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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, February 17, 2005 - Vol. 38 N° 52

Consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec - Contexte, enjeux et questionnements


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Jutras): Étant donné que nous avons quorum, nous allons commencer nos travaux. Je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

Je rappelle le mandat de la commission. Alors, l'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements.

Est-ce que, Mme la secrétaire, vous avez des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) et M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Doyer (Matapédia).

Mme Dionne-Marsolais: ...

Le Président (M. Jutras): Est-ce que je peux finir peut-être l'ordre du jour, et tout ça?

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

Le Président (M. Jutras): Oui. O.K. Et je demanderais aussi à autant les membres de la commission que les gens qui sont dans la salle, là, qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir les fermer.

Alors, je donne lecture de l'ordre du jour. Alors, à 9 h 30, nous entendrons Alcan; à 10 h 30, Breton, Banville et Associés; à 11 h 30, Équiterre, pour suspendre nos travaux à 12 h 30 jusqu'à 14 heures. À 14 heures, nous entendrons la Table de concertation de l'industrie électrique; à 15 heures, les Partenaires socioéconomiques de la MRC de Manicouagan; à 16 heures, Héritage Saint-Bernard; à 17 heures, Réseau Environnement. Et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.

Alors, je rappelle la façon de procéder dont nous avons convenu à la première séance, à savoir que les intervenants ont 20 minutes pour la présentation de leur mémoire, par la suite il y a un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par après 20 minutes d'échange avec les députés de l'opposition.

Alors, je comprends que les représentants d'Alcan sont déjà installés. Et, vous, Mme la députée de Rosemont, vous voulez faire une intervention?

Mme Dionne-Marsolais: J'aimerais, M. le Président ? et il n'y a rien de prévu au règlement pour ce que je vous demanderais ? je voudrais déposer une motion, mais je ne voudrais pas qu'on la discute. J'aimerais que les députés ministériels et le ministre y réfléchissent compte tenu des événements actuels sur la sécurité d'Hydro-Québec. Voici ma motion:

«Il est proposé que la Commission de l'économie et du travail puisse entendre à nouveau et avant la fin du présent mandat, dans le cadre de la consultation générale sur le document Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements, les dirigeants d'Hydro-Québec, afin qu'ils puissent nous faire connaître l'impact et les correctifs relatifs aux récents événements liés à la sécurité des installations de la société d'État et que s'y joigne également le président du conseil d'administration, M. André Bourbeau.»

Alors, je vous la dépose pour considération des collègues de la commission et pour une décision en temps et lieu ? il n'y a pas d'urgence ? d'ici la fin de la commission. Je vous remercie, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Jutras): Alors, je comprends qu'il n'y a pas de discussion sur la motion. La motion est soumise aux membres de la commission, et on pourra en rediscuter, là, voir qu'est-ce qu'on fait avec ça. Alors, merci, Mme la députée.

Auditions (suite)

Alors, M. le président, Jean Simon, d'Alcan, alors, bienvenue. Et je vous demanderais donc de procéder à la présentation de votre mémoire et de présenter au préalable, là, les personnes qui vous accompagnent.

Alcan

M. Simon (Jean): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, Mmes, MM. membres de la Commission de l'économie et du travail, permettez-moi tout d'abord de vous présenter rapidement les gens qui m'accompagnent ici, ce matin: à ma droite, M. Yvon D'Anjou, président pour Alcan Métal primaire de Québec-Sud et États-Unis; à sa droite, M. Pierre Cossette, directeur Énergie pour l'Amérique du Nord; et, à ma gauche, M. Erik Ryan, vice-président, Affaires générales et communications; à sa gauche, M. Dominique Bouchard, vice-président, Métal primaire, Saguenay?Lac-Saint-Jean; et moi-même, Jean Simon, président pour Alcan Métal primaire, Québec et États-Unis.

Chaque tonne d'aluminium coulée au Québec, c'est beaucoup plus qu'un phénomène technologique ou socioéconomique, c'est l'expression concrète de la transformation dans les régions du Québec de cette ressource naturelle renouvelable qu'est le pouvoir hydraulique en un produit éternellement recyclable, l'aluminium. L'eau et l'électricité sont au coeur même de la présence et du développement d'Alcan au Québec, car cette énergie représente un élément essentiel de la chaîne de valeur de production d'aluminium.

Dès 1901, la Shawinigan Water & Power a commencé à alimenter la première aluminerie au Canada sur les bords de la rivière Saint-Maurice. Quelques années plus tard, les prédécesseurs d'Alcan investissaient des sommes énormes dans le développement industriel du Québec en construisant la centrale Isle Maligne, sur la rivière Saguenay. À l'époque, ce barrage bâti par des investisseurs privés était le plus gros ouvrage hydroélectrique au monde. C'est à partir de cette date qu'Alcan a déployé l'implantation d'alumineries au Saguenay? Lac-Saint-Jean. Alcan a construit depuis ce temps cinq autres centrales, dont deux centrales sur la rivière Saguenay, soit en 1931 à Chute-à-Caron et en 1943 à Shipshaw, et trois autres sur la rivière Péribonka, en 1952 à Chute-du-Diable, en 1953 à Chute-à-la-Savanne et en 1959 à Chute-des-Passes. Cette solide assise s'ajoutant à ses nombreuses usines de fabrication et de transformation d'aluminium a permis à Alcan, au cours du dernier siècle, de prendre une place importante dans le paysage économique québécois.

n(9 h 40)n

Laissez-moi rapidement vous faire le survol de nos activités au Québec. Alcan est présente dans 56 pays, sur cinq continents, avec 73 000 employés. Le siège social d'Alcan inc., le centre stratégique de toutes les décisions d'Alcan, est l'un des plus importants sièges sociaux d'envergure mondiale localisés à Montréal. Au Québec, Alcan est propriétaire à 100 % de six alumineries: une à Beauharnois, une à Shawinigan, trois à Saguenay, soit Arvida, Grande-Baie et Laterrière, et une à Alma. Ces alumineries produisent 1,1 million de tonnes de métal primaire.

Alcan, c'est aussi six usines de transformation: deux à Montréal spécialisées dans l'emballage; trois câbleries, une à Shawinigan, une à Alma et une à Saguenay; une usine spécialisée dans les produits à très haute valeur ajoutée, l'usine Dubuc, à Saguenay; et une usine de structure automobile qui sera officiellement inaugurée dans quelques semaines. Nous exploitons aussi à Saguenay la plus grosse usine de chimie inorganique au Canada, qui produit plus de 1,3 million de tonnes par année d'alumine. En plus de ces usines, nous exploitons un port, un réseau de chemin de fer ainsi que le plus grand centre de recherche et de développement privé localisé en dehors des grands centres, avec près de 200 chercheurs et techniciens, à Saguenay. De plus, Alcan détient 40 % de l'Aluminerie Alouette, à Sept-Îles, et 25 % de l'Aluminerie ABI, à Bécancour.

Au-delà des retombées économiques directes au Québec de plus de 1,3 milliard de dollars par année, ce qui est le plus important, c'est que, tous les matins, au Québec, plus de 16 000 personnes se lèvent et vont gagner leur vie en travaillant directement ou indirectement pour Alcan. De ce nombre, 8 000 hommes et femmes sont des employés d'Alcan. En plus, ce sont des emplois de qualité. À titre d'exemple, le salaire moyen d'un employé des salles de cuves chez Alcan se situe autour de 28 $ de l'heure. Il y a moins de 20 % des Québécois qui touchent un salaire aussi élevé. Ces 16 000 personnes qui se sont levées ce matin pour travailler le font grâce à l'électricité que nous transformons en aluminium chez nous, et j'en suis très fier. Pour chaque emploi dans notre division Énergie électrique, une dizaine d'emplois sont créés dans nos diverses activités, ce qui démontre clairement le levier économique important que la production d'aluminium procure à l'énergie hydroélectrique.

Alcan n'est pas seulement un employeur important au Québec, mais c'est aussi un des plus gros investisseurs privés de la province. Depuis 20 ans, nous avons investi 8,5 milliards de dollars en dollars de 2003 dans la modernisation, le remplacement et l'expansion de nos activités. À titre d'exemple, la construction de l'aluminerie Alma, un projet de 3 milliards de dollars, a été le plus gros chantier industriel en Amérique du Nord au début des années 2000. Depuis 100 ans, Alcan est un partenaire d'affaires du Québec, et ce partenariat fructueux entre le Québec et Alcan utilise l'énergie comme levier de développement économique et de compétitivité.

Étant donné qu'Alcan est le plus gros producteur privé d'énergie au Québec, je me permettrai de vous exposer rapidement notre bilan énergétique. Avec nos six centrales, nous avons une production annuelle moyenne de 17,5 TWh. Bien entendu, comme tout producteur hydroélectrique, la production annuelle de nos installations hydroélectriques est soumise à la variation des conditions climatiques et à l'apport d'eau annuellement. De plus, contrairement à la plupart des grands réservoirs d'Hydro-Québec, la capacité d'emmagasinement de nos réservoirs n'est que d'un an. Autrement dit, nous ne pouvons pas conserver pour l'année suivante toute réserve qu'une bonne pluviométrie permettrait si nos réservoirs avaient une capacité de plus d'un an. Pour 2005, nous prévoyons avoir besoin de quelque 19,2 TWh avec une charge constante, 24 heures par jour, 365 jours par année.

Aujourd'hui, toute l'énergie produite par Alcan sert à la production d'aluminium. De plus, suite à l'augmentation de nos capacités de production d'aluminium après le démarrage de l'usine Alma, nous devons maintenant acheter 10 % de nos besoins en énergie à Hydro-Québec. Alcan est donc un acheteur net d'électricité. En fait, alors que, dans les années 1980-1990, Alcan vendait des surplus à des industries du Saguenay?Lac-Saint-Jean et à Hydro-Québec, depuis 2001 c'est plus de 6 TWh que nous avons achetés à Hydro-Québec. Quand nous avons construit l'usine Alma, nous avons signé avec Hydro-Québec un contrat pour l'approvisionnement en électricité. Avec la fermeture récente de quatre salles de cuves Söderberg de l'usine Arvida, nous avons réduit nos achats d'électricité d'environ 1,3 TWh par an. Toutefois, comme nous achetions 3 TWh dans des conditions de pluviométrie normale, nous prévoyons encore acheter au moins quelque 1,7 TWh par année au cours des prochaines années.

Je le répète donc, même après la fermeture des salles de cuves Söderberg et même si nous produisons en moyenne 17,5 TWh par an, Alcan est un acheteur net d'électricité. Et j'irai plus loin, mon défi personnel comme responsable d'Alcan Métal primaire au Québec, c'est de travailler avec tous nos partenaires pour m'assurer de mettre en place les conditions nécessaires pour avoir davantage de projets de développement créateurs de valeurs pour utiliser l'énergie disponible.

Alcan a développé des relations mutuellement fructueuses tant avec Hydro-Québec qu'avec le gouvernement du Québec. Dans les années cinquante, le gouvernement du Québec et Alcan ont signé le premier bail de la Péribonka, qui a mené à la construction des trois centrales sur cette rivière. Ce bail a été reconduit le 1er janvier 1984 pour une période de 50 ans avec une option de renouvellement pour 25 années supplémentaires. Ce renouvellement de 1984 a permis la construction des alumineries de Laterrière et d'Alma. Par ailleurs, les centrales d'Alcan, tant sur la rivière Saguenay que sur la rivière Péribonka, sont soumises à la Loi sur le régime des eaux, qui détermine les obligations d'Alcan et le paiement d'une redevance au gouvernement basée sur la production d'électricité. Ainsi, en 2004, Alcan aura versé 53 millions de dollars en redevances au gouvernement du Québec. En fait, depuis 1980, c'est plus de 840 millions de dollars en dollars courants de redevances qui auront été payés par Alcan.

Comme je vous l'ai mentionné, Hydro-Québec et Alcan ont conclu en 1998 un contrat par lequel elle s'engage à acheter au tarif L entre 1 et 3 TWh par an. Dans ce cadre, Alcan et Hydro-Québec ont développé un solide partenariat qui se traduit également par de l'échange de puissance en période de pointe. Par exemple, Alcan fournit de la puissance à Hydro-Québec durant les grands froids, durant les heures de pointe. Ainsi, Hydro-Québec peut, à 10 minutes d'avis, appeler des mégawatts de puissance provenant des centrales d'Alcan qui seront retournés à Alcan hors période de pointe. Lorsque la demande de pointe se fait encore plus pressante parce qu'il fait encore plus froid, Hydro-Québec peut aussi recourir à un appel de puissance supplémentaire en demandant à Alcan de réduire pour quelques heures la consommation électrique de ses alumineries, électricité qui lui sera aussi retournée par la suite.

Finalement, nous collaborons avec Hydro-Québec en vue de faciliter la construction de sa nouvelle centrale Péribonka IV en lui fournissant plusieurs types de services. Nul doute que cette collaboration se poursuivra lors de la mise en service de cet ouvrage. Non seulement Alcan remplit-elle ses obligations contractuelles et légales, mais Alcan s'est toujours montrée comme un partenaire d'affaires responsable auprès du gouvernement et de ses institutions, et particulièrement d'Hydro-Québec.

L'industrie de l'aluminium est très, très compétitive, et cette compétition acharnée est mondiale. L'aluminium primaire est une commodité dont le prix est fixé par l'offre et la demande mondiales. En dollars constants, le prix de l'aluminium suit clairement une tendance à la baisse. Pour demeurer compétitifs, les producteurs comme Alcan n'ont donc pas le choix, ils doivent continuellement s'efforcer de resserrer la structure de coût et effectuer des investissements judicieux. Ceux qui ne réussissent pas disparaissent progressivement, alors que de nouveaux joueurs prennent de l'importance.

Dans cette bataille mondiale, Alcan, comme les autres joueurs de cette industrie majeure, doit recourir à de l'électricité à prix concurrentiel. Les alumineries ont grand besoin d'une quantité stable et prévisible d'énergie. En fait, après les coûts de capital, ce sont les coûts d'énergie qui sont les plus importants pour la production d'aluminium. Au cours des 25 dernières années, c'est grâce aux coûts compétitifs de l'électricité offerts par le Québec et à sa disponibilité que l'industrie de l'aluminium s'est développée et s'est implantée ici.

n(9 h 50)n

Par contre, aujourd'hui, on estime que la plupart des nouvelles alumineries construites en Islande, dans certains pays du golfe Persique ou en Afrique du Sud ont obtenu des tarifs en deçà de 0,025 $ par kilowattheure comparativement au tarif L qui est de l'ordre de 0,038 $. L'aluminium, c'est de l'électricité à valeur ajoutée et c'est la meilleure façon que je connaisse pour que les régions profitent directement du développement de leurs ressources hydriques. Nous devons tout faire pour maintenir cette industrie et, par le fait même, maintenir son rôle prépondérant dans l'économie québécoise.

Bien sûr, le contexte énergétique a changé depuis la mise en place de l'actuelle politique énergétique, en 1996. Le Québec ne dispose plus de surplus énergétiques comme c'était le cas à l'époque. Cependant, à notre avis, cela ne constitue pas une raison valable pour modifier radicalement la politique du Québec à cet égard et ainsi remettre en question les acquis des 20 dernières années. En effet, cette pénurie devrait se résorber autour de l'année 2007 avec la mise en opération de nouveaux équipements. D'autre part, Hydro-Québec a toujours les coûts de production par mégawatt parmi les plus bas au monde. Nous croyons que cet avantage doit continuer de servir au développement économique du Québec et de ses régions. L'énergie à prix compétitif a permis et peut continuer de permettre au Québec de jouer un rôle prépondérant dans le marché mondial de l'aluminium, et cela, au profit du Québec et de ses régions.

Pour assurer sa pérennité, nous avons massivement investi dans de nouvelles technologies. L'utilisation nécessaire de technologies plus modernes, plus propres et plus efficaces tant en termes énergétiques qu'en termes économiques nous a amenés à mettre sur pied un vaste programme de modernisation de nos plus vieilles installations, ce qui a eu des effets sur l'emploi direct à nos usines.

Dès le début des années quatre-vingt, nous nous sommes engagés dans Soccrent, un fonds de capital de risque pour appuyer les efforts de diversification économique dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Aujourd'hui, avec nos partenaires, nous nous investissons encore plus à travers notre Bureau pour la diversification industrielle pour appuyer la mutation économique nécessaire au développement durable des régions. Les résultats sont déjà probants. Plus de 300 employés de CGI au Saguenay servent le réseau informatique d'Alcan à travers l'Amérique du Nord, créant ainsi un pôle d'expertise solide en région. Grâce, entre autres, à l'appui technique et au support commercial d'Alcan, quelques PME ont vu le jour au cours de la dernière année, comme SKL Aluminium Technologie qui fabrique avec une technologie Alcan des échangeurs de chaleur en aluminium pour les véhicules lourds, ou encore comme Harvey Industries qui fabrique des volets d'aluminium pour les édifices industriels, commerciaux ou institutionnels. On peut aussi parler de STAS qui vend à travers le monde des équipements souvent conçus en collaboration avec Alcan. Récemment, Cegertec et Hatch ont lancé avec notre appui un centre d'excellence en énergie qui offre des services à la fine pointe de l'ingénierie dans le domaine de la production électrique. Ce sont là quelques exemples de la volonté d'Alcan d'assumer ses responsabilités d'entreprise.

Alcan est fière de s'associer au dynamisme des communautés dans lesquelles elle est présente. Cet engagement envers l'avenir a toujours été celui d'Alcan et continuera de l'être. Il ne pourrait en être autrement pour nous. Cependant, l'énergie n'étant pas le facteur déterminant de localisation pour les activités de transformation, il est capital de créer un environnement propice pour attirer les investisseurs. Et, pour réussir, tous les intervenants doivent travailler dans le même direction. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de maintenir une base solide au niveau de la production de métal primaire mais aussi d'aider à diversifier les activités économiques des régions dont l'économie repose principalement sur les ressources naturelles.

L'aluminium est un matériau infiniment recyclable. Par sa nature même, l'aluminium invite au respect de l'environnement et à la durabilité. Chez Alcan, le développement durable fait partie de nos valeurs. Alcan croit au principe du développement durable et reconnaît que l'énergie est une ressource précieuse. En conséquence, nous investissons massivement pour améliorer notre performance énergétique. Ces investissements se sont traduits par la construction d'usines neuves, l'amélioration continue de nos procédés, la tenue d'activités de recherche et de développement, l'amélioration de notre réseau hydroélectrique et l'optimisation de nos turbines. D'ailleurs, nous priorisons une gestion de l'eau responsable en optimisant nos opérations et en investissant dans la sécurité de nos installations hydroélectriques. Par exemple, lors du déluge de 1996, la gestion responsable de nos réservoirs a été reconnue par les experts.

L'énergie à prix compétitif est un moteur pour l'industrie, pour Alcan et pour les régions du Québec dans leur quête conjointe de développement durable. Pour Alcan, la durabilité, c'est le mariage des impératifs sociaux, environnementaux et économiques. À long terme, c'est le seul chemin qui nous permettra de maximiser la valeur pour nos actionnaires, de satisfaire les besoins de nos clients, d'assurer des conditions de travail intéressantes, sécuritaires et saines pour nos employés et les employés de nos fournisseurs, de limiter le plus possible l'empreinte sur l'environnement et de continuer à participer activement avec les communautés qui nous accueillent à l'avancement de la société québécoise.

Nous appuyons donc l'idée de concilier l'enjeu de la politique énergétique du Québec avec celui du développement durable. Ces deux objectifs sont étroitement liés et proposent des opportunités qu'il nous faudra tous saisir. La politique énergétique doit encourager le maintien d'un avantage concurrentiel au Québec et l'utiliser comme un moteur de développement économique durable. Alcan est un joueur majeur de l'industrie dans l'aluminium à travers le monde. Son expertise québécoise lui a permis de grandir et de rayonner partout sur la planète et d'y faire rayonner le Québec. L'accroissement de la concurrence et de la demande mondiale offrira des défis et des opportunités qu'ensemble nous relèverons et dont nous en profiterons tous.

Pour Alcan, l'énergie du Québec sera toujours aussi critique à son développement qu'elle le fut lors de l'établissement de l'industrie de l'aluminium au Québec. Pour ce faire, il est primordial de soutenir un accès continu à de l'énergie à prix compétitif et prévisible à long terme à travers une politique énergétique qui redonnera au Québec de demain la marge de manoeuvre pour servir de dynamisme économique de toutes les régions du Québec, et ce, dans le but d'atteindre un développement durable. Merci de votre attention.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Simon. Nous procédons dès maintenant à l'échange. M. le ministre.

M. Hamad: Merci, M. le Président. Bienvenue à Québec, messieurs. Une excellente présentation, beaucoup de chiffres, beaucoup de données. Vous vendez bien votre industrie, vous faites bien. Et évidemment je pense qu'il n'y a personne qui a des doutes que votre industrie joue un rôle important dans le développement régional, le développement économique au Québec, à travers le Québec, et notre gouvernement est très conscient de cet élément-là.

Votre association, l'Association de l'aluminium du Canada, dans un pamphlet qui a été soumis à nous, là, il n'y a pas longtemps ? c'est janvier 2005 ? il y a un paragraphe qui dit: Des arbitrages décisifs. Trois voies s'offrent au gouvernement: la première voie, c'est fournir aux Québécois l'électricité dont ils ont besoin tout en les incitant à utiliser l'électricité de la façon la plus efficace possible; la deuxième voie, c'est exporter une partie de l'électricité disponible afin de générer plus de fonds pour l'actionnaire; troisième voie, utiliser la carte de l'avantage énergétique du Québec comme facteur de développement économique au profit des Québécois et particulièrement ceux des régions. «Évidemment, ces choix ne sont pas exclusifs. Il ne s'agit pas d'opter pour l'un ou pour l'autre. La responsabilité du gouvernement consiste à optimiser l'utilisation de l'électricité en retenant le meilleur équilibre possible entre les trois avenues précitées au profit des Québécois.»

Notre gouvernement, actuellement, évidemment, ne fait pas le choix entre les trois voies, notre gouvernement travaille les trois voies en même temps parce qu'il est clair pour notre gouvernement, c'est qu'il faut fournir de l'électricité à tout le monde au Québec. Ça, c'est une obligation minimale pour un gouvernement, pour le Québec. Notre gouvernement veut travailler pour le développement régional et notre gouvernement aussi veut exporter le surplus qu'on va bâtir avec les années pour finalement générer des fonds qui vont être utiles pour la santé, l'éducation et d'autres. Donc, qu'est-ce que vous en pensez de ça? Et comment vous voyez notre position à ce niveau-là?

M. Simon (Jean): Bien, nous sommes parfaitement d'accord avec la position de l'Association de l'aluminium du Canada. Pour nous, ce qui est important, c'est de s'assurer que l'atout compétitif, l'avantage que le Québec a bâti au courant des 20 à 30 dernières années en fournissant à l'industrie de l'énergie à prix compétitif et prévisible se maintienne. Et c'est notre position, nous encourageons le gouvernement en ce sens. Et effectivement ce ne sont pas des choix mutuellement exclusifs, je pense que le gouvernement et la commission doivent regarder dans cet esprit d'ouverture mais en gardant à l'esprit qu'il est essentiel pour l'industrie et pour nous d'avoir de l'énergie à prix compétitif, prévisible.

M. Hamad: Notre engagement, c'est toujours de maintenir les tarifs les plus bas en Amérique du Nord, et ça, c'est maintenu encore pour notre gouvernement. Une question qui est à l'actualité aujourd'hui et hier: Quelle est la mesure de sécurité que vous avez chez Alcan pour vos installations hydroélectriques ou installations des productions d'énergie?

n(10 heures)n

M. Simon (Jean): Vous savez, pour nous, la sécurité de nos installations est une priorité majeure et nous y travaillons de façon continue depuis plusieurs années. Nous révisons régulièrement nos processus de protection et, en ce sens-là, nous nous assurons d'avoir des suivis, des inspections, de la présence, un lien avec notre système central de gestion de l'ensemble de notre réseau hydroélectrique. Mais ce qui est important, c'est quelque chose qu'on doit au quotidien travailler pour améliorer, parce que la sécurité, c'est quelque chose de jamais acquis, il faut toujours travailler et, encore une fois, pour nous, c'est une priorité majeure.

M. Hamad: Je vais laisser mes collègues continuer.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Merci, M. le Président. Messieurs d'Alcan, bienvenue, très heureux de vous recevoir aujourd'hui chez vous, à l'Assemblée nationale, et très heureux aussi de constater que vous avez, comme nous, comme le gouvernement du Québec, beaucoup d'intérêt au développement énergétique au Québec.

Lors des travaux de la commission, au cours des dernières semaines, en janvier, à la fin de janvier, on nous a informés que c'était difficile de se procurer de l'aluminium liquide au Québec, que 50 % de cet aluminium-là était revendu à l'étranger pour des choses différentes. Comment est-ce que vous pouvez expliquer ça quand on sait qu'au Québec il y a beaucoup de production dans ce sens-là?

M. Simon (Jean): Alors, permettez-moi de demander à M. D'Anjou de prendre cette question, et il va se faire un plaisir de vous répondre.

M. D'Anjou (Yvon): Alors, juste pour dire, il y a quelques années, nous avons offert, dans un contexte de développement industriel, d'offrir de l'aluminium en fusion justement pour faire de la deuxième et de la troisième transformation parce qu'on trouvait justement que... Des transformateurs potentiels disaient que c'était quelque chose qui n'était pas disponible et qui pourrait les aider. Nous avons mis cette disponibilité-là en place depuis maintenant au moins six à sept ans. Et c'est vrai que, pour certains projets, pour certains types de projets, par exemple une usine de roues en aluminium, certains éléments de fonderie, ça pourrait être très avantageux pour une entreprise de ne pas avoir à refondre le métal ou encore à l'allier elle-même et plutôt de faire affaire avec quelqu'un comme nous qui s'occuperait de ce fardeau-là. À l'heure actuelle, ce n'est pas encore arrivé. Il y a des projets qui ont été étudiés, qui ne sont pas venus au monde pour d'autres raisons. Mais il reste que c'est vraiment un avantage qui, pour certains projets, peut être effectif. Et on est encore réceptifs à regarder ces choses-là, nous sommes toujours réceptifs à le faire.

M. Paquin: Très bien. Dans votre mémoire, vous indiquez l'importance économique d'Alcan au Québec et dans les régions, principalement au Saguenay?Lac-Saint-Jean en particulier. Vous affirmez que l'industrie de l'aluminium a besoin moins de main-d'oeuvre aujourd'hui à cause de la haute technologie, etc. Et croyez-vous que les réductions d'emplois, là, dans le domaine de l'aluminium primaire sont plus compensées par les retombées indirectes de vos efforts de diversification dans les industries? Parce que, pour nous, le gouvernement du Québec, qu'il y ait des emplois en région, c'est d'une importance capitale. On est heureux de vous avoir ici, croyez-moi, mais on a besoin aussi qu'il y ait le plus d'emplois possible.

M. Simon (Jean): Bien, d'abord, notre apport économique croît année après année. Actuellement, l'apport économique d'Alcan, par année, est de l'ordre de 1,3 milliard de dollars en biens, services, salaires, taxes municipales, etc. Donc, on est très présents dans la communauté. On est conscients par contre que, comme toute industrie, si on veut avoir une pérennité à long terme, il faut moderniser nos installations. Et, que ce soit dans l'industrie de l'aluminium, de l'acier ou toute autre industrie, ce changement vers la modernisation a un impact sur l'emploi. D'ailleurs, déjà au début des années quatre-vingt, c'était dans cet esprit-là qu'on avait mis en place le fonds de capital de risque Soccrent qui a servi pendant toutes ces années à créer de l'emploi, à faire en sorte que l'entrepreneuriat se développe.

Dans ce contexte-là, dans les deux ou trois dernières années, de façon encore plus spécifique, on a mis en place le Bureau de diversification industrielle au Saguenay pour aider aux constituantes de la région à favoriser l'apport, l'arrivée du capital, de l'investissement, de l'entrepreneuriat. Et on a des succès intéressants, on est partenaires là-dedans et on travaille avec tous les gens. On parle d'environ 800 emplois depuis deux ans, deux ans et demi, qui ont été annoncés, mis en place par nous ou par d'autres. Alors, oui, c'est un travail important. C'est directement lié à cette transformation de l'économie. Dans les régions ressources, à quelque part, quand on modernise nos installations, il faut diversifier la base industrielle, et ça se fait avec l'apport et le travail de toutes les constituantes de la région. Et c'est en ce sens-là qu'on s'est orientés, et c'est pour ça qu'on a mis en place le Bureau de la diversification industrielle.

M. Paquin: Dans ce sens-là, est-ce que vous avez des... les alumineries de Shawinigan et Beauharnois, est-ce que vous avez des projets dans le même sens?

M. Simon (Jean): À ce stade-ci, on n'a aucune décision de prise par rapport aux décisions sur les alumineries de Shawinigan et Beauharnois. Donc, pour le moment, il n'y a pas de date effective de fermeture de mise en place. Mais on aide aussi ces régions-là au même sens en termes de diversification industrielle, on travaille avec les constituantes de la région pour aider en termes de favoriser l'apport ou l'arrivée de nouvelles industries, nouvelles entreprises.

M. Paquin: Merci, M. le Président. Je vais donner la chance à mes collègues de participer.

Le Président (M. Jutras): Oui. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, principalement M. D'Anjou. On se retrouve après 40 ans. On a étudié ensemble à La Pocatière. Je suis très sensible aux retrouvailles, moi, de ce temps-ci.

Dans le mémoire, à la page 12, vous parlez que la production diminue aux États-Unis et augmente dans d'autres régions du monde. J'aimerais connaître les raisons. Puis pouvez-vous nous parler aussi de la situation dans les pays qui accueillent ces projets puis à quel prix se fait ce développement?

M. Simon (Jean): Je pourrais peut-être juste faire un tour rapide des changements dans l'industrie de l'aluminium qui ont eu lieu aux États-Unis, je dirais, dans les cinq à sept dernières années, principalement dans le Nord-Ouest américain. Vous vous rappelez l'ouverture des marchés sur l'énergie. Le prix de l'énergie a augmenté de façon très, très, très appréciable, au tournant des années 2000. À ce moment-là, dans ces secteurs-là, les producteurs d'énergie et d'aluminium se sont mis à vendre sur le marché pour répondre à la demande et ont fermé environ 1 million à 1,3 million de tonnes d'aluminium. Donc, il y a eu un phénomène où l'énergie, qui est un élément essentiel à l'industrie de l'aluminium, a cessé d'être compétitive en termes de prix.

En parallèle, dans les 10, 15 dernières années, effectivement, on voit des déplacements de pôles dans le monde de l'aluminium. On a nommé tout à l'heure l'Islande, le Moyen-Orient, on peut parler aussi de l'Afrique du Sud, on parle maintenant aussi même de Russie. Donc, il y a certains endroits dans le monde qui offrent, entre autres, des avantages en termes d'énergie à prix très, très compétitifs. C'est la réalité du monde de l'aluminium, comme c'est probablement aussi la réalité des autres types d'industries. L'économie bouge dans le temps, bouge dans l'espace, et, comme une entreprise à caractère mondial, nous devons nous adapter à ces phénomènes de changement, à ces phénomènes de marché.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. M. Simon, M. D'Anjou, bonjour. Bienvenue chez vous, messieurs. Vous savez, depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean particulièrement, c'est un sujet qui est très, très, très présent dans l'actualité, tout ce qui concerne bien sûr l'Alcan mais tout ce qui concerne bien sûr le phénomène de passage vers une usine ou un monde de transformation, et vous avez eu l'occasion tout à l'heure d'en parler un peu par rapport à ce qu'Alcan faisait. Parce que, je me rappelle, à une époque, il y avait une douzaine de mille employés d'Alcan qui faisaient vraiment de la phase primaire de cette matière-là, et maintenant ce n'est plus nécessairement ce nombre-là que nous avons dans la région, c'est beaucoup moins. Mais, en même temps, ce qu'on dit: Comment peut-on arriver à mettre des mécanismes en place pour faire en sorte que ce qui est créé dans les régions puisse être aussi transformé en partie dans les régions?

Alors, je sais que vous avez mis de l'avant... Tantôt, vous avez parlé de différents procédés que vous avez mis de l'avant avec différentes collaborations soit dans des projets directs ou dans des projets indirects. Mais, concrètement, là, avez-vous encore d'autres projets sur la table concernant vraiment des projets de transformation? Est-ce que vous croyez dans cet élément-là de transformation? Puis avez-vous l'intention d'investir pour qu'on puisse prendre le virage de la modernisation de vos installations mais en même temps assurer une base solide en ce qui a trait à la transformation d'aluminium compte tenu du potentiel énorme de ce métal-là pour toutes sortes d'utilisation dans le monde actuellement et pour le futur?

M. Simon (Jean): Nous sommes présents dans le domaine de la transformation de façon importante au Québec. Je vous l'ai cité tout à l'heure, seulement au Saguenay?Lac-Saint-Jean, on a une câblerie à l'usine Alma, une autre câblerie à Saguenay, une usine de transformation du métal chaud par procédé direct en tôle d'aluminium. On vient à peine de compléter la fabrication, l'installation et la mise en place d'une usine de structures automobiles qui va produire dès cet été au-delà de 600 000 pare-chocs par année pour desservir l'industrie de l'automobile. Donc, nous sommes toujours à l'affût de projets créateurs de valeur, rentables, positifs dans le domaine de l'aluminium.

n(10 h 10)n

Mais il faut aller au-delà de cela. Et c'est pour ça que nous travaillons aussi, dans le cadre de toute la discussion sur l'emploi, à la diversification industrielle, faire en sorte que non seulement Alcan, mais beaucoup d'autres entrepreneurs, d'autres constituantes de la région travaillent, se mettent ensemble, développent des projets, font ensemble de l'entrepreneuriat et amènent de l'emploi. Diversifier la base économique d'une région ressource, c'est essentiel et ça doit se faire avec le travail de tous les intervenants. Et, nous, on est là, on est présents puis on travaille avec les intervenants.

M. Blackburn: Donc, ce virage-là, dans vos livres à vous et dans votre boule de cristal, pour le futur, c'est un virage qui est essentiel. Puis vous êtes prêts à être partenaires là-dedans de manière importante pour arriver à ce qu'on puisse faire lever des entreprises dans ce secteur-là, particulièrement dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, comme dans l'ensemble des autres régions? Parce que tantôt je vois mon collègue de Baie-Comeau qui va certainement avoir l'occasion de vous poser une question sur les tarifs. Mais c'est un virage qu'Alcan a vraiment la volonté de prendre actuellement?

M. Simon (Jean): C'est un virage, c'est un travail que nous faisons déjà depuis plusieurs années et que nous intensifions avec le Bureau de la diversification industrielle. C'est aussi à travers mon mandat de regarder quelle sera... comment on peut développer la stratégie de développement d'Alcan au Québec et au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Donc, c'est un des défis que j'ai personnellement pour être capable de décrire ce futur probable et possible pour Alcan avec l'aide et la collaboration des intervenants du milieu.

M. Blackburn: Juste une autre question. Dans un autre ordre d'idées, M. Simon, par rapport aux tarifs, parce qu'on a eu l'occasion, depuis déjà plusieurs semaines, de parler des tarifs, entre autres, qui pouvaient être procurés par rapport au tarif L, là, aux gros consommateurs, il y a eu quelqu'un ? je pense que c'était du Regroupement des producteurs d'aluminium qui nous disait que les tarifs L n'étaient plus maintenant compétitifs et même qu'au Québec on payait déjà 30 % plus cher qu'ailleurs, donc que c'était beaucoup moins intéressant de venir investir au Québec par rapport aux tarifs électriques. Les agrandissements que vous avez faits à Alouette ont été faits sur cette base-là, avec le tarif L.

M. Simon (Jean): La construction de nouvelles alumineries, quand on regarde ce qui se fait à travers le monde actuellement, dans les pays où on voit les nouvelles alumineries se construire, le tarif énergétique, qui est un élément important mais qui n'est pas le seul, est de l'ordre de 25 $ du mégawatt ou moins. C'est un élément extrêmement important, la partie énergétique. Mais il faut comprendre qu'une décision d'investissement c'est quelque chose de complexe. Ça tient compte du coût de l'énergie, qui est une des matières premières les plus importantes, mais aussi de d'autres facteurs comme les coûts de construction, les éléments du marché, le timing où on doit faire la mise en marche de ces installations-là. Mais, vous avez raison, c'est un élément important, le tarif, dans la construction de nouvelles alumineries.

M. Blackburn: J'ai encore un petit peu de temps, M. le Président? Si jamais il y avait la possibilité, par exemple, d'avoir de l'énergie de manière importante, disponible, avec des tarifs intéressants, êtes-vous prêts encore à construire des alumineries ici, au Québec?

M. Simon (Jean): Avoir de l'énergie à un prix compétitif d'une façon prévisible, c'est une carte extrêmement importante à avoir dans ses mains. Encore une fois, ça prend plus que seulement cette carte-là, il y a plusieurs autres cartes, mais c'est certainement un atout dans la main.

M. Blackburn: Pour vous, un avenir prévisible en termes de tarifs, c'est combien d'années?

M. Simon (Jean): Écoutez, quand on construit une aluminerie, on parle d'un projet qui a une durée de vie au-delà de 30 ans et jusqu'à 50 ans. Alors, il faut comprendre que ce sont des investissements majeurs, c'est pour une longue vie. Il faut voir une aluminerie dans cette perspective-là. Ce n'est pas une installation qu'on va installer puis qu'on peut démanteler et partir avec le lendemain matin. C'est quelque chose qui a une durée de vie, une pérennité très longue. Et, en ce sens-là, l'approvisionnement électrique prévisible, stable, à un prix compétitif est extrêmement important.

M. Blackburn: Merci. Ça va, M. le Président.

M. Paquin: Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Jutras): Trois minutes.

M. Paquin: Trois minutes, d'accord. Un peu pour faire suite, messieurs, à ce qu'on a discuté tantôt, vous mentionnez, à la page 16 de votre mémoire, qu'Alcan a inauguré des bureaux de diversification industrielle à Chicoutimi au mois d'avril dernier avec des gestionnaires de haut calibre qui ont comme mandat de travailler à intervenir plus dans les régions. Est-ce qu'il y a des développements positifs déjà qui ont arrivé à ce bureau? Est-ce que vous avez des développements majeurs?

M. Simon (Jean): Oui, on en a de très intéressants, et j'en ai cité quelques-uns, entre autres Hatch et Cegertec, qui ont fait une alliance, avec lesquels on est partenaires. Ce sont deux firmes d'ingénierie spécialisées dans la production hydroélectrique. Et, nous, ce qu'on leur apporte, c'est toute l'expertise qu'on a développée au cours des 20 dernières années lorsqu'on a investi au-delà de 1 milliard de dollars pour rénover nos centrales, refaire tout notre turbinage, etc. On a développé une expertise de pointe extraordinaire et on la partage avec eux pour pouvoir développer ce marché-là et aller vers d'autres producteurs électriques pour faire ce type de rénovations.

C'en est un exemple, SKL Technologie, qui fait des radiateurs à partir d'une technologie Alcan en région, qui est une petite entreprise qui a parti très rapidement, et son carnet de commandes est quasiment plein actuellement. On en a d'autres, CGI est un autre exemple. Pour maintenir le support à toutes nos installations en termes d'informatique à travers l'Amérique du Nord, on a pris une entente avec CGI avec la condition de s'installer à Saguenay, et ça a bâti un pôle d'expertise de 350, 360 personnes à Saguenay dans le domaine des technologies de l'information, dont 300 travaillent pour Alcan. Je pourrais vous en donner encore plusieurs comme ça.

M. Paquin: Merci.

Le Président (M. Jutras): Ça va. Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, messieurs, bienvenue. Je vais vous poser deux, trois petites questions très, très brèves et j'aimerais ça que vos réponses soient brèves parce qu'après ça je sais que mon collègue du Lac-Saint-Jean voudrait développer davantage.

D'abord, sur la question de la sécurité, on voit que vous avez mis de l'avant un certain nombre de mesures ? et vous le dites vous-mêmes ? après le 11 septembre. La question que je voudrais vous poser ? prenez-en note, vous répondrez tout ensemble ? c'est: Est-ce que vous avez eu des relations avec Hydro-Québec après septembre 2001 pour une coopération au niveau de l'accroissement de la sécurité de part et d'autre?

Deuxième question. Vous avez parlé d'efforts de recherche et de développement dans votre mémoire. Or, on sait que vous avez accès à des ressources hydrauliques, je pense qu'on peut dire de manière privilégiée. Et j'aimerais ça que vous me donniez le revenu des ventes des activités d'Alcan au Québec avec le pourcentage des efforts de recherche et de développement que cela représente, autrement dit, le pourcentage de R & D sur les ventes au Québec, pourcentage de R & D au Québec.

Et ma troisième question, c'est les revenus d'exportation par kilowattheure consommé. Vous deviez l'attendre, parce que c'est une question que j'ai posée presque à tous les intervenants depuis le début de la commission. J'ai reçu de l'Association de l'aluminium du Canada, comme tous les membres de cette commission... La valeur directe des exportations de l'industrie de l'aluminium au Québec par kilowattheure consommé serait de 0,143 $ du kilowattheure. Et j'aimerais ça savoir si, vous, vous avez une donnée peut-être plus élevée, puisque votre coût doit nécessairement être plus bas. Alors, c'est mes questions. Pouvez-vous répondre?

Le Président (M. Jutras): Alors, M. Simon.

M. Simon (Jean): O.K. Bon, d'abord, pour ce qui est d'Hydro-Québec, des relations que nous entretenons avec Hydro-Québec, nous avons des relations de partenariat avec Hydro-Québec depuis plusieurs, plusieurs années...

Mme Dionne-Marsolais: Je veux juste la sécurité.

M. Simon (Jean): ...et la sécurité est un élément parmi d'autres sur lequel nous échangeons avec Hydro-Québec depuis plusieurs années.

Mme Dionne-Marsolais: Depuis le 11 septembre, rien de plus?

M. Simon (Jean): Depuis le 11 septembre, comme plusieurs industries comme la nôtre, nous sommes préoccupés par la sécurité et, bien, nous...

Mme Dionne-Marsolais: ...je sais, mais, par rapport à Hydro, rien de plus?

M. Simon (Jean): Et nous partageons avec Hydro-Québec des discussions alentour de ces domaines-là comme d'autres domaines.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. R-D par ventes? Pourcentage? Vous allez nous l'envoyer?

M. Simon (Jean): Je vais fouiller, là...

Mme Dionne-Marsolais: C'est beau.

M. Simon (Jean): ...parce que je ne veux pas vous avancer un chiffre dont je ne serais pas sûr.

Mme Dionne-Marsolais: Non, vous faites bien. Et puis les revenus par...

M. Simon (Jean): Bien, l'Association de l'aluminium vous a, je pense, donné l'ordre de grandeur, 0,14 $. C'est une moyenne pour l'industrie. Donc, c'est comme ça pour...

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

M. Simon (Jean): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Jutras): M. le député du Lac-Saint-Jean.

n(10 h 20)n

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale. La question que je voudrais vous poser est fondamentale. Puis ce n'est pas la première fois que j'entends dire Alcan que vous êtes maintenant un acheteur net d'électricité, que vous achetez environ 10 % de votre électricité pour votre production. Or, ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement dans la région, il y a un débat, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y a un débat. Il y a un peu une crise de confiance par rapport à ce chiffre, puisque tant une grande partie de vos employés, qui sont nos électeurs chez nous, que la Conférence régionale des élus doutent de ce chiffre. Plusieurs avancent qu'avec les fermetures que vous avez eues récemment cela fait en sorte que vous êtes presque en surplus d'électricité.

Moi, comme député, je ne dis pas qu'une part ou l'autre a la vérité, sauf que je me dis que, si vous vendez de l'électricité ? qui irait à l'encontre de la loi sur la nationalisation de l'électricité, ça, on le sait ? si vous vendez de l'électricité, la seule à qui vous pouvez en vendre, à moins que ce soient des entreprises de la région, c'est à Hydro-Québec. Et, à ce moment-là, pour dénouer l'impasse qui existe, l'impasse de confiance qui existe dans la région, s'il était possible d'avoir de notre société d'État, Hydro-Québec, le bilan énergétique, hein, le sens dans lequel les électrons passent et sans que ce soit obligatoirement dit sur la place publique, cela pourrait, je pense et je l'espère, dénouer cette impasse.

Donc, est-ce qu'Alcan s'objecterait à ce qu'Hydro-Québec puisse faire connaître à, par exemple, la Conférence régionale des élus de la région le bilan, c'est-à-dire la quantité de courant qu'elle vend à Alcan ou qu'elle achète, le cas échéant? Et ça, ça exclut le «give and take» qui se fait lors des pointes et donc, comme vous nous avez expliqué tout à l'heure, que, quand il y a des pointes de froid, eh bien Alcan est partenaire avec Hydro. Et ça, c'est parfait, ça, tout le monde est d'accord avec ça. Mais est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'Hydro puisse dénouer cette impasse, elle qui a en main les chiffres si importants?

M. Simon (Jean): Bien, d'abord, vous voyez sur l'écran le bilan net des mégawatts tel qu'il est. Et je vous rappelle que nous sommes tenus par la loi de divulguer au ministère des Ressources naturelles l'ensemble des données de production. Et d'ailleurs il y a eu une demande d'accès à l'information qui a été faite auprès du ministère, demande à laquelle nous avons accédé, de libérer l'information relative aux quantités d'énergie échangées ? je vais prendre votre expression ? mais ce sont celles que vous voyez sur l'écran. Alors, ces données-là en termes de quantité vont être disponibles à partir des données mêmes du ministère des Ressources naturelles. Bien entendu, on ne parlera pas des côtés commerciaux qui sont attachés à ces informations-là mais juste en termes de quantité et de nombre de mégawatts.

M. Tremblay: Donc, c'est une information qui est à venir. J'espère que nous allons pouvoir y avoir accès très bientôt, je l'espère. Et j'espère aussi que la collaboration du ministre des Ressources naturelles pourra nous aider justement à dénouer cette crise de confiance, puisque, lorsque ce sera le cas, on pourra passer à autre chose. Et je pense que tout le monde sera gagnant, vous les premiers. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, si jamais il y avait vente d'électricité, vos seuls acheteurs peuvent être Hydro-Québec?

M. Simon (Jean): Bien, je vous rappelle qu'on est, nous, un acheteur net d'électricité, vous le voyez sur l'écran. Donc, sur une base annuelle, même l'an passé, où on a connu une hydrologie exceptionnelle et en plus nous nous sommes retrouvés avec la fermeture des Söderberg, même cette année-là, nous avons été un acheteur net de 20 quelques mégawatts, 24 MW, de mémoire. Et ces chiffres-là encore une fois vont être disponibles à ceux qui en ont fait la demande ? parce que c'est comme ça que ça fonctionne, quelqu'un fait la demande à la Commission d'accès à l'information. Et, nous, on a agréé, et ces gens-là vont l'avoir.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Rosemont. Après, M. le député de René-Lévesque.

Mme Dionne-Marsolais: Il y a une petite précision qu'il m'apparaît important de clarifier, M. le Président, c'est quand vous dites... Vous n'avez pas répondu à la question du député. Parce que, dans les faits, avec l'ouverture, ce qu'on appelle la déréglementation, vous savez très bien que, si vous avez un client ailleurs, mettons au Québec ou ailleurs même, et qu'il y a de la disponibilité sur les lignes de transport d'Hydro-Québec... Est-ce que vous ne pourriez pas forcer Hydro-Québec à livrer cette quantité d'énergie là à un tiers?

M. Simon (Jean): Cette une question qui actuellement n'est pas la réalité parce que nous sommes un acheteur net, donc, depuis la mise en place de l'usine Alma, nous n'avons pas de surplus, nous sommes un acheteur net.

Mme Dionne-Marsolais: Mais, dans l'hypothèse où, demain matin, vous avez... Parce que vous avez aussi dit dans votre présentation que vous aviez la capacité de réservoir pour une année seulement. J'ai lu ça quelque part, là. Donc, l'année passée, il a plu beaucoup, il y a peut-être d'autres années où on aura une hydrologie, comme vous avez mentionné, excessive. Si vous aviez hypothétiquement une usine ou un intervenant à qui vous voudriez livrer de l'électricité, est-ce que vous pouvez, oui ou non, forcer Hydro-Québec, si la disponibilité existe sur sa ligne de transport, de livrer cette électricité-là? C'est ça, la question.

M. Simon (Jean): Oui. Mais encore une fois c'est une question hypothétique parce que d'abord on n'en a pas...

Mme Dionne-Marsolais: La question est hypothétique et la réponse est hypothétique. La réponse, c'est oui, n'est-ce pas?

M. Simon (Jean): Écoutez, je ne me lancerai pas dans les hypothèses, mais ce que je peux vous dire formellement, c'est qu'on n'en a pas de surplus. Et ce qu'on va faire, c'est des échanges avec Hydro-Québec.

Mme Dionne-Marsolais: Non. Vous n'avez pas de surplus, mais Hydro-Québec, si vous en aviez, Hydro-Québec Transport serait tenue de les transporter. Elle pourrait les acheter, Hydro-Québec Production pourrait les acheter, Hydro-Québec Distribution pourrait les acheter, mais Hydro-Québec Transport doit les transporter.

M. Simon (Jean): Oui, oui. Dans ce sens-là...

Mme Dionne-Marsolais: Et, si c'était un client ailleurs, est-ce que vous ne pouvez pas... ailleurs au Québec, on s'entend, ou même à l'extérieur. Mais est-ce que, oui ou non, vous pouvez exiger qu'Hydro-Québec transporte ces électrons-là là où vous voulez les livrer?

M. Simon (Jean): On ne pourrait pas aller à l'extérieur parce qu'on n'a pas un statut d'exportateur. Et, nous, ce qu'on fait, c'est que, dans ces périodes de pointe là, que ce soit par en haut ou par en bas, on va faire l'échange avec Hydro-Québec. Maintenant, Hydro-Québec va...

Mme Dionne-Marsolais: La question que je pose: Est-ce que, dans votre contrat avec Hydro-Québec, il y a une obligation à ne pas vendre à d'autres qu'à elle?

M. Simon (Jean): Pierre.

Le Président (M. Jutras): M. Cossette.

M. Cossette (Pierre): Oui. Dans le contrat d'énergie avec Hydro-Québec, il y a une clause d'exclusivité qui fait que, si jamais on avait des surplus, ils devraient être vendus exclusivement à Hydro-Québec.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. C'est ça, la réponse que j'attendais. Parce que je pense que c'est ça qui est important, ce que les gens veulent savoir, c'est: S'il y a de surplus d'énergie, est-ce que l'Alcan peut éventuellement se détourner de certaines de ses activités si ça devient plus payant pour elle d'exporter? C'est ça, la question de fond. Veux-tu continuer?

M. Tremblay: Oui. Bon, bien, d'accord. Si je peux continuer...

Le Président (M. Jutras): Oui, mais il y a le député de René-Lévesque aussi.

M. Tremblay: Juste une courte question. Je sais que, depuis Alma, la construction de l'usine à Alma... Puis vous l'avez dit tout à l'heure dans votre présentation, et ça faisait un complément de la question de mon collègue de Roberval, à l'effet que vous êtes ouverts à fournir du métal liquide à une entreprise de transformation. Et on comprendra pour le bien des auditeurs que, si je veux faire des roues de voitures et que j'ai le métal en fusion, bien c'est un avantage concurrentiel, puisque je n'ai pas besoin de le faire refondre.

Mais, considérant, par exemple, que des entreprises ou plusieurs petites PME ont besoin d'une petite quantité d'aluminium, à ce moment-là, est-ce que... qu'elle est la limite justement où vous pouvez dire: On va faire affaire avec vous? Parce que vous comprendrez que, si on a plusieurs PME, ça pourra créer éventuellement une masse critique qui pourra en faire... créer d'autres entreprises. Mais, pour l'instant, si les quantités sont toujours trop petites, ça voudra dire qu'on n'aura jamais accès à cet avantage au Saguenay?Lac-Saint-Jean.

M. D'Anjou (Yvon): J'aimerais répondre. Comme on a dit, il faut regarder les projets un à la fois dans ce domaine-là, parce que, pour certaines petites quantités, dépendamment des circonstances, c'est peut-être possible de le faire, d'autres fois, non. Ça dépend des alliages, ça dépend peut-être des distances. Dans certains cas, c'est peut-être plus économique pour les entreprises de s'installer un petit four pour effectivement refondre ces choses-là. Donc, il faut regarder le projet en lui-même, un par un, dans le fond. Et ça, on est prêts à le faire s'il y a effectivement des opportunités de le faire.

Le Président (M. Jutras): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale et merci pour votre mémoire qui nous démontre que vous êtes un acteur économique important au Québec puis surtout dans plusieurs régions.

Vous avez, dans la page 11... que vous parlez: «En dollars constants, le prix de l'aluminium suit une tendance à la baisse...» On sait que les prix de l'aluminium suivent le London Metal Exchange. Et vous parlez aussi de recourir à de l'électricité à des prix concurrentiels. C'est un peu dans la suite de ce que mon collègue de Roberval disait au niveau des tarifs. On a reçu ici l'Association de l'aluminium, on a reçu M. Gilardeau, qui est président-directeur général de l'Alcoa, et il parlait qu'il y avait différents messages qui étaient lancés concernant les prix des blocs patrimoniaux. Et il y a des éléments qui sont importants. Et, dans ce que mon collègue de Roberval disait par rapport aux tarifs, c'est qu'il y a trois grands axes sur les tarifs.

Et, si je reprends ce que le ministre des Ressources naturelles disait dans Le Soleil du 16 février, puis il parlait de la modernisation d'Alcoa à Baie-Comeau, alors, bon, il parlait qu'il n'y avait pas de garantie de troisième phase dans le projet d'Alcoa à Baie-Comeau: Je l'ai dit et je le répète ici, la garantie de la troisième phase de Baie-Comeau était la consolidation de 1 500 emplois. Oui, dans l'entente du gouvernement actuel, il avait négocié quelques emplois au niveau de la deuxième et troisième transformation, mais aujourd'hui le fait est de constater que je n'ai pas le fruit de la deuxième et troisième transformation, je n'ai pas la modernisation, je n'ai plus la consolidation de 1 500 emplois, j'ai une perte sèche de 900 emplois directs.

n(10 h 30)n

Les trois grands axes où est-ce que je veux vous entendre, parce que vous en parlez dans votre mémoire... Le premier axe. Il y a des contrats à partage de risques qui finissent en 2014. Ça, vous voulez avoir une vision d'avenir là-dessus, je veux vous entendre. Il y a aussi les droits d'eau. À certains égards, il y en a qui finissent en 2011. Il y a une importance capitale là-dessus. Et ce qui a accroché dans le dossier d'Alcoa à Baie-Comeau, c'est la prévisibilité des hausses tarifaires.

Je vous donne un exemple. Si la Régie de l'énergie accorde à Hydro-Québec... au niveau de la troisième demande en 18 mois de 2,7 %, ça veut dire qu'il y a une hausse de 7,1 %. Si on prend l'indice d'indexation au coût de la vie de 0,9 % que les alumineries paieraient, ça veut dire qu'Alcoa se ramasse avec 6,3 % de hausse d'électricité. Je veux avoir votre vision sur ça aussi: partage de risques, droits d'eau et prévisibilité de hausse tarifaire.

M. Simon (Jean): Oui. Vous comprendrez d'abord que c'est délicat pour moi de commenter sur la position de mon compétiteur. Donc, je me sens dans une mauvaise position en ce sens-là et je vais m'efforcer d'éviter de faire des commentaires. C'est la position d'Alcoa qui est venue ici vous l'expliquer et qui est à même pas mal mieux que moi de vous mettre les perspectives en ce sens-là.

Juste peut-être par contre vous réitérer que chez nous, chez Alcan, on n'en a pas de contrat à partage de risques. Le contrat que nous avons, c'est un contrat qui a été mis au moment de la mise en place de l'usine Alma, c'est un contrat au tarif L, et c'est ce qu'on a directement chez Alcan.

M. Dufour: Droits d'eau.

M. Simon (Jean): Écoutez, nous, on a dit dans notre mémoire que l'avantage hydroélectrique qu'on a est extrêmement important pour nous. On a notre bail à Péribonka, on a travaillé pour répondre aux conditions du bail à Péribonka, et c'est notre position par rapport à ça. Je peux vous parler pour Alcan. Il m'est difficile de vous parler pour Alcoa, vous comprendrez.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Vanier.

M. Légaré: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci d'être là. On a effleuré un petit peu les sujets. J'aimerais vous entendre, j'ai peut-être trois points très rapides. On a parlé tantôt de la compétitivité des tarifs sur le marché, on parlait de 0,025 $, on parlait... Bon. Est-ce que vous pouvez, Alcan, envisager une hausse du tarif L dans le futur? Ça peut se traduire comment, dans le bilan d'Alcan, si on irait vers une hausse du tarif L? Premier point.

M. Simon (Jean): Je ne pourrai pas vous donner une réponse exacte sur l'impact d'une hausse du tarif. Mais je vous rappelle que l'électricité, l'énergie est un élément essentiel dans le monde de l'aluminium, c'est un des éléments de nos coûts parmi les plus importants. Donc, il est important de tenir compte de ça, quand on regarde la politique énergétique, autant en termes de disponibilité, de coûts compétitifs que de prévisibilité.

M. Légaré: Deuxième petit point rapidement. Je vais aussi dans le même sens que mon collègue. Sur la page 8, vous disiez que vous étiez «un acheteur net». Lorsque, moi, dans mon comté, on parle d'augmentation des coûts au niveau de l'hydroélectricité, on entend régulièrement les gens dire: Bien, si peut-être qu'Alcan, ou peu importe, les grandes alumineries avaient des tarifs compétitifs, ou des choses comme ça... Moi aussi, c'est une interrogation que j'avais. Je suis content de voir la page 8 qui donne un peu d'éclaircissement. J'ai hâte aussi de voir la suite parce que c'est un point qui est important puis c'est un point que je me fais régulièrement parler dans mon comté. Alors, c'est le fun d'avoir un éclaircissement aussi; la suite, j'ai bien hâte de voir ça.

Petit dernier point rapidement. Efficacité énergétique. Lorsqu'on parle d'efficacité énergétique, moi, je pense que les industries sont un point majeur de ce programme-là dans le... Je vais utiliser un terme anglais, dans le «day-to-day», l'efficacité énergétique, pour Alcan, ça peut représenter quoi en tant que programme? Je sais que ça doit être un élément qui est extrêmement majeur pour vous. J'aimerais vous entendre sur ce point-là.

M. Simon (Jean): Bien, c'est un élément extrêmement important. D'ailleurs, on vient à peine, Alcan mais aussi les membres de l'Association de l'aluminium du Canada, de prendre une entente avec Hydro-Québec pour travailler de façon encore plus marquée sur tout ce qui touche la consommation énergétique, c'est quelque chose sur lequel on travaille depuis des années. D'ailleurs, nos modernisations sont aussi une réponse à ça, parce que les nouvelles technologies sont de plus en plus efficaces d'un point de vue énergétique. Nos recherches en termes de contrôle de procédés visent aussi à réduire la consommation énergétique. On travaille jour après jour en ce sens-là.

M. Légaré: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Oui, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. J'aimerais qu'on revienne sur les retombées industrielles. Vous avez mentionné tout à l'heure... pas tout à l'heure mais dans votre mémoire, là, que, depuis 2003, vous avez créé près de 800 emplois dans la transformation ? on comprend que c'est au Québec ? et vous avez donné quelques exemples. La question que je pose: Est-ce que le 800 emplois dont vous avez parlé est en croissance? Est-ce qu'il est plus bas? Est-ce que vous avez des projets d'expansion, à votre connaissance?

M. Simon (Jean): En fait, on a travaillé beaucoup avec les gens de la région, et effectivement 800 emplois ont été annoncés ou créés ? parce qu'il y en a qui sont en cours, qui vont demander du travail ? puis on continue au jour le jour à travailler avec les gens de la région pour développer de nouveaux projets. Vous le savez, pour arriver, en développement économique, à faire atterrir un projet, il faut généralement travailler une dizaine de fronts. Alors, c'est un effort constant, continu. Puis on fait ça avec les autres, on fait ça pas seulement nous-mêmes. On crée des emplois chez Alcan, mais on aide les autres à en créer.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. C'est bien. Mais c'est parce que ce chiffre-là de 800 emplois, il existait au mois de mai 2004. Là, on est presque un an plus tard, on aimerait le voir augmenter.

Et ma question suivante, toujours sur la question de l'aluminium liquide ou l'aluminium en fusion, comme vous dites. Nous avons eu des représentations ici comme quoi il y avait un certain nombre de potentiels d'investissement dans des secteurs de transformation de l'aluminium moyennant un approvisionnement en aluminium liquide. Et là je vais vous poser une question que j'espère que vous ne qualifierez pas d'hypothétique. Mais j'ai compris tout à l'heure que vous étiez intéressés à étudier des propositions à cet effet-là. Mais, si le gouvernement vous demandait de réserver un bloc... pas un bloc, puisque c'est liquide, mais un certain volume d'aluminium en fusion pour les fins de transformation au Québec par année, pendant une durée de 10, 15, 20 ans, pendant la durée de vie de votre aluminerie ? vous avez dit que c'était 50 ans, bon, alors, prenons 50 ans, moi, je me serais contentée de 25 ans, mais mettons 25 ans ? est-ce que vous seriez prêts à réserver une quantité fixe d'aluminium en fusion pour fins de retombées, de développement au Québec à des prix et à des conditions qui refléteraient les conditions de marché?

M. Simon (Jean): Oui. Peut-être, juste avant de passer la parole à mon confrère, j'aimerais revenir sur la création d'emplois. Vous m'aviez demandé: Est-ce qu'on a des nouveaux projets, des projets qui viennent d'arriver? L'entente avec Hatch-Cegertec que je décrivais tout à l'heure, a été annoncée formellement il y a à peine deux semaines, et cette entente-là va créer 100 emplois, dont 50 déjà en 2005. Alors, c'est un exemple de projet qui arrive à terme. Je vais laisser la parole à mon confrère pour...

Le Président (M. Jutras): Rapidement, M. D'Anjou, là, le temps est épuisé.

M. D'Anjou (Yvon): Alors, merci beaucoup. Merci pour votre offre de contrat à long terme. Évidemment, nous autres, ça nous fait toujours plaisir de vendre de l'aluminium, et on est prêts à en vendre au gouvernement du Québec, c'est sûr.

n(10 h 40)n

Le Président (M. Jutras): Merci, MM. les représentants d'Alcan.

Et je demanderais aux représentants de Breton, Banville et Associés de bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Si vous voulez prendre place, les représentants de Breton, Banville et Associés. Alors, Mme Diane Lavoie, M. Jean Tessier, M. André Goyette et M. Ivan Bergeron, alors bienvenue à cette commission. Je vous rappelle les règles. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Par la suite, il y aura un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par après un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition. Alors, je ne sais pas qui d'entre vous fait la présentation. C'est vous? Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les personnes... Oui. C'est madame? Alors donc, Mme Diane Lavoie. Alors, Mme Lavoie, bienvenue. Alors, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation du mémoire.

Breton, Banville et Associés (BBA)

Mme Lavoie (Diane): Alors, bonjour, M. le Président. Mmes et MM. les députés, merci pour l'opportunité de pouvoir vous présenter le mémoire de Breton, Banville et Associés. Mon nom est Diane Lavoie, ingénieure de réseau électrique chez Breton, Banville. Je suis accompagnée, aujourd'hui, par M. Jean Tessier, chef Service réseau énergie, chez BBA; par M. Ivan Bergeron, à notre extrême droite, économiste en énergie pour la firme Éconotec; ainsi que par M. André Goyette, ingénieur, spécialiste réseaux électriques, chez BBA. M. Goyette présentera une synthèse du mémoire de BBA. Pour débuter, je vous introduirai les firmes BBA et Éconotec.

Breton, Banville et Associés est une firme d'experts-conseils qui compte plus de 220 employés et offre des services en énergie et environnement, ingénierie électrique, mécanique, civile et informatique depuis maintenant 25 ans. Éconotec, notre collaborateur, est une firme québécoise de conseillers offrant ses services professionnels aux secteurs privé et public dans les domaines de la gestion et des études économiques.

La préparation de ce mémoire fut un exercice important qui nous a permis d'échanger et de remettre en cause des concepts acquis. Le secteur énergétique du Québec, dans le contexte québécois et nord-américain, a évolué au cours des dernières années. Il faut donc tenter de poser un regard nouveau sur ce secteur d'activité. La tenue de cette commission nous a donné l'occasion, comme organisation, de réfléchir sur un certain nombre de questions. Mon collègue, M. André Goyette, vous exposera ces questions dans la synthèse qui suit.

M. Goyette (André): Merci, Mme Lavoie. M. le Président, membres de la commission. Dès 1980, une certaine révolution a complètement changé la perception qu'on avait ainsi que le fonctionnement des marchés de l'électricité un peu partout dans le monde, autant au Québec, qu'aux États-Unis, qu'en Europe. En fait, de statut de service public établi depuis déjà le début du XXe siècle, le kilowattheure est devenu une commodité, une commodité au même titre que la molécule de gaz ou le litre de mazout. Cette transformation, elle est majeure, lourde de conséquence, mondiale et probablement là pour durer, du moins à moyen terme, un bon petit bout de temps.

À l'instar des autres commodités, le kilowattheure n'échappe pas à la globalisation, globalisation qui est poussée toujours de plus en plus loin par la technologie. Tant et si bien qu'aujourd'hui les marchés d'électricité ne sont plus régionaux, encore moins urbains, les marchés d'électricité sont continentaux. Et, à ce stade-là, le Québec n'échappe pas à la règle.

Avec ses 18 interconnexions avec les réseaux voisins, le Québec est carrément partie prenante du marché continental de l'Amérique du Nord. Cette situation ? c'est-à-dire le statut de commodité du kilowattheure ainsi que la venue des marchés continentaux ? a été reconnue par le gouvernement québécois en 1997 et le gouvernement a alors procédé à une restructuration d'Hydro-Québec. Cette restructuration a amené la création de trois entités distinctes qui sont: Hydro Production pour l'unité de production; Hydro TransÉnergie pour l'unité de transport; ainsi qu'Hydro Distribution pour les activités de distribution. Donc, ce changement est majeur.

Par contre, lorsqu'on regarde les... lorsqu'on observe la médiatisation de certains dossiers et surtout la difficulté de faire consensus au sein de la société par rapport aux objectifs de la société d'État, on se rend compte qu'il y a un décalage entre l'imaginaire du citoyen québécois, qu'on dit propriétaire de la société d'État, et sa structure corporative. En fait, il ne faut pas se surprendre de ce décalage-là. On a mis en place une réforme, au niveau structurel, qui est aujourd'hui moderne, compatible avec les standards internationaux, mais, pour le citoyen abonné, il n'y a absolument rien qui a changé, il reçoit son compte pareil comme avant, il a un prix fixe pour son kilowattheure. Puis en gros les pratiques d'affaires n'ont pas changé.

Donc, on est d'avis qu'il est essentiel au Québec d'ajouter... c'est-à-dire de mettre à niveau l'imaginaire collectif par rapport à la société d'État. Et pour ça un des meilleures moyens qui nous apparaît est de tout simplement procéder à une réforme des modalités tarifaires pour amener le Québec... ou compléter cette transformation corporative qui s'est produite au Québec.

En fait, ce processus-là n'est pas nouveau. À peu près tous les pays du monde ou toutes les économies du monde ont procédé à cette mise à niveau. Si vous allez chez nos voisins du Sud, les différents États, il y a eu réforme au niveau des modalités tarifaires; en Ontario, la même chose. Au Québec, on traîne des pratiques qui datent du passé, présentement. Et nous allons essayer de vous faire cette démonstration-là.

Si on prend le rapport financier d'Hydro-Québec, en fait prenons celui de 2003, à ce rapport financier, on peut observer les flux monétaires ainsi que les flux énergétiques entre les différentes divisions. Il nous est ainsi possible de savoir comment Hydro Production vend son énergie à Hydro Distribution et quel est le tarif chargé par Hydro Transport, c'est-à-dire TransÉnergie, pour le transport de cette énergie des centrales vers les centres de distribution, et ainsi de suite. On arrive donc à créer un genre de graphique où, d'un côté, on a le prix unitaire moyen pour la fourniture du service et, de l'autre côté, on a juxtaposé les tarifs qui sont en vigueur.

Donc, si on va du côté gauche du graphique, vous allez voir qu'au niveau de la production le rapport financier de 2003 nous démontre que le prix de fourniture de la commodité qui est le kilowattheure est de 0,0279 $ par kilowattheure. Là, évidemment, aucune surprise, c'est le prix du patrimonial tout simplement, du bloc patrimonial. Un petit peu par-dessus, on va voir que les frais ou les charges de transport sont de 0,014 $ du kilowattheure en moyenne. En fait, c'est un chiffre moyen, c'est un prix unitaire moyen. Et, si on va un peu plus loin, on va se rendre compte, un peu plus haut, que le prix ou les charges associées à la distribution par rapport au rapport financier... vous allez trouver un chiffre d'environ 0,0213 $. Évidemment, vous ne trouverez pas ces chiffres-là directement écrits dans les rapports financiers, mais, par combinaison des chiffres, on arrive à ces données-là.

Du côté droit de la figure, vous allez vous rendre compte qu'on a mis les structures tarifaires qui sont présentement en place. Évidemment, les structures tarifaires n'ont rien à voir avec la structure corporative. Vous ne trouvez pas un coût pour le transport, un coût pour la distribution, et ainsi de suite. On trouve un coût global. Évidement, il y a quelques petits ajouts comme les redevances d'abonnement, des choses comme ça, mais en gros on a combiné tout ça. Et ces chiffres sont les chiffres officiels publiés par Hydro-Québec. Donc, premier constat qu'on fait, c'est: la grande entreprise qui est desservie et régie par le tarif L, en fait le coût de détail à la grande entreprise, qui varie en fonction du taux d'utilisation et du volume d'achat, est, à toutes fins pratiques, aligné avec le coût de la production de la commodité, plus son coût de transport. En fait, il n'y a rien d'étonnant là-dedans. La majorité des grands clients ou des clients de grandes entreprises, de grande consommation sont directement raccordés au réseau de transport, donc ils n'ont tout simplement pas à payer les frais de distribution.

Si on pousse plus loin l'observation, vous allez vous rendre compte que le tarif domestique, qu'on identifie comme D, en fait le coût de détail du tarif domestique, à toutes fins pratiques, correspond au coût de la production, plus les charges de transport, plus les charges de distribution. J'avoue, là, qu'on a eu un étonnement lorsqu'on a procédé à cet exercice parce que, dans la littérature dans le milieu québécois, tous s'entendent à dire que le domestique, le tarif domestique est interfinancé positivement à partir de d'autres tarifs. Et, c'est drôle, nous n'arrivons pas à cette conclusion à partir de la méthodologie que nous avons utilisée et qui est décrite dans notre mémoire.

Par contre, si on regarde les autres tarifs, le tarif G, qui est un tarif institutionnel et général, c'est clair que ce tarif contribue à de l'interfinancement vers d'autres tarifs. Et, dans le cas du tarif M, eh bien, la plage tarifaire du tarif M est extrêmement large compte tenu du volume consommé et du facteur d'utilisation. Donc, tous les clients M, en fait qui sont régis par le tarif M et qui ont une consommation qui fait en sorte que leur coût est inférieur à 0,063 $ du kilowattheure, sont en fait interfinancés positivement et tous ceux qui sont au-delà du 0,063 $ contribuent à l'interfinancement.

Donc, face à ça et face à ce constat, on est d'avis que le temps presse de revoir les modalités tarifaires et adopter une grille tarifaire un peu plus ajustée avec la nature corporative de l'entreprise, et ce, par un souci d'équité et de transparence.

n(10 h 50)n

Maintenant, si vous regardez l'acétate qui suit, nous avons tout simplement suggéré une approche. En fait, cette approche, nous ne l'avons pas inventée, c'est carrément l'approche qui est utilisée dans la majorité des États aux États-Unis et en Ontario, où on retrouve un prix pour la commodité qu'est le kilowattheure, un prix pour le service de transport, un prix pour le service de distribution, si applicable évidemment. Et, on le verra plus tard, nous allons parler de la constitution d'une réserve, une réserve pour la fourniture au Québec. Donc, évidemment, il faut que quelqu'un la paie, cette réserve, donc il y aurait un coût pour la constitution et le maintien de cette réserve. Et, lorsque cette réserve n'est tout simplement pas utilisée et qu'il faut l'exporter, tout simplement parce que non requise, bien il faudrait qu'il y ait une ristourne qui retourne au client, à ce moment-là.

Évidemment, je suis très conscient, nous sommes très conscients, chez BBA, que c'est majeur comme approche, et ça va changer des habitudes, il n'y a pas de doute. On n'y va pas à la petite cuillère avec ça, là. Mais regardons les avantages.

Première des choses, on fait une nette distinction entre une commodité et un service. Quand il vient le temps de faire de l'efficacité énergétique, très difficile de faire de l'efficacité énergétique ou de l'économie sur un service public, mais je n'ai pas de misère à faire de l'économie d'une commodité. Ça change complètement le «minding», comme on dit ? permettez-moi l'expression.

L'autre élément, c'est à juste titre son service, c'est-à-dire que, bien, si on prend possession du kilowattheure, la commodité, à très haute tension, bien il y a un certain service de transport qui s'applique, et, si on a besoin du service de distribution pour le faire, bien les tarifs s'adaptent en conséquence. On peut aussi à la limite envisager des tarifs de transport régionaux pour aider les régions ressources. Quand on est près d'un barrage, on peut payer peut-être moins cher pour le transport. Donc, ce sont des possibilités qui sont impensables avec la structure tarifaire actuelle mais qui offrent des possibilités avec la nouvelle structure proposée.

Évidemment, au niveau de la réserve, c'est une question de ristourne, c'est-à-dire qu'il faut faire une réserve au Québec ? nous allons le recommander tantôt mais cette réserve, lorsqu'on n'en a pas besoin, il faut l'écouler sur les marchés extérieurs. Et, par un tel système, c'est un peu comme dans le système du gaz, ceux qui ont contribué au maintien et à la constitution de la réserve bénéficient des ristournes appropriées.

Donc, nous croyons... Si notre hypothèse que les tarifs L et les tarifs D sont à niveau par rapport aux prix moyens de fourniture, tel que nous l'avons montré sur le graphique, en fait, ça voudrait dire que 77 % de l'électricité au Québec est vendue à sa juste valeur. Ça veut dire pour nous qu'on est présentement dans une fenêtre idéale, une opportunité inouïe qui nous permet de faire une réforme tarifaire sans amener de remous trop importants au niveau de la clientèle. Et on invite la commission à se pencher plus en détail à ce niveau-là.

Je vais passer à notre deuxième sujet, qui sont les opportunités outre-frontières, ces fameuses opportunités outre-frontières qui font rêver un peu tout le monde et qui génèrent énormément, je dirais, de littérature et de commentaires de toutes sortes. Les opportunités outre-frontières, c'est faire commerce avec les réseaux limitrophes, nos voisins. Au Québec, nous avons quatre réseaux limitrophes: l'Ontario, la Nouvelle-Angleterre, l'État de New York et le Nouveau-Brunswick. Dans tous ces marchés, le kilowattheure ou... En fait, tous ces marchés sont déréglementés, de telle sorte que le kilowattheure ou le prix du kilowattheure est fonction de l'offre et de la demande, sans aucune réglementation ou du moins un minimum de réglementation.

Mais, avant d'aller plus loin, j'aimerais vous expliquer comment fonctionnent ces marchés? Et, si vous regardez à l'acétate qui suit, vous avez en fait un graphique avec deux courbes. Typiquement, c'est un point de livraison au New Hampshire, un important point de livraison au New Hampshire, et la courbe en bleu, c'est la demande ou, en fait, si vous préférez, la charge. Le graphique est bon sur une semaine, donc vous voyez le cycle de charge pour chacune des journées. La courbe en jaune, c'est le prix marché, le prix du gros disponible à ce point-là. Donc, le prix du gros est établi en fonction de l'offre et de la demande.

Si vous regardez à gauche du graphique, vous voyez que, pour un certain point, la demande est très, très faible et vous voyez que le coût de la commodité qu'est le kilowattheure tombe littéralement à zéro. On dit que le marché s'écroule. Les producteurs préfèrent écouler à perte au lieu d'arrêter leur unité de production. Et on voit carrément le prix du kilowattheure tomber à zéro sur le marché. On se force pour la donner. Par contre, dans la même semaine, autour du vendredi, vendredi après-midi, vous voyez qu'il y a un pic au niveau des prix ? en fait, c'est complètement à droite du graphique. À ce moment-là, la demande est plus élevée que les prévisions, on manque d'unités de production dans le marché et on fait appel, on crie à l'aide, on veut avoir du kilowattheure, et pour ça il faut augmenter les coûts pour que des producteurs se réveillent et s'accrochent au réseau.

En fait, dans une même semaine, on est passé de zéro à 0,085 $ du kilowattheure, ce qui veut dire que, dans un marché qui est complètement déréglementé, il faut considérer trois éléments: premièrement, la moyenne, la moyenne du marché, la moyenne en pointe et la moyenne hors pointe, dans le cas d'un marché américain. Il faut aussi considérer le prix plancher, qui est généralement le prix qui est payé au minimum, lorsque la charge est minimale. Et, généralement, en Amérique du Nord, qu'on soit en Ontario ou aux États-Unis, le prix plancher, c'est zéro. Et il y a aussi un prix plafond lorsque la demande est maximale. Typiquement, des prix plafonds... Chez le marché de la Nouvelle-Angleterre, il y a un prix plafond qui est fixé à 1 $ du kilowattheure, Donc, lorsqu'on regarde ces prix plafonds là et qu'on regarde notre 0,0279 $ du kilowattheure pour l'énergie du patrimoine, on rêve très rapidement et on se dit: On devrait être sur ces marchés.

Mais la réalité en est toute autre. Lorsqu'on veut aller sur ces marchés, il faut décider si on veut y aller d'une façon continue ou sur une façon ponctuelle. Si on prend l'approche continue, en fait, par rapport à la moyenne du marché, notre prix de détail du kilowattheure au Québec au tarif L, donc à la grande entreprise, par rapport au prix moyen du meilleur marché limitrophe qu'on peut avoir, celui de New York, si je prends les statistiques de 2004, l'écart entre notre prix de détail québécois et notre prix de vente ou le prix possible de vente moyen dans l'État de New York est de 0,023 $, par contre, l'énergie... Ça, c'est par rapport à un bloc patrimonial, mais l'énergie du bloc patrimonial ou ce qu'on a au Québec, on le voit avec la pénurie, ou du moins tout près de pénurie présentement, on ne l'a pas, ce bloc d'énergie là. La seule façon de le dégager, c'est de prendre le bloc de charge québécois, de l'effacer et de réorienter ce bloc de charge là vers le réseau limitrophe qui nous l'achèterait à un prix supplémentaire de 0,023 $. Donc, là, il y a des conséquences. Il y a une perte au niveau du Québec.

À titre d'exemple, j'ai pris... Et c'est une coïncidence, je ne savais pas du tout qu'Alcan serait ici, aujourd'hui. À titre de coïncidence, j'ai pris tout simplement le secteur de l'aluminium de première fusion et, à partir de leurs statistiques, on a déterminé que l'apport économique au Québec de 1 kWh, dans ce secteur d'activité, est de 0,031 $. Donc, si on prend, par exemple, cette activité, qui présentement est sujette à beaucoup de réflexion, et qu'on dit: On va ôter un bloc d'énergie à cette industrie pour le réacheminer sur le marché, un bon marché limitrophe ? exemple, l'État de New York ? bien, on risque de perdre 0,031 $ par kilowattheure retiré au marché québécois pour gagner 0,023 $ sur un marché limitrophe. Dans une logique d'actionnaire, donc si j'étais l'actionnaire d'Hydro-Québec Production, ça fait du sens, mais, dans une logique où l'actionnaire est à la fois responsable du développement économique, ça ne fait pas vraiment de sens. Donc, notre position est que nous ne recommandons pas du tout ce type d'activité là.

Je vais aller plus loin. Et puis les marchés limitrophes font rêver au niveau des opportunités avec de nouvelles centrales. Évidemment, vous savez qu'on ne construit pas nos... qu'on construit les centrales dans un ordre croissant où le coût augmente de plus en plus, le coût ou l'équivalent du coût de production augmente de plus en plus. Bien, en fait, actuellement on en est à bâtir des centrales qui sont de l'ordre de 0,06 $ du kilowattheure, et je crois que ça a été confirmé par beaucoup d'intervenants, ici. À ça, si on ajoute les coûts de transport, et ainsi de suite, on arrive sur le marché limitrophe au coût de 0,076 $. Et, si vous regardez la moyenne des marchés limitrophes, vous voyez qu'on est nettement en deçà. Donc, sur une base continue, bâtir de grands ouvrages hydroélectriques pour vendre sur les marchés limitrophes n'est pas nécessairement à notre avis un plan d'affaires positif, et on ne recommande pas d'aller vers cette direction-là.

n(11 heures)n

Par contre, les activités de courtage, elles, sont extrêmement intéressantes. Si on revient à la courbe de... Vous avez une courbe classée où vous avez ? encore une fois, c'est la Nouvelle-Angleterre ? la courbe du haut qui est en bleu, la charge, et la courbe du bas, les prix. Vous voyez à droite ? en fait, c'est une courbe classée par occurrence de probabilités ? vous voyez qu'à droite les coûts s'emballent pour environ 10 % du temps et s'écroulent environ 10 % du temps. Les activités de courtage, ça consiste à acheter 10 % du temps et vendre 10 % du temps, et faire la différence en profits. Pour réaliser cela, qu'est-ce qu'il faut? De bonnes interconnexions avec les réseaux voisins, de bons réservoirs pour stocker cette énergie et une capacité de surproduction. Étonnamment, Hydro-Québec ? et, au Québec, on a toutes ces activités ? a tous ces atouts, et je peux vous dire qu'Hydro-Québec joue très bien cette carte, très, très bien cette carte. En fait, chez BBA, on recommande à la commission de pousser plus loin les activités de courtage, qui sont pour nous les plus prometteuses dans le futur.

Maintenant, si j'en viens à la dernière partie de ma présentation, on y va avec la fameuse réserve. Si vous prenez l'acétate, vous avez la courbe du bas, qui est finalement la charge qui progresse en fonction des années dans un réseau donné, et la courbe du haut, en dents de scie, c'est les unités de production qui sont mises en service une après l'autre pour satisfaire cette charge. L'écart entre les deux, c'est évidemment la réserve.

Au Québec, plus de 96 % de la production est hydraulique. Donc, on est tributaire de la météo, tributaire de dame Nature, et on sait que dame Nature, elle est imprévisible. En plus, on est dans un pays nordique et notre charge est tributaire de la température, en hiver. Les audiences auprès de la régie dans le cadre du Suroît ont clairement démontré qu'au Québec on aurait besoin d'au moins 24 TWh, ou il faut contrer au moins 24 TWh d'écart: 20 au niveau du régime des pluies et un autre quatre au niveau de la charge. Donc, il faut constituer une réserve.

Maintenant, une réserve de 24 TWh, je ne sais pas si vous avez idée de ce que c'est, mais c'est énorme. Et, quand il vient le temps de se départir de cette réserve parce qu'on n'en a pas besoin une année qu'il pleut beaucoup, écouler 24 TWh en pointe dans nos réseaux limitrophes, ça nécessiterait des interconnexions de l'ordre de 15 000 et 16 000 MW de capacité, deux fois la capacité qu'on a. Donc, constituer une réserve globale pour le 24 TWh pour nous constitue une erreur. On propose plutôt une approche modulaire ou, à titre d'exemple, une réserve réelle, physique, un volume d'eau de l'ordre de 15 TWh ? il pourrait être de 13, 14 ou 15, une étude économique devra le déterminer ? et une deuxième approche où on importe lorsque les marchés sont écroulés. Donc, ce qu'on propose, c'est une approche modulaire où on aurait trois niveaux: un premier niveau, une réserve ferme; un deuxième niveau, une approche au niveau des importations; et un troisième, qui est l'effacement de charges. Merci beaucoup.

Le Président (M. Jutras): Merci. Alors, nous procédons à l'échange avec les députés ministériels. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Mme Lavoie, M. Tessier, M. Goyette, M. Bergeron, merci de... Bienvenue, premièrement, à l'Assemblée nationale, bienvenue chez vous, et merci de votre présentation. Vous amenez des détails très, très particuliers, je pense que vous allez avoir beaucoup de questions, là, sur votre mémoire. Je vais débuter, si vous me permettez.

Vous mentionnez que l'absence d'informations commerciales dans chacune des divisions d'Hydro-Québec contribue à un climat de méfiance. Avez-vous des mesures concrètes à proposer pour améliorer ce climat de méfiance?

M. Goyette (André): O.K. Ça, évidemment, c'est dans le rapport que vous avez directement... dans le mémoire que vous avez lu, ça. Quand je reçois mon compte d'Hydro-Québec, je n'ai aucune idée d'où... comment est constitué mon prix. Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, on a institué... on a fait beaucoup d'efforts pour diviser, sur le plan corporatif, l'entreprise en trois entités qu'on dit distinctes, qui fonctionnent d'une façon autonome, et tout ça, et, dès qu'il se passe quelque chose on arrive souvent au président. Donc, moi, en tant qu'auditeur du Téléjournal ou qui s'informe... Dans le métier, je le sais très bien, je vois fonctionner ces trois unités-là, je suis dans le domaine, mais, à titre de citoyen, lorsque je regarde la vision ou la projection corporative de l'entreprise, ce n'est pas clair comment on peut distinguer ces trois-là pour le citoyen normal.

Et de là on s'est posé la question: Quoi faire? Et la première entrée qu'Hydro-Québec offre chez ses clients, c'est sa facturation. Donc, on s'est dit: C'est pour l'offre... C'est pour ça qu'on dit: On doit établir au départ les critères de facturation. Quand TransÉnergie va passer... ou Hydro-Québec TransÉnergie va passer devant la régie pour revoir ses tarifs, les gens vont tout de suite comprendre que, si TransÉnergie a une augmentation de ses tarifs approuvée par la régie, ça va se répartir sur une ligne bien précise sur leur facturation. C'est dans ce sens-là que je dis que les gens n'arrivent pas à faire le lien entre les activités qu'on voit finalement dans les médias versus la réalité qui est leur quotidien. Et c'était dans ce sens-là. Ça, c'est un exemple où il faut...

Une voix: ...

M. Goyette (André): Production, c'est la même chose. On voit des appels d'offres par Hydro-Québec Distribution. Les gens sont au courant de ça, comprennent peu les mécanismes. Quand on est un expert, on comprend. Puis à côté on voit Hydro Production qui achète également sur les marchés. Les gens n'arrivent plus à faire la différence entre. Donc, il faut établir des politiques précises pour que les gens puissent suivre ces politiques ou du moins faire la corrélation entre ce qu'ils entendent au niveau des médias et les politiques émises. Je ne sais pas si ma réponse est assez claire.

M. Paquin: Merci. Depuis quelques semaines qu'on est en commission parlementaire pour rencontrer des groupes comme vous, des experts qui viennent nous proposer différentes solutions ou différentes avenues pour améliorer l'énergie au Québec. On en a eu beaucoup de groupes en décembre... Bien, c'est-à-dire qu'on en a eu quelques-uns en décembre. Parmi ceux-là, il y en a qui sont d'avis que la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec, là, au niveau, là, de l'énergie, la sécurité énergétique doit s'établir entre 15 et 20 TWh. D'autres experts suggèrent plutôt d'adopter une marge de manoeuvre qui pourrait s'établir en proposition de la demande. Quel est votre avis à ce sujet?

M. Goyette (André): Moi, je pense que notre avis est assez bien campé au niveau du mémoire. On considère qu'une réserve autour de 15 TWh constitue une réserve intéressante qui est compatible également avec les activités de courtage d'Hydro-Québec Production. C'est-à-dire qu'écouler 15 TWh en activité de courtage, advenant une année où il y a beaucoup de précipitations, ne pose pas vraiment de problème, Hydro l'a déjà fait déjà. Au-delà de cette valeur, ça commence à poser des problèmes au niveau des échanges, advenant un surplus. Et évidemment ça commence à poser un problème... ça commence à être beaucoup de térawattheures accumulés.

Et c'est pour ça qu'on a suggéré une approche où on disait: Allez-y... ou essayons autour de 15 TWh fermes et un autre 9 TWh à partir des marchés limitrophes. Hydro-Québec a importé, en 2003, 11 TWh, à un bas coût, des marchés limitrophes et l'a réexporté avec bénéfices. Bien, une année où il faut vraiment aller vers des importations pour satisfaire la fourniture québécoise, bien on peut trouver facilement 9 ou 10 TWh sur les marchés limitrophes.

Évidemment, cette réserve devra augmenter au fur et à mesure qu'on mettra en service de nouvelles unités de production. Donc, si, dans un avenir à moyen terme, le réseau québécois passe de 189 TWh, qui est présentement son niveau incluant Churchill, à 200 TWh, il faudra probablement augmenter cette réserve, mais on aura d'ici là probablement augmenté nos capacités d'interconnexion avec les voisins. Donc, c'est pour ça qu'on a suggéré une réserve... En théorie, on devrait avoir besoin d'une réserve de l'ordre de 20, 24, mais on suggère une réserve un peu plus petite et d'aller sur les marchés de courtage pour combler la différence.

Maintenant, la valeur de 15 à notre avis devra faire l'objet d'une étude en soi par des économistes qui regardent la nature du marché. Il est probable... Exemple, si le marché du kilowattheure chute chez nos voisins, à ce moment-là, on pourrait avoir une réserve qui se contracte à 14 ou 12 TWh, parce qu'on peut acheter pas cher, comme on dit. Et, si le gaz fait en sorte que nos marchés limitrophes deviennent extrêmement dispendieux à l'achat, bien, à ce moment-là, on pourra monter la réserve. Donc, l'idée de moduler cette réserve en fonction d'un modèle économique et de revoir cela à chaque année, pour nous, nous plaît.

En fait, si vous lisez notre mémoire attentivement, vous allez voir qu'on recommande même de transférer cette réserve sous la responsabilité de la Régie de l'énergie. En gros, il faut trouver un porteur de chapeau qui doit avoir cette réserve, mais on pense que la régie a un mot à dire sur l'établissement de cette réserve parce qu'en fait elle est essentielle à la fourniture du Québec. On ne peut pas demander à Hydro-Québec Distribution de garantir l'approvisionnement en électricité du Québec et ne pas leur offrir un outil qui est finalement quelque chose, une réserve, en quelque part. Parce qu'Hydro Distribution, Hydro-Québec Distribution n'a aucune unité de production. Au mieux, elle peut aller sur le marché, c'est tout ce qu'elle peut faire.

M. Paquin: Vous savez que présentement on parle beaucoup... Il y a eu beaucoup de discussions là-dessus ici et puis il y a des annonces qui ont été faites au niveau des éoliennes au Québec, des développements pour l'énergie éolienne. Vous n'en parlez pas ? à moins que j'aie échappé quelque chose ? dans votre mémoire. Que pensez-vous de cela?

n(11 h 10)n

M. Goyette (André): C'est l'avenir. Ce que je veux dire, c'est qu'on a à peu près un des plus beaux réseaux au monde pour intégrer les éoliennes. Le principe des éoliennes ? et les Européens ont eu cette difficulté-là ? c'est finalement l'équilibrage, c'est d'être capable d'absorber les surplus de vent mais d'être capable de fournir une puissance ferme lorsqu'on n'a pas de vent. Et je pense qu'un réseau québécois axé, avec de bons réservoirs est capable de supporter un taux d'intégration assez élevé d'éoliennes. Donc, si le prix est bon, on considère, chez BBA ? et d'ailleurs on travaille dans les milieux des parcs éoliens ? on considère que c'est une avenue très intéressante. Et ça, ça m'amène à un point, vous m'ouvrez une porte. Il est clair que... Pardon?

M. Paquin: J'en suis heureux de vous ouvrir une porte.

M. Goyette (André): Il est clair ? et je fais une extrapolation ? il n'y a pas seulement que les éoliennes qui s'en viennent qui vont avoir besoin d'équilibrage, il y a également la production distribuée qui s'en vient au niveau des différents foyers qui vont éventuellement vouloir s'installer avec leur propre unité d'autoproduction. Dans les prochaines années, il va y avoir une pression relativement assez élevée au niveau des réservoirs parce qu'on va vouloir à la fois faire du courtage, donc importer à bas coût, entreposer et exporter au bon coût, entreposer de l'éolien qu'il faudra retourner, entreposer de la production distribuée qu'il faudra retourner au réseau.

Donc, ce qu'on peut entrevoir sur le réseau des prochaines années, c'est que les capacités de réservoirs qui avaient été conçus au Québec uniquement pour supporter le régime des pluies, qui est moins l'hiver et plus l'automne, et emmagasiner l'eau de l'hiver, et ainsi de suite, ces réservoirs-là vont devenir des éléments dynamiques de gestion qui vont être essentiels au Québec. Donc, la clé qui est à mettre en place, et ça, pour la commission, c'est très important, c'est comment...

Présentement, les réservoirs sont gérés d'une façon passive sur un mode annuel, à l'exception d'un ou deux réservoirs au Québec qui sont pluriannuels. Mais la gestion des réservoirs va devenir extrêmement serrée parce qu'on va avoir beaucoup d'activités qui vont avoir besoin de ces réservoirs et qui vont être en compétition une par rapport à l'autre. Le courtage, l'éolien, la réserve, la production distribuée, toutes ces unités-là ou toutes ces activités commerciales là vont être en compétition pour les mêmes réservoirs et les mêmes unités de production ou de surproduction que dispose Hydro Production. Donc ça, c'est fondamental pour moi. Et vous m'amenez sur une voie, en fait...

M. Paquin: Vous êtes là pour ça, mon cher.

M. Goyette (André): Vous m'amenez sur une voie en fait qu'il faut se poser la question, c'est: À quel endroit... Parce qu'au Québec qu'on le veuille ou pas, on fait du blending ? permettez-moi le terme «blending» ? on blend, ça veut dire mixer des unités à valeurs différentes pour produire un coût unitaire unique. La réforme actuelle ou la loi actuelle permet... ou l'élément de blending se fait au niveau d'Hydro-Québec Distribution, à travers les appels d'offres. Nous, on est d'avis que, lorsqu'on va avoir à gérer du courtage, de l'équilibrage pour la production distribuée, de l'équilibrage pour l'éolien, de la réserve, toutes ces activités-là, le meilleur endroit pour blender va probablement redevenir Hydro Production, puisque c'est le seul qui a accès à tous ces outils-là. Ça, c'est fondamental pour l'avenir du secteur. Vous m'avez ouvert la porte.

M. Paquin: C'est bien. Merci, M. le Président. Je cède à mes collègues...

Le Président (M. Jutras): Oui, alors M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Vous allez m'expliquer quelque chose que j'ai un peu de difficultés à comprendre. Dans votre tableau de la page 7, vous faites une équation qui à mon sens a l'air simple un peu, là, mais c'est là que vous allez peut-être être en mesure de m'éclairer par rapport au marché québécois, aux marchés limitrophes, c'est ce qu'on a d'ailleurs au tableau qui est là. Vous partez du principe où Hydro-Québec Production livre le bloc patrimonial à Hydro-Québec Distribution; on parle de 165 TWh ou à peu près. Mais là, dans votre équation, pour arriver à 0,031 $ de moins, c'est comme si Hydro-Québec Distribution ramenait à Hydro-Québec Production de l'énergie, alors que vous savez que ce n'est pas possible.

M. Goyette (André): Je le sais que ce n'est pas possible, mais j'ai...

M. Blackburn: Mais pourquoi vous le marquez là?

M. Goyette (André): Parce que j'ai quand même lu de la littérature qui le recommande.

M. Blackburn: Oui.

M. Goyette (André): Donc, là, on est devant une commission où tout est possible.

M. Blackburn: Ah!

M. Goyette (André): Donc, je me sentais obligé ou nous nous sentions obligés de répondre à cette question: Est-ce que c'est un bon deal, est-ce que c'est correct de faire ça? Et, nonobstant le patrimonial, nonobstant la fibre québécoise, je réponds: Non, il est plus payant... Sur le meilleur marché de 2004, nous n'en aurions pas obtenu plus que 0,023 $ en moyenne pour de l'énergie ? en moyenne, je ne parle pas en pointe. En 2004, Hydro-Québec a fait 0,25 $ du kilowattheure en pointe, mais ils n'ont écoulé qu'un térawattheure, ils n'en ont pas écoulé 30 ou 40 ou 50. Donc, par cette démonstration-là, on a voulu prendre le secteur d'activité le plus, je dirais, énergivore et, malgré qu'il soit le plus énergivore, on arrive quand même à un bilan positif sur le plan économique pour le Québec de vendre ce bloc d'énergie là ou de maintenir la vente au secteur d'activité québécois.

M. Blackburn: Vous savez, il n'a jamais été question... Parce que, là, vous me faites une allusion qui, je pense, depuis plusieurs semaines, tente d'être amenée par les gens de l'autre côté. Puis ça n'a jamais été le cas, il n'a jamais été question pour nous, de ce côté-ci, de faire en sorte que nous privions le développement économique du Québec au détriment de l'exportation.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, s'il en reste de disponible, bon, bien, servons-nous de l'exportation; il est là, faisons-en. Et, là, d'autant plus l'importance qu'à partir du moment où il y a peut-être un potentiel énorme et à partir du moment où tous les éléments sur la table sont comblés, pourquoi ne pas tenter de développer davantage cet aspect-là pour... Que ce soit 2,1, que ce soit 3,2 ou que ce soit 5,4, peu importe, si on fait rentrer de la richesse supplémentaire sur le territoire du Québec, tout le monde va en profiter.

M. Goyette (André): Très heureux d'entendre votre point de vue. Encore une fois, ça n'a pas été... nous n'avons pas introduit cette notion-là uniquement pour la notion, c'est que nous avons lu quelques documents écrits par différents groupes de recherche économique et nous avons été un peu surpris par certaines conclusions qui étaient prises. Donc, on s'est dit: Non, celle-là, nous, on... On vous donne notre position par rapport à ça. Moi, que la commission en vienne à la conclusion qu'il n'est absolument pas question de priver d'énergie le marché québécois, je ne peux que me réjouir, c'est exactement la position qu'on a.

Maintenant, tant qu'à développer plus loin les réseaux limitrophes, nous sommes parfaitement d'accord et on vous dit: La meilleure voie, c'est le courtage. Vous avez 10 % du temps où les marchés sont fous. Il faut viser ce 10 % là. Je dis souvent, chez nous, au bureau: Ce n'est pas vendre du kilowattheure qui est important, c'est vendre le bon kilowattheure au bon moment, c'est ça qui est payant. Et Hydro-Québec Production a très bien compris cela.

Le Président (M. Paquin): M. le député de... Ah, Mme la députée de Lavaltrie, vous aviez une question?

Mme Hamel: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Ça me fait plaisir, madame.

Mme Hamel: Bien, je trouve très intéressant votre mémoire ? merci, merci d'être là ? très intéressant parce que vous nous apportez une autre dimension. Ce qui m'intéresse particulièrement, vous l'avez mentionné, mais je pense que, vers la fin de votre présentation, là, il ne vous restait plus grand temps, donc vous avez escamoté un petit peu donc...

M. Goyette (André): J'avais des... je ne savais pas si c'étaient deux verres de lait ou...

Mme Hamel: Oui, je m'en doutais, là. Vous sembliez aller rapidement pour terminer. Ça fait que je voudrais vous donner l'opportunité, là, quand vous avez développé, là, l'histoire du courtage, là, votre dernier acétate finalement, là, les marchés limitrophes. Je pense que vous avez fait ça rapidement, là, puis vous aviez d'autres choses à nous dire, là.

M. Goyette (André): ...l'avant-dernière de tout?

Mme Hamel: Oui.

M. Goyette (André): La dernière de tout, vous voulez dire.

Mme Hamel: Bien, vous parliez finalement de la marge, là, la réserve, là, qu'on devait se créer puis...

M. Goyette (André): O.K. On va dire l'avant-dernière.

Mme Hamel: O.K. Je m'excuse.

M. Goyette (André): Donc, en gros, prenons, par exemple, on prend 15 TWh, notre analyse statistique démontre qu'avec 15 TWh de réserve physique accumulée dans un endroit précis, identifiable et dont les frais sont à même... portés jusqu'à la facturation, on est d'avis qu'au moins trois années sur quatre on est capables de supporter tous les aléas climatiques, autant au niveau des précipitations que de la température. Et, sur ces trois années sur quatre, il y aurait deux années où cette réserve pourra être exportée, tout simplement parce qu'on a trop d'eau.

Une année sur quatre ? je prends toujours mon chiffre de térawattheures ? on excéderait, c'est-à-dire que la ressource disponible ferait en sorte qu'on est en manque d'un peu plus que 15 TWh. Donc, une année sur quatre, il faudrait aller importer sur les marchés lorsque le prix s'effondre, comme on a expliqué tantôt. Et on a même poussé un peu plus l'analyse statistique et on s'est rendu compte qu'une année sur huit il faudrait dépasser le 24 TWh.

n(11 h 20)n

Deux avenues s'offrent alors. On pourrait importer plus ou on pourrait tout simplement aussi, parce que c'est prévisible à long terme, ces choses-là, en fait au moins sur un horizon... un an demander l'effacement de certains grands clients industriels. En fait, c'est ce qui était déjà envisagé par Hydro-Québec Distribution lorsqu'ils entrevoyaient des difficultés, récemment. On peut aller voir de grands consommateurs d'énergie et leur dire: En fait, vous n'avez pas à payer la réserve. Eux veulent du kilowattheure à moindre coût, ça les intéresse. Mais, lorsqu'on n'a plus de fourniture possible et qu'on est en déficit, on leur demande de s'effacer, à ce moment-là, et eux transfèrent alors la production vers une autre unité. Ça existe déjà dans d'autres marchés. Évidemment, on ne veut pas faire de genre d'activité là, mais c'est une porte de secours, et c'est une porte de secours qui est déjà envisagée par Hydro-Québec. Maintenant, est-ce que c'est 15 TWh, ou 14, ou 12? Ça, ça devra faire l'objet d'une étude en soi par des économistes à partir de critères bien précis qui pourraient être donnés par la commission.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Bien, vous parlez justement d'effacement de charge, là. On sait qu'Hydro-Québec, ils en ont déjà fait, là. Mais pensez-vous qu'il y a d'autres choses à faire en plus? Vous venez d'en parler, là. Est-ce qu'il y a d'autres... Ce n'est pas exploité...

M. Goyette (André): Hein, comme je vous dis, dans un premier temps, ça prend une réserve. Dans un deuxième temps, les marchés limitrophes sont là. Je le sais, on a une fibre sensible, les Québécois, on a absolument une horreur de penser qu'il faut importer pour nous satisfaire. Mais, en plan d'affaires, sur un plan d'affaires, oui, ça peut être rentable. Puis ce n'est pas cher, chez nos voisins, à l'occasion, quand on sait quand l'importer. C'est moins cher que faire de la réserve, en tout cas; ça, c'est sûr.

Et l'autre approche, l'effacement de charge... En fait, on n'a pas vraiment travaillé sur d'autres scénarios que ces trois-là. Donc, on ne voit pas de quatrième chose. Est-ce que vous voyez...

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Ils parlent de... Aussi, ici, j'ai de la documentation, dont la puissance interruptive ? vous en avez parlé, je pense ? bi-énergie résidentielle puis diverses options de tarification en temps réel.

M. Goyette (André): Bien, écoutez, quand vous allez... Bon. O.K., là, on approche une approche un peu plus globale. Je n'en ai pas parlé dans la tarification. Au Québec, il y a deux éléments qui nous distinguent de nos voisins: nous n'avons pas de tarification en temps réel, à part l'industrie, et nous n'avons pas de tarif en pointe-hors pointe, nous sommes toujours sur le même tarif dans le domestique. Si vous allez en Ontario ou n'importe où aux États-Unis, vous allez avoir toujours un tarif en pointe-hors pointe et des éléments de contrôle. Oui, on pourrait introduire ces données-là. Nous n'avons pas regardé l'impact de telles données au Québec parce qu'on est loin de ces structures tarifaires là, on a commencé plutôt par introduire une première base. Mais ça pourrait faire l'objet d'une étude, effectivement.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Compte tenu de tout ça...

Le Président (M. Paquin): Rapidement, M. le député de Montmagny-L'Islet, s'il vous plaît.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Merci, M. le Président. Là, vous ne m'avez pas répondu. Y a-tu d'autres façons d'exploiter cet effacement de charge? Vous en nommez trois. En avez-vous regardé d'autres?

M. Goyette (André): Non.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): O.K. Merci.

Le Président (M. Paquin): On va poursuivre du côté de... avec les députés de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs, bienvenue et merci pour ces réflexions extrêmement pertinentes et combien intéressantes. Je dois vous dire qu'à date, là, c'est vous autres les premiers. À mon avis, là, c'est le meilleur mémoire qu'on a eu, le plus articulé, le plus documenté et le plus éducatif. Et je pense que, pour nous, parlementaires, cet exercice-là est très utile.

J'aimerais qu'on reprenne un certain nombre de vos conclusions et de vos recommandations parce qu'elles ont... elles vont avoir un impact sur la suite des choses. Vous dites ? la première recommandation: «Que l'on fasse une distinction nette entre les moyens de production à prévoir pour satisfaire la croissance prévue de la demande en conditions climatiques moyennes et ceux qui constitueraient une réserve permettant de faire face aux déficits par rapport à [des] conditions moyennes.» Hein? Alors, vous avez bien expliqué comment on devrait faire ça.

La question ici qui me vient à l'esprit: Cette planification de ces moyens de production, elle relève d'Hydro-Québec Production, n'est-ce pas? Je vous vois sourire, mais c'est parce que c'est la réalité. Donc, sans le dire... Et il y en a d'autres qui concernent aussi... Puis vous l'avez presque dit ouvertement tout à l'heure, il est important, si on interprète bien vos recommandations, qu'Hydro-Québec Production soit assujettie à une forme de réglementation ou de reddition de comptes publique. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Goyette (André): Vous m'avez bien compris. Mais vous allez me permettre de prendre quelques minutes pour vous répondre parce que votre point de vue est assez lourd de conséquences. J'aimerais... Oui, nous sommes d'avis que... Bon, si vous regardez l'historique de mise en place des réseaux, il est clair que l'industrie électrique doit fonctionner sous un principe de monopole régional ou territorial, c'est la seule façon d'être économique dans ce secteur-là. Les gens ont compris ça dès les années vingt, même un peu avant, et c'est là qu'on a vu la création de mégaentreprises, Montreal Lighting and Power, d'autres grandes entreprises en Ontario, ainsi de suite. Et l'État a réagi et a nationalisé ou mis en place des régies pour contrôler ces grandes entités étatiques ou monopoles privés.

Le principe qui veut que, si une seule entreprise peut contrôler tout un secteur, ça devient un monopole, qu'il soit étatique ou qu'il ne soit pas étatique, le principe reste quand même en affaires. Et, à ce moment-là, face à ça, hein, quand on me pose la question: Est-ce qu'Hydro-Québec en général est un monopole au Québec?, moi, je ne suis pas capable d'acheter mon électricité ailleurs et la grande entreprise non plus, donc ça reste un monopole, qu'on l'ait fractionnée ou pas. Donc, à ce titre-là, sur le plan économique, je vous dis, oui, il devrait être encore...

Quand je vous ai parlé tantôt qu'on était probablement... le défi de demain va être la gestion des stocks, la gestion des ressources et qu'on arrive avec des activités de courtage qu'Hydro Distribution ne peut à peu près pas faire, qu'on arrive avec des activités d'équilibrage pour amener des sources de production qui sont essentielles au futur du Québec ? l'éolien, la production distribuée ? mais qui vont fonctionner uniquement si on a de la capacité de réserve ou de stockage, on en arrive à une position où c'est extrêmement difficile d'envisager qu'Hydro-Québec Production n'ait pas des comptes à rendre. Donc, face à cela, j'abonde dans votre sens.

Par contre, j'y mets une réserve. Ce n'est pas pour rien que ça a été fait, Hydro-Québec Production, la déréglementation ou l'exclusion d'Hydro-Québec Production par rapport à la régie. Je vous ai dit que les activités de courtage étaient extrêmement importantes, lucratives, et il faut les poursuivre. Donc, quelle que soit la position que prendra la commission par rapport à Hydro-Québec Production, il faut que la commission s'assure qu'elle pourra toujours poursuivre ces activités de courtage là.

En 1996, ce n'était pas sûr que, si Hydro-Québec Production était régi par la régie ou soumis à la régie qu'il pourrait aller sur les marchés. Aujourd'hui, j'invite la commission à aller chercher un avis légal là-dessus. Donc, en gros, j'abonde dans le sens, oui, d'avoir Hydro-Québec Production à rendre des comptes, mais je donne également une réserve en disant: Faites attention, il faut préserver les activités de courtage qui, elles, sont régies par une autre législation qui est américaine ou ontarienne. Et il faut faire attention de préserver cela.

Par contre, je rouvre quand même une porte ? et j'étire encore mon temps. En 1996, lorsque la déréglementation des marchés en Amérique du Nord était planifiée, versus le modèle que nous avons ici en 2004, ce n'est pas le même monde qui est arrivé, il y a un écart. Vous avez encore aujourd'hui un bon nombre d'États aux États-Unis qui ne sont pas déréglementés, qui ne se déréglementeront pas. Et permettez-moi de vous dire qu'ils ne souffrent pas d'isolationnisme. Ils sont encore aux États-Unis, ils font du marché. Donc, ce que je veux dire par là, c'est: Je n'ai pas la compétence de vous donner un avis légal au niveau de l'entrave que pourrait avoir, au niveau du courtage, la mise... je ne voudrais pas dire la tutelle, mais la notion de rendre des comptes à la régie, mais il y a un impact, je suis sûr. Mais jusqu'où? En fait, j'invite la commission à développer ce point-là, je n'ai pas les compétences pour le faire.

Mme Dionne-Marsolais: C'est très intéressant et très modéré, votre réponse. Et, moi, je l'apprécie, je crois, à sa pleine valeur puis je pense que le ministre aussi a bien saisi les nuances que vous apportez. Il y a une autre chose aussi qui est étonnante dans votre analyse et dans le graphique de l'équilibre tarifaire ? ça vous fait encore sourire, mais j'imagine que ce n'est pas... c'est tellement frappant ? parce que vous avez eu... On a entendu ici des experts nous dire que d'un côté il y avait de l'interfinancement excessif et que les consommateurs résidentiels ne payaient pas leur part. Et là ce que vous nous présentez à la page 4 de votre sommaire, c'est que tout le monde a l'air bien en équilibre, sauf le tarif petite puissance et le tarif M, je crois. Est-ce qu'on le lit bien, là? Celui qui est en...

n(11 h 30)n

M. Goyette (André): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, hein? Bon. Donc, autrement dit, la structure tarifaire de l'Hydro actuellement, elle reflète ces coûts tel que vous les avez analysés, sauf pour un cas ou deux. Et c'est intéressant, parce que c'est normal que ce soit ça, le portrait, puisque, quand l'entreprise a été partagée en trois groupes, il y a eu toute une comptabilité qui a été faite et des recoupements. Donc, moi, ça ne m'a pas étonnée, mais je suis certaine que c'est un étonnement pour bien des gens parce qu'on vient de comprendre que le tarif grande puissance est tout à fait... reflète le coût de fournitures, finalement. Voulez-vous compléter notre éducation permanente?

M. Goyette (André): Vous me voyez sourire parce que, bon, ça fait quand même quelques années que je travaille dans le secteur et j'ai moi-même supporté l'idée que le tarif domestique...

Mme Dionne-Marsolais: Vous l'avez dit tantôt d'ailleurs que ça vous a étonné.

M. Goyette (André): ...était interfinancé positivement. J'ai vu ou lu la majorité des documents qui sont soumis à la régie lorsqu'Hydro-Québec Distribution fait ses demandes de révision de tarifs et fait ses planifications de charges, et c'est clair, c'est écrit. C'est une étude de Merrill Lynch, si je me souviens bien, qui amène cela. On est retourné à ces documents. Malheureusement, on n'a jamais retrouvé la méthodologie suivie pour amener cette donnée-là. Je vous dis que ce qu'on a fait, c'est qu'on est parti du rapport financier d'Hydro-Québec, on a mis, d'un côté, finalement, les prix unitaires moyens incluant rendement et, de l'autre côté, on a mis la grille tarifaire, puis c'est arrivé comme ça. Donc, moi, je considère que c'est une hypothèse de travail qui à notre sens tient la route. Ce n'est pas surprenant, ça devait être comme ça.

J'invite la régie, si elle veut pousser plus loin la recherche, à approfondir ce point et à faire appel à d'autres spécialistes dans le but de confirmer ce point. Ce qui est intéressant, ce point, et je l'ai dit tantôt, c'est... On a souvent dit qu'on ne pouvait pas faire de réforme tarifaire parce qu'on voulait garder l'interfinancement. Et là ce que je dis, c'est: Bien, peut-être qu'on a une fenêtre idéale pour tout mettre sur la table et recommencer avec des impacts minimaux au niveau d'au moins 70 % du volume vendu au Québec. Puis c'est ce qu'on a voulu dire. Donc, s'il y a une fenêtre, c'est le temps de la prendre. Et nous trouvions important d'informer la commission qu'il y a peut-être cette possibilité.

Mme Dionne-Marsolais: Vous dites aussi dans votre... celui-là, pas la synthèse que vous nous avez présentée, mais à la page 49 de votre rapport, qu'il y aurait peut-être avantage à améliorer la présentation du rapport annuel d'Hydro-Québec, qui, on en conviendra tous, a place pour l'amélioration si on veut vraiment comprendre les coûts réels. À cette page 49, vous dites: «On note d'abord que le tarif connu comme étant celui des contrats à partage de risques ne comprend pas la ristourne, payée directement au fournisseur et entrant dans la rubrique "Autres revenus" des états financiers consolidés d'Hydro-Québec, sans que le montant en soit connu du public.» Parce que ça, c'est dans la section où vous faites toute une démonstration, là, sur les contrats à partage de risques.

Est-ce qu'à votre avis il y aurait, pour faciliter la compréhension de tout le monde à la lecture du rapport annuel de l'entreprise, parce qu'on sait que c'est le seul outil que les citoyens ont à leur disposition pour suivre les activités et la performance réelle d'Hydro-Québec... Est-ce qu'à votre avis le rapport annuel mériterait une présentation différente, plus complète, plus claire, notamment face à certaines composantes de ses profits?

Vous avez parlé tantôt d'Hydro-Québec Production, et je pense qu'il n'y a pas personne ici qui ne souhaite pas qu'on continue le courtage de l'électricité parce que c'est effectivement une opération extrêmement lucrative, vous l'avez bien démontré. Et, dans la présentation actuelle des données dans le rapport annuel, c'est très difficile d'aller obtenir ou valider un certain nombre de chiffres de profitabilité. Vous n'êtes pas obligé de répondre si vous ne vous sentez pas apte à le faire, là, mais je vous pose la question parce que, disons, comme économiste, je suis... Moi, je travaille avec les rapports annuels, et je pense que je ne suis pas toute seule à faire ça, et des fois j'ai de la misère à travailler avec celui d'Hydro.

M. Goyette (André): Je vais essayer de répondre le plus positivement possible. Si vous aviez à travailler avec celui de Duke Power ou bien donc Tennessee Valley, vous trouveriez que le rapport annuel d'Hydro-Québec est extrêmement intéressant, rempli de données extraordinaires, que, lorsqu'on les met ensemble, c'est fantastique. Pour moi, à toutes fins pratiques, le rapport d'Hydro-Québec est correct, il présente grosso modo les données essentielles, et je n'ai vraiment rien à redire de ce rapport. Certes, il ne s'adresse pas nécessairement dans sa totalité au citoyen moyen, mais les gens de l'industrie sont capables de tirer avantage du rapport.

Il faut quand même connaître les rouages. Ainsi, quand Hydro-Québec vous dit: Bien, j'ai vendu tant de térawattheures à tel prix et j'ai acheté tant de térawattheures à tel prix, et, regardez, j'ai fait du courtage et j'ai fait un gain de tant, généralement ils omettent de soustraire les frais de service de la TransÉnergie pour faire ce travail-là. Mais un oeil averti est capable de reprendre le chiffre, de soustraire le frais de service qui apparaissent dans le rapport de TransÉnergie et d'obtenir la véritable valeur. Certes, on pourrait trouver quelques lacunes comme ça, mais je pense que, dans n'importe quel rapport financier, on peut trouver ces lacunes. Mais, moi qui ai la chance de voir ceux des autres entreprises, je considère qu'il est définitivement une marche en haut des autres rapports.

Mme Dionne-Marsolais: En particulier de Duke Power? C'est ça qu'on comprend?

M. Goyette (André): Ce que je veux dire, c'est... Je ne voudrais pas nommer une compagnie, mais j'ai révisé celui d'OPG, IMO, Duke Power, Tennessee Valley, Bonneville Power Authority, ATC, American Transmission Company, ce sont des entreprises où... Si vous prenez le rapport d'Hydro-Québec et vous prenez le rapport de ces entreprises-là, en dedans de deux ou trois pages, vous savez exactement si Hydro-Québec fait de l'argent ou pas, alors que, dans ces entreprises-là, il faut en lire au moins 100 pour découvrir qu'elles n'en font pas.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Une autre question... Puis la raison pour laquelle je vous posais cette question-là, c'est parce que, dans votre recommandation 9, vous dites: «Que les bénéfices réalisés lors d'exportations autorisées par la régie à partir de la réserve soient rétrocédés au consommateur sous forme d'une ristourne.» Parce que vous nous avez fait la démonstration, là, d'une voie possible au niveau de la gestion de la réserve. Et d'ailleurs je trouve ça très intéressant, la manière dont vous avez abordé cette question de la réserve, parce qu'on a entendu ici beaucoup de choses comme quoi il fallait augmenter beaucoup cette réserve, mais jamais une analyse un peu plus détaillée qui nous permette de juger de l'effort pour augmenter cette réserve et du besoin de cette réserve.

Alors, quand vous dites que ces bénéfices réalisés lors des exportations... vous présumez donc que les exportations seraient autorisées par la régie, donc Hydro-Québec Production serait assujettie à la régie, que les bénéfices soient prévus et inclus dans une case financière permettant une ristourne au consommateur, dépendant, là, de ce qu'on pourra établir. C'est ça que vous suggérez?

M. Goyette (André): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Ce qui est intéressant aussi dans votre réflexion et ce qui me frappe, moi, c'est vraiment quand vous dites qu'Hydro-Québec Production va devenir l'entité qui va avoir le plus gros défi dans l'avenir par rapport à l'optimisation du réseau d'Hydro-Québec, parce que, et vous l'avez bien expliqué... Moi, je parle d'autoproduction, mais, vous, vous parlez de production distribuée. C'est à peu près la même chose. La seule différence, c'est que l'autoproduction, je n'en donne pas à personne. Mais là je pense que l'objectif est une production distribuée. Et toute la gestion de nos capacités de production va poser un défi énorme au niveau d'Hydro-Québec, et c'est la production qui va devoir en assumer la responsabilité.

Dans ces conditions-là, dans l'hypothèse d'un effort au niveau de la production distribuée, est-ce que la définition du niveau de la réserve, elle, va tenir des mêmes conditions que vous nous avez présentées? Parce que, là, à un moment donné, il peut y avoir une production distribuée très importante dans le parc d'équipements, là, d'ici 15 ou 20 ans, si jamais les engagements se matérialisaient. Il y aura un impact sur la réserve de l'Hydro. Il va falloir en tenir compte quelque part, là.

n(11 h 40)n

M. Goyette (André): Oui. Je vais vous répondre que ça va avoir un impact sur la réserve. Mais il faut faire attention, c'est les périodes de variation qui constituent les éléments limites. Le régime des pluies, de la nature a des cycles annuels et même pluriannuels, alors que le vent, lui, est beaucoup plus court. Oui, on a de grandes variations dans le vent, mais ces variations-là ont une période de temps beaucoup plus courte, c'est-à-dire qu'il va venter un mois donné, il ne ventera pas l'autre mois, mais il peut venter l'autre mois qui suit.

Et, lorsqu'on va tomber en production distribuée et qu'on va aller dans le photovoltaïque ou dans la production à partir de biomasse ou de biogaz pour les fermes, ou des choses comme ça, on va avoir des cycles de production beaucoup plus courts. Et une réserve, ce n'est pas... Le volume d'une réserve est fonction de la longueur du cycle et de l'amplitude qu'on lui donne, donc c'est une combinaison des deux. Ça ne veut pas dire... En fait, à la limite, on pourrait même prévoir que l'introduction de la production distribuée et de l'éolien massive dans le réseau québécois pourrait réduire notre dépendance au niveau du régime pluvial et ainsi amener une réduction de cette réserve-là.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Vanier.

M. Légaré: Merci, M. le Président. Bonjour à vous, merci d'être là. Puis félicitations pour votre mémoire, c'est extrêmement intéressant. On a parlé évidemment de réserve, de courtage, de blocs d'énergie. En complément d'information, on a entendu, bon, des gens venir à la commission nous dire que ? puis c'était intéressant aussi ? nous dire que, bon, avant même de commencer à exporter, on devrait peut-être penser aux alumineries ou à certains blocs d'énergie qu'on devrait vendre aux alumineries, qui pourraient rapporter en termes de retombées économiques, qu'il pourrait être beaucoup plus payant pour le Québec de le faire, de vendre ces blocs d'énergie là. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce qu'on devrait, avant même de commencer à exporter, peut-être penser à ces alumineries-là ? ou peu importe l'entreprise, l'industrie ? avant même d'exporter notre énergie?

M. Goyette (André): Je vais donner la parole à M. Bergeron là-dessus.

Le Président (M. Jutras): M. Bergeron.

M. Bergeron (Ivan): Oui, M. le Président. Je pense que ce qu'il faut faire avant tout, c'est étudier chaque cas mais l'étudier de façon détaillée et rationnelle. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire aujourd'hui: Non, il faut donner la préférence à la cession de nouveaux blocs à l'industrie de première transformation des métaux et il faut... par rapport à l'exportation ou vice-versa. Je pense que chaque projet peut être étudié. Je pense qu'on a aujourd'hui les outils pour le faire. Il y a, par exemple, un modèle entrée-sortie du Québec qui fonctionne très bien. Et peut-être d'ailleurs que ces études ont été faites lors de propositions ou de demandes qui ont été faites pour de nouveaux blocs d'énergie; ça, je ne sais pas. Mais de toute façon il faut faire à chaque fois l'étude de façon rationnelle, c'est-à-dire qu'il ne faut pas se baser sur des arguments sentimentaux ou... mais regarder les chiffres et décider s'il vaut mieux exporter, et faisant le type d'analyse qu'on a fait, ou si l'impact, les retombées économiques sur le Québec de la cession de ce nouveau bloc à un prix x, est meilleur, est plus avantageux par rapport à l'exportation.

M. Légaré: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, messieurs, madame, pour votre présentation.

Et je demanderais aux représentants d'Équiterre de bien vouloir s'avancer.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Vous êtes prêts?

Équiterre

M. Ribaux (Sidney): ...on est en train d'installer le PowerPoint, mais on peut parler en attendant que les images arrivent.

Le Président (M. Jutras): Oui? Bon. Alors, je vous souhaite la bienvenue, les représentants d'Équiterre, à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle les règles. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes par la suite pour un échange avec les députés ministériels et 20 minutes avec les députés de l'opposition. Alors, si vous voulez commencer en vous présentant, d'abord en présentant les personnes qui vous accompagnent et par la suite votre mémoire.

M. Ribaux (Sidney): Merci beaucoup, M. le Président, et merci aux membres de la commission de nous avoir invités à témoigner devant votre commission sur cet enjeu extrêmement important pour nous qui est le futur énergétique du Québec.

Alors, je me présente. Je suis Sidney Ribaux, je suis l'un des cofondateurs de l'organisme Équiterre et je suis présentement coordonnateur général de l'organisme. À ma gauche, Élodie Mantha, qui est présentement chercheur pour nous sur la question... notamment des questions énergétiques.

Alors, rapidement, Équiterre, c'est un organisme qui a été formé suite à la rencontre de Rio de Janeiro, en 1992, et donc c'est un organisme qui se donne le mandat vraiment de développement durable, de promotion du développement durable dans le sens large du terme. On a plus de 3 000 membres à travers le Québec et on rejoint 300 000 personnes à chaque année. Ce sont des gens qui nous lisent, qui visitent notre site Web et aussi, sur ce 300 000, entre 20 000 et 30 000 personnes à qui on parle directement. Donc, c'est des projets très, très concrets d'éducation du public et de changement de comportement qui nous permettent d'être en contact quotidien avec les Québécois et Québécoises. On intervient sur les questions de transport évidemment et d'efficacité énergétique, de commerce équitable, d'agriculture, de consommation responsable et on s'intéresse à la question des changements climatiques depuis notre création, en 1993.

Donc, la présentation que j'aimerais vous faire aujourd'hui, je suis très content que j'aie eu la chance de vous la présenter au lendemain de l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, puisque c'est vraiment le fil conducteur de notre mémoire, et donc je vais vous présenter seulement quelques faits saillants de notre mémoire. C'est un document volumineux. On a essayé de couvrir plusieurs aspects de la politique énergétique qui nous semblait importante. Équiterre ne prétend pas... n'a pas une équipe d'experts en énergie à son service. Nous vous présentons ici un point de vue citoyen d'un organisme qui en représente plusieurs. Mais ce qui nous apparaît fondamental, c'est ce contexte de l'entrée en vigueur de Kyoto.

À notre avis, le 16 février 2005 sera une date clé dans les livres d'histoire, puisqu'elle marquera à notre avis le début de la fin de l'ère des énergies fossiles et le début d'une nouvelle ère énergétique qui se concentrera davantage sur les énergies vertes. Cette transition, le 16 février, sera une journée symbolique évidemment, puisque cette transition se fait depuis longtemps.

C'est en 1992 que nous avons signé la convention-cadre sur les changements climatiques. Le Québec par la suite a été très impliqué dans le développement de plans d'action sur les changements climatiques. Et tout le débat qui a entouré le Protocole de Kyoto depuis, donc suite à l'adoption en 1997, suite à la ratification par le Canada en 2002 et la ratification finalement par la Russie, il y a trois mois, fait en sorte que nous sommes dans un contexte où à la fois les citoyens mais aussi les entreprises ont été interpellés pour relever ce grand défi de réduction des gaz à effet de serre et donc de développer à la fois des technologies, des savoir-faire. Et on le voit et on le verra dans la présentation qu'on va faire, comment ça peut affecter éventuellement le Québec.

Par ailleurs, ce qu'on sait, c'est que ce défi de Kyoto, on ne fait que le commencer, l'amorcer. On l'a amorcé hier, puisqu'il entrait en vigueur, et il y a un appui massif de la population. On sait que 90 % de la population appuie le Protocole de Kyoto au Québec. Et, quand on regarde du côté des solutions, les sondages nous démontrent qu'il y a un appui massif de la population à l'égard de certaines des solutions dont on va vous parler aujourd'hui.

n(11 h 50)n

Évidemment, quand on parle de Kyoto, c'est parce qu'on parle des changements climatiques qui auront des impacts importants ici même, au Québec. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais on parle de problèmes au niveau même économique en termes de navigation de la voie maritime, des enjeux certainement au niveau des barrages, du niveau des barrages, et évidemment toutes sortes d'enjeux qu'on a déjà vécus, comme les événements extrêmes, comme la crise du verglas, etc. Et, au niveau global, les enjeux sont beaucoup plus importants encore.

Donc, les changements climatiques sont une menace, mais à notre avis Kyoto est surtout une opportunité pour le Québec, avec le positionnement qu'il a présentement sur la scène énergétique et avec le positionnement qu'il pourrait prendre dans le futur. Ce positionnement a déjà été amorcé en quelque sorte, récemment, avec les 1 000 MW, donc la deuxième tranche de 1 000 MW qui a été annoncée, avec l'abandon du projet du Suroît, avec l'annonce par Hydro-Québec d'un plan d'efficacité énergétique de 3,1 TWh et avec l'annonce évidemment d'une intention gouvernementale d'aller vers une politique vers le développement durable.

Malheureusement, on n'est pas encore tout à fait là, il reste encore des éléments d'une politique énergétique au Québec qui ne vont pas dans le sens souhaitable et qui ne permettront pas de saisir toutes ces opportunités-là. Je pense, entre autres, aux centrales thermiques au Québec, la centrale de Tracy étant la plus importante, mais il y en a trois autres importantes présentement au Québec, la centrale de Bécancour au gaz naturel qu'on prévoit construire, donc qui s'en vient, le projet d'exploration de gaz dans le golfe du Saint-Laurent. Donc, ce sont des... une direction qu'on a amorcée, qui sont à notre avis des décisions qui nous mènent dans la mauvaise direction et qui sont des centaines de millions de dollars qu'on n'investira pas pour saisir les opportunités de Kyoto et donc pour investir dans les énergies qui sont à notre avis les énergies du futur.

Globalement, c'est quand même 50 % du bilan énergétique qui est encore composé d'énergies fossiles au Québec, énergies qu'on utilise principalement pour le transport mais aussi pour la chauffe et aussi, comme on le disait, pour produire de l'électricité.

Rapidement, sur la question des transports, notre mémoire porte peu sur cette question-là même si c'est une question extrêmement importante pour nous. On considère que la commission devrait aborder la question des transports. On ne peut pas exclure une aussi importante partie du bilan énergétique d'une réflexion sur le futur énergétique du Québec. Et à cet égard on adhère aux recommandations qu'a déposées la Coalition pour le transport en commun, de laquelle nous faisons partie.

Donc, Kyoto est une opportunité, et à notre avis il faut la saisir. Comme je disais tout à l'heure, on a déjà 2 300 MW d'éoliennes qui sont construites, ou en chantier, ou à venir, et la croissance de cette industrie est de l'ordre de 33 % par année. Il y a un marché, qui est celui de l'Amérique du Nord, où l'on doit se positionner pour pouvoir desservir autant en expertise qu'en production prochaine.

Ce qui nous amène à cette conclusion-là, c'est notamment la question des coûts. Et l'analyse qui ressort du débat qui a été fait devant la Régie de l'énergie et les chiffres qui sont sortis par la suite, notamment de l'appel d'offres du premier 1 000 MW d'énergie éolienne et plus récemment du projet de SkyPower, nous démontrent que, de plus en plus, la filière hydroélectrique, quoiqu'il reste encore certains projets qui sont, d'un point de vue économique, intéressants, la vaste majorité des projets à venir seront beaucoup plus coûteux que ceux que nous avons faits. C'est normal. On a exploité les rivières les plus rentables pour commencer, et là, plus on va, plus ça devient difficile de produire des kilowattheures à un prix abordable.

Par ailleurs, le prix de l'éolien descend constamment. Le dernier projet de SkyPower a été annoncé à 0,06 $ le kilowattheure, et évidemment, du côté de l'efficacité énergétique, eh bien, c'est là qu'on a un avantage extrêmement important, comparé aux autres filières. Par ailleurs, le prix du gaz naturel aura tendance à augmenter, comme le montre ce graphique qui est un graphique relativement récent. Mais c'est normal de penser qu'au fur et à mesure qu'on produit de plus en plus de centrales à partir d'énergies fossiles la demande va augmenter et donc le prix va suivre. Et donc on ne croit pas qu'il serait utile de se fier sur une stabilité de ces prix-là dans la prévision de nos ouvrages.

Donc, que faire? Évidemment, on commence par... Ce que vous avez là, c'est le prix... c'est-à-dire la prévision de nos besoins au niveau québécois pour d'ici 2012. La proposition d'Équiterre est la suivante, c'est de réduire donc... c'est d'adopter un projet de 6,9 TWh, donc un petit peu plus que le double qui est proposé par Hydro-Québec. C'est un projet qui, selon l'expertise qui a été présentée devant la régie encore une fois, reviendra à environ 0,028 $ le kilowattheure. Donc, c'est le plus bas des prix que vous avez vus dans le tableau tout à l'heure. On pourrait aller encore plus loin, il y a des propositions d'aller jusqu'à 12,6 TWh, et ça, ça nous amènerait à 0,041 $ le kilowattheure. Donc, il y a un potentiel, même si Hydro-Québec a fait un effort récemment, il y a un potentiel important.

Le prochain graphique vous montre où on en est rendu quand on se compare aux autres du continent nord-américain en matière d'efficacité énergétique. Donc, on est passé, vous le voyez peut-être difficilement, mais on est passé... On était complètement à la droite du graphique, donc dans les pires en termes d'investissements en efficacité énergétique. Avec le plan d'Hydro-Québec, on a remonté la pente un peu, je crois qu'on est environ dans le centre du graphique. Notre proposition nous amènerait non pas parmi les meilleurs, mais plus près des meilleurs en termes d'efficacité énergétique, la proposition étant de 6,9 TWh.

Donc, le premier volet, la première proposition d'Équiterre est donc de travailler massivement sur la réduction des besoins, notamment par l'efficacité énergétique, aussi par d'autres moyens, mais donc de réduire nos moyens. Je pense que c'est l'essence même du développement durable d'être le plus efficace possible. Pour ce faire, il faudra investir, comme on le propose. La raison qu'on ne l'a pas fait... Parce qu'il faut se rappeler qu'en 1996 le dernier rapport du débat public sur l'énergie était intitulé d'ailleurs Pour un Québec efficace, donc proposait une stratégie importante en efficacité énergétique. On ne l'a pas fait. Le graphique que vous voyez là illustre, entre autres, pourquoi on ne l'a pas fait.

Essentiellement, les lignes bleues représentent le financement de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec, donc l'organisme qui a été créé suite au débat pour s'occuper d'efficacité énergétique. Les lignes roses représentent les contributions d'Hydro-Québec et de Gaz Métropolitain pour que l'agence agisse essentiellement comme sous-traitant pour mettre en oeuvre certains programmes que les distributeurs lui ont demandé de faire. Donc, quand on regarde l'argent dont l'agence dispose pour remplir son mandat, il est de presque le quart de ce qu'il était dans la première année d'opération. Et, dès la première année, c'était insuffisant. Donc, c'est clair qu'il faut aller beaucoup plus loin.

Je vous souligne aussi que, quand on parle de propositions en termes d'efficacité énergétique, on a parlé beaucoup d'Hydro-Québec, mais on propose systématiquement, dans notre mémoire, de faire des efforts semblables dans les autres secteurs, donc le mazout, le gaz naturel. Et l'Agence de l'efficacité énergétique est clé à cet égard, parce que, par exemple, le mazout n'étant pas réglementé par la régie, les consommateurs de mazout ? et c'est la même chose pour tous les consommateurs d'essence ? ne bénéficient pas de programmes d'efficacité énergétique. Donc, c'est extrêmement important que vous puissiez, dans vos recommandations, adresser cette question-là, ne serait-ce que par équité envers l'ensemble des consommateurs, et ce, qu'ils soient résidentiels, commerciaux, institutionnels ou autres.

Donc, en ce qui concerne... Une fois qu'on aura fait le plein d'efficacité énergétique, qu'on aura mis de côté les projets d'énergie fossile, nous proposons de doter le Québec d'un objectif en termes des nouveaux besoins de production que nous aurons à combler. Donc, la proposition est de 25 %. C'est basé, entre autres, sur ce qui se fait ailleurs dans le monde et ailleurs sur le continent. Je vous donne un exemple, il y a une quinzaine d'États qui ont adopté des objectifs dans ce sens-là, l'État de New York propose d'atteindre 25 % d'ici 2013. Et cet objectif, soit dit en passant, et c'est le cas pour plusieurs des États qui ont adopté des objectifs dans ce sens-là, exclut la grande hydro. Donc, quand on parle de filières énergétiques verte en émergence, on parle des autres filières que celle de l'hydroélectricité, même si, dans notre mémoire, on ne recommande pas nécessairement d'abandonner complètement cette filière-là.

n(12 heures)n

Donc, il nous semble qu'un des moyens d'atteindre les objectifs dont on vous parle, c'est de se doter d'un véhicule qui pourra avoir le mandat spécifique de développer l'ensemble de ces filières. Donc, on propose la création d'une nouvelle société d'État qui pourrait s'appeler la Société des énergies vertes du Québec, qui aurait à la fois... premièrement, qui serait dotée de revenus suffisants via une redevance qui pourrait être prélevée sur l'énergie, qui aurait une indépendance. Donc, on parle de société d'État, puisque c'est un niveau plus indépendant qu'une agence, donc on parle de transformer le mandat de l'Agence de l'efficacité énergétique. Et en plus on suggère de lui ajouter, en plus des mandats de promotion de l'efficacité énergétique, de mise en oeuvre de programmes qu'a déjà l'Agence de l'efficacité énergétique, un certain nombre de mandats au niveau du développement des énergies vertes, et donc le mandat de 25 % pourrait, entre autres, être confié à cette nouvelle société là qui serait créée.

Finalement, je vous souligne une dernière recommandation que nous faisons, on la lance un peu pour amorcer une discussion à cet égard. Dans la mesure où le Québec veut se positionner comme un leader en développement durable, dans la mesure où on s'entend que ce leadership-là devra s'assumer en investissant d'abord en efficacité énergétique, en reculant et en mettant de côté les projets d'avenir sur le thermique et même en décommissionnant éventuellement certains ouvrages thermiques, une fois qu'on aura fait ça, pourquoi ne pas se donner un mandat d'exportation d'énergie verte, d'énergie verte dans le sens... à notre sens, voulant dire, par exemple, l'éolien? Donc, on lance la proposition de construire quatre parcs éoliens, dont trois seraient construits au Québec et auraient l'objectif très spécifique de ramener des sous dans les coffres de l'État. Donc, c'est une variante sur les orientations qu'a eues Hydro-Québec dans les années passées. Mais dans le fond ce qu'on dit, c'est: Plutôt que de construire des grands ouvrages hydroélectriques, produisons de l'énergie verte et misons sur ces nouvelles énergies pour ramener des sous dans les coffres de l'État.

Donc, en conclusion, à notre avis, le Québec est extrêmement bien positionné pour profiter du contexte de Kyoto. L'entrée en vigueur de Kyoto ne constitue pas une nouvelle mode, ça va affecter de façon fondamentale l'avenir énergétique de la planète au complet, incluant l'Amérique du Nord. On peut penser que, compte tenu qu'aux États-Unis ils ont un gouvernement qui n'est pas nécessairement favorable à... qui est très favorable en fait aux énergies fossiles, que ce gouvernement-là n'ira pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Par contre, il y a des États qui, eux, bougent très rapidement, qui vont souvent plus rapidement que nous sur ces questions-là, et ce sont eux qui seront en concurrence avec le Québec, et c'est vis-à-vis d'eux qu'il faut se positionner sur ces questions-là. Alors, j'inventerais la commission, si elle souhaite vraiment que le Québec prenne un virage développement durable, de le refléter dans les recommandations que vous ferez à l'égard de la future politique énergétique du Québec. Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, nous procédons à l'échange. M. le ministre.

M. Hamad: Merci, M. le Président. Bienvenue à Québec. Et j'aimerais, pour commencer, vous féliciter pour le travail qui est fait, vous avez mis beaucoup d'efforts. Et évidemment ça suscite quelques questions, quelques clarifications aussi.

Vous avez dit, dans le document qu'on a reçu ce matin: Le potentiel au Québec, c'est 100 000 éoliens. Et vous dites: On devrait arrêter les projets hydroélectriques et exporter par nos projets éoliens. Juste, peut-être, ça mérite une clarification. Vous savez, le 100 000 potentiel de mégawatts éoliens au Québec, ça, c'est théorique. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire, ça, là, qu'on a mesuré le vent au Québec et on a dit: À partir du vent qu'on a, avec des vitesses, si on met des éoliennes partout, demain matin, ça nous donne 100 000. Mais il faut revenir à la réalité, parce qu'à un moment donné, dans un lac, on ne mettra pas une éolienne, dans un parc national, on ne mettra pas une éolienne, il y a une ville ou, etc. Il y a des contraintes géophysiques qui nous empêchent de faire le 100 000 partout sur le territoire.

Deuxième élément qui a été dit par plusieurs experts qui sont venus ici, ils nous ont dit: À un moment donné, il faut intégrer l'éolien au réseau d'Hydro-Québec, d'hydroélectricité, pour faire un équilibre dans la charge et pouvoir envoyer en façon constante l'énergie. Et ça donc les gens évaluent entre 10 % et 15 % de la capacité de nos réseaux actuels pour absorber la charge éolienne, c'est-à-dire, on parle entre 3 000 MW et 4 000 MW. Deuxième élément.

Troisième élément, maintenant. Si vous voulez exporter l'énergie éolienne, évidemment l'énergie éolienne est une bonne énergie, une énergie verte, il n'y a pas de problème. Cependant, si, mettons, les besoins de nos clients, au sud, ils arrivent au moment où il ne vente pas, et, si on a arrêté notre développement hydroélectrique, à un moment donné, on ne peut pas fournir. Alors, là, un client qui achète l'énergie, un des éléments importants, c'est de s'assurer qu'on va livrer en temps et lieu ce qu'il a besoin. Donc, là, ça devient un petit peu plus complexe. Et l'intégration du réseau éolien au réseau hydroélectrique, c'est toujours une bonne façon gagnante. Évidemment, ce n'est pas les mêmes valeurs, les deux. Vous savez, l'hydroélectricité, c'est une valeur quand même sûre et constante, etc., et le mariage des deux, c'est un mariage gagnant. Alors, qu'est-ce que vous dites à ces commentaires-là?

M. Ribaux (Sidney): En ce qui concerne le potentiel de 100 000 MW, clarifier... Notre compréhension de l'étude qui a été déposée devant la Régie de l'énergie par Hélimax démontre que le 100 000 a été pris à partir d'un potentiel en excluant justement des choses comme des parcs et des lacs et en le situant à 25 km de lignes déjà existantes. Donc, ce n'est pas le potentiel total de l'ensemble du territoire québécois. Notre compréhension de cette étude-là: c'est vraiment ciblé sur un potentiel réalisable à relativement court terme. Par ailleurs, on ne propose pas de faire 100 000 MW demain matin. Les propositions qu'on a faites sont de l'ordre de 3 000 MW ou 4 000 MW.

Bien, je pense que vous avez répondu à une partie de votre interrogation à l'égard de l'équilibre et de la complémentarité entre l'hydroélectricité et l'éolien. À notre avis, il y a effectivement une grande complémentarité. On peut exporter de l'éolien et on peut l'emmagasiner dans les barrages. C'est un des avantages qu'on a, au Québec, de pouvoir faire ça. Et c'est vrai qu'il ne vente pas tout le temps. Par contre, l'idée n'est pas non plus de mettre l'ensemble des éoliennes au même endroit. Donc, sans doute que les experts vous diront qu'il y a une manière de disposer les parcs éoliens de façon à avoir une certaine continuité.

Et il faut aussi se rappeler que l'hydroélectricité a, dans une moindre mesure, la même contrainte. Si on est dans une année où il pleut moins, ça devient plus difficile d'exporter. Donc, à notre avis et encore là sans avoir un avis d'experts et en se basant sur les travaux qui ont été faits par la régie, il y a une belle complémentarité à avoir entre les deux et un potentiel d'exportation assez intéressant.

Mme Mantha (Élodie L.): Je veux juste rajouter un petit peu sur l'étude d'Hélimax. Il y avait en effet une vingtaine de critères à peu près qui ont été utilisés pour exclure justement des sites près des aéroports, des zones habitées, des zones protégées, sur des pentes, il y en avait vraiment plusieurs. Et puis ces sites-là, c'est seulement des sites qui ont une moyenne de vent de 7 m/s à 8 m/s, ce qui est supérieur aux sites qu'ils utilisent en Europe pour produire de l'énergie éolienne.

Puis aussi, pour rajouter sur le point du fait que c'est vrai qu'il ne vente pas toujours égal, mais justement le vent est habituellement plus fort en hiver, qui est la période où est-ce qu'il y a le plus de demande. Donc, il y a vraiment beaucoup d'aspects intéressants de l'énergie éolienne qui pourraient être très, très avantageux pour l'exportation.

Puis, pour parler du 10 %, disons qu'on a environ 32 000 MW d'énergie hydroélectrique, en ce moment. 10 %, ça nous amène déjà à plus de 3 000 MW. Et puis il y a encore des centrales en construction en ce moment. Donc, je pense que 4 000... bien 3 000 MW plus 2 000 de plus, ce n'est pas nécessairement exagéré dans les prochaines années.

M. Hamad: Donc, vous ne parlez pas de 100 000.

Mme Mantha (Élodie L.): Absolument pas.

M. Hamad: Vous parlez de 3 000 à 4 000.

Mme Mantha (Élodie L.): Oui, oui.

M. Hamad: Parce que, dans les notes que vous avez soumises, vous parlez de 100 000. C'est correct, c'est beau.

Mme Mantha (Élodie L.): Bien, 100 000, c'est le potentiel qui a été évalué dans les lieux...

M. Hamad: O.K. Évidemment, notre exportation est plus payante l'été, hein? Les besoins de nos clients sont plus élevés l'été que l'hiver.

Mme Mantha (Élodie L.): Je dois dire que je croyais que c'était le contraire, mais...

M. Hamad: Non, c'est l'été, parce que là-bas il faut chaud, ils ont besoin d'air climatisé pas mal. Puis, nous, ici, nous, nos besoins plus élevés, c'est l'hiver, mais...

Mme Mantha (Élodie L.): Mais les États nord-américains de la Nouvelle-Angleterre ont à peu près un climat similaire. Donc, quand même...

M. Hamad: Oui, ils sont un peu plus chauds, un peu, mais... C'est correct. Mais, en fait, l'exportation, à Hydro-Québec, est plus importante l'été. Puis, évidemment, l'hiver, il fait plus froid ici, on a besoin de plus. O.K.

Si je reviens... Vous savez, souvent, on dit: On veut faire de l'efficacité énergétique puis on veut exporter. Tu sais, il y en a qui disent ça. L'idée est bonne, mais, si on vient à la mécanique de cette idée-là, c'est là qu'on a un peu de problèmes, vous savez, parce que malheureusement la structure d'Hydro-Québec est un petit peu plus complexe. Pour la comprendre, ça prend un peu plus de temps. malheureusement.

n(12 h 10)n

Mais les faits d'Hydro-Québec, c'est que vous avez Hydro-Québec Distribution qui a son mandat principal, c'est de livrer l'électricité à tous les Québécois. Et le programme, qui est un programme ambitieux, vous l'avez accepté aussi que c'est un bon programme d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec, de 3 TWh, ça, c'est dans Hydro-Québec Distribution. La compagnie Hydro-Québec qui exporte, c'est Production, c'est la troisième, là. Il y a trois soeurs, la troisième s'appelle Production; elle, elle exporte.

Mais l'efficacité énergétique qu'on veut faire, c'est dans Hydro-Québec Distribution, donc pour diminuer un petit peu la consommation des Québécois, et évidemment, vous savez, le programme, 1,6 milliard qu'on a mis là-dedans pour plusieurs années, bien sûr. Donc, le lien, il n'est pas direct avec chaque kilowattheure économisé, il est exporté. C'est juste une clarification. Ça veut dire, pas qu'on n'en veut pas, au contraire, parce que ça diminue quand même la consommation d'Hydro-Québec Distribution, donc ça permet à Hydro-Québec Distribution de diminuer ses coûts aussi. Parce que, vous savez, le coût marginal maintenant est rendu en haut de... on l'appelle le bloc patrimonial. En haut de ça, c'est plus cher parce qu'Hydro-Québec Distribution, elle est obligée d'aller acheter sur le marché. Mais bien sûr l'idée, elle est bonne, de faire l'économie d'énergie, c'est bon pour l'environnement, c'est bon pour le consommateur, c'est bon pour le prix et pour Hydro-Québec Distribution aussi. Donc, vous comprendrez la différence entre les deux.

Quant à l'avant-dernière acétate que vous avez présentée, de PowerPoint, vous parlez de 4 000 MW et dont 1 000 MW, je pense, un parc dans un pays en voie de développement. Est-ce que je dois comprendre que, nous, on va aller, Hydro-Québec, installer un parc dans un pays en voie de développement ? puis, en Amérique du Nord, on ne l'a pas, donc c'est un petit peu plus loin ? pour vendre de l'énergie là-bas? Je n'ai pas compris l'idée. Mais, dans votre tableau, c'est écrit comme ça.

M. Ribaux (Sidney): Dans le fond, ce qu'on dit, c'est qu'il faut développer une expertise sur la question de l'éolienne, et cette expertise-là sera utile pour le Québec, pour l'exportation à nos voisins, mais on pourrait aussi envisager le développement d'une expertise au niveau international. D'ailleurs, Hydro-Québec a un volet international, et ils le font déjà jusqu'à un certain point. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, il y a des mécanismes qui nous permettent d'aller chercher des crédits pour des projets qu'on réaliserait dans les pays du tiers-monde. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on propose de faire un projet d'éolien dans un pays qui pourrait déplacer un projet polluant, bon, et donc développer cette expertise-là. C'est vraiment dans ce sens-là.

M. Hamad: O.K. L'idée est bonne, encore une fois. Lorsqu'on regarde évidemment au niveau international, la compétition est très forte. C'est sûr qu'il faut faire face à la compétition, puis pourquoi pas, on est capables au Québec. Mais en premier lieu la première réflexion, c'est de dire: On va développer chez nous pour commencer, bâtir l'expertise, monter des usines, renforcer la situation, les connaissances, puis, à partir de là ? comme on a fait avec l'hydroélectricité, c'est le même phénomène ? l'expertise québécoise, après ça, elle est vendable et exportable.

Quand vous parlez de prix de revient de l'efficacité énergétique à 0,03 $... Non, c'est l'autre tableau. Je vais revenir à un autre tableau que vous avez présenté. Dans l'autre tableau, vous dites: Le prix de revient, hydroélectricité, c'est de 0,08 $ à 0,15 $... ? il y avait un tableau, là ? 0,08 $ à 0,15 $ le kilowattheure ? c'est celui-là, exact ? et la filière thermique, c'est 0,08 $ à 0,09 $, puis la filière éolienne, c'est 0,06 $ à 0,08 $, etc. Ça, vous êtes à quelle année? Parce que les prix, évidemment, vous savez, ça varie, hein?

Mme Mantha (Élodie L.): Bien, en fait, si vous référez à l'efficacité énergétique, c'est une étude qui a été produite en mai 2004, donc c'est très récent. Je me rappelle, quand Nicolas Boisclair, un employé d'Équiterre, est venu présenter à titre de citoyen, il y a quelques semaines, vous avez mentionné justement un chiffre qui était plus dans les 0,05 $. La différence, c'est que votre chiffre utilise le test du coût total en ressources, qui est un test qui inclut le coût du distributeur et aussi le coût que les consommateurs qui participent aux mesures ont à dépenser. Donc, ça, c'est une mesure qui est très valide, ce test-là, mais il a été développé pour comparer différents ensembles de mesures d'efficacité énergétique, il n'a jamais été conçu pour comparer des filières. Donc, si vous utilisez ce test-là... Enfin, c'est ça, nous, notre 0,025 $ à 0,04 $, ça utilise un test qui est vraiment juste le coût au distributeur. Donc, là, c'est comparable avec les autres filières. Parce que, si vous prenez 0,05 $ en incluant le coût que le consommateur choisit de dépenser, ça revient un petit peu à comparer des pommes avec des oranges.

M. Hamad: ...les chiffres que vous avez ici, aujourd'hui, filière hydroélectrique, thermique, énergie éolienne, c'est tous des dollars d'aujourd'hui ou c'est... Parce que le 0,08 $ à 0,15 $ de la filière hydroélectrique, ce n'est pas ça, habituellement, nos coûts de production, hein?

Mme Mantha (Élodie L.): Non, absolument.

M. Hamad: On est beaucoup plus bas, il y a des projets même beaucoup plus bas que ça. On n'a pas de projets actuellement à 0,08 $, là, très peu, et même presque pas. Puis le 0,08 $ à 0,09 $, filière... Juste savoir si vous avez pris les chiffres de la même année de chaque filière. C'est-u comparable ou...

Mme Mantha (Élodie L.): C'est tout à fait comparable. Et puis la filière hydroélectrique de 0,08 $ à 0,15 $, c'est que ce n'est pas les projets qui sont en construction ou même les projets qui sont à l'étude en ce moment, c'est les projets identifiés dans le potentiel résiduel.

M. Hamad: C'est ça. Donc...

Mme Mantha (Élodie L.): Donc, il y en a, comme La Romaine, ça monte jusqu'à 0,16 $ en dollars de 2004, là. C'est vrai que...

M. Hamad: Là, on est en 2014... 2013, 2014, l'hydroélectricité.

Mme Mantha (Élodie L.): Oui, c'est des coûts d'aujourd'hui pour une centrale. Si on la construisait aujourd'hui, La Romaine nous coûterait ça.

M. Hamad: Oui. Mais c'est ça.

Mme Mantha (Élodie L.): Voilà.

M. Hamad: Alors, l'hydroélectrique, c'est 2013, 2014, mais la filière thermique, là...

Mme Mantha (Élodie L.): Oui.

M. Hamad: ...c'est-u aujourd'hui, ça, ou c'est...

Mme Mantha (Élodie L.): Oui, absolument.

M. Hamad: Mais là vous avez pris des coûts de 2014, vous les ramenez à aujourd'hui, et vous avez pris des coûts aujourd'hui sans faire... Vous comprenez ce que je veux dire? Un dollar dépensé en 2014, il vaut moins cher aujourd'hui. O.K.

Mme Mantha (Élodie L.): Oui, oui, oui. Mais, en fait, la filière thermique, on s'est basé sur les coûts que ça aurait coûté pour faire la centrale du Suroît en utilisant les dernières données de prix de gaz naturel.

M. Hamad: Mais, dans ce cas-là, si vous vous êtes basés sur aujourd'hui, il faut regarder les prix de l'électricité d'aujourd'hui dans l'hydroélectrique. Puis les prix de l'électricité hydroélectrique, aujourd'hui, ils sont à 0,06 $. O.K. Donc, là, votre 0,08 $ à 0,15 $, il est un petit peu... C'est juste comparer les mêmes choses. C'est le même calcul dans... La filière éolienne, vous êtes dedans, là, vous êtes corrects. Juste comparer. L'hydroélectricité, elle demeure actuellement moins chère, sauf qu'évidemment, comme vous l'avez bien dit au début, c'est sûr que, si on s'en va plus vers le nord, les coûts de revient sont plus élevés, c'est normal parce qu'on est allés à plus économique. Alors, la comparaison, finalement, c'est qu'il reste que l'hydroélectricité... Êtes-vous pour l'exportation et le développement hydroélectrique important?

M. Ribaux (Sidney): Non. C'est-à-dire que ce qu'on propose, c'est de prioriser l'efficacité énergétique, d'aller plus loin dans l'efficacité énergétique et, si l'efficacité énergétique ne répond pas à l'ensemble des nouveaux besoins, d'aller vers les énergies renouvelables émergentes. On ne propose pas de démanteler des barrages, on ne propose pas d'arrêter des projets qui sont en construction. Par contre, on propose de réorienter les investissements qu'on va faire dans le futur, donc les investissements à venir, vers d'autre chose que l'hydroélectricité et le thermique. Donc, à notre avis, pour des raisons environnementales et économiques, il serait plus intéressant pour le Québec de faire ce choix-là. Donc, on n'est pas pour ou contre l'hydroélectricité, c'est plus une... c'est une proposition de faire un choix autre pour des raisons, entre autres, économiques.

M. Hamad: Et l'exportation?

M. Ribaux (Sidney): Encore là, si l'exportation est faite dans l'optique que je viens d'exposer, on est pour, on n'est pas contre l'exportation.

M. Hamad: Mais, avec notre discussion, on se comprend que, si je fais juste de l'éolien, uniquement, ça va être difficile, plus difficile pour moi d'exporter, compte tenu de ce qu'on vient de dire. Le mariage éolien...

M. Ribaux (Sidney): Le parc actuel d'Hydro-Québec est constitué à 90 % d'hydroélectricité, donc on ne vas pas... Comme je vous dis, on ne propose pas de démanteler ces barrages-là. Ils vont rester là, ces barrages-là, ils vont demeurer présents pour être complémentaires à des nouvelles sources d'énergie qui pourraient venir et à des nouveaux programmes d'efficacité énergétique. Donc, baisser la demande par l'efficacité énergétique et exporter l'énergie résiduelle qu'on produit de toute façon avec les barrages existants, ça nous conviendrait. Construire des nouveaux barrages, construire des centrales thermiques en vue éventuellement d'utiliser cette marge de manoeuvre là, entre guillemets, pour exporter, à notre avis ne serait pas du développement durable.

M. Hamad: O.K. Je comprends, vous êtes contre le thermique, dans le fond, là, c'est ça qui est le point. Vous avez dit au début, et vous n'étiez pas loin quand vous avez dit au début que la consommation pétrolière au Québec, ou le fossile finalement, et les 50 % dans le domaine énergétique effectivement éliminent plus. Et, si on regarde le transport, c'est le domaine qui consomme le plus, c'est le transport, et il faut vraiment le travailler dans l'esprit de Kyoto, c'est le transport, c'est 62 %, et la chauffe, la consommation résidentielle, c'est 10 % des produits en plus, là, c'est-à-dire 62 % plus 10 %. Mais ce n'est pas le domestique qui prend la première place en termes de consommation pétrolière, et c'est important de faire la distinction. Et effectivement il faut regarder comment on peut travailler.

n(12 h 20)n

En fait, quand on arrive à l'émission de gaz à effet de serre au Québec, notre parc énergétique, ce n'est pas là, la principale source d'émissions de gaz à effet de serre, elle est plutôt dans le transport. Et malgré tout on correspond à... on a 12 tonnes par habitant par rapport à la moyenne canadienne, qui est de 24 tonnes équivalent CO2, moyenne canadienne. Donc, quand même, on est dans une bonne position. Ça veut dire, pas qu'il faut lâcher, il faut continuer. Mais évidemment l'élément clé, c'est plus dans le transport que notre production énergétique. Au contraire, c'est l'hydroélectricité, l'énergie renouvelable. Puis, par rapport à une usine de Suroît, mettons, l'hydroélectricité, c'est clair que l'hydroélectricité est en meilleure position en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Ça, est-ce que vous êtes d'accord avec ça, ce que je viens de dire?

M. Ribaux (Sidney): Bien, c'est-à-dire, la nuance que j'apporterais, c'est que c'est vrai que... Et on le dit, et c'est une priorité extrêmement importante pour nous d'investir dans le transport pour réduire les gaz à effet de serre. Par contre, ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'il ne faut quand même pas négliger la partie du parc d'électricité qui est produite ? même si elle est petite, on est d'accord avec vous là-dessus ? qui est produite à partir de l'énergie fossile, d'une part. Et, d'autre part, de façon beaucoup plus importante, la chauffe résidentielle, et industrielle, et commerciale à partir d'une énergie fossile n'est pas non plus négligeable.

Et j'en profite pour revenir sur un des éléments importants de notre recommandation, sur la création et la bonification de l'Agence de l'efficacité énergétique qui n'a présentement aucune ressource ? si on veut parler de ressources adéquates ? pour être en mesure de desservir ces clientèles-là. Donc, on peut bien dire, par exemple, si on prend le secteur résidentiel, qu'il y a seulement 30 % des résidents qui sont chauffés à autre chose que l'électricité, c'est quand même bien 30 % des citoyens qui de façon générale ne bénéficient pas de services d'efficacité énergétique, même si Hydro-Québec lance un programme important en efficacité énergétique. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faut quand même l'aborder du côté énergétique aussi.

Puis je voudrais juste revenir sur un des aspects que vous avez amenés lorsqu'on dit qu'il y a des enjeux concernant la séparation d'Hydro-Québec en trois, en termes d'exportation. O.K. Bon. Et je vous souligne qu'une des recommandations qui est extrêmement importante, qu'on n'a pas soulignée dans notre présentation parce qu'on sait que plusieurs autres acteurs le font, c'est qu'il faut redonner le pouvoir à la Régie de l'énergie de réglementer la production. Et, lorsqu'on aura fait ça dans une optique de développement durable, comme son mandat le prévoit, ça lui permettra de regarder de façon sérieuse les différentes options. Présentement, elle ne peut pas le faire. Le gouvernement... vous avez eu à mon avis une très, très bonne idée de lui confier... de lui redonner temporairement ce pouvoir-là dans le cas du Suroît pour qu'elle puisse faire cet examen-là. Ça devrait être un pouvoir qu'on lui donne de façon permanente. C'était ce qui était prévu originellement dans la loi, c'est ce qui se fait ailleurs, donc il faudrait retourner à ça.

Le Président (M. Paquin): Merci. On va aller maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Vos réflexions sont très intéressantes, et je voudrais revenir sur certaines de vos recommandations. Notamment, au niveau de l'Agence de l'efficacité énergétique, vous recommandez d'en faire un organisme indépendant finalement, donc sorti de l'autorité du ministère, un organisme autonome qui assumerait toute la question de l'efficacité énergétique. Et pourtant, à la recommandation suivante, quand vous recommandez une société des énergies vertes au Québec, vous dites que cette société-là aussi sera promoteur de l'efficacité énergétique au Québec. Ce n'est pas redondant, ça? Est-ce qu'on ne devrait pas mettre tout ce qui est promotion, attribution, gestion d'efficacité énergétique avec l'agence, puis la société des énergies vertes, elle, l'orienter vers la mise en valeur de ce potentiel d'énergies vertes?

Le Président (M. Paquin): M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney): Dans le fond, c'est une proposition qu'on lance, elle est ouverte au débat. Mais on constate qu'il y a deux lacunes importantes de la part de nos distributeurs d'énergie. Il n'y a pas suffisamment d'efficacité énergétique qui se fait au Québec. Au début des années quatre-vingt-dix, Hydro-Québec avait un plan très ambitieux d'efficacité énergétique, à peu près aussi ambitieux que celui qu'il a maintenant. Or, dans les faits, il ne l'a jamais réalisé, il a été abandonné après une ou deux années de mise en oeuvre. Et donc, depuis le débat sur l'énergie, il y a eu très peu qui s'est fait en termes d'efficacité énergétique au Québec. Donc, on se dit, il faut changer la structure, il faut financer cette agence-là ? peu importe comment on l'appelle ? pour qu'elle soit en mesure d'aller plus loin dans ce mandat-là.

Par ailleurs, on constate que les sociétés d'État en place, ou les sociétés et entreprises, n'ont pas développé le potentiel d'énergie verte au Québec et que le gouvernement a dû intervenir pour forcer la main, entre autres à Hydro-Québec, pour développer des parcs éoliens. Ça a été à chaque fois des décrets gouvernementaux qui l'ont fait avancer ou bien des producteurs privés qui sont arrivés avec leurs propres projets. Donc, on se dit, il faut se réapproprier ça comme État. Et on pense que les deux mandats, efficacité énergétique, énergie verte, peuvent être mis ensemble dans une société d'État. Maintenant, les détails de tout ça, ce sera à vous ou au gouvernement de voir est-ce que c'est faisable, comment on peut le faire. À notre avis, ce sont des thèmes qui vont ensemble.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Donc, si je vous comprends bien, là, l'efficacité énergétique serait partie inhérente de la société des énergies vertes. C'est ça?

M. Ribaux (Sidney): Tout à fait.

Mme Dionne-Marsolais: Ça fait quand même un gros mandat, là, vous conviendrez. Vous dites aussi, à la recommandation 4, que... Vous ne dites pas d'abroger la loi n° 116, mais vous dites de lui retirer un certain nombre de sections de manière à ce qu'Hydro-Québec Production soit assujettie à la juridiction de la Régie de l'énergie. C'est ça? Bon. Et vous dites... En fait, vous détaillez ça pas mal. Mais pourquoi est-ce qu'on ne devrait pas revoir complètement la loi n° 116?

M. Ribaux (Sidney): Mais c'est-à-dire qu'il y a certaines...

Mme Dionne-Marsolais: Parce que, dans bien des choses, vous en parlez un petit peu, il y a toutes sortes de petites affaires.

M. Ribaux (Sidney): Oui. C'est-à-dire qu'il y a certains éléments de la loi n° 116 qui doivent peut-être rester. On parlait tantôt de la séparation d'Hydro-Québec en trois. On n'a pas d'opinion à cette question-là: Est-ce que c'est souhaitable, est-ce que c'était nécessaire en vertu des exigences de la FERC des États-Unis? On n'est pas des experts en réglementation énergétique.

Donc, il y a certains aspects qui étaient peut-être souhaitables de la loi n° 116. Les aspects qui nous semblent problématiques sont ceux... et principalement celui où on a enlevé le pouvoir d'agir sur la production, qui est le principal élément d'Hydro-Québec, la principale activité.

Mme Dionne-Marsolais: Vous dites aussi, à la recommandation 5, de revoir la politique énergétique à tous les cinq ans. Ça m'apparaît un peu court, cinq ans. Pourquoi vous avez déterminé cinq ans? Ça repose sur quoi, ça?

M. Ribaux (Sidney): Il y a plusieurs lois, entre autres au fédéral, à toutes sortes de niveaux, qui sont revues systématiquement aux cinq ans. C'est à notre avis... Je veux dire, si on fait le bilan des 10 dernières années, ça fait à peu près 10 ans qu'on a fait un examen exhaustif de... et plusieurs des objectifs qu'on s'était fixés n'ont pas été atteints. Donc, on se dit, peut-être qu'il faudrait le faire plus rapidement qu'aux 10 ans pour être en mesure de réajuster le tir au fur et à mesure qu'on avance dans la mise en oeuvre des politiques dont on se dote.

Mme Mantha (Élodie L.): Le contexte technologique change tellement rapidement également que... L'industrie éolienne croît de 30 % par année, donc, en cinq ans, ça fait déjà un gros changement, question prix.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Toutefois, quand on fait une planification globale, ça m'apparaît un peu court. Mais ça, ça ne veut pas dire que ce n'est pas bon.

Ma dernière question, c'est que vous n'avez pas du tout abordé la question de la recherche et du développement. Ça rejoint un peu, là, ce que vous mentionnez. Mais c'est quand même un... tout le champ d'action de l'énergie est un endroit où il y a quand même des efforts de recherche et développement à faire. Est-ce qu'à votre avis un institut national de recherche en électricité du Québec, c'est une entité qui mérite de l'attention ou est-ce qu'à votre avis on devrait laisser à la recherche et le développement libre cours, là, selon les entreprises qui veulent bien y consacrer des fonds?

M. Ribaux (Sidney): Écoutez, la réponse va être très générale parce qu'on n'a pas étudié cette question-là. Je vous dirais qu'a priori on trouve que la recherche et le développement, c'est quelque chose d'important dans n'importe quel secteur. Ça l'est certainement au niveau du secteur énergétique, du secteur de l'efficacité énergétique. C'est certain que, si on veut devenir... C'est une des choses qu'on se dit, que, en se dotant d'un objectif, par exemple au niveau efficacité énergétique, par exemple au niveau énergie verte, ça va stimuler l'innovation, ça va stimuler la recherche, oui, de la part de sociétés d'État du gouvernement mais aussi de la part d'entreprises privées. Donc, c'est certain... On le voit comme étant quelque chose de souhaitable. Maintenant, spécifiquement en ce qui concerne l'institut, ce n'est pas quelque chose qu'on a regardé, malheureusement.

n(12 h 30)n

Le Président (M. Paquin): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présentation. Je pense que c'était absolument important qu'Équiterre puisse être présent à cette commission compte tenu de l'expertise et de la crédibilité que vous avez, depuis plusieurs années, à faire un monde meilleur. Vous avez dit souhaiter que, d'ici 2020, nous pourrions avoir 25 % d'énergie verte. Vous avez aussi dit, par rapport à cela, que l'État de New York avait déjà ciblé cet objectif. Est-ce que cela voudrait dire pour le Québec qu'il pourrait développer davantage son secteur éolien? Puisque vous avez mentionné que l'hydroélectricité ne serait pas considérée dans ce 25 %, c'est donc dire que le Québec, qui a un territoire à fort potentiel pour l'éolien... Pourrait-il avoir avantage à développer son secteur éolien et de vendre cette énergie sur la partie du 25 %, notamment pour l'État de New York? Ça, c'est ma première question.

Mais, en complément, tout à l'heure, le ministre a dit que, si on voulait vendre de l'énergie éolienne aux États-Unis, ce serait difficile compte tenu des variations de vent. Mais je vous poserai la question: Croyez-vous qu'il serait possible, compte tenu de notre incroyable capacité d'emmagasinement de l'énergie, de produire de l'énergie éolienne, l'emmagasiner dans nos réservoirs hydroélectriques et vendre cette électricité-là emmagasinée par Hydro-Québec Distribution? Et donc est-ce qu'à votre avis cela pourrait être considéré ? même si ça a passé par le réseau hydroélectrique ? considéré comme de l'énergie verte admissible au 25 % d'énergie que l'État de New York cherche à avoir?

Le Président (M. Paquin): M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney): C'est une très bonne question. Premièrement, vous dire que l'idée justement que le Québec développe davantage l'énergie verte et qu'il puisse éventuellement l'exporter va exactement dans le sens de votre question, c'est-à-dire qu'on sait qu'il y a des États, notamment dans le Nord-Est américain, donc où on a les États plus progressistes... Si vous vous souvenez des élections américaines, si vous avez vu la carte, là, les États que Kerry a gagnés, c'est aussi les États où il y a de la législation la plus progressiste en matière d'efficacité énergétique, en matière d'énergie verte et en matière de lutte aux gaz à effet de serre. Donc, c'est là, on est près de ces États-là où il y aura une volonté d'acheter ce type d'énergie là.

Spécifiquement sur New York, j'aime mieux ne pas m'avancer. On peut peut-être faire quelques recherches puis vous revenir là-dessus. Quel est le contexte du marché spécifiquement à New York? Est-ce que l'objectif de 25 % en 2013 est déjà atteint ou est-ce qu'on est à moitié? Bon, il faudrait voir.

Et, en ce qui concerne la capacité d'exporter de l'éolien, c'est certainement faisable. Les technicalités de comment c'est fait, quelles sont les règles qui entourent ça, on ne peut pas répondre à ça, mais c'est clair qu'il y a des États où le consommateur même peut acheter de l'énergie verte. Donc, il y a des façons de faire, là. Quand on parle d'électricité, ce n'est pas des marchandises qu'on livre en camion, là, c'est des électrons qui se promènent. Donc, il y a des normes à cet égard qui permettent dans certains cas non seulement à des États d'échanger entre eux et de dire: C'est de l'énergie verte, mais à un consommateur chez lui de dire: Moi, je veux acheter... je veux que mon électricité provienne d'énergie verte, et il y a des mécanismes qui permettent ça. Donc, certainement, il y a des mécanismes qui nous permettraient de participer à ces efforts de nos États voisins en matière d'énergie éolienne et autres.

Le Président (M. Paquin): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Vous, votre organisation est énormément impliquée dans les programmes d'efficacité énergétique. Si je ne m'abuse, vous avez même des agents sur le terrain qui vont dans les maisons, les appartements de Montréal et qui font ce genre d'activité. Maintenant, vous nous avez présenté un graphique qui démontrait, dépendamment des sommes d'argent investies, les mégawatts que l'on pouvait produire ou bref ceux qu'on peut sauver. Est-ce que l'équation est vraiment précise, que, si j'investis tant de dollars, j'arrive à sauver tant et que c'est vraiment, là, une courbe cohérente et logique par rapport à ça ou bien donc il peut y a voir d'autres sortes d'efforts qui peuvent être faits et... Enfin, je vais d'abord écouter votre première réponse.

M. Ribaux (Sidney): Bien, par rapport à l'impact sur l'emploi, c'est certain que l'efficacité énergétique a des impacts extrêmement intéressants. Puis, je vous dirais, non seulement ça crée plus d'emplois, mais ça en crée partout. Et ça crée des emplois, je vous dirais, plus démocratiques, entre guillemets, c'est-à-dire que ça crée des emplois à toutes sortes de niveaux, de types de métiers. Donc, par exemple, dans... Évidemment, on pourrait penser, efficacité énergétique, des ingénieurs, oui, effectivement, des gens très spécialisés qui auront à développer des technologies, mais, dans le cas des programmes qui sont gérés par Équiterre, on fait des visites chez des personnes à faibles revenus, il y a un volet travaux techniques, il y a un volet conseil, donc on engage des gens dans certains cas qui ont seulement un secondaire ou qui ont un cégep. Donc, c'est des emplois... Le programme qu'on gère, on le gère à Montréal, mais il y a des groupes comme nous qui le font à travers le Québec, et donc c'est des emplois qui sont créés de façon très décentralisée.

Le programme dont je vous parle... De façon générale, les chiffres qu'on a sur l'efficacité énergétique, c'est 12,7 emplois par million investi. Dans le cas du programme spécifiquement que, nous, on gère, c'est autour de 20 emplois qui sont créés. Donc, à notre avis, le 12,7 est très juste.

M. Tremblay: Est-ce que vous faites de la publicité et qu'après ça des gens vous appellent ou bien donc vous êtes plus agressifs dans votre approche et vous cognez à la porte de certaines personnes en disant: Bonjour, je me présente, je suis Équiterre et je peux vous faire sauver de l'argent?

M. Ribaux (Sidney): C'est un peu les deux, là. Mais c'est-à-dire qu'il y a une certaine publicité qui est faite. On offre deux services, là. Le premier dont je vous parlais, visant les personnes à faibles revenus, est offert gratuitement. Donc, il y a de la publicité qui est faite. Les gens nous contactent assez spontanément, surtout au début de... Quand il commence à faire froid puis qu'ils réalisent que leur appartement ou leur maison est mal isolé, ils appellent. Par ailleurs, on a un autre service qui est payant, celui-là, qui est ÉnerGuide, qui vise plus les propriétaires de maisons, et là il y a une certaine publicité un petit peu plus agressive qui est faite. Mais de façon générale les gens appellent assez spontanément.

M. Tremblay: Est-ce qu'il serait possible, par exemple, de dire, à chaque fois que... Bon. Parce que je vous donne un exemple très concret que je connais mieux. Par chez nous, on a l'entreprise Négawatts qui estime qu'elle arrive à faire sauver en moyenne 15 % de la facture énergétique. Advenant le cas qu'à un moment donné Hydro-Québec lance un appel d'offres de, je ne sais pas, 500 MW, une entreprise de production de négawatts pourrait-elle arriver à dire: Donne-moi la charge de produire 1 000 MW, mais en fait qu'elle ne les produirait pas par le biais d'éolien, ou de barrages, ou quoi que ce soit, mais par le biais d'économie d'énergie? Et donc ça forcerait notamment, que ce soit Équiterre ou Négawatts, à aller chercher des économies d'énergie. Et elle pourrait peut-être même être plus agressive, et, à ce moment-là, on arriverait peut-être à des rendements encore supérieurs par rapport aux montants investis, puisqu'il y aurait une volonté pécuniaire de la part d'une organisation comme ça.

M. Ribaux (Sidney): C'est un petit peu ce qu'on propose. Ça pourrait faire partie du mandat de la nouvelle société des énergies vertes dont on parle, qui aurait, entre autres, ce mandat d'efficacité énergétique. Je vais laisser Élodie parler un petit peu d'une organisation au Vermont qui fonctionne comme ça.

Mme Mantha (Élodie L.): Oui. C'est l'Energy Efficiency Vermont qui est une société d'État qui produit des négawatts. Et puis justement elle lance des appels d'offres, les promoteurs répondent, ils ont des contrats très, très... tout comme un autre producteur d'énergie, là, plus conventionnel, à un prix fixe, une quantité fixe, à telle année, et puis ils produisent... Puis, au Vermont, c'est 50 % de la croissance de la demande qui est répondue par l'efficacité énergétique uniquement. Donc, c'est une idée qui est à notre avis tout à fait applicable, qui fait beaucoup de sens, et puis, voilà, ça rentre dans notre proposition de la société des énergies vertes du Québec.

M. Tremblay: Advenant le cas que le gouvernement actuel ou tout autre gouvernement ait beaucoup de difficultés à créer une autre société d'État, est-ce que ce genre de projet et votre entreprise que vous mentionnez aux États-Unis, est-ce que ça ne pourrait pas être pris en compte par des organismes à but non lucratif tels qu'Équiterre ou une autre organisation, voire même une entreprise privée qui désire dire: Bon, bien, moi, j'ai un réseau sur le terrain, je le prends en charge puis je fais même un peu d'argent avec ça?

M. Ribaux (Sidney): Effectivement, ça pourrait être un modèle... on pourrait penser à un modèle de partenariat public-privé. On privilégierait, si le gouvernement choisit d'aller dans ce sens-là, un modèle avec un organisme à but non lucratif. Je pense que, pour le type de mandat qu'on lui donnerait, ce serait plus approprié.

Il existe un modèle intéressant en Alberta qui s'appelle Climate Change Central. Donc, bon, ils ont choisi de lui donner un nom spécifique sur les changements climatiques, mais en fait c'est un organisme qui a un mandat très semblable à ce que, nous, on propose comme société de développement des énergies vertes. Donc, il y aurait aussi la possibilité de donner un mandat.

n(12 h 40)n

La clé, je vous dirais, peu importe comment on le crée cet organisme-là, c'est qu'il soit indépendant, qu'il ait une marge de manoeuvre, qu'il ne soit pas pris dans les restrictions que peut avoir une agence gouvernementale et qu'il soit doté d'un financement adéquat. C'est un petit peu ça, la clé. Si on demandait à Négawatts, demain matin, ou à Équiterre, demain matin, de «bider» pour offrir 500 MW à Hydro-Québec, on voudrait bien le faire, mais on n'a pas la capacité d'arriver avec cette expertise-là. Et, pour l'instant, les entreprises privées, on n'en connaît pas qui peuvent le faire. Tant mieux s'il y en a qui pourraient le faire.

Le Président (M. Paquin): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Vous avez mentionné que 38 % de nos GES, c'était... Bien, en fait, oui, 38 % de nos GES au Québec sont produits par les transports. C'est vraiment le secteur où on doit vraiment faire de l'effort pour diminuer nos GES puis aussi diminuer notre dépendance aux ressources fossiles. Maintenant, à part le transport en commun à Montréal, Québec, Sherbrooke, Outaouais, Saguenay, à part ne pas faire le pont sur la 25, à part un crédit de taxes sur les véhicules hybrides, chose que j'ai demandée, qu'est-ce que l'on peut faire au Québec pour faire une petite révolution sur le plan des transports et diminuer notre consommation de carburants fossiles?

Le Président (M. Paquin): M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney): Là, vous avez exclu pas mal une grosse partie de ma réponse. Je pense, ce qui reste, quand on regarde... Dans le fond, si on exclut les centres urbains, là ? c'est un peu ça que vous êtes en train de me dire ? il resterait à voir à la possibilité de réglementer l'efficacité énergétique des voitures. À mon avis, il y a encore... il y a une question constitutionnelle à ce niveau-là: Est-ce que le Québec pourrait réglementer l'efficacité énergétique des voitures d'une façon ou d'une autre, par une porte ou une autre? Il faudrait le regarder. Le fédéral, pour l'instant, ne semble pas le faire. On espérait qu'il l'annoncerait hier, justement; ça n'a pas été fait. Bon, s'il le fait, tant mieux. Mais, s'il ne le fait pas, est-ce qu'on pourrait évaluer cette possibilité-là, d'une part?

D'autre part, j'ai siégé au comité de transport des groupes qui étaient chargés par le gouvernement du Québec d'examiner quel devrait être un plan d'action pour le Québec en matière de réduction des gaz à effet de serre, et une mesure qui semblait intéressante, c'est la mesure qu'on appelle redevance-remise. Donc, c'est une mesure qui est neutre d'un point de vue des revenus, où simplement on va demander une redevance à des consommateurs qui vont choisir des véhicules plus polluants et on va faire une remise à des consommateurs qui vont choisir des véhicules plus efficaces. Donc, c'est neutre d'un point de vue et des revenus de l'État et pour les consommateurs globalement, mais ça envoie un message de marché important. Si on fait ça, il faut que ce soit une redevance-remise importante, il faut parler de quelques milliers de dollars parce que, quand on achète une voiture de 15 000 $, 20 000 $, ou 40 000 $, si la redevance est 100 $, ça n'aura aucun impact sur le marché. Ça fait qu'il faut... Mais ça, ce serait un exemple de ce qu'on pourrait faire qui pourrait avoir un impact bénéfique ultimement pour l'ensemble des consommateurs, puisqu'ils vont gagner au niveau des économies qu'ils feront en termes d'essence.

Le Président (M. Paquin): Malheureusement, M. le député, il ne reste plus de temps. M. le député du Lac-Saint-Jean, le député de Montmagny me demande de lui accorder 30 secondes pour une question qu'il na pas pu poser. Il y a consentement? M. le député de Montmagny, vous avez le privilège.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Simplement pour vous dire que votre gouvernement du Québec est très à l'affût du développement durable étant donné qu'on a été mandatés, mon collègue de Lac-Saint-Jean et moi-même, au congrès, à Paris, sur la biodiversité, science et gouvernance. Et je peux vous dire qu'on était, sur 100 pays, trois parlementaires, dont deux du Québec.

Le Président (M. Paquin): Merci. Donc, madame, messieurs du groupe Équiterre, merci de votre présentation à l'Assemblée nationale.

Je suspends donc les travaux de la Commission de l'économie et du travail à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Jutras): Nous allons reprendre nos travaux étant donné que nous avons quorum. Nous entendons maintenant la Table de concertation de l'industrie électrique. Alors, messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la Commission de l'économie et du travail.

Alors, vous connaissez les règles, je vous les rappelle. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par après un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition. Alors, je vous demanderais de commencer sans plus tarder, en vous présentant d'abord, présentant la personne qui vous accompagne et par la suite votre mémoire.

Table de concertation
de l'industrie électrique (TCIE)

M. Gauthier (Pierre): Très bien, merci. Mon nom est Pierre Gauthier, je suis président d'Alstom Canada. Et je suis accompagné de M. Sylvain Bulota. M. Bulota est le responsable des activités gouvernementales et communications de GE Canada. Je remplace M. Paul Dufresne. Alors, je salue M. le ministre et tous les membres de la commission, mesdames et messieurs.

La Table de concertation de l'industrie électrique a été créée en mai 1999 pour succéder à la grappe industrielle. Elle est composée des instances du Développement économique et régional et des Ressources naturelles et de la Faune du gouvernement du Québec, des centrales syndicales de la FTQ et de la CSN, de l'Association de l'industrie électrique du Québec et des entreprises les plus importantes du secteur de l'énergie. Évidemment, le présent mémoire ne reflète la position que des membres industriels et syndicaux et exclut évidemment celle de nos membres du gouvernement du Québec.

Alors, au niveau de l'évolution de l'industrie, entre 1990 et 2000 et en particulier suivant l'annonce du report du projet hydroélectrique de Grande-Baleine, il y a eu très peu de projets énergétiques au Québec. Cette baisse du marché québécois a modifié grandement l'industrie locale. Faute de demande, les manufacturiers ont intensifié l'exportation de leur savoir-faire avec un certain succès, comme le démontre notre rapport. Par contre, les sociétés manufacturières ont plutôt axé leurs nouveaux investissements en matériel de production vers des pays à plus forte demande, tels la Chine, le Brésil et l'Inde. Il faut noter ici qu'un des éléments les plus importants pour des sociétés dont nous appartenons, c'est le marché.

Alors, nous sommes tous heureux de voir que, depuis quelques années, il y a une reprise sur les projets, et en particulier du côté hydroélectrique. Mais nous sommes encore bien loin des années soixante-dix et quatre-vingt. Bien que les manufacturiers portent une grande attention à leurs coûts de production, la demande pour leurs produits affiche une bien plus grande importance, de là les investissements qui se font à l'extérieur. Parce que, même si on voit aujourd'hui une reprise des projets, ce n'est pas suffisant pour vraiment intéresser surtout les entreprises à caractère multinational.

Au niveau des facteurs de succès, il est important de noter que plus de 60 % de l'industrie électrique canadienne est localisée au Québec. C'est un fait historique lié à la demande d'Hydro-Québec et à sa politique de contenu québécois. Alors, il est évident qu'au niveau de la Table de concertation nous recommandons fortement de maintenir cette politique en place. Il ne faut pas être naïf, les plus grands marchés qui normalement, par eux-mêmes, attirent les manufacturiers comme la Chine, le Brésil ont aussi des barrières tarifaires très importantes. Dans le cas de la Chine, on parle de 40 %. Alors, vous ne vendez pas en Chine si vous n'êtes pas en Chine. Et c'est un peu ce qui a créé l'industrie ici, au Canada, et qui l'a attirée surtout au Québec. Même aux États-Unis, bien qu'il n'y ait pas de barrières tarifaires officielles, je peux vous assurer qu'ils ont des mécanismes qui évaluent les offres provenant de hors ALENA en fonction du prix total qui est octroyé, et c'est la raison pour laquelle vous voyez très peu de commandes octroyées par les Américains hors de l'ALENA.

n(14 h 10)n

La Table de concertation de l'industrie électrique a aussi par le passé critiqué la durée des délais d'autorisation pour les projets hydrauliques. Nous sommes heureux de voir une amélioration sensible des délais, mais il n'en demeure pas moins que ces délais sont souvent encore plus longs que des processus comparables pour des sources d'énergie thermique et même charbon, dans d'autres provinces. Et on parle dans certains cas presque du simple au double. Il faut maintenir ces efforts de réduction, puisque ces délais-là coûtent beaucoup cher.

Notre perception concernant les perspectives d'avenir. Bien, au niveau de l'éolien, il y a eu un virage important qui a été fait au cours presque de la dernière année. Celle-ci effectivement complémente très, très bien la filière hydraulique. Il faut par contre réaliser que cette forme d'énergie doit toujours s'accompagner d'une source de production constante et que le potentiel sera toujours limité à un faible pourcentage de la demande totale. On n'argumentera pas sur les chiffres, mais il n'y aura pas des dizaines de milliers de mégawatts au Québec, c'est certain. Un point particulier aussi, la filière éolienne a aussi un avantage, c'est qu'elle contribue à la création d'emplois. Il n'existe pas, du côté thermique, de manufacturiers vraiment importants au Canada.

Concernant la filière thermique, elle est encore une source d'énergie très exploitée partout dans le monde. Puis ici, quand on parle du gaz, du charbon, c'est du thermique. Il faut noter que l'amélioration des technologies, au cours des années et pour le futur qui s'en vient, a diminué et va diminuer de beaucoup les émissions atmosphériques. Alors, souvent, on voit le thermique comme étant sale; ce n'est pas tout à fait vrai. Nos voisins du Sud en font maintenant une exploitation généralisée en l'absence de ressources hydrauliques et aussi en alternative au nucléaire. Cette filière peut être particulièrement utile pour combler évidemment les besoins de pointe.

Sur l'hydraulique, je retiens un peu mon souffle, mais c'est une aberration que de voir que le Québec deviendra sous peu un importateur net d'électricité quand il existe au-delà de 20 000 MW de génération économiquement exploitable en hydroélectricité. Cette ressource propre, renouvelable et économique fait l'envie de tous les pays. Et je peux vous dire, parce qu'on fait affaire dans tous les pays de par le monde, cette énergie, si elle est disponible, est toujours la première à être exploitée. Puis, quand ils l'ont toute exploitée ? comme aux États-Unis, il y a plus de 100 000 MW hydrauliques ? ils la renouvellent, ils l'améliorent. Ils sont rendus à la troisième génération, et l'Europe, c'est pareil. Il est clair que cette ressource peut être un avantage compétitif pour le Québec. Il n'y a pas de question à se poser, le Québec possède les ressources hydrauliques, on n'a pas à attendre pour les développer.

Petit mot sur la filière nucléaire, qui est la filière canadienne CANDU. Eh bien, c'est une possibilité à long terme. Il ne faut pas complètement l'éliminer parce que, lorsque les autres sources auront été épuisées ou seront économiquement moins rentables, c'est encore aujourd'hui la seule qui reste. En passant, à part des déchets radioactifs, dont il faut en disposer, c'est une source quand même relativement propre.

En conclusion, le Québec dispose de tous les atouts pour ses besoins et même ceux des autres. Parce que, si on devient un importateur d'électricité, dites-vous bien que cette électricité-là, elle ne sera pas hydraulique en bonne partie, elle va être thermique, parce que c'est de là qu'elle vient. Et on les fait, ces projets-là, dans le Sud, et c'est là que cette production-là se fait actuellement. Nous avons l'énergie en abondance, hydroélectrique. Nous avons la technologie. Vous avez deux manufacturiers, en fait deux des trois manufacturiers nord-américains sont situés au Québec. Donc, technologie à la fine pointe, les installations manufacturières requises et aussi la main-d'oeuvre qualifiée ? on en a fait, des barrages, dans le passé. Alors, il ne reste qu'une conclusion à faire, c'est: Qu'attendons-nous pour développer ce potentiel? J'ai été bref? Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Gauthier. Et je demanderais maintenant à... Je donne la parole à M. le ministre.

M. Hamad: Merci, M. le Président. M. Gauthier, M. Bulota, bienvenue, merci. Et vous n'avez pas changé votre style, vous êtes toujours bref et concis, mais c'est directement au point. Comme on dit en bon français, c'est...

Première question. Vous avez fait un lien intéressant entre, mettons, le type de production et le fait que, mettons, ici, au Québec, on a fait beaucoup d'hydroélectricité, donc il y a beaucoup d'industries qui fabriquent des turbines au Québec puis reliées à ça. Aux États-Unis, il y a des fabricants de turbines à gaz là-bas parce qu'ils en utilisent beaucoup. Dans le cas où on enlève le moratoire sur les petites centrales... On sait que les petites turbines ne sont pas fabriquées au Québec. Les petites pour les petites centrales, on parle de 5 MW, 10 MW. Et, si ce moratoire-là est enlevé, est-ce qu'il y aura selon vous une fabrication de turbines au Québec?

M. Gauthier (Pierre): Je vais répondre avec un conditionnel. Parce que les petites turbines ont déjà été fabriquées au Québec, et il y en a encore dans une certaine mesure, ça dépend évidemment des catégories, mais le conditionnel que je mets, c'est que ça dépend des tarifs. Au niveau des petites turbines, le niveau des tarifs en général a forcé l'industrie à être le plus économique possible afin de rendre l'ouvrage rentable pour le producteur d'énergie. Ce faisant, ces petits ouvrages là, bon, l'ingénierie peut être faite ici, mais ils sont fabriqués dans des endroits à plus faible coût.

Et l'exemple que je peux vous apporter, c'est, par exemple, dans le cas d'Alstom. Nous les fabriquons au Brésil pour la simple raison que notre taux horaire est le taux journalier de notre usine brésilienne. Alors, c'est dur, compétitionner là-dessus. Ce n'est pas le seul élément. O.K.? Mais, quand vous tombez dans les petites turbines donc, dépendant des tarifs qui sont octroyés, vous pouvez avoir raison, comme il peut y avoir aussi des manufacturiers qui peuvent le faire.

M. Hamad: Quand vous avez parlé de Grande-Baleine ? ça, on parle des années 1994-1995 ? vous avez dit: Il n'y a pas eu d'autre chose après. Et pensez-vous que ce phénomène-là affecte aujourd'hui le besoin de... Parce que tantôt vous avez dit, après, un petit peu après, vous avez dit qu'on n'aimerait pas ça que Québec soit un importateur net, finalement. Vous parlez de 2006-2007, probablement. Alors, est-ce qu'il y a un lien entre les deux?

M. Gauthier (Pierre): Bien, le lien qu'on fait, c'est qu'évidemment il y a une capacité industrielle qui s'est créée ici, au cours des années soixante, soixante-dix, lorsque la demande était très, très forte. Cette demande-là ayant, pendant quelques années, presque disparu, ce n'est pas du jour au lendemain que, les sociétés ici, on peut se tourner vers des marchés externes. Et, comme je l'ai expliqué, certains des plus gros marchés comme le Brésil et la Chine, c'est fermé. O.K.? Il ne faut pas se leurrer, on n'a pas accès à ça. Et ce n'est pas juste le Québec qui n'a pas accès, c'est la planète entière. Alors, si vous ne faites pas les investissements en Chine, vous ne vendez pas en Chine, c'est aussi simple que ça.

Alors, il y a eu quand même une amélioration notable. Mais ce qui s'est produit, c'est qu'il y a eu rationalisation, modification des équipements, et certainement, des nouveaux investissements en augmentation de capacité de production, ça ne s'est pas produit. Et c'est encore fragile. Et donc, enfin on est bien heureux de la reprise, mais, si cette reprise-là n'est pas constante, le portrait peut encore changer. Interprétez pas ça comme une menace, c'est tout simplement économique. Alors, nos patrons regardent où se trouvent les marchés et ils vont s'installer où sont les marchés. C'est ce qui s'est produit.

n(14 h 20)n

M. Hamad: Comme vous le savez bien, Hydro-Québec, avec l'appui du gouvernement du Québec, on a annoncé un plan d'investissement majeur d'Hydro-Québec pour les prochains 19 ans, de 3,5 milliards de dollars. Ça, est-ce que ça quand même encourage une industrie à continuer à consolider ses activités au Québec?

M. Gauthier (Pierre): Tout à fait. C'est d'excellentes nouvelles. Par contre, si ces investissements-là se traduisent par achats hors Québec, bien, là, on n'a rien gagné. Alors, c'est pourquoi que... Bon, on comprend très bien aussi qu'un client tout aussi important qu'Hydro-Québec doit maintenir ses coûts le plus bas aussi, mais il faut aussi mettre là-dedans des formules qui font qu'on équilibre les choses vis-à-vis d'autres endroits du monde. Et il faut tenir compte aussi qu'Hydro-Québec s'est quand même dotée d'un réseau de haute qualité, au cours des années, avec des spécifications bien propres à celle-ci. Et, si on ne maintient pas ça, bien, là, on achète quelque chose de différent auquel... à ce moment-là, ce n'est peut-être pas les manufacturiers locaux qui sont bien équipés pour faire cette gamme différente de produits.

M. Hamad: Dans le domaine éolien, avec le premier appel d'offres de 1 000 MW avec les usines de fabrication qui va avoir lieu en Gaspésie, Matane, pensez-vous que ça devient une base intéressante pour bâtir d'autres choses ailleurs que pour les besoins... quand je dis «d'autres choses ailleurs», pour répondre aux besoins extérieurs du Québec? Est-ce qu'on est là, on s'en va là?

M. Bulota (Sylvain): C'est l'idée originale et c'est ce que c'est que notre compagnie... Il y a certaines choses qui ont déjà été annoncées. Du moins, le choix et la sélection des fournisseurs, des sous-traitants de composantes telles que les tours, ça a été annoncé la semaine passée que le choix s'est arrêté sur la compagnie Marmen, qui va établir, conditionnellement à ce qu'on s'entende avec nos clients, Cartier et Northland, là... C'est en négociation présentement. Aussitôt que ça, ce sera terminé, alors le feu vert sera donné pour implanter les usines de tours et d'assemblage de nacelles à Matane. Et aussi, ce qui n'a pas été annoncé mais ce qui est bien su dans le domaine, c'est que la compagnie LM Glasfiber a été choisie et s'est entendue aussi avec la compagnie Générale Électrique pour implanter une usine de fabrication de pales à Gaspé. Et encore là c'est conditionnel à ce que les contrats soient signés entre GE, et Cartier, et Northland.

Maintenant, ces usines-là, on a discuté et négocié effectivement. GE regarde toujours ses fournisseurs comme des fournisseurs à leur réseau. Donc, ce n'est pas simplement seulement pour la fabrication pour les projets de la Gaspésie, mais c'est pour fournir au réseau GE. Donc, principalement, c'est pour rencontrer les besoins de 60 % de contenu gaspésien, mais aussi c'est que ça nous prend un prix compétitif et une qualité qui est capable de rencontrer la compétition nord-américaine et même mondiale.

M. Hamad: En termes de main-d'oeuvre, comme industrie ? parce que c'est la table qui regroupe tout le monde, l'employeur et l'employé, les représentants des employés ? actuellement, comment vous voyez ça, votre main-d'oeuvre pour les années à venir? Parce qu'on parle d'à peu près un budget d'Hydro-Québec de 3,5 à 4 milliards par année d'investissement. Actuellement, il y a 4 milliards de dollars de projets en cours, on parle d'un autre 5 à 6 milliards de projets à venir. Alors, il y a beaucoup d'investissements au Québec, et ils sont dans les années à venir. Comment vous vous êtes positionnés là-dessus?

M. Gauthier (Pierre): Je vais séparer votre question en deux. C'est-à-dire qu'évidemment une bonne partie de l'emploi va se créer du côté du génie civil ou de la construction des barrages. Évidemment, ça, c'est beaucoup d'emplois, ça, c'est sûr.

Côté manufacturier, par contre, ça va prendre des gros projets. Aujourd'hui, les projets qu'on a vus, c'est quand même relativement petit. Quand on parle des Toulnustouc ou des Péribonka, on parle de 400, 500, 600 MW. On est très loin des 2 000 puis des 3 000 MW qu'on parlait dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Or, si on maintient ce rythme de 300, 400 MW par année, un, on n'arrivera pas à fournir, je pense, la demande même locale, et c'est sûr que ça n'aura pas un impact sur l'accroissement de l'emploi. Si on parle de projets de quelques milliers de mégawatts ? dont on parle aujourd'hui, mais dont on attend toujours le résultat ? c'est sûr que, là, à ce moment-là, ça aura un impact positif sur l'emploi durant cette durée de projets qui est quand même relativement longue, parce que, quand on parle de projets hydroélectriques, on parle de quelques années.

M. Hamad: La Romaine, c'est un bon exemple pour vous, 1 500 MW?

M. Gauthier (Pierre): Oui. Là, La Romaine, on commence à parler de projets qui peuvent avoir certainement un impact. O.K.

M. Hamad: Qu'est-ce que vous en pensez, l'exportation?

M. Gauthier (Pierre): Exportation d'électricité?

M. Hamad: D'électricité, oui, oui. Oui, oui. Ah, ça peut être vos turbines aussi, là.

M. Gauthier (Pierre): Écoutez, demandez à Bombardier est-ce que ça les dérange d'exporter des trains ou à Alstom si ça nous dérange d'exporter des turbines. C'est notre gagne-pain, puis, je veux dire, si on est capables d'exporter, c'est parce qu'on est bons. Alors, l'électricité, si on en a suffisamment ? là, aujourd'hui, ça ne semble plus être le cas, mais ça a déjà été le cas dans le passé ? alors, il n'y a aucun problème à exporter. Je vous assure, vous devriez voir l'activité qui est en train de se générer en Alberta, ils ne se gênent pas pour exporter le pétrole qu'ils font, et au prix du marché. Alors, s'il y a des retombées ? et il y en a clairement, O.K., je veux dire, c'est la seule province au Canada qui n'aura pas de dette bientôt, alors ils l'ont généré d'une certaine façon ? il n'y a pas de honte à ça.

N'importe quel pays dans le monde, s'ils sont capables d'exporter le fruit de leur compétitivité, il n'y a pas de raison de s'en priver, surtout que des ouvrages hydroélectriques, dont le Québec est chanceux d'avoir, c'est des ouvrages centenaires, c'est des choses que les générations bien au-delà, O.K., de tous les gens qui sont ici aujourd'hui vont bénéficier, alors, comme on bénéficie aujourd'hui des décisions, O.K., de nos prédécesseurs qui ont été prises il y a 20, 30, 40 ans. Parce que ces ouvrages-là ont été construits aux dollars de 20, 30, 40 ans, alors, dans 20, 30, 40 ans, il ne faut pas se leurrer, l'énergie, elle ne peut pas arrêter d'augmenter. On le voit, le gaz est très cher, et même le charbon a augmenté de façon substantielle, et il y a une compétition d'ailleurs pour les ressources à travers le monde.

M. Hamad: Dans le même sens, M. Gauthier, il y a plusieurs... bien, plusieurs... très peu de monde sont venus nous parler d'un risque potentiel d'avoir un marché aux États-Unis d'électricité, très peu, là, ce n'est pas généralisé, très peu. Alors, vous, vous connaissez bien le marché, parce que vous couvrez l'Amérique du Nord dans votre compagnie, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

M. Gauthier (Pierre): Bien, le Québec a un gros avantage, c'est que son hydroélectricité en plus, il peut l'accumuler, alors il peut faire des barrages. L'électricité, c'est difficile à accumuler. La seule façon de le faire... Je veux dire, les grosses batteries, là, ça n'existe pas. Alors, la seule façon de le faire, c'est de l'accumuler sous la forme d'eau, d'énergie potentielle qu'on va libérer lorsqu'on en aura le plus de besoin. Évidemment, aussi, ici, au Québec, c'est que, comme traditionnellement l'électricité ? et encore elle n'est pas chère comparativement à d'autres ? on s'en sert beaucoup pour le chauffage, alors c'est sûr qu'à ce moment-là la consommation n'est pas égale ni à travers l'année et ni à travers les heures. Donc, l'hydraulique a cet avantage de pouvoir s'adapter et d'accumuler, et en plus a l'avantage où on peut en faire ce qu'on appelle le «trading», c'est-à-dire la vendre lorsque le prix est le plus cher et l'accumuler derrière nos barrages lorsque le prix est le moins cher.

Alors, c'est un énorme avantage, et ça sert aussi nos voisins, que ce soient nos voisins à l'est, au sud ou à l'ouest, ça sert aussi parce qu'eux n'ont pas cette capacité. Alors, eux, lorsqu'ils installent principalement du thermique aujourd'hui... Alors, il y a quelques années, c'était au gaz. Là, le gaz est trop cher. Donc, là, c'est au charbon, tous les projets presque sont au charbon. Alors, lorsque vous avez une centrale thermique, d'arrêter une unité, ça prend plusieurs heures et même des jours à la repartir lorsque le besoin se fait sentir, alors c'est sûr que vous y pensez deux fois. Alors, d'avoir un voisin comme le Québec qui est capable de suppléer à ces modulations de besoins, c'est très, très important.

n(14 h 30)n

M. Hamad: En termes de risques de marché là-bas, de pouvoir vendre de l'électricité, comment vous voyez ça, le marché, avec ce qui se développe actuellement aux États-Unis?

M. Gauthier (Pierre): Bien, si vous parlez le risque politique, il est à peu près nul, hein, O.K.? Le risque économique, en fait c'est un risque... Du côté de mes confrères du Sud et des sociétés avec qui on fait affaire, c'est: Si vous êtes capables de me fournir un produit qui est sécure, O.K. ? ça, c'est très important, la sécurité d'approvisionnement ? à un bon prix, ils vont le prendre. Ça, c'est clair.

M. Hamad: Est-ce qu'on a un bon prix?

M. Gauthier (Pierre): Bien, là, ce n'est pas moi qui vends l'électricité...

M. Hamad: Non, mais vous savez les prix.

M. Gauthier (Pierre): ...mais, si on regarde notre coût de production par rapport à leur coût de production aujourd'hui, on est avantagés, sans aucun doute.

M. Hamad: C'est correct. Pour moi, c'est correct, M. le Président...

Le Président (M. Jutras): Oui, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Merci, M. le Président. Bien, bienvenue, messieurs, merci pour votre mémoire très intéressant, très, très intéressant. M. le ministre vous parlait de si on avait un bon prix, et vous avez parlé de coût de production. Est-ce que vous avez une idée, est-ce que vous savez la différence entre leur coût de production et notre coût de production? Est-ce qu'il y a une énorme différence dans le prix?

M. Gauthier (Pierre): Bon, disons, je vais parler en termes non pas de ce qui est déjà installé. Alors ça, ça change beaucoup. Surtout, comme je parlais de l'hydraulique, si vous l'avez construit il y a 30 ans, bien, comme c'est des ouvrages civils qui ont une durée de terme et que la ressource elle-même ne coûte rien ? je veux dire, elle tombe du ciel ici, là ? alors c'est sûr que vous avez un coût très, très bas.

Je vais plutôt parler en termes de manufacturier, c'est-à-dire que, lorsqu'on a des clients qui nous demandent ou qu'on regarde quel type d'équipement par rapport à un autre, c'est sûr qu'aujourd'hui en termes de gaz, le coût d'investissement est faible, mais le coût de la ressource est très élevé. Donc, actuellement, à moins d'être très mal pris ? c'est-à-dire, vous avez besoin d'électricité très rapidement, parce que c'est le parc de production que vous pouvez mettre le plus rapidement sur le marché ? vous l'éliminez.

La deuxième source la moins dispendieuse côté thermique, c'est le charbon: un investissement quand même important en capital mais une ressource qui est quand même, même aujourd'hui, même si les prix ont augmenté, très peu dispendieuse et assez abondante un peu partout. Et actuellement ce qu'on voit, c'est la ressource. Par contre, vous n'êtes pas garanti du futur. Donc, les prix vont continuer à augmenter.

Et évidemment le nucléaire, c'est la source de capital la plus élevée. Là aussi, vous avez une ressource que vous ne maîtrisez pas totalement le coût.

Et finalement, bien, l'hydraulique, c'est parmi les plus gros coûts en capital. Par contre, la ressource ne coûte rien. Donc, vous êtes assuré dans le futur. Et, comme vous faites vos retours sur investissement et vos calculs sur de longues périodes, c'est actuellement, en termes d'investissement, si vous êtes capable, c'est l'hydraulique qui est le premier qui se fait. Et ça, comme je l'ai dit tantôt, si la ressource existe, partout dans le monde, c'est ça qu'ils vont faire.

Et surtout, si vous avez à la réhabiliter, comme ça se fait actuellement au Québec ou ailleurs, là c'est une fraction du prix total. Alors, par exemple, on est en train de faire Outardes-3, on augmente la production de 30 %, et vous ne touchez pas au barrage. En général, le barrage, c'est 90 % du coût total; l'équipement, ce n'est que 10 %. Vous venez d'aller chercher, là, dans ce cas-ci, je pense, c'est 60 MW par unité pour moins de 10 % de la valeur totale de ce qui est installé. Et actuellement c'est ce qu'on fait aux États-Unis, il y a une quantité effarante de réhabilitations qui se fait, où il y a des mégawatts supplémentaires qui vont se chercher juste par l'amélioration de la technologie. Je ne sais pas si ça répond à votre question. C'est une longue réponse pour...

M. Paquin: Une longue réponse mais bonne réponse. Merci. J'aurais une autre petite question. On parle justement de barrages, d'hydroélectricité. On sait que la demande est de plus en plus forte dans l'électricité dans son ensemble et que la sécurité énergétique, 2005-2006, peut-être qu'on risque d'avoir de la difficulté à arriver à ça. Et les barrages, bien c'est formidable, ça crée de l'emploi. On a des rivières au Québec, on a tout ce qu'il faut pour en faire beaucoup, mais le problème, c'est que, lorsqu'on a décidé de faire un barrage à tel ou tel endroit, avant qu'il soit pratique ou avant qu'il fonctionne, c'est un 10 ans minimum. Qu'est-ce qu'on peut faire pour contrer à ça? Sinon, on va avoir un problème d'ici quelques années.

M. Gauthier (Pierre): Effectivement. Disons qu'aujourd'hui c'est un peu plus complexe parce que, depuis qu'il y a eu déréglementation, les règles ont changé. Auparavant, lorsqu'un producteur était assuré d'un tarif, il pouvait planifier assez bien à long terme. Lorsque les tarifs ne sont pas nécessairement assurés, bien, là, c'est des risques évidemment d'hommes d'affaires, comme toute entreprise doit prendre. Donc, ici, il y a une planification évidemment qui doit être prise en compte, à savoir: Est-ce que j'ai suffisamment de clients? Et est-ce que mes tarifs vont soutenir ça? Alors, il est clair que, dans toutes les estimations que j'ai vues à date, toutes les autres sources d'énergie, que ce soit le nucléaire ou le thermique, c'est une augmentation constante. Personne ne peut voir le gaz naturel diminuer, parce qu'il y en a de moins en moins. Le pétrole, c'est la même chose. Et le charbon, bien qu'il est en grande quantité, c'est quand même une ressource qui coûte un certain prix à exploiter.

Donc, personnellement, on ne voit pas... enfin, la plupart des pays dans le monde ne voient pas de danger à exploiter tout l'hydraulique qu'ils ont bien avant les besoins qu'ils peuvent avoir. C'est sûr que ça prend un acheteur. Mais les acheteurs sont là. Vous avez des marchés énormes au Sud. Vous avez l'Ontario qui en manque aussi. Ils veulent fermer 4 700 MW de charbon, ils ne savent pas comment s'y prendre. Il n'y a pas... Je veux dire, soit ils vont aller nucléaire ou soit ils vont l'acheter. Alors, est-ce qu'ils l'achètent du Québec ou du Manitoba? Ça, ça dépend de l'offre qu'il va y avoir, mais c'est sûr qu'ils ne s'en passeront pas. Alors, à ce moment-là, le futur de l'hydraulique est absolument formidable. Je ressemble à un disque, là, qui se reprend et reprend, mais en anglais on dit: «It's a no brainer».

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Gauthier. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. J'ai des petites précisions puis des petites questions. D'abord, tantôt, vous avez parlé d'Alstom et vous avez dit ? je veux bien m'assurer que j'ai bien compris ? que le taux horaire, donc, ici, au Québec, est équivalent au taux journalier au Brésil en dollars canadiens. C'est ça? C'est quand même incroyable, hein?

M. Gauthier (Pierre): Les différences sont importantes, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Bien oui. Et l'autre chose, vous avez aussi mentionné qu'il y avait... on était menacés d'être importateurs net d'électricité. Vous savez qu'Hydro-Québec, cette année, a quand même exporté malgré la situation. Ses chiffres sont sortis, là, elle n'a peut-être pas exporté dans des volumes que l'on aurait souhaité, mais elle est quand même exportateur, non pas importateur net.

À cet égard-là, ce matin, on a eu ? je ne sais pas si vous les connaissez ? Breton, Banville et Associés qui sont venus nous présenter un mémoire fort intéressant sur une manière d'aborder la question de la planification énergétique. Et, dans leur mémoire, ils ont un tableau qui présente les prix de détail du kilowattheure chez les marchés extérieurs, et c'est bien spécifié: Prix de gros. Alors, ils donnent les prix pour trois... ils donnent un prix combiné, un prix en pointe puis un prix hors pointe. Alors, pour Independent Market Operator, Ontario Hydro, le prix combiné est de 0,0507 $ du kilowattheure; pour Independent System Operator-New England, c'est 0,06 $; pour New York ISO, Independent System Operator, c'est 0,0648 $; et, pour Pennsylvania-New Jersey-Maryland-ISO, 0,0456 $ du kilowattheure. Alors, ces chiffres-là, quand on regarde leurs coûts de production et qu'on regarde maintenant nos propres coûts à nous, devraient nous aider à prendre des décisions.

n(14 h 40)n

Sur les revenus qu'Hydro-Québec... À partir d'un autre rapport qui a été présenté ici, les revenus d'exportation d'Hydro-Québec, dans les meilleures années, étaient de l'ordre de 0,09 $ du kilowattheure. On nous a aussi présenté les chiffres des Manufacturiers et exportateurs qui, eux, disaient retirer de leurs exportations 0,69 $ du kilowattheure dans l'ensemble de l'industrie du Québec, valeur des expéditions exportées par kilowattheure consommé par l'industrie. O.K.? Puis, hier, on a eu... non, ce matin ? excusez, là ? on a eu Alcan qui nous a présenté les chiffres de l'industrie de l'aluminium à 0,143 $ ou 0,144 $ du kilowattheure, exportation par kilowattheure consommé.

Alors, ma question: Entre vendre à 0,09 $ et puis recevoir un revenu... ? je parle toujours en tant que l'ensemble du Québec, là, du gouvernement ? ou vendre à 0,64 $, ou même à 0,15 $, est-ce qu'on ne devrait pas vendre à 0,15 $ ou à 0,69 $ plutôt qu'à 0,09 $?

M. Gauthier (Pierre): Bon. Premier petit point que j'aimerais apporter: quand je parle d'importateur net ? c'est sûr qu'Hydro-Québec exporte toujours et, j'espère bien, va toujours exporter ? c'est la différence entre la quantité de kilowattheures exportés et la quantité de kilowattheures importés. Alors, si je me rappelle des chiffres, en 2002, c'était 25 000 MW/h; en 2003, c'était 5 000 MW/h grosso modo; et là, pour 2004, c'est presque en équilibre; et là, 2005, les projections. Alors, c'est les chiffres qui m'avaient été donnés. Mais, sans s'enfarger dans les fleurs du tapis, c'est sûr que la demande locale a augmenté grandement, ce qui fait que, comme la production n'a pas suivi le même rythme, c'est le déficit, à ce moment-là.

Maintenant, comme toute chose, c'est l'offre et la demande. Alors, c'est sûr qu'actuellement, si votre offre est en équilibre, vous cherchez à maximiser le retour et vous allez le vendre, pour autant évidemment que vous avez des clients, au meilleur taux. C'est différent d'une situation où vous l'avez en abondance et, à ce moment-là, vous pouvez bénéficier d'un avantage compétitif. Alors, ça aussi. Alors, ici, ce qu'on dit dans notre rapport, c'est que le Québec pourrait avoir cet avantage compétitif là s'il exploitait tout le potentiel qui existe. C'est sûr que, s'il ne l'exploite pas, là, à ce moment-là, il doit sélectionner celui qui est prêt à payer le meilleur prix pour.

Maintenant, il faut faire attention aussi aux chiffres que vous donnez. Je crois que ces chiffres-là sont représentatifs du parc global. Donc, un investissement qui a été fait il y a plusieurs années évidemment coûte moins cher, disons, en termes de tarif. Par contre, si vous aviez à le remplacer aujourd'hui, vous auriez un impact à la hausse sur ces chiffres-là. Et, dans l'hydro, aussi il faut dire qu'à partir du moment... ou si, aujourd'hui, on décidait de lancer un grand projet, on ne verrait pas les mégawatts avant presque une dizaine d'années. En 10 ans, il y aurait une inflation, c'est sûr, au niveau de ces coûts-là.

Mme Dionne-Marsolais: Le raisonnement tient aussi pour Hydro-Québec. Parce que, si on construit pour exporter, on va payer les prix d'aujourd'hui. Donc, le coût par kilowattheure, à l'année de mise en service, ne sera pas le même que celui d'aujourd'hui, malgré le fait qu'il est amorti sur 30 ou 40 ans. Et je pense qu'il n'y a personne ici qui est contre l'exportation des surplus que l'on peut avoir; tout le monde est favorable à ça. Et en plus tout le monde est favorable à ce qu'Hydro-Québec fasse du courtage, du commerce de l'électricité sur le marché nord-américain.

L'autre question que je voudrais aborder avec vous, vous avez parlé de la politique préférentielle, hein. La politique d'achat, je pense, que vous l'appelez. Et là-dessus vous avez parlé des marchés fermés. J'aimerais ça que vous soyez un petit peu plus précis. Parce que, GE et Alstom, vous avez eu des contrats en Chine, pour les Trois Gorges notamment, là ? je m'en souviens parce qu'à l'époque j'étais près de ces choses-là. Et ces contrats-là ont été accordés à GEC Alstom Canada et GE Canada à Montréal, ou au Québec, là, disons. Et est-ce qu'en contrepartie vous avez dû faire des investissements ou si c'est maintenant que les marchés sont fermés parce qu'ils ont acquis une compétence pour eux-mêmes produire?

M. Gauthier (Pierre): Bien, j'apporterai une petite correction. Effectivement, GE a eu une partie des Trois Gorges mais pas Alstom Canada. Alstom en a eu une, mais c'est Alstom France et Brésil.

Mme Dionne-Marsolais: Ah oui?

M. Gauthier (Pierre): Oui. Maintenant, Trois Gorges était un élément particulier, c'est-à-dire que c'était un immense projet qui avait un besoin de financement ici. Alors, le financement a joué beaucoup. D'ailleurs, les Chinois ont séparé un peu l'ensemble du projet. Enfin, ce n'était même pas... ce n'était presque pas Alstom ou GE, mais c'étaient la Suisse, le Brésil, la France, le Canada, c'était plus à ce niveau-là. Et il n'y en a pas eu d'autres. O.K.? Donc, il y avait deux éléments ici, financement et technologie, pour lesquels ils ont... Mais ce projet-là s'accompagnait aussi de transfert technologique. Et, pour tous les autres projets, à moins qu'ils soient vraiment mal pris, c'est-à-dire que leurs manufacturiers eux-mêmes soient complètement, à 100 % occupés, ils ne vont pas à l'extérieur.

M. Bulota (Sylvain): Je voudrais rajouter qu'effectivement GE Canada, dans le projet des Trois Gorges, bon, GE, globalement, avait été choisie pour la conception, et, dans les discussions, deux des roues de turbine avaient été accordées à GE et fabriquées à nos usines de Lachine. C'étaient les deux seules, qu'on sache, que je sache, qui ont été fabriquées d'un seul morceau et envoyées en Chine à partir des usines de fabrication en dehors. Les autres ont été assemblées sur place par des composantes qui ont été fabriquées un peu partout. Et, comme Pierre disait, c'était relié à un transfert technologique, et ça, c'était pour la première phase du projet des Trois Gorges. La deuxième phase, les conditions sont tout autres, et il faut que presque que le tout soit fabriqué en Chine.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Donc, en fait, les pays en développement abordent la question de leur développement énergétique de la même façon qu'on l'a fait, nous aussi, d'ailleurs. En fait, c'est un peu de bonne guerre. Mais ce que vous nous dites, c'est que les politiques d'aide, les politiques d'achat d'Hydro-Québec, en privilégiant à l'intérieur des règles de commerce international les fournisseurs locaux ou régionaux, c'est important et ça doit être maintenu. C'est ce que vous nous dites par rapport à la politique d'achat.

Autre question. On sait que le ministre est membre de votre Table de concertation et dans... Je vais vous poser la question à vous parce que le ministre ne me répondra pas, mais peut-être que, vous, vous allez me répondre. Vous parlez des délais d'autorisation et vous dites que les signaux provenant du gouvernement fédéral sont inquiétants. Or, on sait que le gouvernement du Québec a beaucoup travaillé pour l'harmonisation des règles des autorisations environnementales. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous dites ça, là? Qu'est-ce qui vous inquiète, là, dans ce qui se passe en ce moment?

M. Gauthier (Pierre): Enfin, ce qui nous inquiète, c'est que le processus, au lieu d'être parallèle, soit séquentiel. Et là, à ce moment-là, vous venez automatiquement de rajouter une strate supplémentaire de délais. Alors, c'est ce qui nous inquiète un peu, et il faut que les règles soient très, très claires à ce niveau-là. Puis, comme on disait, si c'est bon, si l'hydro est bon, O.K., si c'est propre, bien il faut que les mots, à ce moment-là, aillent avec la musique. Et puis c'est curieux que des projets thermiques, O.K., dont les émissions même vont contre l'engagement de Kyoto prennent moins de temps à être approuvés qu'un projet hydraulique, et aux deux paliers, en passant.

Mme Dionne-Marsolais: Dans ce contexte-là, quand vous dites, là... Si j'ai bien compris, c'est qu'il est question que le processus soit séquentiel. Donc, après celui du Québec viendrait le processus d'autorisation fédéral?

M. Gauthier (Pierre): C'est ce qui nous inquiète, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Et c'est ce qui se discute en ce moment? C'est nouveau, ça.

M. Gauthier (Pierre): Non, je ne dis pas que c'est ce qui se discute, on dit: Ça fait partie de nos inquiétudes.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. D'accord. Alors, on vous entend puis on va demander... Ah bon, le ministre nous dit que c'est réglé. Ah, donc, c'est fini? Donc, l'inquiétude n'est plus là? Peut-être qu'on peut demander au ministre de compléter, il n'était pas à la table quand vous avez fait le mémoire.

M. Hamad: ...non, c'est correct. Ça démontre que je n'étais pas avec eux autres.

Le Président (M. Jutras): Oui, M. le ministre.

n(14 h 50)n

M. Hamad: Merci, ma collègue la députée. En fait, l'entente a été signée en mai 2004 avec le ministère de l'Environnement du Québec et le fédéral pour faire justement l'harmonisation des procédures. Donc, ça s'est fait.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, est-ce qu'à ce moment-là l'aspect séquentiel dont parlait le président de la table, c'est réglé aussi?

M. Hamad: ...harmoniser actuellement les deux ministères, Environnement au Canada et notre ministère de l'Environnement.

Mme Dionne-Marsolais: Mais c'est un à la suite de l'autre ou en même temps?

M. Hamad: Non, non. Non, ils travaillent ensemble. Ils travaillent ensemble. Ils travaillent ensemble.

Mme Dionne-Marsolais: Ils travaillent ensemble. Ça ne veut pas dire qu'ils travaillent en même temps, ça.

M. Hamad: Ah, bien, nous autres, quand on travaille ensemble, on travaille en même temps.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Donc, vous avez la réponse à votre préoccupation. Ce n'est plus une préoccupation à ce niveau-là, et on est bien contents de l'entendre. Vous n'avez pas abordé la question de la recherche et du développement. Est-ce qu'il y a une raison?

M. Gauthier (Pierre): Vous voulez dire en tant que manufacturiers?

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Gauthier (Pierre): Oui. O.K. Bien, si on parle de l'hydraulique, parce que disons qu'au Québec c'est une grosse partie...

Mme Dionne-Marsolais: ...l'industrie électrique, là, parce que...

M. Gauthier (Pierre): Oui. Enfin, il se fait de la recherche et développement. Elle est souvent centralisée aux endroits d'où originent les technologies. Mais, dans le cas ici de mon confrère, ils ont toutes les installations, je crois, à Montréal.

M. Bulota (Sylvain): Dans le cas de Générale Électrique, dans l'hydraulique, ça va par centres d'excellence, et Lachine, les usines de Lachine sont un des centres d'excellence de GE Hydro. Par contre, il y a de la recherche-développement qui se fait dans tout le réseau Générale Électrique, que ce soit à Lachine, ou nos usines de Peterborough, pour le côté des alternateurs, ou, si on a besoin de quelque chose de plus pointu, ça peut être fait à Schenectady ou un autre centre de recherche de GE.

Mais ça fait partie de la façon de travailler de Générale Électrique. Il y a toujours de la recherche-développement qui est associée aux produits là où l'ingénierie ou la fabrication est faite. Ça fait qu'on a effectivement de la recherche-développement, mais ce n'est pas... Ce genre de travail se fait moins exporter directement, mais indirectement, encore là, la globalisation se fait aussi, comme les travaux peuvent se faire faire par des gens qui ont des doctorats aux Indes ou en Chine, alors des mandats ponctuels. Donc, ça aussi, il y a un facteur risque s'il n'y a pas le niveau de support adéquat pour garder ces genres de travaux là ici, au Québec ou au Canada.

Mme Dionne-Marsolais: Petite question avant de terminer, là: Pouvez-vous nous faire parvenir après les valeurs des dépenses de recherche et de développement de tous les membres de votre table, là, de l'industrie, par rapport à la valeur des ventes de votre industrie au Québec? C'est beau? Merci.

Le Président (M. Jutras): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale et merci pour votre mémoire. Alors, à la lecture de votre mémoire, vous privilégiez bien entendu la filière hydroélectrique. Alors, en page 6: «Du point de vue industriel, la filière hydroélectrique doit demeurer la filière privilégiée; ses retombées régionales sont fort intéressantes.»

On reçoit beaucoup de groupes ici, bon, des groupes qui sont pour ? parce qu'il y a des visions différentes ? pour les minicentrales, à certains égards il y a des municipalités qui sont d'accord parce qu'il y a un retour du balancier versus soit la municipalité et la MRC, d'autres groupes qui sont contre par rapport à certaines conditions environnementales. Est-ce que vous avez une position là-dessus?

M. Gauthier (Pierre): Bien, c'est une question d'économie d'échelle ici. Et disons que rarement vous allez voir des petites centrales avec des barrages. Donc, là, on retrouve plutôt ce qu'on appelle des types au fil de l'eau. Alors, c'est sûr ici qu'il y a un potentiel, je pense que ça vaut la peine aussi d'être regardé, mais ce n'est pas ça qui va, un peu comme on disait avec l'éolien, qui va changer grandement le portrait de la sécurité d'approvisionnement du Québec.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Jutras): Ça va? Alors, merci, messieurs.

Et je demanderais maintenant aux Partenaires socioéconomiques de la MRC de Manicouagan de bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Alors, je souhaite la bienvenue aux Partenaires socioéconomiques de la MRC de Manicouagan, des visages qu'on a déjà vus il n'y a pas si longtemps. Alors donc, bienvenue.

Je vous rappelle quand même les règles ? vous devez vous en rappeler quand même, mais en tout cas ? c'est: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; après, 20 minutes pour un échange avec les députés ministériels; 20 minutes par après pour un échange avec les députés de l'opposition. Alors, je vous demanderais d'abord de vous présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite procéder à la présentation de votre mémoire.

Partenaires socioéconomiques
de la MRC de Manicouagan

M. Gagné (Georges-Henri): Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, permettez-nous, premièrement, de vous saluer mais surtout de vous remercier pour l'opportunité qui nous est offerte de pouvoir intervenir dans le cadre de cette commission qui porte sur l'avenir énergétique du Québec.

Nous voudrions également, avant d'entreprendre notre exposé, vous présenter les gens qui nous accompagnent. Comme vous l'aurez sûrement remarqué, plusieurs des personnes ici présentes l'étaient également à la présentation du mémoire de la Coalition pour la modernisation de l'aluminerie Alcoa à Baie-Comeau. En fait, suite à cette première apparition, nous avons cru bon de modifier notre alignement.

Nous sommes heureux d'avoir avec nous Mme Viviane Richard, présidente de la Société d'aide au développement des collectivités de Manicouagan. Vous aurez bien sûr reconnu M. Ivo Di Piazza, maire de la ville de Baie-Comeau et préfet suppléant de la MRC Manicouagan; M. Sylvain Brisson, président de la Chambre de commerce de Manicouagan; M. Pierre Rousseau, président du Service d'actions entrepreneuriales de Manicouagan; M. Patrick Ferrero, président du Centre local de développement de Manicouagan, qui fera également la présentation de notre exposé; et moi-même, Georges-Henri Gagné, maire de Ragueneau et préfet de la MRC Manicouagan.

Par notre mémoire, nous voulons, dans un premier temps, vous dresser un portrait de la base économique traditionnelle de notre région et du virage que nous souhaitons qu'elle fasse. De plus, nous nous permettons d'émettre des commentaires sur l'avis de M. Pierre Fortin, l'expert retenu par la commission. Ces commentaires, nous les faisons en fonction de ce que nous vivons dans une région que nous occupons et que nous voulons développer. Enfin, nous proposons certaines pistes qui permettraient de redonner un élan au développement économique de la Manicouagan. Pendant la présentation que vous fera M. Ferrero, nous souhaitons que vous vous imaginiez être des résidents de la Manicouagan. Alors, je vous remercie et je vous laisse aux bons soins de mon ami Patrick.

M. Ferrero (Patrick): Bonjour. Dire que ce sujet de l'avenir énergétique interpelle de façon particulière les hommes et les femmes de la Côte-Nord est certes un euphémisme, puisque nous, gens de la Côte-Nord, sommes nés de cette ressource extraordinaire qu'est l'hydroélectricité. Qui plus est, nos communautés ont développé au fil des ans des liens privilégiés et de réels partenariats avec Hydro-Québec.

Dans cette présentation, il ne sera pas question du projet de modernisation de l'aluminerie Alcoa à Baie-Comeau mais d'un enjeu beaucoup plus important encore. En fait, nous sommes persuadés que le Québec et plus particulièrement l'ensemble des régions dites de ressources se retrouvent aujourd'hui à la croisée des chemins. Dans ce monde de haute technologie et de mondialisation, parler d'énergie, c'est parler d'avenir, car il est indéniable que la stratégie énergétique qui verra le jour suite aux travaux de cette commission aura des impacts majeurs, voire déterminants sur l'occupation du territoire et sur l'avenir des régions.

n(15 heures)n

Une économie à transformer. De toute évidence, l'économie des régions et tout particulièrement celle de la Côte-Nord se doivent de subir de profondes transformations. Si la Côte-Nord peut compter sur de gigantesques ressources ? des forêts, 11 % de la production forestière du Québec; des pêches, près de 30 % des débarquements du Québec; de l'aluminium, 30 % de la production du Québec; de l'hydroélectricité, plus de 30 % du parc d'Hydro-Québec; et des mines ? force est d'admettre que ces dernières sont malheureusement très peu transformées en région.

Mais la Côte-Nord, c'est aussi: un réseau de transport déficient qui pénalise son développement; une traverse qui occasionne des pertes annuelles de 2,5 millions de dollars à une industrie forestière déjà mal en point; un centre de recherche qui, encore après cinq ans, éprouve des difficultés à prendre son envol; une région qui ne compte aucune université; un bilan migratoire négatif et une démographie qui ne cesse de se détériorer, et ce, malgré les affirmations de l'expert M. Pierre Fortin qui nous dit, en parlant notamment des centrales hydroélectriques, et je cite: «Les projets de construction en cours ou à l'étude apportent une contribution importante aux communautés d'accueil en région. De bons emplois sont créés non seulement par les chantiers de construction, mais également par le fonctionnement régulier après la mise en service.» Malheureusement, dans le cas de la MRC Manicouagan, cette dernière a perdu 4,5 % de sa population entre 2000 et 2004, laquelle est passée de 34 952 à 33 363, et ce, malgré la réalisation du projet de la Toulnustouc.

Il est évident pour notre région tout comme pour l'ensemble des régions ressources que contribuer à l'essor du Québec constitue un objectif de tout premier plan. De multiples efforts y sont consacrés, et ce, par l'ensemble des intervenants. Tous reconnaissent que le modèle de développement des années cinquante, fondé sur la simple extraction et exportation des matières premières sans transformation, est non viable pour les régions. Ce modèle, qui a laissé la région sans institution de haut savoir et de recherche, avec une main-d'oeuvre sous-scolarisée et un entrepreneurship déficient, doit être abandonné. Il est plus qu'urgent que notre structure industrielle passe d'une économie de chantier à une économie durable.

Pour opérer cette transformation, les décideurs et les intervenants locaux et régionaux ont reconnu qu'il fallait investir dans le savoir, la recherche et le développement, les institutions et les centres capables d'attirer et de retenir des producteurs de savoir et de valeur ajoutée. En cela, la région est tout à fait en harmonie avec les orientations gouvernementales concernant le développement régional. Ne lit-on pas dans Devenir maître de son développement: «La question du pouvoir d'attraction des régions se pose avec acuité. La vitalité des régions dépendra, au cours des prochaines années, de leur capacité d'attirer des jeunes et des immigrants. Pour s'établir et demeurer en région, les jeunes familles doivent pouvoir y trouver des services, des emplois et une qualité de vie qui répondent à leurs attentes.»

Les intervenants régionaux reconnaissent également que la transformation de l'économie régionale doit se faire d'une manière harmonieuse. Les industries traditionnelles représentent encore une fraction substantielle de l'économie de la région et demeurent des employeurs et des partenaires importants. Ce n'est pas parce que la baisse de leur importance relative est prévue et même souhaitée qu'il faut s'empresser de leur retirer les quelques avantages comparatifs dont elles bénéficient encore et ainsi accélérer leur déclin et l'exode de la population. Pareille éventualité rendrait la transformation de l'économie beaucoup plus difficile, voire impossible.

Une transformation harmonieuse signifie également qu'il faut choisir toutes les occasions pour amener les industries traditionnelles à investir dans la transformation de leurs produits et d'en accroître ainsi la valeur ajoutée sur place. En fait, il est primordial pour les régions de s'associer à ces grandes entreprises afin de créer des partenariats solides, car c'est une question de survie réciproque. C'est dans cet esprit qu'un plan de relance de la MRC de Manicouagan visant la reconversion industrielle par l'innovation a été défini et plusieurs orientations et projets novateurs ont été élaborés et financés. Mais il faut faire bien plus et il faut le faire beaucoup plus vite.

L'avis de l'expert. Dans son avis, M. Pierre Fortin, économiste retenu par la commission, fait état de plusieurs propositions que nous aimerions à notre tour commenter.

Au niveau du rétablissement de la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec, nous partageons de toute évidence l'avis de M. Fortin sur ce point. D'ailleurs, nous applaudissons les études en cours de réalisation et le lancement éventuel du projet de La Romaine sur la Côte-Nord. En fait, pour nous, il s'agit non seulement de rétablir la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec, mais également de développer l'ensemble des filières énergétiques du Québec afin que nous puissions nous doter d'un avantage distinctif. Évidemment, on ne saurait parler de développement énergétique sans parler d'efficacité énergétique, concept auquel nous adhérons.

À notre avis, il est également important de mentionner que le rythme de rétablissement de la marge ne doit pas primer de façon systématique sur l'ensemble des dossiers énergétiques, car de belles opportunités pourraient nous échapper. Certes, l'année 2003 doit servir d'avertissement et inviter à la prudence, mais elle ne doit pas conduire à faire du rétablissement de la marge de manoeuvre une priorité nationale absolue.

Au niveau de la vente d'énergie court terme, nous sommes d'accord avec l'orientation qui consiste à utiliser au maximum la marge de manoeuvre et les capacités de stockage du réseau d'Hydro-Québec ? dont près de 25 % incidemment se retrouvent sur le territoire de la région Manicouagan ? pour échanger et vendre de l'énergie de court terme. Il s'agit effectivement d'opérations éminemment rentables. Nous pensons toutefois que les revenus extraordinaires provenant de ces transactions devraient servir à financer les fonds de développement et de transformation des économies régionales.

Pourquoi? Eh bien, parce que les installations de production et de transport d'électricité d'Hydro-Québec ne profitent pas aux municipalités qui les hébergent, puisqu'elles ne sont pas portées au rôle d'évaluation des municipalités. Le principe de constituer des fonds régionaux pour les régions ressources et les MRC ressources avait été reconnu par la Commission d'étude sur la maximisation des ressources naturelles dans les régions ressources. Dans ses recommandations, la commission faisait état de fonds régionaux pour les régions ressources de l'ordre de 45 millions par année à compter de l'année 2003-2004, et ce, pour les cinq années subséquentes. Pour la Côte-Nord, ce fonds était de l'ordre de 8 millions. Pourtant, ce fonds n'a toujours pas été constitué, tout comme d'ailleurs la déconcentration d'Hydro-Québec. Il est vrai que la Côte-Nord compte 1 215 travailleurs d'Hydro-Québec, mais faut-il rappeler que ce nombre constitue seulement 5,6 % de la main-d'oeuvre totale d'Hydro-Québec, alors qu'on retrouve 30,6 % de la puissance installée sur ce même territoire.

Lors de la construction du complexe Manic-Outardes, il n'existait aucun programme de compensation, car la pratique n'existait tout simplement pas. Or, de nos jours, en vertu de ces programmes, à titre d'exemple, le projet de Péribonka, qui est de 385 MW, a donné lieu à la création d'un fonds de développement communautaire de plus de 100 millions pour la communauté innue de Mashteuiatsh et d'un autre du même ordre que se partageront les MRC Maria-Chapdeleine et Fjord-du-Saguenay. Que dire par ailleurs de l'énorme programme de compensation résultant de l'entente de la Baie James? Dans cette optique, ne pourrait-on pas se rappeler que le complexe Manic-Outardes, ce sont huit barrages qui ont une production équivalant à près de 20 fois celle de Péribonka?

Au niveau des contrats à partage de risques et de bénéfices. En ce qui a trait aux interrogations du Pr Fortin concernant les éventuelles conditions de renouvellement des contrats à partage de risques et de bénéfices, nous pensons qu'il est urgent que l'ensemble des intervenants impliqués, dont notamment le gouvernement du Québec et Hydro-Québec, puissent dès à présent s'asseoir avec les intervenants régionaux concernés afin de mieux cerner ces conditions de renouvellement, tout comme d'ailleurs le renouvellement éventuel des droits d'eau. Celles-ci devraient s'inscrire dans les orientations économiques et industrielles des régions.

Il ne faudrait surtout pas attendre quelques mois avant la fin des contrats pour négocier les conditions de renouvellement dans un climat de menace et de délocalisation d'usines, d'autant plus que ces conditions étant pour l'instant inconnues constituent de toute évidence des facteurs d'incertitude importants tant pour la grande entreprise que pour les PME qui gravitent autour. À cet égard, il faut être reconnaissants envers le Pr Fortin qui nous fait prendre conscience que c'est dès maintenant que les parties intéressées doivent définir ce que les contrats de demain devront contenir.

Au niveau des contrats de ventes fermes d'énergie, l'invitation que lance le Pr Fortin d'explorer le marché extérieur des ventes fermes une fois la marge de manoeuvre rétablie et qui a été reprise depuis par plusieurs autres intervenants nous amène à faire part à la commission de notre inquiétude sur ce que nous percevons être un glissement non souhaitable de la politique énergétique en faveur des exportations d'électricité, et ce, au détriment du développement économique et industriel du Québec. L'économie des régions, pour ne pas dire l'économie du Québec, s'est bâtie sur la disponibilité de l'électricité à prix avantageux, et il n'est certes pas honteux de le dire. La politique énergétique du Québec, dans ses diverses formulations depuis 20 ans, a toujours cherché à maximiser le couplage énergie-développement économique.

Souvenons-nous en effet que la politique édictée par le gouvernement libéral en 1990 portait le titre évocateur L'énergie, force motrice du développement économique. On y lisait ceci: «Le secteur énergétique permet au Québec de disposer, grâce aux ressources hydroélectriques, d'un avantage comparatif qui doit être pleinement utilisé dans la compétition internationale. Il est assez remarquable de noter que deux des trois premières activités exportatrices du Québec ? pâtes et papiers et première transformation des métaux ? sont des industries grandes consommatrices d'énergie, pour lesquelles les coûts énergétiques ont une importance cruciale.»

Le premier objectif de cette politique mérite d'être rappelé: «Le gouvernement utilisera l'énergie pour stimuler le développement économique et appuyer le développement régional.»

En 1996, dans L'énergie au service du Québec, on lit, pour ce qui est des industries fortes consommatrices d'électricité: «Le Québec demeure favorable à l'accueil des industries grandes consommatrices d'électricité et à leur développement, pour celles qui sont déjà installées sur le territoire. La priorité portera sur les entreprises qui favorisent la transformation en produits à valeur ajoutée ainsi que sur la diversification du parc industriel québécois. On visera ainsi à créer plus d'emplois par unité de consommation énergétique, à bonifier les transferts technologiques en faveur du Québec et à maximiser les retombées régionales.»

Nous reconnaissons que le contexte énergétique de 2005 est différent de celui des années quatre-vingt-dix, mais l'économie du Québec a toujours une forte composante ressources naturelles dépendante pour sa survie et son développement de l'accès en priorité à l'énergie électrique produite ici. Cette évidence s'applique avec encore plus de force aux régions ressources. Bien que les revenus anticipés des marchés d'exportation soient alléchants, il faudrait démontrer qu'au net il est plus intéressant d'exporter que d'utiliser l'électricité pour renforcer et diversifier davantage la structure industrielle du Québec, particulièrement en région, et d'y créer des emplois.

Cette démonstration faite, il y aurait quand même lieu de jouer de prudence avec les ententes long terme qui pourraient être conclues avec nos voisins du Sud, qui ont plus d'une fois démontré qu'ils avaient leurs propres règles en matière de commerce. On se souviendra notamment qu'en 1992 ces mêmes voisins n'ont pas hésité à renier une entente de 20 ans portant sur la fourniture de 1 000 MW d'électricité garantie parce que les conditions du marché électrique à New York avaient changé.

n(15 h 10)n

Au niveau de la tarification, nous sommes d'accord avec l'orientation d'appuyer les efforts en matière d'efficacité énergétique en relevant graduellement le prix de l'électricité. Le gaspillage ne profite de toute évidence à personne. Le relèvement devra toutefois être graduel et raisonnable et respecter la capacité de payer des citoyens.

Dans le cas des tarifs industriels, ces derniers devront demeurer concurrentiels. L'importance de tarifs concurrentiels, de la stabilité et surtout de la prévisibilité des prix de l'électricité pour l'implantation et le développement d'industries grandes consommatrices d'électricité n'est plus à démontrer. Dans les secteurs de la sidérurgie, des pâtes et papiers et de la fonte et affinage, le coût de l'énergie peut représenter jusqu'à 30 % du coût des matières premières. Par ailleurs, comme nous l'avons vu, l'emploi industriel, dans la MRC de Manicouagan, se retrouve presque exclusivement dans la fabrication d'aluminium de première fusion et dans les pâtes et papiers. Le maintien de ces emplois repose donc sur la compétitivité des industries qui les a créés.

Pour la région de Manicouagan, deux autres facteurs s'ajoutent à l'importance stratégique de tarifs industriels concurrentiels pour les industries primaires. Premièrement, comme c'est le cas de l'ensemble de la Côte-Nord, le gaz naturel n'est pas accessible. Cette forme d'énergie, en plus de constituer un facteur d'appel industriel important, peut jouer un rôle stabilisateur sur les prix énergétiques pour l'industrie. Deuxièmement, comme nous l'avons vu, le succès du virage économique entrepris par la région repose, entre autres, sur la transformation en région des produits de ces industries primaires. Les industries de transformation devront pouvoir compter sur des coûts d'électricité avantageux et stables pour compenser notamment l'éloignement des marchés.

Au niveau du retrait des énormes subventions. Enfin, concernant la question soulevée par le Pr Fortin au sujet de l'impact sur l'emploi d'un retrait total ou partiel de subventions prétendument énormes, il nous apparaît important, voire essentiel, dans un premier temps, de vérifier si effectivement il s'agit bien là d'énormes subventions. Se baser sur le prix plafond à l'exploitation atteint en 2003, soit 0,088 $ du kilowattheure, pour calculer la subvention octroyée et de supposer que ce prix pourrait persister sans susciter de la part de nos voisins une quelconque réaction est pour le moins surprenant.

Qui plus est, faut-il encore rappeler l'énorme différence qui existe entre l'électricité fournie à des entreprises comme Alcan, Alouette, Abitibi-Consol ou encore Alcoa et celle qui nous est fournie dans nos foyers. L'énergie requise par ces grandes entreprises est constante à longueur d'année, alors que la demande pour nos foyers fluctue et oblige Hydro-Québec à prévoir la demande en fonction de ces pointes de consommation. Ces grandes entreprises transforment et distribuent l'électricité sur leur site, alors que c'est Hydro-Québec qui transforme et distribue l'électricité dans nos foyers. Qui plus est, dans le cas des alumineries Alcoa et Alouette, ces dernières, en étant situées près des centres de production, éliminent en partie les pertes reliées au transport de l'énergie, pertes estimées à 8 % environ. Enfin, on peut certes imaginer sans peine que les efforts déployés par Hydro-Québec pour facturer et encaisser son dû auprès des consommateurs domestiques doivent seulement différer de ceux déployés auprès de ces grands consommateurs.

Ceci étant dit, M. Fortin a peut-être raison de dire que les fonds libérés finiraient par recréer l'emploi ailleurs dans l'économie. Mais cet ailleurs, s'il est à Montréal plutôt qu'en région, est extrêmement important, car il ne s'agit plus alors d'un jeu à somme nulle. La réflexion concernant cette éventualité n'est pas aussi simple que le laisse entendre le Pr Fortin.

Jusqu'où peut-on laisser une économie régionale se détériorer avant d'atteindre le point de non-retour? Combien en coûterait-il au gouvernement et au Québec tout entier pour soutenir une région dévitalisée? Les mesures curatives dans ce domaine sont souvent plus coûteuses que les mesures préventives et sont rarement pleinement satisfaisantes. Il nous semble qu'il y a suffisamment d'exemples récents au Québec de régions et de villes qui n'ont pas été supportées en temps opportun et pour lesquelles le Québec paie maintenant le gros prix. Ces exemples devraient suffire pour convaincre de l'importance de poser les gestes requis avant que la détérioration de l'économie devienne irréversible.

Nous croyons donc, comme nous l'avons souligné plus haut, qu'il est important de prévoir dès maintenant le renouvellement des contrats à partage de risques et des droits d'eau en visant la maximisation des retombées régionales et en assurant que celles-ci renforcent les efforts de restructuration entrepris par les régions ressources.

En conclusion, l'économie de la région de Manicouagan s'est construite sur la disponibilité de ressources naturelles abondantes et bon marché. La région a fourni au Québec son premier grand complexe hydroélectrique, complexe qui a profité et qui profite toujours d'ailleurs à l'ensemble de l'économie du Québec. Cependant, il est faux de croire que la construction seule de centrales hydroélectriques permet de créer des emplois. Il est clair que, durant sa réalisation, la construction d'une centrale constitue un apport économique important dans une région. Toutefois, on ne peut compter sur ce type d'économie pour se développer à long terme.

Pour faire face aux défis du nouveau millénaire pour mettre en place une économie durable, il nous semble indispensable: d'utiliser l'énergie comme avantage concurrentiel, et particulièrement l'énergie hydroélectrique; d'assurer la compétitivité de nos entreprises afin qu'elles puissent devenir de réels partenaires dans le mouvement de transformation économique et industrielle que les régions ont amorcé; et d'utiliser une partie des surplus générés par la vente d'électricité pour créer des fonds de développement régionaux.

Enfin, il est primordial de s'assurer que la stratégie énergétique qui verra le jour ouvrira la porte à non seulement une occupation dynamique du territoire, mais également et surtout à une participation active des régions au développement économique de l'ensemble du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Ferrero. Alors, nous allons procéder avec l'échange avec les députés ministériels. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hamad: Merci, M. le Président. Je demanderai le dépôt d'une copie d'un article du Soleil du 16 février 2005. Bienvenue, messieurs, mesdames. Ça paraît que vous aimez ça, c'est votre deuxième présentation. Vous reviendrez. Mais c'est bon parce qu'on va... On a eu un premier échange, on a une deuxième ronde aujourd'hui, puis ça va être une bonne ronde aussi. Alors, merci pour la préparation de vos documents. J'ai vu qu'il y a une évolution depuis la dernière fois; c'est excellent. Alors, revenez, ça va être correct à la fin.

Je reviens sur un point et je vous donne l'article d'ailleurs, je vous donne un article qui a été publié le 16 février 2005. Dans votre mémoire, page 8, vous dites que notre inquiétude... «faire part à la commission de notre inquiétude sur ce que nous percevons être un glissement non souhaitable de la politique énergétique en faveur des exportations d'électricité». Et, je vous le dis, sans patins ou avec patins, il n'y en a pas de glissement. C'est-u clair?

Alors, là, vous avez un article à la page... du Soleil, 16 février. Ce qu'on dit, le titre de l'article: L'exportation d'électricité ne se fait pas au détriment des régions. Et ça, c'est clair. Et, comme je l'ai dit l'autre fois, soyez assurés... Encore une fois, on a Hydro-Québec Distribution qui a le mandat de fournir en premier lieu... répondre à la demande de tous les Québécois. Pour nous, là, c'est une forme de sécurité énergétique, et là-dessus ce n'est pas négociable. Et ça, ça veut dire qu'on fournit l'électricité à tout le monde au Québec, ça veut dire une forme de développement régional parce qu'on le sait très bien, c'est une richesse qui va vous aider à développer. Donc, là-dessus, si vous revenez une troisième fois, prenez l'article, mettez-le, puis on va être corrects là-dessus.

Dans votre question dans votre page 22... Et je trouvais ça bien parce que vous êtes des gens qui voulez prendre votre avenir en main, et ce qu'on souhaite comme gouvernement, les élus régionaux, évidemment avec le CLD qui a été transféré au CRE maintenant, sous l'autorité des villes c'est-à-dire... de permettre à vous d'avoir un développement régional avec l'appui du gouvernement. Là, vous dites à la page 22: La MRC a adopté une deuxième phase d'un plan de relance visant la reconversion industrielle par l'innovation, et certains projets novateurs ont été élaborés et financés. J'aimerais ça que vous me parliez davantage là-dessus.

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, M. le ministre, premièrement, je tiens à vous remercier, parce qu'on était venus une première fois, vous nous aviez en partie rassurés, vous continuez à le faire aujourd'hui, puis l'article du Soleil vient le confirmer. Donc, la semaine prochaine, quand on va venir, j'ai l'impression qu'on va sceller ça comme il faut.

M. Hamad: Pour vous aider à lire, allez-y, juste à côté de ma photo malheureusement, le texte est là.

M. Gagné (Georges-Henri): Alors, concernant, finalement, c'est ça, le virage économique que nous voulons faire dans la région de Manicouagan, c'est qu'il y a quelques années on a mis sur pied une fondation, une fondation économique où l'entreprise privée, la MRC et le gouvernement du Québec ensemble, on a mis 13 millions dans une fondation. Et, avec les revenus d'intérêts de cette fondation-là, nous avons mis en place le Service d'actions entrepreneuriales. Et ce service-là finance des études de préfaisabilité et de faisabilité en vue justement de modifier, là, notre base économique vers la deuxième puis la troisième transformation et également pour la valeur ajoutée.

Donc, notre plan de relance actuellement... et on s'est donné cet outil-là. C'est un outil qui est très intéressant, mais actuellement on se rend compte qu'il n'est peut-être pas nécessairement suffisant. C'est un bon outil, on s'en sert très bien, mais comme... Mais, en plus, il faut dire aussi que faire un virage vers la deuxième et la troisième transformation quand on a une région qui est habituée et qui a vécu depuis le début avec la base économique de la grande entreprise, ce n'est pas nécessairement évident parce qu'au niveau de l'entrepreneurship on n'est peut-être pas développés autant que, par exemple, les gens de la Beauce. Donc, il faut partir à zéro, il faut commencer à faire tourner la roue, et c'est ça qu'on fait avec notre fondation économique Manicouagan. D'ailleurs, on a le président du Service d'actions entrepreneuriales, je ne sais pas s'il veut ajouter quelque chose là-dessus.

M. Rousseau (Pierre): Bien, tout ce qu'on peut énoncer, c'est que, M. le ministre, depuis maintenant trois ans qu'on est en opération, notre vitesse de croisière est prise depuis deux ans. On a la disponibilité, avec la fondation, d'un budget de 1 million par année. On a actuellement, sur environ 60 projets, d'investi 1,7 million en études, qui a généré aux alentours de 7 millions, complets, là, sur l'ensemble des investissements, privés et autres.

n(15 h 20)n

Vous faites allusion à la phase II. Effectivement, dans notre plan de relance, on avait quelques phases. La phase II, qui est un centre d'innovation qui faisait partie ? la semaine passée, on était dans le dossier d'Alcoa ? qui faisait partie, si on veut, de l'ensemble du dossier d'Alcoa dans lequel on avait sensibilisé et le gouvernement et l'entreprise Alcoa pour créer un second fonds qui était un fonds de l'innovation qui, lui, devait être doté d'une somme d'environ 20 millions. Parce que ce qu'on veut, c'est la pérennité dans la région, là. On ne veut pas un coup d'argent puis après ça on perd notre temps à courir l'argent les autres années pour pouvoir justifier la structure qui était essentiellement reliée à du développement technologique, donc qui était en amont de nos études pour nous amener à ce que la région bénéficie d'avantages technologiques pour amener les entreprises de seconde et de troisième transformation et des entreprises innovantes sur le territoire.

M. Hamad: Vous avez parlé dans votre mémoire des contrats de partage de risques et vous disiez qu'avant le renouvellement vous souhaitiez qu'on soit ensemble, et le gouvernement, Hydro-Québec, vous comme région et les entreprises, et vous avez parlé des droits d'eau. Peut-être l'expliquer davantage. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, on a deux industries sur le territoire, chez nous, qui se partagent finalement l'électricité d'une usine centrale privée qui est la Compagnie hydroélectrique Manicouagan. Alors, ces droits d'eau là vont venir à échéance en 2011. Donc, les deux copropriétaires de cette entreprise-là, c'est Alcoa et Abitibi-Consol. Donc, vous comprendrez que la renégociation des droits d'eau a bien sûr, là, des impacts ou aura des impacts, là, sur finalement l'opération future de ces deux entreprises-là.

Donc, c'est pour ça qu'on souhaite, autant au niveau des droits d'eau qu'au niveau des contrats à partage de risques, on souhaite qu'on n'attende pas juste à la fin de ces échéanciers-là pour renégocier. On souhaite que ça se fasse, là, le plus rapidement possible pour arrêter, là, le climat d'incertitude. On a déjà le premier climat d'incertitude avec la non-réalisation de la modernisation d'Alcoa, pour l'instant. Donc, on souhaite que finalement, pour le renouvellement des droits d'eau en 2011, qu'on le fasse assez rapidement.

Puis également les contrats à partage de risques avec Alcoa vont se terminer en 2014. Donc, également, on souhaite que ça se fasse, là, beaucoup à l'avance pour que tout le monde dans la région, autant les entreprises que nous, de la région, on sache vers quoi on s'en va.

M. Hamad: Vous le savez que notre gouvernement a rattaché le renouvellement de droits d'eau aux travaux de rénovation d'Alcoa. Si on renouvelle puis il n'y a pas de rénovation, c'est un petit peu mal pris pour votre région.

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, il y a l'autre problème aussi, c'est qu'il y a l'autre partie qui appartient à Abitibi-Consol également, là.

M. Hamad: Mais on se comprend que, nous, comme gouvernement responsable, pour votre intérêt, l'intérêt de la région, ce qu'on disait à la compagnie Alcoa: Si vous voulez faire des travaux, on va renouveler votre contrat. Mais, si vous voulez qu'on renouvelle le contrat avant qu'ils s'engagent à faire les travaux... Vous trouvez ça bon? Vous trouvez ça bien?

M. Di Piazza (Ivo): Non. Ce n'est pas souhaitable, M. le ministre, en effet. Ce qu'on souhaite par ailleurs, c'est qu'au cours des prochaines années, je vous dirais, cette année et l'an prochain, là, qu'on puisse participer comme acteurs socioéconomiques du milieu, qu'on puisse participer avec le gouvernement et les deux compagnies, en fait. Parce que la Compagnie hydroélectrique Manicouagan est propriété à 60 % par Abitibi et 40 % par Alcoa. Puis c'est là qu'en 2011, là, ça s'inverse, là, chacun va utiliser l'énergie selon sa part de la compagnie. On souhaite y participer, là, parce que les deux compagnies... Abitibi, c'est une énergie qui consomme peut-être un 200 MW par année, autour de 200, Alcoa, autour de 750 MW actuellement. On pense, là, qu'avec un barrage privé qui leur appartient à tous les deux il y a un impact majeur. On souhaiterait à tout le moins être présents pour faire en sorte, là, qu'on puisse ensemble, là, regarder des avenues, puis pas le faire dans cinq ans ou dans 10 ans, là, pas attendre qu'on soit à un an de l'échéancier, qu'on le fasse peut-être tout de suite l'an prochain. Déjà, les deux compagnies, là, sont, je dirais, intéressées et préoccupées par ce renouvellement de contrat là.

M. Hamad: Mais vous comprenez le lien avec les travaux de rénovation que vous voulez avoir dans votre région?

M. Di Piazza (Ivo): On le souhaite, d'ailleurs.

M. Hamad: Alors, c'est une chaîne, là, ensemble, une chaîne d'intérêts.

M. Di Piazza (Ivo): On souhaite, M. le ministre, on souhaite qu'aux droits d'eau, parce qu'on sait que ça a une valeur importante, on souhaite que soit rattachée aussi de la modernisation d'usine, des travaux qui sont effectués à l'usine, qu'on puisse établir un lien direct entre les droits d'eau et la modernisation. C'est ce qui nous sécurise. À partir du moment où le gouvernement va nous appuyer dans cette démarche-là et que ça va faire en sorte qu'on puisse obliger une modernisation qui, elle, est liée aux droits d'eau qui sont octroyés, à mon point de vue, ça a plus de valeur que purement, là, de l'argent. C'est plus attachant pour les compagnies aussi.

M. Hamad: Ce que nous avons fait et ce que nous allons faire, en fait, là. C'est fait déjà par les négociations.

M. Ferrero (Patrick): ...ajouter quelque chose. Dans le texte qu'on a fourni, c'est qu'on signifie également l'intérêt de la région à être impliquée, je veux dire, avec le gouvernement du Québec et Hydro-Québec dans la définition de nos besoins. À titre d'exemple, je reprends un petit peu, là, le fonds d'innovation dont mon ami Rousseau, Pierre Rousseau, parlait tout à l'heure, c'est que, quand va revenir le temps de renégocier ces droits d'eau là ou les contrats à partage de risques, ce qu'on voudrait, là, c'est qu'en quelque part on puisse, disons, s'asseoir avec le gouvernement et avec Hydro-Québec pour dire: Pour notre région, le développement futur s'inscrit de cette façon-là, et qu'on puisse dans le fond être appelés à faire part de nos commentaires relativement à ce renouvellement-là.

M. Hamad: C'est intéressant. J'aime mieux bien comprendre. Là, les droits d'eau, en fait, ces droits d'eau, qu'est-ce que vous voulez faire? C'est quoi, votre intention? S'asseoir autour de la table, de dire... Comment vous liez le développement aux droits d'eau, là? Juste comprendre, là.

M. Di Piazza (Ivo): Je vous le résumerais peut-être en quelques mots. Si on peut s'asseoir... Parce que notre garantie à nous... Si les droits d'eau sont récupérés par le gouvernement, ils s'en vont dans les coffres de l'État; c'est une chose. Si les droits d'eau, on y attache la modernisation aux usines existantes en région, pour Abitibi, entre autres, à Baie-Comeau, pour Alcoa la même chose puis pour l'ensemble de la MRC Manicouagan, là, on a une garantie que les droits d'eau vont servir à faire en sorte que la compagnie... assurer une certaine pérennité dans le fonctionnement de la compagnie sur notre territoire. C'est ça qu'on souhaite. Si on peut y participer...

C'est sûr que, nous, on va préférer de beaucoup de dire: Réinvestissez, modernisez vos installations, faites en sorte que vous assuriez votre présence dans la région pour plusieurs années plutôt que de dire: On va vous demander des droits d'eau de 5 millions, 10 millions, 15 millions de dollars par année. Ça, pour nous, ça ne nous garantit pas la présence de la compagnie, là.

M. Hamad: En fait, vous allez être consultés. Mais les droits d'eau encore une fois étaient reliés à la modernisation. Donc, on est sur la même longueur d'onde.

M. Brisson (Sylvain): ...Alcoa, à Baie-Comeau, il y a Abitibi-Consol. Il n'y a pas seulement qu'Alcoa à Baie-Comeau, il y a Abitibi-Consol qui consomme 200 MW et qui sont propriétaires à 60 % de la centrale McCormick. Donc, les droits d'eau, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a un certain climat d'incertitude au niveau du milieu des affaires. Et on sait qu'en 2011 c'est la renégociation des droits d'eau. On aimerait que ces négociations-là s'enclenchent le plus rapidement possible pour lever ce climat d'incertitude là.

M. Hamad: O.K. Oui. Normalement, ça discute d'ailleurs avant, là, les gens n'attendent pas. C'est correct. O.K. Vous avez parlé, à un moment donné, d'un bloc énergétique, d'amener un bloc énergétique dans... Le développement industriel grand consommateur, vous êtes en faveur de l'octroi de blocs énergétiques pour assurer la pérennité, hein? Vous avez parlé de ça, là, vous êtes en faveur d'un bloc énergétique dans votre région. Je me trompe? Non?

M. Gagné (Georges-Henri): Je vais quand même juste vous donner un parallèle, faire un parallèle, M. le ministre. Quand Québec North Shore à l'époque a développé finalement l'industrie forestière, ils se sont construit une centrale pour leurs besoins énergétiques et ça a attiré une entreprise, qui était la Canadian British Aluminium à l'époque, pour venir s'installer, venir produire de l'aluminium près d'une centrale parce que justement l'énergie était disponible.

n(15 h 30)n

Avec la nationalisation de l'électricité, dans les régions, on a perdu cet avantage-là. Parce que l'électricité, au Québec, c'est comme un timbre-poste, c'est le même prix, peu importe où tu t'installes. C'est correct, excepté que l'effet pervers que ça a fait, c'est que ça a enlevé les chances que les régions avaient de construire dans les régions des industries qui créaient des emplois. Parce que, qu'on le veuille ou non, une centrale comme telle, ça ne crée pas nécessairement d'emplois, ou très peu. Donc, ce problème-là, on le vit à cause de cet effet pervers là.

Donc, on se dit, si on avait la priorité ou si on avait des avantages certains pour être capables d'attirer en région des industries qui consomment de l'électricité, bien là on viendrait compenser finalement les effets néfastes de cet effet-là. Parce qu'il faut dire également que les équipements d'Hydro-Québec ne sont pas taxables non plus, ils ne sont pas portables aux rôles des municipalités. Donc, encore là, ça a un effet pervers au niveau de notre richesse. Alors, tout ça fait que finalement on se dit: On a 30 % finalement de la production d'électricité au Québec, mais on n'a pas nécessairement les avantages pour être d'une façon équitable envers les autres... On ne trouve pas que c'est équitable finalement envers nous.

M. Hamad: Je vous écoute. Je vous écoute.

M. Gagné (Georges-Henri): C'est dur à prendre?

M. Hamad: Non, non. Non, non, mais c'est parce que, comme gouvernement, on est là pour gérer tout le monde et partager la richesse à travers tout le monde, hein. Chacun, il a un apport dans notre société. Évidemment, en même temps, le gouvernement paie le système de santé, paie le système d'éducation. Alors, c'est ça, le rôle d'un gouvernement, c'est de créer la richesse puis la partager. Mais, quand vous dites: Un bloc énergétique qui vient, là, avec la théorie que vous avez, bon, la théorie est bonne à condition qu'il y ait un bloc disponible, hein?

M. Gagné (Georges-Henri): C'est pour ça, M. le ministre, qu'on est d'accord pour refaire, là, la marge de manoeuvre, redonner la marge de manoeuvre, là, à Hydro-Québec, on est d'accord pour continuer à faire du développement hydroélectrique ? d'ailleurs, on le dit dans notre mémoire ? on est d'accord pour continuer à faire du développement. On est des alliés là-dedans, on est des partenaires là-dedans. D'ailleurs, on a développé des bons partenariats avec Hydro-Québec et on veut continuer à le faire. Ça, pour nous, c'est une garantie pour l'ensemble du Québec, mais on voudrait aussi qu'il en reste un peu dans la région.

M. Hamad: Il en reste actuellement, mais vous voulez plus. C'est ça, hein? Je comprends bien. O.K.

M. Gagné (Georges-Henri): Il n'en reste pas suffisamment.

M. Hamad: Je laisse la question à mes autres collègues.

Le Président (M. Jutras): Qui veut intervenir?

Mme Hamel: ...si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Oui, madame. Mme la députée de...

Mme Hamel: La Peltrie.

Le Président (M. Jutras): ...La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. Bien, je suis curieuse de voir que vous avez abordé beaucoup l'électricité dans votre mémoire, un petit peu le gaz naturel. J'aimerais vous entendre là-dessus, là, si ça pourrait être un apport, là, dans votre région.

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, on aimerait bien ça l'aborder également, nous, mais malheureusement il n'est pas disponible sur la Côte-Nord. Le gaz naturel, ça reste, je pense, à Québec, puis il y a une partie de la rive sud du Saint-Laurent qui est desservie. Mais, pour ce qui est de la Côte-Nord comme telle, on n'a absolument pas accès, à part celui qui vient, là, par des camions-citernes. Donc, on n'a pas accès, et ça, c'est un désavantage aussi pour la région, parce que nos entreprises sont obligées la plupart du temps de se servir de l'électricité pour consommer parce qu'effectivement on n'a pas cette source d'énergie là.

Une voix: Il n'y a pas d'alternative.

M. Gagné (Georges-Henri): On n'a aucune alternative, voilà.

Mme Hamel: Merci.

Le Président (M. Jutras): M. le ministre.

M. Hamad: Des petites centrales, vous n'en avez pas parlé beaucoup. Je ne sais pas si mes collègues... Est-ce que vous avez des questions? Allez-y, allez-y, allez-y. Non?

Une voix: ...

M. Hamad: Oui, O.K. Les petites centrales ? il reste trois minutes ? les petites centrales, vous n'en avez pas parlé beaucoup. Qu'est-ce que vous en pensez de ça?

M. Gagné (Georges-Henri): Écoutez, les petites centrales, on souhaitait vous garder ça pour la semaine prochaine, mais on peut vous en parler immédiatement. Alors, vous comprendrez qu'on ne peut pas être contre le développement des petites centrales. D'ailleurs, on est des promoteurs de ces sources d'énergie là.

On va même plus loin parce que, nous, on va vous demander, la semaine prochaine, de faire sauter le plafond de 49 % où le monde municipal pourra investir dans les petites centrales. Et on pense que, là, il y a une source intéressante pour justement calmer le climat au niveau des groupes environnementaux et également aux groupes des artistes. Parce que le gros reproche actuellement qui est fait, au niveau des petites centrales, c'est qu'on dit: C'est des entreprises privées qui viennent chercher le potentiel dans les régions, puis il ne reste à peu près rien dans les municipalités.

Donc, non seulement on est en accord, mais on va vous demander de faire sauter le plafond de 49 % pour que le monde municipal puisse investir, là, à une hauteur beaucoup plus intéressante pour le milieu. Et aussi ça va rassurer, je pense, là, l'ensemble des autres groupes, là, sur ce développement hydroélectrique là.

On a la Magpie, que vous connaissez bien, qu'on veut absolument construire. Vous avez vu comme moi ce qui s'est passé, donc je pense qu'on n'a pas besoin de nos voisins pour prendre nos décisions. En région, on est capables de prendre nos décisions, puis au Québec, on est également capables de prendre nos décisions, mais ça, il faut avoir l'ensemble des outils, puis le coffre d'outils, bien, il nous en manque un petit peu dedans, là.

M. Hamad: Dites-moi, mettons, on arrive à 80 %, à 85 % qu'une municipalité peut financer. Donc, là, évidemment un projet de même, il y a risque de dépassement de coûts. Et, quand vous êtes majoritaires dans une compagnie qui gère un projet et qu'il y a risque de dépassement de coûts, à un moment donné, la municipalité va refiler ses dépassements de coûts à ses citoyens. Comment vous allez gérer ces risques-là comme municipalité? Puis, les municipalités, évidemment tout dépend des régions, la grandeur, la capacité financière, la capacité technique de gérer ces projets-là, et ce n'est pas évident.

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, on dit que ce n'est pas évident, mais, moi, je ne suis pas nécessairement inquiet. On a l'habitude en région de gérer des gros projets, on a quand même une bonne réputation, au niveau municipal, au niveau du respect des coûts. Donc, je ne penserais pas que les élus municipaux soient assez audacieux pour mettre en péril l'ensemble de leurs concitoyens. Donc, moi, ce n'est pas quelque chose qui me ferait nécessairement peur. Mais par contre, vous avez raison, il faut nécessairement être prudents, là, mais on est... D'abord, premièrement, c'est des MRC actuellement qui ont ce pouvoir-là, donc c'est déjà plus gros qu'une petite municipalité, et, dans un territoire comme le nôtre où on est habitués aux ressources naturelles, moi, je pense qu'on est capables, là, de... on serait capables de démontrer qu'on est assez grands pour investir là-dedans d'une façon majoritaire.

M. Hamad: Moi, je n'en doute pas, là, de la volonté, la capacité, ça, il n'y a pas de doute. Un accident, c'est un accident, hein, ça peut arriver sur un chantier, une turbine casse, puis là les débats juridiques avec un fournisseur. Un accident de construction, etc., tout peut arriver malheureusement, mais tout peut arriver. Et comme, je ne sais pas, une municipalité qui a des revenus, par exemple, de 2 millions, 3 millions en taxes, puis là on tombe sur un accident, ou un problème de chantier, ou un projet qui dépasse 1 million ? ça arrive, 1 million sur 10, ça peut arriver ? ou plus, alors là 1 million sur 3 millions de revenus d'une municipalité, c'est énorme et ça devient... plus l'emprunt de 10 millions ailleurs, et là ça devient un petit peu... Comment vous êtes prêts à gérer ça, là? Je sais que vous voulez, ça, je n'en doute pas, là, ça paraît.

Le Président (M. Jutras): Rapidement, là, parce que le temps est épuisé.

M. Di Piazza (Ivo): Oui. C'est un domaine qu'on explore. Je pense qu'il y a moyen de se donner des règles, là. On a assez bien réussi, dans le monde municipal, jusqu'à maintenant, pour se donner des règles financières adéquates qui nous permettent de bien baliser nos interventions. Je pense qu'il s'agirait tout simplement d'être un peu imaginatifs puis de se donner des règles pour éviter ce que vous soulevez, M. le ministre. Un dépassement de coûts, je pense qu'il y a moyen de l'encadrer puis de faire en sorte d'assumer le risque.

Parce que, il faut le dire, ça ne sera jamais une petite municipalité qui va le faire. M. Gagné a raison, il faut le faire au chapitre de la MRC avec un partage de risques dans l'ensemble des municipalités qui sont là aussi. Je vous dirais... Je prends l'exemple de Manicouagan, Baie-Comeau comme ville centre, il y a un budget de 50 millions de dollars par année, on est habitués de gérer des projets. Je pense qu'on serait capables, avec les gens du milieu, de trouver une formule financière qui soit sécurisante.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue encore une fois. Avant d'aborder un certain nombre de questions, je voudrais aborder la question de la sécurité des barrages parce que, s'il y en a qui sont concernés par ça, c'est bien vous autres, hein. Et vous savez que ce qui se passe depuis quelques jours, au niveau de la facilité avec laquelle on a accès à certaines installations, préoccupe beaucoup de gens. Et j'imagine que, dans une MRC comme la vôtre, qui est l'hôte de plusieurs installations soit de production ou de transport et même de distribution d'électricité, vous êtes habitués à définir avec les directions locales ou régionales d'Hydro-Québec ou d'autres compagnies des plans d'urgence en cas de catastrophe, etc.

Je voudrais connaître votre réaction à ce qui se passe actuellement et les inquiétudes qui ont été soulevées par le reportage que vous avez vu sans doute, comme nous tous, à la télévision.

n(15 h 40)n

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, bien, c'est sûr que, comme tout le monde, on a trouvé ça surprenant de voir qu'on pouvait entrer dans nos installations un petit peu comme on entre dans un poulailler. Mais, ça étant dit, ça étant dit, le vent de panique en région comme tel, on ne l'a pas senti. Comme vous le dites, on est habitués, on a vécu là-dedans depuis le début. On n'est pas habitués de barrer nos portes. Effectivement, c'est drôle, là, mais c'est un petit peu ça en région. Et on se sent loin des risques. Peut-être que c'est imprudent de notre part, là, mais on se sent peut-être un peu loin des risques.

Par contre, au niveau de... Effectivement, je pense qu'il faut quand même prendre ça au sérieux puis il faut quand même, là, s'assurer qu'on n'entre pas dans ces équipements-là comme ça. Parce qu'on sait qu'il y a des masses d'eau en arrière de ces barrages-là, on sait également que, s'il y avait un bris de barrage à Manic-5, écoute, il y aurait un effet dévastateur sur l'ensemble du couloir jusque dans le fleuve.

Donc, c'est bien sûr qu'on a des plans d'urgence. On a des plans d'urgence qui sont très bien rodés. On fait des simulations avec ces plans d'urgence là en cas de bris de barrage, on en fait régulièrement. Mais, je vous le dis, finalement, nos gens n'ont pas nécessairement paniqué quand on a vu ces reportages-là. Mais je pense que ça va nous inviter tout simplement à peut-être être plus vigilants encore, là. On a peut-être... On se laisse peut-être aller de par... tu sais, on est loin des risques. Mais je pense qu'avec une chose comme ça, ça nous ramène peut-être un peu plus à dire: Oui, effectivement, les risques sont là.

Mme Dionne-Marsolais: Je dois vous dire que, nous non plus, on n'a pas paniqué. Par contre, on est très préoccupés. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on espère que les dirigeants d'Hydro reviendront devant cette commission, puisqu'il est question de sécurité énergétique.

Mais la question que je voudrais vous poser là-dessus, c'est: Depuis que ces événements-là ont été diffusés, et largement, est-ce que la direction régionale d'Hydro-Québec a contacté vos équipes, j'allais dire, d'urgence, là, mais vos équipes de sécurité pour reprendre avec elles une réflexion sur la sécurité dans leurs installations?

M. Gagné (Georges-Henri): J'aurai une première réaction puis ensuite je vais passer la parole à mon collègue le maire de Baie-Comeau. Effectivement, hier, on était en communication avec les gens d'Hydro-Québec, puis... Dès hier au matin, d'ailleurs, les gens d'Hydro-Québec de la région nous ont contactés. Moi, j'ai parlé personnellement avec eux. Moi, ce que j'ai suggéré, hier au matin, aux gens d'Hydro-Québec, c'est de dire: Écoutez, on va voir la réaction, là, d'Hydro-Québec provincial puis, nous, suite à ça, en région, là, on va s'assurer que ces choses-là seront correctement faites. Maintenant, ça, c'était la part que moi... les discussions que j'ai eues avec Hydro-Québec hier. Je vais vous laisser, là, avec M. Di Piazza qui, lui aussi, a eu des discussions avec Hydro-Québec hier.

M. Di Piazza (Ivo): En tout cas, nous avons échangé avec les gens de la direction de l'Hydro régionale hier. On m'avait informé, là, qu'il y avait eu des visites des installations quelques jours avant que le reportage soit fait. Les gens considèrent aussi que c'est un élément qui ressort. Ils vont apporter les corrections. Ces défaillances-là n'ont pas été répertoriées lors des visites qui ont été faites les quelques jours avant. Ils sont tout à fait disposés à corriger ce qui a été soulevé, ces lacunes-là. On a fait le point aussi avec les gens de la Sûreté du Québec et on a pris contact avec les gens aussi de la Sécurité civile pour faire en sorte qu'on soit au fait, là, de ce qui pourrait se passer si jamais il y avait cette éventualité-là.

Mais en même temps on ne veut pas non plus tout mettre sur la table. Les gens de la Sécurité civile avaient déjà dans leurs plans un certain nombre d'informations qui étaient communiquées à l'ensemble de la population au cours des prochaines semaines. C'était déjà prévu aussi, cette réalité-là, bon, du barrage Manic-5 particulièrement, parce qu'évidemment, s'il y a un problème à Manic-5, c'est Manic-3, Manic-2, Manic-1 et l'ensemble des barrages, mais déjà les gens sont assez sensibilisés à ça. Des discussions se sont faites, je vous dirais, presque voilà une dizaine d'années, parce que c'est à ce moment-là que les gens de la Sécurité civile, la Direction régionale de la sécurité civile avait fourni de l'information à l'ensemble de la population à cet égard-là.

Ce n'est pas une situation qui est agréable. Ça peut être troublant jusqu'à un certain point. Par ailleurs, il y a beaucoup d'ouverture, je dirais, une très, très grande ouverture à faire en sorte qu'on puisse corriger l'ensemble des éléments. Mais, moi, je pense qu'il ne faut pas non plus en faire tout un plat, non plus. Il faut être prudent. Il faut apporter les corrections qu'il faut. Il faut sécuriser les installations, parce que c'est des... Manic-5, c'est un joyau aussi pour Hydro-Québec, faire en sorte que ça puisse être sécurisé. Il ne faut pas non plus faire en sorte qu'il n'y ait plus d'activités autour de Manic-5, non plus, là. Il y a des visites d'organisées, il y a des gens qui ont l'occasion d'aller visiter ces barrages-là. Je pense qu'il faut être prudent, il faut sécuriser les sites, sécuriser les postes de distribution, de transformation, il faut le faire de la bonne façon puis ajuster nos façons de faire, nos pratiques aussi.

Mme Dionne-Marsolais: En terminant sur ce sujet-là, est-ce que, à la suite du 11 septembre 2001, Hydro-Québec vous a contactés pour discuter des modifications aux règles et à la gestion de la sécurité de ses équipements sur votre territoire?

M. Di Piazza (Ivo): Je n'étais pas là, moi.

Une voix: Lui, il est chanceux, il n'était pas là.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, écoutez, vous n'êtes pas obligés de nous répondre, peut-être que vous pouvez le prendre en considération, et puis... Parce que peut-être que ce n'est pas vous qui étiez au front à ce moment-là, ça se peut, là. Peut-être que vous pourriez envoyer au président de la commission, à la secrétaire de la commission une réponse à cette question-là, je pense que ce serait intéressant.

M. Gagné (Georges-Henri): Non, j'étais là, moi.

Mme Dionne-Marsolais: Oui?

M. Gagné (Georges-Henri): Puis on n'a pas eu de contact à ce moment-là.

Mme Dionne-Marsolais: Ah, non?

M. Gagné (Georges-Henri): Non, non.

Mme Dionne-Marsolais: Il n'y a pas eu d'initiatives de prises?

M. Gagné (Georges-Henri): Non, on n'a pas eu de contact à ce moment-là.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord.

M. Gagné (Georges-Henri): Mais par contre, comme je vous le disais tantôt, d'une façon régulière, annuellement, on regarde nos plans de mesures d'urgence en fonction des bris de barrages. Ça, on fait ça à chaque année, dans la région, avec les gens d'Hydro-Québec, les gens également de la Sécurité civile. À chaque année, on le fait.

Mme Dionne-Marsolais: Autrement dit, vous faites une réflexion de «qu'est-ce qu'on fait en cas de», mais pour empêcher que «de», ça arrive, là, il y a moins de... La partie en amont d'un tel risque, vous n'êtes pas impliqués dans la réflexion.

M. Gagné (Georges-Henri): Bien, comme je vous disais tantôt, on l'a appris comme tout le monde quand on l'a vu à la télévision, là, au niveau de la sécurité. Tu sais, moi, dans mon esprit... J'ai passé ma vie dans une centrale hydroélectrique pas pour Hydro-Québec, puis on ne rentrait pas chez nous comme ça. Maintenant, moi, je pensais que c'était partout pareil.

Mme Dionne-Marsolais: ...je dois vous dire. Cela étant dit, on a parlé des fameux tarifs... des fameux contrats à partage de risques, bon. Ça, de tout temps, ça a été une grosse préoccupation. Et vous mentionnez dans votre mémoire que vous aimeriez, vous l'avez dit, être impliqués le plus tôt possible pour les discussions qui mèneraient à ce renouvellement-là.

Je vais vous poser une question: Est-ce que vous pensez que demander à l'industrie de l'aluminium de rendre publics, sans mettre les prix, là, mais rendre publics... peut-être même en mettant les prix ces contrats à partage de risques, c'est quelque chose qui aiderait la compréhension de l'ensemble de la population face à ce que représente vraiment le développement de l'aluminium dans votre région?

Parce que, tout au long, ce qu'on sent dans votre mémoire, c'est qu'il y a une incompréhension, il y a une interprétation de données qui ne sont pas tout à fait justes et représentatives de la réalité, du moins celles que vous voulez nous présenter. Et d'une part personne n'est contre les exportations. La zone grise, là, c'est: Est-ce qu'on doit développer pour l'exportation? Puis, dans les cas où on a un choix à faire par rapport à une aluminerie puis une exportation, qu'est-ce que c'est qu'on devrait prendre? Ici, l'industrie de l'aluminium nous a donné les chiffres ce matin: 0,14 $, 0,143 $, 0,144 $ du kilowattheure. Les revenus de ces ventes par kilowatt exporté, par kilowattheure consommé, moi, dans ma comptabilité à moi, là, c'est mieux que 0,09 $ du kilowattheure, par kilowattheure exporté, quand on tient compte de tout l'impact structurant et tous les effets directs et indirects d'un tel investissement dans une région, en particulier une région éloignée.

Maintenant, quand on discute ça froidement comme ça, tout le monde comprend ça. Mais on a beau essayer de discuter ça avec certains intervenants qui sont convaincus ? puis vous abordez la question de la subvention quelque part, là ? ils sont convaincus que c'est subventionner une industrie, que c'est... alors que, dans les faits... Puis, ce matin, Breton, Banville et Associés nous ont donné des chiffres calculés à partir des chiffres du rapport annuel d'Hydro-Québec, qui confirment ce que vous pensez, c'est-à-dire que c'est un investissement... c'est un bon investissement que de faire un investissement dans de la transformation d'aluminium, en espérant bien sûr aussi qu'il y ait plus de transformation, mais il y a d'autres considérations pour ça, puis Alcan nous l'a dit ce matin.

n(15 h 50)n

Alors, moi, ma question, c'est: Pensez-vous que, si on rendait publics ces contrats à partage de risques, ce serait quelque chose qui aiderait la compréhension de ceux qui s'intéressent à cette question-là?

M. Di Piazza (Ivo): Je ne peux pas vous dire si c'est une pratique, je vous dirais, commerciale qui pourrait être faite, là, mais ce que je sais par ailleurs, puis on l'a énoncé ? c'est agréable de pouvoir le dire ? on l'a énoncé la semaine dernière. Si on veut se doter d'une politique énergétique, si on veut être capables, puis si le gouvernement du Québec, l'ensemble des partis qui forment le gouvernement, si les gens veulent être capables de prendre une décision quant à une politique énergétique, il faut que les gens sachent qu'est-ce que ça coûte...

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça.

M. Di Piazza (Ivo): ...qu'est-ce que ça rapporte. Est-ce que c'est mieux de le faire de cette façon-là? Est-ce que c'est mieux de l'exporter? Est-ce que c'est mieux de l'utiliser ici? Vous nous dites... Bon. Il y a des chiffres qui sont sur la table, qui disent: C'est peut-être plus intéressant d'investir auprès des compagnies qui sont déjà là puis de faire en sorte que ça rapporte plus du kilowatt.

Moi, ce que j'ai toujours vu, c'est que chacun arrivait avec une interprétation, un autre avec une autre interprétation. Faisons faire une étude. Regardons, là, qu'est-ce que ça rapporte, investir dans l'industrie de l'aluminium. Est-ce que c'est intéressant? Nous, on pense que, oui, c'est intéressant. Il y a des retombées intéressantes pour les régions et pour l'ensemble du Québec. Avant de faire des choix, assurons-nous qu'on travaille et, je dirais, qu'on manipule les données les plus justes. Et jamais, je vous dirais, jamais... n'utilisons pas qu'un seul indicateur, faisons en sorte de croiser quelques indicateurs pour être capables d'avoir un portrait, une radiographie, je vous dirais, qu'on est capables de lire de façon précise.

Le Président (M. Jutras): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Alors, rebonjour et bonjour, madame, messieurs. Alors, M. le ministre nous a passé cette copie-là, mais je vous lis, M. le ministre, vous ne pouvez pas savoir comment, puis il y a du progrès à toutes les fois. J'espère qu'il va y avoir d'autres progrès quand la CRE va se présenter la semaine prochaine. J'ai fait la nomenclature un peu, ce matin, de ce que vous avez dit dans cette publicité-là et je prends bonne note aussi, c'est que le gouvernement du Québec demeure toujours disposé à examiner avec Alcoa de nouvelles avenues. Alors, peut-être, la semaine prochaine, ça va être réglé, on n'est pas obligés d'attendre la fin de la commission parlementaire. On se le souhaite.

Une question mais deux volets dans la question parce que le temps passe, peut-être que le collègue de Vanier va avoir une question à poser. Alors, on a eu une première «draft» au niveau de votre mémoire. Vous en avez envoyé un autre, mais, dans le premier, vous parliez d'impacts, par rapport à la création des réservoirs, sur le prix de revient des autres ressources naturelles, plus particulièrement le bois d'oeuvre par rapport à l'ennoiement. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et j'aimerais aussi vous entendre... Bon, c'est sûr qu'on parle d'un retour du balancier par rapport à notre région qui est à 30 % exportateur d'électricité, mais on parle beaucoup de la modernisation d'Alcoa là-dessus. Mais, quand vous parlez qu'on a six ou sept réservoirs hydroélectriques ? bon, incluant la Toulnustouc, il y a Manic-5, il y a Manic... ? puisqu'ils ne sont pas portés aux rôles d'évaluation des municipalités... Avez-vous fait une élaboration de ce que ça pourrait avoir donné en région, si on compare avec ce qui s'est donné, exemple, comme à Péribonka? Grosso modo.

M. Gagné (Georges-Henri): Finalement, il y a deux volets à votre question, M. le député. Je suis content que vous posiez la question. Effectivement, et ça je pense que c'est important de sensibiliser la commission là-dessus, au niveau des projets de construction, quand on a développé le complexe Manic-Outardes, il n'y avait pas de programme à ce moment-là pour dédommager la région. Et, si on prend, par exemple, comme un exemple, on va prendre simplement la Péribonka. On développe la Péribonka. On a eu une entente, Hydro-Québec a eu une entente avec les gens du milieu, autant du côté autochtone que du côté des deux MRC, et ces deux entités-là vont se partager chacune 100 millions sur une période de 50 ans, alors pour développer 385 MW d'électricité. Alors, si on reporte ça sur Manic-Outardes, sur la Manic-Outardes, on produit 6 800 MW.

Donc, si on fait une règle de trois puis qu'on bâtissait aujourd'hui, on développait aujourd'hui le complexe Manic-Outardes, bien, probablement que la région aurait droit à 3,5 milliards de compensation, si on prend les mêmes bases qu'on regarde avec Péribonka. Donc, vous comprendrez que... Si la région de Manicouagan, demain matin, avait 3,5 milliards dans ses coffres, pensez-vous qu'on serait ici, aujourd'hui, pour vous demander... On serait capables de se développer tout seuls, c'est bien sûr, hein. Donc, ça, c'est... On est obligé de vivre avec le passé, bien sûr, là.

Mais il reste quand même que cet impact négatif là, on l'a eu d'une façon très, très, très solide parce qu'on a été obligées, les municipalités... Puis là je ne veux pas empiéter sur le champ de la ville de Baie-Comeau, mais, quand on a développé le complexe Manic-Outardes, la ville de Hauterive, ou l'ex-ville de Hauterive a été obligée de développer, là, un secteur résidentiel sur le plateau, qu'on appelle, et ces infrastructures-là ont été faites avec des moyens... pas nécessairement les moyens qu'on... En tout cas, on l'a fait avec les moyens du bord, puis ces travaux-là, ils sont obligés d'être refaits par la ville aujourd'hui, ce qui coûte énormément cher. On l'avait évalué, en 1988, à 27 millions. Donc, vous comprendrez qu'il y avait déjà... on voit déjà les problèmes négatifs de ça. Ça, c'est le premier élément.

L'autre élément, comme les équipements de production d'Hydro-Québec ne sont pas portés aux rôles d'évaluation, bien là on ne peut pas non plus aller se reprendre de l'autre côté. Et ça, je vais vous donner un exemple. La Compagnie hydroélectrique Manicouagan, qui a une centrale de 326 MW à l'embouchure de la rivière Manicouagan, qui est sur le territoire de la ville de Baie-Comeau, donne en en-lieu de taxes à la ville un montant de 1,5 million par année. Donc, pour 326 MW, la ville de Baie-Comeau reçoit 1,5 million de revenus de taxes par année. Alors, si on prenait encore le 6 800 MW puis on venait faire encore une règle de trois, vous comprendrez que la région aurait à peu près par année, je ne sais pas, moi, 25 fois plus que ça, donc à peu près, là, tu sais, 30, 35, 40 millions de taxes par année. Ça, c'est un autre élément.

L'autre élément de votre question, M. le député, c'est quand vous parlez des coûts d'exploitation des autres ressources, effectivement, parce que, quand on a fait nos barrages, ce qu'on a fait, on a empli les vallées d'eau pour se créer des réservoirs, ce qui est correct, ce qu'il faut faire, mais, pour développer les routes pour aller chercher les autres ressources, en particulier la forêt, bien il faut aller sur les pics de montagnes, puis on est dans des courbes, puis dans des ascensions, puis dans le roc, donc ça nous coûte à peu près... je pense qu'on a évalué à 9 $ du mètre cube de bois que ça nous coûte. Ça coûte plus cher sur la Côte-Nord que partout ailleurs au Québec pour sortir notre bois. Mais 9 $ du mètre cube, c'est énorme. Ce qu'on sort, là, juste dans la région de Manicouagan, on ne sort pas tout à fait 3 millions de mètres cubes par année, donc 3 millions de mètres cubes à 9 $ de plus par mètre cube que ça nous coûte par rapport aux autres régions, vous comprendrez que ça a un impact majeur sur nos industries.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Vanier.

M. Légaré: Merci, M. le Président. Bonjour à vous, merci d'être là. Petite question rapidement concernant l'allocution de tantôt. Page 10, vous mentionnez... Bien, c'est au niveau de la tarification. C'est une question que j'ai posée à quelques intervenants. Je vais oser vous la poser. Vous mentionnez, dans l'allocution, que, bon, «le relèvement devra toutefois être graduel, raisonnable et respecter la capacité de payer des citoyens».

J'ai osé vous poser la question. Est-ce que vous allez oser me donner des chiffres? Est-ce qu'on parle d'inflation? Est-ce qu'on parle de prix des marchés? Est-ce qu'on parle de... Je veux dire, est-ce que «graduel» veut dire justement de les monter au niveau des marchés? J'aimerais juste entendre... Je sais que ça pourrait faire partie d'une commission parlementaire. J'aimerais juste vous entendre aujourd'hui sur ce sujet qui est très important.

M. Di Piazza (Ivo): Je vais faire... C'est une suggestion qu'on a faite à la commission. Ce qu'on a dit à la commission, particulièrement pour le tarif L: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire une étude en disant quel effet ça peut avoir sur l'économie du Québec si on augmentait de 2 %, 3 %, 1 %, ou on n'augmentait pas du tout? Quel effet ça peut avoir sur l'économie du Québec, le fait que le tarif L progresse au même rythme que le tarif domestique ou est-ce qu'ils doivent progresser de façon différente?

Je pense qu'avant de prendre une décision à cet égard-là, il y a lieu de voir quel impact ça pourrait avoir sur l'économie. Et c'est cette même suggestion qu'on a faite à la commission en disant: Regardez cet aspect-là attentivement. Est-ce qu'il n'y a pas lieu aussi de penser à une forme d'asymétrie de prix? On a un tarif L, on a un tarif domestique, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un tarif pour grandes entreprises qui consomment beaucoup plus d'énergie?

n(16 heures)n

Je veux dire, les compagnies d'aluminium, à titre d'exemple, elles paient quelque chose comme 440 millions de dollars à Hydro-Québec par année, c'est trois chèques, trois ou quatre chèques qui rentrent à Hydro pour 440 millions. Pour 440 millions, là, ça fait beaucoup de lectures de compteurs à faire, beaucoup de... pour Hydro-Québec. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans le cas de l'industrie de l'aluminium ou les papetières aussi, de regarder une tarification différente, une forme d'asymétrie des prix, du prix de l'énergie au Québec?

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, le temps que nous avions est épuisé. Alors, merci, messieurs madame, et à bientôt, de ce que j'ai compris.

Je demanderais aux gens d'Héritage Saint-Bernard... Si vous voulez vous prendre un siège, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Héritage Saint-Bernard. Alors, bienvenue, messieurs.

Alors, je vous rappelle les règles. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, par la suite il y aura un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par après 20 minutes d'échange avec les députés de l'opposition. Alors, si vous voulez vous présenter, dans un premier temps, présenter la personne qui vous accompagne et par la suite procéder à la lecture de votre mémoire.

Héritage Saint-Bernard

M. Préville (Michel): Parfait. Mon nom est Michel Préville, je suis membre d'Héritage Saint-Bernard, accompagné de Jean Morissette, également membre du groupe environnemental Héritage Saint-Bernard.

Juste quelques mots peut-être sur le groupe comme tel. Écoutez, on n'est pas un groupe nécessairement spécialisé en énergie. En fait, ce qui nous a amenés, nous, à nous pencher sur le problème de l'énergie au Québec, c'est essentiellement la venue de la centrale du Suroît dans notre région.

Le groupe Héritage Saint-Bernard est un groupe environnemental qui gère un refuge faunique et floristique d'à peu près 500 ha de milieux humides dans la région de Châteauguay, au lac Saint-Louis. Et la venue du projet du Suroît nous a amenés à nous pencher sur toute la problématique des réchauffements climatiques, à fouiller aussi un petit peu plus dans les alternatives qu'il y avait. C'est l'une des raisons pour lesquelles vous trouvez... il est beaucoup question, dans notre mémoire, d'éoliennes, on s'est beaucoup penchés sur les éoliennes comme alternative.

Et, dans le cadre de nos recherches, parce qu'on avait déjà présenté un mémoire au BAPE, en 2002, on a fait beaucoup d'interventions autour du Suroît aussi, une pétition de 60 000 noms, tout ça, puis, dans le cadre de nos recherches, bien, tranquillement, on s'est aperçus que finalement on n'était peut-être pas aussi maîtres chez nous que ce qu'on croyait, ce que l'histoire nous laissait entendre. Et puis on a découvert qu'il y a plusieurs installations hydroélectriques qui appartenaient encore... qui relevaient encore du domaine privé.

Les Québécois sont toujours étonnés, les Saguenéens peut-être encore plus, d'apprendre que finalement il y a une grande partie de la rivière Saguenay, en tout cas un certain nombre de kilomètres de la rivière Saguenay qui n'appartient pas aux Québécois, qui a été cédé, au début du siècle dernier, à perpétuité, pour ne pas dire pour l'éternité à la compagnie Alcan. À elle seule, Alcan est propriétaire de 2 923 MW. On parle, surtout sur la rivière Péribonka et la rivière Saguenay. Comme on le mentionne dans notre mémoire, il y a quatre grands joueurs qui détiennent encore l'entière propriété d'installations hydroélectriques importantes. J'ai mentionné Alcan tantôt, qui est de loin le joueur le plus important évidemment, suivi d'Abitibi Consol, Énergie MacLaren-Brascan, Alcoa, ces compagnies continuent de profiter de vastes territoires hydrauliques dont le plan de gestion échappe toujours à l'État. Si on prend seulement Alcan, au Lac-Saint-Jean, on parle de 44 barrages, trois centrales sur la Péribonka, trois centrales sur la rivière Saguenay. C'est presque équivalent au barrage de LG 4, juste au Saguenay, ça pourrait fournir pratiquement une ville de 1 million d'habitants.

Nous, on pense que le temps est peut-être venu de gérer ça pour le meilleur bénéfice de l'ensemble de la population, le temps est peut-être venu de faire passer une nouvelle épreuve à l'article 22 de la Loi sur Hydro-Québec de 1944, la deuxième épreuve ayant été passée en 1962, comme vous le savez. On pense non seulement que toutes les grandes installations hydroélectriques devraient être nationalisées, en fait qu'on doit compléter la nationalisation de ces ouvrages-là, mais également on pense... on juge capital que ce soit dans le respect dans l'environnement. Comme on le mentionne dans le mémoire, dans cette même perspective de propriété d'État, le gouvernement du Québec doit cesser de concéder le moindre cours d'eau pour la production privée d'électricité et confier plutôt la réalisation de tout nouveau projet hydroélectrique à Hydro-Québec, en appliquant de façon rigoureuse et non arbitraire un mécanisme d'évaluation environnementale et sociale assujetti à des consultations publiques permettant de s'assurer que les nouveaux aménagements ne viendront pas compromettre l'ensemble des autres usages des rivières, le loisir, la conservation de la faune et de la flore ou encore plus globalement la pérennité de tous les habitats baignés par ces cours d'eau. On pense que ça doit être une condition sine qua non pour tout nouveau développement.

Mon collègue, après mon introduction, va élaborer un petit peu plus sur la production privée d'électricité au Québec. Je vais juste vous résumer le passage qui concerne les éoliennes. Je pense qu'on a fini par convaincre Hydro-Québec qu'il était possible de produire l'hydroélectricité à partir du vent. Nous, on pense que cette filière-là doit être davantage développée. Et on pense également que c'est Hydro-Québec qui devrait être le promoteur, au même titre que pour l'hydroélectricité, le promoteur du développement éolien. On irait jusqu'à dire qu'on pourrait faire une nouvelle branche d'Hydro-Québec qui pourrait s'appeler Éole-Québec.

Et pourquoi particulièrement Hydro-Québec? Bien, d'une part, on dit aussi que, l'eau et le vent, même propriété publique, mais aussi parce qu'il a été démontré par plusieurs experts, dans plusieurs études, que ce qui était le plus intéressant, c'était le couplage des éoliennes avec les réservoirs hydroélectriques qui permettent, par exemple, d'emmagasiner, quand la demande est moindre, d'emmagasiner de l'eau, donc de l'électricité, pour être utilisée dans les demandes de pointe. Pourquoi c'est intéressant, ce couplage-là? Bien, on sait que les éoliennes, premièrement, il n'y a probablement personne qui en voudrait une dans sa cour. Les barrages, ils sont installés où? Ils sont installés à des endroits dont l'environnement a déjà été modifié, ou c'est généralement des endroits peu habités aussi, où on a déjà toutes les ressources de transport, les lignes de transport d'hydroélectricité. Alors, on se dit, bien, s'il y a un endroit pour installer des éoliennes, c'est bien sur les terrains d'Hydro-Québec, finalement.

n(16 h 10)n

Ce qui nous amène, dans une dernière partie, avant que Jean Morissette prenne la parole, à un petit point sur Beauharnois, comme tel. C'est certain, nous, on s'est battus contre le Suroît parce que c'était dans notre région, d'une part. Par ailleurs, on a toujours gardé à l'esprit que Beauharnois avait été... Comment dire? Comme on dit dans le mémoire, Beauharnois a beaucoup donné au Québec depuis 75 ans, Beauharnois a très peu reçu sinon des entreprises polluantes dans lesquelles les employés ont perdu leur santé, pour un bon nombre des usines qui sont aujourd'hui disparues.

Héritage Saint-Bernard a élaboré un projet qui a été présenté aux autorités municipales, qui s'appelle Beauharnois, cité des énergies vertes, qui a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme de la part des élus municipaux. Maintenant, le coeur de ce projet-là, de cette cité des énergies vertes, bien c'est évidemment les éoliennes. On a déjà mentionné, et on l'a répété souvent, qu'en 1995 il y a une compagnie qui s'était associée à la compagnie Vestas, compagnie danoise qui fabrique des éoliennes, qui voulait implanter un parc d'éoliennes le long du canal de Beauharnois, et Hydro-Québec n'a cessé de mettre des bâtons dans les pales dans ce projet-là qui avait le soutien de la ville de Beauharnois et de plusieurs intervenants économiques dans le coin.

Beauharnois était peut-être une ville idéale. Vous savez qu'Hydro-Québec est propriétaire du canal de Beauharnois. Donc, c'est une très longue bande de terrains de part et d'autre qui ne sert actuellement à rien. Beauharnois évidemment est branchée sur les lignes de transmission. On parle même d'une ligne de 735 kV reliée directement à l'État de New York, qui aurait pu permettre de vendre, comme on dit, du vent aux Américains pour les climatiser l'été. Malheureusement, ce projet-là n'a pas été développé. Et on pense qu'Hydro-Québec et la société québécoise en général ont une espèce de dette morale envers la communauté de Beauharnois. Et, nous, on aimerait bien qu'il y ait un projet d'éoliennes, de 30 à 40 éoliennes, qui puisse être développé le long du canal de Beauharnois.

Alors, ça, c'était une petite introduction qui résume pas mal notre mémoire. Maintenant, mon collègue va vous expliquer un petit peu plus... vous faire part de quelques chiffres sur la propriété privée au Québec.

Le Président (M. Paquin): M. Morissette, on vous écoute.

M. Morissette (Jean): Encore bonjour. Donc, si les gens ont notre mémoire en main, je voudrais juste revenir sur le petit tableau de la page 1, qui est, comme Michel l'a dit, un inventaire des compagnies qui possèdent des barrages hydroélectriques privés. Ces informations-là ou ce tableau-là est extrait des informations qui sont disponibles du ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, Aménagements hydroélectriques selon les régions administratives et les bassins versants.

Donc, la somme de ces quatre compagnies-là qui ne comprennent que des barrages de plus de 50 MW, là, ce qu'on appelle... pas petite puissance ? je ne sais pas comment ça s'appelle ? ou grande puissance, c'est une somme, ça fait 3 671 MW, ce qui est environ 10 % de la capacité hydroélectrique d'Hydro-Québec actuellement. Donc, c'est loin d'être selon nous négligeable. Et puis le plus gros joueur évidemment dans ces possesseurs-là, et de loin, est Alcan avec 2 923 MW.

Ensuite, je voudrais vous amener, toujours dans le mémoire, à la troisième page de l'annexe 2, qui est un tableau qui provient d'Hydro-Québec qui donne le nombre d'emplois créés par mégawatt consommé, et il y a une deuxième colonne, à droite, qui est l'investissement par mégawatt consommé. Donc, on voit que la transformation primaire de l'aluminium est un des secteurs qui, par mégawatt consommé, est à un plus faible rapport concernant l'emploi.

10 % de l'aluminium mondial de première fusion est produit au Québec. 2 500 000 tonnes d'aluminium sont produites annuellement. Ce qu'on se demande: Est-ce que le Québec a les moyens d'investir autant dans une énergie propre et maintenant rare et de la laisser à l'industrie de l'aluminium? Est-ce que d'avoir autant d'alumineries de première fusion au Québec est si rentable que ça? Est-ce que c'est la seule imagination qu'on a pour investir autant de mégawatts pour autant d'emplois? Bon. Évidemment, ça, c'est l'interrogation que l'on se pose dans le contexte de l'avenir énergétique du Québec.

L'autre question qui a trait à tout cet ensemble d'hydraulicité privée qui existe actuellement au Québec, c'est sur le territoire traditionnel des Innus ou Montagnais, tout ce qui est possédé principalement par Alcan et de même qu'Abitibi Consol. Sur le nord-est de la province, le territoire des Innus s'étend du Saguenay?Lac-Saint-Jean jusqu'à pratiquement la mer du Labrador. Ces gens-là n'ont jamais signé de convention du type Convention de la Baie James, qui est pour les Cris. Actuellement, ce qui a été négocié, les avantages pour les Innus, les Montagnais, ça a toujours été du pièce par pièce ou du bande par bande. Il y a eu la «Paix des Braves» qui a été signée. Il y a eu une entente aussi avec les Inuits pour les ressources hydrauliques qui courent ou qui coulent vers l'Ungava, qui s'appelle l'entente Sanarrutik. Il y a actuellement ? j'imagine que les parlementaires sont plus au courant que moi ? des négociations avec l'ensemble des Innus pour avoir une convention.

Donc, moi, je me demande: Si jamais notre recommandation de nationaliser l'hydraulicité privée n'a pas lieu, est-ce que ça va être tous les Québécois qui vont payer des redevances pour une électricité qui est utilisée de façon privée? Selon moi, selon nous, il y a 10 % de l'aluminium de première fusion qui est fait au Québec. Les tarifs de grande puissance qui sont appliqués en grande partie à l'aluminerie concurrente, là, qui est Alcoa, où elle ne dispose pas d'importante hydraulicité privée... Les industries bénéficient déjà d'un tarif du kilowattheure qui est probablement très, très avantageux si on regarde toute l'Amérique. Nous avons de très grandes réserves, à savoir: Est-ce que, même s'il y a une nationalisation là, ces gens-là vont quitter le Québec? Je pense que c'est à peu près tout le point principal, là. Michel va revenir au point Éole-Québec.

Le Président (M. Paquin): M. Préville.

M. Préville (Michel): Oui. Bien, sinon, peut-être, on pourrait bientôt conclure pour laisser plus de place aux questions. C'est certain que, derrière la tête, à quoi est-ce qu'on pense? C'est... Bon. Est-ce que les compagnies privées d'électricité... De plus en plus, on entend parler que des compagnies qui ont des installations hydroélectriques veulent vendre aux États-Unis. Est-ce que ça peut être acceptable pour l'ensemble des Québécois qu'une compagnie, par exemple, achète son électricité ou paie son électricité à un endroit de la province à tel prix, à un prix assez avantageux, on le sait, un des meilleurs prix, et profite de ses installations hydroélectriques pour vendre de l'énergie aux États-Unis au double et au triple du prix? Je pense que c'est une question qu'on commence à se poser et qu'on risque de se poser de plus en plus. C'est peut-être le coeur de cette interrogation-là par rapport aussi, à ce stade-ci où on est rendus, à toute la question de la nationalisation à compléter, le travail de René Lévesque à compléter en matière d'énergie.

Je conclurais... En fait, je laisserais... Vous l'avez peut-être lu, ceux qui ont consulté le mémoire d'Héritage Saint-Bernard, vous l'avez déjà lu. En fait, je terminerais tout simplement avec la vision d'Édouard Montpetit, qui nous a un peu étonnés, 60 ans après avoir été écrite. C'était dans un ouvrage sur les Hautes Études commerciales, publié en 1942, où Édouard Montpetit écrit: «[Connaître] notre milieu, tous nos milieux, [relever] la nature et [supputer] l'abondance de nos richesses, afin de les conserver et de les exploiter rationnellement et d'établir sur ce fondement une vie nationale qui, dépassant la théorie et les mots d'ordre, s'épanouira dans le sens de notre innéité et selon les exigences de notre terre et de notre histoire.» Je pense que ça demeure toujours aussi pertinent 60 ans après avoir été écrit. Alors, ça conclurait notre présentation. On pourrait répondre à vos questions ou tenter de répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquin): Merci. On va débuter la période d'échange. M. le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, on vous écoute.

n(16 h 20)n

M. Hamad: Merci, M. le Président. Bienvenue à Québec. Votre titre du mémoire s'appelle Maîtres chez nous!. Vous avez choisi un bon titre.

M. Préville (Michel): On ne l'a pas inventé.

M. Hamad: C'est ça. Et, en fait, Maîtres chez nous!, vous dites: L'électricité, là, on devrait la nationaliser, prendre tous les barrages privés, les prendre parce qu'on veut contrôler l'énergie chez nous, finalement. Maîtres chez nous!, c'est posséder l'électricité, c'est l'ensemble. Et il me vient une question en tête. Mettons... Actuellement, l'hydrocarbure au Québec, c'est tout importé, ça. Et, dans l'esprit, votre esprit de Maîtres chez nous!, est-ce qu'on ne devrait pas développer chez nous pour avoir du pétrole et du gaz? On devrait être maîtres chez nous.

M. Préville (Michel): Vous voulez dire... Est-ce que vous voulez parler d'exploitation gazière dans le golfe du Saint-Laurent?

M. Hamad: Pour être maîtres chez nous, c'est dans le même esprit de nationaliser l'électricité de l'autre côté. Pourquoi l'énergie, où on a 60 %... D'ailleurs, 60 % de la consommation des produits pétroliers, c'est dans le transport, donc il y a une grosse consommation. Pourquoi qu'on ne devient pas maîtres chez nous en faisant de l'exploration? Puis qu'on trouve... Actuellement, il y a un potentiel, là, sur papier, qui est un potentiel énorme, pétrolier et gaz. Et il y en a d'autres qui sont venus ici nous dire qu'Old Harry, par exemple, il a un potentiel de 25 ans, l'équivalent de 25 ans de consommation au Québec. Alors donc, seriez-vous pour l'exploration pour trouver le gaz et le pétrole pour être maîtres chez nous?

M. Préville (Michel): Bien, en fait, je vous dirais qu'il faut mettre ça exactement dans le même contexte que l'exploitation hydroélectrique, par exemple, à savoir... Nous, on n'est pas pour l'exploitation hydroélectrique tous azimuts. On a extrêmement de réticences, par exemple, par rapport à certains petits barrages qui risquent de menacer la pérennité des milieux qui sont baignés par ces cours d'eau là. Alors, sur le même principe, on a énormément d'appréhension sur l'impact que la recherche gazière dans le golfe du Saint-Laurent pourrait faire sur les habitats, les habitats marins notamment du golfe Saint-Laurent.

Je pense qu'il faut être extrêmement prudent dans cette espèce de soif d'énergie, de recherche d'énergie. On ne peut pas le faire en bafouant l'environnement. Remarquez bien qu'il n'y a rien d'étrange là-dedans, on est un groupe environnemental et ça nous préoccupe beaucoup. C'est la raison pour laquelle on s'est impliqués contre le Suroît, à cause du réchauffement climatique. Mais je pense que... maîtres chez nous, oui, mais jamais au détriment de notre environnement.

M. Hamad: Je comprends. Mais c'est clair que le gouvernement ne va pas prendre aucune action sans respect de l'environnement et dans un esprit de développement durable. Mais, dans votre esprit, votre idée de dire «maîtres chez nous», au lieu d'importer le pétrole, est-ce que, pour être maîtres chez nous, on ne devrait pas faire de l'exploration pétrolière?

M. Morissette (Jean): Bien, enfin on n'est certainement pas des experts, on a peut-être une opinion. Vous êtes certainement plus au courant que moi de... Est-ce que ce potentiel-là est réel ou non? On pense que... En tout cas, l'actuelle direction d'Hydro-Québec, disons que c'était son petit dada, là, le deuxième meilleur choix, comme on a dit, qui est devenu l'éolien récemment, il semble. Mais je pense que...

En fin de compte, ce qu'on dit, bien c'est que nationaliser les barrages qu'il y a déjà de construits... Ce sont des privilèges qui ont été accordés il y a très longtemps, pour les barrages. Ça, c'est une énergie... Les dommages à l'environnement sont déjà faits, les barrages sont déjà là, c'est de l'énergie de premier choix, c'est près des marchés. Écoutez, je pense, moi, qu'il est temps de sonner la fin de la récréation pour les gens qui ont des privilèges depuis... entre autres, Alcan, depuis plus de 75 ans au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Je pense qu'ils ont fait des sous avec ça. Puis le gouvernement a un mandat de gérer les ressources naturelles. Jusqu'à preuve du contraire, la Loi sur Hydro-Québec a un droit... un premier regard sur toutes les rivières au Québec, donc l'hydrocarbure...

M. Hamad: O.K. L'efficacité énergétique, vous n'en parlez pas beaucoup. Pourtant, c'est un élément important pour un groupe environnemental.

M. Préville (Michel): Écoutez, on en a beaucoup parlé dans le mémoire qu'on a déposé au BAPE, on en a beaucoup parlé, on a émis beaucoup de communiqués, on a fait beaucoup de sensibilisation là-dessus. En fait, évidemment on ne pouvait pas tout embrasser, on a choisi ici de privilégier certains aspects, sachant très bien, parce qu'on est en contact avec de nombreux autres groupes environnementaux avec qui on a fait front commun contre le Suroît... on savait qu'il y avait... que c'était pour être abordé abondamment dans le cadre de cette commission-là. Alors, c'est délibérément qu'on ne l'a pas abordé, tout simplement parce qu'il ne sert à rien de répéter 50 fois la même chose.

Évidemment, l'efficacité énergétique, c'est de l'or en barre, c'est de l'or en barre, c'est certain que c'est ce qu'il faut développer d'abord et avant tout. D'ailleurs, dans notre projet Beauharnois, cité des énergies vertes, il est beaucoup question d'efficacité énergétique, c'est certain, d'abord et avant tout. Je vous dirais même, on préfère développer l'efficacité énergétique que de bâtir un nouveau barrage. Entre les deux, c'est bien certain.

M. Hamad: Si on peut faire les deux, tant mieux.

M. Préville (Michel): Bien, écoutez, on n'a peut-être pas besoin de développer un nouveau barrage aussi, on n'en a peut-être pas besoin. Je veux dire, si on est capable de mettre sur pied un plan de développement d'efficacité énergétique tel, au Québec, qu'il embrasserait l'ensemble de la province et créerait de l'emploi partout, bien on économiserait notre électricité, puis on n'aurait peut-être pas besoin de faire un nouveau barrage, puis peut-être qu'on aurait juste à coupler des éoliennes à tous les barrages qui sont là.

M. Hamad: Combien vous pensez qu'on peut faire en termes d'efficacité énergétique si on concentre, puis on arrête de faire des barrages, puis on fait des...

M. Préville (Michel): On a étudié beaucoup les chiffres dans le cadre de notre autre mémoire, tout ça. De mémoire, je vais être honnête avec vous, je ne pourrais pas vous dire, là. On peut fouiller dans nos dossiers comme tels. Mais on sait que le potentiel est énorme et on serait bien fous de ne pas en profiter. Et les initiatives d'Hydro-Québec ont toujours été très modestes à cet égard-là. Je pense qu'il y a un groupe comme Négawatts, entre autres, qui a fait la preuve qu'il était possible de tirer énormément de l'efficacité énergétique.

M. Hamad: La dernière annonce qu'on a faite, le gouvernement et Hydro-Québec: 1,6 milliard de dollars d'investissement dans l'efficacité énergétique. Pour vous, c'est modeste, c'est bon, c'est...

M. Morissette (Jean): On trouve que cette mesure-là... On est complètement d'accord. On trouve d'ailleurs que ça a été une petite victoire qui est une retombée de la lutte qui a été faite contre la centrale du Suroît. On lie ces annonces-là à la victoire qui a été faite. En tout cas, pour nous, c'est une victoire que le Suroît ne soit pas construit et puis qu'il y ait plus de mesures énergétiques, on est complètement d'accord et puis on ose s'en attribuer une petite part.

M. Hamad: Parfait. C'est pour le bénéfice de tous les Québécois dont vous faites partie. L'éolienne, vous parlez d'un potentiel de 100 000 MW. Demain matin, vous recommandez de faire combien?

M. Préville (Michel): Demain matin, je commencerais par le maximum où il y a des barrages appartenant à Hydro-Québec, avec réservoir. Je fais de la fiction comme, par exemple, dans le cas de Beauharnois, où on souhaite avoir un parc éolien d'environ 30 à 40 éoliennes, si les études préliminaires le confirment.

Évidemment, dans le cas de Beauharnois, on ne peut pas emmagasiner cette énergie-là parce que c'est un barrage au fil de l'eau. Mais, dans le cas de tous les barrages appartenant à Hydro-Québec, avec réservoir, je pense que le maximum d'éoliennes à chaque endroit devrait être installé. Je pense que, si on peut en mettre de 30 à 40 le long du canal de Beauharnois, on doit bien être capable d'en mettre le double autour des barrages existants. Le nombre, écoutez, je pourrais faire un calcul, sortir mes papiers, je ne peux pas vous dire ça de mémoire comme ça, là.

M. Hamad: Vous n'avez pas d'idée, là. On parle de combien, là, au Québec, combien, là? Quand vous recommandez ça dans votre recommandation, vous dites de créer Éole-Québec. Vous êtes pour l'éolienne. C'est une bonne idée. Mais combien on développe? On va développer quoi? Parce que, là, on va faire de l'efficacité énergétique, on va arrêter les barrages, les nouvelles centrales, selon vous. Mais il faut faire l'éolienne parce que l'efficacité énergétique ne répondra pas à la demande, là. Alors, on fait combien?

M. Morissette (Jean): On ne peut pas répondre. Mais juste revenir sur... On n'est pas contre la construction de centrales hydroélectriques, je ne pense pas. Ce n'est pas dans notre mémoire. Je pense qu'il y a deux points essentiellement qu'on veut attirer l'attention. Un peu comme Michel l'a dit, je pense que vous avez entendu plusieurs personnes, au cours des dernières semaines. On a essayé d'amener deux points qui, on pense, sont peut-être nouveaux. Le premier est qu'on a parlé de nationaliser l'hydraulicité privée. Le deuxième est Éole-Québec, avoir une structure de type Hydro-Québec. Actuellement, à cause sûrement du virage tardif d'Hydro-Québec imposé par... peu importe comment, on est des néophytes dans l'énergie éolienne parce que les orientations de M. Caillé et de sa direction, depuis qu'il est là, son deuxième meilleur choix a été jusqu'à très récemment le gaz naturel et le pétrole.

n(16 h 30)n

Donc, on veut, on croit, on est convaincus qu'au Québec il y a suffisamment d'expertise et d'intelligence, que ce soit à l'intérieur d'Hydro-Québec ou... qu'on le forme, Éole-Québec, de façon à développer une expertise en éolien, pour avoir des chiffres plus précis comme vous nous demandez à nous, et puis que cette ressource naturelle là, qui est aussi une ressource naturelle au même titre que l'eau, avec laquelle on fait de l'électricité, qu'on se l'approprie, qu'on développe une expertise comme... Lorsque le monde entier doutait ou le monde entier... En 1962, lorsqu'on a nationalisé l'électricité, il y avait des milliers de questionnements, on a remis en cause la capacité des Québécois de le faire. Je pense que la preuve a été magistrale puis qu'on est capables, je pense qu'on peut renouveler ça avec Éole-Québec.

M. Hamad: Vous êtes pour le développement hydroélectrique, vous êtes pour l'éolienne, évidemment vous favorisez un projet chez vous, je comprends bien, vous êtes pour l'efficacité énergétique. L'exportation, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Morissette (Jean): Bien, écoutez, notre premier point, ça traite beaucoup, je ne sais pas si... Je vous rappelle qu'il y a... La part exacte de l'énergie consommée annuellement au Québec pour faire un lingot d'aluminium, selon des chiffres que l'on ne sait pas trop parce que les échanges entre Alcan et Hydro-Québec sont secrets, mais, avec qu'est-ce qu'Alcoa dit consommer, selon moi, il y a environ un tiers de l'énergie consommée annuellement au Québec qui sert à faire un lingot d'aluminium. Si on en met moins d'alumineries, si on met des freins à ça, peut-être qu'il en restera pour exporter. Je ne le sais pas. Les détails des chiffres avec M. Fortin, la chicane... Bon, enfin, on n'est pas des experts, et on a lu, on cite même M. Fortin, mais la question de l'exportation, est-ce que... Je pense que reconsidérer l'importance de l'aluminium... le procédé extrêmement énergivore de l'aluminium de première fusion est aussi relié à la question de l'exportation, donc.

M. Hamad: Les données que nous avons, il n'y a pas le tiers de l'énergie qui va à l'aluminium. Ça vaut la peine de juste clarifier, il n'y a pas le tiers, là. Le tiers, c'est 12 000 MW, 13 000 MW.

M. Morissette (Jean): Ça, c'est la puissance. Mais il y a 3 000 MW par Alcan qui est utilisé.

M. Hamad: Pardon?

M. Morissette (Jean): Il y a 3 000 MW qui sont utilisés par Alcan. Ils disent qu'ils sont un consommateur net. Donc, uniquement Alcan, qui produit grosso modo la moitié de la production annuelle, consomme... Donc, ça arrive peut-être à... bon, O.K., d'abord, 3 000, vous me dites. Donc, si on double l'utilisation d'Alcoa pour ses procédés de première fusion, on arrive à 6 000 MW qui...

M. Hamad: Oui, mais on n'est...

M. Morissette (Jean): Les mégawatts, c'est de l'énergie, là... c'est de la puissance, je veux dire. Qu'est-ce qui est consommé pendant 365 jours par année? Je ne sais pas au juste en termes de térawattheures ce que ça fait, mais c'est minimum le quart, M. Hamad.

M. Hamad: Oui, il n'y a pas le quart puis le tiers, mais ce n'est pas grave. Il y a moins que ça, là, vous venez de le démontrer que c'est 10 % et...

M. Morissette (Jean): 10 % de l'aluminium mondialement, M. Hamad.

M. Hamad: Non, non, mais... O.K. Mais c'est correct, je vais... J'ai parlé de l'exportation, moi, je n'ai pas parlé d'aluminium. Qu'est-ce que vous en pensez, de l'exportation de l'énergie, de l'électricité?

M. Morissette (Jean): Bien, je ne suis pas nécessairement contre, mais, comme je vous dis, s'il y a une grande partie de notre énergie qu'on utilise ? on parle de la privée et la publique qui est utilisée pour faire des lingots d'aluminium ? il en reste moins à exporter. Mais, moi, je pense que, s'il y en a plus, tant mieux. Mais ce qu'on a entendu au Suroît avec le grand chantre de l'exportation qui était le président actuel d'Hydro-Québec Production, M. Vandal, je pense que son étoile a peut-être baissé un peu. Mais l'exportation, ce n'est pas tout rose non plus.

M. Hamad: Pourquoi ce n'est pas tout rose?

M. Morissette (Jean): Bien, il y a des coûts. Est-ce qu'on va faire des centrales thermiques, aller contre les gaz à effet de serre pour exporter? Lorsque le projet de Suroît est sorti, M. Hamad, dans les textes ? parce qu'on a été là depuis le début ? c'était écrit à peu près noir sur blanc dans le projet initial que c'était principalement destiné à l'exportation, le Suroît. Donc, est-ce qu'on est prêts à construire des centrales qui vont aller contre Kyoto pour exporter? Bien, si on en a, de l'énergie propre, utilisons-la aussi comme réserve mondiale, peut-être. Utilisons-la judicieusement. Est-ce que...

M. Hamad: On s'entend que, le Suroît, terminé, on n'en parle plus du Suroît?

M. Morissette (Jean): Mauvais souvenir.

M. Hamad: Pardon?

M. Morissette (Jean): Ah, allez.

M. Hamad: Alors là on parle d'éolienne, on parle développement hydroélectrique, on parle de création d'une marge de manoeuvre pour le futur. C'est ça, là, on est là, aujourd'hui, là. Et on parle de l'avenir, là. Et l'avenir, on dit: L'éolienne, l'énergie éolienne, c'est une partie de l'avenir. L'efficacité énergétique, c'est une partie de l'avenir. Le développement hydroélectrique, c'est une partie de l'avenir. Et, si on bâtit une marge de manoeuvre, là, il y a des spécialistes qui nous disent: Une marge de manoeuvre entre 15 TWh et 20 TWh, ce sera préférable et évidemment ça nous permet d'exporter. Je parle de cette énergie-là, là, en partie l'éolienne, là, un jour.

M. Préville (Michel): Bien, c'est certain, exportons... Si on peut exporter ce qu'on est capables d'économiser, je veux dire, c'est merveilleux en partant, là, d'une part. Je veux dire, si on est capables d'exporter de l'hydroélectricité parce qu'on est capables de remplir nos barrages parce qu'on a des parcs d'éoliennes autour des barrages, c'est merveilleux, on n'a rien contre ça. On n'est pas contre l'exportation d'électricité, mais on est contre l'exportation d'électricité dans... je m'excuse de revenir sur ce cauchemar-là un peu...

M. Hamad: Terminé. Terminé.

M. Préville (Michel): ...mais dans la perspective du Suroît, au départ. On a construit le Suroît au départ pour exporter. On n'acceptera jamais un projet qui risque d'avoir un impact sur le réchauffement climatique, sur le réchauffement de la planète, tout simplement pour rentrer de l'argent dans le coffre de l'État. Je veux dire, on est plus... on a plus de principes que ça.

M. Morissette (Jean): J'aimerais juste rajouter quelque chose. C'est qu'il y a eu des représentations, on lit les journaux, il semble qu'il y ait des alumineries qui ne sont pas aussi privilégiées qu'Alcan ? Alcoa, pour ne pas la nommer ? qui semble penser que l'hydraulicité ou les barrages hydroélectriques, c'est comme la tarte aux pommes ou le sucre, on a juste à s'en faire. Mais il y a un potentiel fini hydroélectrique au Québec. Les réserves, c'est le climat, le fait que... qui crée le potentiel hydroélectrique, le climat et la géographie avec le bilan hydrique qui fait qu'il y a un potentiel, mais ce n'est pas infini, ce potentiel-là. On ne peut pas... Les barrages, ce n'est pas pour rien que c'est... Bon.

Comme nos prédécesseurs, les gens de la MRC Manicouagan sont privilégiés, le nord-est de la province, mais il n'y a pas de... ce n'est pas Hydro-Québec non plus qui a créé le potentiel. C'est là à cause de notre position géographique en Amérique. Donc, le potentiel hydroélectrique, l'électricité, tout le monde, il en veut, mais je pense que ça revient au gouvernement de la gérer d'une façon... pour tous les Québécois présents et futurs.

M. Hamad: O.K. C'est clair. On va gérer notre hydroélectricité, c'est clair. Mais il y a un potentiel actuellement, à très court terme, de 20 000 MW au Québec. Vous le savez, hein?

M. Morissette (Jean): Supplémentaire?

M. Hamad: Bien, additionnel à ce qu'on a. Un potentiel. Potentiel, c'est additionnel.

M. Morissette (Jean): Oui, mais les coûts sont différents. Si vous bâtissez un barrage qui va de Schefferville vers l'Ungava, les lignes de transport, bien là le coût du transport est très, très différent d'un barrage qu'il y a actuellement sur l'Isle Maligne, là, au Saguenay, hein?

M. Hamad: Bien sûr, parce que le coût de la vie monte, hein, malheureusement, mais c'est la réalité. Puis au futur aussi, dans le futur aussi, les coûts de la vie montent, les coûts de matériaux, les coûts d'équipement, coûts de main-d'oeuvre, et c'est tout à fait normal aussi que le coût monte aussi. Donc, les coûts plus tard sont plus chers qu'aujourd'hui. Et c'est plus cher qu'il y a 40 ans aussi. C'est normal, hein?

M. Morissette (Jean): Oui, bien, ce qui est normal aussi, c'est que, pour l'électricité, plus vous êtes loin du marché de consommation, plus ça vous coûte cher. Donc, si on privilégie... C'est sûr que... Mais les privilèges qui existent actuellement au Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est l'électricité qui est très près des marchés, qui est abondante, qui est là, et qu'on pense que pour la gestion, le bien-être de tous les Québécois, y compris des gens qui sont là-bas, vous savez, que ce serait mieux sous le giron d'Hydro-Québec.

M. Hamad: C'est correct. O.K. Merci.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions rapides du côté ministériel? Il nous reste 50 secondes.

M. Hamad: C'est correct. C'est correct.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Merci. Ça fait qu'on va se tourner du côté de l'opposition officielle, avec la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: J'apprécie votre générosité, M. le Président, et je vous en remercie. Alors, messieurs, c'est très intéressant, votre mémoire. Moi, j'ai juste deux, trois petites questions.

Votre recommandation essentielle, c'est de créer une société d'État pour développer l'éolien et de, en quelque sorte, planifier l'établissement d'un réseau éolien à proximité des barrages qui possèdent des réservoirs sur le territoire d'Hydro-Québec, enfin sur le territoire du Québec. C'est ça? Alors, je pense que là-dessus on peut assez bien se comprendre. Vous n'avez pas peur toutefois que cette société d'État là... Si elle est à proximité des réservoirs d'eau, il faudrait en quelque sorte qu'elle soit propriétaire... propriété d'Hydro-Québec également, non? Ou si vous la voyez comme une société d'État qu'on crée à partir de zéro?

n(16 h 40)n

M. Préville (Michel): Bien, écoutez, ça, la forme, je vous avoue, la forme légale, on ne s'est pas penchés là-dessus comme tel, là. Cependant, c'est certain qu'il y a une propriété... si on favorise d'abord le développement autour des réservoirs hydroélectriques, je veux dire, il y a déjà une propriété publique là. Maintenant, la structure comme telle... C'est certain que c'est beaucoup plus simple que ce soit le public qui développe sur du terrain public.

Je vous mentionne ça parce que, dans le cas du projet de Beauharnois, en 1995, il y avait un problème de terrain. Le promoteur voulait acheter une bande de terrain pour construire, entre autres, non seulement un parc d'éoliennes, mais une usine d'assemblage qui aurait desservi tout le Nord-Est de l'Amérique du Nord. Ça, c'est des terrains sur lesquels pousse de la phragmite, ce n'est pas cultivable, il n'y a rien à faire là-dessus, c'est habité par des carouges à épaulettes, c'est tout. Hydro-Québec n'a jamais voulu céder. Et en plus le terrain est contigu au parc industriel de Beauharnois. Hydro-Québec n'a jamais voulu céder parce que, pour des raisons... en tout cas, pour des raisons que l'on ignore, là, mais en tout cas. C'est certain, donc, dans le cas d'une propriété publique, bien, si c'est Hydro-Québec, je pense qu'il n'y aura pas le problème qu'on a connu à Beauharnois, par exemple.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Oui. Merci, M. le Président. Vous dites aussi que vous proposez 30 à 40 éoliennes... Une petite remarque en passant. Quand vous dites que le gouvernement a imposé à Hydro-Québec un virage éolien, là, par qui que ce soit ? je ne sais pas trop, vous avez utilisé cette expression-là ? je vous ferai remarquer que c'était par le gouvernement du Parti québécois, hein? Alors, ce n'est pas n'importe qui.

M. Préville (Michel): O.K. Bien...

Mme Dionne-Marsolais: Ça été fait par notre gouvernement, et on est très contents des résultats, et on est très contents que le gouvernement actuel continue dans la même voie. Cela étant, vous proposez 30 à 40 éoliennes le long du canal de Beauharnois. Il n'y avait pas un projet de développement touristique le long du canal de Beauharnois?

M. Préville (Michel): C'est-à-dire, il y a une piste cyclable déjà, le long du canal de Beauharnois comme tel, là. Essentiellement, c'est le plus gros du développement touristique. En fait, nous, ce qu'on propose justement, on propose d'axer le développement touristique... le développement économique de la ville autour de la Cité des énergies vertes qui serait évidemment un parc d'éoliennes. Écoutez, production, pour des fins de démonstration, d'électricité à partir des écluses de Beauharnois, bon, on sait qu'il y a quand même un pouvoir hydroélectrique juste avec le remplissage des écluses, plein de mesures comme ça justement pour que les gens puissent venir puis voir, bon, c'est quoi, un barrage, c'est quoi, des éoliennes, tout ça, que les écoles puissent venir. Il n'y a pas beaucoup d'avenir pour Beauharnois, actuellement, on ne s'en est pas occupé beaucoup, de Beauharnois.

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce qu'à ce moment-là vous pensez que la population vous appuierait dans... 30 à 40 éoliennes, là, c'est du stock, là.

M. Préville (Michel): Oui...

Mme Dionne-Marsolais: Dans un territoire qui est... enfin, que j'ai le plaisir de connaître un petit peu, c'est un territoire qui est quand même assez beau, qui est assez agréable, vous pensez que 30 à 40 éoliennes, ça va donner de la valeur ajoutée au potentiel touristique de la région?

M. Préville (Michel): Écoutez, bien franchement, oui. Si c'était à côté d'un quartier de bungalows, là, on n'aurait même pas osé le proposer. Vous comprenez? Mais, là, on parle d'un territoire contigu au parc industriel de Beauharnois. Écoutez, je pense qu'il y a peut-être ? je dis bien peut-être ? un propriétaire... En tout cas, la centrale du Suroît avait un seul propriétaire qui avait quasiment droit de vote sur le changement de zonage. Mais c'est un milieu qui est inhabité, ce n'est pas un milieu, écoutez... Oui, c'est un milieu naturel, mais c'est un milieu qui a été transformé. Vous savez que le canal de Beauharnois, c'est le détournement de 84 % du fleuve Saint-Laurent. Alors, vous pouvez en parler aux vieux pêcheurs de Beauharnois ou de Melocheville, là, avant 1932, s'il en reste, là, ça avait l'air de quoi avant.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, on s'en rappelle très bien. Puis ça nous avait été imposé par une certaine autorité fédérale, si ma mémoire est bonne, n'est-ce pas?

M. Préville (Michel): Tout à fait.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. On a tous lu le même livre d'histoire. Est-ce qu'effectivement vous avez l'appui de la population pour un tel concept ou si vous n'avez pas vérifié?

M. Préville (Michel): Écoutez, bien, on l'a présenté. On a présenté le projet.

Mme Dionne-Marsolais: Oui?

M. Préville (Michel): Parce que le maire de Beauharnois avait demandé... nous avait demandé de proposer des alternatives. Nous, on est arrivés avec ce projet-là. Ça a été accueilli avec enthousiasme par les membres du conseil municipal, ça, je peux vous dire ça, tous les membres du conseil municipal. Jean était avec moi, à ce moment-là. Ça s'est fait dans toute la tourmente, en février, je pense, en tout cas dans la tourmente du Suroît justement, et puis ça a été accueilli avec enthousiasme.

On a présenté également le projet à l'ensemble de... Il y a une espèce de table de concertation, à Beauharnois, des groupes communautaires et populaires. Ça a été accueilli également avec enthousiasme. Écoutez, on n'a pas fait de sondage comme tel, là, mais à date les gens qui ont eu connaissance de ce projet-là ont été enthousiastes. Et on pourrait même dire que les élus municipaux se le sont approprié un peu, à notre grand plaisir, on est bien heureux de ça.

Mme Dionne-Marsolais: Héritage Saint-Bernard, c'est combien de personnes, ça? C'est vous deux, ou c'est plus que ça, ou...

M. Préville (Michel): Héritage Saint-Bernard, c'est...

Mme Dionne-Marsolais: Bien, écoutez, vous ne vous êtes pas présentés.

M. Préville (Michel): Héritage Saint-Bernard, c'est 350 membres en règle donc qui renouvellent à chaque année. C'est également cinq employés permanents ? c'est bien ça? ? cinq employés permanents, mais en saison ? je dis en saison ? l'été, il y a beaucoup d'animation sur les lieux, on a même une comédienne qui présente les habitats fauniques et floristiques, ça monte jusqu'à 12 employés, avec les étudiants, l'été. Donc, c'est de cinq permanents à une douzaine d'employés, en comptant les emplois d'été.

Mme Dionne-Marsolais: Et vous faites de l'animation?

M. Morissette (Jean): Juste une précision, nous ne faisons pas partie des employés permanents. Nous sommes...

M. Préville (Michel): Non, on est ici à titre bénévole, soit dit en passant.

M. Morissette (Jean): Nous sommes des bénévoles.

M. Préville (Michel): Nous sommes ici bénévolement.

M. Morissette (Jean): Je suis sur le conseil d'administration et Michel est un membre...

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Et donc, c'est une corporation de... Vous dites «sensibiliser la population à la nature» mais aussi faire un peu sa promotion, de la nature, j'entends, là, au sens large, là. C'est ça?

M. Préville (Michel): Effectivement. Et je vous dirais aussi l'environnement en général. Écoutez, on est très impliqués dans le dossier des lagunes de Mercier ? je sais que ce n'est pas trop, trop le créneau de la commission ici, mais, bon ? la plus grande catastrophe écologique au Québec. On a pris le «lead», comme on dit en bon français, d'une coalition qui a réuni Sierra Club, la SVP, tout ça. On est préoccupés par toutes les menaces environnementales sur notre territoire puis on essaie de sensibiliser à la fois la population et les élus municipaux.

Mme Dionne-Marsolais: Et ma dernière question, c'est concernant les chiffres que vous avez sur les investissements par mégawatt consommé, là. Vous savez, on a eu beaucoup de documents, de données qui nous ont été présentés depuis le début, et il y a un chiffre, un ou deux chiffres qui m'ont particulièrement frappée, moi, dans cette discussion sur l'aluminerie, l'aluminium primaire. Et, mis à part le fait que ces investissements-là, dans les régions où est-ce qu'ils se trouvent, ont des impacts structurants très importants, il y a un chiffre d'expédition, de valeur des exportations par kilowattheure consommé ou, si vous voulez, les ventes par kilowattheure consommé par différents secteurs, mais les manufacturiers ont parlé, eux autres, des exportations par kilowattheure consommé par secteur industriel parce que c'est une mesure de rentrées nettes de fonds, hein, c'est une mesure sur le plan de la balance des paiements qui peut être très intéressante.

Ce serait intéressant de faire le même calcul pour les secteurs que vous avez là. Si jamais la chose était possible et que vous décidiez de le faire, je suis persuadée que les membres de cette commission recevraient favorablement ces données. Parce que, quand on regarde tout le contexte énergétique et l'avenir énergétique du Québec, on ne peut le dissocier de l'avenir socioéconomique du Québec, c'est très lié, et d'autant que notre territoire est très grand et qu'il y a des régions qui sont dotées d'un certain nombre de ressources et qui, à l'origine de leur émergence économique, se trouvent des actifs, des alumineries, et il y a effectivement des conditions régulièrement à renégocier.

Et la question sur laquelle on doit se pencher comme décideurs, c'est: Quel est le meilleur choix d'investissement pour l'ensemble du Québec, pour l'avenir du Québec? Et ces données-là sont importantes. Les investissements, c'est une chose, mais ce qu'on retire à chaque année dans l'économie, c'est aussi une chose importante, et cet effet de levier là est important à connaître. Alors, je vous dis juste ça. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président, je ne sais pas si mes collègues en ont.

Le Président (M. Paquin): Pas de question? Non? Très bien. Donc, messieurs...

Une voix: ...réponse...

Le Président (M. Paquin): Ah!

Mme Dionne-Marsolais: Monsieur?

n(16 h 50)n

Le Président (M. Paquin): Allez-y, allez-y, monsieur...

Mme Dionne-Marsolais: M. Saint-Bernard.

M. Morissette (Jean): Seulement faire un commentaire par rapport à ce Mme Dionne-Marsolais...

Mme Dionne-Marsolais: Oui, je vous en prie.

M. Morissette (Jean): Le tableau dont vous faisiez référence est extrait de ce qui est apparu dans le journal, et la source était Hydro-Québec, lorsqu'ils ont parlé de réduire la dépendance des contrats fermes. Ça s'est fait, je pense... Je ne sais pas si...

Mme Dionne-Marsolais: ...

M. Morissette (Jean): C'est en février 2004. Ce n'est pas cité dans la référence, mais le tableau est extrait. C'est paru dans les journaux, mais la source était Hydro-Québec au moment où la direction faisait part de la difficulté à remplir... en tout cas, le bémol qu'ils mettaient sur les contrats aux alumineries, là, puis c'était un tableau qui était extrait de ça. Donc, peut-être qu'eux vont... Ils ont un plus grand service de recherche qu'Héritage Saint-Bernard.

Mme Dionne-Marsolais: Ah, que vous autres? Merci d'en faire la remarque. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Messieurs, merci. M. Morissette, M. Préville, du groupe Héritage Saint-Bernard, merci de votre présentation cet après-midi.

J'invite donc les gens du Réseau Environnement à s'approcher pour présenter leur mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Donc, madame, monsieur du groupe Environnement, je vous invite à vous présenter et à nous présenter aussi votre mémoire.

Réseau Environnement

M. Drouin (Guy): Alors, je vous remercie, M. le Président. Je suis Guy Drouin. Je suis vice-président de Réseau Environnement, du secteur Air et changements climatiques. Je suis accompagné de Mme Karine Oscarson, qui est directrice du Service aux membres de Réseau Environnement.

Alors, essentiellement, ma présentation va conclure sur quatre points. Nous allons présenter qui est Réseau Environnement, nous allons présenter l'équipe qui a préparé le mémoire. Je vais présenter les enjeux, les contextes et les défis énergétiques auxquels le secteur énergétique, au niveau nord-américain et particulièrement au Québec... auxquels nous sommes confrontés, et enfin conclure sur des objectifs d'une politique énergétique ainsi que certains principes d'action d'une future politique énergétique québécoise.

Réseau Environnement, M. le Président, est la plus importante association environnementale au Québec et au Canada, qui regroupe quelque 2 000 membres, qui regroupe essentiellement 400 entreprises oeuvrant dans le secteur de l'environnement, au niveau de l'eau, l'air, les déchets et les sols, qui regroupe également 200 municipalités de la province de Québec et qui regroupe 1 200 professionnels, techniciens, ingénieurs dans le domaine de l'environnement, dont le soussigné. Je suis également président ? le soussigné qui vous parle ? de Biothermica Énergie et de la société d'énergie Gazmont qui opère une centrale au biogaz de 25 MW dans l'ex-carrière Miron, à Montréal.

Alors, Réseau Environnement existe depuis 40 ans. Et elle a été le moteur de la politique québécoise de l'eau, alors qu'à ce moment-là Réseau Environnement s'appelait l'Association québécoise des techniques de l'eau. Le mémoire a été préparé par un groupe qui représente certaines catégories de membres. Nous avons débuté la préparation du mémoire en mai 2004. Et un groupe de travail regroupant une vingtaine de personnes provenant notamment de certains bureaux d'ingénieurs-conseils, provenant d'organismes spécialisés dans les changements climatiques comme le groupe Ouranos, provenant également de secteurs de l'énergie de l'environnement, du milieu universitaire, comme l'Université McGill, ainsi que de certains ministères aux niveaux provincial et fédéral...

Le contexte actuel au niveau de l'énergie, on peut le qualifier selon quatre faits déterminants suivants. Le premier contexte, au niveau mondial et nord-américain en particulier ? et je passerai au niveau Québec par la suite ? est caractérisé, comme vous le savez, M. le Président, par la prédominance des combustibles fossiles. 80 % de l'énergie sur la planète est générée par des combustibles fossiles qui ont un impact au niveau du climat, de la santé et pour lesquels graduellement les principales sources d'approvisionnement, notamment vers le milieu du XXIe siècle, vont aller en diminuant. Je parle ici du pétrole et du gaz naturel.

Le deuxième fait qui caractérise la situation énergétique internationale, c'est l'importante accessibilité de nouveaux joueurs dans le domaine énergétique qui vont amener une augmentation importante de la production d'énergie, notamment en Chine, aux Indes, au Brésil. Et, par conséquent, puisqu'ils vont faire appel à des sources d'énergie en général thermique, on va voir une importante augmentation des niveaux de gaz à effet de serre qui aura comme conséquence, selon le «business-as-usual case», le doublement des concentrations de gaz à effet de serre au niveau de la planète d'ici 2050, pour passer de 24 milliards de tonnes équivalents CO2 à au-delà de 48 à 50 milliards et pour lequel on atteindra une concentration de l'ordre de 550 ppm de CO2 par rapport à un niveau de 380 ppm de CO2 au niveau des gaz à effet de serre.

Le troisième point fort important à avoir à l'esprit est relié à la sécurité, à la dépendance énergétique de plusieurs de ces pays, dont un peu le Québec, dans un contexte géopolitique volatile et également dans un contexte de prix énergétique extrêmement volatile, comme on l'a vu au cours des dernières années.

Enfin, quatrième fait déterminant, il est essentiel, pour les gouvernements tout comme pour les populations et les entreprises privées, de concilier les enjeux de développement durable, de développement économique, de développement technologique et enfin d'acceptabilité sociale des politiques énergétiques.

Le contexte québécois maintenant par rapport au contexte mondial, il est très particulier et, j'oserais dire, il est unique au monde, puisque notre potentiel énergétique s'appuie sur un large potentiel hydraulique qui n'est pas encore totalement exploité. Le ministre vient de dire tout à l'heure qu'il y avait encore 20 000 MW, et effectivement il y a encore un large potentiel hydraulique non exploité.

Notre contexte s'appuie également sur la présence d'une importante capacité de stockage énergétique représentée par nos réservoirs qui sont autant d'accumulateurs pour accumuler des énergies intermittentes comme les éoliennes. On est probablement le territoire au monde où l'utilisation de l'énergie éolienne peut être facilement utilisable grâce à cette capacité de stockage représentée par nos vastes réservoirs hydrauliques par rapport à d'autres pays concurrents comme le Danemark où ils doivent stocker les énergies éoliennes intermittentes sous forme de piles à combustible d'hydrogène; ça, très coûteux.

Enfin, nous sommes assis également sur un large potentiel de biomasse excédentaire non totalement exploitée, représentant autant de puits de carbone, autant d'accumulateurs d'énergie, sous forme d'arbres dégradés, de résidus de coupes, qui pourrait être avantageusement utilisée dans un cadre d'une politique à long terme visant notamment la fabrication de biocarburants à partir de la biomasse excédentaire non utilisée et permettant un aménagement forestier et de sylviculture intensive dans le cadre d'une gestion plus rigoureuse et plus rentable de nos forêts, tel que recommandé par la commission Coulombe.

Enfin, le Québec regroupe un important potentiel humain sous forme d'experts dans les énergies renouvelables, notamment au niveau de l'hydraulique, du biogaz et de la biomasse et éventuellement au niveau des éoliennes.

Le deuxième grand aspect relié à notre contexte énergétique, qui se caractérise et qui est différent par rapport aux autres secteurs, aux autres régions du monde, c'est nos faibles tarifs de l'électricité qui favorisent, à notre point de vue, un gaspillage, une mauvaise utilisation et qui ne va pas dans le sens du développement durable de la province. Et je reviendrai sur cet important aspect de notre mémoire bientôt.

n(17 heures)n

Enfin, compte tenu du fait que le potentiel hydraulique est fort important et que 96 % de notre électricité est générée à partir de richesses renouvelables, la part du secteur des transports dans les émissions de gaz à effet de serre est beaucoup plus importante par rapport aux autres provinces ou aux autres régions d'Amérique du Nord, cette part-là est supérieure à 40 %.

À notre point de vue, une politique énergétique à long terme devrait s'appuyer sur les principes suivants: d'une part, les principes de développement durable; d'autre part, les principes de sécurité et d'efficacité énergétique; et enfin sur les principes d'une juste valeur économique qui doit être accordée à notre électricité, qui, à notre point de vue, permettra d'en favoriser son usage optimal.

Et, à cet effet, je lis l'item 3.1.3 de notre mémoire, qui se lit comme suit: «Le prix de l'énergie doit refléter sa valeur réelle en intégrant toutes les composantes associées à sa production et à sa consommation, ce qui inclut les impacts environnementaux. L'intégration des externalités implique que le prix de vente doit comptabiliser la valeur intrinsèque de la ressource, tout comme la perte de jouissance d'un écosystème ou de la ressource. Le prix doit intégrer les mesures correctrices ou d'atténuation nécessaires pour l'ensemble des polluants émis ou des nuisances engendrées à toutes les étapes du cycle de vie de l'énergie, soit l'extraction, la production, le transport, la consommation et la gestion des [...] infrastructures en fin de vie utile.»

Conformément au principe d'utilisateur-payeur, Réseau Environnement croit que les tarifs de l'électricité doivent être augmentés au niveau de leur valeur réelle sur le marché, tandis que la structure tarifaire doit tant qu'à elle être modulée de sorte à diminuer la pointe journalière et annuelle sur le réseau. Les profits supplémentaires générés par les hausses de tarifs pourront par conséquent être réinvestis dans des programmes ciblés d'efficacité énergétique avantageux pour les consommateurs ou être utilisés en allégements fiscaux à l'intérieur d'une politique de développement économique et industriel avant-gardiste et en soutien aux familles à plus faibles revenus. Ainsi, les consommateurs les plus consciencieux, ceux qui se prévalent des programmes d'efficacité énergétique, devraient être en mesure d'atténuer partiellement l'impact des hausses de tarifs par une consommation réduite.

Donc, en partant de ces principes directeurs, nous estimons que la politique énergétique s'appuiera sur les programmes d'action suivants:

1° favoriser une hausse graduelle des tarifs électriques de manière à favoriser le développement durable tout en optimisant l'efficacité énergétique de notre système et tout en créant, par le fait même, des surplus d'électricité qui pourraient éventuellement être exportés avec profit par la province;

2° favoriser l'exportation d'énergie propre et renouvelable rendue possible par l'exploitation du plein potentiel éolien et hydroélectrique à moyen et à long terme de la province et l'utilisation des surplus, ce qui favorise la création d'une richesse collective au Québec, dont une partie pourrait servir au développement de technologies du futur en matière énergétique;

3° assurer la sécurité énergétique du Québec par un approvisionnement de notre approvisionnement en énergie. Comment?

Appuyer la pénétration du gaz naturel au Québec et en permettre un approvisionnement diversifié et une provenance diversifiée par la construction d'un terminal méthanier, nous sommes d'accord avec ce projet; deux, appuyer la modernisation de la centrale nucléaire Gentilly afin de conserver cette centrale comme vitrine technologique de notre savoir-faire en cette matière et éventuellement comme un premier jalon d'une économie à base d'hydrogène. C'est une option qui est possible dans le moyen et long terme, et je crois qu'il faut la conserver et que conséquemment le maintien des infrastructures actuelles au niveau de Gentilly, on ne doit pas se fermer des portes, on doit la conserver pour être associés à cette veille technologique, conserver notre savoir-faire dans le domaine nucléaire et ainsi pouvoir profiter éventuellement d'opportunités technologiques que sûrement le XXIe siècle va être témoin.

Enfin, favoriser l'utilisation de la biomasse, notamment aux fins de production de biocarburants par une gestion rigoureuse, rentable de nos forêts, par la récupération de la biomasse excédentaire laissée sur nos parterres de coupes, ce qui favorisera à long terme la pérennité de nos forêts et qui évidemment favorisera également les objectifs du plan Coulombe.

En conclusion, M. le Président, MM. les membres du gouvernement et de l'opposition officielle, par le passé, le Québec a su profiter d'une vision gouvernementale structurante du développement énergétique, que ce soit par la nationalisation de l'électricité, dans les années soixante, ou par le développement du complexe La Grande, dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Quoique ces projets furent l'objet de vives oppositions dans certains milieux de l'époque, ils sont devenus aujourd'hui de puissants outils de développement durable en combinant prospérité et énergie propre et renouvelable. De la même manière, le Québec devra faire preuve de vision et de courage dans l'élaboration de sa future politique de développement énergétique et définir ses priorités d'action dans l'intérêt premier du développement durable.

Réseau Environnement croit que la future politique énergétique du Québec doit, tout en étant au service du développement durable du Québec, s'inscrire dans un contexte de solidarité mondiale qui vise la réduction des gaz à effet de serre et l'amélioration générale de la qualité de l'environnement en Amérique du Nord. C'est pourquoi nous appuyons les exportations d'énergie, puisque ces exportations d'énergie propre, dans des territoires dans lesquels on retrouve énormément de centrales thermiques au charbon, seraient, évidemment dans le cadre du développement durable de notre région, seraient un acquis très positif.

Enfin, aussi, la politique doit privilégier l'efficacité énergétique, le développement des énergies propres et renouvelables ainsi que l'exportation d'électricité de source renouvelable dans le but de contribuer, dans un premier temps, à l'amélioration de la qualité de l'environnement et à la réduction des émissions globales de gaz à effet de serre, et, dans un second temps, permettre au Québec de récolter d'importants dividendes économiques résultant de l'exportation de son énergie.

Afin d'atteindre les objectifs précédents, en conclusion, il apparaît qu'une plus juste tarification de l'électricité en regard de sa valeur réelle économique, celle-ci se traduisant par une hausse graduelle de nos tarifs, soit un élément incontournable de toute politique énergétique à long terme au Québec. Une telle hausse, à notre point de vue, devrait toutefois s'accompagner de mesures de mitigation fiscale pour certains secteurs à risque de notre économie et de notre population. Je vous remercie.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci. Et nous procédons maintenant à l'échange. M. le ministre.

M. Hamad: Merci, M. le Président. M. Drouin, bienvenue à Québec, Mme Oscarson. D'abord... Parce que vous êtes les premiers ici à venir nous dire que vous êtes d'accord avec l'énergie nucléaire, en fait, là. Et là vous avez parlé du port méthanier, vous êtes d'accord avec un port méthanier pour diversifier les sources d'énergie et dans le but d'une sécurité énergétique. Vous parlez, à la page 21 de votre mémoire, de la façon de le faire, en fait, là. Page 21, je pense, ou... Je pense, c'est 23, 23 de votre mémoire. En tout cas, vous parlez de port méthanier. Ce que vous dites dans votre mémoire: Il faut prévoir une façon de faire et permettre l'information. C'est la page 24, page 24 de votre mémoire. Pourriez-vous m'expliquer davantage qu'est-ce que vous voulez dire dans la façon de présenter... Vous parlez, là, à la page 24, de port méthanier, que le gouvernement s'implique ou avoir une procédure qui explique comment, les informations, etc. Comment vous voyez ça, vous?

M. Drouin (Guy): Alors, premièrement, pourquoi on appuie un tel projet? C'est qu'on considère que le gaz naturel devrait non pas uniquement provenir de l'Ouest canadien, mais également de sources de gaz naturel moins coûteuses. Comme vous le savez, les réserves de gaz naturel en Amérique du Nord vont en diminuant. Il y a de très importantes quantités de gaz naturel qui sont actuellement non utilisées en Algérie, Trinidad-Tobago, en Arabie Saoudite, qui sont essentiellement «flarées», envoyées et brûlées en torchères. Et essentiellement ces quantités-là, lorsque liquéfiées et transportées par des méthaniers, leur prix de revient est inférieur au prix actuel de la molécule. On parle d'environ 3 $, 3,50 $ le gigajoule une fois arrivées au port de Québec ou ailleurs dans la province. On n'est pas là pour dire où... le port méthanier doit être là.

n(17 h 10)n

Et, dans notre point de vue, toute politique de développement énergétique au Québec doit viser une remise à niveau du gaz naturel par rapport à l'électricité. Réseau Environnement considère que l'utilisation de l'électricité pour le chauffage signifie une inefficacité énergétique. On ne doit pas utiliser une énergie comme l'électricité, qui est une énergie noble, laquelle elle peut être utilisée plus efficacement dans d'autres secteurs, pour faire du chauffage. L'énergie électrique... le chauffage doit être utilisé par le gaz naturel de façon à atteindre une meilleure efficacité énergétique, beaucoup plus importante, notamment tout le temps vu, comme je vous l'ai expliqué, dans un contexte régional qui englobe également le Nord-Est américain. Parce que, lorsqu'on parle de développement durable et d'émissions de gaz à effet de serre, on ne peut pas le regarder au niveau de la province uniquement, il faut le regarder au niveau de la planète. Comme vous le savez, lorsqu'on envoie un polluant dans l'atmosphère, il fait rapidement le tour de la planète.

Alors, dans ce sens-là, il est important qu'on augmente l'utilisation du gaz naturel au Québec de manière à pouvoir au moins libérer l'énergie électrique qui est utilisée dans le chauffage et que ce soit plutôt utilisé, cette énergie-là, pour de l'exportation ou pour d'autres fins qui sont beaucoup plus valables en termes de développement durable, et que par ailleurs le chauffage doit être comblé par une énergie très propre, qui est le gaz naturel, qui est beaucoup plus propre, comme vous le savez, en termes de présence de carbone, que l'huile n° 2 ou l'huile n° 6.

Alors, maintenant, comment présenter ou développer l'argumentaire vis-à-vis la population? Je crois que c'est un argumentaire basé carrément sur un argument de développement durable. Votre gouvernement a mis en place actuellement des actions pour éventuellement arriver avec un projet de loi ou un document qui va asseoir autour du gouvernement ces principes de développement durable là. Et nous croyons fermement, et Réseau Environnement serait prêt à vous appuyer dans ce sens-là, nous croyons fermement que l'utilisation plus importante du gaz naturel au Québec va véritablement, lorsque vue dans un contexte global régional, dans le sens d'un développement durable de la planète.

M. Hamad: Vous parlez dans votre mémoire des sept principes, là, d'action qu'on devrait... que vous recommandez pour la stratégie énergétique. Et le cinquième, vous parlez sur saisir les opportunités de recherche et développement, et vous avez défini quelques secteurs, là, géothermie, etc. Alors, comment vous voyez ça? C'est des incitatifs financiers, réglementaires?

M. Drouin (Guy): Oui. Bon, premièrement, au niveau de la recherche-développement au Québec, c'est au niveau de deux volets. Il y a évidemment les incitatifs financiers. Alors, à ce niveau-là, comme vous le savez, nous avons une politique de crédit d'impôt remboursable au niveau de la recherche scientifique et du développement expérimental qui était de 40 % et qui est revenue à 35 % de la masse salariale ou des salaires qui sont versés à des chercheurs dans les domaines. Au fédéral, on retrouve le même niveau de 35 % remboursable pour certaines entreprises et notamment les PME. Nous considérons que ces crédits d'impôt, au niveau des dépenses admissibles, devraient être ouverts pour inclure également les dépenses reliées à la commercialisation desdites technologies.

Et je suis bien placé pour en parler parce que je suis également président d'une compagnie de technologie en énergie. Je considère que le gouvernement et les gouvernements, aux niveaux fédéral et provincial, font un excellent travail, en termes d'incitatifs financiers, pour mettre au monde, développer, breveter des technologies. Par ailleurs, lorsque vient le moment de commercialiser lesdites technologies dans un monde en pleine concurrence et surtout vis-à-vis d'importants groupes européens, allemands, dans des marchés à travers le monde, les coûts sont fort importants, les risques sont fort importants.

En d'autres mots, la difficulté, ce n'est pas de développer des technologies, on est un peuple extrêmement créateur, au Canada comme au Québec, vous le savez; c'est le défi de la commercialisation. Et nous croyons qu'un simple changement à la loi des crédits d'impôt pour rendre admissible, non pas pour tout le monde mais pour ceux qui ont breveté une technologie, le crédit d'impôt de 35 % sur les dépenses de commercialisation, peut-être pendant un certain nombre d'années, va avoir un impact extrêmement positif sur le développement de ces marchés pour les entreprises du Québec si jamais une telle mesure était applicable et qui pourrait faire l'objet d'un amendement au niveau de la loi de Revenu Québec comme de Revenu Canada au niveau de l'admissibilité des dépenses de commercialisation des technologies comme des dépenses admissibles au crédit d'impôt de 35 %.

M. Hamad: Vous parlez d'une vision sur un horizon de 25 ans. Et vous avez parlé un petit peu l'hydrogène aussi. Alors, juste voir... Évidemment, vous le savez, vous êtes une personne qui êtes impliquée dans le domaine ? biotechnologie, Biothermica ? dans le domaine technologique depuis des années et vous savez que ça change vite, là. Alors, comment vous voyez ça, vision 25 ans?

M. Drouin (Guy): Alors, sur un horizon, plutôt, parlons de 25 à 50 ans, comment on ne le voit? Pas uniquement la compagnie que je représente mais également les membres qui faisaient partie du «focus group» qui a été amené à pondre ou à déposer le mémoire ici, nous voyons que le développement va augmenter, au niveau mondial, la part des énergies renouvelables.

On voit l'Europe actuellement qui, par le biais des mécanismes de Kyoto, font un effort extrêmement important pour augmenter la part des énergies renouvelables dans leur bilan énergétique global. Comme vous le savez, hier, Kyoto est rentré en vigueur. Et évidemment cette accélération, si vous voulez, de l'utilisation d'énergies renouvelables dans des économies comme celles de l'Union européenne, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Danemark, vise trois objectifs, vise une augmentation des énergies renouvelables afin d'une part de diminuer et de rencontrer dans le fond leurs engagements vis-à-vis le Protocole de Kyoto en termes de réduction de gaz à effet de serre, essentiellement 5 % à 6 % sous le niveau 1990. L'Allemagne, la France, le Danemark, l'Angleterre ont déjà ou à peu près rencontré leur objectif de Kyoto. Ce sont des États exemplaires.

Deuxièmement, cette accélération, si vous voulez, de mise en place de générateurs d'énergie permet l'autarcie énergétique de ces pays qui dépendent ou qui dépendaient en grande partie d'importations de pétrole et de gaz provenant de régions géopolitiquement instables et en même temps ça permet une amélioration de leur balance des paiements. En d'autres mots, cette tendance lourde, au niveau mondial, qui est donnée par l'Europe, d'accélérer la mise en place d'énergies renouvelables, éolienne, biomasse, etc., et minihydro, va se poursuivre en Europe et commence déjà à se mettre en place dans les principaux États américains, avec plusieurs incitatifs actuellement, dont notamment ce qu'on appelle les «Renewable Portfolio Standards» dont se sont équipés principalement les États du Nord-Est américain, avec des objectifs à rencontrer au niveau d'un pourcentage d'énergies renouvelables.

Alors, d'ici les 25, 30 premières années, on va remarquer une augmentation graduelle. Notre mémoire fait état de prévisions qui ont été faites par Shell Renewables, O.K., la compagnie Shell, qui est dans le domaine évidemment du pétrole mais qui diversifie énormément actuellement pour aller dans les domaines des énergies renouvelables. C'est pareil pour BP Oil, ils ont des grands... pareil pour General Electric, ils embarquent dans les énergies renouvelables, pas uniquement au niveau de l'éolienne, au niveau du solaire, photovoltaïque, au niveau de la biomasse, et notamment dans le domaine de la gazéification, et également au niveau de la gazéification du charbon, ce qu'on appelle la Clean Coal Technology.

Alors, on va voir ces technologies-là se déployer et graduellement, d'ici 25, 30, 40 ans, voir l'énergie renouvelable occuper une part d'environ 30 % du bilan énergétique mondial, par rapport à peu près à, aujourd'hui, 8 %, mettons. Et, graduellement, avec la diminution appréhendée, il faut dire que, selon les prévisions de Shell, de BP, de l'organisation mondiale de l'énergie, on prévoit qu'on va atteindre une diminution des ressources prouvée de pétrole et de gaz et qu'à compter de 2050 ça va aller en diminuant.

n(17 h 20)n

C'est pourquoi notre vision, c'est que, puisque le prix des combustibles va continuer à augmenter ? on vient d'atteindre 50 $ le baril ? ça va induire véritablement une révolution scientifique au niveau de la mise en place de différentes autres formes d'énergie, mais ça va se faire graduellement, sur un horizon de 25 ans.

Et je crois que le Québec est extrêmement bien positionné, puisque c'est l'endroit sur la planète où on retrouve au même endroit le plus grand potentiel ? per capita, là, je dis ? hydroélectrique, éolien et biomasse à peu près de la planète. Et on a véritablement les ressources pour développer, mettre en place une politique qui pourrait faire jouer ces trois formes d'énergie là, en d'autres mots, prendre le Maîtres chez nous de 1962, de Jean Lesage, qui était uniquement au niveau de l'hydroélectricité, et d'y ajouter les deux autres sources d'énergie renouvelable, qui sont autant d'accumulateurs, si vous voulez, d'énergie, la biomasse non utilisée et l'éolien. Et on a véritablement tous les moyens pour mettre en place...

Par contre, la mise en place d'une telle politique doit s'appuyer, à notre point de vue, sur une augmentation graduelle des tarifs et sur une politique agressive au niveau de l'exportation pour créer véritablement cette marge de manoeuvre qu'on a besoin au Québec, cet enrichissement collectif qui va permettre par la suite de pouvoir répondre à des besoins à court terme au niveau de la santé publique et autres, et également de prévoir probablement, comme je l'ai mentionné dans le mémoire, un fonds de développement technologique pour les nouvelles technologies. Je vous remercie.

Le Président (M. Jutras): M. Drouin, je vais vous demander peut-être d'être plus bref dans vos réponses si vous voulez qu'il y ait plus d'échanges. Est-ce que quelqu'un d'autre...

M. Hamad: S'il n'y a pas d'autre question, je vais y aller avec l'hydrogène, encore une fois. Parlez-moi de l'hydrogène, selon votre vision, là.

M. Drouin (Guy): Bon, l'hydrogène actuellement il y a... Bon, l'hydrogène est un vecteur énergétique, donc c'est une façon dans le fond pour transporter une unité d'énergie d'un point à un autre, O.K.? Il y a deux modes pour fabriquer l'hydrogène. Il y a le mode avec les énergies non renouvelables, soit par reformage du gaz naturel ou par le charbon.

C'est un peu ce que le gouvernement Bush, aux États-Unis, préconise actuellement, il préconise une économie à base d'hydrogène, par contre alimentée et fabriquée à partir de l'hydrogène qu'on retrouve dans le charbon essentiellement et dans le gaz naturel. Évidemment, cette économie à base d'hydrogène est génératrice également de gaz à effet de serre si c'est fabriqué à partir d'énergie fossile, alors.

Par ailleurs, l'hydrogène fabriqué à partir d'énergies renouvelables est neutre au niveau de l'environnement, tout comme l'hydrogène fabriqué à partir de l'électrolyse de l'eau par le biais de centrales nucléaires.

Maintenant, comment que l'hydrogène va s'articuler à long terme? L'hydrogène actuellement fait l'objet de plusieurs projets pilotes un peu partout à travers le monde et c'est une forme d'énergie qui est encore extrêmement coûteuse. Par ailleurs, à long terme, d'ici 2050, si on continue à appuyer le développement énergétique sur des bases de combustibles fossiles et qu'on voit une augmentation importante de la concentration des gaz à effet de serre, il va falloir à un moment donné se rabattre sur des formes d'énergie neutre au niveau de l'environnement, puisqu'il est dit et il commence à y avoir une espèce de consensus scientifique que, si on dépasse la concentration de 550 ppm de CO2 par rapport à à peu près, pas loin de 400 aujourd'hui, on peut avoir des effets climatiques qui peuvent être, je ne dirais pas irréversibles, mais qui peuvent causer énormément de problèmes au niveau des impacts au niveau de la planète.

Alors, compte tenu que les économies de transition veulent également augmenter leur puissance électrique ? probablement que c'est une des options qui est appuyée par plusieurs groupes ? probablement qu'on n'aura pas le choix que de retourner au niveau du nucléaire à compter de 2050 mais en couplant l'énergie nucléaire avec la fabrication d'hydrogène pour également utiliser cet hydrogène-là dans le secteur des transports de façon à également diminuer les émissions de ce secteur-là.

M. Hamad: Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue. Vos réflexions sont provocatrices mais intéressantes. Vous avez bien identifié, je pense, les enjeux de l'avenir concernant le prix élevé, l'importance d'une vision de perspectives de développement durable et tous les enjeux de sécurité énergétique.

Dans votre réflexion sur la consommation d'énergie, vous parlez beaucoup... vous parlez du transport, évidemment. C'est une consommation qu'on ne peut pas négliger et pour laquelle pour l'instant les quelques expériences à l'hydrogène sont quasiment un luxe pour certains pays.

Je vous écoutais tout à l'heure répondre au ministre sur le vecteur de l'hydrogène. Et, au Québec, on sait qu'on a déjà, dans le passé, fait beaucoup de recherches, en fait, là-dedans. On a reculé un peu pendant un certain nombre d'années. Aujourd'hui, il y a une équipe à Trois-Rivières qui prétend faire un travail de haut niveau, et je pense que c'est vrai, à en juger par ce qu'on lit. Mais il y a toute une logistique d'infrastructures d'approvisionnement, là, qui nous échappe.

Comment pensez-vous qu'un petit État, je ne dirai pas un pays par respect pour mes collègues d'en face, mais un petit État comme le nôtre peut influencer l'évolution de son économie vers une solution, entre guillemets, hydrogène au niveau du transport, à ce moment-ci?

M. Drouin (Guy): À ce moment-ci, je crois qu'il faut faire une... ce qu'on appelle, une veille technologique et évidemment suivre tout ce qui se passe dans le domaine de l'hydrogène, des piles à combustible, etc. Je sais que le groupe de recherche à Shawinigan, LTEE... il y a déjà un groupe qui suit ça d'assez près.

Par ailleurs, je crois ? c'est ma vision des choses, c'est une opinion ? qu'une économie à base d'hydrogène est une hypothèse, et, si cette hypothèse devient réalité, ça ne sera pas dans les prochains 20, 25 ans, pour les raisons que vous venez de mentionner, les raisons reliées aux infrastructures. Ça va être plutôt dans la deuxième moitié du XXIe siècle, si jamais on s'en va vers une économie à base d'hydrogène de façon à pouvoir avoir un secteur des transports qui n'émet plus d'émissions de gaz à effet de serre, tout comme d'émissions d'oxyde d'azote ou de matières particulaires qui créent le smog urbain, qui créent des problèmes au niveau de la santé, etc. C'est plus à long terme.

Par contre, la période transitoire vers les carburants alternatifs, c'est les biocarburants. Le Brésil, comme vous le savez, a maintenant une économie reliée à l'utilisation d'éthanol en tant que biocarburant pour tout son secteur automobile et de transport. C'est une politique qui a été mise en place par les gouvernements brésiliens successifs depuis la fin des années soixante-dix, le début des années quatre-vingt.

Les États-Unis, dans les États du Midwest notamment, ont une politique depuis Carter. Jimmy Carter, lorsqu'il a pris le pouvoir, en 1978, c'était suite au deuxième choc pétrolier, a mis en place des politiques ? c'est pour ça que ça prend un gouvernement qui mette en place les politiques et après l'entreprise privée suit, donc le gouvernement doit être visionnaire ? a mis en place une politique pour favoriser la fabrication d'éthanol à partir du maïs, dans les États du Midwest, afin de faire du gazole.

Au Québec, et j'étais partie prenante, on a mis en place une politique de fabrication de carburant alternatif, au début des années quatre-vingt, à travers une société d'État qui s'appelait Nouveler et qui appartenait entre autres à Hydro-Québec, à REXFOR, à la SGF, et on a développé une usine complète de gazéification de la biomasse. J'en étais le responsable. Et nous avions mis en place et développé cette technologie pour transformer la biomasse forestière excédentaire en méthanol ou en carburant qui pourrait servir à affranchir le secteur des transports de l'importation de carburant et qui en même temps permettrait une meilleure utilisation de nos parterres de coupe.

n(17 h 30)n

Alors, les carburants alternatifs, il y a actuellement plusieurs développements aux États-Unis, au Brésil, la Colombie. Et nous sommes impliqués dans un projet actuellement en Colombie justement d'éthanol- carburant, puisque, depuis le deuxième choc pétrolier, il y a eu Kyoto et que l'utilisation des biocarburants amène d'importantes réductions de gaz à effet de serre, d'importants crédits de réduction de CO2 qui actuellement ont une valeur d'échange sur le marché européen à travers le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto. Ça va...

Aujourd'hui, le prix a atteint 9 euros la tonne équivalent en CO2 actuellement, et les prix ont beaucoup augmenté compte tenu que l'Union européenne a, en plus de Kyoto, mis des pénalités pour ceux qui ne rencontrent pas leurs objectifs de réduction, des pénalités de 100 euros la tonne. Alors, on voit ça comme étant une mesure transitoire. Et c'est les biocarburants, à notre point de vue, qui vont s'établir plutôt que l'hydrogène. L'hydrogène, personnellement, je le vois plutôt dans la deuxième moitié du XXIe siècle, si jamais on y arrive.

Au Québec, quand je parlais de la biomasse, on a cette possibilité de fabrication d'importantes quantités de biocarburants qui pourraient être utilisés dans le secteur des transports et permettraient, à ce moment-là, de diminuer les gaz à effet de serre de ce secteur-là, tout comme évidemment, comme vous le savez, l'utilisation de véhicules hybrides et l'utilisation d'incitatifs fiscaux pour justement accélérer la mise en place d'un parc automobile basé sur la technologie hybride.

Mme Dionne-Marsolais: C'est intéressant, ce que vous dites. Et puis, pour les non-initiés que nous sommes, j'aimerais ça... Est-ce que je comprends... Est-ce qu'on devrait comprendre de ce que vous dites que l'utilisation d'éthanol avec du diesel ou de l'essence est possible aujourd'hui techniquement sans modification des voitures?

M. Drouin (Guy): Oui. Au niveau de l'éthanol, dans une proportion de 5 % à 10 %, on n'a pas besoin de modifier les moteurs.

Mme Dionne-Marsolais: Et, dans un climat comme celui du Québec, la production d'éthanol, bon, j'imagine qu'on pourrait produire ça avec du maïs?

M. Drouin (Guy): Maïs ou résidu de bois.

Mme Dionne-Marsolais: Le résidu de bois.

M. Drouin (Guy): Par hydrolyse enzymatique. Il y a une importante compagnie, probablement la compagnie la plus avancée au monde dans le domaine, c'est Iogen Corporation, à Ottawa, qui a développé, depuis 20 ans, un procédé, dans lequel Shell Renewables est actionnaire, et qui actuellement met en place carrément des projets de fabrication d'éthanol à partir de résidu de bois.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, dans votre partage d'une vision hydroéolien-biomasse, là, l'éthanol ferait partie de cette composante-là.

M. Drouin (Guy): Pourrait faire partie de... éthanol ou méthanol. Oui.

Mme Dionne-Marsolais: En fait, elle aurait même un effet plus grand à cause du potentiel du secteur des transports...

M. Drouin (Guy): Tout à fait.

Mme Dionne-Marsolais: ...qui permettrait de diminuer une dépendance d'approvisionnement d'hydrocarbures.

M. Drouin (Guy): Tout à fait.

Mme Dionne-Marsolais: Et avez-vous fait des calculs là-dessus ou... Théoriquement, là, on se comprend, mais, au niveau des calculs? Non, pas vraiment? C'est juste par curiosité que je vous demande ça, parce que vous avez l'air d'avoir regardé bien attentivement ces choses-là.

M. Drouin (Guy): Depuis 20 ans, assez attentivement. Au niveau du méthanol à partir de la gazéification de la biomasse, on était compétitifs par rapport au mode conventionnel de fabrication de méthanol. À l'époque, de mémoire, je vous le dis sous toutes réserves, je pourrais vous envoyer par la suite plus d'informations actuelles, mais on était autour de 0,20 $ le litre, si je me souviens. Mais la clé pour la pénétration de ces carburants alternatifs, c'est que les gouvernements puissent nous donner un congé sur la taxe d'accise.

Mme Dionne-Marsolais: Taxe d'essence? Taxe d'accise. Ah oui, d'accord.

M. Drouin (Guy): Oui. Oui. Là est la...

Mme Dionne-Marsolais: C'est la clé? Effectivement, les gens du biodiesel sont venus nous dire la même chose, puis je pense que le message est assez clair. Et ce serait peut-être intéressant pour le gouvernement de faire une analyse coûts-bénéfices. Mais effectivement, si nous avons une capacité d'avoir des retombées, même au niveau de la balance des paiements, ce pourrait être très intéressant pour le Québec.

Mais mon autre question: Dans cette vision d'énergie pas vraiment renouvelable, mais... ? oui, en quelque sorte ? est-ce que vous voyez tout ça sous le couvert d'Hydro-Québec ou si vous voyez ça sous le couvert de deux ou trois sociétés d'État, ou un mix société d'État-privé, ou totalement privé? La question se pose.

M. Drouin (Guy): Hydro-Québec, à notre point de vue, joue bien son rôle dans le domaine de l'électricité. Ce sont des experts, si vous voulez, dans la génération d'électricité, ce sont des experts dans la distribution et dans le transport. En affaires, on dit tout le temps: Ce que tu fais le mieux, continue à le faire puis fais-le encore mieux. Parce que les technologies évoluent vite dans ces trois domaines, et il faut rester focus.

Dans les autres secteurs, je crois que l'entreprise privée est très bien dotée pour être en mesure de mettre en place les différents projets si le gouvernement nous appuie non pas avec des subventions nécessairement, mais avec des incitatifs fiscaux. Le marché va faire le reste du travail. Parce que, lorsqu'une entreprise voit des opportunités, elle va les chercher, puis elle va les chercher vite quand l'opportunité est là. C'est un peu notre cas dans le domaine des biogaz, lorsqu'on a vu qu'il y avait une opportunité de faire une centrale au biogaz, on l'a faite, et ça a été un investissement 100 % privé dans le cas de Gazmont, que vous connaissez. Alors, je crois qu'on a un secteur privé au Québec extrêmement dynamique, visionnaire, créateur, et on est prêts, et on demande au gouvernement: Appuyez-nous, pas trop mais assez pour que ça marche.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Alors, disons que le gouvernement vous écoute, et vous entend, et qu'il vous appuierait dans le... avec des escomptes ou des crédits fiscaux, puisque c'est ce qui semble être préféré, vous avez quand même besoin, dans le cas de production éolienne ou de production de biomasse, d'un acheteur. Et, au Québec, l'acheteur, ce serait Hydro-Québec Distribution. Est-ce que vous auriez des possibilités de choix quant à l'acheteur? Est-ce que la loi actuelle vous permet, pas de choisir votre acheteur mais de magasiner votre acheteur?

M. Drouin (Guy): Lorsque tout à l'heure on a mentionné qu'une augmentation des tarifs généraux au Québec encouragerait le développement durable, encouragerait les économies d'énergie, encouragerait également évidemment la mise en place de projets alternatifs d'énergie, c'est bien sûr, à travers les achats d'Hydro-Québec. Lorsque je venais ici, en autobus, vous rencontrer, messieurs, madame, j'avais le rapport annuel d'Hydro-Québec, le dernier bilan financier d'Hydro-Québec, et je me suis... j'ai rapidement fait un petit calcul où Hydro-Québec vend en moyenne, en 2003, 167 TWh à un prix moyen vendant de 0,0486 $ le kilowattheure. Par ailleurs, elle exportait, à un prix moyen de 0,0949 $ le kilowattheure, sur les deux dernières années, 2002, 2003, pour lesquelles j'avais des données, environ 16 TWh sur le marché américain. Alors, évidemment, bon, on vend 0,0486 $ en moyenne puis on peut vendre à l'extérieur neuf point... le double dans le fond. Alors, évidemment, pour nous, une amélioration des tarifs pourrait être source d'opportunités pas uniquement pour la mise en place de nouveaux projets d'énergie, mais également pour la mise en place d'économies, etc.

Maintenant, pour répondre à votre question, oui, on aura un autre choix actuellement comme producteurs privés, c'est de vendre aux États-Unis directement, en payant un tarif à TransÉnergie et en demandant à Hydro-Québec de nous transporter l'énergie électrique au Vermont, par exemple, ou dans le NEPOOL. O.K.? Actuellement, et on le considère, on a cette option-là. On n'est pas obligés de vendre à 100 % à Hydro, on peut vendre, en vertu de l'ALENA, aux États-Unis.

n(17 h 40)n

Actuellement, l'intérêt de vendre aux États-Unis, il est double. Premièrement, il y a des tarifs électriques de l'ordre de 0,05 $US le kilowattheure ou 0,06 $ et, pour les producteurs d'énergie renouvelable, il y a également ce qu'on appelle le «Renewable Energy Credit» qui est accordé, puisque le NEPOOL reconnaît les générateurs du Québec et du Nouveau-Brunswick comme étant des vendeurs potentiels de «Renewable Energy Credit». Et, au début du mois de janvier, le dernier encan qui a été fait pour l'achat de «Renewable Energy Credit»... Ça, c'est pour les États qui ont une obligation d'avoir un certain pourcentage d'énergie électrique dans le portefeuille. Et, lorsqu'un des générateurs, je ne sais pas, au Massachusetts ou au Vermont, ne peut pas l'atteindre, il va acheter ce qu'on appelle des «Renewable Energy Credits» comme d'une éolienne, ou d'une centrale au biogaz, ou d'une minihydro. Chaque État a sa caractérisation. Et l'encan est sorti, au début de janvier, à 0,051 $US le kilowattheure, qui s'ajoute au prix que je vendrais au prix du marché. Alors, faites le calcul. Et il y a évidemment un intérêt pour des producteurs privés d'énergie électrique d'aller directement vendre aux États-Unis plutôt que de vendre à Hydro-Québec.

Mme Dionne-Marsolais: Ce que vous dites est absolument vrai sur le plan théorique, mais, sur le plan pratique, cette obligation d'Hydro-Québec Transport de transporter votre électricité vers une destination, quelle qu'elle soit, dépend de sa capacité disponible sur ses lignes de transport et/ou de distribution.

M. Drouin (Guy): Tout à fait.

Mme Dionne-Marsolais: Or, on sait qu'au niveau des lignes de distribution d'Hydro-Québec, en tout cas au Québec, dans les centres de consommation, la marge de manoeuvre ? dixit Hydro-Québec ? n'est pas très, très grande. Alors, en théorie, ce que vous dites est juste; en pratique, ce n'est pas aussi facile que ça.

Alors, je vous pose la question parce que j'ai eu des discussions avec des producteurs privés et j'ai essayé de voir si certains avaient fait l'expérience d'utiliser les lignes de transport de l'Hydro pour vendre à des clients qu'ils avaient de l'autre côté de la frontière ? je ne dirai pas laquelle, là, mais de l'autre côté de la frontière ? et tous m'ont dit la même chose: Moi, je n'en connais pas qui l'ont fait; c'est possible, mais les conditions d'équilibrage ou de garantie qu'Hydro va nous demander pour assurer la fiabilité en cas de panne sont telles que ce n'est pas rentable pour moi de faire ça.

Évidemment, si le bénéfice de l'autre côté, c'est le prix du marché plus 0,05 $ du kilowattheure, peut-être que, là, ça deviendrait rentable, ça, je le concède. Mais c'est quand même très variable. Parce qu'on a vu, ce matin, une étude fort intéressante de Breton, Banville qui nous montrait, sur un échantillon donné d'une semaine, l'évolution du coût d'électricité aux États-Unis, dans certains États limitrophes. Et il y avait même des endroits, certaines heures ? vous l'avez peut-être vue, cette étude-là, elle est assez intéressante ? où on donnait quasiment l'électricité, là, je veux dire, tu leur aurais donné qu'ils auraient dit: On n'en veut même pas, on n'en a pas besoin, ça ne vaut rien pour nous.

Donc, les conditions de revenus que vous citez d'Hydro-Québec, à 0,08 $ ou 0,09 $, ce sont des conditions du commerce de l'électricité qu'elle fait dans des conditions de courtage, là: J'en achète, j'en vends; j'en achète quand ce n'est pas cher, j'en vends quand c'est cher; net-net, ça me fait ça. Facile à calculer sur papier. J'appelle ça, moi, des calculs de M.B.A., avec tout le respect que je vous dois, parce que je sais que vous l'êtes. Mais, cela dit, il y a quand même d'autres choses là-dedans, là. Il y a d'autres dimensions qui font que, si on veut vraiment développer une politique énergétique qui offre des choix d'investissement et des choix de consommation, il y a un encadrement qui est requis.

Ma question cette fois-ci concerne Hydro-Québec Production. Je suis sûre que vous saviez que je vous la poserais parce que je l'ai posée presque à tout le monde. Est-ce que vous considérez que, dans sa forme actuelle, la loi n° 116 devrait être maintenue, c'est-à-dire protège dans le volet d'Hydro-Québec Production... c'est-à-dire protège Hydro-Québec Production de la juridiction de la régie? Parce qu'actuellement c'est ça.

Le Président (M. Jutras): En 40 secondes.

Mme Dionne-Marsolais: En 40 secondes. Oui ou non?

M. Drouin (Guy): Moi, j'aime autant ne pas commenter sur cette question, pour l'instant.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! Est-ce qu'Hydro-Québec Production... Il reste 30 secondes.

M. Drouin (Guy): Le commentaire que je peux donner au niveau de la loi n° 116: on s'est beaucoup interrogés à l'intérieur de notre groupe de travail. Le fait d'avoir fixé le prix de l'énergie patrimoniale à 0,0269 $ le kilowattheure, on croit que cette décision ne doit pas être permanente, qu'elle pourrait être ou devrait être possiblement reconsidérée dans le cadre d'une politique énergétique à long terme.

Mme Dionne-Marsolais: Ça veut dire qu'il faut ouvrir la loi n° 116.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. Drouin, merci. Merci, madame. Et les travaux de la commission sont ajournés à mardi le 2 février, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 45)


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