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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, July 18, 1974 - Vol. 15 N° 138

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22 Loi sur la langue officielle

Séance du jeudi 18 juillet 1974

(Onze heures huit minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Avant d'entreprendre les travaux, j'aimerais aviser la commission des députés qui seront membres pour la séance d'aujourd'hui: M. Séguin (Pointe-Claire); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M. Bou-dreault (Bourget); M. Beauregard (Gouin); M. Morin (Sauvé); M. Lachance (Mille-Iles); M. Tardif (Anjou); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Veilleux (Saint-Jean).

Au moment de l'ajournement hier, nous étions engagés dans la discussion d'une motion du député de Saint-Jacques voulant que la commission consente qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après la deuxième lecture. La parole était à l'honorable ministre de l'Education.

Motion demandant des auditions publiques

M. CLOUTIER: M. le Président, je reprends donc mon intervention après les pénibles interruptions que nous avons connues, et j'en étais à dire que le projet de loi 22, loin d'être une improvisation, était le résultat d'un travail long et minutieux.

En effet, ce projet s'appuie, sur à peu près tous les points, sur les recommandations de la commission Gendron qui, pendant quatre années, a étudié la question linguistique au Québec.

Il y a deux aspects seulement où le projet de loi 22 va plus loin. Il s'agit de l'aspect qui touche la langue officielle et également la langue d'enseignement.

Au cours de la discussion article par article — si finalement on y arrive — il me sera facile de rattacher les différentes recommandations aux différents articles.

Pourquoi j'évoque, à ce stade-ci, la commission Gendron? C'est pour une raison extrêmement simple. C'est que, dans le rapport, il y a également toute une série d'études juridiques qu'a d'ailleurs supervisées le professeur McWhinney que l'on met en cause dans la motion du député de Saint-Jacques. Ces études établissent clairement les pouvoirs du gouvernement du Québec, comme d'ailleurs les pouvoirs de n'importe quelle province canadienne, en ce qui concerne la possibilité de légiférer en matière de langue.

J'ai repris cette doctrine juridique dans mon discours de deuxième lecture, et j'ai l'intention de citer les quelques passages de ce discours. En effet, M. le Président, ils me paraissent tout à fait pertinents, parce que je pourrai ensuite rattacher cette prise de position à la motion du député de Saint-Jacques.

Je disais, à ce moment: "Le pouvoir de légiférer en matière linguistique est accessoire aux compétences constitutionnelles du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Ce principe ressort de la jurisprudence et de la doctrine juridique, comme l'a établi la commission d'enquête sur la situation de la langue française au Québec.

Le gouvernement possède donc l'autorité nécessaire pour établir les règles linguistiques qu'il souhaite dans les domaines de sa compétence. La seule contrainte découle de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cet article stipule que chacun peut utiliser, soit la langue française, soit la langue anglaise dans les débats devant les Parlements ainsi que devant les tribunaux.

Il contient également des stipulations concernant la langue de publication des procédures qui en découlent. Comme il s'agit là de droits fondamentaux, le gouvernement n'a pas voulu modifier cet article, même si d'après certains auteurs, il aurait été possible de le faire.

Quant à l'article 93 de la constitution, lequel se réfère à la langue d'enseignement, la très grande majorité des experts soutiennent que le législateur s'est soucié uniquement de droits religieux. Le gouvernement est donc tout à fait libre de statuer dans ce secteur dans le cadre d'une loi sur la langue.

D'ailleurs, même si on réussissait à démontrer que la portée de l'article 93 pouvait s'étendre aux droits linguistiques, cette interprétation garantirait tout au plus l'existence d'écoles anglaises pour les anglophones, mais ne justifierait pas en soi la liberté de la langue d'enseignement. D'ailleurs, pour beaucoup une telle liberté ne procède pas d'une droit absolu, mais constitue un arrangement d'ordre pratique.

En ce qui concerne la langue des affaires et la langue du travail, la constitution n'en traite pas. Les auteurs consultés par la commission d'enquête ont conclu que la juridiction sur les incidences linguistiques dans ces secteurs dépend du pouvoir de légiférer sur les activités elles-mêmes. On peut donc dire que toutes les entreprises qui ne tombent pas, spécifiquement, sous la coupe des compétences fédérales ressor-tissent à la juridiction provinciale, peu importe le lieu de leur incorporation.

Dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence, c'est-à-dire dans la très grande

majorité des secteurs de l'activité privée, le gouvernement du Québec peut donc légiférer sur la langue de communication avec le public ou sur la langue utilisée dans les entreprises.

Certains ont évoqué devant la commission parlementaire la loi fédérale sur les langues officielles en tentant de démontrer qu'elle rentrait en contradiction avec le projet de loi 22.

Or, cette loi ne porte que sur les activités du gouvernement central et institutionnalise le bilinguisme dans ce cadre très précis. Par conséquent, il n'y a aucune incompatibilité à ce qu'une province déclare que la langue officielle sur son territoire est la langue de sa majorité. C'est d'ailleurs ce que le Manitoba a fait. Le vrai problème ne se situe pas à ce niveau, mais plutôt dans la façon dont chaque gouvernement provincial traite ses minorités.

Il reste la question des droits acquis, La commission d'enquête en traite longuement pour conclure qu'il s'agit là d'un concept discutable. La plupart des commentateurs s'accordent à dire que les droits reconnus en pratique aux minorités ne font l'objet d'aucune garantie et peuvent être restreints ou même abrogés par l'autorité compétente.

En fait, il est évident que chaque fois que le législateur intervient, il modifie en un certain sens les droits existants. Là encore, le véritable problème n'est pas juridique, mais en est un de justice. Il découle de tout ce qui précède que le Québec, comme d'ailleurs n'importe quelle autre province canadienne, jouit de pouvoirs étendus en matière linguistique. Je dirais que les limites d'une action législative sont donc davantage fixées par les impératifs sociaux, culturels et économiques que par les exigences constitutionnelles ou législatives". C'est la fin de cette citation.

Je m'excuse, M. le Président, d'avoir pris le temps de la commission pour revenir sur cette partie de mon discours de deuxième lecture. La raison en est simple, c'est que, moi, je ne suis pas ici pour exciter la haine, je suis ici pour présenter des faits et j'ai l'intention de maintenir le débat à ce niveau. Voici exactement les faits tels qu'ils découlent de la commission Gendron et voici la position du gouvernement. Le gouvernement se sent en terrain très solide en ce qui concerne la constitutionnalité et la légalité du projet de loi 22. Je ne trouve pas anormal pour ma part que le premier ministre du gouvernement central fasse étudier la constitutionnalité du projet de loi 22. Je serais très heureux si une autre province présentait un projet qui a des incidences sur les droits individuels, je serais très heureux que le gouvernement central fasse exactement la même chose. Il me semble qu'il y a là une garantie pour tous les citoyens du Canada.

Ceci étant établi, le gouvernement du Québec est prêt à prouver la constitutionnalité comme la légalité de son projet et lorsque nous arriverons aux articles pertinents, je serais disposé à répondre à toutes les questions en ce sens. Je suis très heureux que l'on ait pensé, M. le Président, à faire appel au professeur McWhinney. Même s'il y a eu certaines réserves lors du rapport de la commission Gendron, rapport extrêmement important, même s'il y a eu, dis-je, certaines réserves touchant précisément revienne aujourd'hui, il reste que c'est une très grande autorité en matière de droit constitutionnel. D'ailleurs, et ceci intéressera certainement l'Opposition, en plus des études rassemblées par le professeur McWhinney dans le rapport de la commission Gendron, en plus du texte que le professeur McWhinney a publié il y a deux ou trois semaines dans le journal Le Devoir alors qu'il rassemblait la plupart de ses arguments établissant la constitutionnalité et la légalité de la loi, j'ai demandé, tout récemment, une consultation privée au professeur McWhinney.

Cette consultation, je l'ai reçue il y a exactement deux jours. Cette consultation établit sans conteste la légalité, dans l'opinion de ce juriste, d'un certain nombre des articles du projet de loi. C'est ainsi que j'ai posé, dans le mandat que je lui ai donné, des questions précises en ce qui concerne l'article 2, l'article 6, l'article 7, l'article 8 et également des amendements, qui seront déposés aussitôt que l'Opposition nous permettra de le faire, touchant l'article 16.

Je n'ai pas l'intention — je le dis tout de suite — de déposer immédiatement une consultation supplémentaire? Précisément parce que les points de vue du professeur McWhinney dans le rapport de la commission Gendron ou dans la publication qu'il a faite dans le Devoir étaient des points de vue clairs et ne portaient pas spécifiquement sur certains articles du projet de loi. C'est donc dire qu'en principe, je ne m'opposerais très certainement pas à ce qu'on entende le professeur McWhinney devant la commission. En fait, je ne m'opposerai pas à ce qu'on entende n'importe qui devant la commission, s'il s'agissait simplement d'éclairer la commission.

Cependant, nous allons voter contre la motion du député de Saint-Jacques parce que nous ne voulons pas transformer cette commission en auditions publiques et nous considérons qu'il appartient au parti gouvernemental, comme à l'Opposition, d'établir leur point de vue en se basant sur les documents qu'ils désirent utiliser. C'est ce que je ferai lorsqu'il s'agira de dire la constitutionnalité et la légalité de certains articles du projet de loi.

Voici, je pense, une prise de position qui est aussi claire que précise. Nous sommes ici avec un mandat extrêmement exigeant; c'est celui de discuter, article par article, ce projet de loi et je n'ai pas l'intention de permettre que des mesures dilatoires nous empêchent d'entrer dans le vif du sujet. Autant je crois important que la commission soit bien informée, autant je crois nécessaire que nous nous en tenions à notre mandat, même si notre règlement nous permet-

trait, à l'occasion, d'entendre des témoins. Mais, dans le contexte qui est celui dont l'opinion publique a pu prendre connaissance, dans le contexte actuel, il ne me parait pas souhaitable de procéder autrement. Il est clair, depuis que nous avons commencé ces travaux, que l'Opposition n'a pas voulu entrer dans le vif du sujet.

Malgré l'offre inédite, à certains points de vue que j'ai faite de déposer immédiatement, au début des travaux, l'ensemble de nos amendements, et étant donné le fait que j'ai également indiqué au tout début de la première séance que j'étais d'accord pour faire état des principes directeurs de la réglementation et même de déposer des textes touchant ces principes directeurs, l'Opposition a voulu, par toute une série de motions, discuter et discuter, de manière à retarder les travaux.

M. le Président, je maintiens ce point de vue, je vais déposer aussitôt que nous commencerons l'article 1, tous les amendements jusqu'ici et également, je vais déposer, comme je m'y suis engagé au cours des auditions de la commission parlementaire, les principes directeurs des principaux points du projet de loi 22 et je le ferai à ce moment-là.

En ce qui concerne la constitutionnalité et la légalité, nous allons voter contre la motion du député de Saint-Jacques et nous allons établir tant la constitutionnalité que la légalité, par tous les arguments qui sont à ma disposition, y compris cette très importante consultation du professeur McWhinney, lorsque le moment opportun arrivera.

Je vous remercie, M. le Président.

M. MORIN: M. le Président, sur un point de règlement. Si je ne m'abuse, lorsqu'on évoque le contenu d'un document devant la Chambre ou devant une commission, ce document doit être déposé. Je demanderais au ministre s'il désire vraiment que ce débat soit éclairé et objectif, de déposer immédiatement l'opinion du professeur McWhinney devant la commission. Je ne l'ai entendu invoquer aucun argument sérieux pour dissimuler cette étude jusqu'à ce que nous en arrivions à l'article premier. C'est un entêtement ridicule.

M. CLOUTIER: M. le Président, je suis d'accord pour déposer immédiatement la consultation du professeur McWhinney, à la condition que l'on cesse ce débat stérile et que l'on commence le débat de fond.

M. MORIN: M. le Président...

M. CLOUTIER: C'est là que nous jugerons de la sincérité du PQ.

M. MORIN: M. le Président...

M. CLOUTIER: Je suis d'accord pour déposer immédiatement tous nos projets d'amendements et également les principes directeurs, mais à la condition que tous les députés du PQ ne commencent pas à parler sur le même sujet, parce qu'il devient un peu trop évident que nous sommes en présence de méthodes d'obstruction. Commençons le débat et tout sera à faire.

M. MORIN: M. le Président, je remercie le ministre du dépôt de cette étude, qui sera des plus utiles...

M. CLOUTIER: A la condition...

M. LEGER: C'est toujours à la condition.

M.MORIN: La subjectivité du ministre prend le dessus.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Non, non, je tiens à dire, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M.MORIN: ... qu'une condition comme celle-là...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... est par trop subjective.

M. CLOUTIER: Vous voulez tous parler encore pendant quatre ou cinq heures. C'est cela que vous voulez faire?

M. MORIN: Nous voulons défendre nos propositions et je prie le ministre de croire que tant qu'on ne nous aura pas donné raison — et à moins que nous soyons battus par la majorité gouvernementale — nous allons continuer d'argumenter. Est-ce bien clair? Et je ne...

M. CLOUTIER: Et même si je dépose le document, vous argumentez sur vos motions?

M. MORIN: Monsieur...

M. CLOUTIER: Alors qu'il n'y a aucune raison à ce moment-là de discuter.

M. MORIN: M. le Président... M. CLOUTIER: C'est cela.

M. LEGER: C'est une question hypothétique.

M. CLOUTIER: Que je veux une opinion publique...

M. LEGER: ... à une question hypothétique.

M. CLOUTIER: Si je dépose le document, est-ce qu'il y a lieu que vous commenciez à argumenter pour qu'on le dépose?

M. LEGER: Déposez-le, vous verrez par la suite.

M. CLOUTIER: Non, déposez-le et vous verrez.

M. MORIN: Puis-je dire au ministre que, s'il dépose cette étude, nous n'allons certainement pas faire une motion pour qu'il la dépose? S'il ne la dépose pas, il se pourrait bien, en effet, que nous soyons amenés à faire une motion de dépôt.

M. CLOUTIER: Si je la dépose...

M. MORIN: S'il ne veut pas que la commission perde son temps, qu'il la dépose.

M. CLOUTIER: Si je la dépose, personne ne parle sur cette motion.

M. LEGER: II n'y a aucune condition. Depuis quand voulez-vous poser des conditions pour remplir votre rôle?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: Si vous avez un rôle à jouer, jouez-le donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton) A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, le ministre, de bonne foi, j'en suis sûr, nous dit que le dépôt de ce document devrait mettre fin au débat en cours. Or, je lui rappelle que ce dont nous discutons, ce n'est pas du tout la même chose. Il s'agit d'entendre le professeur McWhinney. Quand j'aurai...

M. CLOUTIER: Dans ce cas, il n'y a aucune objection à ce que je le dépose à un autre moment. Argumenter, c'est tout ce que vous voulez faire.

M. MORIN: Mais, M. le ministre, quand j'aurai pris connaissance du document que vous avez devant vous, il se peut que nous changions d'avis. Cela se peut puisque, si cela contient toutes les réponses à nos questions, il n'y a peut-être pas avantage à faire venir le professeur McWhinney.

M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement. Soyons sérieux. Bien que je ne sois pas un juriste... Je m'en félicite tous les jours à entendre certains juristes, j'ai dit à entendre certains juristes et, à ce moment, je n'avais pas à l'esprit le ministre des Affaires culturelles.

Je suis quand même obligé de me rendre compte que l'on multiplie actuellement les motions. Est-ce que je n'ai pas fait une offre qui est aussi claire que précise? Ce n'est pas du tout de l'entendement. Je me demande si nous ne discutons pas à vide. Nous ne pouvons rattacher le dépôt de ce document à aucun article, sauf à l'article 1.

M. MORIN: Sauf que vous l'avez invoqué.

M. CLOUTIER: Je l'ai invoqué, je ne l'ai pas cité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je pense que le débat doit se limiter à la motion du député de Saint-Jean quant aux auditions publiques. La question du dépôt du document n'entre pas en ligne de compte pour le moment.

M. VEILLEUX: Vous avez mentionné le député de Saint-Jean. Je tiens à souligner que c'est le député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, c'est la motion du député de Saint-Jacques.

M. TARDIF: C'est toute la différence du monde.

M. VEILLEUX: Je n'ai pas participé à du "filibustering".

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre avait fini son intervention sur la motion...

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, et je rappelle mon offre. Il n'est pas du tout question de manifester de l'entêtement, mais il est question de travailler dans la légalité et, lorsque nous aurons commencé l'article 1... Et là, je dois quand même m'étonner, est-ce que le Parti québécois cherche à éviter le débat de fond? Est-ce que le Parti québécois cherche tout simplement un prétexte pour se mettre au ban du processus démocratique et quitter la table? Je suis obligé de me poser des questions sérieuses, M. le Président.

Commençons l'article 1, qu'est-ce qui nous en empêche? A ce moment, étant donné qu'il y a des problèmes de constitution qui se posent en ce qui concerne l'article 1, je ferai état de cette consultation et j'en profiterai pour déposer les projets d'amendements que tous attendent, ainsi que les principes directeurs de la réglementation. Je ne vois pas comment je peux faire cela dans le vide, à moins que nous puissions le raccrocher à un article qui constitue le début dans notre discussion.

M. MORIN: M. le Président, sur un point de règlement. Je voudrais que le ministre nous dise clairement si oui ou non il va déposer cette étude. Il prétend que nous faisons de l'obstruction.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le règlement est très clair là-dessus. Le ministre n'a pas à déposer...

M. MORIN: Je soulève un point de privilège, parce que le ministre a insinué que nous tentons de faire perdre le temps de cette commission.

M. TARDIF: C'est vrai.

M. MORIN: On nous prête des intentions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela se fait couramment des deux côtés depuis le début de notre débat.

M. MORIN: M. le Président, cela se fait peut-être couramment, mais il est peut-être temps que cela cesse.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. CLOUTIER: Sur un point de règlement... M. TARDIF: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: M. le Président, je tiens à dire que je regrette, sur mon point de privilège...

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de question de privilège permise en commission, de toute façon.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors si vous avez une question de privilège, vous pouvez la soulever à l'Assemblée nationale.

M. MORIN: Je tiens à dire qu'en ne déposant pas cette étude, le ministre lui-même fait de l'obstruction.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement qui me paraît important, article 177. "Quand un ministre cite, ne serait-ce qu'en partie, un document, il peut être requis sans autre formalité de le déposer immédiatement, à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire". Je n'ai pas cité le document, j'y ai fait allusion. Encore une fois, je me demande... Citer un document —je dis cela pour le député de Lafontaine qui ricane dans son fauteuil — cela signifie reprendre le texte même du document. J'ai parlé de l'existence de ce document et je n'ai qu'un désir, c'est qu'enfin nous passions à la discussion de fond pour que nous puissions répondre à tous les arguments.

M. MORIN: M. le ministre, pour être psychiatre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... et pourtant vous faites des avocasseries de premier ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur la motion du député de...

M. CLOUTIER: J'ai presque envie de vous retourner cela, et à ce moment, cela devient assez inquiétant pour vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Cest contraire au règlement.

M. LEGER: M. le Président, quand je vois le ministre de l'Education faire des pirouettes pour ne pas remplir les promesses qu'il nous a faites...

M. CLOUTIER: Ne parlez pas et vous l'avez immédiatement.

M. LEGER: II l'avait promis avant-hier...

UNE VOIX: Tout de suite.

M. LEGER: ... qu'il déposerait hier.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: Je parle sur la motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion parle des auditions publiques et non pas de faire des dépôts de documents.

M. LEGER: Oui, mais le ministre, tout le long de son intervention, a parlé de dépôt de documents. Je ne vois pas comment le président pourrait m'empêcher de répondre à une argumentation du ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, c'est en réponse à une question soulevée par le chef de l'Opposition officielle...

M. LEGER: Non, M. le Président, je parle...

LE PRESIDENT (M.Gratton): ... que le ministre a parlé de dépôt de documents.

M. LEGER: Je parle de ...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous argumentons, ce matin, sur les auditions publiques.

M. LEGER: M. le Président, le ministre a parlé d'un document que lui a donné M. McWhinney. Alors, nous lui demandons de le déposer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: Je suis certainement dans l'ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela n'a rien à voir avec la motion du député de Saint-Jacques, et le député de Lafontaine le sait sûrement très bien.

M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'invite à revenir à la discussion sur la motion qui a pour but que la commission consente à ce qu'il y ait des auditions publiques durant les travaux. Je pense que c'est clair.

M. LEGER: M. le Président, je suis d'accord de ne peut-être pas parler du dépôt de documents, mais vous allez être d'accord avec moi pour admettre que le ministre a parlé d'un document de M. McWhinney.

M. TARDIF: II a rendu sa décision.

M. LEGER: Je n'ai pas à parler de ce dépôt, c'est ce que vous me dites. Mais j'ai quand même le droit de parler sur la motion du député de Saint-Jacques, sur laquelle le ministre a parlé d'un document de M. McWhinney, de m'en servir pour argumenter sur l'intention que nous avons d'avoir des témoins à être présentés.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous pouvez sûrement faire allusion au document comme tel...

M. LEGER: Bon, voilà!

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... mais vous ne pouvez reprendre l'argumentation, à savoir si le ministre doit le déposer ou non et pourquoi.

M. LEGER: Bon!

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est à cela que j'ai...

M. LEGER: Non, mais écoutez. Je ne parle pas de l'argumentation du député de Sauvé. Je parle de ce document. Je parle, M. le Président, parce que le ministre nous a justement dit, durant son argumentation, qu'il attendait à l'article 1, et non pas à ce moment-ci, pour déposer les principes directeurs de sa réglementation, alors qu'il a promis de les déposer avant-hier, ou de les déposer hier.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: II n'y avait pas de condition...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: Pour quelle raison, ce matin, arrive-t-il avec des conditions?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le ministre des Affaires culturelles, sur un point de règlement.

M. HARDY: M. le Président, je veux bien, et je vous avoue que, ce matin, je suis venu à la commission avec la ferme intention de respecter le règlement, d'être poli, d'être le plus gentil possible, afin que les travaux se déroulent avec le plus d'efficacité possible.

M. CHARRON: Conseil des ministres?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

UNE VOIX: Retourne au CEGEP.

M.HARDY: M. le Président, est-ce que le député de Saint-Jacques pourrait, pour un moment, cesser de faire de la projection et de s'imaginer que tout le monde est traité comme des petits gamins comme lui dans les groupes auxquels il appartient.

M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... est-ce que vous allez rappeler le député de Terrebonne à l'ordre, qui répond à un argument du député de Saint-Jacques...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que je viens de dire, à l'ordre!

M. LEGER: Parfait.

M. HARDY: M. le Président, peut-être pourrions-nous, pour la qualité du parlementarisme que nous pratiquons, et pour l'efficacité...

M. LEGER: Que vous pratiquez...

M. HARDY: Que nous tentons de pratiquer...

M. LEGER: C'est exact.

M. HARDY: ... et pour l'efficacité de l'étude de la loi qui nous a été confiée, peut-être pourrions-nous faire, de part et d'autre, des efforts pour respecter le règlement. Nous avons actuellement, devant la commission, une motion qui a pour but de tenir des auditions publiques. Cela n'a rien à voir avec les amendements. Voulez-vous, M. le Président, demander au député de Lafontaine de s'en tenir à la pertinence du débat, de s'en tenir à la motion qui est actuellement devant nous? Déjà notre règlement permet cela. Je le respecte. J'ai trop de respect pour le parlementarisme pour ne pas le respecter. Le règlement nous permet, permet à l'Opposition entre autres, de faire un très

grand nombre de motions qui ont pour but évident de retarder les travaux. C'est permis et je m'y soumets. Mais encore faut-il au moins respecter ce règlement, tout libéral qu'il soit. Mais il y a quand même des cadres. Entre autres, il y a cette grande règle de la pertinence du débat. Parlez donc du pourquoi de convoquer des auditions publiques.

LE PRESIDENT (M Gratton): Alors, le député...

M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LEGER: Je voulais simplement dire que, contrairement à ce que le député de Terrebonne vient de dire, à l'Assemblée nationale, continuellement, le président de l'Assemblée nationale accepte, quand un député, dans une argumentation, utilise des arguments qu'un député de l'autre parti ne peut accepter, qu'il puisse à l'intérieur de son argumentation réfuter ces arguments. C'est courant, c'est traditionnel, c'est coutumier, c'est usuel, c'est habituel. Je ne vois pas pour quelle raison je ne pourrais pas répondre à une argumentation du ministre de l'Education. Ce que je trouve, et je suis toujours sur la question de règlement, c'est que, depuis le début des travaux de cette commission, le ministre de l'Education nous présente et retire, pousse et tire des propositions avec la possibilité de le déposer, mais sous condition...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, c'est inacceptable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela n'a rien à voir avec la motion.

M. HARDY: Cela n'a rien à voir dans le débat actuel. Vous pourrez peut-être invoquer cela à un autre moment, ce dont vous parlez.

M. LEGER: Quand cela fera votre affaire.

M. HARDY: Cela n'a rien à voir avec la motion présentement à l'étude. Etes-vous capable de vous maîtriser quelque peu?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: C'est très difficile... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: ... parce que le règlement me permet de répondre aux argumentations du ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Vous l'avez fait.

M. LEGER: Je n'ai pas fini.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais que vous reveniez à la motion.

M. MORIN: Je soulève un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur lequel?

M. MORIN: Le ministre refuse de déposer un document dont il a fait état devant cette commission. Cela me rappelle...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... que le ministre, en une autre occasion...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... à l'Assemblée...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... a refusé de déposer un document important, malgré le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'article 177, c'est très clair. Le ministre refuse, et il en a le privilège et le droit selon notre règlement. Je suis ici pour faire respecter ce règlement. Alors, j'invite le député de Lafontaine à continuer son intervention sur la motion.

M. CLOUTIER: M. le Président, je m'excuse...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je m'excuse, mais on n'en finira plus.

M. CLOUTIER: Très bien. Je m'incline.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai décidé que le député de Lafontaine doit intervenir sur la motion.

M. LEGER: Sur le règlement que vous venez de mentionner, l'article 177, il est bien dit que lorsqu'un ministre cite, ne serait-ce qu'en partie, un document...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... il peut être requis...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... sans autre formalité de le déposer immédiatement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public...

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'a pas cité le règlement. C'est simple. C'est clair. N'importe qui comprend cela.

M. LEGER: Citer un document, c'est quoi? Ce n'est pas le lire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: C'est citer que le document existe. Voyons! Si vous ne comprenez pas cela...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. TARDIF: Allez donc chercher le Larousse! On va voir ce que veut dire "citer".

M. LEGER: On a assez du "petit Robert" ici.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Sur la motion.

M. HARDY: Vous auriez besoin de plus que la loi 22 pour parler français.

M. MORIN: M. le Président, je regrette...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de Lafontaine sur la motion du député de Saint-Jacques.

M. MORIN: ... sur un point de règlement. Je regrette...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Il n'y a plus de point de règlement. La décision est rendue en vertu de l'article 43. Vous devez vous y plier, même si vous n'êtes pas d'accord.

M. MORIN: Non. Je pense que nous pouvons argumenter...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... sur le sens d'une décision.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je refuse de continuer le débat là-dessus. Ma décision est rendue. Le député de Lafontaine sur la motion du député de Saint-Jacques.

M. MORIN: Voulez-vous dire qu'il est contraire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... à l'intérêt public de déposer ce document?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je n'ai pas à juger de l'intérêt public dans la question. Je fais appliquer le règlement et vous me rendez la tâche très difficile, je vous l'avoue.

M. MORIN: M. le Président, je regrette, vous ne l'avez pas appliqué.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur la motion.

M. LEGER: Je commence, et il est malheureux que je n'ai que 20 minutes pour expliquer au ministre actuel... Parce que je m'aperçois qu'il a énormément besoin d'arguments pour être capable de donner suite à notre demande.

Tout d'abord, la proposition que nous avions faite initialement était d'inviter une personne en particulier et maintenant la motion a été changée pour une audition publique. Comment voulons-nous être capable de voter d'une façon intelligente sur une motion corrigée, qui était la seule jugée recevable par...

UNE VOIX...

M. LEGER: Non, vous, vous êtes un réceptacle.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. TARDIF: Non, mais toi, tu es un gars qui ne sait pas parler le français, Marcel.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La collaboration des ministériels m'est aussi nécessaire que celle des députés de l'Opposition. A l'ordre!

Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Comment voulez-vous, M. le Président, que nous puissions juger de la possibilité de voter pour une motion de cette ouverture, celle de l'audition des personnes, d'ailleurs, à laquelle le ministre a dit qu'il était pour s'opposer? Il se pourrait, contrairement à ce que le ministre vient de dire, que les députés ministériels votent en faveur. Nous pourrions par la suite inviter les personnes que nous avions dans l'esprit, en proposant de limiter cette audition à des personnes en particulier. Notre motion visait spécialement une personne spécialisée dans le domaine constitutionnel et on a ouvert cela à une audition publique où on pourrait inviter n'importe qui. Le ministre nous disait tantôt qu'il ne s'oppose pas à inviter certains spécialistes, mais pas n'importe qui. Autrement dit, l'essence même de la proposition originale est diluée en ouvrant cela d'une façon tellement grande qu'on pourrait voter en faveur à ce stade-ci et, par la suite, ayant fait perdre le temps de la Chambre sur cette grande ouverture de notre motion, alors que nous voulions exactement avoir un spécialiste, on nous refusera cela par la suite.

M. le Président, actuellement, comme vous le savez, la loi 22 est mise en doute concernant sa constitutionnalité. Le ministre nous parle, par une affirmation où il ne cite pas, mais fait allusion, selon sa subtilité habituelle pour s'esquiver, d'un document qui représente l'opinion d'un spécialiste, où il dit qu'il est en terrain solide. M. le Président, l'affirmer ce n'est pas l'adopter. Nous ne sommes pas dans une formule commerciale où, simplement, par le fait que le ministre affirme quelque chose, on doit adopter son opinion. L'affirmer, ce n'est pas l'adopter. C'est la raison pour laquelle nous sommes des plus surpris de voir l'attitude cavalière de celui que plusieurs de ses députés ont appelé François 1er, mais moi, M. le Président, je ne l'appellerais pas François 1er, je dirais François II...

M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que je peux poser une question?

M. LEGER: ... parce que s'il veut jouer le rôle de François 1er, il est en deuxième, parce que le premier qui l'a joué était un réel comédien, c'est Fernandel et lui au moins faisait rire la population, tandis que François II est en train d'attrister les citoyens par la façon cavalière avec laquelle il veut imposer ce projet de loi, avec la façon cavalière avec laquelle il nous donne les outils pour travailler. A deux occasions il a donné...

M. CLOUTIER: Je renonce à ma question, M. le Président.

M. LEGER: J'en suis bien heureux. Pour donner les outils essentiels qu'il avait mentionnés, il met des conditions au préalable. M. le Président, quand on a des documents, on n'attend pas que l'Opposition se mette à genoux pour dire: C'est très bien, on ne fera pas cela, on va faire tout ce que vous vouliez. Non, M. le Président. Si un document est d'intérêt public, il doit être déposé et à aucune autre condition de la part de ceux qui ont à le lire. Or, nous sommes devant une situation très difficile.

Le premier ministre Trudeau, qui maintenant a mis dans sa poche le gouvernement de la province de Québec peut permettre maintenant, pour essayer de gagner à sa cause l'élément anglophone duCanada, de provoquer les Québécois en disant que leur gouvernement — parce que tout le monde sait bien que le gouvernement Trudeau, c'est le gouvernement des autres — le gouvernement des Québécois que nous avons ici et que nous tentons d'aider le mieux possible, que nous tentons d'éclairer, se voit tout à coup devant une possibilité de voir une de ses lois, dans son Parlement, dans ce Parlement où les citoyens se sentent ou voudraient être représentés, dans ce Parlement où les citoyens désirent venir assister à ses travaux, à deux occasions, on les a empêchés d'entrer... Je ne sais pas si on a réglé le problème ce matin. Il y en a qui sont entrés, mais il y en a d'autres qui ont été empêchés d'entrer.

M. le Président, devant ce Parlement, on va discuter d'une loi qui pourrait être retranchée, être abolie, être refusée par le gouvernement du grand frère libéral, le gouvernement de M. Trudeau. Et M. Trudeau a dit qu'il y aurait trois possibilités. Il est en train d'étudier ça, M. le Président. Il en a parlé dans son comté à majorité anglophone de Mont-Royal et, par la suite, il en a parlé après que l'élection eut été gagnée. Il a dit qu'il préférait la persuasion, mais qu'il y avait aussi d'autres moyens. Je me demande si la persuasion veut dire avec le gouvernement de son petit frère pour le persuader de ne pas présenter ce bill 22 ou le corriger d'une façon telle qu'il soit dilué et qu'il ne fasse pas de changement avec le statu quo actuel. Est-ce que M. Trudeau, jusqu'à maintenant, a déjà commencé à persuader le premier ministre et le ministre de l'Education? On le saura peut-être si le ministre intervient tantôt, mais c'était la première hypothèse de travail de M. Trudeau, la persuasion.

La deuxième possibilité était le désaveu. Il regrettait de s'en servir, et, selon leur couleur, certains journaux disaient que c'était le désaveu possible, le désaveu probable et d'autres qu'on ne recourrait pas au désaveu. C'était drôle de voir ce qui était dans la Presse canadienne et ce que les journaux en ont fait par la suite, selon leurs options. Mais il est quand même dans le domaine des possibilités qu'il y ait désaveu. Le désaveu est grave, M. le Président, ça voudrait dire que nous travaillons pour rien, que nous n'avons pas jugé, avant de présenter cette loi, si réellement c'était plausible, si c'était constitutionnel. C'est donc dire que le gouverneur général du Canada pourrait dire à son état-major, les "lieutenants-gouvernaux"...

M. HARDY: Les "lieutenants-gouvernaux"!

M. LEGER: ... les lieutenants-gouverneurs des différents gouvernements provinciaux... D'ailleurs, c'est son état-major, c'est une drôle de constitution que nous avons.

M. TARDIF: Exprime-toi comme du monde. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: II pourrait dire: Ecoutez, le Parlement provincial a outrepassé ses droits, il a essayé de changer des choses dans la constitution canadienne et il est impossible d'accepter cette loi. Quelle humiliation aurions-nous, les Québécois, et nous qui sommes quasi le paratonnerre au Québec, qui sommes la caution temporaire d'un gouvernement québécois que tous les Québécois voudraient bien respecter parce que c'est leur gouvernement! C'est leur gouvernement à eux, c'est celui qu'ils élisent directement, c'est celui dans lequel ils peuvent

se donner une majorité tandis que, dans le gouvernement des autres, ils ne peuvent être que continuellement minoritaires. Et ce gouvernement pourrait établir des lois, présenter des lois qui pourraient être désavouées à un échelon fédéral. M. le Président, est-ce que ce n'est pas logique de dire qu'actuellement...

M. HARDY: On est en 1974.

M. LEGER: ... on doit savoir, avant de...

M. HARDY: Cela fait 40 ans qu'il n'y a pas eu de désaveu.

M. LEGER: C'est à peu près l'âge du député actuel, il a dû commencer pendant qu'il avait la suce. M. le Président, avant même d'arriver à l'article 1, on doit savoir si tout ce que nous allons discuter est dans la légalité constitutionnelle, ou s'il ne faudrait pas, et même à l'article 1, qu'il y ait des changements constitutionnels. C'est illogique de la part de François II de ne pas nous permettre justement de connaf-tre la constitutionnalité avant d'arriver à l'article 1, et non pas arriver à l'article 1 soit avec des amendements, soit des dépôts de documents, où nous serions obligés de dire: Maintenant, M. le Président, on va ajourner pour étudier les documents qu'on a déposés, pour voir leur pertinence, pour voir la répercussion à l'intérieur de ce projet de loi. C'est ce que le ministre veut, mais nous, nous voulons décider avant de commencer à discuter l'article 1.

Nous voulons savoir si tout cet emballage aura réellement la possibilité de voir le jour ou si nous perdons notre temps ici, alors que la majorité des Québécois est dans une apathie estivale que le premier ministre a très bien calculée, que le ministre de l'Education a très bien vérifiée.

M. HARDY: On a vu cela hier. On a vu...

M. LEGER: Que la majorité des groupes de citoyens sont dans un ralentissement de fonctionnement, alors que, normalement...

M. DEOM: Ce n'est pas gentil de...

M. LEGER: ... devant un projet de loi aussi explosif, ils seraient présents, comme ils l'ont été au bill 63.

M. DEOM: ... parler des québécois comme cela.

M. LEGER: ... en une qualité innombrable devant le parlement pour dire à François II: "François II, faites grâce au peuple, pensez à ce pauvre peuple que vous voulez amener dans une soumission sans borne," alors que nous pourrions faire le contraire et attendre que ces gens soient ici.

Revenant à la constitutionnalité, M. le Prési- dent, il restait quand même une troisième solution, une troisième hypothèse de travail, et c'est le premier ministre Trudeau qui l'a prononcée. Ce qui amène encore des doutes concernant la constitutionnalité du projet de loi, c'est qu'un simple citoyen pourrait réclamer de passer à la cour Suprême afin d'obtenir un jugement contre un projet de loi.

M. le Président, c'est le premier ministre du Canada qui a parlé. Un simple citoyen pourrait le faire. Je me rappelle, M. le Président, au cours des quatre années où j'ai siégé à l'Assemblée nationale, que le président de l'Assemblée nationale a même dit un jour que s'il fallait que la Chambre se voie devant une motion ou une question soulevée par un député de l'Assemblée nationale, je ne parle même pas d'un citoyen, qui soulèverait la constitutionnalité d'une loi, il faudrait que la Chambre soit amenée à se prononcer sur l'aspect constitutionnel et à ce moment-là, nous aurions l'air fin.

Vous avez deux députés qui s'opposent à ce projet de loi actuellement. Il se pourrait que le député de Mont-Royal et le député de Sainte-Anne nous arrivent avec l'objection constitutionnelle à un projet de loi contre lequel ils ont voté. A ce moment-là, nous serions bien pris à l'Assemblée nationale, de dire: Nous avons voté un projet de loi et maintenant, il y a des députés qui veulent soulever la question constitutionnelle. Le président de l'Assemblée nationale a trouvé que nous serions dans une drôle de situation.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEGER: A quel sujet, M. le Président?

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires culturelles sur une question de règlement.

M. HARDY: Ce que dit le député de Lafontaine est tout à fait inexact. D'aucune façon, jamais, le président de la Chambre ne peut soulever la constitutionnalité d'une loi. Le président de la Chambre ne peut qu'appliquer le règlement et le règlement n'a rien à voir avec la constitutionnalité d'une loi.

M. LEGER: M. le Président, je vois que le député de Terrebonne, comme toujours, était parti, n'a rien compris de ce que je voulais dire. Son esprit divaguait. Je n'ai pas dit que c'était le président qui soulèverait la question. J'ai dit que le président avait affirmé que, si un député de l'Assemblée nationale soulevait la constitutionnalité, la Chambre devrait se prononcer à nouveau sur la constitutionnalité. C'est ce qu'il a dit, M. le Président. Si le député l'exige, je lui apporterai les documents le prouvant.

De toute façon, M. le Président, ce n'est pas au président de l'Assemblée nationale de soulever la constitutionnalité. Ce n'est pas ce que j'ai dit et c'est ce que le député de Terrebonne a essayé de me prêter comme argumentation.

M. le Président, je pense qu'il serait ridicule de parler, à ce stade-ci, et de voter sur le projet de loi, article par article, tant que nous n'aurons pas entendu, en auditions publiques, certains experts.

On parlait de M. McWhinney, dans notre première proposition, et je pense qu'il y en a d'autres qui pourraient être des experts aussi. Si je me réfère à l'article de M. Ryan, de ce matin, d'ailleurs, avant de conclure, à un moment donné, il présente que l'objection du professeur Scott disait que, sous prétexte que l'article 133 de l'AANB oblige le gouvernement du Québec à reconnaître le français, l'anglais dans sa Législature et dans les procédures judiciaires... Tout le monde savait cela.

M. Scott doute que l'Assemblée nationale puisse déclarer le français, langue officielle du Québec. C'est l'opinion de M. Scott. M. le Président, c'est sûr que, tant que l'article 1 dit que le français est la langue officielle, cela ne veut pas dire que l'anglais n'est plus officiel. C'est sûr que l'article 133 n'a peut-être pas, nécessairement, à être abrogé. C'est ce que les experts pourraient nous dire, mais si, comme le dit le premier ministre en essayant de tromper la population, l'article 1 veut dire la seule langue officielle, à ce moment, ce qui va sans dire va mieux en le disant. Il faudrait peut-être le dire à cet article. S'il le dit réellement, dans le texte de loi, peut-être qu'il va falloir abroger l'article 133, parce que, à ce moment, on ne donne qu'au français le statut de langue officielle. C'est là tout le problème et toute l'angoisse des constitutionnalistes, entre autres, M. Scott et M. McWhinney et tous les autres qu'on connaît, devant la constitutionnalité de cette loi.

Ou bien, il faut que le français soit la seule langue officielle et abroger l'article 133 ou bien, se servir de l'artifice du premier ministre qui trompe la population en disant: A l'article 1, on dit que le français est la langue officielle, mais cela veut aussi dire la seule langue. Cela ne veut pas dire cela, M. le Président, parce que le français est déjà la langue officielle. Le répéter à l'article 1, en faisant sous-entendre politiquement que c'est la seule langue officielle, c'est une fausseté. Il trompe la population.

M. BOURASSA: Cela fait mal.

M. LEGER: S'il veut le dire qu'il mette dans l'article 1 que c'est la seule langue officielle et, par la suite, il devra abroger 133, ce qu'il n'ose pas parce qu'il a peur de perdre les 20 p.c. d'anglophones qui ont voté pour lui et qui, de plus en plus, se demandent s'ils ont fait un beau jeu.

M. BOURASSA: Pourquoi? Parce qu'on est des francophones?

M. LEGER: M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous craignons que tout ce projet de loi...

M. BOURASSA: Parce qu'on est des francophones?

M. LEGER: ... ne soit pas constitutionnel et que nous devons avoir les auditions publiques. M. Ryan concluait, justement: La prudence étant de mise dans cette... M. Ryan est celui qui a proposé un gouvernement libéral...

M. HARDY: Malgré la recommandation du jury, votre succursale a refusé de donner le prix.

M. LEGER: ... à la dernière élection provinciale.

M. le Président, vous devez quand même tenir compte des arguments de cet éminent éditorialiste pour qui j'ai beaucoup d'admiration quand même.

M. HARDY: François-Albert Angers.

M. LEGER: II a droit à ses opinions que je ne partage pas, mais j'ai beaucoup d'admiration, parce qu'il a...

M. HARDY: Seriez-vous d'accord pour enlever le prix?

M. LEGER: ... habituellement, une certaine objectivité si c'est possible, mais...

M. HARDY: Etiez-vous d'accord pour enlever le prix?

M. LEGER: Pardon?

M. HARDY: Etiez-vous d'accord pour enlever le prix?

M. LEGER: Pour enlever le prix?

M. HARDY: Oui, votre succursale qui a refusé de donner un prix, malgré la recommandation du jury.

M. MORIN: De quoi parlez-vous?

M. LEGER: De quoi parlez-vous? M. le Président, est-ce qu'il y a pertinence du débat ou si c'est l'impertinence du député de Terrebonne?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, monsieur! A l'ordre!

M. HARDY: ... vous invoquez la qualité de M. Ryan. Je vous demande si vous étiez d'accord pour lui refuser le prix?

M. LEGER: Je parle de la qualité de M. Ryan qui a justement dit qu'à son opinion le gouvernement libéral actuel devrait être élu à l'élection provinciale.

M. HARDY: Quand il est d'accord avec vous, il est bon, quand il ne l'est pas, il n'est pas bon.

M. LEGER: Ce qu'il a dit. Pour vous faire élire, vous l'avez accepté. Ecoutez ce que dit M. Ryan: La prudence étant de mise dans ces matières, les députés devront exiger du gouvernement qu'il étale, à l'encontre de chaque objection, des arguments juridiques solides, non pas des affirmations solides à coups de poing comme François II le fait, M. le Président. Qu'il les dépose.

M. CLOUTIER: Voulez-vous relire la phrase?

M. LEGER: Vous voulez que je la relise? M. CLOUTIER: Oui, s'il vous plaît.

M. LEGER: Je n'ai pas cité le texte, M. le Président.

M. CLOUTIER: Je ne vous demanderai pas de le déposer, j'ai lu le journal, moi aussi. Allez-y.

M. LEGER: Ici, on dit: La prudence étant de mise dans ces matières, les députés devront exiger du gouvernement qu'il étale, à l'encontre de chaque objection, des arguments juridiques solides.

M. CLOUTIER: Exactement. Nous attendons.,.

M. LEGER: Etalez-les, M. le Président.

M. CLOUTIER: Aussitôt que nous aurons commencé...

M. LEGER: Et non pas vous étaler dans votre fauteuil à nous regarder.

M. CLOUTIER: ... à chaque article nous répondrons à toutes les objections.

M. LEGER: Ce n'est pas à chaque article.

M. CLOUTIER: Mais comment voulez-vous qu'on réponde aux objections si on ne discute pas les faits, si on ne discute pas les articles?

M. BOURASSA: Vous avez peur de discuter des articles.

M. LEGER: M. le Président, M. Ryan continue: On ne pardonnera pas au législateur d'encourir, dans un an ou deux, le désaveu de la cour Suprême pour avoir mal fait son travail —je vois que le ministre est étalé dans son fauteuil — sous l'empire d'une précipitation que rien ne justifie.

M. le Président, votre conseiller numéro 1 vient de dire que dans votre précipitation, rien ne vous justifie. Pourquoi adopter aujourd'hui —vous commencez à discuter aujourd'hui — un projet de loi qui pourrait devenir caduc pour différentes raisons? C'est la raison pour laquelle...

M. HARDY: Vous êtes bien caduc et on vous endure.

M. LEGER: ... nous voulons... On ne parle pas du caporal. Je sais qu'il y a, actuellement, pour le petit caporal, une possibilité de travail.

J'ai vu cela à l'Assemblée nationale du Québec, qui annonce un concours interne pour un caporal suppléant, concours no 30337, service de protection. Alors, comme il l'a joué pendant trois années, il pourrait peut-être poser sa candidature et continuer à montrer comment il juge ces situations difficiles. Pardon?

M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?

M. LEGER: Oui, certainement.

M. HARDY: Vous me conseillez de poser ma candidature à ce poste afin de maintenir l'ordre quand vos adeptes viendront troubler l'ordre dans nos séances?

M. LEGER: Quand le peuple québécois se prononce, vous seriez peut-être capable de lui expliquer cela, parce que vous avez un langage tellement au-dessus de lui qu'il ne pourrait pas vous atteindre.

M. HARDY: Cela n'a ni queue ni tête. UNE VOIX: C'est un bon remplaçant.

M. LEGER: Alors, M. le Président, il y a danger qu'ici à l'Assemblée nationale, soit par un député... Pardon? Deux minutes, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes de trop.

M. LEGER: C'est plus qu'il m'en faut pour convaincre la députation, du moins de mon côté, du peu de sérieux des arguments du ministre de l'Education. Cela m'en prendrait davantage pour le convaincre puisque, comme psychiatre, il a de la difficulté à se contenir, parce qu'il voudrait qu'on commence...

M. CLOUTIER: Je suggère que l'Opposition ne fasse pas trop allusion à mon ancien métier, parce qu'à ce moment je risquerais de poser des

diagnostics, ce que je souhaiterais éviter dans le cas de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: A l'ordre, le "filibuster"!

M. LEGER: M. le Président, je termine en disant qu'il faut nécessairement, avant d'étudier le projet de loi et l'article 1 en particulier, qui est le plus contreversé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que nous entendions des experts. L'un pourrait être M. McWhinney. S'il n'est pas disponible, on pourrait au moins lire ce rapport, et le ministre est bien mal venu, nous ayant annoncé que M. McWhinney est actuellement en Angleterre ou en Australie, je ne sais pas, un des deux endroits. Je pense qu'il vient d'Australie, mais il est en Angleterre, c'est cela, il serait bien mal venu de ne pas nous déposer ce document, puisque cela nous épargnera le soin de le demander.

M. CLOUTIER: Le député vient de le rattacher à l'article 1?

M. LEGER: Pardon?

M. CLOUTIER: Vous venez de le rattacher à l'article 1.

M. LEGER: Non, mais avant, pas pendant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le temps est...

M. CLOUTIER: Commençons l'article 1 et je le dépose.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez, il reste 30 secondes. Alors le député de Lafontaine va conclure.

M. LEGER: M. le Président, je pense qu'il est important que nous ayons la possibilité pour enlever tout doute concernant la constitution-nalité de ce projet de loi que nous entendions des experts. La motion dit: Une audition ouverte. Nous aurions préféré des experts précis. Maintenant, le ministre a dit lui-même qu'il n'a pas d'objection à entendre des spécialistes, il ne veut pas entendre n'importe qui. Comme l'esprit de notre motion que vous avez corrigée, M. le Président, était d'entendre un spécialiste en particulier, et peut-être d'autres par la suite, mais des spécialistes sur l'aspect constitutionnel remarquez bien, il n'y en a pas tellement. Je pense que le ministre...

M. TARDIF: C'est terminé.

M. LEGER: ... devrait réviser son jugement et nous accorder cette possibilité pour enlever tout doute sur le projet de loi que nous avons à discuter. Nous serons heureux par la suite d'embarquer dans l'article 1, pieds joints, parce que nous aurons avec nous tous les arguments qu'il nous faut pour réaliser que nous ne faisons pas un travail inutile, qui sera déclaré caduc et que les Québécois seront humiliés de voir que leurs lois sont refusées par d'autres gouvernements.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le premier ministre sur la motion du député de Saint-Jacques.

M. BOURASSA: Juste une phrase, M. le Président, c'est qu'on voit depuis trois jours que l'Opposition prend tous les moyens pour refuser de discuter sérieusement.

M. LEGER: J'invoque le règlement.

M.. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer ma phrase?

M. LEGER: Est-ce que le premier ministre veut parler sur la motion? Depuis tantôt, j'ai essayé moi-même de répondre à des argumentations du ministre et à d'autres. On m'a refusé la parole, on m'a dit qu'il fallait que je me retienne à l'intérieur du corridor de la motion. Est-ce que le premier ministre peut rester dans le corridor de la motion? Sinon, je demanderai au président de nous permettre de répondre aux argumentations continuelles du député de Terrebonne, du premier ministre et du ministre de l'Education.

M. BOURASSA: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de doute que les mêmes règlements s'appliquent au premier ministre.

M. BOURASSA: M. le Président, il y a quelques minutes, le ministre de l'Education a parlé d'un document qu'il était prêt à déposer aussitôt que l'article 1 serait appelé. Or, on voit que l'Opposition, par tous les moyens, hier le leader parlementaire...

M. LEGER: J'invoque le règlement. Exactement tantôt, je vous ai demandé de discuter du dépôt de document et vous m'avez enlevé la parole.

Même si c'est le premier ministre, M. le Président, il n'a pas plus le droit que moi d'embarquer sur un sujet sur lequel vous m'avez défendu de disserter.

M. BOURASSA: M. le Président, tantôt le député a parlé des films de Fernandel, de toutes sortes de choses, et il prétend que je ne peux même pas dire que le ministre de l'Education...

M. LEGER: C'était une illustration de l'attitude du ministre.

M. BOURASSA: Je ne peux même pas parler du fait que le ministre de l'Education a offert de déposer les documents en question.

M. LEGER: Pour votre information, tantôt, M. le premier ministre, on m'a défendu...

M. BOURASSA: Est-ce que je peux parler?

M. LEGER: ... de le faire. Pourquoi auriez-vous le droit de le faire?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs ! A l'ordre!

M. MORIN: C'est un fait que le document n'a pas été déposé...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, je dis qu'à la suite de ces motions qui se suivent les unes les autres, à la suite du fait que le leader parlementaire hier a refusé de changer de salle, pour retarder la discussion...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Le premier ministre ne peut pas affirmer cela, puisque cela n'a jamais été débattu en commission parlementaire, ce que le premier ministre déclare.

M. BOURASSA: Je l'affirme.

M. LEGER: En commission parlementaire je vais vous sortir le journal des Débats, le député de Maisonneuve...

M. BOURASSA: Je l'affirme.

M. LEGER: ... n'a jamais dit, en commission parlementaire, qu'il refusait de changer de salle.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: II a attendu une motion venant du président...

M. HARDY: II n'a pas eu le courage de le dire.

M. LEGER: ... et le président n'a pas apporté de motion en ce sens.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Le président a simplement ajourné les travaux à huit heures...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... et à huit heures, il a ajourné les travaux sine die.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, jamais le député de Maisonneuve, et, en son absence, je voudrais prendre sa place...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: C'est un point de règlement, M. le Président.

M. TARDIF: Vous avez rétabli les faits.

M. BOURASSA: Vous allez vous fatiguer avec tout cela.

M. LEGER: J'ai autant d'énergie que vous avez peu...

M. BOURASSA: Je l'affirme, M. le Président. Cela me permet de démasquer l'attitude du Parti québécois vis-à-vis de ce débat. On veut discuter sérieusement. On est prêt à soumettre les amendements, les principes directeurs, les études...

M. LEGER : Immédiatement?

M. BOURASSA: ... et l'Opposition refuse...

M. LEGER: Immédiatement, sans condition?

M. BOURASSA: ... d'aborder l'article 1... M. LEGER: Sans condition?

M. BOURASSA: ... qui nous permettrait de déposer ces documents. C'est la preuve...

M. LEGER: Sans condition?

M. BOURASSA: ... que vous ne voulez pas discuter sérieusement.

M. LEGER: Répondez, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: Le gouvernement... M. LEGER: Sans condition?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce qu'on pourrait laisser le premier ministre terminer?

M. LEGER: Je lui demande une question. Sans condition?

M. TARDIF: II veut se faire sortir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il ne vous répond pas, c'est son droit.

M. BOURASSA: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

UNE VOIX: Vous n'avez même pas la permission.

M. LEGER: Quand est-ce que le premier ministre demande la permission?

M. BOURASSA: Nous avons la preuve depuis trois jours, par toutes sortes de tactiques, que l'Opposition ne veut pas discuter sérieusement. Le gouvernement va en tirer les conclusions.

M. VEILLEUX: M. le Président... M. LEGER: La population jugera.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean, sur la motion.

M. VEILLEUX: M. le Président, sur la motion qu'on a présentement devant nous. Je pense que j'ai été patient, depuis un certain temps, M. le Président, je n'ai pas dit un mot. Permettez-moi de dire quelques mots sur l'intervention que vient de faire le député de Lafontaine, que je pourrais peut-être qualifier de Darry Cowl de la politique.

Lorsque le député de Lafontaine reproche au gouvernement de ne pas suivre les suggestions que peut faire M. Claude Ryan du Devoir, parce que, dit-il, il a appuyé aux dernières élections le Parti libéral du Québec, parce que M. Ryan s'interroge sur la constitutionnalité du projet de loi 22, on pourrait retourner exactement le même compliment au député de Lafontaine. Que je sache, François-Albert Angers a appuyé, à la dernière élection, le Parti québécois, et M. Angers est venu ici en commission parlementaire et il a exigé l'unilinguisme français au Québec, ce que le projet du Parti québécois ne fait pas. Alors, on pourrait retourner exactement...

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

M. VEILLEUX: ... le même compliment au député de Lafontaine.

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président. Le député de Saint-Jean dit que le Parti québécois n'a pas, dans son programme, l'unilinguisme québécois.

M. TARDIF: Ce n'est pas une question de règlement.

M. LEGER: Oui, M. le Président. C'est une affirmation fausse.

M. TARDIF: Bon, alors prends l'article 96. M. LEGER: Nous parlons d'un Etat français avec la possibilité que les citoyens soient bilingues. Il y a toute la nuance qui dépasse les possibilités d'entendement du député de Saint-Jean. Je le comprends.

M. TARDIF: C'est l'article 96.

M. VEILLEUX: M. le Président, je dis tout simplement au député de Lafontaine de relire son projet de loi du Parti québécois, parce qu'il ne l'a pas compris.

Je suis surpris, M. le Président, de voir le Parti québécois s'interroger sur la légalité — pour reprendre l'expression du député de Lafontaine — la légalité constitutionnelle du projet de loi. Il dit: Pour moi, M. le Président, on doit me prouver, hors de tout doute, la légalité constitutionnelle du projet de loi. Le même député de Lafontaine, il y a un an et demi ou deux ans, lorsque le gouvernement Bourassa, par la voix du ministre des Communications, a déposé des projets de loi à l'Assemblée nationale sur les communications au Québec, à ce moment, le Parti québécois a soulevé la possibilité que ces projets de loi ne soient pas constitutionnels. A ce moment, le Parti québécois n'a jamais exigé du gouvernement de faire venir, en commission parlementaire, des spécialistes en constitution pour nous prouver, hors de tout doute, la légalité constitutionnelle de ces projets de loi.

Au contraire, le Parti québécois, à ce moment, se réjouissait de voir que le gouvernement du Québec posait un geste vers la souveraineté culturelle des Québécois, dans le domaine des communications.

Aujourd'hui, le gouvernement du Québec, avec le projet de loi 22, veut prendre ses responsabilités dans la politique linguistique. Lorsque nous avions discuté de ces projets de loi sur les communications, il y a des gens qui s'interrogeaient sur quelques articles du projet de loi et, aujourd'hui, ce même Parti québécois, avec pratiquement les mêmes représentants, à tout le moins le député de Lafontaine, exige du gouvernement qu'on prouve hors de tout doute la légalité constitutionnelle du projet de loi.

Je dis que cette motion du Parti québécois est une motion strictement dilatoire. Et hier, le député de Chicoutimi, qui était assis où est assis présentement le député de Dorion, m'a avoué, carrément, que le Parti québécois faisait du "filibustering" sur le projet de loi 22.

M. MORIN: J'aimerais bien que le député de Chicoutimi soit là...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... pendant que vous faites de telles affirmations.

M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde.

M. VEILLEUX: II me l'a avoué...

M. MORIN: Le premier ministre a choisi un député absent; c'est plus facile à attaquer.

M. VEILLEUX: ... et je le répète...

M. LEGER: Cest de la lâcheté de parler de mon...

M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde. Voyons! Ce n'est pas un aveu.

M. VEILLEUX: Le député de Lafontaine vient de dire au député de Saint-Jean que c'est de la lâcheté. Je retourne le compliment et je dis que c'est de la lâcheté du Parti québécois de ne pas l'avouer carrément à la face du grand public.

M. LEGER: Cela dépend ce que vous entendez par "filibustering".

M. VEILLEUX: Je lui retourne exactement le même compliment.

M. LEGER: Jusqu'à maintenant, nos questions sont sérieuses.

M. MORIN: Si nous avions voulu faire de l'obstruction, le rapporteur ne serait pas encore nommé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Cela aurait été trop manifeste, vous faites de l'obstruction simulée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Lors de l'étude de ces projets de loi sur les communications, on félicitait le gouvernement Bourassa de prendre ses responsabilités et de faire de l'action en discutant de ces projets de loi, à l'époque, malgré les difficultés constitutionnelles qui pouvaient en surgir.

Aujourd'hui, le gouvernement Bourassa, le gouvernement libéral prend exactement la même responsabilité en politique linguistique. Je dois dire que j'appuie, sans conteste, cette décision prise par le gouvernement et en autant que je suis concerné, comme député de Saint-Jean, j'avertis le Parti québécois, quelles que soient les propositions qu'il fera avant qu'on attaque de front l'article 1 du projet de loi, pour moi, ce seront des propositions dilatoires et je dis à l'avance au Parti québécois que je voterai contre, sur chacune de leurs propositions, qu'elles soient en amendement, en sous-amendement ou n'importe quoi.

M. MORIN: Quel que soit le contenu...

M. VEILLEUX: Je demande au député de Sauvé de se taire une fois pour toutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: A part ça, il veut me réduire au silence une fois pour toutes.

M. VEILLEUX: Cela fait cinq jours que le député de Saint-Jean l'entend.

M. LEGER: C'est ainsi que vous aimeriez gouverner. Le bâillon, une fois pour toutes.

M. VEILLEUX: Que le député de Sauvé ait au moins la politesse, comme disait le ministre des Affaires culturelles, d'écouter le député de Saint-Jean. Moi, je l'aie eue.

M. MORIN: Vous vous comportez comme un mauvais maître d'école.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. VEILLEUX: Je dis...

M. HARDY: Le grand...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. VEILLEUX: ... que le député de Saint-Jean se comportait comme un véritable martre d'école, surtout maître d'école de la maternelle, cela ferait longtemps que le député de Sauvé aurait eu des petites tapes quelque part.

M. HARVEY (Jonquière): Lui, comme un savant polisson.

M. VEILLEUX: En ce qui me concerne et en ce qui concerne mes collègues, si je regarde les figures de mes collègues du Parti libéral, il est temps d'attaquer, une fois pour toutes, l'article 1, mais je sais que le Parti québécois refuse d'attaquer l'article 1 parce qu'à la minute où la commission parlementaire se sera prononcée en faveur de l'article 1, il en est fait de leur politique linguistique. Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Merci, M. le Président. La question de la constitutionnalité du bill 22 est maintenant évoquée dans presque tous les journaux; ce qui reste, l'opinion publique à cette époque-ci de l'année en est saisie. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille point, cette question va devoir être vidée parce qu'autrement on s'exposerait, comme on l'a fait remarquer dans un certain éditorial de ce matin, à aboutir devant la cour Suprême du Canada et à voir cette loi, dans l'année ou dans les deux ans qui suivront son adoption, être déclarée inconstitutionnelle, quant à certaines de ses dispositions fondamentales. Or, le premier ministre n'ignore certainement pas, comme juriste, que

cela met en danger l'ensemble du texte de loi, étant donné la doctrine appliquée très fréquemment par les tribunaux canadiens et britanniques selon laquelle...

M. BOURASSA: On va vous rassurer.

M. MORIN: ... on ne peut diviser les diverses parties d'une loi. Je suis d'autant plus inquiet que si cette loi devait aboutir devant la cour Suprême, le Québec aurait probablement très peu de chances de s'en tirer.

M. CLOUTIER: Est-ce que je pourrais poser une question au chef de l'Opposition? Sans insister, bien sûr, et pas sur son temps.

M. MORIN: M. le Président, pourvu que cela ne compte pas sur le temps qui m'est alloué. Bien.

M. CLOUTIER: Au cours de...

M. BOURASSA: Cela n'entrera pas dans votre "filibustering".

M. CLOUTIER: ... l'audition après la première lecture, j'ai eu l'impression que le chef de l'Opposition, lorsqu'il posait des questions à certains groupes, en paticulier à des groupes anglophones qui mettaient en doute la constitu-tionnalité, passait son temps à dire que le projet était constitutionnel.

M. VEILLEUX: C'est cela, c'est vrai.

M. CLOUTIER: Alors, je me demande s'il n'y a pas là une certaine contradiction. Je vais faire ressortir le journal des Débats à tout hasard.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire là-dessus, pour que ce soit bien clair...

M. VEILLEUX: C'est vrai.

M. MORIN: ... qu'à mon sens, si le Québec abroge l'article 133 et s'il peut l'abroger, alors il est possible, constitutionnellement, de faire du français "la seule", je dis bien "la seule", langue officielle au Québec. Si le Québec, d'autre part, si le gouvernement québécois estime qu'il est lié par l'article 133, qu'il ne peut le modifier, alors se pose la question de la constitutionnalité. Or, pour bien clarifier toute cette situation, je dirai au ministre de l'Education que je suis d'avis que le Québec peut modifier l'article 133; il faut donc proclamer le français comme "seule" langue officielle du Québec. Cependant, le gouvernement lui-même estime qu'il ne peut pas abroger cet article, malgré l'avis du professeur McWhinney, malgré l'avis d'un certain nombre d'autres experts dans le domaine constitutionnel. C'est alors que surgit la question de la constitutionnalité qui se trouve maintenant devant l'opinion publique.

Si cela peut rassurer le premier ministre, je ne craindrais pas personnellement l'utilisation par le gouvernement fédéral de son pouvoir de désaveu.

J'entends le ministre qui dit que c'est évident, je n'ai...

M. CLOUTIER: Cela n'a pas été utilisé depuis 1930. Il est bien évident que le pouvoir de désaveu ne sera pas utilisé.

M. MORIN: Oui. Et c'est un fait notoire...

M. CLOUTIER: Le premier ministre Trudeau n'a jamais parlé de cela d'ailleurs.

M. HARDY: Le député de Sauvé est encore à l'époque de Bennett.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. MORIN: Bien. Je vous remercie. C'est un fait, comme j'allais le dire, que le droit de désaveu est tombé en désuétude depuis plusieurs années déjà et qu'il n'a pas été utilisé depuis les années trente. D'ailleurs, il y a là-dessus, je le signale au premier ministre, une excellente étude, certainement la plus importante, celle du professeur Gerald LaPorest, qui est anglophone, un Acadien anglophone. C'est une excellente étude sur le pouvoir de désaveu. L'auteur constate qu'il serait bien surprenant, effectivement, que le gouvernement fédéral n'utilise jamais, non seulement le désaveu, mais également le droit de réserve.

Cependant, il subsiste en doute. En ce qui me concerne, étant donné la force du précédent dans le droit britannique, je pense que nous n'avons pas à craindre le droit de désaveu. Cependant il ne faut pas négliger les pressions anglo-canadiennes et anglo-montréalaises qui vont s'exercer sur le gouvernement fédéral et qui pourraient peut-être amener M. Trudeau à aller à l'encontre de la désuétude qui semble s'être saisie de cet article du British North America Act et à poser un nouveau précédent.

M. BOURASSA: Vous allez aider ces pressions.

M. MORIN: Pas du tout. Je ne le souhaite pas.

M. BOURASSA: Oui.

M. MORIN: J'ai donné mon opinion. A mon avis, ce serait abuser de la part...

M. BOURASSA: Vous nous frappez dans le dos quand on aide les anglophones.

M. MORIN: ... du pouvoir fédéral que d'utiliser le droit de désaveu.

M. HARDY: Tartuffe ne ferait pas mieux.

M. MORIN: En fait de tartufferies, je pense que le ministre des Affaires culturelles n'a de leçon à donner à personne. Je reviens à mon propos. Le seul véritable danger sur le plan constitutionnel, c'est que cette affaire soit amenée devant les tribunaux et donc, éventuellement, devant la cour Suprême du Canada, soit par des particuliers, comme cela a été le cas dans l'affaire sur les langues officielles, — alors que c'était le maire Jones et un certain nombre d'autres citoyens qui ont soulevé la question devant les tribunaux, — soit sous la forme d'un avis consultatif que demanderait le gouvernement fédéral au plus haut tribunal du pays. Or, cela ne me rassurerait pas du tout. Il est vrai que la cour Suprême comporte un certain nombre de juges québécois et, en ce qui me concerne, je tiens à dire, dès l'abord, que j'ai la plus totale confiance dans un homme comme le juge Beetz, mon ancien collègue. C'est un homme de grand jugement et qui, dans le domaine constitutionnel, n'a de leçon à recevoir de personne. Mais ce n'est pas dire pour autant, que ce tribunal puisse trancher en faveur du Québec. Je suis d'avis que, dans toutes les causes importantes, ce tribunal, de par sa constitution même, ne peut trancher en faveur du Québec, à cause des pressions politiques, sociales qui s'exercent sur lui. N'oublions pas...

M. BOURASSA: Qu'est-ce que vous dites sur la cour Suprême, si j'ai bien entendu?

M. MORIN: N'oublions pas que le gouvernement du Québec lui-même...

M. BOURASSA: Vous dites que la cour Suprême, au lieu de décider sur le mérite, obéirait à des pressions...

M. MORIN: Laissez-moi terminer, Vous aurez la réponse à votre question.

M. BOURASSA: C'est sérieux ce que vous dites là.

M. MORIN: Je vous rappelle, M. le Premier ministre...

M. BOURASSA: Pour un juriste, c'est très sérieux.

M. MORIN: Je vous rappelle que votre prédécesseur, le premier ministre Lesage, a refusé, et la position a été reprise par M. Johnson, de reconnaître la juridiction de la cour Suprême du Canada. Je ne me fais donc que l'écho de vos prédécesseurs.

M. BOURASSA: Non, ce n'est pas ce que vous avez dit.

M. MORIN: Si, dans le domaine... Laissez-moi terminer et vous allez voir que cela va être très clair.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Ce n'est pas ce que vous avez dit.

M. MORIN: M. le Président, dans l'affaire des droits miniers sous-marins, l'inquiétude du pouvoir québécois était telle que nous avons refusé de porter le litige devant la cour Suprême.

M. HARDY: Ce n'est pas ça du tout.

M. MORIN: Plus que cela, M. le Président, plus que cela. Dans l'affaire des communications, le ministre des Communications...

M. BOURASSA: J'invoque le règlement...

M. MORIN: ... du gouvernement Bourassa a refusé à plusieurs reprises d'aller devant la cour Suprême...

M. BOURASSA: M. le Président, ce n'est pas...

M. MORIN: ... craignant les...

M. BOURASSA: ... ce qu'a dit le chef de l'Opposition. Il a dit que la cour Suprême obéirait à des pressions anglo-montréalaises ou anglo-canadiennes plutôt qu'à des critères objectifs. C'est ce qu'il a dit.

M. MORIN: Comme aucun tribunal ne travaille dans le vide social ou dans le vide économique...

M. BOURASSA: Je voudrais qu'il se rende compte de ce qu'il dit.

M. MORIN: II y a de nombreuses études qui démontrent que la cour Suprême des Etats-Unis elle-même est l'objet de mille et une pressions souvent inconscientes du milieu social dans lequel elle baigne.

M. HARDY: Patinage à reculons!

M. MORIN: Laissez-moi, s'il vous plaît, terminer l'argumentation fort importante, je crois, que je suis amené à faire. La cour Suprême est la créature du pouvoir fédéral. C'est ce qui a amené votre gouvernement, dans le cas des communications, à refuser d'aller devant le tribunal fédéral. Ne dites pas le contraire. Si vous aviez confiance dans ce tribunal, vous lui auriez sans doute confié de trancher le cas des communications. Voilà, c'est vous qui êtes pris au piège dans vos propres interventions.

M. BOURASSA: Ce n'est pas une question... Non, non, n'essayez pas de vous en sortir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourriez-vous vous...

M. LEGER: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: C'est le député de Sauvé qui a la parole et ça fait trois ou quatre fois que le premier ministre, sans lui demander la permission...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!

M. LEGER: ... l'interrompt.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais rappeler à tous les membres de la commission qu'ils devraient s'adresser au président. Ceci éviterait peut-être quelques affrontements.

M. BOURASSA: M. le Président, je m'excuse, je voulais tout simplement, en m'adressant à vous, signaler...

M. MORIN: Non, mais vous n'avez pas la parole.

M. LEGER: Avez-vous demandé la parole au député de Sauvé?

M. BOURASSA: ... la gravité.

M. MORIN: Vous n'avez pas la parole.

M. LEGER: Avez-vous demandé la parole au député de Sauvé? Suivez donc le règlement. On est obligé de le suivre, suivez-le donc, M. le Premier ministre!

M. BOURASSA: Je voulais rappeler...

M. LEGER: Avez-vous demandé au député de Sauvé s'il est d'accord? Demandez-lui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, je voulais rappeler la gravité des propos du chef de l'Opposition.

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président. Est-ce que c'est le même règlement pour le premier ministre et pour les députés?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'ai déjà répondu oui. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, ce sont effectivement des décisions très graves qui ont été prises à plusieurs reprises par le gouvernement du Québec, de ne pas aller devant ce tribunal parce que nous savons fort bien, qu'il s'agisse de droit d'ordre économique, comme les droits miniers sous-marins, qu'il s'agisse des droits d'ordre culturel, le Québec n'a aucune chance de s'en tirer. Il s'agit d'un tribunal créé par le pouvoir fédéral. Il ne s'agit point d'un tribunal constitutionnel authentique qui serait au-dessus des parties.

Ce n'est pas moi qui l'ai fait remarquer le premier. C'est ce grand juriste britannique K.C. Wheare, un auteur que le premier ministre connaît, qui l'a fait observer à plusieurs reprises. K.C. Wheare a dit ceci.

M. BOURASSA: Un de mes tuteurs.

M. MORIN: II fut l'un de vos tuteurs? C'est parfait.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Le premier ministre va pouvoir nous en parler. Si vous avez lu attentivement ses écrits, vous aurez constaté que dans "Federal Government", — je ne sais plus à quelle page, mais je pourrai le retrouver si le premier ministre ne s'y retrouve pas — il dit: "Qu'un véritable tribunal constitutionnel — et il parle du Canada et non des autres pays fédératifs — ne saurait être la créature soit du pouvoir fédéral, soit des provinces, car un tribunal qui serait créé, nommé par le seul pouvoir fédéral, un tel tribunal serait nécessairement enclin à favoriser les prises de position du pouvoir fédéral. Tandis que, — et je me range du même avis — un tribunal qui serait nommé uniquement par les provinces aurait tendance nécessairement à favoriser les positions constitutionnelles des provinces.

M. le Président, la cour Suprême du Canada n'a jamais été créée par la constitution, je le ferai remarquer. Elle a été créée par une loi fédérale. C'est une créature fédérale. Les juges en sont nommés par le pouvoir fédéral et payés par le pouvoir fédéral. De plus, on y nomme souvent d'anciens ministres fédéraux, et c'est ce qui nous a valu à l'occasion, les décisions extrêmement favorables au pouvoir fédéral que nous connaissons. Et c'est ce qui a fait que, pendant des années, nous étions tellement heureux, nous du Québec, de pouvoir en appeler au Comité judiciaire du Conseil privé, parce que celui-ci rétablissait les droits du Québec, souvent à l'encontre des décisions de la cour Suprême du Canada. Le premier ministre, qui est juriste, ne peut dire le contraire.

M. BOURASSA: M. le Président, si le chef de l'Opposition me permet une question, c'est parce que j'ai un appel d'Europe et je dois m'absenter pour quelques minutes. Je veux simplement lui dire...

M. MORIN: Est-ce un appel du professeur McWhinney?

M. BOURASSA: Non, M. le Président. Je veux simplement lui dire que je fais la distinction dans les propos du chef de l'Opposition. Je vais relire les propos qu'il a tenus. Mais indépendamment des critères juridiques ou politiques, de ce que j'ai entendu, j'ai trouvé que les propos du chef de l'Opposition étaient d'une extrême gravité, en présumant que la cour Suprême obéirait à des pressions plutôt que de juger sur le mérite de la question.

M. MORIN: Je ne sais pas ce que vous essayez d'insinuer...

M. BOURASSA: Si le député veut clarifier son point de vue.

M. MORIN: Je vous disais simplement... ce que j'ai dit, c'est que la cour Suprême est créée, nommée et payée par le pouvoir central. Est-ce une proposition sur laquelle vous êtes d'accord?

M. BOURASSA: On verra ce que le chef de l'Opposition a dit.

M. MORIN: Allez faire votre appel européen et vous reviendrez ensuite afin qu'on en parle.

M. BOURASSA: On verra.

M. MORIN: J'ai bien hâte que nous en parlions.

M. BOURASSA: D'accord. UNE VOIX: Page 22, article 1.

M. MORIN: M. le Président, revenons à nos moutons. La situation est d'autant plus grave que nous apprenons par un journal de ce matin — je m'étonne de ne pas le trouver dans tous les journaux — que la dernière école entièrement française dans l'Ouest canadien vient d'être fermée. Ces questions sont donc, d'actualité. L'école Taché, la seule école élémentaire entièrement de langue française dans l'Ouest, sera fermée à la suite d'une décision intervenue hier à la commission scolaire du "grand" Winnipeg. Cette école Taché, tout le monde en connaît l'histoire, elle a déjà fait l'objet de mille et une controverses.

Ce n'est pas comme si les querelles constitutionnelles du passé étaient terminées M. le Président. Nous les vivons encore chaque jour. Les minorités de l'Ouest, chaque jour, voient leurs positions reculées, voient leurs positions assaillies.

Dans ce cas-là, je cite la Gazette de ce matin 18 juillet, et j'espère qu'on trouvera dans les journaux de demain des commentaires sur cette pénible situation: "But despite their campaign to keep the 220 students' school open and cause from the province's Education Minister to intervene, the board declared its position irrevocable". C'est un vocabulaire qu'il me semble reconnaître. Il me semble que le ministre de l'Education nous a dit que ses positions étaient irrévocables. C'est le même esprit d'intransigeance qu'on trouve dans l'Ouest et ici. On n'en voudra pas à l'Opposition, dans les circonstances, de soulever cette question de la constitutionnalité et de vouloir aller au fond des choses.

Dans cette perspective, les avocasseries du ministre de l'Education, qui a un document émanant du professeur McWhinney, mais qui refuse de le déposer, avec des caprices de prima donna, cette façon de dissimuler les documents qui seraient essentiels à une bonne compréhension du débat, un débat ouvert devant toute la population, ces façons de procéder sont dignes d'un autre âge. Elles sont lamentables, je n'hésite pas à le dire.

Pourquoi ces cachotteries? Est-ce que, par hasard, le nouveau document du professeur McWhinney émettrait des réserves, la moindre réserve sur la constitutionnalité de certains articles du bill 22? C'est la question que je me pose. En tout cas, je n'ai entendu le ministre invoquer aucun argument sérieux pour ne pas déposer immédiatement, devant nous, ce document. C'est de l'enfantillage que de nous dire: Attendons qu'on arrive à tel article et on vous le donnera. C'est du comportement de maître d'école hautain, comme il s'en faisait il y a bien des années. Comme, Dieu merci, on n'en trouve plus, sauf peut-être...

M. HARDY: II y a encore vous.

M. MORIN: ... à l'occasion, lorsque le député de Saint-Jean fait...

M. TARDIF: II en reste un. M. MORIN: ... ses saillies.

M. HARDY: Vous êtes le dernier vestige de cette race.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Allons. Le ministre des Affaires culturelles devrait essayer d'être à la hauteur du poste qu'il occupe et ne pas déchoir constamment, comme il le fait.

M. le Président, nous sommes...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Comment, à cette commission, peut-on se maintenir à une certaine hauteur quand, constamment, le député de Sauvé et ses collègues nous entraînent dans la fange et la boue?

M. LEGER: M. le Président, ce n'était pas une question de règlement, si vous avez bien remarqué.

M. MORIN: Ah! quelle horreur! Quelle horreur, M. le ministre.

M. HARDY: Oui, c'est une horreur pour vous.

M. MORIN: Quelle indignité!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

UNE VOIX: C'est vrai, je suis d'accord.

M. MORIN: Quel manque de dignité!

M. TARDIF: C'est vous qui provoquez cela.

M. MORIN: M. le Président, je constate que le gouvernement, par tous les moyens, tente d'éviter ce débat constitutionnel, mais il ne pourra l'éviter. Il est maintenant sur la place publique. Plusieurs juristes notoires, ont soulevé ces problèmes. Je répète qu'en ce qui me concerne, je suis d'avis que le Québec peut abroger l'article 133. Je suis d'avis que le Québec peut avoir une politique qui consiste à faire du français la seule langue officielle, mais ce n'est pas cela que dit le projet de loi. Je tiens à le souligner en passant. Le projet de loi nous dit que la langue française est la langue officielle dans l'article 1, mais, dans l'article 2, il nous ramène immédiatement à la langue anglaise comme langue officielle. Nous le verrons bien quand nous en discuterons tout à l'heure. Deux problèmes distincts sont soulevés dans l'ordre constitutionnel par le projet de loi qui nous est soumis. Premièrement, la question de la consti-tutionnalité par rapport à l'article 133 du British North America Act et, en second lieu, la question des droits linguistiques par rapport aux garanties confessionnelles accordées par l'article 93 de la même loi impériale.

Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes.

M. MORIN: Deux minutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II vous reste deux minutes.

M. MORIN: J'imagine que nous aurons l'occasion de revenir sur ces problèmes constitutionnels par la suite. On n'a pas fini d'en parler. Je voudrais simplement évoquer brièvement la question de la constitutionnalité du bill par rapport à l'article 133.

Le professeur Scott nous a fait remarquer avec beaucoup de finesse, comme je l'ai indiqué dans mon discours de seconde lecture, que l'article 133 impose l'usage de l'anglais et du français dans la publication des lois du Québec. Toute la jurisprudence des tribunaux, que j'aurai l'occasion de citer en long et en large, tend à dire que les deux langues sont sur un pied d'égalité en ce qui concerne la législation en vertu de l'article 133.

Le professeur Scott dit ceci: "So, when the bill says French is THE — le mot "THE" est écrit en majuscule — official language, it suggests that it is the only official language and this is quite false. Furthermore, there are great doubts as to whether that is constitutional for the simple reason that section 133 of the BNA Act has not been amended, and that is the section which provides that the laws of Quebec must be in the two languages".

Si le gouvernement se refuse à abroger cet article 133, je crains bien que le professeur Scott n'ait raison. S'il est vrai que l'article 133 ne peut être modifié que par le Parlement impérial, que par le Parlement de Westminster, et non pas par le Parlement Québécois agissant seul, alors nous sommes effectivement devant une impasse constitutionnelle. C'est pourquoi j'aimerais faire motion pour restreindre la portée de la motion que vous nous avez suggérée vous-même hier et que le député de Saint-Jacques a reprise à son compte. J'aimerais faire motion pour modifier votre propre proposition ou celle du député de Saint-Jacques, comme je le disais à l'instant. En ajoutant à la fin de la motion la phrase suivante: "Pour entendre M. le professeur Edward McWhinney, ancien membre de la commission d'enquête sur la situation du français au Québec, sur tous les aspects constitutionnels du projet de loi 22". Je tiens à dire que le but de cette motion de modification est de restreindre la portée, qui nous paraît trop large, la résolution que vous avez vous-même proposée lors de notre séance d'hier. Je devrai revenir sur ces problèmes constitutionnels sans doute à plusieurs reprises. Je n'ai fait ce matin que les effleurer.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque la non-recevabilité de cette motion. Nous revenons à peu près à la première motion déposée par le Parti québécois et que vous avez jugée vous-même irrecevable. C'est d'ailleurs la raison pour, laquelle vous avez suggéré que l'on formule de nouveau cette motion. De toute façon, je ne voudrais pas m'étendre trop longuement sur la recevabilité, mais puis-je vous faire remarquer qu'indépendamment de l'aspect strictement légal de cette motion d'amendement, il apparaît encore évident que cette motion n'a aucun objet valable, parce qu'à moins que le Parti québécois ait décidé que les principes les plus élémentaires de bon sens n'existent plus, c'est-à-dire que la partie est comprise dans le tout, je ne vois pas, lorsque nous décidons si nous décidions de convoquer les auditions publiques, ce qui nous empêcherait d'entendre le professeur en question et toute autre personne. En d'autres termes, d'une part, le Parti québécois nous dit qu'il est essentiel, qu'il est important que l'on vérifie d'une façon absolue la constitutionnalité de cette loi et, par le même mouvement, on veut restreindre — et je me place dans la logique du Parti québécois — l'audition à un seul expert.

M. MORIN: C'est un sous-amendement.

M. HARDY: On veut restreindre l'audition à un seul expert. On met en cause la constitution-nalité, et c'est comme si on nous disait que le professeur que l'on veut convoquer, malgré que je suis bien prêt à admettre toute sa compétence et toute sa science, mais Dieu sait qu'en matière juridique, les plus grands experts peuvent arriver à des conclusions diamétralement opposées, ce n'est pas propre à la science juridique, c'est également propre à beaucoup d'autres disciplines scientifiques...

M. le Président, d'une part la motion d'amendement n'ajoute rien. Non seulement, elle n'ajoute rien, mais elle restreint la portée.

Parce que si on l'adoptait telle qu'elle, cela voudrait dire par la suite que l'on serait restreint à entendre une seule personne sur la constitutionnalité, et si par hasard, le témoignage de cette personne faisait surgir d'autres questions, il faudrait refaire une autre motion. Tandis que la première motion — je me place toujours dans la logique du Parti québécois — ne restreint aucunement les personnes à être entendues. Or, il m'apparaft évident...

M. LESSARD: Trois minutes.

M. HARDY: ... M. le Président, qu'en plus d'être irrecevable, parce qu'elle ne colle pas exactement au texte, il est évident que cette motion d'amendement n'a pour seul but, et seul objectif, de permettre à chacun des députés péquistes de parler encore durant 20 minutes sur la motion et d'ajourner inutilement nos travaux. Mais, encore une fois, si on se place dans l'optique du Parti québécois, si ses membres sont sincères dans leur démarche, c'est qu'on puisse, le plus tôt possible, entendre le témoignage. En allongeant inutilement le débat, en permettant à chaque député péquiste de parler 20 minutes sur la motion d'amendement qui, encore une fois, aura non seulement aucun résultat positif, mais viendrait restreindre la portée de la motion telle qu'elle était devant nous avant cette motion d'amendement, on retarde inutilement les travaux.

M. le Président, ne sommes-nous pas en droit de nous demander si le Parti québécois veut faire du "filibustering" intelligent, parce qu'il y a possibilité, encore une fois, je le répète, de faire du "filibustering" intelligent...

M. CHARRON: J'invoque le règlement. Ce discours très intéressant et cette participation inqualifiable de notre ministre des Affaires culturelles au débat sur les motions, qui nous est d'une très grande utilité d'ailleurs, comme on a dû lui dire au conseil des ministres hier soir... Je prierais le ministre des Affaires culturelles qui aime utiliser entièrement ses 20 minutes de droit de parole sur le fond d'une motion, de le garder pour le moment où le président nous invitera à parler sur le fond de la motion. Nous serons alors tout à fait heureux d'entendre ce que le Sherlock Holmes du Parti libéral a découvert dans les stratégies de l'adversaire, M. le Président.

Mais il a lui-même soulevé la question de la recevabilité. Je vous prierais de le tenir à argumenter, pendant 20 minutes. Je n'ai aucune espèce d'objection à ce que le volubile député de Terrebonne...

M. HARDY: Je ne jouerai pas votre jeu.

M. CHARRON: ... utilise ses 20 minutes sur la recevabilité.

M. HARDY: Je ne jouerai pas votre jeu.

M. CHARRON: Mais parlez de la recevabilité, vous aurez aussi droit à 20 minutes sur l'amendement du chef de l'Opposition...

M. HARDY: Je ne me ferai pas complice des adversaires de la langue officielle.

M. CHARRON: ... Vous aurez droit à 20 minutes sur la motion, de toutes les interventions, M. le Président, ce n'est certainement pas nous qui voudrions le priver de les faire.

M. HARDY: M. le Président...

M. CHARRON: Mais qu'il les fasse au bon moment. Là, c'est la recevabilité qui est en discussion.

M. HARDY: ... j'étais sur la recevabilité de la motion, et je vous disais qu'elle est irrecevable, parce que non conforme aux règlements, et inutile, parce qu'elle vient restreindre la portée de la motion principale.

M. LESSARD: M. le Président, sur la recevabilité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la recevabilité.

M. LESSARD: M. le Président, le ministre responsable des Affaires culturelles nous dit que cette motion est irrecevable parce qu'elle n'est pas conforme aux règlements.

M. le Président, j'inviterais le ministre responsable des Affaires culturelles à lire quand même l'article 70 du règlement qui concerne justement les motions d'amendement.

L'article 70, M. le Président, est très clair: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée..." Or l'amendement proposé par le chef parlementaire de l'Opposition se rapporte directement au sujet de la motion proposée par le député de Saint-Jacques hier, je pense. Si je continue, M. le Président,... "et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres".

Quant à retrancher, la motion du chef parlementaire de l'Opposition ne retranche pas de mots, mais elle ajoute des mots à la motion présentée hier par le député de Saint-Jacques, mots qui sont conformes, justement, à cette motion.

L'amendement serait irrecevable — et j'aurais aimé voir plaider le ministre responsable des Affaires culturelles sur ce point — si son effet était d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement.

M. le Président, il ne s'agit aucunement d'écarter ici la motion du député de Saint-Jacques. Au contraire, il s'agit de préciser la motion du député de Saint-Jacques. Il s'agit — je parlerai sur la restriction tout à l'heure — d'assigner particulièrement un témoin, M. McWhinney, qu'on considère comme étant un expert constitutionnel.

Le ministre nous a dit que c'était un amendement qui restreignait la motion principale du député de Saint-Jacques. Je dis qu'il est vrai que cette motion est une motion de restriction en ce qui nous concerne, mais en quoi cela empêche-t-il le ministre des Affaires culturelles de présenter un sous-amendement, tel que prévu à l'article 72 des règlements? "Un amendement peut être amendé, mais un sous-amendement ne peut être amendé."

En ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à ce que le ministre responsable des Affaires culturelles présente ce sous-amendement. Probablement que le ministre des Affaires culturelles voudrait aussi convoquer des experts qu'il connaît, qui seraient ses propres experts qui viendraient peut-être, dans leurs affirmations, en contradiction avec les affirmations du professeur McWhinney.

Mais, en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à cela et, si le ministre veut le faire, qu'il fasse un sous-amendement. Quant à nous, nous avons déjà eu la position du professeur Scott. Nous voulons avoir la position d'un des éminents membres de la commission Gen-dron, à savoir celle du professeur McWhinney.

Quand je me base sur les règlements, je ne vois aucunement en quoi la motion du chef de l'Opposition serait irrecevable. Ce n'est pas tout pour le ministre des Affaires culturelles d'affirmer ainsi qu'une motion est irrecevable, comme il le fait depuis le début de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications. Il faut quand même que ce ministre responsable, qui a déjà été vice-président de l'Assemblée nationale, nous dise, en se basant sur les principes du règlement, en quoi une telle motion était irrecevable.

Hier, le président suppléant de l'Assemblée nationale, à cette commission, a décidé de préciser ou d'élargir la motion du député de Saint-Jacques. Le député de Saint-Jacques a accepté cette motion telle que présentée par le président suppléant à la commission de l'Assem- blée nationale, mais rien ne nous empêche de bien préciser quel témoin nous voulons assigner à cette commission parlementaire et c'est l'objectif de la motion présentée par le chef de l'Opposition.

M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement, avant que vous ne soyez complètement éclairé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine. Sur la recevabilité.

M. LEGER: Sur la recevabilité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pendant trois minutes.

M. LEGER: A l'article 70, à la quatrième ligne, il y a les mots "ajouter des mots" à une motion. C'est conforme au règlement d'ajouter des mots à une motion pour éclaircir cette motion, pour la rendre plus précise et pour permettre d'atteindre les objectifs que nous voulions atteindre par la motion principale, et je m'explique.

Si la motion principale actuelle qui permet l'audition publique était refusée, il ne nous serait pas permis de présenter un amendement pour atteindre telle ou telle personne. En ajoutant les mots pour préciser, au cas où la motion serait refusée, cela nous permet de dire que ce que nous voulons atteindre comme objectif, c'est précisément, par cette audition publique, d'entendre la personne particulièrement concernée et suffisamment compétente pour éclairer l'Assemblée nationale.

Si les membres de cette commission refusaient de voter pour la motion principale, nous n'aurions pas la possibilité d'inviter des personnes particulières. Cela entre dans l'esprit même de ce que disait le ministre tantôt, parce que lui n'avait pas objection à inviter des spécialistes, mais de ne pas inviter n'importe qui.

Alors, si la motion principale n'est pas suffisamment claire parce qu'elle dit "l'audition publique" et que les députés ministériels voteraient contre, nous ne pourrions pas inviter, entre autres, M. McWhinney, qui est un spécialiste, à venir expliciter sa position et compléter, peut-être, le rapport que le ministre a entre les mains et dont nous n'avons pas pris connaissance; ceci permettrait peut-être à M. McWhinney d'avoir la possibilité d'aller plus loin que son rapport et d'éclairer davantage la commission. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, selon l'article 70, l'amendement que nous avons proposé nous permet d'ajouter des mots clarifiant, précisant l'essentiel de l'esprit que nous voulions énoncer et les objectifs que nous voulions atteindre par la motion principale. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, elle est complètement recevable selon les articles 70 et 72.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quant à la recevabilité de l'amendement, je suis tout à fait d'accord avec les opinants de l'Opposition officielle sur la partie de l'article 70 qui dit qu'il est permis d'amender une motion principale en ajoutant des mots, mais encore faut-il que ces mots ne changent pas le sens, n'écartent pas la question principale. Lorsque le député de Saint-Jacques a formulé une motion que j'ai déclarée irrecevable hier, il s'agissait bel et bien d'exactement la même motion que nous serions appelés à débattre aujourd'hui si nous acceptions l'amendement proposé. Je suis convaincu que l'amendement, tel qu'il est formulé, n'est pas recevable.

M. LEGER: Pardon? Qu'est-ce que c'est cela?

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'est absolument pas recevable parce qu'il écarte justement... Un instant.

M. LESSARD: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quand j'ai expliqué...

M. LEGER: A quoi sert ce règlement-là?

LE PRESIDENT (M. Gratton): ...les raisons qui motivaient mon refus d'accepter la motion originale du député de Saint-Jacques hier, j'ai dit qu'il fallait et j'ai suggéré d'ailleurs un texte qui reliait le tout à l'article 154. Alors, l'article 154 parle d'auditions publiques et, en fait, avec l'amendement proposé ce matin, on ne fait pas que restreindre la portée de la motion principale, mais, à mon avis, on l'écarté. J'inviterais simplement le chef de l'Opposition à formuler de nouveau son amendement.

M. LESSARD: Une directive, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LESSARD: Je voudrais que vous précisiez en quoi la motion du chef de l'Opposition écarte la motion principale qui était audition publique. M. le Président, la motion principale...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais vous répondre tout de suite.

M. LESSARD: Une minute. C'était audition publique. Est-ce que, lorsque le professeur McWhinney va venir ici devant la commission de l'Assemblée nationale, cela ne serait pas une audition publique? Cela va être une audition publique.

En quoi, maintenant, M. le Président, cela peut-il écarter la motion principale alors qu'il est possible, justement en vertu de l'article 72, de faire un sous-amendement et de prévoir d'autres personnes qui peuvent venir témoigner? Ce qu'on veut, ce n'est pas n'importe quelle personne qui va se présenter devant la commission parlementaire en audition publique, mais bien des experts reconnus, des consti-tutionnalistes reconnus. Je me pose la question, lorsque vous dites que la motion du député de Sauvé écarte la motion principale du député de Saint-Jacques, au contraire, cette motion ne vient que préciser la motion du député de Saint-Jacques...

M. BOURASSA: Avez-vous une autre motion à faire?

M. LESSARD: ... et n'écarte aucunement la possibilité d'auditions publiques parce que, de toute façon, ça va se faire en audition publique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais la directive que vous me demandez, c'est qu'avec les mots "pour entendre le professeur Edward McWhinney", ça fait de la motion principale, que lui seul pourrait être entendu. Si je lis le français, la formulation présente, c'est: "que la commission consente à ce qu'il y ait audition publique durant l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture, pour entendre le professeur Edward McWhinney". Donc, cela exclut tous les autres que la commission pourrait vouloir entendre. C'est dans ce sens que je dis que l'effet de l'amendement est d'écarter la question principale. Puisque la question principale, relativement à l'article 154, comme je l'ai expliqué hier, c'est d'avoir des auditions publiques.

M. MORIN: M. le Président, j'ai cru comprendre que vous aviez une suggestion à me faire. Je la recevrai volontiers.

LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, je préférerais ne pas faire de suggestion. Je suis convaincu que le chef de l'Opposition officielle pourrait sûrement consulter son leader parlementaire pour formuler...

M. MORIN: Non, je vous demande une directive.

M. BOURASSA: Vous avez une autre motion à faire, de toute façon?

M. CLOUTIER: Passons donc à l'autre motion, on reviendra à celle-là.

M. BOURASSA: Vous avez tout un "stock" de motions, vous faites comme l'Union Nationale sur la carte électorale. Vous essayez de sauver votre peau.

M. CHARRON: Vous faites comme l'Union Nationale avec le bill 63.

M. BOURASSA: C'est un mythe, ça. Si l'Union Nationale avait été plus fédéraliste, elle serait à votre place aujourd'hui.

M. CHARRON: Si l'Union Nationale avait été plus respectueuse des Québécois, elle ne serait pas morte, non plus.

M. MORIN: Tout ça, c'est de la spéculation. Revenons-en à nos moutons, M. le Président, il s'agit de savoir si vous pouvez me donner une directive. Comment puis-je, par une motion, restreindre la portée de la motion que vous nous avez suggérée vous-même hier et qui a été reprise à son compte par le député de Saint-Jacques, pour qu'il y ait des auditions publiques. Nous voulons, nous, que les auditions publiques ne portent que sur la constitutionnalité. Nous ne voulons pas rouvrir entièrement parce que, de toute façon, nous nous rendons compte que le gouvernement ne votera jamais pour une motion de réouverture complète. Nous voulons être réalistes. Nous nous rendons compte que le gouvernement, peut-être, nous appuierait sur une motion ouvrant le débat aux spécialistes en matière constitutionnelle. Je vous demande la directive: Comme puis-je, de la sorte, restreindre la portée de la motion...

M. HARDY: La première motion...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!

M. MORIN: ... que vous nous avez faite hier?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je peux penser à au moins deux ou trois formulations...

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... laissez-moi donc finir! Pour une fois...

M. LESSARD: Oui, allez-y. Mais en quoi le règlement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre...

M. LESSARD: ... vous empêcherait-il de restreindre notre motion?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je viens de vous l'expliquer.

M. LESSARD: Pourquoi le règlement m'empêcherait-il de le faire?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A tout événement, dans mon grand désir de collaboration avec l'Opposition officielle...

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... je n'ai pas l'intention de vous formuler deux ou trois suggestions qui me viennent à l'esprit et qui rendraient votre motion d'amendement acceptable.

M. CHARRON: Vous pouvez en suggérer une.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais vous suggérer qu'on suspende les travaux. Il est une heure moins sept minutes, on va suspendre les travaux de la commission normalement jusqu'à 15 heures et l'Opposition officielle pourra sûrement se formuler un amendement qui sera jugé...

M. CLOUTIER: Oui, vous pouvez trouver d'autres trucs. Vous avez trois heures.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

Reprise de la séance à 15 h 15

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Au moment de la suspension, la suggestion avait été faite de reformuler l'amendement.

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Amendement à la motion

M. MORIN: A votre suggestion, je me suis permis de rédiger un nouvel amendement qui vous serait acceptable et la motion se lirait donc comme suit: "Que soient ajoutés à la fin de la motion principale les termes suivants: Pour entendre l'avis d'experts sur le projet de loi à l'étude, notamment en faisant appel à l'une ou l'autre ou à plusieurs des personnes suivantes: MM. les professeurs Edward McWhinney et Frank R. Scott ainsi que MM. Jean-Charles Bonenfant, Louis M. Bloomfield, Pierre Pate-naude, François Chevrette, Gérald Beaudoin, A. Abel, Henri Brun, Jean Samson et Steven Allan Scott."

Voici le texte écrit, M. le Président. J'ai, à votre suggestion, supprimé l'allusion aux aspects constitutionnels dans cet amendement, mais il est bien clair que, dans l'esprit de l'Opposition, compte tenu du fait que toutes les personnes énumérées sont des spécialistes du droit constitutionnel, nous n'entendons pas ouvrir la commission à toutes sortes de débats, mais à des discussions portant sur la constitu-tionnalité du bill 22. Je vous remercie.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques sur la motion d'amendement.

M. CHARRON: L'amendement que vient de présenter le chef de l'Opposition constitue, à mon avis, une précision de la motion que j'avais moi-même prononcée et que le chef d'Opposition vient d'amender, en ce sens qu'elle précise et limite la portée de ce que je vous avais dit avoir à l'esprit, lorsque j'ai présenté la motion que nous sommes encore à débattre, et m'apparait parfaitement acceptable dans l'esprit de ma motion.

Effectivement, M. le Président, je vous avais signalé, lorsque j'ai demandé que cette commission se rouvre aux conditions publiques, qu'il ne s'agissait pas là d'une occasion d'un laisser-aller ou toutes les tendances et toutes les opinions pourraient venir s'exprimer.

Je crois que cette étape a été décidée comme terminée par un ordre de l'Assemblée nationale à la suggestion du ministre de l'Education et qu'il m'est interdit —en vertu d'un vote pris par l'Assemblée qui a déjà tranché la question, même si j'en avais l'intention — de demander que cette étape s'ouvre à nouveau.

Non, M. le Président, je pense vous avoir très clairement indiqué, hier après-midi, en présentant ma motion, qu'il s'agissait effectivement de préparer l'argument de défense constitutionnelle qu'aura vraisemblablement à soutenir, à un moment ou à un autre, le gouvernement face aux intentions annoncées, du côté du gouvernement de la majorité anglaise du pays, d'étudier la possibilité de désavouer cette loi.

Je n'ai pas les titres et encore moins la qualité du chef de l'Opposition pour traiter de droit constitutionnel et des aspects constitutionnels de ce projet de loi. Je l'ai fait hier en profane, reprenant en cela ce que n'importe qui pouvait signaler, soit la possibilité que l'affirmation de l'article 1 du projet de loi 22 apparaisse en contradiction et, en ce sens, inacceptable dans la cohabitation juridique avec l'article 133 de la constitution canadienne ou, si vous voulez, du British North America Act qui nous sert de constitution, que ce gouvernement se refuse à rappeler.

Le chef de l'Opposition a expliqué encore plus clairement que je ne pourrais jamais le faire. Un jour ou l'autre il nous faudra trancher cette anomalie sur le plan constitutionnel, mais j'aimerais, en appuyant la motion d'amendement du chef de l'Opposition, vous expliquer pourquoi tous ces personnages qui sont nommés dans l'amendement du chef de l'Opposition seraient d'une parfaite utilité pour la commission, car je ne crois pas que la question constitutionnelle ou, si vous aimez mieux, le litige constitutionnel qui peut exister autour du projet de loi 22 ne concerne que la disposition de l'article 1 par rapport à l'article 133 de la constitution.

Si le chef de l'Opposition a élargi le nombre d'experts que nous voulons présenter à la commission comme une réserve à l'intérieur de laquelle elle pourrait puiser pour se documenter et affermir ses positions constitutionnelles, c'est qu'il y a plus que la coexistence de l'article 1 et de l'article 133 de la constitution. Il en va de l'applicabilité de ce projet de loi lui-même. Je crois que c'est la responsabilité du législateur que de s'assurer, avant même d'entamer les débats d'une loi article par article, que, dans l'éventualité d'une entente sur une modification ou sur le texte premier d'une loi, on soit au moins assuré qu'elle est applicable.

Or, M. le Président, laissez-moi vous signaler des cas de la loi ou des terrains d'application où cette loi risque d'éprouver des difficultés. D'abord, nous n'avons pas tranché, et ce n'est pas

clair encore aujourd'hui, même après les auditions publiques pendant quelques semaines: Qu'advient-il de l'applicabilité de cette loi aux employés de la couronne fédérale elle-même? Toutes les mesures, qui sont contenues dans cette loi pour inciter à la francisation du monde du travail, s'appliquent-elles aux employés de la couronne elle-même, en particulier, je dirais, pour reprendre une expression un peu plus moderne, aux fonctionnaires québécois travaillant au Québec, mais à l'emploi du gouvernement fédéral? Cela n'a pas été tranché. Nous ne savons pas si le gouvernement du Québec a le pouvoir et est en droit d'intervenir pour changer les relations de travail et le mode de travail des fonctionnaires fédéraux.

Est-ce que tous ces fonctionnaires fédéraux, par le fait que leur employeur est un gouvernement étranger aux Québécois, se trouveraient exclus de la portée de cette loi? Ce n'est pas une mince question, ce n'est pas une question à prendre à la légère non plus. Car, qui est mieux placé que le député de Gatineau pour le savoir? Vous avez entendu, à la table de cette commission, des témoins provenant de la région de l'Outaouais et qui nous ont affirmé que, dans cette région, l'anglicisation est parfaitement due à la présence du gouvernement fédéral et à l'entrée massive du gouvernement fédéral dans cette région du Québec. Plus que cela, le ministre des Communications, dans son intervention poivre et sel, au moment de la deuxième lecture, s'est permis de nous dire que le facteur premier d'anglicisation sur le territoire du Québec était le gouvernement fédéral lui-même. Nous devons donc nous assurer que cette loi s'applique et s'appliquera, dans l'éventualité de son adoption en troisième lecture, également aux fonctionnaires fédéraux et que ce n'est pas parce qu'ils sont à l'emploi d'un gouvernement qui appartient à une autre majorité que, lorsqu'ils sont sur le territoire du Québec, ils sont exclus des lois québécoises et peuvent s'en absoudre. Ce n'est pas une question facile à trancher.

C'est exactement pourquoi le chef de l'Opposition a parfaitement raison de soumettre à la commission une réserve d'experts en droit constitutionnel qui pourraient venir nous aider à rédiger la loi pour nous assurer de sa portée même chez les fonctionnaires à l'emploi d'un gouvernement étranger, ou si vous voulez, à l'emploi de la couronne, comme on aime à appeler cette expression.

J'interviens à nouveau avec un autre exemple, M. le Président. Est-ce que les employés du Canadien National, est-ce que les employés d'Air Canada —les employés, travaillant pour ce qu'on appelle habituellement encore une fois, pour reprendre notre vocabulaire traditionnel, des sociétés de la couronne — sont touchés, ou plus, M. le Président, si vous me permettez, peuvent être touchés par une loi québécoise? Voilà donc le litige constitutionnel sur la table, M. le Président. Ce n'est pas sans intérêt, car s'il est des compagnies où on a dit que très souvent, le français était bafoué, où on avait de la difficulté à se faire servir dans sa langue, même sur un train de banlieue entre Montréal et la banlieue métropolitaine, ou encore de recevoir des services dans sa langue lorsque, comme citoyen, on emploie les services d'Air Canada. Vous savez tous les procès qu'on a faits à ces compagnies et tout le blâme public qu'elles ont eu l'occasion de porter et qu'elles n'ont que très légèrement corrigé au fil des années, M. le Président.

Nous devons donc nous assurer et savoir si le gouvernement québécois a droit d'intervenir pour imposer ses règles de francisation, qu'il a l'intention d'imposer dans les autres secteurs du monde du travail, à ces sociétés de la couronne qui échappent, dans leur entité, à la juridiction québécoise. Mais parce qu'elles ne sont pas des créations de l'Assemblée nationale, parce qu'elles n'émanent pas de ce gouvernement mais plutôt d'un autre, peuveut-elles être soumises à une loi québécoise qui modifie les relations de travail, et qui vise, qui incite à ce que la langue de la majorité devienne la langue de travail dans ces entreprises?

Ce n'est pas une mince question, et peut-être que dans la liste non exhaustive, mais quand même suffisamment large que nous a donnée le chef de l'Opposition, des experts en droit constitutionnel que la commission pourrait inviter, pourraient-ils nous aider à nous faire une idée claire et nette, précise quant à la portée de cette loi pour les compagnies de la couronne?

Prenons un autre exemple, M. le Président, où le litige constitutionnel peut encore exister. Les compagnies à charte fédérale, opérant au Québec, sont-elles, oui ou non, soumises à la loi 22 le jour où elle serait appliquée?

Que pouvons-nous faire dans notre juridiction, dans les limites de la juridiction de ce gouvernement paroissial pour qu'un jour, même ces employés de compagnies à charte fédérale soient soumis aux lois?

Voulez-vous que je vous donne un exemple? La compagnie Bell Canada ltée fonctionne au Québec à partir d'une charte fédérale. Demandez au ministre des Communications. Il est le premier à s'en rendre compte.

M. MORIN: C'est-à-dire qu'elle a été déclarée d'intérêt national.

M. CHARRON: Voilà.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.

M. DEOM: Ce que le député de Saint-Jacques dit est absolument faux parce que la compagnie de téléphone Bell Canada...

M. CHARRON: Elle a été déclarée d'intérêt national.

M. DEOM: Pardon? Laissez-moi finir. La compagnie de téléphone Bell Canada ne fonctionne pas en vertu d'une charte fédérale mais en vertu d'une loi du Parlement canadien.

M. CHARRON: Elle a été déclarée d'intérêt national. C'est ce que je vous précise. Cette compagnie en vertu d'une loi, a été déclarée d'intérêt national. Peut-elle — et c'est toute la question de nos pouvoirs constitutionnels en cette matière — être soumise ou, à l'inverse, peut-elle en vertu de cette loi qui la déclare d'intérêt national, échapper sur plusieurs champs à la juridiction québécoise? Cela autorise-t-il Bell Canada à ne pas se soumettre à des programmes qui, éventuellement, à la suite d'un amendement à la loi, deviendraient obligatoires pour les entreprises opérant au Québec, et qui ne se contenteraient pas d'être ainsi incitatifs?

Le député de Laporte, qui vient de m'inter-rompre — je dois le dire — a été un des plus fidèles spectateurs de notre commission, tout au cours des auditions publiques. Le député de Laporte était ici lorsque les représentants de la compagnie Bell Canada sont venus nous démontrer, annuaire en main et petit manuel en main, les efforts de francisation de l'entreprise, un peu pour justifier et se justifier de ne faire reposer les efforts de francisation de leur entreprise qu'à partir de leur propre initiative. Ils sont venus un peu nous dire: Pas besoin de loi pour franciser le monde du travail. Regardez ce que nous avons fait de nous-mêmes. Nous avons tous nos petits manuels. Nous avons tous nos petits annuaires en français et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes à la compagnie Bell Canada.

Mais n'était-ce pas pour nous rappeler, en même temps, que même si la loi québécoise décidait de la soumettre, comme toutes les autres entreprises qui fonctionnent à partir d'une charte québécoise ou qui n'ont pas comme Bell Canada bénéficié d'une loi qui les déclarait d'intérêt national, n'était-ce pas pour nous rappeler que, tôt ou tard, même si nous apportions des modifications à la loi 22, elles peuvent échapper à une juridiction québécoise en cette matière? Ce n'est pas clair.

Le député de Laporte me fait signe que non. Les messieurs de Bell Canada soutenaient le contraire. Pouvons-nous, par ce seul exemple, voir que la question n'est pas tranchée et que l'amendement que présente le chef de l'Opposition est parfaitement justifié. Nous avons besoin de savoir la réelle portée constitutionnelle de cette loi et savoir si nous pouvons fonctionner de cette façon. Autre exemple, M. le Président, que vous me permettrez de donner et qui prouve encore une fois le bien-fondé de l'amendement du chef de l'Opposition, que les aspects constitutionnels de cette loi sont loin d'être clairs.

Vous connaissez, M. le Président, les dispositions des articles de la loi qui...

M. DEOM: C'est l'article 34, M. le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Non. Ce n'est pas l'article 34 dont je veux parler.

M. DEOM: Non, mais cela couvrait ce que vous disiez tantôt.

M. CHARRON: Je veux parler des articles de la loi qui traitent de l'étiquetage.

M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce qu'on discute article par article?

M. CHARRON: Non.

M. CLOUTIER: J'ai eu un moment de distraction. Ah non! Nous n'avons pas encore commencé l'article 1.

M. MORIN: Cela viendra.

M. CLOUTIER: Est-ce qu'il vous paraît —je l'espère, c'est ce que nous souhaitons depuis trois jours— est-ce qu'il est permis, M. le Président —je parle sur un point de règlement — d'invoquer les articles d'une loi alors que nous n'avons pas commencé à discuter la loi?

M. CHARRON: Je ne les ai pas invoqués, M. le Président, j'ai dit que dans la loi il y a des dispositions qui traitent de l'étiquetage. Est-ce que quelqu'un peut nier cela? Même le ministre de l'Education a-t-il à ce point oublié son bill pour dire qu'il ne traite pas de l'étiquetage?

M. CLOUTIER: J'ai demandé une directive, M. le Président, sur ce point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que le député de Saint-Jacques, en faisant allusion aux diverses dispositions générales et particulières du bill, peut argumenter en faveur de la motion d'amendement.

M. CHARRON: Merci, M. le Président.

M. CLOUTIER: Et ceci ne constitue pas le début de l'étude article par article.

M. CHARRON: Non. Aucunement.

M. CLOUTIER: Je ne voudrais pas que le PQ commence sans s'en rendre compte.

M. CHARRON: Non. Ne vous inquiétez pas.

M. CLOUTIER: Parce que j'ai nettement l'impression que sa stratégie, c'est justement d'éviter le débat de fond.

M. CHARRON: Quand on commencera arti-

cle par article, le premier à s'en rendre compte, s'il est encore avec nous, ce sera le ministre de l'éducation, mais...

M. CLOUTIER: Alors, est-ce à dire que vous comptez procéder pendant plusieurs mois?

M. CHARRON: Cela dépendra de vos réponses à nos amendements.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! à l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président, je reviens à ce que j'étais en train de dire. Il y a des dispositions dans la loi, le règlement m'interdit d'y faire référence de façon précise, je me soumets au règlement, mais vous savez comme moi qu'il y a des dispositions qui touchent à l'étiquetage. Des comparants à la table de cette commission sont venus suggérer des amendements que nous aurons tôt ou tard l'occasion de vérifier et au besoin d'inclure dans la loi.

Mais, M. le Président, vous savez qu'à chaque fois que le gouvernement québécois intervient sur ce chapitre litigieux de l'étiquetage, il se soumet lui-même à une impasse constitutionnelle. Deux exemples que je vous donne. La loi 45 que nous avons votée il y a à peu près deux ou trois ans, et qui s'appelait la Loi pour la protection du consommateur, contient des dispositions qui permettraient au ministre responsable de la protection du consommateur d'intervenir au chapitre de l'étiquetage des produits.

Or, c'est un secret de polichinelle que le ministre n'a jamais appliqué ces articles. Il a le pouvoir, en vertu de la loi, de le faire; il ne l'a jamais fait, pour une seule et simple raison, c'est qu'il craint les représailles constitutionnelles à ce chapitre et il ne sait pas si, dans la mesure où il appliquerait ces dispositions de la loi 45, il ne serait pas soumis automatiquement à une contestation de la constitutionnalité de cette intervention législative québécoise par le gouvernement central du pays.

Autre exemple, M. le Président. La Loi des marchés agricoles stipule que tout particulier qui découvre qu'un produit alimentaire — toutes ces dispositions sont bien connues, mais je ne fais que les rappeler au ministre — qui ne respecte pas le caractère prioritaire du français peut être dénoncé par n'importe quel citoyen du Québec. Or, vous savez qu'une compagnie, Dominion, pour ne pas la nommer, a contesté la constitutionnalité de cette loi devant un tribunal de Chicoutimi — mon collègue aura certainement l'occasion de parler tout à l'heure — est dans une impasse actuellement. Le gouvernement du Québec est en appel à la cour Supérieure. Devant le jugement de cette cour, on a contesté la constitutionnalité de ce chapitre de la loi sur l'étiquettage sous prétexte qu'il interférait au libre commerce interprovincial, ce qui est contenu dans la constitution, le British North America Act du Canada.

M. le Président, je ne veux pas vous donner un cours de constitutionnalité, ce n'est pas le domaine où je me sens le plus à l'aise, mais je suis un citoyen québécois et un député québécois qui a eu l'occasion, au cours des trois ou quatre dernières années, de vérifier que plusieurs interventions linguistiques ont souvent donné l'occasion de contestations constitutionnelles de la part du gouvernement central, outre ce qu'a signalé le député de Sauvé et le chef de l'Opposition ce matin, la coexistence injustifiable de l'article 133 de la constitution, non modifié, et de l'article 1, de la présente loi 22.

Tout ça, ces exemples que je vous ai donnés, ces besoins de lumière dont nous avons besoin... Est-ce que les employés de la couronne, je vise les employés fédéraux, sont touchés par la loi, ces 76,000 fonctionnaires québécois à l'emploi du gouvernement fédéral? Est-ce que les compagnies de la couronne comme le Canadien National, Air Canada peuvent être touchées, par une loi québécoise? Est-ce que les compagnies à charte fédérale ou les compagnies qui font affaires sur le territoire québécois, à partir d'une loi qui les a déclarées d'intérêt national, peuvent être touchées par une législation québécoise?

Finalement, pouvons-nous revenir sur le chapitre de l'étiquetage et étendre ce que le Parlement québécois a déjà voté pour les produits alimentaires à l'ensemble des produits, sans automatiquement encourir les foudres fédérales et la contestation de cette disposition constitutionnelle québécoise?

Tout cela, M. le Président, m'apparaît comme étant un élément de justification à l'appui de l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, pour que nous entendions ces experts québécois et, à l'occasion, étrangers qui, si vous regardez la liste que nous vous avons soumise, pourraient certainement nous éclairer. Je crois que l'intention du législateur doit être que tout ce qui se passe au Québec doit être touché par une loi québécoise et ce sont les gens indiqués pour nous aider à le faire.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Lafontaine sur la motion d'amendement.

M. CLOUTIER: Ils parlent tous?

M. LEGER: M. le Président...

M. CLOUTIER: Ils vont tous parler?

M, LEGER: Je ne sais pas, M. le Président, on verra. C'est une question hypothétique comme souvent les réponses que donnent les ministres du gouvernement quand on leur pose des questions.

M. CLOUTIER: Comme votre armada procédurière n'est pas au complet, il manque le

député de Maisonneuve, je me demandais si vous alliez tous parler.

M. LEGER: Vous allez vous en apercevoir, M. le Pésident, à mesure. Vous verrez qu'il manque pour chacun des députés suffisamment d'arguments pour vous convaincre... Comme de raison, si le ministre nous dépose tout à coup, sur la table, tous ses règlements, principes directeurs, sans condition...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela a été décidé. Si vous vouliez, cela irait tellement bien.

M. LEGER: Juste une demi-minute sur mon temps. Si vous déposez tout ce que vous avez promis, sans condition, cela se pourrait fort bien —c'est encore une question hypothétique...

M. CLOUTIER: Très hypothétique.

M. LEGER: ... que nous n'ayons pas d'autre amendement.

M. CLOUTIER: Très hypothétique parce que je vous ai déjà fait l'offre de le déposer à la commission à la condition que vous mettiez fin au débat et que vous commenciez le débat de fond.

M. LEGER: Je vous mets au défi de déposer sur la table tout ce que vous aviez promis de déposer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Lafontaine sur l'amendement.

M. LEGER: M. le Président, je débute en disant au ministre que je pourrais m'arrêter soudainement dans ce que je présente, s'il fallait que le ministre dépose sur la table tout ce qu'il nous a promis sans condition. S'il le fait, j'arrête soudainement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il le faisait, je vous avertis tout de suite.

M. LEGER: Oui, M. le Président, avertissez-moi tout de suite pour que cela ne se passe pas à mon insu.

M. le Président, je ne peux pas faire autrement que d'être très heureux et agréablement fier de remarquer la qualité des personnes qui sont incluses dans l'amendement présenté par le chef de l'Opposition. Celui-ci propose d'entendre l'avis d'experts. Quand je regarde la liste, je m'aperçois que ce sont des experts de la constitution, sur le projet de loi à l'étude, notamment en faisant appel à l'un ou l'autre.

C'est donc dire, M. le Président, qu'il ne faut pas que les députés membres de cette commission se sentent obligés d'inviter tous ces experts. Il se peut que quelques-uns parmi ce groupe soient suffisamment renseignés ou donnent une réponse suffisamment claire pour permettre à la commission de connaître d'avance les conséquences néfastes ou agréables de ce projet de loi 22 devant des attaques constitutionnelles qu'on pourrait lui apporter.

M. le Président, si on regarde l'éventail de ces personnalités, on s'aperçoit qu'elles sont diversifiées au niveau de la provenance. Nous avons des gens de l'université McGill, de l'université Laval, de l'Université d'Ottawa, nous avons des personnes de Toronto, de l'Université de Montréal.

Je pense qu'il y a déjà un certain éventail au point de vue de la réalité. Il y a aussi un certain éventail au point de vue des qualifications particulières. La proposition... Vous voulez que je renseigne le président. Je vais parler à travers le président, mais le ministre n'est pas là pour recevoir ce que je vais vous envoyer.

M. le Président, la première personnalité...

UNE VOIX: II va être désappointé d'être parti.

M. LEGER: ... que nous voulions convoquer, c'était M. McWhinney. Je ne m'étendrai pas, au grand désagrément du député de Terrebonne, sur ce sujet, puisque je l'ai fait suffisamment ce matin sur la motion principale, alors que j'ai démontré qu'une audition publique nous aurait permis de faire venir ce spécialiste qui, d'ailleurs, a écrit le Tome II du rapport de la commission Gendron sur les "language rights".

M. le Président, M. McWhinney, tout le monde le sait, c'est un éminent professeur à McGill et est capable de démontrer ici sa compétence...

M. BEAUREGARD: II a quitté McGill depuis longtemps.

M. LEGER: ... et de s'expliquer, selon les questions qui lui seront posées peut-être uniquement par les députés de l'Opposition mais peut-être aussi par les députés gouvernementaux.

M. DEOM: Le député de Lafontaine...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. LEGER: Oui, le député de Laporte.

M. DEOM: ... sait-il que le professeur McWhinney a laissé McGill pour une université de la Colombie-Britannique?

M. LEGER: Dernièrement?

M. DEOM: Est-ce que vous êtes au courant?

M. LEGER: Si vous me l'apprenez, je suis heureux d'entendre votre Te Deum.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: C'est une bonne nouvelle. De toute façon, de quelque endroit qu'il vienne, je pense qu'il n'a pas perdu sa compétence parce qu'il est allé en Colombie-Britannique.

M. BEAUREGARD: C'est une bonne nouvelle, parce qu'il nous a quittés.

M. LEGER: M. le Président, je ne m'étendrai pas davantage sur M. McWhinney, puisqu'il est maintenant en voyage. Il est maintenant non seulement passé par la Colombie-Britannique selon ce que disait le député de Laporte, mais il est en voyage en Angleterre. On se demandait, d'ailleurs, justement ce matin, si l'appel téléphonique que le premier ministre a reçu n'était pas une acceptation anticipée à cette demande que l'Opposition se préparait à présenter, puisque c'était un appel téléphonique d'Europe.

M. TARDIF: II est en Australie, plutôt.

M. LEGER: II n'avait pas eu de réponse du premier ministre. Il est peut-être encore au bout du fil.

M. TARDIF: II est en Australie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. DEOM: Le câble transatlantique étant exploité par une société fédérale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. DEOM: On ne pourrait pas imposer le français.

M. LEGER: Justement, M. le Président, il est peut-être possible, avec la présence de M. McWhinney, qui aura voyagé, par les soins de cette société fédérale de réaliser que, dépassé les frontières du Canada, sur le Canadien National, — si, par malheur, M. McWhinney a utilisé les avions de Air Canada — le bilinguisme n'est pas parfait à bord des avions et que le projet de loi sur la langue au Québec obligerait peut-être la Société Air Canada à n'avoir le français obligatoire que sur le territoire du Québec. Est-ce que cette société de la couronne a aussi l'obligation d'être française, même dépassé le territoire du Québec? Comme de raison, pour nous, il devrait y avoir uniquement du français avec la possibilité, si nous le désirons, d'avoir de l'anglais. Mais pour nous, principalement, c'est un problème, une société de la couronne qui aura à accepter ou à s'opposer peut-être à des dispositions que nous présente le projet de loi 22.

M. le Président, je passe au deuxième personnage qui est inclus dans l'amendement du chef de l'Opposition...

M. DEOM: Vous êtes bien sadique.

M. LEGER: ... M. Frank Scott, qui, je pense, est encore à McGill. Je ne sais pas si le député de Terrebonne peut me dire s'il est déménagé.

M. DEOM: Non, mais je voulais seulement dire que votre terme "personnage"...

M. LEGER: Est-ce qu'il y a un député de Laporte?

M. DEOM: Laporte. Votre terme "personnage" était très bien choisi, parce que "personnage", cela veut dire quelqu'un qui se prend au sérieux.

M. LEGER: Qui se prend au sérieux? On verra cela s'il est convoqué, M. le Président...

M. TARDIF: Un peu comme vous.

M. LEGER: ... si ses propos vont être sérieux.

M. le Président, je pense que M. Scott est à McGill; c'est un professeur qui a déjà écrit deux articles dans les journaux sur les droits des anglophones. Vous remarquez que nous voulons être certains que les droits des anglophones ne soient pas brimés, mais qu'ils n'en aient pas plus que ce à quoi ils ont droit.

M. TARDIF: Dites cela sans rire.

M. LEGER: Je suis très sérieux envers le député d'Anjou qui, habituellement, se tient toujours près des micros pour être capable d'intervenir au congrès du Parti libéral.

M. TARDIF: Je ne suis pas loin.

M. LEGER: Pour être certain qu'on n'oublie pas sa présence et que le ministre le remarque.

M. TARDIF: Vous, hélas, on ne peut pas oublier votre présence ici.

M. LEGER: Pour qu'on puisse rapidement lui donner le poste à la hauteur de ses ambitions.

UNE VOIX: ... aux congrès du parti?

M. MORIN: ... Les députés gouvernementaux nous font perdre un temps précieux.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Vous demanderez cela à Léger.

M. LEGER: Alors M. le Président, nous disions donc, avant que je sois interrompu par une impertinence du député d'Anjou, alors que j'étais pertinemment dans le débat, que nous avions la possibilité d'entendre ce grand spécia-

liste qu'est M. Frank R. Scott. Cela vous fait plaisir? C'est bon. Est-ce que vous êtes rapporteur de cette commission?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Parlez donc au président. De cette façon...

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le député de Gouin est un rapporteur?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, il n'est pas rapporteur.

M. LEGER: Je ne voudrais pas qu'il rapporte mes paroles à M. Scott, parce que M. Scott pourrait venir ici et se demander pour quelle raison la commission voterait contre une motion de cette qualité où on peut utiliser les services de personnalités qui ont la compétence voulue dans le domaine qui nous fatigue actuellement, avant de commencer à étudier le contenu de ce projet de loi. On veut être certain qu'on ne fait pas cela pour rien et qu'il n'y a aucun empêchement constitutionnel et que, quand nous commencerons à toucher à l'article 1, nous ne serons pas en dehors des possibilités du poste du Parlement québécois. Il y a aussi, comme troisième invité possible, M. L. M. Bloomfield, qui est un avocat et qui est aussi président de l'International Law Association. Je me permets de faire la traduction pour le député de Gouin, c'est le président de l'Association des avocats internationaux.

M. BEAUREGARD: Thank you.

M. LEGER: Cela vous convient? Alors, M. Bloomfield pourra certainement nous apporter un éclairage sur un autre aspect de la constitu-tionnalité du projet de loi 22. Tout le monde connaît M. Jean-Charles Bonenfant, qui est venu témoigner lors de la commission sur la répartition des comtés, la division territoriale des comtés, alors que nous avons étudié les projets de loi pour modifier la carte électorale. Il y avait des problèmes de droit importants...

M. TARDIF: C'est sur le mode de scrutin qu'il est venu témoigner.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Je vois justement que le député de Terrebonne a soufflé entre les deux oreilles vides du député d'Anjou pour que celui me retourne par sa bouche les explications du député de Terrebonne.

M. TARDIF : Mais il y a quelque chose entre entre mes deux oreilles. On ne peut pas en dire autant de vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: M. le Président, en plus de M.

Bonenfant, il y a quand même M. François Chevrette, de Montréal, qui est aussi un autre professeur en droit constitutionnel. Nous allons maintenant voyager à Toronto, où nous avons l'éminent spécialiste; M. Albert Abel. C'est un des premiers, je crois, son nom l'indique bien, de l'Université de Toronto, il a aussi été un professeur en droit constitutionnel à l'Université de Toronto. Nous pourrions voir à ce moment les réactions de la province voisine devant un projet de loi qui pourrait devenir un précédent dans tout le Canada parmi toutes les provinces canadiennes. Il y a aussi, et je demeure dans la province voisine, M. Gérald Beaudoin, qui est professeur aussi dans le même domaine, en droit constitutionnel, à Ottawa. Je vois que le député de Terrebonne est heureux que nous n'ayons présenté qu'une dizaine de spécialistes pour cette commission — je ne les ai pas comptés, un, deux, trois...

M. VEILLEUX: Douze, donc 50 p.c. anglophones, et 50 p.c.

M. LEGER: II y en a dix, M. le Président. Je ne sais si vous avez bien compté, mais j'en ai dix.

M. VEILLEUX: 50 p.c. francophones, 50 p.c. anglophones. Vous ne gardez pas le pourcentage 80 p.c.-20 p.c.

M. LEGER: Moi, j'en ai dix, je ne sais pas où vous avez pris douze. C'est vrai que le député de Saint-Jean a réussi à se trouver un autre fauteuil avec coussin, du côté ministériel.

M. TARDIF: ... trois, quatre qui enveloppent comme cela.

M. LEGER: M. le Président, il y a aussi un monsieur qui s'appelle Henri Brun, de l'Université Laval, qui aurait certainement quelque chose à dire et qui serait peut-être prêt un des premiers à venir témoigner.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous me permettez?

M. LEGER: Je n'oserais jamais donner la permission au député de Saint-Jean, qui m'interrompt sans demander la permission.

M. VEILLEUX: Onze.

M. LEGER: Vous l'avez suffisamment fait auparavant. Vous voulez dire qu'il y en a onze. Vous me direz lequel j'ai oublié pour que je ne répète pas durant le temps qui m'est consacré dans ce débat important. Il y a aussi M. Jean K. Samson, de l'université Laval, qui, d'après moi, est le neuvième, je ne sais pas si j'en oublie un, et M. Stephen Allan Scott.

Je comprends l'astuce, la subtilité du député de Gouin. Cela me surprenait parce qu'habituel-

lement, ses interventions n'étaient pas aussi subtiles. Cette fois-ci, c'était subtil, puisqu'il y a évidemment deux Scott.

M. BEAUREGARD: J'imagine que vous allez dire la même chose du deuxième que du premier.

M. LEGER: Non, c'est parce qu'il y a certains députés libéraux qui se mélangent entre deux scotches.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEAUREGARD: Est-ce que vous parlez du scotch Saint-Léger?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Nous sommes rendus, M. le Président, à Stephen Allan Scott.

M. VEILLEUX: J'avais entendu "pot", moi.

M. LEGER: M. le Président, ce M. Scott est de McGill, comme de raison; c'est pour cela qu'il peut y avoir, parfois, une erreur entre deux éminents spécialistes de la question constitutionnelle qui ont le même nom — deux homonymes — et qui sont à la même faculté. Je comprends les appréhensions. Il faudrait nécessairement qu'on fasse diligence pour que, quand les convocations seront faites, on ne fasse pas l'erreur d'envoyer deux invitations à la même personne. Or, M. le Président, tout cela pour conclure...

M. VEILLEUX: Est-ce que vous me permettez, M....

M. LEGER: Le douzième? Vous allez nommer le douzième?

M. VEILLEUX: Non, non. Le onzième. M. LEGER: Le onzième. Oui.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous pourriez me donner le curriculum vitae de M. F. Chevrette?

M. LEGER: Le quoi?

M. VEILLEUX: F. Chevrette?

M. MORIN: Oui, c'est mon collègue à l'Université de Montréal.

M. VEILLEUX: J'ai posé la question au député de Lafontaine.

M. MORIN: Je ne pense pas que le député de Lafontaine le connaisse.

M. LEGER: Oui, mais il enseigne... à l'Université de Montréal.

M. MORIN: Je pense qu'il le connaît de réputation générale, mais si vous voulez des détails, je peux vous les donner. Je pense même que le député d'Anjou l'a peut-être eu comme professeur.

M. LEGER: D'ailleurs, si vous avez remarqué...

M. TARDIF: C'est après moi. Moi, je vous ai eu. Hélas!

M. LEGER: ...de la façon que je l'ai expliqué, j'ai passé rapidement sur M. Chevrette, parce que justement c'était un professeur de droit constitutionnel. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus? Je ne le connais pas.

M. MORIN: Méfiez-vous! Je sortirai vos notes d'examen un jour.

M. LEGER: Je le connaîtrai davantage lorsqu'il se sera exprimé ici, et quand le brillant député de Saint-Jean...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! .

M. LEGER: ... aura posé les questions profondes qui le retiennent ce temps-ci de ne pas s'exprimer sur le fond de nos questions et de nos motions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, tout cela pour dire que si...

M. HARDY: Les journalistes vont rapporter cela, par exemple.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Est-ce que le député de Terrebonne a une question à poser?

M. HARDY: ...toutes sortes de choses que les journalistes ne rapportent pas quand c'est le député de Sauvé...

UNE VOIX: ...du chantage.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, si nous devons, après l'adoption de la loi 22...

M. SEGUIN: M. le Président...

M. LEGER: ...aller devant les tribunaux...

M. SEGUIN: M. le Président, est-ce que le député...

M. LEGER: Question de règlement ou question personnelle?

M. SEGUIN: Est-ce que le député de Lafontaine me permettrait une question?

M. LEGER: Je le connais. Habituellement, il est assez habile. Il a beaucoup d'humour. Je vais essayer. Je vais prendre une chance.

M. SEGUIN: Sans humour et avec tout le sérieux du milieu, êtes-vous membre de la Société des artistes?

M. LEGER: Ecoutez. J'ai posé la question au ministre tantôt quand je lui ai dit qu'il était un bon acteur. Il jouait le rôle de François, mais pas celui de François 1er, François II. Je lui disais tantôt que Fernandel avait joué le rôle de François 1er, mais qu'il avait plus d'humour, comme François 1er, que le ministre qui est en train d'attrister tous les Québécois. Vous avez manqué cette partie du débat.

M. SEGUIN: Vous avez répondu à ma question, M. le député.

M. LEGER: Bon! Parfait! M. le Président, j'étais en train de dire que nous allons, à un certain moment, je présume, arriver à l'article 1, qui traite de la base même de la constitutionnalité du bill 22 en son entier.

A cet article, le gouvernement aura à faire un choix, à savoir si le français sera la seule langue officielle. Le premier ministre, comme il l'a fait en fin de semaine, a beau dire: Cela veut dire cela; le français, langue officielle. Comme je le disais tantôt, ce qui va mieux en le disant. Il faut le dire, mais à l'article 1, et c'est exactement la pertinence, M. le Président... Vous allez voir que ce que je veux avancer va faire la preuve de la motion, et que si, en ce cas, le premier ministre a le courage, à l'article 1, d'indiquer que le français est la seule langue officielle, nous serons alors devant un problème constitutionnel. Et l'éclairage des invités que je viens de mentionner sera peut-être très utile à la commission pour savoir comment s'en sortir quand nous arriverons à l'article 1. Ce n'est pas à l'article 1 que nous allons dire: Nous suspendons les travaux pour avoir un éclairage des spécialistes en droit constitutionnel. C'est avant, M. le Président.

Gouverner, c'est prévoir. Alors, il faut prévoir. Pour prévoir le dilemme auquel nous aurons à faire face à l'article 1, eh bien, il faut convoquer des personnes qui sont des spécialistes en droit constitutionnel. Peut-être qu'ils ne seront pas d'accord entre eux et que cela soulèvera d'autres questions pour d'autres articles de ce projet de loi.

Mais si le premier ministre accepte de mettre dans l'article 1 que le français est la seule langue officielle, à ce moment, il faudra immédiatement, par la suite, abroger l'article 133 avec toutes ses conséquences. Les spécialistes en droit constitutionnel que nous voulons convoquer pourront nous dire immédiatement si c'est possible, d'abord, pour le Québec de le faire, quelles sont les conséquences juridiques à travers tout le projet de loi, et spécialement à l'article 1, des conséquences de l'abrogation de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

C'est donc dire l'importance à ce stade-ci... Pardon? Seulement deux minutes? Ah bon! M. le Président, je vais faire mon possible pour comprimer ce qu'il me restait à dire pour convaincre le ministre qui est absent. Les 76,000 employés du gouvernement fédéral qui sont des Québécois et qui, lors de la déclaration de l'indépendance du Québec, pourront être inclus dans le gouvernement provincial qui deviendra un gouvernement national, se posent des questions: Est-ce qu'ils devront travailler uniquement en français avec cette loi? Autant l'article 133, s'il est abrogé, va nous amener à des questions de cette nature, autant il vaut mieux être éclairé avant d'errer à l'article 1.

Nous, du Parti québécois, n'avons pas l'habitude d'errer. Nous avons l'habitude de préparer profondément nos interventions, et je pense que le député de Saint-Jean, qui est toujours béat d'admiration devant nos interventions, pourrait confirmer ce que j'affirme parce que, depuis tantôt, il me dit oui, depuis au moins dix minutes.

M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Lafontaine me permettrait de lui dire quelque chose?

M. LEGER: Quelque chose? Une question seulement...

M. VEILLEUX: Oui, une question.

M. LEGER: ... pas une affirmation. Une question, oui.

M. VEILLEUX: II m'a tellement convaincu que je suis prêt à voter.

M. LEGER: Vous êtes prêt à voter en faveur de ma motion?

M. VEILLEUX: Pas d'ultimatum. Je suis prêt...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Non, mais vous dites... si je vous ai convaincu...

LE PRESIDENT (M. Gratton): 30 secondes.

M. LEGER: 30 secondes pour convaincre le député de Saint-Jean? M. le Président, c'est pas mal demander. Toutes les implications au Québec du français, seule langue officielle, avec abrogation de l'article 133, amènent des conséquences dont on ne peut même pas se douter à ce stade-ci. C'est donc la raison pour laquelle il

est absolument essentiel que la motion du député de Sauvé, chef de l'aile parlementaire, qui demande d'entendre, non pas toutes les personnes, mais l'une ou l'autre de ces personnalités ou plusieurs de ces personnes responsables qui ont autant du côté anglophone que francophone une expérience de la constitution, qui l'enseignent tous les jours à des élèves, devraient être convoquées...

Les partis de l'Opposition sont prêts à laisser à la commission le soin de les choisir. On sait qu'une fois que la commission aura accepté cette motion, elle devra, à ce moment, choisir... Je doute fort qu'elle pourra convoquer toutes les personnes qui sont sur la liste devant nous. Je laisse à la commission le soin, si elle accepte cette motion, de convoquer les personnes qu'elle croit les plus aptes à renseigner cette commission, de façon qu'en arrivant aux articles controversés nous puissions avoir des arguments publics, enregistrés au journal des Débats pour faire face au "filibustering" que nous prépare, peut-être, le premier ministre Trudeau dans ses menaces à peine voilées, de faire ce que nous disions, ce matin, se servir du désaveu, aller à la cour Suprême, chose qu'aucun gouvernement provincial n'oserait faire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est terminé.

M. LEGER: ... mais il pourrait y être traîné...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est terminé.

M. LEGER: ... ou même faire ce qu'il fait actuellement, c'est-à-dire la persuasion auprès du gouvernement. Le député de Saint-Jean est convaincu, M. le Président? Je vous remercie. J'ai terminé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi sur la motion d'amendement.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je trouve très sérieux l'amendement qui a été "présenté par le chef de l'Opposition. J'entends rire certains députés de l'autre côté de la table. Peut-être qu'ils n'ont pas vraiment compris le sérieux de cet amendement.

M. TARDIF: Vous pourriez prendre vingt minutes pour nous expliquer ça!

M. BEDARD (Chicoutimi): Je crois que cela devrait être rassurant pour les députés de l'autre côté de la table.

Avec cette précision qui a été apportée par l'amendement, cela montre très clairement l'idée du Parti québécois de ne pas essayer de prolonger indéfiniment le débat sur la proposition principale à l'effet de demander que des auditions publiques aient lieu au cours de cette commission, dans le sens que l'amendement se réfère à quelques personnes, une dizaine, qui ont comme point commun d'être toutes des expertes en constitutionnalité.

M. le Président, à moins de ne pas être sérieux en tant que législateur, surtout sur une loi d'importance comme celle que nous allons avoir à étudier, je ne vois pas comment on peut mettre de côté le sérieux d'étudier la constitutionnalité d'une loi que nous aurons à voter en tant que législateur, si nous sommes sérieux dans ce rôle de législateur, surtout si cette constitutionnalité, on peut le voir, semble déjà mise en doute, à ce moment. Si nous n'avions pas la précaution de nous renseigner, de renseigner la commission, par des experts, non pas par les membres de la commission, mais par des experts en matière constitutionnelle, nous risquerions de travailler peut-être durant un mois, deux mois sur ce projet de loi pour rien.

Que nous votions ce que nous voulons, si c'est anticonstitutionnel, à quoi aura servi un ou deux mois de discussions si cela doit être, à la fin de compte, déclaré illégal? Il me semble que c'est mieux de marquer un temps d'arrêt, de perdre peut-être quelques minutes, même une ou deux journées à entendre des experts constitutionnels de manière à pouvoir légiférer en toute connaissance de cause.

Je comprends que les officiers de l'autre côté de la table ont l'opportunité d'être informés — au moins le ministre, je l'espère — par des légistes du gouvernement, par des fonctionnaires qui sont affectés à cette fonction, mais de la part de l'Opposition, il faut bien penser qu'il n'y a pas seulement le gouvernement qui légifère, également l'Opposition a un rôle très positif à apporter au niveau de la législation et elle ne peut jouer ce rôle sans être informée d'une façon totale, la plus entière possible. La manière d'informer l'Opposition pour pouvoir jouer son rôle d'une façon efficace, c'est tout simplement d'accéder à la demande que nous faisons à l'effet de permettre à des experts constitutionnels de venir faire entendre leur point de vue pour éclairer les deux parties enfin de légiférer d'une façon correcte.

Le fond de la question, quand on parle de la constitutionnalité, cela équivaut à quoi? Cela équivaut à se demander d'une façon très précise: Est-ce que nous légiférons ici comme une majorité québécoise, qui a les pleins pouvoirs politiques pour voter une loi et la faire appliquer, ou sommes-nous en train de légiférer comme une minorité canadienne, qui sera constamment sujette au chantage qui pourrait être exercé par des autorités législatives qui seraient supérieures, à savoir le gouvernement fédéral? Cet élément est d'autant plus important qu'il faut... Si vous me permettez un exemple qui pourrait essayer d'expliquer le mieux possible quel est le genre de chantage, quels sont les inconvénients qu'il pourrait y avoir si nous devions légiférer avec une menace continuelle de désaveu sur la tête du gouvernement. Je me

dis que s'il y avait une possibilité de désaveu et qu'une fois pour toutes on ne règle pas la question, cela équivaut à garder continuellement, concernant une loi du Québec, un élément de chantage, un élément de pression de la part d'une autorité qui se dit supérieure, à savoir le gouvernent fédéral, et qui pourrait menacer continuellement le gouvernement du Québec — alors que nous en serions plus ou moins conscients — concernant l'application de sa loi. Vous avez une loi, d'autre part, les lois valent pour autant qu'elles sont appliquées.

Si ce danger de désaveu existait, ce danger d'anticonstitutionnalité, d'inconstitutionnalité existait réellement et qu'il n'avait pas été vidé complètement, à ce moment-là, on pourrait être l'objet de pressions de la part de forces de l'extérieur qui nous menaceraient, toutes les fois que le gouvernement voudrait faire appliquer d'une façon rigoureuse, rigide—j'espère que c'est son intention puisqu'il fait la loi — toutes les fois qu'il voudrait faire appliquer la loi d'une façon rigide, rigoureuse et que ceci aurait pour effet de susciter certains mécontentements de la part d'une partie de la population, on serait toujours face à cette pression, à ce chantage de remettre en cause la constitu-tionnalité de la loi. C'est dans ce sens que l'amendement est apporté et l'ensemble de la motion qui a été apportée et du sujet sur lequel nous discutons est important. Dans le sens qu'on ne peut pas se permettre de légiférer en étant continuellement à la merci des réactions extérieures au Québec, c'est-à-dire toujours nous menacer de mettre en cause la constitu-tionnalité de la loi que nous avons votée. Il faut aller au bout de notre raisonnement. Si, à la suite de la comparution de certains experts, il devenait évident que la loi que nous votons est anticonstitutionnelle, ceci devrait nécessairement nous amener à deux conclusions possibles: soit arrêter notre législation et prendre les mesures, en toute logique, d'abolir légalement l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ou encore faire le raisonnement très simple et très logique de se dire qu'il n'y a qu'une manière de régler une fois pour toutes le problème de la langue au Québec, qu'il n'y a qu'une manière d'élaborer une politique linguistique avec les pleins pouvoirs politiques, c'est celle de faire l'indépendance du Québec où on aura un gouvernement pleinement québécois, un vrai gouvernement québécois qui pourra élaborer une vraie politique linguistique sans être sujet à quelque chantage que ce soit.

De toute façon, comment pourrait-on être assez inconscient lorsqu'on sait jusqu'à quel point peuvent être longues et interminables les discussions juridiques, quelle qu'elles soient? Comment pourrait-on être assez inconscient pour accoucher d'une législation et savoir ou risquer de s'embarquer tout de suite après dans des procès au niveau de la légalité de cette loi, dans des procès interminables, mettant en doute les capacités juridictionnelles du Qué- bec? Je me permets simplement d'apporter un exemple à la commission, un exemple vécu. Quand on parle de la longueur des conflits, dans nos procès, je pense que je n'ai pas une grosse preuve à faire pour montrer jusqu'à quel point la justice peut être lente au Québec, malgré tous les efforts que chacun peut essayer d'y mettre pour la rendre plus expéditive. Je me permettrai d'apporter seulement un exemple. A titre d'avocat, ayant à représenter un client, j'ai eu justement à intenter des actions contre environ 32 compagnies alimentaires genre Dominion, ces grosses compagnies, en vertu de la Loi des marchés agricoles, concernant l'étiquetage, où des individus, tel que c'étaient leurs droits, s'étaient rendu compte qu'en faisant leur marché, bien des produits n'avaient pas...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement, je m'excuse auprès de mon confrère. Je remarque que nous n'avons pas quorum autour de la table sur un sujet aussi important. Je vois le député de Terrebonne qui revient, mais il n'y a que les membres en règle de la commission qui doivent former le quorum, je pense, et nous n'avons pas quorum actuellement.

M. TARDIF: On a quorum, on est sept. M. LACHANCE: ... parle pour rien.

M. LEGER: II n'y a pas sept députés, quand j'ai mentionné le fait, qui sont membres de la commission. Il y a le député de Laporte qui est membre, le député de Mille-Iles, ça fait deux; le député d'Anjou, ça fait trois; le député de Terrebonne vient d'entrer et le député...

M. HARDY: Je me suis absenté pour trois minutes.

M. LEGER: Je n'en suis pas après vous. On n'a pas quorum, actuellement. Est-ce que vous pourriez vérifier, M. le Président? Il ne faudrait pas compter ça sur son temps. Les députés qui sont membres de la commission doivent être présents ici.

M. HARDY: Avez-vous besoin à ce point d'auditoire?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le règlement... Vous qui étiez tellement sérieux sur le règlement et qui, souvent, nous empêchiez de passer des motions parce que vous utilisiez le règlement à votre façon, le règlement dit qu'il faut avoir au moins quorum pour siéger.

M. TARDIF: On l'a.

M. LEGER: Sur un débat de cette envergure.

LE PRESIDENT (M. Lapointe): A l'ordre!

M. LEGER: Ce sont les députés qui sont membres de la commission qui forment le quorum et non pas ceux qui ont droit de parole uniquement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'intention des personnes dans les galeries — et je me sens un peu comme un vieux Victrola parce que je me répète assez souvent, mais je le fais très sérieusement — il n'est pas permis pour le public d'applaudir, de manifester de quelque façon que ce soit. Compte tenu de la situation actuelle, nous devrons être très sévères et, si cela devait se présenter à nouveau, je devrai demander qu'on évacue les galeries du public.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que vous voulez actuellement vérifier le quorum, des députés qui ont droit de vote et non les députés qui ont droit de parole?

LE PRESIDENT (M. Gratton): On a quorum.

M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Voulez-vous qu'on fasse le compte ensemble? Je vous dis qu'on a quorum. Je n'ai pas l'habitude de mentir.

M. LEGER: Non. Je prends votre parole.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, revenant à l'importance du sujet dont nous avions à discuter, j'en étais sur le fait, d'une façon générale, que tout législateur sérieux ne peut se permettre d'essayer de voter à la vapeur une loi, pour ensuite tomber dans des procès interminables.

J'amenais à cet effet un exemple vécu, à savoir un mandat que j'ai eu il y a deux ans de la part d'individus en particulier, à l'effet de contester, en vertu de la Loi des marchés agricoles, l'étiquetage de certains produits alimentaires. Autrement dit, ces individus québécois francophones avaient remarqué que sur de nombreux emballages de produits alimentaires qu'ils consommaient, les compagnies n'avaient pas la décence de placer, au moins en caractères aussi lisibles et importants qu'en anglais, les recommandations qu'il est normal d'inscrire sur ces produits, et ce, en français.

Des individus, se prévalant d'un droit très normal, celui d'être informé dans leur langue, soit en français, sur ce qu'ils consomment, au même titre que les minorités le font ici au Québec sur les produits qu'ils consomment, avaient à ce moment-là, contesté en cour. Nous avions intenté des actions contre ces 32 compa- gnies d'alimentation, avec le résultat suivant: Cela fait deux ans que l'action a été prise, mais à un moment donné, alors qu'une décision était attendue, les compagnies en question ont décidé de contester la constitutionnalité de la loi, autrement dit de contester la capacité du gouvernement du Québec, d'exiger qu'au moins dans le domaine alimentaire les consommateurs soient aussi bien renseignés en français qu'ils le sont en anglais.

A ce moment-là, le procureur général et ces compagnies contestant la validité de la constitutionnalité de la loi... Cela a donné comme résultat que ces causes sont présentement en appel devant la cour Suprême du Canada, depuis maintenant deux ans, aux fins d'obtenir une décision fondamentale à savoir: Est-ce que le Québec a le droit de légiférer en matière linguistique ou d'imposer des restrictions à ces grosses compagnies à l'effet d'informer le consommateur aussi bien en langue française qu'en langue anglaise?

Un gouvernement, dans une loi aussi importante que celle-là, comme dans n'importe quelle autre loi, ne peut se permettre de ne pas prendre au sérieux la demande que nous faisons par l'amendement présenté par le chef de l'Opposition.

On sait une chose, c'est que par rapport à cette loi, du point de vue constitutionnel, le gouvernement peut faire trois choses.

D'abord, il a le pouvoir, il semble qu'il pourrait avoir le pouvoir de désavouer une loi de la Législature provinciale. Je sais qu'il y en a qui vont dire non, mais il y a quand même des exemples, comme preuve le Manitoba. Certaines lois ont été adoptées au Manitoba, puis ont été désavouées, dans les années trente.

Je crois qu'on a le droit, non seulement on a le droit, mais il n'y a pas un législateur sérieux qui ne doit pas se poser la question concernant l'opportunité de voir s'il y a vraiment un pouvoir de désaveu concernant la loi que nous avons à adopter.

Le gouvernement peut adopter une autre attitude, qui est celle de contester la constitutionnalité de la loi en cour Suprême. On sait quelle est la composition de la cour Suprême à l'heure actuelle, où un tiers des francophones y assurent la représentation, sans mettre en doute leur intégrité intellectuelle, il reste quand même qu'il y a certains Québécois qui pourraient avoir des réserves sérieuses à ce que ce conflit soit tranché par une décision de la cour Suprême.

Le gouvernement fédéral peut également — je pense que c'est peut-être la solution qui semble la moins dangereuse, mais qui est la moins acceptable en ce qui me regarde — demander à la Législature provinciale de modifier son projet. C'est une sorte de menace voilée constante. C'est une sorte de chantage, à mon sens, qui traduit bien ce que voulait dire M. Trudeau, le premier ministre francophone du Canada qui ne reconnaît même pas la thèse des deux nations, ici au Canada. Ceci fait suite, à

mon sens, à une déclaration qu'il faisait lors des élections fédérales concernant la politique linguistique alors qu'il déclarait, devant le projet de loi 22, à un auditoire anglophone, qu'il allait parler à ses petits frères québécois.

Je ne pense pas qu'on doive adopter une loi en ayant toujours présent, même si c'est un doute dans notre esprit, un doute qui a des influences extérieures qui peuvent influer d'une façon très directe sur la politique linguistique que veut mettre de l'avant le gouvernement du Québec.

On a assez, à mon sens, du chantage des grosses compagnies qui, dans le rapport Fantus, ont très bien dit ce qu'elles exigeaient du Québec, à savoir de régler le problème des syndicats et de faire une politique linguistique qui ne soit pas trop ferme dans le domaine du travail. On s'aperçoit, sans entrer dans le fond, qu'on commence à avoir des doutes que le gouvernement puisse obéir à la lettre aux recommandations faites justement à l'occasion du rapport Fantus. On en a assez de ce chantage, en tout cas, de ces forces de pression qui jouent contre nous, sans y ajouter pardessus le doute qu'on pourrait avoir à l'esprit qu'un autre gouvernement, prétendant constitu-tionnellement pouvoir désavouer une de nos lois, ce serve de cet élément comme d'une force de pression, soit pour désavouer la loi elle-même ou soit même pour modifier le projet de loi, une fois pour toutes. C'est cela la base de ce que nous demandons à l'heure actuelle, c'est d'éclaircir.

Je ne crois pas que les gens de l'autre côté de la table —j'en suis convaincu —partagent notre idée à savoir qu'on ne peut quand même pas commencer à légiférer ou à travailler sur le projet de loi 22 durant un mois, deux mois, ayant toujours présent à l'esprit que ce qu'on fait durant ce temps peut, d'une claque, légalement parlant, être mis de côté par une instance supérieure qui est le gouvernement fédéral.

Malheureusement, je commence à présumer que, même si les arguments ne convaincront pas les gens de l'autre côté de la table d'accéder à la demande du chef de l'Opposition, peut-être serait-il mieux d'apporter des arguments qui viennent de gens qui ne sont pas proprement en amour avec le Parti québécois et qui, effectivement, pensent dans le même sens, ont les mêmes préoccupations que celles dont nous faisons part à l'heure actuelle au gouvernement au niveau de cette commission, à savoir l'éditorialiste du Devoir, qui... Pardon?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le temps est écoulé, si vous voulez conclure assez brièvement.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je vais conclure très brièvement, dans le sens suivant, que l'amendement qui est fait par le chef de l'Opposition est très rassurant pour les gens de l'autre côté de la table, pour les députés du gouvernement, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement que de se rendre compte que nous voulons circonvenir, circonscrire, le nombre d'abord de ceux qu'on veut entendre à la commission et circonscrire aussi le sujet sur lequel on veut les entendre. Le sujet sur lequel on veut les entendre ne peut pas être qualifié de non sérieux. C'est sur la constitutionnalité, c'est sur la base même qui nous amène à nous demander, encore une fois, si nous devons légiférer — et je termine là-dessus, M. le Président — comme une majorité québécoise ayant les pleins pouvoirs politiques ou comme une minorité canadienne sans cesse obligée de demander des conseils ou sans cesse sous la menace d'autorités qui sont supérieures aux autorités québécoises.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la motion d'amendement.

M. LESSARD: M. le Président, je vous avouerai que j'ai beaucoup de difficultés à comprendre l'entêtement du gouvernement à toujours vouloir refuser les propositions du Parti québécois.

M. VEILLEUX: Je tiens à dire au député de Saguenay qu'on ne s'est pas prononcé encore sur la proposition d'amendement. Ne nous prêtez pas d'intentions.

M. LESSARD: Le passé est garant de l'avenir.

M. VEILLEUX: Parce que plus cela va, moi, je m'ennuie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous êtes d'accord, pourquoi n'y aurait-il pas un ou deux du gouvernement qui interviendraient dans ce sens? Cela pourrait nous donner une indication.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Saguenay a la parole.

M. LESSARD: M. le Président, le passé est garant de l'avenir. Puis-je vous rappeler, encore une fois, combien d'heures de discussions nous avons dû faire pour obtenir enfin l'assurance du ministre de l'Education que la réglementation sera déposée dès l'étude du premier article?

M. VEILLEUX: Le principe.

M. HARDY: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.

M. LESSARD: Si cela n'avait été de l'acharnement...

M. HARDY: Mentez, mentez.

M. LESSARD: ... du ministre de l'Education à refuser la motion que nous avions faite en ce sens, combien d'heures de discussions aurions-nous pu sauver? C'est à se demander si le gouvernement veut que nous nous attaquions à l'étude de ce projet de loi. C'est à se demander si le gouvernement ne fait pas de l'obstruction systématique à toutes nos demandes, afin que l'hypocrisie de ce projet de loi ne puisse être démasquée quand nous en entreprendrons l'étude des différents articles. Le gouvernement veut-il nous imposer cette discussion sur des demandes qui nous apparaissent pourtant essentielles, normales, en vue de justifier l'application pour une deuxième fois consécutive du règlement de clôture? Si le gouvernement avait daigné accepter la motion qu'a proposée le député de Saint-Jacques hier, et qui est modifiée par le chef parlementaire de l'Opposition, peut-être aurions-nous terminé ce soir l'audition de ces experts constitutionnels et peut-être aurions-nous pu commencer enfin l'étude de l'article 1? Nous sommes en droit, je pense, de nous interroger sur la stratégie de ce gouvernement.

Nous sommes en droit de nous demander si ce gouvernement n'aurait pas peur de discuter de son projet de loi, article par article, et si ce gouvernement ne nous engagerait pas dans une discussion sur des motions du Parti québécois, qui sont essentielles. D'ailleurs, M. le Président, d'après ce que le député de Saint-Jean vient de dire, nous commençons à nous demander si, après de nombreuses heures de discussion, le gouvernement n'acceptera pas la motion du chef parlementaire de l'Opposition.

M. MORIN: Cela ne m'étonnerait pas.

M. VEILLEUX: Non, ce que je voulais dire...

M. LESSARD: Pourquoi, M. le Président, à ce moment...

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député de Saguenay me permet? Je veux tout simplement lui dire que le député de Lafontaine m'avait permis de me faire une idée. Le député de Chicoutimi, le contraire, alors moi, j'annule, M. le Président. Je suis obligé.

M. BURNS: Voulez-vous des timbres?

M. MORIN: Annulez-vous le bill 22?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. TARDIF: Vous voulez y dépenser $25,000?

M. LESSARD: II faut dire, M. le Président...

M. HARDY: Le député de Maisonneuve veut lui passer le sien qu'il n'a pas utilisé.

M. LESSARD: ... que de l'autre côté, soit à l'Assemblée nationale, nous venons d'adopter le bill 44. On ne l'a pas divisé en deux.

M. VEILLEUX: Vous avez multiplié le bill 22 par 2. C'est cela que vous avez fait.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay a-t-il complété?

M. LESSARD: Non, M. le Président.

M. VEILLEUX: Vous avez adopté deux fois le bill 22 de l'autre côté.

M. LESSARD: C'était le bill concernant SIDBEC.

M. VEILLEUX: D'accord! UNE VOIX: On le sait.

M. LESSARD: Si nous faisons cette motion, c'est d'abord parce que nous avons à étudier, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, malgré le fait que le gouvernement soit sourd à nos revendications, le projet de loi qui sera probablement le plus important ou qui aura probablement le plus de conséquences sur l'ensemble de la collectivité québécoise. Ce projet de loi soulève non seulement ici, à l'Assemblée nationale, mais soulève aussi, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, certaines interrogations qui nous apparaissent essentielles. En plus des interrogations, qui ont été soulevées au moment de la commission parlementaire et au moment de la deuxième lecture, nous avons pris connaissance, depuis quelques jours, de deux faits nouveaux qui nous amènent à présenter la motion qu'a présentée le chef parlementaire de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais rappeler au député de Saguenay qu'il parle sur l'amendement et non pas sur la motion?

M. LESSARD: L'amendement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je sais qu'il va les relier éventuellement...

M. LESSARD: D'accord!

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... mais je voudrais bien qu'il le fasse en dedans des 20 minutes qui lui sont accordées.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président. Je parlerai sur la motion... Cela ne fait rien, M. le Président. Je peux parler mes deux 20 minutes, à la fois sur la motion et à la fois sur...

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... pas confiance là-dessus.

M. HARDY: ... sur la question de règlement. Pour ma part, je serais d'accord quand on sait les fins poursuivies par le Parti québécois...

M. LACHANCE: II est défait...

M. HARDY: ... je serais d'accord pour que vous laissiez aller le député de Saguenay avec la motion...

M. LESSARD: Alors, M. le Président...

M. HARDY: ... sinon, vous allez l'obliger à en écrire une autre.

M. LESSARD: .. je m'excuse. C'est un lapsus linguae. Je voulais parler, M. le Président, de l'amendement du chef parlementaire de l'Opposition, à la motion du député de Saint-Jacques.

M. TARDIF: II change de discours.

M. LESSARD: Je disais que deux faits nouveaux nous sont maintenant connus depuis quelques jours. D'abord, il y a le fait — je n'insiste pas sur cela — que nous nous interrogions, pendant un certain temps, sur la réglementation et sur cette préparation de cette réglementation, on se posait la question à savoir si elle était prête oui ou non. Ce n'est pas surtout, M. le Président, ce fait qui a certainement amené le chef parlementaire de l'Opposition à circonscrire la motion du député de Saint-Jacques.

C'est d'abord la déclaration du chef de M. Bourassa, à savoir M. Trudeau, qui a soulevé l'éventualité d'utiliser, après 30 ans de désuétude, la possibilité du droit de désaveu. Vous conviendrez qu'il ne nous est pas facile...

M. TARDIF: Où avez-vous vu cela?

M. LACHANCE: II a rêvé cela.

M. TARDIF: II a entendu cela en forêt!

M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'excuse auprès du député de Saguenay. Il avait un geste comme celui du ministre de l'Education.

M. LESSARD: Ou du ministre des Affaires culturelles. Vous comprenez qu'il ne nous est pas facile, à nous de l'Opposition, d'étudier un projet de loi aussi important avec une épée de Damoclès qui nous "pind" sur la tête...

M. TARDIF: Qui nous "pind"...

M. LESSARD: Ce n'est pas...

M. TARDIF: ... qui parlez un bon français.

M. LESSARD: En effet, le chef de M. Bourassa a souligné le fait qu'une étude secrète se faisait actuellement par le gouvernement fédéral sur le projet de loi 22.

Avant d'entreprendre l'étude de ce projet de loi, ne serait-il pas normal de savoir, d'abord, si ce projet de loi est constitutionnel ou ne l'est pas? Avant de prendre des heures et des heures pour discuter des différents articles de ce projet de loi, ne serait-il pas normal que des spécialistes en droit constitutionnel viennent au moins tenter, sinon de nous assurer que ce projet de loi est constitutionnel, mais viennent au moins nous dire en quoi il faudrait modifier ce projet de loi pour qu'il respecte, à la fois, l'article 133 de la constitution et d'autres articles de la constitution. Nous avons déjà la connaissance de l'opinion d'un spécialiste en la matière, à savoir M. Scott qui...

M. LACHANCE: "Fran"...

M. LESSARD: Frank...

UNE VOIX: "Frankie"...

M. TARDIF: Ah! Frank.

M. BURNS: C'est un philanthrope.

M. LACHANCE: D'accord! .

M. LEGER: C'est un intime. Ils l'appellent Frankie.

M. DEOM: C'est un manque de respect.

M. LESSARD: ... et non Stephen Scott. En effet, M. Scott écrivait, dans le Star du 5 juin 1974...

M. TARDIF: Dans le "store"...

M. LESSARD: Dans le Star... Vous voyez que je n'ai pas encore été anglicisé par le bill 22.

M. TARDIF: C'est pour cela que vous dites "pind".

M. LESSARD: Je n'ai pas encore été anglicisé par le bill 22.

M. TARDIF: "Pind"...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. VEILLEUX: Si la loi était coercitive, le député de Saguenay pourrait subir les foudres de la loi.

M. LESSARD: Pardon?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Est-ce que nous pourrions laisser le député de Saguenay continuer?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. MORIN: Je vais commencer à croire que c'est vous qui faites de l'obstruction.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me pose des questions moi aussi.

M. CLOUTIER: C'est un aveu. On a fait appel à mon ancien métier ce matin. Voilà l'inconscient qui s'exprime.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Est-ce que j'ai encore la parole?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. TARDIF: En français.

M. LESSARD: En français?

M. TARDIF: Oui. En bon français, Lucien.

M. LESSARD: On sait que l'article 133 de la constitution canadienne impose aux différentes Législatures des provinces l'utilisation à la fois du français et de l'anglais. Est-ce que cet article 133 impose deux langues officielles pour toutes les provinces du Canada? Est-ce qu'il est possible, tel que reconnu ou tel qu'on tente de le reconnaître par l'article 1 du projet de loi 22, de déclarer qu'au Québec, le français sera la seule langue officielle?

Cest là, M. le Président, un point d'interrogation qui nous parait fort important. Est-ce que, comme Québécois, on peut prendre une décision concernant notre sécurité culturelle? Est-ce que, comme Québécois, on peut être assuré qu'en prenant cette décision, un autre gouvernement ne viendra pas désavouer la loi que nous aurons légitimement, en Assemblée nationale, adoptée?

M. le Président, les experts en droit constitutionnel que nous demandons de convoquer pourraient probablement, si non nous assurer, du moins nous dire en quoi l'article 1 du projet de loi 22 est anticonstitutionnel et en quoi il serait possible de la modifier afin de faire en sorte que ce droit de désaveu ne puisse être utilisé par le gouvernement fédéral. L'article 2 de la loi 22 précise aussi qu'en cas de divergence d'interprétation, le texte français devrait prévaloir sur le texte anglais. Or, M. le Président, si l'article 133 de la constitution canadienne nous impose deux langues officielles, est-il possible à ce gouvernement de décider en vertu de l'article 2 de la loi 22 qu'en cas de divergence d'interprétation, c'est le texte français qui sera considéré comme officiel?

Ces questions, M. le Président, elles sont soulevées par le professeur Scott et comme nous savons qu'il s'agit d'un eminent "constitu-tionnaliste", je pense qu'il est normal que nous puissions entendre son interprétation et l'interroger sur ce point. Je suis assuré que le député de Sainte-Anne serait extrêmement heureux de pouvoir interroger le professeur Scott, parce que je suis assuré que le député de Sainte-Anne se pose lui aussi les mêmes questions. Je suis assuré que le député de Sainte-Anne aurait certainement, si le professeur Scott pouvait venir témoigner à cette commission parlementaire, des questions intéressantes à poser au professeur. Il y a aussi l'interprétation concernant les entreprises d'utilité publique dont il est question à l'article 18 de la loi 22. Est-ce que les entreprises publiques du gouvernement fédéral, que ce soient les sociétés aériennes, les sociétés de chemins de fer ou de navigation, seront-elles soumises à la loi 22? Ce problème a été soulevé par des journalistes lors d'une conférence de presse donnée par le ministre de l'Education.

Si on veut faire une loi qui s'applique à l'intérieur du territoire du Québec, il faut au moins savoir si ces entreprises publiques canadiennes seront soumises aux différents articles de la loi 22. Il y a aussi, M. le Président, tout le problème des entreprises privées qui ont leur charte du gouvernement fédéral. Est-ce que ces compagnies ne pourront pas intenter des procédures pour faire désavouer le projet de loi 22? Nous ne sommes pas les seuls à soulever ces problèmes.

C'est le député de Mont-Royal qui, lors de son discours en deuxième lecture, a soulevé ces mêmes points d'interrogation, ces mêmes questions. Je suis assuré qu'au même titre que le député de Sainte-Anne, le député de Mont-Royal aurait plusieurs questions à poser si le gouvernement daignait accepter la motion du chef parlementaire du Parti québécois. Il y a aussi l'interprétation de l'article 10 concernant les communications que les institutions scolaires ou les universités anglophones devront avoir avec des organismes gouvernementaux.

Il y a aussi le fait de savoir si la loi fédérale des langues officielles va être au-dessus de la loi 22. Je pense que c'est là aussi une question qui nous paraît importante. Il y a tout le problème de la possibilité d'imposer aux écoles confessionnelles ou non confessionnelles le choix de la langue française ou de la langue anglaise, problème qui est touché par l'article 93 de la constitution canadienne, article que je pourrais lire, mais je n'en ai pas le temps. Il y a aussi tout le problème qu'a touché le député de Chicoutimi concernant la Loi de l'étiquetage, l'article 40. Je pense que le député de Chicoutimi, éminent juriste, a eu à plaider plusieurs causes, et c'est probablement suite aux causes qu'il a plaidées que la compagnie Dominion conteste la décision...

M. HARDY: En êtes-vous rendu à l'adoration mutuelle?

M. LESSARD: ... conteste la constitutionnalité, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Oui, je termine, M. le Président. Conteste la constitutionnalité...

M. HARDY: Vous avez vraiment remplacé l'Union Nationale, vous en êtes rendu à l'adoration mutuelle.

M. LESSARD: M. le Président, si le ministre conteste la constitutionnalité...

M. BURNS: On a juste à vous regarder taper sur les bureaux et on le sait, pour qui vous l'avez.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... envers les autres.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... de la loi d'étiquetage, concernant les produits d'alimentation alors que l'article 40 veut élargir justement cette loi et faire en sorte qu'elle s'applique à l'ensemble des produits. Voilà ce qui justifie l'Opposition de présenter la motion qui fut présentée par le chef parlementaire de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la motion d'amendement.

M. BURNS: M. le Président, je veux dire, en commençant, à cause des dernières remarques suscitées par le député de Terrebonne au sujet du député de Saguenay qui vantait les mérites de notre collègue de Chicoutimi, selon lesquelles on avait une société d'adoration mutuelle, que ça me surprend venant de la part d'un ministre. Quand on voit, au moindre éternue-ment d'un ministre, comment on se met à taper sur les bureaux en Chambre, je me demande qui est le plus victime de cette adoration mutuelle, les libéraux ou nous. En tout cas, ce n'est pas le but de mon propos. Je voulais rectifier ce fait.

Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat-ci, ayant été, toute la journée, retenu à une autre commission, c'est-à-dire celle qui étudie les projets de loi privés, relevant du ministère de la Justice, que mon collègue de Chicoutimi a présidé de façon très brillante, je dois le souligner, c'était la première fois qu'il présidait une commission mais on aurait dit qu'il faisait ça depuis plusieurs années. Je disais que je n'avais pas l'intention d'intervenir.

Mais quand j'ai eu, d'une part la possibilité de terminer mes travaux à la commission parlementaire de la justice et surtout quand j'ai eu vent de la motion qui était actuellement en discussion, je me suis dit qu'il me serait absolument impossible de ne pas intervenir en faveur de cette motion à cause, d'une part, de son sérieux et à cause aussi de son aspect très pratique, à mon avis.

Le problème de la constitutionnalité, M. le Président, du projet de loi 22 est dans l'air depuis un certain nombre de semaines, je dirais même avant le dépôt du projet de loi, mais surtout depuis le dépôt du projet de loi 22. On a eu l'article auquel se référait mon collègue de Saguenay, on a eu des premières réactions de la part du professeur Frank Scott, qui paraissaient dans le journal The Star, qui déjà, mettaient la puce à l'oreille à tout le monde.

Peut-être que l'intervention la plus spectaculaire relativement à la possibilité d'inconstitu-tionnalité du projet de loi 22, nous est venu par les déclarations d'il y a quelques jours de la part du premier ministre du Canada, M. Trudeau, de sorte que c'était non seulement utile que le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques soulèvent les motions qu'ils ont soulevées, mais je pense que c'était même essentiel qu'on le fasse. On se serait même attendu que, sans aucun débat, le gouvernement lui-même nous dise qu'il a l'intention de faire ce qu'on vous demande de voter par notre motion et notre amendement.

M. le Président, je suis certain que si le gouvernement nous avait annoncé son intention d'agir ainsi, on aurait sûrement évité de longs débats qui, à mon avis, dans ces circonstances, seraient devenus un peu moins utiles.

Cependant, et c'est dans ce sens que j'interviens, il semble qu'on ait besoin de convaincre le gouvernement de prendre toutes les précautions pour ne pas commettre de faux pas. C'est le but qui est derrière la motion du député de Saint-Jacques, d'une part, et celle du chef de l'Opposition, d'autre part.

J'insisterai beaucoup, M. le Président, sur le caractère sérieux de la motion. Il y a des gens qui sont probablement des gens du cabinet du ministre de l'Education, qui sont derrière ce dernier, qui me font des signes de tête, M. le Président, qui me montrent qu'ils sont incrédules lorsque je dis qu'il y a un caractère sérieux à cette motion.

Je ne parlerai pas, dans la liste des experts que nous suggérons, de M. Edward McWhinney, je pense qu'on en a parlé longuement hier et je n'ai pas l'impression que je vous convaincrais davantage du sérieux de cette personne. Cependant, M. Frank Scott — je n'ai pas eu l'occasion personnellement, je pense que mes collègues en ont parlé — il est important de souligner à quel point, peu importe ses idées — j'insiste sur cet aspect, cela montre notre ouverture d'esprit — peu importe ses idées fédéralistes, peu importent ses tendances profédérales, je pense que comme expert en droit constitutionnel, il n'y a personne qui va le contester.

Et même si nous, M. le Président, quand on fait cette affirmation, on ne peut pas convaincre les membres de la commission, du côté ministériel, il me semble qu'ils devraient être au moins convaincus par au moins l'un de leurs plus fidèles chantres, M. Claude Ryan, qui, dans son éditorial de ce matin, en termes très

élogieux, parlait justement de ce M. Frank Scott.

Je cite le deuxième paragraphe de l'éditorial de ce matin de M. Ryan: "Un homme — en parlant du professeur Scott — que l'on peut considérer comme assez proche de la pensée fédérale en ces matières, le professeur Frank Scott, ancien membre de la commission BB, a toutefois formulé, dès le 15 juin dernier, dans le Star, les principales objections que l'on peut soulever à rencontre de la constitutionnalité du bill.

Ne serait-ce qu'en raison de la grande autorité juridique de M. Scott, le gouvernement Bourassa aura profit à tenir compte de plusieurs de ces considérations avant d'arrêter la forme définitive du texte de loi."

Il me semble, M. le Président, venant d'une personne qui, pour le moins, ne peut pas être reliée au Parti québécois, c'est-à-dire M. Ryan, que cela devrait achever de convaincre les membres ministériels de cette commission-ci du sérieux des motions et du chef de l'Opposition et du député de Saint-Jacques.

Quant à moi, j'ai toujours considéré le professeur Frank Scott comme un brillant constitutionnaliste. Il a eu de nombreuses occasions de le prouver en intervenant, par exemple, dans des causes aussi fameuses que la cause qui concernait M. Duplessis, aux alentours des années 1957, qui était poursuivi par un cabare-tier de Montréal, en assistant, dans plusieurs causes, le premier ministre du Canada avant qu'il soit en politique. Je pense que sa réputation n'est pas à faire.

Mais, ce n'est pas le seul expert. Ce qui me frappe dans la liste qui vous a été soumise par le chef de l'Opposition, c'est le nombre de consti-tutionnalistes reconnus qui, déjà, ont émis une opinion au sein de la commission Gendron. J'en compte, si mes informations sont exactes, cinq dans la liste qui vous a été soumise par le chef de l'Opposition. Entre autres, vous avez Me Bloomfield qui est un avocat, président d'International Law Association, et qui est, je pense, un éminent juriste puisqu'on a pris la peine de l'inviter à soumettre des études. La réputation, je pense, de M. Jean-Charles Bonenfant, tant au point de vue de sa connaissance des milieux parlementaires que de sa connaissance des problèmes constitutionnels, vus dans la lunette parlementaire, je pense qu'elle non plus, cette réputation n'est pas à faire.

M. Bonenfant est constamment et régulièrement appelé comme consultant — et là-dessus nous félicitons le gouvernement — par le gouvernement actuel. Je me souviens personnellement d'avoir eu à travailler avec M. Bonenfant lors de la refonte de nos règlements à l'Assemblée nationale. Je me rappelle de quelle utilité sa contribution a pu être. Cette connaissance double, si je peux dire, à double facette, des milieux parlementaires, du système parlementaire, lui-même, d'une part, et des aspects constitutionnels que peuvent présenter, dans certains cas, l'adoption de certaines lois, je pense, pourrait nous être d'une grande utilité. Vous allez me dire: On connaît ses vues dans le rapport Gendron. On n'a qu'à se référer aux documents de travail de la commission Gendron. Je dis: Oui, c'est possible, on pourrait faire cela, mais ce qui serait encore plus utile, ce serait de parler de vive voix avec ces gens, non pas simplement tenter d'interpréter leur texte, simplement lire ce qu'ils ont amené à la commission Gendron après leurs recherches, mais aussi dialoguer avec eux, à certaines occasions, parce que je dois l'avouer bien humblement: Je n'en suis pas un. Je pense qu'il y a beaucoup de gens, ici, à la commission, qui peuvent avouer la même chose. Nous ne sommes pas tous des experts en droit constitutionnel. Je vois que le président me semble d'accord sur cette affirmation de ma part. On est au moins deux, en commission...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Tout à fait.

M. BURNS: ... qui nous disons ne pas être des experts en droit constitutionnel.

Mes autres collègues peut-être, à part du chef de l'Opposition, ne sont pas non plus des experts en droit constitutionnel. M. Charron, oui?

M. CHARRON: Je ne suis pas pire.

M. BURNS: Cependant, on n'a qu'à regarder les autres membres de cette liste qui ont contribué aux travaux de la commission Gendron, je pense, entre autres, à M. Fréchette, à M. Gérald Beaudoin, de l'Université d'Ottawa, également à M. Stephen Allan Scott, qui est également de l'université Mc Gill. Je pense qu'on aurait intérêt, même s'ils ont déjà des travaux à la commission Gendron, comme je le disais tout à l'heure, de dialoguer avec eux pour éclairer notre lanterne. Enfin, vous avez les autres personnes, je pense qu'on ne contestera pas le sérieux et la valeur des opinions d'une personne comme M. Henri Brun, de l'université Laval, ou de M. Jean Samson également de l'université Laval. C'est uniquement pour tenter de vous faire comprendre — quand je dis vous, je parle surtout aux ministériels, pas seulement à vous, M. le Président...

M. BOURASSA: Oui,...

M. BURNS: M. le Président, cela allait bien avant que le premier ministre ne m'interrompe. J'espère que le premier ministre n'a pas décidé de tenter de me faire grimper dans les rideaux, parce que si c'est cela, je lui dis tout de suite de sauver sa salive, de garder sa salive à d'autre chose.

M. BOURASSA: Votre hypocrisie est...

M. BURNS: Une bonne fois, M. le Président... Est-ce que vous vous adressez à moi?

M. BOURASSA: A vous. Si le chapeau vous fait, oui.

M. BURNS: Je demande au premier ministre de retirer ses paroles. Il vient de me traiter d'hypocrite.

M. BOURASSA: II grimpe dans les rideaux vite. Au groupe, M. le Président.

M. BURNS: Question de privilège, M. le Président.

M. CLOUTIER: Il n'y en a pas.

M. BURNS: S'il n'y a pas de question de privilège, je vais me sentir en toute liberté la possibilité de traiter le premier ministre du plus grand hypocrite que le Québec a jamais montré, a jamais élu à la tête d'un gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: II n'y a pas de question de privilège.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Ecoutez, d'abord...

M. BURNS: Qui a commencé, M. le Président? Qu'est-ce qui a parti le bal?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant, quand je dis écoutez, je parle à tout le monde en même temps. Je veux m'adresser d'abord...

M. MORIN: Au premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je veux m'adresser d'abord aux gens dans les galeries. Je vais encore tolérer celle-là, mais ce sera sûrement la dernière et je suis bien sérieux. A l'égard des membres de la commission, je pense qu'on peut considérer qu'on est "kif kif", comme on dit dans l'Outaouais. J'inviterais le député de Maisonneuve à terminer son intervention sur la motion d'amendement.

M. BURNS: Est-ce que vous voulez inviter également le premier ministre à garder le débat pour...

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite les membres de la commission à bien vouloir...

M. BURNS: Je pense, M. le Président, que c'est votre devoir de constater qui est fautif dans cette affaire. Je le dis bien sincèrement.

M. BOURASSA: Qui retarde le débat sérieux? Cela fait trois jours qu'on veut discuter sérieusement de l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M, BURNS: On va discuter.

M. LEGER: Sur un point de règlement, M. le Président, il faut quand même comprendre que le manque de décorum arrive parfois quand il manque de démocratie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve.

M. BOURASSA: Ah!

M. BURNS: M. le Président...

M. HARDY: Une pièce d'anthologie qu'il vient de sortir.

M. LEGER: C'est la seule façon dont ils peuvent s'exprimer.

M. BURNS: M. le Président, je suis pleinement d'accord à garder l'octave que j'avais utilisée pour le début de mes propos et de le garder jusqu'à la fin de mes propos. Je vous demande de surveiller d'où viennent les interruptions. Je disais donc que, par la simple nomenclature, ou, si vous voulez, par la simple énumération des personnes, je dirais même des personnalités juridiques que la motion contient, on ne peut pas et véritablement pas douter du sérieux de la motion faite par le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques. On peut interpréter nos questions sur l'aspect de la constitutionnalité comme étant une affirmation de notre part que le projet de loi 22 serait inconstitutionnel. Je pense qu'on se tromperait sérieusement si on tirait cette conclusion. Je pense que, comme Québécois, je veux être fier de voir mon gouvernement, même si ce n'est pas moi qui l'ai élu, adopter des lois qui ne pourront pas et qui ne souffriront pas d'être tramées à la cour Suprême ou de subir d'autres choses qui serait encore peut-être plus affreux.

Tout en étant convaincu qu'il est possible, au Québec, de légiférer en matière de langue, c'est surtout — je pense que c'est cet aspect qui nous motive davantage de demander l'assistance d'experts, ce n'est pas tellement sur la capacité du Québec de légiférer en cette matière — sur l'applicabilité de la loi, une fois qu'elle aura été mise en application ou adoptée.

Encore là, M. le Président, je me réfère à l'éditorial... Pardon?

M. CLOUTIER: Je m'excuse. Est-ce que je peux poser une question au député de Maisonneuve?

M. BURNS: Oui, sûrement.

M. CLOUTIER: Parce que je suis toujours ses raisonnements avec beaucoup plus d'intérêt que les raisonnements de certains de ses collègues. Si je comprends bien...

M. BURNS: Vous avez des préférences?

M. CLOUTIER: J'ai des préférences et, à

part cela, il y a une certaine rigueur, même si les prémisses sont fausses... Il y a une certaine rigueur dans la pensée du député de Maisonneuve. Il ne s'agit donc pas tellement de la capacité de légiférer, parce que je pense bien que vous n'en doutez pas. Il s'agit de l'aspect...

M. BURNS: Avec...

M. CLOUTIER: ... application...

M. BURNS: ... la légère interrogation que je me pose relativement à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. CLOUTIER: D'accord! Maintenant, puisqu'il s'agit de l'application, je crois que vous serez d'accord avec moi que cela se rapporte aux articles. Comment voulez-vous qu'on discute utilement de ces aspects, avant que nous ayons commencé la discussion article par article?

M. BURNS: Je vais vous l'expliquer avec plaisir, M. le ministre. Justement, j'allais citer M. Claude Ryan. Il nous donne la réponse lui-même. Il nous donne la réponse. Vous savez qu'il y a une vieille technique de plaidoirie qui est toujours de citer des gens qui sont plutôt, quand on les sent, favorables à la partie qu'on tente de convaincre. Vous savez? Je pense que vous ne me nierez pas ce droit. Ce n'est pas une mauvaise...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas...

M. BURNS: ... technique. C'est une technique très intelligente...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas ce que vous faites quand vous citez Frank Scott.

M. BURNS: Frank Scott? Ecoutez, je ne parle pas de Frank Scott. Je n'ai pas cité Frank Scott personnellement.

M. CLOUTIER: Je pense que vos collègues l'ont cité.

M. BURNS: Je cite Ryan...

M. CLOUTIER: Je me demande si la technique est...

M. BURNS: Oui, on peut l'utiliser. Je n'ai peut-être pas mentionné ce fait. Au point de vue constitutionnel, parce qu'on est dans un domaine de droit où la mobilité est une des caractéristiques principales, il est important d'avoir un éventail d'opinions pour pouvoir en tirer une espèce de substance unique. Si les autorités, lorsqu'on présente un éventail d'autorités, sont unanimes, cela ne peut que nous convaincre davantage. C'est uniquement dans ce sens qu'on tente de vous présenter l'éventail — si vous me passez l'expression — des quelque dix personnes que nous vous avons suggérées.

Justement pour répondre à la question du ministre de l'Education quand il demande: N'est-il pas mieux de parler d'applicabilité, n'est-il pas mieux d'étudier article par article le texte du projet de loi avant de recourir à des experts en droit constitutionnel? Je pense que la réponse se trouve, entre autres... Je cite au hasard un des paragraphes de M. Ryan, qui dit: Dans la mesure où l'article 18 doit s'appliquer à des entreprises relevant de la compétence fédérale, telles les sociétés aériennes, les chemins de fer, les entreprises de navigation, il empiète, aux yeux de M. Scott, sur la juridiction du parlement fédéral.

Bon! On a un expert qui dit: A l'article 18, semble-t-il, il y a un empiètement; il y a des problèmes d'applicabilité. Je ne veux pas, M. le Président, être pris, au moment d'étudier l'article 18, à vous demander de faire venir M. Frank Scott.

M. CLOUTIER: Mais vous savez bien que la commission...

M. BURNS: S'il n'était pas disponible, M. Frank Scott, ce jour-là? Vous allez me dire: M. Frank Scott est parti en vacances. J'aime mieux, c'est pour cela qu'on prévoit, qu'on se réserve un certain nombre d'experts, qu'on adopte le principe de recourir à des experts au fur et à mesure de nos travaux. Je cite l'article 18, j'aurais pu en citer également d'autres... Même que vous avez simplement l'aspect de l'article 133 qui va se poser peut-être même dès l'article 1.

M. CLOUTIER: Alors, est-ce qu'on peut commencer tout de suite l'article 1?

M. BURNS: Non. On vous demande d'adopter en principe...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Qu'est-ce qui vous empêche de commencer l'article 1?

M. BURNS: On passera la rivière quand on y sera arrivé. Voulez-vous? Je pense que c'est cela notre thèse.

M. BOURASSA: Cela fait cinq motions.

M. BURNS: Ne vous inquiétez pas. Ne soyez pas si irascible, M. le premier ministre. Cela vous dépeigne quand vous vous choquez. Restez calme.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Restez avec nous autres. On va faire cela calmement.

M. BOURASSA: On va avoir notre heure, nous aussi. Vous verrez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BOURASSA: Vous verrez les pouvoirs du gouvernement.

M. BURNS: Je dis tout simplement, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous ferai remarquer que le temps est écoulé, si vous voulez conclure très rapidement.

M. BURNS: Vous comprenez aussi que j'ai subi deux interruptions, celle du premier ministre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce sont des questions auxquelles vous avez accepté... Je ne vous tiens pas rigueur. Je vous demande de compléter...

M. BURNS: D'accord. Vous êtes bien gentil, M. le Président. Je vais me plier à votre directive et terminer le plus rapidement possible dans quelque 30 secondes.

Donc, pas tellement sur la capacité avec peut-être le point d'interrogation de l'article 133 quant à certaines juridictions très précises, mais sur l'applicabilité, c'est là que nous nous posons des questions. Par l'entremise du texte de M. Ryan, j'ai cité le cas des compagnies aériennes et des compagnies de navigation. On pourrait même penser aux compagnies de charte fédérale, c'est-à-dire des compagnies qui opèrent au Québec, malgré que cela n'est pas mon opinion...

M. CLOUTIER: La commission Gendron a répondu à tout cela.

M. BURNS: Oui, elle a répondu à tout cela, mais pour une fois et une fois pour toutes, et je pense que la commission Gendron est d'avis que le Québec peut légiférer, il n'y a pas de doute là-dessus. Encore une fois, ce n'est pas tellement sur la capacité comme sur l'applicabilité. Qu'est-ce qui arrive...

M. BOURASSA: On va recommencer à neuf.

M. BURNS: ... si certaines compagnies à charte fédérale décident de vous laisser croire...

M. TARDIF: 30 secondes.

M. BURNS: ... qu'étant de charte fédérale, une telle charte de la langue française, comme dirait le premier ministre, ne s'applique pas à elles? Comment allons-nous pouvoir agir à leur endroit, elles dont, en grande partie, la juridiction nous échappe? Il y a l'aspect civil, évidemment, qui ne nous échappe pas, mais...

M. TARDIF: 30 secondes.

M. BURNS: En deux mots, c'est pour ces raisons que nous croyons et l'amendement du chef de l'Opposition et la motion du député de Saint-Jacques parfaitement acceptables et comme ne devant pas poser de problème à la commission. Si j'avais le droit de vote —mais comme je ne suis pas membre de la commission, je ne pourrai pas voter pour — je voterais à deux mains en faveur de cette motion telle qu'amendée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que les membres de la commission sont prêts à se prononcer sur l'amendement...

M. MORIN: Oui, d'accord.

M. CLOUTIER: On va voter? Nous votons?

M. BOURASSA: II a une autre motion principale après.

M. CLOUTIER: Tout le monde a parlé? Je vais simplement dire deux mots avant le vote parce que j'ai quand même le droit d'intervenir aussi. Je ne reprendrai pas mon argumentation de ce matin parce que cet amendement n'ajoute strictement rien à la motion principale, sinon qu'elle additionne quelques noms de plus. Elle participe exactement du même esprit, à savoir qu'on cherche à éviter d'entrer dans le fond du débat alors que nous aurions pu dès la première séance...

M. MORIN: Remarquez qu'on nous prête des intentions.

M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: C'est évident pour vous, parce que cela ne fait pas votre affaire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: Votons maintenant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous avez terminé?

M. CLOUTIER: Oui. Je n'ai pas l'intention de me prêter au "filibustering" de l'Opposition et si je parle dix minutes, un quart d'heure ou vingt minutes, à ce moment, je prolonge les débats. Or, l'argumentation a été faite. Nous avons l'intention de discuter sur des faits. Nous avons l'intention de discuter sur des réalités et de façon sérieuse.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, sur l'amendement du chef de l'Opposition qui se lit comme suit: "D'ajouter à la fin de la motion,

les mots suivants: "pour entendre l'avis d'experts sur le projet de loi à l'étude, notamment en faisant appel à l'une ou l'autre ou à plusieurs des personnes suivantes, MM. les professeurs McWhinney, F.R. Scott ainsi que MM. Jean-Charles Bonenfant, L.M. Bloomfield, P. Patenaude, F. Chevrette, G. Beaudoin, A. Abel, H. Brun, J.K. Samson et S.A. Scott, Le vote...

M. MORIN: Pas "J.K. Samson" prononcé à l'anglaise. C'est Jean Samson.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse.

M. MORIN: De l'université Laval.

M. BOURASSA: En avez-vous un autre?

M. MORIN: Puisque nous sommes dans le bill 22...

M. CLOUTIER: On va attendre l'autre motion.

M. MORIN: ...cela peut devenir "Samson" en deux langues.

Vote sur l'amendement

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. Séguin. M. Charron?

M. CHARRON: En faveur, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom?

M. DEOM: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Cloutier?

M. CLOUTIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Bou-dreault?

M. BOUDREAULT: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beaure-gard?

M. BEAUREGARD: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachan-ce?

M. LACHANCE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif? M. TARDIF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Saint-Germain? M. Samson? M. Veilleux?

M. VEILLEUX: J'annule en votant contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour: 2 Contre: 8. L'amendement est rejeté. Sur la motion du député de Saint-Jacques, que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après la deuxième lecture. La commission est-elle prête à se prononcer? Le député de Chicoutimi.

M. CLOUTIER: II n'avait pas parlé là-dessus?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non.

M. CLOUTIER: Mais est-ce qu'il a droit?

M. LEGER: Vous oubliez les débats, M. le Président.

M. CHARRON: ...le député de Maisonneuve et le député de Saguenay, si cela vous intéresse.

M. CLOUTIER: Cela m'intéresse beaucoup, oui. Mais je voudrais avoir un éclaircissement, M. le Président. Est-ce qu'il a le droit de parler sur la motion principale une fois qu'on a disposé de l'amendement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que oui.

M. MORIN: Bien, voyons.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, puisque l'amendement a été battu, cela confirme tout simplement l'appréhension que nous avions et que j'avais exprimée et que d'ailleurs tous mes collègues avaient exprimée tout à l'heure que nous trouvions déplorable d'avoir à argumenter sur des sujets aussi importants ou sur des exigences aussi importantes que de convoquer devant cette commission des experts en matière constitutionnelle de manière à pouvoir être bien convaincu, bien éclairé à avoir la conviction que le travail que nous faisons d'abord n'est pas inutile encore une fois dans le sens qu'il nous oblige à travailler un mois ou deux pour ensuite se faire dire par des instances supérieures que tout ce que nous avons fait est tout simplement illégal, inopérant, ne changera absolument rien dans un domaine aussi fondamental que celui du français au Québec. D'ailleurs cela est si fondamental que tant le gouvernement libéral que le programme du

Parti québécois n'ont pas hésité à accorder une attention de tout premier ordre à ce domaine qui est de toute première importance pour l'ensemble de la collectivité québécoise et, à ce moment-là, j'inclus non seulement la majorité francophone québécoise mais également la minorité anglophone.

En parlant sur la motion principale, nous avons quand même — et j'espère que les membres de la commission cette fois-ci au moins accorderont cette possibilité à l'Opposition ou à l'ensemble des membres de la commission, parce qu'ils peuvent très facilement se rendre compte que nous ne voulons pas en abuser d'une façon folichonne, d'une façon irresponsable — clairement établi que, si nous faisons la motion de rouvrir les auditions publiques au niveau de cette commission, nous le faisons, en circonscrivant, déjà d'une façon très claire, quelles sont les personnes que nous voulons entendre, quelles seraient les personnes que nous voudrions entendre et sur quel sujet nous voudrions les entendre, à savoir la constitutionnalité.

J'écoutais tout à l'heure le ministre de l'Education qui disait, avec raison, qu'il nous fallait, de la façon la plus urgente possible, discuter des faits, discuter des réalités, discuter des choses sérieuses. Je tiens à lui dire ceci — étant d'accord sur cette affirmation de sa part — que je ne comprends pas jusqu'à quel point il fait preuve de lucidité ou de logique quand il n'accepte pas, en refusant l'amendement que nous avons fait tout à l'heure et en se préparant à refuser la motion principale, de considérer la constitutionnalité — par son vote négatif, il ne l'accepte pas— comme étant un élément très important. Pas seulement au niveau de la loi que nous avons à voter ici, à savoir le projet 22, mais également concernant le prolongement de toutes les législations que le gouvernement du Québec peut être appelé à voter, de toutes les actions législatives que le gouvernement du Québec peut être amené à prendre et qui ont un prolongement sur la situation du français au Québec. Si nous avions ces experts, nous serions peut-être — en tout cas, moi, personnellement — très intéressés à leur poser des questions concernant le domaine des communications.

Nous avons eu un ministre des Communications qui s'est consolé avec le projet de loi 22 en se disant que si ce n'étaient que des améliorations minimes, même s'il était en désaccord sur des points fondamentaux, que de toute façon, cette loi pourrait avoir des prolongements importants dans l'élaboration future d'une politique du gouvernement en matière de communication, dans des revendications qu'il s'apprête à formuler auprès du gouvernement fédéral, et ce, au nom du gouvernement du Québec.

Quand on sait jusqu'à quel point — je pense qu'il n'est pas besoin de faire une longue preuve là-dessus — le domaine des communications est relié d'une façon tout à fait particulière à la santé future du domaine culturel, à la santé future de la langue française au Québec, eh bien, il aurait été intéressant, parce qu'on sent que ce n'est pas tellement enthousiasmant d'essayer de plaider notre demande, y apporter les arguments les plus raisonnables possible, parce que d'avance, nous savons et nous pouvons présumer, nous acheminer vers un refus de la part du gouvernement.

Nous savons que nous ne plaidons pas devant un tribunal impartial ici. Nous plaidons devant la majorité qui décide, non pas en raison de critères objectifs, quelle doit être l'attitude à prendre, mais décide en fonction de son nombre, en termes de quantité uniquement.

Je disais justement que si des experts avaient été entendus, dans le domaine des communications, il aurait été intéressant d'avoir à leur poser des questions concernant la constitutionnalité.

Je me permets encore une fois, et cette fois d'une façon très précise, pour ne pas violer ou pour ne pas mal interpréter la pensée du ministre des communications, de le citer textuellement parce que, encore une fois, ce dernier s'est dit en désaccord sur des points fondamentaux du projet de loi; d'un autre côté, il a semblé vouloir se consoler ou vouloir informer la Chambre qu'il y aurait peut-être avantage à accepter quand même ce projet, si imparfait soit-il, les améliorations si minimes soient-elles, parce qu'il pourrait y avoir un prolongement d'une politique plus ferme et plus efficace dans le domaine des communications.

Je cite textuellement, M. le Président, le ministre des Communications qui disait ceci lors du discours en deuxième lecture: "Peu importe que je sois responsable du domaine des communications, je considère qu'en termes de développement et de protection de la culture de la collectivité québécoise, le développement des communications au Québec, conformément aux objectifs de la société québécoise, est tout aussi important —j'appuie sur ce point— qu'une politique linguistique comme telle, car les moyens modernes de communication sont devenus le véhicule privilégié de la langue. C'est moins symbolique — selon son expression — mais plus réel. "En effet, quelque deux millions de Québécois passent en moyenne 25 heures par semaine dans les institutions d'enseignement. Plus de deux millions sont au travail pendant 35 à 40 heures par semaine, alors que l'ensemble des Québécois, c'est-à-dire 6.5 millions, passent en moyenne 25 heures par semaine à regarder la télévision et je n'inclus pas ici les nombreuses heures passées à écouter la radio chez soi, dans la voiture ou ailleurs. "Or, sur l'île de Montréal, par exemple"... c'est toujours le ministre des Communications qui parle. Vous ne me direz pas qu'on fait des références à des gens en lesquels vous n'avez pas

confiance, parce que j'imagine que le gouvernement du Québec a tout de même une certaine confiance en son ministre des Communications et, de ce fait, j'imagine qu'il accordera, tout au moins pour quelques minutes, le temps que je le cite, une attention assez soutenue aux paroles et à l'énoncé que faisait, non pas un membre du Parti québécois, mais un ministre du gouvernement actuel qui, par solidarité, comme il l'a dit, se ralliera au projet de loi 22. "Or, sur l'île de Montréal, par exemple, la situation en radiotélédiffusion dénote une nette disproportion entre le nombre de postes de langue française et le pourcentage des francophones. Ainsi, il existe cinq postes AM de langue anglaise et six postes de radio de langue anglaise, dont un sur ondes courtes. Trois postes FM de langue française, contre quatre de langue anglaise et un nombre égal de postes de télévision, soit deux de chaque langue". Ceci, M. le Président, dans un territoire où une large majorité de francophones y résident et y vivent. Le ministre des Communications poursuivait: "Ceux qui possèdent le câble, assistent à une disproportion encore plus grande, alors qu'ils ont accès à sept stations de télévision de langue anglaise et quatre de langue française.

Ce sont des faits", disait-il. "J'ai dû, au cours de mes propos, faire souvent référence au gouvernement fédéral, disait-il. Rien d'étonnant à cela car il nous manque beaucoup d'outils actuellement pour réaliser notre souveraineté culturelle". Ce n'est pas le Parti québécois qui le dit, M. le Président. "Et, continuait-il, plusieurs de ces outils sont actuellement à Ottawa. "Le gouvernement fédéral constitue, par ses institutions, par ses moyens d'action, par sa forme de pensée, une force assimilatrice de premier ordre au Québec et ailleurs dans les autres provinces". Encore une fois, c'est le ministre libéral du gouvernement provincial qui parle.

Il terminait : "Parce que les assises politiques se déplacent extrêmement rapidement, à cause d'une constitution qui aurait dû être mise à jour". Là-dessus, j'insiste, parce que j'y reviendrai. "En raison, dit-il, d'une constitution qui aurait dû être mise à jour il y a déjà plusieurs années, le gouvernement fédéral intervient dans la plupart des activités d'un gouvernement moderne". C'est dans ce sens — je m'excuse de la longueur de la citation — qu'il aurait été important — en tout cas, c'est mon humble opinion — si nous avions eu la possibilité de voir des experts comparaître à cette table, de demander à ces experts jusqu'à quel point la constitution, dans leur idée, permettra au Québec d'avoir une politique des communications qui soit, selon la nécessité et selon l'urgence dans laquelle nous sommes placés, qui soit ferme, qui soit vigoureuse par rapport aux droits que possède, à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral.

Autrement dit, dans le domaine des commu- nications, comme dans le domaine de la législation, en fonction du projet de loi 22 de la langue française, on aurait pu et on en aurait profité pour leur demander jusqu'à quel point, encore une fois, un gouvernement fédéral aurait pu faire planer la possibilité de désavouer ou encore de contrecarrer une politique des communications énergique, nécessaire ici au Québec, parce que, à l'heure actuelle, elle sert plutôt l'assimilation que l'épanouissement de l'ensemble de la collectivité et de la majorité québécoises. On aurait pu demander à ces experts si nous ne nous contons pas d'histoires en nous consolant sur une solidarité par rapport au projet de loi 22, en nous disant qu'il y aura un prolongement très positif par une politique en matière de communication qui, elle, sera très énergique par rapport — il faut l'interpréter comme cela — au projet de loi 22 sur la langue française qui, lui, n'a pas le caractère énergique auquel, je crois, l'ensemble des Québécois francophones avaient le droit de s'attendre face au danger, qu'on le veuille ou non — et c'est du réalisme — d'assimilation dont le spectre, à l'heure actuelle, se profile tranquillement devant la majorité québécoise.

Ces experts auraient pu, je pense, soit confirmer ou soit infirmer les doutes que l'Opposition entretient ou est en mesure de se poser comme législateur sérieux qui, avant de se pencher sur une loi, avant d'en étudier les implications, avant d'en étudier le contenu et l'application pratique au niveau de l'ensemble de la population, doit mettre tous les éléments de son côté, s'informer auprès des experts constitutionnalistes si, effectivement, on ne légifère pas pour rien, si, encore une fois, avec des airs de gouvernement qui a les pleins pouvoirs politiques, on n'est pas en train, à l'heure actuelle, de légiférer comme une minorité canadienne et non pas comme une majorité québécoise.

Si notre demande était acceptée par le gouvernement, je crois qu'il y aurait eu lieu de demander des opinions juridiques à ces mêmes experts concernant les lois. C'est le cas de presque tout l'ensemble des lois que vote le gouvernement sur les dispositions concernant la langue qui sont contenues à l'intérieur de chacune de ces lois, pour savoir jusqu'à quel point le gouvernement peut, sans courir le risque d'être désavoué par une autorité supérieure, aller de l'avant et imposer ses mesures législatives.

Encore une fois, M. le Président, vous le savez, c'est l'essence des demandes qu'a faites l'Opposition. Nous ne pouvons pas accepter de légiférer sérieusement en entretenant le doute que tout ce que nous faisons peut être contrecarré, peut être réduit à rien dans le temps de le dire par une autorité fédérale qui prétendrait avoir la juridiction d'intervenir en ce qui a trait à une loi provinciale. Nous voulons, autrement dit, que ce danger d'intervention de la part du fédéral vis-à-vis d'une loi provinciale soit écarté

une fois pour toutes dans notre esprit. Le garder dans notre esprit, ce serait à mon sens entretenir un doute et cela, plusieurs de mes collègues de l'Opposition l'ont mentionné. Je croyais qu'à la longue cela viendrait peut-être à ébranler d'une certaine façon les députés de l'autre côté de la table. L'Opposition et le peuple québécois ne peuvent pas accepter d'avoir une loi qui parait peut-être bien comme image, mais dont la réalité d'application, dont la force d'application pratique est toujours à la merci, soit d'un désaveu, soit de pressions de la part du gouvernement fédéral auprès des autorités provinciales pour que ce dernier ajuste sa loi, légifère autrement dit en fonction des vues qu'il peut avoir sur ce que devrait être une loi provinciale sur la langue.

C'est d'autant plus inquiétant qu'on a un premier ministre du Canada qui est francophone qui, encore une fois — je pense qu'il faut le répéter — ne reconnaît même pas la thèse des deux nations. S'il est logique, s'il ne conçoit pas une politique linguistique de la même manière que les Québécois peuvent la concevoir, il la conçoit, autrement dit, dans une optique canadienne et non pas dans une optique québécoise.

Remarquez que je ne lui fais pas grief de... Etant premier ministre du Canada, il est normal au moins qu'il pense en fonction du Canada, comme il serait normal, par exemple, qu'un gouvernement québécois pense en fonction des intérêts pas seulement de la majorité québécoise, mais de l'ensemble du Québec. Il ne se place pas dans une situation législative diffuse, incertaine, qui pourrait laisser dans l'esprit de la population des doutes concernant les possibilités de pression qu'une autorité fédérale pourrait avoir continuellement, même si on votait la loi demain. On ne peut pas se payer le luxe que le gouvernement fédéral puisse exercer des pressions auprès du gouvernement provincial concernant l'application pratique d'une loi provinciale. Ceci pourrait amener, comme conséquence, que dès que le gouvernement provincial aurait adopté sa loi, dès qu'il voudrait en faire une application pratique dans un cas précis, qui pourrait amener des manifestations, qui pourrait amener des sursauts, une non-acceptation de la part d'un groupe important, à ce moment, on aurait toujours le doute qu'une action soit prise suite aux intérêts de l'ensemble de la collectivité québécoise, mais suite aux pressions qui seraient faites par en dessous par un gouvernement fédéral qui a en main et qui aurait en main une arme, à savoir celle de dire: Vous allez agir de telle façon, d'une façon pratique, sinon on va employer les procédures de désaveu.

M. DEOM: M. le Président, le député de Chicoutimi...

M. BEDARD (Chicoutimi): Mon temps est terminé?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non... parce que le temps est écoulé depuis quelques...

M. DEOM: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne le permets pas. Est-ce que le député de Maisonneuve... motion.

M. DEOM: Je voulais dire au député de...

M. BURNS: A moins qu'un député ministériel veuille parler. Je ne voudrais pas brimer...

M. CLOUTIER: On a dit tout ce qu'on avait à dire.

UNE VOIX: ... une question.

M. BOURASSA: Je ne suis pas un "filibuster".

M. CLOUTIER: Nous préférons vous laisser avec votre responsabilité.

M. BEDARD (Chicoutimi): Soyez sans crainte. On n'essaie pas...

M. BURNS: M. le Président... M. CLOUTIER: Allez-y.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur la motion.

M. BURNS: Une question de règlement, d'abord, d'après ce que vient de me signaler le député de Saint-Jacques. Encore une fois, on nous indique que des gens sont empêchés d'entrer à l'Assemblée nationale.

M. LEGER: C'est cela la considération du premier ministre pour la population?

M. BOURASSA: Cela relève du président de l'Assemblée nationale.

M. BURNS: M. le Président...

M. BOURASSA: Adressez-vous au président de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais tâcher de régler le problème. Commencez votre intervention et je vais faire le nécessaire auprès du président.

M. BURNS: Oui, d'accord! Je veux seulement vous le signaler, M. le Président. On me rapporte qu'on dit aux gens à la porte qu'il n'y a pas de place, ici à l'assemblée. Regardez, vous avez des sièges vides derrière.

M. BOURASSA: Vous préparez un autre spectacle pour aujourd'hui?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

Je demande tout de suite à un des officiers de se rendre chez le président de l'Assemblée nationale, puisque, comme vous le savez, c'est de lui que dépend l'accès à l'Assemblée nationale. Je fais vérifier tout de suite et on vous fera rapport aussitôt que possible.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous allez maintenant intervenir sur la motion?

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur la motion du député de Saint-Jacques.

M. BURNS: Je vais intervenir, M. le Président, calmement aussi, malgré les provocations du premier ministre. Ce n'est pas moi qui l'ai provoqué. Cest lui qui m'a provoqué tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Dans cet ultime effort de tenter de convaincre la commission d'adopter la motion que nous avons l'intention de soumettre à votre attention, c'est-à-dire au moins celle concernant la possibilité que cette commission-ci ait des auditions publiques, j'interviens quand même, malgré que la commission se soit prononcée contre l'amendement du chef de l'Opposition qui voulait préciser la motion principale, parce que je pense, malgré que la commission ait rejeté l'amendement du chef de l'Opposition, la motion principale continue à garder pleinement son sens, à partir du moment où on demande que des auditions publiques puissent avoir lieu au cours de nos travaux. Nous pensons, et sans vouloir insister plus longtemps, sur cet argument... Mais je m'en veux de ne pas le répéter parce qu'on dirait qu'il y a quelqu'un qui ne l'a pas compris, quelques-uns qui ne l'ont pas compris de l'autre côté ...

C'est sûr que c'est peut-être à certains articles en particulier qu'on devrait faire appel à des experts malgré qu'après avoir discuté avec le chef de l'Opposition, je suis convaincu que même, dès l'article 1, on aurait peut-être besoin d'experts. Malgré cela, disons que, même à l'article 1, la discussion est assez fondamentale et sera probablement assez longue et que, normalement, on pourrait avoir un certain délai pour faire venir des gens si on se retrouve dans un certain imbroglio, ou même on pourrait alors simplement suspendre l'article pour attendre la disponibilité des experts.

Mais ce qui nous motive, principalement, à faire cette motion-ci au début, c'est qu'on sait et on est même certain qu'il y aura des divergences d'opinions à l'un ou l'autre des articles du projet de loi entre le gouvernement et nous relativement à la possibilité, non seulement du texte actuel, mais quant à la possibilité de légiférer relativement à certains amendements que nous vous proposerons.

On doit tenir compte de cela aussi. Simplement l'aspect constitutionnel sur le texte actuel... Peut-être le ministre de l'Education nous dira-t-il: On l'a fait vérifier par nos experts avant et on pense que le projet de loi qu'on vous soumet, dans sa forme actuelle, ne comporte pas de problème. Peut-être que je précède l'argument du ministre de l'Education en disant cela, mais, par sa réaction...

M. CLOUTIER: Vous le suivez. Je l'ai dit à maintes reprises.

M. BURNS: ... et par ses signes de tête et par sa dernière remarque, je pense que j'ai raison de penser ainsi.

Or, je dis que ce n'est pas la seule raison, même si vous, M. le ministre ou le premier ministre, avez fait vérifier la constitutionnalité du texte actuel, vous ne pouvez pas — je vous le dis et c'est bien sûr, il n'y a rien de plus évident — avoir fait d'avance vérifier la constitutionnalité de certains des amendements qu'on a l'intention de vous proposer et peut-être, dans un grand esprit de collaboration de la part du ministre de l'Education, peut-être qu'il va arriver à un point où il voudra, à deux mains, adopter les amendements que nous allons proposer. C'est fort possible.

M. BOURASSA: Procédons. M. CLOUTIER: Allons-y!

M. BURNS: C'est ce qu'on vous dit, mais votons d'abord ce principe. Votons le principe de la possibilité des auditions publiques, adoptons ce principe et ne nous privons pas d'un instrument. Ce que je trouve vraiment extraordinaire, c'est quand quelqu'un veut faire quelque chose de sérieux et soit disant — je présume que si le ministre de l'Education... Qu'est-ce qu'il y a? Cela ne va pas bien du côté d'Anjou? Qu'est-ce qui se passe?

M. TARDIF: Cela va toujours bien.

M. BURNS: Est-ce que je vous ai achalé?

M. TARDIF: Non. Cela va toujours bien.

M. BURNS: Si je vous achale par ma seule présence, je sais que vous voudriez être 110...

M. TARDIF: Parlez-moi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. TARDIF: ... de règlement. Parlez donc au président !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! S'il vous plaît, si vous voulez tous me parler.

M. BURNS: M. le Président, c'est bien plus agréable de vous parler, d'ailleurs, je sais cela.

M. BOURASSA: Continuez comme cela et on va être 110 la prochaine fois.

M. LEGER: Une chose à prouver.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BOURASSA: Continuez.

M. CHOQUETTE: On vous l'a dit la dernière fois.

M. BOURASSA: Je vous l'avais dit.

M. BURNS: Vous souvenez-vous du premier ministre Bertrand qui disait la même chose à ceux qui voulaient s'y opposer?

M. BOURASSA: II y en a eu 102.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Alors, M. le Président, je disais tout simplement que je trouve incroyable, inconcevable que quelqu'un qui veut faire quelque chose de sérieux — et je disais, avant que le premier ministre m'interrompe, que j'allais dire quelque chose de gentil pour vous du côté ministériel. Imaginez-vous!

M. BOURASSA: On ne peut pas dire qu'il est hypocrite.

M. BURNS: Non, vous ne pouvez pas dire que je suis hypocrite parce que le premier ministre va me rendre au moins cet hommage que, quand je pense que le gouvernement a raison, je le lui dis et je ne me gêne pas pour le dire.

M. BOURASSA: ... encore.

M. BURNS: Je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre de la Justice quand il a adopté la Loi de l'aide juridique, je l'ai dit quand il a apporté ses amendements à la Régie des loyers. Mais là vous avez un ministre — évidemment quand il n'est pas "stressé", dans les périodes de "stress" mon jugement n'est pas pareil à son égard — qui apporte des lois positives et qui veut faire avancer l'administration de la justice et cela je l'ai toujours dit. Je ne m'en cacherai pas aujourd'hui. J'allais dire donc, M. le Président, quelque chose de gentil à l'endroit même du premier ministre, à l'endroit du ministre de l'Education et j'inclus le premier ministre dedans.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... directement.

M. BURNS: II n'y a pas de danger qu'il m'engueule à moins qu'il n'y ait un pot avec la fleur, j'imagine, et il n'y en aura pas. J'allais dire que je présume — je suis obligé de présumer, connaissant le cabinet, connaissant surtout le ministre de l'Education et le premier ministre — qu'ils veulent faire quelque chose de sérieux avec leur projet de loi. On a beau ne pas être d'accord sur tout dans le projet de loi 22, on sait que vous voulez faire quelque chose de sérieux. Or...

M. BOURASSA: Procédons sérieusement. M. BURNS: C'est cela. Et vous êtes bloqué...

M. CLOUTIER: Comment conciliez-vous cela?

M. BURNS: Vous pensez qu'il est tellement bon, votre projet de loi, qu'il faille tout de suite se rendre à l'article 130 dès ce soir.

M. CLOUTIER : Comment conciliez-vous cela? Est-ce que je peux poser une question au député de Maisonneuve? Comment conciliez-vous cela avec la demande que vous avez faite de le retirer? Vous venez de dire qu'on a fait quelque chose de sérieux, vous nous rendez un hommage que je crois mérité...

M. BURNS: Ne m'interprétez pas mal, M. le ministre, je dis que je vous accorde que je suis certain que vous voulez faire quelque chose de sérieux. Je ne vous dis pas que cela l'est. Bon.

M. CLOUTIER: J'avais une certaine inquiétude, je me demandais si vous étiez prêt à traverser. Vous me rassurez.

M. BURNS: Non. Il n'y a pas de danger. Je me sens très bien où je suis pour le moment, d'ici les prochaines élections.

M. TARDIF: Pour le moment. M. BOURASSA: Pour le moment. M. CLOUTIER: D'ici le congrès.

M. BURNS: Non, d'ici les prochaines élections.

M. BOURASSA: Vous avez contredit votre chef assez souvent.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Une chose peut être sérieuse sans être nécessairement bonne.

M. BURNS: C'est cela un parti vraiment démocratique.

M. BOURASSA: Le député de Lafontaine...

M. BURNS: Ce sont des gens qui ont droit à la dissidence.

M. BOURASSA: ... il a refusé de... M. BURNS: On va voir si vous l'avez...

M. LEGER: Vous ne me connaissez pas encore, attendez à demain.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: On va voir si vous l'avez le droit à la dissidence selon ce que vous allez faire du député de Mont-Royal et du député de Sainte-Anne.

M. BOURASSA: Un beau succès, votre incitation à l'annulation...

M. TARDIF: $25,000 chez le diable. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: L'annulation et l'abstention... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: II se répète toujours à sa façon, le premier ministre, annulation et abstention.

M. BOURASSA: Consigne d'annulation et d'abstention.

M. TARDIF: $25,000 chez le diable.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Pourriez-vous demander à tous les députés autres que le député de Maisonneuve, de respecter le droit de parole du député de Maisonneuve. Le député de Maisonneuve faisait un exposé sur lequel je ne suis pas d'accord mais qui a une apparence de sérieux.

M. CHARRON: Vous allez vous faire taper sur les doigts par le premier ministre.

M. BURNS: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je prends pour miens les propos du ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque une question...

M. CHARRON: Vous avez mangé votre nanan hier.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque une question de privilège. Le député de Saint-Jacques...

M. BURNS: II a dit tout à l'heure qu'il n'y en avait pas.

M. HARDY: ... prétend que je me suis fait taper sur les doigts...

M. LEGER: Montrez vos mains.

M. HARDY: ... au conseil des ministres. Encore une fois, je rappelle au député de Saint-Jacques qu'il ne devrait pas croire que le conseil des ministres ressemble au caucus du Parti québécois et qu'il se trouve au conseil des ministres des gens comme le député de Sauvé qui, constamment aux caucus du Parti québécois, reproche à son collègue de Saint-Jacques son style brouillon, débraillé, qui nuit à la réputation de grand aristocrate du député de Sauvé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'espère que ces dernières paroles ne seront pas chargées véritablement, dans tous les sens du mot, à mon temps.

M. CLOUTIER: Non, non, laissons-lui son temps; quant à les entendre, je préfère entendre le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Merci.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est mieux que le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: Ils sont six...

M. CLOUTIER: C'est mieux que les députés de Lafontaine ou du Saguenay.

M. BURNS: Je remercie, soit dit en passant, le député de Terrebonne, pour sa protection de mon droit de parole. J'ai reconnu mon ancien confrère de classe et non pas l'actuel ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: Ce n'est pas la première fois que je protège votre droit de parole, rappelez-vous l'étude des règlements.

M. BURNS: C'est vrai. Il y a des fois où vous ne l'avez pas protégé quand vous me fermiez la boîte comme vice-président de l'Assemblée nationale.

M. BOURASSA: On était obligé.

M. BURNS: En tout cas, maintenant que cette digression est faite; j'étais à dire, M. le Président, que je considère que le premier ministre et le ministre de l'Education, et probablement tous les membres du cabinet veulent

faire quelque chose de sérieux avec le projet de loi 22. Même si on n'est pas d'accord sur le projet de loi, je dis: Quand quelqu'un veut faire quelque chose de sérieux, ne doit-on pas s'attendre à ce qu'il prenne tous les outils, qu'il utilise tous les instruments pour arriver à sa fin, qui est de faire quelque chose de sérieux? Un de ces outils, prétendons-nous, c'est d'admettre au départ et avant le projet de loi qu'on se réserve le droit à cette commission-ci de faire des auditions publiques. Quand on a déposé la motion — j'insiste beaucoup là-dessus, c'est pour ça que le chef de l'Opposition a tenté de préciser la motion du député de Saint-Jacques pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté — on a dit: Ne vous inquiétez pas, on ne vous demandera pas de faire revenir ici les quelque 75 organismes ou individus qui n'ont pas pu se faire entendre. Je le réaffirme pour que ce soit bien clair. Selon nous, on aurait voulu les faire entendre mais on l'a fait au moment où le gouvernement s'est servi de sa majorité pour mettre fin aux travaux de la commission, après la première lecture. Je pense qu'on l'a dit amplement à ce moment-là.

Maintenant que la décision a été prise par l'Assemblée nationale, ce n'est pas à moi de revenir ici pour tenter de faire révoquer cette décision. Ce n'est pas du tout notre intention.

Je me demande pourquoi véritablement le gouvernement aurait peur d'adopter cette motion du député de Saint-Jacques, telle qu'elle est formulée, alors qu'on en connaît le sens, alors qu'on sait véritablement quel sens on veut lui donner. Je pense donc que cette dernière chance que nous avons de nous donner au moins cet instrument, nous devrions la saisir. Tout à l'heure, je n'ai malheureusement pas eu le temps de discourir là-dessus, mais je veux simplement signaler un certain nombre de choses où l'applicabilité, comme je le disais, de la future loi 22, ou projet de loi, une fois mise en application, lorsqu'on aura des difficultés à l'appliquer, on se dira à ce moment: Nous aurions dû consulter des experts.

On n'a peut-être pas pensé, M. le Président, entre autres, aux problèmes que peut causer éventuellement peut-être, cette motion, cette loi, avec les modifications qu'on pourrait y apporter, entre autres à la couronne fédérale.

Je n'ai pas besoin de l'exposé de M. Ryan, je m'en suis servi tout à l'heure; cela va.

M. VEILLEUX: C'était juste pour l'aider.

M. BURNS: Je remercie le député de Saint-Jean qui me donnait à nouveau la source que je citais tout à l'heure, c'est-à-dire l'éditorial de M. Ryan, mais je n'ai pas l'intention d'y revenir. Non, je n'ai pas du tout l'intention d'y revenir. Mais avez-vous pensé, M. le premier ministre... il est vrai que je ne peux pas m'adresser à vous personnellement. M. le Président, est-ce que le premier ministre a pensé aux problèmes... vous allez me dire maintenant que vous ne pouvez pas répondre pour le premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne dis rien.

M. BURNS: Est-ce que vous avez pensé, M. le Président, à ce qu'il adviendra de l'applicabilité de cette loi, eu égard aux quelque 76,000 fonctionnaires fédéraux? Comment va-t-elle s'appliquer relativement à des entreprises à caractère purement fédéral, comme l'armée, par exemple?

M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser une question au député de Maisonneuve?

M. BURNS: Oui, sûrement.

M. BOURASSA: Pourquoi vous obstinez-vous tellement à retarder l'adoption du français comme langue officielle au Québec?

M. BURNS: On ne s'obstine pas à cela. On a dit: On va passer la rivière quand on va y arriver. On considère qu'on n'y est pas encore tout à fait arrivé.

C'est un projet de loi qui est suffisamment important à mon avis, pour le Québec, nous sommes entièrement d'accord avec vous, c'est peut-être le seul point où on est d'accord avec le premier ministre.

M. MORIN: La politique, c'est que le français soit la seule langue officielle du Québec, la seule.

M. BURNS: Oui, c'est important, c'est sûr. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Vous ne voulez pas qu'on le retire maintenant?

M. BURNS: C'est une question...

M. CLOUTIER: Vous ne voulez pas qu'on le retire maintenant?

M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, on va discuter de cela quand viendra l'étape de discuter de l'article 1...

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. BURNS: Pour le moment, on est en train de discuter des étapes préliminaires à l'étude du projet de loi. On a l'intention de se donner tous les outils...

M. CLOUTIER: Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. BURNS: Je dis, M. le Président...

M. CLOUTIER: Vous vouliez qu'on le retire. Voulez-vous encore qu'on le retire?

M. BURNS: On aimerait bien mieux que

vous le retiriez et que vous le reportiez à l'automne.

M. CLOUTIER: Non, qu'on le retire définitivement.

M. BURNS: Ah bien oui! Pour en faire un meilleur.

M. CLOUTIER: C'est ce que vous aimeriez. M. BURNS: Pour en faire un meilleur.

M. CLOUTIER: Non, vous savez très bien ce que cela signifie.

M. BURNS: Pour en faire un meilleur. On n'a jamais dit qu'il ne fallait pas légiférer en matière linguistique. Cela fait trois ans que nous crions après vous...

M. CLOUTIER: Que disait Pierre Bourgault?

M. BURNS: ... pour sortir une charte linguistique.

M. CLOUTIER: Pierre Bourgault a été le premier...

M. BURNS: II y avait trois ans qu'on se faisait dire: On attend la commission Gendron. La commission Gendron n'a pas terminé ses études.

M. BOURASSA: Pierre Bourgault dit lui-même qu'on ne doit pas en retarder l'adoption.

M. CHARRON: Vous avez bavé sur Bourgault pendant dix ans...

M. CLOUTIER: Messieurs, on ne se débarrasse pas de ses pionniers aussi facilement que cela.

M. BURNS: Bon.

M. HARDY: Ingratitude. Si Pierre Bourgault n'avait pas invité le député de Saint-Jacques, il serait encore au jardin de l'enfance.

M. BURNS: C'est quelque chose, M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): Si le jardin de l'enfance n'existait pas, vous ne seriez pas bien loin vous non plus.

M. BURNS: Je ne peux pas, à ce moment-ci parler d'hypocrisie, je pense. Parce que, quand je vois le premier ministre et le ministre de l'Education tenter de réhabiliter M. Bourgault, je ne peux pas parler d'hypocrisie, M. le Président?

M. CLOUTIER: J'ai toujours...

M. BURNS: Je n'en parlerai pas.

M. CLOUTIER: ... j'ai toujours dit que c'en est un qui a compris, au fond ce que c'était le concept de l'indépendance.

M. BURNS: Je n'en parlerai pas.

M. CLOUTIER: Voulez-vous que je vous cite son article?

M. BURNS: Que le ministre de l'Education ne s'inquiète pas, M. le Président, je n'en parlerai pas! Je dis tout simplement qu'on a peut-être pensé et qu'on n'a peut-être pas pensé non plus...

M. BOURASSA: C'est gênant pour le député de Maisonneuve de voir des plus radicaux que lui qui sont d'accord avec le bill 22.

M. HARDY: Ah! Ah! Ah!

M. BURNS: Ce n'est pas du tout gênant. J'admets l'éventail des opinions dans la société, je l'ai toujours admis. Qu'est-ce que vous voulez? Sans cela...

M. MORIN: Sur le bill 22, vous charriez.

M. BOURASSA: ...il a blâmé le Parti québécois pour faire de l'obstruction au bill 22.

M. MORIN: Vous charriez.

M. BURNS: Vous nous sortirez la citation.

M. BOURASSA: Oui, c'est clair. Il l'a écrit à part cela.

M. CHARRON: Vous avez l'air cave, M. le... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Voulez-vous que je vous le Use?

UNE VOIX: Cela vous fait mal.

M. CHARRON: Enormément.

M. CLOUTIER: Cela ne vous intéresse pas.

M. BURNS: Si vous voulez le lire, lisez-le! Lisez tout l'article, si vous le voulez, vous allez participer au "filibustering" que vous voyez partout.

M. CLOUTIER: Autant il fallait se battre, il y a quelques années...

M. MORIN: Nous allons faire une motion pour dépôt de document, M. le Président.

M. CLOUTIER: Aucune objection. C'est vrai

que, si je le cite, je suis obligé de le déposer. Je le dépose.

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez!

M. BURNS: M. le Président, j'étais à dire: A-t-on pensé à l'applicabilité de cela, par exemple, à l'endroit de domaines aussi exclusivement de juridiction fédérale que l'armée, en vertu de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que les banques, en vertu également de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique? Qu'est-ce qui arrive si, du jour au lendemain, les banques vous disent: "Up somewhere with your bill 22? We are of federal jurisdiction and our employees are going to speak French... English should I say". Je suis tellement imbu de les faire parler le français que je me trompe même !

M. BOURASSA: On le sait que votre accent est bon.

M. BURNS: M. le Président, je termine donc ici mes propos.

M. CLOUTIER: Le député de Saguenay vient d'arriver. Cela tombe juste.

M. LEGER: Mais, en arrivant, j'entendais parler anglais. Je pensais que le bill 22 était adopté.

M. BURNS: Est-ce que le député de Saguenay a encore le droit de parole, M. le Président?

M. BOURASSA: Je ne peux pas l'accuser d'être hypocrite. Je sais fort bien que le député de Saguenay est...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. BURNS: M. le Président, d'ailleurs le député de Saguenay, aujourd'hui, a tout fait, au contraire. Je ne voudrais pas que vous commenciez à l'invectiver. Il a tout fait pour collaborer avec le gouvernement. Il a même accepté, alors que le chef de l'Opposition — et j'en suis témoin, puisque j'ai participé à l'entente avec le leader du gouvernement — était occupé à cette commission-ci, le député de Saguenay a même accepté de discuter du projet de loi concernant SIDBEC en Chambre et à la commission parlementaire en bas. Si ce n'est pas...

M. BOURASSA: Un autre geste positif.

M. BURNS: ... un sens de la collaboration, je ne sais pas ce que c'est. Je n'ai même pas tenté de négocier avec le leader du gouvernement un transfert de projet de loi parce que, apparemment, on avait besoin du projet de loi aujour- d'hui. J'ai même accepté, M. le premier ministre — je vous le rappelle — de siéger en bas à la commission des projets de loi privés...

M. BOURASSA: Hier, vous n'avez pas accepté de siéger ailleurs pour le bill 22, par exemple.

M. BURNS: Non, M. le Président, parce que c'est ici...

M. BOURASSA: Cela mettait en relief votre complicité avec...

M. BURNS: ... qu'on siège et que c'est ici qu'on examine le problème. On n'est pas pour commencer à se promener d'une salle à l'autre du parlement simplement parce qu'il y a des problèmes dans l'esprit de certaines gens.

M. LEGER: II ne faut pas oublier non plus que le député de Chicoutimi a agi comme président, alors que c'est la première fois qu'on lui demande et, par hasard, en même temps que le bill 22.

M. le Président, il faut quand même noter notre collaboration.

M. BOURASSA: Ah oui!

M. BURNS: Je suppose que c'était tout à fait par hasard que...

M. BOURASSA: C'est touchant votre collaboration.

M. BURNS: Oui, c'est touchant. Est-ce que vous voulez dire que vous ne voulez plus de ma collaboration? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. BOURASSA: Est-ce que vous...

M. BURNS: Je prends les dernières paroles du premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Demain, je vais lui montrer un exemple de non-collaboration, d'accord?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A L'ordre! Messieurs...

M. BOURASSA: Ce que je demande au député de Maisonneuve, c'est de commencer à l'article 1 pour qu'on puisse discuter sérieusement la question de la langue officielle, comme le chef de l'Opposition me l'a promis.

M. BEDARD (Chicoutimi): ...pour discuter sérieusement.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition nous l'a promis il y a trois jours, il n'a pas tenu sa promesse.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: Vous n'auriez qu'à vous rendre à nos demandes et nous serions déjà à l'article 1 depuis longtemps.

M. BURNS: Est-ce que je peux signaler au premier ministre que véritablement aucune des motions qui ont été faites par les députés de Saint-Jacques et de Sauvé depuis le début, aucune, examinez-les l'une après l'autre, n'est futile, aucune n'est pas faite dans le but de faire avancer les travaux de la commission.

M. BOURASSA: Avez-vous des suggestions?

M. BURNS: Si vous aviez accepté, cela ferait longtemps qu'on aurait commencé l'étude du projet de loi.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser une question au leader parlementaire? Est-ce que le leader parlementaire n'a pas dit publiquement qu'il ferait un "filibuster", même si le chef de l'Opposition n'était pas d'accord?

M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela.

M. BOURASSA: Qu'il ferait un "filibuster" contre le bill 22?

M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela.

M. BOURASSA: Vous n'avez jamais dit cela.

M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela. Les gens qui m'ont posé la question...

M. LEGER: Est-ce que je n'ai pas dit au ministre tantôt que s'il déposait les documents, j'arrêterais net de parler dans mon discours? Est-ce que je n'ai pas dit cela au ministre tantôt?

M. BOURASSA: Vous aviez une autre motion?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Vous avez refusé de vous engager à ne pas continuer le débat stérile.

M. LEGER: J'ai dit que j'arrêterais net de parler si vous déposiez sans condition les documents qu'on vous a demandés.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant, j'aimerais juste donner une réponse à la question que le député de Maisonneuve a posée au début, quant à l'accès à l'Assemblée nationale. Je donne les informations et après cela, on a une période, un "free for all" jusqu'à 6 heures. Je n'interviendrai pas, je vais même m'en aller. Je voudrais dire, à la demande du député de Maisonneuve, que les informations que j'ai reçues des officiers veulent que c'est vrai qu'il y a des gens qui se sont présentés à la porte centrale, qui voulaient assister aux délibérations de cette commission, et qu'à certains moments, durant l'après-midi, la salle était remplie, on a invité ces gens à s'en aller à l'Assemblée nationale, de l'autre côté, en attendant qu'il y ait de la place qui se fasse ici. Que je sache, il n'y a personne à qui on on a refusé l'entrée à l'Assemblée nationale.

M. BURNS: M. le Président, je ne sais pas s'il y a des raisons ou pas, mais il y a des galeries en haut qui peuvent être utilisées. Est-ce qu'il y a des sièges?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez, je vous donne les informations qu'on me donne. Ce n'est pas à moi de juger...

M. BURNS: Parce que je sais que, dans le passé, les galeries ont déjà été ouvertes dans le cas des taxis, par exemple.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, c'est toujours par exception. Vous pourrez sûrement vous adresser au président de l'Assemblée nationale.

M. LEGER: Le projet de loi 22 est exceptionnel, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, je pense que...

M. BURNS: Le projet de loi 22 est au moins aussi exceptionnel que le problème du taxi. Entre vous et moi,...

M. BOURASSA: Les conditions de travail des chauffeurs de taxi, quand même...

M. BURNS: C'est sûr que c'est important, mais la langue d'une nation, imaginez-vous, c'est quand même au moins aussi important que les conditions de travail des chauffeurs de taxi. Vous ne trouvez pas?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Reprise de la séance à 20 h 6

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Nous en sommes toujours à la motion du député de Saint-Jacques, motion pour que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après la deuxième lecture.

Est-ce que la commission est prête à se prononcer?

M. CLOUTIER: Oui, vote.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay.

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. LESSARD: M. le Président, même si, au début de cette intervention, je ne me fais aucune illusion sur la décision...

M. CLOUTIER: Ce n'est peut-être pas la peine de continuer.

M. LESSARD: ... de ce gouvernement, puis-je au moins, encore une fois, faire un dernier effort, une dernière tentative, M. le Président...

M. CLOUTIER: Vous pouvez vous en dispenser.

M. LESSARD: ... pour essayer de convaincre ce gouvernement de la justesse de notre motion. Au cours de cet après-midi, j'ai eu l'occasion de donner un certain nombre de raisons afin que le gouvernement accepte l'amendement du chef parlementaire de l'Opposition.

Malheureusement, le gouvernement a fait son nid et a refusé cet amendement. Mais, encore une fois, il nous est extrêmement difficile de comprendre l'acharnement du gouvernement à s'opposer à des motions.

Cet après-midi, le premier ministre et le ministre de l'Education étaient absents pendant le temps où j'ai eu l'occasion d'intervenir sur la motion du chef parlementaire de l'Opposition, et je voudrais reprendre quand même, très brièvement, l'argumentation première que je faisais valoir.

Si ce gouvernement avait accepté un certain nombre de motions que nous avons proposées, combien d'heures de discussion aurions-nous pu épargner? Combien d'heures de discussion il nous a fallu faire pour prouver à ce gouvernement qu'il était nécessaire de déposer l'ensemble de la réglementation avant d'étudier le projet de loi 22.

Cette réglementation est devenue, par la suite, les principes directeurs et après de nombreuses heures de discussions, le ministre a accepté de déposer, lors de l'étude de l'article 1 du projet de loi 22...

M. CLOUTIER: Mais j'ai toujours accepté dès le départ.

M. LESSARD: ... cette réglementation. Si cela n'avait été de l'acharnement continuel du ministre de l'Education, il ne nous aurait pas été nécessaire de faire toutes ces discussions.

M. BOURASSA: C'est pour le sens des paroles du député.

M. LESSARD: Je disais cet après-midi...

M. MORIN: M. le Président, j'invoque le règlement. Cela fait six fois que le député est interrompu depuis qu'il a commencé à parler.

M. BOURASSA: Je m'excuse, mais il a dit: Si cela n'avait été de l'acharnement du ministre de l'Education, il voulait dire de l'Opposition.

M. MORIN: C'est à croire qu'avec tous vos refus successifs et vos interventions, vous faites de l'obstruction.

M. CLOUTIER: Vous entendez ce rire.

M. TARDIF: Même vos partisans rient.

M. LESSARD: En voyant l'attitude à la fois du ministre de l'Education et du premier ministre ainsi que du ministre des Affaires culturelles, c'est à se demander si ce gouvernement refuserait de s'attaquer véritablement au projet de loi, si ce gouvernement ne veut pas tout simplement retarder...

M. TARDIF: Ferme tes yeux, Lulu.

M. LESSARD: ... l'étude des différents articles de ce projet de loi. C'est à se demander si ce gouvernement ne fait pas tout simplement de l'obstruction systématique à toutes nos demandes afin justement que l'hypocrisie de son projet de loi ne puisse être démasquée par l'Opposition lorsque nous atteindrons l'étude des différents articles.

Le gouvernement voudrait-il nous imposer cette discussion sur des demandes qui nous apparaissent essentielles avant d'entreprendre l'étude du projet de loi, sur des demandes mêmes qui ont été acceptées par le ministre de l'Education?

Le gouvernement voudrait-il nous imposer cette discussion en vue de justifier l'application, comme je le disais cet après-midi, pour une deuxième fois, sur ce projet de loi, du règlement de clôture?

Si la motion que nous discutons ce soir, avait été acceptée dès hier soir, probablement que nous aurions pu interroger plusieurs experts et qu'à la suite de cette audition publique, aurions-nous pu passer dès demain, à l'étude de l'article 1 du projet de loi.

Mais, M. le Président, ce gouvernement s'acharne, ce gouvernement ne veut rien savoir, ce gouvernement voudrait-il cacher les implications que pourrait avoir le projet de loi 22? Quel objectif poursuivons-nous quand nous présentons la motion qu'a présentée le député de Saint-Jacques? Quel objectif poursuit-on quand nous demandons l'audition publique d'experts? Nous voulons tout simplement sauver la face de ce gouvernement. Nous voulons lui éviter une magistrale tape dans la face que pourrait lui donner son patron à Ottawa, le gouvernement Trudeau. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois et, comme Québécois, nous ne pouvons qu'être humiliés lorsque cette situation se présente. Ne devons-nous pas nous préparer en conséquence? Ne devons-nous pas analyser de façon complète, de façon exhaustive, toutes les conséquences constitutionnelles de ce projet de loi afin de nous prémunir, comme l'expliquait le député de Saint-Jacques, contre une attaque du gouvernement fédéral, qui n'est pas le nôtre?

Le premier ministre nous dit que le pouvoir de désaveu est tombé en désuétude depuis une trentaine d'années, mais rien n'empêche, M. le Président, le gouvernement Trudeau de l'utiliser, car il existe toujours, ce pouvoir, en vertu de l'article 56, je pense, de l'acte constitutionnel. Peut-être que le premier ministre croit que son chef à Ottawa ne l'utilisera pas contre le bill 22, puisque ce pouvoir n'a jamais été utilisé contre les autres provinces du Canada qui ont fait disparaître l'enseignement de la langue française à l'intérieur des écoles. C'est peut-être oublier que le gouvernement du Canada est d'abord le gouvernement des anglophones; c'est oublier que les anglophones comptent pour 14 millions au Canada; c'est oublier probablement que nous ne sommes qu'une minorité dans ce pays et qu'un gouvernement est élu par la majorité...

M. BOURASSA: Pourquoi ne pas passer la loi?

M. LESSARD: ... et gouverne en faveur de cette majorité.

M. BOURASSA: Aidez-nous à passer la loi au lieu de nous frapper dans le dos.

M. LESSARD: M. le Président, nous voulons d'abord prendre toutes les précautions nécessaires afin d'être assurés que ce projet de loi ne sera pas contesté par les tribunaux.

M. CLOUTIER: Donc, il sera d'accord.

M. LESSARD: Figurez-vous, M. le Président, les pressions qui vont se faire d'ici quelques jours, d'ici quelques semaines, auprès du premier ministre des anglophones...

M. CLOUTIER: Vous devriez être ravis, si vous le contestez, puisque vous n'en voulez pas.

M. LESSARD: ... afin de faire annuler ce projet de loi.

M. TARDIF: II est tout mélangé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président...

M. LESSARD: Je comprends que le député d'Anjou ne puisse être mêlé, actuellement...

M. TARDIF: On est tout mêlé, à vous écouter.

M. LESSARD: ... il l'est continuellement.

M. TARDIF: A vous écouter, vous êtes tout mêlé vous-même. Vous-même, je parle comme le député de Saguenay.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Le député de Saguenay, M. le Président, parle le langage des gens du Saguenay, il n'a pas honte, et s'il fallait reprendre...

M. TARDIF: Vous demanderez cela aux autorités de... Corrigez vos fautes!

M. LESSARD: ... les mots tels qu'ils sont dits par les gens de Montréal...

M. TARDIF: Corrigez vos fautes pour commencer.

M. LESSARD: Je n'ai pas honte de ma langue, M. le Président, et je dois au député d'Anjou...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Si le député de Saguenay veut me permettre.

M. LESSARD: ... que dans la région de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LESSARD: Rappelez à l'ordre votre collègue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous finirez plus tard.

UNE VOIX: Parlez donc anglais, peut-être que le député d'Anjou va comprendre ce langage!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, madame, à l'ordre !

M. TARDIF: Voulez-vous vous faire sortir, vous?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je répète pour une troisième fois aujourd'hui à

l'intention de ceux qui n'étaient peut-être pas ici cet après-midi, qu'il est strictement défendu pour le public de manifester de quelque façon que ce soit. A la prochaine...

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant, je suis en train de donner des instructions. J'invite le public à respecter cette consigne car je devrai faire évacuer la salle.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay...

M. MORIN: Sur un point de règlement. Comment pouvez-vous vous attendre à ce que la salle ne...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... fasse aucune manifestation quand...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: ... M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! Je rappelle...

M. MORIN: ... ce sont les ministériels qui donnent le mauvais exemple !

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... le chef de l'Opposition officielle à l'ordre! Un instant.

M. MORIN: Sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La décision est claire. A l'ordre !

M. LESSARD: M. le Président... question de règlement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Voulez-vous vous faire sortir?

M. LESSARD: Le chef parlementaire soulève une question de règlement.

M. TARDIF: Espèce d'hypocrite.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez me laisser finir.

M. LESSARD: Depuis quand, les articles 39 et suivants, on ne peut pas...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: ... les utiliser?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A la demande du chef de l'Opposition officielle et à la demande de tous les membres, j'invite les membres eux aussi à se comporter de façon qu'il n'y ait de réaction dans le public.

M. MORIN: Bon. C'est ce que je voulais dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La parole est au député de Saguenay et j'invite tous les membres...

M. MORIN: Le mauvais exemple vient de là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je n'ai pas besoin de conseil. L'honorable député de Saguenay sur la motion.

M. LESSARD: M. le Président, je dois au préalable dire au député d'Anjou...

M. TARDIF: II vous a mis à l'ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Que si ce n'était, M. le Président...

M. TARDIF: Parle donc sur la motion.

M. LESSARD: Que si ce n'était de la région du Saguenay comme de la région de la Côte-Nord, de la Basse Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean, le langage québécois, peut-être, se serait encore beaucoup plus déprécié.

M. TARDIF: Ce n'est pas la région du Saguenay qui parle mal...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, je dois dire aux gens...

M. TARDIF: A l'ordre!

M. LESSARD: ... au député d'Anjou...

M. TARDIF: Dis-lui à l'ordre.

M. LESSARD: ... que les gens du Saguenay comme les gens du Lac-Saint-Jean n'ont pas honte de parler le langage qu'ils parlent.

M. TARDIF: C'est toi qui parles mal.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député pourrait revenir à la motion, s'il vous plaît?

M. LESSARD: Oui, M. le Président et je vous invite...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait.

M. LESSARD: ... à appliquer le règlement pour le député d'Anjou.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait. Je ne peux quand même pas taper sur les doigts des membres de la commission.

M. MORIN: Ce serait une bonne idée.

M. LESSARD: M. le Président, je l'ai d'ailleurs dit au ministre de l'Education, en deuxième lecture. Il faudrait quand même que ce gouvernement prenne conscience que, comme seul gouvernement francophone de ce pays, il nous faut prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer cette sécurité culturelle qui nous est nécessaire. Mais il nous faut en même temps être assurés que cette loi fort importante, comme nous le dit le premier ministre et le ministre de l'Education, soit conforme à la constitution de ce pays, qui nous limite dans nos décisions malheureusement, décisions tant politiques que sociales ou économiques. Sinon, M. le Président, il faut au moins nous assurer de la correction de la rédaction de cette loi afin qu'elle ne prête à aucune contestation devant les tribunaux.

Figurez-vous quelle pourrait être la réaction d'un peuple dont la survivance est mise en danger, à l'intérieur même des limites géographiques où il est majoritaire, qui comprendrait tout à coup qu'il ne peut même pas légiférer pour assurer cette sécurité culturelle. En acceptant la motion du député de Saint-Jacques, le gouvernement pourrait sauver la face. Nous comprenons très bien que le gouvernement se soit trompé. Nous comprenons qu'il se soit engagé sur un terrain glissant. Nous comprenons encore qu'il puisse être allé au-delà de ce que son grand frère Trudeau, représentant de la majorité anglophone du pays, pouvait lui permettre.

Nous comprenons que M. Trudeau soit mécontent de l'administrateur de sa succursale québécoise et qu'il ait voulu semoncer le premier ministre du Québec ou le mettre en garde par un premier avertissement. Mais, M. le Président, malgré toutes les critiques que nous pouvons faire contre ce gouvernement, il reste que, pour nous du Parti québécois, lorsqu'on s'attaque au pouvoir même de ce gouvernement, c'est au pouvoir de notre pays qu'on s'attaque. C'est dans ce sens que nous voudrions encore donner une chance au premier ministre.

On veut tout simplement permettre au premier ministre de pouvoir sauver la face. On veut tout simplement permettre au premier ministre de se prémunir contre l'intervention du gouvernement fédéral. Il faut dire aussi que ce n'est pas seulement contre les attaques du gouvernement fédéral que nous devons nous prémunir, mais il faut dire aussi que la constitutionnalité de ce projet de loi peut aussi être mise en doute par n'importe quel citoyen québécois. Ce n'est pas un député du Parti québécois qui faisait valoir cette possibilité, c'est le député de Mont-Royal, lors de la discussion en deuxième lecture qui faisait valoir cette possibilité en nous remémorant, justement, ce que certains anglophones avaient décidé de faire si le bill 28, concernant la restructuration scolaire de l'île de Montréal, avait été accepté.

C'est l'ultime effort, c'est le dernier effort que nous faisons pour tenter de convaincre ce gouvernement d'accepter la motion du député de Saint-Jacques. Nous croyons que, depuis le début des séances de la commission élue concernant le bill 22, les motions que nous avons présentées ont toujours été des motions légitimes, ont toujours été des motions valables. Il faut avoir les outils, avoir les instruments nécessaires avant d'entreprendre l'étude de ce projet de loi.

S'il fallait adopter ce projet de loi à la vapeur, s'il fallait accepter ce projet de loi sans tenir compte de l'opinion de certains experts concernant la constitutionnalité de ce projet de loi, s'il fallait qu'une fois adopté, le projet de loi 22 soit tout simplement mis en doute devant les tribunaux, tout ce travail que nous aurions fait en commission parlementaire, toutes ces nombreuses heures de séance de la commission parlementaire auraient été peine perdue, mais du moins nous permettraient de dénoncer l'hypocrisie de ce gouvernement.

M. le Président, nous croyons, en tout cas, quant à nous, qu'il serait facile, qu'il serait possible pour le gouvernement Bourassa d'accepter que ces experts viennent se présenter ici en commission parlementaire. Il n'y a quand même pas une urgence extrême. Cela fait, quand même, 300 ans que nous subissons l'agression de l'anglais au Québec. Nous pouvons attendre encore trois ou quatre mois. Nous pouvons attendre l'automne avant d'accepter de façon définitive ce projet de loi. Pourquoi être tout à coup si pressé? Sinon, simplement accepter de trahir la population québécoise dans le silence de la période estivale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur la motion?

M. HARDY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, la motion du député de Saint-Jacques se lit comme suit: Que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après la deuxième lecture. M. Séguin.

UNE VOIX: Absent.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charron? M. CHARRON: En faveur, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom? M. DEOM: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Cloutier? M. CLOUTIER: Contre. LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy? M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Boudreault?

M. BOUDREAULT: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beauregard?

M. BEAUREGARD: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachance?

M. LACHANCE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif?

M. TARDIF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Saint-Germain?

M. SAINT-GERMAIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Veilleux.

M. VEILLEUX: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour, deux; contre, neuf. La motion est rejetée.

M. MORIN: M. le Président, j'ai un...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense qu'il y aurait lieu pour moi d'appeler l'article 1 du projet 22.

M. MORIN: J'ai une motion...

M. CLOUTIER: Article 1?

M. MORIN: J'ai une motion à présenter.

M. CLOUTIER: Ah!

M. MORIN: L'Opposition est profondément déçue de ce refus du gouvernement...

M. CLOUTIER: Le gouvernement est profondément déçu, lui,...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je demander le texte de la motion, avant qu'on...

M. MORIN: Oui. En raison de ce refus, nous voulons faire une dernière tentative, et je propose que soient déposées devant la commission les études faites à la demande du gouvernement sur la constitutionnalité du projet de loi 22.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue tout de suite que je doute fort que cette motion soit recevante.

M. BURNS: En vertu de quel article, M. le Président?

M. MORIN: En vertu de quel article?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 176.

M. BURNS: L'article 176.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Attendez un peu. On va regarder cela.

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue que je me suis trompé.

M. BURNS: D'accord! C'est humain, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me suis trompé.

UNE VOIX: Errare humanum est.

M. BURNS: Je voulais tout simplement vous dire que cela n'empêche pas le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, de faire sa motion. Cela n'empêche pas, d'autre part, le gouvernement de dire qu'il n'est pas d'intérêt public de donner suite à la motion du député.

M. CLOUTIER: Pas du tout! M. BURNS: Mais... M. CLOUTIER: L'article 176... M. BURNS: Pardon?

M. CLOUTIER: J'ai l'impression que l'article 176...

M. BURNS: L'article 176 dit que le gouvernement n'est pas obligé de produire des documents s'il le juge contraire à l'intérêt public. Mais, cela ne rend pas, sur le plan de la forme — je vous le soumets respectueusement — la motion irrecevable. Si la motion était adoptée, à un certain moment, et que la commission disait au gouvernement: Nous voulons cette documentation, et que le ministre ou le premier ministre disait: Ce n'est pas d'intérêt public à le faire, je conçois et je concède d'avance, que la

motion deviendrait caduque. Je ne pense pas qu'elle soit irrecevable.

M. le Président, à moins que vous ayez d'autres problèmes de règlement, je pense que cette motion est parfaitement recevable. C'est une motion pour dépôt de documents qui se fait régulièrement d'ailleurs, à l'Assemblée nationale. Si vous regardez le feuilleton, il y en a des dizaines. Il y a même très souvent, M. le Président, des questions qui sont transformées, à la demande du gouvernement, en motions pour dépôt de documents. C'est la motion la plus régulière. La seule motion que je pense... le seul endroit où le gouvernement pourrait possiblement être forcé de déposer des documents, c'est en vertu de l'article 177, c'est-à-dire le suivant de celui que vous venez de citer, soit: Quand un ministre cite en partie... Même là, il y a aussi le problème d'intérêt public qui peut être allégué de la part du ministre. Il ne s'agit pas, actuellement, de forcer qui que ce soit. Il s'agit de demander le dépôt de ces documents. Donc en soi, et à sa face même, la motion est parfaitement acceptable, M. le Président.

M. HARDY: M. le Président, sur la question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: Sans me prononcer sur la recevabilité de la motion telle quelle, j'avoue tout de suite que je serais peut-être enclin à considérer que la motion est recevable, sauf que je la considère prématurée, c'est-à-dire que le stade où nous sommes ne permet pas de faire cette motion.

En vertu de l'article 154, 1: En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi... Là, M. le Président, je vous réfère aux inquiétudes que j'avais lors de la première journée de nos séances.

Les motions, qui ont été proposées aujourd'hui et même hier, je pense, semblaient recevables, celle de la première journée, sauf celle pour l'ajournement du débat, ne l'était pas parce qu'il est bien clair qu'à ce stade de nos procédures, nous sommes ici pour étudier le projet de loi dans les détails, ce que l'ancien règlement disait, article par article.

Or, en ce moment, nous sommes devant rien. Aussi longtemps que le président n'a pas appelé l'article 1, aussi longtemps que nous ne sommes pas à étudier l'article 1, nous sommes devant le néant. Les motions que nous pouvons faire, avant que l'article 1 ne soit adopté, concernent la nomination du rapporteur et cette motion a été faite. Les motions que vous avez proposées antérieurement — si vous me permettez de faire des références — motion pour production des règlements, par la suite, motion pour dépôt des principes directeurs, ces motions, à mon sens, ne pouvaient venir qu'au moment où on étu- diait un article. Entre autres, un député et un membre de la commission pouvaient proposer une motion pour la production des règlements ou pour la production des principes directeurs au moment où l'on étudiait un article qui réfère à des règlements.

Parfois, on est accusé de faire de la procédure en invoquant certains articles. Il ne faudrait pas non plus penser que le règlement est totalement dépourvu de logique. Il y a une certaine logique à cette procédure parce qu'on peut très bien, avant d'avoir appelé les articles, demander la production d'une foule de choses, entre autres, des règlements et des principes directeurs, et on pourra arriver au premier article qui réfère au règlement et un amendement pourrait être apporté par le ministre ou par un autre, amendement reçu, qui ferait disparaître toute référence à des règlements. Or, on aurait eu des discussions, des discussions pour faire disparaître complètement l'objet, tandis que si c'est au moment de l'article, on sait si la commission décide de laisser la référence à un règlement ou non.

M. le Président, je ne me prononce pas d'une façon catégorique sur la motion, mais je pense... De cela, je suis sûr...

M. BURNS: Vous avez des inquiétudes.

M. HARDY: Oui, mais ce dont je suis sûr, par exemple, c'est que la motion que vous venez de faire, vous ne pouvez pas la faire, vous ne pouvez pas la faire tant et aussi longtemps que l'article 1 n'a pas été appelé. Une fois que l'article 1 a été appelé, vous pouvez prétendre que pour étudier l'article 1, pour être capable de vous prononcer valablement sur l'article 1, vous avez besoin de certains documents et à ce moment, dans le cadre de l'étude de l'article 1, vous pourriez faire une motion, demandant la production de documents.

M. le Président, je termine ainsi. Je dis que présentement, nous sommes dans le néant à la commission. Il faut absolument...

M. MORIN: Vous êtes dans le néant vous-même.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Cela ne vaut même pas la peine de relever l'insignifiance et la bêtise du député de Sauvé. Je vous le dis tout de suite.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que je pourrais demander...

M. HARDY: Nous sommes devant le néant...

M. MORIN: Vous dites des bêtises.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre,

messieurs! A l'ordre! Est-ce que vous avez fini sur la question de règlement?

M. HARDY: M. le Président, ce n'est pas le député de Sauvé qui va décider quand je dois terminer. Oui, je terminais, mais je vais terminer ma phrase.

Je conclus en disant que nous sommes actuellement... H n'y a rien devant la commission. Nous sommes ici pour étudier la loi dans ses détails.

Vous devez appeler l'article 1, et c'est après que l'article 1 aura été appelé, après que nous aurons commencé l'étude de cet article, que des motions pourront maintenant être proposées.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais demander au leader parlementaire du Parti québécois d'éclairer ma lanterne sur la recevabilité de la motion? Probablement que je suspendrai les travaux de la commission ensuite pour y penser à tête reposée, mais pas longtemps.

M. BURNS: Je suis d'accord. Je ne vous dis pas de suspendre cela jusqu'à la semaine prochaine, parce que nous voulons nous aussi que les travaux de la commission progressent.

Quant à la fin, je vous dis d'avance que je serai d'emblée d'accord sur votre suggestion. J'aimerais cependant, pour faciliter l'étendue de mon argumentation, que vous me .disiez si, sur le premier point que vous avez soulevé vous-même, non pas celui soulevé par le député de Terrebonne, mais le premier point, quant à la recevabilité, en admettant que le député de Terrebonne ait tort — disons que le député de Terrebonne a tort sur son point — votre problème, ou vos cauchemars, relativement à l'article 176, sont réglés? Je pourrais vous parler des deux.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas nécessairement en vertu de l'article 176. J'aimerais que vous me convainquiez ou que vous essayez de le faire que la motion telle que présentée est acceptable en vertu de nos règlements, et peut-être l'article 175 également.

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais que vous me fassiez une relation avec la demande de dépôt de documents, puisque c'est ce que fait la motion...

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et la réaction que pourrait avoir le gouvernement en refusant. Je ne veux pas présumer de la...

M. BURNS: M. le Président, et je serais tenté de dire Votre Seigneurie, tellement votre dernier point a une certaine valeur, en vertu de l'article 175 vous avez, je pense, des raisons de vous poser des questions et cela me fait plaisir de tenter de vous éclairer, de le tenter bien respectueusement. M. le Président, je vais être très bref sur l'article 176, parce qu'il me semble que c'est peut-être l'argument le plus facile à détruire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est réglé, je pense, pour moi.

M. BURNS: C'est réglé dans votre esprit? Bon. Je passe donc tout de suite à l'article 175 où on nous dit, sans le lire au complet, que le gouvernement, de sa propre initiative, peut déposer un document, mais un député peut requérir le gouvernement de déposer un document, et c'est probablement l'aspect qui vous fatigue le plus, M. le Président; ce sont les mots "il peut être — c'est-à-dire "il", se référant au gouvernement — prié de le faire par un député sur une motion annoncée." Ce sont probablement les mots "motion annoncée" qui vous dérangent. A ce moment-là, je vous réfère à l'article 155 qui dit qu'en commission aucune motion n'est annoncée. J'espère que cela vous enlève vos inquiétudes de ce côté-là.

Je vais continuer à lire l'article au cas où il y aurait peut-être une autre inquiétude qui pourrait vous être suscitée: "Cette motion n'est pas susceptible de débat ni d'amendement." C'est peut-être une de vos inquiétudes aussi?

M. le Président, à ce moment-là, je vous réfère à l'article 163 qui nous dit: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions." A moins — je reviens à ces premiers mots — de dispositions contraires, je prétends, M. le Président, que l'article 160 est une disposition contraire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 160?

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Là, vous m'avez.

M. BURNS: C'est-à-dire celle qui nous dit: "Lorsqu'une commission étudie un projet de loi après la deuxième lecture ou des crédits, un député peut prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît, à la condition de ne parler plus de vingt minutes en tout sur un même article, un même paragraphe, une même motion ou une même question d'ordre ou dérèglement."

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est là qu'on rejoint l'argumentation, le deuxième point fait par...

M. BURNS: Non, le deuxième point c'est un autre problème, si je comprends bien. Le

troisième point, si vous voulez, si on peut dire. Vous avez éliminé le premier vous-même.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Celui du ministre des Affaires culturelles, je pense, parce que l'article 160, et je pense que ce n'est peut-être pas la place pour faire...

M. BURNS: Non, le député de Terrebonne, comme je comprends son argumentation, nous dit: On ne peut pas présenter cette motion parce qu'on n'est saisi de rien. J'ai l'intention d'argumenter sur ce point qui en est un...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas nécessaire qu'on le fasse tout de suite. On parle ici de la recevabilité de la motion du chef de l'Opposition.

Si j'acceptais la motion telle quelle, en vertu de l'article 175, est-ce que je me tromperais, selon vous, si j'appliquais également la dernière phrase qui dit que cette motion n'est pas susceptible de débat ni d'amendement et que nous pourrions ainsi procéder tout de suite au vote?

M. BURNS: Non, M. le Président, c'est là que je vous réfère à l'article 163 et je vous dis qu'à moins de dispositions contraires... C'est évident que l'article 175 et tout ce chapitre qui concerne les questions et dépôt de documents, si on tient compte de l'ensemble de ce chapitre 15, de l'article 164 à en ce qui nous concerne l'article 175, on est carrément dans ce qu'on appelle les articles dirigés à l'Assemblée nationale. Les questions, par exemple, articles 164, 165, 166, 167, 168, 169 également...

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 175 également.

M. BURNS: ... 170, tout cela, M. le Président, ce sont carrément des choses qui visent la période de questions en Chambre et qui visent également le dépôt de documents quand on l'inscrit au feuilleton par voie de motion annoncée. Là-dessus, en Chambre, je ne me rendrais même pas au premier but si je tentais d'argumenter le contraire. J'en suis convaincu. Ce que j'essaie d'argumenter actuellement, c'est qu'on n'est pas en Chambre et tout le reste aussi, article 171: "Un ministre ou un député auquel une question est posée peut refuser..." Encore les questions. Donc, c'est en Chambre. A l'article 172, on parle des affaires courantes. Il n'y a pas d'affaires courantes en commission...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, je pense que...

M. BURNS: ... il est permis de poser de nouvelles questions. A l'article 173, c'est encore la même chose; à l'article 174, c'est le minidébat qui a lieu après la période normale des travaux de la Chambre, donc le soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Laissez-moi terminer, M. le Président, parce que je trouve cela assez important.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, d'accord, mais c'est parce que...

M. BURNS: Et je vous signale que vous-même, M. le Président, vous avez posé un précédent et là, pour une fois, je vais vous citer, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Attendez, parce que je vais me citer moi aussi. Je me suis peut-être trompé plus d'une fois, mais je sais au moins une fois où je me suis trompé.

M. BURNS: Oui. Alors, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): On comparera nos notes plus tard, pour le moment on va rester sur la recevabilité de...

M. BURNS: M. le Président, si vous voulez savoir les places où vous vous êtes trompé, je peux vous en donner une liste.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, je pense que, à moins que le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Ceci dit sans méchanceté, M. le Président. Je le dis vraiment pour vous taquiner, parce que j'aurais de la difficulté à vous donner une liste. Peut-être un ou deux cas, mais pas plus.

Je pense sérieusement — et je ne veux pas blaguer là-dessus — qu'il est important que l'on conçoive exactement les mêmes choses relativement à l'article 175. Je vous dis que l'article 175 est carrément et clairement dans un groupe d'articles qui visent directement les travaux de la Chambre en Assemblée, et non pas les travaux de la Chambre en commission. Si l'article 163 doit avoir une certaine valeur, il faut accorder une importance aux premiers mots de l'article qui disent: "A moins de dispositions contraires, les règles prévues à l'Assemblée s'appliquent aux commissions". C'est-à-dire qu'on admet qu'en commission il y ait des choses qui se passent différemment, pour autant qu'on spécifie que, concernant les commissions, il y a quelque chose de spécial.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Mais dites-moi quelle disposition spéciale des commissions?

M. BURNS: Je vous dis la disposition spéciale, la première de toutes. L'article auquel vous vous référez mentionne qu'une motion doit être annoncée quand c'est une question de dépôt de

documents. Or, nous disons: En commission, jamais de motion annoncée! Vous avez accepté cet argument.

Deuxième disposition différente, c'est sur le droit de parole. Le droit de parole est passablement clair à l'article 160, M. le Président. On dit tout simplement qu'un député peut prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît, pour autant qu'il ne dépasse pas 20 minutes sur une même motion, un même article, un même paragraphe ou une même question d'ordre ou de règlement. Je vous dis cela, M. le Président, actuellement il ne serait que normal de penser... Et vous avez, au cours de ce même débat, accepté une motion pour dépôt de documents sur laquelle nous avons discuté. Vous n'avez même pas soulevé de question relativement à la recevabilité de cette motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est justement l'exemple dont je vous parlais tantôt, l'erreur que j'ai faite.

M. BURNS: Vous avez fait une erreur, M. le Président, mais ce n'est pas là-dessus que vous avez fait une erreur. C'est sur autre chose.

LE PRESIDENT (M. Gratton): En acceptant la motion, je suis convaincu de m'être trompé.

M. BURNS: C'est sur autre chose que vous avez fait une erreur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A tout événement, je pense que vous avez complété votre argumentation.

M. BURNS: Non, M. le Président.

Je pense que le point de vue soulevé par le député de Terrebonne est assez intéressant, au point de vue des règlements et mériterait d'être réglé...

M. HARDY: On pourrait peut-être régler celui-là, il reste seulement deux mots pour comprendre mais avant de passer à ce point...

M. BURNS: Non, je veux compléter mon argumentation. Ecoutez, je ne suis quand même pas pour prendre ça, bribes par bribes et vous dire: Je vais revenir un peu plus tard, à moins que...

M. HARDY: Je pensais que ce serait plus simple.

M. BURNS: ...vous n'ayez pas terminé.

M. HARDY: Ce sont deux petites remarques que j'avais à faire.

M. BURNS: Ah, si vous n'avez pas terminé, allez-y !

M. HARDY: C'est-à-dire que c'est votre argumentation qui m'a...

M. BURNS: J'aimerais mieux que vous répondiez au total.

M. HARDY: D'accord.

M. BURNS: Je n'ai pas d'objection à ce que vous me répondiez au total. Sur ce point, M. le Président, je dis: A moins de dispositions contraires en commission, ce sont les mêmes règles qu'à l'Assemblée nationale, mais il y a des dispositions contraires. C'est ça que je vous dis. Deuxièmement... pardon? J'ai dit, l'article 160, des dispositions contraires, je peux le dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.

M. BURNS: Deuxième chose, M. le Président, troisième aspect, si vous voulez, du problème de règlement. Le député de Terrebonne, ministre des Affaires culturelles, nous dit: II n'y a rien devant la commission actuellement. Or, je prétends, au contraire, qu'il y a quelque chose. Il y a un mandat donné par la commission ou par l'Assemblée nationale. Ce mandat est bien simple, savoir, étudier le projet de loi. Là-dessus, jusque-là, je suis le ministre et il n'y a pas de problème. On ne discutera pas là-dessus, sauf que le ministre oublie une chose, je pense. C'est qu'il y a plusieurs sortes de motions. Il y a des motions principales, qui sont faites au moment où l'Assemblée, en l'occurrence si on transfert ça pour les fins de la commission, et je vais transférer également le reste du texte, vous allez me permettre le changement... il y a des motions qui sont faites au moment où la commission n'est saisie d'aucune motion. En principe, c'est une motion principale. Il y a aussi des motions secondaires qui sont faites en vue de mieux disposer d'une motion principale dont l'Assemblée ou la commission est actuellement saisie. Il n'y a pas de motion actuellement dont la commission est saisie. Donc, ce n'est pas une motion secondaire. Cela pourrait, jusqu'à maintenant, être une motion principale. Si vous regardez la définition, c'est à l'article 56, premier paragraphe. Là, vous avez, en troisième lieu, les motions incidentes qui se rapportent à des questions se produisant incidemment à la question de toute motion dont l'Assemblée est actuellement saisie.

Vous avez des motions privilégiées, des motions dilatoires dont l'objet est d'écarter ou de différer la considération d'une affaire en cours et vous avez les motions de fond qui sont les motions principales se rapportant à une affaire dont l'Assemblée n'a pas encore été saisie. D'accord? Finalement, la septième, la motion de forme qui est une motion principale consécutive à une résolution ou à un ordre adopté pendant la session ou ayant pour objet de mener à une fin une affaire dont l'Assemblée est déjà saisie.

M. le Président, je vous demande de bien voir qu'il y a toutes sortes de possibilités. Il est possible, actuellement, que vous me disiez que la motion que nous faisons est une motion secondaire, c'est-à-dire le deuxième paragraphe, qui sont faites en vue de mieux disposer d'une motion principale dont l'Assemblée est actuellement saisie. Techniquement, il n'y a pas de motion sur la table, il n'y en aura pas non plus, tant que quelqu'un ne proposera pas l'adoption de l'article 1. D'accord, entièrement d'accord. Mais on est saisi de quelque chose. Je m'excuse, mais on est obligé d'admettre ça. Ce petit quelque chose dont nous sommes saisis, c'est l'ordre de la Chambre qui nous a dit: Messieurs, madame (je ne sais pas si le député de Bourassa en est membre, mais en tout cas) allez étudier en commission le projet de loi no 22. C'est ça que la Chambre nous a dit.

Alors, je serais porté à croire, M. le Président, je vous laisse ça pour réflexion... Je vous avoue que je ne me sens pas la compétence pour choisir entre le fait que ce soit une motion secondaire, une motion incidente ou une motion de forme. J'aurais tendance à croire que nous sommes visés par le septième paragraphe de l'article 56, c'est-à-dire une motion de forme qui est une motion principale et si vous vous référez à la définition de motion principale: C'est une motion qui est faite à un moment où la commission n'est saisie d'aucune motion; c'est typiquement le cas. Des motions principales consécutives à une résolution ou à un ordre adopté pendant la session — il y a eu un ordre, l'ordre a été: Allez, messieurs et madame étudier le projet de loi 22.

C'est cela l'ordre adopté pendant la session — on est encore dans la même session— ou ayant pour objet de mener à fin une affaire dont l'assemblée ou la commission est déjà saisie. Nous sommes actuellement saisis de l'étude du projet, qu'on le veuille ou non, M. le Président, et vous avez été, je vous le soumets respectueusement, tout à fait logique avec le 7e paragraphe de l'article 56, en permettant la motion de l'un de mes deux collègues, soit de Sauvé ou de Saint-Jacques — je ne me souviens pas, je crois que c'est le député de Saint-Jacques — demandant que la réglementation ou tout au moins les principes directeurs de la réglementation soient déposés à cette commission.

Je pense qu'il y avait un autre élément qui avait été demandé, à part cela. Non, c'est la même motion qui a été amendée. S'il y a une motion pour dépôt de documents que je puisse connaître, M. le Président, c'est bien une motion pour dépôt de projet de réglementation ou tout au moins, de principes directeurs qui doivent présider à l'adoption de cette réglementation.

Je pense qu'on est carrément en présence d'une motion visée par le 7e paragraphe de l'article 56, c'est-à-dire une motion de forme. Ce n'est pas une motion de fond, mais c'est une motion principale qui a pour but de faire avancer les travaux de la commission, c'est-à-dire de mener à fin une affaire dont l'assemblée est déjà saisie.

M. le Président, que vous demande la motion du député de Sauvé? Elle vous demande simplement, strictement, en somme, elle demande au gouvernement de déposer devant la commission, pour nous aider à mener à bonne fin, selon l'expression du 7e paragraphe, l'affaire dont nous sommes saisis, c'est-à-dire l'étude du projet de loi. C'est tout.

Et l'argument, ce serait mon dernier, M. le Président, que j'aimerais réfuter — je pense que le député de Terrebonne est beaucoup plus imbu des règlements ou, connaît beaucoup mieux les règlements pour m'amener un argument comme celui de l'article 154— il est évident que l'article 154 s'inscrit dans le cadre de tout ce chapitre 133 des commissions et également dans toute l'économie du règlement, qui est, à toutes fins pratiques, une espèce de charnière, une espèce de trait d'union dans l'étude du projet de loi, de quelque projet de loi que ce soit.

Il est évident que l'article 154 a été mis là. Il aurait tout aussi bien pu être mis dans le chapitre des dispositions concernant les mesures législatives qui se situent aux articles 112 et suivants. C'est clair et net qu'on a voulu insérer — je fais une toute petite parenthèse là-dessus, je suis de ceux qui pensent, et c'est une suggestion que je fais à l'intention, même si cela n'a pas trait à la question de règlement comme tel, mais cela peut être utile à long terme, du ministre des Affaires culturelles qui s'y connaît en matière de règlement, en tout cas, qui s'y connaît plus que la majorité des députés ministériels...

M. HARDY: ... député de Maisonneuve, je le reconnais.

M. BURNS: Ce n'est pas moi qui l'ai dit, remarquez. Mais...

M. HARDY: Mais, c'est cela justement la...

M. BURNS: Non, nous ne partirons pas sur une mauvaise "track" comme dirait le bill 22. M. le Président, je veux tout simplement dire...

M. CLOUTIER: Vous citez déjà le projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît.

M. BURNS: Vous parlez du projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez conclure.

M. BURNS: Je veux juste faire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, allez-y!

M. BURNS: Je pense que c'est la première occasion que j'ai de le faire et je ne perdrai pas de temps avec cela, ne vous inquiétez pas. Je suis de ceux qui pensent que, dans l'intérêt des travaux des commissions, il faudrait réviser notre règlement pour carrément et clairement éviter ce type d'ambiguïté, mettre dans un chapitre ou dans un titre du règlement tout ce qui concerne les commissions et laisser, dans un autre titre, tout ce qui concerne l'Assemblée nationale pour éviter de ces imbroglios.

M. HARDY: Pour faire disparaître l'article 163.

M. BURNS: Pour faire disparaître l'article 163 et le rendre concret.

M. HARDY: Je suis parfaitement d'accord avec le député de Maisonneuve.

M. BURNS: C'est pour cela que je ne manquais pas cette occasion de le faire à la minute même.

M. CLOUTIER: On ne fera pas cela ce soir.

UNE VOIX: Soulignons-le.

M. BURNS: A moins qu'on fasse cela ce soir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Maisonneuve a terminé?

M. BURNS: Non, je n'ai pas terminé.

M. HARDY: M. le Président, si vous me permettez, je suggère en plus qu'on retourne à la Sapinière pour refaire ce chapitre de notre règlement.

M. BURNS: Oui, je suis bien d'accord avec le ministre. On pourrait faire cela ce soir ou demain ou quelque chose comme cela.

M. CHARRON: On pourrait retourner en Chambre.

M. BURNS: M. le Président, en étant sérieux, je veux tout simplement terminer cet argument que j'avais commencé qui m'avait forcé à cette digression. Il est évident que le ministre des Affaires culturelles se sert de l'article 154 en le lisant hors contexte. Il nous dit qu'en commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi. Je pense qu'il est important de se rendre compte que cela s'insère et je dis, comme je le mentionnais tout à l'heure, que cet article aurait très bien pu se trouver dans le chapitre XII, soit celui des procédures législatives. A l'article 120, par exemple, on retrouve cette même formulation d'une autre étape, mais qui parle justement de la — je cherche le mot, je ne sais pas si c'est la fatigue qui me gagne — pertinence du débat à tel et tel stade.

Je pense que l'article 154 est un article qui nous donne la pertinence du débat sur le projet de loi lui-même. L'article 120 en est un typique. "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins". Dans le fon, on nous fixe le corridor de la discussion lorsqu'on est à telle étape sur le projet de loi.

Je pense que, simplement en regardant l'article 54, on voit que c'est un article de ce même type, c'est un article qui nous dit: Si vous discutez du projet de loi, après la deuxième lecture en commission, votre limite quant à la pertinence, c'est de ne discuter que des articles, article par article, et non pas de revenir à là-propos, à la portée, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, parce que cela relève de la deuxième lecture.

L'article de troisième lecture va se retrouver avec exactement la même formulation à l'article 126. Est-ce que le président m'écoute? Je pense que c'est essentiel à... Je m'excuse auprès du ministre.

M. CLOUTIER: Je vous en prie.

M. BURNS: Je suis prêt à attendre. Pardon?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous écoutais.

M. BURNS: Je vous ai référé à... M. CLOUTIER: D'une oreille.

M. BURNS: Oui, mais j'aimerais mieux qu'il m'écoute...

M. CLOUTIER: Cela suffisait.

M. BURNS: ... des deux oreilles, parce que c'est bien important que cela reste collé entre ses deux oreilles, ce que je suis en train de dire.

L'article 126, M. le Président, est le même type d'article que les articles 154 et 120 concernant l'autre étape du projet de loi, c'est-à-dire celle de la troisième lecture. Le débat sur la motion de troisième lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu, c'est-à-dire que, encore là, je ne peux plus parler d'article par article comme, en deuxième lecture, je ne peux pas parler d'article par article. Je ne peux même pas vous dire que l'article 1 n'a aucune valeur. Si je me mets à dire cela, M. le Président, et que je le cite et que vous présidez à la place du président de l'Assemblée nationale, je suis convaincu que vous allez me dire: Le député... Si vous ne me le dites pas, je me fie au député de Terrebonne pour me rappeler à la

pertinence du débat, à ce moment. Je suis convaincu que c'est cela qui va arriver.

Or, l'article 126 me donne également, encore une fois, le corridor. Vous avez ces trois étapes différentes. Je ne parlerai pas de la première lecture pour une raison bien simple, c'est qu'il n'y a pas de débat en première lecture. Donc, on n'a pas de ce type d'article pour la première lecture. Mais remarquez la similitude entre ces trois articles, c'est-à-dire l'article 120 concernant la deuxième lecture, l'article 126 concernant la troisième et l'article 154 concernant l'étape que je dirais sandwich entre les deux, l'étape de l'étude en commission.

Ce n'est pas pour nous donner la limite du débat. Pendant tout ce temps, pendant qu'on nous dit qu'il faut étudier article par article au niveau de l'étude en commission, après la deuxième lecture, je dis et j'affirme sans aucune difficulté que les dispositions qui concernent la définition des différents types de motion, c'est-à-dire l'article 56, paragraphe 7, j'ose le prétendre, sont peut-être d'un autre type.

Je vous laisserai la discrétion d'en juger, mais c'est sûrement et c'est possiblement, à mon avis, une motion de forme, c'est-à-dire une qui est faite pour aider à notre mandat prévu en vertu de l'article 154. C'est typiquement de ce genre de motion qu'il s'agit. Si vous regardez — je ne vous les citerai pas — les autres articles qui pourraient rendre irrecevable notre motion, je vous réfère simplement à l'article 62, qu'on doit interpréter mutatis mutandis, c'est-à-dire qu'elle se réfère à une motion écrite. Donc, comme il n'y a pas, en commission, de motions écrites, il faut lire l'article sans le mot "écrite". On nous dit qu'une motion écrite doit contenir uniquement la proposition. C'est cela qui est fait. Elle ne doit pas être précédée d'un exposé de motif. Il n'y en a pas. Elle ne doit pas contrevenir aux dispositions d'une loi, ni renfermer des expressions dont il est interdit de se servir au cours des débats. Je ne vous citerai pas tous les autres cas, mais je vous indique durant votre suspension que vous devrez peut-être consulter les articles 62, 63 et 64 qui nous disent ce qu'on ne peut pas faire en faisant une motion. Alors, je vous dis qu'aucun des cas cités aux articles 62, 63 ou 64 n'apparaît à la face même de la motion du chef de l'Opposition. Je pense que ce seront des choses que vous devrez... Par exemple, si c'était une question identique à une autre question, qui avait été discutée, je pense bien que vous auriez parfaitement raison. Non seulement de façon positive, je pense que notre motion est recevable, mais de façon négative aussi, on n'y retrouve rien dans les articles qui fixent la forme et le contenu des motions qui puissent vous inciter à trouver cette motion irrecevable.

M. HARDY: M. le Président, très brièvement, je vais reprendre le dernier point du député de Maisonneuve qui, en fait, si on décidait de celui-là, l'autre tomberait par le fait même. Je vais reprendre également le septième paragraphe de l'article 56. Je suis d'accord avec le député de Maisonneuve. Je pense bien qu'il s'agit d'une motion de forme. Mais le paragraphe 7 de l'article 56 dit bien: Que la motion de forme consécutive à une résolution ou à un ordre adopté pendant la session. Or, je dis que c'est vrai qu'il y a eu un ordre de la Chambre nous donnant le mandat de siéger, mais le mandat de la Chambre ne peut pas être considéré comme quelque chose qui est devant nous actuellement. Encore une fois, nous sommes à deux étapes totalement séparées. Nous sommes à l'époque de l'accomplissement du mandat, de même que lorsque le rapport de la commission sera déposé et que nous serons à la troisième lecture, ce qui s'est passé ici, ne pourra pas avoir d'influence, sauf le rapport. Les gestes, qui ont été posés ici, ne continueront pas à avoir des conséquences.

M. BURNS: Si vous me permettez, M. le ministre, juste d'interjeter ceci. Un projet de loi, cela se tient. Toutes les étapes du projet de loi.

M. HARDY: Oui, la loi elle-même, c'est-à-dire le produit.

M. BURNS: Vous ne pouvez pas progresser d'une étape à une autre...

M. HARDY: Oui.

M. BURNS: ... sans faire le lien. C'est tellement vrai, M. le ministre, vous le savez fort bien, que si à la fin d'une session, il reste quelque chose au feuilleton qui n'a pas été adoptée, ce n'est que de façon exceptionnelle qu'on peut continuer où on en était.

M. HARDY: Cela tombe...

M. BURNS: C'est parce qu'autrement cela tombe, à moins que dans les quinze jours de la session, le leader du gouvernement...

M. HARDY: Vous confirmez ce que je prétends?

M. BURNS: Non, cela tombe pour une raison bien simple. C'est qu'on a brisé le cordon ombilical à l'intérieur du projet de loi en faisant une autre...

M. HARDY: Oui.

M. BURNS: ... laissez-moi terminer.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Non, c'est essentiel, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est que vous êtes censé m'éclairer et cela allait bien jusqu'à il y a une ou deux minutes. Là, cela commence à se mélanger un peu.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

M. CLOUTIER: Ce sont des avocats, M. le Président.

M. BURNS: D'accord, M. le Président, vous avez parfaitemant raison et c'est à vous que je devrais m'adresser. On s'est laissé entraîner, de toute façon je ne pense pas qu'il y ait de l'animosité dans la discussion qu'il y a entre le ministre et moi actuellement. Donc, vous n'avez pas de crainte à avoir. Je dis tout simplement et je l'adresse à votre intention, M. le Président, vous, qui comme je le disais hier, n'êtes pas membre de cette noble profession, mais d'une autre noble profession, qui a également ses grandes qualités, mais qui n'a peut-être pas celles que nous avons, nous.

M. HARDY: Pour être juste, qui n'a pas également les défauts.

M. BURNS: II n'a sûrement pas nos défauts, c'est vrai.

M. CLOUTIER: Les arguties.

M. HARDY: M. le Président, je soulève de nouveau une question de privilège. Je pense bien que le député de Maisonneuve va être d'accord avec moi. Je n'admets pas que le ministre des Affaires culturelles prétende que la dialectique juridique que nous avons actuellement, constitue des arguties.

M. CLOUTIER: Vous voulez dire le ministre de l'Education.

M. HARDY: Je demanderais au ministre de l'Education de...

M. CLOUTIER: Alors, je retire... Les avocats ont toujours raison.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement terminer avec ceci. Seulement sur ce point. Je m'excuse d'ailleurs d'être intervenu durant le problème soulevé par le ministre. Je pense qu'un projet de loi se tient. Chaque étape est reliée à une autre, et on ne peut pas tenir compte du fait qu'on est en commission, sans tenir compte du fait qu'il y a eu un ordre en Assemblée.

La meilleure preuve de cela, c'est que l'Assemblée aurait pu décider que nous ne sommes pas ici. L'Assemblée aurait pu décider que nous n'existons pas ici. C'est aussi simple que cela.

Elle aurait pu dire, par ordre, que nous siégeons en commission plénière. On ne serait même pas ici, M. le Président, en train de discuter. On serait en Chambre en train de discuter en commission plénière. J'ai vu le sourire du ministre de l'Education, mais je ne voulais pas dire que tout aurait été réglé en commission plénière non plus.

Je veux tout simplement dire ceci. L'ordre consécutif auquel se réfèrent, à mon avis, les dispositions de l'article 56, septième paragraphe, l'ordre consécutif ou consécutif à un ordre, je pense que c'est l'ordre qui nous a envoyés ici. C'est l'ordre de la Chambre. On ne peut pas oublier qu'il est là. C'est uniquement cela qui est notre mandat. C'est cela qui nous fait vivre législativement actuellement. Autrement, on disparaît législativement si cet ordre n'existait pas. C'est cela, l'ordre qui nous permet actuellement de vous dire que c'est une motion de forme en vertu de l'article 56, septième paragraphe, et...

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord!

M. BURNS: ... autrement, on n'a pas de raison d'être.

M. HARDY: Vous n'avez pas terminé?

M. BURNS: Et l'ordre résume dans un mandat...

M. HARDY: Je vous avoue que cela ne sera sûrement pas aussi brillant que le député de Maisonneuve, mais cela va être plus bref. Je continue à prétendre que l'ordre qui a été donné en Chambre... On ne peut pas greffer... C'est bien sûr qu'il y a une conséquence. De même que dans l'éducation d'un homme, son éducation à sept ans est reliée à ce qu'il sera à 20 ans. Evidemment. Même la première lecture, s'il n'y avait pas eu de première lecture à cette loi, on ne serait pas ici. Mais je dis qu'on ne peut pas greffer de motion à l'ordre qui a été donné à une autre étape. Le député de Maisonneuve n'est pas d'accord avec moi, mais c'est ma prétention.

Deuxièmement, je dis également qu'on ne peut pas... "ou ayant pour objet de mener à fin une affaire dont l'Assemblée est déjà saisie." C'est précisément... C'est la base de mon argumentation. Je dis qu'on peut faire une motion, mais à condition d'être saisi. Nous ne sommes pas... Cela découle de la première. Je dis que l'ordre donné en Chambre, on ne peut pas y greffer de motion. Actuellement, il n'y a rien ici. Il faut être saisi de quelque chose. Dès qu'on sera saisi d'un article, là, vous pourrez ouvrir le robinet de vos motions. Pour le moment, cela ne va pas.

Et si jamais cette argumentation n'était pas valable, si je reviens au deuxième point du député de Maisonneuve, me basant sur les mêmes articles sur lesquels il s'est basé, les

articles 175 et 163, je prétends que c'est l'article 175 qui s'applique intégralement, parce que... J'admets aussi une certaine ambiguïté, et je serais d'accord pour qualifier cela... Le règlement dit que, lorsqu'il n'y a pas d'article spécifique qui s'applique en commission, c'est le règlement de la Chambre qui s'applique, l'article 163.

M. le Président, je soutiens qu'il n'y a aucun article dans notre règlement qui prévoit le dépôt de documents en commission. Aucun article en parle. Donc, c'est l'article 163 qui s'applique, et celui-ci dit: "A moins de dispositions contraires". Il n'y a pas de dispositions contraires concernant le dépôt de documents. Donc, l'article 175 s'applique intégralement en commission en ce qui concerne le dépôt de documents. Donc, il s'agit d'une motion qu'on doit mettre immédiatement aux voix. Vous me permettrez cette petite incartade en terminant. Je comprends que l'application de ce règlement nuit un peu au "filibustering" du député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je le prends gentiment.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Permettez-moi...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Bien...

M. BURNS: Une dernière... M. le Président, s'il vous plaît. C'est un point assez important.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Trente secondes.

M. BURNS: Je n'étais pas présent aujourd'hui, mais j'ai entendu, par l'entremise de la transmission à mon bureau, le ministre, aujourd'hui ou hier, en tout cas, je pense que c'est plutôt aujourd'hui...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas sur la question de règlement.

M. BURNS: Oui, oui. Non, c'est sur un point qu'il vient de soulever. Je l'ai entendu... Je lui fais une bonne blague, d'ailleurs, ce n'est pas méchant. Je l'ai entendu dire lui-même qu'il n'était pas, dans le temps qu'il présidait, un bon président, mais il avait rendu de très bonnes décisions. Là-dessus, M. le Président, je suis entièrement d'accord sur l'affirmation. Une des bonnes décisions — c'est pour cela que je rattache cela — que le député de Terrebonne a déjà rendue, ce n'est pas la seule d'ailleurs, c'est pour cela que je dis que j'étais d'accord avec lui sur son affirmation... c'était que dans le cas d'ambiguïté ou dans le cas de doute, c'est en faveur de l'Opposition qu'il faut interpréter le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission va suspendre pour environ 20 minutes. J'espère que ce ne sera pas plus long. Mais j'invite les membres à ne pas partir si je suis un peu en retard.

(Suspension de la séance à 21 h 10)

Reprise de la séance à 21 h 47

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Décision du président

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Au moment de la suspension des travaux, nous étions saisis d'une motion du chef de l'Opposition officielle. J'aimerais informer les membres de la commission des études et des réflexions que j'ai pu faire non seulement depuis les 20 minutes ou la demi-heure pendant laquelle la séance a été suspendue tantôt, mais j'y ai fait allusion hier et j'y ai fait allusion à nouveau tantôt lorsque j'ai dit que j'avais des doutes et même une certitude quant à la recevabilité de certaines motions qui ont été présentées depuis le début des travaux de cette commission parlementaire, après la deuxième lecture pour l'étude du projet de loi 22.

J'ai voulu, durant cette dernière suspension, vérifier parce que j'avais préparé un texte livrant, ni plus ni moins, une décision basée sur l'étude que j'avais pu faire, d'ailleurs, étude qui a été faite avec le concours et en consultation constante avec le président de l'Assemblée nationale et certains officiers de l'Assemblée nationale également.

J'ai entretenu, depuis au moins deux jours, des doutes sérieux quant à l'admissibilité de certaines catégories de motions et je crois qu'il serait opportun de faire part, dès maintenant, à la commission des conclusions auxquelles je suis arrivé après ces discussions et après mûre réflexion.

L'expérience qu'on connaît en régime parlementaire et qu'on a toujours vécue est qu'après la deuxième lecture d'un projet de loi le mandat de la commission est de passer immédiatement à l'étude du projet de loi, article par article. J'élaborerai davantage sur ce point dans un instant.

Cependant, notre nouveau règlement a voulu prévoir la possibilité de proposer quelques motions préliminaires auxquelles le député de Maisonneuve a fait allusion tantôt qui ont trait â l'organisation ou à la marche des travaux de la commission. Ainsi, l'article 161 prévoit la désignation d'un rapporteur. De même, l'article 148 prévoit qu'on peut accorder le droit de parole aux députés qui ne sont pas membres de la commission.

Il y a aussi l'article 154 qui offre la possibilité de tenir une audition publique. Il s'agit, dans ces trois cas, de dispositions spéciales dont on a parlé tantôt, dispositions contraires en rapport avec l'article qui dit : Sauf dispositions contraires, le règlement de l'Assemblée s'applique.

Voilà donc trois cas où on donne ouverture à des motions préliminaires et, depuis le début de nos travaux, on s'est prévalu de ces dispositions et j'ai jugé que les motions préliminaires présentées étaient admissibles.

Une fois ces motions épuisées, je pense qu'il faut suivre la coutume parlementaire et se conformer au règlement et surtout à l'ordre de l'Assemblée qui nous a demandé d'étudier le projet de loi 22, article par article.

Notre règlement me semble assez spécifique dans la façon d'interpréter l'ordre reçu de l'Assemblée nationale.

En effet, l'article 154, premier paragraphe, édicte ceci: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi". Or, les détails d'un projet de loi, de toute évidence, on ne les retrouve que dans les articles du projet de loi. C'est clair, on ne peut discuter d'autres choses.

Cet article du règlement devient encore plus explicite lorsque l'on retourne à l'ancien règlement. C'est d'ailleurs notre droit d'y faire appel lorsqu'on juge que le règlement actuel est ambigu ou est silencieux sur un point.

En examinant les articles correspondant à l'ancien règlement, on constate sans l'ombre d'un doute qu'en commission, après la deuxième lecture, les députés ont un mandat précis à exécuter: étudier le projet de loi, article par article.

J'ai étudié avec grande attention tous les articles qui établissent les règles auxquelles étaient assujettis les travaux de la commission plénière selon l'ancien règlement. Notre commission, comme on le sait, a un mandat identique à ceux qui étaient jadis déférés aux commissions plénières de l'Assemblée législative.

Dans ce retour aux principes de l'ancien règlement, que j'ai étudié, je l'admets, au cours des derniers jours, et non pas depuis une demi-heure, j'ai étudié en particulier les articles 315 à 371 de même que les articles 560 à 570 qui traitent de l'examen des projets de loi en commission plénière. Vous me permettrez de citer seulement quelques-uns de ces articles, et je pourrais les citer tous, pour démontrer comment leur seule lecture ne peut nous amener qu'à une seule conclusion, soit qu'à ce stade-ci de nos travaux, la commission se doit de passer à l'étude du projet de loi, article par article.

Je cite quelques-uns de ces articles. D'abord la note 1 de l'article 315 qui dit: "La fonction ordinaire d'un comité plénier est non pas de faire enquête, mais de délibérer, d'étudier les détails d'une affaire". La note 2 de l'article 318 est aussi spécifique: "Le président, dès qu'il a pris le fauteuil du comité, procède à soumettre au comité l'affaire qui lui a été envoyée". L'affaire, dans les circonstances, c'est le projet de loi 22. C'est dans le même sens que Beau-chesne, 4e édition, pages 250 et 251, écrit: "Un comité ne peut étudier que les questions qui lui ont été déférées par la Chambre. Un comité

doit s'en tenir à l'ordre de renvoi et ne saurait y déroger". L'article 321 de l'ancien règlement dit: "Un comité plénier ne peut prendre en considération que les sujets qui lui ont été renvoyés par la Chambre ou que la Chambre, par instructions spéciales, l'a, par la suite, autorisé à examiner". La note 1 de cet article 321 précise: "S'il est désirable que d'autres sujets soient examinés en même temps, le comité y doit être autorisé par des instructions spéciales proposées et adoptées avant que le comité se forme pour la première fois".

Que dit l'article 334? "En comité plénier, il n'est permis ni de proposer une résolution générale à l'occasion d'un article ou d'un paragraphe, ni de proposer la substitution d'un contre-projet à un projet de résolution recommandé par le lieutenant-gouverneur". Comme on le voit, le débat est très restreint, même lorsqu'il s'agit d'étudier le projet de loi, article par article.

Lisons aussi l'article 565 qui est on ne peut plus catégorique: "Pendant l'étude d'un bill public, un comité plénier ne peut en discuter que les détails". Ces détails, je le répète, on les retrouve dans chacun des articles et non ailleurs. La note à cet article ajoute: "Le comité n'a pas le pouvoir de décider du fond du bill qui lui a été renvoyé". D'ailleurs, à la lecture de ces deux chapitres de l'ancien règlement, qui concerne les comités qui étudient les projets de loi publics, on voit manifestement qu'il n'est question à ce stade-ci que de l'étude d'un projet de loi article par article et de rien d'autre. C'est là toute l'économie de l'ancien règlement, de la tradition et des auteurs. Je pourrais lire tous les articles parce que partout on réfère à l'étude article par article.

Article 334: En comité plénier, il n'est permis ni de proposer une résolution générale à l'occasion d'un article ou d'un paragraphe...

Article 335: En comité plénier, il n'est pas permis de proposer un amendement ou un article nouveau...

Article 336: En comité plénier, le président met en délibération chaque article ou paragraphe en ces termes. Cet article sera-t-il adopté...

Article 337 : En comité plénier, les amendements sont mis en délibération avant les articles ou les paragraphes auxquels ils se réfèrent...

Article 338: En comité plénier, quand un amendement a été adopté, le président met immédiatement en délibération l'article amendé. Cet article amendé sera-t-il adopté...

Et 342 la note, 343, 344, 345, partout on revient au mot article ou paragraphe. Je pense qu'il est inutile d'insister davantage. Ma conclusion est la suivante. Sauf le cas des motions préliminaires prévues par notre nouveau règlement, les dispositions contraires — et les trois dont j'ai parlé tantôt sont de cette catégorie — toutes les autres motions devraient, à mon avis, être jugées irrecevables par le président. Il doit dès maintenant faire respecter l'ordre de la Chambre et inviter les membres de cette com- mission à procéder à l'étude article par article du projet de loi 22.

Je vous avoue que, si j'avais été mieux éclairé dans le temps et avais eu le loisir d'approfondir sur le champ cette question, j'aurais déclaré irrecevable et je l'ai dit tantôt, la motion qui a été présentée il y a deux jours qui avait trait au dépôt des règlements prévus par le projet de loi 22. La même règle s'applique d'ailleurs au dépôt des amendements globalement. Le ministre peut consentir à faire le dépôt des amendements globalement, mais rien dans le règlement ne l'oblige de le faire sauf au moment où l'article à amender est en question. Inutile de dire que la motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition officielle avant la suspension est, elle aussi, de cette même catégorie de motion irrecevable.

Je répète donc que selon l'économie et la tradition de notre règlement, la tradition parlementaire, il semble très clair que le seul mandat de la commission, d'une commission élue après la deuxième lecture, c'est l'étude du projet de loi article par article. J'aimerais ajouter un mot sur la coutume où le président de commission élue ou plénière, après la deuxième lecture, en prenant son fauteuil, appelle toujours immédiatement l'article 1.

Donc, suite à cette décision et pour les raisons que j'ai invoquées, j'appelle maintenant l'article 1 du projet de loi 22.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse. Ne vous inquiétez pas, je ne critiquerai pas votre décision. Ne vous en faites pas. Je veux seulement, étant donné que je respecte votre décision... Je vous le dis tout de suite, je n'ai pas du tout l'intention d'en appeler, je n'ai pas le droit d'ailleurs.

Je n'ai pas du tout l'intention de la critiquer. Je m'arrête seulement à une phrase de votre décision et ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est peut-être pour l'avenir que je vous réfère à un autre article, parce que vous avez pratiquement, rétroactivement déclaré votre décision d'il y a deux jours, je crois, comme étant erronée. Au contraire, je crois que votre décision était très bonne, elle l'était, non pas en vertu des articles dont vous avez discuté mais en vertu de l'article 151 où on dit — je dis seulement ça et je ne commenterai pas en plus: "Les commissions élues prennent en considération les matières qui sont de leur compétence. Elles étudient spécialement: a) Les crédits;— donc ce n'est pas le cas — b) Les projets de loi et les règlements qu'ils prévoient." Alors la motion du chef de l'Opposition ou du député de Saint-Jacques, je ne me souviens plus très bien, c'était le député de Saint-Jacques, avait trait aux règlements. On était ici pour étudier le projet de loi et, si ç'a avait été l'opinion de la commission, les règlements. C'est tout ce que je dis. Je pense que vous n'avez peut-être pas tenu compte... vous avez été trop sévère à votre égard en disant que...

M. HARDY: Rien qu'un instant, seulement un mot...

LE PRESIDENT (M. Gratton): On ne commencera pas de débat.

M. HARDY: Ce serait vrai selon le mandat qui nous a été donné, si la Chambre nous donne le mandat de siéger en commission pour étudier tel règlement, c'est vrai. C'est l'article 251 b) qui s'applique. Mais actuellement, la Chambre nous a donné l'ordre d'étudier la loi, non pas les règlements.

M. BURNS: Je ne veux pas entamer un long débat là-dessus, remarquez bien qu'on ne dit pas: Les règlements en vertu des lois. On dit: "Les projets de loi et les règlements qu'ils prévoient." Donc, le projet de loi n'est pas adopté encore. Si on avait dit autre chose comme: Les projets de loi et les règlements que les lois prévoient. Je dirais que le député...

M. HARDY: M. le Président, un autre point de notre règlement à préciser.

M. BURNS: Oui. Mais je pense qu'au contraire il n'est pas à préciser; il est bien clair. On dit: "Les projets de loi et les règlements qu'ils prévoient." C'est-à-dire que les projets de loi prévoient. C'est peut-être une petite souplesse.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Moi non plus je ne veux pas argumenter, mais j'ai l'impression que...

M. BURNS: Non, je vous le dis, M. le Président, parce que, c'est passé, ce qui est passé est passé; mais vu que vous y avez fait mention dans votre décision, vous avez fait référence à cette décision d'hier, je veux tout simplement vous dire que je considère, au contraire, que votre décision d'il y a deux jours était parfaitement régulière et elle est supportée par le texte de l'article 151, paragraphe a).

LE PRESIDENT (M. Gratton): II est assez paradoxal, pour une fois que vous me donniez raison, que ce soit moi qui ne vous donne pas raison de me donner raison.

M. MORIN: M. le Président, nous nous rangeons à votre avis.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, j'ai appelé l'article 1 et il est normal que le ministre de l'Education...

M. CHARRON: Sur un point de règlement, le député de Pointe-Claire, M. le Président.

M. SEGUIN: Point d'ordre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Pointe-Claire sur un point d'ordre.

M. SEGUIN: Vous avez rendu une décision. Je crois que la commission doit respecter ce que vous avez annoncé à la commission comme votre décision. Donc, je reconnais mal tout commentaire ou toute observation qui peut se faire à la suite. Article 1, c'est ce que vous avez appelé. Procédons.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Article 1.

M. BURNS: Sur la question de règlement, je veux seulement dire au député...

M. SEGUIN: Non, je veux être gentil avec le député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Vous avez soulevé une question de règlement.

M. SEGUIN: Je ne faisais pas d'accusation, mais j'ai dit qu'il ne doit pas y avoir de débat. Je crois que le président...

M. BURNS: Vous avez soulevé une question de règlement, j'ai le droit de parler sur votre question de règlement, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la question de règlement.

M. SEGUIN: Non.

M. BURNS: Bon. Comment, non? Vous êtes président de commission vous aussi, ça m'énerve un peu ça.

M. SEGUIN: La décision du président a été donnée.

M. BURNS: Bien oui, mais vous avez soulevé une question de règlement, je parle sur votre question de règlement.

M. SEGUIN: S'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est sur une question de règlement que le député de Maisonneuve voudrait parler et non pas sur la décision.

M. BURNS: M. le Président, je veux seulement vous dire ceci, sur la question de règlement, je pense que j'ai été bien clair, je respecte votre décision, je n'ai pas critiqué votre décision, je n'aurais même pas fait de commentaire si une partie de votre décision ne s'était pas référée à autre chose. C'est-à-dire une décision que vous avez prise il y a quelques jours. Je l'ai fait simplement dans l'intérêt, non pas des travaux de cette commission-ci, mais dans l'intérêt des travaux en général de l'Assemblée nationale c'est tout, pas plus.

M. SEGUIN: M. le Président, je dois intervenir de nouveau. Je vous demande...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. SEGUIN: ...s'il vous plaît, sans interrompre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît, c'est fini, c'est fini.

M. SEGUIN: ...et tout le respect que je dois au député de Maisonneuve...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est fini.

M. SEGUIN: ...vous appelez article 1, alors c'est votre décision.

M. MORIN: Sur un point de règlement, M. le Président, puisque nous abordons maintenant l'étude du projet de loi proprement dit, je vous soumets que le premier texte qui se présente à nos yeux est celui du préambule.

M. SEGUIN: Oui, oui.

M. MORIN: ...donc nous devons donc commencer par l'étude du préambule.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'avais prévu la question et j'aimerais référer les membres de la commission...

M. MORIN: A l'ancien règlement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, à l'ancien règlement, parce que le nouveau règlement ne prévoit pas de disposition. L'article 564 est très spécifique: "En comité plénier, les différentes parties d'un bill public sont examinées dans l'ordre suivant: Premièrement, les articles imprimés; deuxièmement, les articles imprimés qui ont été différés; troisièmement, les articles nouveaux; quatrièmement, les annexes imprimées, mais seulement s'il y a lieu de les amender; cinquièmement, les annexes nouvelles; sixièmement, le préambule; septièmement, le titre, mais seulement s'il y a lieu de l'amender". C'est seulement en sixième lieu que nous étudierons le préambule. Pour le moment je demande... Oui?

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. En l'absence de texte dans notre règlement, je comprends que, par votre dernière remarque, vous suggérez qu'on utilise l'article 564 de l'ancien règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, ce n'est pas ce que je fais. Je me réfère à cela pour indiquer quel est l'esprit. D'ailleurs, vous le savez mieux que moi.

M. BURNS: D'accord, mais voulez-vous que je vous dise mon humble opinion sur la question de règlement? Il y a des cas où nous avons, et vous vous servez sans aucun doute de l'article 4, si je ne me trompe pas: "Dans un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinions sur l'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine".

Vous donnez au mot "usages" une extension plus grande et vous dites: L'ancien règlement nous disait que. C'est votre point de vue. Je vous dis ceci : Si dans le cas où on a pris l'ancien règlement et on a fait carrément —non pas qu'on n'a pas créé une ambiguïté — disparaître une disposition de l'ancien règlement. Je vais vous citer des cas, mais peut-être celui qui me vient...

M. SEGUIN: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BURNS: Je suis, M. le Président, sur un point de règlement.

M. SEGUIN: Voulez-vous appeler l'article 1?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 1 est appelé.

M. SEGUIN: Alors, qu'on discute l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense qu'il faut définir entre nous ce qu'est l'article 1.

M. SEGUIN: Un point de règlement sur l'article 1, oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce qu'on fait. C'est qu'on veut savoir...

M. SEGUIN: Ce n'est pas ce qu'on comprend à ce bout-ci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ah bon! C'est ce que j'avais compris. Je pense que c'est dans ce sens-là que...

M. BURNS: M. le Président, je suis sur une question de règlement parce que, justement, vous avez appelé l'article 1. C'est cela. C'est tout aussi simple que cela. D'accord?

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.

M. BURNS: Est-ce que le député de Pointe-Claire me laisse continuer sans soulever d'autres questions de règlement à l'intérieur de mon problème de règlement? Cela va?

M. SEGUIN: On verra. On verra. Je m'adresse au président.

M. BURNS: Je vous jure que je vais m'in-quiéter dangereusement quand je vous verrai présider une commission à l'avenir, le député de Pointe-Claire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable député de Maisonneuve.

M. SAINT-HILAIRE: C'est hors du sujet.

M. BURNS: Je suis peut-être hors du sujet, mais c'est vrai en "moses" ce que je pense.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. SAINT-HILAIRE: C'est hors du sujet quand même.

M. SEGUIN: Nommez des conditions, nommez des situations où vous avez été...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! S'il vous plaît! L'honorable député de Maisonneuve sur une question de règlement.

M. BURNS: M. le Président, je disais tout simplement ceci: Je présume que vous vous basez sur l'article 4 pour dire que, comme on n'a pas de disposition là-dessus, on suit ce qu'on avait dans l'ancien règlement. Je vous dis autre chose. Je vous dis que ce même article 154 —que vous avez interprété tout à l'heure quant aux motions que vous avez jugées irrecevables — sert â nous dire que nous aimerions et pensons que nous devrions d'abord examiner le préambule.

C'est sûr que l'ancien article 564 mettait un ordre d'étude des articles, et vous l'avez cité, d'abord les articles imprimés, les papillons par la suite, etc., et en sixième lieu arrive le préambule et, finalement, le titre.

Je vous dis qu'il y a une règle de droit qui est courante — elle est tellement courante qu'elle est non écrite — c'est qu'un législateur est censé poser un geste de façon intelligente, c'est-à-dire en sachant ce qu'il fait.

Il arrive très souvent qu'on interprète la disparition d'un article, la disparition totale d'un article comme étant la volonté d'un législateur de ne plus voir l'application de cet article. Cela est, je pense, un principe de droit, comme je vous dis, qui est tellement courant que vous ne le retrouvez pas, sinon dans la jurisprudence, dans l'utilisation, dans l'interprétation qu'on fait dans des textes.

Il y a le principe en droits civils qui, lui, est écrit et qui dit qu'un législateur est censé poser un geste pour qu'il ait un effet plutôt, dans le cas d'ambiguïté, que de le faire dans un but où son texte n'aura pas d'effet.

Or, quand on a refait le règlement, non seulement on n'a pas modifié vaguement la disposition de l'article 564, on l'a fait disparaî tre totalement. Qu'est-ce qu'il nous reste maintenant, M. le Président? C'est cela qui est important. C'est d'examiner le texte qui nous reste. Le texte qui nous reste, c'est en commission plénière ou élue, après la deuxième lecture —c'est l'article 154 — on ne peut discuter — je me range totalement dans la logique de votre décision que vous venez de nous rendre — que les détails du projet de loi. Vous remarquez bien que l'article 154 ne dit pas que les articles des projets de loi. Or, que sont les détails du projet de loi?

Moi, je suis obligé de regarder le projet de loi 22 et, après avoir lu le titre, je l'ouvre à la première page et je vois: "Projet de loi no 22". Je retrouve le titre: "Loi sur la langue officielle" et, tout à coup, je me mets à lire: "ATTENDU que la langue française constitue un patrimoine national que l'état, etc." Ce sont les détails du projet de loi. A mon avis, tout ce qui apparaft après le titre, ce sont les détails du projet de loi.

Il y a une autre ambiguïté. Je vous la pose, non pas pour que vous la résolviez ce soir, mais il y a une autre ambiguïté qui est aussi réglée d'une façon assez spéciale par la disparition de l'article 564.

M. SAINT-HILAIRE: II y a l'article 1.

M. BURNS: Par la disparition de l'article 564, M. le Président, on s'aperçoit...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... qu'en vertu de l'ancien règlement, le même que vous utilisez actuellement pour nous dire que le préambule devrait être étudié après les articles, qu'au septième paragraphe, c'est le titre qui peut être discuté en dernier lieu, mais seulement s'il y a lieu de l'amender. Je me dis: Est-ce que le titre fait partie des détails du projet de loi? Je me demande même — ce ne sont pas des blagues — si avec l'amendement de l'article 154, n'importe quel député ici aurait le droit de discuter du titre de la loi, parce que, pour moi, le titre, ce ne sont pas les détails du projet de loi? Je ne vous demande pas de résoudre cette difficulté tout de suite, mais c'est à ce point que je crois que l'article 154 a changé l'approche. Je termine en disant ceci:...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous avez terminé?

M. BURNS: Non, parce que vous ne m'écoutiez pas, j'attends. Prenez votre temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, continuez.

M. BURNS: Non, c'est parce que, M. le Président, je n'argumente pas dans l'air...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non.

M. BURNS: ... et je sais que vous êtes un humain normal. Je pense que vous ne pouvez pas écouter deux conversations en même temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.

M. BURNS: Je dis, M. le Président, de deux choses, l'une...

M. SEGUIN: C'est quasiment être insultant. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... ou bien vous décidez que quand on se réfère à l'article 154 et qu'on dit les détails, cela veut dire les détails dans l'ordre où ils se présentent dans le projet de loi ou bien vous décidez autre chose, M. le Président. Sur cela, je vous laisse l'alternative possible. Ou bien vous décidez, comme il est possible de le faire — et on le fait à l'examen de tous les projets de loi — qu'on peut intervertir l'ordre de la discussion. Si vous appelez l'article 1, je vous soumets respectueusement qu'il est parfaitement dans l'ordre, de la part d'un membre de l'Opposition qui pourrait le désirer, de proposer une motion disant que le préambule du projet de loi soit discuté avant l'article 1.

C'est la soumission que je vous fais. Je vous laisse une alternative. Je pense que, de deux choses l'une: vous êtes obligé de me dire que l'une ou l'autre de ces solutions est possible. Voici la première, celle que je prétends être exacte. Je me résume. Quand on a fait disparaf-tre l'article 564, c'est qu'on ne voulait plus de l'article 564. On n'a même pas amené de lointaines équivalences à l'article 564 dans le règlement. On n'a même pas approché l'idée de l'ordre. On a remplacé cela en pratique par l'article 154, qui nous dit qu'on ne peut discuter que les détails. Je vous dis que cette disposition — les détails du projet de loi — existait également dans l'ancien règlement. Dans l'ancien règlement, on prenait la peine de préciser l'ordre dans lequel les détails du projet de loi devaient être discutés.

Je vous dis qu'en l'absence de l'article 564, c'est l'article 154 maintenant qui prime. C'est sûr que les usages de l'Assemblée nationale doivent exister, doivent être maintenus. Je reconnais l'existence de l'article 4 de notre règlement. Avant les usages, ce sont les articles clairs et je pense que l'article 154 est clair, du moins sous cet angle, quand il nous parle des détails du projet de loi, à moins que vous me convainquiez que les détails d'un projet de loi ne visent pas le préambule. Je pense que vous allez avoir de la difficulté à me convaincre de cela.

Ou bien, c'est une alternative que je vous soumets, il est possible à un membre de la commission de proposer l'inversion, si votre interprétation est qu'on doit d'abord étudier article par article le projet de loi et uniquement à la fin, le préambule. Je pense qu'à ce moment n'importe quel député peut vous proposer de discuter du préambule avant l'article 1. Voici la logique en vertu de laquelle je vous ai parlé de l'aspect réglementaire; je n'argumenterai pas là-dessus, parce que vous allez me trouver hors du sujet, si j'entre dans le fond. Simplement, pour appuyer cette logique réglementaire, je veux juste vous indiquer la logique de fond, si vous voulez, la logique qui sous-tendrait une argumentation à cet effet. Je n'entrerai pas dans les détails. La logique c'est que, normalement, dans un préambule, vous retrouvez les grands principes qu'on entend retrouver dans le projet de loi. C'est cela qu'est la logique.

Je vous le soumets, dans l'ancien règlement, ce n'est que par une fiction légale qu'on a décidé de mettre le préambule à la fin, pas dans l'ancien projet de loi, dans l'ancien règlement. Par exemple, qu'est-ce qui me dirait, à un moment donné, dans un projet de loi particulier, en vertu toujours de l'ancien règlement, que les annexes imprimées ne comporteraient pas, lors de l'étude de tel ou tel projet de loi, une importance telle que les députés se sentent obligés de dire à tel ou tel article qui se réfère à des annexes: Je vous demande, par voie de motion, d'amener ou d'inverser l'étude. Disons qu'on arrive à l'article 1 d'un projet de loi et qu'à l'article 1 on y voie: Les personnes ou les professions, tel qu'on le voyait par exemple dans le code des professions, les professions mentionnées à l'annexe A, sont régies par telle et telle disposition, etc.

Il peut arriver qu'un député qui est membre de la commission sente, croie, soit convaincu qu'il est tellement important et lourd de conséquences de discuter d'abord de cette annexe avant d'aller à l'étude de fond de cet article 1, qu'il vous propose d'inverser l'ordre, toujours placé dans l'ancien règlement.

Je pourrais vous citer de nombreux précédents où on a inversé l'ordre des articles. Je pense qu'on peut faire cela. Si vous considérez, en résumé, le préambule comme un détail du projet de loi, je pense qu'il en est un, à ce moment, on est obligé de considérer que, tout au moins, il serait possible au chef de l'Opposition ou au député de Saint-Jacques de faire la proposition que je vous signalais tout à l'heure, proposition qui aurait pour objet de demander que la commission étudie d'abord le projet de loi avant l'article 1.

Dernier argument, M. le Président, que je vais vous donner là-dessus... Dans le préambule, je m'excuse, la fatigue me gagne. Je mêle les mots. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire, M. le Président.

Dernier argument que je vous donne là-dessus, tout simplement, c'est que les détails du projet de loi concernant également le préambule. C'est qu'il faut lire cet article 564. Même notre ancien règlement considérait cela comme des détails d'un projet de loi. L'article 564 disait: "En comité plénier, les différentes parties..." D'accord, M. le Président? Merci!

L'ancien article 564 disait: "En comité plénier, les différentes parties d'un bill public" — c'est comme cela qu'on l'appelait à ce moment — "sont examinés dans l'ordre suivant: le, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e, le préambule". Donc, notre ancien règlement, s'il a tellement de

valeur à vos yeux que vous l'utilisez comme élément d'usage passé, cet ancien règlement lui-même considérait le préambule d'un projet de loi comme —je cite les mots utilisés dans l'article 564 — les différentes parties d'un bill public.

Continuons, M. le Président, un peu plus loin... Ou plutôt un peu plus avant... Il y a tellement longtemps que j'ai fouillé dans ce règlement... Attendez un peu. Je vous demande un peu de patience. Je vais le trouver et retrouver l'article...

M. SEGUIN: ... M. le Président, à intervenir et demander si votre décision du début ne tient pas encore. Je comprends...

M. BURNS: M. le Président, j'ai encore le droit de parole.

M. SEGUIN: Pendant que le député cherche dans...

M. BURNS : Je l'ai trouvé. Ne vous inquiétez pas.

M. SEGUIN: ... on me permettra de faire un commentaire...

M. BURNS: Voyons donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous sommes sûrement à l'article 1.

M. SEGUIN: Sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous sommes à l'article 1.

M. SEGUIN: Nous sommes à l'article 1, mais d'un autre règlement.

M. BURNS: Bon!

M. SEGUIN: Article 1 du bill 22.

M. BURNS: M. le Président, voulez-vous demander à ce député qui préside des commissions de respecter mon droit de parole? J'ai encore la parole, M. le Président. Je peux, en vertu de l'article 160, intervenir pendant au moins 20 minutes sur une question de règlement.

M. SEGUIN: Je demande au député de Maisonneuve de respecter les ordres du président.

M. BURNS: Je vous demande, M. le Président... J'invoque le règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! UNE VOIX: Cela fait dix-huit minutes. M. SEGUIN: Encore pour deux?

M. BURNS: Le président me le dira quand j'aurai fini.

M. SEGUIN: Une tolérance.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BURNS: Je vous dis que...

M. LEGER: Est-ce que le député de Maisonneuve veut que je m'occupe de jaser avec le député de Pointe-Claire pour le tenir occupé pendant que...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. SEGUIN: N'appuyez pas le député de Pointe-Claire, il n'a pas besoin d'appui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Maisonneuve est prêt?

M. SEGUIN: D a encore deux minutes.

M. BURNS: M. le Président, j'ai retrouvé l'article que je voulais vous citer, et c'est l'article 565.

M. SEGUIN: Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé? On vous l'aurait dit.

M. BURNS: L'article 565, qui nous dit... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Je pense que le député de Pointe-Claire est un député qui est président de commission parlementaire. Le député de Pointe-Claire devrait justement suivre les règlements...

M. SAINT-HILAIRE: Vous coupez la parole...

M. LESSARD: J'ai posé une question de règlement. Je comprends que le député de Saint -Hilaire... que le député de Rimouski...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre !

M. LESSARD: ... ne connaît pas ce que c'est qu'une question de règlement. M. le Président, je vous invite à demander au président de commissions, le député de Pointe-Claire, de suivre les règlements, tel qu'il nous le demande, lui, quand il préside les commissions parlementaires.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! On a assez de difficulté sans que le public s'en mêle.

M. BURNS: Surtout que cela ne les concerne pas, ce qu'on discute ici, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît!

M. BURNS: Il semble que cela ne les concerne pas. On n'a pas entendu tous les gens qui voulaient nous dire ce qu'ils pensaient de ce projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous le savez, j'ai une patience extraordinaire.

M. HARDY: Vous avez provoqué...

M. BURNS: Je n'ai provoqué personne et je pense que le député de Terrebonne est en mesure de dire que la discussion à caractère juridique que nous avons eue tout à l'heure n'avait aucun élément de provocation...

M. HARDY: Dans la parenthèse...

M. BURNS: Dans la parenthèse, je pense que la provocation vient du bout de la table là-bas et ce que je trouve absolument incroyable, c'est que cela vienne d'un des sept députés qui agissent comme présidents de commission. Je trouve cela incroyable. Il se conduit comme un député qui vient d'entrer à l'Assemblée nationale et qui ne sait pas ce qui se passe...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... et qui est frustré à part cela. Cela m'inquiète beaucoup. S'il est président de commission, j'espère que ce n'est pas pour longtemps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. SEGUIN: Qui a commencé?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. SEGUIN: Je suis plus inquiet des commentaires du député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Vous m'invitez à suspendre les travaux et je pense bien que ce n'est pas cela que personne veut. Un peu de collaboration, s'il vous plaît. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je veux seulement vous dire ceci. Ma tâche est assez difficile d'argumenter sur les règlements et je pense que vous allez l'admettre parce que vous-même, vous trouvez cela difficile de rendre des décisions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Très.

M. BURNS: C'est aussi difficile à mon bout du bâton.

LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord!

M. BURNS: Alors, quand je me fais interrompre, cela devient un peu choquant parce que je me demande, si à ce moment, c'est de propos délibéré qu'on tente de me faire perdre le fil de mes idées. C'est tout. J'explique un peu ma saute d'humeur, si vous voulez.

J'avais retrouvé l'article 565 et d'ailleurs quand je fais cette mention, c'est dans votre intérêt. Il est normal que ce que je vous dis se tienne ensemble, soit logique. C'est pour cela que je ne veux pas être interrompu.

L'article 565 nous dit que, pendant l'étude d'un bill public, un comité plénier ne peut en discuter que les détails. Expression que je vous mentionne qu'on retrouve à l'article 154 actuel. On a repris le mot "détails". Les détails, drôle de façon de légiférer quand même, mais en tout cas. On trouve ce que sont les détails à l'article 564 et cet article nous dit qu'entre autres détails, il y a le préambule.

Je vous place devant l'alternative suivante. Je vous ai donné mon opinion. Je ne veux pas vous l'imposer. Je prétends que, normalement, on devrait étudier les détails dans l'ordre où ils se présentent dans le projet de loi, mais, si ce n'est pas votre opinion, je prétends qu'une motion demandant l'inversion de l'étude des détails du projet de loi est parfaitement recevable et à ce moment, j'aimerais que vous nous l'indiquiez et j'imagine que le député de Saint-Jacques ou le député de Sauvé — le chef de l'Opposition — seront en mesure, puisqu'ils sont membres de la commission, de faire une telle motion.

M. HARDY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: Je pense qu'on est en face d'un cas où l'ancien règlement s'applique d'une façon claire. L'actuel règlement est totalement silencieux quant à l'ordre de l'étude d'un projet de loi. Il se contente de dire: On étudie les détails du projet de loi.

C'est évident que le préambule est un détail du projet de loi, mais l'actuel règlement ne dit pas dans quel ordre, sauf que selon la logique, évidemment, on commence plutôt par l'article 1 que par le dernier article.

Ce nouveau règlement nous dit qu'on doit se référer aux usages. S'il y a un usage, qui a vraiment de la consistance et qui a vraiment le caractère d'un usage parce qu'il a été utilisé pendant des années et des années, c'est le règlement. Il y a des usages non écrits, qui sont un peu flous, mais l'ancien règlement est un usage codifié, c'est un usage que l'on peut connaître, que l'on peut bien identifier.

L'actuel règlement est silencieux quant à l'ordre d'étude d'un projet de loi. On retourne à l'usage. Le principal usage est l'ancien règlement. D'ailleurs, M. le Président, je vous rappelle et à travers vous, le député de Maisonneuve,

qu'il y a une filiation entre l'ancien règlement et le nouveau. Je rappelle, au député de Maisonneuve, la méthode que les codificateurs de l'actuel règlement ont utilisée pour le composer. Les codificateurs ne se sont pas réunis un bon matin pour...

M. BURNS: Au début.

M. HARDY: Le début est resté... Cela a été le premier jet. On a pris l'ancien règlement et on a émondé, on a épluché... Quel était le but du législateur? Ce n'était pas d'apporter de nouveaux principes juridiques dans la conduite des travaux de l'Assemblée nationale. Le but essentiel, lorsque nous avons adopté ce règlement, était de simplifier, de synthétiser.

Bien sûr, dans cette simplification, cela nous amène à certains problèmes, comme des silences, mais je dis qu'il y a une filiation très nette entre l'ancien règlement et le nouveau. En d'autres termes, l'actuel règlement est un peu le fils de l'ancien. On ne peut donc pas prétendre qu'il y a une coupure complète.

M. le Président, je finis par cela. Malgré ses complications, malgré parfois ses contradictions, il y avait quand même dans l'ancien règlement une très grande logique et, en particulier, à cet article qui détermine l'ordre d'étude d'un projet de loi. Cet ordre est très logique et je rappelle au député de Maisonneuve une certaine jurisprudence. Lorsque les juges sont appelés à interpréter une loi qui comporte un préambule, c'est assez rare que des lois publiques comportent un préambule, il est très clair, je pense — et le député de Maisonneuve ne me contredira pas là-dessus — que les juges ne donnent pas des conséquences légales au préambule, mais le préambule sert à ce moment-là à interpréter le corps de la loi. Le préambule est une espèce d'éclairage pour savoir ce que veulent dire exactement les articles 5, 6, 7... Or, si le préambule est un moyen d'éclairer le corps de la loi, voyez-vous dans quelle situation on se trouverait? On adopterait d'abord le préambule et, après cela, il pourrait arriver que les amendements que l'on apporte à la loi fassent que le préambule n'éclaire plus du tout la loi parce qu'il y aurait certaines contradictions. La logique est d'abord d'adopter le corps de la loi et si, à un moment donné, on s'aperçoit que le préambule, qui est déjà là, ne sert plus à expliciter le corps de la loi à cause des amendements, là on change le préambule. Si on adopte d'abord le préambule et, après cela, qu'on adopte le corps de la loi et qu'on apporte certains amendements, le préambule ne servira plus à éclairer la loi, ce qui est sa raison d'être.

Pour cette raison, M. le Président, je soumets que l'ancien règlement était très logique, très valable et, parce que le nouveau règlement est silencieux, on devrait, dans ce cas, appliquer l'ancien règlement, étudier la loi article par article. Quand on est rendu, à l'article 133 adopté, on étudie le préambule pour savoir s'il correspond toujours à la loi que nous avons adoptée et, par la suite, enfin, on étudie le titre pour savoir si ce titre correspond vraiment à la loi que l'on vient d'adopter.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education, sur la question de règlement.

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne suis pas juriste et, à entendre certaines discussions, je m'en réjouis. Comme je l'ai déjà dit à l'Assemblée, je sais lire. Je vais apporter un argument, je ne sais pas si je réussirai à convaincre l'Opposition parce qu'il me semble, moi aussi, qu'il y a une logique certaine à étudier le préambule à la fin.

Le préambule n'a pas de valeur juridique, il sert à interpréter la loi, comme le ministre des Affaires culturelles vient de le rappeler, il ne peut prévaloir sur une disposition du projet de loi et il ne sert, à toutes fins utiles, qu'à définir des objectifs. Que se passe-t-il si, lors de la discussion de la loi, on est amené... J'aimerais que le député de Maisonneuve me prête un peu d'attention, parce que je pose une question très claire.

M. BURNS: Justement je viens de vous écouter et je viens de déceler une faille que je viens de dire au chef de l'Opposition qui a l'intention de vous répondre.

M. CLOUTIER: Attendez peut-être à la fin, vous verrez si la faille n'est pas colmatée en cours de route.

M. CHARRON: C'est rare.

M. CLOUTIER: Que se passe-t-il si, au cours de la discussion du projet de loi, article par article, il y a des amendements et que ces amendements viennent changer, non pas le principe, mais certaines modalités importantes du projet de loi? Est-ce que le préambule n'en est pas affecté, à ce moment-là? Et si le préambule en est affecté, c'est la logique même de l'étudier après.

J'apporte peut-être une modeste contribution, je ne sais pas si elle constitue une interprétation légale, mais en tout cas il me semble, à mon point de vue, que c'est la logique même. Est il besoin de la répéter?

Nous allons étudier un projet de loi, article par article. Nous serons peut-être amenés à envisager des amendements et il peut y avoir des amendements majeurs. Ceci risque de changer le préambule et peut-être même de changer le titre, en tout cas, de changer le préambule. Je ne parle pas de cette loi en particulier, je parle de toutes les lois en général. A ce moment-là, n'est-il pas logique d'étudier le préambule après l'étude de la loi en entier pour voir s'il correspond toujours à l'esprit de la loi?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition officielle sur la question de règlement.

M. MORIN: M. le Président, le préambule vient au début de la loi et l'étymologie du mot d'ailleurs nous indique sa portée. Préambule veut dire "praeambulare", c'est-à-dire avant d'entrer dans le sujet, avant d'entrer dans le vif du sujet, avant d'entrer dans la loi.

C'est dans le préambule, comme le ministre l'a fait observer avec beaucoup d'astuce, que se trouvent définis les grands objectifs d'un projet de loi, c'est le préambule qui fournit, j'allais dire, les prémisses de la loi. Or, depuis quand pose-t-on les prémisses après avoir exposé les parties principales du syllogisme? Le préambule, en l'occurrence, est très important parce que c'est dans cette partie de la loi — bien qu'elle n'ait pas force de loi, comme on l'a fait observer avec beaucoup de justesse — que se trouve établi le cadre général de la loi. Tout découle de la volonté exprimée par le législateur dans le préambule. C'est à ce point, M. le Président, qu'on peut dire que le préambule définit l'économie générale du projet de loi. Il se peut que, par la suite, en étudiant les articles, l'un après l'autre, nous fassions effectivement un certain nombre de changements, mais le ministre lui-même nous a prévenus que ces changements ne seraient pas considérables. Il a dit à plusieurs reprises qu'il serait intraitable sur le plan des principes et donc...

M. CLOUTIER: Vous ne pouvez pas préjuger.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Vous vous sous-estimez, peut-être allez-vous nous convaincre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Je ne vous ai pas interrompu, M. le ministre, et j'aimerais que vous en fassiez autant. Donc, il se peut qu'il y ait effectivement des changements dans la loi par la suite, soit à la suite de propositions du gouvernement, soit à la suite de propositions de l'Opposition, mais alors nous pourrions très facilement, comme cela s'est fait dans le passé, revenir au préambule et y revenir autant de fois qu'il le faudra. Il nous paraît — M. le Président, je ne serai pas très long parce que je pense que la cause a été plaidée avec beaucoup de persuasion par le leader de l'Opposition — logique que nous commencions par examiner les intentions générales du législateur.

On a fait observer dans l'un des mémoires qui a été soumis à cette commission, il y a quelques semaines, que le projet de loi, que les articles eux-mêmes, ne semblent pas découler logiquement du préambule, en ce sens que dans le préambule on énonce des objectifs quelque peu ronflants: faire de la langue française une langue omniprésente dans le monde des affaires. Quand on lit le projet de loi par la suite, on s'aperçoit que cela ne signifie pas grand-chose. De même, on nous parle de la prééminence de la langue française dans le tout premier paragraphe du préambule. Mais lorsqu'on entre dans l'étude article par article, on s'aperçoit que cela ne signifie à peu près rien et que même les articles, au fur et à mesure qu'on les analyse, non seulement n'assurent pas la prééminence de la langue française, mais instituent en fait un bilinguisme quasi généralisé et accorde à la langue anglaise des droits qui lui sont peut-être reconnus dans les faits jusqu'ici, mais qui ne lui sont pas reconnus par le droit.

M. le Président, si tant est qu'il y ait d'ores et déjà un manque de logique, une solution de continuité entre le préambule et le projet de loi, l'Opposition estime qu'il est essentiel de commencer par mettre les cartes sur table et dire, dans ce préambule, exactement ce que nous voulons pour l'avenir du Québec. Soit, cela n'a pas force de loi, mais cela éclaire l'ensemble du projet de loi. C'est à la lumière du préambule que nous connaîtrons les véritables intentions du gouvernement. C'est à la lumière du préambule que nous pourrons par la suite modifier les divers articles du projet de loi pour qu'ils correspondent à ce qui aura été énoncé parmi les objectifs fondamentaux du préambule.

Appel de l'article 1

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs... A l'ordre, s'il vous plaît!

Je suis suffisamment éclairé pour rendre une décision. Tout en ayant écouté très attentivement l'argumentation des deux côtés de cette table, je me fie surtout au fait que l'ancien règlement était le fruit et demeure encore le fruit d'environ 700 ans de pratique parlementaire et on peut sûrement dire que c'est un document rodé.

Je pense que notre règlement, le nouveau règlement nous dit bien qu'une fois un article ou un paragraphe adopté, on ne peut y revenir. Si nous allions adopter le préambule avant d'étudier, article par article, et d'adopter, article par article, le projet de loi, nous pourrions être dans une situation où, ayant amendé ou ayant retranché certains articles du projet de loi, une partie du préambule ne s'appliquerait pas et il ne nous serait pas possible, selon notre présent règlement, de revenir pour le retrancher. C'est sur la logique même et sur la pratique historique du parlementarisme que je maintiens ma décision du début, que l'étude du projet de loi 22 doit débuter, premièrement, par l'article 1, et j'appelle l'article 1 et je cède la parole à l'honorable ministre de l'Education comme...

M. MORIN: M. le Président, j'ai une motion à présenter.

M. CLOUTIER: M. le Président...

M. MORIN: Je regrette, j'ai une motion à faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Une motion peut être faite seulement lorsque vous avez la parole. La tradition et le règlement veulent que le parrain du bill soit le premier à intervenir. Le ministre de l'Education sur l'article 1 du projet de loi 22.

M. CLOUTIER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!

M. CLOUTIER: ...mardi matin, à 11 heures, je me préparais, aussitôt l'article 1 appelé, à faire un certain nombre de remarques préliminaires. Ce sont les mêmes remarques que je vais faire aujourd'hui, après deux jours et demi de discussion que je considère stérile et non justifiée. En effet, comme je l'ai dit clairement à plusieurs reprises, je voulais commencer mon intervention en proposant de déposer les projets d'amendement et également, quatre documents portant sur un certain nombre de principes directeurs de la réglementation. C'est ce que je vais faire immédiatement et je vais demander que l'on distribue d'abord les projets d'amendement. A ce propos, je dois dire qu'il s'agit de projets d'amendements qui ne deviendront amendements qu'une fois qu'ils seront votés. Je désire également préciser que ceci ne constitue pas nécessairement tous les amendements que le gouvernement souhaitera apporter en cours de route.

Il s'agit très certainement des amendements les plus importants et ce sont les amendements dont j'ai fait état dans mon discours de deuxième lecture. En ce qui concerne les principes directeurs de la réglementation, au cours de la commission parlementaire, après la première lecture, j'ai, à maintes reprises — et l'Opposition m'a cité exactement — dit que la discussion, article par article, nous permettrait d'apporter toutes les précisions voulues, qu'il ne pouvait pas être question de déposer des règlements dans leur forme définitive mais qu'en revanche, je tenterais d'apporter au moins ce que j'ai appelé les principes directeurs. J'ai repris cette invitation à au moins dix reprises pour éviter que les débats se prolongent depuis le début des séances. Malheureusement, cette invitation, pour des raisons qui ont paru évidentes à tout ceux qui ont assisté aux délibérations, n'ont jamais été acceptées. Ceci ne m'empêche pas, même si rien ne m'oblige à le faire de par nos règlements, de procéder de cette manière.

Pourquoi? Parce que le gouvernement a une seule intention: c'est de fournir tous les instru- ments de travail nécessaires à la commission pour que la commission puisse évaluer le projet de loi à son mérite. J'en profite d'ailleurs pour faire état de cette disponibilité dans tous les domaines. Je suis disposé à apporter toutes les informations que souhaitera l'Opposition ou que souhaiteront les députés, membres du parti ministériel, et ceci à n'importe quel moment. Je n'ai jamais changé d'avis à ce point de vue et je ne voudrais pas que certains tentent de faire accréditer l'opinion que c'est par entêtement que le gouvernement n'a pas voulu déposer ces documents dès le début.

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Il m'avait semblé que vous aviez appelé l'article 1. Nous ne sommes plus à l'article 1, nous sommes rendus sur des amendements ailleurs dans le projet de loi. C'est ce que je veux savoir exactement, si c'est votre entendement qu'en appelant l'article 1, on peut baratiner sur tout le reste du projet de loi.

M. BOURASSA: Vous ne voulez pas les amendements?

M. CLOUTIER: Vous ne les voulez plus maintenant les amendements?

M. BURNS: Oui, on les veut. Déposez-les.

M. CLOUTIER: C'est ce qu'on est en train de faire. On est en train de les distribuer.

M. CHARRON: Parlez de l'article 1, cela fait trois jours que vous nous "achalez" et que vous voulez parler de l'article 1. Parlez-en. Déposez les amendements...

M. CLOUTIER: Je m'excuse, M. le Président. Il est de tradition, chaque fois que l'étude d'un projet de loi commence, que le parrain de ce projet de loi fasse un certain nombre de remarques générales.

M. BURNS: Avant l'article 1.

M. CHARRON: Cela vaudra pour nous, à l'article 1.

M. CLOUTIER: Ces remarques générales portent uniquement...

M. CHARRON: Cela vaudra pour nous également.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Ce n'est pas à moi d'en juger.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: On parlera de tout ce qu'on voudra par la suite.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Ces remarques générales ont porté uniquement sur la disponibilité du gouvernement de fournir de l'information.

M. CHARRON: Très bien.

M. CLOUTIER: J'ai été interrompu par le député de Saint-Jacques justement au moment où je disais que nous étions prêts à apporter toute l'information nécessaire à l'Opposition comme aux députés ministériels.

Maintenant, avant que je puisse faire ce dépôt, tant des projets d'amendement que des principes directeurs, je demanderais, M. le Président, d'avoir l'opinion de la commission, le consentement unanime de la commission.

M. HARDY: D'accord!

LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce que la commission est d'accord pour le dépôt?

M. MORIN: Le dépôt? Je le pense bien, depuis le temps que nous le réclamons.

M. CLOUTIER: Je pense que le rire que l'on vient d'entendre manifeste bien la valeur qu'il faut donner à la remarque du chef de l'Opposition.

M. CHARRON: Je pense que vous vous trompez à propos de qui on riait.

M. MORIN: Oui, je pense.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre ! A l'ordre ! A l 'ordre, messieurs !

M. BOURASSA: On peut remplir les galeries demain, si vous voulez, nous aussi avec des troupes de partisans.

M. CHARRON: Vous avez peur, vous empêchez les gens d'entrer en bas.

M. BOURASSA: C'est parce qu'on veut procéder à...

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. CHARRON: Vous avez peur. C'est pour cela que vous la faites adopter en plein mois de juillet, cette loi-là.

M. BOURASSA: Voulez-vous qu'on fasse évacuer la salle?

M. CHARRON: C'est parce que vous avez peur.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. BOURASSA: Si on avait peur, on ferait évacuer la salle.

M. CHARRON: Vous tremblez devant les Québécois. Vous tremblez.

UNE VOIX: Faites évacuer.

M. CHARRON: Vous avez peur des Québécois.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je demande qu'on évacue la salle.

M. CHARRON: La peur, encore.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Suspendu en attendant que la salle soit évacuée.

(Suspension de la séance à 22 h 48)

Reprise de la séance à 22 h 53

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs!

A la demande de chacun des partis, tant du côté ministériel que de l'Opposition, je demanderais aux gens qui sont dans la salle de s'asseoir d'abord et d'éviter toute manifestation. Le président qui m'a précédé a averti, à quelques reprises, que les manifestations étaient défendues à la commission parlementaire.

Je crois que notre règlement de l'Assemblée nationale est assez large. On permet aux gens d'assister aux discussions de la commission parlementaire et je vous inviterais, une dernière fois, à ne plus manifester ici à la commission parlementaire, sans cela on va être obligé de procéder à l'évacuation définitive, et ce serait priver les gens qui aimeraient, comme vous, venir entendre les discussions à l'Assemblée nationale.

La parole est au ministre de l'Education.

Dépôt de documents

M. CLOUTIER: M. le Président, je vous remercie. Je continue donc mes explications qui me paraissent extrêmement importantes, étant donné qu'il n'est pas habituel de déposer des documents de cette nature au tout début des travaux.

On a déjà distribué les amendements et j'ai rappelé que ceci ne constituait peut-être pas la totalité des amendements que le gouvernement serait susceptible d'apporter. Nous allons maintenant distribuer quatre documents qui correspondent aux principes directeurs de la réglementation, qui touchent les programmes de francisation, c'est-à-dire les articles 32, 33 et 34; la langue d'enseignement, c'est-à-dire le chapitre V, les articles 48 à 51; l'étiquetage, l'article 40, et l'affichage, l'article 43.

Il y a d'autres mentions de règlements dans le corps de la loi. Je verrai en cours de route s'il est nécessaire d'en distribuer les principes directeurs. Il y en a qui ne sont pas pertinents pour la discussion des articles. Il y en a peut-être un ou deux autres qui pourraient l'être. C'est avec la même ouverture d'esprit que nous tenterons d'apporter toute l'information à l'Opposition comme aux députés ministériels.

Voici, par conséquent, M. le Président, les documents que je me proposais de déposer. Est-ce que l'on peut maintenant distribuer les blocs qui concernent les principes directeurs.

Il y a eu également, M. le Président, une demande qui est arrivée tout à la fin et qui concernait les études qui auraient pu être commandées par le gouvernement sur la consti-tutionnalité du projet de loi. Je dois dire qu'il n'y a pas eu d'étude faite par le gouvernement, sauf la consultation privée dont j'ai parlé, la consultation du professeur McWhinney.

Toutes les études — et il y en a un bon nombre — ont été commandées par la commission Gendron.

Comme référence, il faut se rapporter à la situation de la langue française au Québec, le volume II. Les droits linguistiques, où l'on trouve des analyses extrêmement complètes de tous les aspects; également aux études et synthèses préparées pour la commission Gendron et que le gouvernement a fait publier. En particulier, je crois utile de les signaler aux études E-14, E-15, E-19. Si la commission le souhaitait, il me ferait plaisir, même si ces documents sont des documents publics, de les ramasser pour pouvoir en faire une distribution. Il y a également un autre document qui est plus ancien et qui avait été préparé lors de la discussion de la loi 28 qui doit rappeler des souvenirs au Parti québécois. Il s'agit d'une brochure publiée par le ministère de l'Education. Les problèmes constitutionnels posés par la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Cette brochure présente beaucoup d'intérêt sur le plan de la constitutionnalité, parce qu'il est justement question de l'article 93 et des limites de l'article 93. Si c'était le souhait de la commission, c'est également un document que je pourrais faire distribuer demain ou après-demain.

M. MORIN: Nous en serions tout à fait reconnaissants au ministre. Puis-je lui demander, dans la même veine, s'il serait disposé à faire distribuer aux membres de la commission le rapport plus récent du professeur McWhinney?

M. CLOUTIER: Très volontiers, M. le Président. Demain, si vous voulez, je verrai à faire faire les photocopies nécessaires.

M. MORIN: Bien.

M. CLOUTIER: II me fera un grand plaisir, comme je l'ai signalé au tout début de la commission, dès mardi, d'apporter toute cette information.

M. MORIN: Avec votre permission, M. le Président, je voudrais poser une autre question au ministre. Est-ce que je dois interpréter la réponse que le premier ministre m'a faite en Chambre hier comme se référant seulement aux études entreprises à l'époque de la Commission d'étude sur la situation du français? Le premier ministre m'a déclaré ceci en Chambre: "Nous avons des études qui nous disent clairement que le bill 22 ne pose pas de problème sous ce rapport". Il entendait par là, sous le rapport constitutionnel. A ce moment, je ne sache pas qu'il ait eu entre les mains l'étude de professeur McWhinney, puisque vous nous avez dit qu'elle venait de vous parvenir. Est-ce que le premier ministre se référait alors seulement aux études du rapport Gendron ou à d'autres reçues depuis?

M. BOURASSA: Je me référerais aux deux études, aux études de la commission Gendron et à l'étude de M. McWhinney dont m'avait parlé le ministre de l'Education.

M. MORIN: Bien. Nous aurons l'occasion de montrer que les études réalisées pour la commission Gendron n'en soulèvent pas moins, à l'occasion, des problèmes liés à la constitution-nalité du projet.

M. CLOUTIER: Libre à vous. L'étude de M. McWhinney est datée, je pense, du 14 ou du 15 juillet. Aussitôt qu'elle sera prête, vous pourrez l'avoir également. Je rappelle mon invitation. Quant à moi, cette discussion est extrêmement sérieuse. Je vais faire tout mon possible, comme je l'ai fait depuis deux mois, pour y conserver le caractère le plus serein possible. Egalement, je suis disposé à apporter toute l'information ou tous les documents qui sont en ma possession.

M. MORIN: Puis-je demander au ministre si nous pourrions avoir...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, est-ce que ceci complète les remarques préliminaires du ministre?

M. CLOUTIER: Non, je crois qu'il faudrait peut-être que je fasse un court commentaire sur l'article 1 lui-même avant d'engager la discussion.

M. MORIN: Auparavant, une dernière question. Pourrions-nous avoir le rapport McWhinney, le plus récent, demain, avant de commencer la séance? Parce que nous allons discuter justement les articles premier et second, et ce sont précisément ces deux articles qui, dès l'abord, soulèvent le problème constitutionnel. Il serait donc bon que nous puissions prendre connaissance de l'étude du professeur McWhinney avant de commencer.

M. CLOUTIER: Oui, je vois comment nous pouvons arranger cela. En fait, l'étude du professeur McWhinney complète toutes les études qu'il avait faites pour la commission Gendron, et elle ne porte que sur certains articles du projet de loi, comme l'article 2, l'article 5, l'article 6.

M. MORIN: Justement.

M. CLOUTIER: Je vais essayer de voir quel type de dispositions nous pouvons prendre. Peut-être même avant minuit, si possible, ou demain matin pour la faire parvenir...

M. MORIN: Avant minuit, ce serait parfait.

M. CLOUTIER: ... mais j'en doute. Je ne crois pas pouvoir obtenir les photocopies à cause de tous les retards accumulés. Mais demain, peut-être autour de neuf heures et demie, nous pourrions peut-être vous faire parvenir...

M. MORIN: Bon!

M. CLOUTIER: Je vous préviendrai à minuit de ce que nous pouvons faire.

M. MORIN: Ces arrangements sont satisfaisants, M. le Président.

M. CLOUTIER: M. le Président, il est déplorable qu'il n'ait pas été possible d'ouvrir l'article 1 dès mardi, et de me laisser parler de cette façon.

M. le Président, mes commentaires seront très brefs. J'ai l'intention, au cours de toute cette discussion, de rattacher les articles de ce projet de loi à certaines recommandations de la commission Gendron, que la recommandation ait été suivie ou qu'elle n'ait pas été suivie. Pourquoi? Parce qu'un gouvernement qui légifère dans une matière aussi importante que celle-là ne légifère pas à partir de théories ou à partir d'idées préconçues. Il légifère à partir d'études préalables, et l'étude dont il s'est inspiré, c'est l'étude de la commission Gendron, qui a duré quatre ans, et de qui a émané toute une quantité d'études sectorielles dont la plupart ont été publiées.

L'article 1, qui se lit de la façon suivante: "Le français est la langue officielle du Québec" s'éloigne de la recommandation de la commission Gendron. La commission Gendron, en effet, avait recommandé que le gouvernement québécois proclame le français langue officielle et le français et l'anglais langues nationales du Québec. On se souviendra que cette recommandation avait suscité beaucoup d'inquiétude chez certains groupes, et le gouvernement ne l'avait d'ailleurs jamais retenue, de par son ambiguïté même. J'ai eu l'occasion, en deuxième lecture, de m'expliquer là-dessus.

Il y avait également une autre recommandation de la commission Gendron qui est reliée à l'article 1. C'est la suivante, et je la lis: "Nous recommandons au gouvernement du Québec, tout en conservant l'article 133, de l'AANB, de proclamer dans une loi-cadre le français langue officielle du Québec, ainsi que le français et l'anglais langues nationales du Québec, et de maintenir l'anglais comme langue d'enseignement dans les écoles anglo-catholiques et anglo-protestantes et comme une des deux langues de communication des individus avec l'Etat".

Dans cette recommandation, nous avons éliminé le français et l'anglais langues nationales et le français langue officielle, pour ne retenir que le français langue officielle, mais, en revanche, nous avons délibérément conservé l'article 133 et j'aurai l'occasion, dans quelques instants, d'expliquer pourquoi — je crois que c'est pertinent à la discussion actuelle — de même que nous avons conservé la possibilité d'utiliser

l'anglais et le français comme langues de communication des individus avec l'Etat.

En ce qui concerne l'article 133, certains juristes prétendent, et la commission Gendron en fait état, qu'il aurait été possible d'abroger l'article 133. Le gouvernement n'a pas jugé bon de le faire, pour une raison extrêmement simple. D'abord, parce que l'article 133 confère des droits non seulement aux anglophones, mais également aux francophones. Et ces droits sont limités. Cela revient au droit de s'exprimer, soit en anglais, soit en français, à l'Assemblée nationale. Il en découle la publication des lois et la publication de certains documents. La même situation se retrouve au niveau des cours de justice.

Comme il s'agit là, à toutes fins utiles, de droits individuels, il aurait fallu, si nous avions abrogé l'article 133, rétablir ces droits pour les francophones dans le corps de la loi, puisque, manifestement, ce sont des droits que les francophones auraient voulu conserver, et il aurait fallu également les rétablir pour les anglophones puisque nous avons, dans cette loi, tout en maintenant la primauté du français, désiré conserver les droits individuels de la minorité.

Ce faisant, nous aurions ouvert la porte à des contestations judiciaires parce que des doutes sérieux planent sur cette possibilité d'intervention du Québec. C'est donc délibérément que le Québec a jugé bon de maintenir l'article 133 et le gouvernement pense que ceci ne change en rien la portée de sa loi.

Je m'arrête là pour l'instant. Je n'ai pas du tout l'intention de faire un discours. J'ai tenté de me limiter aux aspects les plus importants de l'article 1 du projet de loi et j'apporterai mes autres précisions en cours de route suivant la direction que prendra la discussion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.

Motion pour étudier le préambule

M. MORIN: Merci, M. le Président. Au moment d'aborder l'étude de l'article 1, nous nous rendons compte que le sens véritable de ces deux articles ne peut être apprécié que si l'on a complété l'étude du préambule. Aussi, je voudrais faire motion à l'effet que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi ait été complétée.

M. BOURASSA: Le président a rendu sa décision.

M. MORIN: Non.

M. BURNS: Pas là-dessus.

M. MORIN: Pas là-dessus. Ce n'est pas la même chose.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement sur la question de la recevabilité de la motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: La motion aurait pour effet, si elle était adoptée, de modifier le règlement actuel interprété, comme le président l'a fait tantôt à la lumière de l'ancien règlement. Or, je soutiens — je serai très bref — qu'en commission parlementaire, nous n'avons pas le pouvoir d'amender des règlements. Seule l'Assemblée nationale a le pouvoir d'amender des règlements.

Bien sûr, le député de Maisonneuve invoquera que très fréquemment, lors de l'étude d'un projet de loi en commission plénière ou en commission, de même que lors de l'étude des crédits, il y a suspension. On dit: On suspend l'article 2, l'article 3 pour aller à tel article ou on suspend tel élément de programme à l'étude des crédits pour aller à tel autre.

Je maintiens que lorsque la chose se fait, c'est en vertu du consentement unanime. C'est parce qu'il y a consentement unanime de la commission pour suspendre, pour un fait bien précis, l'application du règlement. Mais s'il n'y a pas consentement unanime, nous ne pouvons pas changer l'ordre établi par le règlement pour l'étude d'une loi.

M. CLOUTIER: Je m'aperçois qu'il aurait peut-être fallu, dans mes remarques générales, que je fasse une motion également...

M. BURNS: II est trop tard. Il y a une motion sur la table.

M. CLOUTIER: Etes-vous sûr?

M. BURNS: II ne peut y avoir deux motions en même temps.

M. CLOUTIER: II faut disposer d'abord de celle-ci.

M. BURNS: II faut disposer d'abord de celle-ci.

M. CLOUTIER: D'accord.

M. BURNS: D'accord?

M. CLOUTIER: Oui, bien sûr.

M. BURNS: Je ne suis pas de l'avis du ministre des Affaires culturelles. C'est terrible. On s'en va dans des chemins véritablement différents parce que, toute la journée, j'ai commencé mes remarques par: Je ne suis pas d'accord avec le ministre des Affaires culturelles. Mais, M. le Président, vous avez utilisé comme usage l'existence même de l'article 564

de l'ancien règlement. Je pense que c'est la substance de votre décision de tout à l'heure, et l'article 564 lui-même nous dit, dans son texte, que l'étude de certains articles peut être différée. Je le vois de façon très explicite au deuxième paragraphe de l'alinéa 1 de l'article 564 où on nous dit: "Les articles imprimés qui ont été différés..." Donc, il y a une possibilité de différer des articles. De différer... le français est assez piètre; ce n'est pas l'article qui est différé comme l'étude de cet article.

On ne veut pas que l'article soit différé, selon l'expression de l'article 564, jusqu'à la fin de l'étude du projet de loi parce que nous sommes d'accord sur le fait que c'est un article majeur.

C'est tellement un article important qu'on lui a consacré un titre de la loi. Vous avez, titre I, Langue officielle du Québec, vous avez en une phrase, article 1...

LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle se lit comme suit: Que l'étude de l'article 1 soit différée jusqu'à ce que l'étude du préambule du projet de loi no 22 ait été complétée.

Contrairement donc à la prétention du côté ministériel, selon laquelle il s'agit là d'une motion de suspension du règlement, il est bien évident que la décision que j'ai rendue tantôt n'était pas basée sur le règlement actuel, mais bien sur la tradition et les usages et j'ai utilisé l'ancien règlement comme exemple de ces usages. Je pense et je suis convaincu que cette motion est tout à fait recevable. L'honorable chef de l'Opposition officielle sur la motion.

M. MORIN: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par dire à quel point ce préambule est important. J'ai dit, tout à l'heure, que le préambule — bien qu'il n'ait pas force de loi, bien qu'on ne puisse pas l'invoquer pour forcer qui que ce soit à accomplir quoi que ce soit — peut néanmoins être invoqué devant les tribunaux. Il arrive souvent que, lorsque certains articles d'une loi sont obscurs ou prêtent à diverses interprétations, les avocats et les juges naturellement se tournent vers le préambule pour tenter de comprendre la volonté du législateur, et derrière le législateur— nous osons l'espérer — la volonté du peuple représentée par ce législateur.

Le préambule donc est une sorte d'exposé synthétique de ce que la loi prétend accomplir. En l'occurrence, il s'agit d'une loi d'une importance extrême pour l'avenir des Québécois et c'est dans le préambule qu'on devrait retrouver toutes ces grandes orientations. C'est dans le préambule qu'on devrait trouver, sous une forme condensée, la volonté des Québécois de faire du Québec un pays français, de donner à la langue française la première place dans tous les domaines de l'activité et de la vie, qu'il s'agisse des affaires, qu'il s'agisse du commerce, qu'il s'agisse de l'école ou de l'Etat et des divers organismes qui en relèvent. La langue française doit être la seule langue officielle.

Ce n'est pas dire qu'on ne puisse reconnaître les droits individuels de certaines minorités. Ce n'est pas dire que nous voulons forcer les gens à parler le français dans leur cuisine ou sur l'oreiller. La langue privée, la langue que chacun parle chez soi, c'est son affaire.

Oui, j'entends le député de Louis-Hébert qui me parle de la chambre à coucher. Eh bien, c'est exactement de cela que je parle.

M. DESJARDINS: Je proteste.

M. MORIN: La langue de la chambre à coucher est une affaire privée.

M. DESJARDINS: Justement, c'est ce que j'allais dire, M. le Président, et je veux rappeler le chef de l'Opposition à l'ordre, il n'a pas d'affaire à discuter des chambres privées ici.

M. BOURASSA: Vous êtes à court d'arguments.

M. MORIN: Oh! Que cela est brillant, M. le député de Louis-Hébert!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Que voilà une brillante intervention dans le débat! J'espère que vous allez en faire de nombreuses comme ça.

M. DESJARDINS: Attendez et vous verrez.

M. MORIN: Bien!

Le préambule donc, dans toutes les lois, jette un éclairage et c'est pourquoi je propose que nous l'étudions avant d'aborder l'article premier. Le préambule jette un éclairage sur toute la loi et l'Opposition veut connaître cet éclairage, elle veut en débattre. Je suis sûr que les Québécois aussi aimeraient bien que nous commencions par examiner les intentions générales de ce projet de loi.

Le préambule a une autre fonction que j'appellerais éducative.

Le préambule, bien qu'il n'ait pas force de loi, est souvent cité. Dans tous les pays il existe des préambules aux diverses lois et l'on s'y réfère pour expliquer le type de société, le type de pays qu'on a voulu construire. En l'occurrence, une loi de cette importance se doit de dire clairement quels sont les objectifs de la société québécoise. C'est maintenant ou jamais qu'il faut aborder le problème. Ce n'est peut-être pas maintenant hélas ! si on ne tient pas compte de nos amendements par la suite, qu'on va le régler de façon définitive, mais c'est maintenant qu'il faut commencer. Tout doit commencer par le préambule parce que tout en découle. On doit tenir pour acquis que la loi met en oeuvre le préambule.

L'autre jour, on nous a fait remarquer que ce n'est pas le cas, que le préambule dit une chose et que la loi en dit une autre. C'est bien pour cela que nous voulons commencer par l'étude du préambule, pour savoir vraiment ce que le gouvernement a dans le ventre, ce qu'il nous propose. On nous dit dans ce préambule que la langue française doit être "prééminente". On nous dit qu'elle doit jouir d'une "omniprésence" dans le domaine des affaires. Je le veux bien, encore que ce soient là des termes quelque peu ambigus qu'il y aurait peut-être intérêt à préciser. Qu'est-ce que c'est que la "prééminence"? Est-ce que cela signifie une seule langue officielle, M. le Président? Je n'en suis pas sûr. Est-ce que cela signifie le bilinguisme avec une certaine préférence pour le français? Cela se pourrait. Est-ce que cela signifie le bilinguisme tout court? Cela se pourrait encore.

Je trouve donc, dans le préambule, tous les problèmes constitutionnels auxquels nous faisons allusion depuis deux jours et qui font maintenant l'objet de débats publics. Tous les problèmes constitutionnels se trouvent déjà dans le manque de clarté du préambule et dans l'espèce d'hiatus qui existe entre le préambule d'une part et le texte de la loi d'autre part. L'un des organismes qui a comparu devant nous, il y a deux semaines maintenant, nous a montré avec une clarté étonnante à quel point le gouvernement a fait miroiter des intentions très généreuses à l'égard du français dans le préambule, pour ensuite passer dans le corps de la loi, c'est-à-dire dans les articles qui, eux, s'appliquent et auront force de loi, passer en fait au bilinguisme, surtout dans la partie qui est consacrée à la langue de l'Etat, à la langue officielle proprement dite, que je distingue de la langue du commerce et de la langue de l'école. Il est donc essentiel que nous étudiions, avant d'attaquer l'article 1, le préambule et que nous clarifiions le sens des mots qu'il utilise.

Le ministre nous a invités plus tôt aujourd'hui, et d'ailleurs à plusieurs reprises au cours de ce débat déjà, à partir des faits, à partir des réalités. La réalité, à l'heure actuelle, c'est qu'il existe une possibilité très réelle que ce projet de loi, une fois adopté, soulève des difficultés d'ordre constitutionnel. Nous sommes heureux que le premier ministre ait pris certaines précautions et ait fait faire certaines études, dont celle du professeur McWhinney que nous n'avons pas encore entre les mains, dont j'ai personnellement bien hâte de prendre connaissance. Cependant, il faut le dire, il subsiste des doutes et ces doutes se retrouvent dans le préambule lui-même. Des doutes quant à savoir si les articles 1 et 2, notamment, et le préambule sont conformes à l'article 133 du British North America Act.

On me pardonnera, pour la nième fois, de l'appeler par son nom qui est anglais puisque c'est une loi qui n'a pas reçu de version française officielle.

M. le Président, plusieurs experts ont été consultés sur la question. Certains nous ont dit: L'article 133 peut être abrogé par le Parlement du Québec, par l'Assemblée nationale agissant seule. C'est aussi mon avis, je le dis, dès le départ. Je partage l'avis du professeur McWhinney qui a écrit le livre II du rapport Gendron dans lequel il dit, en toutes lettres, et peut-être aurai-je l'occasion de le citer au cours de ce débat, qu'à son avis, il estime probable que le Québec puisse, de son propre chef, amender l'article 133 de la loi impériale. De même, d'autres collègues, les professeurs Beaudoin d'Ottawa, Bonenfant de Laval, Patenaude de Sherbrooke, ont abondé dans le même sens et ont dit au gouvernement qu'il pouvait procéder seul et dès maintenant à amender l'article 133 et, de la sorte, être en mesure de faire du français la seule langue officielle au Québec.

Mais d'autres experts ont dit le contraire, notamment des hommes aussi éminents que le professeur Frank Scott et que celui qui lui a succédé à l'université McGill, M. Stephen Scott. Ceux-ci ont soutenu qu'il n'était pas possible pour le Québec de faire du français la seule langue officielle. Ils ont même soutenu qu'il était impossible de lui donner la "prééminence" par rapport à l'anglais.

M. BOURASSA: Ils contredisent le professeur McWhinney?

M. MORIN: Ils contredisent effectivement — pour ne rien vous cacher, je vois que vous en doutiez — ils contredisent le professeur McWhinney.

M. BOURASSA: Vous, vous penchez du côté du professeur McWhinney.

M. MORIN: Je penche en effet de ce côté. Le premier ministre le sait bien, j'ai eu assez d'occasions de lui dire que je partageais l'avis du professeur McWhinney.

M. BOURASSA: D'accord.

M. MORIN: Mais il semble que le premier ministre partage plutôt l'avis du professeur Scott.

M. BOURASSA: Pourquoi vos motions alors?

M. MORIN: Ou alors, peut-être qu'une façon plus subtile de le dire serait celle-ci. Le premier ministre fédéral penche du côté du professeur Scott et, forcément, ça déteint quelque peu sur le premier ministre du Québec. C'est l'interprétation qui est probablement la plus réaliste.

M. BOURASSA: Des clichés usés à la corde.

M. MORIN: Non, c'est une tentative d'analyse de la triste réalité.

M. BOURASSA: II suffit d'avoir des arguments...

M. MORIN: M. le premier ministre, vous aurez l'occasion de me dire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Adressez-vous au président, s'il vous plaît.

M. MORIN: M. le Président, le premier ministre aura l'occasion de me dire s'il est, oui ou non, d'accord avec moi, ou devrais-je dire avec déférence, avec le professeur McWhinney plutôt qu'avec le professeur Scott.

M. BOURASSA: Mais pourquoi vos motions depuis trois jours? Il y a de l'incohérence dans votre attitude.

M. MORIN : Pour que nous ayons devant nous tous les outils de travail, tout simplement. Et par un entêtement inexplicable...

M. BOURASSA: Vous vous moquez de l'opinion publique.

M. MORIN: ... on nous a refusé ces documents jusqu'à maintenant. C'eût été si simple si le ministre avait dit: Les voilà, les documents. Mais non, ce n'est pas ce que vous aviez dit, vous avez mis des conditions. Et encore, des conditions ridicules.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La motion, s'il vous plaît.

M. MORIN: Oui. Combien de temps me reste-t-il, s'il vous plaît, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Six ou sept minutes.

M. BOURASSA: Ah, c'est encore le "filibustering", quoi! C'est encore une question de temps.

M. MORIN: Non, c'est une question importante, la question de la constitutionnalité avec ses effets sur le préambule. Est-ce que le premier ministre en disconvient?

UNE VOIX: La forme avant le fond!

M. BOURASSA: Tous les députés vont parler là-dessus, comme pour les autres motions?

M. BURNS: Vous aussi, c'est un cliché de parler de "filibustering". Vous êtes-vous rendu compte du nombre de fois...

M. MORIN: Cela fait trois jours que vous faites du "filibustering"...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... en nous refusant des documents...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, sur un point de privilège. On vient de nous distribuer...

M. BOURASSA: Personne ne vous prend au sérieux.

M. MORIN: ... des documents...

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de privilège.

M.MORIN: Je voudrais simplement faire constater très brièvement qu'on vient de nous distribuer des documents que nous réclamons depuis trois jours. Si on nous les avait donnés quand nous les réclamions, nous n'aurions pas perdu tout ce temps.

M. CLOUTIER: C'est faux. Je les ai offerts dix fois.

M. LEGER: Conditionnellement...

M. MORIN: Conditionnellement toujours.

M. CLOUTIER: C'est-à-dire que l'on commence.

M. BOURASSA: En suivant la procédure habituelle.

M. HARDY: Selon la cohérence.

M. BOURASSA: Vous venez de vous contredire encore une fois.

M. MORIN: M. le Président, certains experts prétendent donc que l'article 133 peut être abrogé; d'autres disent qu'il ne le peut pas, du moins par le Québec agissant seul, et, enfin, certains autres disent qu'il y a là-dessus matière à controverse. Parmi ceux-ci, on compte Me Louis Bloomfield, qui a été consulté par la commission Gendron, et peut-être aussi le professeur Chevrette qui ne se prononce pas sur la question.

A mon avis l'article 133 peut être abrogé et le préambule pourrait fort bien affirmer non seulement la prééminence du français, mais le caractère du français en tant que seule langue officielle du Québec.

Il pourrait, également, par ailleurs, évoquer les droits minoritaires, ce qu'il ne fait pas. Vous voyez bien qu'on trouve déjà, à propos du préambule, tous les problèmes de fond de ce projet de loi.

En ce qui concerne les articles 1 et 2 en particulier, les questions qu'on peut se poser sont les suivantes: Sont-ils conformes à l'article

133? Le Québec a-t-il la compétence nécessaire pour modifier l'article 133, de façon à être en mesure, par la suite, de décréter que le français est la seule langue officielle?

Quand j'ai posé la question au premier ministre en Chambre, l'autre jour, au sujet des contacts avec le premier ministre fédéral au sujet de la constitutionnalité du projet de loi 22, le premier ministre m'a répondu: "La position du gouvernement a été que, s'il y a lieu de faire des modifications à l'article 133, cela pourra se faire lorsque nous aborderons la modification de la constitution".

Or, nous retrouvons là toutes les perplexités nées à l'occasion de la charte de Victoria, de la formule Fulton-Favreau et, sans doute aussi, nous retrouvons là tous les projets d'avenir de M. Trudeau en vue de donner à ce pays une constitution dans laquelle le Québec serait proprement prisonnier, dont il ne pourrait sortir, comme c'était le cas sous l'empire de la formule Fulton-Favreau et comme c'eût été le cas sous l'empire...

M. BOURASSA: II y avait un droit de veto.

M. MORIN: ... de la charte de Victoria que vous aviez acceptée, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: II y avait un droit de veto.

M. MORIN: Je vous souligne que Québec ne pouvait dans les faits, obtenir aucun changement constitutionnel...

M. BOURASSA: II y avait un droit de veto qui avait été donné au Québec. Qu'est-ce que vous en savez?

M. MORIN: Puisque vous m'interrompez...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOURASSA: Nous aussi, on fait des affirmations.

M. BURNS: Vous êtes bien pressé, prenez donc votre temps. Vous êtes en train de décider de l'avenir des Québécois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Allez donc vous reposer, c'est la meilleure chose que vous avez à faire.

M. BURNS: Allez donc vous reposer vous aussi! Ce n'est pas moi qui perds la carte ici, c'est vous.

M. BOURASSA: C'est la chaleur, comme d'habitude.

M. BURNS: A chaque fois que vous venez, vous perdez la boule, ce n'est pas ma faute.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: Allez donc vous reposer! Allez prendre votre petit verre de lait chaud et allez vous coucher.

M. BOURASSA: Vous venez de démontrer par vos paroles que c'est vous qui la perdez.

M. BURNS: Arrêtez donc cela! Vous interrompez le chef de l'Opposition alors qu'il a totalement le droit et j'invoque le règlement là-dessus, M. le Président...

M. BOURASSA: II s'adresse à moi.

M. BURNS: II a totalement le droit de parole et il a surtout le droit de ne pas être interrompu en vertu des articles 25 et 26.

M. BOURASSA: II me pose des questions.

M. BURNS: Apprenez donc votre règlement avant d'intervenir à tort et à travers!

M. BOURASSA: Une bonne nuit de sommeil vous ferait du bien.

M. BURNS: Surtout à vous, bien plus à vous qu'à nous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite tout le monde à s'adresser au président.

M. MORIN: M. le Président, le premier ministre nous a donc laissé entendre que cette question cruciale pour la validité du projet de loi et pour toute tentative de faire du français la "seule" langue officielle du Québec —expression qu'il a employée à plusieurs reprises récemment — serait remise...

M. BOURASSA: C'est vrai. Cela vous fait mal, mais c'est vrai.

M. MORIN: Nous verrons cela quand nous passerons à l'article 1er, d'accord? M. le Président, le premier ministre a clairement laissé entendre que cette question fondamentale de l'article 133 serait réglée plus tard, quand on abordera les modifications à la constitution.

Si je m'en tiens au succès qu'il a remporté à Victoria avec son collègue le premier ministre fédéral, si je m'en tiens aux avatars de la formule Fulton-Favreau, en 1964-65, je dois dire que le moment où la constitution sera modifiée, risque d'être la semaine des trois 14 juillet. Ce n'est pas de sitôt...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a quand même une limite.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Quel article?

M. MORIN: Pourquoi?

M. BURNS: 96?

M. HARDY: II y a quand même une limite.

M. BURNS: 96? Est-ce que c'est en vertu de l'article 96?

M. HARDY: Non ce n'est pas en vertu de l'article 96. Pourquoi?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, j'ai fait allusion à...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le ministre des Affaires culturelles.

M. MORIN: ... à la fête nationale des Français, je ne vois pas ce que cela peut avoir d'offensant...

M.HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BURNS: En vertu de quel article?

M. HARDY: Laissez-moi le temps de le dire.

M. BURNS: Dites-le!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. HARDY: M. le Président, il est indécent de fausser la vérité comme le chef de l'Opposition le fait.

M. LEGER: Quel règlement que c'est ça?

M. HARDY: La formule Fulton-Favreau... parce que c'est du Québec...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: C'est en vertu de l'article 96... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... et cela se fait après l'intervention.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact. L'honorable chef de l'Opposition, mais ne répondez pas par exemple...

M. MORIN: Non.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... parce qu'à ce moment-là, cela va recommencer.

M. MORIN: Je veux donner raison au ministre, M. le Président; il a parfaitement raison.

M Lesage, après avoir accepté la formule, a été forcé...

M. HARDY: II ne l'a pas acceptée. Il ne l'a jamais acceptée.

M. MORIN: C'est la vérité historique. J'ai été suffisamment mêlé à ces événements...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... pour savoir ce qu'il en est.

M. BOURASSA: René Lévesque était pour, votre chef. René Lévesque avait approuvé la formule.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, le gouvernement de M. Lesage avait accepté cette formule.

M. HARDY: Vous étiez à la télévision dans ce temps, mais non pas...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Par la suite, il a dû dire non à cause...

M. BURNS: Comme ils sont nerveux!

M. MORIN: ... de l'opinion publique québécoise.

Puisque le ministre me donne l'occasion de le faire, je voudrais tracer un parallèle entre Fulton-Favreau et la charte de Victoria, d'une part, et la loi que nous débattons en ce moment, y compris le préambule et les premiers articles. C'est à la suite d'une intervention de l'opinion publique dans le débat, c'est à la suite d'une campagne de presse très poussée que le premier ministre Lesage a été obligé de changer d'attitude et de dire non à Ottawa au sujet de la formule Fulton-Favreau.

M. HARDY: Epouvantable!

M. BOURASSA: Y compris votre chef.

M. MORIN: C'est à la suite d'une campagne considérable dans l'opinion publique qu'en 1971, le premier ministre actuel du Québec...

M. BOURASSA: ...

M. MORIN: ... a été obligé de dire non à la charte de Victoria...

M. BOURASSA: Question de règlement.

M. MORIN: ... après avoir dit oui au gouvernement fédéral.

M. BURNS: Prenez votre temps, laissez-vous...

M. BOURASSA: Je peux rétablir les faits. Il y a des faussetés qui sont dites.

M. BURNS: Non, après. Voulez-vous lire les articles 95 et 96?

M. MORIN: II n'y a pas de fausseté là-dedans.

M. HARDY: Vous voulez que le mensonge se répercute plus longtemps !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: Ce sont des faits historiques. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. LEGER: Article 96. Est-ce que le premier ministre ne pourrait pas, s'il se sent lésé, s'il se sent mal interprété ou s'il pense que la vérité n'est pas dite, prendre des notes?

M. BOURASSA: ... tellement...

M. LEGER: Prendre un crayon et un papier et prendre des notes et, à son tour, il essaiera de rectifier les faits après. Article 96. M. le Président. On est heureux d'entendre le...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: ... député de Sauvé. On lui a encore enlevé deux ou trois minutes de son temps de parole alors qu'il touche des choses sérieuses.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. HARDY: Question de règlement. Ce n'est pas l'article 96 qui s'applique. L'article 96 s'applique...

UNE VOIX: C'est l'article 40.

M. LEGER: Non, ce qui touche le premier ministre.

M. HARDY: ... lorsqu'on a déjà parlé et que l'orateur qui nous suit interprète mal nos paroles.

M. LESSARD: Article 40.

M. HARDY: Ce n'est pas en vertu de l'article 96 que je suis intervenu ou que le premier ministre est intervenu, c'est en vertu de la simple vérité.

M. LEGER: Cela n'est pas dans le règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Le chef de l'Opposition actuellement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: ... ment.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est un nouveau règlement, quel numéro?

M. HARDY: II proclame des mensonges sur l'histoire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: Ah oui!

M. HARDY: Ce n'est pas parce que vous aviez fait un petit débat à la télévision, ce n'est pas cela qui avait fait changer l'opinion du gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: C'est vous qui mentez. Ou alors vous êtes un ignorant, ce qui est plus probable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Il reste une minute au chef de l'Opposition.

M. LEGER: II est tout le temps interrompu.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais j'ai compté toutes les interventions.

M. BURNS: Vous avez compté, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, il y en a eu une de 16 secondes, une de 18, une de 22, une de 24, cela fait 80 secondes. Il a commencé à 11 h 13 et il est rendu 11 h 34. Alors, il reste une minute. A l'ordre!

M. BURNS: Chapeau!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le ministre, M. le Président, je ne voudrais pas me laisser entraîner dans une bataille de rue avec le ministre des Affaires

culturelles. Je ne dirai pas qu'il ment. D'abord, ce n'est pas parlementaire et puis, il faudrait qu'il soit informé pour pouvoir mentir. Je pense qu'il faut être beaucoup plus généreux ou indulgent à son endroit et dire qu'il est ignorant. Il ne sait pas ce que contient ce débat. Je me demande même s'il sait ce que c'est que la formule Fulton-Favreau. Nous en reparlerons. En tout cas, il n'a pas été mêlé au débat à l'époque.

Tout ce que je veux dire en conclusion, c'est ceci — et je le dis à l'intention de tous les Québécois...

M. HARDY: Je vous ai vu à la télévision et j'en avais eu assez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: Tout ce que j'ai à dire en terminant, c'est ceci, M. le Président. Je le dis à l'intention de tous les Québécois. S'ils veulent faire changer le gouvernement d'opinion, comme ils l'ont réussi dans le passé à deux reprises, événements à vrai dire historiques, dans le cas de la formule d'amendement Fulton-Favreau et de la charte de Victoria, s'ils veulent réussir à nouveau, à l'endroit du bill 22, ce revirement dans l'attitude du gouvernement, cette opinion doit se réveiller et faire sentir leur présence. Il est malheureux que nous soyons forcés de débattre ce préambule et ce projet de loi en plein milieu de l'été, mais, à mon avis, il faut que les Québécois sachent que c'est une question cruciale pour leur avenir et que, malgré les vacances ils soient sensibilisés à cette question. Je termine en félicitant ceux qui viennent ici pour suivre nos débats.

UNE VOIX: On applaudit assez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je inviter, non seulement le public, je le comprends, mais j'aimerais inviter le chef de l'Opposition officielle en particulier à ne pas susciter ce genre de manifestation.

M. MORIN: Bien.

M. HARDY: II a un besoin inné, il est assoiffé d'applaudissements.

M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez de vous décrire !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Ce serait facile pour nous de faire la même chose, de la remplir.

UNE VOIX: Qu'attendez-vous?

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOURASSA: On est ici pour discuter sérieusement.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESSARD: C'est le droit de la langue française.

M. BOURASSA: On peut en susciter des mouvements de foule, nous aussi, vous savez, facilement.

M. MORIN: Vous serez obligés de les payer comme vous le faites en d'autres occasions.

M. BOURASSA: S'il vous plaît, M. le Président.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOURASSA: Avec le succès de votre consigne d'annulation, vous devriez être plus modestes.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur une question de règlement.

M. BOURASSA: Oui, je vais vous informer sur les chiffres.

M. LEGER: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, avant que le premier ministre ne perde complètement les pédales, est-ce que je peux vous proposer, en vertu de l'article 157 de notre règlement, que nous ajournions nos travaux?

M. BOURASSA: Je veux répondre, M. le Président, au chef de l'Opposition.

M. CHARRON: Oui. En vertu du même article, si vous avez le temps de le lire, j'ai dix minutes pour vous expliquer pourquoi je vous propose d'aller dormir. Vous avez dix minutes, par la suite, pour m'expliquer pourquoi vous n'en avez pas besoin.

M. BOURASSA: Vous semblez en avoir un peu besoin vous aussi.

M. CHARRON: M. le Président, vous voulez savoir si je suis fatigué, oui. Vous nous faites siéger depuis trois semaines de dix heures à minuit, six jours par semaine.

M. BOURASSA: "Filibuster".

M. CHARRON: Nous fonctionnons à six. Nous avons fait au cours du mois de mai, l'étude des crédits. Chacun des députés du Parti québécois a étudié les crédits de cinq ministères. Si c'est cela que vous voulez savoir si nous sommes fatigués, vous le savez très bien. C'est exactement pour abuser de notre fatigue que vous nous faites siéger dans des conditions pareilles.

M. BOURASSA: On pourrait vous faire siéger 24 heures par jour.

M. CHARRON: C'est comme cela que vous pensez avoir raison de l'Opposition des Québécois. C'est parce que vous savez...

M. LEGER: C'est bien. Le peuple va vous juger.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: Je n'ai aucune honte à être fatigué, aucune honte, mais ce n'est pas la fatique qui m'empêchera de présenter des motions quand je les juge utiles, et ce n'est pas la fatique qui empêchera les députés du Parti québécois de se battre jusqu'à épuisement sur ce projet de loi. Est-ce que c'est clair à l'intention du premier ministre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La seule question qui me reste à poser, c'est que je sache l'article 157. Je suis peut-être mieux de le relire.

M. BOURASSA: La langue officielle, vous n'aimez pas cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): Véritablement officielle, pas une officialité massacrée.

M. BOURASSA: C'est une attitude partisane que vous avez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me pose la question sérieusement, à savoir si un député peut invoquer une question de règlement dans le but de faire une motion d'ajournement des travaux, en vertu de l'article 157.

M. CHARRON: M. le Président, c'est le député de Maisonneuve qui va vous le dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est quasiment à lui que je pose la question.

M. BURNS: Je pense que, dès que vous avez accordé la parole à quelqu'un, et c'est en vertu de cela que le député de Saint-Jacques a invoqué le règlement. Il aurait pu vous soulever une longue question de règlement et terminer par une motion d'ajournement. Il a soulevé une question de règlement. Vous lui avez accordé la parole. Sur la question de règlement, il avait une possibilité de parler pendant 20 minutes, sauf qu'il a immédiatement soulevé la motion d'ajournement. Je pense qu'à ce moment, vous avez la possibilité d'accepter sa motion d'ajournement.

M. BOURASSA: M. le Président, sur la motion d'ajournement.

M. CHARRON: Je n'ai pas terminé.

M. BOURASSA: D'accord. Je vous écoute.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Louis-Hébert. Est-ce que ce serait sur la recevabilité de la motion d'ajournement?

M. DESJARDINS: Oui, je vous demande une directive, en fait. Est-ce qu'il n'y avait pas déjà une motion en discussion? Est-ce que la motion du député de Saint-Jacques prend priorité sur la motion en discussion?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous me demandez la directive?

M. DESJARDINS: Je vous demande si elle a priorité, parce qu'il y avait déjà une motion en discussion. Dès qu'il y a une motion en discussion, il faut vider cette motion avant d'en présenter une autre, qu'elle ait priorité.

M. CHARRON: Voyons donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. CHARRON: Pourquoi pensez-vous que l'article 157 est dans le règlement?

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition m'a mis en cause tantôt. Est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait de répondre?

M. CHARRON: Vous aurez l'occasion. Si le président tranche le débat litigieux que nous avons, vous serez reconnu à un moment donné, si vous...

M. BOURASSA: C'est parce que cela vous donnerait trois ou quatre minutes pour vous reposer et je pourrais répondre au chef de l'Opposition. Non?

M. CHARRON: Non, non. Ça va.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Disons qu'à l'heure où il est, je vais accepter la motion d'ajournement du député de Saint-Jacques, mais je ne veux pas là créer un précédent.

Si, en l'acceptant, je devais me tromper, on me le pardonnera sûrement et on ne la refera plus jamais, cette erreur.

M. BURNS: M. le Président, la seule chose

pour laquelle je ne pouvais pas, parce que je ne suis pas dans l'esprit du député de Saint-Jacques, mais il avait la possibilité de soulever une question de règlement. Maintenant, je ne sais pas quelle était cette question de règlement. C'est peut-être lui qui peut nous éclairer. Mais dès qu'il soulève une question de règlement, M. le Président, il a la parole, et tout en soulevant sa question de règlement, il peut terminer, parce qu'il a la parole, par une motion d'ajournement.

M. CLOUTIER: Sur le même point de règlement, j'ai voulu présenter une motion tout à l'heure. On m'a empêché de le faire justement parce qu'il y avait une motion qui était sur la table.

M. BURNS: La motion d'ajournement... M. CLOUTIER: Je me suis rangé...

M. BURNS: ... en soi est une motion incidente. C'est une motion qui elle, en soi, peut se greffer...

M. CLOUTIER: ... n'importe quel moment...

M. HARDY: Sur la question de règlement, cela ne tient pas debout. Je m'excuse...

M. BURNS: Je ne sais pas ce qu'il voulait soulever par sa question de règlement. Demandez-lui. Il va vous le dire.

M. HARDY: Bien oui! M. le Président, en commission parlementaire au parlement, on n'a pas à sonder les reins et les coeurs. On se base sur ce qu'il a dit.

M. CHARRON: C'est parce que le président m'a interrompu que je me suis tu...

M. HARDY: M. le...

M. CHARRON: ... mais j'étais à expliquer. C'est mon point de règlement, M. le Président, lequel va se terminer par une motion d'ajournement. Mais j'ai soulevé le point de règlement en vertu de l'article 26 de notre règlement.

M. BURNS: A la suite des nombreuses interruptions du...

M. CHARRON: Le chef de l'Opposition était à parler, M. le Président, le ministre des Affaires culturelles se gargarisait à qui plus fort pendant le discours du chef de l'Opposition.

M. HARDY: ... qui ment effrontément.

M. CHARRON: Le premier ministre essayait d'insérer n'importe quoi dans la conversation, et devant cette situation, M. le Président, je me suis cru obligé de vous rappeler les dispositions de l'article 26 de notre règlement qui vous aurait invité à faire taire immédiatement celui qui s'est fait rabrouer au conseil des ministres, mais qui a déjà perdu sa leçon...

LE PRESIDENT (M, Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Cela tient à quoi, toutes ces...

M. CHARRON: ... et de terminer mon point de règlement, M. le Président, puisque j'ai...

M. HARDY: II a besoin de sa dose de projection quotidienne...

M. CHARRON: ... fait part d'une motion d'ajournement des travaux de cette commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Disons que je l'accepte, mais sous les réserves que j'ai exprimées tantôt, à savoir que, quand je serai réveillé demain matin, si je me rends compte que je me suis trompé, je ne me tromperai plus à l'avenir.

M. LESSARD: Vous aviez raison.

M. BOURASSA: ... plus que par quinze minutes. De toute façon, la motion est proposée quinze minutes avant l'ajournement. Mais c'est un autre exemple de procédurite de la part du Parti québécois, alors que j'aurais pu répondre au chef de l'Opposition qui m'a mis en cause...

M. LEGER: ... donner la parole au premier ministre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, est-ce que vous avez donné la parole au premier ministre? J'invoque le règlement, M. le Président.

M. BOURASSA: C'est tout ce que vous faites.

M. LEGER: Est-ce qu'actuellement vous avez donné la parole au premier ministre? On lui a conseillé tantôt de prendre des notes et de parler à son tour. C'est le député de Saint-Jacques qui a la parole. Il pourra venir tantôt expliquer pourquoi il n'est pas d'accord, rétablir les faits qu'il juge ne pas être conformes à la réalité — sa réalité à lui — et il aura l'occasion de le faire.

Je pense que c'est le député de Saint-Jacques qui a la parole et on devrait l'écouter pour savoir les raisons qui motivent la présentation de cette motion d'ajournement.

M. HARDY: Vous avez le droit de parole... et vous, vous l'avez.

M. LESSARD: Question de règlement.

M. BOURASSA: Avez-vous consulté le député de Maisonneuve avant cela?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: En d'autres termes, vous avez le droit de tout faire, pourvu qu'on respecte les règlements.

M. BURNS: Pas tout le temps.

M. LEGER: On a la même moustache.

M. HARDY: L'article 40 est justement pour cela...

M. BOURASSA: Cela parait que vous ne l'êtes pas tout le temps.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur la motion d'ajournement?

M. CHARRON: Oui. Je propose la motion d'ajournement parce que Je pense que le député de Sauvé et chef de l'Opposition nous a apporté, certainement, quelques références importantes quant à l'étude du préambule que nous devrions commencer demain et, éventuellement, de l'article 1 et de l'article 2. Je pense, visiblement, par les interruptions nombreuses dont il a été victime que la partie d'en face n'est pas en mesure d'apprécier exactement à cette heure-ci la portée politique réelle que le député de Sauvé a voulu mettre dans le débat.

M. HARDY: Vous êtes trop fatigué pour avoir raison comme cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: Autre raison, c'est que j'aimerais permettre encore une fois au député d'Outremont, ministre de la Justice, de profiter de cette nuit pour rédiger, mettre une dernière main aux amendements qui ont été déposés...

M. BOURASSA: Ils sont devant vous.

M. CHARRON: Oui, mais à chaque version annoncée, ils sont modifiés. Alors, que peut-être demain, aurons-nous une nouvelle version...

M. BOURASSA: Regardez ceux-là et vous proposerez des sous-amendements.

M. CHARRON: Peut-être permettre au ministre de l'Education de prendre connaissance de l'amendement que lui a imposé son collègue de la Justice au conseil des ministres, de sorte que demain, puisque nous y sommes rendus, nous entreprendrons, article par article, le projet de loi, le ministre de l'Education sera capable de défendre chacun des amendements comme s'ils étaient les siens, de sorte que nous ne serons pas obligés de suspendre inutilement la séance pour aller chercher le ministre de la Justice pour nous dire exactement ce qu'on vous a imposé au conseil des ministres...

M. BOURASSA: Ce sont des affirmations gratuites.

M. CHARRON: ... tout ce ralentissement des travaux qu'il devra occasionner. Peut-être que si nous ajournions, le ministre de la Justice pourrait profiter de l'occasion pour — je ne sais pas où 0 est à l'heure actuelle, mais le ministre de l'Education pourrait certainement le retrouver — lui permettre d'avoir une bonne vision parce que soyez certain que ces amendements qu'on vous a imposés et que vous avez subis, nous exigerons que vous nous les expliquiez avec beaucoup de clarté...

M. HARDY: ... qu'ils sont comédiens.

M. CHARRON: ... et beaucoup de clairvoyance.

M. HARDY: II n'y a pas de bourse pour la section des comédiens.

M. CHARRON: M. le Président, j'apprends qu'un des membres de la commission a l'intention de voter en faveur de ma motion. Dans ce sens, je crois que le débat gagnerait en qualité si nous mettions fin immédiatement à cet ajournement pour peut-être songer à la motion qui est présentement en discussion avant même que nous entamions l'article 1.

Maintenant, je peux permettre au...

M. BOURASSA: M. le Président...

M. CLOUTIER: L'article 1 est entamé.

M. BOURASSA: On a entamé la discussion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que j'ai suggéré, je n'ai pas...

M. CHARRON: Voyez-vous, M. le Président, un argument de plus. Je pense que le ministre de l'Education commence à en manquer des bouts. Nous ne sommes pas sur l'article 1, mais, bien au contraire, vous avez jugé recevable une motion du chef de l'Opposition.

M. CLOUTIER: Pardon!

M. CHARRON: Nous sommes à discuter de la motion de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse. Tant et aussi longtemps que la motion de l'honorable chef de l'Opposition ne sera pas adoptée, nous sommes à l'article 1. Si elle était adoptée, nous ne serions plus à l'article 1.

M. CHARRON: D'accord.

M. HARDY: Le député de Saint-Jacques est vraiment perdu.

M. CLOUTIER: Je pense que c'est lui qui est perdu.

M. CHARRON: Nous ne discutons pas, vous conviendrez avec moi, M. le Président, devant le ministre des Affaires culturelles...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Présentement, on ne discute pas.

M. CHARRON: De quoi discutons-nous? De l'article 1 ou de la motion du chef de l'Opposition?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Dans le moment, on discute de la motion d'ajournement.

M. CHARRON: Oui. Ma motion... La Palice n'aurait pas dit mieux, M. le Président. Le seul qui pourrait vous contredire là-dedans, c'est le ministre de l'Education.

M. BURNS: De quoi parle-t-on?

M. CHARRON: Ma motion d'ajournement, M. le Président, que je vous ai présentée en vertu de l'article 157, est-ce qu'elle intervient au moment où nous discutions de l'article 1 ou nous discutions de la motion du chef de l'Opposition?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous discutions de la motion du chef de l'Opposition.

M. CHARRON: Bon, c'est cela. M. HARDY: Greffée à l'article 1.

M. CHARRON: C'est ce que je voulais dire au "foreman" des Affaires culturelles.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CHARRON: Est-ce qu'il a compris?

LE PRESIDENT (M.Gratton): En terminant votre intervention, est-ce que vous avez dit que vous retireriez votre motion d'ajournement?

M. CHARRON: Non, M. le Président, je vous ai signalé que le député de Bourget avait manifesté qu'il appuyait ma motion.

M. HARDY: M. le Président, le député de Saint-Jacques ne pourrait même pas être chef de cabinet aux Affaires culturelles.

M. CHARRON: M. le Président, je vous ai signalé que le député de Bourget avait manifesté son appui à ma motion. Il sera probablement expulsé du caucus lundi prochain.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable premier ministre sur la motion d'ajournement.

M. BOURASSA: M. le Président, on est quand même à sept ou huit minutes de la fin de la séance. Alors, je veux dire aux membres de l'Opposition et rappeler surtout au chef de l'Opposition la promesse qu'il nous a faite il y a trois jours, quand il a dit qu'il était d'abord — je ne sais pas s'il est minoritaire dans son caucus — mais il a dit qu'il était d'abord intéressé à bonifier la loi, à apporter des amendements et à essayer de l'améliorer.

M. MORIN: Nous avons des semaines devant nous pour faire cela.

M. BOURASSA: Je dois dire au chef de l'Opposition, et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui vont être d'accord avec moi, que ce n'est pas l'impression que le Parti québécois a donnée depuis trois jours, de vouloir bonifier la loi et de vouloir discuter sérieusement.

M. MORIN: Parlez-vous sur la motion, en ce moment?

M. BOURASSA: Oui, je parle sur la motion d'ajournement puisque je prépare la journée de demain. Je dis donc au chef de l'Opposition...

M. LEGER: Si vous interprétez le règlement comme cela, comment interprétez-vous le bill 22?

M. BOURASSA: Je dis au chef de l'Opposition que j'espère qu'il pourra faire valoir son point de vue à ses collègues. Je lui fais encore confiance. Je crois que lui-même, personnellement, est intéressé à avoir la meilleure loi possible, mais je ne pense pas qu'on...

M. MORIN: Je peux vous rassurer, nous allons le discuter très sérieusement, article par article.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Non. Je n'ai pas d'objection, M. le Président, à ce que le chef de l'Opposition apporte des clarifications, mais je dois lui rappeler, c'est ce qu'il a dit il y a trois jours...

M. MORIN: Je n'ai pas changé d'avis.

M. BOURASSA: Oui, mais tout le monde, M. le Président... J'invoque les déclarations des journalistes notamment, tous les journalistes sans exception ont dit qu'il s'agissait d'un "filibustering" de la part du Parti québécois.

M. MORIN: Non, non, jamais de la vie.

M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais les citer tous, si le chef de l'Opposition pouvait

avoir un moment de libre; même le journal Le Jour, je crois, a dit qu'il s'agissait d'un "filibuster" de la part du Parti québécois.

M. MORIN: M. le premier ministre, c'est vous qui avez dit cela. Ce n'est pas la même chose. Je voudrais vous dire ceci. Si nous avions décidé de faire un "filibuster", le rapporteur de la commission ne serait pas encore nommé.

M. BOURASSA: M. le Président, je rapporte ce qui a été écrit, ce qui a été dit partout, et le chef de l'Opposition ne peut pas me contredire là-dessus, il le sait fort bien. Il reste qu'on a gaspillé trois jours. On aurait pu étudier plusieurs articles du projet de loi et on aurait peut-être pu accepter des amendements de la part du Parti québécois. J'ai dit que j'étais prêt â en accepter, s'ils étaient justifiés.

M. MORIN: On verra cela demain.

M. BOURASSA: D'accord. J'ai bien hâte de connaître certains amendements. Je l'ai dit au chef de l'Opposition dans mon discours de deuxième lecture sur l'affichage, comment il définit l'affichage public. Parce que, dans le contre-projet linguistique, cela paraît drôlement restrictif. C'est pourquoi j'espère que, demain, nous pourrons commencer une discussion sérieuse sur le projet de loi, l'un des projets de loi les plus importants et celui...

M. MORIN: Est-ce que vous insinuez que la discussion n'a pas été sérieuse jusqu'ici?

M. BOURASSA: M. le Président, je crois...

M. MORIN: Vous avez fini par vous rendre à toutes nos demandes. Vous n'êtes pas sérieux là.

M. BOURASSA: M. le Président, pourquoi... M. MORIN: Vraiment, vous me sidérez.

M. BOURASSA: ... le chef de l'Opposition s'efforce-t-il à jouer la comédie comme cela, quand cela paraît tellement...

M. MORIN: En fait de théâtre, vous faites un bon professeur. J'aurais de qui tenir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, cela a été évident que si, dès mardi, on avait accepté, non pas adopté, je ne dis pas qu'on aurait demandé l'adoption de l'article 1, si on avait accepté dès mardi de discuter l'article 1, on serait peut-être beaucoup plus avancé pour le bien même des Québécois actuellement dans une loi aussi importante pour leur avenir.

M. MORIN: II ne faut pas trop se presser.

M. BOURASSA: C'est cela que je veux rappeler.

M. MORIN: Vous êtes trop pressés, trop pressés pour l'importance du projet.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: Vous voyez, M. le Président, que je n'ai pas d'objection à être interrompu par le chef de l'Opposition, mais je veux rappeler au Parti québécois sa responsabilité dans cette question. Je veux lui demander de faire un effort pour être... Je comprends que c'est dur pour lui d'accepter qu'un autre parti que lui établisse le français comme langue officielle, c'est très dur sur le plan partisan.

M. MORIN: Pseudo-officiels. En fait vous établissez le bilinguisme et vous jouez sur les mots. Ce n'est pas la même chose.

M. BOURASSA: C'est dur pour vous d'accepter une proposition comme celle-là. C'est dur d'accepter qu'on peut faire un Québec français sans briser le fédéralisme...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: A peu près comme le bill 63...

M. BOURASSA: ... avec des avantages économiques.

M. MORIN: ... "favorisait" la langue française.

M. BOURASSA: Non, c'est ce que vous allez dire, parce que vous n'avez pas autre chose à dire. Mais le projet de loi parle par lui-même et on n'a qu'à voir ceux qui s'opposent au projet de loi, M. le Président, ceux qui s'opposent le plus férocement au projet de loi pour voir jusqu'à quel point il aide les francophones.

M. BURNS: L'ajournement, la motion d'ajournement, M. le Président.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... vous l'avez dit en commission parlementaire.

M. BURNS: La motion d'ajournement, M. le Président.

M. MORIN: Tous les Québécois s'opposent au bill 22.

M. BURNS: Je soulève la question, est-ce que le premier ministre a fini de parler?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le premier ministre a terminé?

M. BOURASSA: D'accord, j'accepte la motion.

M. BURNS: Vous acceptez l'ajournement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, la commission...

M. LEGER: M. le Président, je ne voudrais pas que ce soit un précédent parce que le premier ministre a réussi à parler durant ses dix minutes en dehors de la question d'ajournement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La commission ajourne ses travaux jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée nationale.

(Fin de la séance à 23 h 53)

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