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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, February 7, 2018 - Vol. 44 N° 141

Special consultations and public hearings on Bill 152, An Act to amend various labour-related legislative provisions mainly to give effect to certain Charbonneau Commission recommendations


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Syndicat québécois de la construction (SQC)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec-Construction (FTQ-Construction)

Centrale des syndicats démocratiques‑Construction (CSD‑Construction) et Centrale
des syndicats démocratiques (CSD)

Confédération des syndicats nationaux-Construction (CSN-Construction)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Intervenants

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien

M. Alain Therrien

M. Marc Picard

M. Guy Leclair

*          M. Sylvain Gendron, SQC

*          M. Charles-Olivier Picard, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Yves Ouellet, FTQ-Construction

*          M.  Martin L'Abbée, CSD

*          M. Luc Vachon, idem

*          M. Jean Lacharité, CSN-Construction

*          M. Pierre Brassard, idem

*          Mme Maude Pepin-Hallé, idem

*          M. Serge Cadieux, FTQ

*          M. Claude Tardif, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 152, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine du travail afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Therrien (Sanguinet) remplace M. Traversy (Terrebonne) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lamontagne (Johnson).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Cet avant-midi, nous allons entendre le Syndicat québécois de la construction et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Donc, bienvenue, messieurs, à l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps maximum de 10 minutes. Je vais vous demander de vous présenter et de présenter également les personnes qui vous accompagnent. Donc, la parole est à vous.

Syndicat québécois de la construction (SQC)

M. Gendron (Sylvain) : Merci. Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la commission. Alors, mon nom est Sylvain Gendron, président du Syndicat québécois de la construction. À ma gauche, il y a M. Alain Bousquet, qui est secrétaire de la commission, et, à ma droite, Charles-Olivier Picard, qui est conseiller syndical auprès du syndicat.

Alors, le Syndicat québécois de la construction est une association exclusivement dans l'industrie de la construction, qui est représentative en vertu de la loi R-20, la loi qui chapeaute l'industrie de la construction. On représente 28 000 membres partout dans la province, et, à ce titre, on siège à tous les comités de la Commission de la construction du Québec, et son président, c'est-à-dire moi-même, agit également à titre d'administrateur à la Commission de la construction du Québec.

Alors, notre mémoire va être partagé en deux, c'est-à-dire que moi, je vais traiter ou avancer au niveau de la gouvernance, et M. Charles-Olivier Picard fera la suite par après.

Alors, le projet de loi n° 152, son but est de limiter le nombre de mandats d'un administrateur à deux mandats de trois ans, et pour le Syndicat québécois de la construction, l'instauration d'une dimension limitative du nombre de mandats qu'un administrateur peut exécuter s'avère contre-productif. En effet, la charge d'un tel mandat est relativement assez complexe et elle requiert le développement d'expertises précises. Il est évident que le savoir-faire des conseils d'administration risque d'être mis à l'épreuve si une telle dimension limitative est adoptée. Le SQC croit qu'il est essentiel de ne pas compromettre la stabilité de la composition des membres des conseils d'administration, puisque celle-ci favorise le maintien d'une mémoire organisationnelle. Là, je vous avise que nous, on va traiter uniquement de la gouvernance de la Commission de la construction du Québec, étant donné que le SQC n'est pas à la CNESST.

Ceci étant dit, et je répète, la mémoire organisationnelle, ce qui est très important à nos yeux... Le C.A. de la CCQ requiert, je l'ai dit, ça requiert une expertise très développée. Sans être exhaustif, il faut être... il faut développer des expertises en rapports collectifs de travail, en gestion des avantages sociaux des régimes de retraite de l'ensemble de l'industrie de la construction, 170 000 membres, plus les employeurs, plus le régime d'avantages sociaux, régime de retraite de la commission, des employés de la Commission de la construction. Ça demande de l'expertise en analyse réglementaire, en administration de société, ainsi, ainsi. Il est donc clair qu'un administrateur membre de ce C.A. peut parvenir à construire son expertise principalement qu'au fil de ses mandats.

De plus, le C.A. de la CCQ s'est doté de plusieurs comités consultatifs. Ces comités ont pour mandat de prendre en charge certaines tâches spécialisées, comme dans tout C.A. Il ne se substitue pas à ce dernier dans son rôle décisionnel, mais prépare les dossiers afin que celui-ci puisse prendre des décisions éclairées et documentées. Comité de vérification, comité de gouvernance et d'éthique — important, c'est un nouveau, il est là depuis 2011 — comité de placement, comité de technologie de l'information. Il va de soi que les administrateurs, qui sont les mêmes qu'au C.A., pour la plupart, doivent pouvoir acquérir eux aussi des connaissances complexes dans un délai raisonnable, afin que les travaux soient efficaces. Si la candidature doit être soumise au gouvernement pour approbation, la nomination d'un administrateur ou le renouvellement d'un mandat n'a aucune raison de relever des dispositions limitatives de la loi. Le gouvernement a déjà apporté certaines modifications au fonctionnement du C.A. de la CCQ dans le contexte du projet de loi n° 33. Parmi ces modifications, comme mentionné plus tôt, on retrouve la création d'un comité d'éthique et de gouvernance qui procède, entre autres, à une évaluation de la performance du C.A. Il devient donc légitime de se questionner sur le bien-fondé des nouvelles modifications, considérant celles qui ont déjà été mises en place en matière de gouvernance.

Qui plus est, la recommandation 19 de la commission Charbonneau fait état d'un seul cas pour appuyer la volonté de limiter les mandats des administrateurs, et ce cas réfère à un contexte législatif antérieur à la Loi n° 30 où les us et coutumes et la gouvernance de la CCQ évoluaient différemment. Les moeurs ont changé, les méthodes de gestion aussi. C'est pourquoi le Syndicat québécois de la construction recommande au gouvernement de ne pas limiter le nombre des mandats des administrateurs, et rappelle à ce dernier de reconnaître aux associations représentatives le droit de recommandation de leurs candidatures, leurs candidats. Je laisse ça à Charles. Merci.

M. Picard (Charles-Olivier) : Je vais embarquer pour les dispositions pénales en cas de violence et d'intimidation. Évidemment, le Syndicat québécois de la construction est d'avis que toute action servant à favoriser un climat de travail sain est nécessaire et va toujours le penser.   Cependant, quand on regarde le projet de loi n° 152, aux yeux de notre organisation, l'expression «susceptible de», aux articles 113.1 et 113.2 projetés de la loi R-20, laisse place à interprétation. Selon les dictionnaires — nous, on a utilisé Usito — l'expression «susceptible de» désigne «peut faire quelque chose, servir à quelque chose, produire un tel effet sur quelqu'un, quelque chose ou éventuellement être capable de». Nous croyons que le législateur pourrait errer en droit avec un tel ajout. En effet, il risque de confondre la réelle volonté de nuire avec un acte non intentionnel. Le fardeau de démontrer l'intention d'un geste ou d'une action s'avère relativement flou, avec ce qui est proposé. Il y a une incertitude sur l'application future de cette loi et la justification irrationnelle.

• (11 h 40) •

Quand on va à l'article 16 du projet de loi, qui fait référence à 113.3 projeté dans la loi R-20, on amène une dimension intéressante quand on parle du paiement et du salaire, des avantages illégaux. On met une dimension où est-ce qu'on peut dire à un salarié : Bien, si tu participes à un système où est-ce que tu reçois illégalement des systèmes de salaire et d'avantages sociaux et que tu as été de connivence avec ton employeur, tu peux faire l'objet de poursuites également. À première vue, c'est bien, sauf que nous, qui représentons des salariés, on sait très bien que souvent, les salariés sont victimes d'un système et n'ont pas le choix d'y adhérer. Le syndicat qui a présenté hier... a amené cet exemple-là aussi entre «tu veux travailler» ou «tu ne veux pas travailler». Donc, nous, on croit que ce libellé distingue mal le salarié qui est réellement de connivence avec un contrevenant réel.

Considérant que la sécurité d'emploi n'existe pas dans notre industrie, ce genre de disposition là vient encore affaiblir le lien qu'un salarié peut avoir avec son employeur. Le rapport de force est véritablement démesuré. Nous, évidemment, on s'oppose à ce que des victimes soient réellement mises à tort devant les tribunaux. Bien que le projet de loi apporte une certaine dimension sur la protection des sources, la protection des «whistleblowers», on ne croit pas que c'est suffisant dans le contexte actuel, où est-ce que le rapport de force est démesuré.

Je vais ensuite aller à l'article 18. L'article 18 prévoit qu'une association de salariés, le représentant d'une telle association, qui tient une réunion de salariés sur les lieux du travail sans le consentement de l'employeur ou qui ordonne, encourage ou appuie une telle réunion commet une infraction. Bon, cet article-là vient limiter littéralement le pouvoir d'un représentant syndical sur les chantiers de construction. Il faut savoir que l'industrie de la construction est distincte de tout autre secteur d'activité, c'est-à-dire que le syndicat n'est pas présent sur les lieux physiques où s'exécute la prestation de travail. Les chantiers de construction sont multiples à travers la province et les représentants syndicaux sont appelés à aller vers ces chantiers-là. Que ça soit pour faire de l'intervention au niveau du respect de la convention collective ou au niveau de la prévention en matière de santé et sécurité au travail, il est nécessaire qu'on puisse garantir que le travail puisse être fait librement, aux représentants syndicaux.

Actuellement, les conventions collectives disposent d'une certaine entente à cet effet-là pour permettre, justement, aux représentants syndicaux d'avoir accès à tous les chantiers au Québec. Mais si la loi R-20 introduit une disposition qui vient contredire ce que la convention collective dit, on peut se retrouver dans une situation où est-ce qu'il y aura encore un flou juridique et est-ce qu'on devra aller devant les tribunaux avec une telle situation? Donc, on saisit difficilement pourquoi le législateur apporte ces modifications-là. Nous considérons qu'il risque d'y avoir plus de conséquences néfastes que de bienfaits apportés. On considère c'est toujours nécessaire de favoriser un climat de travail harmonieux sur les chantiers de construction, mais ce n'est pas la bonne façon de s'y prendre.

Maintenant, en ce qui a trait aux infractions à oeuvrer pour une association syndicale, évidemment, tout ce qui est cas de violence et d'intimidation, la SQC n'entérine pas ça et ne l'entérinera jamais. On comprend que les erreurs commises d'un représentant syndical peuvent le limiter à agir dans son mandat. Les mêmes choses s'appliquent également aux administrateurs patronaux. Cependant, posons-nous la question : Est-ce que les répercussions sont les mêmes pour un acteur syndical qu'un acteur patronal? Évidemment que non. L'acteur syndical perd sa source de revenus et doit retourner, à titre de travailleur, sur les chantiers de construction. L'acteur syndical qui est au sein de son association depuis plusieurs années n'aura pas la même capacité de se replacer en emploi, tandis que l'entrepreneur va délaisser ses fonctions au sein de son association patronale et pourra continuer d'oeuvrer pour son entreprise. On ne peut pas comprendre que les répercussions ne sont pas les mêmes. Posons-nous la question : est-ce que c'est vraiment équitable? Est-ce que, par exemple, une suspension de la licence RBQ de l'administrateur pourrait être soulevée, soulevée dans le sens qu'elle pourrait être... suspendue, dis-je. Donc, est-ce que ça serait une solution? On lance la question, et ensuite peut-être que ça pourrait être un ajout.

En conclusion, on vous ramène qu'il y a d'autres situations qui peuvent être apportées pour assurer un climat de travail sain sur les chantiers de construction. Traditionnellement, les syndicats de l'industrie vous ramènent à ce qu'il serait nécessaire que la loi R-20 soit modifiée pour y ajouter les possibilités de négocier des clauses de rétroactivité lorsque vient de temps de négocier nos conventions collectives et d'introduire des dispositions antibriseurs de grève. Ça serait des dispositions qui seraient suffisantes pour assurer un maintien des relations de travail saines et harmonieuses.

La Présidente (Mme Richard) : Merci pour votre exposé. Je veux juste vous souligner que je vous ai laissé dépasser un peu plus votre temps, toujours avec le consentement. Mme la ministre, on va débuter les échanges, et la parole est à vous.

Mme Vien : Merci beaucoup, messieurs, de vous être présentés ce matin, c'est un plaisir de vous recevoir. J'ai pris bonne note de ce que vous nous avez transmis comme information, mais aussi ce que vous nous transmettez comme inquiétude. Bon, il faudrait vraiment avoir une perte de mémoire assez importante pour ne pas se souvenir de ce qui a été dit hier, puis je vois bien, là, que vous êtes... vous occupez la même position que certains groupes qui ont fait des représentations hier, durant toute la journée.

J'aimerais revenir, de façon plus particulière, sur deux ou trois éléments, selon le temps que j'aurai, là. Vous semblez inquiets sur la protection des lanceurs d'alerte, sur la protection qu'on veut apporter. Est-ce que j'ai bien compris qu'on ne va pas assez loin?

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, évidemment, on n'est pas contre la vertu parce qu'on a juste à regarder l'historique, l'historique qu'on a eu, autant au Québec qu'au Canada, sur les dispositions de protection de lanceur d'alerte qu'il y a eu. C'est des éléments qui sont nécessaires et importants, mais on ne l'a pas abordé nécessairement dans le mémoire. Mais je me suis permis de le faire dans la présentation. Dans le contexte où est-ce qu'on n'a pas de sécurité d'emploi, comment on va réellement protéger des sources, dans un cas de protection de lanceur d'alerte? Si on ne parvient pas à protéger un lien d'emploi, on peut s'adopter des meilleurs principes en termes de protection de lanceur d'alerte, mais seront-ils applicables?

Mme Vien : Alors donc, l'autre question qui vient : Comment on fait pour bien les protéger dans le contexte où, comme vous le soulevez, les travailleurs de la construction travaille dans un système qui est, disons-le, dans le sens précaire, dans le sens qu'il n'y a pas... on peut avoir trois ou quatre employeurs durant l'année, comment on fait ça?

M. Picard (Charles-Olivier) : Eh bien, dotons-nous des mécanismes nécessaires puis on pourra le faire pour protéger justement le lien d'emploi.

Mme Vien : Bon, parfait. Tenir des rencontres sans le consentement du patron — je vais dire ça dans mes mots — de toute évidence, ça vous embête, cet élément-là.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, évidemment, ça nous embête parce que ces dispositions-là, on les a protégées dans nos conventions collectives. Nos conventions collectives font en sorte qu'étant donné que c'est un item qui a été négocié avec les associations sectorielles d'employeurs, ça fait acte d'entente. Donc, si on introduit une disposition qui peut sembler contraire dans la loi, est-ce que ces dispositions-là seront toujours applicables? Est-ce qu'elles vont rentrer en confrontation? Et est-ce que le travail du représentant syndical, qui est là pour favoriser le maintien des conditions de travail de ses travailleurs et travailleuses et d'assurer un environnement de travail sain et sécuritaire, vont toujours perdurer? Nous, on pense qu'au contraire il faudrait renforcer le rôle du représentant syndical, au lieu de l'affaiblir.

Mme Vien : Je termine sur toute la question du «susceptible», là. Ça aussi, ça vous inquiète. Quel genre de dérapage vous inquiète avec cet élément-là?

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, évidemment, on peut le voir sur différents angles. Je pense que c'est une approche holistique, même, rendu là. «Susceptible de», je traduis mal la façon dont on pourra trouver l'intention derrière un geste plutôt que de présumer qu'un geste peut avoir été commis. On éprouve la certaine crainte qu'on risque d'accuser à tort des victimes ou d'accuser à tort des gestes qui n'étaient pas répréhensibles chez des gens. C'est là, la difficulté. On comprend l'intention du législateur, toujours de favoriser un climat de travail sain, faire en sorte que ça fonctionne bien, mais on ne pense pas que c'est la bonne façon de le faire. Et est-ce que la façon dont la loi R-20 est écrite actuellement... est-ce qu'elle est suffisante? Bien, je pense qu'elle est nécessairement meilleure que les propositions qui sont faites en ce moment.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. Picard, merci.

La Présidente (Mme Richard) : Mme la ministre, merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Sanguinet, vous avez la parole.

M. Therrien : Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord vous saluer, saluer la présidente, la ministre et les députés de la partie gouvernementale, ainsi que mon collègue de la deuxième opposition. Je vous salue évidemment pour votre... je vous salue, et merci de votre visite, ça nous aide à comprendre un peu plus les portées que peut avoir ce projet de loi.

Moi, j'aurais quelques petites questions. D'abord, le mot «susceptible», là, vous avez beaucoup insisté là-dessus, puis, tout au long de votre texte, là, ça revient souvent. Et j'aimerais porter à votre attention, à la page 13, parce que je lis, et j'aimerais ça vous entendre sur les conséquences que ça peut avoir, ce mot-là, entre autres, et qu'il soit appliqué selon que ce soit dans un... les gens qui appartiennent au monde syndical et les gens qui seront des entrepreneurs peuvent avoir des conséquences qui sont différentes, et vous apportez une solution. Honnêtement, j'aimerais ça vous entendre. D'abord, pourquoi c'est si différent pour un entrepreneur que pour le monde syndical, et, ensuite, qu'est-ce que vous proposez, et puis le lien avec le mot «susceptible». Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce qu'honnêtement je sens que c'est important, mais j'ai de la misère à saisir cette portée-là.

• (11 h 50) •

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, en effet, l'expression «susceptible de» vient s'imbriquer maintenant avec les nouvelles infractions pour être inhabile à oeuvrer pour une association. Évidemment, le représentant syndical, lorsqu'il est en poste comme représentant syndical, c'est son emploi, c'est sa source de revenus. Tandis que le représentant patronal qui siège pour une association patronale, d'abord et avant tout, c'est un entrepreneur pour lequel a sa principale source de revenus avec cette entreprise-là à titre d'administrateur, propriétaire, bon, on peut y aller sous les différents titres qui existent. Donc, si on dit au représentant syndical : Tu perds ton emploi pour cinq ans, bien, tu mets fin à sa source de revenus. Si on dit à un administrateur patronal : C'est terminé pour cinq ans, bien, sa source de revenus continue quand même. Mais la nature du geste qu'il peut avoir commis n'aura pas la même incidence sur la sanction. Donc, nous, on dit : Bien, écoutez, si on veut nécessairement punir, bien, allez le punir avec son rôle d'entrepreneur.

M. Therrien : O.K. Donc, je lis, là, que vous parleriez de l'exclusion du droit d'être dans la Régie du bâtiment, en tout cas, de recevoir des contrats de la Régie du bâtiment. C'est ce que je...

M. Picard (Charles-Olivier) : Non, non, précisément...

M. Therrien : D'avoir sa licence, là.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, c'est ça. Précisément, c'est une suspension temporaire ou permanente. Ça serait à établir peut-être en fonction de la gravité du geste ou de comment une loi pourrait être réécrite. Mais nécessairement c'est de le punir avec son rôle d'entrepreneur.

M. Therrien : À ce moment-là, il ne pourrait plus effectuer de travaux dans la construction, j'imagine, dans le sens large, là.

M. Picard (Charles-Olivier) : En fait, il ne pourrait plus le faire en son nom. Il faudrait qu'il soit au service de quelqu'un d'autre, et il ne serait plus décideur.

M. Therrien : Donc, ça a quand même une grosse portée.

M. Picard (Charles-Olivier) : En fait...

M. Therrien : Comment les entrepreneurs accueilleraient ça, cet ajout-là, vous pensez? Je vous pose la question simplement parce que c'est quand même important, là.

M. Picard (Charles-Olivier) : Évidemment, on est dans l'hypothétique, mais probablement qu'ils l'accueilleraient de la même façon que nous, on accueille ce qu'un représentant syndical pourrait avoir.

M. Therrien : C'est ça, le but. C'est ça, le but. Je comprends très bien. Je comprends très bien. Non, mais je ne veux pas... honnêtement, je ne veux pas défendre quiconque. J'ai juste essayé de voir, là, si, entre ces deux poids, deux mesures que vous avez annoncées au départ, là, ça pourrait être corrigé avec l'introduction de cet aspect, là, lié aux licences dans la Régie du bâtiment.

Écoutez, vous avez dit qu'une infraction, dans le cas où une personne travaille pour un employeur, qui est en position de faiblesse, qui se met dans une situation compromettante, bien, à ce moment-là, il pourrait être puni, pénalisé, alors que, dans le fond, il n'avait comme vraiment pas le choix parce qu'il ne voulait pas mordre la main qui le nourrissait. C'est ce que j'ai compris.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, je vais pouvoir me recadrer un peu. Je ne dis pas nécessairement mordre la main qui le nourrit parce que, nous, ce qu'on veut faire, ce n'est pas punir la victime. Si l'entrepreneur a imposé un système de rémunération illégal, bien, qu'on accuse l'entrepreneur, mais qu'on épargne la victime. C'est à peu près ça qu'on dit. C'est déjà présent, c'est déjà actuel où est-ce qu'on a des salariés qui sont victimes d'un système, puis si on met cette disposition légale là, bien, j'ai peur qu'on accuse à tort des victimes, là.

M. Therrien : Je vais vérifier. Oui, vous avez parlé... j'avais une question par rapport aux lanceurs d'alerte, je pense que vous avez répondu de façon assez, assez intéressante, là, à cette question-là. Moi, je pense que j'ai fait le tour.

Vous avez parlé du projet de loi n° 33 sur le changement de la gouvernance. Vous avez glissé un mot là-dessus. Est-ce que vous considérez que cet ajout de ce projet de loi là va améliorer, assainir la gestion de contrats et la gestion du monde dans lequel vous oeuvrez? Est-ce que vous pensez que c'était nécessaire? Est-ce qu'on en avait fait un bout avec le projet de loi n° 33 ou vous pensez que l'activité, ce qu'on fait actuellement, c'est extrêmement important pour assurer que votre système... pas votre système, mais votre domaine soit protégé contre toutes sortes de problèmes liés à la gestion?

M. Gendron (Sylvain) : Est-ce que je dois comprendre... La question est au niveau de la limitation des mandats? Est-ce que la limitation des mandats va améliorer la gestion à la Commission de la construction, c'est ça?

M. Therrien : Oui.

M. Gendron (Sylvain) : Non, absolument pas. Non, absolument pas. Présentement, la charge de travail ou d'expertise que doit acquérir un membre du conseil d'administration de la commission est immense. Elle est très grosse. Alors, un mandat de trois ans, on ne fait que débuter à aborder... surtout si le membre, et je vais me prendre en exemple, je suis également membre du comité de vérification, membre du comité de placement et du comité de TI, technologie de l'information. C'est entre trois, quatre rencontres par année. Entre trois, quatre rencontres par année, avec une brique à chaque fois, où on doit étudier, souvent les premières années, dans des termes qu'on ne maîtrise pas. Si on doit discuter au conseil d'administration, nous, de ce qui est perfectionnement dans l'industrie de la construction ou des métiers, pas de problème, on est à l'aise. Le reste, on doit l'acquérir.

Alors, pour un membre du conseil d'administration qui provient de l'industrie de la construction, et ils doivent provenir de l'industrie de la construction, lui, il doit acquérir des outils qui vont prendre un certain laps de temps. Donc, trois ans à acquérir, trois ans à exercer, puis on sait qu'on doit quitter. En plus de ça, lorsqu'on quitte... et la même chose est valable pour le membre indépendant. Le membre indépendant a peut-être de l'expertise dans sa sphère de spécialité, mais elle n'a pas l'expertise de l'industrie de la construction. Laissez-moi vous dire que ça leur prend au moins un minimum de trois ans pour avoir une bonne idée de comment fonctionne notre industrie. C'est une industrie, ce n'est pas juste une facette de l'industrie. C'est une industrie que la commission gère.

Maintenant, ceci étant dit, si on met fin après trois ans, la mémoire organisationnelle, celle qui est importante, des membres du conseil d'administration, elle, elle doit être en mesure de pouvoir continuer par la suite. Et là être en mesure de saisir la mission et l'histoire de... de la Commission de la construction, excusez-moi là, mais ne pas arriver puis recommencer au début, je vais réapprendre. Parce que qu'est-ce qui va arriver, c'est qu'on va avoir des exécutants à la commission. On n'aura pas des décideurs. On n'aura pas les décideurs de l'industrie. Le danger, c'est qu'on va créer un conseil d'administration fantôme à côté... où les vrais décideurs vont prendre des décisions puis ils vont dire aux exécutants, bien, on est contre, on est pour, faites ça. Ça fait qu'à chaque fois, le conseil d'administration, ça n'avancera pas, à un moment donné. Parce que les vrais décideurs ne seront pas présents à la table.

M. Therrien : O.K. Puis je sens que c'est un des irritants les plus importants, parce que vous avez commencé votre laïus avec ça. Mais vous n'aviez pas aussi bien expliqué parce que le temps, aussi... vous avez juste 10 minutes, mais vous n'aviez pas expliqué aussi clairement, là, à quel point c'était devenu un irritant pour vous et...

M. Gendron (Sylvain) : C'est vrai, mais étant donné que je... on est un peu redondants, vous l'avez vu.

M. Therrien : Oui, oui, oui.

M. Gendron (Sylvain) : Toutes les associations...

M. Therrien : Bien, pas... non, vous n'êtes pas redondants, mais...

M. Gendron (Sylvain) : ...n'acceptent pas, mais considèrent que ça va être contre-productif pour la Commission de la construction et, si on a bien entendu, également pour la CNESST. Alors, c'est pour ça qu'on a passé moins de temps là-dessus.

M. Therrien : Mais c'est... moi, je ne dirais pas que c'est de la redondance. On apprend souvent en cognant plusieurs fois sur le même clou. Alors donc, c'est très bien compris. Je vous remercie, moi, ça serait tout pour les questions.

Une voix : Puis on reste dans le domaine de la construction.

M. Therrien : Oui, c'est ça, exact. C'est ça, le lien.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Sanguinet. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

M. Picard  (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la présidente. Merci de votre présence ici ce matin. Je vais y aller rapidement. J'ai quelques petites questions. Lorsque vous parlez des nouvelles infractions, je comprends que, pour les entrepreneurs, vous dites, il y avait suspension ou annulation de la licence de la RBQ. Mais vous ne considérez pas que vous allez pénaliser quand même des travailleurs? Est-ce que vous avez pensé à un autre moyen de pénaliser l'employeur sans que ça affecte les travailleurs? Parce que cet employeur-là a des travailleurs.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, inévitablement, cet employeur-là a des travailleurs, mais, chose est certaine, si cet employeur-là ne peut plus exécuter ces contrats-là, il y en a un autre qui pourra les faire. Ça, c'est une chose. Et si l'intention réelle était de punir un représentant syndical et l'intention réelle était de punir un acteur patronal, bien, nous, ce qu'on dit, c'est allez chercher un équilibre des sanctions. L'équilibre des sanctions, c'est de mettre fin nécessairement, si c'est... si l'équilibre des sanctions, au niveau syndical, est de mettre fin à ton emploi et à ta source de revenus, bien, la même chose doit arriver au niveau patronal. C'est une suggestion qu'on a faite. On ne vous dit pas nécessairement que c'est la façon de faire. Si, justement, il y a une prochaine étude de projet de loi qui vient là-dessus, on pourrait en faire un autre débat, une autre présentation. S'il y a d'autres angles que le gouvernement veut approcher, on pourra collaborer, là.

• (12 heures) •

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : ...vous nous dites : Prévoyez quelque chose, là. C'est ça que vous nous dites. Mais vous êtes ouverts à ça.

M. Gendron (Sylvain) : En fait, si vous me permettez, effectivement, là, c'est que nous, on considère que présentement ce sont les travailleurs qui sont pénalisés. Ils sont pénalisés à tous les égards, à ce niveau-là, parce que, lorsqu'un employeur... Et des exemples, on en a tous les jours. J'entendais quelqu'un hier qui disait qu'il y en avait tous les jours, bien, nous aussi, on en a tous les jours, où est-ce que des salariés subissent de l'intimidation, dans le sens où tu le fais, tu acceptes ça ou tu quittes, un point c'est tout, il n'y a pas... Mais, à ce moment-là, on se retrouve où est-ce que tout le système de pénalisation, dans ce milieu-là, on vise également le travailleur. Tu vas recevoir une pénalité; tu auras à payer parce que tu as participé à un système frauduleux, ou autre. C'est l'employeur qui a la gestion, c'est lui qui a l'argent, c'est lui qui embauche, c'est lui qui paie, c'est lui le responsable, c'est tout.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Merci. Je vais revenir sur la limitation des mandats. Je comprends lorsque vous dites qu'il y a une perte d'expertise. Je comprends que, lorsque la commission Charbonneau a fait ses recommandations, c'était dans un moment donné. On a évolué depuis ce temps-là, on a appliqué certaines recommandations. Mais il y aurait-u un moyen, peut-être, de prévoir que... si on les limite, que ce soit rotatif, là?, il en part un ou deux par année ou... Parce que, veux veux pas, un jour, il y a une perte d'expertise, là. Ça arrive de temps en temps, quelqu'un, un représentant, je ne sais pas, qui prend sa retraite ou qui perd son poste syndical, il est remplacé, ou côté patronal aussi, là. Il y a déjà des mouvements qui se font. Mais, on pourrait peut-être les ordonner en prévoyant une rotation, là, de départ. Je lance l'idée, là.

M. Gendron (Sylvain) : ...chose qui est certain, c'est que la façon dont c'est présenté, on met fin justement à l'expertise au grand complet dans une shot. Après deux mandats, on met fin. S'il n'y a pas de limitation de mandat, elle va se faire... Nos organisations, tant patronales et syndicales, elles ont une vie. Moi, je ne suis pas là... je ne me cacherai pas, j'ai 61 ans aujourd'hui, là, je ne serai pas là pour 20 ans. Je vais quitter à un moment donné, là, peut-être plus vite que plus tard, je ne le sais pas. Mais moi, automatiquement, à ce moment-là, il y a un remplacement, et ça, ça doit être pareil dans toutes les organisations, là. Il y en a une qui se fait, mais il ne devrait pas y avoir de limitation.

J'entendais hier que, selon la pratique, il y a des 12, 15 ans. Écoutez, pour moi, là, il ne devrait pas y avoir de limitation. Il n'y a plus moyen aujourd'hui, je n'y crois plus... ou il est très peu probable qu'un administrateur au sein de la commission, avec les outils qu'on s'est donnés, le code de déontologie, ou autre, avec la façon qu'on fonctionne, je ne crois pas qu'un administrateur serait en mesure d'avoir un effet négatif. Au contraire, on a fait en sorte de donner des outils à tous les administrateurs pour qu'ils aient un effet positif beaucoup plus fort qu'ils l'avaient autrefois.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Juste en terminant, une précision. Actuellement, le gouvernement, c'est lui qui nomme, en bout de piste. Donc, il y aurait quand même moyen, si quelqu'un... pour une raison quelconque, le gouvernement dit : Non, on ne veut pas cette personne-là, il pourrait, lors d'un renouvellement, s'assurer qu'il y ait une rotation.

Mais ce n'est pas là-dessus que je veux vous entendre. Je veux vous entendre juste sur les visites de chantier. Les visites de chantier, si on mettait des périodes de temps, là, style sur l'heure du midi... Ou comment ça se passe, une visite de chantier, là? Parce que moi, en tout cas, j'ai l'impression que ça ne se passe pas sur les heures de travail, ça se passe sur les breaks, sur les heures de dîner? Allez-y donc là-dessus.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, en fait...

La Présidente (Mme Richard) : Brièvement parce qu'il vous reste moins d'une minute. Je m'excuse.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, je vais me faire bref. En effet, il faut quand même respecter l'ordonnancement des travaux que l'entrepreneur a. Mais d'aller constamment sur l'heure du dîner du travailleur, je ne suis pas sûr qu'il va nous apprécier, c'est sa période de repos, c'est sa période de repas. Nécessairement, il faut le faire pendant l'exécution des travaux, pendant qu'il travaille, pendant qu'il est là, pendant qu'il est dans le feu de l'action, mais sans nécessairement induire à retard les travaux. Et nos conventions collectives, on a négocié ces dispositions-là avec les employeurs. Il y a déjà une entente qui existe là-dessus. Nous, ce qu'on dit : Il y a déjà une entente qui existe, donc pourquoi introduire une dimension à la loi R-20 qui pourrait aller en contradiction avec ça?

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution à nos travaux.

Et nous allons suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 12 h 7)

La Présidente (Mme Richard) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous avons la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Mme Martine Hébert, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Nous allons vous donner un temps maximum de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite va suivre un échange avec les parlementaires. La parole est à vous, Mme Hébert.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Merci de me recevoir ce matin. Je suis très contente d'être ici devant vous pour discuter, là, de certaines dispositions du projet de loi n° 152, malgré le fait que... Parlant de gouvernance, j'aurais préféré être ici pour parler de la gouvernance des comités paritaires, dans le cadre du projet de loi n° 53, mais malheureusement ce n'est pas le sujet du jour. Alors, je vais me concentrer sur le projet de loi n° 152.

Je vous dirais d'emblée, Mme la Présidente, que j'ai concentré mes commentaires, là, seulement sur la partie qui concerne la commission des normes, de l'équité salariale et de la santé et sécurité du travail parce que c'est la partie que je connais le plus, étant membre du conseil d'administration de la CNESST et étant peu familière avec les structures internes, là, en vigueur au sein de la Commission de la construction du Québec. Alors l'ensemble de nos commentaires portent sur les dispositions qui touchent la CNESST.

Écoutez, je pense qu'on reconnaît que la question de la gouvernance des organisations est un facteur fondamental qui conditionne le déroulement harmonieux des affaires au Québec. On accueille donc favorablement les grandes orientations du projet de loi n° 152 qui visent à donner suite au rapport de la commission Charbonneau.

Cependant, la FCEI tient quand même à exprimer certaines préoccupations, là, à l'effet qu'une application trop littérale de la recommandation n° 19 du rapport de la commission Charbonneau, dans le cadre de ce projet de loi là, pourrait comporter certains effets pervers. À notre avis, il y aurait lieu de moduler l'approche sur cette question pour éliminer le risque de mettre inutilement à mal le système de gouvernance de la CNESST.

Afin de contextualiser l'intervention potentielle du législateur dans le système de gouvernance de la CNESST, je pense qu'il est important de ne pas perdre de vue qu'il est en évolution constante, ce système de gouvernance là. D'ailleurs, au cours des dernières années, la quasi-totalité des recommandations du rapport du Vérificateur général du Québec, intitulé Lésions professionnelles : indemnisation et réadaptation des travailleurs, publié en 2015, ont été implantées par le biais d'un plan d'action qui a été mis en oeuvre au sein de la CNESST conformément aux attentes de la Commission de l'administration publique.

Au chapitre des améliorations, je vous en donne quelques exemples, Mme la Présidente : la modification du code de déontologie des administrateurs, la mise à jour et l'adoption d'un règlement interne, la mise en place d'un programme de formation des administrateurs, la mise en place d'une démarche annuelle d'évaluation du conseil d'administration, et j'en passe. Bref, ces modifications illustrent bien que la structure actuelle de la gouvernance de la CNESST fonctionne et que, notamment, la surveillance pratiquée par le Vérificateur général du Québec est efficace et tend à faire évoluer et améliorer constamment les pratiques du conseil d'administration, ce qui est une bonne chose.

• (12 h 10) •

Ainsi, on prévient que le fait de modifier un système de gouvernance qui fonctionne déjà bien constitue en soi un risque, hein? Il y a un adage en anglais qui dit : «If it ain't broken, don't fix it.» Alors, on aimerait que le législateur adopte cette position-là par rapport au conseil d'administration de la CNESST.

Deuxièmement, Mme la Présidente, je pense que c'est important de soumettre à la considération des membres de la commission aussi que la recommandation de la commission Charbonneau a été émise avant la constitution de la CNESST, au moment où la CSST n'était pas assujettie à la loi sur l'octroi des contrats publics. Alors, je vous signale que depuis la création de la CNESST, qui a fusionné trois organismes, la CNESST est maintenant assujettie à la loi sur l'octroi des contrats publics.

Alors, pour la FCEI, évidemment, vous aurez compris que l'élément central du projet de loi n° 152, qui doit être remis en question, est lié à l'article 24 dudit projet de loi, qui vient limiter la durée des mandats du conseil d'administration. Pour nous, c'est préoccupant, particulièrement considérant la complexité d'une structure telle que la CNESST, qui regroupe à la fois un volet assurance, hein, dans la partie santé et sécurité du travail, et un volet législation du travail, qui sont les normes et l'équité salariale.

Cette complexité fait en sorte qu'il faut un certain temps avant que les administrateurs qui sont au C.A. ne soient suffisamment à l'aise avec l'ensemble des dossiers pour exercer pleinement et de façon optimale leurs rôles d'administrateurs. À cela, ajoutons aussi les particularités qui sont liées au paritarisme, au sein de la CNESST, ainsi que la nécessité d'assurer la représentativité des organisations qui siègent au conseil d'administration, qui découlent de ce paritarisme-là. On constate donc que l'article 24 introduirait, donc, une orientation, si vous voulez, qui irait à l'encontre du maintien de cette expertise-là au sein du conseil d'administration de la CNESST.

Par ailleurs, Mme la Présidente, je vous dirais aussi que ça semble être une politique de gouvernance, là, qui semble détonner de celles qu'on retrouve dans d'autres organismes gouvernementaux. Un inventaire sommaire de la durée des mandats des administrateurs de plusieurs organismes ou sociétés québécois nous apprend en effet qu'un nombre important d'entre elles limitent beaucoup moins la durée cumulative maximale du mandat des administrateurs siégeant à leurs C.A. que ne le propose l'article 24 du projet de loi. Je vous donne par exemple, là, comme exemple, là : Revenu Québec, 12 ans, la durée maximale des mandats est de 12 ans; Hydro-Québec, 12 ans; Régie de l'assurance maladie du Québec, 12 ans. Donc, on comprend difficilement ce qui justifierait le fait qu'au sein de la CNESST les mandats du conseil d'administration doivent être la moitié de ceux qu'on retrouve dans plusieurs autres organismes publics.

On note aussi qu'il y a plusieurs écrits qui ont été réalisés au Québec. Parce que, quand même, on a regardé un petit peu ce qui s'est écrit au Québec, aussi, notamment à travers des instituts comme l'IGOPP, et tout ça, sur cette question-là des mandats, la durée des mandats et sur la gouvernance des organismes publics. Bien qu'ils s'attardent souvent à diverses questions qui sont liées aux conseils d'administration, plusieurs études et plusieurs écrits demeurent complètement muets ou n'accordent que très peu d'attention au nombre optimal de renouvellements de mandats au sein des conseils d'administration. Je pense à certains écrits, entre autres, qu'on a consultés de M. Allaire, M. Dauphin au cours des dernières années, là, qui nous apparaissaient, comme je vous le dis, un peu muets ou encore accorder très peu d'importance à ce fait-là dans la gouvernance des organisations.

On attire aussi l'attention des membres de la commission sur les conclusions des commissaires, qui suggéraient que le fait de prévoir une longue durée pour les administrateurs d'une organisation inciterait à un relâchement des règles, de la vigilance ou encore de la surveillance de l'organisation. Mme la Présidente, ce point de vue là ne semble pas faire consensus dans plusieurs écrits qui portent sur le sujet. Et on a trouvé une étude économétrique très intéressante de l'Université de New South Wales, qui a été publiée en 2015, qui prouve en fait exactement le contraire. L'étude a été réalisée auprès d'une population de 1 500 organisations inscrites à la cote boursière Standard & Poor's 500, et ils sont arrivés à la conclusion, dans l'étude, qu'au contraire plus les mandats étaient longs, là, plus ça améliorait la gouvernance au sein de l'organisation.

Je donne un exemple, la présumée complaisance à l'égard de la direction. Les experts de l'Université de New South Wales en viennent à la conclusion suivante que dans l'ensemble les résultats démontrent peu de preuves de la capacité du PDG de s'extraire de la question d'une mauvaise performance si des administrateurs d'expérience siègent au conseil d'administration. On arrive à des conclusions comme ça, là, sur les administrateurs d'expérience et le fait... l'importance d'avoir des administrateurs d'expérience au sein du C.A. sur plusieurs aspects comme ça de la gestion du conseil d'administration, autant en matière de participation, aussi, sur les comités du conseil d'administration. On a démontré que plus les administrateurs étaient longtemps au C.A., plus la probabilité qu'ils participent à un comité du C.A. était grande. Et on sait d'ailleurs que... c'est une autre étude qu'on a citée de l'OCDE dans notre mémoire, on sait que la participation aux comités, là, fait partie des pratiques de saine gouvernance qui sont prônées au sein de l'OCDE aussi.

Donc, Mme la Présidente, je pense que ce qu'on a tenté de démontrer, c'est que pour nous, et c'est corroboré par des écrits, là, ce n'est pas juste nous qui le disons, on pense que le fait de limiter les mandats, limiter le renouvellement des mandats comme prévu à l'article 24 du projet de loi n° 152, ça risquerait plutôt de miner la saine gouvernance au sein de la CNESST et d'entraîner des effets contraires à ceux recherchés.

C'est pourquoi, Mme la Présidente, comme recommandation centrale dans notre mémoire, on a formulé la recommandation suivante à l'effet que, compte tenu de l'importance du rôle de cette commission qu'est la CNESST au Québec, on demande le retrait de l'article 24 du projet de loi n° 152. Je vais m'arrêter ici.

La Présidente (Mme Richard) : Ça va? Merci, Mme Hébert. Nous allons débuter les échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Bonjour, Mme Hébert. Bienvenue. Si la fusion des organismes formant aujourd'hui la CNESST avait eu lieu, avant les travaux menés par la juge Charbonneau, avez-vous l'impression que sa recommandation aurait été différente ou n'aurait pas du tout figuré à l'intérieur de son rapport?

Mme Hébert (Martine) : Bien, j'aurais l'impression qu'elle aurait été modulée de peut-être d'une autre façon, en tout cas. Il y aurait peut-être des éléments, entre autres, par exemple, qui ont été formulés par le Vérificateur général, au niveau de l'amélioration de la gouvernance, qui auraient été peut-être soulevés. Mais j'ai l'impression... et je ne suis pas dans la tête de la juge Charbonneau ni des membres de la commission Charbonneau, mais c'est clair, pour nous, qu'en tout cas la loi sur l'octroi des contrats publics, l'organisme qu'était la CSST, ce qu'on sait, c'est que ce n'était pas assujetti à la loi sur l'octroi des contrats publics, ce qu'il est maintenant, et d'ailleurs qu'ils ont mis en place plusieurs...

Mme la ministre, juste avant de faire ma présentation ici, j'étais sur le site de la CNESST, là, dans la section Accès à l'information, où justement, là, vous avez une série d'informations très intéressantes et assez exhaustives, là, sur l'ensemble des contrats et les appels d'offres publics, là, qui ont eu lieu à la CNESST au cours des dernières années. Donc, je pense qu'il y a beaucoup d'amélioration depuis ce temps-là.

Mme Vien : On jase, là.

Mme Hébert (Martine) : Jasons.

Une voix : ...

Mme Vien : Oui, c'est ça. On laisse ça dans l'esprit de la recommandation, admettons, et on dit... Nous, on pense effectivement qu'on doit limiter la durée des mandats des dirigeants. De mémoire, hier, c'était à M. Stéphane Forget, de la Fédération des chambres de commerce du Québec, à qui j'ai posé la question. Vous me corrigerez, les collègues, là, mais on en a entendu huit ou neuf hier, là, mais je lui demandais : Si je devais vous demander un compromis... Vous l'avez souligné tantôt, il y en a plusieurs qui sont à la limite de 12 ans, là. Seriez-vous à l'aise avec ça?

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais, Mme la ministre, qu'on parle de 12 ans, là, dans les exemples qu'on a donnés, mais on parle d'organismes qui ont une mission unique, hein? On parle par exemple de Revenu Québec, qui a une mission unique, on parle d'organismes comme... je vous les ai nommés tantôt, là, on parle par exemple de Loto-Québec, d'Investissement Québec, donc des organisations qui ont une mission unique, une fonction qui est unidirectionnelle.

À la CNESST... Il ne faut pas oublier que la CNESST est une bête, une bibitte assez particulière qui regroupe plusieurs fonctions. Il y a une partie assurance, il y a une caisse d'assurance. La partie SST, là, c'est une caisse d'assurance, donc, qui fonctionne comme une compagnie d'assurance à certains égards... à plusieurs égards, et qui commande, évidemment, des notions assez particulières, et qui est assez complexe aussi comme mode de fonctionnement, qui commande de connaître c'est quoi, une politique de capitalisation, c'est quoi, etc.

Là, ensuite de ça, dans cette même bête, vous avez les deux autres volets qui sont le volet équité salariale, donc, qui voit à l'application de la Loi sur l'équité salariale, et le volet normes du travail, qui sont des volets qui concernent l'application de lois du travail. Donc, on n'est plus dans la dynamique d'une caisse d'assurance. Donc, moi, je pense que, partant de là, avec le seuil minimal qui est fixé de 12 ans dans les organisations unidirectionnelles, on peut très bien se dire que ce ne serait peut-être pas suffisant.

Mme Vien : Mais en quoi un organisme qui a... Puis je vous dis ce que j'ai dit aux autres, là, je vous repousse dans vos plus profonds retranchements. Mais en quoi le fait d'avoir une mission unique, c'est plus acceptable d'avoir des mandats de 12 ans qu'à la... Pourquoi?

• (12 h 20) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est ce que je suis en train de vous dire. Bien, parce que, si vous avez une mission unique, ça prend bien moins de temps se familiariser avec l'organisation. Je veux dire, là, vous avez à vous familiariser avec trois volets complètement différents, donc, au sein d'un même organisme. Donc, c'est clair, pour moi, que, si... C'est comme si vous me dites : Mais, Martine, c'est-u plus facile, mettons, de travailler juste sur un dossier ou de travailler sur plusieurs dossiers en même temps? Bien, c'est sûr que c'est plus facile de travailler juste sur un dossier que plusieurs dossiers en même temps. Donc, en ce sens-là, l'acquisition de l'expertise, l'acquisition des connaissances prend plus de temps parce que la mission, elle est multiple.

Mme Vien : Bien. Bien, merci beaucoup, merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Donc, la parole retourne du côté de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la parole.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Mme Hébert, salutations. Merci d'être avec nous. Bien entendu, je pense que c'est totalement nouveau, ce que vous nous apportez ce matin, tous les groupes nous en ont bien parlé. Alors, bien entendu, je crois que les commissaires, avec leurs suggestions... Il y en a certaines là-dedans...

Puis je pense que vous en avez parlé pendant quelques minutes, de tout le côté du paritarisme, qui a pris énormément son envol dans les dernières années, puis je pense que, déjà, on est capable de reconnaître que ça a des bienfaits. Puis j'ose espérer que, dans un futur rapproché et lointain, le paritarisme va toujours avoir son point de vue parce que je pense que c'est là qu'on fait gagnant-gagnant beaucoup plus. Mais je pense que ça le prouve. On le voit, là, dans plusieurs cas.

Donc, effectivement, valoriser l'expérience, et tout. Vous n'êtes pas la première, vous ne serez pas la dernière, je crois, à nous le dire. Alors, je pense que le message est passé.

Je me mets peut-être à la place de la ministre pour rien, mais elle a dit : Là, moi, j'ai une recommandation, on dit qu'on fait ça pour répondre à la commission Charbonneau, donc on va peut-être être obligés de mettre une date, pour ne pas dire : Bien, ça, on le biffe complètement. Alors, je comprends bien vos explications, là, qu'on mette 12 ans, c'est... Peut-être, pour certains organismes, ce serait plus difficile, mais je crois qu'on serait mieux de mettre 12 ans que de maintenir ce qu'on a d'écrit en ce moment pour, justement, perdre l'expertise.

Mon souhait, à entendre les groupes, si on représente bien ce qu'on a entendu, je pense que ça va être de biffer le paragraphe. Mais on aura la chance d'en discuter puis de trouver, justement, un chemin de passage, je pense, face aux différents mandats.

Je vous apporterais... Parce que ce que vous nous expliquez, on l'a entendu, on l'a débattu, mais je vous apporterais à la page 12 de votre mémoire. Vous apportez une recommandation du commissaire. Puis hier il y a un groupe, hier soir, qui nous a allumés sur la... Je voudrais juste avoir votre opinion là-dessus, là, vous n'avez pas eu le temps d'y réfléchir, juste ce que vous en pensez. À la page 12, on parle de scission ou... Excusez-moi! À la page 6.

Une voix : ...

M. Leclair : Excusez, oui. «Interdire que quelqu'un puisse être simultanément administrateur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, administrateur à la Commission de la construction du Québec et président-directeur général d'une association patronale.» Il y a des gens qui nous ont apporté hier... de dire : La D.G., elle ne devrait pas être la présidente du C.A. puis en même temps à la CCQ. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, je vous dirais que...

M. Leclair : Je vous remets dans le contexte... Excusez-moi. Je vous remets dans le contexte où est-ce qu'on a un peu à répondre aux commissaires qui nous disent : Voici quelques recommandations; si vous pouvez forger quelque chose, nous, on voit quelques bémols. Alors, je veux qu'on garde cette tête-là, au-delà d'y aller personnel.

Mme Hébert (Martine) : Je serais tentée de vous répondre : Nous ne sommes ni pour ni contre, bien au contraire.

M. Leclair : C'est éclairant, c'est éclairant.

Mme Hébert (Martine) : C'est éclairant, hein? Je le savais...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Leclair : Je vous remercie.

Mme Hébert (Martine) : Mais, écoutez, je vous dirais que ce qu'on a écrit dans le mémoire, là, un petit peu à l'instar, peut-être, de nos homologues patronaux, c'est qu'il n'y a pas d'opposition farouche, là, à une interdiction de cumul de fonctions. Cependant, toutefois, comme je vous ai dit tantôt, M. le député, en toute humilité, je ne suis pas assez familière avec les règles de régie interne et le fonctionnement de la CCQ pour être capable de vous apporter, là, un éclairage... l'éclairage, en tout cas, que vous recherchez sur cette question-là.

M. Leclair : Bien. Je vous apporte sur un autre aspect que vous n'avez pas tout à fait débattu dans votre mémoire. Des groupes nous disent... ça semble être unanime, là, des deux côtés de la table, si je peux m'exprimer ainsi, autant patronal que syndical, de dire : Intimidation, ça n'a plus sa place. Alors, de mettre des règles ou de mettre des sanctions peut-être plus instructives, un petit peu plus élevées, là, il y a des chiffres, des fois, là, qui font friser un peu, mais tout le monde est unanime là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord, vous aussi, de dire : Lorsqu'on parle d'intimidation, bien, ça doit être des deux côtés aussi, là? Si on met une règle ou une punition aux salariés, à des représentants syndicaux, bien, la même chose, si on a des menaces venant des entrepreneurs sur toutes sortes de... On voit, là, dans le milieu de la construction, je pense que c'est là que tout se passe. Tout est possible, en tout cas. Tantôt, vous montriez votre téléphone. J'avais le goût de vous dire : Serrez ça, on en a assez parlé, du téléphone cellulaire. Mais bref, vous êtes d'accord que ces sanctions-là doivent être des deux côtés de la table?

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais qu'on est d'accord avec les systèmes équitables puis on est d'accord avec les mesures qui visent à lutter contre l'intimidation. On ne peut pas être en désaccord avec l'équité.

M. Leclair : Exact. Bien, en ce qui me concerne, à part de tuer du temps, je pense que ça répond à mes questions. Alors, je vous remercie beaucoup de votre passage, Mme Hébert.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Maintenant, le tour du deuxième groupe d'opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, c'est à vous la parole.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hébert. Toujours sur le sujet, sur le conseil d'administration, je ne sais pas si vous avez entendu, tout à l'heure, j'avançais l'idée peut-être d'une rotation, là, de fin de mandat et de début de mandat pour s'assurer de conserver une expertise. Parce qu'on sait bien qu'il y a des gens qui sont là qui vont partir, il va y avoir une perte d'expertise à un moment donné, là. Mais est-ce qu'on est mieux de la structurer?

Et aussi, hier, je ne sais pas si vous avez écouté... Actuellement, le gouvernement pourrait refuser certains renouvellements de par la loi. Donc, si ce n'est pas dans la loi puis le gouvernement décidait que, pour une raison quelconque, telle personne ne peut pas être renouvelée, la perte d'expertise va se faire puis le roulement va se faire aussi.

On ne serait pas mieux de structurer un système de rotation, pour s'assurer du sang neuf aussi, là? Puis, si on parle d'un mandat de six ans, s'il y en a un ou deux par année, je ne pense pas que la CNESST va s'écrouler, là. Donc, en tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce qu'on essaie de trouver une voie de passage, là. Je comprends, on peut aller à 12 ans. Mais tout ça, là... On discute, là. Allez-y.

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais deux choses par rapport à ce que vous venez de dire. Premièrement, vous l'avez dit vous-même dans votre question, la réponse, elle s'y trouve, dans le sens où vous dites : Il y a une espèce d'attrition naturelle qui se fait, un remplacement naturel. Parce qu'effectivement il y a des gens qui quittent les organisations, hein? Je suis à la FCEI, mais... je n'ai pas l'intention de quitter, mais peut-être qu'un jour je n'y serai plus. Peut-être que c'est la même chose pour d'autres personnes qui sont autour de la table actuellement. Donc, ça se fait de façon naturelle. Alors, pourquoi aller provoquer quelque chose qui de toute façon est là?

Je pense qu'au contraire, en provoquant encore plus, on risque de provoquer une perte d'expertise encore plus grande qui, en tout cas, jusqu'à présent, avec mon expérience, là, se fait de façon relativement équilibrée, je vous dirais, naturellement, sans qu'on ait besoin de provoquer. C'est la théorie de Darwin. Ça a l'air que c'est bon pour la gouvernance de la CNESST. Donc, ça se fait naturellement.

Sur la deuxième partie de votre question, et votre collègue député auparavant l'a mentionné, on a tous l'air à être collés sur le 12 ans. Ce que je souhaiterais soumettre à votre considération, c'est que le 12 ans, il est bon pour les organisations que je vous ai listées tantôt mais qui ont seulement une seule mission, hein, qui ont une mission unidirectionnelle. Et je ne suis pas certaine que, dans le cas de la CNESST, comme je vous l'ai expliqué, là, où il y a vraiment trois volets, que ce soit le... Ça peut être une base de discussion pour les membres de la commission, peut-être, mais je pense qu'il faut viser peut-être un peu plus que ça, dans le cas de la CNESST, pour les raisons que je vous ai mentionnées, à savoir que c'est une organisation tridimensionnelle.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : ...pas de limites aussi. C'est ce que je comprends?

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est sûr que moi, je vous dirais que ce... ma perspective et en fonction de la documentation aussi qu'on a, les études qui ont été faites, et tout ça, qu'on aurait tendance à suggérer quelque chose comme ça. Maintenant, je peux comprendre qu'entre six ans et l'éternité les membres de la commission vont peut-être avoir à trancher. Je vous dis : Si jamais, la commission, vous décidez de trancher, de ne pas trancher pour l'éternité, bien, arrangez-vous au moins pour que le passage, le purgatoire soit un peu plus long.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Et hier il y a un témoin qui nous suggérait qu'il y ait une scission au poste de président général et président du conseil d'administration. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

• (12 h 30) •

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, ça, c'est une autre question. Je sais que ça a été abondamment discuté et documenté dans de nombreux rapports, entre autres, notamment, sur les questions liées à la gouvernance. Visiblement, ce n'est pas le choix que le gouvernement a fait, là, dans le cadre de la création de la CNESST. Et je vous dirais qu'actuellement, en tout cas, heureusement, fort heureusement, ça fonctionne très, très bien. Et d'ailleurs j'en profite pour saluer le travail extraordinaire effectué par la présidente-directrice générale de la CNESST, Mme Oudar, là. Depuis son arrivée, je crois qu'elle a démontré de très grandes qualités et un excellent leadership.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Je comprends. Oui, elle fait un excellent travail. Puis je ne visais pas madame... Parce qu'hier on parlait de différentes organisations, là, ce n'est pas... plus un principe de gestion, entre guillemets.

Tout comme vous, j'ai lu ce matin le Courrier parlementaire, là, sur l'abandon du projet de loi n° 53, après beaucoup, beaucoup d'analyses, et d'études, et de commissions parlementaires. Malheureusement, en tout cas, il semble qu'on n'aura pas le temps. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Hébert (Martine) : Je suis extrêmement déçue, M. le député, la ministre le sait aussi. S'il y a des problèmes de gouvernance au Québec, dans des organismes, c'est bien dans les comités paritaires, qui ont une gouvernance extrêmement défaillante. Alors, pour moi, la pièce de la maison qui a besoin de beaucoup plus de rénovations, ça aurait été beaucoup plus ça que la durée des mandats au sein de la CNESST. Malheureusement, je pense que... et j'ose espérer qu'il y aura une solution qui sera apportée parce qu'effectivement, en matière de gouvernance, c'est inacceptable, ce qui se passe actuellement, et le statu quo est inacceptable aussi pour nous.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Je comprends que ça va être le mandat du prochain gouvernement parce que d'ici... il va y avoir des élections entre-temps.

Mme Hébert (Martine) : On ne le sait pas, là, qui... Je ne peux pas prédire l'avenir, je n'ai pas de boule de cristal, malheureusement. Mais j'espère que la ministre entend notre cri... notre cri d'alarme

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci.

Mme Hébert (Martine) : Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Donc...

Mme Vien : Il n'y a rien qui a été abandonné, là. Il n'y a rien d'abandonné, là. Je ne sais pas comment ça, le député de la CAQ parle de ça. Mais ça sera mon seul commentaire. Il n'y a rien d'abandonné.

La Présidente (Mme Richard) : Bon, on ne débattra pas ici...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : ...

La Présidente (Mme Richard) : Non, s'il vous plaît!

Mme Vien : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Nous ne débattrons pas ici...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Chers collègues, vous ne débattrez pas ici entre vous. Merci, merci beaucoup, Mme Hébert, pour votre contribution.

Et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Richard) : La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Et nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 152, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine du travail afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la FTQ-Construction, la CSD-Construction et la Centrale des syndicats démocratiques, la CSN-Construction et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Dans un premier temps, nous recevons la FTQ-Construction. Bonjour à vous, M. Ouellet, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Je vais vous demander de présenter les personnes qui vous accompagnent, et, par la suite, vous allez disposer d'un temps maximum de 10 minutes pour faire votre présentation. Suivra un échange avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Ouellet.

Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec-Construction (FTQ-Construction)

M. Ouellet (Yves) : Je vais commencer par vous remercier, Mme la Présidente, saluer Mme la ministre, les membres de la commission. Je vais présenter la personne qui est à ma gauche, qui est le président de la FTQ-Construction, M. Rénald Grondin, et à ma droite, j'ai Sylvie Vandette, qui est conseillère en relations de travail à la FTQ-Construction.

D'entrée de jeu, la FTQ-Construction considère que le projet de loi va avoir un impact négatif sur le rapport de force des travailleurs de la construction. Le projet de loi nous est présenté comme faisant principalement suite à certaines recommandations de la commission Charbonneau, ce qui peut vous sembler banal à première vue, mais c'est tout le contraire. On y retrouve un intérêt évident à transformer la loi R-20 en outil de prédilection pour s'attaquer aux travailleurs et leurs représentants syndicaux.

En effet, l'utilisation des mots «susceptible de» est dangereuse et ne devrait pas être retenue. De plus, les conséquences ne sont plus d'imposer une amende, mais aussi d'interdire à une personne d'exercer ses fonctions syndicales pour une période de cinq ans. On élève principalement les montants des amendes liés aux syndicats et aux travailleurs, on multiplie les sanctions pénales... le type de sanctions pénales et administratives relatives aux syndicats et aux travailleurs pour le même geste et on interdit les réunions de toutes sortes sur les chantiers. Le projet de loi porte directement atteinte à nos droits et libertés et incite les employeurs à entraver des activités syndicales qui ont comme but d'améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses. La FTQ-Construction s'oppose totalement à cette épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête des représentants des travailleurs et des associations.

Les questions qui se soulèvent avec le projet de loi. D'abord, nous précisons que nous sommes contre toute forme d'intimidation et de violence. Ça va de soi, les syndicats ont tout le temps prôné ça. Le projet de loi vise les actes d'intimidation, mais qui sont les intimidateurs? Ceux qui font la collusion, la concurrence déloyale, le blanchiment d'argent, la fraude, le travail au noir? Ceux qui font défaut de déclarer les heures et les avantages, qui ne respectent pas la santé-sécurité ou les représentants syndicaux et les travailleurs qui revendiquent le respect des lois, des règlements et des conventions collectives sur les chantiers?

Nous remarquons que le projet de loi veut mieux soutenir et protéger les sonneurs d'alerte. Nous saluons cette initiative car ça fait longtemps que nous répétons que les travailleurs sont vulnérables et qu'ils doivent être protégés contre toutes mesures et représailles. Ce que nous comprenons moins bien, c'est le fait que les représentants syndicaux sont également des sonneurs d'alerte, mais, à la lecture du projet de loi, ils deviennent plutôt des intimidateurs qui méritent juste de perdre leur emploi. Cela va à l'encontre du travail de la représentation syndicale.

Je vous donne un exemple. Je suis au quatrième étage sur un chantier, il n'y a pas de garde-corps. Je dis à l'entrepreneur : Écoute, il faudrait que tu mettes un garde-corps, là, ça peut être dangereux pour les travailleurs. Demande aux travailleurs... Faites attention, le temps qu'on parle au représentant, tout. Et il ne le prend pas du bon bord et il dit : Bon, regarde, je ne veux pas te voir, tu pourrais t'en aller. Ne reste pas ici, là, tu me nuis. Bien, je vais lui dire : Écoute, il va-tu falloir que j'appelle la CNESST pour qu'on règle ça? Aïe! Tu es-tu en train de m'intimider, là? Est-ce que tu me menaces?

Ça a l'air anodin comme ça, mais est-ce que mon intervention est susceptible de perturber les travaux, parce que le monde autour va écouter? Bien, selon le libellé actuel du projet de loi, c'est oui. Et je vais perdre ma job et probablement que l'employeur va continuer de mettre en danger les travailleurs qui étaient sur ce travail-là. Le projet de loi va aussi loin que ça.

En écartant l'intention du représentant, le projet de loi porte atteinte au travail du représentant, et cette atteinte est encore plus grave quand ça lui fait perdre son emploi pour cinq ans et plus. Est-ce que les employeurs subissent le même traitement lorsqu'ils menacent ou intimident les travailleurs? La réponse, c'est non. Voici le genre de questions qu'on se pose quand on lit le projet de loi n° 152.

Ensuite, quels sont les objectifs du projet de loi? Si on convient que la commission Charbonneau, elle a mis en lumière des stratagèmes liés aux contrats publics, elle a fait des recommandations pour améliorer et prévenir les activités de prévention de ces stratagèmes, elle n'a pas fait l'analyse approfondie des relations de travail dans l'industrie de la construction, de la loi R-20 et de son système de sanctions.

La CCQ, elle, dans le projet de loi n° 152, elle cible l'intimidation sur les chantiers provenant des syndicats. Elle n'est pas satisfaite des dispositions pénales qui existent déjà dans la loi, elle veut des outils supplémentaires. Pourquoi proposer des mesures qui ne font qu'affaiblir les travailleurs et leurs représentants? La CCQ connaît l'insécurité des travailleurs. Elle sait très bien que la source première de l'intimidation et de menaces sur les chantiers ne vient pas des syndicats. Un cas, un cas répertorié depuis 2016, selon le rapport annuel de gestion. Elle vient plutôt des personnes qui sont en autorité. Elle sait aussi que ce sont les représentants syndicaux qui dénoncent le plus les stratagèmes dans l'industrie de la construction.

Le rôle du représentant, c'est quoi? C'est d'assurer un équilibre entre les travailleurs et l'employeur dans un régime de relations de travail qui génère de plus en plus d'inégalités, de combattre les préjugés, d'identifier les stratagèmes et faire respecter la santé-sécurité et les conventions collectives, visiter les chantiers suite à des plaintes provenant des travailleurs sur le chantier ou suite à des visites aléatoires et faire appel aux organismes CCQ et CNESST lorsque nécessaire. En partant, notre rôle dérange certains employeurs qui ont des choses à cacher.

• (15 h 10) •

Ce projet de loi déséquilibre les relations de travail dans une industrie déjà instable. La FTQ-Construction représente aux environs de 77 000 travailleurs plus leurs familles, avec 140 représentants syndicaux qui surveillent les chantiers, plus le personnel de bureau qui offre des services de toutes sortes. Les représentants sont d'anciens travailleurs de la construction qui ont décidé de s'impliquer pour assurer le respect des droits des travailleurs. Le projet de loi met des bâtons dans les roues aux travailleurs et leurs représentants. Les dispositions pénales incluses dans le projet de loi vont carrément faire balancer le rapport de force du côté patronal.

Les réunions sur les chantiers. Le projet de loi prévoit pénaliser un représentant ou salarié qui tient, ordonne, encourage ou appuie la tenue d'une réunion de salariés sans le consentement de l'employeur, le tout sous peine d'amende allant... et je vais vous éviter les chiffres, ils sont écrits. A-t-on déjà vu ça dans le monde du travail? La loi vise tous types de réunion sur les lieux de travail, sans plus de précision. C'est carrément excessif comme mesure. C'est une chose de tenir une assemblée des membres sur le chantier et c'en est une autre de réunir les membres lors de pauses pour parler de convention collective. Il faut viser l'équilibre.

Le travail au noir et les heures non déclarées de la CCQ. Depuis des lunes, l'industrie se bat contre ces pratiques illégales, mais qui a l'intérêt pour développer ces systèmes? Ces systèmes n'existeraient pas si les entrepreneurs se conformeraient aux règles et s'ils participeraient à dénoncer plutôt qu'à s'adapter à être concurrentiels. Les premières victimes sont les travailleurs de la construction. Pourquoi, alors, les pénaliser?

Exemple, je vous donne un exemple, si la CCQ découvre une banque d'heures dans une entreprise, le projet de loi va permettre une infraction pour l'employeur et les travailleurs. On protège qui dans tout ça? Dans cette situation, c'est drôle, on considère que le travailleur est égal au boss, parce que, finalement, dans la construction, c'est la personne qui paie. Le jour où est-ce que l'employeur dit : Moi, je paie selon les règles, selon tout, il n'y en a plus de travail au noir, là, c'est fini, c'est lui qui signe le chèque, en bout de ligne, ça fait que c'est lui qui décide.

Mais le projet de loi, il ne reflète pas la réalité des travailleurs. Puis c'est quoi, cette réalité-là? La réalité, c'est encore celle des années 70. Leur seule sécurité, c'est leurs compétences et leur emploi du moment. Cette instabilité puis cette insécurité qui persistent dans l'industrie de la construction s'accroît à chaque fois qu'on ouvre la loi. On parle de quoi? On parle d'instabilité d'emploi qui amène l'instabilité financière; un taux de roulement annuel de 12,7 %, soit 19 166 travailleurs qui quittent chaque année l'industrie de la construction; l'absence de sécurité d'emploi, ce qui signifie que, si tu revendiques trop tes droits, on parle ici de simples caprices, tu es en dehors et tu n'as aucun recours parce que tout à coup il n'y a plus de travail pour toi.

On parle de disparités régionales, on parle d'instabilité reliée à la santé et la sécurité. 20 accidents mortels en 2016, deux fois plus qu'en 2015. L'industrie de la construction détient le record de personnes décédées au travail. Même chose pour les accidents de travail. En matière d'installations sanitaires, en 2018, il faut encore se battre devant les tribunaux pour éliminer les toilettes chimiques et avoir des installations sanitaires salubres comportant des lavabos et du savon à main. Et là on parle d'en 2018. Et des problématiques reliées à la conciliation travail-famille, les horaires illogiques.

Mesdames et messieurs, je vous demande, est-ce possible de trouver des solutions qui ne vont pas accentuer la vulnérabilité des travailleurs de la construction? On ne souhaite pas une guerre de mots, mais un équilibre dans les rapports de force afin d'assurer à ces travailleurs un milieu de travail sain qui respecte les droits fondamentaux de chacun. Dans mes mots, je vous ai exposé un peu la réalité des travailleurs, mais le vrai, c'est les menaces, l'intimidation de ne pas se faire payer, de se faire congédier s'ils n'acceptent pas de se faire abuser ou voler, s'ils n'acceptent pas qu'on ferme les yeux sur les dangers pour la santé et sécurité. Ces travailleurs ont appris à se taire pour mieux mettre du pain sur leur table. Nous ne prétendons pas que tous les employeurs sont mauvais, au contraire, mais il est évident que plusieurs contournent les règles et que le travail des représentants est d'assurer que ces règles soient respectées. Les membres de cette commission ne peuvent ignorer une telle réalité vécue par les travailleurs et travailleuses, et nous sommes en droit de demander que vous preniez position en faveur de la protection de leurs droits. L'imposition et le maintien des règles répressives ne sont pas la solution.

Quelles sont les solutions? Le fait d'adopter en vitesse le projet de loi n° 152, tel que libellé, aurait pour but de laisser place aux interprétations diverses et aux débats devant les tribunaux. Tant qu'à faire une loi, il faut faire une loi qui soit claire, prévisible et dans le respect des personnes concernées. La présence des représentants syndicaux n'est pas toujours souhaitée par les employeurs ou les donneurs d'ouvrage, mais ils sont essentiels pour garantir l'équilibre des relations de travail. On recommande aussi le retrait complet d'inhabilité de cinq ans et d'adopter une approche de gradation des sanctions en fonction de la gravité des gestes. Cinq ans, c'est une peine... on perd notre job quand on perd cinq ans. Ce n'est pas vrai que c'est juste cinq ans. Tu ne reviendras jamais au travail après cinq ans, c'est impossible dans une industrie comme la nôtre.

Nous proposons encore une table de travail chapeautée par le ministère qui serait composée des acteurs principaux de l'industrie et qui viserait l'amélioration du régime de relations de travail. Il faut arrêter de mettre des plasteurs et soigner les bobos une fois pour toutes. Nous proposons des dispositions antibriseurs de grève et le droit de pouvoir négocier la rétroactivité dans nos conventions collectives, des dispositions qui existent dans le Code du travail, mais pas dans la loi R-20.

Ces revendications, que nous avons appuyées par une pétition comportant 40 000 signatures, ont été déposées à la ministre du Travail le 11 mai 2017. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. Ouellet. Je vous ai laissé dépasser un petit peu votre temps, avec l'accord de la ministre. Nous pouvons débuter les échanges. Mme la ministre, c'est à vous la parole.

Mme Vien : Merci, M. Ouellet. On sent que... comme d'habitude, parce que ça fait deux ans maintenant qu'on a, je ne dirais pas l'habitude, mais qu'on se voit, je dirais, quand même assez fréquemment, compte tenu de l'actualité qui est la nôtre, la vôtre et la mienne. Et je pense qu'on a toujours eu d'excellentes relations, très cordiales. Je pense qu'on était capables de se parler puis je suis un peu dans la même atmosphère, aujourd'hui et hier, c'est-à-dire qu'on a déposé une pièce législative, on le sait, là, qui peut être considérée comme costaude, qui vient édicter un certain nombre de choses, qui peuvent venir changer aussi d'éléments qui créent de l'inconfort, on s'en rend compte. On s'en rend compte depuis hier matin. Alors, moi, je suis carrément en mode solution et je vais faire comme je fais à l'habitude, c'est-à-dire être en mode écoute, et j'ai bien entendu ce que vous nous avez transmis comme information.

J'entends aussi que vous profitez de l'occasion pour nous livrer un certain nombre de réflexions qui sont les vôtres, notamment sur la rétroactivité. Sans doute faites-vous un lien avec ce qu'on a devant nous, mais moi, j'irai plus spécifiquement sur les éléments qui composent le projet de loi.

Mais moi aussi, je veux en profiter pour faire un petit commercial, pour dire que... et les syndicats et le patronat êtes bien au courant, je pense qu'on est dus pour une rencontre ensemble sur une réflexion qu'on doit mener, notamment sur le régime de négociations, puis on va le faire ensemble, et on devrait se voir assez prochainement, comme on se l'était dit avant les fêtes.

Bon, pour revenir au projet de loi n° 152, de toute évidence, ce n'est pas bon.

M. Ouellet (Yves) : De toute évidence, oui.

Mme Vien : Si je vous...

M. Ouellet (Yves) : On partage la même opinion aussi. C'est une opinion.

Mme Vien : Non, non, on ne la partage pas.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Vien : Ce que je vous ai dit, c'est : Je vous ai bien compris...

M. Ouellet (Yves) : Je m'excuse, c'était facile. Pardonnez-moi.

Mme Vien : Non, non, mais on peut rire un peu. C'est permis, là, hein? On peut se détendre. Des fois, je taquine mes collègues, là. Ça les fait bondir, mais on se taquine.

M. Ouellet (Yves) : ...je vous apprécie, Mme la ministre.

Mme Vien : Non, mais ça, c'est enregistré, là.

M. Ouellet (Yves) : Correct. Je vis avec ça.

Mme Vien : Mais, blague à part, je comprends que, si je vous écoutais, là, je mets ça au panier. Ce n'est pas un peu sévère? Puis comme je dis aux autres, j'essaie de vous pousser dans vos plus profonds retranchements pour sortir la meilleure matière possible de ce projet de loi là. N'y a-t-il absolument rien de bon dans ce qu'on présente?

M. Ouellet (Yves) : Non, pas du tout. Ce n'est pas vrai. Ce que je vous dis, c'est que, bon, pour les sonneurs d'alerte, oui, c'est vrai. Oui, il faut les protéger, puis je suis d'accord avec ça. Mais je vous dis que les plus grands sonneurs d'alerte, c'est nos représentants syndicaux. Même Mme Lemieux , hier, a admis, elle a dit : Écoutez, c'est oui, c'est une de nos forces. Sauf que le projet de loi, de la manière qu'il est fait... et c'est ça que je trouve, à travers du temps... Écoutez, ce n'est pas la première commission qui se passe. À travers de toutes les commissions qui se sont faites, il y a tout le temps eu les mêmes recommandations de régler l'instabilité qui touche les travailleurs. Et c'est ça, le malaise de l'industrie de la construction, c'est que le travailleur n'a pas de sécurité, autant financière... et, quand on regarde le projet de loi, c'est comme si on dirait : Bien, tout va bien, il n'y a pas de décès, il n'y a pas de travail au noir, et on tasse le représentant.

Pour nous, le représentant syndical, on y met une sorte d'inconfort où dorénavant, bien, tu peux perdre ton emploi cinq ans si tu parles. Vous savez, le mot «susceptible», c'est énorme, énorme, parce que ça apporte une interprétation qui est... Mettez-vous à la place du représentant syndical, lui, qui va sur la job pour protéger les droits de ses travailleurs. Il pointe, il va là, il va dire : Écoute, ça, c'est dangereux. Ça, il y a un stratagème, on le voit, on va... Mais, s'il utilise le mauvais mot... C'est comment la personne en avant de lui se sent. Est-ce qu'elle se sent intimidée? Est-ce qu'elle, elle prend ça, c'est... elle est frileuse, c'est quoi? C'est quoi? Mais à partir de là, oui, peut-être qu'une fois, après avoir été en cour, il va être déclaré non coupable, mais on s'entend-u qu'à partir du jour 1, lui, là, c'est sa santé financière aussi à lui. Il a une famille, il y a du monde qui viennent avec ça. Et on vient dire : Fais attention à la manière que tu parles, parce que, de la manière que tu parles, tu pourrais perdre ta job, mon petit homme, ou madame, dépendant si c'est une représentante ou un représentant. Et c'est grave, ça.

• (15 h 20) •

C'est beaucoup. Mais nous, on se dit pourquoi... Si on veut régler les problèmes, bien, qu'on règle les vrais problèmes, qu'on aide le travailleur à se sentir sécuritaire sur un chantier. S'il y a du travail au noir, bien, qu'on s'implique là-dessus. Il y a des choses énormes où est-ce qu'on pourrait travailler.

Mais ce qu'on remarque dans le projet de loi, c'est qu'on s'en va directement sur... on augmente les amendes aux travailleurs, on augmente les amendes au représentant syndical, on limite ses droits sur les réunions de chantier. On met toutes des embâcles pour qu'il se dise : Bien, ça devient plus dur, faire mon emploi. Mais à qui ça sert? À qui ça sert, finalement? Pas au travailleur. Le travailleur a besoin de son représentant. Parce que, je veux dire, hier, ça m'a surpris quand j'ai entendu : Le travailleur veut parler à la CCQ. Bien, je m'excuse, le travailleur, il ne veut pas parler à CCQ, parce que le travailleur, quand il voit l'inspecteur rentrer sur le chantier puis qu'il s'en vient vers lui, il se dit : Ah, wow! Ah! wow, wow, wow! Là, le boss va me voir, puis je le sais, qu'il est croche. Ah! je suis fait, plus de job, moi, là. Regardez, il ne lui dira pas le soir même : Tu es dehors. Mais je peux vous dire que le premier slaque qu'il y a le lendemain, c'est lui qui est dessus. Présomption. Pensez-vous que ça lui tente? Mais son représentant syndical, par exemple, il va aller le voir puis il va lui dire : Écoute, il y a de quoi qui ne va pas icitte, là.

Il y a des statistiques. Tantôt, je vous ai donné des statistiques quand je vous ai dit pour... on a eu 20 décès, 10... le double de l'année 2015. Des statistiques, ça dit ce qui est arrivé, mais il n'y a aucune statistique qui dit combien de décès ou d'accidents on a sauvés parce que le représentant syndical est sur la job puis il va dire : Regarde, ça, c'est dangereux. Ça ne veut pas dire qu'il se chicane avec l'employeur, mais il va dire : Regarde, tu n'as pas vu ça, regarde, cette chute-là, ça peut être dangereux pour des travailleurs. Il va arriver sur un stratagème. Parce que l'industrie de la construction, ça peut être une job en Abitibi de quatre personnes comme ça peut être le CHUM à Montréal avec 2 000. C'est toutes des choses que ce monde-là sont en vase clos, sont tous isolés.

Si le représentant syndical ne peut pas librement travailler, puis arriver, puis dire : Écoute, je le sens... Écoutez, c'est quasiment... Si vous allez sur un chantier, là, puis vous êtes un représentant syndical... vous, vous avez vécu ça, vous savez ce qui se passe. C'est quasiment écrit dans la face du monde quand il y a un stratagème qui ne va pas bien, là. Et lui, bien, il veut s'assurer que ça arrête là puis que ça se règle là. Parce que, quand on n'est pas capables de l'arrêter en partant, ça s'étend comme une tache d'huile sur les chantiers de la construction, et on vit avec du travail au noir qui ne suit pas.

Ça fait que oui, on pense que le projet de loi, tel qu'il est là, brime et limite extrêmement. Il met une épée de Damoclès au-dessus du représentant syndical qui est le lien principal entre le travailleur puis ses droits, parce qu'il sait que lui, il est capable de faire quelque chose. Et ça, c'est important puis c'est ça qu'on n'aime pas dans le projet de loi, c'est que ça va venir le mettre en danger.

Mme Vien : Et vous nous demandez d'en disposer, même si ça donne suite, en grande partie, aux recommandations de la juge Charbonneau.

M. Ouellet (Yves) : Mais il y a des choses là-dedans que ce n'est pas la juge Charbonneau qui a demandé, là. La juge Charbonneau n'a pas tout demandé ça.

Mme Vien : Non, non, non. Vous avez tout à fait raison.

M. Ouellet (Yves) : Il y a des choses qui viennent de la CCQ, puis c'est le bout où est-ce qu'on ne comprend pas. Moi, que la...

Mme Vien : C'est l'augmentation de pouvoir d'enquête de la CCQ, c'est ça qui vous...

M. Ouellet (Yves) : Puis c'est correct. Non, mais sur les choses qu'ils utilisent, les vidéos, ces choses-là, c'est correct. Que tu puisses éliminer la concurrence déloyale, je vais vous dire, c'est ce qui peut arriver de mieux à nos travailleurs, parce que quand vous êtes un entrepreneur puis que vous faites une soumission, sur le matériel, là, même si vous êtes gros entrepreneur, quand vous avez réussi à aller chercher à peu près 2 %, là, c'est à peu près le top que vous allez chercher. Mais c'est les travailleurs... quand vous en avez 20 en bas, eux autres, là, ils paient leurs avantages sociaux, tout, vous avez un monde vaste où est-ce que vous pouvez aller jouer.

Ça fait que c'est le travailleur qui paie en bout de ligne. Puis savez-vous, il n'y en a pas de sécurité. Et lui, là, quand il arrive, que ça soit le travailleur ou la travailleuse, quand il arrive chez eux le soir puis qu'il dit à sa femme ou qu'elle dit à son mari : Écoute, oui, il va falloir que je dénonce... Oui, mais n'oublie pas, là, tu sais, penses-y comme il faut, là, tu vas te faire mettre dehors. La maison, elle va passer... Tu sais, la chance que tu as, c'est que le jeudi d'après, normalement, ton nom, il sort à la banque, hein, quand c'est le temps de payer ta maison puis ton auto. Ça, tu es chanceux, ton nom sort tout le temps. Mais, quand tu n'as plus de job, tu n'as pas d'argent pour payer.

Ça fait que c'est toutes des choses, des situations qui mettent des familles en danger, puis je veux que le projet de loi ne fasse pas ça, qu'il n'ait pas cet impact-là. Le mot «susceptible de», c'est dangereux. Ça donne une latitude où est-ce que l'employeur peut se dire : Pas de trouble, je vais l'accuser. Je ne gagnerai peut-être pas, mais le temps qu'il est en cour, par exemple, il ne m'achalera pas. Et ça, on ne peut pas se permettre ça.

Mme Vien : ...des dérapages, c'est ce que vous craignez. Il y a beaucoup de groupes qui nous ont parlé... parce que le temps file rapidement, on n'a pas tant de temps que ça, mais beaucoup de groupes nous ont parlé de l'accès, là, aux appareils électroniques pour aller chercher de l'information, avoir accès à tout ça, notamment les cellulaires. Vous en pensez quoi, essentiellement?

M. Ouellet (Yves) : Je vais vous dire que ça touche plus les employeurs, et c'est pour faire des enquêtes sur eux autres. Et je pense que tout ce qui peut être utilisé dans le but d'aider à faire une enquête et à démasquer des stratagèmes, je suis d'accord avec ça. Il reste qu'il y a tout le temps aussi le côté personnel qu'il faut faire attention, à la protection du public. Mais de là, je vais vous dire, j'ai entendu beaucoup de commentaires depuis hier et je pense que je vais leur laisser ce bout-là. Je pense qu'ils ont fait leur point, puis ce sera à vous d'en décider.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. Ouellet, pour votre présentation.

M. Ouellet (Yves) : Ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, au tour de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la parole.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Ouellet, les gens qui vous accompagnent, merci d'être là. Bien entendu, je lis votre mémoire, j'écoute un peu votre lecture de votre mémoire et vos commentaires. Bien entendu, votre axe est naturel puis elle dit : Moi, je vais aller jouer dans le projet de loi où est-ce qu'on commence à limiter nos droits en représentation des travailleurs. Puis je pense que vous avez le droit de venir vous défendre, c'est écrit noir sur blanc.

Je veux juste vous assurer que, lorsque le projet de loi n° 152 a été déposé à l'Assemblée nationale, puis c'est des recommandations de la commission Charbonneau, qu'elle disait que pour tout qu'est-ce qui est argent au noir, concurrence déloyale, les gens peuvent soumissionner ou non sur des contrats, je pense que tout le monde a été saisi de ça dans la communauté, incluant moi.

On rajoute aussi, dans ce projet de loi là, l'intimidation. Je pense qu'aujourd'hui, en 2018, personne ne peut aller à l'encontre de l'intimidation. Donc, moi, c'est mes axes qui me guident. On a des amendements depuis qu'on a écouté tous les groupes depuis hier, un puis un autre, parce que... je vais me référer tout le temps à cet axe-là, on fait référence aux recommandations de la commission Charbonneau, puis effectivement, dans ce projet de loi là, la CCQ offre à la ministre de dire : Bien, moi, tu me donnerais peut-être quelques outils de plus pour venir m'aider, puis elle justifie ses points à sa manière.

Sauf qu'on voit... on a questionné des groupes, on a questionné la CCQ hier à savoir... Effectivement, les sonneurs d'alerte, là, tout le monde est d'accord avec ça, là, il ne faut pas taper sur ces gens-là. C'est unanime, ça aussi. J'imagine que vous êtes du même sens, sauf que lorsqu'on a parlé de la représentation des sonneurs d'alerte, la représentation syndicale, je n'ai pas vu aucun groupe venir nous dire : Non, non, ces gens-là, c'est notre problème face aux recommandations de la commission Charbonneau. Mais effectivement, lorsqu'on regarde certains articles... puis on en a parlé à certains groupes hier, plus patronaux, de dire «susceptible de provoquer», là, ils ont dit : Oui, il restera à prouver de, de, de.

Mais vous, dans votre mémoire, vous nous apportez sur des moyennes de griefs puis vous le... Je vais vous trouver la page, là. À la page 5, vous expliquez, là, les pourcentages de griefs. Puis je regarde la plupart des griefs : travail au noir, instabilité d'emploi, délais de production trop serrés. On n'est pas vraiment dans les problématiques qu'on tente vouloir venir régler en modifiant la CCQ.

Alors, «susceptible de provoquer», il y a des gens qui ont dit : Bien, le fardeau restera lorsqu'on ira être jugé par un commissaire du travail, par un juge, tout dépendant si on est rendus au civil. Alors, vous, vous l'avez bien expliqué, puis je veux vous entendre, «est susceptible de provoquer», jusqu'où que ça peut nous amener? Est-ce qu'on va augmenter le pourcentage de griefs, qui aura une finale peut-être minable ou non recevable parce qu'on a changé un mot, alors que je n'ai pas senti cette problématique-là, venant du patronal, de dire «susceptible de»?

Puis on a demandé à la présidente de la CCQ hier, elle nous a donné un exemple, si on barre une route puis le chantier est à 400 kilomètres dans le milieu du parc... Je pense que la ministre est franche quand elle dit : On va tenter d'apporter un projet de loi qui va être aidant au lieu de nuire. Alors, je ne pense pas qu'on va prendre un deux-par-quatre pour tuer une mouche.

• (15 h 30) •

Mais je veux vous entendre, parce que, j'imagine, lorsque vous parlez des amendes, vous nous... c'est déjà prévu dans R-20, il y a déjà une gradation, dans R-20, des amendes. Si vous me demandez mon opinion, moi, si on parle d'amendes sur l'intimidation, sur la fraude, sur le travail au noir, sur un représentant syndical qui va aller faire de l'intimidation, un boss qui va intimider un travailleur sur ses taux... Hier, on avait cette discussion avec d'autres groupes... Je ne sais pas si je le paie temps double, temps simple. Les horaires, des fois, c'est mêlant, c'est de l'interprétation. Je ne pense que ce soit le coeur de notre problème d'intimidation, autre que de dire : Si moi, je t'intimide, tu prends ce salaire-là, sinon tu ne travailles pas pour moi. Ça, on ne le voit pas. Il n'y a pas moyen d'apporter ça en grief. Le gars n'a pas encore travaillé pour.

Donc, j'aimerais vous entendre sur... Ces lois déjà prévues dans R-20, pourquoi qu'on ne les bonifie pas ou qu'on ne les module pas, pour l'intimidation, à un taux plus élevé pour être sûr qu'il n'y a plus d'intimidation, au lieu de venir ici, dans ce projet de loi là, venir toucher indirectement à R-20, qui est déjà prévu, mais juste sur le sens de l'intimidation? On a demandé hier à un groupe patronal : Qu'est-ce que vous voyez de ça, vous, lorsqu'il y a une réunion des salariés? Bien, il dit : Je ne sais pas qu'est-ce qu'ils veulent dire par réunion des salariés. C'est-u pendant qu'ils sont en train de dîner, une réunion des salariés? Alors, expliquez-nous votre perception des taux de gradation des amendes. Est-ce que vous êtes d'accord, si on parle d'intimidation, ou fraude, ou autre, qu'on puisse les bonifier encore à la hausse pour vraiment enlever ça dans l'idée des gens, puis de voir le regroupement des gens... Comment vous voyez ça, vous, le regroupement des gens sur un chantier?

M. Ouellet (Yves) : Je vais commencer par votre dernière... Premièrement, la visite des lieux, les réunions. Normalement, quand on va sur un chantier, oui, quand on va réunir des travailleurs, on va les rencontrer pendant leur pause, on va les rencontrer pendant leur dîner, on va les informer. On va les informer justement de ce qui s'est passé sur l'autre chantier à côté. On va leur poser des questions. S'il y a de quoi à dire, ils vont nous le dire. Et c'est de l'information envers les membres, mais c'est de l'information qu'on collecte aussi, que souvent on réfère aussi en disant : Écoute, les travailleurs, là, ils disent qu'il y a des choses qu'ils ne font pas là.

Le restant, il faut avoir accès au chantier. Il faut continuer à aller sur les chantiers parce que, quand tu veux pointer une chose, une problématique de santé, sécurité, tu veux... Comme je vous ai dit tantôt, c'est facile de voir quand il y a de quoi qui ne se passe pas bien sur un chantier. Ça, ça ne se fait pas pendant la pause, ça se fait pendant que tu te promènes, pendant que le monde travaille. Si tu es — on appelle ça le shack — dans la place de repas du travailleur, c'est sûr que tu ne verras pas si le garde-corps n'est pas là, là, ils sont en train de manger. Ça fait que je disais l'importance qu'il se promène sur les chantiers.

Mais le fait de dire à un employeur que, dorénavant, dans la loi, tu peux dire non à une réunion, mais où que ce soit, même pendant la pause, même pendant le lunch, attendez, là, on est rendus loin, là, parce que l'employeur... Normalement, un employeur qui n'a rien à craindre puis que son chantier est correct, ça va bien, mais il s'en contrefout, sauf que, normalement, ça, ça arrive. Mais, si tu prends l'entrepreneur que, lui, son chantier n'est pas correct, puis lui, il n'aime pas ça te voir parce que lui, il sait que tu vas pointer des choses, puis il y a des grosses chances qu'une fois que tu es passé tu as la CNESST qui va débarquer puis la CCQ parce qu'il est totalement illégal, pensez-vous vraiment qu'il va dire : Bien oui, je te permets de faire une réunion, vas-y? Non, il ne veut pas te voir. Mais là on lui donne la possibilité de dire, pas juste pendant le travail, parce qu'il n'y en a pas, de réunion pendant le travail normalement, là, même durant les pauses : Tu n'as pas la permission. Et c'est ça que le projet de loi, il dit. Il dit qu'il peut se permettre de te dire ça dorénavant : Je ne veux pas que tu fasses de réunion pendant la pause puis je ne veux pas que tu fasses de réunion pendant le lunch. Ah! pourquoi? Mais pourquoi on lui permet ça? Parce que c'est tout à fait normal que les travailleurs, si on veut entendre ce qu'ils ont à dire, il faut qu'on soit là pour les entendre aussi, là. Ça, c'est un.

Deux, pour répondre à votre première question, qui était assez complexe parce qu'elle était longue, mais je vais essayer d'y aller dans mon sens, écoutez, ce que je trouve, et ça, c'est une opinion plus personnelle, c'est que je pense que l'industrie de la construction a évolué. Je pense, la société québécoise a évolué. Tout le monde a évolué à travers du temps. C'est vrai, puis je vais répéter ce qui a été dit dans les dernières... hier, il y a des choses qui ont été mises en place pour prévenir ci, prévenir ça, faire attention à ça, faire attention à ça, et ça a été mis en place. Quand je vous ai dit que, selon le rapport, il y a une cause depuis 2016, en 2016, est-ce que ça se pourrait que, oui, ça s'est... oui, ça se pourrait-u que ça soit enrayé? Oui, ça se pourrait-u? On n'est jamais à l'abri d'un cas, mais est-ce que ça s'est amélioré? Est-ce qu'on peut reconnaître que tout a évolué, tout est rendu à une autre place? À cette heure, bien, hier, j'entendais : Oui, mais on est en retard sur ce qui aurait dû... Oui, mais, hein, on est en 2018, on a plein de choses qui arrivent en ce moment. Ça, c'est réglé, c'est correct. On peut-u au moins s'entendre que ça a bougé? Et, quand on fait des règlements, on peut-u faire des règlements pour aujourd'hui, pas sur ce qui s'est passé voilà 15 ans, là? On est aujourd'hui. Il y en a d'autres, problématiques. Je pense qu'on devrait aller là. Ça a évolué, ça a changé. Et je crois qu'augmenter les amendes... Quand tu plies encore plus, ce n'est pas ça qui change. Ce n'est pas ça, la manière de faire. Je ne pense pas que c'est ça.

M. Leclair : Bien, est-ce qu'on pourrait s'entendre pour...

La Présidente (Mme Richard) : 30 secondes, M. le député.

M. Leclair : Je suis toujours en bouts de secondes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard) : C'est ça.

M. Leclair : Ah! je pense qu'il ne me reste rien que 10 secondes.

La Présidente (Mme Richard) : Le temps file.

M. Leclair : Bien, je vais finir par vous remercier d'être de passage. J'aurai la chance de poser mes questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Désolée, mais vous savez que le temps, c'est ce qui nous régit. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs dames.

Vous reprenez des arguments qu'on a entendus depuis hier, là. Mais je vais vous donner mon sentiment général, là. C'est comme si on n'est pas capables de nommer l'éléphant dans la pièce, là. Il y a quelque chose qui ne sort pas, là. Le travail au noir, y en a-tu, y en a-tu pas? Il y a quelque chose, là, qui... On a de la difficulté à saisir... toutes les personnes, là, ce n'est pas vous autres en particulier, là, mais il y a un air de flottement dans les propos. En tout cas, moi, je ne le sais pas, les gens qui sont ici depuis hier, là... Puis, à un moment donné, il va falloir se dire les vraies choses, là, puis, moi, dans les vraies...

Je regardais vos recommandations. Souvent, c'est : Retrait, retrait, retrait. Mme la ministre, elle a un mandat. Elle a des recommandations de la commission Charbonneau. Elle a eu la CCQ qui a passé certaines... Elle a dit : Moi, j'aurais besoin de ça, ça pour faire mon travail. Y a-tu des choses qu'on pourrait moduler, adapter dans le projet de loi au lieu de seulement les retirer, là? Parce que je comprends que Charbonneau, ça date de quelques années, mais Charbonneau, lorsqu'elle a écrit son rapport, elle devait se douter que ça n'arriverait pas de même, tout en même temps, là. Elle a dû dire : Dans le temps, ça va arriver, puis, même si ça va faire trois, quatre ans, bien, ça va être encore utile, là. Moi, avant de dire que Charbonneau est totalement dépassée, il faudrait le regarder, même si ça a évolué, on s'entend bien, là.

Mais je comprends tout ce que vous avez dit. «Susceptible», moi, je comprends que, pour les représentants, il y a une épée de Damoclès. Ça, il faut trouver un moyen... Peut-être que, pour les représentants, qu'eux, là, le «susceptible», il ne s'applique pas aussi facilement. Je ne le sais pas, là, mais j'essaie de trouver des pistes de solution, là, parce que je ne pense pas que Mme la ministre va dire : Bien, O.K., on ferme les livres puis on s'en va, là. Il y a des choses à faire, là. Non, mais j'aimerais vous entendre, là, puis allez-y.

M. Ouellet (Yves) : Ce que je vous dis, c'est que, premièrement, pour des amendes, il y en a déjà. La majorité des choses qu'il y a là existent déjà et elles font la job. Où est-ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi tu les bonifies. Ça fait la job comme c'est là. L'amende est là. En ce moment, 113.2, tu perdais ta job, c'est clair. C'est irréel. Je vous l'ai dit, tu peux être le docteur... oublié le scalpel dans le corps de quelqu'un puis tu vas avoir un an. Cinq ans, on rentre dans la vie du monde en maudit. Ce que je dis, c'est qu'on n'a peut-être pas bonifié les bonnes choses. Que tu me dises que tu as 11 000 $ d'amende... Puis là, là, je donne des chiffres en l'air, là, mais je vais être plus dur que ça. Demain, c'est 80 000 $. Pourquoi pas 300 000 $? Pourquoi pas 4 millions? Parce que ce n'est pas ça, la problématique, ce n'est pas le montant. Le montant, il est là. La loi, elle existe. Il y a des lois qui prennent soin des choses déjà. Mais, quand on a bonifié, on a bonifié le bout syndicat. Tout ce qu'on a fait, c'est le bout syndicat. On t'augmente ton amende si tu fais ci, on fait ça, ça. Arrêtez, là. Il y en a une, amende. Elle est là. Il y en a, des dispositions, déjà, qui sont là. La loi est déjà là. Elle existe puis elle fait la job. Honnêtement, regardez ce qui se passe à cette heure. Elle se fait...

Je vais vous répondre aussi à votre autre question. Est-ce qu'il y a du travail au noir? Oui, monsieur, il y en a, du travail au noir. Oui, il y en a. Il y en a et il y a du monde, il y a des travailleurs qui le subissent, des travailleurs puis des travailleuses qui subissent le travail au noir parce que ce n'est pas vrai que tu peux dire à ton... Puis, tu sais, on peut bien mettre dans la loi que, oui, mais là, s'il dit ça, l'entrepreneur peut... oui, mais c'est avant qu'il rentre, ça, qu'il va lui dire ça. Puis pensez-vous vraiment qu'il va lui dire directement : Je vais te mettre dehors? Il y en a qui le font, là. Il ne le fera pas, ça. C'est bien plus pernicieux que ça. Le premier slaque, tu es parti : Bye, «you're gone».

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est pour ça que, dans la loi, là, j'aime bien le sonneur d'alerte. Puis le sonneur d'alerte, là, c'est le représentant. On s'entend, là?

M. Ouellet (Yves) : Ah oui!

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Parce que le travailleur, là, lui, s'il sonne l'alerte, il va la sonner une fois. C'est ce que je comprends de vos propos.

M. Ouellet (Yves) : Puis la deuxième fois, ça va être sa dernière.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est beau.

• (15 h 40) •

M. Ouellet (Yves) : Mais vous êtes... C'est réel. Le représentant, c'est son pare-feu.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Exact, oui.

M. Ouellet (Yves) : Lui, là, le représentant, c'est sa protection. Maintenant, ce qu'on dit, c'est que... Est-ce qu'on peut admettre que... Même la CCQ l'a dit : Ah oui, on a un rôle extrêmement important à jouer. Cette personne-là, le travailleur, la travailleuse, ils en ont besoin. Maintenant, quand on lit le projet de loi, on dit : Il y avait déjà des amendes, il y avait déjà des choses de prévues. Mais la seule imagination qui est arrivée avec, c'est : On va augmenter ça. Pourquoi? C'était déjà là. Parce que ce que ça peut faire... Est-ce que c'est le but, puis c'est ce qu'on dit, de freiner le représentant en lui disant : Attention! là... Et, quand on me disait... Aussi ridicule qu'on dit «susceptible de», bien, une population... Il y a du monde, là, dans une région, là... Puis, on l'a vécu, il y a du monde dans les régions qui disent : Aïe! là, ça ne marche pas, là, on n'est plus là. Le monde travaille à notre place. On peut-u manifester pour protéger nos droits en disant : Bien, écoute, là, il y a de quoi qui ne va pas chez nous? Bien non parce que ce que tu vas faire est susceptible... puis, à 200 kilomètres de là, tu vas retarder les travaux.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Là-dessus, le «susceptible», là, avant ça... Bien, le bout de texte qu'on veut changer, c'était «dans le but de provoquer».

M. Ouellet (Yves) : «Dans le but de provoquer».

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Bien, je pense que le balancier était peut-être à un bout, à l'extrême. Puis là la CCQ, moi, ce que je comprends, elle a dit : Bien là, c'est difficile, nous, de faire notre travail, là. Mais là on s'en va à l'autre bout. Il y a peut-être un juste milieu qu'on peut trouver.

M. Ouellet (Yves) : Sûrement.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est pour ça que je vous dis que ce que je regrette de votre mémoire, c'est des retraits, des retraits. Il y a peut-être des propositions qui auraient été... parce que de nous donner des idées, ce n'est pas mauvais.

M. Ouellet (Yves) : Mais, écoutez, je vous le dis, la proposition... Quand on vous dit : Il est temps qu'on s'assise... L'industrie de la construction, c'est une industrie mature. C'est du monde, des entrepreneurs, le syndicat... Il y a du monde qui sont, là, responsables. On sait notre rôle au sein de la population québécoise. On le sait, notre rôle, et on a dit : On veut s'assire, on veut parler et on veut régler des choses. Par les amendes... et ça, je ne pense pas que c'est tout là que ça se fait. Mais je vous dis une chose, c'est qu'on n'est pas fermés à tout ce qu'il y a là. Ce qu'on vous dit, c'est que, quand il y a des amendes qui sont déjà là, ça ne donne rien d'aller plus loin.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. Ouellet, ainsi que les personnes qui vous ont accompagné. Belle contribution à nos travaux.

Et je suspends les travaux quelques instants pour permettre aux autres participants de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 44)

La Présidente (Mme Richard) : Nous reprenons nos travaux. Merci beaucoup. Nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons maintenant la CSD-Construction et Centrale des syndicats démocratiques. M. Laterreur, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si c'est vous qui allez prendre la parole au nom de votre organisation, mais, en tout cas, la personne qui va le faire, peut-être se présenter et présenter également les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes de présentation, par la suite suivra une période d'échange.

Centrale des syndicats démocratiques‑Construction
(CSD‑Construction) et Centrale des
syndicats démocratiques (CSD)

M. L'Abbée (Martin) : Parfait. Mon nom est Martin L'Abbée. Je suis vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques. De plus, c'est un honneur pour moi de pouvoir servir comme administrateur public au C.A. de la CNESST depuis maintenant deux ans. Les gens qui m'accompagnent. Vous l'avez nommé tantôt, Daniel Laterreur, président de la CSD-Construction. On a suggéré son nom pour qu'il soit au C.A. de la CCQ. On est en attente de nominations. J'ai, à ma droite, Luc Vachon, président de la CSD, et, à mon extrême droite, Lyne Laperrière, directrice nationale affectée à la CSD-Construction.

La CSD est représentée au C.A. de la CCQ depuis 1994 et au C.A. de la CSST, CNESST, depuis 1982. Pour la CSD, les rôles de représentation sont dévolus, principalement pour le C.A. de la CNESST, au vice-président de la CSD, de par ses responsabilités et son expertise, et par le président de la CSD-Construction au C.A. de la CCQ, de par son expertise et sa connaissance du milieu.

La CCQ et la CNESST : deux organismes paragouvernementaux qui sont de très bons exemples du dialogue social québécois. Le paritarisme qui se vit au sein de ces deux C.A. démontre bien l'implication des acteurs les plus représentatifs du monde du travail au Québec.

En effet, prenons l'exemple du C.A. de la CNESST, les membres nommés par le gouvernement parmi les associations les plus représentatives représentant des employeurs et représentants des travailleurs. Qui de mieux placé que les représentants des employeurs et représentants des travailleurs pour connaître les milieux de travail, pour prendre les décisions, adapter les règlements, budgets et autres orientations? Le dialogue social qui s'en dégage nous amène à trouver des solutions acceptables pour tous la plupart du temps. Des processus sont en place pour la prise des décisions quand une impasse subsiste.

En plus du C.A. de la CNESST, il y a plusieurs comités stratégiques et comités-conseils qui travaillent les sujets pour qu'ultimement les décisions soient prises au conseil d'administration. Ces décisions sont ainsi mieux supportées par les parties, et l'acceptation des milieux de travail est plus simple puisque c'est les acteurs qui les diffusent.

La limitation du nombre d'années pour les administrateurs au C.A. est à six ans. Je vous avoue que ce n'est pas simple d'arriver au conseil d'administration de la CNESST et essayer d'être fonctionnel au jour 1. Ma première année en fut une d'apprentissage. Dans la deuxième, quelques questions, quelques interventions. Aujourd'hui, après deux ans, je me considère assez fonctionnel avec, en moyenne, dix conseils d'administration annuellement et avec une moyenne de cinq heures par rencontre. C'est environ 50 heures par an pour s'acclimater au conseil d'administration, une semaine de travail en temps continu. En six ans, six semaines, ce n'est quand même pas grand-chose.

Des travaux peuvent s'échelonner sur plusieurs années juste sur un sujet. À titre d'exemple, le cadenassage, qui a abouti après 15 ans, donc ça aurait pris trois personnes au C.A. de façon cumulative, tandis que, pour la présidence des deux commissions, les mandats demeurent à cinq ans et aucune limitation dans le nombre de mandats. Pour les administrateurs des C.A., on veut limiter à six ans les mandats. C'est beaucoup trop court pour maintenir un conseil d'administration efficace. On ne tient pas compte ici des absences, des démissions, des maladies ou des changements dans les représentants des associations. L'absence d'expérience des membres du C.A. donnerait ainsi une grande influence à la permanence tant à la CCQ qu'à la CNESST, la perte inestimable de l'expertise du terrain et de cet exemple de dialogue social. Pour nous, le fait de limiter à six ans les mandats comme administrateur au conseil d'administration de la CCQ et de la CNESST n'améliorera pas la gouvernance.

La limitation de cumul des deux conseils d'administration. La possibilité que, dans l'histoire, une personne ait eu une grande influence et que cela aurait pu causer problème a été soulevé par la commission Charbonneau. La commission Charbonneau indiquait que c'était le cumul, comme administrateur, de cette personne qui était le problème, le cumul complet, je vous rappelle, comme membre du C.A. de la CSST, de la CCQ, mais aussi comme membre des C.A. de la SOLIM, du Fonds de solidarité et de la FTQ-Construction. Depuis, des pare-feux ont été mis en place : code d'éthique et de déontologie, des déclarations annuelles de conflits d'intérêts. À notre connaissance, depuis que ces codes d'éthique existent et s'appliquent aux deux conseils d'administration, aucun cas n'a été soulevé.

Il y a eu aussi des changements législatifs et de règles internes à la CCQ depuis 2010. Le mode de nomination des inspecteurs a été revu. Depuis, les inspecteurs de la CCQ ne peuvent plus être représentés par un syndicat affilié à une association représentative présente au conseil d'administration de la CCQ depuis 2011. De plus, les administrateurs des deux conseils d'administration suivent des formations sur l'éthique, et c'est maintenant donné à tous les administrateurs. Nous croyons que les changements déjà effectués répondent à l'esprit des inquiétudes soulevées par la commission Charbonneau.

• (15 h 50) •

Un lourd fardeau pour les associations de salariés. L'article 86.1, la déclaration d'un dirigeant attestant de la véracité des renseignements de ses représentants, que chacun d'entre eux respecte les conditions prévues à l'article 26 et, de surcroît, en 30 jours, le temps de vérification, la lourdeur et les coûts qui peuvent y être consacrés sont importants, sans parler de la responsabilité imposée aux dirigeants, qui n'est pas nécessaire, selon nous. Nous demandons que la déclaration du dirigeant et du représentant soit basée sur le modèle de déclaration du délégué de chantier, en faisant les adaptations nécessaires. La personne qui signe sa déclaration sera la seule responsable de sa déclaration.

Il semble y avoir une méconnaissance du milieu de la construction. L'industrie de la construction a son propre écosystème. Malheureusement, dans cet écosystème, l'ancienneté ne fait pas partie du portrait. C'est pourquoi un travailleur peut travailler pour plusieurs employeurs dans une seule année. Plusieurs travailleurs sont aussi des travailleurs saisonniers. Être en bons termes avec son patron n'est pas facultatif, c'est essentiel. Sinon, pour n'importe quelle raison, l'employeur ne rappellera pas le travailleur pour le prochain contrat la prochaine saison. Il doit donc se plier en quatre pour être apprécié de son employeur. Les travailleurs ont ainsi souvent peur de revendiquer leurs droits, un problème majeur pour les travailleurs de l'industrie de la construction.

Nous sommes inquiets des débordements possibles dans l'application de certains articles du projet de loi. Entre autres, à l'article 113.3, nous ne pouvons accepter que les travailleurs soient tenus responsables du paiement de salaires ou d'avantages non déclarés. Cela ne peut se faire. Une réaction du travailleur à son employeur chez qui une pratique est en place sur ce sujet pourrait faire l'objet de représailles. Il pourrait carrément perdre son emploi. Nous demandons que les mots «reçoit» et «participe» soient retirés de cet article.

L'interdiction de tenir une réunion de salariés sur les lieux de travail sans le consentement de l'employeur, à l'article 118.1, cela pourrait s'interpréter comme quiconque tient une discussion syndicale sur le chantier pourrait être accusé. Imaginons que le conseiller CSD‑Construction se présente sur un chantier pour venir rencontrer ses membres. C'est-u une réunion? Est-ce qu'il a besoin de l'autorisation pour venir porter un document à un travailleur, voir l'évolution des travaux, voir le respect des règles en santé et sécurité du travail? Parce qu'un salarié qui se plaindrait pourrait aussi perdre son emploi. L'employeur l'aimerait un petit peu moins. C'est pourquoi c'est les conseillers de la CSD‑Construction qui font les dénonciations à la CNESST. Le conseiller de la CSD qui est dans une roulotte de chantier durant les pauses ou le dîner, c'est-u une réunion? Devrait-il avoir le consentement de l'employeur préalablement? Le conseiller de la CSD qui se dirige vers la roulotte, qui se fait arrêter par un travailleur pour une question, c'est-u une réunion? Est-ce qu'il aurait dû avoir l'autorisation de l'employeur avant? Et finalement le délégué de chantier ou un simple membre CSD‑Construction qui parle avec des collègues de n'importe quel sujet en relation avec le travail, est-ce que ça pourrait être considéré comme une réunion et est-ce qu'il aurait dû avoir préalablement le consentement de l'employeur? Ce ne sont là que quelques exemples de ce qui pourrait survenir et où n'importe qui, finalement, pourrait être accusé.

Un autre effet néfaste serait la limitation des interventions des représentants syndicaux, l'employeur n'ayant qu'à ne pas consentir à la présence d'un représentant syndical ou que les travailleurs discutent de conditions de travail sur son chantier. Pourtant, dans les relations de travail, n'est-il pas le rôle des parties, tant patronale que syndicale, de se parler et de régler les problèmes à la source, la prise en charge par le milieu de ses propres relations de travail? Nous demandons le retrait de l'article 18.

Certaines dispositions du projet de loi touchent l'établissement ou l'augmentation substantielle d'amendes pour les associations de travailleurs et les travailleurs, ce qui aura comme effet de dissuader des gens d'agir, même, dans un cas, de voir leur bonne foi jugée par les travailleurs. Pour ce qui est des amendes, tous n'ont pas les mêmes moyens, employeurs, syndicats et travailleurs.

Au niveau de l'élargissement des pouvoirs de la CCQ pour la prise de photographies, d'enregistrements vidéo ou sonores, nous sommes inquiets de l'application que cela peut signifier. Nous vous rappellerons, entre autres, l'article 5 de la charte des droits et libertés.

En terminant, la CSD et la CSD‑Construction sont contre toute forme d'intimidation. Nous sommes loin d'être rassurés quant aux débordements que ces nouveaux articles dans le projet de loi pourront apporter. Sans vouloir être trop susceptibles, nous croyons que les tribunaux ne sont pas la solution pour tout régler sur un chantier. Les parties doivent pouvoir se parler et régler des problèmes au lieu de judiciariser les relations de travail. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. L'Abbée. Et la période d'échange va débuter maintenant. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs madame. Bienvenue, M. L'Abbée. Je vois que vous n'êtes pas, vous non plus, comme groupe, très favorables au 152.

M. L'Abbée (Martin) : Plusieurs articles nous inquiètent, surtout pour les débordements, effectivement.

Mme Vien : Oui, les débordements, notamment, liés à... et principalement aux pouvoirs accrus qui pourraient être accordés à la CCQ?

M. L'Abbée (Martin) : À ce niveau-là, ce n'est pas tellement là. C'est les débordements au niveau de l'utilisation des téléphones et des autres appareils. Imaginez-vous qu'un travailleur serait surveillé 24 heures sur 24...

Mme Vien : Comme les délais de prescription, par exemple.

M. L'Abbée (Martin) : Je comprends. Mais c'est ce que je vous dis. Mais sauf que l'employeur ne mettra pas des caméras partout. Mais il peut-u être filmé par ses pairs? Il peut-u être filmé par quelqu'un sur le coin de la rue? Ce genre d'abus là, à quoi il pourrait avoir accès, c'est beaucoup trop flou. On n'est pas contre que les inspecteurs aient accès à plus de données pour pouvoir faire leur travail. Ce n'est pas ça, mais c'est dans le débordement potentiel que ça nous fait peur.

Mme Vien : Il y a quand même des recommandations qui nous viennent de Charbonneau. Il y a des recommandations... pas des recommandations, pardon, mais des éléments qui ont été ajoutés parce qu'effectivement la CCQ nous dit : Bien, nous, on aurait besoin, bon, entre autres, d'avoir un meilleur accès aux documents, à des vidéos, enfin, à des documents technologiques, comme on en connaît aujourd'hui, en 2018. Plusieurs groupes, plusieurs personnes, maintenant, gèrent à partir de ça. Donc, c'est des recommandations qui visent bien entendu à diminuer l'intimidation sur les chantiers, à protéger les lanceurs d'alerte. Je veux dire, il y a beaucoup de choses à l'intérieur de ce projet de loi là. C'est parce que... Je vais reprendre l'expression du collègue de Chutes-de-la-Chaudière. Mon sentiment général après vous avoir entendu, c'est : Je retirerais cet article-là, je retirerais cet article-là. Vous n'êtes pas à l'aise avec 152, là.

M. L'Abbée (Martin) : On n'est pas à l'aise avec plusieurs éléments de 152. À des endroits, on demande de retirer certains mots, pas les articles au complet. Au niveau des lanceurs d'alerte, on n'est pas contre. Vous voyez, dans notre mémoire, on n'a rien commenté sur les lanceurs d'alerte.

Mme Vien : Oui. Bien, merci beaucoup, M. L'Abbée.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous pouvez commencer vos échanges.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, messieurs. Vous avez levé quelques points qui n'ont pas été levés fréquemment. J'aimerais vous entendre... Vous nous parlez de déclaration du représentant de chantier par rapport à un autre type de déclaration. Puis vous avez même pris le temps de dire que, malheureusement ou heureusement, là, on l'appellera comme qu'on veut, on connaît mal, un peu, peut-être, le métier de la construction. Et, je l'avoue, effectivement, je ne suis pas un gars qui a oeuvré dans ce milieu-là, donc j'aimerais savoir... On cherche, tu sais, peut-être des pistes, des fois, puis la déclaration du représentant de chantier, j'aimerais que vous me l'expliquiez, là, avant que je vous donne ce que je pense ce que c'est. Bien, expliquez-moi ce bout-là. Puis, s'il y en a deux types, là, s'il faut aviser l'entrepreneur qu'on s'en vient, tu es aussi bien de mettre tes barricades, et tout, là, je trouve que... Mais je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Vachon (Luc) : Alors, bonjour, tout le monde. Merci de nous accueillir, Mme la Présidente, Mme la ministre, les parlementaires.

Alors, pour répondre à votre question, ce qui est soulevé, c'est que, dans le projet de loi n° 152, il y a un élément de déclaration et, en plus, d'engagement pour les associations d'être garantes de la conformité de l'article 26 de la loi R-20, donc tout le volet qu'il puisse y avoir un rattachement criminel ou autre. Alors, cette conformité-là, actuellement, elle n'est pas balisée. Ça, c'est l'ajout de 86.1 dans le projet de loi n° 152. Et là, maintenant, c'est l'association qui devient garante non seulement à un moment donné, mais constamment, en permanence, pendant toute la durée des gens qu'elle va identifier comme ses représentants.

Mais il y a un autre volet, c'est : Qui sont ces représentants? Parce que le projet de loi ne le cloisonne pas, ne l'identifie pas. Et, l'autre bout, des amendes sont données aux associations si jamais il y avait un défaut de conformité. Donc, une journée donnée, il faut être garant de la représentation de la conformité à 26. Et, s'il y a des changements qui surviennent pendant la durée, l'association est elle aussi garante d'une chose qu'elle peut même ignorer. Et les amendes vont jusqu'à 2 142 $ par jour où on identifie qu'on est en infraction. Alors, tu peux te retrouver des mois suivants avec une infraction pour laquelle tu es supposé être garant et des éléments que tu ne connais pas, alors qu'actuellement il y a un processus pour les délégués de chantier. Il y a un formulaire qui est déjà prévu, où la personne identifie qu'elle a compris les règles. Elle a compris ça et elle atteste les maîtriser. Elle atteste qu'elle est conforme justement à l'article 26, la personne peut le déclarer. Ce qu'on dit, c'est que ça devrait être la même chose qui s'applique et ne pas soumettre les associations à une chose qu'ils n'ont pas... C'est difficile et c'est un trop lourd fardeau, pour les associations, de garantir ça en permanence.

Et là je rajoute que ce qui vient aussi donner un autre élément, c'est la question des codes d'éthique, de déontologie. Vous avez entendu parler qu'il y a des déclarations d'intérêt qui sont là. Donc, toutes ces balises-là sont déjà... Il y a déjà des balises d'instaurées. Là, ce qu'on vient, c'est... À part vouloir mettre les associations au front, et risquer de prendre les gens en défaut sur des choses qu'ils ne savaient même pas et qu'ils risquent d'apprendre en cours de route, et de donner une facture de milliers de dollars, je ne sais pas à quoi ça sert.

• (16 heures) •

M. Leclair : Bien, vous êtes en train de me prouver que je n'ai pas bien écouté la commission Charbonneau. Parce que je ne souviens pas d'avoir entendu ça, dans la commission Charbonneau, des déclarations de ce type-là. J'ose espérer que ça vient de la CCQ, là. Puis je ne sais pas, c'est... Ils cherchent quelque chose, là, parce que...

M. Vachon (Luc) : Je ne crois pas que ça fasse partie non plus de...

M. Leclair : ...la commission Charbonneau.

M. Vachon (Luc) : ...cet aspect-là. Je ne pense pas, moi.

M. Leclair : Mais, bref, je vous amène sur un autre point. Parce que je m'aperçois, là, qu'on veut vraiment régler certains conflits qu'on semble avoir entre la CCQ et le représentant syndical, puis le but ici, alentour de la table, c'est de comprendre le problème pour tenter de trouver la solution.

Parce que, si je reviens encore au point premier, on dit : Si on veut que les contrats soient équilibrés puis que les gens disent : Bien, ce contrat-là, tout le monde devrait être payé au taux x, puis qu'il y en a un autre qui en paie en dessous de la table, bien, en bout de piste, il faut peut-être être capable d'aller vérifier les gars puis les chantiers pour s'assurer que tout le monde est payé adéquatement puis justement qu'il y en ait un qui ne tire pas profit de ça. Mais, ça, on n'en parle pas énormément, dans le projet de loi, de ce petit bout là. Mais la commissaire, la commissaire ou la commission Charbonneau nous dit bien que, pour intimidation puis tout ce qui est d'argent au noir, il faudrait apporter certaines dispositions différentes ailleurs.

Mais là vous avez la chance de siéger sur des comités paritaires. Puis ce n'est pas dans votre mémoire, là, mais... un petit peu de redondance, là, après deux jours, mais je vous pose la question suivante : Sur vos comités paritaires, où est-ce qu'il y a du patronal puis des représentants du travailleur, est-ce que vous les avez, ces chicanes-là, de dire : Là, toi, lâche de brasser de l'argent au noir? Ou c'est juste les meilleurs qui siègent là-dessus, puis les troubles sont minimes à 10-12 %? Puis ces gens-là, il n'y a pas quelqu'un de vous autres qui dit : Aïe! là, ça n'a pas de bon sens, on s'en fait avoir? Autant pour les représentants syndicaux, autant pour les travailleurs, vous devriez avoir ces discussions-là.

M. Vachon (Luc) : Si les questions nous étaient soumises, ça nous ferait plaisir de les traiter. Ceci étant, je siège sur deux comités qui sont paritaires, deux comités où le dialogue social est extrêmement présent, qui seraient des tribunes extraordinaires pour utiliser... pour soumettre des situations comme celles-là, et je dois dire, en toute honnêteté, que nous sommes très peu sollicités et peut-être parfois pas suffisamment écoutés.

Ceci étant, vous soulevez la question de la CCQ, et je vais vous soulever que la CCQ a un conseil d'administration qui est aussi paritaire. Et je ne crois pas que nous ayons eu le point de vue du conseil d'administration de la CCQ par rapport aux pouvoirs qui sont demandés par la CCQ. Alors, ça aurait pu être intéressant d'avoir la position du C.A., qui en soi est l'organisme qui administre et qui normalement est capable d'identifier quelles sont ces difficultés, qu'est-ce qui devrait être mis de l'avant. Et pour l'instant on a peut-être la position de l'administratif, mais nous n'avons pas la position du conseil d'administration.

M. Leclair : Très intéressant. Parce qu'on posait la question à Mme Lemieux, hier, puis vous avez fait un peu un début de mémoire en disant que l'expertise est importante, et tout. Je pense que je ne pose plus de questions là-dessus, ma tête est déjà claire. Je pense qu'un tour de table on comprend assez, là, que... Je ne suis pas convaincu qu'on s'en allait dans le bon sens avec ça.

On tentera de trouver une solution équitable. Mais effectivement, lorsque je demandais à la présidente, à Mme Lemieux, de dire : Bien, il y a des gens qui suggèrent, à votre niveau à vous, que ça soit différent, qu'il y ait d'autres choses d'appliquées, elle n'a même pas voulu commenter. Alors, je crois que votre exemple est assez pertinent, de voir, le C.A., s'il y avait eu les mêmes demandes.

Parce que je trouve ça bizarre que... On le dit depuis... Moi, en tout cas, je ne l'ai jamais aussi entendu, même si je le croyais parce que, sur des régimes de retraite, et tout, j'ai eu la chance de côtoyer quelques groupes paritaires, puis tout le monde dit, là, que le paritarisme est de mieux en mieux puis de plus en plus sollicité. Alors, j'imagine que le C.A. de la CCQ voit les bienfaits. Puis là on... je ne le sais pas. Je ne comprends pas, là, je ne comprends vraiment pas le petit bout où est-ce que...

Puis hier on demandait aux gens : Est-ce que les employeurs vont être aussi pénalisés? Puis je reviens à mes points de départ, là, si on parle de fraude, d'argent au noir, d'intimidation, que, moi, ça vienne du syndicat, que ça vienne du patronal, si tout le monde se dit : Non, bien, là, là, il faut fesser fort.

Mais, pour toutes les autres affaires, si R-20 mérite d'être modifiée, bien, la ministre vous a invités, là, gâtez-vous, jasez-vous, modifiez R-20. N'utilisons pas la commission Charbonneau pour venir tenter de modifier R-20 parce que, sinon, ce n'est pas équitable, ce n'est pas équitable parce qu'on va prendre les petits bouts de R-20 qu'on veut modifier... On voit souvent ça, dans le projet de loi. Mais souvent c'est quand les deux parties le veulent puis ils disent : On va en profiter, parce que vraiment le législatif, il faut qu'il change la loi.

Là, je sens qu'on se fait prendre un peu de court. On aura la chance d'en discuter, on fera l'ouvrage qu'il y aura à faire face à ça, mais je trouverais très intéressant si le C.A... la CCQ pourrait nous envoyer un mémoire, s'ils n'ont pas le temps de venir siéger ou si on ne les a pas invités, là, je ne sais pas qu'est-ce qui est arrivé en arrière de tout ça, mais ça pourrait être intéressant de voir s'ils auraient la même vision.

M. Vachon (Luc) : Puis, en tout respect...

La Présidente (Mme Richard) : ...

M. Vachon (Luc) : Pardon?

La Présidente (Mme Richard) : 30 secondes vous sont allouées pour la fin.

M. Vachon (Luc) : Bien, je ne déborderai pas. En tout respect, la commission Charbonneau avait un mandat qui était sous un angle d'attribution par rapport aux contrats de l'industrie. Elle n'avait pas le mandat au niveau des relations de travail qui prévalent. Et c'est les relations de travail qui sont... Là, on essaie de régler par la fin et non pas par les causes, par la source. Attaquons-nous aux sources, qui sont les relations de travail et tout l'écosystème, tout le fonctionnement, ça va régler la suite. Mais c'est ça qu'on ne fait pas, même pas par le projet de loi.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre contribution.

Je vais...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est beau. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard) : ...suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Mme la Présidente, je pourrais intervenir.

La Présidente (Mme Richard) : Oh!

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : J'ai dit : Je pourrais. J'ai été très poli.

La Présidente (Mme Richard) : Vous avez totalement raison, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Richard) : Vraiment, c'est impardonnable de ma part. Vous savez que je vous apprécie beaucoup.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Bien oui, nous sommes de la même cuvée.

M. Leclair : Ah! plus que moi? Wo! Wo! Wo!

La Présidente (Mme Richard) : Allez-y, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Vous savez, il faut tellement que je surveille le député ici, là, le député de Beauharnois, qui des fois outrepasse le temps alloué, que, là, j'étais obnubilée par le temps. Allez-y.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Plus sérieusement, là, comment ça va, vos relations avec la CCQ? En général, là, juste... on jase, là, on jase ici, hein?

M. Vachon (Luc) : Bien, moi, je n'en ai pas.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Bon, ça va bien.

M. Vachon (Luc) : Honnêtement, moi, je n'en ai pas. Si vous vous adressez à moi, je n'en ai pas. Personne à la table en avant n'en a. On est en attente de nomination. On a notre ancien président qui a pris sa retraite, président de la CSD, qui siège toujours au C.A., puis on attend la nomination de notre nouveau président.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Oui. Mais là vous nous parlez de la relation de membres au C.A. Moi, je vous parle des relations quotidiennes.

M. Vachon (Luc) : ...de façon générale. Je peux vous dire, si vous voulez connaître les relations qui peuvent prévaloir dans tout l'environnement, tout l'écosystème, je vais vous dire, c'est facile de comprendre qu'il y a une problématique à quelque part. Regardez les deux dernières négociations, regardez le fonctionnement, l'atterrissage de ça. Alors, est-ce qu'on peut parler d'une relation qui est à terme ou qui donne les résultats qui pourraient être escomptés? Je pense que poser la question, c'est y répondre.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Hier, il y a un témoin, il est ici encore, dans la salle, qui a proposé... Oui, je vous entendais tantôt. En tout cas, qu'est-ce que j'ai décodé de vos propos — si ce n'est pas vrai, vous me le direz — c'est comme si vous nous dites... Hier, la présidente, P.D.G. de la CCQ, elle est venue témoigner, puis vous ne savez pas si le C.A. était d'accord avec ce qu'elle a dit. Moi, c'est ce que j'ai compris comme... Puis une des solutions qui étaient avancées par un témoin, ce serait peut-être que ce soit deux personnes différentes, un président ou une présidente du conseil d'administration et une présidente ou un président-directeur général pour l'administratif, là, et le C.A., vraiment, lui, il prend les grandes orientations, puis il passe les commandes, puis on s'en va comme ça. Est-ce que ce serait quelque chose de souhaitable?

M. Vachon (Luc) : Bien, à mon avis, vous regardez plusieurs grandes organisations, et il y a une séparation des pouvoirs entre la présidence de l'entreprise, par exemple, et la présidence du conseil d'administration pour assurer une saine gouvernance de l'organisation. Je pense avoir répondu.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Non, vous avez répondu comme un politicien. Vous n'avez pas répondu.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Vachon (Luc) : Ce n'est pas ce que je voulais. Non, mais la réponse, c'est oui, il devrait y avoir une séparation de...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Là, c'est répondu.

M. Vachon (Luc) : La réponse est oui.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Pour moi, ça va, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard) : Ça va pour tout le monde? Parfait. Merci beaucoup, madame messieurs, pour votre présentation.

Et nous allons suspendre pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 13)

La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Donc, nous reprenons nos travaux et nous recevons maintenant la CSN. M. Lacharité, M. Brassard, Mme Pepin. Ça fait que je pense que c'est M. Lacharité qui va commencer? Bienvenue à l'Assemblée nationale, messieurs, madame. Vous avez 10 minutes maximum pour nous faire votre exposé. Par la suite va suivre une période d'échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous.

Confédération des syndicats nationaux-Construction
(CSN-Construction)

M. Lacharité (Jean) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la ministre, bonjour, Mmes, MM. les parlementaires, bonjour à toutes et à tous. Je me permettrai de saluer d'abord M. Reid, qui est un député de ma région d'origine, que je connais bien. On vous remercie infiniment de nous recevoir comme CSN et CSN-Construction. Alors, je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent : Pierre Brassard, qui est président de la CSN-Construction, à ma droite, et Me Maude Pepin-Hallé, qui est du service juridique de la CSN et qui a travaillé à la rédaction du mémoire que vous avez entre les mains.

D'entrée de jeu, on doit vous dire qu'on partage les objectifs louables, là, qui sont dans le projet de loi à la suite des recommandations de la commission Charbonneau. Cependant, on trouve qu'il y a certains irritants, notamment eu égard aux droits fondamentaux des travailleurs et des associations syndicales.

Et je vais laisser le président de la CSN-Construction et notre avocate, Me Pepin-Hallé, vous faire quelques commentaires sur un certain nombre d'articles eu égard à l'industrie de la construction. Et je vais conclure brièvement sur la question de la gouvernance, parce que beaucoup de choses ont déjà été dites, et je pense que ça va dans le même sens que même les organisations patronales.

M. Brassard (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Je vais me présenter, Pierre Brassard, le président de la CSN-Construction. Merci, Mme la ministre, de nous inviter, les députés, à... Si je regarde un peu, là, depuis deux jours, là, qu'on est ici, là, présents puis qu'on fait le tour, on cherche comment le p.l. n° 52 peut satisfaire un peu tout le monde, comment on peut donner un peu plus de pouvoir, un peu moins de pouvoir, ou des choses comme ça. On discute de procédure, on rajoute — vous allez voir où est-ce que je m'en vais, là — à un moment donné, tu sais, on fait... on discute de procédure, on discute de comment faire la preuve, comment donner un peu plus de pouvoirs à des travailleurs pour faire la preuve à la CCQ, ou des choses de même. On parle de... tu sais, on rajoute de la lourdeur judiciaire, administrative, puis peu importe, des pénalités, des difficultés de dénonciation. On veut avoir comme objectif de protéger... Parce que je vous parle en tant que travailleur, ça fait quand même... contrairement au député de Beauharnois, là, j'ai quand même 28 ans de travail au niveau de l'industrie de la construction, là, comme travailleur, ça fait que j'en ai quand même vu pas mal, là, depuis 1989. Ça fait qu'on veut protéger les lanceurs d'alerte, les travailleurs vulnérables puis le travail au noir, peu importe.

La commission en a parlé un peu, il y a beaucoup d'organisations qui en ont parlé, le monde a toujours une peur, une crainte. Parce que, si vous lisez notre mémoire, là, on a quand même brossé un grand tableau d'un peu tout ce qu'il y a au niveau des argumentaires. Mais moi, je vais vous entretenir... parce que le député de Chaudière, il disait : Il y a un éléphant dans la place, mais on dirait qu'on n'est pas capable de le voir. On veut protéger tout ce monde-là, à la base, pour essayer de dénoncer des choses, puis de provoquer des choses, puis monter des dossiers, mais, en même temps, on ne les protège pas plus qu'il ne faut parce qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi. La crainte de perdre sa job, là, hein... Tantôt, on parlait de... les représentants syndicaux, ils vont sur les chantiers, la suspicion, de dire : Ça a-tu l'air de ça, ça a-tu l'air de quelque chose, je fais-tu de l'intimidation?, bien, à la base, le travailleur, lui, quand il va starter, initier quelque chose puis que le lendemain matin il va perdre sa job, ou la semaine d'après il va perdre sa job, ou il ne sera pas réembauché, hein, pas de sécurité d'emploi, pas d'ancienneté, pas de droit de rappel, ça fait que des statistiques, on n'en aura jamais.

On a essayé de faire la démonstration, là, depuis 2009‑2010, on a une cause, sur la Côte-Nord, là, d'intimidation puis de discrimination. La lourdeur du système... On est rendus en 2018, on est encore en train de se tirer la pipe d'un tribunal à l'autre pour contester tout ça. Ça fait que la lourdeur judiciaire fait que, moi, si je n'ai pas de sécurité d'emploi, pas d'ancienneté puis pas de droit de rappel, puis je fais une plainte contre mon entreprise, puis je vois la lourdeur de tout ça, là, c'est sûr que ça met un frein à rentrer dans les statistiques un jour que j'ai fait une plainte sur le travail au noir. Mon employeur me dit : Tu vas travailler 20 heures déclarées, 20 heures pas déclarées, sinon, tu t'en vas chez vous. Si je le dénonce, je m'en vais chez nous pareil. Donc, on dit que l'argent, c'est le nerf de la guerre; ça fait que, si tu m'enlèves mon argent, je n'ai plus de guerre, moi, je ne vais plus à la guerre, là.

Ça fait que l'éléphant qui est dans la pièce, c'est la sécurité d'emploi. Tant et aussi longtemps qu'on mettra plein de plasteurs, plein de bobos sur monter des plaintes, monter des amendes, en mettre plus, mettre le fardeau sur le travailleur, sur l'employeur, ça ne réglera pas le problème à la base. À la base, si tu n'es pas capable de monter des statistiques, si tu n'es pas capable de faire partie, un jour, des statistiques, de dire : Il y en a eu, maintenant, j'ai une sécurité d'emploi, je suis capable de dénoncer puis de garder mon emploi ou de réintégrer mon emploi, je ne ferai jamais partie des statistiques, jamais.

Donc, l'éléphant blanc, c'est la sécurité d'emploi, les clauses de rappel puis les mises à pied. Si je suis sûr de garder mon emploi, ça va m'inciter à dénoncer, à dénoncer puis ne pas embarquer dans le système de corruption puis de collusion avec les employeurs. Parce qu'à un moment donné tu n'as pas le choix, tu veux travailler, tu veux commencer à travailler quand tout le monde travaille au mois de mai, juin. Si tu n'embarques pas dans le système de concurrence déloyale des employeurs, tu ne travailles pas, puis, si tu veux le dénoncer, tu ne travailleras plus, hein?

C'est pour ça que, dans notre recommandation, la première recommandation, là, c'est de créer un comité qui va statuer... qui va faire des recommandations sur la sécurité d'emploi. Il y en a dans des conventions collectives, il y en a un bout dans le résidentiel, il y en a un bout dans l'institutionnel commercial, des droits de rappel, des clauses d'ancienneté, des clauses qui pourraient ressembler à ça. Donc, c'est là-dessus qu'il faut se pencher, plutôt que de mettre un paquet d'amendes, monter les amendes : s'assurer qu'il n'y ait plus de frein à la dénonciation, que le travailleur, à la base...

• (16 h 20) •

Le lanceur d'alerte, là, si on ne le protège pas par ça, oubliez ça. Vous monterez les amendes que vous voudrez, vous mettrez les pénalités que vous voudrez, là, jamais qu'il n'y aura quelqu'un qui va dénoncer. Imaginez-vous les femmes, sur les chantiers de construction. Est-ce qu'elles ont le goût de dénoncer quand elles voient toute la lourdeur des procédures? Est-ce qu'ils ont le goût de revenir, l'année d'après, quand ils sont payés 20 heures-construction, 20 heures pas déclarées? Est-ce qu'ils ont le goût de revenir? Jamais. Donc, encore là, c'est des statistiques que vous n'aurez jamais.

Je vais m'arrêter là parce que je suis comme...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Mme Pepin?

M. Brassard (Pierre) : Je vais passer la parole à Mme Pepin-Hallé.

Mme Pepin-Hallé (Maude) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. les députés. Effectivement, la solution qui a été retenue pour protéger les travailleurs, les lanceurs d'alerte, d'importer l'article 122 des normes du travail dans l'industrie de la construction, c'est une belle idée. Mais le problème, c'est que l'article 122 des normes du travail s'applique dans le milieu du travail québécois dans lequel l'ancienneté est reconnue. On importe une solution, mais sans importer le contexte.

Or, l'article 122 ne peut pas avoir la portée recherchée de protection des travailleurs de l'industrie de la construction tant qu'ils n'auront pas la possibilité de démontrer que le déplacement, leur fin de contrat, leur non-réembauche constitue une représaille. L'AECQ nous l'a mentionné hier — je pense que c'était l'AECQ — mentionnant qu'un déplacement ce n'est pas une représaille. Comment nous, nous allons prouver que ce salarié n'a pas été réembauché, non pas parce que le contrat était venu à terme, non pas parce qu'il n'avait plus besoin de manoeuvre dans son type de travail, mais bien parce qu'il a été victime de représailles?

Donc, l'article 122, sans l'ancienneté, n'a pas la portée qu'on souhaite lui donner. Au surplus, l'article 122, dans le monde du travail, prend pour acquis qu'on a un poste de travail. Une fois qu'on obtiendrait une décision, quand bien même on réussirait à prouver que la personne a été victime de représailles, on ordonnerait quoi? Réintégration sur un contrat, un contrat de trois jours, deux semaines, un mois et c'est fini après? Encore une fois, on importe une solution qui n'est peut-être pas encore adaptée.

Et je pense que la proposition qui est mise de l'avant ici aujourd'hui... Vous avez parlé de solutions. On appuie la proposition de protéger les lanceurs d'alerte, mais il faut trouver des solutions qui sont adaptées à l'industrie de la construction. Et un tel comité, un comité qui se pencherait sur une recommandation que la CSN et la CSN-Construction portent depuis 1965, c'est-à-dire la création de règles qui permettent de protéger contre l'arbitraire et la discrimination des travailleurs, permettrait enfin d'atteindre les objectifs recherchés notamment par la commission Charbonneau.

La commission Charbonneau nous a mentionné qu'il fallait aller au-delà de la collusion. Pour cesser la collusion, il faut donner de l'indépendance aux travailleurs. Cette indépendance aux travailleurs, c'est leur donner le droit de ne pas perdre leur emploi s'ils dénoncent le milieu de travail dans lequel ils sont. Donc, sur cet aspect de... on vous soumet que c'est un noeud gordien, que c'est finalement par cette voie qu'un comité paritaire, qui pourrait trouver des solutions... On suggérait juin 2018 pour essayer de trouver des solutions adaptées telles qu'il en existe déjà dans les conventions.

Dans un deuxième temps, a été soulevé... et je pense qu'il y a des questionnements sur le fait : Mais est-ce que vous appuyez quand même le projet de loi? Oui. Mais quel est l'objet du projet de loi? Est-ce que c'est vraiment d'assainir les relations de travail ou d'ajouter... on l'a mentionné, plusieurs, d'alourdir et d'élargir la portée des sanctions pénales? Mme la ministre, vous travaillez... et vous êtes responsable de l'application du Code du travail, et vous savez mieux que quiconque que les sanctions pénales, c'est appliqué dans l'industrie de la construction. Plus personne ailleurs, au Québec, ne dépose des plaintes pénales au Tribunal administratif. Ça, c'est un temps révolu. C'est il y a 15 ans, quand on a changé les pouvoirs du Tribunal administratif ou la Commission des relations du travail.

Alors, à ce moment-là, on importe ici et on se dit : On va continuer dans un chemin qui nous a prouvé être inefficace depuis toujours, c'est-à-dire les sanctions pénales. On continue à coup de menaces à vouloir régir des rapports collectifs de travail. On parle de dialogue, les rapports collectifs de travail dans l'industrie de la construction. On doit être capable d'établir de véritables dialogues entre les employeurs, les syndicats et les travailleurs. Ce n'est pas à coups d'élargissement de sanctions pénales, je crois, et on vous le soumet, qui pourraient entraver les droits d'association, de réunion pacifique tant des salariées que des syndicats, qu'on va pouvoir atteindre et rétablir ce dialogue qui doit naître, comme ailleurs au Québec, qui doit permettre d'instaurer des relations de travail et des rapports collectifs de travail qui soient plus sains.

Et on soumet que le fait d'élargir et d'empêcher potentiellement la tenue de... qui pourrait favoriser aussi la discrimination syndicale, la tenue de réunions de travail sur les chantiers est là une entrave clairement au droit d'association des travailleurs.

Donc, je vois le temps qui s'écoule. Pour ma part, je pourrai revenir sur des questions sur ce sujet. Et je céderais la parole à mon premier vice-président.

La Présidente (Mme Richard) : Bien. Pour le mot de la fin, M. Lacharité?

M. Lacharité (Jean) : Oui, brièvement, sur la question de la gouvernance et de la limitation des mandats. Comme plusieurs autres groupes qui se sont présentés ici, on est contre la limitation des mandats parce qu'autant pour la Commission de la construction du Québec que pour la CNESST les missions, dans les deux cas, sont extrêmement complexes, et ce n'est pas vrai qu'en limitant les mandats au bout de six ans on va améliorer la gouvernance. Au contraire, on pense qu'on va l'affaiblir.

Moi, je siège au conseil d'administration de la CNESST. Je siégeais au conseil d'administration de la défunte CSST. J'y étais depuis 2011. Mme la ministre, je n'ai pas pris ça personnel, là, en prenant six ans maximum, mais... Et récemment, Mme la ministre, vous nous avez donné le mandat, via le CCTM, de vous faire des recommandations pour modifier les lois en santé et sécurité, la LATMP. J'ai été de ces échanges-là, même sur un comité restreint, avec mon collègue de la FTQ, Serge Cadieux, dans un comité 2-2. Moi, je dois vous dire que ça prend un certain nombre d'années d'expérience et une connaissance assez fine des dossiers pour procéder à des discussions comme celles-là dans un contexte paritaire.

Et ce sont des organismes paritaires, là, ces deux organismes-là. On est dans une autre «ball game», là, que dans plein d'autres organismes. Et, si vous limitez ces mandats-là, vous allez vider de l'expertise certaine, nécessaire au bon fonctionnement, à la bonne gouvernance de ces organisations. Vous allez les vider de leur expertise et vous allez affaiblir la gouvernance, on en est fermement convaincus.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. Lacharité. Vous étiez sur du temps emprunté à la ministre, puis je suis convaincue que vous allez continuer les échanges avec celle-ci et qu'on va procéder justement à la période d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Merci d'être là cet après-midi. Je vais continuer à faire du pouce, M. Lacharité, sur ce que vous nous disiez. Donc, des mandats, vous ne voyez pas ça d'un très bon oeil qu'on vienne les limiter. Cependant, je crois remarquer qu'au niveau des cumuls entre la CCQ, la CNESST, ça, vous seriez assez d'accord pour qu'il n'y ait pas d'interférence entre les deux. Est-ce que j'ai bien compris? Est-ce que j'ai bien lu?

M. Lacharité (Jean) : Bien, c'est dans une de nos recommandations, là. Ça faisait suite à une problématique qu'on a vécue dans le passé. Maintenant, écoutez, on ne déchirera pas notre chemise là-dessus, là, mais c'était une des dispositions. Mais, si on juge que le tout est réglé avec les nouveaux mécanismes dont on s'est doté, avec les comités de gouvernance et d'éthique dont la CCQ s'est dotée, comité de vérification... Puis on a la même chose, hein, à la CNESST, puis on a bien d'autres comités stratégiques, au niveau de la CNESST, qui ont été mis sur pied, plus le Vérificateur général, hein, qui vérifie les livres à la commission... à la CNESST, en tout cas. Bon, alors, nous...

Mme Vien : Je n'ai pas compris, M. Lacharité. Le Vérificateur général, que vous avez dit?

M. Lacharité (Jean) : Le Vérificateur général, chaque année...

Mme Vien : O.K. d'accord. Oui, d'accord. Oui, oui, oui.

M. Lacharité (Jean) : ...vient vérifier le Fonds de santé et sécurité, qui est géré, et les finances de la CNESST, et il fait ses recommandations à chaque année. Et d'ailleurs il nous a fait des recommandations de correction d'un certain nombre d'éléments, qu'on a mises en place très rapidement. Donc, au niveau de la gouvernance, on pense qu'on a pas mal toutes les balises, là, pour assurer une bonne gouvernance au sein de ces deux organismes-là.

Mme Vien : Il y a plusieurs... en fait, aux groupes qui se sont présentés avant vous, il y en a eu quelques-uns, puis il y a plusieurs éléments qui reviennent. Évidemment, on sent, là, qu'il y a une trame qui se dessine, là, tu sais? En tout cas...

M. Lacharité (Jean) : ...convergence.

Mme Vien : Oui, c'est ça, sur certains points, il y a une convergence. Cependant, si on devait continuer dans ce sens-là, au niveau de la limitation du délai de mandat, je vais dire ça comme ça, là, la durée du mandat à certaines sociétés d'État, bon, Martine Hébert nous mettait en garde, disait : Oui, mais c'est des missions uniques. Mais néanmoins, comme le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec disait, bon, on pourrait peut-être aller jusqu'à 12 ans. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous seriez à l'aise?

M. Lacharité (Jean) : Bien, écoutez, ce n'est pas la position qu'on a prise dans notre mémoire. Cependant, je dois vous dire que c'est pas mal moins pire, 12 ans, que six ans, et ça fait un certain benchmarking avec d'autres organismes d'État, là, où c'est 12 ans aussi, là. Alors, je sais que mon collègue de la FTQ va vous en parler, alors je vais lui laisser... Je ne veux pas lui voler son scoop.

Mme Vien : Vous êtes-vous tous parlé, là, avant de venir ici, là?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Vien : Pour moi, c'est ça, hein?

• (16 h 30) •

Une voix : C'est ça, le paritarisme.

Mme Vien : C'est ça, le paritarisme.

M. Lacharité (Jean) : Vous savez, le paritarisme, ça fait en sorte que les organisations syndicales...

Mme Vien : Le dialogue social, O.K.

M. Lacharité (Jean) : ...on se parle avant, les organisations patronales se parlent, puis on essaie de trouver une convergence ensemble pour la suite.

M. Leclair : Il y a rien que nous autres qui ne se parlent pas.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Richard) : M. le député de Beauharnois!

Des voix : ...

M. Lacharité (Jean) : On n'a pas choisi le modèle de l'Assemblée nationale, là.

Des voix : ...

Mme Vien : C'était pour juste le taquiner.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Vien : Il me fait perdre mes fils, à part ça, là, tu sais, il me fait perdre mes idées. Mme la Présidente, le député de Beauharnois, là... Non, mais, en tout cas, on a fait... Non, mais je pense que vous avez été assez clair, là, puis je vais dire comme le député, là, je ne travaillerai pas à brûler du temps inutilement, là. Vous avez été assez clair, vous avez étayé votre position, vos positions. Plusieurs de vos recommandations, de vos demandes recoupent celles de plusieurs groupes aussi qu'on a entendus, puis je veux juste vous assurer que je vous ai entendus aussi.

Alors, merci à vous trois de vous être déplacés cet après-midi. C'est très apprécié.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la parole. Profitez-en, maintenant que vous avez la parole, et ne l'utilisez pas quand vous ne l'avez pas.

M. Leclair : Merci. On commence à se parler, hein? Vous voyez, ça commence.

Alors, mesdames messieurs, merci beaucoup d'être là. Vous avez apporté quand même des petits points un peu nouveaux, puis j'ai bien aimé, lorsqu'on parlait d'éléphant dans la pièce... puis vous parlez d'assurer des gens à avoir une job le lendemain puis... Lorsqu'on parle de lanceurs d'alerte, est-ce qu'il y a une manière de dire... on pourrait protéger ces gens-là pour leur assurer une stabilité d'emploi, dire : Il y a-tu... Je comprends qu'aujourd'hui, la manière que la construction fonctionne, c'est très difficile. Je pense qu'il faudrait la réorganiser au complet pour s'assurer de ça, mais est-ce que vous voyez un sens de dire : Un lanceur d'alerte, là... qui a raison, là, bien entendu, là, parce que je peux me prétendre lanceur d'alerte demain matin, juste pour avoir une assurance d'emploi. Mais est-ce qu'il y a une voie possible là-dedans, avec... Parce que je pense...

Ma deuxième pensée, c'est de penser au placement syndical. On a changé ça, on a modifié ça. Ma deuxième question, ou si vous voulez répondre en même temps : Le placement syndical va comment? Puis est-ce qu'on pourrait rassurer ces gens-là, les lanceurs d'alerte, face au placement syndical? De dire : Tu serais en priorité, ce n'est pas vrai que tu vas perdre ta job parce que tu as dénoncé quelqu'un qui va... dans les mêmes directives que la commissaire Charbonneau.

M. Brassard (Pierre) : Bien, au moment où on se parle, là, le lanceur d'alerte, c'est une image. O.K.? Le lanceur d'alerte, c'est tout le monde. Tout le monde qui travaille sur un chantier de construction, hommes, femmes, immigrants, autochtones, peu importe, là, ça, c'est des potentiels lanceurs d'alerte, parce que c'est du potentiel monde qui peuvent participer à un système de collusion avec les employeurs. O.K.? Ça, c'est la première des choses.

Si on forme un comité qui se penche sur comment on peut établir une forme de sécurité d'emploi, une réelle sécurité d'emploi, là, une ancienneté par chantier, par entreprise, par compagnie, puis après ça il y aurait des clauses de rappel, des clauses de mise à pied, des façons de mettre à pied puis de rappeler le monde, quelque chose d'assez bien fait, pas quelque chose qu'on fait à la course puis qu'on se débarrasse du jour au lendemain, parce qu'on est poussé par le temps, à cause qu'il y a une commission d'enquête dans l'industrie de la construction puis que là on est obligés d'accoucher de quelque chose...

Prenons le temps, prenons le temps d'évaluer, d'estimer puis de regarder comment on peut réellement régler le problème à la base. Parce que, si moi, je n'ai pas de sécurité d'emploi, là, je ne dénoncerai jamais, même si ça fait 20 ans. Parce que la force... ma sécurité d'emploi, là, c'est la force de travail, la capacité de travail puis mes connaissances, que je ne donnerai pas aux autres, parce que c'est ça qui fait la longévité du terrain que je travaille. Ça fait qu'un coup que j'embarque avec l'employeur, puis que je ne suis pas trop à cheval sur le temps supplémentaire, puis je ne suis pas ci, puis je ne suis pas ça, tu embarques dans le système, là, puis tu ne dénonceras pas, parce que tu n'as pas le choix. L'employeur te dit : Bien, tu vas durer plus longtemps que les autres, ça fait qu'il y a un système qui s'établit comme ça.

Ça fait depuis 1989 que je travaille dans l'industrie de la construction. J'en ai vu de toutes les couleurs, tous les stratagèmes inimaginables. Encore aujourd'hui, en 2018, là, il y a des entreprises qui passent par la plateforme de référence de la main-d'oeuvre, qui appellent le monde que la référence on réfère puis qui déjà au téléphone disent : Moi, je paie 20 heures construction, 20 heures pas construction. C'est-u correct de même pour toi? J'ai besoin... Mon chômage est fini... Ça fait que ça, tu embarques dans le système.

Ça fait que, si on avait une sécurité d'emploi, une clause de rappel au travail béton, là, pas quelque chose de furtif, ça aiderait à ne pas accepter des choses comme ça. Ça aiderait à dénoncer des choses. Parce que je vous l'ai dit tantôt, là, peu importe ce que vous allez me mettre comme amende, comme pénalité ici, à la base, il n'y a pas de dénonciation. Parce que je n'ai pas de protection, je ne dénoncerai jamais.

M. Leclair : Donc, permettez-moi de douter... Hier, il y a des gens, des groupes... On y allait peut-être un petit peu moins sur l'actualité du «day-to-day», si je pourrais dire, mais donc c'est très fréquent, là. Lorsqu'on parle... Le marché noir, de payer au noir, de ne pas payer le bon taux puis que... Là, je peux comprendre les représentants des syndicaux de dire : Enlevez-nous pas de sur les chantiers, on a déjà de la misère. Ça existe à toutes les heures, à tous les jours, à tous les... un chantier sur deux. Enlevez-nous pas de là en plus. Ça va peut-être être encore plus laid, malgré qu'il doit s'en faire passer, parce que le gars, entre lui et l'employeur, vu qu'il n'y a pas une structure vraiment, là, de rattachée, bien, ils s'arrangent bien entre eux autres. Donc, ce n'est pas vrai, si on parle que c'est rien que 10 %, ou 12 %, ou 15 % du marché de la construction qu'on a... appelons-les fraudeurs ou bien donc nos petits orphelins, mettons, là, autant patronaux que travailleurs. C'est plus gros que ça, là, d'après vous. Ce n'est pas du 10 %, 15 %, là.

M. Brassard (Pierre) : D'après mon expérience, là, c'est beaucoup. C'est beaucoup d'entreprises. Ce n'est pas tout le temps que tu mets tous tes travailleurs au même niveau, là. Des fois, il y en a des entreprises, là, que c'est un ou deux. C'est un ou deux de tes poteaux qui passent un petit peu à côté des conventions collectives. Ça fait que là ils en parlent quand même à ce monde-là. Ah! bien, tu sais moi, je vais à telle place, tu sais, je ne prends pas mon millage, je ne prends pas mon kilométrage. Je ne me fais pas payer mon «travelling», je me fais payer 200 gallons de gaz, deux jours de pension. Toutes des petites choses de même que le travailleur, s'il alerte, il n'aura plus ça. En plus, il va être slaqué puis il ne sera pas réembauché.

Donc, c'est ça qu'on dit, les lanceurs d'alerte... Un coup que tu as une sécurité d'emploi, tu sais que tu vas être rappelé au travail. Tu es tel numéro pour l'entreprise, là. Bien, quand il va être rendu à ce numéro-là, c'est toi qu'il embauche, même si tu as une grande gueule, même si toi, ta santé et sécurité, là, tu veux arriver chez vous avec tous tes membres le soir, là, mais, si tu es pointu là-dessus... parce que, sans ça, c'est les organisations syndicales qui font ça, les permanents et les organisations syndicales.

Là, on vient dire aux permanents : Si tu es susceptible, là, puis tu es le troisième qui arrive dans la semaine, là, tu me tombes sur les nerfs, là, bien là, tu es susceptible de faire ralentir mes travaux. Donc, ça vient complètement débalancer le pouvoir d'être capable de faire respecter les conventions. Aujourd'hui, c'est les organisations syndicales qui ont cette obligation-là «at large». Le travailleur ne peut même pas. La CSD en a traité un peu tantôt, le travailleur, à la base, il ne peut même pas revendiquer ses conventions collectives, il va se faire slaquer le premier.

Donc, si j'avais une sécurité... Je vais tabler là-dessus, là, parce que c'est le cheval... le nerf de la guerre, le rappel au travail. Puis tout le monde l'ont dit, la CCQ l'a dit, on n'est pas capables d'avoir de dénonciations. Les gens ont peur.

M. Leclair : Est-ce qu'il me reste un peu de temps? Une dernière question.

La Présidente (Mme Richard) : Oui.

M. Leclair : Oui, il me reste du temps? Mme la Présidente, vous êtes de plus en plus aimable envers moi.

La Présidente (Mme Richard) : Quand vous êtes discipliné.

M. Leclair : Vous êtes discipliné, vous avez du temps. J'irais à Me Pepin-Hallé. Vous sembliez vouloir nous apporter tantôt, vers la fin de vos secondes, sur le regroupement qu'il peut y avoir sur des chantiers et tout. J'aimerais vous entendre face à ça, vos inquiétudes face à ce qu'il y a. Puis on vient d'y toucher un peu, mais peut-être sur un aspect plus technique...

Mme Pepin-Hallé (Maude) : Sur l'aspect plus technique, vous êtes bien au courant, MM. les parlementaires, que le droit d'association protège désormais le droit de grève. En 2021, qu'est-ce qu'il dit si, par exemple, on devait exercer à nouveau notre droit de grève, mais que là on voulait intervenir sur les chantiers, il y a une réunion qui se passe? Est-ce que rapidement les clauses, telles qu'elles sont rédigées, pourront devenir des outils pour nous entraver à exercer le droit de grève, pour nous entraver à aller rencontrer les gens?

• (16 h 40) •

Avant les négociations, là... Aussi, les employeurs vont nous dire : Ah non! je ne donnerai pas de consentement, là. Moi, j'ai autre chose à faire, ça roule. Alors, de ces deux façons, tant communiquer, c'est essentiel aux associations de pouvoir communiquer, que les gens puissent communiquer entre eux sur l'heure du dîner aussi. Les activités syndicales se passent autour du dîner. Alors, évidemment, l'article 118.1, de la façon dont il est rédigé présentement, ouvre la porte de façon tellement large et, avec les sanctions pénales qui y sont ajoutées, pèse tellement lourd sur les associations qu'il entravera la possibilité de se rencontrer.

Alors, évidemment, dans un contexte de grève, mais même avant, on vous soumet que ça atteindra tant au droit de réunion pacifique aussi des associations, ce qui est le «core business» des syndicats, de pouvoir rencontrer, et on l'a dit, pour pouvoir protéger les travailleurs. Il faut les rencontrer, il faut qu'ils puissent se parler entre eux, et ça va plus loin. On dit : Interdit d'encourager les rencontres. Alors, si on demande à un salarié : Écoute, parle-z-en avec les autres, voir, eux autres, s'ils sont payés de la même façon que toi, sur l'heure du dîner, est-ce qu'on vient d'encourager à tenir une rencontre? Alors, encore une fois, on pourrait être en porte-à-faux avec la clause 118.1.

M. Leclair : Mais, dans la vraie vie de tous les jours, là, j'enlève un deux, trois mois avant une négociation de convention collective qui est à terme, dans la vie de tous les jours, en temps normal, là, j'imagine que les représentants syndicaux qui se promènent sur les chantiers, là, ce n'est pas pour aller faire un attroupement, justement pour retarder l'emploi. C'est pour aller vérifier qu'est-ce qu'on ne suit pas, les normes. Puis j'imagine que les gens qui siègent à la CNESST et tout ce beau monde-là disent : «Let's go, les boys and girls», allez voir ça, là, c'est dangereux, ces chantiers-là. J'imagine que c'est 90 % du temps, puis, dans une période de négociation, bien là, c'est une autre game. Là, on la comprend tous.

La Présidente (Mme Richard) : La réponse en quelques secondes.

M. Lacharité (Jean) : Oui, vous ajouter que... une maudite chance qu'il y a des représentants syndicaux qui vont sur les chantiers, notamment pour...

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qui était alloué à l'opposition officielle.

M. Leclair : ...

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Beauharnois. J'ai reconnu votre professionnalisme. Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté de la deuxième opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, dame.

Je comprends vos recommandations, mais là j'aimerais que vous m'expliquiez travail au noir. Travail au noir, là, je comprends, tantôt, vous avez dit : On ne se fait pas payer avec des choses, mais vous avez dit, à un moment donné : reçoit l'appel, 20 heures, selon le décret de convention, puis 20 heures hors décret. Ça se paie comment ces affaires-là, là? C'est-u des chèques? C'est-u de l'argent... C'est-u du cash? J'essaie de comprendre, là, parce qu'il y a l'air à en avoir plus qu'on pensait, selon certaines statistiques. En tout cas, c'est mon évaluation, à écouter un peu partout, là. Mais ça se passe comment dans la vraie vie, là? Il y a-tu deux chèques qui sortent? Parce que les compagnies, là, il faut qu'elles passent ça dans leurs dépenses, là. Si elles ne passent pas ça dans leurs dépenses, c'est que ça veut dire que leurs revenus ne sont même pas dans leurs revenus, là, parce qu'en tout cas, il y a une dynamique, là.

Expliquez-moi ça pour que je comprenne bien ça, là. Ce soir, je ne me questionnerai pas chez moi.

M. Brassard (Pierre) : Vous allez voir que c'est quand même assez rapide. Il y a un secteur d'activité qui est encore plus propice à ça, dans le secteur résidentiel. Ça, c'est un secteur qui est quand même assez affecté par cette façon de faire là. Ils déclarent 20 heures assujetties à des travaux de maison puis 20 heures qui sont des travaux non assujettis. Donc, le travailleur, il y a 20 heures déclarées selon la réglementation, 20 heures non déclarées, avec...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Je vais juste préciser, là, dans votre exemple, dans le résidentiel, une maison neuve... Donc, ce n'est pas des rénovations, là. Une maison neuve, là, l'entrepreneur, s'il veut la vendre 200 000 $, là, il y a des coûts, puis, s'il paie de l'argent au noir, ça ne sort pas dans ses dépenses. C'est ça je veux comprendre, là. Donc, son profit va être plus élevé à quelque part, là.

M. Brassard (Pierre) : Vous, vous avez travaillé pour le ministère du Revenu, hein?

Des voix : Ha, ha, ha!

Une voix : ...

M. Brassard (Pierre) : Oui, pas à peu près. Mais, en blague, je vous tire la pipe, mais du côté administratif des employeurs, ce n'est pas moi qui fais leur comptabilité, mais nous, on a ce que les travailleurs dans notre organisation nous rapportent. L'employeur me paie 20 heures construction, comme si je travaillais 20 heures à bâtir une maison, puis il me paie 20 heures comme si je faisais de la rénovation. Donc, il y a un taux de salaire qui s'applique à 30 quelques dollars de l'heure. Après ça, ils le paient à 17 $ de l'heure les 20 autres heures, sans déclarer les heures à la commission.

Donc, quand il fait de cette façon-là, c'est là qu'il y a une économie de bouts de chandelles sur le...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Donc, sur les fiches de temps, que je vais appeler comme ça, même si ça n'existe probablement plus, là, il y a...

M. Brassard (Pierre) : C'est les rapports mensuels.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K., sur le rapport mensuel, il va y avoir des heures qui vont être sur la maison neuve, on va en avoir d'autres sur la rénovation, mais dans la vraie vie, ce n'est pas ça.

M. Brassard (Pierre) : Exact. C'est comme ça qu'il vient une concurrence déloyale sur ces travaux-là. Quand c'est des travaux faits dans le résidentiel lourd, où il y a beaucoup de métiers qui se côtoient, là, le monde se parle plus. Mais, en même temps, c'est ça qu'on disait, s'il y avait une sécurité d'emploi ou quelque chose de même, là, le système pourrait être dénoncé par le travailleur ou la travailleuse, pas juste par l'organisation syndicale qui dit : Bien, toffe ça puis, après ça, quand tu auras quelque chose de mieux, bien, tu prendras ce qu'il y a de mieux.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Et dans les autres secteurs, ça peut exister aussi? Là, on parle du résidentiel, là, mais dans les autres secteurs?

M. Brassard (Pierre) : Oui, oui. Ça arrive.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Mais là il y a-tu encore le même principe de rénovation ou il y a d'autres...

M. Brassard (Pierre) : Noir.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Comment?

M. Brassard (Pierre) : Complètement au noir.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Donc, c'est de l'argent cash, là, qui sort. O.K.

M. Brassard (Pierre) : 20 heures construction puis 20 heures en cash.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Donc, en tout cas, c'est...

M. Brassard (Pierre) : On l'a vécu sur un chantier institutionnel à Montréal, le CHUM. Il y avait des travaux de nuit, il y avait des travaux de jour puis il y avait du travail au noir qui se faisait.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est là que j'ai beaucoup de difficulté à comprendre. On prend l'exemple du CHUM. Le contracteur, il a été payé en chèque, j'espère. Donc, après ça, s'il n'y a pas de dépenses pour... En tout cas, c'est beau.

Une voix : Vous avez travaillé au ministère du Revenu. Vous n'avez pas l'air à vouloir comprendre.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Je comprends beaucoup plus que vous pensez. Je veux m'assurer que tout le monde comprend.

Une voix : Il a été payé en PPP.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est beau. Merci.

La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Merci également, madame messieurs, pour toute votre contribution à la commission. C'est fort apprécié.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au groupe suivant de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 48)

La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux. Nous recevons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bonjour, messieurs. Bienvenue à l'Assemblée nationale, M. Cadieux, M. Tardif. Vous allez avoir un temps maximal de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires, et quand j'alloue un peu plus de temps, je dois vous dire que je me fais valider pour... si on me donne le consentement pour vous en allouer de plus, mais c'est toujours... On commence toujours avec un 10 minutes. Je vous cède la parole.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Cadieux (Serge) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM, Mmes les députés, je suis accompagné de Me Claude Tardif, qui est un avocat spécialisé dans l'industrie de la construction.

Donc, la FTQ remercie la commission de l'invitation à s'exprimer sur le projet de loi n° 152. Étant donné la densité de notre mémoire et le peu de temps dont je dispose, vous me permettrez d'aller droit au but. Le mémoire de la FTQ a ciblé ses commentaires sur quatre dispositions : les articles 4, 24, 18 et 20 du projet de loi. Je vais donc diviser ma présentation en deux parties. La première portera essentiellement sur l'article 24. Nous référons au mémoire de la FTQ-Construction quant à l'article 4, et ma deuxième partie portera sur les articles 18 et 20.

• (16 h 50) •

En ce qui concerne l'article 24, s'il était adopté, il aurait pour effet de limiter à six ans la durée maximale du mandat des administrateurs de la CNESST. Évidemment, la FTQ n'est pas contre l'idée de limiter la durée des mandats des administrateurs. C'est une pratique tout à fait acceptable, mais elle n'est pas du tout courante au Québec. À la fin de notre mémoire, nous vous avons fourni un tableau comparatif que je vous invite à regarder. Vous pourrez constater que ce projet de loi créerait un précédent difficile à justifier puisque seuls deux organismes publics ont des limitations de mandat, soit Hydro-Québec et Revenu Québec. Or, ces deux organismes ont une limite de durée de mandat de 12 ans. 12 ans, c'est deux fois plus long que la limite proposée par le projet de loi n° 152.

Cette comparaison permet de situer le problème clairement. Le problème n'est pas l'idée proposée par la commission Charbonneau de limiter le nombre des mandats, mais bien de choisir une durée maximale inappropriée, surtout une durée maximale qui est inadaptée à la réalité du mandat de l'administrateur de la CNESST.

Personnellement, il m'a fallu deux années sur le conseil d'administration pour être en pleine possession de mon mandat, malgré ma longue pratique légale comme avocat et comme dirigeant syndical. Ceci s'explique par le fait que la gouvernance de la CNESST est complexe. L'administrateur doit comprendre le fonctionnement de huit comités stratégiques et de 16 sous comités-conseils chargés de règlements spécifiques. Il doit comprendre les modalités d'application de cinq lois, des règlements qui les accompagnent ainsi que d'un fonds de santé administré de plus de 16 milliards de dollars.

Par conséquent, nous sommes d'avis que ce projet de loi, s'il n'est pas amendé pour tenir compte de cette réalité, risque de produire un affaiblissement de l'institution, hein? Il faut se rappeler que le rôle d'un conseil d'administration, c'est de challenger la direction, de nous assurer que ce qui est mis au jeu par la direction a élaboré chaque... tous les éléments. Donc, il est important. On n'est pas là pour faire du «rubber-stamp», donc il est important de bien maîtriser les dossiers. Nous demandons donc au gouvernement d'écouter les partenaires, tant patronaux que syndicaux, qui souhaitent tous une limitation des mandats plus réaliste. Selon nous, l'esprit de la recommandation de la commission Charbonneau ne serait pas trahi si cette limite était portée à 12 ans comme dans les cas d'Hydro-Québec et de Revenu Québec.

J'aimerais ajouter que le rapport de la commission Charbonneau ne tient aucun compte du fait que la gouvernance de la CNESST a été revue et corrigée à la suite de recommandations du Vérificateur général en 2015 et jamais, dans ses recommandations, le Vérificateur général n'a suggéré de limiter la durée des mandats des administrateurs. Pourtant, il avait en sa possession le rapport de la commission Charbonneau. D'ailleurs, récemment, en 2017, la CNESST a été primée par le Prix d'excellence 2017 par l'Institut d'administration publique du Québec pour avoir amélioré ses règles de gouvernance.

Autre élément très important, Mme la ministre, le rapport de la commission Charbonneau, il faut s'en rappeler, là, s'appelle Rapport d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Ce rapport a été produit avant le projet de loi n° 42 qui a créé la CNESST, et le projet de loi n° 42 a modifié une chose très importante. Elle a assujetti... Le projet de loi a assujetti la CNESST à la Loi sur les contrats des organismes publics, ce qui n'était pas le cas de la CSST avant 2016. Ce n'est pas un fait anodin.

Donc, depuis le 1er janvier 2016, la CNESST est assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics comme plusieurs autres organismes publics sont assujettis et que la durée des mandats des administrateurs n'est pas limitée. Fort à parier que votre prédécesseur, le ministre Sam Hamad, avait pris connaissance du rapport de la commission Charbonneau et, quand il a mis au jeu le projet de loi n° 42, il n'a pas modifié la durée des mandats, parce qu'il introduisait, dans la loi, l'assujettissement à la Loi sur les contrats d'organismes publics, ce qui respecte en tous points les préoccupations de la juge Charbonneau quand elle avait fait cette recommandation-là.

En terminant, sur cet article 24, j'attire l'attention des députés sur la partie 1.3 de notre mémoire. Une limitation de la durée du mandat des administrateurs à seulement six ans ne tient pas compte du caractère paritaire de cette institution. La qualité du dialogue démocratique au Québec découle aussi du respect par l'État de ce paritarisme et de ses caractéristiques. Et, parmi celles-ci, il faut tenir compte du rythme de la démocratie interne des partenaires impliqués. Il faut se rappeler, là, c'est un modèle qui est primé par les autres provinces au Canada. On a réussi, par le paritarisme, à instaurer un dialogue social qui a diminué les conflits de travail. Et d'aussi longtemps que je me rappelle, tous les ministres ont toujours souhaité voir siéger à la CNESST les plus hauts dirigeants des organisations patronales et syndicales. Si le projet de loi était adopté tel quel, là, il y a au moins trois des quatre derniers présidents du Conseil du patronat qui n'auraient pas pu siéger la durée des mandats qu'ils ont siégé. Ce n'est pas ça, l'objectif qui est visé. C'est la même affaire pour les présidents et secrétaires généraux de la FTQ. Il est important que les principaux dirigeants où le dialogue social se passe soient présents.

Maintenant, pour la deuxième partie, les articles 18 et 20, je n'ai pas le temps d'expliquer toutes les raisons pour lesquelles nous demandons leur retrait, mais j'invite les députés à lire attentivement les chapitres II et III de notre mémoire pour prendre connaissance de l'ensemble de nos arguments, qui, soit dit en passant, sont solidement appuyés par la jurisprudence, plusieurs décisions rendues par la Cour suprême du Canada. Tel que formulé, l'article 18 présente un problème de portée interprétative, un problème de violation des libertés d'association et d'expression et, enfin, une grossière disproportion des amendes.

Quant à l'article 20, il est également problématique puisqu'il établirait la possibilité, pour un représentant syndical, de perdre son emploi. Dans la jurisprudence, ce n'est pas n'importe quel antécédent judiciaire qui peut conduire à la perte d'emploi. Il est donc question ici d'une punition excessivement sévère pour la personne reconnue coupable, soit la déclaration automatique d'une déclaration d'inhabilité à occuper une fonction syndicale. On parle de son emploi et, la plupart du temps, son métier, pendant cinq années, en plus d'une amende monétaire délirante. C'est d'autant plus problématique que le texte du projet de loi pénaliserait cette personne sur la base du fait que le geste reproché serait, et là je souligne les mots, susceptible d'être perçu comme une intimidation, alors que ce n'était pas nécessairement le but recherché.

Généralement, plus l'infraction est gravement pénalisée, plus le niveau d'intention pour l'avoir commise doit être élevé. C'est le concept de la mens rea. À notre avis, un tribunal neutre et impartial serait mieux placé pour évaluer les gestes reprochés et en tirer des conclusions qui s'imposent selon le cas. On ne doit pas faire du mur-à-mur. Quelle que soit votre décision au sujet de cet article 20, il vous faudra éliminer toute incertitude à l'égard de la non-rétroactivité et la non-rétrospectivité de la modification adoptée.

Enfin, si l'Assemblée nationale devait contribuer à améliorer les relations de travail dans le milieu de la construction, à notre humble avis, ce ne serait pas du tout de cette manière qu'elle s'y prendrait. En effet, pour revenir à l'article 18, il met en place une infraction pénale qui n'existe nulle part ailleurs dans la législation québécoise. Le Code du travail interdit la possibilité pour une association de salariés de tenir une réunion formelle sur les lieux de travail sans le consentement de l'employeur, mais l'article 18 ne vise pas uniquement l'association de salariés. L'article 18 du projet de loi n° 152 inclut le représentant d'une association de salariés et même tout salarié qui tient une réunion sur les lieux de travail. Ça n'existe pas, ça, au Québec, ailleurs, dans d'autres législations.

Où le législateur veut-il vraiment en venir? Quelle est la portée de cette modification? Une loi se doit d'être précise. Nous avons fait lire l'article 18 à plusieurs professionnels des relations de travail et aucun n'arrive à comprendre l'objectif du législateur. Vise-t-on à empêcher toute forme de réunion sur les lieux de travail? Et surtout qu'entend-on par réunion? Nulle part dans la loi R-20, le législateur ne définit ce qu'est un lieu de travail. Est-ce un chantier? Si c'est le cas, où commence le chantier? Où est-ce qu'il se termine, le chantier? Un employeur pourrait-il plaider qu'une rencontre de deux salariés constitue une telle réunion? À partir de combien de personnes y a-t-il réunion et dans quel contexte? Si un chantier fait plusieurs kilomètres de long, comme par exemple le chantier de La Romaine, si l'entrepreneur fournit des roulottes, à la barrière du chantier, et que les travailleurs y parlent d'affaires syndicales en buvant leur café, sont-ils sur les lieux de travail? S'agit-il d'une réunion syndicale? Le représentant syndical ou délégué doit effectuer plusieurs interventions qui l'amènent à rencontrer des travailleurs, à parler de griefs, de santé et de sécurité, etc. Le législateur ne peut ignorer la nature particulière des chantiers de construction en tant que lieux de travail.

Par ailleurs, à notre avis, l'article 18 adopté tel quel risque de porter atteinte directement au droit fondamental de la liberté d'association. Il porterait atteinte à la possibilité pour les travailleurs de discuter entre eux de leurs intérêts collectifs et d'être représentés par une association syndicale. Et c'est sans parler des montants d'amendes si grossièrement exagérés.

• (17 heures) •

La Présidente (Mme Richard) : M. Cadieux, je vous ai laissé dépasser votre temps qui était alloué. Là, vous êtes sur du temps emprunté. Je vous demande de conclure.

M. Cadieux (Serge) : Oui. Bien, en conclusion, en terminant, j'invite les députés à se poser la question suivante : Quels sont les faits justifiants l'adoption des articles 18 et 20? Où est l'étude des faits?

La Présidente (Mme Richard) : Désolée, désolée, je dois suspendre les travaux. Les parlementaires sont demandés au salon bleu, et il y a un vote sur la motion du mercredi. Vous pouvez laisser vos choses ici, la salle va être sécurisée.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 26)

La Présidente (Mme Richard) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Désolé, mais c'est le travail des parlementaires. C'est tout ça aussi, c'est d'aller voter au salon bleu également et d'être en commission parlementaire par la suite. Et on avait déjà dépassé le temps. Donc, on va commencer la période d'échange.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Richard) : Est-ce que vous acceptez? Oui? 30 secondes.

M. Cadieux (Serge) : 30 secondes. Bon, en terminant, j'invite les députés à se poser la question suivante : Quels sont les faits justifiant l'adoption des articles 18 et 20? Où est l'étude des faits survenus sur les chantiers? Les articles 18 et 20 ne s'appuient pas ou très partiellement sur le rapport de la commission Charbonneau. Sont-ils plutôt le résultat d'une demande des associations patronales ou de la présidente de la CCQ?

Rappelez-vous que l'utilisation de briseurs de grève n'est pas interdite dans le secteur de la construction. Cette absence mène à d'importantes tensions sur les chantiers et déséquilibre le rapport de forces des travailleurs. Pourquoi refuse-t-on aux travailleurs et travailleuses de la construction la même protection qu'on offre aux autres travailleurs et travailleuses du Québec? Il faut arrêter de sanctionner et plutôt trouver des solutions constructives et respectueuses des libertés fondamentales. Voilà.

La Présidente (Mme Richard) : Parfait. Merci. Mme la ministre, on va débuter la période d'échange et vous avez la parole.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. Cadieux et cher monsieur qui l'accompagnez. Merci de vous être déplacés aujourd'hui. Mais, en tout cas, on essaie de remettre en place, là. Moi, j'aimerais revenir sur l'article 18, là, toute la question de la tenue de réunions sur le lieu de travail. Ce que vous nous dites, et vous avez raison de le souligner, à l'article actuel, 99, là, il est clairement dit, là, qu'«une association de salariés ne doit tenir aucune réunion de ses membres au lieu du travail sans le consentement de l'employeur». Vous, ce que vous nous dites aujourd'hui, finalement : Bien, ça, ça fait déjà l'ouvrage, je ne vois pas pourquoi on en ajouterait.

M. Cadieux (Serge) : Mais, ce que je vous dis... Je faisais l'analogie avec le Code du travail, mais ce qu'il est important de savoir, là, c'est, quand on regarde le Code du travail, quand on parle de cette disposition-là, il y a un syndicat qui est accrédité, et le modèle d'une accréditation, c'est un monopole syndical, hein, donc ce qui est contraire dans l'industrie de la construction. Les lieux de travail changent beaucoup.

Donc, ce que je vous dis, c'est : Essayer d'adapter l'article du Code du travail dans la loi R-20, c'est inapplicable. Parce qu'en vertu du Code du travail une accréditation couvre un établissement précis. Un chantier de construction, là, il n'y en a pas, d'établissement. Puis il y a plusieurs syndicats, c'est le pluralisme syndical. Donc, ce n'est pas le même régime syndical.

Mais, je vous dis, même dans le Code du travail, où on est en présence d'un monopole syndical, où on sait très bien c'est quoi, l'encadrement de travail, parce qu'une accréditation vise un ou des établissements spécifiques, le législateur n'est jamais été aussi loin que de sanctionner des travailleurs ou des représentants des associations. Donc, on va loin, là, avec la disposition de l'article 18 qui est proposée dans le projet de loi n° 152.

Mme Vien : Il y a quelque chose que j'ai peut-être mal saisi, puis je voudrais vous entendre là-dessus. Je l'ai noté ici. Avec l'article 20, toute la question entourant le mot «susceptible de», là, vous dites : Il faut s'assurer que c'est bien, en autant qu'on n'ait pas de rétroactivité, puis là l'autre mot... J'ai de la misère à me relire, je m'en excuse.

Une voix : Rétrospectivité.

• (17 h 30) •

Mme Vien : Rétrospectivité, c'est ça. Qu'est-ce que vous voulez dire au juste?

M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, ce que je veux dire, c'est que la lecture qu'on fait du projet de loi, il y a déjà des articles dans R-20 qui prévoient que, s'il y a des salariés ou s'il y a des dirigeants de syndicat qui ont obtenu des condamnations, ils peuvent être inhabiles à exercer leur fonction de représentant syndical. À ma connaissance, il y en a eu, mais pas pour les infractions, pas pour les futures infractions que vous proposez dans le projet de loi. Donc, ces gens-là, même s'ils ont été déclarés coupables, on ne peut pas leur appliquer rétroactivement une sanction pour laquelle ils ne le savaient même pas.

Mme Vien : C'est beau.

M. Cadieux (Serge) : Donc, moi, je vous dis, si vous allez dans cette direction-là, il faut le préciser que ça n'a pas de portée rétroactive. Bien, je vous dis la question de droit est... c'est surtout la question rétrospective. Il y a une différence entre «rétroactivité» et «rétrospectivité», là, donc il faut enlever toute ambiguïté par rapport à ça.

Mme Vien : C'est bien. Je vous comprends bien. Puis ce sera une de mes dernières questions, là : Je comprends que vous n'êtes pas à l'aise avec l'idée, comme plusieurs groupes d'ailleurs, de limiter la durée des mandats.

M. Cadieux (Serge) : Absolument.

Mme Vien : Bon. Par ailleurs, ce que vous nous dites : À 12 ans... si on devait faire un pas, n'allons pas en bas de 12 ans.

M. Cadieux (Serge) : Non, parce qu'en bas de 12 ans ça n'existe pas, là, au Québec. C'est très rare où il y a une limite. Il y a deux sociétés qu'il y a une limite, puis c'est 12 ans. Il ne faut pas aller plus bas que ça. Puis la commission, là, vous le savez, c'est quand même costaud, surtout depuis qu'on a regroupé la Commission des normes, on a regroupé la Commission de l'équité, il y a beaucoup de lois, beaucoup de règlements. Si vous voulez que les administrateurs fassent véritablement leur travail d'administrateur puis que ce soient les plus hauts dirigeants des différentes associations, ça prend un minimum de 12 ans, ça m'apparaît évident.

Mme Vien : Puis ça prend les plus hauts dirigeants?

M. Cadieux (Serge) : Bien, à date, ça a toujours été ça, puis c'est toujours ça qu'on a voulu. Moi, je me souviens, Mme la ministre, le projet de loi n° 42, votre prédécesseur nous a demandé, tant à la FTQ que... tant à la partie syndicale qu'à la partie patronale, de proposer des noms autres que des techniciens des organisations parce qu'ils voulaient voir les plus hauts dirigeants des différentes organisations. Puis ça fait du sens, là, parce qu'on veut que le dialogue social se discute là et qu'il puisse descendre après ça partout. Donc, ce n'est pas normal qu'on ait ces acteurs-là qui soient dans ces postes-là.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. Cadieux. Merci, M. Tardif. Merci de vous être présentés cet après-midi.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, au tour de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la parole.

M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. M. Cadieux, monsieur, merci d'être là. On vous a gardés comme dessert aujourd'hui, et non les moindres.

M. Cadieux (Serge) : On est des «closers». On est des «closers».

M. Leclair : Des «closers»!

M. Cadieux (Serge) : Au baseball, là, c'est important, ça.

M. Leclair : C'est bon. À la dernière manche, il faut les mettre là. Vous nous avez apportés sur un aspect tantôt que vous disiez impossible à gérer dans le métier de la construction, de définir le chantier de travail. Je voudrais vous entendre par rapport à la réalité que le métier de la construction peut voir. Parce que le chantier de travail peut être facilement défini mais peut être indéfini par bouts. Alors, expliquez-nous ça face aux articles, là, qu'on veut vous appliquer.

M. Cadieux (Serge) : Bien, regardez, je vous donne l'exemple du chantier de La Romaine, c'est sur des kilomètres de long. Et il faut savoir que, dans l'industrie de la construction, les salariés sont syndiqués. Ça doit vouloir dire de quoi, ça. Ça doit vouloir dire qu'ils ont le droit d'être représentés. C'est ça, la liberté d'association, c'est le droit d'être représenté.

Alors donc, sur un chantier d'une longue distance, un chantier, là, comme La Romaine, là, comment on peut faire notre job de représentant syndical en demandant aux travailleurs de se rendre à la brasserie le soir pour pouvoir discuter d'activités syndicales? Ça ne fait pas de sens. Ça ne fait pas de sens. Il y a des gens qui vont devoir parcourir 100 kilomètres pour poser une question à leur délégué syndical parce qu'ils n'ont pas le droit de lui poser sur les lieux de travail? Écoutez, ça m'apparaît qu'il n'y a pas eu un exercice de fond qui s'est fait sur ces dispositions-là pour voir concrètement comment ça peut s'appliquer. Parce que ce qu'il faut, là, c'est un équilibre, là.

J'imagine que le législateur, par le projet de loi, il ne veut pas brimer la liberté d'association. Elle existe, la liberté d'association. Maintenant, il faut permettre l'exercice de la liberté d'association, et, pour le travailleur, l'exercice de la liberté d'association, c'est de se faire représenter et de poser les questions, s'il pense qu'il est en danger dans le travail qu'il fait, s'il pense que l'employeur ne veut pas le payer selon le décret de la convention collective, etc. Donc, il faut qu'il soit... il faut qu'il ait accès à un représentant syndical.

M. Leclair : Merci. Je reste un peu dans... là, on parle d'accès à de la représentation puis on parle aussi, dans le projet de loi, de «tout regroupement de salariés». Il en a été question, je pense que tout le monde reste un peu perplexe face à ça. Dans la réalité ou dans votre vision des choses, avec toute l'expérience que vous avez, est-ce que vous craignez qu'on veut éviter le regroupement syndical, lors d'une approche d'une négo, ou éviter tout regroupement syndical, incluant les représentants syndicaux, pour ne pas qu'on voie les failles d'un chantier?

M. Cadieux (Serge) : Écoutez, je ne le sais pas c'est quoi, l'intention, mais il y a une chose qui est claire que je peux vous dire, là, après une lecture attentive du rapport de la commission Charbonneau, ce n'est pas une recommandation de la commission Charbonneau. Ça, ça déborde largement les recommandations de la commission Charbonneau. La commission Charbonneau n'est jamais venue dire, là, qu'on doit limiter les réunions des syndicats, puis elle n'a jamais parlé de la liberté d'association et ces questions-là. C'est ça qui me fait dire qu'on profite d'un projet de loi pour essayer d'amener des choses, ce que je pourrais dire, des demandes de certaines parties en dénaturant complètement la nature du projet de loi.

Si on veut s'attaquer aux relations de travail dans l'industrie de la construction, là, on l'a vu, il y a des intervenants qui sont venus le dire, là, je veux dire, il y a peut-être des choses à améliorer, j'en suis, là, il y a des choses à améliorer, mais ce n'est pas par la répression puis à la miette qu'on va le faire. On doit asseoir les acteurs puis revoir le modèle. C'est là que ça va se passer. Et là on va débattre d'un projet de loi qui traite des relations de travail dans l'industrie de la construction. On ne viendra pas, à la miette, grignoter les droits des travailleurs, des représentants syndicaux, sous le prétexte qu'il y a un rapport qui a été rendu par une commission. La commission Charbonneau n'a jamais traité de ça, jamais, pas un iota dans tout son rapport.

M. Leclair : Je vous amène sur une question qui ne fait pas partie de votre mémoire, mais qui a fait partie des discussions au groupe avant vous. On parlait de sécurité d'emploi, et tout, et tout, puis encore là le projet de loi ne vient pas démontrer ça. Mais peut-être, dans une vision future, la ministre disait qu'il y aura peut-être une rencontre avec les groupes pour regarder l'ensemble de l'oeuvre. J'aimerais que vous me parliez un peu... Il y a eu bien des modifications, on parlait du paritarisme, et tout, parlez-moi... Le placement syndical, là, depuis qu'on a changé ça à la CCQ, là, est-ce que c'est du pareil au même? On a fait une autre trail, puis ça va bien, puis... J'aimerais vous entendre là-dessus, si ça vous tente. Si ça ne vous tente pas... Je vois que vous vous grafignez.

M. Cadieux (Serge) : Non. Bien, honnêtement, je ne suis pas la meilleure personne pour vous parler du placement syndical. On n'a pas orienté notre mémoire dans ce sens-là. C'est vraiment plus les gens de la FTQ-Construction qui seraient en mesure de vous parler de ça.

M. Leclair : O.K. C'est bien. Donc, écoutez, en ce qui me concerne, bien entendu, «susceptible de provoquer», vous en avez parlé, les autres groupes en ont parlé, on entend par là se donner un pouvoir peut-être grandiose. Puis on avait demandé à Mme Lemieux, là : «Susceptible de», donnez-moi un exemple, juste un, pour qu'on comprenne. Elle avait donné à peu près l'exemple que vous me disiez, La Romaine. S'il y a un chemin pour s'y rendre, ça part de là, au blocage de la rue. Ça fait qu'en partant on voit bien que c'est vers ça qu'on veut tendre, aller dans l'extrême. Alors, on fera certains... pour les gens, là, qui ont, comme quelqu'un qui a dit, un épiderme sensible, avec les «susceptible de provoquer», on s'assurera que, dans le projet de loi, là, ça sera bien défini ou complètement biffé.

Alors, en ce qui me concerne, je vous remercie de votre passage, c'est toujours très intéressant.

La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Maintenant, au deuxième groupe d'opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

• (17 h 40) •

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. M. Cadieux, Me Tardif, bien, je vais poursuivre sur... Tantôt, vous avez dit : Recherche... Vous recherchez l'équilibre. Vous n'en parlez pas, là, du sujet de «susceptible», là, qui remplacerait «dans le but de provoquer». Moi, ma lecture des choses, c'est que «dans le but de provoquer», c'était un extrême, puis là on s'en va à l'autre, là. En disant, là, «dans le but de provoquer», la CCQ devait prouver, là, elle devait avoir un dossier puis prouver... Dans «susceptible», là, ce serait très, très facile. L'équilibre, il est où? Avez-vous quelque chose à suggérer?

M. Tardif (Claude) : Écoutez, il me semble qu'on doit partir de la prémisse que quelqu'un qui veut modifier un texte... Il y en a un, texte, 113, là. Il dit «dans le but de», hein? Il y avait une intention. On s'était dit que ce texte-là était à ce point important qu'on reprochait... on voulait vraiment cibler que ce n'était pas n'importe quoi, ça prenait une intention. Et là, y a-tu quelqu'un qui a démontré que, lorsqu'il y a eu des intentions de créer certaines intimidations ou menaces, qu'on n'a pas réussi à obtenir des condamnations? Il y en a eu, des condamnations. Il n'y a aucune démonstration qui a été faite à quelque endroit que ce soit.

Je l'ai lu dans son entièreté, Charbonneau. On l'a mis, les passages que ça se recoupe, c'est sur trois quarts de page : aucune étude, absolument rien des décisions qui ont été rendues, qu'il y a eu des condamnations qui ont été obtenues en quoi que la disposition qui est là, là, ne fait pas le travail. Pourquoi qu'il faut amoindrir pour enlever... pour rendre cette disposition-là à ce point facile à démontrer une culpabilité alors que ça devrait être l'inverse?

L'objet, là, ce n'est pas d'obtenir des condamnations. C'est d'obtenir des condamnations pour des bonnes infractions parce qu'on veut reprocher un réel comportement. On ne veut pas reprocher n'importe quoi pour obtenir des condamnations. Ça ne fait aucun sens. L'objectif recherché est d'obtenir des condamnations plus facilement. Pourquoi qu'il faut obtenir des condamnations plus facilement? Ce n'est pas ça, l'objectif recherché. C'est d'obtenir des condamnations alors qu'il y a eu une réelle infraction avec une intention, un mens rea et quelque chose de matériel.

Je ne peux pas croire, moi, qu'on est à la recherche de chercher des coupables pour montrer qu'on a de plus en plus d'intimidation, parce que ça veut dire ne rien dire. Ce n'est pas ça, la question. Et ça, là, je ne peux pas croire qu'on s'en va là pour chercher des coupables. Ce n'est pas ça, là. Il y en a-tu un, problème? Personne ne nous a démontré qu'il y en avait un, personne.

Une voix : C'est ça, exactement. Exactement.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est beau. Pour moi, c'est tout. C'est très éclairant comme propos.

Une voix : ...

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Oui, parce que disons qu'on a fait le tour pendant deux jours, là. Vous êtes les derniers.

M. Cadieux (Serge) : Les derniers seront les premiers.

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Exact.

La Présidente (Mme Richard) : Merci. Merci beaucoup, MM. Cadieux et Tardif, pour votre collaboration et les échanges que nous avons eus.

Et la commission, ayant complété son mandat, ajourne ses travaux sine die.

Merci, tout le monde. Merci également au secrétariat de la commission et toute votre collaboration, les parlementaires. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 43)

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