Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, September 22, 2020
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Vol. 45 N° 62
Special consultations and public hearings on Bill 51, An Act mainly to improve the flexibility of the parental insurance plan in order to promote family-work balance
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Intervenants par tranches d'heure
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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IsaBelle, Claire
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
10 h (version révisée)
(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du
travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer
la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la
conciliation famille-travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente, Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Hivon
(Joliette).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. M. Bélanger (Orford) dispose d'un droit de vote par
procuration au nom de Mme Jeannotte (Labelle), ainsi que M. Derraji (Nelligan),
qui dispose également d'un droit de vote par procuration au nom de M. Leitão
(Robert-Baldwin).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les groupes suivants par
visioconférence : la Centrale des syndicats du Québec ainsi que le conseil
d'intervention pour l'accès des familles au travail, conjointement avec la
Coalition pour la conciliation famille-travail-études.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue,
effectivement, à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme Éthier et Mme
Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, mais avant de commencer, je vous <inviterais à vous...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...pour
la conciliation famille-travail-études.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue,
effectivement, à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme Éthier et Mme
Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, mais avant de commencer, je vous >inviterais à vous présenter.
Alors, à vous la parole.
Mme Éthier (Sonia) :
Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre et tous les membres de la
commission. Bien, c'est un plaisir, enfin, pour nous, de présenter notre
mémoire concernant les modifications apportées au Régime québécois d'assurance
parentale.
Et aujourd'hui, je suis accompagnée de Mme
Mélanie Michaud, conseillère à la sécurité sociale à la CSQ, et les
spécialistes de la question du RQAP et des droits parentaux à la centrale, et
puis on va répondre ensemble aux questions. Et, comme vous le savez, je suis
Sonia Éthier, la présidente de la Centrale des syndicats du Québec.
Un petit rappel. On représente 200 000 membres
dont 75 % sont des femmes et 30 % des jeunes de moins de 35 ans,
donc un intérêt marqué pour toute la question du RQAP. Et depuis toujours on
accompagne nos membres pour faire valoir leurs droits en matière de droits
parentaux, et on connaît de façon assez pointue leurs besoins, et on pense que
le projet de loi n° 51... (panne de son) ...vous le
savez que le RQAP, ça a été mis en place après une longue lutte menée par les
organisations syndicales, les groupes de femmes et les partenaires sociaux. Et
on se rappelle, vous l'avez dit, Mme la Présidente, le but du RQAP, c'est
vraiment de soutenir financièrement les nouveaux parents et de concentrer plus
de temps dans les premiers mois de la naissance des enfants.
Donc, 15 ans après l'entrée en
vigueur du régime, je pense que ça a été un bon mouvement du gouvernement de
faire le bilan et de prendre les bonnes décisions pour améliorer le régime.
Mais il faut quand même reconnaître que ce régime actuel a quand même rempli
ses promesses : pas de délai de carence, un taux de remplacement du revenu
quand même appréciable. Et un revenu annuel de 2 000 $ suffit pour
obtenir des prestations, c'est quand même important et c'est de beaucoup
supérieur au régime d'assurance-emploi, même avec ses améliorations.
Et on le sait, on l'a vu dans le mémoire
présenté au Conseil des ministres par le ministre du Travail, le taux de
participation, en 2014, a atteint 87 %, puis, si on s'attarde à la
proportion des prestataires qui ont utilisé l'ensemble des prestations, c'est
quand même de 81 %, et ça démontre l'importance et la nécessité des congés
parentaux au Québec.
Puis on va se le dire, le Québec a fait
beaucoup de chemin, depuis quelques années, en quelques années, mais il en
reste beaucoup à <faire pour...
Mme Éthier (Sonia) :
…qui
ont utilisé l'ensemble des prestations, c'est quand même de
81 %, et ça démontre l'importance et la nécessité des congés parentaux au
Québec.
Puis on va se le dire, le Québec a fait
beaucoup de chemin, depuis quelques années, en quelques années, mais il en
reste beaucoup à >faire pour déconstruire les mythes, changer la culture
puis favoriser la présence des parents auprès de leur enfant.
• (10 h 10) •
Mais on le sait qu'il y a quand même
certains groupes qui ont utilisé le prétexte de la pandémie pour freiner les
améliorations au régime, et c'est un discours qu'on entend quand même depuis un
bout. Mais ça, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas sensibles à la situation
économique de certaines entreprises, mais on invite quand même le ministre du
Travail à aller de l'avant maintenant pour remplir les objectifs du projet de
loi, c'est d'améliorer la flexibilité du régime et la conciliation famille-travail.
Donc, la CSQ salue vraiment l'arrivée du projet de loi.
Et on constate qu'on a mis de l'avant des
bonifications pour les prestations parentales d'adoption en fonction des
situations particulières vécues par les familles. Mais, comme vous le savez, on
aura des remarques et des bonifications à apporter sur certains aspects.
Et on a produit un mémoire, puis, à cet
effet, j'ai une information quand même importante à vous indiquer. Notre
mémoire a été élaboré en fonction du projet de loi qui avait été déposé en
novembre 2019, puis c'est pourquoi, bien, on était inquiets de la création des
sous-catégories de prestataires. Mais les amendements qui ont été apportés en
mars ont réglé cette question-là.
Donc, si on va sur le fond, vous avez pris
connaissance du mémoire, on est vraiment d'accord avec l'adoption des articles 5
et 15 du projet de loi, qui est d'ajouter cinq semaines supplémentaires lors de
la naissance et de l'adoption multiples, à l'image de plusieurs autres pays. Et
ça, ça répond à un besoin.
Ensuite, concernant l'article 6 qui
prévoit, dans le projet de loi n° 51 amendé, là, les cinq semaines pour
chacun des parents, 32 semaines partageables et 13 semaines pour
l'accueil et le soutien, bien, on salue cette modification, parce que, là, vraiment,
ça porte le congé à 55 semaines par rapport au projet de loi initial, ce
qui est très bien. Et ça confirme l'importance d'ajouter du temps aux nouveaux
parents et d'assurer une présence constante auprès de l'enfant adopté. Donc, la
reconnaissance, là, de la nécessité de semaines réservées pour chacun des
parents, c'est essentiel.
Mais, pour nous, il y a une modification
qui nous apparaît importante à la... que vous retrouvez à la recommandation 2
de notre mémoire, qui est à l'effet d'octroyer 10 semaines de prestations
exclusives à chacun des parents adoptifs.
Donc, en ce qui concerne l'incitatif au
partage des prestations, nous avons des réserves là-dessus, parce qu'on va se
le dire, là, cette <contrainte...
Mme Éthier (Sonia) :
…d'octroyer 10 semaines de prestations exclusives à chacun des parents
adoptifs.
Donc, en ce qui concerne l'incitatif au
partage des prestations, nous avons des réserves là-dessus, parce qu'on va se
le dire, là, cette >contrainte oblige la mère à renoncer à
10 semaines de prestations, pour que le couple obtienne quatre semaines
supplémentaires puis, on va se le dire, quatre semaines à 55 %.
Et, vous le savez, il y a plusieurs
éléments qui influencent la répartition des semaines de prestations parentales,
comme, par exemple, le salaire, l'allaitement, et je pense qu'on va un peu trop
loin, là, dans la décision du couple sur ce sujet-là. Et, bien, comme on le
prétend, c'est que c'est plus important d'ajouter cinq semaines de paternité, parce
qu'on sait, présentement, on l'a vu dans les données du ministère, que les
congés de paternité sont utilisés à 80 %, alors que les prestations
partageables le sont à 35 %.
Donc, pour nous, si on bonifie à
10 semaines le congé de paternité, ça répond davantage à l'objectif qu'on
veut se donner, initial, là, du RQAP, qui est la présence auprès de l'enfant.
Donc, notre recommandation 3 va dans ce sens-là. Puis je pense que vous
avez pu constater que ça porte à 60 semaines. Le projet de loi prévoit 59,
on n'est quand même pas très loin.
Ensuite, pour la prolongation de la
période de prestations, actuellement, vous le savez, là, les prestations de
maternité doivent être prises dans les 18 semaines de l'accouchement.
Donc, les propositions 3 et 26 portent à 20 semaines, mais, pour la
CSQ, il faudrait étirer ça jusqu'à 25 semaines, comme le projet de loi
n° 174 l'avait prévu.
Donc, ça arrive qu'il y a des personnes
salariées qui reçoivent un montant, par exemple, pour leurs vacances ou
d'autres avantages monétaires, et les prestations peuvent être suspendues. Mais
l'espace n'est pas suffisant, et ça entraîne des pertes monétaires, puis ce
n'est pas ça qu'on veut avec le régime. Donc, c'est l'objet de notre recommandation 4.
En ce qui concerne l'allongement de la
période de prestations, là, de 52 à 78 semaines, bien, on est d'accord
avec le fait que ça amène plus de flexibilité, mais on a une petite crainte, par
contre, que la prestataire subisse une certaine pression, là, pour revenir au
travail, notamment dans les périodes de pointe. Alors, pour nous, il faut se
concentrer, il faut garder le focus sur les besoins des parents. Et, en ce
sens-là, on bifferait, dans l'article 29, «si l'employeur y consent»,
parce que, comme je le disais, il faut que cet article-là soit vraiment au
bénéfice des parents.
Pour l'adoption hors Québec, le fait de
pouvoir débuter les prestations cinq semaines avant, bien, je pense que c'est
un bon mouvement et c'est ce que vous retrouvez à la <recommandation...
Mme Éthier (Sonia) :
...dans
l'article 29, «si l'employeur y consent», parce que, comme
je le disais, il faut que cet article-là soit vraiment au bénéfice des parents.
Pour l'adoption hors Québec, le fait de
pouvoir débuter les prestations cinq semaines avant, bien, je pense que c'est
un bon mouvement et c'est ce que vous retrouvez à la >recommandation 6.
Pour l'augmentation des exemptions, bien, ça, c'est vraiment une bonne chose
parce que ça pourra garantir le même niveau de revenu, et les gens vont pouvoir
faire un retour progressif. Puis je pourrais vous donner un exemple : Il
reste 10 semaines à 55 %, et à ce moment-là je pourrais revenir au
travail deux jours semaines et avoir... ne pas être pénalisée. Donc, c'est important,
puis, on le sait, ça pourrait répondre aux besoins de l'employeur et ça permet
un retour tout en douceur. Donc, on a aussi...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme Éthier.
Mme Éthier (Sonia) :
Oui?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne vous reste que 20 secondes. En conclusion.
Mme Éthier (Sonia) :D'accord. Bien, écoutez, je pense que vous avez vu, on a
d'autres recommandations, mais on s'est concentrés sur l'essentiel. Et, bien,
on est prêtes à écouter vos questions puis échanger avec vous, et je vous
remercie beaucoup pour votre écoute.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Éthier. Alors, nous allons maintenant commencer la période
d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Alors, de nouveau,
bonjour, Sonia puis Mme Michaud, content de vous avoir entendues. Félicitations,
Sonia, pour la qualité de la présentation ainsi que du mémoire, avec ses recommandations.
Et on se connaît, et encore une fois je réalise votre profonde sensibilité pour
ce régime-là. Il est effectivement apprécié et il joue un rôle fondamental dans
le soutien financer des parents qui accueillent un nouvel enfant, et les
preuves sont faites. Puis je pense que ça fait aussi partie de notre fierté,
parce que ce régime-là fait partie de notre filet social, au Québec.
Aussi heureux de constater, Sonia, tenant
compte de la représentativité de la CSQ, notamment auprès des femmes et des
jeunes, et ce qui inclut aussi les jeunes papas, que vous appuyez, bien sûr,
les objectifs et ce qui est visé par les bonifications de la Loi sur
l'assurance parentale, malgré le contexte pandémique, qui, par ailleurs,
exacerbe, hein, des problématiques. Puis ça répond à des besoins qui sont
parfois beaucoup plus importants, tenant compte de la situation pandémique
actuelle.
Quelques questions, Sonia, puis c'est
juste dans une perspective d'éclairer certaines de vos recommandations. Puis
peut-être que parfois je n'ai pas bien compris, puis, Sonia, tu ou vous pourrez
préciser. Mais, bon, on comprend bien que les amendements, en ce qui concerne
les parents adoptants... Il y a création de cinq-cinq, donc des prestations
exclusives aux <parents a et b, il y a le...
M. Boulet : ...vos
recommandations.
Puis peut-être que parfois je n'ai pas bien compris, puis, Sonia, tu ou vous
pourrez préciser. Mais, bon, on comprend bien que les amendements, en ce qui
concerne les parents adoptants... Il y a création de cinq-cinq, donc des
prestations exclusives aux >parents a et b, il y a le 32 semaines
partageable et il y a le 13 semaines de prestation d'accueil et de
soutien, ce qui nous mène à 55, ce qui fait l'égalité parfaite, là, qu'on soit
au régime de base ou au régime particulier.
Mais j'ai entendu après ça que vous
mentionniez qu'il pourrait y avoir 10 semaines de prestation exclusive
pour les parents adoptants. Est-ce que j'ai bien compris? 10 semaines à
chacun des parents adoptants? Sonia, ce bout-là, je ne suis pas certain de bien
l'avoir compris.
Mme Michaud (Mélanie) : Oui.
En fait, c'est pour ça qu'on a laissé dans notre mémoire notre section sur les
congés d'adoption. Parce que, pour nous, ce qui est important, c'est que les
nouveaux parents, peu importe qu'ils soient adoptants ou un parent biologique,
aient accès à 10 semaines exclusives, donc 10 semaines où lui seul
peut prendre... lui ou elle-même peuvent prendre, là, des prestations. Donc, c'est
pour ça qu'on l'a laissé, parce que ça va en lien avec notre demande au niveau
du congé de paternité. Lui aussi, on veut qu'il soit augmenté à
10 semaines pour que chaque parent au Québec, peu importe le type de
parent, ait accès à 10 semaines exclusives. Il n'est pas obligé de les
prendre au complet, mais il a quand même accès à ces 10 semaines là.
• (10 h 20) •
M. Boulet : O.K. Mais ce qui
est important, Léanie, c'est qu'il y ait l'égalité entre les parents adoptants
puis les parents biologiques, ce qu'on atteint avec les amendements qui ont été
inclus dans le projet de loi n° 51?
Mme Éthier (Sonia) :Tout à fait, c'est un... Comme je le disais, c'est vraiment
très bien, là, l'amendement qui a été apporté qui fait en sorte qu'on se
retrouve avec le même nombre de semaines, que ce soit pour les parents
adoptants ou biologiques.
M. Boulet : Deuxième
questionnement que j'ai, Sonia, c'est sur le quatre semaines additionnel que
les parents pourraient obtenir dans la mesure où ils partagent chacun au moins
10 semaines de prestations partageables. On comprend que l'objectif, c'est
d'inciter les pères à s'investir un peu plus dans la sphère familiale. Souvent,
les pères... puis vous avez fait état des statistiques qui étaient dans le
mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres, les pères, ils prennent
leurs cinq semaines maintenant, mais ils partagent peu. Ça augmente, mais c'est
encore un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils
partagent, ils le font seuls... ils le font avec la conjointe, pas nécessairement
seuls. Donc, les membres du conseil, <quand ils ont...
M. Boulet : …mais c'est
encore un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils
partagent, ils le font seuls... ils le font avec la conjointe, pas
nécessairement
seuls. Donc, les membres du conseil, >quand ils ont analysé, puis c'est
des personnes qui représentent plusieurs segments de la société québécoise, les
jeunes entrepreneurs, les travailleurs autonomes, les travailleuses aussi...
ont dit : Il faut trouver une façon d'encourager les pères, et c'est par
la voie de la discussion qu'on va le faire, par la voie du dialogue.
J'entends puis je lis dans votre mémoire
que… puis je t'entendais, Sonia, tu disais : C'est comme si la mère
renonçait à 10 semaines pour en obtenir quatre. Moi, j'ai l'impression que
ça… c'est un type de raisonnement, puis Sonia, je respecte, là, cet énoncé-là,
mais ça peut contribuer à cristalliser davantage la perception que les
prestations parentales partageables appartiennent prioritairement à la mère.
Puis les études le démontrent que les pères qui sont désireux, qui souhaitent
utiliser des prestations parentales partageables ont généralement l'impression
qu'ils en privent la mère. Donc, ils ne veulent pas y aller, puis ça, c'est...
Bien, en tout cas, les études que j'ai consultées puis la littérature que j'ai
eu le privilège de lire aboutissent toutes à cette conclusion-là. Il y a beaucoup
de jeunes pères qui se disent : Si j'en prends, elle va en perdre. Mais ce
n'est pas ça qu'on veut, c'est qu'ils s'investissent tous les deux.
Puis, excusez-moi, Sonia, de redire encore
que, quand je suis allé la présentation sommaire du p.l. n° 51 à Trois-Rivières,
dans un CPE, il n'y pas une ou deux mères, mais probablement quatre ou cinq
jeunes mères, puis il y en a qui étaient avec des enfants, qui étaient
tellement heureuses de cet incitatif-là, me témoignant toutes de l'importance
que les jeunes pères, les jeunes papas soient là, présents et qu'ils passent du
temps de qualité puis du temps seul aussi avec l'enfant. Ça fait qu'elles
voyaient ça comme une avancée considérable, là, dans notre RQAP.
Ça fait que peut-être que je n'ai pas bien
compris, mais je ne veux certainement pas que ce soit perçu comme étant :
On enlève à la mère. Non, au contraire, les deux dialoguent, les deux
conviennent. Si on en prend chacun minimalement 10, on a un incitatif, on en a
un quatre semaines qui peut bénéficier à la mère comme au père ou aux deux,
dépendamment de la décision qui sera prise par les parents a et b.
Ça fait que ça, c'était un commentaire.
Mais j'aimerais, Sonia ou Léanie, là, vous entendre là-dessus, sur cet
élément-là.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, c'est tout l'aspect du <conditionnel…
M. Boulet :
...dépendamment de la décision qui sera prise par les parents a et b.
Ça fait que ça, c'était un commentaire.
Mais j'aimerais, Sonia ou Léanie, là, vous entendre là-dessus, sur cet
élément-là.
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, c'est tout l'aspect du >conditionnel. Je
comprends l'objectif, là, l'objectif étant de faire en sorte que le père, le deuxième
parent, là, soit présent auprès de l'enfant. On le comprend. Maintenant, tout
le caractère conditionnel de prendre chacun 10 semaines, peut-être que, si
on exigeait... puis je pense qu'il y a d'autres intervenants qui vous l'ont
soumis à la réflexion, que ça pourrait être un nombre de semaines qui serait
moindre pour obtenir le quatre semaines supplémentaire, ça serait peut-être quelque
chose d'envisageable.
Puis, pour nous, il y a d'autres... Tu
sais, quand on disait qu'on rencontre... Vous avez rencontré des intervenantes,
M. le ministre, puis je vous crois, là, quand elles ont dit que c'était pour
elles très important, puis que ça va faire en sorte que le père va être plus
présent, puis ça va permettre à la mère de retourner travailler. Ça, ce n'est
pas... on ne le conteste pas. Mais c'est vraiment... il y a des considérations
dans les familles : par exemple, le salaire. Puis, on ne se le cachera
pas, souvent, c'est le père, hein, qui a un revenu qui est plus élevé, ça arrive
dans beaucoup de familles. Ça, ça peut être une considération où... Ils ne
partageront pas 10 semaines parce que, monétairement, ils ne pourront pas
y arriver ou ça va être plus difficile. Puis il y a toute la question aussi de
l'allaitement, qui peut être un facteur qui empêche le père de prendre
10 semaines puis la mère... tu sais, qu'ils partagent les
10 semaines.
Ça fait que, pour nous, là, c'est un... je
dirais, c'est une réserve qu'on met sur cette question-là. On comprend très
bien, là, l'objectif que vous apportez, en disant : Si vous partagez
10 semaines chacun, il y aura quatre semaines supplémentaires. Mais on a
des réserves, d'abord, sur le nombre de semaines, qui est quand même très
important, puis deuxièmement sur les considérations dans chacune des familles.
Tu sais, on en discutait puis on trouvait que ça... Autrement dit, on entre
dans la maisonnée, là, on va un petit peu faire de la pression sur les parents,
le couple, pour... Donc, c'était ça, notre réserve, là.
M. Boulet : Je comprends,
Sonia. On s'entend véritablement bien sur l'objectif. Quant aux moyens, il y a
différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y en a qui peuvent
argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines et plus de semaines
nouvelles partageables. D'autres disent moins, comme tu le soulignes, Sonia. On
va faire, bien sûr, avec les partis d'opposition, un <examen...
M. Boulet : ...moyens,
il
y a différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y en a qui
peuvent argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines et plus de
semaines nouvelles partageables. D'autres disent moins, comme tu le soulignes,
Sonia. On va faire, bien sûr, avec les partis d'opposition, un >examen article
par article du projet de loi. Moi, je n'ai pas de fermeture à ça. Mais je pense
que cet article-là nous permet de faire une avancée extraordinaire pour inciter
les pères à s'investir un peu plus. Et il y a un volet, aussi, pédagogique là-dedans,
parce que ça permet aussi de dire au jeune père ou au papa : Si tu
t'investis un peu plus dans le partageable, bien, tu vas profiter... tu vas
bénéficier d'un incitatif.
Puis c'est dans le même état d'esprit,
Sonia, quand vous dites... bien là, tu mentionnes : Ça peut être un peu
moins que 10-10 pour accéder au quatre. De donner un autre cinq semaines de
paternité, moi, je pense que ça cristallise encore la perception, comme je
mentionnais un peu plus tôt, que les pères, ils vont tout le prendre. Si tu
montais le congé de paternité à six, sept, ils vont prendre leur congé, mais ça
n'aura pas nécessairement la même valeur incitative de partager avec la maman. Ça
fait que moi, je le perçois de la même manière puis je sais qu'un parti
d'opposition... Puis il y en a qui vont argumenter : Augmentons le congé
de paternité. Mais il faut juste être prudent. À quelque part, il faut trouver
un équilibre puis il faut tracer la voie.
Et j'aimerais ça maintenant, Sonia, que tu
me parles un peu plus... Bon, on augmente les périodes d'étalement de 18 à
20 semaines pour le congé de maternité, de 52 à 78 semaines, évidemment,
dans le projet de loi n° 51, pour les prestations
parentales d'adoption. D'abord, le 20, vous recommandez que ça passe à
25 semaines. Est-ce qu'il y a un exemple qui... Parce que, de 18 à
25 semaines, en termes de pourcentage, en termes de temps, c'est quand
même un pas que je considère extrêmement important. Ça serait quoi, l'exemple
classique que tu pourrais utiliser pour me démontrer que 18 à 20, ce n'est pas
suffisant?
Mme Éthier (Sonia) :
C'est bon. Mélanie va avoir un exemple à vous donner.
Mme Michaud (Mélanie) :
Parfait. Donc, juste pour revenir à la base, en fait, le RQAP offre des
prestations... M'entendez-vous bien? Parce que j'ai vraiment un retour.
M. Boulet : ...
Mme Éthier (Sonia) :
Ils t'entendent bien.
• (10 h 30) •
Mme Michaud (Mélanie) : O.K.
Donc, une période de prestations auprès du RQAP, qui fait en sorte vous avez
droit à 18 semaines quand vous prenez le régime de base. Ça, c'est des
indemnités. Il y a toute la... (panne de son) ...du congé qui est le... (panne
de son) ...dans lequel on va mettre les prestations. Ce qu'on sait, qui n'est
pas très publicisé, c'est... (panne de son) ...suspendre des prestations de...
10 h 30 (version révisée)
Mme Michaud (Mélanie) :
...donc, les tarifs de prestation auprès du RQAP, qui fait en sorte que vous
avez droit à 18 semaines quand vous prenez le régime de base, ça, c'est
des indemnités. Il y a toute la conception du congé, qui est le contenant dans
lequel on va mettre les prestations. Ce qu'on sait, qui n'est pas très
publicisé, c'est qu'en fait on peut suspendre les prestations de maternité pour
recevoir un revenu. Et l'exemple qu'on a souvent, c'est des personnes qui ont
des montants qui sont payés, entre autres nos enseignants qui ont des congés de
maladie qui sont payés le 30 juin ou des personnes qui doivent recevoir
une paie de vacances à un moment fixe au moment de l'année, qu'on ne veut pas
qu'elles soient pénalisées pour qu'elles subissent l'exemption qui est d'un
dollar pour un dollar. Donc, en prolongeant cette période-là, ça permet à une
mère de suspendre ses prestations de maternité, de recevoir ce revenu-là, qui
peut être étalé sur deux, trois, quatre semaines et ne pas perdre ses
prestations de RQAP par la suite, comme c'est le cas actuellement.
Donc, actuellement, avec le 18 semaines,
bien, si on débute le congé à la naissance de l'enfant, on va déborder, si on
doit suspendre des prestations. Donc, en l'amenant à 25, ce n'est pas tout le
monde qui va utiliser cette fenêtre d'opportunité là, mais on s'assure que, si
une personne a un versement de quatre semaines de vacances, par exemple, elle
pourra suspendre ses prestations et les reporter dans le temps. Donc, c'est vraiment
pour nous donner une marge de manoeuvre pour certaines des femmes qui ont des
prestations de maternité.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Je vais souligner qu'il reste une minute à l'échange.
M. Boulet : Une minute?
Mon Dieu. Deux commentaires. 52 à 78 semaines... C'est Mélanie, hein? Pas
Léonie, hein? Mais, Sonia, si l'employeur y consent, bien sûr. Il faut qu'il y
ait une forme de consentement. Il faut éviter les espèces de fragmentations uniquement
en tenant compte de la... bien sûr, la volonté, mais il faut qu'il y ait une
forme de contrôle. Puis je ne veux pas que ce soit vu comme une pression pour
revenir travailler dans les périodes de pointe, comme tu mentionnais, Sonia. C'est
plus pour permettre à la personne un bénéfice additionnel. Au lieu d'être
encarcanée dans une, entre guillemets, dans une période de 52 semaines,
elle peut bénéficier d'un étalement qui est supérieur, qui peut aller jusqu'à
78 semaines pour répondre à des besoins de son travail aussi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre.
M. Boulet : Merci pour les commentaires
sur l'augmentation de l'exemption. Merci beaucoup, Sonia, Mélanie. Et bonne chance
à la CSQ.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous continuons l'échange avec le porte-parole de
l'opposition officielle, le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour. Merci pour votre rapport, merci pour la présentation. C'est
très riche en information. Donc, je vous salue pour la qualité de votre mémoire.
Ma première question... ça va être vraiment
une série de questions, plus, c'est par rapport à assurer l'implication des
pères au sein de la cellule familiale. J'ai vu votre recommandation que... J'ai
entendu votre réponse à M. le ministre, tout à l'heure, que, pour vous,
renoncer à 10 semaines pour avoir un quatre semaines <de...
M. Derraji : ...
ça va
être
vraiment une série de
questions, plus, c'est
par
rapport à assurer l'implication des pères au sein de la cellule familiale. J'ai
vu votre
recommandation que... J'ai entendu votre réponse à
M. le
ministre,
tout à l'heure, que, pour vous, renoncer à 10 semaines
pour avoir un quatre semaines >de bonus, ce n'est pas la solution
idéale. Avant de me répondre par rapport à cette question, j'aimerais bien vous
poser une question directe : Comment, vous, de votre côté, vous voyez
l'implication des pères au sein de la cellule familiale?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, écoutez... Bien, je pense que l'implication des pères... puis c'est...
pour moi-même avoir... être une mère, qui a eu des enfants, et dont ma fille a
des enfants, je sais très bien que l'implication du père... puis on le sait,
là, la recherche... puis on n'a même pas besoin de la recherche, là, au fond,
pour savoir que c'est primordial, l'implication des pères auprès des enfants. Et,
ça... tout à fait pour le... Et on dit «le père», mais on devrait dire «les
deux parents». Et c'est très, très important pour le développement de l'enfant.
Ça, on s'entend là-dessus, là.
Et je pense que le RQAP, dans sa forme
actuelle... mais, dans le désir et le fondement du projet de loi actuel, c'est
de faire en sorte que le deuxième parent s'implique davantage pour le bien de
la famille et de l'enfant. Alors, pour nous, là, ça, c'est... Tu sais, on est
dans le monde de l'éducation. On sait jusqu'à quel point... Moi-même, qui a été
une enseignante et qui a vu parfois des enfants souffrir, entre guillemets, là,
de l'absence d'un des deux parents, je pense que c'est la base, hein?
Mais maintenant c'est des réserves qu'on
met par rapport à la... cette contrainte, qui est quand même exigeante, là, de
partager 10 semaines chacun pour obtenir quatre semaines supplémentaires, parce
que, comme je l'expliquais tout à l'heure, il y a des choses qui se... On veut
favoriser la discussion dans la maisonnée, ce qui se fait déjà, mais il y a des
considérations, par exemple, du conjoint qui, si son salaire est plus élevé,
bien, c'est certain qu'il va avoir tendance à retourner au travail plus
rapidement, donc. Et c'est sûr qu'on a une petite sensibilité pour le fait que
le... cette obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines chacun,
que la mère en perde 10, là, tu sais, c'est... je ne vous le cache pas, là, c'est
un peu... ça nous titille un peu, là.
Mais, comme je le disais à <M. le
ministre...
Mme Éthier (Sonia) :
...cette
obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines
chacun, que la mère en perde 10, là, tu sais, c'est... je ne vous le cache pas,
là, c'est un peu... ça nous titille un peu, là.
Mais, comme je le disais à >M.
le ministre, ça pourrait être moins... une exigence moindre que
10 semaines, et puis, que les familles puissent bénéficier d'un quatre
semaines supplémentaires, peut-être que ça atteindra l'objectif. Nous autres,
on se dit que les congés de paternité, actuellement, sont utilisés davantage,
on l'a vu dans le mémoire que M. le ministre a présenté, donc on pense que
cette voie-là serait plus gagnante.
M. Derraji : Au fait, vous
avez répondu à ma question. Donc, on s'entend sur le principe de l'implication.
Vous êtes convaincue sur ce principe-là.
Maintenant, on va parler des moyens, parce
que ça m'intéresse vraiment d'aller au fond de votre pensée parce qu'il me semble
que vous avez, si j'ose dire, un début de réponse pour nous sortir de cette
impasse que vous voyez qu'il y a 10 semaines partageables et qu'il y a quelqu'un
qui va perdre pour avoir quatre semaines.
Bon, ma prochaine question, c'est que,
pour vous, le moyen ou les moyens... le moyen qu'on a sur la table aujourd'hui,
il n'y a pas, si j'ose dire, une équité. Vous voulez éviter qu'il n'y ait pas
d'équité et qu'au bout de la ligne, la personne qui a le plus gros salaire,
elle sera plus tentée à revenir au travail. Vous avez émis une hypothèse que
probablement c'est la mère qui va perdre pour... qui va renoncer à une partie
de son congé partageable pour, au bout de la ligne, gagner quatre semaines. La
question : Vous, c'est les 10 semaines qui vous empêchent de dire :
Je suis d'accord avec cette décision. Si ce n'est pas 10 semaines, c'est
quoi, votre proposition?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je pense qu'il y a peut-être deux réponses, deux voies.
M. Derraji : ...les deux. Allez-y
avec les deux. Si vous avez une troisième, ajoutez-là.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je pense que la... il y a une chose que je disais à M. le ministre tout à
l'heure : Si c'était moins que 10 semaines chacun et qu'on puisse
avoir le quatre semaines supplémentaires, il me semble que ça permettrait
probablement aux familles d'utiliser le quatre semaines supplémentaires pour
les considérations qu'on disait tout à l'heure puis que... vous venez de le
mentionner, la question du salaire, qui gagne le plus, là, et la question
aussi, l'allaitement et, bon, et toutes sortes de considérations qui
appartiennent à la famille et au couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de
10 semaines.
Puis nous autres, on pense, puis peut-être
qu'on se trompe, là, on met cette piste-là au jeu parce les statistiques le
confirment, que les pères utilisent à 80 % le congé de paternité et
utilisent à <35 %...
Mme Éthier (Sonia) :
...couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de 10 semaines.
Puis nous autres, on pense, puis
peut-être
qu'on se trompe, là, on met cette piste-là au jeu parce les statistiques le
confirment, que les pères utilisent à 80
% le congé de paternité et
utilisent à >35 % les prestations partageables. Alors, ça, pour
nous, statistiquement parlant, présentement, c'est moins parlant, des
prestations partageables. Et, pour favoriser la présence du deuxième parent, du
père plus... et puis probablement qu'après ça on verrait tout ça entrer dans la
culture, hein, des familles, mais...
M. Derraji : Donc, si j'ai
bien compris...
Mme Éthier (Sonia) :
Oui.
M. Derraji : Si j'ai bien
compris entre les lignes, et je vous laisse parler avec... nous partager la
deuxième proposition, c'est que vous voulez que nous, on aille un peu
graduellement avant d'aller dire : Écoutez, on renonce à 10 et on vous
donne quatre semaines de bonus. Vous voulez que cette culture s'installe dans
le temps et avoir un objectif de partager 10 semaines pour gagner quatre au
lieu d'aller dès maintenant. Donc, est-ce que vous voulez qu'on ramène ça
graduellement, voir un peu les effets sur les familles? Et est-ce que, statistiquement,
ça va être quelque chose qui sera utilisé idéalement par les pères, et on va
voir réellement l'investissement des pères au sein de la cellule familiale?
Est-ce que j'ai bien résumé votre proposition?
• (10 h 40) •
Mme Éthier (Sonia) :
Je pense que c'est... ça serait une voie qui serait porteuse.
M. Derraji : Donc, si, pour
vous, ça serait une voie porteuse, est-ce qu'on peut dire que — je réfléchis
avec vous à haute voix — au lieu de partager... d'avoir quatre
semaines de bonus, deux semaines de bonus, mais on ne touche pas au
partageable? Est-ce que ça serait, pour vous, une bonne solution ou un début de
compromis, par exemple? Je m'aventure avec vous parce que je veux aller
vraiment chercher le fond de votre pensée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste deux minutes à l'échange.
Mme Michaud (Mélanie) : En
fait, ce qu'il faut comprendre de notre mémoire...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'en profite, là... Oui.
Mme Michaud (Mélanie) : ...c'est
qu'on privilégie cinq semaines de plus pour le père. Ça, c'est notre... c'est
là-dessus qu'on se base. Ça fait qu'on considère...
Ce n'est pas bon, hein? Attends. La télé
comme ça, est-ce que vous m'entendez?
Des voix
: ...
M. Derraji : Non, non. Pas ici.
C'est chez eux, je pense, chez eux. Il y a deux micros ouverts.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, oui. C'est ça, c'est là-bas.
Mme Michaud (Mélanie) : M'entendez-vous
comme ça?
M. Derraji : Et je n'entends
pas. Même la première fois, je n'ai rien entendu.
Une voix : ...
M. Derraji : Oui.
Une voix
: On a un
problème de son.
M. Derraji : Il faut fermer un
des deux micros, parce qu'il me semble que vous êtes dans la même salle. Il me
semble, hein?
Mme Michaud (Mélanie) : O.K.
Là, est-ce que vous m'entendez?
M. Derraji : Ah! oui, ça, c'est
bon.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Bon, merci.
M. Derraji : Oui, c'est bon.
Parfait. Bon...
Mme Michaud (Mélanie) : Je
suis vraiment désolée. Je vais essayer de me rattraper. Donc, en fait, ce qu'il
faut comprendre, c'est que, nous, la voie qu'on privilégie, c'est le cinq
semaines de paternité de plus pour différentes raisons. Comme Mme Éthier
l'a dit, oui, il y a l'allaitement, il y a le salaire. Il y a également aussi
la culture au niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K.,
on a cinq semaines pour le père, après ça, il revient travailler. Ça, c'est dur
aussi, de combattre ce tabou-là, parce qu'il n'y a pas beaucoup
d'entreprises... Il y a certaines entreprises qui vont dire : Ah! bien,
prends ton cinq semaines, reviens, alors que, nous, ce qu'on veut privilégier,
c'est la place du <père...
Mme Michaud (Mélanie) :
...il y a
l'allaitement, il y a le salaire. Il y a également aussi la
culture au niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K., on
a cinq semaines pour le père, après ça, il revient travailler. Ça, c'est dur
aussi, de combattre ce tabou-là, parce qu'il n'y a pas beaucoup
d'entreprises... Il y a certaines entreprises qui vont dire : Ah! bien,
prends ton cinq semaines, reviens, alors que, nous, ce qu'on veut privilégier,
c'est la place du >père auprès de l'enfant.
Actuellement, la Loi sur les
normes du travail permet au père aussi de prendre 52 semaines de congé sans
solde après son cinq semaines, mais très peu vont l'utiliser, entre autres à
cause de cette pression-là. Et la voie qu'on privilégie, c'est de dire, bien,
augmentons le congé de paternité à 10 semaines pour permettre au deuxième
parent, à l'autre parent, à tous les parents d'avoir au moins un certain nombre
de semaines. Donc, il faut tenir compte de ça aussi.
Là, vous nous dites : Si on
enlève le conditionnel de 10 semaines, avez-vous une ouverture? C'est sûr que,
tout cet élément-là, on veut le regarder aussi, on trouve que c'est une belle
piste de solution, ce n'est pas celle qu'on privilégie, mais on trouve que le
10 semaines, la condition du 10 semaines est très, très, très restrictive. Et c'est
ça qui vient un peu nous irriter dans le projet de loi. Si on mettait moins de
semaines... Je sais qu'il y a d'autres groupes qui ont déjà proposé, dès qu'il
y a partage, on ajoute quatre semaines, automatiquement... pourrait être une
solution envisageable. Je n'irai pas le quantifier, mais actuellement, le 10
semaines, on trouve que c'est très restrictif.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. 10 secondes.
M. Derraji : Même avec le...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, je vous les ajoute, là.
M. Derraji : J'aurais aimé
vous entendre sur les projets pilotes, si vous avez une idée. Le projet de loi
l'ajoute. Donc, je ne sais pas si vous avez, brièvement, une idée de projet
pilote. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Hi! mais c'est tout le temps qu'on dispose. Bonne question, mais tout le temps.
On n'a plus le temps. Alors, merci, M. le député de Nelligan. Nous allons maintenant
avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, tout le monde.
Une voix : Bonjour.
M. Leduc : Merci pour la
présentation. Très apprécié. Je suis content d'entendre vos arguments par
rapport au congé partageable. C'est un des dossiers, là, un des aspects du projet
de loi que je voulais qu'on approfondisse. Je connais M. le ministre. C'est un
homme... un négociateur, un homme de compromis. Je suis certain qu'il a déjà
une idée ou deux qu'il va nous soumettre à l'étude détaillée.
Cela dit, vu qu'on est dans le coeur du
sujet, on a... Vous avez abordé une des raisons, là, qui pourraient expliquer
que les femmes utilisent plus le congé parental, le partageable. Il y a
l'allaitement, mais il y a la question de l'écart de salaire. Ça fait que, là,
tu sais... la question aussi de la culture, que ce n'est pas tous les hommes
qui sont à l'aise de le prendre ou qui osent aller demander un long congé à
leurs patrons, ça, c'est quelque chose qui se change, mais il y a objectivement
un problème aussi de différence de salaire dans la société québécoise, là. Je
pense que c'est encore quelque chose comme 87 % de moins de... bien, pas
de moins, mais les femmes gagnent 0,87 $ par rapport au 1 $ gagné par
l'homme. Est-ce que, ça aussi, ce n'est pas une donnée objective qui pourrait
expliquer, en partie, en tout cas, que les femmes prennent plus le congé
partageable?
Mme Éthier (Sonia) :
Veux-tu y aller? Ou non, je peux y aller. Bien, sans le quantifier exactement
comme vous le faites, bien, ça fait partie des arguments que nous mettons de
l'avant, une espèce de mise en garde pour dire <que...
Mme Éthier (Sonia) :
…veux-tu y aller? Ou non, je peux y aller. Bien, sans le quantifier exactement
comme vous le faites, bien, ça fait partie des arguments que nous mettons de
l'avant, une espèce de mise en garde pour dire >que c'est possible que
la condition ne fonctionne pas, parce qu'on le sait que, majoritairement, les
hommes ont un salaire plus élevé. Et, quand on a des enfants, bien, on est
souvent… on vient de s'acheter une maison, on a… et ça compte pour beaucoup.
Même si le régime, et on le disait tout à
l'heure, c'est appréciable, là, c'est un bon régime, il y a des bonnes
bonifications que le ministre met de l'avant, mais c'est vraiment une réserve
qu'on met. Puis on craint que cette mesure-là, qui veut forcer, qui veut
inciter les pères à être plus présents, ne fonctionne pas puis qu'un projet de
loi, bien, on… quand on va adopter le projet de loi, ce n'est pas demain qu'on
va le revoir. Donc, il faut être bien sûrs que la mesure, elle soit bonne.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Il reste 20 secondes.
M. Leduc : Merci. J'aurais… Je
suis content que vous souligniez ces arguments-là. Je les partage entièrement.
Puis j'aurais aimé ça, vous entendre sur la question de l'employeur y consent.
Vous êtes une des organisations qui le soulève. Peut-être on en parlera une
autre fois. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la
députée de Joliette. Vous disposez également de 2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je sais que vous ne chômez pas
par les temps qui courent, donc on apprécie que vous puissiez être parmi nous
aussi aujourd'hui.
Écoutez, moi, je voulais vous entendre sur
votre proposition pour les congés pour les parents adoptants, de mettre 10-10.
Donc, vous… Je comprends que vous arrivez avec cette idée de cohérence pour le
congé de paternité. Donc, vous dites : Il faudrait faire passer ça de cinq
à 10, même chose pour la mère qui devrait minimalement en avoir 10. Mais ces
semaines-là, est-ce que vous les ajoutez à celles qui sont déjà prévues dans le
projet de loi, quand vous mettez, en gros, plus cinq, plus cinq de prestations
exclusives, ou vous les retirez du congé partageable?
Mme Éthier (Sonia) :
Mélanie va répondre.
Mme Michaud (Mélanie) : Bien,
en fait, c'est que nous, on a laissé notre proposition avant les amendements du
12 mars, donc, à l'effet, on mettait 10 semaines par parent, comme c'était
le cas dans le projet de loi pour les parents adoptants à l'international. Donc,
on trouvait que l'idée était bonne. On voulait qu'il y ait 10 semaines
pour chacun des parents. À l'époque, bien, les semaines d'accueil et de soutien
n'étaient pas encore dans l'air du temps, donc on n'en a pas tenu compte. Donc,
on avait 10 semaines pour chaque parent, pour un total de
20 semaines. À cela on ajoutait 32 semaines pour arriver à un total
de 52. C'est ce qu'on présente dans le mémoire.
Il faut savoir qu'actuellement c'est
37 semaines que les parents adoptants ont, donc on trouvait que c'était
vraiment une bonification importante, mais c'était vraiment mettre
10 semaines chacun puis ensuite des semaines partageables.
Mme
Hivon
: O.K.
<Parfait…
Mme Michaud (Mélanie) : ...à
cela on ajoutait 32 semaines pour arriver à un total de 52. C'est ce qu'on
présente dans le mémoire.
Il faut savoir qu'actuellement c'est
37 semaines que les parents adoptants ont, donc on trouvait que c'était
vraiment une bonification importante, mais c'était vraiment mettre
10 semaines chacun puis ensuite des semaines partageables.
Mme
Hivon
:
O.K. >Parfait. Puis un tout autre sujet que vous n'avez pas abordé, mais...
Je me souviens que, dans les échanges, c'est une question qu'on avait déjà
entendu soulever par votre centrale, c'est la question d'avoir de la flexibilité
dans les premières années d'un enfant. Et donc une suggestion que certains ont déjà
faite, c'est l'idée d'avoir des jours, que le congé ne soit pas juste en
semaines, mais que, par exemple, il puisse y avoir jusqu'à 20 jours qui puissent,
au choix des parents, aucune obligation, mais être utilisables dans, par
exemple, les quatre premières années de l'enfant ou les cinq premières, tant
qu'il ne rentre pas à l'école. Est-ce que c'est quelque chose que vous
envisagez?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste... secondes.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, nous, ce qu'on se dit, c'est que, dans la loi des normes, il y a la question
des 10 jours d'obligation familiale, mais il y en a seulement que deux, jours,
rémunérés, payés. Alors, pour la question des jours, on pourrait passer par
cette vois-là. Pour le reste, je pense que c'est préférable d'y aller en
semaines.
Vous savez, là, dans les centres éducatifs
à la petite enfance, que ça soit en CPE ou en milieu familial, ce n'est pas
simple, là, de garder sa place et... Vous comprenez ce que je veux dire, là? On
ne peut pas faire des «in and out» comme ça, là. Et nous, on...
Et puis, pour le régime, pour l'application,
je pense que c'est plus simple d'y aller en termes de semaines, mais utiliser
la loi des normes pour les jours.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, merci. Merci, Mme Éthier. Mme Michaud, on s'excuse, on vous
a... on a perdu le visuel, mais on vous a très bien entendu. Alors, écoutez, je
vous remercie, Mmes Éthier et Michaud, pour votre contribution.
Alors, nous allons suspendre quelques
instants, le temps de donner la chance au deuxième groupe de s'installer. Merci
encore.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 56)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, nous accueillons maintenant le Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail, avec Mme Brown, ainsi que la Coalition pour la
conciliation famille-travail-études, avec Mme Rose. Avant de commencer votre
exposé de 20 minutes, je vais vous demander, à chacune, de bien vous
présenter, et ensuite vous pourrez commencer votre exposé. Alors, nous allons y
aller avec Mme Rose en premier.
Nous n'entendons pas Mme Rose. Est-ce que
vous avez bien allumé votre micro?
Mme Rose (Ruth) : Bonjour. Je
suis professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec à
Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire. Je travaille depuis très
longtemps <avec...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...en premier.
Nous n'entendons pas Mme Rose.
Est-ce
que vous avez bien allumé votre micro?
Mme Rose (Ruth) : Bonjour.
Je suis professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec
à Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire. Je travaille depuis très
longtemps >avec des groupes de femmes et le CIAFT en particulier et j'ai
siégé pendant 10 ans sur le Conseil de gestion de l'assurance parentale.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous allons maintenant demander à Mme Brown de se présenter,
et ensuite vous commencerez votre exposé. Je ne sais pas si vous avez pris une
entente entre les deux, là, mais allez-y, Mme Brown.
Mme Brown (Kimmyanne) :
Bonjour. Je me présente, Kimmyanne Brown. Je suis coordonnatrice en droit du
travail et au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le
CIAFT. Et le CIAFT, en fait, est une organisation nationale dont les actions
sont réalisées dans le but d'améliorer les conditions socioéconomiques des
femmes et également d'assurer la prise en compte des réalités et des besoins
des femmes en matière d'emploi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, vous pouvez commencer l'exposé.
Mme Brown (Kimmyanne) :
Excellent. Merci.
Mme Rose (Ruth) : Juste comme
introduction, je voulais dire que nous sommes très heureuses du Régime
québécois d'assurance parentale et nous sommes très contentes aussi qu'il y a
maintenant une opportunité de commenter des améliorations, parce que c'est la
première fois depuis que le régime a démarré en 2005. Et nous approuvons le
plus gros du projet de loi, mais nous avons des commentaires sur plusieurs
éléments. Je laisse la parole à...
Mme Brown (Kimmyanne) :
Bonjour, Mme la Présidente, cher ministre, chers députés. Aujourd'hui, on vous
présente un mémoire qui a été marrainé par la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études et qui a été également cosigné par 26 groupes dont le CIAFT.
Donc, ça, c'est pour la précision. Également, pour ce qui est de la Coalition
pour la conciliation famille-travail-études, c'est une coalition qui est
composée d'organisations et de groupes qui portent un projet commun pour que
les Québécoises et les Québécois fassent des gains significatifs en matière de
conciliation famille-travail-études. Donc, je vais commencer, de mon côté, à vous
présenter les premières recommandations de notre mémoire, et ensuite
Mme Ruth Rose va prendre la parole.
Donc, premièrement, c'est sûr que nous
accueillons avec enthousiasme l'ajout de 18 semaines de prestations à 70 %
du revenu hebdomadaire moyen pour les parents adoptants. Comme nous le disons
dans notre recommandation 6, nous pensons que les enfants adoptés ont besoin de
ce temps d'accueil pour bien s'adapter à leur nouvelle famille et leur nouvelle
vie.
• (11 heures) •
Enfin, notre recommandation 1 concerne la
période de paiement des prestations de maternité. Nous considérons que la
bonification à 20 semaines qui est suggérée dans le projet de loi est une
amélioration mais que ce n'est pas suffisant. Par exemple, il y a des femmes
qui accouchent prématurément durant des vacances qu'elles ont prises et elles
vont perdre des prestations en conséquence. Les femmes qui, elles, prennent
leurs vacances à la fin de leur congé parental ont droit à l'ensemble de leurs
semaines de prestations. Donc, notre recommandation pour que la période se
termine au plus tard 25 semaines après la semaine de l'accouchement permettrait
finalement d'établir l'équité entre toutes...
11 h (version révisée)
(Visioconférence)
Mme Brown (Kimmyanne) : ...des
vacances qu'elles ont prises et elles vont perdre des prestations en
conséquence. Les femmes qui, elles, prennent des vacances à la fin de leur
congé parental ont droit à l'ensemble de leurs semaines de prestation. Donc,
notre recommandation pour que la période se termine au plus tard
25 semaines après la semaine de l'accouchement permettrait finalement
d'établir l'équité entre toutes les femmes.
Ensuite, notre recommandation n° 2 accueille positivement la prolongation à
78 semaines de la période à l'intérieur de laquelle les prestations de
paternité, parentale ou d'adoption peuvent être payées. Toutefois, à notre
avis, une période de 104 semaines donnerait davantage de flexibilité aux
parents, mais aussi aux employeurs. Nous demandons aussi une modification réglementaire
qui donnerait davantage de droits aux parents pour fractionner leurs congés
parentaux, même sans le consentement de l'employeur si nécessaire.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation n° 3, on demande que les 10 jours de congé pour
obligation familiale prévus à la Loi sur les normes du travail soient
rémunérés. Le projet de loi a pour objectif la flexibilité et la conciliation
famille-travail, et cette mesure est fondamentale et nécessaire pour répondre à
ces deux objectifs.
Ensuite, notre recommandation n° 7. Dans cette recommandation, nous demandons aussi de
permettre aux futurs parents adoptants de pouvoir bénéficier de ces
10 jours prévus à la loi sur les normes pour qu'ils puissent effectuer des
démarches en vue de l'adoption d'un enfant.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation n° 4, elle concerne l'ajout de cinq semaines de prestations
exclusives pour chacun des parents dans les cas d'une grossesse multiple ou de
l'adoption de plus d'un enfant au même moment. Nous sommes tout à fait
favorables à cette mesure et trouvons que c'est une belle façon positive
d'encourager l'implication des pères, et des autres parents aussi, auprès de
leurs enfants.
Notre recommandation n° 5,
quant à elle, concerne l'ajout de semaines additionnelles de prestations qui
sont prévues aux articles 5 et 30 du projet de loi. Nous constatons en
fait que cette mesure se fait au détriment des droits des femmes. Pour obtenir
ces quatre semaines de prestations supplémentaires, là, qui sont suggérées,
chacun des parents doit avoir reçu au moins 10 semaines de prestations
parentales partageables. Pour le deuxième parent, ça implique en fait d'avoir
pris au moins 15 semaines de prestation. En somme, la mère doit nécessairement
renoncer à 10 semaines de prestations parentales pour obtenir ces quatre
semaines. On est tout à fait favorables à l'implication des pères pour
permettre une meilleure conciliation famille-travail-études. Toutefois, la
suggestion actuelle du gouvernement met des contraintes, là, sur le droit des
parents de partager les semaines existantes et porte tout à fait atteinte au
droit des femmes. L'ajout de semaines de prestations de paternité ou des
semaines partagées à parts égales permettrait d'éviter cette atteinte au droit
des femmes.
Finalement, notre recommandation n° 8 concerne une revendication qui est portée depuis 2000
par plusieurs groupes de femmes et des organismes. L'article 17 de la Loi
sur l'assurance parentale prévoit que, si un des parents décède, les semaines
de prestations de maternité ou de paternité, pardon, du parent décédé qui sont
non utilisées peuvent être prises par l'autre parent. Le projet de loi suggère
aussi, là, <actuellement...
Mme Brown (Kimmyanne) : ...
plusieurs groupes de femmes et des organismes. L'article 17 de la Loi sur
l'assurance parentale prévoit que, si un des parents décède, les semaines de
prestations de maternité ou de paternité,
pardon, du parent décédé qui
sont non utilisées peuvent être prises par l'autre parent. Le projet de loi
suggère aussi, là, >actuellement, que le parent survivant puisse aussi
prendre les semaines de prestations parentales ou d'adoption exclusives qui ne
sont pas utilisées. Nous recommandons que les semaines de prestations
exclusives puissent être utilisées par un parent seul ou qu'elles soient
attribuées à une autre personne admissible au régime qui doit s'occuper régulièrement
de l'enfant.
Le fait que des mères divorcées, séparées
ou célibataires n'aient pas les mêmes droits que les mères veuves constitue une
réelle discrimination. Ce sont les mères monoparentales qui ont le plus de
besoin du soutien de la société durant la période périnatale. Cette mesure va
nettement améliorer le sort des enfants qui grandissent dans une famille avec
un seul parent et qui sont le plus souvent, pardon, exposés à la pauvreté.
Je vais céder la parole à Mme... ma
collègue Mme Ruth Rose pour la suite de la présentation.
Mme Rose (Ruth) : Alors,
bonjour. On constate aussi que le projet de loi prévoit que la période de
prestations serait étendue de deux semaines, prolongée de deux semaines dans le
cas du décès de l'enfant. Alors, nous avons compris toutefois que, si un des
parents n'est pas en cours de prestations, à ce moment-là, il n'aurait pas
droit à ces deux semaines de prestations. Alors, nous demandons que tous les
parents, en autant qu'il y a encore des semaines dans leur banque de
prestations, puissent donc bénéficier de deux semaines de prestations dans le
cas de décès d'un enfant. C'est vraiment... (panne de son) ... le décès pendant
la première année de l'enfant. Ils ont besoin de cette période de deuil.
Ensuite, on parle de la majoration de
revenus pour les parents à faibles revenus. Alors, effectivement, c'est un
règlement qui est basé sur celui de l'assurance-emploi, puis les paramètres
sont vieux de 25 ans, alors nous sommes très contentes que le gouvernement
prévoie le réviser. Il y a plusieurs problèmes pour nous.
Le problème le plus sérieux, c'est le fait
qu'on regarde le revenu il y a un an en arrière, ou un an et demi en arrière
et... alors que le problème, c'est... ou bien le revenu juste avant la
naissance, ou bien le revenu du fait qu'avec le congé parental, le revenu de la
famille est baissé. Alors, nous espérons que, quand vous allez faire ce
règlement-là, que vous allez trouver une façon de regarder le revenu courant
.Vous avez déjà, avec le relevé d'emploi, le revenu de l'année précédente, et
qu'aussi que vous révisiez le taux de récupération lorsqu'il y a <d'autres
revenus dans...
Mme Rose (Ruth) : ...
que vous allez trouver une façon de regarder le revenu courant .Vous avez déjà,
avec le relevé d'emploi, le revenu de l'année précédente, et qu'aussi que vous
révisiez le taux de récupération lorsqu'il y a d'autres >d'autres
revenus dans la famille. Alors... Et aussi le montant de la majoration et les
seuils ont besoin d'être révisés après 25 ans.
Nous demandons aussi que le revenu
hebdomadaire moyen sur lequel la prestation est basée soit basé sur les
16 semaines... les 16 meilleures semaines de gains au cours de la
période de référence. Ça, c'est notre recommandation n° 11.
Alors, on constate déjà que l'assurance-emploi utilise une formule des
meilleures semaines, et le problème avec utiliser les 16 semaines
continues, c'est qu'en particulier les étudiants, mais beaucoup d'autre monde
aussi, les gens qui travaillent, par exemple, dans la session de Noël, ont des
revenus irréguliers pendant la semaine... pendant l'année et que si on ne prend
pas les meilleures semaines, on écoperait beaucoup d'iniquités selon la façon
que la personne a travaillé pendant l'année. Alors, nous visons de l'équité
aussi dans cette recommandation.
Dans notre recommandation n° 12 aussi, nous trouvons très intéressant que le gouvernement
va de l'avant, et même avec des règles meilleures que l'assurance-emploi, pour
ne plus réduire les prestations parentales d'adoption et de paternité lorsqu'il
y a des gains concurrents. Mais on ne comprend pas du tout pourquoi la même
règle ne s'applique pas aux prestations de maternité. C'est une discrimination
nette à l'égard des femmes parce que c'est elles qui portent les enfants, c'est
déjà elles qui supportent le plus gros fardeau financier et psychologique et
émotif pour avoir donné naissance à une enfant, et on ne comprend pas pourquoi
on n'applique pas cette règle-là pour les prestations de la maternité.
Dans notre mémoire, nous avons énuméré
cinq raisons pour lesquelles on devrait ne plus déduire les revenus concurrents
des prestations de maternité. Nous ajouterons que, lorsque vous ajoutez... vous
donnez parité aux parents adoptifs, vous les mettez dans une situation où il
n'y a pas de déduction de revenus concurrents du tout pour les
55 semaines, alors que vous les maintenez pendant les 18 semaines de
maternité. Alors, vous créez une nouvelle iniquité à cet égard-là.
Notre recommandation n° 13.
On est très contents que vous allez expérimenter des projets pilotes, donc nous
approuvons cet amendement-là. <Finalement, nous...
Mme Rose (Ruth) : ... à cet
égard-là.
Notre recommandation
n° 13. On est très contents que vous allez expérimenter des
projets pilotes, donc nous approuvons cet amendement-là. >Finalement,
nous arrivons à d'autres questions pour des études futures. En particulier,
nous demandons depuis très longtemps qu'on examine la possibilité de créer...
utiliser le mot «universelles», c'est plutôt des prestations de base, c'est-à-dire
un plancher pour tous les parents. On constate que la plateforme libérale des
dernières élections au niveau fédéral a promis un tel régime, alors nous
pensons que c'est le temps que le conseil de gestion se penche sur la question
puis fasse des études systématiques sur qu'est-ce qui se passe dans d'autres
pays qui ont de tels régimes, comment ils sont financés, parce qu'il y a
plusieurs modes pour le financer, et que vous alliez de l'avant un projet de
recherche, des consultations et une étude systématique de cette question-là. C'est
une demande que nous faisons depuis 20 ans, et on est très déçus qu'il n'y
ait même pas eu une étude sérieuse de la question.
Notre recommandation n° 15
vise surtout les étudiants étrangers, mais aussi toutes les personnes qui sont
au Québec qui n'ont pas encore un statut de résident reçu. Ça toucherait, par
exemple, toutes les personnes qui sont en demande d'asile, actuellement, dont
on sait que plusieurs ont travaillé dans le système de santé pendant la
pandémie, donc sont dévouées à la nouvelle société, qui cherchent vraiment à
intégrer à la société. Et parce qu'elles travaillent, elles cotisent un régime
d'assurance parentale, nous pensons qu'ils devraient être admissibles au régime
s'ils travaillent et s'ils cotisent.
Notre recommandation n° 6,
elle, c'est à l'effet que... Actuellement, on a le programme de maternité sans
danger, qui est le seul qui existe avec rémunération au Canada, mais il y a des
situations où une femme doit cesser de travailler parce qu'elle a eu un
accident, parce qu'elle est malade, mais aussi parce qu'elle a une grossesse
difficile. Et nous aimerions beaucoup que le gouvernement mette en place un
régime d'indemnités de revenus pendant cette période-là. En d'autres mots,
élargir les prestations de maternité dans ce cas-là. Actuellement, les mères
peuvent être admissibles aux prestations d'assurance-emploi, de maladie, et c'est
peut-être un rapatriement de ces prestations-là qui pourrait aider à financer
un tel régime.
Notre recommandation n° 16,
c'est... traite de la <façon dont on...
Mme Rose (Ruth) : ...
dans ce cas-là. Actuellement, les mères peuvent être admissibles aux
prestations d'assurance-emploi, de maladie, et c'est peut-être un rapatriement
de ces prestations-là qui pourrait aider à financer un tel régime.
Notre recommandation
n°
16, c'est... traite de la >façon dont on
calcule une réduction de revenu pour la personne qui a à la fois des gains d'entreprise
et un salaire, et c'est une question technique que nous avons déjà discutée au
CGAP, puis il y a plusieurs ajustements administratifs. Alors, nous étions un
peu surprises que ce ne soit pas abordé dans le projet de loi, c'est technique
est relativement simple à corriger.
Et, finalement, nous suggérons que le gouvernement
du Québec étudie sérieusement la possibilité de rapatrier l'ensemble des
prestations spéciales de l'assurance-emploi, en particulier les prestations
pour le soin d'un enfant gravement malade ou un adulte gravement malade. Malgré
la décision de la Cour suprême, nous considérons que ce sont des domaines de
compétence provinciale et qu'il devrait y avoir des moyens d'accommoder un
rapatriement dans le contexte de l'assurance-emploi.
Finalement, comme conclusion, nous
aimerions remercier le ministre Boulet pour ses déclarations à l'effet que le
régime... le Fonds d'assurance parentale est en très bonne santé. Il est encore
en train de faire des surplus à toutes les années malgré les baisses de
cotisations en 2019 et 2020, alors que vous avez déjà calculé qu'il serait
capable d'absorber vos propositions sans difficulté. J'aimerais souligner que
la... (panne de son)... des recommandations que nous faisons visent l'équité.
Elles visent l'équité entre les femmes et les hommes; elles visent l'équité
entre les mères monoparentales et les mères qui ont des conjoints; elles visent
l'équité entre les personnes qui sont... résidents temporairement ou qui n'ont
pas de résidence au Québec et les personnes qui sont des citoyens ou des
résidents permanents du Québec. Donc, nous pensons aussi... ce n'est pas des propositions
très coûteuses et nous pensons aussi que le Fonds d'assurance parentale est tout
à fait capable d'absorber ces coûts-là. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Est-ce que c'est tout? Est-ce que Mme Brown a quelque chose à ajouter,
ou c'est terminé aussi?
Mme Brown (Kimmyanne) : Ça va,
merci. On a présenté l'entièreté de notre mémoire.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, je vous remercie, Mme Rose ainsi que Mme Brown, merci pour
votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Rose et merci, Mme Brown, vos présentations étaient
claires, très fouillées, très bien <argumentées...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
... merci pour votre exposé. Nous allons
maintenant commencer la période
d'échange avec
M. le ministre.
M. le ministre, vous disposez de
16 minutes.
M. Boulet :
Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Rose et merci, Mme Brown, vos présentations
étaient claires, très fouillées,
très bien >argumentées aussi.
Les mémoires aussi dont nous avons pris connaissance étaient de très belle
qualité. Il y a beaucoup de questions, hein, j'aurais aimé m'entretenir avec
vous deux pendant plus longtemps. Je vais essayer d'y aller avec un certain
nombre de commentaires.
Bien entendu, sur le 20 à
25 semaines, vous n'êtes pas les premières à nous le proposer, et j'aime
particulièrement l'exemple, là, de l'accouchement prématuré, là, et... Tu sais,
souvent, puis vous avez fini avec ce type de commentaire là, Mme Rose, on a
l'égalité dans la loi, mais en tenant compte des situations parfois sociales ou
économiques, il peut y avoir des iniquités, même si, dans la loi, on recherche
la meilleure équité.
Le 78 semaines à 104 semaines,
vous disiez, je pense que c'est Mme Brown, que ça pourrait conférer plus de
flexibilité aux employeurs et qu'en plus ce soit... ça devrait être sans leur
consentement. En quoi allonger ça de 78 à 104 semaines, Mme Brown, et de
ne pas requérir le consentement de l'employeur lui conférerait plus de
flexibilité?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui,
bien, en fait, je vais céder la parole à Mme Rose pour la réponse à cette
question.
M. Boulet : D'accord.
Mme Rose (Ruth) : Ça peut
sembler une contradiction, mais le problème... Moi, j'ai vécu en tant
qu'employeur plusieurs situations où ça faisait l'affaire de l'employeur et de
la salariée de pouvoir revenir au travail pendant quelques semaines. J'imagine,
avec les hommes, pendant la haute saison, c'est encore plus important. Alors,
nous pensons qu'une période plus longue pourrait être... donner de la
flexibilité aux deux parties.
Maintenant, le problème, c'est que la loi
exige le consentement de l'employeur si un salarié veut fractionner son congé,
et il y a plusieurs circonstances, par exemple, la femme est malade puis
l'homme veut pouvoir s'occuper des enfants et de sa femme, et que l'employeur
dit : Non, non, non. On comprend qu'on ne veut pas qu'il y ait un constant
revient... aller et retour, mais on pense, par exemple, là, qu'on pourrait dire
que les parents ont le droit de fractionner leurs congés une fois pendant cette
période et que, dans les autres cas, il faut qu'il y ait une entente. Alors, c'est
à explorer. L'idée, c'est d'augmenter la <flexibilité...
Mme Rose (Ruth) : ... mais
on pense, par exemple, là, qu'on pourrait dire que les parents ont le droit de
fractionner leurs congés une fois pendant cette période et que, dans les autres
cas, il faut qu'il y ait une entente. Alors, c'est à explorer. L'idée, c'est
d'augmenter la >flexibilité.
M. Boulet : O.K. Oui, je pense
que l'objectif est le même pour tout le monde, la flexibilité, la façon de
donner la flexibilité maximale tant à la personne qu'à l'entreprise; ça, on
pourra en discuter longtemps bien sûr. Il y a des entreprises qui militent en
faveur du maintien à 52 semaines, il y a des groupes qui sont extrêmement
heureux qu'il y ait une augmentation à 78, il y en a qui vont plaider en faveur
d'un 104 semaines. Mais j'ai compris votre point, Mme Rose. Merci.
• (11 h 20) •
J'ai compris aussi, Mme Brown, la revendication
que le 10 jours de l'article 79.6 de la Loi sur les normes du travail soit
rémunéré, alors que, vous vous souvenez, le 12 juin 2018 avant notre arrivée au
pouvoir, il y avait eu une vaste réforme de la Loi sur les normes du travail,
et cette réforme-là était quand même issue d'un consensus social qui découlait
d'un équilibre, de discussions entre les partenaires du marché du travail. Et
c'était quand même un gain qui avait été considéré comme étant substantiel, là,
qu'il y ait au moins deux jours découlant de la garde, de la santé ou
l'éducation d'un enfant qui soient rémunérés, mais il y a quand même la banque
de 10 jours, et c'est sans négliger le fait qu'il y a beaucoup de travailleurs
qui, en vertu de contrats individuels ou de conventions collectives de travail,
qui ont, bien sûr, au-delà de ce que la Loi sur les normes du travail comprend,
qui est une loi de normes minimales du travail.
C'est vraiment la base de nos lois du
travail au Québec. J'ai bien compris, cependant, le... parce que notre
objectif, ce n'est pas d'amender la Loi sur les normes du travail, mais vous,
cependant, demandez qu'il y ait un certain nombre de jours qui soient prévus
pour compenser les démarches en vue de l'adoption, ça, je l'ai bien compris.
Je ne peux pas ne pas refaire la
discussion sur l'incitatif, le quatre jours, le quatre semaines partageables
additionnelles. Je veux réitérer l'objectif que nous avons en tête, c'est
d'inciter, d'encourager les pères à s'investir dans la sphère familiale. Ils
prennent les congés de paternité, ils ne partagent pas ou peu. Il y a quand
même une augmentation qu'on peut constater année après année, et donc c'est de
venir dire au papa et à la maman : Entendez-vous. S'il y a un 10 jours
minimal, là vous avez accès à un quatre jours additionnels. Ça fait que...
C'est parce que vous disiez, Mme Brown :
C'est une contrainte ou une obligation pour la mère. Non, <ce n'est pas
une...
M. Boulet : ...
de
venir dire au papa et à la maman : Entendez-vous. S'il y a un 10 jours
minimal, là vous avez accès à un quatre jours additionnels. Ça fait que...
C'est parce que vous disiez, Mme Brown :
C'est une contrainte ou une obligation pour la mère. Non, >ce n'est pas
une contrainte, non, ce n'est pas une obligation, c'est une volonté qui est
exprimée dans la loi. Discutez-vous, entendez-vous d'abord et avant tout et, si
vous vous entendez sur un partage d'un 10 semaines minimal de chaque côté,
parent a et parent b, vous avez accès à un autre quatre semaines additionnelles
qui est partageable. Mais je ne veux pas que jamais... puis ça... Ce n'est pas
les témoignages que j'ai eus sur le terrain, les jeunes parents m'ont tous dit :
C'est magnifique, c'est une avancée extraordinaire dans notre régime qui est
déjà généreux. Mais d'avoir accès à ce quatre semaines additionnelles là,
toutes et tous le voyaient comme un bénéfice additionnel. Je ne veux que jamais
ça puisse être interprété comme une atteinte à des droits des mères, là, comme
vous le mentionnez, Mme Brown.
Ça, j'aimerais ça aussi vous entendre un
peu là-dessus. Vous disiez : Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir, ou c'est
même une recommandation, la possibilité d'un transfert de semaines de
prestations à un autre parent qui aide ou qui s'occupe de l'enfant? Juste vous
rappeler que, même en cas de séparation, l'obligation parentale demeure. C'est
sûr qu'en termes de gestion administrative, je ne sais pas comment ça pourrait
se faire, là, mais que... puis peut-être que vous allez me donner des
précisions additionnelles. Est-ce que le parent a pourrait revendiquer le transfert
de semaines de prestations à une autre personne qui s'occupe de l'enfant? Et
ça, c'est Mme Brown, là, c'est dans vos derniers commentaires. J'aimerais
vous entendre peut-être rapidement là-dessus.
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien,
effectivement, pour répondre rapidement, c'est que le parent seul puisse
attribuer les semaines à une personne de son choix tant et aussi longtemps que
cette personne-là reste admissible au régime. On comprend tout à fait que le
deuxième parent demeure responsable de l'enfant et a des obligations
parentales, mais, en 2020, il y a une transformation des familles, il y a des
mères qui décident d'avoir des enfants seules, il y a des personnes non
binaires également. Bref, on considère que la mère ou le parent seul pourrait
choisir une personne de son choix pour transférer ces prestations-là plutôt
qu'elles soient... qu'elles demeurent non utilisées.
M. Boulet : O.K., je
comprends. Je ne sais pas combien il me reste de temps, mais je veux faire deux
précisions. En cas de décès, Mme Rose, la mère continue bien sûr de
recevoir ses prestations de maternité, et l'autre parent, même s'il n'est
pas... s'il n'en recevait pas, il a droit aux deux semaines. Donc, même s'il
n'est pas <en cours de...
M. Boulet : ...
il me
reste de temps, mais je veux faire deux précisions. En cas de décès,
Mme Rose, la mère continue bien sûr de recevoir ses prestations de
maternité, et l'autre parent, même s'il n'est pas... s'il n'en recevait pas, il
a droit aux deux semaines. Donc, même s'il n'est pas en >en cours de
prestation — je pense que c'est le langage que vous utilisiez — oui,
c'est possible pour l'autre parent qui ne reçoit pas, au moment du décès, de
prestation... il a accès aux deux semaines. Donc, c'est comme si on mettait en
place une présomption qui faisait en sorte que le décès est reporté de deux
semaines.
L'autre élément qui est important pour
moi, là, puis c'est... je pense que c'est une philosophie qui me préoccupe
aussi, là, les revenus concurrents. Vous parliez d'iniquité pour la mère parce
qu'elle n'a pas accès à l'exemption, la mère, pendant le congé de maternité. Il
ne faut pas voir ça comme une iniquité, au contraire. Les prestations de
maternité, elles ont une finalité qui est différente des autres prestations du
RQAP. Elles sont versées pour permettre à la mère, puis ça, vous le
mentionniez, de se remettre des effets physiologiques de la grossesse et de
l'accouchement. Donc, elles ont des conditions qui leur sont propres, et on
respecte les orientations de l'Organisation internationale du travail, en
raisonnant de cette manière-là.
Elles sont versées, ces prestations de
maternité, sans que la présence de l'enfant soit requise, contrairement aux
autres types de prestations. Elles peuvent même débuter jusqu'à 16 semaines
avant la date prévue de l'accouchement. Donc c'est... En permettant à la mère
de bénéficier des exemptions pour revenus de travail, la littérature puis
l'Organisation internationale du travail nous l'enseigne de cette manière-là,
puis j'adhère à ça, ça pourrait être à risque de mettre une pression sur la
mère pour maintenir une prestation de travail durant la période de maternité,
ce qui serait, selon ce que la littérature nous enseigne, préjudiciable à la
santé de la mère et de l'enfant. Ça fait que je veux juste un peu combattre...
puis je respecte votre opinion, que ça peut engendrer une iniquité de ne pas
permettre à la mère, durant le congé de maternité, de pouvoir bénéficier de
l'exemption pour le revenu de travail que nous montons, hein? Vous savez, Mme
Rose, c'était 25 % du montant de la prestation. Maintenant, ça peut être
l'équivalent de la différence entre le revenu hebdomadaire et le montant de la
prestation. Mais c'est normal, et c'est... Au contraire, si on donnait ce même
accès-là à la mère pendant son congé de maternité, c'est vu comme pouvant
potentiellement lui mettre une pression, alors qu'elle n'en a certainement pas
besoin. Donc, c'était important pour moi de faire cette précision-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quatre minutes.
M. Boulet : Oui. Tout à fait. Maintenant,
donc, j'aimerais vous entendre un peu, Mme Brown, sur les... bon, le
programme de maternité sans danger. <Vous disiez : Bon...
M. Boulet : ...
besoin. Donc, c'était important pour moi de faire cette précision-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quatre minutes.
M. Boulet : Oui.
Tout
à fait.
Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre un peu,
Mme Brown, sur les... bon, le programme de maternité sans danger. >Vous
disiez : Bon, pas de prestation... Parce que c'est sûr qu'il peut y avoir
un retrait préventif. Là, c'est des indemnités de remplacement de revenus
versées par la CNESST. Ça peut être une grossesse compliquée ou un accident ou
une maladie. Là, c'est les prestations de maladie du régime fédéral de
l'assurance-emploi. Ça... Est-ce que c'est ça que vous demandez
qu'éventuellement, ce soit rapatrié à Québec? J'aimerais ça avoir des
précisions de votre part sur ce point-là.
Mme Rose (Ruth) : Si je peux
répondre...
M. Boulet : Oui.
Mme Rose (Ruth) : L'idée, c'est
que, oui, ça pourrait être ça. Je ne sais pas si c'est compliqué de dire seulement
ceux qui sont... les prestations qui sont liées à une difficulté pendant la
période de congé... de grossesse, mais on demande que toutes les prestations
spéciales soient rapatriées aussi au Québec. Alors, ça, c'est un projet pour
l'avenir.
J'aimerais juste revenir sur la question
de la discrimination parce qu'il y a beaucoup de cas où la mère reçoit des
revenus qui ne demandent même pas qu'elle fasse un travail. C'est le cas de beaucoup
de travailleuses autonomes. C'est le cas des conseillères municipales qui ont
une rémunération qui n'arrête pas pendant la période de congé. Et je trouve
aussi bizarre que vous avez hésité longtemps à créer des prestations
additionnelles d'adoption parce qu'il pouvait y avoir un effet discriminatoire
du fait que les femmes reçoivent les prestations de maternité en raison de
leurs relevailles, puis vous avez éliminé cette discrimination-là, vous en avez
créé une autre parce que les mères adoptives ne subissent pas une réduction de
leurs revenus en raison de leurs revenus concurrentiels. Alors, si vous relisez
notre mémoire, on a éliminé six raisons et je pense qu'il pourrait y avoir une
contestation constitutionnelle si vous maintenez cet élément-là.
M. Boulet : C'est intéressant.
Donc, ce que vous dites c'est que la mère adoptante, elle, ne subit pas de
réduction du montant de sa prestation si elle a des revenus concurrents, comme
par exemple une travailleuse autonome, vous le mentionnez, ou une conseillère
municipale, alors que la mère n'a pas accès à ce même type d'exemption là. C'est
ce que vous me dites?
• (11 h 30) •
Mme Rose (Ruth) : Voilà. C'est
une des raisons. Et puis aussi, étant donné que les mères peuvent justement
commencer leurs prestations de maternité jusqu'à 16 semaines avant la date
prévue, ça, c'est une période où une... tu sais, travailler un jour ou deux, un
peu à temps partiel, ne serait vraiment pas nuisible à sa santé, alors il y a
des raisons que, tu sais, c'est vraiment une discrimination parce que les
femmes... c'est la femme qui porte l'enfant...
11 h 30 (version révisée)
Mme Rose (Ruth) : ...prestations
de maternité jusqu'à 16 semaines avant la date prévue, ça, c'est une
période où une... tu sais, travailler un jour ou deux puis un peu à temps
partiel ne serait vraiment pas nuisible à sa santé. Alors, il y a des raisons
que, tu sais, c'est vraiment une discrimination parce que les femmes... c'est
la femme qui porte l'enfant.
M. Boulet : Je vous avoue, Mme Brown,
que ça mérite considération. Je vous ai bien compris. Maintenant, votre projet
d'avenir, pour l'avenir, rapatriement, moi, je suis toujours un partisan des
rapatriements, surtout tout ce qui touche les champs de compétence du Québec.
Donc, ça aussi, ça mérite considération.
Merci beaucoup pour vos réflexions, Mme Brown,
Mme Rose. C'était bien fouillé, et vous avez fait les bonnes réflexions,
puis je pense que ça va contribuer à notre commission parlementaire de façon
intéressante. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous poursuivons l'échange maintenant avec l'opposition
officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Et je vois l'ambition du ministre d'aller dans un autre
rapatriement. Écoute, j'aimerais bien le voir en action. Merci, Mme Brown,
pour les bonnes suggestions. Vous donnez de très bonnes idées à M. le ministre.
Il a l'énergie pour aller rapatrier autre chose, donc bonne chance, M. le
ministre.
Merci à vous deux, excellente présentation.
Sérieusement, j'ai deux pages de notes. Beau travail. Vous avez beaucoup
synthétisé pas mal d'enjeux. Moi, j'aimerais bien vous entendre par rapport à
deux points qui m'ont frappé. Mais vous n'êtes pas le premier groupe qui nous
sensibilise par rapport au sentiment de l'iniquité, et je pense que,
personnellement, ma motivation, et la motivation, je pense, de l'ensemble des
collègues, c'est de ne pas tomber dans ce sentiment d'iniquité.
Donc, ma question est très simple. Vous
avez soulevé des enjeux d'iniquité et même de discrimination. Selon vous, vous
avez émis pas mal de... je dirais, d'hypothèses et même des propositions,
comment on peut s'assurer de ne pas tomber dans l'iniquité et la discrimination
avec ce projet de loi?
Mme Rose (Ruth) : D'abord, j'aimerais
revenir sur cette question des mères monoparentales, qui est un des éléments
d'iniquité, parce que nous demandons que, lorsque le père n'est pas présent...
et là ce n'est pas une question où il y a une garde partagée, où il y a une séparation
ou un divorce, puis le père est toujours présent. Dans ce cas-là, on garde les
mêmes règles. C'est lorsqu'il n'y a pas de père présent que nous demandons que
les mères monoparentales puissent bénéficier des prestations qui seraient
allées au père. C'est surtout les prestations de paternité, mais les autres cas
aussi où il y a des prestations exclusives. Et c'est dans ce cas-là seulement
que nous demandons que la mère puisse attribuer ces prestations de paternité à
une autre personne, par exemple, à sa <propre mère...
Mme Rose (Ruth) : ...
au
père. C'est surtout les prestations de paternité, mais les autres cas aussi où
il y a des prestations exclusives. Et c'est dans ce cas-là seulement que nous
demandons que la mère puisse attribuer ces prestations de paternité à une autre
personne, par exemple, à sa >propre mère, parce qu'elle pourrait avoir
besoin de soutien, surtout si elle a déjà un autre enfant à la maison. Alors,
ça, c'est... on trouve que ne pas faire ça, c'est une iniquité par rapport aux
mères célibataires, divorcées, c'est pareil, où il n'y a pas de père, par
rapport aux mères veuves qui, elles, ont droit aux prestations exclusives qui
étaient réservées aux pères.
M. Derraji : Donc, pour vous,
dans ce cas bien précis, pour éviter l'iniquité, vous suggérez le transfert de
droits ou le transfert de prestations.
Mme Rose (Ruth) : Vers la
mère.
M. Derraji : Vers la mère,
oui, oui, j'ai bien compris. Oui, O.K.
Mme Rose (Ruth) : Mais la mère
pourrait aussi les attribuer à quelqu'un pour la soutenir.
M. Derraji : Oui, dans son
entourage pour l'accompagner, pour l'aider justement dans cette situation.
Mme Rose (Ruth) : Oui. Et
l'autre élément d'iniquité le plus important, c'est celui des revenus
concurrents dans les prestations de maternité. Parce qu'actuellement, avec le projet
de loi, toutes les autres prestations pourraient bénéficier... les prestataires
de toutes les autres prestations pourraient garder leurs revenus concurrents.
M. Derraji : O.K.
Mme Rose (Ruth) : Ça, c'est
les deux éléments les plus importants.
M. Derraji : O.K., excellent.
J'aimerais bien aussi vous entendre par rapport à accroître le nombre total de
semaines de prestations. J'ai bien lu que vous n'appuyez pas la proposition
qu'une mère doive renoncer à 10 semaines de prestations parentales afin
que le couple garde quatre semaines de plus. Et vous mentionnez qu'il y a beaucoup
de situations où le deuxième parent ne veut pas, ou ne peut pas tout simplement
prendre 15 semaines de prestations, alors que les mères pourraient
utiliser des semaines additionnelles pour le mieux-être de l'enfant.
Donc, les femmes, selon vous, continuent
d'assumer la plus grande part des responsabilités domestiques et de soins aux
enfants. Ce sont toujours elles qui portent les enfants, qui accouchent et qui
allaitent. Ça, c'est des faits et c'est la réalité que vous mentionnez.
Vous êtes, je dirais, quand même dans une
catégorie que... plusieurs groupes nous ont levé ce drapeau, que renoncer à
10 semaines partageables pour en prendre quatre, ça n'aide pas... je ne vais
pas dire «injuste», mais ça n'aide pas l'implication des parents.
Ma question. Vous comprenez le sens même
de cette proposition que le ministre amène sur la table. Première question :
Comment atteindre l'objectif d'avoir plus d'implication des pères? Deux,
connaissant cet objectif, comment on peut l'atteindre si, selon vous,
10 semaines partageables, renoncer pour avoir quatre, ce n'est pas la
meilleure solution? Qu'est-ce que vous proposez aujourd'hui?
Mme Rose (Ruth) : Bien,
d'abord, nous aimerions souligner que l'introduction de congé de paternité, au
Québec, a créé une <révolution dans les familles du Québec. Tu sais...
M. Derraji : ...partageables,
renoncer pour avoir quatre, ce n'est pas la meilleure solution? Qu'est-ce que
vous proposez aujourd'hui?
Mme Rose (Ruth) : Bien,
d'abord, nous aimerions souligner que l'introduction de congé de paternité, au
Québec, a créé une >révolution dans les familles du Québec. Tu sais, les...
moi, mon fils et tous ses amis, les jeunes pères, ils prennent soin de leurs
enfants. On voit de plus en plus de pères qui promènent leurs enfants sur la
rue, dans le carrosse, sur eux. Donc, il y a déjà eu un énorme progrès.
Deuxièmement, souligner aussi qu'au Québec,
même si on juge que les pères ne prennent pas assez les semaines partageables,
ils les prennent encore beaucoup plus que les pères du restant du Canada.
Alors... Et le conseil de gestion aussi a fait des enquêtes auprès des
employeurs, et il y a de plus en plus d'acceptation des congés pour les pères
dans les entreprises du Québec. Donc, nous avons déjà fait beaucoup de progrès.
Alors, le problème, c'est que, dans
certains cas, notamment si la mère a plusieurs enfants ou si le père, pour des
raisons professionnelles, ne peut pas quitter son emploi, on veut plus de
flexibilité pour les parents. Alors, notre solution à ça serait que, si vous
ajoutez des semaines, ou bien qu'ils soient réservés au père ou bien qu'ils
soient... c'est une condition de partage. Alors, on pense qu'il faut aller plus
lentement et qu'on devrait mettre les incitatifs plutôt que de dire :
Bien, si la femme renonce, le couple peut avoir davantage, parce qu'il y a une
raison pour laquelle... Si on veut le plus de flexibilité aux parents, c'est
eux qui devraient décider comment partager les semaines. Déjà, réduire à cinq
semaines partageables par les deux, ce serait une avancée.
M. Derraji : Oui. Donc, j'ai
bien compris. Donc, pour vous, la proposition qui est sur la table de partager
les 10... les semaines partageables, et que, si la mère renonce, bien, les
quatre semaines, ce n'est pas la meilleure solution, ce que vous dites, c'est
que... diminuer le nombre de semaines partageables de 10 à cinq et d'aller
graduellement, aller graduellement, probablement, pas d'emblée quatre semaines.
Est-ce que c'est bien ça, ce que vous voulez dire?
Mme Rose (Ruth) : Oui.
M. Derraji : J'ai entendu
Mme Brown, c'est ça?
Mme Rose (Ruth) : Bien, non,
c'est Mme Rose. Oui.
M. Derraji : Ah! O.K.
Mme Rose. O.K. Excellent. Bien, j'ai une question pour Mme Brown.
Vous avez parlé de la flexibilité pour le fractionnement des congés. Est-ce que
vous pouvez juste élaborer un peu plus?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui.
Pour le fractionnement des congés, je vais laisser Mme Rose répondre aussi
à cette question.
M. Derraji : O.K.
Mme Rose (Ruth) : Je n'ai pas
compris la...
M. Derraji : La flexibilité
pour le <fractionnement des congés. J'ai comme...
Mme Brown (Kimmyanne) : …
Oui.
Pour le fractionnement des congés, je vais laisser Mme Rose répondre aussi
à cette question.
M. Derraji : O.K.
Mme Rose (Ruth) : Je n'ai
pas compris la...
M. Derraji : La flexibilité
pour le >fractionnement des congés. J'ai comme eu l'impression que vous
avez parlé de ça lors de votre exposé. Je voulais juste savoir davantage qu'est-ce
que vous voulez dire par rapport à la flexibilité pour le fractionnement des
congés.
Mme Rose (Ruth) : C'est qu'on
pense qu'il y aurait un moyen de dire que les parents auraient droit à
fractionner une fois, c'est-à-dire séparer une fois leur congé, même si l'employeur
ne donne pas son consentement et… Parce que, si l'objectif est la flexibilité,
on pense que les parents devraient avoir certains droits à cet égard-là. Et on
rappelle que les employeurs aussi aiment souvent que… de rappeler la personne
au travail pendant sa période de congé, et donc on voudrait qu'il y ait un
équilibre entre les droits.
M. Derraji : Excellent. Un
dernier point, c'est par rapport au projet pilote, et j'ai vu toute une
proposition par rapport au projet pilote, et vous parlez de pas mal de cas.
Est-ce que vous étiez interpelées par des groupes, ou vous avez constaté cela
sur le terrain, ou bien si vous avez des études à nous partager dans ce sens?
Mme Rose (Ruth) : Bien, c'est-à-dire,
en particulier notre recommandation 15, où on parle de l'admissibilité des
personnes domiciliées au Québec, parce que dans la coalition sur… coalition
conciliation famille-travail-études, il y a des groupes d'étudiants, dont des
étudiants étrangers, et puis, en général, ils n'ont aucun droit… (panne de son)
...cette période-là. Sur la question des statuts de réfugié, c'est plutôt ce qu'on
voit dans les journaux et le fait que les personnes ici, qui sont en demande d'asile,
qui peuvent être là pendant des années avant qu'on passe… on regarde leur cas,
et qu'il est déjà question du travail qu'ils ont fait dans les institutions de
santé pendant la pandémie.
M. Derraji : J'ai bien
compris. Donc, votre suggestion, c'est inclure les demandeurs d'asile, les
réfugiés, les étudiants étrangers qui cotisent, bien entendu, au régime, aux
prestations.
Mme Rose (Ruth) : Voilà.
M. Derraji : O.K. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est parfait, c'est tout ce qu'on avait. Merci, député de Nelligan. Nous
allons maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Toujours impressionné par
votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très bien, très bien
détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a plusieurs
organismes signataires, là, on approche, je pense, une vingtaine d'organismes
qui <approuvent…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Toujours impressionné par
votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très bien, très bien
détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a plusieurs
organismes signataires, là, on approche, je pense, une vingtaine d'organismes
qui >approuvent le contenu et les recommandations de votre mémoire,
c'est impressionnant. Ça démontre tout ce travail de préparation que vous avez
fait.
Je suis content de constater aussi que vous
êtes critiques de l'approche du ministre par rapport au partage forcé des
semaines. Je suis avec vous sur ce sujet-là. Je pense qu'il y a d'autres
avenues. Je pense qu'on partage l'objectif d'une meilleure présence du père,
mais que ce n'est pas nécessairement le bon chemin. Je suis sûr qu'en étude
détaillée on trouvera des compromis.
J'aimerais vous entendre sur les congés,
la recommandation n° 3, que les congés payés de la...
pour obligations familiales de la LNT, des normes du travail, soient payés parce
que ce n'est pas le cas actuellement, il y en a seulement deux, je pense, sur
10. Et nous, on propose, surtout en temps de pandémie, que ce soit le cas,
qu'il y en ait 10 d'accessibles pour tout le monde. Vous, j'imagine que, quand
vous avez rédigé le mémoire, vous n'aviez pas nécessairement en tête le
contexte d'une pandémie, mais plutôt un contexte régulier. Mais voulez-vous
m'en parler davantage?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui,
bien, effectivement, c'est sûr que cette mesure-là, en temps de pandémie, elle
est absolument nécessaire. Je pense que c'est une recommandation minimale, là,
sachant que des parents vont devoir prendre nécessairement des congés, que ce
soit pour toutes sortes de choses, des rendez-vous médicaux ou l'isolement.
Donc, cette mesure-là est tout à fait nécessaire en temps de pandémie. C'est
sûr que lors de la rédaction du mémoire, au mois de mars, on n'était pas du
tout dans ce contexte-là, effectivement.
Mais on considère que... Le ministre
Boulet, tout à l'heure, parlait de normes minimales et qu'il y avait des
conventions collectives, de toute façon, qui prévoyaient davantage. Mais il
faut savoir que les femmes sont majoritaires dans le travail atypique, et il y
a énormément de femmes pour qui la Loi sur les normes du travail, bien, c'est
leur contrat de travail, c'est leur norme, et que deux jours rémunérés, ce n'est
pas du tout suffisant. Bien qu'il y ait une banque, là, qui soit non rémunérée,
bien, ça désavantage les femmes parce qu'on sait... on le mentionne dans notre
mémoire à plusieurs reprises que ce sont les femmes qui sont principalement en
charge de tout ce qui est rendez-vous médicaux, tout ça, toute la charge
domestique, le fardeau du ménage. Donc, elles ont besoin de ces 10 jours
là et elles ont besoin que ce soit rémunéré. Et cette mesure-là était tout à
fait essentielle, c'est une revendication de longue date. Et, comme vous avez
mentionné, c'est 26 groupes qui ont signé le mémoire, c'est unanime que
ces 10 journées là doivent être rémunérées. Et cette mesure-là est tout à
fait nécessaire aussi en temps de pandémie. Donc, voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quelques secondes.
M. Leduc : Quelques secondes.
Peut-être, Mme Rose, un aspect du mémoire que vous voudriez approfondir qu'on
n'a pas eu le temps de traiter aujourd'hui.
Mme Rose (Ruth) : J'aimerais
aussi insister sur le fait de... la possibilité pour les mères monoparentales,
où le père n'est pas présent, d'avoir le même nombre de semaines que les autres
familles. C'est une demande, d'ailleurs, que nous avons mise de l'avant dans
les années 90, au moment où on regardait la <première loi. Alors...
Mme Rose (Ruth) : ...
le
fait de... la possibilité pour les mères monoparentales, où le père n'est pas
présent, d'avoir le même nombre de semaines que les autres familles. C'est une
demande, d'ailleurs, que nous avons mise de l'avant dans les années 90, au
moment où on regardait la >première loi. Alors, ce serait un bon projet
pilote.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous poursuivons avec le
troisième groupe, avec la députée de Joliette. Vous disposez de
2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Merci infiniment pour la qualité de vos
présentations qui sont très éclairantes. Je voulais poursuivre, là, sur la
question du transfert des semaines pour les femmes qui sont les seuls parents
de l'enfant. Donc, juste pour être claire, ce que vous dites, c'est que ça
devrait être transféré à la mère, qui peut les utiliser elle-même, ou elle peut
demander à une autre personne de s'en prévaloir, je veux juste être certaine
que c'est les deux options, ou si vous dites : Elle peut les transférer à
une autre personne, mais pas pour elle.
Mme Rose (Ruth) : Une mère ou
l'autre, effectivement, elle peut les garder pour elle ou les transférer. Il
faut dire que ce serait une règle qui s'appliquerait aussi aux parents adoptants
où il y a un seul parent, donc ça pourrait être un père, si son conjoint meurt,
ou... Si son conjoint meurt, en principe, il a déjà le droit, mais s'il y a une
séparation puis... en tout cas, dans les cas où il y a un seul parent, que ce
soit adoptant ou biologique.
Mme
Hivon
:
Parfait. Puis je voulais bien comprendre qu'est-ce qui serait votre
recommandation centrale pour la question des revenus concurrents, d'une part,
et l'autre, pour les parents étudiants. Est-ce qu'il y a quelque chose, malgré
le fait qu'ils ne contribuent pas formellement, qu'on pourrait faire rapidement
pour améliorer la situation?
Mme Rose (Ruth) : Pour les
étudiants, tu sais, on demande un régime universel, un régime de base pour tous
les parents, ce qui inclurait les étudiantes et étudiants. Mais on pense qu'on
n'est pas encore prêts à aller de l'avant, et je pense que ça prend des études
et des examens, parce qu'il y a différentes façons de financer ça. En Suède, par
exemple, on considère... c'est une assurance. Mais surtout les étudiants, tu
sais, ils n'ont pas travaillé dans l'année précédant la naissance, mais ils
vont travailler toute la vie, ils vont faire leur contribution comme il faut au
régime, mais ils n'ont pas pu bénéficier parce qu'ils ont eu leurs enfants trop
tôt. Alors, ça, c'est... Donc, en Suède, les... c'est les assurances qui
assument le coût. Dans d'autres pays, notamment les pays comme l'Autriche ou
l'Allemagne, ce sont des assurances du père ou du conjoint qui peuvent couvrir
la femme. On trouve que ça, c'est une question très... une dépendance qui n'est
pas nécessaire. Et dans d'autres cas aussi, et surtout quand on parle d'un
montant <forfaitaire...
Mme Rose (Ruth) : ...l'Allemagne,
ce sont des assurances du père ou du conjoint qui peuvent couvrir la femme. On
trouve que ça, c'est une question très... une dépendance qui n'est pas
nécessaire. Et dans d'autres cas aussi, et surtout quand on parle d'un montant
>forfaitaire à la naissance, c'est le gouvernement qui finance.
Alors, il y a plusieurs éléments, et ça
demande des études, mais ça fait longtemps aussi que les groupes de femmes
demandent un régime qui a des prestations de base pour tout le monde. Et nous,
on ne sait pas qu'est-ce qui est arrivé au fédéral, parce que c'était une des
promesses électorales de Justin Trudeau. Il y a eu d'autres choses à l'occuper
depuis ce temps-là, mais je pense que c'est le temps de mettre cette question-là
sur la table.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Brown, Mme Rose, pour vos interventions, votre
contribution à la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
cet après-midi après les affaires courantes vers 15 h 30. Merci.
Merci encore, Mme Brown et Mme Rose.
Une voix
: Merci.
Une voix
: Merci à
vous.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil
électronique. Je souligne que cette séance se déroule à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau,
où nous sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.
Le mandat de... la commission est réunie
afin de poursuivre, justement, les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à
améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la
conciliation travail-famille.
Cet après-midi, nous entendrons les
organismes suivants : la Fédération des parents adoptants du Québec, le Réseau
pour un Québec Famille et le Regroupement pour la valorisation de la paternité.
Nous souhaitons, dans un premier temps, la bienvenue à la Fédération des
parents adoptants du Québec avec Mme Tardif et M. Munger.
Mme Tardif et M. Munger, vous nous entendez bien?
Mme Tardif (Marielle) : Oui.
M. Munger (Yannick) : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Puisqu'ils se retrouvent dans l'autre salle. Alors, nous... Avant de commencer,
hein, vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes, et, avant de
commencer, je vous inviterais à bien vous présenter.
M. Munger (Yannick) : Donc,
bonjour. Mon nom est Yannick Munger. Je suis trésorier et co-porte-parole de la
Fédération des parents adoptants du Québec.
Mme Tardif (Marielle) :
Marielle Tardif. Je suis membre du conseil d'administration, à titre de
secrétaire, de la Fédération des parents adoptants du Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...poursuivre, on vous entend très bien.
Mme Tardif (Marielle) :
Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. La FPAQ est
heureuse de participer à la commission d'étude sur le projet de loi n° 51
aujourd'hui. La réalité des familles adoptives, directement concernées par ce
projet de loi, est au coeur d'une lutte que nous menons depuis trop longtemps
déjà. Je souligne l'absence, mais la présence dans nos coeurs, de notre
présidente, Mme Anne-Marie Morel, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui
parce qu'elle est partie... elle part aujourd'hui ou demain pour les
Philippines pour réaliser, justement, un projet d'adoption.
En effet, dès mars 2005, la FPAQ dénonce
l'iniquité entre les congés d'adoption et les autres congés parentaux dans le
RQAP. S'ensuivent pendant près de 15 ans de nombreuses représentations
auprès des différents gouvernements élus. Des mémoires, des pétitions sont
déposés à l'Assemblée nationale à diverses reprises, différentes publications
sont diffusées en vain. Les gouvernements et les ministres se succèdent et la
FPAQ martèle son message : les enfants adoptés sont les seuls enfants à ne
pas avoir le privilège de pouvoir passer un an avec leurs parents lors de leur
arrivée dans leur famille. Dans les faits, c'est toujours le cas à ce jour, et
ce, pour la simple raison qu'ils sont <adoptés...
Mme Tardif (Marielle) : ...
et
les ministres se succèdent et la FPAQ martèle son message : les enfants
adoptés sont les seuls enfants à ne pas avoir le privilège de pouvoir passer un
an avec leurs parents lors de leur arrivée dans leur famille. Dans les faits,
c'est toujours le cas à ce jour, et ce, pour la simple raison qu'ils sont >adoptés.
Le 28 novembre 2019, une première
version du projet de loi n° 51 ne permettant pas
d'atteindre l'égalité a été déposée. Le 3 décembre 2019, l'Assemblée nationale
a voté unanimement une motion déposée par la députée Véronique Hivon
reconnaissant l'iniquité du Régime québécois d'assurance parentale envers les
familles adoptantes. Ça a été un immense moment d'émotion pour nous et une
reconnaissance de l'injustice et de la blessure subie par les familles
adoptantes depuis le début du régime.
Le ministre Jean Boulet dépose ensuite une
nouvelle mouture de son projet de loi le 12 mars 2020. Les amendements au
projet de loi donnent la pleine égalité des congés parentaux aux familles
adoptives versus les familles biologiques. De plus, la création de prestations
d'accueil et de soutien relatives à une adoption dénote la compréhension du
choc et des difficultés que vivent les enfants adoptés avant et après leur
adoption et des défis des adoptants, tout en préservant le caractère important
et unique de la grossesse, de l'accouchement et de la parentalité biologique.
Nous voulons également aujourd'hui dire
une fois de plus que les besoins des familles adoptantes sont différents mais
tout aussi importants que ceux des familles biologiques. L'enjeu de
l'attachement entre l'enfant et ses parents est le plus important de tous ces
besoins. Alors que la mère biologique commence l'attachement pendant la vie
intra-utérine, en communiquant physiquement avec son foetus, il faut plus de
temps aux parents adoptants pour développer ce lien avec leur enfant adopté.
S'ajoute à cela un vécu préadoption de l'enfant, souvent peuplé de retards de
développement, d'abus, de problèmes de santé, etc. L'accueil de cet enfant
exige une disponibilité particulière des parents adoptants et surtout du temps.
Les enfants adoptés ont d'abord connu une
rupture avec leurs parents biologiques. Ils ont ensuite vécu une ou plusieurs
transitions dans différents milieux, familles d'accueil ou orphelinats. Ainsi,
même si l'adoption est un acte d'amour de la part des parents, elle
s'accompagne pour l'enfant de deuils et de pertes. La fréquentation hâtive d'un
milieu de garde peut ébranler fortement l'enfant et sa famille, voire même être
catastrophique dans la mesure où l'enfant peut interpréter cela comme un nouvel
abandon.
Actuellement, plusieurs adoptants sont
contraints d'assurer trop tôt cette délicate transition lorsque leur congé
d'adoption prend fin, avec les conséquences subséquentes, ou alors ils
prolongent à leurs frais leur congé pour éviter ce nouveau trauma à leur
enfant, subissant ainsi un contrecoup financier important. Des démarches
d'adoption de plus en plus longues et complexes, autant ici qu'à l'étranger,
des propositions d'enfants de plus en plus âgés en moyenne et avec des besoins
de plus en plus grands sont autant de défis pour les parents adoptants, pour
lesquels le temps d'un congé plus long est la meilleure arme.
Avec l'allongement de la durée des
prestations proposé dans le projet de loi n° 51, la
FPAQ est aussi <favorable à...
Mme Tardif (Marielle) : ...
des
propositions d'enfants de plus en plus âgés en moyenne et avec des besoins de
plus en plus grands sont autant de défis pour les parents adoptants, pour
lesquels le temps d'un congé plus long est la meilleure arme.
Avec l'allongement de la durée des
prestations proposé dans le projet de loi
n°
51,
la FPAQ est aussi >favorable à l'octroi de cinq semaines de prestations exclusives
destinées à chacun des parents adoptants, qui reproduit le modèle proposé aux
familles biologiques et encourage la coparentalité. Actuellement, la durée
insuffisante du congé d'adoption à partager entre les parents oblige les
couples adoptants à réduire le temps de présence simultanée des deux parents
pour éviter de raccourcir le temps de congé total et de précipiter une entrée
trop précoce en service de garde.
Il est aussi vrai de dire qu'un RQAP
inéquitable envers les adoptants lèse les droits des enfants adoptés. Les
enfants adoptés constituent un groupe de personnes vulnérables ayant des
besoins particuliers dont le RQAP n'a jamais tenu compte jusqu'à maintenant. Le
RQAP a la flexibilité suffisante pour octroyer des semaines supplémentaires aux
adoptants. Un essai juridique intitulé Le Régime québécois d'assurance
parentale : un système discriminatoire à l'endroit des enfants adoptés,
publié par Me Carmen Lavallée, Daniel Proulx et Éric Poirier, le
démontre d'ailleurs.
M. Munger (Yannick) : Au
niveau financier, donner la pleine égalité des prestations aux adoptants versus
les parents biologiques aurait engendré des coûts supplémentaires
d'approximativement 5 millions de dollars en 2019 sur des prestations
totales du RQAP d'environ 2 milliards, ce qui aurait représenté une
augmentation de seulement 0,25 % des coûts totaux des prestations. Donc,
accorder aux parents adoptants des prestations équivalentes à celles des
parents biologiques a une incidence minime sur le financement du régime.
Qui plus est, le fait d'offrir aux
adoptants des prestations parentales équivalentes à celles des familles
biologiques jouit d'un fort appui populaire, renforcé au fil des ans par la
sensibilisation aux enjeux de l'adoption dans les médias par les organismes et
spécialistes en adoption. L'adhésion aux différentes démarches de
représentation, des campagnes de lettres, des pétitions, etc., en témoignent
d'ailleurs. Le front commun des organismes d'adoption, le 1er décembre
2019, est d'ailleurs un indice de l'importance du consensus à ce sujet.
Désormais, les personnes en désaccord avec une telle mesure sont très rares.
Dans le projet de loi actuel, les
nouvelles modalités de la loi n° 51 doivent entrer en
vigueur le 1er janvier 2021. À cet égard, la FPAQ invite le gouvernement à
devancer autant que possible cette date, particulièrement pour les adoptants.
D'une part, puisque le présent régime a été reconnu inéquitable envers les
adoptants et envers les enfants adoptés par l'ensemble des députés de l'Assemblée
nationale, le 3 décembre dernier, il est intolérable de laisser perdurer
cette iniquité davantage. D'autre part, le gouvernement dispose de flexibilité
dans la détermination de l'entrée en vigueur des différentes modalités de ce
projet de loi. Pensons, par exemple, au projet de loi n° 40,
entré en vigueur dès le vote en Chambre.
De plus, en ces temps de pandémie,
plusieurs familles ayant reçu des jumelages, autant ici qu'à l'étranger, voient
des délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants sont
même <conscients...
M. Munger (Yannick) :
...
de loi
n°
40, entré en
vigueur dès le vote en Chambre.
De plus, en ces temps de pandémie,
plusieurs familles ayant reçu des jumelages, autant ici qu'à l'étranger, voient
des délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants sont
même >conscients, parce qu'étant plus vieux, que de nouveaux parents qui
doivent venir les chercher ne viennent donc pas. Imaginez une seconde les
conséquences d'une telle attente chez un enfant de quatre ans, par exemple, ou
même de six ans. Imaginez le temps que cela prendra aux parents adoptants pour
panser ces blessures à l'arrivée de l'enfant avec eux. Agir tôt, le plus tôt
possible, en fait, une devise qui devrait ici guider le gouvernement dans
ses choix.
• (15 h 40) •
Parmi les amendements déposés, le
gouvernement propose que le ministre produise, au plus tard le 1er janvier
2026, un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions accordant les
prestations d'accueil et de soutien relatives à une adoption. La FPAQ remet en
question le fait qu'une telle attention ne soit portée que sur la mise en
oeuvre des dispositions concernant les familles adoptives puisqu'il y a
plusieurs autres nouvelles modalités dans le projet de loi n° 51. Un
examen de l'ensemble des nouvelles dispositions apparaît d'autant plus sage.
La FPAQ invite également à la prudence
dans l'interprétation des données issues de la parentalité adoptive. Par
exemple, certains adoptants à l'international optent pour le régime particulier
plus court, mais offrant un revenu plus élevé, pour accélérer le remboursement
de leurs frais de déplacement, de voyage, etc. puis, dans les mois qui suivent,
profitent de leur retour d'impôt pour adoption afin de soutenir financièrement
le reste de leur congé parental sans solde. Au besoin, la FPAQ sera heureuse de
soutenir l'analyse du Conseil de gestion de l'assurance parentale, ou du
ministre, ou de se rendre disponible aux parlementaires lors de l'examen de la
commission.
En conclusion, la FPAQ soutient le projet
de loi n° 51 amendé puisqu'il offre globalement aux adoptants des congés parentaux
de même durée que ceux octroyés aux familles biologiques, reconnaissant ainsi
le caractère unique et la valeur de chaque famille québécoise, qu'il devient
équitable envers les adoptants mais aussi envers les enfants adoptés, leur
reconnaissant de cette manière la même valeur que les enfants biologiques,
qu'il favorise aussi la coparentalité chez les adoptants, une avancée majeure
pour les familles adoptantes et pour la société québécoise.
Cependant, la FPAQ demande que l'entrée en
vigueur des prestations exclusives aux adoptants et des prestations d'accueil
et de soutien se fasse aussi tôt que possible afin que le RQAP soit enfin
équitable envers les adoptants et que cesse la discrimination de tout nouvel
enfant adopté.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, c'est tout le temps que nous disposons pour votre exposé.
Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Alors, nous commençons
avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Mme Tardif, Marielle, M. Munger, merci, Yannick, de la
qualité de votre présentation. On avait eu l'opportunité de se rencontrer à
quelques reprises, quelques mois, même, avant le dépôt initial du projet de loi
n° 51. Je vous prierais de saluer Anne-Marie, elle
m'avait <mentionné qu'elle ne pourrait pas être ici, là, elle est en…
M. Boulet : ...
merci,
Yannick, de la qualité de votre présentation. On avait eu l'opportunité de se
rencontrer à quelques reprises, quelques mois, même, avant le dépôt initial du
projet de loi
n°
51. Je vous prierais
de saluer Anne-Marie, elle m'avait >mentionné qu'elle ne pourrait pas
être ici, là, elle est en démarche d'adoption aux Philippines, la remercier
aussi de sa contribution. Et je ne peux pas passer sous silence, évidemment,
l'implication et l'engagement de ma collègue de Joliette dans ce dossier, qui
est crucial pour le milieu parental québécois, cette égalité tant recherchée,
tant voulue par la société québécoise.
On a réalisé dès le départ à quel point il
y avait un consensus social. Tu sais, il y avait des appréhensions de
contestations judiciaires qui apparaissaient légitimes, selon un certain
courant de jurisprudence, mais j'ai réalisé rapidement qu'on était passé à une
autre étape au Québec et qu'il y avait... du moins, la compréhension que j'ai
développée, c'est qu'il y avait une unanimité sociale pour aller dans cette
direction-là.
Et donc je veux vous remercier, je veux
vous dire à quel point, foncièrement, je suis heureux de cette issue. J'avais
l'impression qu'on faisait, puis on le faisait dans les faits, un grand pas
dans la direction de réduire l'écart qui existait entre les familles
biologiques et les familles adoptantes. Maintenant, on ne parle plus d'écart,
mais on parle d'égalité parfaite, que nous référions au régime de base ou au
régime particulier.
Je vais quand même, avant de vous poser
quelques questions, faire certains commentaires, vous redonner... Marielle,
vous en avez fait part, Yannick, vous pouvez le faire. Du point de vue du père,
quelle est la réalité adoptante au Québec? Quelle est l'importance du facteur
temps, aussi, crucial pour les familles adoptantes? J'aimerais ça... Bien,
Yannick, je vous pose la question.
M. Munger (Yannick) : Le
temps, M. Boulet, c'est la clé, dans l'adoption, c'est... il faut donner
de l'amour, il faut donner de l'attention, mais le temps pour créer
l'attachement, c'est crucial. Le temps également de coparentalité, c'est
hyperimportant. Dans le cas de ma première adoption, je n'ai pas eu la chance
de passer beaucoup de temps avec mon garçon parce que c'est ma conjointe qui
avait pris la majeure partie du congé. J'avais passé quelques semaines au
début, cinq semaines avec lui, mais il était très... il était comme une bouée
de sauvetage sur ma conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de
temps avec lui, et le congé fondait rapidement, rapidement. Donc, on a dû le
placer en service de garde très, très tôt.
Dans le cas de notre deuxième adoption,
j'ai passé... c'est moi qui a pris le congé parental, j'ai passé six mois avec
ma fille. Et, je le vois, <l'implication du père...
M. Munger (Yannick) :
...conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec lui, et
le congé fondait rapidement, rapidement. Donc, on a dû le placer en service de
garde très, très tôt.
Dans le cas de notre deuxième adoption,
j'ai passé... c'est moi qui a pris le congé parental, j'ai passé six mois avec
ma fille. Et, je le vois, >l'implication du père, l'implication de la
mère également, mais la coparentalité, c'est excessivement important pour les
parents, pour se permettre de s'attacher également à l'enfant, mais pour
l'enfant, il en a de besoin, de s'attacher à cette nouvelle famille là. Donc,
en ayant 18 semaines de plus, en ayant la parfaite égalité, ça va vraiment
encourager les pères à en prendre plus.
Et votre option de donner davantage de
temps, un quatre semaines additionnelles, je trouve ça génial en tant que père.
Si le père en prend 10, semaines, bien, au couple, je vais en redonner quatre,
c'est le fun parce que ça va encourager les pères à s'impliquer davantage. Puis,
dans mon cas personnel, je m'implique beaucoup, beaucoup de pères le font, mais
je trouve que cette disposition-là à votre projet de loi va permettre une
avancée majeure encore plus pour que les pères puissent s'impliquer dans leur
famille, tant au niveau adoptif que les familles biologiques.
M. Boulet : Merci beaucoup,
Yannick, aussi du commentaire qui nous laisse comprendre que vous avez bien
assimilé l'importance de l'incitatif pour les pères, pour qu'il y ait un
meilleur investissement, là, dans la sphère parentale. Est-ce qu'à cet
égard-là, parce que je sais que vous êtes particulièrement bien documentés,
est-ce que les pères adoptants, selon vous, prennent plus de temps en parental
actuellement que les pères biologiques ou c'est à peu près la même réalité?
Parce que souvent, ce qu'on constatait,
les statistiques que j'avais du conseil de gestion, c'est que les pères
prennent massivement, à peu près 70 %, alors que c'est nettement plus
élevé que dans le reste du Canada, où ça s'articule autour de 10 %, et peu
dans le parental. Est-ce que vous avez une information ou une statistique qui
nous permet de comprendre la réalité adoptante, Yannick ou Marielle?
M. Munger (Yannick) : Outre
les statistiques du Conseil de gestion de l'assurance parentale... Je ne les ai
pas. On pourrait peut-être les trouver. Je ne pourrais pas me commettre, là,
sur cette statistique-là, malheureusement, mais mon feeling, c'est que les
pères adoptants s'impliquent énormément. Mais dès qu'on pogne le cinq semaines,
souvent, malheureusement, puis c'est vrai dans le cas des familles biologiques,
la mère prend la grosse portion du congé parental qui devrait être davantage
partagé en deux.
M. Boulet : Totalement. Totalement.
J'aimerais vous entendre sur... Vous savez que, dans le projet de loi n° 51, nous augmentons de deux à cinq semaines pour les
prestations qui peuvent être utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors d'une
adoption hors Québec. Est-ce que vous avez un commentaire sur cette <bonification
qui est dans le...
M. Boulet : ...
Vous
savez que, dans le projet de loi
n°
51,
nous augmentons de deux à cinq semaines pour les prestations qui peuvent être
utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors d'une adoption hors Québec. Est-ce
que vous avez un commentaire sur cette >bonification qui est dans le
projet de loi n° 51, Marielle?
Mme Tardif (Marielle) : Oui,
effectivement, c'est une bonification fort intéressante. Ça permet de préparer
le voyage, qui n'est évidemment pas un voyage de vacances, hein, c'est un
voyage qui demande beaucoup de démarches au préalable, parfois se rendre à une
ambassade ou un consulat, organiser différentes paperasses avant le départ.
Donc, ça nous demande du temps, ça nous demande des démarches. L'état d'esprit
aussi puis le fait de partir pour le voyage d'adoption, c'est, comme je l'ai
dit, c'est différent d'un voyage de vacances. Donc, ce temps-là est précieux et
permet aussi de commencer le RQAP au moment du voyage, avant le retour à la
maison. Donc, au niveau des congés sans solde, et tout ça, ça évite, en fait,
de prendre des congés sans solde.
M. Boulet : D'accord. Vous
faites référence aussi au rapport de mise en oeuvre des dispositions. Bon, on
instaure, pour la première fois au Québec, la prestation d'accueil et de
soutien de 13 semaines pour s'assurer que les parents adoptants
bénéficient du temps qui est requis, qui est nécessaire. Et ça nous permet, bien
sûr, d'atteindre l'égalité entre les parents adoptants puis les parents
biologiques. Bon, c'est un peu ce qui nous guidait dans la rédaction du projet
de loi, comme c'est une nouvelle prestation, cinq ans après l'entrée en
vigueur, qu'on ait un rapport de mise en oeuvre pour comprendre comment ça
s'est passé, comment la société a assimilé cette nouvelle réalité et comment ça
a été aussi utilisé, notamment par les parents adoptants.
• (15 h 50) •
Vous nous invitez à la prudence dans l'interprétation
des données issues de la parentalité adoptive et vous offrez votre soutien au
conseil de gestion ou aux parlementaires lors de l'examen de la commission.
Moi, je trouve ça intéressant. Est-ce que... Je pense qu'il y a deux volets,
là. Si je vous ai bien compris, vous aimeriez que ce rapport-là de mise en
oeuvre ne concerne pas que la nouvelle prestation d'accueil et de soutien,
d'une part, et, d'autre part, que vous puissiez accompagner notamment les
parlementaires et le conseil de gestion dans la rédaction et la substance du
rapport de mise en oeuvre. Est-ce que c'est bien ça?
M. Munger (Yannick) : Pour
la... votre...
Mme Tardif (Marielle) : Oui,
vas-y.
M. Munger (Yannick) : Pour
votre première portion, oui, vous avez bien compris. On <aimerait que le
rapport de mise en oeuvre...
M. Boulet : ...puissiez
accompagner
notamment les parlementaires et le conseil de gestion dans
la rédaction et la substance du rapport de mise en oeuvre. Est-ce que c'est
bien ça?
M. Munger (Yannick) :
Pour la... votre...
Mme Tardif (Marielle) :
Oui, vas-y.
M. Munger (Yannick) :
Pour votre première portion, oui, vous avez bien compris. On >aimerait
que le rapport de mise en oeuvre ne focusse pas nécessairement juste sur les
modalités de l'adoption de votre projet de loi, parce que votre projet de loi
est beaucoup plus large. Donc, peut-être une mise en oeuvre sur votre projet de
loi au complet, donc on voit ça d'un très bon oeil.
On voulait juste apporter un bémol sur...
Des fois, on voit des statistiques, ah! les parents adoptants, bien, ils
prennent le programme particulier. Donc, ça veut dire qu'ils prennent le plus
court possible, puis après ça, on pourrait... les chiffres pourraient laisser
croire que les parents ne s'impliquent pas. Actuellement, ce n'est pas ça, c'est
qu'il y a... on a des frais énormes à soutenir lorsqu'on fait une adoption,
puis on les assume, puis pas de problème, sauf que la charge financière, quand
on prend le programme court, on a des prestations plus élevées, ce qui nous
permet de rembourser plus rapidement nos frais de voyage, nos frais d'adoption,
etc., donc... Et après ça, beaucoup de familles, actuellement, prennent des
congés sans solde, à leurs frais, puis ça, ça n'apparaît nulle part dans les
chiffres.
Donc, quand on regarde des tableaux... Ah!
les parents adoptants ne s'impliquent pas beaucoup, ils ne prennent pas le
congé long, ils prennent le congé court, donc ils n'en ont pas de besoin.
C'était dans cette optique-là, de faire attention dans l'analyse des données.
Puis peut-être, oui, effectivement, on pourrait... pas nécessairement participer,
ce n'est pas une obligation, mais consultez-nous, peut-être avoir un oeil
externe, parce que nous, on est en contact avec les familles adoptives, on
connaît leur réalité, on est capables d'avoir le pouls directement et on
pourrait avoir un oeil externe, vous aider à comprendre certaines réalités, au
besoin.
M. Boulet : Merci de le
mentionner, hein, puis moi, je vais vous donner mon opinion. Oui, absolument,
quand on fait des projets de loi qui concernent le filet social québécois, qui
concernent l'assurance parentale, le soutien financier, et autres, à des
parents, dans un contexte tellement important de la vie humaine, il faut
s'assurer de consulter, il faut s'assurer de refléter le... on parlait tout à
l'heure de consensus social. Et pour avoir un consensus, il faut d'abord et
avant tout consulter, écouter et tenir compte. Et il faut, je pense, avant que
ce rapport de mise en oeuvre là soit écrit, élaboré, que vous fassiez partie
des parties qui sont consultées.
Je tiens... J'ai deux autres questions. On
a, vous avez vu, dans le projet de loi, la possibilité de mettre en place des
projets pilotes. Évidemment, ça devra se faire selon les paramètres des
articles habilitants, là, parce que ce n'est pas des projets pilotes que le
conseil de gestion pourra purement, à sa discrétion, décider de mettre en
place. Mais, si vous aviez une idée de projet pilote... Les projets pilotes,
moi, je vois ça aussi <comme...
M. Boulet : …
selon
les paramètres des articles habilitants, là, parce que ce n'est pas des projets
pilotes que le conseil de gestion pourra purement, à sa discrétion, décider de
mettre en place. Mais, si vous aviez une idée de projet pilote... Les projets
pilotes, moi, je vois ça aussi >comme une façon de faire progresser la société,
de démontrer, pas qu'au Canada, mais partout à l'échelle internationale... on
est capables de se distinguer au plan social. Auriez-vous une suggestion ou une
recommandation à faire d'un projet pilote? Puis n'hésitez pas à soumettre quelque
idée que ce soit, là, on est… je vous pose la question, là, avec beaucoup de
transparence.
M. Munger (Yannick) : Comme
ça, là, à brûle-pourpoint, peut-être un observatoire des enfants adoptés. Actuellement,
il n'y a pas beaucoup de recherches, il n'y a pas beaucoup de données tangibles
sur l'adoption. Suivre une cohorte d'enfants adoptés dans le temps, qui ont été
adoptés, que ça soit à la naissance au Québec ou que ça soit un enfant adopté
qui a sept, huit ans, qui vient d'un autre pays étranger, il y a autant
d'adoptés qu'il y a de… la situation est différente pour chaque enfant. De
suivre des cohortes dans le temps pour voir l'impact de la présence des
parents, l'impact d'une présence prolongée au niveau… sur l'anxiété, les
troubles de performance, les troubles de langage, ça serait intéressant d'avoir
beaucoup plus de recherches. Actuellement, les recherches manquent énormément
de données. Quand tu n'as pas de données, c'est difficile d'établir des plans.
Et ça serait une idée, puis on pourrait bonifier, là.
Mme Tardif (Marielle) : Je
voudrais ajouter qu'à ma connaissance il y a une étude semblable qui a été
réalisée en Suède, qui est un pays où il y a de l'adoption internationale
depuis longtemps, puis ils sont arrivés à des conclusions surprenantes sur le
fait que les enfants adoptés, une fois adultes, sont plus vulnérables aux maladies
mentales, ou à divers problèmes de fonctionnement, ou, en tout cas, doivent
faire face à différentes problématiques. Donc, ça serait intéressant, puis de
voir aussi, étant donné qu'on veut réévaluer le projet dans quelques années, de
réévaluer, effectivement, l'impact que la prestation aura eu dans un sens
positif contre ces effets-là.
M. Boulet : Absolument.
Excellent point.
M. Munger (Yannick) :
Peut-être juste une… Il y a quelque chose qui vient de me sortir... le trouble
de l'attachement, c'est difficile. Le trouble de l'attachement, les enfants
adoptés, il y en a qui n'ont aucune séquelle, il y en a qui vont s'attacher
très, très bien à leur nouvelle famille, il y en a d'autres que c'est très,
très difficile, ils ont... puis ce n'est pas juste quand ils sont jeunes, c'est
un trouble qui persiste dans le temps, ça devient difficile de s'attacher à des
personnes significatives. Avec ton conjoint, aussitôt que tu deviens émotif, tu
vas peut-être briser des relations dans ta vie adulte beaucoup plus facilement
parce que ça va être un mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet
effet-là qui serait intéressant à analyser.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes, M. le ministre.
M. Boulet : Oui. Puis l'idée <d'observatoire...
M. Munger (Yannick) :
...
Avec ton conjoint, aussitôt que tu deviens émotif, tu vas peut-être
briser des relations dans ta vie adulte beaucoup plus facilement parce que ça
va être un mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet effet-là qui
serait intéressant à analyser.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes, M. le ministre.
M. Boulet : Oui. Puis
l'idée >d'observatoire... O.K. Maintenant, j'ai pris note de votre
volonté qu'on puisse favoriser l'entrée en vigueur des dispositions de notre projet
de loi le plus rapidement possible, particulièrement pour les parents adoptants,
je vous aurais fait parler sur est-ce que c'est justifié. Oui, certainement, c'est
ma volonté qu'on aille de façon diligente, mais est-ce qu'il y aurait eu une
opportunité sociale ou une pertinence sociale de le faire plus rapidement pour
les parents adoptants?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Boulet : Voilà, j'ai...
Merci beaucoup à vous deux puis au plaisir de vous revoir bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec
l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présence. Excellent rapport, pas mal
d'informations très détaillées, et, écoutez, je l'ai lu avec grand intérêt. Et
il y a un point que j'aimerais bien avoir votre point de vue, c'est à la page 8
où vous parlez de syndrome de dépression postadoption. Et en fait ça m'a
interpellé parce que c'est quelque chose que, je vous avoue, je ne l'ai pas vu
avant, je l'ai su grâce à vous. Et, en parlant tout à l'heure des projets
pilotes, pouvez-vous juste élaborer plus sur ce phénomène? Est-ce qu'au sein de
votre regroupement des membres vous ont interpelés? Si c'est oui, est-ce qu'il
y avait des mesures ou des stratégies que vous avez mises en place ou des
choses que vous avez essayé de commencer pour venir en aide à ces parents? Et
aussi l'impact, parce que j'en suis sûr, qu'il y a un impact social par rapport
à ça, donc si vous pouvez élaborer davantage sur ce point.
• (16 heures) •
Mme Tardif (Marielle) : Bien,
le syndrome, je dirais, de dépression postadoption ou, en tout cas, les
difficultés d'adaptation que vivent les parents adoptants, c'est vrai, sont peu
documentées. Mais il y a quand même des chercheurs qui ont travaillé sur la
question puis il y a des points forts qui ressortent de ces recherches-là,
entre autres, voilà, des difficultés d'adaptation parce qu'on a un enfant avec
qui on n'a pas eu... ce n'est pas comme dans une grossesse, où on a déjà un
lien d'attachement durant la grossesse qui se construit, ça reste un étranger
qui arrive. Nous, nous sommes des étrangers pour nos enfants aussi, à la base.
Donc, cette adaptation-là, ce contact-là n'est pas toujours facile, il y a des
deuils à faire, il y a des réalités qui sont difficiles à intégrer. Les enfants
ont différents problèmes de sommeil, d'alimentation, c'est parfois très
difficile à gérer. Les enfants arrivent plus vieux avec des problèmes qu'on n'a
pas avec un bébé naissant. Et il y a souvent des sentiments de culpabilité...
16 h (version révisée)
Mme Tardif (Marielle) : ...sont
difficiles à intégrer. Les enfants ont différents problèmes de sommeil, d'alimentation,
c'est parfois très difficile à gérer. Les enfants arrivent plus vieux avec des
problèmes qu'on n'a pas avec un bébé naissant. Et il y a souvent des sentiments
de culpabilité aussi qui sont vécus par les parents parce que les parents
adoptants... il faut comprendre que le processus est très long avant, puis des
parents ont été évalués et même surévalués. On leur a dit qu'ils étaient
compétents, on leur a dit qu'ils avaient le droit d'avoir un enfant, qu'ils
allaient être des bons parents, et là, des fois, on se retrouve devant une
situation avec un enfant puis on se sent démunis, on se sent non compétents,
puis souvent on ressent de la culpabilité, puis on ne va pas aller demander de
l'aider parce qu'on est sensés être capables de se débrouiller. On se sent un
peu comme des parents thérapeutes, des fois, plus thérapeutes que parents,
selon les situations. Ça fait que ça fait tout partie de ces difficultés-là d'adaptation.
Nous, à la FPAQ, on a une ligne d'écoute,
là, on écoute les parents puis on essaie de les diriger vers les meilleures
ressources qu'on connaît, psychologues, et travailleurs sociaux, et tous les
services qui existent. On trouve que les services post-adoption sont peu
suffisants et pas uniformes selon où on se trouve dans les différentes régions
de la province. Souvent, ça dépend du centre de services jeunesse, ça dépend
des ressources, ce n'est pas uniforme. Des fois, les parents qui sont région
éloignée doivent venir à Québec ou à Montréal pour recevoir certains services.
Donc, ça, ça serait quelque chose qu'on voudrait améliorer dans le futur.
M. Derraji : Merci. Excellente
réponse. Et vous avez vu le projet de loi, j'en suis sûr et certain, vous avez
travaillé avec... vous avez vu les amendements, vous avez vu le changement que
le projet de loi ramène. Là, il y a toujours des angles morts, et aujourd'hui,
vous avez devant vous un ministre qui est aussi à l'écoute avec la notion des
projets pilotes.
Je ne veux pas revenir sur ce que vous
avez déjà proposé, mais, dans la documentation que j'ai devant moi, je vois l'angle
de syndrome de dépression post-adoption, comme probablement un des angles que j'ai
vu sur la table, pensez-vous que c'est quelque chose qu'on devrait suivre? Je
ne veux pas commencer à faire la comparaison avec les parents biologiques, mais
j'ai senti dans votre argumentaire que c'est un vrai problème, ça existe, vous
l'avez documenté. Pensez-vous que, si on innove au niveau du régime, d'avoir un
projet pilote qui va venir en soutien à ces parents... et je vais vous dire
pourquoi, et corrigez-moi les collègues, c'est la prof de l'Université de
Sherbrooke qui nous a parlé de huit ans.
Une voix
: ...
M. Derraji : Oui, c'est Mme
Lavallée qui nous a parlé de huit ans de liens qui se développent avec... C'est
Mme Lavallée, hein? Huit ans d'un lien qui se développe avec l'adoption. Donc,
si on prend le <cycle de...
M. Derraji : ...
de
Sherbrooke qui nous a parlé de huit ans.
Une voix
: ...
M. Derraji : Oui, c'est Mme
Lavallée qui nous a parlé de huit ans de liens qui se développent avec... C'est
Mme Lavallée, hein? Huit ans d'un lien qui se développe avec l'adoption. Donc,
si on prend le >cycle de vie, les premières années, ce n'est pas la même
chose qu'avec une famille biologique. Donc, le besoin, c'est au-delà d'avoir
une implication de la cellule familiale, du parent adoptant a et b. Les besoins
seront toujours là, parce que le défi, il est énorme. Est-ce que j'ai bien
cerné la problématique?
Mme Tardif (Marielle) : Oui.
L'attachement est quelque chose qui se construit de jour en jour puis c'est
l'affaire d'une vie à faire. C'est vrai dans le cas des familles biologiques
aussi. Les familles biologiques doivent construire un lien d'attachement aussi
avec leurs enfants, mais les défis sont nettement différents avec les enfants
adoptés. Et puis... J'ai perdu mon idée. Je voulais dire que...
M. Munger (Yannick) : C'est
un défi d'une vie. Les enfants, à huit ans, c'est un certain niveau de défi.
Quand tu réalises... Quand tu arrives à travers l'adolescence...Les enfants
biologiques... sait déjà que l'adolescence est difficile, mais quand tu es
adopté aussi, tu réalises le fait que tu as été abandonné, que ta mère
biologique n'a pas voulu de toi, elle a rejeté sa chair. C'est très difficile à
vivre. Les enfants... beaucoup de tourments. Nous aussi, on se sent coupable,
là-dedans, est-ce qu'on a fait les bonnes choses, est-ce que... ce n'est pas
évident de...
Mme Tardif (Marielle) : Je
voudrais ajouter, là, c'est vrai qu'au niveau... à l'adolescence, c'est
difficile, je suis moi-même enseignante avec des adolescents au secondaire,
puis je n'ai pas fait une étude statistique, mais j'ai eu l'occasion des
croiser des adolescents qui ont été adoptés. Puis, oui, la crise identitaire
est double, dans leur cas, c'est plus difficile, ça devient ardu à gérer, puis
les ressources pour les adolescents sont encore moindres que les ressources
pour les plus jeunes enfants.
Puis je voulais dire aussi qu'une... Je
voulais revenir à votre idée, là, du syndrome de dépression. Une des choses
qu'on observe chez les parents, c'est... Puis ça, on le vit. Moi, je l'ai vécu,
en tout cas, personnellement. Au moment où on a nos enfants, on réalise
concrètement qu'on a perdu, qu'on n'aura jamais une partie de leur vie. Moi, ma
fille, je n'aurai jamais ses premiers pas, je n'aurai jamais ses premiers mots.
Ça, c'est... pour moi, en tout cas, puis, je pense, pour d'autres parents
aussi, on a recueilli certains témoignages, c'est un choc, quand on se rend
compte de ça. Puis on voit les neveux, les nièces, puis là on sait que nos
enfants nous attendent. Le temps passe, puis quand on les a, on est tellement
content de les avoir, mais, en même temps, on réalise qu'on a manqué des
choses. Puis ça, ça reste, c'est... Ça laisse des traces, puis c'est important,
puis ça a un impact sur nous, puis ça a un impact sur eux aussi.
M. Derraji : ...
M. Munger (Yannick) : Dans
mon cas...
M. Derraji : Allez-y. Allez-y.
M. Munger (Yannick) : Dans
mon cas, j'ai... pas que j'ai fait un syndrome post-partum, mais pas loin, tu
sais, il y a eu des épisodes... On a un projet, c'est tout rose, tu sais, on va
adopter un enfant, ça va bien aller. Dans mon cas, c'était plus moi qui étais
l'instigateur du projet, puis j'avais dit à ma conjointe : Tu vas voir, ça
va bien aller, je suis fait fort, tu sais, je vais être là, je vais t'épauler.
Ça ne s'est pas <passé comme ça. Mon gars...
M. Munger (Yannick) :
... post-partum, mais pas loin, tu sais,
il y a eu des épisodes... On a
un projet, c'est tout rose, tu sais, on va adopter un enfant, ça va bien aller.
Dans mon cas, c'était plus moi qui étais l'instigateur du projet, puis j'avais
dit à ma conjointe : Tu vas voir, ça va bien aller, je suis fait fort, tu
sais, je vais être là, je vais t'épauler. Ça ne s'est >passé comme ça.
Mon gars, il ne voulait rien savoir de moi, tu sais. J'étais souvent en train
de pleurer dans la douche en petite boule en disant : Pourquoi il ne
m'aime pas? Tu sais, je fais tout pour lui, tu sais, j'essaie, mais il ne
voulait rien savoir. Tu sais, il était accroché à ma femme. Puis je voulais,
puis, tu sais, plus tu veux, plus tu essaies, puis à moment donné, des fois, tu
essaies trop. Ce n'est pas évident.
Ça fait que, des fois, le projet tout
rose, il n'est pas tout rose puis c'est là que tu te sens un peu démuni. Puis,
encore aujourd'hui, ce n'est pas facile, là. Puis, tu sais, mon enfant, là, il
me dit souvent, là, qu'il me préférerait mort puis qu'il veut se suicider
puis... Ce n'est pas facile. C'est des choses... Puis, il a neuf ans, ce n'est
pas normal qu'un enfant dise ça. Ça fait que, tu sais, il y a des affaires
que... puis, tu as beau en parler, mais, tu sais, il n'y a pas de ressource, ça
fait que ce n'est pas toujours facile.
M. Derraji : Je vous entends.
Merci, et je tiens à vous dire que vous êtes le meilleur porte-parole pour la
cause que vous êtes en train de défendre. Merci de nous sensibiliser par
rapport à votre réalité. Et je réitère ce que le ministre a dit à la fin,
prenez le temps de penser, on a encore le temps d'étudier le projet de loi article
par article, on a encore le temps devant nous, mais pensez à tout ce que vous
avez mis dans votre excellent rapport et, si vous voyez des pistes, que ça soit
via des projets pilotes ou des idées qui peuvent nous inspirer, n'hésitez pas à
nous contacter. Vous avez nos coordonnées. Mais je tiens à vous remercier
encore une fois pour votre présence et la qualité de votre mémoire. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, avec
le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Mme la Présidente,
considérant la grande connaissance sur le sujet de notre collègue de Joliette,
j'aimerais lui céder mon temps de parole.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
La députée de Joliette accepte.
Mme
Hivon
: Oui,
la députée de Joliette accepte, mais la députée de Joliette est très émue après
le témoignage, donc elle va se ressaisir. Bien, écoutez, c'est très gentil,
merci au collègue de sa générosité. Moi, d'abord, je veux vous remercier.
J'aimerais ça pouvoir vous avoir à côté de moi, mais bon, vous êtes dans la
salle à côté. Je veux vous remercier parce que, vous savez, dans la vie, ce n'est
pas tout le monde qui a la chance de changer les choses, pas juste pour eux,
mais pour beaucoup de gens. Et, par votre mobilisation, par votre combat que
vous menez depuis maintenant plus de 15 ans, par l'énergie que vous avez
déployée malgré les difficultés et les souffrances, et votre réalité
quotidienne qui est loin d'être simple avec les défis que vous nous avez
esquissés, j'espère que vous réalisez à quel point vous avez été essentiels
dans l'évolution de la pensée du ministre. Je pense qu'il vous l'a dit, mais il
me l'a dit aussi. Et je pense que c'est rapide, on a <rapidement vu...
Mme
Hivon
:
...
et votre réalité quotidienne qui est loin d'être simple avec les
défis que vous nous avez esquissés, j'espère que vous réalisez à quel point
vous avez été essentiels dans l'évolution de la pensée du ministre. Je pense
qu'il vous l'a dit, mais il me l'a dit aussi. Et je pense que c'est rapide, on
a >rapidement vu à quel point, quand le ministre parle de la réalisation
d'un consensus social, c'est parce que, comme mon collègue vient de le dire,
vous êtes les meilleurs porte-parole. Et rapidement, quand vous avez pris la
parole à la suite de la présentation du projet de loi en expliquant c'est quoi
la réalité de l'adoption, c'est quoi la réalité d'un enfant adopté qui arrive
parachuté avec des gens qu'il n'a jamais vus, qu'il n'a jamais entendus, qui
souvent ne parle pas la même langue que lui, autant pour les parents que les
enfants, je pense que votre cri du coeur puis votre description des choses
étaient tellement humaine, tellement vraie que ça a touché le coeur de tous les
Québécois.
Et c'est ce qui fait que le gouvernement
et le ministre ont eu une très belle écoute et ont évolué, je crois. Donc, je
veux vous le dire parce que ce n'est pas tout le monde qui a cette chance-là
puis je le sais que ça fait tellement longtemps que la fédération se bat. Donc,
j'espère que vous savourez tout le chemin que vous permettez au Québec en
général, et aux parents adoptants, et aux enfants adoptés en particulier de
réaliser aujourd'hui.
• (16 h 10) •
Puis aujourd'hui je suis contente de vous
entendre, je vais avoir des questions plus précises sur le régime, vraiment,
là, d'adoption. Mais je pense que c'est vraiment précieux de vous entendre.
Vous auriez pu dire : Bien là, on a gagné l'essentiel de ce qu'on a
demandé, est-ce qu'on va y aller? Moi, je trouve que c'est très important qu'on
vous entende parce que... J'en parlais, on a eu une présentation de la CSN la
semaine dernière où ils nous faisaient référence à certaines notions d'équité.
Et puis je disais que peut-être que, si on entendait plus parler d'adoption, on
serait plus au fait de la nécessité de cette équité-là, de cette égalité de
traitement là, parce qu'avec plus de 80 000 naissances par année puis
quelques centaines d'adoptions, c'est sûr que les gens ont une bien meilleure
connaissance de ce qu'est la réalité d'une naissance et d'une arrivée
biologique versus celle d'une adoption. Puis aujourd'hui vous permettez encore
une fois de démystifier ça, donc je veux vous en remercier.
Deux éléments. La question de l'entrée en
vigueur, le ministre a terminé là-dessus. Vous n'avez pas eu le temps de
répondre, c'est un classique dans notre univers. Des fois, on pose des questions,
on n'a pas le temps d'entendre les réponses. Je suis sûre que les témoins
trouvent ça complètement fou, mais c'est comme ça que ça marche. Alors, je
voudrais vous entendre là-dessus, quand vous avez parlé, là, rapidement, de
l'importance de l'entrée en vigueur, je veux saisir ce que vous vouliez dire.
Et l'autre élément, c'est la question des
semaines partageables. Ce matin, on a eu une proposition qui est venue dire qu'on
devrait augmenter le nombre dédié de semaines, mettons 10 à la mère, 10 au
père, au lieu du 5-5 exclusif aujourd'hui, donc 10-10. Je voulais voir comment
vous réagissiez par rapport à ça.
Mme Tardif (Marielle) :
...répondre sur le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième?
Ça va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je <pense que...
Mme
Hivon
:
... au lieu du 5-5 exclusif
aujourd'hui, donc 10-10. Je voulais voir
comment vous réagissiez
par rapport à ça.
Mme Tardif (Marielle) :
...répondre sur le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième?
Ça va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je >pense que ce serait important
que ça soit fait le plus tôt possible pour deux raisons. Premièrement, parce
qu'il est reconnu maintenant officiellement que le régime fait preuve d'iniquité
envers les familles adoptantes puis spécifiquement les enfants adoptés. Donc,
je pense qu'il est urgent de corriger cette injustice-là.
Puis la deuxième raison, c'est que ça
presse. Ça presse. Les familles ont besoin de temps maintenant. Les projets en
cours puis les projets à venir ont besoin de beaucoup de temps. On l'a dit dans
notre présentation, encore plus en temps de pandémie, ici comme ailleurs, les
projets d'adoption deviennent vraiment plus compliqués. C'est vraiment plus
long, les délais, et les enfants vieillissent pendant ce temps-là. Les besoins
augmentent. Donc, quand ils vont arriver dans leur famille, ça va être encore
plus important d'avoir le temps pour bien les accueillir.
M. Munger (Yannick) : J'ai
une image. Il y a environ 400 adoptions par année, on va dire, un enfant
par jour se fait adopter. On a... l'Assemblée nationale a déclaré, a voté à
l'unanimité, le 3 décembre dernier, ça fait presque... ça fait
10 mois, plus que 10 mois : C'est inéquitable, c'est injuste
envers les enfants adoptés.
Depuis ce temps-là, il y a eu des projets,
des amendements, etc. Malheureusement, la pandémie a fait reculer les choses.
On ne peut rien y faire. Mais, pendant ce temps-là, le toit coule. Le toit
coule, puis on a dit qu'on allait le réparer le 1er janvier. Le toit
coule. Il mouille dehors. On peut-tu faire une exception puis mettre la patch
immédiatement pour permettre à ces enfants-là... Il y a un enfant par jour,
d'ici Noël, là, qui va se faire adopter. Il y a une centaine d'enfants. Si on
se tient au 1er janvier, il y a une centaine d'enfants encore qui n'auront
pas le droit de bénéficier de ce 18 semaines de... C'est quatre mois de
plus. Pourquoi ces 100 enfants-là n'auraient pas le droit?
Donc, on demande au gouvernement de faire
preuve de flexibilité. On l'a vu, avec la pandémie, là, la machine gouvernementale
s'est mise en télétravail comme ça. Personne n'aurait jamais cru être capable. Tout
le monde l'a fait. Le marché du travail, le privé, le gouvernement l'a réussi.
Mettre en branle un projet sur une disposition précise, on espère que le gouvernement
va être sensible à notre proposition...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Munger (Yannick) : ...et
on l'a vu dans le passé, avec certains projets de loi, que c'était possible.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Alors, merci,
Mme Tardif et M. Munger, pour votre excellente contribution à la
commission.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants, le temps de donner la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 26)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons... Ah! alors, nous poursuivons. Maintenant, nous
recevons le groupe Réseau pour un Québec Famille, mais moi, je ne vois pas
que... Alors, bonjour. Nous continuons. Nous recevons le groupe Réseau pour un
Québec Famille avec Mme Rhéaume et Mme Landry. Alors,
Mme Rhéaume, Mme Landry vous êtes bien là, parce qu'elles sont dans
l'autre salle, vous êtes là?
Mme Landry (Amélie) : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, avant, vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes. Vous devez
respecter le temps. Avant de commencer votre exposé, je vous demanderais de
bien vous présenter chacune. Merci.
Mme Rhéaume (Marie) : Marie
Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille. Alors, quelques
mots sur le réseau qui est un regroupement du secteur famille qui réunit 20 des
principales organisations nationales, soucieuses de la situation des familles
québécoises et qui <proviennent...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
... Merci.
Mme Rhéaume (Marie) : Marie
Rhéaume, directrice générale du
Réseau pour un Québec Famille. Alors,
quelques mots sur le réseau qui est un regroupement du secteur famille qui
réunit 20 des principales organisations nationales, soucieuses de la situation
des familles québécoises et qui >proviennent du milieu communautaire,
municipal, éducation, santé et services sociaux, syndicats. Nos membres
représentent plus de 4 000 organisations présentes dans toutes les
régions du Québec. Et aujourd'hui je suis accompagnée d'Amélie Landry qui est
du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec. Le réseau se veut un
lieu privilégié d'échange et de concertation, et on tente de rehausser la
cohésion de l'écosystème famille et resserrer les mailles du filet de
protection que les organismes membres tissent autour des familles québécoises.
Pour nous, le Régime québécois d'assurance
parentale, avec les services de garde éducatifs à l'enfance, c'est une des
pierres d'assise de la politique familiale québécoise. Depuis son introduction
en 2006, ce dispositif-là a eu un impact majeur sur la vie des familles
québécoises. Il va avoir favorisé une certaine progression de l'équité quant au
développement de la carrière des deux parents en permettant à des milliers de
femmes de participer au marché du travail tout en fondant une famille et à des
milliers d'hommes de s'engager davantage auprès de leur nouveau-né pour assurer
un engagement pérenne de leur part. On sait que ça, c'était un des principaux
objectifs, aussi un des objectifs importants, là, du régime. Aujourd'hui, on
pense que le régime peut consolider cet avancement-là en favorisant un meilleur
partage des responsabilités familiales, notez bien que je vais parler de
responsabilités familiales et non pas de tâches. Pour moi, c'est deux choses
bien différentes. De façon générale, les modifications proposées dans le
projet de loi constituent des propositions bien orientées, sans toutefois
répondre précisément aux préoccupations des familles pour faire face aux défis
actuels. Il est désormais souhaitable que cette réforme-là rende maintenant
possible une nouvelle avancée et vise l'avènement d'une coparentalité où la
responsabilité est véritablement partagée entre les deux parents.
On pense aussi que c'est le bon moment de
le faire parce que la pandémie a fait ressortir les difficultés, entre autres,
et l'inégalité qui persiste entre les hommes et les femmes, a démontré que ça
avait des conséquences plus lourdes pour certaines personnes, en particulier
les femmes. Il s'agit là d'une illustration concrète qui témoigne de l'importance
d'agir sur les conditions qui influencent le partage des responsabilités
familiales entre les hommes et les femmes. Ainsi, le contexte doit plutôt être
vu comme un moment charnière où réfléchir aux effets tangibles des politiques
publiques, comme le Régime québécois d'assurance parentale, sur un ensemble de
normes sociales concernant notamment le travail, l'organisation de la vie
familiale et l'égalité entre les hommes et les femmes.
• (16 h 30) •
Au niveau du changement des normes
sociales, on sait que les normes sociales, ça tient à... la force des normes
sociales tient à leur intégration...
16 h 30 (version révisée)
Mme Rhéaume (Marie) : ...québécois
d'assurance parentale sur un ensemble de normes sociales concernant notamment
le travail, l'organisation de la vie familiale et l'égalité entre les hommes et
les femmes.
Au niveau du changement des normes
sociales, on sait que, les normes sociales, ça tient à... la force des normes
sociales tient à leur intégration dans un ensemble socioculturel et repose
notamment sur des valeurs. Plus ces valeurs ont une importance dans la société,
plus les normes qui en découlent ont de bonnes chances de s'imposer. Ainsi, les
changements aux normes surviennent généralement lorsque ces valeurs évoluent ou
se renouvellent.
Dans le cas du partage des responsabilités
familiales ou de la charge mentale, la principale valeur en cause est celle de
l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'angle des rapports intimes
qu'ils établissent entre eux au sein d'une même unité familiale. Or, à
l'échelle des comportements individuels, changer une norme nécessite surtout
qu'on s'intéresse aux freins qui rendent le changement plus difficile.
Ainsi, en reconnaissant que l'un des objectifs
principaux que doit sous-tendre la réforme du Régime québécois d'assurance
parentale est de permettre un partage plus égalitaire des responsabilités
familiales, il faut comprendre les dynamiques qui créent un débalancement en
défaveur des mères, identifier les facteurs qui empêchent un partage plus
équitable, s'assurer que les mesures mises en place dans le régime puissent
avoir un effet réel sur ces dynamiques et ces facteurs.
La période du congé parental,
particulièrement le premier, a un aspect déterminant sur la façon dont vont
s'installer les habitudes qui conditionneront le partage des responsabilités
entre les pères et les mères tout au long de leur parcours. On sait qu'actuellement
les mères prennent la plus grande partie du congé. Les pères, eux, vont prendre
en moyenne cinq semaines. On sait quand même qu'il y a 80 % des pères
admissibles qui prennent les cinq semaines de congé. Puis il y a une beaucoup
plus faible proportion, soit moins de 30 %, qui partagent les semaines de
congé parental avec la mère.
Le scénario typique, c'est toujours le
même, les mères et les pères vont passer les... c'est souvent le même, les
mères, les pères vont passer les cinq premières semaines qui suivent
l'accouchement à prendre soin du nouveau-né. Ils s'adaptent à leur nouveau rôle
de parent. Après, le père va retourner sur le marché du travail. C'est là que
la vraie vie de famille débute, ce qui cause aussi un choc.
La dynamique devient alors tout autre. La
mère passe la plupart de son temps avec l'enfant et, par le fait même, va se
retrouver souvent en charge de la maisonnée. Elle va développer intensivement
ses habiletés parentales, son lien avec le bébé. Le père qui est absent pendant
de longues heures risque de se sentir moins habile, moins compétent. L'écart
entre la mère et le père se creuse rapidement. Puis, ce dernier va finir pas
considérer sa conjointe comme le parent spécialiste, et lui, comme le parent
secondaire. Comme, en plus, l'arrivée d'un premier enfant se situe généralement
en début de carrière, l'écart entre les deux va se creuser, puis ça peut avoir
un impact, là, sur l'écart salarial.
Pour arriver à un partage plus équitable,
il nous apparaît important de pouvoir agir sur les facteurs qui limitent ce <partage,
à savoir...
Mme Rhéaume (Marie) : ...
d'un premier enfant se situe généralement en début de carrière, l'écart entre
les deux va se creuser, puis ça peut avoir un impact, là, sur l'écart salarial.
Pour arriver à un partage plus
équitable, il nous apparaît important de pouvoir agir sur les facteurs qui
limitent ce >partage, à savoir, l'ouverture des milieux de travail, les
impératifs économiques des ménages puis les besoins des parents.
En ce qui concerne dans... au niveau de l'ouverture
des milieux de travail, on sait que les milieux ont des réserves au fait que
les pères prennent plus que leurs cinq semaines. On sait que ça fait partie des
difficultés qu'il y a à surmonter. Souvent, on va s'attendre à ce que ce soit
la mère qui prenne la plus grande part du congé. S'il faut se féliciter de
l'intention derrière la proposition d'ajout de quatre semaines de congé,
advenant que le père prenne au moins 10 semaines des 32, il faut reconnaître
que cette mesure risque peu d'influencer la norme en vigueur. À notre avis,
seul l'allongement du congé réservé au père est susceptible d'avoir un effet
tangible et rapide sur cette norme.
Nous, on a lancé des travaux avec le
sceau... un sceau de reconnaissance pour les meilleures pratiques pour tenter
de faire avancer les choses puis on sait que ça demande encore beaucoup de
travail. Les impératifs économiques des ménages, bien, l'impact économique du
congé parental est aussi déterminant dans le choix. On sait que le calcul se
fait souvent rapidement, en favorisant que la mère prenne la plus longue partie
du congé parce qu'il y a une moins grande perte de revenus au niveau du... de
l'ensemble de la famille. Donc, on estime que ça, ça devrait être corrigé, puis
ça pourrait être évité si les prestations du RQAP étaient basées sur le revenu
familial, plutôt que le revenu personnel du travailleur. Ça représente
certainement un défi comptable, mais l'idée, selon nous, mérite d'être
examinée.
Je passerais la parole à Amélie,
maintenant, pour terminer.
Mme Landry (Amélie) : Nous
allons explorer maintenant les besoins des parents. Pour mieux répondre aux
besoins des parents, le régime doit leur permettre de bénéficier d'un congé au
moment où les besoins sont les plus importants. Si les semaines autour de la
naissance sont un moment crucial et de grande vulnérabilité qu'il y a de
devenir parents, il convient de s'interroger sur les moyens qui pourraient être
mis en oeuvre pour inciter les couples à étirer ce partage au-delà des
premières semaines. Sachant que 10 % à 20 % des femmes vivent de la
dépression postnatale suivant les mois après la naissance, et que 10 % des
pères vivent aussi une dépression postnatale, les nouveaux parents ne vivent
pas toutes les mêmes expériences, et au même moment.
Il y a également la période qui entoure le
retour au travail de la mère, vers, souvent, à un an, qui est une période
critique, où la famille vivra aussi une autre adaptation importante. Enfin, il
y a la première année de fréquentation à la garderie, au cours de laquelle
l'enfant construit son système immunitaire, qui forcera néanmoins ses parents à
s'absenter du travail régulièrement. Selon les données de l'Institut de la
statistique du Québec, pendant la première année de fréquentation de garderie
d'un enfant, les mères s'absenteront du travail, en moyenne, 16 jours, et les
pères, 11 jours. À supposer qu'ils prennent ces congés en alternance, cela ne
représente pas <moins de 27 jours...
Mme Landry (Amélie) : ...
qui forcera néanmoins ses parents à s'absenter du travail régulièrement. Selon
les données de l'Institut de la statistique du Québec, pendant la première
année de fréquentation de garderie d'un enfant, les mères s'absenteront du
travail, en moyenne, 16 jours, et les pères, 11 jours. À supposer qu'ils
prennent ces congés en alternance, cela ne représente pas >moins de 27
jours d'absence liés aux maladies de l'enfant pendant une seule année. Nous
saluons donc la proposition de permettre d'étaler la prise du congé parental
sur 18 mois plutôt que sur 12 mois. À notre avis, il aurait été plus avantageux
pour les familles de pouvoir bénéficier d'une banque de congés applicables à la
deuxième année de vie de l'enfant sans amputer le congé de base.
Enfin, outre le congé, la première année
de vie de l'enfant est une période pendant laquelle les parents apprennent leur
rôle parental, développent leur habileté et leur confiance et solidifient leur
lien d'attachement avec leur enfant. Il est largement démontré que les parents
qui bénéficient d'accompagnement et de services pendant cette période vivent
des transitions plus harmonieuses et expérimentent une plus grande satisfaction
parentale. On parle ici, par exemple, de services de relevailles, d'atelier pour
développer leur habileté, de l'accompagnement, du soutien pour favoriser leur
lien d'attachement envers leur enfant, ce qui est un facteur fort important
dans le développement de nouveaux enfants, et ce, pour les parents biologiques
ou non. Afin de bien répondre aux besoins des parents et d'atteindre les
objectifs sociaux qu'il sous-tend, il serait intéressant d'ajouter au RQAP des
mécanismes pour faciliter l'accès à de tels services.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est donc tout pour votre exposé. Merci beaucoup. Alors, nous
commençons la période d'échange. Nous commençons avec le ministre, vous
disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci au Réseau pour un Québec Famille, Marie, Amélie, belle
présentation, des recommandations bien formulées, des aspects sociétaux qui
sont intéressants, notamment quand on parle de l'évolution des valeurs et
l'adaptation du cadre normatif. Moi, j'ai l'impression qu'on vit quand même un
moment important du casse-tête de la politique familiale au Québec. Je pense
qu'il y a des normes qui peuvent contribuer à l'évolution de certaines valeurs
sociales. Pour être plus clair, avoir un incitatif pour le père, pour
l'encourager à s'investir un peu plus dans la sphère familiale, devrait
normalement contribuer à la coparentalité et du moins avoir un effet positif,
même si à un moment donné j'ai entendu une de vous deux dire qu'on n'était pas
certains de l'impact que ça pouvait avoir. Mais la réalité actuelle n'est
peut-être pas la plus souhaitable au plan social, parce que les pères prennent
le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé parental. Puis, quand
vous référez à une espèce de dichotomie, un parent qui devient spécialiste,
généralement la mère, puis l'autre qui devient secondaire, généralement le
père, on le <vit souvent...
M. Boulet : ...
parce
que les pères prennent le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé
parental. Puis, quand vous référez à une espèce de dichotomie, un parent qui
devient spécialiste, généralement la mère, puis l'autre qui devient secondaire,
généralement le père, on le >vit souvent. Puis il y a beaucoup de jeunes
mères qui m'ont témoigné de cette réalité-là, là, où le père n'est pas là, ou,
quand il est là, il le fait quand la mère est là, il ne veut pas s'occuper des
tâches plus fondamentalement familiales.
• (16 h 40) •
Cependant, j'entends, puis vous n'êtes pas
les seuls à le dire, vous doutez un peu de l'impact de cet incitatif-là, pour
demander que le congé de paternité soit augmenté. Et ce que je disais, ce
matin, c'est qu'aller dans cette direction-là, je pense que ça pourrait
contribuer à cristalliser davantage la perception que les prestations
parentales partageables appartiennent prioritairement aux mères puis que lui a
son congé de paternité qu'il prend de façon un peu parallèle. Parce qu'il y a beaucoup
d'études qui démontrent que les pères désireux d'utiliser les prestations
partageables, les partageables parentales, ont l'impression qu'ils en privent
la mère, que ça se fait au détriment de la mère. Puis ce que je sens le besoin
de réexprimer, c'est que l'approche qu'on a adoptée vise à susciter d'abord des
discussions, un dialogue entre le parent a puis le parent b pour partager les
prestations parentales et changer la perception à l'effet qu'elles
appartiennent prioritairement à la mère. Puis je pense sincèrement qu'une
incitation comme celle-là va légitimer davantage la prise de congé partageable
par les pères.
Notamment ceux, puis vous en faisiez
référence, qui sont dans des secteurs d'activité économique où il y a moins
d'ouverture. Parce qu'un des facteurs que vous identifiez comme limitant le
partage, c'est le milieu de travail. Puis je sais qu'il y a des secteurs
d'activité économique qui sont plus réfractaires. On le sent. Il y a des pères
qui m'ont dit : Moi, Jean, je ne sens pas d'ouverture. Et il y a encore
des milieux, au Québec, où même le congé de paternité... Il y a des jeunes
pères qui prennent des vacances au lieu de prendre le congé de paternité, puis
il y en a... Maintenant, vous allez me dire, c'est beaucoup plus accepté dans les
milieux de travail, le congé de paternité, mais là on monte une autre marche de
l'escalier quand il faut faire l'effort de dire : Je vais partager. Je
vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du travail à faire au
Québec. Ça fait que je pense que la mesure qui est dans le projet de loi n° 51 <va nous aider à...
M. Boulet : ...
là on
monte une autre marche de l'escalier quand il faut faire l'effort de dire :
Je vais partager. Je vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du
travail à faire au Québec. Ça fait que je pense que la mesure qui est dans le
projet de loi
n°
51 >va nous
aider à légitimer ou à donner un argument additionnel aux jeunes pères qui sont
dans des secteurs plus réfractaires à la prise des congés partageables, et je
pense que ça va avoir un effet — dernier point, puis après ça je vais
vous laisser me commenter — mais un effet positif aussi pour les
mères, parce qu'il y a des mères qui veulent revenir au travail, il y a des
mères qui sont dans leur congé, puis ça, beaucoup — puis j'aimerais,
ça aussi, vous entendre — qui souhaitent retourner au travail et,
implicitement ou explicitement, souhaitent l'investissement du père dans la
sphère familiale, là, ce que je répète souvent, et donc l'incitatif va avoir
cet effet secondaire là de dire aux mères : Vous pouvez plus facilement...
Après avoir dialogué, après avoir convenu d'un partage minimal de 10 semaines
chacun, on va bénéficier d'un encouragement additionnel, c'est-à-dire le quatre
semaines partageable. Donc, les mères vont être beaucoup plus à l'aise de
revenir au travail. Donc, je parle longtemps, mais j'aimerais vous entendre,
là, sur mes commentaires.
Mme Rhéaume (Marie) : Je pense
que l'idée de susciter les discussions est intéressante, parce qu'actuellement
on sait que ce n'est pas tout à fait ça qui se passe. Les couples, tu sais,
c'est comme si ça allait de soi, comme si c'était le congé de la mère, que ça
allait de soi, puis que d'amputer des semaines, c'est vraiment nuire à la
relation entre les deux. Toutefois, je pense que c'est quand même un gros
changement à opérer. Quand on a mis les cinq semaines pour les pères seulement,
on a vu que les pères ont commencé à prendre le congé, c'est même à 80 %,
ce qui est une grande réussite. On sait que dans le restant du Canada, ils sont
à 20 % à peu près de pères qui prennent le congé. Donc, il y a vraiment
une différence importante. Selon nous, un des pas qu'il reste à franchir, c'est
toute la question du partage de la responsabilité familiale. Quand je dis ça,
ce n'est pas juste les tâches, ce n'est pas juste... c'est que chacun soit
capable de faire sa partie du travail. Si on a comme un parent qui est le
parent spécialiste, là, parce qu'il a pu développer ça, c'est probablement
facile après ça de... Tu sais, ça va de soi de se reposer sur la personne, puis
là on a beaucoup entendu parler de la <charge mentale, et...
Mme Rhéaume (Marie) : ...
du travail. Si on a comme un parent qui est le parent spécialiste, là, parce
qu'il a pu développer ça, c'est probablement facile après ça de... Tu sais, ça
va de soi de se reposer sur la personne, puis là on a beaucoup entendu parler
de la >charge mentale et ça se comprend parce qu'on sait que le Québec
est aussi l'endroit au monde où on a le plus haut taux d'activité des mères de
jeunes enfants. Donc, c'est un peu normal qu'il y ait de la tension de ce
côté-là, sauf que les habitudes qu'on prend au début, au premier congé
parental, ces habitudes-là, c'est des habitudes qui vont être là pour la vie
puis ça va être difficile à faire changer. Puis souvent, là, qu'est-ce qui
faire que ça change, c'est parce qu'il y a une séparation.
Donc, à partir du moment où les gens sont
en garde partagée, là, tout d'un coup... Tu sais, on a entendu beaucoup de
femmes dire : Ouf, j'ai une semaine où je peux travailler à fond, où je
peux faire toutes mes choses, puis c'est l'autre parent qui s'en occupe. Mais
ces parents-là sont séparés, là. Donc, on ne pense pas que ce soit quelque
chose à viser.
J'ai fait un test avec deux de mes
employés qui ont des jeunes enfants puis qui se sont retrouvés en télétravail
pendant... qui se sont retrouvés en télétravail pendant le confinement avec
enfants à la maison. Et je leur ai demandé : Est-ce que ça a changé
quelque chose dans le fonctionnement de votre famille? Ils m'ont regardé avec
un petit sourire en coin en disant : Bien, oui, un petit peu. C'est sûr
qu'ils sont très actifs, mais il faut toujours que je dise quoi faire. Tu sais,
j'ai une réunion qui se prolonge, je termine à 12 h 30, il n'y a rien
sur la table, il n'y a rien qui a été amorcé. C'est des réflexes de cet
ordre-là qu'il faut comme entraîner, puis ça, ça devrait pouvoir se faire.
Si les hommes avaient... si les pères
avaient une partie du temps qui était passé de manière seule avec les enfants
au lieu que les parents s'arrangent pour passer ce temps-là ensemble parce que
c'est vu comme du temps de vacances, on comprend, les nouveaux parents sont
souvent essoufflés pour faire face à leur nouveau rôle, donc on peut comprendre
que... Donc, c'est à ça, je pense, qu'il faut s'attaquer. On pense que la
mesure est intéressante, mais là, pour le moment, ça touche seulement qu'une
petite partie des parents puis c'est les plus progressistes.
Donc, est-ce que la mesure est... c'est ça
qu'on se demande, est-ce que la mesure est suffisante? Est-ce que la mesure est
suffisante pour faire un peu le changement de normes, comme ça a été le cas
quand on a mis en place le congé réservé aux pères?
M. Boulet : C'est une bonne
réponse, mais ça rejoint ce que je disais au départ. Il faut que le cadre
normatif contribue à l'avancement, à augmenter le nombre de ce que vous
appelez, Marie, de familles progressistes. Il y en a ici, dans la salle et <on
en connaît tous...
M. Boulet : ...
rejoint ce que je disais au départ. Il faut que le cadre normatif contribue à
l'avancement, à augmenter le nombre de ce que vous appelez, Marie, de familles
progressistes. Il y en a ici, dans la salle et >on en connaît tous, il faut
qu'il y en ait de plus en plus au Québec.
Je ne peux pas m'empêcher de parler du
télétravail. Je ne sais pas s'il y a des statistiques, Marie ou Amélie, tu
sais, moi, on me dit : Il y a beaucoup de mères qui ont fait du
télétravail à la maison puis il y a beaucoup de pères qui ont fait du
télétravail à l'extérieur, ce qui a contribué au maintien de comportements qui
sont un peu plus conservateurs.
Mais je lisais une étude aussi qui disait
que les mères qui font du télétravail sont celles qui ont fait le plus de temps
supplémentaire non rémunéré, parce qu'elles s'occupent des tâches domestiques
en plus des enfants, les tâches familiales, et elles bénéficient d'un horaire
de travail flexible, mais elles étirent, elles étirent, ça fait qu'elles se...
Puis l'horaire de travail est le même, qu'on soit en milieu syndiqué ou non, c'est
l'horaire de travail usuel, mais elles débordent pour tout finir, ça fait
qu'elles font du temps supplémentaire qui est non rémunéré. Aviez-vous un commentaire,
Marie, Amélie, je vous voyais hocher de la tête.
• (16 h 50) •
Mme Rhéaume (Marie) : En tout
cas, ce qu'on entend, là, dans nos environnements... On est le 26 septembre,
puis les gens se sentent comme si on était juste avant Noël. Donc, on peut
penser qu'on va avoir un automne... on va avoir un automne difficile, puis c'est
beaucoup les femmes qui expriment ça, qui ont eu la double tâche. On entend les
mères dire : Ah! Ça ne me tente pas de voir mes enfants revenir à la
maison pendant qu'il faut que je continue de livrer. C'est extrêmement
exigeant. J'ai même vu, dans des familles où le père était dans le sous-sol
pendant que la mère était en haut avec les enfants. Ce n'était pas partagé, là,
tu sais, c'est ça quand on dit de... ce n'est pas juste le partage des tâches,
c'est le partage de la responsabilité, ce n'est pas... on ne parle pas de la
même chose. Donc, pour entraîner ce changement de paradigmes pour amener les
hommes sur la voie de l'autonomie parentale, bien je pense qu'il y a comme un
petit effort supplémentaire à faire. Mais... C'est ça. Je ne sais pas, Amélie.
M. Boulet : Oui...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste trois minutes à l'échange.
M. Boulet : Qu'est-ce que vous
pensez de... Tu sais, je voyais que dans certains pays, on dit : Les deux parents
ne peuvent pas prendre un certain nombre de semaines en même temps, justement
pour une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure assumation des
charges familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là, au Québec, selon
vous?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui. Ça
va être court. <Je veux dire...
M. Boulet : ...
justement pour une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure
assumation des charges familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là, au
Québec, selon vous?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
Ça va être court. >Je veux dire, c'est comme... C'est les femmes qui
font les frais actuellement de la conciliation famille-travail. Elles font les
frais puis elles font les frais de ça toute leur vie, parce que, comme on a
dit, quand ce n'est pas partagé, quand l'autre n'est pas conscient... Les deux
filles, qu'est-ce qu'ils m'ont dit, c'est : Ils sont un peu plus
conscients de tout ce que ça représente de gérer une maisonnée. Ça, ça a été
appris pendant la pandémie, mais pas au point de développer les réflexes, là,
qui font que tu es en retard pour dîner, bien, les enfants sont capables de
dîner quand même, là. Donc, oui, il faut qu'on passe à l'étape supérieure pour
ne pas que ça soit juste les femmes.
M. Boulet : Mais, Marie, je ne
vous demande pas de me donner une réponse en fonction de ce que vous souhaitez,
mais est-ce qu'au Québec... est-ce qu'il y aurait une forme de consensus social
sur ce sujet-là, donc qu'un certain nombre de semaines doivent être prises par
le père, par exemple?
Mme Rhéaume (Marie) : Veux-tu
y aller?
Mme Landry (Amélie) : Je
ferais du pouce, oui, sur votre question, en fait, bien, je travaille en
périnatalité, je dirais que ça commence très tôt, au-delà de partager des
semaines, c'est d'engager le père dès la grossesse et dès la naissance de
l'enfant. Quand on pense, les mères vont être les premières à aller au
rendez-vous médical, parce qu'elles sont en congé de maternité, papa est
retourné au travail, c'est elles qui vont faire les premiers vaccins, qui vont
faire les premiers rendez-vous. Donc, ça devient un peu une routine où est-ce
que c'est normal, maman va le faire.
Donc, je pense qu'il y a un partage de
tâches obligatoires, ça permettrait peut-être aux pères de s'impliquer davantage.
Mais, je vous dirais, ça commence le processus, dès le début, et c'est ça que,
des fois, on tente d'oublier, puis on l'entend beaucoup, moi, dans mon milieu,
où est-ce que, même dans les rendez-vous, cours prénataux, rendez-vous
médicaux, ils s'adressent à la femme, à la femme, à la maman, les documents à
la maman. Mais le papa, il devient un papa, ça fait qu'il faut y laisser sa
place, il faut lui laisser prendre sa place, mais il faut changer plein de
mesures incitatives dès le départ.
Ça fait que, oui, on pourrait augmenter
des semaines, oui, on pourrait changer la modification de la loi pour favoriser
plus de temps, mais c'est dès le départ, moi... il reste que c'est vraiment dès
le départ, dès que le papa devient un parent et pas lorsque ça fait quelques
semaines ou quelques mois.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'intervention. Alors, merci, M. le ministre. C'est tout ce que nous
avions comme temps.
M. Boulet : ...merci à Amélie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous allons avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le
député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je vais aller dans le même sens où le ministre s'est arrêté, parce
que je trouve que vous avez commencé et il a commencé un bon débat, et vous
avez dit... j'ai noté, le changement de norme, donc on parle de norme, moi, ça
m'interpelle, tout ce qui est norme, d'une norme sociétale. Le ministre vous a
posé la question : Est-ce que nous sommes rendus là où probablement on
doit imposer — je mets, entre guillemets, imposer — que le
papa prend des <congés séparés...
M. Derraji : ... j'ai noté,
le changement de norme, donc on parle de norme, moi, ça m'interpelle, tout ce
qui est norme, d'une norme sociétale. Le ministre vous a posé la
question :
Est-ce que nous sommes rendus là où
probablement on doit imposer
— je
mets,
entre guillemets, imposer
— que le papa prend des
>congés séparés, le père de la mère? Est-ce que, selon vous, c'est une
bonne mesure pour avoir une implication du père? Je vous ai entendu parler
qu'on doit l'impliquer même avant. Je ne sais pas si ma femme est en train de
voir la commission, pas sûr, elle est en télétravail, mais on a eu ces genres
de discussions d'aller dans ces rendez-vous. Mais parfois, ce n'est pas parce
que je ne veux pas aller à ces rendez-vous, ça n'adonne pas que le temps
m'aide. Mais j'aimerais bien vous entendre par rapport à cette question de
normes parce que cette réponse va nous aider dans la suite des choses.
Mme Rhéaume (Marie) : Je pense
qu'il y a 20 ans, là, ou au-dessus de 20 ans, quand le Régime québécois
d'assurance parentale a été pensé, la question des cinq semaines réservées au
père, c'était comme... c'était tout un débat : Est-ce que les gens sont
prêts? Mais finalement, les gens ont répondu... les gens ont répondu tout de
suite, parce qu'ils ont vu les avantages. C'était... en tout cas, je pense que
tout le monde a été un peu surpris de voir à quel point c'est venu rapidement.
Mais si... tu sais, je pense que dans
l'état actuel de la situation par rapport au télétravail... dans l'état actuel
par rapport au télétravail, peut-être qu'ils ne le savent pas que c'est un
élément de réponse, parce que s'ils le savaient, peut-être que... Les nouveaux
parents peut-être ne savent pas que c'est un élément de réponse dans le
meilleur fonctionnement pour la suite des choses. Mais tu sais, nous, on sait
que finalement, plus les deux parents... mieux les deux parents sont engagés
ensemble pour la famille, mieux ça fonctionne, mieux ça va puis c'est mieux
pour le télétravail aussi.
M. Derraji : Justement là où
je cherche une réponse de votre part, parce que probablement que les cinq
semaines ont déjà contribué à avoir des impacts positifs. Mais nous sommes
ailleurs. Nous sommes en 2020 et nous sommes en train de préparer une loi qui
va nous guider pour les prochaines années.
La question qu'on a sur la table
présentement : Comment avoir plus d'implication du père? Vous avez votre
point de vue de l'impliquer même avant, mais est-ce que l'idée de séparer les
congés, selon vous, est une bonne option, que le père prend un congé séparé de
la mère? Est-ce que ça va l'impliquer davantage? Si c'est oui, selon vous, c'est
quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du temps avec son fils
ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à ce travail aussi?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, au
moins trois semaines, là. Idéalement, peut-être <cinq semaines...
M. Derraji : ...
selon vous, c'est quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du
temps avec son fils ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à
ce travail aussi?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien,
au moins trois semaines, là. Idéalement, peut-être >cinq semaines.
M. Derraji : O.K. J'entends
trois, quatre... entre trois et cinq semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : Que pensez-vous
du partageable, donc les 10 semaines partagées, et que la femme renonce à ces
10 semaines pour avoir quatre semaines de plus?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je
pense que, quand le parent est dans la situation, peut-être qu'il ne voit pas
les avantages qu'il y a à tirer du fait que l'autre parent soit à la maison
avec l'enfant, là. Tu sais, on peut dire : Ah oui! j'ai une perte. Mais
cette perte-là, elle va être contrebalancée par un gain dans les années qui
vont suivre à cause de l'implication accrue de l'autre parent, qui va mieux
comprendre tout ce qu'il y a à faire pour soutenir le développement de la famille,
là.
M. Derraji : Vous, vous voyez
d'un bon oeil le fait que la maman renonce à ces 10 semaines partageables pour
avoir quatre semaines d'implication du papa?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K. Je vous ai
entendue parler de la banque de congés pour la deuxième année. Est-ce que j'ai
bien entendu?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : C'est ça? O.K.
Bon. Pouvez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?
• (17 heures) •
Mme Rhéaume (Marie) : Actuellement,
avec les statistiques de l'ISQ, ce qu'on comprend, c'est que, bon, quand les
tout-petits entrent en service de garde — je suis certaine que je
vais dire ça, puis tout le monde va comprendre — qu'on soit parent,
qu'on soit grand-parent, on comprend que, quand les tout-petits font leur
première année en service de garde, c'est le festival de la petite maladie. Ça
veut dire : otite, gastro, rhume, tout ce qui peut survenir. Mais ce n'est
pas des maladies graves, mais c'est des maladies qui font que tu ne peux pas laisser
l'enfant au service de garde. En moyenne, les pères vont s'absenter 11 jours
pendant la première année puis les mères, 16 jours, encore une fois parce que
les femmes ont souvent un salaire moindre que le père. Bien, si on calcule
bien, ça fait 27 jours. 27 jours, ça correspond à plus que cinq semaines
répandues dans le temps. Mais je ne connais personne, moi, qui a 27 jours de
congé pour maladie. Donc, les gens épuisent leur banque de vacances, sont
épuisés, parce qu'on sait que les enfants en début de vie, ce n'est souvent pas
des gros dormeurs. Donc, il y a de la fatigue qui s'accumule, puis on pense que
ça pourrait être intéressant que le parent puisse avoir une espèce de banque,
là, pour ces journées-là. En plus, ils sont souvent en début de carrière, ils
n'ont pas des gros avantages sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget
parce qu'ils sortent du congé parental...
17 h (version révisée)
Mme Rhéaume (Marie) : ...il y a
de la fatigue qui s'accumule, puis on pense que ça pourrait être intéressant
que le parent puisse avoir une espèce de banque, là, pour ces journées-là. En
plus, ils sont souvent en début de carrière. Ils n'ont pas des gros avantages
sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget parce qu'ils sortent du congé
parental. Donc, toutes les conditions pour blêmir devant ton patron pour...
quand tu annonces que tu es rendu à ta 14e journée parce que, la semaine
passée, c'était une gastro, puis cette semaine, il a le nez qui coule. Donc,
c'est un stress important pour les familles.
M. Derraji : Je trouve ça très
intéressant parce que vous soulevez une autre problématique que... jusqu'à
maintenant, on ne l'a pas vue. Aucun groupe ne nous a parlé de cela. Et donc si
j'ai bien compris, vous demandez d'avoir une banque partageable, j'imagine...
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : ...pour la deuxième
année, si j'ai bien compris. Selon vos statistiques, 16 jours pour les femmes,
11 jours pour les hommes, ça, c'est votre constat. Bon, maintenant, dans un
monde idéal, le ministre, il est hypergénéreux, il vous donne 27 jours
partageables aujourd'hui, il ouvre la porte avec les projets pilotes. Moi, je
vais imaginer que, déjà, il va accepter votre amendement. Est-ce que vous
n'avez pas une crainte que c'est seulement les femmes qui vont prendre ces
congés?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on
a juste à les séparer à deux banques, deux banques, que chaque parent a, je ne
sais pas, 12 jours, puis... ou 10 jours. Chaque parent a 10 jours à l'occasion
de la deuxième année que ce ne soit pas la femme qui a... la mère qui a 20
jours, mais que les deux parents... Bien, de toute façon, c'est ça qu'ils sont
obligés de faire. Ils sont déjà... C'est impossible... Je veux dire, une mère
qui va prendre 27 jours de congé, ce n'est pas facile pour un employeur non
plus, là.
M. Derraji : Oui. Je vais
résumer très rapidement. Banque partageable entre la famille, donc le mari et
la conjointe ou le conjoint, conjointe, et que ce soit spécifique en termes de
jours. Comme ça, en cas de besoin, cette banque sera utilisée. C'est bien ça?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste deux minutes à l'échange.
M. Derraji : Plusieurs groupes
ont parlé de bonifier les semaines des pères, donc que ce soit... On parle
toujours, bon, au niveau de la première année. Selon vous, à part les cinq
semaines, c'est quoi, le nombre de semaines idéal pour voir que le père joue
son rôle au niveau de la cellule familiale?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, un
autre trois à cinq semaines. On va dire quatre semaines.
M. Derraji : Donc, quatre
semaines de plus que les cinq semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K. Est-ce que
vous êtes d'accord que ces quatre semaines... c'est des quatre semaines de
plus, donc on ne tient pas compte que c'est les 10 semaines partageables, donc,
que la mère met à la disposition pour avoir les quatre semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Je ne
peux pas vous répondre.
M. Derraji : O.K. Dans le
projet de loi, il y a des projets pilotes. On en parle beaucoup depuis le
début. Est-ce que vous avez vu une piste pour des projets pilotes que le projet
de loi ne répond pas présentement, à ces projets pilotes, et <que vous
avez...
M. Derraji : ...
les
quatre semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Je ne
peux pas vous répondre.
M. Derraji : O.K. Dans le
projet de loi, il y a des projets pilotes. On en parle beaucoup depuis le
début. Est-ce que vous avez vu une piste pour des projets pilotes que le projet
de loi ne répond pas présentement, à ces projets pilotes, et >que vous
avez une idée d'un projet pilote?
Mme Rhéaume (Marie) : Toi,
Amélie?
M. Derraji : Bien, je vous
donne un exemple, changement de normes. Parce que le défi que j'ai présentement,
c'est que même si on met tout ça, même malgré la bonne volonté de l'ensemble
des parlementaires, mais qu'on va tous être confrontés à une réalité. La
réalité, c'est que ça va prendre du temps, et il y a d'autres groupes qui l'ont
dit, ça va prendre du temps pour changer la mentalité qu'on a présentement.
Pensez-vous c'est quelque chose qu'on peut aller graduellement avec des
semaines réservées uniquement pour le père pour l'impliquer davantage ou avec
des incitatifs? Je ne sais pas.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
30 secondes.
Mme Rhéaume (Marie) : Mais je
pense que c'est certain que, quand on veut faire des changements de normes
aussi importants, ça prend des incitatifs en contrepartie. Donc, je crois
que... Mais, en même temps, c'est nécessaire, c'est nécessaire pour que les
employeurs comprennent puis que pour les parents... que les parents
comprennent. Ce n'est pas seulement que l'affaire des mères, c'est l'affaire
des deux parents.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Merci pour votre
présence et pour vos recommandations. Bonne journée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai deux questions.
Première question de clarification sur votre position par rapport à la
proposition, là, de rajouter quatre semaines parentales advenant une division
d'au moins 10 semaines chaque. J'avais cru comprendre en ouverture que vous
étiez plutôt défavorables. Vous avez dit que ça risquait peu d'influencer la
norme en vigueur. Dans les discussions, par la suite, vous avez semblé ouvert
une porte. Je pensais que vous étiez en faveur davantage de rajouter des semaines
de congé parental... paternel, pardon, ce qui, je pense aussi, est une
meilleure façon de procéder. Comme les ressources sont limitées, bien sûr, le
ministre ne peut pas faire les deux. Je pense qu'il y aurait davantage eu
d'avantages aussi à mettre donc les semaines en paternité plutôt que l'autre
formule. Voulez-vous clarifier votre position par rapport à ça?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, si
on n'a pas le choix puis qu'on doit se tourner seulement vers les 10 semaines
partagées qui donnent droit à quatre semaines, bien, je pense que c'est mieux
que rien, mais ce serait préférable qu'on insiste, là, sur des semaines
réservées au père puis qu'il puisse passer aussi ces semaines-là seul avec
l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines actuelles, là, qui
sont souvent passées. Tu sais, on a vu des gens dire : Bien, on a eu cinq
semaines, mais là on s'est promenés... bien là, ça se promène un peu moins,
mais on s'est promenés, <on a vu la belle...
Mme Rhéaume (Marie) : ...
seul avec l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines
actuelles, là, qui sont souvent passées. Tu sais, on a vu des gens dire :
Bien, on a eu cinq semaines, mais là on s'est promenés... bien là, ça se
promène un peu moins, mais on s'est promenés, >on a vu la belle-famille,
on a fait un petit voyage. Ce n'est pas la vraie vie en famille, là, qui
commence souvent quand un des deux se retrouve tout seul à la maison à faire
face, là, à l'ensemble de ces éléments-là.
Donc...
M. Leduc : Parfait, c'est très
clair.
Mme Rhéaume (Marie) : ...je
pense que c'est une amélioration, mais on pense qu'il faudrait aller plus loin.
M. Leduc :
O.K. Merci. Puis je pense que vous vous inscrivez dans le consensus qui
se construit de plus en plus sur ce sujet-là.
Dernière question rapide. Vous parliez
d'une banque de congé familial dans la deuxième année. Il y a un groupe qui est
passé plus tôt aujourd'hui qui faisait référence à une idée similaire, mais qui
proposait plutôt de passer par les normes du travail, de faire en sorte que les
10 congés familiaux, à la place d'en avoir seulement deux qui soient rémunérés,
que ce soit les 10 qui soient rémunérés. Est-ce que c'est une avenue aussi qui
vous semblerait adéquate?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien,
les 10 rémunérés, ce serait bon pour les autres années qui suivent. Parce que,
quand, par exemple, il y a un deuxième enfant qui s'ajoute, c'est qu'on repart
aussi, là... Tu sais, je veux dire, le premier, il va avoir la gastro la
première semaine, le deuxième va avoir... Tu sais, moi, je résume ça pour...
Les parents, là, pendant la petite enfance, sont toujours à une gastro du
chaos, là, tu sais. Puis ils nous l'ont dit dans des «focus groups», ils vont
épuiser leurs vacances puis, finalement, ils se retrouvent à ne même pas passer
de temps en famille parce que le temps est épuisé dans tous ces petits
événements là qui font que personne n'est vraiment en forme, là. Ça fait que,
tu sais...
M. Leduc : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est tout ce que nous avons. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous poursuivons avec la députée de Joliette, avec 2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, merci beaucoup pour un regard qui est toujours éclairant et très ancré
dans la vraie vie. Donc, j'ai exactement les deux mêmes sujets que mon collègue
qui vient de parler, d'Hochelaga-Maisonneuve. Un, les semaines réservées au
père, donc, vous dites : Il faudrait augmenter donc, bonifier le nombre de
semaines réservées au père. Mais en même temps, vous nous dites : Il ne
faudrait pas que ce soit de la coparentalité, en quelque sorte. Donc, comment
on fait? Parce que la proposition du ministre, lui, c'est de créer un incitatif
pour qu'il y ait des semaines prises en propre dans le partage du congé
parental. Vous, vous semblez plus à l'aise avec l'idée d'augmenter le congé de
paternité. Mais comment on fait justement pour que ce soit consécutif, et non
pas conjoint, en même temps?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on
donne les semaines si le parent prend les semaines seul, si... Puis, s'il ne
les prend pas seul, bien, j'imagine que... Tu sais, c'est vraiment de... comme
un autre bonus, là. Tu as un bonus, mais il faut que tu sois seul avec l'enfant
pendant le temps... pendant ce moment-là.
Mme
Hivon
:
<L'autre
élément...
Mme Rhéaume (Marie) : ...
Puis, s'il ne les prend pas seul, bien, j'imagine que... Tu sais, c'est
vraiment de... comme un autre bonus, là. Tu as un bonus, mais il faut que tu
sois seul avec l'enfant pendant le temps... pendant ce moment-là.
Mme
Hivon
:
>L'autre élément, bien je suis contente que vous en parliez, moi, c'est
une idée à laquelle je crois puis dont j'ai entendu parler sur le terrain
beaucoup, puis vos «focus groups» le ressortent, c'est cette idée d'avoir une
banque de congés familiaux mobiles, en quelque sorte, qui se détaillent en
journées et non pas juste en semaines, parce qu'une fois le congé pris, ce
n'est pas... la vie n'est pas rose tous les jours. Et donc, il y a beaucoup,
beaucoup d'enjeux.
• (17 h 10) •
Là, je comprends que vous, vous voulez le
réserver pour la deuxième année. Certains, dont moi, pensaient que peut-être
qu'on pourrait donner une plus grande flexibilité dans les premières années de
vie puis vous, en fait, ce que vous demandez, c'est d'ajouter ces journées-là
ou vous demandez qu'il y ait une flexibilité pour qu'à partir des semaines, il
puisse y avoir, par exemple, jusqu'à quatre semaines qui soient prises pour ça.
Juste bien comprendre le détail de votre idée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 30 secondes.
Mme Rhéaume (Marie) : Bien,
c'est comme, avoir un bébé, ça te donne une banque de congés que tu peux
utiliser à partir du moment où tu retournes au travail, là. C'est...
Mme
Hivon
: Nécessairement
via le RQAP, là, la formule et...
Mme Rhéaume (Marie) : Ah! je
pense que, peu importe la formule, je pense que les parents seraient infiniment
reconnaissants.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Rhéaume, merci, Mme Landry, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Nous suspendons la commission quelques
instants pour donner la chance au troisième groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 17)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Nous souhaitons la bienvenue à M. Villeneuve du Regroupement pour la
valorisation de la paternité. Alors, M. Villeneuve, vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé et, avant de commencer, je vous inviterais à bien vous
présenter.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bonjour. Merci beaucoup. Merci de votre invitation. Donc, mon nom est Raymond
Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la valorisation de la
paternité, un regroupement de 250 organisations, individus qui viennent de
toutes les régions du Québec, autant d'hommes que femmes. On est reconnus par
le ministre de la Famille. On est financés par Centraide du Grand Montréal, le
Secrétariat à la condition féminine, le ministère de la Santé et des Services
sociaux, la fondation Chagnon. Et, dans le fond, tout le monde nous soutient,
parce que, un, il pense que c'est important l'engagement paternel, c'est
important pour le <développement des enfants, mais il croit...
M. Villeneuve (Raymond) : ...
que femmes. On est reconnus par le
ministre de la Famille. On est
financés par Centraide
du Grand Montréal, le Secrétariat à la condition
féminine, le ministère de la Santé et des Services sociaux, la fondation
Chagnon. Et, dans le fond, tout le monde nous soutient, parce que, un, il pense
que c'est important l'engagement paternel, c'est important pour le >développement
des enfants, mais ils croient aussi qu'une parentalité plus égalitaire, dans le
fond, c'est bon pour tout le monde.
Alors donc, je commence. Donc, le projet
de loi n° 51 nous semble, au Regroupement pour la valorisation de la
paternité, donc intéressant et pertinent à plus d'un égard. En bonifiant, le Régime
québécois d'assurance parentale, une des pièces maîtresses de la politique
familiale québécoise, le projet de loi facilite la vie des jeunes familles et
participe à la poursuite de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le RVP tient à saluer tout particulièrement
les mesures suivantes : l'ajout de cinq semaines de congé de maternité et
de paternité dans le cas de grossesse multiple, la mesure visant à accroître la
flexibilité du RQAP en permettant la prise de congé sur une période de 78
semaines plutôt que 52 ainsi que la proposition dont le but est de rendre le
congé pour les parents adoptants équivalent à celui des parents biologiques.
L'effet conjugué de ces trois mesures sera certainement bénéfique pour les
familles québécoises puisque celles-ci constituent des réponses adaptées aux
besoins des familles d'aujourd'hui.
• (17 h 20) •
L'article 10.2 du projet de loi qui offre
quatre semaines additionnelles de prestations partageables aux couples dont les
deux parents prennent au moins 10 semaines de prestations parentales ou
d'adoption est aussi une mesure intéressante. Cette mesure ferait en sorte que
plusieurs pères seraient présents plus longtemps auprès de leurs jeunes enfants
favorisant ainsi un plus grand engagement de leur part ainsi qu'un meilleur
partage des responsabilités parentales. L'article 10.2 propose en quelque sorte
un bonus aux couples qui partagent le congé parental. Cela incitera, selon
toute vraisemblance, plusieurs couples à discuter davantage du partage de ce
congé, à mieux répartir les responsabilités familiales en accroissant le nombre
de semaines disponibles pour le couple, tout cela en évitant de donner
l'impression que les semaines additionnelles sont enlevées à l'un ou à l'autre
des parents. Pour toutes ces raisons, le RVP considère que la mesure proposée
est valable, progressiste et bénéfique pour les pères, les mères et les
enfants.
L'effet de cette mesure risque cependant
d'être limité pour les raisons que je vais maintenant vous présenter.
Premièrement, seulement 26 % de
l'ensemble des couples partagent le congé parental. Comme le bonus offre quatre
semaines additionnelles lorsque les deux prennent au moins 10 semaines de congé
parental, il serait fort étonnant qu'un nombre important de parents qui ne
partagent pas le congé parental se prévalent de cette mesure. Déjà, cela exclut
près du trois quarts des couples québécois.
Deuxièmement, parmi le 26 % des
couples qui partagent le congé parental, il est raisonnable d'imaginer que ce
ne sera pas 100 % de ces couples qui se prévaudront de cette mesure. Par
exemple, lorsque le père prend seulement quelques semaines du congé parental,
l'écart de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10 semaines pourrait
être trop important pour que <l'utilisation de la mesure...
M. Villeneuve (Raymond) :
...
des couples qui partagent le congé parental, il est raisonnable
d'imaginer que ce ne sera pas 100 % de ces couples qui se prévaudront de
cette mesure. Par exemple, lorsque le père prend seulement quelques semaines du
congé parental, l'écart de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10
semaines pourrait être trop important pour que >l'utilisation de la
mesure soit envisagée. On sait aussi que les pères ont encore souvent des
revenus plus élevés que les mères et que cela peut limiter le partage du congé
parental entre les mères et les pères. On sait aussi que les milieux de
travail, particulièrement les milieux à prédominance masculine, sont parfois
moins ouverts à la prise du congé parental par les pères.
Mais soyons optimistes, je le suis toujours,
et imaginons que 80 % des couples qui partagent le congé parental, soit
26 % des couples, se prévalent de cette mesure. Dans ce cas, ce seraient seulement
20,8 % de l'ensemble des couples qui pourraient bénéficier de la proposition
gouvernementale. Quelles que soient les hypothèses envisagées, il nous semble
assez évident que la mesure proposée ne rejoindra qu'une minorité de couples et
de pères.
Et de plus, la mesure risque fort de
rejoindre les couples et les pères qui partagent déjà le congé parental et qui
ont les pratiques les plus égalitaires. Les couples qui ont des comportements
plus traditionnels ne seront donc pas ou peu, selon toute vraisemblance,
rejoints par cette mesure. Voilà donc sa plus grande limite.
Pourtant, au Québec, le désir d'une
parentalité égalitaire, d'une coparentalité engagée de part et d'autre, est de
plus en plus présent. Des jeunes couples de la génération Y souhaitent vivre
ensemble, de plus en plus, leur expérience de parents. Cela ressort nettement des
sondages que nous avons menés au cours des dernières années. Les jeunes pères
sont aussi de plus en plus impliqués dans le quotidien de leurs enfants et ils
sont d'ailleurs, selon Mme Valérie Harvey, professeure en sociologie, les
champions canadiens des soins aux enfants, presqu'à égalité avec les mères. Il
reste bien sûr beaucoup de travail à faire, et ce, tout particulièrement pour
mieux partager la charge mentale et les responsabilités familiales.
Les mesures proposées par le ministère du
Travail sont donc de la plus haute importance, puisque toujours selon Mme
Harvey, le rôle des parents se fige souvent pendant les congés parentaux. Afin
d'éviter une division traditionnelle des rôles, il est donc essentiel
d'intervenir rapidement pour réduire l'écart entre le nombre de semaines de
congé prises par les mères et les pères. En 2017, globalement, les pères
prestataires du RQAP prenaient en moyenne neuf semaines de congé, et les mères
prestataires 45 semaines. Cet écart est énorme.
Le RVP reconnaît que les mesures proposées
par le ministère du Travail dans son projet de loi n° 51
vont dans la bonne direction, sans nul doute, mais, selon nous, il faudrait
être encore plus ambitieux pour mobiliser davantage la majorité des pères et
rejoindre ainsi la majorité des couples.
Il existe une mesure universelle qui
rejoint plus de 80 % des pères prestataires du RQAP et plus de 70 %
de l'ensemble des pères, c'est le <congé de paternité...
M. Villeneuve (Raymond) : ...
il faudrait être encore plus ambitieux pour mobiliser davantage la majorité des
pères et rejoindre ainsi la majorité des couples.
Il existe une mesure universelle qui
rejoint plus de 80 % des pères prestataires du RQAP et plus de 70 %
de l'ensemble des pères, c'est le >congé de paternité. Le congé de
paternité fait maintenant partie de la norme sociale au Québec et ses effets
sont indéniables pour rejoindre la majorité des pères et pour diminuer l'écart
entre les semaines prises par l'ensemble des mères et des pères.
Le RVP recommande donc d'accroître de
trois semaines le congé de paternité existant pour le porter à huit semaines.
Cette mesure enverrait, de plus, un message très fort à la société québécoise
et au milieu de travail à l'effet que les pères sont des parents à part
entière. Le RVP est conscient que le coût d'une telle mesure est important,
possiblement plus de 30 millions par semaine de congé de paternité ajouté,
et le coût de cette mesure est plus important que celui de la disposition
proposée à l'article 10.2 du projet de loi n° 51. Rappelons-nous cependant
qu'en 2006 le gouvernement du Québec a été visionnaire et n'a pas hésité à
mettre en place un congé de paternité de cinq semaines dont on ne pourrait plus
se passer maintenant.
Nous croyons que le temps est maintenant
venu de faire un pas de plus. Le ministère du Travail propose un petit pas de
plus pour les pères et les couples, c'est bien. Le RVP, lui, propose un grand
pas de plus pour favoriser l'engagement accru des pères québécois. L'enjeu est
de taille : Assurer une présence plus grande des pères auprès de leurs
jeunes enfants et réduire, de manière significative, l'écart entre l'ensemble
des mères et des pères quant à la prise du congé parental.
En Espagne, il est prévu que le congé de
paternité passe de cinq à huit semaines en 2021, en Finlande, il y a un projet
encore plus ambitieux. Pourquoi le Québec ne pourrait-il pas se classer parmi
les meilleurs au monde à cet égard? Les pères québécois sont les champions
canadiens des soins aux enfants. Ne serait-il pas encore préférable qu'ils se
classent parmi les champions mondiaux à cet égard? Ce serait vraiment génial.
Le ministère du Travail propose quatre semaines de plus de congé parental. Le
RVP propose trois semaines de plus de congé de paternité.
Dans le cas où le contexte financier ne
permettrait pas de répondre immédiatement à notre demande, ne pourrait-on pas
être créatif et imaginer quelque chose d'autre? Peut-être une formule hybride
du genre deux semaines plus de congé parental, deux semaines de plus de congé
de paternité. Deux plus deux égaleront toujours quatre, c'est bien connu. Cette
stratégie aurait le grand avantage de rejoindre la majorité des pères et
enverrait également un message sociétal fort. Elle éviterait aussi de limiter
les effets de la mesure à certains profils de couple. On pourrait aussi
imaginer d'autres formules composites si ça semble intéressant, mais l'idée,
dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des pères et
des familles, et le congé de paternité est vraiment la <mesure
universelle...
M. Villeneuve (Raymond) :
...
les effets de la mesure à certains profils de couple. On pourrait
aussi imaginer d'autres formules composites si ça semble intéressant, mais
l'idée, dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des
pères et des familles, et le congé de paternité est vraiment la >mesure
universelle.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Villeneuve (Raymond) : En
conclusion, il est important pour moi de rajouter que la mesure du RQAP est extrêmement
importante pour favoriser l'engagement paternel, mais il y a plein d'autres
mesures, avant et après le congé parental, qui sont importantes aussi et qui
peuvent mobiliser le ministère de la Famille, le ministère de la Santé et des
Services sociaux. Donc, de revoir nos politiques publiques et nos services à la
famille et d'y intégrer les pères, c'est important également pour atteindre nos
objectifs. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Villeneuve, pour votre exposé. Nous allons débuter la période
d'échange avec le ministre. Vous disposez toujours de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Villeneuve. Vous parlez avec passion. Vous présentez
bien vos arguments. Merci d'être là.
Peut-être certains commentaires. Bon,
évidemment, l'incitatif, vous trouvez que c'est un pas dans la bonne direction.
Vous avez cependant des doutes sur les retombées concrètes, mais les doutes que
vous avez sur les retombées concrètes, vous les appuyez sur des statistiques
qui démontrent que les pères sont peu engagés. Ça fait qu'on n'est pas
actuellement dans un environnement de parentalité ou de coparentalité
égalitaire au Québec, on s'entend là-dessus. Je pense que les statistiques sont
toutes à l'effet que les pères prennent le congé de paternité et poussent un
peu, pour certains, mais ne partagent pas.
C'est cette espèce de philosophie là, que
ce qui est partageable appartient à la mère et ce qui est exclusif appartient
au père, que moi, je pense, nous devons combattre pour contribuer à un
avancement du paradigme social. Parce que les statistiques actuelles ne doivent
pas nous convaincre de ne pas aller nécessairement dans cette direction-là.
Ceci dit, vous reconnaissez quand même que c'est un pas dans la bonne
direction, puis l'Organisation internationale du travail le mentionne,
d'ailleurs.
• (17 h 30) •
Et je veux revenir, là, puis je veux vous
donner encore l'opportunité de vous réexprimer là-dessus, c'est d'abord et
avant tout un dialogue qu'on souhaite entre le père et la mère, parce que je
pense qu'il y en a peu, de dialogue sur le partage des responsabilités
familiales. Donc, d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de
ce qui est partageable fondamentalement, puis changer la perception à l'effet
que ça appartient à la mère, parce qu'il y en a beaucoup, de pères qui ont
encore cette perception-là...
17 h 30 (version révisée)
M. Boulet : …familiales. Donc,
d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de ce qui est
partageable, fondamentalement, puis changer la perception à l'effet que ça appartient
à la mère. Parce qu'il y en a beaucoup, de pères, qui ont encore cette
perception-là. Il faut combattre cette perception-là. La véritable égalité
parentale, elle réside dans cette évolution-là des mentalités, selon moi. Puis
ça contribue à donner une certaine légitimité au fait que le congé… la prise d'un
congé parental par les pères, c'est bénéfique.
Puis il y en a qui ont beaucoup plus de
misère. Un des facteurs qui nuit à cette égalité-là, c'est notamment, un, les
milieux de travail. Dans certains secteurs, il y a de la résistance, vous le
savez. Puis on en parlait un peu tout à l'heure avec le groupe précédent, vous
nous avez entendus, les jeunes pères hésitent, les employeurs sont réfractaires.
Ça fait que de contribuer à l'évolution des mentalités aussi chez les
employeurs pour leur permettre de réaliser qu'il n'y a pas que l'exclusif, mais
il y a le partageable aussi qui appartient aux deux, je pense que ça peut
aussi, ultimement, avoir un effet positif sur le retour au travail des mères, qui,
elles… Puis, ça, c'est de l'égalité. Puis je comprends la mission de votre
regroupement pour la valorisation de la paternité, mais vous le plaidez en
référant constamment à la parentalité égalitaire, et ça implique aussi la
possibilité pour la mère de pouvoir retourner au travail. Puis vous… Alors,
je sais, vous êtes d'accord avec moi, parce qu'il y en a beaucoup, de mères,
qui le souhaitent, pas que partager, mais faire en sorte que ce soit réel, que
ce soit concret et que le père puisse participer pleinement au partage des
responsabilités familiales.
Ça fait que moi, j'ai… ma grande
appréhension, M. Villeneuve, c'est qu'emprunter l'avenue d'accroître le
nombre de semaines de paternité, au-delà de l'incidence financière, là, parce
qu'il faut certainement en mesurer l'impact puis s'assurer qu'on ne brise pas l'équilibre...
la situation financière nous permet de continuer dans la direction des
bonifications qui sont dans le p.l. n° 51, mais la pandémie nous a quand
même… a quand même forcé le conseil de gestion à négocier une marge de crédit
auprès de Financement-Québec, évidemment qui n'a pas été utilisée, mais il y a
quand même une fragilité additionnelle, là, du fonds.
Mais mon appréhension, c'est que l'avenue
de l'augmentation du nombre de semaines de congé de paternité contribue à
cristalliser davantage la perception que les prestations partageables
appartiennent prioritairement aux <mères…
M. Boulet : ...du fonds.
Mais mon appréhension, c'est que
l'avenue de l'augmentation du nombre de semaines de congé de paternité
contribue à cristalliser davantage la perception que les prestations
partageables appartiennent prioritairement aux >mères. Puis les études
démontrent — encore une fois, je réfère aux études — que
les pères désireux d'utiliser des prestations parentales partageables, ils ont
encore l'impression, c'est une impression qui est réelle selon les études que
j'ai regardées, qu'ils privent la mère, donc que ça se fait au détriment de la
mère. Et c'est ça qu'il faut combattre, je pense, pour accéder à une
parentalité qui est, au-delà des termes, mais qui est pleinement égalitaire.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Notre position est fondée sur le fait que ce qui change vraiment les choses, c'est
le congé dédié aux parents, parce que c'est un message clair, sociétal qui
rejoint... c'est une mesure universelle qui rejoint la majorité des parents.
Ce qui semble aussi, c'est que les parents
qui partagent le congé parental, souvent ils ont certaines conditions
sociodémographiques particulières. Ils vont souvent avoir des situations d'emploi
comparables, ils vont souvent avoir une scolarité plus élevée, ils vont souvent
être plus jeunes, donc ils ont certaines caractéristiques sociodémographiques.
Ce qui fait qu'en partant on échappe une grande partie des pères si on va
seulement dans cette direction-là.
Et on regarde... je voyais récemment, en
Suède, ils ont 15 semaines de congé de paternité, O.K.? Et je pense que s'il y
a un pays qui est égalitaire, qui est progressiste, c'est bien la Suède. Donc,
s'ils font ça, c'est parce qu'ils pensent qu'il faut vraiment, pour changer les
mentalités, dédier les congés spécifiquement au père.
Sur le congé parental, moi, j'ai beaucoup
lu aussi les études du Conseil de gestion de l'assurance parentale, et ce qu'on
voit, c'est que de plus en plus les couples échangent, les couples discutent,
mais que le déterminant principal, la décision du partage du congé parental, c'est
la décision de la mère. Donc, oui, ils peuvent échanger, mais ultimement, à
cause de notre société, de nos conceptions qu'on porte tous, des conceptions
des milieux de travail, ça demeure la décision de la mère. Donc, il arrive
souvent qu'au niveau du congé parental, dans le fond, le père va le prendre,
dans la mesure où il y a un consensus, où la situation financière le prévoit,
et tout ça. Et je ne connais pas beaucoup de pères qui vont dire : Je
prends le congé parental, c'est à moi, puis tu n'as rien à dire ou on sépare à
tout prix 50-50, puis c'est comme ça. Ça fait qu'on est dans une situation où,
si on veut vraiment qu'il y ait un changement, et les pays les plus
progressistes le font, c'est qu'il y ait plus de congés de paternité pour
envoyer un message fort au début.
Et l'autre élément aussi qu'il ne faut pas
oublier, c'est que ce sont deux outils complémentaires. C'est pour ça qu'en
blague je vous ai dit : On pourrait en mettre un des deux. C'est que,
d'une part, la période de transition dans une famille où un enfant arrive, c'est
aussi important de le vivre ensemble. Au Québec, on a des statistiques assez
terribles de séparation dans les deux ans qui suivent la naissance d'un premier
enfant. C'est un des plus gros chocs sur la famille, l'arrivée d'un enfant.
Donc, il faut aussi que le couple <devienne...
M. Villeneuve (Raymond) :
...d'une part,
la période de transition dans une famille où un enfant
arrive, c'est aussi important de le vivre ensemble. Au Québec, on a des
statistiques assez terribles de séparation dans les deux ans qui suivent la
naissance d'un premier enfant. C'est un des plus gros chocs sur la famille,
l'arrivée d'un enfant. Donc, il faut aussi que le couple >devienne une
famille et qu'il traverse ensemble cette période-là. Ça fait que, oui, il y a
tous les autres aspects que vous avez mentionnés, mais il y a cette
dimension-là.
Et après ça, vous en parliez dans la
présentation précédente, le fait que le père se retrouve seul avec l'enfant, c'est
sûr qu'au Regroupement pour la valorisation de la paternité, on est pour ça,
que le père soit là, qu'il apprenne la relation avec son enfant, qu'il apprenne
à s'en occuper, et tout ça. Mais, si on laisse ça, on pense, dans la mécanique
habituelle, l'effet va nécessairement être limité à un certain profil
sociodémographique de parents, et on ne pourra pas changer vraiment ce qu'on
veut changer. C'est notre conviction.
M. Boulet : Tout à fait. C'est
intéressant comme discussion. Puis j'ai beaucoup de respect pour votre point de
vue. C'est vrai que les familles qui partagent plus, probablement elles ont des
caractéristiques sociodémographiques particulières où, bon, des fois, on dit :
C'est des familles ou des jeunes parents qui sont plus progressistes. Mais c'est
vers cette pensée-là, de ces jeunes parents progressistes là, que nous devons
tendre, mais en le faisant graduellement.
Puis il y a des pays extrêmement
progressistes, comme l'Allemagne, qui a la même approche que nous, exactement
la même approche que nous. Donc, il faut inciter les parents à développer
l'esprit de partage, parce que, de segmenter, de cristalliser les congés
exclusifs, ça contribue, selon la littérature puis selon l'OIT, à séparer aussi
les parents puis les mettre dans chacun leur canal puis faire en sorte que,
même là, il y en a un qui va prendre plus, il y a un parent principal puis un
parent secondaire.
Et l'autre élément, moi, je pense qu'il
faut y aller de façon progressive aussi, pas progressiste, mais aussi
progressive, parce que je pense aux employeurs du Québec à qui... qui ont eu
aussi à s'adapter graduellement au concept de congé de paternité. Puis c'étaient
cinq semaines, mais il a été une période de temps où c'était deux semaines puis
trois semaines. Là, de plus en plus, les jeunes pères prennent le cinq
semaines.
Mais il y a ça aussi, cette capacité... il
faut tenir compte de la capacité d'adaptation sociale. Puis, quand je réfère à
l'adaptation sociale, je tiens compte autant des employeurs que des
travailleurs et des travailleuses, que des parents, que les parents a et b, que
les familles aussi. Ça fait que je pense que l'approche incitative...
Moi, j'apprécie beaucoup quand vous dites :
On fait un pas dans la bonne direction. Puis je pense qu'au-delà de l'aspect
progressiste il faut penser à l'aspect <de...
M. Boulet : ...parents
a
et b, que les familles aussi. Ça fait que je pense que l'approche incitative...
Moi, j'apprécie beaucoup quand vous
dites : On fait un pas dans la bonne direction. Puis je pense qu'au-delà
de l'aspect progressiste il faut penser à l'aspect >de progressivité
puis à l'intégration graduelle de cette nouvelle culture familiale là ou cette
nouvelle culture de parentalité égalitaire. Je pense qu'il faut y aller étape
par étape.
Si vous aviez... M. Villeneuve, vous
avez vu que, dans notre projet de loi... bon, je sais qu'évidemment les cinq
semaines exclusives dans le cas des adoptions multiples ou des naissances
multiples, vous êtes confortable, l'étalement à 78 semaines, l'égalité
pour les parents adoptants. On pense aussi, dans ce projet de loi là, à ce que
le conseil de gestion puisse mettre en place des projets pilotes, évidemment toujours
dans le respect de ce que le projet de loi devra prévoir, là, comme tenants et
aboutissants du projet pilote. Puis les projets pilotes sont souvent des
opportunités de nous faire progresser aussi socialement. Si vous aviez une idée
d'un projet pilote, est-ce que vous pourriez la partager avec nous?
• (17 h 40) •
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, il y a une cible qui est souvent identifiée dans à peu près
toutes les études, tous les rapports, mais que les gens... on voit rarement des
projets s'adresser à cette cible-là, c'est justement les milieux
majoritairement masculins. On sait que, souvent, c'est des milieux qui sont
plus réfractaires aux mesures de conciliation famille-travail. Alors, ce serait
vraiment intéressant de creuser ces milieux-là, de réfléchir sur la culture de
ces milieux-là et d'aller les mobiliser.
Mais on voit déjà que la société change,
la société évolue. On se souvient, tout le monde, de la grève de la
construction d'il y a deux ans, qui est un milieu très clairement
majoritairement masculin, et les revendications portaient en grande partie sur
les mesures de conciliation famille-travail. Si un père est en garde partagée,
bien là il peut y avoir des très gros enjeux dans des milieux qui ne sont pas
adaptés. Alors, ce serait vraiment intéressant de dire que, ces milieux-là...
qu'on ait des actions spécifiques en tenant compte des mentalités particulières
de ces milieux-là pour les mobiliser, et je pense que ce serait vraiment
intéressant. Et particulièrement la jeune génération, je pense que les gens
seraient prêts à avoir un dialogue, à condition qu'on crée une espèce de «safe
space» où on pourrait parler de ces enjeux-là.
Parce qu'effectivement, dans certains
milieux, ce n'est pas facile de parler de ça, et vous l'avez mentionné un peu
plus tôt, il y a des cultures organisationnelles qui empêchent ce dialogue-là.
Si on avait des milieux qui pourraient explorer ces questions-là, je pense que
ça serait extrêmement intéressant et que les gens, ils réalisent, finalement,
que c'est bon pour tout le monde. Si leurs employés sont plus productifs, sont
plus efficaces, bien, ça va être bon pour les employeurs aussi.
Mais il y a vraiment... les milieux à
majorité ou à prédominance masculine, je pense que c'est une cible, vraiment,
sur laquelle on peut travailler de façon très intéressante.
M. Boulet : Je vais terminer
avec... Vous recommandiez... Bon, vous savez que le Conseil de gestion de l'assurance
parentale participe également à la stratégie gouvernementale, <là...
M. Villeneuve (Raymond) :
...
les milieux à majorité ou à prédominance masculine, je pense que c'est
une cible, vraiment, sur laquelle on peut travailler de façon très
intéressante.
M. Boulet : Je vais
terminer avec... Vous recommandiez... Bon, vous savez que le Conseil de gestion
de l'assurance parentale participe également à la stratégie gouvernementale,
>là, sur l'égalité hommes-femmes. Vous souhaitiez qu'il réalise une
capsule vidéo — il s'était engagé d'ailleurs à le
faire — sur le partage des congés parentaux entre les conjoints. Je
voulais vous confirmer que, normalement, elle sera disponible, cette capsule
vidéo là, donc ce sera une façon de sensibiliser les familles du Québec ou les
parents du Québec à l'importance du partage des congés parentaux. Puis ça va se
faire à l'occasion du 15e anniversaire du RQAP, donc, vous savez, qui remonte à
2006. En 2021, on va souligner le 15e anniversaire du RQAP, et la capsule vidéo
ou la campagne de sensibilisation va s'amorcer de façon contemporaine à ce 15e
anniversaire. Alors, c'était une information que je voulais vous donner parce
que je l'avais lu dans votre rapport.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est sûr que toute la sensibilisation, c'est quelque chose qui est
important également, là.
M. Boulet : Absolument.
Sensibilisation et pédagogie aussi en même temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Boulet : Merci beaucoup,
M. Villeneuve, d'être présent, d'avoir partagé vos recommandations avec
nous, et la qualité aussi de votre argumentation. Merci beaucoup, puis au
plaisir de vous revoir.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous poursuivons avec le groupe de l'opposition
officielle avec le député Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Villeneuve.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bonjour.
M. Derraji : Excellent rapport.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
M. Derraji : Merci beaucoup. C'est
très clair. Vous ramenez d'autres aspects. Le premier aspect qui m'a interpelé,
vous avez dit, et je pense que c'est la motivation de nous tous autour de la
table, c'est atteindre l'objectif des mesures qu'on espère mettre en place. Et
le chiffre qui m'a le plus interpelé : le 26 %. Je ne sais pas si ça
vous dit quelque chose, vous avez dit que les trois quarts des couples, bien,
sont exclus parce qu'ils n'utilisent pas le congé. Et, pour moi, aujourd'hui,
là, c'est comme : Est-ce qu'aujourd'hui, avec le projet de loi, la mesure
d'augmenter et d'avoir le bonus, des semaines bonus, on va atteindre l'objectif
escompté? J'en suis sûr et certain, que le ministre est aussi quelqu'un de
résultats. Pensez-vous qu'on prend le bon moyen pour atteindre des résultats?
M. Villeneuve (Raymond) : Moi,
ce que je pense, c'est que ça va.... ceux qui partagent déjà vont partager
plus, mais ceux qui ne partagent pas ne partageront pas davantage. Donc, c'est
vraiment ça, dans le sens... c'est qu'on va renforcer le comportement de ceux
qui sont les plus progressistes.
M. Derraji : C'est tellement
bien dit, là, on dirait que c'est de la musique à mes oreilles. Parce que,
juste avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par rapport aux
normes, et moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes. On peut les
prendre de n'importe quel angle philosophique, le débat sur les normes, les
normes sociétales, c'est très <profond...
M. Derraji : ...c'est
tellement
bien dit, là, on dirait que c'est de la musique à mes oreilles. Parce que,
juste avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par rapport aux
normes, et moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes. On peut les
prendre de n'importe quel angle philosophique, le débat sur les normes, les
normes sociétales, c'est très >profond et ancré.
Sans aller trop dans la philosophie, vous,
vous venez avec des faits. Ceux qui partagent vont partager, vont bénéficier
des quatre semaines bonus, ceux qui ne partagent pas ne vont pas embarquer dans
le partage. Et, de facto, ce que nous sommes en train de proposer aujourd'hui, est-ce
qu'il sera valable ou pas? À mon avis, si je suis ce que vous êtes en train de
nous dire, on ne va pas atteindre le résultat escompté.
M. Villeneuve (Raymond) : On
va l'atteindre pour une partie des couples, mais, pour la majorité, on ne
l'atteindra pas.
M. Derraji : Oui, les couples
qui sont déjà capables... ou bien, à l'intérieur de la cellule familiale, il y
a déjà ce genre de discussions. O.K. Bon.
Là, maintenant, la deuxième question :
Bien, comment on peut pallier à ça?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, on revient...
M. Derraji : Vous, vous
ramenez l'idée de, je dirais, des semaines, mais j'ai aimé un mot que le ministre
a utilisé, mais d'autres groupes, ils disent : Écoutez, est-ce qu'on peut
aller graduellement? Est-ce qu'on... Le ministre a utilisé, tout à l'heure,
«progressivement». Est-ce qu'on peut... Parce que, le but, on doit l'atteindre,
on veut l'atteindre, on veut augmenter... de ces groupes, je dirais, à lecture
progressiste, que le père s'engage davantage. On a tous cette volonté. Et le
moyen, probablement, c'est là où on va... où j'aimerais bien avoir votre
opinion.
M. Villeneuve (Raymond) : C'est
que ce qui est important, puis, écoutez, ça fait 10 ans que je... 15 ans que je
suis au regroupement, c'est qu'il faut nommer l'objectif, il faut faire des
mesures pour soutenir l'objectif. Et là c'est clair pour moi que le seul... Ce
qui est disponible pour nous, c'est vraiment le congé dédié au père. Est-ce
qu'on doit le faire quand il est à la mère? Est-ce qu'on peut le faire quand le
père est seul? Je pense que ces deux options sont envisageables. Mais il faut
vraiment qu'il y ait une cible très claire que ce soient les pères.
Et, comme je le dis, si on veut vraiment
atteindre notre objectif de société, on doit aussi se poser la question de tous
les messages contradictoires qu'on envoie sur la parentalité. Je vais vous dire
quelque chose qui est tout à fait connu. Saviez-vous que jusqu'au 22 août 2017,
au ministère de la Santé et des Services sociaux, il y avait des mères et des
parents, les mères étant des mères, et les parents étant, la plupart du temps,
des mères également? Il n'y avait aucune mesure spécifique pour soutenir
l'engagement des pères.
Depuis le plan d'action ministériel en
santé et bien-être des hommes de 2017, il y a maintenant des mesures spécifiques.
Il y a un programme de soutien aux parents vulnérables, dans lequel... le
programme SIPPE, dans lequel, encore maintenant, un père ne peut pas inscrire
son nom dans le formulaire. Alors là, la cohérence de toutes ces actions-là,
tous ces messages-là qu'on envoie... On dit : On veut l'égalité, on veut
l'égalité, mais souvent le père s'en va dans les institutions, et on lui dit
vraiment qu'il y a un parent principal qui est la mère, et lui est le parent
secondaire. La révolution, le changement qu'on souhaite vraiment va se faire
quand l'ensemble de nos messages vont être concordants. Et on a un levier
extrêmement important <dans...
M. Villeneuve (Raymond) :
...là
qu'on envoie... On dit : On veut l'égalité, on veut
l'égalité, mais souvent le père s'en va dans les institutions, et on lui dit
vraiment qu'il y a un parent principal qui est la mère, et lui est le parent
secondaire. La révolution, le changement qu'on souhaite vraiment va se faire
quand l'ensemble de nos messages vont être concordants. Et on a un levier
extrêmement important >dans l'assurance parentale, mais ce n'est pas le
seul. Alors, je nous incite vraiment à élargir notre regard et regarder tous
les autres leviers, parce que, sinon, ce qu'on fait d'une main, on peut le
défaire de l'autre, et on n'est pas... très souvent, on n'est pas cohérents à
ce niveau-là. Alors, ça, c'est vraiment important. Ce qui est avant, après,
autour du congé parental est aussi important que le congé parental lui-même.
M. Derraji : Mais vous l'avez
très bien dit, et, sérieusement, moi, le pourcentage m'interpelle d'emblée.
M. Villeneuve (Raymond) :
Voilà.
M. Derraji : Moi, là, si je
veux atteindre un résultat, un, je définis ma cible. Ma cible, ce n'est pas les
26. Les 26, moi, je pense, dès demain, ils vont applaudir le projet de loi n° 51. Ma problématique, c'est les trois quarts des couples
qui n'utilisent pas ça. C'est eux qui devraient être notre cible aujourd'hui et
c'est pour cela que je vous interpelle. Bien, comment nous, en tant que
parlementaires, on peut cibler ces gens? Et vous me dites : Écoute, député
de Nelligan, là, si vous avez cet amendement, probablement, ces trois quarts
qu'on ne cible pas, en date d'aujourd'hui, seraient beaucoup plus intéressés à
utiliser, à embarquer dans la cellule familiale et jouer leur rôle en tant que
pères.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Bien, écoutez, c'est exactement la logique qu'on a. Il faut viser
spécifiquement les pères. C'est ça, c'est clair. Et le moyen existe, il est là,
c'est une mesure universelle qui fonctionne.
Écoutez, ce midi, j'étais en conversation
avec des gens du restant du Canada et je leur parlais de notre congé de
paternité qui est pris par 80 % des pères. Eux autres, ils me disaient :
Dans le restant du Canada, c'est 20 %. Donc, vous voyez, l'impact de la
mesure, il est clair, il est net, il est précis. Ils disaient : Mon Dieu!
Vous êtes chanceux, au Québec, vous avez cette mesure-là.
L'idée, c'est le pas de plus. Ça prend une
mesure dédiée aux pères. Je pense qu'elle est là. Il existe, le véhicule est là
et il fonctionne.
• (17 h 50) •
M. Derraji : Je vous entends.
Donc, la mesure dédiée, au lieu de cinq, huit. C'est ce que vous proposez,
recommandation n° 1. Dans le projet de loi, ce que
nous avons, c'est des semaines partageables. La mère met à la disposition ses
semaines partageables, et ils ont un quatre semaines de bonus. Pour vous, c'est
clair — je vais le dire doucement, je parle trop vite — c'est
clair que cette mesure n'est pas dédiée et ne va pas encourager l'implication
des pères.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'implication de certains pères, ceux
qui sont déjà... Dans le fond, ceux qui partagent déjà vont partager plus.
Donc...
M. Derraji : Oui, les
26 %.
M. Villeneuve (Raymond) :
C'est ça. Tout à fait. On revient toujours au chiffre que vous avez dit.
M. Derraji : Oui, mais, moi,
dès le début, là, sérieux, vous m'avez convaincu de l'histoire du 26 %,
parce que je l'avais dans ma tête, vous avez juste confirmé. Mon inquiétude,
c'est qu'avec tout l'effort qu'on va faire on ne va pas parler au bon public.
Parce que celui qui est déjà vendu à l'idée, bien, il va la faire, il va la
suivre. Ma crainte, on va faire un travail exceptionnel, mais, au bout de la
ligne, au bout d'un an, de deux ans, de trois ans, on va se revoir, on va avoir
les résultats du fonds... du comité, et ça ne va pas être les résultats
escomptés qu'on va se donner aujourd'hui.
Donc, moi, je suis <avec...
M. Derraji : ...bien,
il
va la faire, il va la suivre. Ma crainte, on va faire un travail exceptionnel,
mais, au bout de la ligne, au bout d'un an, de deux ans, de trois ans, on va se
revoir, on va avoir les résultats du fonds... du comité, et ça ne va pas être
les résultats escomptés qu'on va se donner aujourd'hui.
Donc, moi, je suis >avec vous
dans cette lecture. Mais, pour atteindre les trois quarts, ce que vous nous
dites aujourd'hui, c'est uniquement les huit semaines dédiées.
M. Villeneuve (Raymond) :
L'outil est là, il fonctionne, il est éprouvé. Il fonctionne dans d'autres pays
du monde aussi. Je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin de se compliquer
la vie à cet égard-là.
M. Derraji : Oui. Une de vos
propositions, n° 4 : «poursuivre la réflexion
quant aux meilleures mesures susceptibles d'inciter les pères à prendre un
congé plus long» — j'utilise souvent ça avec plusieurs groupes, les
projets pilotes, c'est une porte ouverte que je saisis à chaque fois — avez-vous
une idée à comment on peut plus impliquer les pères dans la cellule familiale?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, il y a plein de stratégies. Nous, au RVP, on a mis sur pied un
programme qui s'appelle le PAPPa, Programme d'adaptation des pratiques aux
réalités paternelles, et ce qu'on fait, c'est de l'accompagnement des
organisations qui travaillent avec les familles. Et on travaille avec plein de
secteurs d'activités, les OCF, les haltes-garderies, les CPE, les municipalités,
et tout ça, parce que, trop souvent, dans le fond, les services à la famille
sont beaucoup des services mères-enfants où on est contents de recevoir les
pères. Mais là, si on veut vraiment faire de la place à tout le monde, il faut
réfléchir sur les pratiques. Et tous ces groupes-là que vous connaissez, donc,
vraiment ont des projets pilotes pour réfléchir sur leurs pratiques pour
comment faire de la place aux pères. Et faire de la place aux pères, d'une
part, c'est de faire de la place à un parent masculin, mais, d'autre part
aussi, c'est plus compliqué que ça, c'est de réfléchir aussi en termes de
coparentalité. Parce que souvent on a une logique d'intervention, de soutien la
mère-l'enfant, mais, si on pense en termes de coparentalité où il y a deux
parents, c'est une nouvelle façon d'approcher ces enjeux-là, et je pense qu'il
y a beaucoup de chemin à faire à ce niveau-là.
M. Derraji : L'autre recommandation
qui me parle beaucoup, là, c'est : «mesurer l'impact de la bonification du
congé parental sur la durée du congé pris par les pères ainsi que le nombre de
pères rejoints». Moi, je pense, je ne sais pas c'est quoi, la piste
d'atterrissage du ministre avec son projet de loi, mais, si jamais... je ne
présume rien, mais, si jamais on va avec ce que je sens depuis le début, ce que
vous dites, c'est que ça nous prend... au moins pour la première année, voir
l'impact de cette bonification, donc les quatre semaines que... le bonus pour
le père. Est-ce que c'est... Est-ce que c'est ça?
M. Villeneuve (Raymond) : En
lien avec les caractéristiques sociodémographiques des pères et des mères pour
vraiment voir qui ça affecte de quelle façon. Et là, probablement avec quelques
graphiques, on verrait l'impact réel, et qui sont touchés et qui est mobilisé.
M. Derraji : Mais là est-ce
que vous parlez de la mesure dans le projet de loi ou bien dans la mesure où
vous, vous dites : Écoutez, moi, c'est d'allonger huit semaines, là?
M. Villeneuve (Raymond) : Ah!
bien, toutes les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celles
du bonus pour vraiment voir qui elle mobilise.
M. Derraji : Oui, et est-ce
que, vraiment, a atteint le résultat? Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de
quatre semaines. On le lance. Mais, au bout de la ligne, personne ne l'utilise
ou bien on reste toujours dans le même groupe que vous avez identifié à
26 %.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui,
c'est notre crainte.
M. Derraji : O.K. <Excellent...
M. Villeneuve (Raymond) :
…toutes les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celles du
bonus pour vraiment voir qui elle mobilise.
M. Derraji : Oui, et est-ce
que, vraiment, a atteint le résultat? Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de
quatre semaines. On le lance. Mais, au bout de la ligne, personne ne l'utilise
ou bien on reste toujours dans le même groupe que vous avez identifié à
26 %.
M. Villeneuve (Raymond) :
Oui, c'est notre crainte.
M. Derraji : O.K. >Excellent.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Merci beaucoup. Merci
pour votre présence. Ça a été très clair. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez
2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour et bienvenue. C'est vrai que la création du congé paternel,
je pense, a créé une petite révolution au Québec. C'est drôle parce que, samedi
matin, j'étais au parc avec ma petite, on est chanceux d'avoir plusieurs beaux
parcs pour enfants dans d'Hochelaga-Maisonneuve, puis, à un moment donné, j'ai
réalisé que, de la douzaine de parents qui étaient présents, on était presque
jusque des pères, il y avait une mère qui était présente. Puis j'ai dit : Oh!
on dirait que ça n'arrive pas souvent que je réalise que, tout d'un coup, dans
un endroit dédié aux enfants, il y a une majorité de pères. Je ne peux pas
m'empêcher de croire que le RQAP, plus précisément le congé paternel, n'y est
pas pour quelque chose.
Tout ce que vous avez dit et tout ce que
vous avez écrit est de la musique à mes oreilles. J'ai tenté de convaincre M.
le ministre, depuis le début du projet de loi, de tout ça. Vous le mettez dans
un beau mémoire avec des beaux graphiques. J'espère que ça pourra nous aider,
dans l'étude détaillée, à continuer à créer le consensus, parce que,
visiblement, depuis le début des audiences, peu de mémoires ont soutenu la proposition
du ministre. La plupart des mémoires ont plutôt soutenu une proposition avec
des variantes alentour de dire : Non, non, on bonifie le congé paternel
plutôt.
Vous avez déjà donc bien évoqué tout ce
volet-là. Je vais donc poser une question sur l'aspect des congés. Vous avez
été quelques organisations à soutenir l'idée qu'il fallait créer une banque de
congés à partir, donc, du RQAP, d'autres disent à partir des normes du travail.
Vous, vous semblez plutôt vous situer à partir du RQAP. Est-ce que vous avez
évalué aussi l'option d'y aller par les normes du travail? Est-ce que c'était
un choix l'un versus l'autre ou, dans le fond, tant qu'on réussisse à en mettre
plus sur la table?
M. Villeneuve (Raymond) : …pas
un expert de cette question-là, mais il nous semblait que le besoin de congé
allait bien au-delà de la période du RQAP. Ça fait qu'on se disait que ce
serait intéressant de penser à une solution comme ça. Mais, techniquement, je
n'ai pas les compétences, là, pour comparer les deux avenues. Désolé.
M. Leduc : Donc, restons sur
votre proposition. À partir du RQAP, c'était à 10 jours, je pense, si je ne me
trompe pas?
M. Villeneuve (Raymond) : 10
jours de plus. C'est ça.
M. Leduc : Vous arrivez à ce
chiffre-là par une expérience, un sondage ou…
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, on regarde… en tout cas, ça nous semblerait vraiment un plancher, un
minimum, là, quand on regarde les journées de maladie, et tout ça, là. Ça fait
qu'on partait avec un plancher comme ça, là.
M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il nous
reste un peu de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
40 secondes.
M. Leduc : 40 secondes. Peut-être,
en terminant, plusieurs groupes, en début d'audiences, ont proposé de reporter l'application
de ce projet de loi à cause de la pandémie, à cause des difficultés économiques.
Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, les familles ont été très éprouvées, hein, pendant le COVID, et
tout ça. On a fait un sondage sur la coparentalité qui était superintéressant :
d'une part, il y avait 40 % des familles qui nous disaient qu'ils avaient
amélioré leurs pratiques de coparentalité et qui pensaient vraiment que leurs
pratiques seraient changées durablement, mais il y avait aussi 25 % des
familles qui se disaient en détresse psychologique. Ce qui fait qu'on a les
deux en même temps, mais il y a une fenêtre d'opportunité pour faire bouger les
choses.
Et il y aura toujours une raison pour ne
pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il y a vraiment une belle
opportunité de faire des belles choses, puis le Québec est <vraiment…
M. Villeneuve (Raymond) :
…mais
il y avait aussi 25 % des familles qui se disaient en
détresse psychologique. Ce qui fait qu'on a les deux en même temps, mais il y a
une fenêtre d'opportunité pour faire bouger les choses.
Et il y aura toujours une raison pour
ne pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il y a vraiment une belle
opportunité de faire des belles choses, puis le Québec est >vraiment un
terreau fertile. Quand on sort du Québec, les gens sont envieux de ce qu'on
fait ici. Alors, c'est chouette de continuer à être des modèles pour les gens
qui nous entourent.
M. Leduc : Merci beaucoup.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup pour votre présentation toujours très pertinente et énergique.
Comment on arrive… Donc, je comprends bien votre proposition qui est de se
concentrer sur les semaines en exclusivité aux pères. Comment on arrive… parce
que vous… à l'équilibre entre créer le cocon familial, donc créer cette
synergie-là entre les deux parents et les enfants, mais aussi faire en sorte
que le père s'implique seul?
Le groupe précédent favorisait l'idée de
dire des semaines du congé de paternité seraient utilisables si le père
les utilise seul et non pas conjointement avec sa conjointe. Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Est-ce que… Quel équilibre… Comment on trouve l'équilibre pour
faire en sorte que le père reste à la maison aussi avec les enfants, pas juste
en second violon?
M. Villeneuve (Raymond) :
Écoutez, ce n'est pas une question simple parce que pour une… Moi, ce que je
vous dirais, là, la réponse la plus honnête, c'est que, pour une partie des
pères, ça marcherait vraiment et, pour une autre partie des pères, il y a des
pères qui ne le prendraient pas parce qu'ils ne sont pas prêts. Les pères ne
sont pas uniformes, les pères n'ont pas les mêmes pratiques. Il y a une partie
des pères, on leur met un bébé dans les bras, ils sont super à l'aise, il n'y a
pas de problème. Il y a une autre partie que, dans le 0-2 ans, ils ont beaucoup
de difficultés. Ça, c'est documenté par la littérature. Souvent, les pères, ils
ont de la difficulté avant que l'enfant parle et joue, et tout ça. Ça fait que
d'avoir une solution universelle, ce n'est pas simple.
Mais c'est sûr que d'offrir la possibilité
aux pères de passer trois semaines de plus seul avec son enfant, c'est
intéressant. Mais moi, là, je pourrais mettre… je pourrais… je suis pas mal
certain que ça ne serait pas tous les pères qui s'en prévaudraient. Ça fait
qu'encore là on atteindrait seulement qu'une partie de l'objectif, donc auprès
des pères les plus progressistes, encore là.
Mme
Hivon
: Vous
voulez dire si on mettait trois semaines mais qui peuvent être utilisées
seulement si le père les prend seul.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Oui, il y a une partie des pères qui ne sont pas rendus là.
Mme
Hivon
: Oui.
M. Villeneuve (Raymond) : Moi,
c'est vraiment… puis je suis quand même souvent sur le terrain, là, il y a une
partie des pères qui ne serait pas là. Il y a une partie des pères, peut-être
la moitié, qui le prendrait, l'autre partie qui dirait : Ah! non, non,
moi, je ne touche pas à ça, je ne suis pas encore là. Parce que tu ne sais pas…
Tout le monde n'est pas encore à la même place sur le continuum.
Mme
Hivon
: Puis
comment on fait pour… vous avez, de manière très pertinente, commencé en
parlant un peu des normes sociales, et tout ça. Comment on fait, donc, pour les
faire changer et évoluer, ces normes sociales là? Je comprends que c'est un peu
l'idée du ministre avec son espèce de quatre semaines de plus si on partage.
Vous, vous dites : Allons vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif,
comment on y arriverait?
• (18 heures) •
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, là, si j'allais... La réponse la plus simple, là, si je vais
direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les
services, les pères. Si…
18 h (version révisée)
Mme
Hivon
:
...avec son espèce de quatre semaines de plus si on partage. Vous, vous dites :
Allons vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif, comment on y
arriverait?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, là, si j'allais... La réponse la plus simple, là, si je vais
direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les
services, les pères. Si on veut vraiment avoir le changement social qu'on
souhaite, il faut agir sur les trois vecteurs, donc regarder les politiques
publiques qui entourent la famille, regarder les services, puis après ça aller
dans l'espace public. C'est comme ça que ça peut vraiment bouger. Il n'y a pas
juste un seul levier qui peut tout régler. La société, c'est plus compliqué que
ça.
Mme
Hivon
: Oui,
un petit peu. Puis vous arrivez, vous, avec une proposition de jours aussi, donc
on voit que c'est aussi présent dans les groupes qui défendent la famille, donc
de jours, un peu, qui peuvent être pris. Et votre proposition, si je la
comprends bien, c'est d'ajouter un 10 jours qui peut être utilisable. Et, dans
la séquence-temps, ça serait dans quelle période de temps que ça puisse être
utilisable?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est sûr qu'on pensait certainement dans l'année ou dans les deux années
qui suivent, là, la prise du congé parental.
Mme
Hivon
: Qui
suivent la naissance, la fin du congé.
M. Villeneuve (Raymond) : Parce
que le besoin est là de façon évidente.
Mme
Hivon
: C'est
clair. Donc, parfait.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci. C'est tout le temps que nous disposons.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Villeneuve, pour votre contribution aux travaux de la commission.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, à 19 h 30,
et nous nous retrouvons dans les mêmes salles. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
19 h 30 (version révisée)
(Reprise à 19 h 32)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ça ne sert à rien d'arriver 10 minutes d'avance à d'autres commissions
pour compenser le retard, là, hein?
M. Derraji : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Attention! On va commencer. Alors, bonsoir, tout le monde. À l'ordre, s'il vous
plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je souligne que cette séance se déroulera
à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où je me trouve et où nous
sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, où se trouve notre organisme
que nous recevons ce soir.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le
projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité
du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation
travail-famille.
Ce soir, nous entendons
Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur
agrégé au <département de...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime
d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.
Ce soir, nous entendons
Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur
agrégé au >département de pédiatrie de l'Université de Montréal,
conjointement avec Mme Johanne Lemieux, travailleuse sociale,
psychothérapeute, conférencière et auteure.
Alors, nous avons avec nous à distance ou
enfin dans l'autre salle M. Chicoine et Mme Lemieux. Je vous invite à
commencer votre exposé de 10 minutes après vous avoir... après que vous
vous soyez... vous ayez pris le temps de bien vous présenter. Alors, la parole
est à vous.
Mme Lemieux (Johanne) :
Alors, Johanne Lemieux, comme vous l'avez dit, travailleuse sociale et
psychothérapeute au Bureau de consultation en adoption de Québec, auteure,
conférencière, formatrice et collègue en adoption, complice en adoption depuis
20 ans avec mon collègue Jean-François Chicoine. Mais à nous deux, on a 60 ans
d'expérience auprès des enfants adoptés et de leur famille. On dit toujours,
Jean-François et moi, qu'on n'est pas des spécialistes de l'adoption, on est
des spécialistes de l'enfant adopté et de sa famille puis des personnes
adoptées quand ils grandissent, bien entendu. Je laisse la parole à mon
collègue.
M. Chicoine (Jean-François) :
Le plus beau pont Montréal-Québec, bien, sans prétention, c'est Johanne et moi.
Ça fait 20 ans qu'on collabore ensemble au niveau scientifique, au niveau des
publications avec les parents en formation ici et en Europe. Je suis
professeur, Jean-François Chicoine, à l'Université de Montréal et puis pédiatre
à la clinique d'adoption et de santé internationale du CHU Sainte-Justice qui
est ouverte depuis 1989, qui accueillait beaucoup dans les années 90, jusqu'à
800, 900 enfants adoptés à l'international par année, et qui, depuis 10, 20
ans, accueille de plus en plus d'enfants de l'adoption nationale.
Mme Lemieux (Johanne) : Voilà.
Alors, je vais commencer la première partie de notre... hein, de notre
présentation à deux. Alors, nous avons choisi de ne pas déposer un rapport, ou
une lettre, ou quoi que ce soit, dans un premier temps, parce qu'on voulait
vous expliquer ça live, hein, en personne et parce qu'on est tout à fait
d'accord avec l'ensemble du projet de loi et surtout avec les amendements,
hein, qui ont été, bon, vous le savez, comme négociés, bon, les quelques mois
avant la COVID. Et on est d'accord avec les dispositions parce qu'on va vous
expliquer que ça correspond très bien à nos connaissances scientifiques et
empiriques que l'on a sur la normalité adoptive, c'est-à-dire qu'est-ce qui
constitue ce qui est normal lorsqu'on est un enfant adopté, lorsqu'on est une
famille adoptive et quand cette famille-là accueille un enfant.
Alors, pendant longtemps... Je m'ai fait
un petit dessin de rien mais, bon, peut-être que vous ne le verrez pas mais,
bon. Pendant longtemps, on m'a demandé, on demandait à Jean-François :
Mais qu'est-ce qu'ils ont de si spécial, les enfants par adoption? C'est des
êtres humains, bon, ils ont été abandonnés, mais, une fois qu'on les place dans
une famille avec de l'amour et des bons soins, tout devrait bien aller. Alors,
je vais citer le Dr Michel Lemay, hein, un collègue de Jean-François au
CHU Sainte-Justine, le <grand pédopsychiatre...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
on m'a demandé, on demandait à Jean-François : Mais qu'est-ce
qu'ils ont de si spécial, les enfants par adoption? C'est des êtres humains,
bon, ils ont été abandonnés, mais, une fois qu'on les place dans une famille
avec de l'amour et des bons soins, tout devrait bien aller. Alors, je vais
citer le Dr Michel Lemay, hein, un collègue de Jean-François au CHU
Sainte-Justine, le >grand pédopsychiatre disait : «Penser que de
soigner un enfant abandonné qui a des problèmes d'attachement, qui a des
traumatismes avec de l'amour et des bons soins, c'est un peu comme essayer de
soigner une crise du foie en gavant la personne avec du gâteau au chocolat. Il
faut d'abord soigner la personne et un jour elle sera capable d'apprécier le
gâteau au chocolat.»
Alors, pendant longtemps, on s'est
dit : Un enfant qui est placé par adoption, comme par miracle, par charité
parce que, mon Dieu, il n'avait rien, donc il doit être tellement reconnaissant
d'avoir tout maintenant, une famille, bien, on se disait : Il devrait tout
de suite devenir exactement comme un enfant biologique, peu importe son âge,
peu importe son vécu. Alors, on mettait une pression énorme aux parents
adoptants et aux enfants adoptés, peu importe leur âge, de devenir exactement
comme un enfant par adoption, tant au niveau de sa santé mentale, physique,
développementale, sociale.
Alors, il y en a qui ont essayé vraiment
de se conformer à ça, au grand prix de ne pas être
eux-mêmes — souvent, c'est plus tard que ça ressort — ou,
n'étant pas capable d'entrer dans ce moule-là, bien, il y a plusieurs années,
il y a une trentaine d'années, avant qu'on ait de meilleures connaissances en
neuroscience, en développement en traumatismes précoces et en comment le
cerveau d'un enfant doit... quels sont les facteurs de protection qu'un enfant
doit avoir, bien, on s'était dit : Cet enfant-là doit être pathologique,
il doit être étrange, ça doit être génétique ou autre explication pas très
scientifique.
Alors, ce que nous, Jean-François Chicoine
et moi, des chercheurs de partout dans le monde et beaucoup de professionnels,
on a compris, c'est que si ni un ni l'autre, c'est-à-dire qu'on ne demande
pas... on ne devrait pas demander à un enfant d'être exactement comme un enfant
biologique dans ses réactions, dans ses capacités ou de le mettre dans une
catégorie plus pathologique, il y a une normalité adoptive. Et cette normalité
adoptive là, eh bien on a été capable de beaucoup mieux pointer quels sont les
facteurs de risque que l'enfant a vécus en préadoption, et c'est mon collègue
Jean-François Chicoine tout à l'heure qui vous en parlera plus en détail, et
quels sont les facteurs de protection. Parce que l'adoption, c'est un geste de
protection de la jeunesse, hein? L'adoption, ce n'est pas de trouver un enfant
pour une famille, c'est de trouver une famille pour un enfant, un enfant
blessé, un enfant à haut risque de ne pas avoir reçu tout ce qu'il avait besoin
pour se développer normalement. Donc, on doit donner les facteurs de
protection, c'est-à-dire on doit donner tout ce... on doit donner toutes les
occasions à une famille d'être présente, disponible, sensible pour accueillir
cet enfant-là.
Mais ce qu'on aime beaucoup dans le projet
de loi et les amendements, c'est que la nomenclature congé d'accueil et de
soutien correspond exactement à ce qu'on connaît du processus d'apprivoisement,
d'adaptation, d'attachement qu'un enfant doit faire quand il est déraciné d'un
premier milieu.
• (19 h 20) •
<Donc, ce... Parce que...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
et de soutien correspond exactement à ce qu'on connaît du processus
d'apprivoisement, d'adaptation, d'attachement qu'un enfant doit faire quand il
est déraciné d'un premier milieu. >
Donc, ce... Parce que pendant cette
période d'accueil là, le parent n'est pas encore parent. Un parent biologique,
il prend soin de son bébé. Une maman qui vient d'accoucher est un peu en
convalescence, hein, de son accouchement, et prend soin de son bébé, et est
tuteur du développement de son bébé. Le bébé, sauf s'il a été malade, ou qu'il
a des problèmes graves, ou qu'il a été prématuré, n'a pas de besoins spéciaux,
donc tout de suite, un parent va commencer à créer un lien d'attachement, va
commencer à prendre soin du bébé. Bien, les parents qui adoptent un enfant, qui
accueillent un enfant par adoption, ils ne peuvent pas prendre soin du bébé,
ils doivent le soigner avant qu'ils puissent en prendre soin.
Un parent adoptant, une famille adoptive
est, d'abord et avant tout, un tuteur de résilience de l'enfant. Ce sont des
enfants qui ont passé au travers de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'épreuves,
ils sont résilients, mais à quel prix? Ça laisse des traces. Il faut que le
parent, que la famille qui les accueille puisse offrir une grande
disponibilité. Et au départ... je m'amuse souvent à dire qu'au départ... quand
je donne de la formation en Europe ou au Québec et avec mon collègue
Jean-François Chicoine, au départ, les parents adoptants ne sont pas des
parents. Ce sont des infirmiers, des nutritionnistes, des techniciens en éducation
spécialisée, et, dans certain cas, et je le dis avec beaucoup de bienveillance
et de tendresse, de gardiens de zoo des enfants qui n'ont jamais vécu dans une
famille, des enfants qui n'ont vécu que dans un orphelinat.
Donc, nous sommes très d'accord avec cette
nomenclature-là qui permet, pendant plusieurs mois, hein, quelques mois, plusieurs
semaines qui donnent quelques mois, d'accueillir cet enfant-là, autant pour
l'enfant que pour le parent, s'apprivoiser, s'adapter et surmonter une première
partie des chocs post-traumatiques, des problèmes de santé et développementaux
de l'enfant.
Et dans un deuxième temps, là, on a un
congé d'adoption, un congé parental où, on l'espère, l'enfant s'est un peu
apprivoisé, un peu adapté, et sera disponible à créer un lien d'attachement.
Parce que ce n'est pas automatique, un lien d'attachement. Et le lien
d'attachement, je vais terminer là-dessus, on le sait, maintenant, dans les
études en neuropsychologie... et créer un lien d'attachement sécurisé avec son
donneur de soins, son parent, et vice-versa, qu'un donneur de soin et qu'un
parent crée un lien d'attachement sécurisé avec un enfant, c'est... ça donne...
ce sont des facteurs de protection pour tout le reste de la vie, la santé
mentale, physique, émotive, sociale d'un être humain. Je te passe la parole
pour parler des facteurs de risque.
M. Chicoine (Jean-François) :
Merci, Johanne. Brièvement, je pourrai répondre à vos questions après, je vais
vous dresser un peu un portrait des enfants qu'on reçoit par adoption à
Sainte-Justine. Je vais vous parler avec raison, comme toujours, j'espère, mais
aussi avec passion. C'est un privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois
agir d'une manière pragmatique pour les enfants et leurs familles, mais aussi,
à chaque instant de ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à l'enfant, le <droit
d'être apaisé...
M. Chicoine (Jean-François) :
... un portrait des enfants qu'on reçoit par
adoption à Sainte-Justine.
Je vais vous parler avec raison, comme
toujours, j'espère, mais aussi
avec passion. C'est un privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois agir
d'une manière pragmatique pour les enfants et leurs familles, mais aussi, à
chaque instant de ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à l'enfant, le >droit
d'être apaisé par des adultes et le droit d'avoir une famille.
Les enfants de l'adoption ont une forme de
marginalité, puisqu'ils viennent d'une grossesse tout à fait particulière.
Donc, les mamans abandonnantes ou qui vont devoir se séparer de l'enfant sont
plus stressées, elles ont fumé, elles ont pris de la drogue, ou elles ont bu.
Alors, le syndrome d'alcoolisation foetale, soit au Québec ou à
l'international, est une notion qu'il faut toujours retenir en adoption. Les
premiers temps de l'enfant se font dans la négligence, souvent, parfois dans la
maltraitance passive, active, selon la provenance des enfants, selon leur
histoire de vie. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que l'enfant adopté, il a
une trajectoire particulière qui est forgée à partir de liens d'attachement qui
n'ont pas pu se faire, donc de liens d'apaisement. C'est donc un enfant stressé
qui a excité son cortisol cérébral d'une manière tout à fait particulière et
qui surtout est rompu aux ruptures. C'est un enfant qui a fait plusieurs
familles d'accueil au Québec ou c'est un enfant qui a rencontré, par exemple
lorsqu'il vient de l'international, à peu près 20, 30, 40, 50 nourrices qui se
sont occupées de lui avant d'arriver dans sa famille d'accueil. C'est des
enfants aussi qui ont vécu et qui ont des infections chroniques plus que
d'autres, l'hépatite B et notamment le VIH, maintenant, où on reçoit beaucoup
d'enfants de l'international, de plus en plus d'enfants de l'international avec
le VIH, des enfants qui ont passé à travers la malnutrition, le kwashiorkor,
donc dont la croissance va devoir être accompagnée sur plusieurs mois. Au
niveau développemental, et on les connaît bien à Sainte-Justine, on les a
suivis aussi...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Chicoine.
M. Chicoine (Jean-François) :
...en recherche avec l'Université du Québec à Sainte-Justine, c'est des enfants
qui vont avoir des défis au niveau sensoriel, au niveau moteur, au niveau
cognitif, au niveau langagier et beaucoup au niveau socioaffectif. Il faut se
donner facilement, pour des enfants adoptés avant l'âge de 18 mois, au moins
deux ans pour qu'ils arrivent à une normalité d'enfants pour tous ces stades du
développement. Les traumatismes, ils peuvent être simples, ils peuvent être
complexes. Beaucoup d'enfants vont donc avoir des résurgences de leur vie
antérieure, et pour les parents c'est énormément de travail pour la mise en
famille, pour l'adaptation puis pour l'adaptation scolaire. C'est des
rencontres, c'est des rendez-vous, c'est de l'ergothérapie, de la
physiothérapie, des chirurgies lorsqu'il y a une fente labio-palatine, deux à
quatre chirurgies. Donc, c'est aussi pour moi et pour notre infirmière et notre
équipe, notre travailleuse sociale des requêtes d'enfant... de subventions pour
enfant avec handicap, que ce soit au fédéral ou au provincial.
Il ne faut pas retenir de ça que tous les
enfants adoptés sont des handicapés et sont des enfants hypothéqués pour toute
leur vie, non. La majorité d'entre eux vont bien s'en sortir, mais il faut
toujours consolider leurs parents et les aider à différents niveaux.
Les parents adoptants aussi, ils ont une
différence. <Ce sont des parents...
M. Chicoine (Jean-François) :
...
Il ne faut pas retenir de ça que tous les enfants adoptés sont des
handicapés et sont des enfants hypothéqués pour toute leur vie, non. La
majorité d'entre eux vont bien s'en sortir, mais il faut toujours consolider
leurs parents et les aider à différents niveaux.
Les parents adoptants aussi, ils ont une
différence. >Ce sont des parents, en général, par rapport à une moyenne
de parents qui ont été évalués par des travailleurs sociaux ou des psychologues
dans leur compétence... donc, ils ont une compétence, mais ils n'ont pas
l'expérience parentale. Ils ont des trajectoires d'infertilité, des deuils
antérieurs...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, il vous reste 20 secondes. En conclusion.
M. Chicoine (Jean-François) :
Et c'est donc des parents qu'il faut savoir reconnaître pour pouvoir les arrimer
à la situation exceptionnelle de leur enfant, sur des mois, parfois des années.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, on vous remercie, Dr Chicoine. Nous allons commencer la période
d'échange. M. le ministre, vous avez 14 minutes.
M. Boulet : Merci. D'abord,
vous resaluer de nouveau, Dr Chicoine, Mme Lemieux. Vous êtes
manifestement des personnes qui êtes spécialisées depuis tant d'années. Vous
avez des connaissances qui sont particulièrement opportunes et pertinentes pour
une commission parlementaire comme la nôtre, et je vous félicite pour la
qualité et la clarté de votre présentation.
Je vais peut-être y aller sous forme un
peu de discussion avec vous. Un, je veux vous remercier quand vous dites que le
projet de loi correspond à nos connaissances scientifiques et est le reflet, je
pense, on l'a réalisé, là, suite au dépôt initial du projet de loi n° 51... le consensus social était très clair. Je pense que
la société a parlé dans son ensemble, et on a écouté, on a agi. Évidemment,
vous savez que c'est le genre de projet de loi qu'il faut travailler de manière
transversale. Véronique Hivon a joué un rôle d'ambassadrice hors pair pour la
Fédération des parents adoptants, que j'avais déjà rencontrée.
Dans le projet initial, on réduisait
l'écart de façon significative entre les parents adoptants puis les parents biologiques,
mais maintenant c'est débat du passé. Puis la jurisprudence sur laquelle on
s'appuyait n'est plus compatible, du moins avec la réalité sociale québécoise
et avec la sophistication, si je peux dire, de notre politique familiale dans
son ensemble, dont le RQAP fait partie, régime, d'ailleurs, dont on est extrêmement
fiers au Québec. Et on se compare souvent à des pays progressistes, comme la
Suède et l'Allemagne, et on se fie beaucoup aux opinions de l'Organisation
internationale du travail et d'auteurs réputés comme Mme Lemieux et vous, bien
sûr, Dr Chicoine.
J'aimerais que vous me guidiez un peu plus
dans les critères qui me permettraient de bien comprendre ce qu'est la
normalité parce que j'ai tellement l'impression... Évidemment, c'est une courte
discussion, là. On ne pourra pas <aller dans tous les...
M. Boulet : ...
Mme Lemieux et vous,
bien sûr, Dr Chicoine.
J'aimerais que vous me guidiez un peu plus
dans les critères qui me permettraient de bien comprendre ce qu'est la
normalité p
arce que j'ai tellement l'impression...
Évidemment,
c'est une courte discussion, là. On ne pourra pas >aller dans tous les
détails, mais, tu sais, je vous entends, puis l'enfant adopté, il est forcément
hypothéqué, handicapé, puis pour moi, la notion de handicap, comme juriste,
c'est ce qui n'est pas conforme à la norme. C'est comme ça qu'on l'interprète,
tant le concept qui est dans la Charte des droits et libertés de la personne
que dans les lois sociales et du travail du Québec.
Et l'enfant biologique est forcément... Tu
sais, j'avais l'impression, à un moment donné, que l'enfant biologique est la
norme, puis l'enfant adopté est le handicap ou l'anormalité. Puis je sais que
c'est beaucoup plus nuancé que ça, mais je veux surtout, par ma question, vous
donner l'opportunité de compléter un peu plus.
Mme Lemieux (Johanne) : Merci
de votre question. Je vais me permettre de répondre. En fait, c'était un peu
pour justement vous souligner un mythe qu'il y a eu trop longtemps dans
l'esprit des gens qui... on ne peut pas tout connaître dans la vie... qu'un
enfant biologique était la norme, et que, si un enfant par adoption ne rentrait
pas dans cette norme-là, eh bien, il était nécessairement hors-norme, justement.
Alors, c'est pour décrier ça. Les enfants biologiques ne sont pas tous
parfaits, puis d'ailleurs, un enfant parfait, ce ne serait pas une très bonne
chose, comme un parent parfait non plus.
Mais, si on est un... si le... Alors, la
normalité adoptive... en fait, j'ai écrit un livre là-dessus, c'est mon dada...
ça veut dire que ce sont des enfants qui ont les mêmes besoins, les mêmes
talents que n'importe quel enfant, les mêmes phases développementales, mais que
leur vie de préadoption leur ont donné des options supplémentaires, les options
supplémentaires d'avoir été trahis, volontairement ou involontairement, par des
adultes, qui font qu'ils ont de la difficulté à faire confiance aux adultes, à
se rattacher à quelqu'un. Ce sont des enfants qui, comme mon collègue
Jean-François Chicoine l'a souligné, ont des enjeux de santé mentale et
physique, qu'on doit reconstruire quand ils arrivent. Donc, c'est une option
supplémentaire.
• (19 h 50) •
Ils ont l'option supplémentaire
formidable, aussi, d'avoir survécu à des épreuves que peut-être ni vous, ni
moi, ni Jean-François, ni les gens dans la salle n'auraient pu surmonter. Mais
survivre, être résilients, comme l'a dit mon collègue de la commission des
1 000 jours, en France, bon, une commission sur les 1 000 premiers
jours de l'enfant, où j'ai eu le grand honneur de siéger, avec Boris Cyrulnik,
ce n'est pas parce qu'on est résilient qu'on n'a pas des traces.
Alors, les options supplémentaires, ça
fait que c'est des enfants qui ont un entretien un petit peu plus sophistiqué.
Ils ne sont pas tous handicapés, mais ils ont une forme de sophistication qu'on
doit connaître et qu'on doit comprendre, que ce soit nous-mêmes, comme
personnes adoptées, quand les enfants grandissent, les parents qui les
accueillent, et, bien entendu, la société qui les accueille, et les
professionnels qui les accueillent. Ces options supplémentaires là forment
cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en moins, qui est quelque chose
en plus, et qu'on doit célébrer, connaître, normaliser, au lieu de les mettre
dans la <honte de ne pas être...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
les parents qui les accueillent, et, bien entendu, la société qui
les accueille, et les professionnels qui les accueillent. Ces options
supplémentaires là forment cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en
moins, qui est quelque chose en plus, et qu'on doit célébrer, connaître,
normaliser, au lieu de les mettre dans la >honte de ne pas être exactement
comme un bébé biologique voulu, désiré, allaité, chouchouté, apaisé, complètement
protégé de toutes les épreuves de la vie.
M. Chicoine (Jean-François) : C'est
des enfants qui ont beaucoup de troubles de sommeil. C'est des enfants qui, au
lieu de faire pipi au lit jusqu'à l'âge de quatre, six ans vont faire pipi au
lit jusqu'à huit, neuf ans. C'est des enfants qui, au lieu de marcher entre 12
et 16 mois, vont marcher entre 12 et 24 mois, normalement. C'est des enfants,
si je prends ma montre et si je la cache comme ça, bien, normalement, vers
l'âge de neuf mois, si l'enfant a vu, bien il va retirer mon masque pour
regarder ma montre.
Mais, en adoption, c'est à peu près vers
l'âge de 12, 13 mois. Donc, ils ont tous une forte fin de comète, ce qui nous
permet, comme pédiatres puis comme soignants, de voir lesquels se détachent vraiment
de cette normalité-là, lesquels vont avoir, en plus d'un retard développemental
ou d'un manque d'amour et de confiance et de trop de stress, lesquels vont
avoir aussi une pathologie médicale, en plus.
Donc, il y a des enfants qui ont... qui
sont en retard dans la normalité adoptive, ce qui nous permet d'identifier les
besoins spéciaux des enfants et éventuellement aussi d'avoir des services pour
eux, parce qu'il est très clairement, que ce soit un syndrome d'alcoolisation
foetale, ou une négligence par malnutrition, ou par manque de soins adultes, si
on intervient rapidement par des parents, par des ergothérapeutes, par des
travailleurs sociaux, des psychologues, des psychoéducateurs, on va changer le
destin de ces enfants-là.
Et c'est extraordinaire, comme pédiatre,
d'avoir le soignant qui est le parent dans son bureau. Alors, vous n'avez pas à
attendre les services, ils sont là, débordants d'amour.
M. Boulet : Tout à fait.
Mme Lemieux (Johanne) : Puis
j'ajouterai que le facteur de protection le plus grand, ce sont des parents
bien évalués, bien supportés mais qui ont du temps : le temps de ne pas
exiger que l'enfant s'attache tout de suite à eux et vice versa, le temps
d'être, comme je le disais, des tuteurs de résilience; le temps de les
apprivoiser, parce qu'au début, un enfant ne prendra pas... il est en choc
d'être déraciné. Même si on le déracine d'un endroit qui est moins adéquat pour
lui, il est quand même en choc.
Alors, on ne peut pas exiger d'un enfant
qui est en choc, qu'il nous aime tout de suite, qu'il s'attache à nous, qu'il
nous fasse confiance tout de suite. Alors, ce temps-là, ce congé d'accueil et
de soutien, moi, ça me touche beaucoup parce que c'est un mot qui correspond
tout à fait à la fois légalement, socialement, mais au niveau biopsychosocial
et offre vraiment aux parents l'occasion que l'enfant se pose, se dépose.
Ces enfants-là, c'est des petits matelots
qui ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup de naufrages et qui ont... qui
doivent éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont reprendre
confiance au capitaine, mais, au départ, ils n'ont pas tellement confiance au
capitaine, là. Ils vont essayer de ne pas avoir besoin des capitaines. Alors,
vraiment, la nomenclature, comment la loi a été... le <projet de loi...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
qui ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup de naufrages et qui ont...
qui doivent éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont
reprendre confiance au capitaine, mais, au départ, ils n'ont pas tellement
confiance au capitaine, là. Ils vont essayer de ne pas avoir besoin des
capitaines. Alors, vraiment, la nomenclature, comment la loi a été... le >projet
de loi a été... arrangé ou programmé, je ne sais pas comment... moi, je ne suis
pas juriste, là, ça correspond vraiment à ces deux étapes-là.
M. Boulet : Oui.
M. Chicoine (Jean-François) :
Et on peut être un peu lyrique, dans l'idée du soutien... Pardonnez-moi, M. le
ministre.
M. Boulet : Bien non, allez,
allez.
M. Chicoine (Jean-François) :
Je vous mentirais si je vous disais que c'est la première fois que ça m'arrive.
Mais dans l'idée du soutien, il y a l'idée du portage, il y a l'idée de la
disponibilité physique. Et l'attachement d'un enfant, il se fait par la
disponibilité physique de ses parents, parce qu'on le regarde dans les yeux,
parce qu'on le porte, parce qu'on le transporte, parce qu'on le prend en peau à
peau. Et cette disponibilité-là, elle est essentielle pour que le parent
s'accroche à l'enfant, ce qu'on appelle le lien, et pour que l'enfant
s'accroche à son parent, ce qu'on appelle l'attachement.
M. Boulet : Merci à vous deux.
En fait, c'était l'opportunité que je voulais vous offrir, de compléter vos
propos parce que vous étiez limités dans le temps. Vous vous exprimez avec
tellement d'humanité, tellement d'empathie et ça suscite chez moi énormément
d'intérêt.
Il y a des questions parfois un peu
plus... Mais avant d'aller à une question qui est eu peu plus pratique, vous
parliez de trajectoire variable pour les parents. J'ai bien compris, là, pour
la normalité des enfants, là, c'est à tous égards, là, au plan verbal, au plan
moteur, au plan neurologique, là, tu sais, l'enfant adopté va généralement
marcher plus tard, il va attacher ses souliers plus tard, il va tout faire...
La trajectoire, même si elle n'est pas linéaire, il y a un écart dans la
rapidité d'évolution de l'enfant adopté quand on le compare à ce qui est normal
pour un enfant biologique.
Mais vous avez parlé de trajectoire
variable pour les parents adoptants. Pouvez-vous... Je vous donne une autre
occasion d'élaborer un petit peu là-dessus.
Mme Lemieux (Johanne) :
Pouvez-vous élaborer votre question parce que je...
M. Boulet : Tu sais, vous
parliez, vous faisiez référence à une trajectoire qui pouvait être variable
chez les parents adoptants.
Mme Lemieux (Johanne) : Oui.
Oui. En fait, c'est un peu pour reprendre ce que Jean-François a dit, il faut
aussi... on a parlé beaucoup des besoins, des facteurs de risque que l'enfant a
vécu, mais il faut aussi donner du temps aux parents de devenir parents. Et de
devenir parent, même si tu as été évalué, même si tu as bien de l'amour à
donner, ça prend du temps. C'est une valse qui est extrêmement complexe. Dans
mon bureau, depuis 25 ans que j'ai le Bureau de consultation en adoption de
Québec, j'ai reçu des parents qui avaient honte de ne pas avoir... de ne pas
être tombés tout de suite en amour avec leur enfant et de se sentir coupables
de ne pas avoir créé ce lien-là immédiatement. Alors, quand on parle de
trajectoire du parent, il faut aussi normaliser le <fait que c'est...
Mme Lemieux (Johanne) :
... ans que j'ai le Bureau de consultation en adoption de Québec, j'ai reçu des
parents qui avaient honte de ne pas avoir... de ne pas être tombés tout de
suite en amour avec leur enfant et de se sentir coupables de ne pas avoir créé
ce lien-là immédiatement. Alors, quand on parle de trajectoire du parent, il
faut aussi normaliser le >fait que c'est normal, madame.
Moi, j'avais déjà dit, lors d'un
rapport-progrès, quand on va à la maison pour voir comment l'enfant va,
s'adapte, j'ai dit : Vous savez, ça a l'air de très bien aller, mais
imaginez comment ça va aller beaucoup mieux quand vous allez aimer votre
enfant. La maman, elle me regarde, elle dit : Comment savez-vous que je ne
l'aime pas encore? Bien, j'ai dit, c'est normal que vous ne l'aimiez pas
encore. Ça va venir.
M. Boulet : Et j'ai vraiment
bien compris, puis je pense que tant chez l'enfant adopté que le parent
adoptant, le remède, c'est le temps, la disponibilité.
Mme Lemieux (Johanne) : La
proximité physique, la sensibilité, l'espèce de vase d'apprivoisement de
l'espace qu'on doit coloniser doucement, voilà.
M. Boulet : Il faut que je
vous arrête parce que je veux absolument vous poser... Puis moi aussi, je suis
limité dans le temps. Est-ce que, pour vous... Puis j'ai apprécié beaucoup
vos commentaires sur la prestation d'accueil et de soutien. Est-ce qu'il faut
distinguer la prestation d'accueil et de soutien de la prestation parentale? Et
comment il faut les analyser de façon distincte?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
moi, j'aime bien comment c'est fait comme... j'aime beaucoup comment c'est déjà
fait. Voyez-vous, il y a plusieurs années, j'avais eu... un ministre
luxembourgeois m'avait demandé mon avis sur une loi qui allait justement être,
bon, votée, j'imagine, au Luxembourg, et il se posait cette question-là,
justement. Quand on parle d'adoption, étant donné qu'au début... Lui, il était
exactement, au Luxembourg, il était exactement dans les mêmes
questionnements : Ce n'est pas un congé de maternité, mais c'est un congé
d'accueil. Puis pourquoi ce congé d'accueil là serait un congé d'accueil? Et
pourquoi le congé d'adoption serait après? Alors, contrairement à ce que Mme
Carmen Lavallée a soumis, puis vraiment c'est... excellente présentation, moi,
je pense que le congé de soutien et d'accueil devrait rester congé de soutien
et d'accueil, puis le congé d'adoption parentale par la suite parce que c'est
vraiment après plusieurs semaines que le vrai sens de l'adoption commence.
M. Boulet : ...ce qu'on dit,
oui.
Mme Lemieux (Johanne) :
L'enfant va être plus disponible à se faire adopter émotivement et
physiquement, et vice versa.
Donc, ces deux nomenclatures-là
correspondent vraiment à tout ce que nos recherches empiriques, scientifiques
prouvent.
M. Boulet : Aïe, mon Dieu!
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, oui.
M. Boulet : Aïe, merci
beaucoup, beaucoup, Mme Lemieux, Dr Chicoine. Éminemment apprécié. Puis ça
démontre l'incroyable pertinence de la création de ce congé-là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons avec le porte-parole de
l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
• (20 heures) •
M. Derraji : Merci, Mme la Présidente.
Écoutez, je tiens juste à vous dire, malheureusement, on est dans deux salles
séparées, mais je tiens à vous dire que je sentais, à certains moments, le
ministre très engagé. Et je me suis dit : Est-ce qu'il va traverser de
l'autre côté? Il était tellement enchanté de vous entendre et saluer vos propos,
mais je...
20 h (version révisée)
M. Derraji : ...séparées, mais
je tiens à vous dire que je sentais, à certains moments, le ministre très
engagé, et je me suis dit : Est-ce qu'il va traverser de l'autre côté? Il
était tellement enchanté de vous entendre et saluer vos propos, mais je tiens à
dire la même chose, vous étiez vraiment... vous avez vraiment préparé une bonne
présentation, donc vous avez de très bons arguments. J'ai noté pas mal de
points, mais donc, par rapport au congé d'accueil et de soutien, les congés
d'adoption donc, pour vous, les deux, c'est important dans le processus de
normalité adoptive. Est-ce que j'ai bien résumé?
Mme Lemieux (Johanne) : Tout
à fait. Oui. Tout à fait. Absolument.
M. Derraji : O.K. Excellent.
Corrigez-moi, vous êtes les experts. Un autre point qui m'a le plus interpellé,
donner du temps aux parents de devenir parents. Bon. Et c'est là... moi, c'est
cette question de temps qui m'interpelle, et du moment que j'ai devant moi deux
experts dans ce domaine, si je vous demande d'évaluer ce temps, il sera de
combien?
Mme Lemieux (Johanne) : Ah!
Évaluer ce temps est de combien...
M. Derraji : Parce que vous...
en fait, si j'ai bien compris, pour vous, le congé d'accueil, c'est bon, c'est
très bon, même, le nombre de semaines, ça vous arrange.
Mme Lemieux (Johanne) : Tout
à fait.
M. Derraji : Et de soutien,
donc, pour... sur ce point, bien, écoutez, vous secondez un peu les propos
qu'on trouve dans le projet de loi. Le congé d'adoption, donc vous êtes pour,
avec la nomenclature et éventuellement avec le nombre de semaines.
Mais vous avez soulevé beaucoup de choses
par rapport à la normalité adoptive. Un groupe avant vous, il a parlé de la
question de normes. Des groupes, la semaine dernière... on parle d'un
processus. Et du moment que vous êtes deux experts, donc vous faites beaucoup
de recherche empirique, chose qui est très bonne pour nous, parlementaires,
voir ce que... vous nous facilitez la tâche. Il y a des groupes qui
disent : Bien, écoute, pour que le père puisse jouer son rôle, ce n'est
pas cinq semaines, c'est huit semaines parce qu'on veut l'impliquer davantage.
M. le ministre ramène les semaines partageables et avoir un quatre semaines de
plus pour pouvoir engager le père.
Bon, selon vous, nous avons ce débat sur
la table, est-ce que vous pouvez nous orienter, même avec un intervalle de
confiance, avec une marge d'erreur très élevée? Allez-y.
M. Chicoine (Jean-François) :
La plupart des familles, adoptives ou non, se plaignent de manque de temps, et
plusieurs d'ailleurs ont retrouvé du temps avec le confinement de la COVID en
mars, avril, et ils ont souligné les aspects positifs de cette horrible
pandémie. Quand on parle de temps, en adoption, on parle de disponibilité
physique et éventuellement de disponibilité cognitive quand les enfants sont un
peu plus grands puis sont capables de se souvenir de leurs parents. On parle,
en moyenne, donc, de cette première année après l'adoption, mais pour certains
enfants avec des déficits et qui ont accumulé des traumatismes, et tout, ça
pourrait être 18 mois, et puis, pour certains, ça pourrait être deux ans,
trois ans, quatre ans. Si on regarde du côté de l'enfant, par exemple, on sait
que, même s'il évolue bien à différents niveaux de son développement, s'il n'a
pas de maladie chronique importante, <on sait que son...
M. Chicoine (Jean-François) :
... cette première année après l'adoption, mais pour certains enfants avec des
déficits et qui ont accumulé des traumatismes, et tout, ça pourrait être
18 mois, et puis, pour certains, ça pourrait être deux ans, trois ans,
quatre ans. Si on regarde du côté de l'enfant, par exemple, on sait que, même
s'il évolue bien à différents niveaux de son développement, s'il n'a pas de
maladie chronique importante, >on sait que son immaturité psychique va
faire qu'il va falloir retarder, par exemple, sa scolarité. Donc, moi, je suis toujours
en train de faire commencer les enfants à l'âge de sept ans, comme autrefois,
en Suède, leur première année, parce qu'ils vont avoir une difficulté à
s'adapter à des milieux qu'ils pensent nouveaux et ils vont avoir parfois de la
difficulté à être suffisamment permanents et à suffisamment retenir leur parent
intérieur et leurs parents qu'ils ont quittés.
En adoption, la difficulté aussi, et c'est
là que le rôle de l'agent séparateur, qui est l'autre parent, que ce soit une
femme, un homme, un père, une mère, ou une autre mère, ou un autre père, et
c'est ce qui est le plus difficile aussi lorsque les parents adoptent en
célibataire, c'est que ça prend aussi, pour consolider l'attachement, une forme
de séparation, une forme de détachement. Et ce détachement-là, ça prend
quelques semaines, quelques mois, chez certains enfants. Et c'est sûr que
l'autre parent, il est bien placé pour assumer cette fonction-là. Et ça peut
prendre quatre semaines, comme ça peut prendre des semaines et des mois.
Donc, je ne peux pas vous chiffrer ça, il
y a trop d'enfants, il y a trop de trajectoires, il y a trop de provenances,
mais il faut arriver avec quelque chose... Une moyenne d'enfants au bâton, si
je puis dire, pourrait se débrouiller avec ce qu'on souligne. Mais...
Mme Lemieux (Johanne) :
Notre... Excuse-moi, Jean-François, je peux, oui? Notre expérience, c'est
qu'une année et quelques semaines, en général, une moyenne, hein, il y aura toujours
des exceptions d'enfants qui vont s'apprivoiser, s'adapter et s'attacher plus rapidement
et leurs parents aussi, pour toutes sortes de raisons, et il y en a... mais
cette première année-là... Et j'étais... j'ai échangé avec des collègues
européens récemment, bon, des collègues scandinaves aussi qui, eux, sont rendus
à 18 semaines. Quand on se compare, on se console. Vous dites : Est-ce que
c'est assez? Est-ce que c'est trop? Combien de temps ça prend à un parent de
devenir parent, d'accoucher de lui-même d'un parent? Vous savez, c'est la même
chose pour une maman qui accouche, hein? Je veux dire, l'instinct maternel,
maintenant, on sait que c'est en partie hormonal, bien entendu, et d'avoir
porté un enfant, mais on s'est aperçu que les papas qui prenaient soin très
rapidement et seuls, sans que la maman soit nécessairement là, d'un nourrisson,
leur cerveau changeait. Il y a une partie de leur cerveau qui devenait plus
sensible aux microsignes de détresse, ou de besoin, ou de satisfaction d'un
bébé.
Donc, est-ce qu'on devrait imposer... je
ne sais pas trop si je comprends bien votre question, là, que les papas aient
tant de congés? Bien moi, j'en suis pour toute forme de parentalité, hein, que
les papas prennent soin tout seul de leur enfant, ce n'est jamais comme... ou
le deuxième conjoint, ce n'est jamais comme de prendre soin d'un enfant à deux.
Et il y a quelque chose dans la dyade, c'est-à-dire au niveau du regard, au
niveau de... en anglais, on dit «atonement», accordage entre un <parent
et un enfant...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
parentalité, hein, que les papas prennent soin tout seuls de leur
enfant, ce n'est jamais comme... ou le deuxième conjoint, ce n'est jamais comme
de prendre soin d'un enfant à deux. Et il y a quelque chose dans la dyade,
c'est-à-dire au niveau du regard, au niveau de... en anglais, on dit
«atonement», accordage entre un >parent et un enfant qui se passe dans
une dyade, qui ne se passe pas dans une triade. Donc, il faut du temps, il faut
que chacun prenne du temps seul avec son enfant.
Et je vous dirais que la moyenne... Déjà,
quand on va en Europe francophone, Jean-François et moi, on fait l'envie, le Québec...
Vous savez, ici, on parle souvent des pays scandinaves comme, hein... bon,
comme très en avance, avant-gardistes dans tous ces programmes-là. Mais je vous
dirais qu'en Europe francophone c'est le Québec qui est l'étalon de mesure, et
les gens nous envient beaucoup. Je vais être encore plus fière de retourner en
Europe, parce que quand je leur parlais du congé parental, qui était, hein, le
nombre de semaines qu'on connaît, mais que les parents adoptants en avaient un
peu moins, bien, maintenant, avec la loi n° 51... je
vais pouvoir avoir la fierté de leur dire que c'est équitable, maintenant, et
que les enfants sont en convalescence par adoption comme une maman est en convalescence
après son accouchement.
M. Derraji : On veut toujours
être les meilleurs, et c'est pour cela qu'heureusement notre démocratie nous
permet de s'améliorer. Et justement, avoir ce cadre d'échange nous permet tous
de contribuer à améliorer le projet de loi. Désolé si j'ai des questions
techniques, parce que je pense que vous étiez, lors de votre présentation...
même aux réponses à M. le ministre, c'était très clair, mais moi, j'ai besoin
de vous pour pouvoir bonifier, si je peux, le projet de loi, mais aussi ramener
des éléments qu'on n'a pas vus, probablement. Et moi, la question d'aider les
parents, donner du temps aux parents pour devenir parents, moi, je pense que
c'est l'objectif de tout le monde pour que le père puisse jouer son rôle.
Et je reviens toujours à la question du
temps, pourquoi? Pour deux éléments. Je reviens à la question par rapport aux
parents adoptifs, parfois, ça prend huit ans, ça a été dit par une universitaire
de l'Université de Sherbrooke, si je ne me trompe pas, encore une fois. Et une
notion que vous avez dite tout à l'heure, bon, un 12, 18 mois... Un autre
groupe, tout à l'heure, parlait d'une banque partageable la deuxième année pour
le père et pour la mère. Donc, est-ce que, selon vous, c'est quelque chose
que... bon, disons, la première année, c'est réglé, le père avec la mère, mais est-ce
qu'une deuxième année un congé partageable, pas au même moment, père, mère,
peut contribuer à avoir ce temps de qualité avec les enfants?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
ce serait formidable si on pouvait ajouter cette possibilité-là de consolider
l'attachement à la famille. Ça, c'est sûr, que ce serait formidable. On
serait...
M. Derraji : Ce que j'aime
avec vous... écoutez...
Mme Lemieux (Johanne) : On
serait comme la Norvège, qui sont à 18 mois, là.
M. Chicoine (Jean-François) :
La plupart des familles pourraient bénéficier d'un congé, en général, jusqu'à
l'âge de 18 mois. C'est un. Deuxièmement, pour se séparer d'un enfant,
pour coopérer avec lui en dehors de nous, il faut que le parent aussi soit
conforté dans les structures de garde auxquelles il va avoir droit. Donc, si le
parent confie son enfant à un CPE, à une éducatrice qui est stable, qui est
bien rémunérée — je pense <que ce n'est pas...
M. Chicoine (Jean-François) :
...
deuxièmement, pour se séparer d'un enfant, pour coopérer avec lui en
dehors de nous, il faut que le parent aussi soit conforté dans les structures
de garde auxquelles il va avoir droit. Donc, si le parent confie son enfant à
un CPE, à une éducatrice qui est stable, qui bien rémunérée
— je
pense >que ce n'est pas le jour pour parler de ça — c'est
sécurisant pour le parent, et c'est cette espèce de capacité de l'enfant à
habiter en dehors de son parent qui va être bon. Mais l'enfant va retenir son
parent dans sa tête vers l'âge de 16, 18 mois.
• (18 h 10) •
Par ailleurs, il y a une troisième
considération. Si l'enfant a un retard développemental important ou d'autres
besoins en termes de psychoéducation, là, le CPE, d'une manière régulière, va
pouvoir aussi être utile à l'enfant. Alors, moi, il m'arrive de recommander de
mettre l'enfant, par exemple, dans un service de garde vers l'âge de 9, 12 mois
ou parfois, quand les parents peuvent se le permettre, d'attendre à l'âge de 18
mois pour consolider certaines choses. Donc, il n'y a pas de trajectoire unique
pour les enfants.
M. Derraji : Dr Chicoine,
Mme Lemieux, merci beaucoup. Je vais suivre avec grand intérêt vos
recherches, mais aussi vos conférences. Et continuez à promouvoir le Québec
parce que c'est vrai, nous avons un beau modèle, on va le bonifier davantage
avec le projet de loi n° 51. Mais soyez fiers et des bons ambassadeurs de
notre programme. Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Johanne) : Des
très bons ambassadeurs. Je vous le dis vraiment : Quand on se compare, on
se console, puis c'est...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Chicoine (Jean-François) :
Ce qui nous a beaucoup aidés au départ, c'est à la délégation du Québec à Paris
qu'on a sorti l'essentiel de nos travaux en 2003, ce qui nous a permis de
rayonner dans l'Europe francophone.
M. Derraji : Bravo. Et
continuez à le faire. Merci.
M. Chicoine (Jean-François) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons. Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons
avec le deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonsoir, monsieur, madame. Merci pour votre présentation. C'est un
privilège, hein, comme parlementaire de pouvoir rencontrer des experts puis de
constater cette belle érudition, cette belle communication là. D'ailleurs, je
n'ai pas tellement de question à vous poser, j'ai juste envie de continuer à
vous entendre, ça fait que je vais vous poser une question ouverte. Qu'est-ce
qu'on pourrait faire d'autre, à part cette réforme du RQAP, pour faciliter la
vie des parents adoptants au Québec?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
c'est déjà beaucoup, hein, l'équité, c'est déjà beaucoup. Et je crois que déjà
de parler d'équité et d'expliquer... Vous savez, tout... en fait, il n'y a
jamais... il n'y a rien qui arrive pour rien, hein, des fois il y a des
merveilleux malheurs. Tout ce qui s'est passé avec les amendements, hein, bon,
on a eu, hein, un petit peu de lobbying à faire. Bon, lobbying... en tout cas,
bon. Et le fait que ça ait sorti dans les journaux, qu'on est... moi, d'autres,
la Fédération des parents adoptants, toute sorte de gens ont commencé à
expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne voulait pas
rien enlever aux mamans qui accouchaient, mais que, dans le cas de l'adoption,
c'était les enfants qui avaient besoin d'une convalescence, alors que c'est les
mamans qui ont besoin d'une convalescence quand elles accouchent, ça, déjà, ça
a remué les gens, ça a transmis des <informations...
Mme Lemieux (Johanne) :
...
à expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne
voulait pas rien enlever aux mamans qui accouchaient, mais que, dans le cas de
l'adoption, c'était les enfants qui avaient besoin d'une convalescence, alors
que c'est les mamans qui ont besoin d'une convalescence quand elles accouchent,
ça, déjà, ça a remué les gens, ça a transmis des >informations, ça a
défait des mythes, ça a remis les pendules à l'heure. Et, déjà, ce projet de
loi là, je trouve qu'il a déjà fait beaucoup de travail de fond, des choses
qu'on essayait de diffuser, bon, à la majorité de la population depuis des
années, et ça nous a donné l'occasion de le faire. Jean-François.
M. Chicoine (Jean-François) :
Je vais être un peu Séraphin, la disponibilité des services, l'ergothérapie — oui,
c'est comme Séraphin, je vais aller court — l'ergothérapie,
l'orthophonie, la psychoéducation pour le développement et surtout
l'accompagnement scolaire, c'est des enfants qui ont deux fois plus de TDAH que
d'autres, plus de TSA, plus de troubles d'attachement, plus besoin de TES, d'orthopédagogues.
Donc, l'accompagnement scolaire, je vous dirais, c'est pour répondre très
clairement à votre question, c'est ce dont on aurait le plus besoin.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Lemieux (Johanne) : Et
aussi peut-être de mieux subventionner... subventionner ou rendre — bon,
ça s'en vient — rendre obligatoires, c'est fortement encouragé, la
formation préadoption et le suivi postadoption qui n'est pas disponible partout
sur le territoire. Il y a un CLSC, là, un CIUSSS, bon, je ne sais plus trop
comment les appeler, à Montréal, sur l'île de Montréal, qui offrent de la pré
et de la postadoption, mais si on est en région, eh bien, il y a peu de
services spécialisés.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous poursuivons avec le
troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette. Vous disposez de
2 min 40 s.
Mme
Hivon
:
Bonjour à vous deux. Alors, j'ai un gros 2 min 40 s. Moi aussi,
je veux vous remercier, c'est vraiment un bonheur de pouvoir vous entendre ce
soir. J'aurais vraiment beaucoup de choses, donc je vais vous soumettre
quelques éléments, puis vous choisirez ce que vous trouvez le plus important à
aborder.
Mon collègue l'a abordé tout à l'heure,
mais paternité versus maternité, est-ce qu'on doit avoir une recherche
différente d'équilibre pour les familles adoptantes dans la mesure où, vous me
corrigerez, mais certains enfants peuvent être plus spontanément portés à
s'attacher à la mère et rejeter le père, pour d'autres, c'est l'inverse, ils
ont eu des nounous qui étaient des femmes, le lien d'attachement a été brisé,
brisé avec la mère biologique, brisé avec les nounous, ils vont aller vers le
père. Est-ce qu'il y a une recherche d'équilibre plus grande qui devrait être
présente pour l'adoption?
L'autre élément, c'est, quelqu'un a dit
que... bien, en fait, il y a eu présentation, là, d'un groupe qui remettait en
cause, qui disait que, pour les parents biologiques, il pourrait y avoir un
certain sentiment d'iniquité, notamment chez le père, parce qu'ici autant le
congé parental où on trouve le pendant, là, le congé d'accueil et de soutien
pouvait être partagé entre pères et mères, ce qui n'est pas le cas pour un père
biologique. J'aimerais ça que vous <réagissiez à ça, et l'autre...
Mme
Hivon
:
... sentiment d'iniquité,
notamment chez le père, parce qu'ici autant le
congé parental où on trouve le pendant, là, le congé d'accueil et de soutien
pouvait être partagé entre pères et mères, ce qui n'est pas le cas pour un père
biologique. J'aimerais ça que vous >réagissiez à ça.
Et l'autre élément, c'était de dire que,
des fois, les mères biologiques doivent se retirer à l'avance, retrait
préventif, et donc elles perdent du temps avec leur enfant parce qu'il n'est
pas né encore, et de dire : Bien là, les mères adoptantes, eux autres, elles
l'ont dès le premier jour. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette idée-là de
potentielle iniquité.
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
écoutez, on va...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste... Attention, par exemple, il ne reste qu'une minute.
Mme Lemieux (Johanne) :
Alors, on va essayer de se centrer sur l'intérêt supérieur de l'enfant, hein, c'est-à-dire
que... qu'est-ce que... Alors, quand j'entends que des gens pensent encore que
c'est inéquitable, on pense aux adultes, une maman, bon, à comparer à la mère
biologique. Mais pensons aux besoins de l'enfant, que ce soit un bébé naissant
ou que ça soit un enfant par adoption. Mais j'argumenterais que les enfants par
adoption, à comparer à un enfant naissant, en bonne santé, bien entendu, ont
plus de besoins et que ça s'argumenterait scientifiquement si jamais il y a des
gens qui soulignaient cette injustice-là.
Pour ce qui est des pères, bien, moi, je
crois qu'il faut encourager à la... Je ne pense pas qu'il y ait une
spécificité, je pense que le fait d'avoir sensibilisé les parents adoptants aux
enjeux que vous avez très, très bien résumés, Mme Hivon, fait que les parents
vont s'impliquer plus naturellement... les papas vont s'impliquer plus naturellement,
de par ces connaissances-là que parfois les pères biologiques n'ont pas sur les
enjeux d'attachement, parce qu'on n'a pas nécessairement des cours sur
l'attachement avant d'être père et d'être mère.
M. Chicoine (Jean-François) :
Ce qui est peut-être de moins en moins vrai avec les jeunes papas.
Mme Lemieux (Johanne) : Oui.
De moins en moins vrai avec les jeunes papas. Alors, je ne pense pas qu'il
faudrait enchâsser d'obliger plus le papa ou plus la maman à prendre ce
congé-là. Je pense qu'il faut encourager les papas à le prendre, comme
n'importe quel enfant, et naturellement ce qu'on voit, dans notre pratique, les
papas sont beaucoup plus... sont souvent plus impliqués parce qu'ils se...
comment je vous dirais ça, donc ce sont des enfants voulus, désirés, et qu'il y
a une certaine, entre parenthèses, égalité. Le père ne se sent pas moins
compétent parce qu'il n'a pas accouché ou moins compétent parce qu'il ne peut
pas allaiter l'enfant. Alors, on voit souvent une belle solidarité dans les
parents adoptants, qui naturellement vont s'impliquer. Donc, il faut leur
laisser le choix, je pense. Je ne serais pas de l'avis d'imposer quoi que ce
soit.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on vous remercie. On vous remercie, sincèrement, hein, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Alors, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à mercredi 23 septembre après les affaires courantes, vers
11 h 15, et nous pourrons poursuivre notre mandat. Merci à tous.
Alors, on vous souhaite une bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 20 h 18)