose à chaque matin une liste de témoins en nous disant: C'est cela aujourd'hui, ils passent tous et ils doivent tous passer avant onze heures. C'est impossible; le ministre à ce moment profite déjà d'un pouvoir discrétionnaire qui n'avantage pas les travaux de la commission.

M. CLOUTIER: Désolé, M. le Président. M. CHARRON: C'est vous...

M. CLOUTIER: II y a un règlement et ce règlement est très, très clair. Nous l'avons interprété largement de manière à donner le plus de temps possible aux organismes et je suis encore d'accord pour le faire.

M. CHARRON: Mais je suis convaincu, M. le Président, que, par exemple, une préparation judicieuse de notre travail d'aujourd'hui aurait voulu que ce soir, nous ayons uniquement le Mouvement Québec français.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas juste, M. le Président.

M. CHARRON: Et que vous l'ayez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER M. le Président, — je m'excuse — quelle justice envers les autres organismes? J'ai le plus grand respect pour tous les organismes qui se présentent ici sans distinction et je crois qu'il y a un règlement qu'il faut tout de même appliquer même si on l'interprète largement, comme nous l'avons toujours fait.

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez, M. Jacques semblait prêt à donner une réponse à la suggestion du ministre...

M. JACQUES: Mais écoutez, à votre suggestion, M. le ministre, je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne, nous n'avons absolument aucune objection à revenir demain matin ou même d'ici quelques jours pour vous présenter notre point de vue.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas ma suggestion, parce que nous avons déjà, à cause de nos règlements, convoqué des organismes plusieurs jours à l'avance. Et dans toutes les commissions parlementaires, c'est ainsi qu'on procède, on termine les organismes à entendre le jour même. Ma suggestion était tout simplement peut-être que vous pourriez envisager, étant donné que vous faites déjà partie de cet organisme qu'est le Mouvement Québec français, de réduire votre temps, à la suite d'un accord.

M. JACQUES: Oui, sauf que nous envisageons peut-être le problème d'un autre point de vue, d'autres aspects que nous voulons soulever dans notre mémoire.

M. CLOUTIER: Peut-être pourriez-vous à ce moment-là déposer votre mémoire dont nous prendrons connaissance?

M. MORIN: M. le Président, je regrette, nous voulons avoir tout le loisir d'interroger aussi bien cet organisme que le Mouvement Québec français.

M. CLOUTIER: Ne perdez pas de temps, il reste un quart d'heure avant dix heures.

M. MORIN: Je tiens à dire ceci. Le ministre invoque le règlement, mais il oublie qu'il est intervenu un accord entre les divers partis sur l'emploi du temps et il a été convenu que, sans dépasser les bornes du raisonnable, nous ferions preuve de souplesse lorsque, à l'occasion, il se présenterait des mémoires plus substantiels que d'autres. Or c'est bien — à ma connaissance et je pense que le ministre n'en disconviendra pas — le mémoire le plus substantiel qui nous ait été soumis depuis le début de nos sessions.

M. CLOUTIER: Je ne porte pas...

M. MORIN: En tout cas, l'un des plus substantiels.

M. LOUTIER: Je ne porte pas de jugement de valeur, parce que, je vous l'ai dit, pour moi, tous les organismes sont aussi importants et tous les mémoires qui ont été présentés méritent autant de respect.

M. MORIN: Autant de respect, mais ils ne sont...

M. CLOUTIER: II ne faut pas...

M. MORIN: ... pas tous aussi substantiels.

M. CLOUTIER: ... qu'un parti politique, parce qu'un mémoire semble lui donner raison sur certains plans...

M. MORIN: Non, il n'est pas question de cela. M. le Président, vraiment j'en voudrais au

ministre s'il commençait à me prêter des intentions comme celles-là.

M. CLOUTIER: II me semble que l'on m'en prête en ce moment, alors...

M. MORIN: M. le ministre, n'est-il pas vrai que nous avons accordé à des organismes anglophones, qui nous ont fait l'honneur de nous envoyer une lettre d'une page, une heure, une heure et quart, une heure et demie?

M. CLOUTIER: C'était votre choix. Je n'ai posé qu'une courte question. J'ai peut-être une autre suggestion. Nous pourrions prolonger après onze heures.

M. MORIN: Cela, c'est déjà mieux.

M. CLOUTIER: II ne peut pas y avoir d'autre formule. Je veux bien montrer, par cette recommandation, que je ne cherche pas du tout à restreindre la discussion, mais je suis obligé de tenir compte, en toute justice, des autres organismes et s'il était possible d'aller jusqu'à 11 h 15, cela nous donnerait peut-être une demi-heure pour conduire notre discussion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud sur la question de règlement.

M. ROY: Sur le point de règlement, M. le Président, au tout début, la semaine dernière — et je me réfère à une discussion que nous avions eue et à une décision que nous avons prise — nous avions fait référence à d'autres commissions parlementaires qui ont siégé pour des questions importantes, mais non moins importantes que celles que nous discutons à l'heure actuelle, des commissions parlementaires auxquelles j'ai participé. Nous avons même, pendant deux heures ou trois heures, interrogé le même organisme. Nous avions relevé ce fait la semaine dernière, il avait été discuté que, à la lumière des événements et au fur et à mesure que se dérouleraient les travaux de la commission, on pourrait juger chaque cas à son mérite. A ce moment-là, je prends les paroles mêmes du ministre "chaque cas à son mérite".

Nous avons ce soir — et ce n'est pas l'Opposition, ni le Parti québécois, ni le Parti créditiste qui a la responsabilité de convoquer les associations devant la commission parlementaire — deux mémoires extrêmement importants — je ne parle pas au nom du Parti québécois pas plus qu'au nom du Parti libéral — tous les deux. Il y a le Mouvement Québec français. Je ne veux pas faire de discrimination, mais tout le monde doit quand même admettre son caractère de représentativité. Nous avons aussi le Mouvement national des Québécois. Personne n'ignore au Québec que ces deux organismes ont toujours accordé une importance capitale, une priorité aux questions fondamentales qui sont à l'étude présentement. J'estime qu'il serait normal...

M. CLOUTIER: C'est un discours.

M. ROY: M. le Président, je n'ai pas abusé de mon droit de parole jusqu'à maintenant. J'estime qu'il serait normal à ce moment-ci que s'il faut qu'un organisme revienne demain matin devant la commission parlementaire pour que nous puissions l'interroger, on prenne le temps d'étudier ces questions, d'étudier ces mémoires.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. ROY: J'ai dit, et je ne veux pas aller au fond de la question, que nous avons une question fondamentale actuellement à l'étude. Pour ma part, je ne voudrais pas être limité à poser deux questions de deux minutes chacune.

M. CLOUTIER: M. le Président, il ne peut pas être question, je le regrette, de reconvoquer cet organisme demain matin. Ceci, c'est par respect pour les autres organismes, indépendamment du fait que notre règlement est clair à cet égard.

En revanche, je suis prêt à allonger, si c'est le désir de la commission, la période de ce soir aussi longtemps qu'on le souhaitera, à la condition que cela reste dans des limites raisonnables. Qu'on me fasse des suggestions!

UNE VOIX: Onze heures trente.

M. CLOUTIER: La suggestion que l'on fait paraît raisonnable.

M. MORIN: Tout à l'heure, M. Léo Jacques a indiqué qu'il serait prêt à revenir non pas demain matin, comme vous venez de le suggérer, mais peut-être à une autre date. Est-ce que ce ne serait pas une solution?

M. CLOUTIER: Non, M. le Président, parce que le problème va se poser...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: Mais on parle de respect des organismes qui se présentent devant nous. Je pense qu'on devrait commencer par respecter celui qui vient de nous soumettre un mémoire d'une très haute qualité.

M. CLOUTIER: Nous lui donnons tout le temps nécessaire si nous siégeons jusqu'à onze heures trente. Nous avons encore beaucoup plus de temps que ce que nous avons consacré à la plupart des organismes. Je ne crois pas que ce soit un manque de respect.

M. VEILLEUX: M. le Président, quant à moi, j'abonde dans le sens du ministre de l'Education. Je regardais la liste de ceux qui ont à se présenter prochainement. Hier, notamment, la Centrale de l'enseignement du Québec s'est présentée. La CSN ou des filiales de la CSN auront à se présenter, la FTQ, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, l'Association des professeurs de Montréal viendront aussi. Si

on prend une demi-heure ou trois quarts d'heure avec le Mouvement Québec français et la dernière heure avec le Mouvement national des Québécois, je pense que cela nous permettra de poser des questions. Si on n'a pas terminé avec eux, on pourra les poser aux organismes qui sont membres du Mouvement Québec français. On les leur posera à ce moment-là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, si vous permettez, je me sens passablement éclairé, sauf que je n'ai pas encore l'heure à laquelle nous finirons. Il faudrait peut-être quelqu'un pour en faire une motion.

M. MORIN: Mais, M. le Président, je voudrais poser une question: Est-ce que le ministre peut nous assurer que nous allons entendre les organismes qui viennent d'être mentionnés par le député de Saint-Jean?

M. OSTIGUY: M. le Président, je voudrais faire une motion afin que nous siégions jusqu'à onze heures trente ce soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que cette motion...

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement. Je pense que cette motion n'est pas recevable. Vous n'avez pas le droit actuellement, c'est bien dommage, vous êtes obligés de siéger aux heures de la Chambre, c'est tout.

UNE VOIX: C'est cela.

M. BURNS: Si vous faites une motion pour siéger en dehors des heures de la Chambre...

M. MARCHAND: II vous reste dix minutes.

UNE VOIX: On est obligé de siéger aux heures de la Chambre?

M. CLOUTIER: Alors, je suis désolé. Nous avons fait notre possible.

M. BURNS: Non, écoutez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MARCHAND: Le leader parlementaire refuse au mémoire d'être reçu.

M. BURNS: M. le Président, je veux qu'on s'entende bien. On va rétablir un certain nombre de faits. Je pense qu'on a eu une réunion préliminaire, le ministre de l'Education, le leader parlementaire du gouvernement, un des responsables de l'Opposition à cette commission, soit le député de Saint-Jacques, le leader de l'Opposition, le Président de l'Assemblée nationale, le député de Beauce-Sud, le député de Gatineau, qui préside, le député de Roberval, qui est vice-président de l'Assemblée nationale et qui, à l'occasion, vient présider cette commission. Je pense qu'il y a une chose qui a été clairement établie et je pense que je peux, même si les débats n'ont pas été enregistrés, citer presque verbatim ce que nous avons dit. Cela a été que lorsqu'il est évident qu'un mémoire ne peut pas se traiter à la légère, et je me souviens — le ministre de l'Education pourra m'endosser là-dessus — que j'ai même dit: Lorsqu'il y a un mémoire au sujet duquel il est évident qu'on ne peut le régler du revers de la main à l'intérieur d'une heure, on va mettre une certaine flexibilité dans les règlements.

M. CLOUTIER: Ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.

M. BURNS: Ce que j'entends jusqu'à maintenant, écoutez, même si je ne suis pas ici, je l'entends parfois de mon bureau par l'entremise de la transmission directe, ce que j'entends depuis le début : Vos 20 minutes sont finies, vos 40 minutes sont finies, l'heure est finie. Ecoutez...

M. CLOUTIER: C'est votre parti qui a accepté cela, la suggestion 50-50.

M. BURNS: Non, ce que le chef de l'Opposition vient de vous dire, c'est que vous avez un mémoire d'une importance telle qu'on pense qu'on doive s'y arrêter. Je vous ai dit, également, M. le ministre de l'Education, lors de cette rencontre, que si vous, vous avez décidé, pour des raisons stratégiques ou autres qui vous appartiennent, de bâcler l'audition...

M. CLOUTIER: Pardon! Pardon!

M. BURNS: Je vous ai dit cela, M. le ministre.

M. CLOUTIER: Des raisons stratégiques... C'est vous actuellement qui faites perdre le temps...

M. BURNS: Si vous avez décidé de bâcler l'audition des mémoires, c'est votre problème. L'Opposition — en tout cas, en ce qui concerne le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques, et j'ai eu connaissance que le député de Beauce-Sud m'en ait parlé à certaines occasions — partage notre opinion là-dessus.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. BURNS: Nous voulons, en ce qui nous concerne, entendre toutes les parties qui sont intéressées à nous dire quelque chose là-dessus. Est-ce clair une fois pour toutes qu'on puisse dire qu'on va entendre les gens le temps qu'ils ont des choses à nous dire? On vous a même dit, M. le ministre — je vous le demande encore

une fois, je vous prends à témoin — qu'il n'était pas question, en ce qui nous concernait, lorsqu'un mémoire, parce qu'il s'attaquait à un point particulier, d'utiliser une heure. Si, évidemment, il y avait un point...

M. CLOUTIER: Si nous perdions moins de temps en débats de procédure. C'est la première fois d'ailleurs...

M. BURNS: Ne venez pas me dire que je perds du temps.

M. CLOUTIER: ... que cela se produit.

M. BURNS: C'est la première fois que je viens à votre "moses" de commission.

M. CLOUTIER: Oui, mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il y ait intérêt à ce que vous reveniez.

M. BURNS: Ne me blâmez pas! Je vais venir plus souvent, cela m'a l'air, de la façon que cela marche...

M. CLOUTIER: Ecoutez, M. le Président, soyons sérieux !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Non seulement avons-nous montré le plus de souplesse possible, c'est que nous ne convoquons même pas, contrairement à ce qui se fait dans les autres commissions parlementaires, un groupe à l'heure comme le règlement nous le demande. Nous nous sommes donné un battement d'une heure. En fait, nous avons pu entendre hier la CEQ pendant une très longue période, parce qu'il s'est trouvé qu'un groupe ne s'est pas présenté. Mais je ne vois pas comment une commission parlementaire peut fonctionner de manière efficace si on ne procède pas comme nous avons procédé depuis le début, avec le maximum de souplesse. Alors, pour ma part, je suis d'accord à procéder.

M. ROY: M. le Président, ce n'est pas la première fois que la commission parlementaire siège et qu'il y a une commission parlementaire qui reçoit des organismes. On a procédé ailleurs. Je l'ai dit et je l'ai répété tout à l'heure. Il y a eu l'étude de la Loi 45; il y a eu le code des professions. On a pris le temps nécessaire. Qu'est-ce qui presse tant aujourd'hui pour qu'on ne prenne pas le temps de questionner...

M. CLOUTIER: Rien ne presse. M. ROY: ... les gens...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ROY: ... suite aux ententes que nous avions prises, lors des discussions que nous avons eues.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!

M. ROY: Je ne dis pas que nous avions eues, mais lorsque nous nous sommes rencontrés pour faire le point et tâcher d'en venir à un arrangement qui permettrait à tout le monde de pouvoir se faire entendre, et qui nous donnerait le temps nécessaire de poser les questions qu'on a l'intention de poser.

M. CLOUTIER: M. le Président, nous avons effectivement fait une entente qui portait sur les heures de début et de fin des commissions. Nous avons également dit que nous mettrions le maximum de souplesse, ce que nous avons fait depuis le début.

Mais nous ne pouvons pas préjuger, lorsqu'on convoque les organismes, de l'intérêt que l'Opposition ou que le parti ministériel pourra porter à tel mémoire ou à tel autre mémoire. Nous nous sommes donné aujourd'hui un battement d'une heure. Tous les organismes se sont présentés, ce qui n'a pas été le cas hier. Alors, je ne vois pas comment nous pouvons procéder autrement. Il n'y a aucune urgence. Nous fonctionnons à un rythme qui est parfaitement raisonnable et je souhaiterais que l'on entende cet organisme. Si les instructions de la Chambre nous obligent à lever la séance à onze heures, nous lèverons la séance à onze heures.

M. BURNS: Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est seulement de ne pas être nerveux. C'est seulement ce que nous vous demandons.

M. CLOUTIER: C'est un peu facile. M. BURNS: Non. Je suis bien sérieux.

M. CLOUTIER: Je ne crois pas avoir été très nerveux depuis le début de ces...

M. BURNS: Non, mais on vous dit tout simplement qu'il y a des mémoires, vous avez des gens comme le...

M. CLOUTIER: Vous faites perdre le temps à ce groupe.

M. BURNS: Non. Nous ne faisons pas perdre le temps.

M. CLOUTIER: Cela sera votre problème.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. SAINT-GERMAIN Cela fait 25 minutes...

M. BURNS: M. le Président, j'étais en train de dire au ministre que ce que nous voulons...

M. CLOUTIER: On le sait ce que vous voulez. C'est de gagner le plus de temps possible.

M. BURNS: Pas du tout. La meilleure preuve que cela n'est pas vrai, c'est qu'on a accepté de siéger le lundi, qu'on s'est forcé, qu'on s'est fendu...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... vous savez quoi pour siéger le vendredi...

M. TARDIF: Nommez-le!

M. BURNS: Est-ce que c'est quelque chose cela? Est-ce que c'est un désir de faire avancer les travaux de la commission?

M. CLOUTIER: Ce qui s'est passé ici avant que vous n'arriviez à la commission, vous avez l'air de venir d'une commission où...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Je suis allé entendre les "con-neries" du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche en bas.

M. CLOUTIER: C'est ce qui vous a énervé. Alors, on écoute le groupe.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission donne son consentement unanime pour siéger en dehors des heures de l'Assemblée nationale?

M. TARDIF: Jusqu'à 11 h 30.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... la première question que j'avais posée à la commission.

M. CLOUTIER: Très volontiers.

M. TARDIF: Oui, nous sommes d'accord.

M. CLOUTIER: On m'a toujours dit que la commission pouvait décider cela. Il ne faudrait pas que ce soit le leader qui s'y oppose.

M. BURNS: Je n'ai pas à m'y opposer. Je vous dis tout simplement: Continuez les travaux. Je vous suggère bien humblement, bien respectueusement, de continuer les travaux normalement et lorsqu'on sera rendu à 10 h 55...

M. MARCHAND: C'est le leader du parti séparatiste qui va conduire l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Lorsque nous serons rendus à 10 h 55, nous reposerons le problème. Est-ce que cela signifie que nous allons recommencer le débat?

M. BURNS: Ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous dis qu'en théorie vous n'avez pas le droit de siéger. Je vous donne mon humble opinion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact.

M. BURNS: En théorie, vous n'avez pas le droit de siéger après 11 heures à moins du consentement. S'il reste cinq ou dix minutes pour terminer l'audition d'un mémoire, je pense bien que mes collègues de l'Opposition n'auront pas objection à vous donner ce consentement. Ce que nous ne voulons pas actuellement, c'est qu'on se bouscule l'un l'autre et, par respect pour les gens qui sont venus ici, qu'on les bouscule en leur disant: Dépêchez-vous parce qu'on va s'imposer de siéger jusqu'à 11 h 30 et il y en a un autre qui attend. C'est cela que nous ne voulons pas que vous disiez aux gens qui viennent ici.

M. CLOUTIER: Nous n'avons jamais dit cela.

M. BURNS: Surtout quand il s'agit de gens comme le MQF.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: Si vous permettez, sur un point de privilège. C'est la seconde fois aujourd'hui que le ministre insinue ou même déclare que nous tentons de faire de l'obstruction. Si nous avions voulu faire de l'obstruction, je puis assurer le ministre que nous n'aurions pas encore entendu cinq mémoires. Parce que le ministre, visiblement, ne sait pas ce qu'est de l'obstruction, il le saura peut-être plus tard, au cours de cet été. En ce moment...

M. CLOUTIER: Je prie l'opinion publique de le noter.

M. MORIN: ... depuis le début de cette commission et jusqu'à ce que nous ayons entendu tous les mémoires qui nous ont été soumis, nous n'avons pas fait d'obstruction, nous n'en ferons pas; mais nous entendons cependant — et je tiens à le répéter — respecter les gens qui se présentent devant nous. Nous entendons leur donner tout le temps qu'il convient et vous-même, à ce qu'on m'a

dit, lors de cette rencontre, vous aviez convenu qu'il fallait faire preuve de souplesse...

M. CLOUTIER: C'est ce que nous avons fait depuis le début...

M. MORIN: ... et à l'occasion...

M. CLOUTIER: ... mais dans des limites raisonnables. Nous ne pouvons pas convoquer un seul groupe pour la soirée. Hier, la CEQ a été entendue pour la plus grande partie de la soirée pour l'excellente raison que les autres groupes ne se sont pas présentés. Si cela avait été le cas ce soir, j'en aurais été pour ma part très heureux, et cela m'aurait permis aussi de poser un tas de questions auxquelles je devrai renoncer, mais il faut tout de même tenu-compte des réalités. Je suggère que nous procédions.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais vous suggérer qu'à l'avenir on ne convoque pas sept organismes par jour, mais six, lorsque nous avons un nombre d'heures comparable à celui dont nous avons disposé aujourd'hui?

M. CLOUTIER: Ils sont déjà convoqués. Evidemment, ils sont convoqués dans les limites du règlement. Le secrétaire des commissions ne reçoit pas mes ordres. Le secrétaire des commissions fonctionne selon les demandes qu'il a reçues et il convoque un organisme à l'heure en se gardant le plus de battements possible.

M. MORIN: C'est le secrétariat des commissions, si j'ai bien compris, qui décide de convoquer sept organismes par jour.

M. CLOUTIER: Le secrétariat des commissions applique un règlement.

M.MORIN: M. le Président, ce n'est pas réaliste d'agir de la sorte. Nous en sommes conduits à nous montrer négligents à l'endroit des personnes qui comparaissent devant nous.

M. CLOUTIER: Voulez-vous qu'on les entende au lieu de continuer à discuter inutilement. Les positions sont bien établies, je crois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, j'attends toujours une directive de la commission.

M. CLOUTIER: Je souhaiterais que l'on puisse continuer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que l'on peut commencer la période des questions.

M. CLOUTIER: Qu'on commence à entendre le Mouvement Québec français, pour ma part, comme je connais bien les positions de cet organisme, je ne poserai pas de question pour permettre à mes collègues de s'exprimer. Ensuite, nous verrons quel temps nous avons et, si la commission peut continuer, nous continuerons. Je ne demande pas mieux.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais revenir sur ce qui me parait être un point fondamental dans l'argumentation juridique qui nous a été soumise ce soir par le Mouvement Québec français. Si j'ai bien compris votre raisonnement, messieurs, vous nous dites que jusqu'à ce que l'article 133 vienne modifier la situation constitutionnelle, c'est-à-dire jusqu'à 1867, la langue française était dans les faits la langue officielle du Québec. Je pense avoir lu quelque part que le porte-parole actuel du Mouvement Québec français a utilisé l'expression "langue en possession d'Etat". J'ai remarqué ce soir qu'il n'a pas, du moins à ma connaissance, utilisé cette expression à nouveau dans son exposé. Je la trouvais, pour ma part, extrêmement utile pour décrire le statut de la langue de 1760 à 1867. Est-ce que, M. le porte-parole, vous voudriez bien revenir sur cette question et nous donner quelques explications supplémentaires?

M. ANGERS: M. le Président, l'expression "en possession d'Etat", ce n'est pas moi qui l'ai inventée. D'ailleurs, elle est d'un juriste et il semble bien qu'elle était courante dans le temps quand on discutait de ces questions. Celui qui l'emploie — il n'était pas le seul — mais celui qui l'emploie d'une façon toute spéciale, c'était Thomas Chapais, quand il fait l'histoire des luttes juridiques et constitutionnelles et des droits du français au Québec. Evidemment, c'est simplement une façon de dire ce que j'ai dit autrement, en restant tout simplement dans l'argumentation du procureur Yorke, selon laquelle la langue française était de droit coutumier la loi de la langue officielle du Québec. C'est ce que cela veut dire, n'est-ce pas? Ce qui a bien été expliqué par les juristes du temps et que nous avons souvent de la difficulté à comprendre parce que nous raisonnons à la française. Nous pensons toujours à des textes de loi. Quand il n'y a pas de texte de loi, nous nous imaginons qu'il n'y a pas de droit.

C'est ainsi que Thomas Chapais, d'ailleurs, explique pourquoi dans les capitulations, on n'a pas garanti les droits de la langue française. C'est une chose que nos historiens racontent souvent. Justement, ce qu'il explique, c'est qu'en vertu du droit des gens de l'époque, en vertu du droit international de l'époque, il était bien entendu que les coutumes, les lois, la langue d'un peuple conquis, en vertu du droit des gens, restaient les droits, la langue du pays. Alors, cela a été confirmé par le procureur Yorke, tant que des lois ne viennent pas spécifiquement les changer. C'est vraiment la

notion de langue en possession d'Etat, c'était simplement une façon d'exprimer que, selon le droit coutumier, la langue française était restée la langue du Québec et qu'elle n'avait pas besoin d'être garantie par les capitulations pour l'être, qu'elle l'était du fait du droit des gens, et qu'elle est restée jusqu'en 1867, d'une façon intégrale, sauf à ce moment, par des habitudes qui se sont prises — je vous ai expliqué pourquoi — à cause de l'introduction du droit criminel anglais qui a amené des plaidoiries en anglais devant les tribunaux du Québec, et à cause aussi de l'habitude qu'on a prise au Parlement de parler aussi l'anglais, parce qu'il y avait des Anglais qui étaient là.

Cela a été ratifié par une loi. Cela a été consacré par la loi de 1867. C'est tout ce qu'elle signifie. Encore une fois, la langue française a toujours été la langue officielle du Québec de plein droit.

Il faut comprendre encore une fois le droit britannique. Ce qui en a été changé, c'est ce qui a été mis dans des lois. Il n'y a jamais rien eu d'autres de mis dans des lois que l'article 133, sauf des épisodes... En 1840, il y a eu une tentative pour exclure le français de l'Assemblée et cela a été rescindé. Alors, c'est bien ce que voulait dire langue en possession d'Etat. Cela veut dire langue par le droit coutumier, langue qui était la langue du pays et qui n'a jamais été changée, qui n'a jamais été touchée par aucune loi écrite de la part du nouveau maître.

M. MORIN: M. le porte-parole, vous mentionniez la tentative de 1840 qui est l'un des exemples qui nous permet d'illustrer cette idée que vous développiez que les anglophones du Québec n'ont jamais accepté l'Acte de 1774. Je pourrais vous mentionner un autre exemple historique. Je ne sais s'il est à votre connaissance. Lorsque l'Assemblée du Bas-Canada a été créée en 1791 — elle a commencé à siéger en 1792, fin 1792, ou début 1793 — la même question s'est posée en janvier 1793 au sein même de l'Assemblée et le groupe des anglophones voulait que la seule langue employée à l'Assemblée soit l'anglais.

M. ANGERS: Tout à fait.

M. MORIN: C'est à la suite d'un très long débat, très orageux, que, finalement, le français a retrouvé ses droits naturels à l'Assemblée. Est-ce que vous connaissiez cet autre exemple?

M. ANGERS: C'est tout à fait exact. C'est Papineau — pas Louis-Joseph, mais l'autre — qui a alors fait le discours le plus éclatant. La question tournait autour du président de la Chambre, l'Orateur, et justement les anglophones dans la Chambre prétextaient qu'on ne pouvait pas élire un président qui ne savait pas l'anglais. Justement, on a fait valoir, et Papineau a fait un discours en disant — c'est une chose qu'on devrait retenir — qu'il ne pouvait pas être admis qu'en ce pays, un homme soit privé d'occuper une situation parce qu'il ne sait pas l'anglais. Je pense que c'est une phrase qui tombe bien à l'heure actuelle et dont il faudra se souvenir. C'est exactement ce qu'il a dit et on a élu l'Orateur qui ne savait que le français. Alors, cela a été les premières luttes françaises qui se sont faites et, selon ce qui avait alors été décidé à Londres, la majorité a affirmé que la langue française était la langue du pays, c'était la langue qui devait se parler à l'Assemblée et que l'Orateur — celui qu'on appelait l'Orateur, le président — pouvait être élu parfaitement ne sachant que le français et ne comprenant pas l'anglais. C'est exactement ce qui s'est passé, comme vous le dites, et c'est une autre confirmation.

M. MORIN: Pour nous rappeler cet événement, nous avons, au-dessus de la Chambre d'Assemblée, de l'autre côté —non pas ici, de l'autre côté — un tableau semblable à celui-ci qui représente le moment où Chartier de Lotbinière prend la défense des droits du français. Je dirai — c'est peut-être le moment de le dire — que trop peu de nos hommes publics connaissent ces luttes d'ordre constitutionnel qui ont dû être menées dans le passé et que, si nos hommes publics étaient mieux enracinés dans la connaissance des droits historiques de notre peuple, des droits constitutionnels de notre peuple, jamais ils ne se laisseraient aller aux abandons et aux trahisons dont vous avez parlé.

M. CLOUTIER: Est-ce que je pourrais poser une question au chef de l'Opposition?

M. MORIN: Très volontiers.

M. CLOUTIER: Est-ce qu'il parle en tant qu'ancien président du Mouvement Québec français ou s'il parle actuellement en tant que député de Sauvé?

M. MORIN: M. le Président, c'est une question qui n'honore pas le ministre de l'Education. Lui-même, je n'irai pas lui demander s'il nous parle ici en tant que je ne sais plus trop quel animateur de je ne sais plus trop quelle émission. Je serais mal venu de le faire. Non. J'ai toujours respecté le droit du ministre de siéger ici comme ministre de l'Education et j'entends bien qu'il respecte mon droit de siéger comme député et comme chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le chef de l'Opposition... Non, simplement une remarque. On voudrait bien continuer dans la même veine que précédemment. Est-ce que le chef de l'Opposition pense pouvoir compléter ses questions dans les prochaines cinq minutes?

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): De façon à répartir...

M. MORIN: Cinq minutes? Oui. Cela dépend évidemment de la façon dont nos invités répondront. Mais je voudrais maintenant passer à autre chose.

M. ANGERS: M. le Président, je voudrais préciser ici que tout le mémoire que nous faisons a pour objet d'essayer de saisir les députés de l'importance du geste qu'on est en train de poser, puisque c'est la première grande loi linguistique qui est votée à l'Assemblée nationale depuis 1760. La première, sauf le bill 63. C'est la gravité de ce geste qu'il faut considérer, au moment justement où on donne légalement des droits à l'anglais qui n'existent pas, qui n'ont jamais existé et qu'il n'a jamais eus. Je crois qu'on n'insistera jamais assez sur la gravité du moment actuel à ce point de vue.

M. MORIN : II est bien certain que si nos hommes publics avaient les racines profondes qu'ils devraient avoir, une connaissance minimale qu'ils devraient posséder du droit constitutionnel de ce pays et de nos droits historiques, ils n'agiraient pas aujourd'hui comme ils agissent. Ce qui me "catastrophe", c'est que cette ignorance que l'on trouve chez nos hommes publics, apparemment, ne va faire que s'aggraver puisqu'on n'enseigne même plus l'histoire de façon obligatoire au niveau secondaire; cela vient encore aggraver la situation actuelle. Il y a déjà suffisamment de Québécois et d'hommes publics qui ne connaissent pas notre histoire, qui ne savent pas d'où nous venons, qui ne savent pas quelles ont été les luttes constitutionnelles que nous avons eu à mener dans le passé et qui, aujourd'hui, bien sûr, pensent qu'ils ont trouvé la solution à tous nos maux dans l'abandon de nos droits les plus enracinés dans l'histoire.

M. le Président, je voudrais poser une autre question. On dit quelquefois, je l'ai entendu dans la bouche d'hommes d'Etat fédéraux, mais également même dans cette enceinte, que l'article 133 établit deux langues officielles au Québec, établit le bilinguisme au Québec. Je crois que c'est une affirmation qu'il convient de décortiquer. Vous y avez fait allusion et je pense qu'il serait bon que, peut-être, vous donniez quelques détails. Je vous pose la question directe sous cette forme: Est-ce que l'article 133 établit oui on non le bilinguisme au Québec?

M. ANGERS: C'est tout à fait faux. Cela n'a jamais été admis par les juristes et chaque fois, d'ailleurs, que nous du Québec, pour des fins politiques, pendant longtemps, avons essayé d'obtenir le bilinguisme officiel au Canada en invoquant l'article 133, toujours les juristes nous ont donné la réponse: L'article 133 n'a jamais fait du Canada un pays bilingue... D'ailleurs, un jour, M. Saint-Laurent l'a dit à la Chambre au grand scandale de beaucoup de

Québécois: Aucun des droits du français n'existe au Canada autrement que par la voie de législation qui pourrait nous être donnée par la volonté de la majorité. Seuls deux points sont garantis par l'article 133, le droit de parler français aux Communes et le droit de plaider en français devant les tribunaux. C'est bien clair et on ne trouvera pas d'opinion juridique qui dise que l'article 133 a fait du Canada un pays bilingue. Ce qu'on a essayé de faire et je l'ai dit dans le texte, les Anglo-Canadiens ont essayé de nous dire: Ah oui! c'est vrai le Canada n'est pas bilingue, mais le Québec est bilingue en vertu de l'article 133. Je mets au défi tous ceux qui sont ici de lire l'article 133, comme ce qui est dit, c'est la même chose, exactement. Les deux sont ensemble dans le Parlement du Canada et à la Législature du Québec; par conséquent, c'est un texte qui est exactement parallèle. Si ce n'est pas bilingue pour le Canada, ce n'est pas bilingue pour le Québec. Ce n'est pas possible, parce que c'est trop le même texte. Evidemment, c'est le jeu des Anglo-Canadiens de nous faire croire ça, mais c'est complètement faux. L'article 133, d'ailleurs on l'a vu par ce que Macdonald a dit, n'a fait que donner aux Anglais dans le Québec et aux Français au fédéral le droit de parler français ou anglais aux deux Assemblées et de plaider français ou anglais devant les deux types de tribunaux. Je l'ai lu, le texte tantôt, relisez-le. C'est tout ce qu'il y a, les mots "as at present", c'est assez clair; il ne s'agissait pas d'autre chose. Les juristes anglo-canadiens, consultez-les tous, ils ont toujours répondu à ceux qui faisaient des campagnes pour le Canada bilingue: L'article 133 n'existe pas. On n'est pas obligé de faire le bilinguisme à cause de l'article 133. Je crois que c'est très clair, ça. Si c'était nécessaire d'apporter des textes, on pourrait en apporter des tonnes.

M. MORIN: Je pense que c'est un point très important, M. le Président, et il faudrait que tous les membres de cette commission se pénètrent de ce point. Je voyais récemment sous l'autorité si importante et respectée du professeur Scott, qui a été mon maître, mais qui semble avoir changé d'idée avec les années, que l'anglais est langue officielle au Québec.

Il parle de l'article premier du projet de loi que nous étudions en ce moment en disant: "This is a very misleading article, because English is also an official language in the province of Quebec".

Je crois que cela est faux au départ. L'anglais n'est pas langue officielle au Québec, pas plus qu'il ne l'était à Ottawa jusqu'à l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Je crois que ce point devrait être admis de tous. Je vois le ministre qui acquiesce, je pense qu'il a compris, d'ailleurs, depuis longtemps, ce point extrêmement important.

M. ANGERS: Que tout le monde lise l'article 133 et je ne vois pas comment on peut en

sortir autrement que de prétendre, ou les deux sont officielles, ou les deux ne le sont pas. Il faut que ce soit la même chose pour le Canada et le Québec. La distinction, que les anglophones de Montréal ont souvent essayé de faire entre les deux, ne peut pas tenir juridiquement, cela ne peut pas, c'est le même texte.

M. MORIN: La position juridique diffère désormais entre Québec et Ottawa parce qu'à Ottawa on a adopté une loi qui n'est pas de nature constitutionnelle, mais une loi ordinaire.

M. ANGERS: C'est cela. Une loi ordinaire. Vous avez vu le dernier jugement de la cour Suprême, qui donne une opinion sur le fait apporté probablement... parce que c'est cela. C'est même discuté au Canada anglais de savoir si on peut proclamer le français langue officielle au Canada parce que, selon certains juristes, l'article 133 a défini une fois pour toutes les droits du français dans le Parlement fédéral et remarquez bien que si cela triomphait la même chose serait vraie au Québec. La loi 22 serait inconstitutionnelle, si le point de vue du maire Jones avait triomphé. Parce que la cour Suprême aurait déclaré qu'on ne pouvait pas ajouter aux droits de l'article 133. Si la loi 22 peut être constitutionnelle, c'est parce que le maire Jones a perdu sa cause et que la cour Suprême a l'air de dire: Non, évidemment l'article 133 ne dit que cela. Mais il n'a pas dit qu'on ne pouvait pas faire autre chose, en plus, plus tard, c'est ce que la cour Suprême vient de dire. Mais elle dit bien que l'article 133 ne fait que cela, elle le répète.

M. MORIN: Une dernière question, M. Angers. Je me tourne maintenant vers l'article 133, tel que vous l'aviez inclus dans le projet initial du MQF. Si j'ai bien compris, depuis que les experts de la commission Gendron ont affirmé — à quatre contre un ou à trois contre un, je ne sais plus— que l'article 133 pouvait de toute façon être modifié par la Législature, par l'Assemblée nationale du Québec, vous nous dites désormais: Puisque la commission Gendron a reconnu cela, que l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités et sorte de la constitution les droits concernant les deux langues! C'est bien cela que vous nous dites?

M. ANGERS: C'est cela.

M. MORIN: Pourriez-vous expliciter, je veux être assuré que j'ai compris votre mémoire sur ce point?

M. ANGERS: C'est bien cela. Ce sera au moins une recommandation de la commission Gendron favorable au français qui sera appliquée.

M. MORIN: En ce qui me concerne, M. le Président, et à moins que je ne revienne sur quelque point plus tard, j'ai terminé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement. J'aurais quelques questions à poser. Je veux quand même remercier et féliciter le Mouvement Québec français pour la qualité du mémoire qu'il nous a présenté. Je pense que pour les membres de la commission, ainsi que pour plusieurs membres du côté ministériel en particulier, cela a sans doute été un bon cours d'histoire pour leur rappeler l'histoire et les événements qui ont marqué le cours des ans de l'histoire de notre peuple, de notre nation.

Je ne sais pas si le Mouvement Québec français est au courant, mais il y aurait peut-être une suggestion que je pourrais leur faire à ce moment-ci. Nous avons des informations que l'enseignement de l'histoire n'est plus obligatoire dans nos écoles. Alors il y aurait peut-être un excellent travail que le Mouvement Québec français pourrait faire pour tâcher de convaincre le ministre, de façon à éviter que nos jeunes, notre future génération, ne connaissent pas notre vraie histoire du Québec. Le député de Rouyn-Noranda me dit que la même histoire soit enseignée également aux anglophones.

M. le Président, dans votre mémoire, à l'article 22: "Le Mouvement Québec français ne saurait assez dire ni dire assez fort qu'il s'oppose formellement à toute addition de droits nouveaux à ceux qui sont conférés aux anglophones dans le Québec par l'article 133, sauf en ce qui concerne les questions scolaires, au sujet desquelles le Mouvement Québec français accepte".

J'aimerais que vous me disiez quelles sont les questions scolaires que le Mouvement Québec français acceptent?

M. ANGERS: C'est très précis, n'est-ce pas? Le gouvernement l'a déjà parce que nous avions commencé... Notre premier mouvement a été de rencontrer le premier ministre et de lui soumettre deux mémoires qui comportaient deux projets de loi. Un qui était l'amendement constitutionnel nécessaire pour rendre le français langue officielle, seul. Le deuxième, sur le bill 63. Ce que nous avons accepté — et pas parce que nous croyons que les Anglais y ont droit, ce n'est pas une question de droit, mais enfin, c'est une composition, un geste qui était posé par le Mouvement Québec français qui avait pour objet de faciliter le règlement de la question du français— c'était que les écoles anglaises continuent d'exister, non pas comme un système parallèle, mais dans un système français unique, un seul système scolaire, l'enseignement se fait partout en français, mais en permettant que les classes anglaises soient créées pour les véritables anglophones. Nous avions été très larges dans notre définition pour le spécifier. Véritables anglophones, cela voulait dire tous les citoyens, tous ceux — prenons le moment du vote de la loi — tous les citoyens canadiens de langue maternelle anglaise et tous

les citoyens canadiens qui ont commencé ou avaient commencé, au moment du vote de la loi, à envoyer leurs enfants à l'école anglaise.

Remarquez bien qu'on nous a traités d'extrémistes. Même M. le ministre s'est permis de nous traiter d'extrémistes. Mais c'était une concession — d'ailleurs, vous le voyez par les autres mouvements qui viennent ici — que nous avions faite dans l'espoir que cela aiderait à régler le problème. Comme je vous le dis, je commence à trouver que nous avons été trop généreux, parce que cela a nui à la solution du problème. Enfin, c'était notre solution. Il y aura des classes anglaises. Qui ira à ces classes anglaises? Des personnes bien déterminées, celles qui — dans le temps, on espérait que le bill 63 ne serait pas voté et que ce serait en novembre 1969 — le 25 novembre 1969, étaient à l'école anglaise déjà et aussi, pour l'avenir, tous ceux qui sont citoyens de langue maternelle anglaise. Par conséquent, cela excluait les nouveaux immigrants de langue anglaise, puisqu'ils n'étaient pas citoyens canadiens au moment du vote de la loi. Voilà quelle était notre proposition.

M. ROY (Beauce-Sud): En somme, c'est un système d'écoles anglaises, mais à l'intérieur d'un système scolaire unique francophone.

M. ANGERS: C'est cela.

M. ROY (Beauce-Sud): Merci, M. Angers. Ma dernière question. Nous demandons, quant à nous, le retrait pur, simple et immédiat du bill 22. Vous avez demandé le retrait du bill 22, nous sommes entièrement d'accord. Nous le demandons depuis le début de la commission. J'ai toujours espoir que le ministre finira par nous annoncer la bonne nouvelle d'un moment à l'autre, ce qui, malheureusement, ne vient pas. Nous demandons la présentation, à l'Assemblée nationale, dès le début de l'automne prochain, d'un nouveau texte vraiment conforme aux aspirations de notre nation.

Pourriez-vous préciser davantage ce que devrait contenir le nouveau texte de loi?

M. ANGERS: D'abord, il devrait y avoir deux textes. Un des vices principaux du texte actuel, c'est de ne pas régler le problème de la langue officielle par un amendement constitutionnel seul, de telle façon que les effets de la loi, les énumérations que l'on peut mettre dans une loi n'aient pas un effet restrictif, puisque, dans notre droit à nous, qui est de tradition britannique, une fois qu'on a proclamé une règle générale et un principe, tout article détaillé qu'on ajoute ensuite ajoute autant de restrictions à l'article premier. Il faut bien penser à cela dans notre droit.

Si on veut que la loi ne soit pas restrictive, il faut que la loi fondamentale ne pose que des principes. Il faudrait un amendement constitutionnel sur le français, langue officielle, seul. L'autre loi qu'il faudrait voter, c'est la loi qui serait estimée nécessaire pour corriger les abus dont souffre le français. Là, il faut bien se placer dans la perspective de notre droit. Il ne s'agit pas de donner droit aux Anglais par des textes juridiques de choses qu'ils ont déjà et qu'on leur laisse déjà faire. Ils n'ont pas le droit de l'avoir. Il ne faut pas le mettre dans la loi. Ce qu'il faut, c'est légiférer et dire ce que les Anglais doivent respecter en ce qui concerne le français. Par définition, tout ce qui ne sera pas obligatoire pour le français ne sera pas défendu pour l'anglais, pas besoin de le mentionner.

Comme je le dis quelque part dans le texte, que les Anglais fassent comme nous, qu'ils soient courtois à notre égard et qu'ils se comportent bien. On a toujours été assez généreux pour eux. Je pense qu'ils ne souffriront pas de se trouver dans cette situation où on les laissera continuer à faire des choses en anglais, très probablement.

Ce ne sera pas un droit pour eux. Mais si cela ne nous gêne pas, on les laissera faire sans les embarrasser. Ce n'est pas nécessaire de mettre cela dans la loi et de leur en faire un droit, et qu'ils nous embêtent avec le droit. C'est cela que je trouve humiliant d'ailleurs, puisque, en face du monde, cette loi a l'air de dire que nous avons toujours maltraité les Anglais au Québec et qu'il faut faire un effort, dans un article de loi, pour leur permettre d'avoir des textes en anglais, pour leur permettre de faire ceci en anglais. Les gens vont regarder cela et vont dire: Dans ce pays, les Anglais ne pouvaient rien faire; ils ne pouvaient même par parler leur langue entre eux. Il faut mettre des articles dans la loi pour le leur permettre. Il faut pas que cela paraisse. Cela n'a pas de sens que cela soit fait.

Ce qui est honteux, c'est que dans notre propre pays, nous soyons obligés de voter des lois pour forcer les Anglais à reconnaître le français, parce que cela devrait être suffisant qu'on dise que le français est la langue officielle du Québec, il aurait dû suffire de l'Acte de Québec en 1774 pour que les Anglais nous respectent. La vérité, c'est qu'ils ne nous ont jamais respectés. Là aussi, il faudrait qu'on connaisse notre histoire. Il faudrait qu'on voie tout de suite ce qui s'est passé immédiatement après l'Acte de Québec, comment les Anglais ont commencé à nous faire peur tout de suite, et parce qu'on nous avait donné la vallée du Mississipi, se promener dans le Québec et faire peur aux Canadiens en leur disant: Vous savez, ils vont vous envoyer en haut. Ils ont mis ce pays avec le Québec pour vous envoyer vivre avec les sauvages dans les hauts pays. Tâchez de signer cela. Signez une pétition avec nous autres pour qu'on retire l'Acte de Québec. Cela a été le commencement d'une histoire qui n'a jamais cessé depuis. D'ailleurs, j'ai assisté cet après-midi, vous avez vu l'invraisemblable, n'est-ce pas? vous avez vu un monsieur venir nous dire qu'il n'y a que 3,668,000 Canadiens français véritables. Eh bien, messieurs, vous lirez la pétition de 1773, et vous

verrez les Anglais de Montréal écrire au roi et dire au roi: On a beaucoup exagéré le nombre des Canadiens au Canada. Ils ne sont que 75,000 et nous sommes plus de 3,000. Voilà! Vous avez entendu cela...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. ANGERS: Nous avons entendu la même chose cet après-midi après deux cents ans. C'est vraiment invraisemblable.

M. ROY: L'histoire se répète. Alors, M. Angers, si j'ai bien compris votre mémoire, d'ailleurs vous êtes entièrement d'accord, le projet de loi 22 tel que présenté par le gouvernement, malheureusement, ne fait que légaliser le statu quo actuel et donner un statut juridique à ce que nous avons convenu comme étant appelé de la générosité ou de la tolérance de notre part.

Actuellement, vis-à-vis du débat qui se déroule présentement, et suite à votre longue expérience que vous avez dans ces questions, je vais vous poser une question d'appréciation personnelle. Je vous laisse entièrement libre de me répondre ou pas.

Croyez-vous actuellement que la façon dont se déroule le débat autour de cette loi 22 est bénéfique pour nous, les Québécois francophones?

M. ANGERS: Il est évident que c'est très mauvais, parce que cela ne fait qu'encourager la population à croire que les Anglais ont des droits, qu'il faut les respecter, les respecter comme des droits, et non pas tout simplement comme des personnes avec qui on traite et à qui on n'imposera pas des choses qui n'ont pas de bon sens. L'esprit de ce projet de loi, justement, est complètement faux et très mauvais, parce qu'il n'est pas situé dans la ligne de notre histoire, et il n'est pas dans la perspective de notre droit, de nos traditions juridiques réelles, même les britanniques, parce qu'on s'est imaginé, apparemment, qu'il n'y avait pas de mal à prononcer des droits pour l'anglais vu que les Anglais, dans des municipalités de 10 p.c. d'Anglais font leurs travaux en anglais. Ecoutez, puisqu'ils l'ont toujours fait, reconnaissons-leur un droit. C'est-à-dire qu'on interdit, à ce moment, à 90 p.c. de la population dans ces municipalités de forcer leurs commissaires à faire les textes en français. C'est quand même invraisemblable.

Alors, il est tout à refaire, et c'est pour cela qu'il faut le retirer et le reprendre, parce qu'il est juridiquement mal construit. Je donne le bénéfice du doute. Je ne peux pas croire que le gouvernement a fait cela en connaissance de cause. Je ne peux pas le croire.

M. ROY: J'aurais une dernière question. Je vous remercie, M. Angers, mais je vais laisser le député de Saint-Jacques qui veut vous questionner sur le même sujet.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je dois intervenir ici pour dire que l'Opposition a occupé les dernières 30 minutes et je suis sûr qu'elle n'en voudra pas à la présidence si je reconnais le député de Laporte pour quelques questions.

Le député de Laporte.

M. LABERGE: Je voudrais ajouter quelque chose pour répondre à la question du député de Beauce-Sud qui a demandé si la façon dont le débat se déroulait actuellement pouvait être bénéfique ou maléfique pour la situation du français. Evidemment, l'appréciation de cela peut varier selon le point de vue où on se place. D'un certain point de vue, je pense que cela peut être très bénéfique en ce sens que cela sera l'occasion peut-être d'un réveil populaire sur la question des droits du français au Québec. Je pense que cela a été l'occasion, entre autres, depuis la loi 63 jusqu'à aujourd'hui, de la naissance de mouvements comme le MQF et l'occasion de développer justement ces thèses qu'on vient présenter ici et qu'on aura l'occasion de diffuser dans la population.

Je pense que si le projet de loi 22 est adopté, il aura évidemment des effets juridiques néfastes, mais il aura aussi, probablement, l'effet de secouer la population québécoise et de lui faire prendre conscience du fait que ses gouvernants sont en train de la trahir et elle verra peut-être à résoudre le problème par d'autres moyens.

M. ROY: Mais voici...

M. DEOM: Je m'excuse, M. le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Continuez.

M. LABERGE: Je voudrais aussi ajouter quelque chose au sujet de la question de la langue d'enseignement, au sujet des lois dont vous avez parlé tout à l'heure, que le MQF désire. Au sujet de la langue d'enseignement, évidemment, depuis 1969, on s'est battu pour le retrait de la loi 63. La position que les mouvements qui sont aujourd'hui au MQF ont commencé à dopter dès 1969, dont la CEQ, la CSN à peu près à cette époque c'est autour de 1969 qu'on a justement commencé à la définir de façon précise en définissant ce qu'on entendait pas une législation sur la langue d'enseignement. Déjà à ce moment, en 1969, on prenait des positions que le ministre Choquette a adoptées hier, selon lesquelles le libre choix de la langue d'enseignement n'est pas un principe de base, que cela ne peut être accordé que comme une question de pratique et dans un cas très précis. Nous aussi étions prêts à l'accorder non pas comme un droit acquis, mais comme mesure pratique pour régler la question linguis-

tique d'une minorité précise qui est la minorité anglophone.

Dès 1969, cette position était défendue par l'actuel député de Saint-Jean, qui siégeait au conseil provincial de la CEQ à l'époque et qui a même proposé...

M. VEILLEUX: Question de privilège. Je tiens à dire au représentant de la CEQ et du Mouvement Québec français, comme je l'ai dit hier au président de la Centrale de l'enseignement du Québec, que les discussions qui se tenaient au conseil provincial, à l'époque, comme aujourd'hui, étaient des discussions à huis clos. Si on veut sortir les propos qu'ont pu tenir d'autres représentants qui ne sont pas membres de l'Assemblée nationale, je suis bien prêt. On va laisser tomber le huis clos et on va sortir tout ce que les gens ont pu dire sur n'importe quoi à l'époque. Qu'on s'en tienne au huis clos lorsqu'une décision au conseil provincial... Et je me souviens fort bien de la demande de Raymond Laliberté, président de la Corporation des enseignants du Québec à l'époque, que ce qui se disait là devait être à huis clos. Ne me forcez pas à sortir des choses que j'ai tenues à huis clos depuis ce temps parce qu'à l'époque, comme membre du conseil provincial, j'avais accepté que cela soit à huis clos.

M. LABERGE: Je ne parle pas des déclarations qui ont été faites au conseil provincial. Je parle de propositions qui sont inscrites au procès-verbal, qui sont des propositions explicitement mentionnées et dont le proposeur est M. Veilleux.

M. DEOM: M. le Président, sur une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.

M. ROY: J'avais une dernière question.

M. DEOM: M. le Président, sur une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On va y revenir peut-être un peu plus tard.

M. ROY: Non.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'avais déjà reconnu le député de Laporte.

M. ROY: C'est justement sur le complément...

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission doit ajourner à 11 heures, comme vous le savez...

M. ROY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et la répar- tition équitable dont parle l'article 9 me force à accorder la parole au député de Laporte.

M. ROY: C'est en complément de la réponse de...

M. MARCHAND: Le séparatiste de Beauce-Sud.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président...

M. ROY: Je ne peux quand même pas laisser cela comme ça.

UNE VOIX: Qu'est-ce que cela vient faire là-dedans le séparatisme?

M. DEOM : Je pense qu'il est essentiel qu'on puisse entendre l'autre organisme et je me limiterai. Je proposerai qu'après les questions on entende immédiatement l'autre organisme qui me parait au moins aussi représentatif, sinon plus, que l'organisme qui est devant nous ce soir. J'ai deux petites questions. La première est la suivante: M. Angers, comment avez-vous élaboré votre mémoire et qui était présent lors de l'adoption du mémoire?

M. ANGERS: Le mémoire que nous avons préparé, c'est une très longue histoire en ce qui nous concerne, parce que c'est basé sur des études qui sont faites depuis longtemps et qui ont été adoptées durant plusieurs congrès. Il est clair que nous avons un stock de documents, de mémoires, de prises de position qui sont à la base de chacun des mouvements qui comportent et qui composent le MQF. Ces choses sont des choses acquises et nous n'avons pas besoin de les convoquer à chaque fois. Au Mouvement Québec français, comme je vous l'ai dit, à partir de ces prises de position qui sont unanimes, qui ont été acceptées auparavant par les congrès des grands organismes qui en font partie, nous avons une commission technique qui est chargée d'étudier les questions, de préparer les mémoires, de les rédiger, de les mettre en forme, et ensuite, ils sont soumis à la réunion du MQF où viennent les huit représentants, soit le président lui-même, soit l'assistant direct du président, qui revoient le mémoire et qui font les corrections finales. C'est cela qui donne le mémoire.

M. MORIN: M. le Président, le député de Laporte a été membre du Mouvement Québec français...

M. DEOM: Oui, c'est justement...

M. MORIN: ... il connaît donc les réponses à ses propres questions.

M. DEOM: ... pourquoi je lui pose ces questions, M. le député de Sauvé.

M. MORIN: Ah bon! Mais vous connaissez déjà la réponse, M. le député.

M. MARCHAND: Vous n'aviez pas compris.

M. DEOM: C'est pour lui poser la question subsidiaire. Est-ce que, M. Angers, tous les organismes affiliés ont ratifié ce mémoire dans leur assemblée générale?

M. ANGERS: Tous les quoi?

M. DEOM: Les organismes affiliés, que vous mentionnez dans votre première page, ont ratifié ce mémoire?

M. ANGERS: Cela dépend de ce que vous voulez dire. Tous les présidents qui sont membres du MQF ont vu ce mémoire et l'ont ratifié. Maintenant, cela n'a pas été soumis à leur congrès, mais enocre une fois, il n'y a rien dans cela qui n'a pas déjà été approuvé par leur congrès, parce que nous n'avons pas...

M. MARCHAND: Ils l'ont approuvé. M. ANGERS: Pardon?

M. MARCHAND: Est-ce que les membres l'ont approuvé?

M. ANGERS: Ecoutez, ce que je vous répète, ce sont des choses qui sont approuvées depuis longtemps. Il n'y a rien de nouveau dans cela. Les exposés, vous les retrouvez dans les mémoires antérieurs qu'on a faits au premier ministre. Vous le retrouverez dans les résolutions de la CSN, de la FTQ...

M. MARCHAND: Demandez donc à la population du Québec, demandez-lui donc si elle approuve votre mémoire?

M. ROY: Voulez-vous rappeler le député loyaliste à l'ordre, s'il vous plaît!

M. MARCHAND: D'accord. M. ANGERS: Le mémoire... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. ANGERS: Le mémoire que nous avons fait là...

M. MARCHAND: Le député séparatiste de Beauce ou le failli, on l'appelle comme on veut.

M. ANGERS: Le mémoire que nous avons fait là, je dirais qu'il n'a presque pas comme tel à être approuvé par la population. Il concerne l'histoire, les documents historiques, les bases juridiques de tout cela. Même si la population ne pensait pas que c'est cela, c'est tout simplement parce qu'elle ne serait pas informée. Mais le fait important, c'est que les organismes, leur tête, leur congrès, ont approuvé ces idées, savent parfaitement de quoi il s'agit, sont d'accord avec cela.

M. DEOM: II revient que seulement les présidents des associations affiliées ont approuvé le mémoire. Ma deuxième question et c'est la dernière: Dans votre page 29...

M. ANGERS: Page 29?

M. DEOM: ... de votre conclusion, vous dites: Or, l'utilité d'une loi...

M. MARCHAND: ... de ta tête.

M. DEOM: ... du français langue officielle ne venait pas de ce que le français avait besoin de se faire donner des droits nouveaux, il les avait déjà à peu près tous. Or, si j'interprète bien votre pensée, c'est que d'après le Mouvement Québec français, le français avait tous les droits. Il n'est pas nécessaire de légiférer sur le français comme langue officielle.

M. ANGERS: Je vous demande pardon, M. Déom, c'est écrit en toutes lettres pourquoi il faut légiférer. Il faut légiférer dans l'esprit de notre droit, dans l'esprit précis de notre droit. Pourquoi? Parce que le droit non écrit n'est pas respecté. C'est ce qui se passe toujours. Dans un régime de droit non écrit, dans un régime de droit coutumier, le droit existe quand même, les tribunaux jugent d'après ce droit coutumier. Ils établissent des jugements, il y a de la jurisprudence. Il arrive, à un moment donné, soit deux choses : ou bien une certaine partie de la population ne respecte plus le droit coutumier, ou bien à un moment donné, les tribunaux rendent un jugement qui n'est pas considéré comme étant conforme à l'esprit de ce droit. C'est à ce moment que le législateur doit intervenir dans les deux cas. Dans un cas, pour éviter des procès trop nombreux et faire respecter le droit coutumier, en définissant par une loi, par un texte légal, droit statutaire, ce qui doit être respecté, ou le deuxième, en changeant la décision du tribunal et en légiférant en sens inverse pour bien démontrer qu'au point de vue du législateur, le tribunal s'est trompé. Pourquoi faut-il légiférer au Québec à l'heure actuelle?

Parce que les Anglo-Canadiens refusent de respecter le caractère français du Québec. C'est la seule et unique raison pour laquelle il faut légiférer parce qu'en France il n'y a pas de français langue officielle. En Angleterre non plus, quoique en Angleterre, c'est un cas assez curieux. On a été obligé de voter une loi pour imposer l'anglais aux tribunaux dans les années 1700, 1500 ou quelque chose comme cela. Alors, c'est cela la raison. Il faut légiférer parce que le droit coutumier n'est pas respecté par les Anglo-Canadiens et que même les Canadiens français sont en train d'en perdre le

sens et de croire que le Québec est bilingue et que les Anglais ont autant de droits que nous au Québec. C'est la raison pour laquelle il faut, à l'heure actuelle, à tout prix, légiférer, établir par écrit ce qui est coutumier et refréner les abus de ceux qui ne respectent pas le droit coutumier du Québec en matière linguistique.

M. DEOM: M. le Président, je remercie M. Angers. Cela aurait été très agréable de poursuivre la discussion parce que tantôt il joue avec le droit coutumier et il joue avec le droit nouveau. Mais, comme il y a un autre organisme qui doit être entendu ce soir, je propose qu'on passe immédiatement à l'autre organisme qui m'apparaît, encore une fois, comme je l'ai dit tantôt, plus représentatif que l'organisme actuel.

M. MIRON: M. le Président, M. le ministre de l'Education s'enquiert souvent sans doute de la représentativité des groupes, mais en plus de tous les organismes qui sont ici, il a été témoin lui-même que nous avons déposé devant lui 231,000 signatures et ce ne sont pas des signatures seulement des groupes ici, ce sont des signatures qui ont été faites rue par rue. Il y avait une pétition de principes d'une page, élaborant tous ces principes que l'on retrouve dans le mémoire. Alors, je me demande quel organisme intermédiaire a plus de 231,000 membres. Il y a eu, M. le ministre — est-ce que vous vous en souvenez, M. le ministre? — 231,000 signatures qui ont été déposées devant vous et qui ont signé tous ces principes.

M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas oublié cette soirée.

M. MIRON: Un par un, rue par rue. Alors, je crois que c'est une certaine représentativité.

M. CLOUTIER: Je n'ai pas oublié cette soirée, M. le Président...

M. MIRON: Bon. Alors, vous vous souvenez des signatures...

M. CLOUTIER: ... parce que je n'avais pas été particulièrement frappé par la tolérance, l'ouverture d'esprit et la courtoisie dont parle le mémoire du président à la façon dont j'avais été reçu alors que j'étais l'invité du Mouvement Québec français.

M. MIRON: Je n'ai pas à tenir compte des contingences de la soirée, mais je parle de la représentativité, des 231,000 signatures qui ont été déposées.

M. CLOUTIER: Je dirais que les contingences de la soirée m'ont effrayé sur ce qui arriverait si, par hasard, on essayait justement de brimer nos minorités ou qu'on essayait justement de légiférer d'une façon aussi radicale.

M. MIRON: Je crois que c'est la majorité qui a été brimée au cours de 230 ans d'histoire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. MIRON: Je veux simplement ajouter à cela, à l'intention de l'autre monsieur qui s'enquérait tout à l'heure de l'histoire, qu'Antoine-Aimé Dorion a été le leader du Parti libéral qui a lutté contre la confédération dans ses grandes campagnes de 1852 et 1854. Le leader du Parti libéral a épousé les thèses mêmes de la séparation. Il a prôné le rejet de la confédération. C'est le leader, l'ancêtre du Parti libéral...

M. MARCHAND: J'invoque le règlement.

M. MIRON: ... et je m'étonne que le Parti libéral perde ainsi les gens de son histoire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Question de règlement.

M. MARCHAND: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pense que nous devons passer à l'autre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si la commission le permettait, il y aurait une courte dernière question du député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président...

M. CLOUTIER: II faudrait s'assurer qu'elle ne sera pas très longue à cause de l'autre organisme, il ne faudrait surtout pas qu'elle entraîne de débats.

M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas une question, en fait. M. Angers, je veux prendre uniquement les deux dernières lignes de votre mémoire où vous dites que le Mouvement Québec français fera tout en son pouvoir, même si la loi était adoptée, pour obliger le gouvernement à se montrer plus respectueux des droits des libertés du peuple québécois.

Je veux terminer cette comparution de votre groupe à la table de la commission en vous exprimant l'avis de l'Opposition et la satisfaction de l'Opposition de voir que vous terminez ce mémoire d'une impressionnante qualité par le fait et le signal que vous demeurez au combat. Je peux vous signaler uniquement, M. Angers, très sincèrement également, que malgré la déception que beaucoup de Québécois éprouvent devant le projet de loi actuel, si nous en sommes rendus à avoir un gouvernement québécois...

M. SAINT-GERMAIN: S'il vous plaît, écou-

tez, il est onze heures moins le quart, on permet une dernière question par amabilité et voilà que le député de Saint-Jacques nous fait un discours. Je crois qu'on ne doit pas laisser indéfiniment abuser de notre bonne volonté et de notre esprit de collaboration. La démocratie existe dans tous les sens. Si on perd un temps indéfini à entendre le député de Saint-Jacques, ce sont ceux que nous recevons qui vont en souffrir.

M. MORIN: M. le Président, le député de Saint-Jacques a dit qu'il serait bref et qu'on le laisse terminer, ce sera beaucoup plus simple.

Procédure

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, il n'est permis que de poser des questions à la commission et le règlement est très clair.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je présume que le député de Saint-Jacques terminera son intervention par une question.

M. CHARRON: Je vous l'avais promis, M. le Président, jusqu'avant d'être interrompu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y!

M. CHARRON: Je veux simplement dire à M. Angers et ses collaborateurs que, malgré la déception que vous pouvez éprouver, comme bien des Québécois, devant cette législation en particulier, dites-vous bien une chose, c'est que, si on assiste aujourd'hui à une législation sur la langue du gouvernement du Québec, il n'y a probablement pas de groupe plus responsable que le vôtre pour avoir conduit le gouvernement du Québec à prendre cette disposition. Malheureusement, elle n'a pas été dans le sens que nous espérions.

M. SAINT-GERMAIN: J'exigerais, M. le Président, que le règlement soit maintenu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs du Mouvement Québec français. J'invite immédiatement le Mouvement national des Québécois à s'avancer.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur une question de règlement.

M. CHARRON: Avant d'entendre le prochain groupe et avant même qu'il s'approche de la table, je pense que j'ai à présenter une motion. J'aimerais voir la commission la débattre immédiatement. Nous en sommes à notre sixième journée de séance. Tantôt, cette commission a fait preuve d'une souplesse et d'une largeur de vue exemplaire et je dirais traditionnelle des travaux de commission parlementaire. Tantôt, et c'est plus récent, on a mis une rigidité et on est intervenu à coups de points de règlement pour interrompre des interventions de membres de la commission parlementaire, ce qui a certainement constitué à gâcher le climat. La cause principale, M. le Président, certains pourront dire, c'est le règlement, l'article 8 de nos règles de pratique de travaux de la commission. Je ne suis pas d'accord pour faire porter le blâme de l'aridité de nos travaux et de la difficulté de nos travaux uniquement à cet article.

Je crois, M. le Président, que vous l'avez appliqué, suite à l'entente que soulignait le député de Maisonneuve dans son intervention de tout à l'heure, avec beaucoup de souplesse. Le problème n'est pas là, M. le Président. C'est lorsque nous voulons nous prévaloir de la dernière phrase de l'article 8 des règles de pratique, c'est-à-dire celle qui permet à une commission, lorsqu'elle le juge à propos, d'étendre la période de témoignages des invités et, par la suite, des questions des différents membres des différents partis qui forment la commission parlementaire. Nous sommes en fait privés de cette possibilité de prolongation, du fait que, chaque matin où nous arrivons à la commission parlementaire, le ministre dépose une liste d'organismes que nous devons entendre ce jour-là qui, vous l'avez remarqué, M. le Président, font chacun exactement une heure.

On invite un témoin par heure de séance de commission que nous avons, ce qui nous empêche de nous prévaloir de la deuxième phrase de l'article 8 et d'étendre le débat à l'occasion. Remarquez que nous n'en avons pas fait une règle coutumière, nous avons même à l'occasion sur deux témoignages aujourd'hui, été en deçà des 40 minutes prévues aux questions et nous y avons consenti très fortement.

Mais, M. le Président, le problème vient du fait que le ministre de l'Education, maître d'oeuvre de l'horaire de travail de cette commission, est celui qui choisit et qui dispose savamment de chacune des dépositions que nous devons entendre, au point que nous en sommes réduits à écouter en fin de soirée un témoignage aussi important que le Mouvement Québec français et éventuellement celui du Mouvement national des Québécois. Je crois que le mal est, à l'origine, dans les directives que donne à cette commission le ministre sans en avoir d'ailleurs, je dois vous le dire, aucune possibilité qui figure dans le règlement actuel.

C'est pourquoi, M. le Président, pour continuer à assurer un travail harmonieux de la commission et pour continuer à entendre et interroger les témoins avec au moins autant de respect qu'eux ont mis de diligence à remplir un mémoire et à se pencher sur la question, pour le faire d'une façon aussi courtoise qu'eux l'ont fait à se rendre à notre invitation, à se déplacer

à Québec, puisque la commission a refusé de se déplacer et à se rendre chez nous pour nous apporter le témoignage qu'ils vivent dans chacun des coins du Québec, je crois que le ministre doit en tenir compte et ne plus charger l'horaire des travaux de cette commission d'une façon qui soit indue.

Au nom de l'Opposition officielle, je fais motion pour que le secrétaire des commissions convoque pour le lundi à la séance de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications un maximum de cinq témoins; pour les séances des mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six témoins et, pour la séance du vendredi, un maximum de trois témoins. Ceci fait, M. le Président, que, sans bousculer les travaux de la commission, nous pourrons nous prévaloir de cette règle adoptée par l'Assemblée nationale qui nous permet de prolonger la période de questions à un témoin de la commission parlementaire, sans être obligés de nous faire dire à chaque occasion, au moment où nous voulons nous prévaloir de ce droit: Ecoutez, j'ai décidé qu'il en passerait huit par jour, il en passera sept par jour et c'est sept par jour qu'il va passer.

Ce n'est pas la façon traditionnelle de travailler en commission parlementaire. J'en suis à ma cinquième année à la commission parlementaire. J'ai travaillé sur des projets de loi moins importants que le projet de loi 22. Je me souviens du code des professions, je me souviens du projet de loi 65, je me souviens du projet de loi 28, or, s'il en était un qui était de nature linguistique et controversé, c'était bien celui-là.

Pourtant, le ministre de l'Education de l'époque ne nous arrivait pas à chaque matin de la commission parlementaire en nous disant: Vous en savez sept à avaler aujourd'hui ou c'est vous autres qui y perdrez et ce sont eux qui seront bousculés. Je pense que, si nous nous entendons de la même façon que nous nous sommes entendus sur les autres dispositions prévalant aux travaux de la commission et que nous nous fixons... Nous connaissons nos capacités physiques chacun sans penser que nous sommes des surhommes.

Nous devons aussi estimer dans nos positions les capacités physiques de ceux qui nous endurent et qui attendent à compter de dix heures du matin qu'on les convoque à cette table, même s'ils doivent n'y arriver qu'à la toute fin de la séance; nous devons tenir compte de ne pas bousculer trop de gens inutilement et prendre les choses telles qu'elles viennent. Que voulez-vous! C'est un projet de loi non seulement important, mais controversé qui a suscité un grand nombre de mémoires. Tous et chacun, le ministre de l'Education en premier, doivent se plier à cette réalité. Notez, M. le Président, que je ne voudrais pas qu'on interprète ma motion comme une motion dilatoire. Je ne veux pas dire que cette commission devra entendre deux organismes par jour. Ce serait vraiment ridicule et ce serait vraiment trop long, mais je pense que les nombres que j'ai proposés suffisent à un travail harmonieux de la commission.

Je vous fais de nouveau lecture de ma motion, M. le Président, en terminant mon intervention: Qu'à l'avenir, le secrétaire des commissions convoque, pour la séance de lundi, de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, un maximum de cinq témoins, parce que le lundi nous siégeons de deux heures l'après-midi à onze heures du soir.

Pour les séances de mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six témoins, parce que nous siégeons de dix heures du matin à onze heures du soir. Pour la séance du vendredi, un maximum de trois témoins parce que nous siégeons de onze heures à quatre heures de l'après-midi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je peux avoir une copie de la motion? Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je serai bref. Avant que nous passions au vote, nous allons nous opposer à cette motion pour les raisons suivantes. La première raison, c'est lorsque nous nous sommes mis d'accord sur les heures de la commission, nous avons effectivement accepté d'être le plus souple possible, mais nous avons accepté d'être le plus souple possible en tentant compte du temps respectif de comparution des divers organismes.

C'est ainsi, par exemple — et je m'en souviens de façon très claire — que nous nous sommes dit que si nous avions à prolonger pour un organisme donné, qui nous paraissait devoir recevoir une attention plus considérable, nous nous arrangerions, par la suite, pour entendre moins longtemps un autre organisme. Il n'a jamais été question, à ce moment, de limiter le nombre d'organismes qui devaient comparaître devant la commission.

Nous avons reçu à peu près 180 demandes. Nous souhaitons entendre le plus d'organismes possible et, de manière à entendre le plus d'organismes possible, il est nécessaire d'appliquer, dans cet esprit de souplesse dont je viens de parler, le règlement. Nous convoquons six ou sept organismes par jour suivant le nombre d'heures à notre disposition, avec un battement d'une heure qui permet de tenir compte de la souplesse dont je vous ai parlé et qui permet également de tenir compte du fait qu'il peut arriver à l'Assemblée nationale que la prolongation des débats retarde le début de la commission l'après-midi.

D'ailleurs, j'ai signalé qu'il nous avait été possible d'entendre un certain nombre d'organismes plus longtemps que d'autres organismes parce qu'il y en a qui se sont désistés. Chaque fois que nous convoquons six ou sept organismes, il y a toujours la possibilité qu'il y en ait qui se désistent. A ce moment, le programme de la journée s'en trouve bouleversé.

Les convocations se font à l'avance. Elles

sont d'ailleurs faites. Je me souviens que le PQ était d'accord pour qu'on les convoque le plus longtemps possible d'avance, même avec un préavis plus long que les 48 heures qui nous sont maintenant permises. Les organismes sont convoqués pour toute la semaine prochaine.

Ce soir, par exemple, j'ai demandé qu'exceptionnellement la commission commence à huit heures pour que nous ayons plus de temps, et je me souviens même que le PQ n'était pas tout à fait d'accord. Le PQ aurait préféré que nous commencions à 8 h 15. Je voulais, justement, par cette souplesse, montrer qu'il fallait donner le plus de temps possible aux organismes que nous allions entendre.

M. le Président, je résume en disant que c'est certainement l'intention du gouvernement d'entendre les organismes qui sont convoqués, qu'il a l'intention de montrer le plus de souplesse possible à l'intérieur des règlements, à l'intérieur d'un cadre raisonnable, et qu'il n'a pas l'intention de voter en faveur de cette motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, nous avons, à l'heure actuelle, des règles de pratique qui ont été adoptées lors d'une séance du 26 avril 1972, donc depuis un peu plus de deux ans, mais des règles de pratique qui ont été faites pour donner une indication, en quelque sorte, et faire en sorte que lorsque des organismes sont convoquées devant la commission parlementaire de l'Assemblée nationale, il y ait une certain règle de procédure qui soit suivie.

M. le Président, dans ces règles de pratique, je pense qu'on a oublié une chose. On a oublié qu'à l'article 8, il y a une phrase à la fin de l'article 8 et, pour le bénéfice des membres de la commission, je vais lire l'article au complet. "La durée limite allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé sommaire de son mémpire est de 20 minutes, et le temps alloué aux membres de la commission pour la période des questions est de 40 minutes, réparties équitablement entre les partis".

Voici le point principal qui fait que j'appuierai la motion du député de Saint-Jacques. "Ces périodes peuvent être prolongées, si la commission le juge à propos". Or, dans le cadre extrêmement rigide dans lequel on nous a placés, on ne peut pas se prévaloir, à moins d'être obligé de faire un débat de procédure à chaque fois — ce qui est extrêmement désagréable pour les membres de la commission; c'est encore beaucoup plus désagréable pour nos invités et ceux qui assistent à nos délibérations — on ne peut pas se prévaloir de cette deuxième disposition de l'article 8, à cause du cadre trop rigide et à cause du nombre d'organismes qui sont convoqués devant la commission parlementaire. C'est pourquoi, M. le Prési- dent, je trouve que la proposition du député de Saint-Jacques est même encore très généreuse, parce que cinq organismes à la commission parlementaire le lundi, cela suppose au moins cinq heures de délibérations en accordant une heure à chaque organisme.

Mais si on prend dix minutes ou quinze minutes additionnelles, il arrive toujours des questions de règlement, des questions de procédure, souventefois pendant le cours de nos délibérations. M. le Président, on est obligé de retarder, et il y a des organismes qui sont convoqués devant la commission parlementaire et qui ne peuvent pas comparaître.

M. le Président, j'aurais encore d'autres observations à faire sur cette motion. Comme il est 11 heures, je vais faire une autre motion: Proposer que nos débats soient ajournés à demain matin où on reprendra la discussion sur la motion du député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la motion du député de Beauce-Sud est agréée?

M. CLOUTIER: Oui.

M. BURNS: C'est automatique, M. le Président.

M. CLOUTIER: Automatique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission ajourne ses travaux â demain, dix heures, et vous me permettrez peut-être après l'ajournement de vous dire quels sont les organismes qui comparaîtront demain. Le premier est composé de plusieurs organismes, soit le St Patrick's Society of Montreal, St Andrew's Society of Montreal, Caledonian Society of Montreal, The Irish Protestant Benevolent Society of Montreal et St David's Society of Montreal. C'est un organisme. La Fédération des travailleurs du Québec; le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation; The Federation of English-speaking Catholic Teachers Inc.; Association des cadres scolaires du Québec; Provincial Association of Catholic Teachers; Conseil du patronat du Québec. Sept organismes et quant au Mouvement national des Québécois, je pense que la commission décidera, probablement au début de ses travaux demain matin, quand il sera entendu, si cela sera demain ou plus tard.

M. MORIN: Est-ce qu'on doit laisser entendre aux représentants du Mouvement national des Québécois qu'ils devraient être prêts à comparaître demain?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non. Je ne pense pas. Je pense qu'on doit laisser entendre que la décision sera probablement prise par la commission demain.

(Fin de la séance à 23 h 1 )

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