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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Friday, July 5, 1974 - Vol. 15 N° 126

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du vendredi 5 juillet 1974

(Onze heures quarante minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de l'éducation se réunit de nouveau ce matin pour l'étude du projet de loi no 22. Avant d'inviter les prochains témoins à nous présenter leur mémoire, j'aimerais mentionner quelques changements à la liste des membres de la commission. M. Beauregard (Gouin) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou) remplace M. Parent (Prévost); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges).

J'inviterais maintenant la Société nationale des Québécois de l'Outaouais à prendre place, et, à s'identifier.

M. CHARRON: M. le Président, avant d'entreprendre cette étape des travaux, est-ce que je pourrais demander au ministre, comme je l'ai fait assez régulièrement au cours des séances de la commission, de nous aviser des groupes qui ont été convoqués pour le mardi 9 juillet prochain?

M. CLOUTIER: Avec plaisir, M. le Président. Je vais demander au secrétariat de vous en distribuer la liste dans le courant de la séance.

M. CHARRON: Puis-je demander si c'est aujourd'hui également que les convocations pour le mercredi 10 juillet partiront, ou si elles ne partiront que lundi prochain?

M. CLOUTIER: J'ai une réunion en fin d'après-midi avec le secrétariat, et nous verrons de quelle façon nous procéderons pour les convocations.

M. CHARRON: Est-ce qu'il y aura des convocations pour le mercredi 10 juillet?

M. CLOUTIER: Nous décidons de l'organisation de nos travaux chaque jour, au cours de cette réunion, et je n'ai pas à me prononcer maintenant là-dessus.

M. CHARRON: Combien d'organismes le ministre compte-t-il inviter mardi, étant donné que, selon l'ordre de la Chambre, nous ne commencerons qu'à 4 heures de l'après-midi?

M. CLOUTIER: Justement, nous avons tenu compte de ce facteur. Etant donné que l'Assemblée nationale ne siègera pas le matin et que nous nous trouverons à commencer après la période des questions, par conséquent, nous avons fait la proportion. D'habitude, nous convoquons six organismes. Nous allons en convoquer quatre pour mardi.

M. CHARRON: Bien.

LE PRESIDENT (M. Cornellier) : Le représentant de la Société nationale des Québécois de l'Outaouais.

Société nationale des Québécois de l'Outaouais

M. COTE: André Côté, président de la Société nationale des Québécois.

M. GILBERT: Claude Gilbert, de la Société nationale des Québécois.

MLLE PINSONNEAULT: Lise Pinsonneault.

M. BERUBE: Damase Bérubé, de la Société nationale des Québécois.

M. COTE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, avant d'expliquer notre mémoire, j'aimerais apporter quelques corrections. Si vous voulez le prendre à la page 4, la troisième ligne au haut de la page: Le ministère de l'Environnement compte un total d'employés unilingues anglophones non pas de 95 p.c. à Hull, mais bien de 88.9 p.c.

A la cinquième ligne, le plan intitulé: Hull 69-95, ce n'est pas 18,000 fonctionnaires fédéraux, mais bien 36,000 prévus pour 1995.

Voici notre position. Le mémoire est le reflet des résolutions de l'assemblée générale de mars 1974, des rencontres du conseil d'administration de la Société nationale des Québécois des années 1969 à 1974.

Notre mémoire se divise en quatre tranches de travail: l'éducation, les communications, l'habitation et le français, langue de travail, tous des éléments qui affectent et qui sont affectés par la situation culturelle actuelle. Notre mémoire s'attarde non pas à critiquer tel ou tel article du projet de loi 22, mais plutôt à présenter un état de fait de la situation linguistique et culturelle dans la région de l'Outaouais.

Notre position est la même que celle du Mouvement national des Québécois et du Mouvement Québec français.

L'Outaouais est une région qui compte cinq comtés, dont deux n'ont pas des majorités globales, sauf un comté. Je lis les chiffres: Labelle, par exemple, a 96 p.c. de francophones et 2 p.c. d'anglophones; dans le comté de Papineau, il y a 87 p.c. de francophones et 12 p.c. d'anglophones; dans le comté de Hull,nous avons 89 p.c. de francophones et 9 p.c.

d'anglophones; dans Gatineau, il y a 69 p.c. de francophones et 28.3 p.c. d'anglophones et dans le comté de Pontiac, il y a 40.3 p.c. de francophones et 56.9 p.c. d'anglophones; ce qui donne, pour la région de l'Outaouais, une moyenne de 81.4 p.c. de francophones et de 16.8 p.c. d'anglophones.

De 1961 à 1971, la population anglophone s'est donc accrue dans trois comtés, soit Labelle, Hull et Pontiac, alors que le groupe francophone augmente dans les comtés de Gatineau et de Papineau.

Concernant le secteur de l'éducation, dans l'Outaouais plus que partout ailleurs au Québec, notre région s'anglicise à un rythme dont seule l'analyse des statistiques rigoureuse permet de déceler le danger d'envahissement.

Une étude réalisée par le ministère de l'Education, pour le compte de l'OPDQ dans le cadre du schéma d'aménagement du développement de l'Outaouais québécois, permet de constater que, de 1971 à 1974, le nombre d'élèves à l'élémentaire et au secondaire a diminué de 969 chez les francophones et augmenté de 54 chez les anglophones. De 1971 à 1974 également, le nombre d'élèves à l'élémentaire a diminué de 4,882 chez les francophones et augmenté de 74 chez les anglophones. Dans ce même document, on affirme qu'aucun francophone n'est inscrit à la polyvalente anglaise d'Arcy McGee, alors qu'officieusement plus du tiers des 1,800 élèves sont des enfants issus de parents francophones, soit d'un côté ou de l'autre, et des enfants d'immigrants.

A l'école anglaise de St. Mary's School, de Quyon, par exemple, 76 des 267 élèves sont francophones. A St. Mark's School de Aylmer, toujours une école anglaise, 46 des 364 élèves sont francophones également. A Saint-Aloysius de Gatineau, 114 des 449 élèves sont des francophones, en plus de 19 immigrants, sur un total possible de 19. A Pie XII de Hull, le document indique 0 francophone et 479 anglophones. Or, des chiffres officieux indiquent bel et bien que plus de la moitié des étudiants sont soit de parents francophones, soit de parents immigrants. Ce sont les statistiques que j'ai réussi à tirer de la Commission scolaire Ou-taouais-Hull, alors que j'étais commissaire en 1972-73.

A St. Patrick's de Maniwaki, 52 des 248 étudiants sont francophones et 23 enfants de parents immigrants habitant Maniwaki sont inscrits à l'école anglaise. Our Lady of Victoria, de Buckingham, plus du quart des 161 élèves est francophone. Une étude préparée par la Commission scolaire régionale de l'Outaouais a démontré qu'en 1972, par exemple, les élèves de le polyvalente de Hull se sont classés premiers en anglais au Québec et derniers en français au Québec. La Commission scolaire Outaouais-Hull a été une des premières, sinon la première commission scolaire à obtenir du ministère de l'Education l'autorisation de réaliser un projet pilote d'enseignement de l'anglais aux élèves de la première année. Ce qui a eu pour conséquence, par exemple, cette année, à la maternelle où j'ai un enfant de cinq ans et celui-ci arrivait chez nous avec de petites chansons et de petites contines anglaises, on lui montrait cela à l'école. Egalement il y a une nouvelle qui a paru hier, dans les journaux de notre région et à la télévision, annonçant que la Commission scolaire Outaouais-Hull s'apprête à mettre sur pied six classes de récupération pour les francophones qui sont inscrits à l'école Pie XII anglaise parce qu'ils ne sont pas capables de suivre les cours en anglais. Alors, on va mettre à leur disposition des classes de récupération pour suivre d'une façon plus soutenue leurs cours en anglais. C'est une nouvelle qui a paru hier.

Sur le plan des équipements et des services d'ordre éducatif, en 1970, par exemple, suite à la loi 63, on réaménageait l'école secondaire Saint-Jean-Baptiste qui est située en plein centre de Hull et on la transformait en polyvalente anglaise. On sait que les étudiants anglophones qui utilisent cette polyvalente proviennent des régions de Aylmer, de Lucerne et de Deschênes, en majorité. On les fait donc voyager une distance d'environ huit milles, alors que les étudiants de Hull, au niveau de la polyvalente, on les entassait dans une espèce de polyvalente que le gouvernement fédéral a achetée dernièrement pour la transformer en école des langues, suite aux pressions de la Commission scolaire régionale Outaouais.

Une nouvelle qui a également paru, l'école des langues du gouvernement fédéral vient chercher à chaque année nos meilleurs professeurs de français. Il paye, dans notre région, plus de $3,000 que ne le fait actuellement le ministère de l'Education. Cette année, par exemple, en 1974-75, l'école des langues du gouvernement fédéral utilisera les services de 700 professeurs de français; de ce nombre, plus de 400 proviendront de la Commission scolaire régionale Outaouais.

Pour le secteur des communications, Lise le définira.

MLLE PINSONNEAULT: Justement, dans le cadre du schéma d'aménagement et de développement de l'Outaouais québécois, Communication Québec publiait un documnet intitulé: Eléments d'une problématique des communications dans la région de l'Outaouais. Tiré de ce document, on constate, au plan des journaux, par exemple, qu'aucun quotidien n'est imprimé dans l'Outaouais québécois, le Droit étant imprimé à Ottawa.

Par ailleurs, la clientèle du Droit est québécoise dans une proportion de 64 p.c, soit 28,440 exemplaires par jour. Par contre, si on additionne les copies du Citizen et de l'Ottawa Journal vendues en territoire outaouais, on constate que 15,500 copies par jour sont lues par des Québécois. De ces 15,500 copies, 10,500 appartiennent au Journal. Cette popu-

larité n'est pas étrangère à la campagne intensive de vente sous pression entreprise par le journal dans la région de Hull.

Sur le plan de la radio, une seule des trois stations de radio française dans la région métropolitaine de Hull est située en côté québécois. Les stations francophones CJRC et CKCH ne sont pas tenues de respecter la norme du CRTC quant au contenu francophone des émissions de divertissement, soit 75 p.c. Actuellement ces deux stations appliquent les politiques suivantes: CKCH, contenu francophone 60 p.c, contenu anglophone 40 p.c; CJRC, le jour, offre un contenu francophone de 70 p.c. et un contenu anglophone de 30 p.c. par contre, le soir, un contenu francophone de 36 p.c. contre un contenu anglophone de 64 p.c. Lorsqu'on demande à ces stations de radio de diffuser plus de musique française, la réponse donnée est que ce sont les gens qui demandent de la musique anglaise et qu'il faut régir le poste selon des critères de rentabilité. De plus, dans toutes les régions de l'Outaouais, la population se plaint d'une réception des postes radiophoniques la nuit qui se résume à des postes anglophones majoritairement américains, les postes francophones étant reçus très faiblement.

Le large éventail d'émissions ou d'articles anglophones que le citoyen est en mesure de lire, d'écouter ou de visionner dans l'Outaouais, incite les gens à privilégier la programmation et la presse anglaise. En effet, le nombre de journaux dans l'Outaouais se chiffre à un quotidien français contre deux quotidiens anglais, huit hebdomadaires français contre trois hebdomadaires anglais.

Au plan de la radio, quatre stations sont françaises contre cinq anglaises. La radio FM, un poste français et un en chantier, contre trois postes anglais. A la télévision, un poste français et un en chantier, trois du côté anglais. Dans le domaine des cables communautaires, la situation est semblable. Pour Hull et ses environs, on compte un poste français contre sept anglais; à Gatineau et les environs, trois postes français contre cinq anglais; Buckingham et les environs, trois postes français contre sept anglais; Maniwaki et les environs, deux postes français contre trois postes anglais; Mont-Laurier et les environs échappent à la règle en ayant trois postes français contre trois postes anglais; à l'Annonciation et les environs, trois postes français contre deux postes anglais, ce qui se chiffre, pour un total de seize postes français contre vingt-cinq postes anglais.

M. COTE: Du côté de l'habitation, les politiques actuelles de la Commission de la capitale nationale ou la CCN d'empêcher l'étalement urbain par un réseau de ceinture verte (green belt), alliées à l'inflation et à la spéculation honteuse des promoteurs de tout acabit, ont créé dans la région de la capitale bi-nationale une montée en flèche du coût des terrains particulièrement dans notre région et du côté d'Ottawa. Aussi, comme le coût d'une maison est relativement moins cher du côté québécois, il s'ensuit donc une espèce d'engouement pour les Ontariens francophones, comme anglophones, à venir s'installer au Québec Or, selon l'avis même des constructeurs de projets domiciliaires, plus de 60 p.c. des maisons situées en territoire québécois sont achetées par des anglophones, dans les secteurs Aylmer, Lucerne et Deschênes, pendant que 40 p.c. des maisons, du côté de Gatineau, de Pointe-Gatineau et de Templeton, sont vendues à des anglophones unilingues d'Ottawa. Quand on sait que ces anglophones envoient leurs enfants à l'école anglaise, grâce à la loi 63, la Société nationale des Québécois de l'Outaouais se demande s'il n'est pas le temps de parler de génocide culturel orchestré.

M. GILBERT: Le français comme langue de travail. Les faits qu'on peut donner nous semblent assez dramatiques. Plus de 95 p.c. des fonctionnaires fédéraux, travaillant dans la région de la capitale nationale, doivent utiliser l'anglais comme langue de travail. Ce sont des chiffres qui sont tirés du rapport de Keith Spicer.

Dans le centre de Hull, au ministère responsable de la qualité de l'environnement, comme on le disait tout à l'heure, 88.9 p.c des fonctionnaires sont unilingues anglophones, encore des chiffres tirés du rapport de Keith Spicer, Déjà, à l'heure actuelle, on constate que, durant le jour, à Hull, la langue parlée sur la rue et dans les restaurants est principalement l'anglais. Nous comptons présentement 8,000 fonctionnaires fédéraux à Hull.

En 1985, selon un document, qui a été remis au CODO la semaine dernière, le 27 juin, intitulé "Le développement du secteur gouvernemental fédéral dans la région de l'Outaouais", en 1985 on comptera 25,000 fonctionnaires fédéraux à Hull. Dans un document de la Commission de la capitale nationale, intitulé "Hull, 69-95", en 1995, on prévoit que 36,000 fonctionnaires fédéraux seront installés à Hull.

On sait que le gouvernement fédéral est présentement le principal moteur de développement économique dans la région métropolitaine hulloise avec 22 p.c. de la main-d'oeuvre.

En ce qui concerne la langue de travail dans le secteur privé, nous n'avons pu trouver de chiffres disponibles pour l'Outaouais. Mais il nous semble que la même situation linguistique se répète, la plupart des patrons ne parlant que l'anglais.

La majorité des Québécois habitant l'Outaouais travaillent pour des entreprises dont la raison sociale n'est même pas française. On peut nommer: B & D, Canada Packers, Thurso Pulp and Paper, le James McLaren Cie, Consolidated Bathurst, Montebello Metals, Northen Electric, pour n'en citer que quelques-unes.

L'impact culturel, causé par les différents

points dont on vient de parler, comme l'éducation, la communication, l'habitation ainsi que la langue de travail, crée un rapport de masse qui compromettra la survivance, selon nous, culturelle des francophones. On peut se demander quelle sera l'évolution de la langue dans l'avenir. Dans le même document réalisé par l'OPDQ, intitulé "Le développement du secteur gouvernemental fédéral dans la région de l'Outaouais", on entrevoit trois scénarios de développement en ce qui concerne la langue.

Un premier scénario, qu'on a intitulé "Le bilinguisme diffus", qui consiste peut-être à la situation actuelle, alors, avec les résultats qu'on comprend. L'auteur du document cite Richard Joy et son étude "Language in Conflict" dans lequel on dit: "Deux langues de force inégale ne peuvent pas coexister en contact intime et la plus faible des deux doit, inévitablement, disparaître".

Le deuxième scénario possible, c'est celui qui va être recommandé par le commissaire Fullerton dans un rapport qui a été demandé par la Commission de la capitale nationale sur l'avenir de la Commission de la capitale nationale. C'est celui du bilinguisme territorial avec des postes linguistiques minoritaires. Dans l'Outaouais, cela pourrait s'appliquer de cette façon. Le secteur Aylmer devient anglophone et le secteur Vanier, en Ontario, devient francophone. Déjà, à l'heure actuelle, je pense que ce genre de solution demande d'abord la collaboration du gouvernement ontarien et, déjà, à l'heure actuelle, il y a une réforme de la carte électorale. La circonscription de Vanier, qui est peut-être une des seules qui est francophone en Ontario, va être divisée en deux régions et ces deux régions avec d'autres vont s'amalgamer. En fait, les francophones vont devenir minoritaires dans chacune des deux régions. Or, déjà, ça augure mal. On peut prévoir ainsi un affaiblissement de la dominance francophone au Québec et la création de ghettos linguistiques.

Le troisième scénario possible, toujours selon le document de l'OPDQ, et le dernier scénario possible aussi, c'est un bilinguisme territorial, francophone du côté québécois et anglophone du côté ontarien. Cette politique pose, comme hypothèse, que pour assurer la viabilité du français, il faut que la domination de l'anglais à Ottawa soit équilibrée par la domination du français à Hull. Ce principe semble concorder avec le point de vue de Keith Spicer voulant que le français soit la langue de travail dans les édifices fédéraux au Québec.

Selon l'auteur du document de l'OPDQ, la réalisation d'un tel scénario nécessite une ferme législation quant à la langue de travail au Québec en plus d'une collaboration avec les autorités fédérales.

Le fédéralisme étant un état de fait, dans lequel nous vivons présentement, la Société nationale des Québécois de l'Outaouais privilégie le troisième scénario, qui correspond d'ail- leurs aux recommandations du Dr Charles Castonguay dans son étude "Lévolution de la situation linguistique dans l'Outaouais".

M. COTE (André): En conséquence et pour toutes ces informations qu'on vient de donner, en conclusion, nous disons que le peuple du Québec, vulnérable linguistiquement et culturellement dans cet univers de 200 millions d'anglophones, a le devoir d'assurer par des lois, tenant compte plutôt des droits collectifs qu'individuels, la prédominance exclusive du français chez lui.

En conséquence et pour les raisons précitées, la Société nationale des Québécois de l'Outaouais demande au gouvernement du Québec le retrait immédiat du projet de loi 22 et son remplacement par un projet de loi qui tiendra compte des aspirations du peuple québécois, le retrait immédiat de la loi 63, l'instauration au Québec d'un seul système d'enseignement français, que le français soit décrété langue de travail, l'intégration de tous les étrangers anglophones.

On veut dire par là les anglophones qui proviennent de l'Australie, qui proviennent de la Grande-Bretagne, ces gens-là devront entrer dans le système français, dans la situation politique actuelle, c'est-à-dire en régime fédéraliste.

L'application, par le gouvernement du Canada, du bilinguisme territorial, le Québec étant français et les autres provinces sont ce qu'elles veulent bien devenir. De retirer aux étrangers, habitant le territoire québécois, tous leurs privilèges, mais en respectant leurs droits collectifs normalement dévolus à toute minorité et surtout, ce qui est important, chez nous, dans notre région, l'arrêt immédiat de l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises, au niveau primaire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, mademoiselle, messieurs, je vous remercie. J'invite maintenant le ministre de l'Education à prendre la parole.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie les représentants de la Société nationale des Québécois de l'Outaouais pour la présentation de leur mémoire. Si je ne me trompe, il y a dans ce mémoire deux éléments. Un premier élément se rapproche de la prise de position du Mouvement national des Québécois et constitue un rejet du projet de loi 22 plutôt qu'une critique portant sur des points déterminés. Est-ce que je me trompe sur cet élément-là?

M. COTE (André): Vous ne vous trompez pas, on est d'accord avec l'article 1 seulement.

M. CLOUTIER: C'est ça. Alors, je n'ai pas de commentaire à faire de ce point de vue, ni de question, étant donné que j'en ai très longuement discuté devant les représentants de la

fédération, en quelque sorte, et d'autres sociétés analogues. Alors, sur ce point, je m'arrête donc là.

M. COTE (André): C'est pour ça, M. le ministre, que nous n'avons pas voulu, par exemple, critiquer les articles, un à un, du bill 22, mais plutôt présenter une situation globale...

M. CLOUTIER: Oui.

M. COTE (André): ... de la région de l'Outaouais.

M. CLOUTIER: Voilà, je suis entièrement d'accord avec votre approche. Je voulais simplement la préciser et expliquer pourquoi je n'ai pas de question à poser, puisqu'elles ont toutes été posées devant d'autres groupes et que nous serions, en somme, en train de nous répéter, ce que ne souhaite certainement pas une commission qui cherche à être informée et suffisamment informée.

Il y a un deuxième élément qui porte sur une analyse de la situation locale et je crois que c'est une contribution précieuse et positive que vous apportez, même si je ne suis pas d'accord sur certaines des interprétations.

Je n'ai pas l'intention d'ailleurs de manifester mon désaccord parce que ce n'est pas le but de la commission. Le débat se fera là où il doit se faire. Il y a seulement un point, par exemple, sur lequel j'aimerais avoir quelques éclaircissements parce que je pense que votre témoignage est des plus intéressants.

C'est celui que l'on retrouve en page 10, alors que vous parlez de la rentabilisation du français comme langue de travail et vous faites allusion à la situation particulière de votre région, en particulier la question des édifices fédéraux à Hull. Je vous dis, en passant, que je suis entièrement d'accord avec vous. Je considère que le vrai facteur d'anglicisation, ce n'est pas l'école, quoi qu'on dise. C'est bel et bien la langue de travail. Et il me semble, moi aussi, qu'il est extrêmement important que nous puissions contrôler, jusqu'à un certain point, le développement de ce projet.

Le ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales s'est déjà expliqué à ce point de vue devant l'Assemblée nationale et a fait état de certaines discussions avec le gouvernement fédéral concernant la localisation de certains services.

Alors, ma question unique est très courte. Ce serait peut-être de vous demander quelques renseignements supplémentaires sur ce point précis.

M. COTE (André): Alors, dans notre région, il y a un ministère, qui s'appelle l'Environnement, qui est installé chez nous. Le nombre précis de fonctionnaires qui travaillent dans cet édifice, je ne l'ai pas en main, mais je sais que 88.9 p.c. de ces fonctionnaires, qui travaillent au ministère de l'Environnement, sont unilin-gues anglais. Or, ce qui a pour conséquence directe, le midi, par exemple, ou le soir, que cette population massive de fonctionnaires va manger, va faire certains achats dans la région. Ceci est excellent sur le plan économique, sauf que, dans nos restaurants maintenant, nos serveuses, le personnel des restaurants parle anglais. Alors, chez nous, sur la rue principale, par exemple, le midi, on parle anglais. Alors, c'est une situation qui est extrêmement déplorable dans le moment présent.

Maintenant, vous dites que ce facteur d'anglicisation est dû à la langue de travail. Bien sûr, c'est dû à la langue de travail mais, pour nous, c'est également dû à l'enseignement de l'anglais dans les écoles. Chez nous, presque tous les enfants de l'Outaouais — du moins dans les comtés de Pontiac, de Gatineau et de Hull, ceux qui sont le plus près de la frontière de l'Ontario — parlent anglais.

Chez nous, dans la rue, on parle anglais. Les jeunes parlent anglais. Alors ils arrivent à l'école et on leur enseigne encore l'anglais. Cela donne comme conséquence directe, selon une étude qui est parue l'année dernière et qui a été publiée par la Commission scolaire régionale, que nos élèves, dans l'Outaouais, nos finissants à la polyvalente, se sont classés, au Québec, premiers en anglais et derniers en français. Cela démontre la situation. Cela veut dire que l'école est quand même un handicap extrêmement sérieux.

Il y a un autre élément aussi qui est extrêmement important — je vois que M. L'Allier est ici — c'est le secteur des communications. Notre radio, les deux stations radiophoni-ques privées, CJRC et CKCH ne respectent pas actuellement la norme du CRTC de diffuser 75 p.c. de musique ou de nouvelles françaises... plutôt de musique française. CKCH, lui, est limité à 60 p.c. pour le français et à 40 p.c. pour l'anglais, toute la journée.

M. CLOUTIER: Je vous remercie beaucoup. Je pense qu'on n'ira peut-être pas dans tous les détails. Vous avez bien répondu à ma question.

Vous vivez le problème et les difficultés de toutes les régions frontalières. C'est le cas, en France, de l'Alsace, en particulier, et c'est même le cas du pays Basque. Je vais vous dire — et je m'arrête là, ce n'est pas une question — que j'ai apprécié le ton de pondération que vous avez pris. Certains groupes ont préféré contester d'une manière plus véhémente. Vous avez préféré exprimer vos points de vue dans le respect du point de vue des autres. Je le souligne, parce que je crois que ça mérite d'être souligné.

Tous les points de vue sont valables, vous savez, dans une démocratie. On peut être contre, mais il n'y a pas de raison de l'être d'une façon qui brime entièrement le droit d'expression de l'autre.

Ceci dit, je vous demanderais de bien réflé-

chir sur la nature des problèmes et de bien vous demander si c'est uniquement une loi linguistique qui peut régler ce type de problème et si le problème n'est pas beaucoup plus vaste.

M. le Président, vous pouvez donner la parole à qui de droit.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Merci, M. le Président. Je veux remercier également la Société nationale des Québécois de l'Outaouais pour la présentation de son mémoire, ce matin. Je pense qu'à la fin de cette quatrième semaine, vous êtes la preuve, encore ce matin, que cette commission ne peut prétendre aucunement être suffisamment informée, puisque jusqu'ici, nous n'avions pas eu un témoignage et un tableau aussi complet et aussi dramatique en même temps, avant que vous ne l'ayez fait vous-même, de la situation dans l'Outaouais.

Ce qui aurait été éminemment souhaitable et ce qui le sera probablement dans les mémoires que nous serons appelés à entendre dans les jours qui suivront, c'est que nous ayons l'occasion de dresser également un tableau de chacune des régions du Québec, comme vous nous avez donné l'occasion de le faire.

Moi, j'ai l'intention de vous laisser parler et de vous entendre parler. C'est pour ça que je vais vous poser simplement quelques questions. Cette situation que vous venez de remettre en évidence, que vous avez mentionnée dans votre mémoire, que vous étiez à expliquer avant que le ministre ne vous interrompe, celle qui fait que dans la région de l'Outaouais, les étudiants, au niveau élémentaire et au niveau secondaire, se sont classés aux examens du ministère de l'Education, dans tout le Québec, premiers en anglais et derniers en français, au Québec, avec les chiffres que vous nous donnez sur la force de l'anglais, le rayonnement de l'anglais dans votre région, je crois que ça donne une occasion de réfléchir sur cette statistique.

Il est arrivé très souvent que des groupes qui vous ont précédé ont limité la faiblesse, par exemple, de l'enseignement de l'anglais ou la faiblesse relative de l'enseignement du français, dans certaines écoles du Québec, au manque de préparation pédagogique des enseignants ou au manque de soutien que ces enseignants auraient reçu de la part du ministère de l'Education quant à l'enseignement de la langue maternelle et quant à l'enseignement de la langue seconde.

Ce matin — et c'est la question que je veux vous poser — est-ce que j'interprète bien le fait que vous ayez ajouté cela à votre mémoire, comme une signification que, outre les efforts pédagogiques qui sont effectivement appelés à être amplifiés et améliorés dans l'enseignement de la langue maternelle et de la langue seconde, la qualité de l'une et de l'autre, dans les écoles, varie aussi considérablement à partir de l'entourage et de l'environnement et ce n'est pas, donc, qu'une question d'un professeur bien préparé ou d'un professeur bien qualifié, ou de crédits suffisamment votés, mais que l'extérieur de l'école, l'environnement de l'école a aussi également son importance quant aux résultats pédagogiques de l'enfant?

Parce que si vous avez posé comme fait que tragiquement, votre région s'est placée comme première en anglais et dernière en français, je pense que vous soutenez que l'environnement a eu un effet qu'aucune méthode pédagogique ne pourra contrecarrer. Est-ce exact?

M. COTE (André): C'est bien évident, M. le député. Par exemple, dans certaines écoles de notre région, dans la cour d'école, c'est tout comme si on était aux écoles françaises de l'Ontario. On parle anglais, on s'amuse en anglais, on se lance le ballon, on joue en anglais dans la cour d'école. C'est une situation extrêmement catastrophique actuellement.

Vous parlez des critères pédagogiques. Il y a l'école des langues du gouvernement fédéral, actuellement, qui va ouvrir à la nouvelle polyvalente de Hull et qui emploiera cette année tout près de 700 professeurs de français. De ce nombre, 400 — et ça ce sont des chiffres qui sont officieux seulement, qui ne sont pas sortis de la régionale, mais que nous avons réussi à obtenir quand même et qui ont été confirmés par l'Association des enseignants du sud-ouest du Québec — de ces professeurs de français vont partir de la régionale et vont aller enseigner à l'école des langues.

M. CHARRON: A cause des avantages.

M. COTE (André): A cause des $3,000. Parce que le coût de la vie est extrêmement cher chez nous.

Ce qui fait que ces professeurs, qui étaient bien préparés à enseigner dans notre région, passant au secteur de l'école des langues, il reste qu'on est obligé de faire venir de l'extérieur de notre région des professeurs pour enseigner chez nous. Cela fait qu'on a une qualité moindre de professeurs. On va engager, par exemple, plus de nouveaux, plus de jeunes professeurs. Dans cette même statistique également, il est apparu qu'au niveau des salaires payés, la Commission scolaire régionale de l'Outaouais aura à ce moment la cote la plus basse au niveau des salaires, de la province, parce que ce seront tous des nouveaux qui vont entrer. Alors, c'est un handicap énorme qu'on a chez nous.

M. CHARRON: Sur ce chapitre en particulier des transferts d'enseignants du français et du siphonnage, que je pourrais dire, que fait l'école des langues du gouvernement fédéral au détriment même de la régionale, je pense que le ministre en conviendra avec moi, j'ai souligné ce problème lors de l'étude des crédits du ministère de l'Education et le ministre avait à

l'occasion endossé, je pense, le point de vue que j'exprimais, et attiré l'attention également de ses fonctionnaires sur ce phénomène, en espérant que le ministère puisse intervenir d'une façon...

M. CLOUTIER: C'est un problème réel. C'est le problème des régions frontalières, vous savez, où, en Alsace, on parle allemand à l'école. Ce ne sont pas toujours des lois linguistiques qui règlent cela. Mais on va faire ce qu'on peut faire parce que la loi 22 ne représente qu'une approche linguistique, mais le gouvernement, dans bien d'autres secteurs, a déjà commencé à agir et il va agir encore.

M. COTE (André): Oui, mais sur le territoire européen, M. le ministre, lorsque la langue du pays est le français, à l'école on enseigne le français, que ce soit sur la frontière ou non tandis que chez nous, dans la région, on leur enseigne l'anglais. Nous, on voudrait que ça arrête cette chose-là.

M. CLOUTIER: On enseigne également l'allemand en Alsace, à l'élémentaire même.

M. COTE (André): D'accord! A ce moment-là, c'est...

M. CLOUTIER: Je suis désolé, je vous cite ce qui en est. On l'enseigne même à l'élémentaire en Hollande. Mais vous attendrez le débat de deuxième lecture. Je suis sûr que cela vous intéressera.

M. COTE (André): Bon. Il y a une autre chose, M. le député, que je voudrais soulever. M. L'Allier est ici. C'est le secteur...

M. CHARRON: Oui. Si vous avez l'occasion de rompre son tragique silence, ce serait peut-être une excellente occasion ce matin.

M. COTE (André): C'est le secteur des communications. Chez nous, M. L'Allier, on a deux stations de radio privées qui sont françaises. Il y a CKCH et CJRC qui, elle, est installée sur la rue Belfast à Ottawa. Je ne sais pas pourquoi elle est allée s'installer là mais elle est là actuellement.

Au niveau du contenu, CKCH diffuse par jour 60 p.c. de musique française et 40 p.c. de musique anglaise tandis que CJRC, lui, a une cote qui est variable. Le jour, ils diffusent un contenu francophone de 70 p.c. et un contenu anglophone de 30 p.c, mais le soir, c'est là que la situation devient catastrophique. Le soir, le contenu, à CJRC, qui est une station française, a un contenu francophone seulement de 36 p.c. et un contenu anglophone de 64 p.c. Ce sont des statistiques qui ont été tirées d'un document préparé pour le compte de l'OPDQ par Communication-Québec.

C'est extrêmement déplorable. Chez nous, quand on ouvre la radio ou quand un visiteur arrive dans notre région, par exemple, circule, et veut prendre une station française, cela lui est difficile. Il ne sait même plus si c'est CJRC, CKCH, CFRA, ou d'autres stations anglophones ou francophones.

M. L'ALLIER: M. le Président, pour rompre ce tragique silence et dans la mesure où cela se situe dans le domaine des communications, je voudrais abonder dans le même sens que la personne qui vient de parler. C'est un des nombreux arguments que nous invoquons précisément pour avoir une politique des communications qui soit québécoise, en ce sens que les priorités, que les critères d'attribution des ondes soient conformes à la collectivité que nous avons à desservir, plutôt que d'être le résultat d'un dénominateur commun canadien forcément acceptable à la majorité canadienne, mais inadéquat pour la collectivité québécoise.

L'exemple que vous donnez actuellement de votre région est un exemple qui, à mon avis, est assez tragique et symptomatique finalement parce que, si les postes de radio privés, même publics, le font... Vous savez comment ils fonctionnent, c'est sur la base de cote d'écoute et de rentabilité, c'est donc que les gens en veulent.

On pourra entrer là-dedans, sur le fond du débat et dans les communications, en deuxième lecture sur le bill 22. Ce que je peux vous dire, c'est que vous connaissez aussi la situation à Montréal. Dans l'attribution globale des ondes, vous avez, pour une population de 70 p.c. de francophones, plus de postes anglophones AM/FM que de postes francophones. Par ailleurs, les stations auxquelles vous faites allusion, comme toutes les stations dites francophones pour Québec, ont obtenu du CRTC un permis de diffuser en français et non pas sur une base bilingue, sauf quelques exceptions comme CKVL à Montréal.

M. COTE (André): Une station dans notre région a obtenu la permission de diffuser en français et en anglais. C'est une station anglaise d'Ottawa.

M. L'ALLIER: C'est exceptionnel, ça. Malgré ça, le CRTC a été obligé, récemment, de donner une directive ou une indication — je ne sais pas comment est-ce qu'ils appellent ça — selon laquelle ceux qui détiennent un permis de diffusion exclusivement francophone n'ont pas le droit de diffuser plus de 25 p.c. de musique vocale anglophone et, dans cette directive, on dit que ça s'applique partout, sauf dans la région de l'Outaouais, alors qu'au contraire, c'est peut-être là qu'on aurait dû être le plus sévère dans cette application.

J'ai fait, à l'occasion, cette critique de la décision du CRTC qui s'est voulue tout simplement, à mon avis, une façon plus ou moins élégante d'entériner une situation de fait, parce

que, dans les faits, ça voulait dire ceci : Que tous ceux qui détiennent un permis de diffusion radiophonique en français ne se conforment pas aux conditions imposées pour l'obtention de leur permis. De deux choses l'une: ou le CRTC retirait le permis ou alors il se plie à des situations de fait et modifie ses exigences en cours de route, et c'est ça qui s'est passé.

M. CHARRON: Est-ce que votre critique de cette décision du CRTC est allée jusqu'à des représentations en bonne et due forme sur le bureau de M. Juneau ou si elle s'est plutôt faite publiquement dans les media d'information et sur les tribunes publiques, sans aller jusqu'à une contestation en règle dont M. Juneau aurait été saisi?

M. L'ALLIER: Non, le ministère des Communications n'est jamais intervenu auprès du CRTC soit dans ses auditions publiques, soit même autrement, pour souligner, avec des documents, une situation inacceptable, précisément parce que nous considérons que le CRTC est obligé de fonctionner à l'intérieur de cadres qui sont établis par réglementation fédérale du cabinet fédéral ou par la Loi de la radiodiffusion.

A partir de là, ce serait déplacer le problème que d'aller plaider avec le CRTC et, les quelques fois que nous avons eu des contacts avec eux, officieux, donc, en dehors des auditions publiques, la réponse qu'on a eue, c'est que le CRTC nous a dit: Nous, on applique des lois et des règlements et, si vous voulez discuter de ces questions-là, discutez-en avec les autorités politiques. C'est ce qu'on essaie de faire depuis déjà deux ans. Cela ne pourra pas se régler, à mon avis, d'une façon conforme aux exigences de la population, à moins qu'on puisse en arriver à établir des règles et des "patterns" différents, pour le Québec, du reste du Canada, et ça, ça ne peut pas se faire dans une législation fédérale.

M. CLOUTIER: M. le Président, évidemment, on s'éloigne un peu du projet de loi 22, mais c'est très intéressant. J'ai parfois l'impression que les gens mélangent tous les problèmes quand ils s'opposent à la loi 22. Il y a un problème de communication, c'est bien évident qu'il y a une incidence sur l'aspect linguistique, mais ce n'est pas ce que vise le projet de loi 22.

Il y a un problème de pouvoir économique, mais ce n'est pas ce que vise le projet de loi 22. On y viendra en temps et lieu.

M. CHARRON: Je dirai que ce n'est même pas ce que pourrait viser le projet de loi 22, parce qu'effectivement, tout ce chapitre, comme vient de le rappeler le ministre des Communications, tout ce chapitre échappe non seulement à la loi 22, mais à l'autorité québécoise.

M. CLOUTIER: C'est évident, nous légiférons à l'intérieur de notre cadre législatif, ça va de soi, et nous ne sommes pas partisans de l'indépendance. Ceux qui se placent dans cette perspective ne peuvent pas accepter notre solution raisonnable, modérée et réaliste, c'est évident; je ne le leur reproche pas, je le constate.

M. CHARRON: Nous devons donc conclure qu'il y a beaucoup plus d'indépendantistes qu'on le pense parce que tout le monde qui a dénoncé le projet de loi...

M. CLOUTIER: II y en a à peu près 15 p.c. Ce sont ceux qui se sont présentés en grande partie ici. Ce n'est pas plus compliqué que ça. C'est une question de pourcentage.

M. CHARRON: Voulez-vous dire que les groupes qui sont venus ici de tous les milieux, de tous les coins du Québec, comme ces messieurs de l'Outaouais, ou du Saguenay ou d'ailleurs étaient effectivement tous... Ceux qui ont dénoncé le projet de loi...

M. CLOUTIER: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. CHARRON: ... provenaient des 15 p.c. d'indépendantistes?

M. CLOUTIER: Lorsqu'on mettra fin aux travaux de la commission — je ne sais trop quand — je ferai une analyse et un bilan de tout cela, vous aurez l'occasion de voir ce que je pense, mais il y a des groupes ici, et ce sont à ces groupes-là que je pense, qui ont avoué leur appartenance indépendantiste de façon très claire et ce sont des groupes importants. Je pense à ces groupes-là, je ne me permettrai pas de juger les opinions politiques de ceux qui n en ont pas fait état eux-mêmes.

M. CHARRON: Vous auriez dû le leur dire avant que les groupes se présentent. Si le ministre de l'Education avait dit, au moment où on convoquait les groupes, que tous ceux qui s'opposeront au projet de loi juste, raisonnable et censé qui est présenté, seront qualifiés d'appartenance à ces 15 p.c. mathématiques...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas ce que j'ai dit du tout. Soyons honnêtes, M. le Président, ayons un minimum d'honnêteté intellectuelle. Je sais que ce n'est pas facile pour le député de Saint-Jacques, mais je crois que n'importe quel esprit raisonnable... Là, ce que je dis est clair et précis, je ne qualifie aucun groupe d'indépendantiste à moins que ce groupe l'ait dit lui-même et je ne me réfère qu'aux groupes qui sont arrivés ici en disant: Nous sommes un groupe indépendantiste, nous considérons qu'une solution linguistique doit se situer dans le contexte de l'indépendance.

Je ne porte même pas de jugement de valeur. Je respecte cette opinion que je ne partage pas.

C'est clair, précis et je ne permettrai pas que l'on apporte des distorsions à ma pensée.

M. CHARRON: Messieurs, mesdames, de la région d'Outaouais, je ne veux pas vous mêler non plus à ce débat très long que nous entreprendrons bientôt, mais vous voyez déjà de quel bois se chauffe le ministre de l'Education lorsqu'on aborde ce genre de question et surtout la réaction que le désaveu à peu près unanime de son projet de loi commence à lui causer au niveau du cerveau... C'est assez...

M. CLOUTIER: Je regrette, M. le Président, l'absence du chef de l'Opposition qui a toujours eu une influence bénéfique sur le député de Saint-Jacques, je vous prie donc de l'excuser. Nous avons réussi, grâce au calme du parti ministériel, à conserver dans cette commission un ton serein, le parti ministériel continuera de le maintenir quant à lui.

M. CHARRON: J'aimerais vous demander une dernière question. La statistique que vous nous donnez, quant à l'implantation du ministère de l'Environnement à Ottawa et ces 88.9 p.c. de fonctionnaires unilingues anglophones, selon les chiffres mêmes du commissaire des langues à Ottawa, vous dites que ça s'est transposé dans la vie quotidienne de Hull par une surabondance d'anglophones. Est-ce que vous avez noté — parce que vous faites allusion aussi au secteur de l'habitation un peu plus loin — est-ce que vous avez noté que ces fonctionnaires, désormais transférés sur la rive québécoise de l'Outaouais, ont tendance, pour se rapprocher de leur travail, à également, non seulement s'y rendre pour gagner leur pain, mais à s'établir dans la région de l'Outaouais et donc à inscrire leurs enfants, j'imagine, à l'école du bill 63?

M. COTE (André): II n'y a pas de statistiques précises qui existent là-dessus, mais la proportion de ces travailleurs anglophones qui viennent travailler à Hull, qui y habitent ou qui y sont en prévision de venir habiter au Québec, nous ne la sentons pas actuellement. Ceux qui viennent habiter au Québec, en raison des politiques d'habitation, ce sont des Franco-Ontariens et, bien sûr, un grand nombre d'anglophones, mais qui ne travaillent pas nécessairement au ministère de l'Environnement.

Ils viennent habiter à Hull, non pas parce qu'ils travaillent au ministère de l'Environnement, mais bien parce que c'est moins cher d'habiter à Hull. Le coût d'une maison est de $10,000 de moins, de Hull à Ottawa, et il n'y a qu'une différence d'un pont, la rivière.

M. CHARRON: Est-ce que, dans la politique d'envahissement du fédéral, il y a des projets autres que celui du ministère de l'Environnement qui sont annoncés, qui seraient en voie de réalisation?

M. COTE (André): II y a le document Hull 6995 qui a été réalisé par la Commission de la capitale nationale en 1969 et qui prévoit, en 1995, plus de 36,000 fonctionnaires fédéraux. Il y en a seulement 8,000 actuellement et on le sent déjà. On parle français maintenant dans notre rue.

M. CHARRON: Savez-vous quel est le ministère fédéral qui emploierait actuellement le plus de fonctionnaires francophones, je pense que c'est 27 p.c, qui serait le sommet de fonctionnaires francophones...

M. COTE (André): Oui, on a la statistique; cependant, je ne sais pas où elle est.

M. CHARRON: ... dans un ministère quelconque du gouvernement fédéral?

M. COTE (André): Je sais que nous avons les statistiques là-dessus, les ministères...

M. GILBERT: Ce serait le ministère de la Justice avec 42.2 p.c. de francophones.

M. CHARRON: Ah bon! 42.2 p.c. de francophones. Et ce ministère de la Justice est-il installé sur la rive ontarienne ou sur la rive...

M. COTE (André): Actuellement, il est à Ottawa.

M. CHARRON: Actuellement, il est à Ottawa.

M. COTE (André): Et on parle d'aménager, du côté de Hull, dans cette décentralisation des édifices fédéraux, un certain nombre d'édifices fédéraux du côté hullois. A ce moment, les pressions que l'on peut faire, nous, c'est d'essayer d'avoir, parmi ces nouveaux édifices fédéraux, des édifices qui sont à prédominance francophone, par exemple, comme Claude vient de le mentionner, le ministère de la Justice, les autres...

M. GILBERT: La Justice, les Postes avec 29 p.c; Statistique Canada, 31.7 p.c; Anciens combattants, 32.1 p.c; l'ACDI, 37 p.c; les musées nationaux du Canada, 33.4 p.c; Commission d'assurance-chômage, 30.2 p.c.

M. CHARRON: Est-ce que le ministère de l'Environnement, avec ses 88.9 p.c. de fonctionnaires unilingues anglophones, est le sommet? Il faudrait donc entendre qu'il n'y a que 12 p.c. de francophones ou de bilingues dans ce ministère?

M. COTE (André): Au ministère de l'Environnement, il y a 95 p.c. d'unilingues anglais. Mais ils ont des bâtisses, il y en a une au Québec, il y en a en Ontario, mais le total est de 95 p.c.

M. CHARRON: Ce qui m'étonne, c'est que le gouvernement fédéral, dans sa grande politique de bienveillance pour la région de la capitale nationale, ait décidé de nous envoyer précisément le ministère qui comptait le plus d'unilingues anglophones sur la rive québécoise, alors qu'il y en avait probablement des Hullois encore plus nombreux, et sur le simple plan économique...

M. CLOUTIER: II y a peut-être d'autres raisons, c'est peut-être le fait que c'était aussi un jeune ministère qui n'était pas installé, enraciné, je ne sais pas.

M. COTE (André): II est possible. Je ne sais pas. Mais pourquoi? Il faudrait se demander comment se fait-il?

M. CHARRON: Vous n'avez pas avec vous le document dont vous faites allusion qui a été déposé par...

M. COTE (André): Keith Spicer, non.

M. CHARRON: Non, je veux dire celui jusqu'à 1995 qui fait les prévisions jusqu'à 1995.

M. COTE (André): Moi, je ne l'ai pas. C'est le document Hull 1969-1995.

M. CHARRON: Est-ce qu'on annonce le transfert prochain d'un autre ministère, de secteurs de ministères, disons?

M. COTE (André): Non, la seule autre information qu'on possède, c'est qu'en 1985, il y en aura au moins 25,000 qui seront rendus. Cela, on sait ça.

M. CHARRON: Alors on prévoit un nombre de fonctionnaires, sans dire lesquels exactement.

M. COTE (André): On ne le dit pas. On ne dit pas quel ministère viendra à Hull.

M. CHARRON: J'imagine également que, pour des raisons de politique fédérale, il n'aurait pas été très avantageux d'annoncer aux fonctionnaires ontariens aujourd'hui quels sont ceux qui vont déménager dans le secteur québécois. Ces gens votent le 8 juillet prochain aussi. J'ai l'impression que les fonctionnaires n'apprécient pas beaucoup ce genre de transferts pour des politiques de tape-à-1'oeil.

Je veux vous remercier pour les informations que vous nous avez données et vous remettre aux mains du ministre des Communications, qui vient de rompre son silence et qui a probablement beaucoup d'autres questions à vous poser.

M. COTE (André): Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Je m'excuse auprès du ministre des Communications. Vous avez été questionnés dans le secteur du travail du fédéral; maintenant, j'aimerais revenir au secteur de l'enseignement. Vous avez mentionné qu'à l'élémentaire, dans les écoles francophones, on enseignait l'anglais comme langue seconde, dès le premier cycle, c'est-à-dire dès l'élémentaire. Il y a plusieurs groupes d'anglophones qui sont venus ici, notamment de Montréal — il n'y en a pas eu de votre région, mais on en a eu de Montréal — et ils nous ont dit qu'ils avaient des classes d'immersion française, qu'on enseignait le français comme langue seconde; on pouvait l'améliorer, mais quand même c'était assez bon. Est-ce que, dans votre région, le réseau scolaire anglophone a des classes d'immersion ou enseigne, comme langue seconde, le français dès le premier cycle?

M. COTE (André): Nous, il n'y en a pas actuellement. La seule nouvelle que nous avons eue, c'est que la CSOH veut engager, à compter de septembre prochain, un nouveau professeur de français. C'est la seule chose.

Maintenant, l'an passé, grâce au ministère —je ne me souviens pas quel ministère — grâce à une subvention d'un ministère, on a eu des classes d'immersion en français pour les Portugais, mais ces Portugais parlaient déjà français.

M. VEILLEUX: Vous avez dans le programme de développement des langues, parce qu'il faut quand même regarder, je pense, le projet de loi avec le plan de développement des langues... Si je comprends bien votre mémoire, vous êtes contre un réseau anglophone d'enseignement, même proportionnel à la population réellement anglophone de la région? Vous vous opposez à ça pour votre région.

M. COTE (André): II est bien évident qu'il faut que le système anglophone ait son système, mais on voudrait que, d'ici cinq ans au moins —on n'a jamais parlé de ça — le secteur anglophone soit intégré au système francophone et qu'on ait au Québec un seul système d'enseignement public. Maintenant, si les anglophones veulent bien avoir un système privé, ils feront comme en Ontario ou dans les autres provinces canadiennes.

M. VEILLEUX: Mais si, par exemple, le ministère de l'Education, en collaboration avec les commissions scolaires anglophones, faisait des efforts soutenus; à partir de l'an prochain ou la prochaine année scolaire, pour essayer des formules comme celles que l'on retrouve sur la rive sud de Montréal ou qu'on retrouve dans le centre de l'île de Montréal, dans le réseau anglophone, est-ce que vous pensez...

M. COTE (André): Là-dessus...

M. VEILLEUX: ... que ça pourrait être une amélioration très sensible?

M. COTE (André): Ce ne serait pas une amélioration, parce que je ne sais pas si vous avez lu les études d'un de nos membres, M. Charles Castonguay,qui prouvent, hors de tout doute, qu'au niveau du Québec, même si tous les immigrants qui proviennent de pays anglophones ou étrangers s'inscrivaient au système anglais, au niveau de "débalancement", ce ne serait pas suffisant.

Il faut absolument qu'on récupère les anglophones anglophones, habitant le Québec, au système français; c'est la seule façon actuellement de sauver la situation du français au Québec. Et c'est pour ça que j'inviterais la commission parlementaire — je me permets cette parenthèse — à demander au plus tôt que Charles Castonguay présente son mémoire, dont nous avons une copie ici, qui est très précis là-dessus.

M. VEILLEUX: Quand je parle d'améliorer, je veux faire abstraction quand même pour le moment, de ce qu'on appelle l'immigration, c'est-à-dire venant de pays étrangers autres que le Canada, mais pour les anglophones du Québec, notamment, ceux qui vivent dans la région de l'Outaouais. Si des efforts dans le sens que je vous mentionne se font — des expériences se sont avérées fructueuses à Montréal et sur la rive sud pour les anglophones, par des classes d'immersion — si des efforts soutenus se font de la part des commissions scolaires anglophones pour améliorer sensiblement l'enseignement de la langue seconde qui est le français dans le secteur anglophone, est-ce que vous croyez que ça pourrait être une amélioration pour les anglophones vivant dans ce secteur?

Notamment, vous avez mentionné qu'il y a beaucoup d'anglophones qui partent de l'Ontario pour venir demeurer dans la région de Hull —là vous avez indiqué des facteurs économiques, qui sont l'achat d'habitations jusqu'à $10,000 de moins que de l'autre côté de la rivière — mais si un effort soutenu était fait dans ce sens, est-ce que ça pourrait améliorer le visage?

M. COTE (André): Non. Les études de Castonguay ^démontrent le contraire. Et nous nous basons sur les études d'un de nos membres.

M. VEILLEUX: Vous, vous vous opposez — si je vous comprends bien, compte tenu de la situation spéciale que vous avez dans l'Outaouais, de façon définitive — à deux réseaux d'enseignement. Il en faut un, qui soit un réseau unilingue français.

M. COTE (André): C'est ça. M. VEILLEUX: Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Mademoiselle, messieurs, je vous remercie de votre présentation et de votre participation. J'invite maintenant le Comité d'action politique, local 790, ouvriers unis du caoutchouc, syndicat des employés Firestone.

Est-ce que cet organisme est ici présent?

Comme cet organisme n'est pas présent, j'invite maintenant la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie.

J'invite les porte-parole à bien vouloir s'identifier. Je vous rappelle que vous avez une période maximale de vingt minutes pour faire votre exposé, après quoi le parti ministériel et le parti de l'Opposition auront aussi une période de vingt minutes pour vous interroger.

Vous pouvez commencer.

Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie

M. MEYERS: Alors merci, M. le Président, mon nom est Georges Meyers, de Trois-Rivières, je suis directeur général de la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie. Voici les personnes qui sont avec moi. Madame...

MME COLLINS: Estelle Collins, Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie, de Trois-Rivières.

M. TOUPIN: Gilles Toupin, vice-président régional, Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie.

M. LACOURSIERE: Jean-Paul Lacoursière, organisateur, Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci.

M. MEYERS: La Société Saint-Jean-Baptiste de La Mauricie, tant au niveau régional que local, s'appuie sur les multiples résolutions adoptées d'année en année, en congrès, journées d'études, colloques, ainsi que de nombreuses démarches et campagnes pour demander au gouvernement de décréter la langue française, langue officielle au Québec.

Le principe de rendre le français, langue officielle des Québécois, est des plus logiques et reçoit l'adhésion de tous, si ce n'est la formulation d'innombrables clauses qui font que le gouvernement sera encore assailli par le peuple, vu la faiblesse du législateur face à ses responsabilités.

Le gouvernement ne doit pas ignorer constamment les doléances des Québécois et n'écouter qu'une infime portion de la population au détriment de la majorité, comme ce fut le cas pour la loi 63 et du "lobbying" du monde de la finance.

Le gouvernement a pu mesurer le mécontentement de la majorité de la population qui

s'insurgea contre cette loi d'exception, favorisant un cas isolé d'une infime minorité de résidants québécois, au détriment d'une population majoritairement française.

Le tollé s'amplifia et, par surcroît, les récentes statistiques prouvèrent que les arguments soutenus contre l'adoption de la Loi de Saint-Léonard étaient justifiés. Le gouvernement a retardé à ce jour l'abolition de la loi 63 pour lui substituer le projet no 22.

La Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie n'accepte pas le projet de loi no 22 tel que présenté, parce que nous y notons un manque flagrant d'échiné, voire même une attitude détestable de parternalisme à l'endroit des résidents non français du Québec.

Notre gouvernement doit imposer sans fléchir, qu'importent les réactions des résidants québécois affectés, la langue française officielle sur tout le territoire québécois et ce, sans autre délai.

Il faut mettre un terme à la situation actuelle qui dure, hélas, depuis trop longtemps, où un Québécois anglophone peut vivre au Québec sans recourir à l'usage du français, alors que son concitoyen français ne peut le faire sans encourir d'être lésé dans la promotion normale et naturelle comme c'est le cas pour le membre d'un peuple normal vivant dans un pays normal.

Le Québec, c'est l'Etat national des Québécois. Il est situé dans un territoire géographique spécifique. Il possède une structure juridique et gouvernementale fortement établie. Il s'appuie sur des institutions économiques très dynamiques, sur des ressources humaines des plus valables, sur un système d'éducation des plus modernes étayé par un réseau de maisons qualifiées des mieux équipées, dirigé par un corps professoral jeune et très compétent, sur des richesses naturelles en abondance et à peine exploitées. Le Québec se doit de s'affranchir définitivement et de se personnaliser en se dotant d'une loi rendant le français langue officielle, décrétant de façon ferme, voire même draconienne, le respect de son identité dans tout son territoire national.

La Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie, comme le réitèrent le Mouvement Québec français, le Mouvement national des Québécois, les grandes centrales syndicales et autres importants organismes de la province, sans omettre la Commission scolaire de Montréal, demande à l'Assemblée nationale que le français soit la langue d'enseignement pour tous les résidents québécois, incluant les anglophones nés au Québec. Tous devront, comme il se doit, dans un Etat national normal, s'exprimer dans la langue du pays qu'ils habitent.

L'enseignement d'une langue seconde ou étrangère pourra se faire dans des heures bien définies au cours secondaire. Le français sera la seule langue enseignée aux étudiants à l'élémentaire dans toutes les écoles du Québec, sans aucune exception.

Le gouvernement devra prendre les dispositions qui s'imposeront pour fournir aux ensei- gnants et étudiants des manuels et autres références rédigés en français. Il devra prévoir, dans la nouvelle législation, une préoccupation indéniable de son souci de valoriser la langue officielle en permettant aux professeurs de se perfectionner par tous les moyens possibles. Ainsi libéré du complexe qui l'a toujours assailli, parce que francophone, même dans son territoire national, le Québécois vivra épanoui dans tous les secteurs de la vie nationale.

Pour éliminer ce complexe, le gouvernement devra non pas inciter, mais dicter aux dirigeants d'entreprises, commerces et places d'affaires que, dorénavant, avec l'implantation de la nouvelle loi, l'unilinguisme français ne sera plus un handicap à la promotion rapide, aux traitements alléchants, à la direction et à l'administration de ces agences économiques.

Cette présence de l'unilinguisme se retrouvera également dans les ententes patronales ouvrières. Seul le texte français sera légal dans les contrats.

Les négociations auront cours en français et, si besoin est de faire intervenir un interprète, seule la version française sera légale. Ici, nous ouvrons une parenthèse pour déclarer que, dans toutes les causes juridiques, seule là langue française sera légale. Encore là, le recours à un interprète pourra être permis, mais seule la version française sera retenue. II en sera de même pour tous les contrats de quelque nature que ce soit et le texte officiel et légal sera le texte français.

Les contrats d'embauche le seront également. Ils devront contenir une clause où il sera fait mention, de façon claire et sans ambiguïté, que le fait d'être unilingue français ne sera en aucune façon un handicap à la promotion du signataire. Prévoir dans la loi un recours légal contre l'employeur qui passerait outre.

Tous les employeurs des Québécois en territoire québécois devront accepter de fonctionner et de diriger dans la langue du Québec.

La population veut imposer, à l'avenir, sa langue et mettre fin au règne de la langue de l'exploiteur de nos richesses naturelles et des magnats de la finance.

Le gouvernement québécois devra, lui aussi, obliger tous ceux qui commercent, transigent et communiquent avec lui, le fassent en français. Qu'il mette en évidence le caractère particulier d'un gouvernement unique en Amérique du Nord, qui est officiellement d'expression française.

La Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie insiste pour que la nouvelle loi sur la langue officielle, qui remplacera le projet de loi no 22, soit imbue d'un rigorisme sans relâche à l'endroit de tous, et les immigrants de façon particulière, car nous pouvons constater que la dénatalité joue contre notre nation et que l'immigration peut pallier au décroissement, sans quoi nous serons définitivement submergés, tant de l'extérieur que de l'intérieur, par l'assimilation.

L'adhésion des immigrants à notre groupe

devra, par la loi, obliger ceux-ci à apprendre le français avant de venir s'implanter au Québec, les informer que leurs enfants devront fréquenter et s'instruire dans les écoles françaises. Il est entendu que les enfants nés au Québec de parents immigrants, obligatoirement, fréquenteront les écoles françaises, que le choix de la langue n'existe plus.

Afin d'atténuer et d'enrayer l'assimilation toujours menaçante, les anglophones déjà résidant au Québec au moment de la mise en force de la nouvelle loi, devront être bilingues et s'exprimer en français en premier lieu dans leurs relations publiques. Leurs enfants pourront terminer leurs études déjà commencées dans les institutions anglaises, mais devront suivre des cours de français pour qu'après examens, ils soient reconnus bilingues.

Pour ce qui sera des nouveaux étudiants d'expression anglaise qui s'inscriront pour la première fois dans les institutions d'enseignement, après la promulgation de la nouvelle loi, ils devront le faire dans une école française. Lors de leur fréquentation scolaire au niveau secondaire, ils pourront s'inscrire à l'une des langues secondes ou étrangères dispensées au programme.

La rédaction d'une nouvelle loi, dans le sens précité, facilitera globalement, d'ici peu, l'implantation de la langue française au Québec, la seule langue officielle.

Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je vous remercie, M. Meyers. J'inviterais maintenant le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie pour la présentation de son mémoire. J'ai cru comprendre, au cours des explications, que la société se réclamait des opinions exprimées par le Mouvement national des Québécois et par le Mouvement Québec français. C'est sans doute exact?

M. MEYERS: C'est vrai.

M. CLOUTIER: J'ai eu l'occasion —comme je l'ai signalé devant l'autre groupe — de questionner longuement ces deux organismes. Vous comprendrez que, pour éviter les répétitions, et étant donné que le but de cette commission est pour permettre, justement, à une commission d'être informée, je vais m'abstenir de poser d'autres questions. Votre mémoire est clair, et je vous en remercie.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie de bien avoir voulu nous présenter ce mémoire qui constitue, lui aussi, une pièce d'artillerie contre le projet de loi 22, et qui constitue, j'imagine, un autre désaveu du projet de loi, comme vous avez voulu nous le faire comprendre. Soyez assurés que l'opposition au projet de loi 22 en tiendra compte.

Je veux simplement vous poser une question quant au chapitre de la langue d'enseignement et quant à votre programme. Vous mentionnez, à la toute dernière page, qu'après la promulgation de cette loi ou d'une autre loi qui serait sensiblement modifiée, vous voudriez voir les jeunes anglophones, les nouveaux étudiants d'expression anglaise, s'inscrire à l'école française. Vous n'êtes pas sans savoir qu'hier le ministre a reçu un des désaveux les plus pesants qu'il ait eus depuis le début du projet de loi, une condamnation en règle du chapitre de la langue d'enseignement par l'organisme que, j'imagine, vous respectez autant que moi, le Conseil supérieur de l'éducation.

Je ne pense pas que là, le ministre puisse aller jusqu'à dire que les membres du Conseil supérieur de l'éducation font partie des 15 p.c. d'indépendantistes que le ministre voit dans sa soupe. Le Conseil supérieur de l'éducation est un organisme que le ministre lui-même a qualifié d'extrêmement important, à ce point important qu'il n'a même pas voulu l'amener jusqu'à la table de cette commission.

Dans cet avis du Conseil supérieur de l'éducation qui démentait, en quelque sorte, d'un bout à l'autre, le chapitre de la langue d'enseignement du projet de loi 22, il est dit: "Le Conseil supérieur recommande que la commission parlementaire adopte la position suivante: Que nous statuons très clairement...", beaucoup plus clairement que ne savent le faire les dispositions hypocrites du chapitre de la langue d'enseignement, "sur le fait que la langue d'enseignement est le français".

Le Conseil supérieur nous recommande de maintenir le secteur anglophone pour ceux qui sont de langue anglaise, et il nous invite à noter qu'il serait très nocif, non seulement de retirer des jeunes francophones, des jeunes immigrants de l'école anglaise et de les amener de force dans l'école française — je ne pense pas que cela soit le but de qui que ce soit — mais encore nous le signale-t-il, de briser l'unité culturelle des familles. Prenons une famille anglophone de Shawinigan, par exemple, dans votre région, qui aurait actuellement des enfants d'âge scolaire. Le père et la mère anglophones — inscrits à l'école anglaise en première, cinquième et septième année — qui auraient aussi un enfant de trois ans en voie d'être inscrit à l'école maternelle. Si je comprends bien votre résolution, cet enfant, le quatrième de la famille, à la suite de l'adoption de la loi, serait dirigé vers l'école française alors que les trois autres sont — et vous acceptez qu'ils le soient — maintenus dans l'école anglaise.

Personnellement, je n'accepte pas cette position. Je crois que nous pouvons très légitime-

ment contingenter l'école anglaise à la taille de la minorité anglaise comme nous le recommande le Conseil supérieur de l'éducation — il n'y a aucun doute — pour empêcher l'assimilation de francophones et d'immigrants qui tous devraient aller à l'école française — je suis parfaitement d'accord sur cela — mais avons-nous besoin et devons-nous aller jusqu'à — c'est la question que je vous pose — briser les unités culturelles de famille, en particulier, des familles anglophones qui sont au Québec et qui constituent 13 p.c. de nos concitoyens?

M. MEYERS: Dans le mémoire que nous avons présenté, dans le dernier paragraphe, entre autres, nous insistons énormément pour que le nouvel étudiant qui s'inscrira à l'institution, après la promulgation d'une loi telle que nous aimerions en voir adopter, à ce moment, s'inscrive dans une institution à caractère français. Lorsqu'il atteindra le cours secondaire, il aura accès à sa langue maternelle où il pourra s'instruire de façon adéquate au niveau de sa langue maternelle dans les institutions.

Mais il reste quand même que les trois premiers que vous citiez tout à l'heure — je prends votre exemple — vont continuer leurs études dans les institutions anglaises en poursuivant des études poussées de français de façon bilingues, après quoi, le jeune dont vous faisiez mention, sera inscrit à une institution française et, à son cours secondaire, il pourra devenir bilingue à ce moment et il rejoindra ses trois autres frères.

M. CHARRON: Est-ce que vous avez des statistiques...

M. MEYERS: Oui, nous avons des statistiques qui sont...

M. CHARRON: ... de votre région?

M. MEYERS: De notre région... Du moins, au point de vue de l'assimilation, chez nous, cela joue énormément. Alors, on n'a pas voulu, dans notre mémoire, citer des statistiques parce qu'on savait que la commission en recevrait une avalanche, mais j'ai décidé quand même d'apporter quelques statistiques qui se limitent justement à l'assimilation qui se fait chez nous et ces statistiques sont la suite d'une étude qui a été commandée par le ministère de l'Education.

Si on prend, par exemple, au niveau de l'ensemble du Québec, l'année scolaire 1969-70, on dévoile que la fréquentation des écoles anglaises par des étudiants d'expression française dans ces écoles est de 24 p.c. On nous dit ensuite qu'en 1971-72, la population française qui fréquente les écoles anglaises au Québec a grimpé à 29.34 p.c. et enfin, pour 1973, les dernières statistiques que nous avons stipulent qu'il y a 77,587 étudiants français inscrits dans les écoles anglaises.

A ce moment, le total de la fréquentation des Canadiens français aux écoles anglaises atteint 30 p.c.

M. CLOUTIER: Bien non! Mais ces chiffres ne sont pas tous exacts.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre conteste?

M. MEYERS: Ces chiffres ont été tirés d'une publication qui a passé dans la Presse, M. le ministre.

M. CLOUTIER: Ecoutez, je ne veux pas faire de débat ici, je le ferai à l'Assemblée, mais je dois signaler que les statistiques ne sont pas exactes.

M. MEYERS: D'accord. J'accepte...

M. CLOUTIER: Tout ce que nous cherchons, c'est de sortir toutes les données, vous savez, pour que la population se prononce...

M. MEYERS: Maintenant, dans le même document, M. le ministre, je comprends que les chiffres peuvent être contestés, mais du moins, on s'est basé là-dessus,...

M. CLOUTIER: ... la Presse, vous savez...

M. MEYERS: Oui, mais il reste quand même que la Presse a tapé en gros titres que les études qu'elle produisait étaient commandées par le ministère de l'Education et, à ce que je sache, M. le ministre, cela n'a jamais été démenti. Si vous me permettez seulement pour la région de Trois-Rivières pour la période 1972-73, M. Charron, de détailler la fréquentation scolaire par des étudiants canadiens-français, à St. Patrick et au High School de Trois-Rivières, la totalité des étudiants y était de 1,116. Sur ces 1,116, 674 étaient d'expression française, étaient des Canadiens français, c'est-à-dire que la fréquentation dans les écoles de Trois-Rivières était de 60.4 p.c.

M. CHARRON: Cela est dans la ville de Trois-Rivières.

M. MEYERS: Dans la ville de Trois-Rivières. J'ai rencontré il y a quelque temps un commissaire de la commission protestante qui m'a avoué bien sincèrement — je ne suis pas au courant, je répète exactement ce qu'il m'a dit — que si la fréquentation scolaire était respectée, c'est-à-dire que si les normes de fréquentation étaient respectées, il est fort probable que les écoles protestantes et catholiques d'expression anglaise de Trois-Rivières ne rempliraient peut-être pas les critères du ministère au point de vue de l'existence.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre possède des chiffres différents quant à la fréquenta-

tion francophone dans les écoles anglaises de la ville de Trois-Rivières?

M. CLOUTIER: Non, je n'ai pas cela sous les yeux, mais j'ai justement le rapport dont vous parliez, Duchesne, qui ne correspond pas du tout aux chiffres qu'on a cités. Je me demande même si cela ne serait pas utile, même si ce n'est pas l'endroit, de faire certaines rectifications...

M. CHARRON: Faites-les.

M. CLOUTIER: Pour ce qui est de Trois-Rivières, c'est sectoriel, je n'ai pas cela ici. Je n'ai aucune objection à en parler à une autre occasion. Voyez-vous, vous me parlez de pourcentage de 24 p.c, les pourcentages sont d'à peu près 1 p.c. Vous avez exactement en 1973-74, d'après le même rapport, mis à jour cependant au ministère, une population étudiante dans les deux secteurs, anglophone et francophone, de 1,534,508 étudiants. Vous avez dans le secteur français 1,273,367 francophones, 10,340 anglophones, 10,647 autres, pour un total de 1,293,354. Vous avez dans le secteur anglais, et c'est cela qui est important pour avoir vos chiffres, 25,230 francophones, ce qui donne un pourcentage de 1.9 p.c. On est quand même loin de 24 p.c. Vous avez dans le secteur anglais toujours, 164,020 anglophones et vous avez 50,904 autres, qui sont ceux que la commission Gendron appelait les allophones. Ceci pour le grand total dont je vous ai parlé. Alors, ce sont les chiffres pour l'ensemble du territoire. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas dans certaines régions des concentrations différentes. Effectivement, à Montréal, où se situent la plupart des problèmes, la majorité des étudiants francophones dans le secteur francophone s'y retrouvent.

M. CHARRON: Oui, M. le Président, je remercie le ministre d'avoir donné cette précision. Je veux lui demander quand même, avant de clore cette statistique, si cela provient de l'étude de M. Lespérance de la direction générale de la planification.

M. CLOUTIER: C'est l'étude dont vous avez parlé tout à l'heure, de Louis Duchesne. C'est une annexe pue nous avons mise à jour sur la situation des langues dans les écoles du Québec et ses régions administratives, 1969-70, 1972-73. Ces documents de démographie scolaire sont rendus publics constamment, automatiquement même. Jamais, je ne me suis mêlé de ce processus. Ce sont des chiffres publics qui sont utiles à la discussion.

M. CHARRON: Mais la mise à jour a quand même donné l'occasion au ministre de clarifier une statistique au tout début des travaux de la commission parlementaire. Je fais référence au journal des Débats à l'appui de ce que je viens de dire.

Le ministre a affirmé, au moment où, pour la première fois, nous entamions les discussions autour des statistiques, il y avait 23,500 francophones dans les écoles.

M. CLOUTIER: C'était vrai à ce moment-là, parce que nous n'avions pas le rapport des dernières inscriptions, et j'ai fait un rapport partiel.

M. CHARRON: Alors, le rapport des dernières inscriptions devient donc encore plus alarmant puisque ce n'est pas 23,500...

M. CLOUTIER: Absolument pas. M. CHARRON: Mais c'est 25,200.

M. CLOUTIER: Maintenant, permettez moi de vous faire remarquer, là encore je ne veux pas engager le débat et tomber dans ce piège, mais il ne s'agit pas là du tout des transferts annuels, il s'agit là d'un chiffre cumulatif qui porte sur 11 années d'études.

M. CHARRON: D'accord!

M. CLOUTIER: C'est-à-dire tout l'élémentaire, tout le secondaire. Vous dites d'accord, mais j'ai l'impression que les gens ne s'en rendent pas toujours compte et ceci c'est toute la population scolaire. Ce qui représente à peu près 1 p.c. de la population totale, une des réalités.

M. CHARRON: M. le Président...

M. CLOUTIER: Je ne parlais pas de vous, cher monsieur.

M. CHARRON: ... je n'ai pas prétendu que le chiffre de 25,230 que nous possédons maintenant est une augmentation par rapport à l'année dernière, mais je dis simplement que la mise à jour faite par le ministre de l'Education au cours des dernières semaines lui a permis de constater que ce n'était plus 23,500 francophones qu'il y avait dans les écoles anglaises, mais 25,200.

M. CLOUTIER: M. le Président, pauvre député de Saint-Jacques, si je compare ces chiffres à 1972-73, non seulement il n'y a pas augmentation, mais c'est à peu près le même chiffre. Le chiffre de 23,500 n'était pas exact parce que c'était un chiffre temporaire qui ne tenait pas compte de toutes les inscriptions. 1973-74, je le répète donc, 25,230 et 1972-73, c'est 25,307. Cela a donc diminué de quelques unités de 1972-73 à 1973-74. On verra cela en détail parce que, bien sûr, le gouvernement prend des décisions, mais il prend des décisions sur des faits et non pas sur des émotions parfois parfaitement compréhensibles, mais qui ne peuvent fonder des décisions responsables.

M. CHARRON: Nous avons eu l'occasion de discuter de ces chiffres également avec les représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal, où, effectivement, pour les inscriptions en chiffres absolus, il y aura, semble-t-il, dans les chiffres dont ils disposaient au moment où ils sont venus à cette table, moins de francophones dans les écoles anglaises en chiffres absolus que l'année dernière pour l'excellente raison que l'ensemble de la clientèle scolaire également diminue et la diminution des francophones dans les écoles françaises est encore plus sensible que la diminution des francophones dans les écoles anglaises. Autrement dit, si on tombe de 25,307 à 25,230 cette année, ce n'est pas parce qu'il y a régression de l'attraction de l'anglais, c'est que partout le nombre d'élèves diminue et que...

M. CLOUTIER: C'est certainement un facteur dont il faut tenir compte. Ce qui prouve bien la difficulté d'interpréter des statistiques. Je n'ai pas voulu me prêter à ce jeu au cours de la commission parlementaire pour qu'on puisse en faire une analyse approfondie, mais là je me suis contenté d'apporter quelques précisions parce que vos chiffres étaient tellement loins, vous parliez de 24 p.c. alors qu'on est à 1 p.c. Je ne pouvais pas les laisser passer.

M. MEYERS: Je dois avouer que je suis complètement dérouté des chiffres que vous nous dévoilés maintenant. Il arrive qu'on a pu se référer aux tableaux statistiques de la Presse, comme je l'ai dit tout à l'heure, M. le ministre...

M. CLOUTIER: Je ne sais pas ce qu'il valait, ce tableau. Référez-vous aux publications...

M. MEYERS: ... mais à ce moment il n'y a eu aucune intervention de la part du ministère disant que ces choses n'étaient pas exactes.

M. CLOUTIER: S'il fallait commencer à apporter des précisions chaque fois qu'on n'est pas tout à fait d'accord avec un article de journal, il faudrait publier un quotidien, ce que fait d'ailleurs le PQ.

M. MEYERS: Quand même, il reste, M. le ministre, que j'aimerais bien vous signaler une lacune bien pénible dans notre région. Les statistiques que je vous donne, ont été compilées cette semaine. Au niveau de l'école St. Patrick, c'est une école élémentaire de Shawini-gan-Sud, la fréquentation scolaire totale est de 108 élèves. Les anglophones sont au nombre de 27.

M. CLOUTIER: Oui, mais, voyez-vous, permettez-moi d'attirer votre attention sur un petit problème que soulignent les démographes du ministère. Bien sûr, je ne nie pas le problème, mais lorsqu'on part d'un chiffre de 108, on se dit là-dessus il y a 27 anglophones, qu'on fait une statistique en disant: 30 p.c. des élèves dans une région fréquentent tel secteur, cela n'a pas, pour un démographe, la même signification parce que cela porte sur de très petits chiffres.

M. CHARRON: Bien sûr et j'ai eu l'occasion de faire remarquer la même chose au ministre quand il nous disait que les classes d'accueil de la CECM faisaient que 72 p.c. des étudiants immigrants, dans les classes d'accueil, allaient se diriger vers le secteur francophone. Je l'ai invité, moi aussi, à abandonner les statistiques pour retourner au chiffre global et on s'est aperçu que cela signifiait 117 étudiants. Ce n'est pas avec cela qu'on va franciser Montréal.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas exact. J'ai eu l'occasion, en votre absence de la commission, d'apporter les statistiques à jour devant le chef de l'Opposition qui en a pris note. Peut-être y aurait-il intérêt à ce que vous le consultiez si vous avez quelques instants.

M. CHARRON: Pour l'instant je prendrai toujours la parole de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui, en ce domaine, me semble beaucoup plus digne de foi que le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: C'est le genre de gentillesse que l'on s'échange. C'est-à-dire de façon très unilatérale parce que ça n'est pas ma façon de concevoir la politique.

M. CHARRON: Si vous avez ce respect des instances décentralisées, de l'étude qu'ils ont faite avant de nous apporter leur mémoire, on doit prendre les statistiques qu'ils nous fournissent comme étant les plus réelles, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un groupe indépendantiste, M. le Président, mais il s'agit bien de la Commission des écoles catholiques de Montréal. J'imagine que le ministre la respecte autant que moi.

La statistique que vous venez de donner sur l'Ecole de Shawinigan-Sud, vous avez mentionné aussi tout à l'heure St. Patrick de Trois-Rivières, c'est 674 sur 1,116.

M. MEYERS: Lorsque j'ai mentionné tout à l'heure 674 sur 1,116, ça comprend à la fois l'Ecole St. Patrick, qui est catholique et le High School de Trois-Rivières qui est protestant. La fréquentation scolaire pour les deux écoles est de 1,116 et, là-dessus, 674 sont d'origine française. J'ai sorti des statistiques tout à l'heure, M. le ministre, c'était pour souligner le danger réel d'assimilation de nos Français dans notre territoire, en Mauricie.

M. CLOUTIER: Vous pensez que vos jeunes Trifluviens qui fréquentent l'école anglaise — je ne porte pas de jugement de valeur là-dessus actuellement — sortent de là anglicisés? Franchement, entre vous et moi, parce que je

connais vos écoles, je connais Trois-Rivières, j'ai une partie de ma famille qui vient de là.

M. MEYERS: Bien moi, M. le ministre...

M. CLOUTIER: Vous pensez qu'ils sortent de là anglicisés.

M. MEYERS: M. le ministre, je suis né à Trois-Rivières, j'ai toujours vécu à Trois-Rivières, j'ai 59 ans. J'ai déjà abandonné un poste parce qu'on exigeait de moi que je parle anglais...

M. CLOUTIER: Même chose, ce n'est pas le genre de question que je pose.

M. MEYERS: Mais il reste ceci, avec mes contacts avec la population trifluvienne, je suis en mesure de vous dire mon expérience acquise. Mon père a travaillé dans un "moulin de papier" — excusez l'expression "moulin de papier", c'est typique à Trois-Rivières — c'est parce qu'il pouvait parler anglais qu'il a pu accéder à certains postes.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas tout à fait la question, cher monsieur, je suis d'accord avec vous.

M. MEYERS: Mais laissez-moi continuer, M. le ministre.

M. CLOUTIER: Ah bien! si vous y arrivez.

M. MEYERS: Mais il reste que, M. le ministre, la hargne que nous avons mise sur l'enseignement du français en nous disant, sur les sièges d'école: Apprends l'anglais, tu vas obtenir des positions plus alléchantes, tu vas gravir plus rapidement dans le rang social...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas tout à fait ça, je m'excuse, je ne veux surtout pas vous obliger à répondre, vous avez le droit de répondre ou de ne pas répondre. Ce n'est pas du tout la question que je pose. Je vous dis que vous êtes dans un milieu francophone à 99 p.c, sinon davantage, et vous me dites qu'il y a un certain nombre d'enfants qui fréquentent les écoles anglophones...

M. MEYERS: Justement.

M. CLOUTIER: ... et vous me dites que ceci vous mène directement à l'assimilation.

M. MEYERS: Oui.

M. CLOUTIER: Mais moi, je pense bien qu'on va continuer à parler français à Trois-Rivières dans quelques siècles et je ne crois pas tellement à ce que vous appelez l'assimilation. Ma question est: Est-ce que, parce que quelques-uns de vos enfants fréquentent l'école anglophone, ils deviennent anglicisés?

M. MEYERS: Sûrement qu'ils vont devenir anglicisés parce qu'ils ont un penchant très direct vers...

M. CLOUTIER: Ils deviennent anglicisés. M. MEYERS: ... l'esprit anglais.

M. CLOUTIER: Ils ne parlent plus français à ce moment-là, ils cessent de parler français.

M. MEYERS: Sûrement. Ils cessent de parler français, attendez un peu. Je n'ai pas dit qu'ils vont cesser de parler français, mais ils ont une tendance très marquée vers l'esprit anglais et ils délaissent complètement et tranquillement les attitudes françaises qu'on devrait retrouver chez nos enfants.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Gouin.

M. CHARRON: Ils vont continuer à parler français, mais culturellement, ils appartiennent à un autre groupe.

M. BEAUREGARD: Merci, M. le Président. J'aurais quelques brèves questions à poser à nos invités. Tout d'abord, à la page 2 vous dites: La Société Saint-Jean Baptiste de la Mauricie demande à l'Assemblée nationale que le français soit la langue d'enseignement pour tous les résidants québécois, incluant les anglophones nés au Québec, tous devront, comme il se doit dans un Etat national, s'exprimer dans la langue du pays qu'ils habitent. Est-ce que je peux vous demander de quel pays vous parlez?

M. MEYERS: A ce moment-là, la langue officielle, au Québec, on l'a déclaré au tout début, devrait être le français.

M. BEAUREGARD: Quand vous dites le pays, vous voulez dire le Québec?

M. MEYERS: Alors on considère l'Etat du Québec comme étant le pays d'origine des Canadiens français, des Québécois d'expression française.

M. BEAUREGARD: Est-ce que vous considérez que le Canada est encore votre pays ou si...

M. MEYERS: Je me considère plutôt chez nous, ici.

M. BEAUREGARD: Alors, quand vous dites le pays, vous voulez dire le Québec?

M. MEYERS: Le Québec.

M. BEAUREGARD: Bon. Vous avez une option politique très nette en disant...

M. MEYERS: Pas nécessairement.

M. BEAUREGARD: Pas nécessairement.

M. MEYERS: II ne faudrait pas présumer, au départ, a priori, monsieur.

M. BEAUREGARD: Non. Est-ce que vous considérez que le Canada est le pays des Québécois également, autant que le Québec?

M. MEYERS: Tant et aussi longtemps que nous sommes dedans, d'accord, mais je préfère être chez moi, ici.

M. BEAUREGARD: Je comprends. Pour vous, votre pays est le Québec?

M. MEYERS: A ce moment-là, je ne voudrais pas que cela devienne une question personnelle.

M. BEAUREGARD: Non, je comprends, mais vous avez pris une position dans le mémoire. Vous dites clairement que vous voulez que tous les gens s'expriment dans la langue du pays.

M. MEYERS: C'est cela.

M. BEAUREGARD: Alors, je vous demande, pour vous comprendre: Qu'entendez-vous par le mot "pays"?

M. MEYERS: A ce moment-là, je voudrais que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais, que la Colombie-Britannique est anglaise.

M. BEAUREGARD: Vous dites également, toujours dans la même phrase, que tous devront s'exprimer dans la langue du pays. Vous m'avez expliqué que la langue du pays est le français. Vous dites également, à la page 4, que tous les anglophones résidant déjà au Québec devront être bilingues et s'exprimer en français en premier lieu. Vous voulez donc que la loi prévoie l'obligation, pour les anglophones, de s'exprimer en français. Est-ce que je vous interprète bien?

M. MEYERS: C'est cela.

M. BEAUREGARD: Lorsqu'on fait une loi, il faut prévoir, comme vous le savez, des sanctions au cas où la loi ne serait pas observée par les citoyens. Quelles sanctions prévoiriez-vous dans le cas où, par exemple, deux anglophones parlent anglais entre eux au Québec?

M. MEYERS: Nous n'avons aucune objection à ce qu'ils parlent anglais entre eux au Québec, mais dans les relations publiques, par exemple, qu'ils s'expriment en français.

M. BEAUREGARD: Par exemple, si un anglophone parle en anglais à un francophone consentant, quelle sanction y verriez-vous?

M. MEYERS: Adulte?

M. BEAUREGARD: Adulte et consentant.

M. BURNS: C'est réglé par le bill omnibus.

M. BEAUREGARD: Quelle sanction prévoi-riez-vous dans ce cas-là?

M. MEYERS: Au niveau des sanctions, M. le député, je laisse plutôt le législateur intervenir, dans sa promulgation d'une loi, et décréter des sanctions.

M. BEAUREGARD: Ecoutez, c'est parce que vous dites...

M. MEYERS: Ce n'est pas à nous de...

M. BEAUREGARD: C'est parce que vous dites, en toutes lettres, que tous devront s'exprimer dans la langue du pays. Vous m'avez expliqué que, pour vous, le Québec est votre pays et que le français est la langue du pays. Je vous demande comment on peut faire, si on voulait suivre votre opinion, pour appliquer cette loi. Vous dites même, à la page 4 de votre mémoire, au dernier paragraphe en bas: Tous devront être bilingues et s'exprimer en français en premier lieu.

M. MEYERS: Dans les relations publiques.

M. BEAUREGARD: Dans les relations publiques. Quelle serait la sanction, si quelqu'un parle en anglais publiquement, à l'intérieur du territoire du Québec?

M. MEYERS: II peut sûrement se faire mettre à l'ordre à un moment donné. Le législateur devrait prévoir, à ce moment-là, dans ses lois, des promulgations, des avenants à sa loi, voir imposer des sanctions.

Maintenant, il reste que, dans les interventions où le Québécois d'expression française se sentira lésé, il pourra recourir à la loi afin de mettre les choses au point. Présentement, nous sommes obligés de supporter tous les avatars de la situation.

M. BEAUREGARD: En somme, vous ne voyez pas très bien quelles sanctions?

M. MEYERS: On reviendra pour cela.

M. BEAUREGARD: Est-ce que vous verriez, par exemple, des amendes?

M. MEYERS: Cela se pourrait. Cela pourrait aller jusqu'à l'amende.

M. BEAUREGARD: La prison, éventuellement, s'il ne paie pas l'amende?

M. MEYERS: Attendez un peu. Je ne suis pas législateur.

M. BEAUREGARD: Je vous explique une chose qui, je pense, est facile à comprendre. Lorsque vous faites une loi, il faut prévoir le cas où les citoyens y désobéiraient.

M. MEYERS: II faudrait nécessairement que le législateur prévoie des sanctions; ces sanctions sont quoi? Je crois que le ministère de la Justice, avec l'aide de...

M. BEAUREGARD: D'accord, disons que nous pourrons...

M. MEYERS: ...arrêter une pléiade...

M. BEAUREGARD: En somme, vous verriez...

M. MEYERS: ...hiérarchisée des sanctions. M. BEAUREGARD: Pardon?

M. MEYERS: II pourrait arrêter une pléiade bien hiérarchisée de sanctions, selon la gravité des cas.

M. BEAUREGARD: En somme, vous verriez, dans le cas où des gens parlent l'anglais au Québec, que, par exemple, pour une première offense ce serait seulement un avertissement, et après peut-être une amende et, éventuellement, la prison et quelque chose de ce genre?

M. MEYERS: Vous déterminerez, monsieur.

M. BEAUREGARD: On déterminera cela. D'accord. Peut-être que cela pourrait se terminer comme cela. Ecoutez, il y a d'autres questions que j'aurais aimé vous poser, M. le Président, est-ce que j'ai encore un peu de temps?

Par exemple, à la page 2, toujours, de votre mémoire, au dernier paragraphe, j'ai eu l'impression — je pense, qu'en lisant le texte, c'est très clair— vous dites: L'enseignement d'une langue seconde ou étrangère — et là vous mentionnez plusieurs langues étrangères, comme l'allemand, l'anglais, le chinois.

M. CLOUTIER: Le député de Saint-Jacques a parlé tout à l'heure, lorsqu'il était question de sanctions, du four crématoire. J'imagine que c'était une blague!

M. CHARRON: Non, je voudrais...

M. CLOUTIER: Comme il a pris l'habitude de répéter toutes mes remarques...

M. CHARRON: ... ajouter l'empalement et le supplice de la goutte d'eau.

M. CLOUTIER: C'est sûrement de l'ironie.

M. BURNS: Et moi, je suggère le supplice de la roue! Cela reviendrait à l'époque féodale.

M. CLOUTIER: Je pense que le supplice de certaines commissions parlementaires suffirait.

M. CHARRON: Ou encore pire: Une journée avec le ministre de l'Education !

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs!

M. TARDIF: Surtout pas une journée avec le député de Saint-Jacques, ce serait dangereux!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Vous voyez quelle sorte de société ces gens-là nous préparent et dans quel esprit!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Gouin.

M. BEAUREGARD: Merci, M. le Président. Est-ce que mon temps a été diminué, du fait de l'intervention du député de Saint-Jacques?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Non. Il n'a pas été diminué.

M. CHARRON: C'est le ministre qui est intervenu.

M. BEAUREGARD: Je reviens donc à ma question, messieurs. Vous dites, à la page 2, toujours, dans votre mémoire — je ne suis pas rendu plus loin que cela — que l'enseignement d'une langue seconde ou étrangère, et là vous nommez un certain nombre de langues étrangères telles que l'allemand, le chinois, le russe, l'anglais et l'espagnol, pourrait se faire selon des heures bien définies, le français sera la seule langue enseignée sans aucune exception.

Etant donné la position du Québec en Amérique du Nord, étant donné le fait que le Canada ou le reste du Canada pour ceux qui se considèrent encore au Canada, étant donné le fait qu'il y a un million d'anglophones ou près dans la province de Québec, étant donné également la structure économique du Québec dont vous vous plaignez, qui est partiellement anglophone, je pense que tout le monde l'admet, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y aurait lieu de donner un certain statut peut-être un peu privilégié à l'anglais comme langue seconde dans les écoles du Québec par exemple par rapport au chinois ou au russe? C'est ma question.

M. MEYERS: La question a été posée, elle a été débattue chez nous. La question de donner un privilège à une langue plutôt qu'à une autre, à ce moment-là. Il est bien normal que si on avait à donner un privilège, l'anglais serait peut-être privilégié par la population qui habite au Québec à cause de ces contacts avec les populations extérieures à ces frontières. Mais de là à décréter que... Nous considérons, tenant compte de l'esprit qui a présidé à la rédaction du mémoire, que la langue française étant la langue officielle au Québec, toutes les autres langues deviennent des langues secondaires; alors, libre au citoyen du Québec d'opter pour la langue seconde qu'il aura préférée à d'autres.

M. BEAUREGARD: Une dernière question, M. le Président. A la page 3, vous dites: Cette présence de l'unilinguisme — que vous prônez tout au long de votre mémoire — se retrouvera également dans les ententes patronales-ouvrières. Seul le texte français sera légal dans les contrats. Est-ce que je peux vous demander si, quand vous parlez de contrats, vous voulez dire tous les contrats? Supposons par exemple le cas d'un Chinois, puisqu'on vient de parler de Chinois, qui arrive ici comme immigrant et qui décide de passer un bail avec un autre Chinois, déjà installé dans le quartier de Montréal qui s'appelle le quartier Chinois. Est-ce que, si ce bail est en chinois, d'après vous, cela devrait être illégal ou s'il devrait être en français? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire ou si vous voulez dire simplement les contrats qui concernent les ententes patronales-ouvrières dans ce paragraphe?

M. LACOURSIERE: Je regrette, mais, à ce moment-ci, il est question tout simplement des contrats de travail entre patrons et employés. Le contrat devra être rédigé en français et lorsqu'une copie anglaise sera nécessaire, ce sera comme cela existe déjà dans un grand nombre d'industries actuellement, la copie française qui prévaut.

M. BEAUREGARD: En somme, vous parlez uniquement des contrats de travail.

M. LACOURSIERE: Des contrats de travail.

M. BEAUREGARD: Pourquoi dites-vous alors au paragraphe suivant: Seule la langue française sera légale dans tous les contrats, de quelque nature qu'ils soient.

M. MEYERS: Est-ce que vous me permettez? Je reviens à votre question, maintenant qu'on a répondu concernant la question des contrats de travail. Les deux Chinois signent un contrat. Il faudrait rappeler que ces deux Chinois sont immigrants et qu'ils sont venus s'implanter au Québec et que la langue officielle au Québec est le français. Lorsque vous passez un contrat aux Etats-Unis, indépendamment du fait que vous soyez d'expression française, vous allez le passer en anglais parce que c'est la langue du pays.

M. BEAUREGARD: Est-ce que vous ne pouvez pas passer un contrat en français aux Etats-Unis entre deux personnes, même si vous êtes aux Etats-Unis? Est-ce que le contrat est valable quand même d'après vous?

M. MEYERS: Je ne suis pas allé m'enquérir aux Etats-Unis si les contrats étaient valables. J'en doute fort.

M. BEAUREGARD: Je vous avoue que cela vous aiderait d'être renseignés sur ce sujet. Je n'ai pas d'autres questions.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Madame, messieurs, je vous remercie de votre participation. Comme il n'y a pas d'autres mémoires à entendre ce matin, la commission ajourne ses travaux au mardi 9 juillet.

M. CHARRON: M. le Président, puis-je prendre 30 secondes pour informer les membres de la commission d'une statistique qu'il est peut-être important de connaître. Nous avons reçu, au secrétariat des commissions, 156 mémoires dont 120 sont de langue française, 31 proviennent de groupes anglophones et 5 proviennent d'autres groupes. Jusqu'ici, nous avons entendu 46 mémoires francophones, soit 64 p.c. des mémoires entendus, alors que le total reçu est de 76 p.c. des mémoires reçus. Nous avons entendu 24 groupes anglophones, soit 33 p.c. des mémoires entendus alors que la totalité des mémoires anglophones n'est que de 19 p.c. Au total nous en avons entendu 72 jusqu'ici, soit 46 p.c. des mémoires reçus. Seulement 38 p.c. des mémoires francophones ont été entendus alors que 77 p.c. des mémoires anglophones l'ont été et 40 p.c. des mémoires provenant d'autres groupes ne l'ont pas été. Donc, proportionnellement, les anglophones ont été deux fois plus entendus que les francophones depuis le début des travaux de la commission.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas le moment de faire un bilan, la commission n'ayant pas terminé ses travaux. Je ne mets pas en doute les chiffres du député de Saint-Jacques. Je les ferai établir lorsque le moment sera venu et nous tirerons les conclusions qui s'imposent.

UNE VOIX: Je ne crois pas qu'il ait la manchette en fin de semaine.

M. CLOUTIER: Je ne crois pas qu'il ait la manchette, de toute façon, parce que les choses, de leur point de vue, tirent singulièrement en longueur.

M. BURNS: M. le Président, pas du tout! Je pense que ce que le député de Saint-Jacques a voulu faire, c'est qu'ayant fait certaines recherches il veut en faire bénéficier toute la commission en vue de nos travaux.

M. CLOUTIER: Cette grande générosité venant de la part du député de Saint-Jacques nous touche beaucoup mais la commission est assez adulte pour faire elle-même son bilan lorsque le moment sera venu.

M. BURNS: C'est ça, le député de Saint-Jacques est un des membres de la commission. Il aide aux travaux de la commission. C'est dans ce sens qu'il est intervenu.

M. CLOUTIER: C'est une pièce que nous versons au dossier avec le sourire.

M. BURNS: C'est ça!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, la commission ajourne ses travaux au mardi 9 juillet.

(Fin de la séance à 13 h 18)

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