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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Friday, January 25, 1991 - Vol. 31 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale et auditions publiques


Auditions dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, le quorum étant constaté, je déclare donc ouverte la séance de la commission des institutions, qui a pour mandat de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des changements ou des remplacements, plutôt?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a un seul remplacement: M. LeSage (Hull) est remplacé par M. Maltais (Saguenay).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je donne lecture de l'ordre du jour pour fins d'adoption. Nous allons commencer nos travaux avec l'Association des hôpitaux du Québec; ensuite, nous poursuivrons avec l'Association des centres d'accueil du Québec et l'Office des personnes handicapées du Québec. Cet après-midi, nous aurons le centre hospitalier Douglas, la Commission des droits de la personne du Québec, pour poursuivre avec le Conseil des Atikamekw et des Montagnais; et enfin, pour terminer, le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.-Lafontaine. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des hôpitaux du Québec et je reconnais son président, M. Henri Favre. Je vous demanderais, M. le président, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et ensuite de procéder à votre exposé qui sera d'une durée d'environ 15 minutes. Bienvenue.

Association des hôpitaux du Québec

M. Favre (Henri): Merci, M. le Président, Mmes et MM. les commissaires. Les personnes qui m'accompagnent: le Dr Krystyna Pecko, qui est à ma droite; M. Jean-Yves Simard, directeur général de l'hôpital Sainte-Anne-de-Beaupré, et Mme Huguette Blouin, conseillère à l'Association des hôpitaux. Je vais présenter le texte et mes collaborateurs se chargeront de répondre à vos questions, étant vraiment des spécialistes dans le domaine.

C'est avec intérêt que nous avons pris connaissance des objets de la consultation initiée par la commission des institutions sur le rôle du

Protecteur du citoyen, pius précisément sur son mandat, ses orientations, ses activités et sa gestion. Le mandat du Protecteur du citoyen portant sur le traitement des plaintes et, plus globalement, sur la défense des intérêts des citoyens face à un ministère ou organisme gouvernemental rencontre des similitudes certaines avec des fonctions qui sont assumées à différents niveaux dans le réseau de la santé et des services sociaux, afin de garantir la protection des droits de nos clientèles.

Dans le cadre de la présente consultation, l'Association des hôpitaux du Québec n'entend pas se prononcer sur l'ensemble des objets de la consultation proposée par la commission des institutions, mais donne sa position relativement à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Notre position s'appuie d'abord sur un examen des procédures et mécanismes en place dans nos établissements et dans notre réseau pour assurer la protection des droits des bénéficiaires et sur l'observation de contraintes ou limites à l'application de ces procédures. Cet exercice de réflexion et d'analyse était d'autant plus pertinent que le réseau de la santé et des services sociaux s'apprête à vivre une réforme qui nous invite à remettre en question pratiquement l'ensemble de notre fonctionnement.

Je me permets ici un aparté par rapport au texte initial de notre mémoire. Nous avons réglé cette question, M. le Président, tout à l'heure. Notre mémoire modifié tient compte du projet de loi 120 qui vient d'être déposé et nous allons parler peut-être d'usagers ou de bénéficiaires, dépendant de... Pendant des années, nous avons eu des bénéficiaires; dorénavant, nous aurons des usagers. La conversion n'est pas facile à faire, mais, pour nous, ce sont les mêmes personnes qui doivent être protégées de la même façon.

La protection des droits des personnes et le traitement des plaintes en milieu hospitalier. Ainsi, la législation actuelle sur les services de santé et les services sociaux précise des droits de base pour tous les citoyens qui ont recours à ces services. Nos établissements ont développé une tradition de traitement des plaintes, mais plus encore de protection des droits et ce, à partir de dispositions légales et de mécanismes internes mis en place localement dans chaque centre hospitalier. Un mécanisme de protection des droits qui figure dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit l'obligation, pour le centre hospitalier de soins de longue durée, le centre d'accueil ou l'établissement qui offre de tels services, de mettre en place un comité de bénéficiaires et de prévoir

des normes de financement pour le fonctionnement de ce comité.

Globalement, les fonctions de ce comité de bénéficiaires sont de défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires ou, à la demande d'un de ces derniers, de défendre ses intérêts propres auprès de l'établissement ou de toute autorité compétente. Ce comité peut assister un bénéficiaire qui désire porter plainte. Il peut aussi conseiller le conseil d'administration sur toute question relative aux activités de loisir ou aux conditions de séjour des bénéficiaires. Incidemment, un ou deux des membres de ce comité siègent au conseil d'administration des centres hospitaliers. Le comité de bénéficiaires est maintenu dans le projet de loi 120 sous le nom de comité d'usagers.

Pour le traitement des plaintes en tant que telles, la Loi sur les services de santé et les services sociaux donne au conseil régional la fonction de recevoir et d'entendre les plaintes des personnes auxquelles un établissement de la région n'aurait pas fourni les services que la loi donne droit de recevoir. En vertu de ces dispositions de la loi, le conseil régional fait à l'établissement concerné et au ministre les recommandations qu'il juge appropriées à ce sujet. Le conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens, qui existe dans tous les centres hospitaliers, en vertu de la même loi, la loi actuelle, détient l'obligation, par règlement, de former un comité de discipline sur réception d'une plainte concernant l'acte médical, plainte en provenance de l'organisation ou d'un bénéficiaire.

Les corporations professionnelles, celle des médecins, par exemple, disposent aussi de leurs propres mécanismes d'évaluation des plaintes. Finalement, le recours aux procédures judiciaires reste toujours à la disposition des personnes qui se sentent lésées dans leurs droits ou par rapport à la qualité des services qu'elles ont reçus.

Il y a d'autres mécanismes internes. Au-delà des obligations d'ordre légal et réglementaire, la protection des droits des personnes, incluant le traitement des plaintes, a toujours eu sa place dans le milieu hospitalier. En tenant compte de leur mission principale - soins de courte durée, de longue durée ou psychiatrique - et de leur volume d'activité, donc de leur taille, les centres hospitaliers ont développé différents modèles pour s'acquitter de cette responsabilité.

Dans plusieurs centres hospitaliers, une personne bien identifiée, relevant de la direction générale ou directement du conseil d'administration, est affectée de façon exclusive au traitement des plaintes. Dans d'autres organisations, cette responsabilité revient au directeur des services professionnels ou au directeur général. Actuellement, une quinzaine de centres hospitaliers ont créé ou auraient créé un poste de type ombudsman portant, dans les faits, différentes appellations comme porte-parole des malades ou représentant des usagers. Les fonctions relatives à ce poste concernent évidemment le traitement des plaintes. Son titulaire est également vu comme un agent de changement et devrait jouer un rôle prépondérant lors de l'élaboration des politiques et procédures internes pour veiller, à titre préventif, à la protection des intérêts et droits des bénéficiaires.

On pourrait énumérer plusieurs autres moyens connexes, certains étant facultatifs, à la portée des centres hospitaliers, pour appuyer les mesures directes de protection. C'est le cas de l'accréditation des centres hospitaliers par le Conseil canadien d'agrément des établissements de santé, des normes d'appréciation de la qualité, de la gestion des risques, pour ne citer que quelques-uns d'entre eux. Aussi, de plus en plus se développent en milieu hospitalier des mesures d'évaluation continue de la satisfaction de la clientèle.

Les limites des moyens qui existent actuellement. L'ensemble des moyens et mécanismes décrits, si étendu soit-il, se heurte à des limites dans son application. La limite la plus importante vient des caractéristiques mêmes d'une partie de la clientèle, faisant ainsi référence à la clientèle hébergée à long terme, celle qui a le plus besoin de protection et de l'assurance d'une saine qualité de vie. Les personnes âgées, les malades chroniques, les malades psychiatriques et les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont souvent parmi les plus démunies, incapables d'avoir recours aux mesures mises en place à leur intention.

Tous les espoirs sont cependant permis de repousser cette limite, notamment à cause des nouvelles dispositions de la Loi sur le Curateur public, une loi centrée sur la personne et qui exige fondamentalement le respect de ses droits et de sa protection. Les récentes politiques ministérielles sur la santé mentale et sur la déficience intellectuelle et, on le verra, le projet de loi 120 mettent un accent sérieux sur les mesures d'aide et d'accompagnement.

Protéger les droits des bénéficiaires en milieu hospitalier, c'est d'emblée devoir composer avec une multitude de lois, principalement dans le cas des bénéficiaires hébergés. Somme toute, peu de personnes dans nos milieux peuvent se retrouver dans les dédales juridiques et administratifs lors d'une situation complexe, mais pas nécessairement exceptionnelle.

Des limites sont aussi observées, en regard des conseils régionaux et de leur obligation légale de recevoir et de donner suite aux plaintes formulées par les usagers des services. Il s'avère qu'ils s'acquittent de cette obligation avec une attention variable d'une région à l'autre. De plus, à cause de leur mandat d'organisation des services et de leurs pouvoirs de recommandation pour certaines décisions d'ordre budgétaire, ils se retrouvent trop souvent coincés

dans une position de juge et partie. N'oublions pas que leurs fonctions sur le traitement des plaintes se limitent aux services non rendus et ne touchent pas la qualité des services rendus.

Pour conclure sur les limites, mentionnons que dans certaines situations, en dépit des mécanismes existants, les bénéficiaires n'obtiennent pas un suivi adéquat de leurs plaintes, même dans les cas où celles-ci ont entraîné un correctif qu'ils trouveraient probablement satisfaisant. Il s'agit principalement du cas des plaintes afférentes à l'acte médical, où, souvent, le bénéficiaire n'est pas informé du suivi, mais uniquement du fait que sa plainte a été traitée. L'insatisfaction qui en découle contribue probablement à une judiciarisation de plaintes et, dans certains cas, aurait pu être évitée.

Les principes. Avant de présenter les dispositions du projet de loi 120 qui, selon nous, contribuent à assouplir les limites que nous venons de relever, nous énonçons quelques principes devant guider les changements à venir dans les approches de protection des droits: l'imputabilité, la transparence, l'efficacité. Ces termes sont, disons, utilisés couramment et je n'ai pas besoin de les voir avec vous.

Nous passons directement au projet de loi 120. Le projet de loi, donc, et plus globalement toute la réforme annoncée par le ministre Côté sont centrés sur le citoyen, et nous souscrivons totalement à cette orientation. La procédure d'examen des plaintes, articles 28 à 50, est beaucoup plus précise et détaillée qu'elle ne l'est dans la loi actuelle. Comme nous le souhaitions, le projet de loi pose de façon explicite l'obligation pour un établissement de se doter d'une procédure d'examen des plaintes et d'en confier la responsabilité à un cadre supérieur. Le projet de loi précise aussi que l'usager sera informé de l'existence de cette procédure et, dans le cas du dépôt d'une plainte, il devra obtenir une réponse dans des délais prescrits. L'usager sera de plus informé de ses possibilités de recours au niveau de la régie régionale, laquelle est aussi soumise à différentes dispositions légales quant à sa procédure d'examen des plaintes.

La principale réserve exprimée par l'AHQ sur ces dispositions relatives aux plaintes concerne l'article 36 obligeant l'établissement à transmettre aux corporations professionnelles concernées toute plainte portant sur un acte professionnel. Nous considérons que l'établissement devrait effectivement acheminer aux corporations concernées une telle plainte lorsque, après son examen, il y a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction en regard du Code des professions a été commise. S'ajoutent aussi certaines dispositions relatives aux droits des usagers, comme l'obligation pour tout établissement de se doter et de remettre aux usagers hébergés un code d'éthique qui indique les droits des usagers ainsi que les pratiques et conduites attendues des employés. Le nouvel article 11, pour sa part, introduit formellement le droit pour l'usager d'être accompagné et assisté de la personne de son choix lorsqu'il désire avoir de l'information ou entreprendre une démarche relative à un service dispensé. Enfin, la régie régionale se voit dans l'obligation d'informer la population de son territoire des services qui lui sont offerts de même que des droits et obligations à cet égard.

Au sujet des obligations, je saisis l'occasion pour souligner que l'Association des hôpitaux du Québec croit que la prochaine loi devrait formuler les principales obligations qui reviennent aux usagers en contrepartie des droits qui leur sont reconnus. On ne peut n'avoir que des droits, les droits s'accompagnent en général d'obligations, et il faut en parier dans la nouvelle loi.

Les obligations de l'usager se réfèrent à l'utilisation judicieuse des services, compte tenu des services et ressources disponibles en fonction de ses besoins et dans le respect des droits des autres usagers. Aussi, l'usager doit-il, si possible, collaborer avec les professionnels qui dispensent les services et, s'il y consent, participer aux soins et services qu'il reçoit.

Ainsi, hormis le comité des usagers, toutes les dispositions que je viens d'énoncer sont nouvelles. Ce sont donc des ajouts par rapport à la loi actuelle en faveur des droits des usagers. Elles devraient contribuer de façon significative à réduire les lacunes que nous identifions dans notre système actuel à cet égard.

Pour une implication efficace du Protecteur du citoyen, pour revenir à l'objet même de cette audition, il faut dire que la crédibilité du Protecteur du citoyen est hautement reconnue de même que l'efficacité de ses moyens d'intervention. Mais il ne nous semble pas réaliste ni opportun d'étendre sa juridiction au traitement de l'ensemble des plaintes provenant de la clientèle du réseau de la santé et des services sociaux. Il suffit d'évoquer quelques paramètres, comme le volume d'activité de notre réseau, la variété et la complexité des clientèles et des situations, la diversité de l'organisation régionale et locale des services pour comprendre qu'une telle extension de mandat impliquerait un développement considérable de la structure du Protecteur du citoyen et irait à rencontre des principes précédemment évoqués.

À la suite de la réflexion et des consultations menées auprès de l'ensemble de nos membres sur le projet de loi 120, l'Association des hôpitaux du Québec réitère sa conviction qu'il serait opportun que notre système d'examen des plaintes dispose d'un troisième niveau qui soit neutre. De ce fait, l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux peut constituer ce troisième niveau en autant qu'il agisse essentiellement comme une instance complémentaire dont l'intervention directe serait de nature exception-

Plus précisément, un usager des services du réseau de la santé et des services sociaux pourrait s'adresser directement au Protecteur du citoyen, mais l'intervention de ce dernier devrait surtout viser à s'assurer que les mécanismes prévus par la loi, les règlements et les autres moyens relevant de l'organisation interne sont bel et bien accessibles pour répondre à l'insatisfaction du bénéficiaire. S'il s'avérait que ce n'est pas le cas, le Protecteur du citoyen pourrait agir directement et même, à la limite, user de son pouvoir d'enquête.

Il importe de préciser que l'intervention du Protecteur du citoyen portera alors sur l'ensemble des plaintes incluant celles concernant l'acte médical et tout autre acte professionnel. De ce fait, l'extension de sa juridiction à un autre réseau devient conditionnelle à ce que des modifications soient apportées à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et à ses règlements, de façon à ce que le directeur général du centre hospitalier ait le pouvoir de recevoir et de traiter les plaintes de toute nature. Cette condition semble vouloir se réaliser avec le projet de loi 120, toujours.

Le Protecteur du citoyen pourrait ainsi intervenir dans les cas où un bénéficiaire, en besoin de protection de ses droits, se retrouve dans une situation complexe, impliquant les dispositions de plusieurs lois, comme la Loi sur le Curateur public, par exemple, faisant en sorte que l'intervention d'une autorité comme le Protecteur du citoyen est souhaitable et même nécessaire.

L'approche préconisée. Dans la suite des principes et des propos avancés à la lumière des changements prévus dans le projet de loi 120, la révision de notre système de protection des droits et de traitement des plaintes impliquant maintenant le Protecteur du citoyen se présenterait à trois niveaux. Le premier niveau, c'est l'établissement. Nous en avons parlé. C'est un peu ce qui existe aujourd'hui et ce qui est prévu dans la loi 120. Le deuxième niveau, le conseil régional ou la régie telle que décrite dans la loi 120. Le troisième niveau, ce serait celui du Protecteur du citoyen. Finalement, le troisième niveau serait celui d'une instance neutre, comme celle du Protecteur du citoyen, en fonction des paramètres exposés précédemment. Son intervention devrait viser à s'assurer que les recours de premier et de deuxième niveau, dans l'établissement et au conseil régional ou régie, sont bel et bien en place pour traiter adéquatement la plainte du bénéficiaire. Aussi, le Protecteur du citoyen pourrait intervenir dans des cas particulièrement complexes où plusieurs lois sont en cause.

En conclusion, cette réflexion nous amène à conclure que l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen à notre réseau serait tout à fait pertinente, en autant qu'elle s'inscrive en complément aux mécanismes éprouvés qui sont déjà en place. Notre réflexion, qui se voulait objective, nous a permis de mettre en lumière les forces et faiblesses de nos moyens de protection des droits et de traitement des plaintes et, tout en donnant notre appui à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen, nous énonçons des recommandations s'adressant à notre réseau.

Le point central de notre réflexion porte sur la nécessaire imputabilité des établissements comme niveau principal d'intervention. Nous sommes profondément convaincus qu'il faut miser d'abord sur la résolution des insatisfactions à leur source. La réforme qui s'annonce pour le réseau, par le dépôt récent du projet de loi sur les services de santé et les services sociaux, nous donne l'occasion de réitérer notre position et nos intentions pour une amélioration des mesures et mécanismes de protection des droits des bénéficiaires.

Voici, M. le Président, l'essentiel de notre exposé de ce matin.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Favre, pour votre exposé qui est très clair. Je vais maintenant reconnaître un premier membre de la commission, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Favre. À la lecture de votre document révisé, on n'a pas tellement de petites modifications... Hier, on a eu plusieurs intervenants du secteur psychiatrique, Robert-Giffard et aussi l'hôpital Sainte-Justine en soirée. Vous souscrivez au projet de loi 120 et il a été fait mention, principalement dans le secteur hospitalier psychiatrique, que les plaintes formulées par écrit causaient énormément de problèmes. Est-ce que vous souscrivez à la même thèse?

M. Favre: Ça, c'est une question... Lorsqu'on écrit des textes, et principalement dans une loi, il faut évidemment clarifier un très grand nombre de points. C'est un peu le danger. Lorsque nous parlons d'imputabilite au premier niveau, c'est-à-dire au niveau de l'établissement, je pense qu'il est tout à fait clair que des plaintes soient reçues, même si elles sont exprimées autrement que par écrit. Lorsque, par contre, on entre dans des cas plus sérieux, des cas qui méritent véritablement une étude très approfondie où ce n'est pas une question de plaintes à propos du bruit, à propos de la nourriture, donc, des plaintes qui sont importantes, mais qui peuvent se régler sur place, ils n'ont pas besoin d'aller en principe jusqu'au Protecteur du citoyen.

Lorsqu'on parie véritablement, disons, de plaintes plus sérieuses, lorsqu'il s'agit de la qualité de la vie, surtout - nous l'avons dit dans notre rapport - de bénéficiaires ou d'usagers

hébergés qui doivent vivre dans les institutions, là, la situation est plus complexe. Il ne faudrait pas que ce soit un vice de forme. Disons qu'au début une plainte soit déposée verbalement... Il faut, par contre, qu'elle soit mise par écrit lorsqu'il y a vraiment enquête à faire. Je pense que, de ce côté-là, nous sommes partagés. C'est évident qu'une plainte doit être mise par écrit de façon à ce que l'analyse puisse être faite d'une manière tout à fait fouillée, et non pas tout simplement par rapport à une présentation orale qui peut prendre toutes sortes de formes et souvent, disons, est imprécise lorsqu'il s'agit de dates, de toutes sortes de choses.

Donc, de ce côté-là, certainement qu'un formalisme trop rigoureux pourrait nuire à certaines catégories d'usagers ou de bénéficiaires. Et, lorsque nous parlons de l'imputabilité au premier niveau, je pense que là on doit accepter des plaintes verbales. M. le directeur général, vous êtes vous-même confronté avec ces problèmes régulièrement.

M. Simard (Jean-Yves): C'est ce que nous faisons au niveau de l'établissement. C'est que dès qu'un usager nous signale quelque chose, une insatisfaction ou une plainte, même si elle est verbale et même si l'usager n'exige pas un traitement spécifique, nous la traitons quand même. Et comme vient de le dire M. le président, il est normal, si on va plus loin dans le traitement, si on utilise les procédures prévues dans la loi ou dans un règlement, que là, obligatoirement, la plainte soit écrite et, d'ailleurs, le projet de loi 120 prévoit des mesures d'accompagnement pour les bénéficiaires qui voudraient être assistés pour la formulation et le cheminement de leurs plaintes. Je vous dirais même, dans mon cas, pour un, que, si un bénéficiaire voulait faire formuler sa plainte pour aller plus loin, rétablissement pourrait même lui prêter son concours pour la formuler.

M. Messier: Merci. Hier aussi, on a eu la visite d'ombudsmans ou d"'ombudspersons", comme il a été fait mention. Ces personnes se retrouvaient un petit peu entre l'arbre et l'écorce. Certains relevaient directement du directeur général, si on se réfère à l'hôpital Sainte-Justine, et d'autres relevaient directement du conseil d'administration. Dans le projet de loi 120, il est fait mention que c'est un cadre supérieur du centre hospitalier qui doit gérer les plaintes en question.

Cette personne qui doit recevoir les plaintes, d'après vous, se retrouve-t-elle en conflit d'intérêts potentiel si c'est un acte administratif, peut-être un petit peu moins qu'un acte médical? J'ai vu quelque part que vous voulez extension-ner, au niveau des plaintes aussi, l'acte médical, qui s'en va habituellement directement à une corporation professionnelle. Est-ce que vous voulez aussi l'extension au niveau du Protecteur du citoyen, en troisième étape, en ce qui regarde les actes médicaux? Donc, deux questions: Le cadre supérieur, qu'on retrouve dans le projet de loi 120, se retiouve-t-il en conflit d'intérêts potentiel avec son administration? D'autre part, s'il y a une plainte concernant un acte médical, est-ce que c'est strictement l'Ordre ou le conseil des dentistes et médecins, ou peu importe, qui doit résoudre le problème en question ou l'exten-sionner jusqu'au Protecteur du citoyen?

M. Favre: Bon! Sur la première question, lorsqu'on parle d'un cadre supérieur, évidemment, on peut imaginer qu'un cadre supérieur qui dépend du directeur général peut se trouver en réelle difficulté suivant la nature de la plainte. Comme il est de l'interne, comme on dit en jargon d'hôpitaux, disons que ceci pourrait créer certaines difficultés. C'est la raison pour laquelle, si l'on veut, certains protecteurs du citoyen de type ombudsman, de type interne, relèvent directement du conseil d'administration, un peu comme le vérificateur, de façon à ce que, finalement, ce soit le conseil d'administration qui, à l'intérieur de l'hôpital, prenne en main toute cette situation de plaintes, de manière à être informé, de manière à dégager un peu l'administration de plaintes qui pourraient être à son sujet. C'est toujours, évidemment, délicat de se trouver dans cette situation-là. Voulez-vous élaborer sur ce sujet-là?

M. Simard: M. le Président, en fonction du principe de l'imputabilité que nous soutenons dans notre mémoire et que le projet de loi 120 reprend également, il m'apparaît normal que le directeur général, aussi bien que le conseil d'administration, puisse se pencher sur les plaintes à un premier niveau en fonction de leur rôle et de leur obligation que leur fait la loi concernant la qualité des services qui sont dispensés dans leur établissement.

Par ailleurs, le conflit d'intérêts que vous soulevez m'apparaît disparaître dans la mesure - et c'est le sens de notre mémoire - où on prévoit aussi dans le processus un intervenant qui est neutre. Donc, il y a une espèce de balance, d'équilibre, c'est-à-dire de pouvoir qui est sous-jacent à tout le processus, c'est-à-dire que, d'une part, à l'interne, les gens doivent traiter les plaintes parce que c'est leur rôle de vérifier que les services qu'ils rendent sont de qualité. Si quelqu'un s'en plaint, c'est encore leur rôle, et je dirais même leur obligation, d'aller voir ce qui se passe. Par contre, si le traitement n'était pas suffisant ou était, théoriquement, à tout le moins biaisé, de là l'importance d'avoir un intervenant neutre qui, lui, peut reprendre à tout moment le processus ou en soulever certains aspects.

M. Messier: Merci. (10 heures)

M. Favre: Pour le deuxième aspect, M. le Président, je demanderais au Dr Pecko d'élaborer sur ce sujet.

Mme Pecko-Drouin (Krystyna): Le deuxième aspect étant, en fait, ce que vous avez mentionné au niveau du traitement des plaintes concernant un acte professionnel. Je veux parler, entre autres, de l'exemple d'un acte professionnel médical, d'un acte médical tel quel. En ce moment, comme vous devez le savoir, lorsqu'il y a une plainte concernant un médecin, d'emblée, si la plainte est acheminée au CMDP, en fait, l'usager a l'impression de perdre la plainte. Il n'a pas d'idée si la plainte est traitée ou si elle n'est pas traitée et il a encore, évidemment, moins de réponse, à savoir quel est le résultat du traitement de cette plainte-là. C'est sûr qu'on voit, avec le projet de loi 120, que, si les CMDP sont dorénavant rattachés au directeur général et que le directeur général ou l'établissement est impliqué aussi dans le traitement des plaintes, peut-être qu'il y aurait une ouverture de ce côté-là. D'un autre côté, lorsque la plainte... Si elle doit être acheminée directement à une corporation professionnelle, là encore, la plainte est perdue aux yeux de l'usager tel quel. Ce qu'on voyait, c'est qu'il devrait y avoir, malgré tout, une certaine transparence qui demeure. C'est sûr que je ne m'attends pas nécessairement à ce que les corporations professionnelles ouvrent entièrement leurs processus et leurs résultats des traitements de plaintes lorsqu'il s'agit d'un professionnel, mais, au moins lorsque la plainte est traitée localement ou dans la région, que l'usager ait une réponse, à savoir si la plainte a été traitée, où elle est rendue et, peut-être en partie, en tout cas, une réponse sur le résultat de la plainte, même si ça concerne un acte professionnel. C'est un peu le sens de...

M. Messier: Vous demandez plus de transparence, mais pas jusqu'à l'extension au niveau du Protecteur du citoyen de régler la plainte, disons, une plainte d'ordre médical ou...

Mme Pecko-Drouin: Non. Je ne m'attendrais pas à ce que le Protecteur du citoyen se prononce officiellement sur la qualité d'un acte professionnel. Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Messier: C'est strictement sur les actes administratifs ou...

Mme Pecko-Drouin: Exact. Oui. M. Messier: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Juste avant de reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda, vous me permettrez une petite question. Dans le système actuel, croyez-vous qu'il y ait une bonne proportion d'usagers qui ne formulent pas de plaintes, justement de peur de représailles, considérant que le responsable des plaintes n'est pas nécessairement des plus indépendants face à la direction, selon vous, avec l'expérience ou vos contacts?

M. Favre: M. le Président, je ne suis pas, moi, un professionnel de la santé. Je suis membre d'un conseil d'administration. J'ai été président d'un conseil d'administration et c'est un sujet qui est véritablement difficile à saisir, disons. C'est évident que l'on nous dit que l'insatisfaction des bénéficiaires actuels, des usagers ne se traduit pas toujours en termes de plaintes. Premièrement, il y a une difficulté à formuler des plaintes. Deuxièmement, c'est vrai qu'on entend parier de difficultés, de représailles. On se dit: Si on formule des plaintes, qu'est-ce qui va arriver? Tant que l'enfant ou tant que la personne est à l'hôpital, les gens craignent, et on essaie, finalement, disons, lorsqu'on évalue la satisfaction de la clientèle par des questionnaires au moment où les personnes quittent, de leur demander et même, dans certains cas, par rapport à la connaissance que l'on peut avoir du dossier, de provoquer une discussion qui ne prend pas l'allure d'une plainte, mais qui prend, pour nous, l'allure de l'évaluation de la clientèle. Mais là, ce sont des plaintes... ce ne sont pas des plaintes, je dirais, là, d'une gravité extraordinaire.

Si, par exemple, certains bénéficiaires se plaignent du bruit la nuit, c'est un problème que nous devons régler. C'est un problème technique et, disons, nous sommes au courant de ceci. Mais c'est vrai qu'il y a une difficulté réelle à faire formuler des plaintes. D'une part, à ce que la plainte soit précise, disons, c'est toujours approximatif. Ça, ça peut être relié également à la difficulté de mettre tout ça par écrit. Donc, parfois, c'est plus facile de dire: II s'est passé ci, il s'est passé ça, dans un langage qui ne peut pas être très technique, mais il y a réellement un problème de ce côté-là. Je dois vous dire que le conseil d'administration dont je fais partie, à chaque année, en recevant le rapport de satisfaction de la clientèle, se penche particulièrement sur cet aspect du peu de plaintes en général. Et ça ne veut pas dire que parce qu'il y a peu de plaintes que tout va bien. Ça veut dire qu'il faut continuer de travailler cette question tout à fait particulière. M. le directeur général, dans votre hôpital, ça doit être un peu la même chose.

M. Simard: C'est la même chose, mais nous recevons aussi... Souvent, ça prend la forme d'un questionnement de la part des gens. Les gens ne sont pas sûrs si le service dont ils sont plus ou moins satisfaits, c'est normal qu'ils l'aient reçu ou que la prestation ait été celle qu'ils ont reçue. Alors, ils vont faire d'abord une première tentative verbale en essayant de rejoindre

quelqu'un de l'établissement ou, directement, le directeur général pour vérifier, sous forme interrogative, si telle prestation est normale ou non. Souvent, ils vont préciser qu'ils ne veulent pas en faire une plainte, mais qu'on aimerait bien être informés. Comme le dit M. Favre, à ce moment-là, pour nous, ce doit être un indice qu'il faut absolument aller voir exactement ce qui s'est passé et donner un suivi, une réponse aux gens.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier l'Association des hôpitaux du Québec de cette présentation. À ce moment-ci, il faut vous remercier d'une présentation ajustée au projet de loi 120 qui a été déposé, parce que, le ministre responsable de la présentation du projet de loi 120 ayant refusé de donner des auditions particulières, votre voix au chapitre, en particulier au sujet des droits des usagers et des mécanismes de recours, a pu être entendue ici, et c'est très important. Écoutez, on connaît tous ce que vous représentez au Québec, dans l'ensemble du Québec, et votre voix est très importante parce que vous êtes, effectivement, sur la première ligne, si je peux m'exprimer comme cela, du service aux personnes qui sont en situation de détresse ou en difficulté de santé.

Votre présentation, ce matin, eu égard aux mécanismes de recours des personnes qui sont au centre de vos organisations, est extrêmement importante. Je dois noter, au départ, que le député de Saint-Hyacinthe n'a pas entendu la même prestation que celle que nous avons entendue ici. Le député de Saint-Hyacinthe a débuté son intervention tantôt en disant: Nous sommes heureux de constater que vous appuyez les mécanismes du projet de loi 120. Là, c'est tout à fait le contraire qui est dit dans votre texte et c'est tout à fait le contraire de ce que nous avons entendu ici.

Là-dessus, il faut le préciser, parce que c'est majeur, c'est l'Association des hôpitaux du Québec qui nous parle, vous dites: Le mécanisme d'accompagnement - et je veux vérifier cette position à savoir si, moi aussi, par ailleurs, j'ai le bon entendement - c'est un renforcement qui est souhaitable et qui est jugé comme bienvenu de la part de l'Association au niveau de l'accompagnement, mais ce mécanisme n'est pas suffisant s'il n'est pas accompagné d'un recours externe de troisième niveau. Il est bien précisé de troisième niveau. C'est bien ça, la position qui est exprimée par l'Association des hôpitaux?

M. Favre: C'est ça.

M. Trudel: Bon. Alors, je tenais à le rappeler, parce que, si on s'en tient à ce que actuellement il est posé comme mécanisme dans la loi 120, je pense que tout ce que vous nous avez fait comme commentaires sur les possibles iniquités du système et le fait qu'on traite toujours ça à l'interne par l'absence, en troisième niveau, d'un mécanisme d'un recours externe, eh bien, il n'y a aucune garantie dans ce projet de loi qui nous est présentement présenté. Et, encore une fois, je le répète avant de passer à une première question, quand c'est l'Association des hôpitaux du Québec qui nous dit cela, il faut en prendre note de façon majeure ici et dans d'autres commissions qui auront éventuellement à étudier ce projet de loi.

Parlons maintenant de la procédure. Dans votre premier document - et je ne vous en fais pas grief, vous l'avez ajusté sur la loi 120, je vous l'ai dit tantôt en vous félicitant - vous nous suggériez, et vous y faites allusion ici un peu également, la procédure, le mécanisme de traitement des plaintes, en suggérant que le Protecteur du citoyen ou l'institution, comme mécanisme externe, soit appelé à valider le processus ou la procédure de traitement des plaintes. Est-ce que vous en feriez un objet formel d'inscription dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est-à-dire l'obligation pour les établissements de faire valider leur procédure par le Protecteur du citoyen en ce qui concerne le mécanisme et le cheminement, la procédure de traitement des plaintes aux premier et deuxième niveaux, dans l'établissement et au niveau de la régie régionale?

M. Favre: Me Simard.

M. Simard: Je vais essayer de retrouver ce que M. le député nous souligne.

M. Favre: M. le Président, si je comprends bien ce que vous nous demandez, la question que vous posez est: Est-ce qu'on ferait valider les procédures par le Protecteur du citoyen avant, disons, toute plainte, enfin, et que ceci serait inscrit dans la loi?

M. Trudel: Soyons plus précis. Le projet de loi prévoit que chacun des établissements devra adopter une procédure de traitement des plaintes. Je fais une allusion. Quelqu'un nous disait hier, et même le Protecteur du citoyen nous disait avant les fêtes, dans une réponse au ministre de la Santé et des Services sociaux: On risque d'avoir 17 mécanismes, 17 façons différentes au niveau du mécanisme de traitement des plaintes au niveau régional, mais aussi au niveau des établissements. On risque d'avoir autant de procédures qu'il y a d'établissements. Est-ce que vous seriez d'accord que l'on mette dans la loi l'obligation des établissements, non pas à l'occasion de chaque plainte, de faire valider la

procédure de traitement des plaintes?

M. Favre: Écoutez, c'est très délicat parce que, premièrement, une procédure, disons, à mon point de vue, démontre son efficacité à l'usage. Il est extrêmement difficile de dire sur papier: On a toutes les garanties. Ce n'est pas certain que ça va fonctionner parce que les hôpitaux sont très différents les uns des autres. Si vous prenez les grands hôpitaux de 1000 lits et puis un hôpital tout aussi efficace, mais, disons, dans une région plus petite, qui a une centaine de lits, on ne peut pas traiter les plaintes de la même façon. Les plaintes n'ont pas la même nature. Il faut une adaptation locale, une adaptation à chaque établissement, et ça fait un peu partie, disons, d'une part de la régionalisation qui s'annonce dans le projet de loi et qui, je pense, est tout à fart nécessaire, et, même dans la régionalisation, il y a des sous-régionalisations, il y a des cultures. Chaque hôpital a une sorte de culture. Et c'est ça qui fait qu'un hôpital rend des services. Moi, je craindrais d'uniformiser. (10 h 15)

L'Association des hôpitaux a toujours prétendu qu'un conseil d'administration doit gérer l'hôpital et que l'imputabilité que l'on veut voir au niveau de l'établissement est absolument essentielle. Si, par contre, il est prouvé, et que le Protecteur du citoyen dit: Votre mécanisme n'est pas bon, alors là, l'intervention du Protecteur du citoyen est efficace. Mais je ne verrais pas véritablement, disons, d'un oeil favorable, une homogénéisation où tous les hôpitaux de la province devraient fonctionner selon le même modèle, le même moule.

M. Trudel: Là-dessus, je peux vous dire que nous sommes d'accord avec votre observation, pas d'uniformisation, pas de mur à mur, pas d'homogénéisation de la procédure ou du processus dans tous les hôpitaux, parce que, effectivement, une institution, un établissement de Gaspé, un établissement de Rouyn-Noranda, l'Hôtel-Dieu de Montréal, Notre-Dame, ce n'est pas la même réalité et il faut que ce soit... Il y a cependant - je pense que vous pourriez en convenir - des éléments fondamentaux dans tout processus de traitement des plaintes pour en garantir un traitement équitable qui doivent se retrouver.

Alors, ce que je suggérais dans ma question, ce n'est pas une validation au niveau de l'uniformité des procédures, c'est une validation pour s'assurer... parce que, vous le disiez tantôt, l'institution du Protecteur du citoyen a une crédibilité reconnue à un très haut niveau au Québec, une expertise en matière de traitement de plaintes dans différents secteurs qui pourrait probablement être très utile en termes d'aide. Je ne parle pas de... Toujours en termes de recommandations, parce que gardons au Protecteur du citoyen cette responsabilité et cette façon d'exercer ses responsabilités sous forme de recommandations, la teneur morale de la recommandation. Nous pourrions, je pense, appliquer également le même raisonnement au niveau du traitement ou de la procédure de traitement des plaintes dans les établissements, ou nous pourrions tout simplement obliger à ce que le Protecteur du citoyen ait un droit de regard sur la procédure, qui sera toujours sous la responsabilité de l'établissement, compte tenu de ses caractéristiques. Dans ces conditions, est-ce que, là, vous seriez d'accord avec une telle recommandation?

M. Simard: M. le Président, d'abord, je voudrais juste souligner que le projet de loi 120 prévoit déjà une procédure beaucoup plus précise que celle à laquelle nous étions soumis jusqu'à maintenant. Et, d'autre part, il y a déjà aussi, dans le projet de loi 120, un mécanisme de vérification au niveau de la régie régionale, à l'article 165, qui dit que la régie doit s'assurer que chaque établissement a établi et applique une procédure de traitement ou d'examen des plaintes. D'autre part, le rôle que nous voyons au Protecteur du citoyen, il nous apparaît plus important qu'il sort joué au niveau de vérifier la qualité du traitement que la procédure elle-même, ce qui permet, comme le disait M. Favre tout à l'heure, aux établissements d'adapter leur procédure à leur contexte particulier. Mais le Protecteur du citoyen, peu importe la procédure écrite dans rétablissement, a toujours le loisir de vérifier et même de critiquer la procédure existante. Je ne crois pas, à moins qu'on ne me corrige, que ce soit déborder son rôle ou sa juridiction que de le faire.

Mme Harel: Actuellement, oui.

M. Simard: Et, à notre avis, ça devrait continuer comme ça. C'est peut-être plus efficace comme ça que de le faire intervenir d'une façon très administrative ou très technocratique, d'aller vérifier des centaines de procédures, de les ajuster, de les négocier et tout.

M. Favre: M. le Président, si je puis faire une image...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M Favre.

M. Favre: II ne faudrait pas tomber dans le défaut que, parfois, disons par souci de clarté, de précision et tout, lorsqu'un hôpital ou tout établissement, disons, a des décisions majeures à prendre qui impliquent le budget, des sommes considérables d'argent, etc., on consulte les vérificateurs externes avant de prendre une décision. Imaginez... Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, quand la vérification externe se fart, le vérificateur a pieds et mains liés à la décision

ou à la recommandation qu'il a faite. Ça n'a aucun sens. Alors, si on veut garder toute l'objectivité à un moment donné au Protecteur du citoyen, il doit agir en toute objectivité. J'aurais presque des doutes quant au Protecteur lui-même qui dirait: Je veux aller d'abord voir si les procédures sont bien en place et ensuite, si j'ai des plaintes, je vais trancher. Il est un peu à part, il est au-dessus, c'est vraiment le dernier recours. Je trouve que ce dernier recours, dans le fond, doit oeuvrer en toute liberté, mais également dans le fond, sans trop de choses écrites, sans quoi il n'y aura plus véritablement de Protecteur du citoyen capable d'intervenir. Il faut que la loi lui donne toute la souplesse pour travailler, mais il ne faut pas l'enfermer dans des procédures qui risqueraient à un moment donné de se retourner contre l'objectif que nous formulons qui est de garantir au citoyen qu'il y a quelqu'un de très objectif qui peut examiner absolument toute la cause, faire les recommandations. Ça, ça me paraît essentiel.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Sur le même sujet, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Mon Dieu! M. le Président, c'est juste une remarque. Actuellement, le Protecteur du citoyen peut s'intéresser, par exemple, à ce qui se passe dans les prisons, mais pas dans les hôpitaux parce que, présentement - je ne sais pas si j'ai compris à tort que vous pensiez qu'il pouvait le faire mais...

M. Favre: Non, il ne peut pas.

Mme Harel: ...il ne peut pas et vous, vous souhaitez qu'il le fasse, c'est-à-dire qu'il exerce dans le fond, un pouvoir de surveillance sur la qualité du traitement de la plainte. C'est ça qu'il faut comprendre? Merci.

M. Simard: Dans la mesure où le citoyen ou l'usager va lui soumettre...

Mme Harel: Évidemment...

M. Simard: ...lui demande de vérifier...

Mme Harel: D'accord.

M. Simard: ...pas de plein droit, là.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Les deux formations politiques ont utilisé exactement le même temps à date. Il y a deux députés ministériels qui m'ont demandé la parole: M. le député de Chapleau, ensuite de ça, M. le député de Nelligan, et nous reviendrons au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Bien sûr, le fait que vous représentiez la totalité des 200 centres hospitaliers du Québec et d'autres organisations réliées au domaine de la santé et des services sociaux, vos recommandations à l'effet que la juridiction du Protecteur du citoyen devrait être extensionnée au réseau de la santé et des services sociaux va être considérée très sérieusement par la commission.

Je note que ce sera les trois niveaux: l'établissement, le conseil régional, le Protecteur du citoyen. Ce que je veux savoir dans l'ensemble, sur la manière que vous allez procéder ou sur la mise en place de vos recommandations, quelles sortes de plaintes seront considérées par rétablissement lui-même, lesquelles par le conseil régional et lesquelles par le Protecteur du citoyen? Ce n'est pas en appel, l'un après l'autre, ou... En première instance, nécessairement, c'est rétablissement qui va être appelé pour tenter de régler le problème. Et, à partir de là, est-ce que ça va aller vers le conseil? Admettons que le plaignant n'est pas satisfait du jugement rendu ou de la décision prise par l'établissement. Est-ce le conseil régional qui sera saisi du problème et après ça, en dernier lieu, le Protecteur du citoyen?

Le Président (M. Dauphin): M. Simard, si vous voulez.

M. Simard: C'est bien ça, M. le Président. À tout le moins ce que prévoit la loi 120, c'est que le plaignant s'adresse d'abord à l'établissement en cause. S'il n'est pas satisfait, la loi prévoit les délais et toute la procédure... S'il n'est pas satisfait, il s'adresse au palier régional et nous, notre recommandation de ce matin, c'est si le plaignant n'est pas satisfait du traitement, appelons-le interne au réseau, de sa plainte, il pourrait la porter auprès du Protecteur du citoyen.

M. Kehoe: Effectivement. Mais quand vous parlez d'extensionner la juridiction, c'est juste dans ce sens-là, de donner un dernier droit d'appel au Protecteur du citoyen, en dernier lieu?

M. Simard: Oui, à titre d'intervenant neutre...

M. Kehoe: Oui.

M. Simard: ...mais aussi moins expert, parce que les deux premiers niveaux sont les niveaux où l'expertise est la plus concentrée. Le dernier niveau, le Protecteur du citoyen, évidemment, n'a pas toute l'expertise qu'on retrouve dans le réseau et c'est normal. Mais, de fait, nous voyons son rôle comme étant plus d'aller vérifier si les deux premiers paliers ont joué leur rôle, si la plainte a été bien traitée, si la procédure

était juste et équitable, etc.

M. Kehoe: Une autre de vos recommandations est à l'effet de donner au directeur général de l'établissement le pouvoir de recevoir et de traiter les plaintes de toute nature, y compris une plainte contre l'établissement lui-même. À ce moment-là, est-ce que le directeur n'est pas juge et partie? Comment son impartialité peut-elle être acceptée à ce moment-là si lui-même traite une plainte contre son établissement?

M. Simard: C'est une question à laquelle nous répondions tout à l'heure, M. le Président. Je peux rappeler d'abord que, si on se réfère toujours au projet de loi 120, c'est le projet de loi 120 qui établit cette façon de procéder, le directeur général ou un cadre supérieur. Mais je mentionnais tout à l'heure qu'en apparence ça peut apparaître comme étant un conflit d'intérêts, mais c'est pour ça que, pour éviter ou pour équilibrer ce pouvoir-là, nous proposons l'intervention du Protecteur du citoyen comme intervenant neutre et, d'autre part, je rappelle qu'il est du devoir et dans les fonctions premières, autant du directeur général que du conseil d'administration, de voir à la qualité des services et également à la quantité des services qui sont dispensés dans son établissement. Donc, c'est plus qu'une simple fonction de traitement. Ça a à voir avec son devoir et ses fonctions premières. Mais c'est équilibré par l'intervention du Protecteur du citoyen comme intervenant neutre. Si jamais il ne traitait pas bien, il sait qu'il y a quelqu'un d'autre qui peut intervenir, même la régie régionale qui, déjà, est plus dégagée du contexte très particulier.

Le Président (M. Dauphin): Merci M le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président, et merci à l'Association des hôpitaux du Québec. Juste clarifier un peu notre intérêt gouvernemental sur cette question. Nous avons rencontré l'Association des hôpitaux sur les questions de la réforme. Nous allons continuer les discussions. Demain matin, moi-même, je vais aller rencontrer votre directeur général sur cette question. Nous sommes complètement ouverts à avoir des discussions ici et à la commission des affaires sociales sur cette question certainement.

Je voudrais...

M. Trudel: ...des auditions? M. Williams: Pardon?

M. Trudel: Y compris des auditions particulières au niveau...

M. Williams: C'est bien intéressant. Souvent, nous avons avec l'Opposition un débat sur une structure avant que nous ayons vraiment le débat sur ce que nous voulons. Avec ça, nous allons avoir une bonne discussion sur le fond bientôt. Article par article, cela va nous donner une chance de discuter cette question.

Je voudrais demander un peu... Nous avons entendu le besoin d'avoir recours, nous avons entendu les mots "imputable", "efficace", "indépendant", la "perception d'indépendance" et aussi, j'ajoute, les "délais raisonnables". Vous vous êtes prononcés favorablement à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen. Il me semble que la santé est un tiers de notre budget québécois. C'est un vaste domaine. Si nous avons donné trop, avec toute la bonne volonté de corriger les questions que, j'espère, les deux côtés veulent corriger, est-ce que nous sommes en train de créer un autre problème, d'avoir un Protecteur du citoyen trop grand, trop loin, peut-être pas efficace, pas touchable? Et est-ce que ça va être mieux de créer une présence régionale imputable, indépendante, efficace, humaine, qui peut répondre a votre besoin d'une façon raisonnable et dans un délai raisonnable? Peut-être un Protecteur du citoyen. Avez-vous les commentaires de... Il n'y a aucun doute sur le problème et les choses que nous voulons corriger. Mais pourquoi voulez-vous privilégier juste ajouter: sous la juridiction du Protecteur du citoyen, sans privilégier d'essayer de faire la même chose dans un autre modèle? (10 h 30)

M. Favre: M. le Président, je peux répondre à ceci dans le sens que nous trouvons que, puisqu'il y a un Protecteur du citoyen au Québec, qu'on nous demande s'il faut étendre sa juridiction, nous disons: Oui, dans le sens que nous souhaitons une instance neutre quelque part dans le système des plaintes par rapport au réseau. Autrement dit, les établissements sont les premiers concernés. On peut avoir des craintes que le directeur général soit juge et partie. Il reste quand même que le conseil d'administration représente la population et est là comme garantie que justice sera rendue. Ce qui est important, c'est l'apparition d'un niveau neutre, qui serait en troisième niveau, neutre; c'est ça qui est essentiel pour nous, voyez-vous? La garantie, autant pour le citoyen qui formule une plainte que pour ceux qui doivent juger ces plaintes, recevoir et juger, c'est de dire qu'à un moment donné l'arbitraire ne peut pas s'installer parce que quelqu'un en haut va dénoncer l'arbitraire.

Il faut rendre justice, et c'est ça qui est délicat, là. C'est qu'une plainte demande, dans le fond, d'être traitée avec équité. On ne parle pas d'un tribunal. On n'est pas encore au tribunal. Mais on est vraiment au niveau où on doit sentir, d'une part, quand on formule une plainte, d'autre part, quand on répond à la plainte, qu'il y a quelqu'un qui observe, quelqu'un de l'extérieur. Alors, que ce soit le Protecteur du citoyen, que ce soit autre chose, pour nous, ce

que nous disons, c'est que, dans le cas de cette commission, nous allons dire: Ça serait très bien s'il était possible d'aller plus loin quant au Protecteur du citoyen. C'est évident que, si finalement le Protecteur du citoyen est chargé de toutes les plaintes de la province de Québec, il n'arrivera peut-être plus à fonctionner.

Et on va régionaliser le Protecteur du citoyen et on va... Alors, on peut imaginer dans le système, mais ce n'est pas ça... L'idée, actuellement, pour nous, c'est de défendre un troisième niveau neutre.

M. Williams: La question pour vous est la neutralité. Hier, nous avons entendu le Curateur public et le président de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Pour vous, ce n'est pas nécessairement de privilégier l'extension de Protecteur du citoyen. C'est de protéger la neutralité.

M. Favre: C'est ça. C'est d'avoir un niveau...

M. Williams: Merci beaucoup.

M. Favre: ...qui n'est pas prévu dans la loi 120, qui n'existe pas à l'heure actuelle...

M. Williams: Non, je comprends.

M. Favre: ...puisque le Protecteur du citoyen n'a pas cette juridiction. On se comprend bien. Et, comme il y avait une occasion de venir présenter une extension possible pour le Protecteur du citoyen, nous le faisons, mais nous ne prétendons pas imposer cette solution.

M. Williams: Une autre façon. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Maintenant, je vais reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Maintenant, je pense qu'il faudrait toucher tout le secteur des plaintes en ce qui regarde tout acte médical ou tout acte professionnel dans le système. Vous dites dans votre texte que vous nous présentez ce matin, à la page 15, qu'il vous semble que le texte du projet de loi 120 permettrait dorénavant au directeur général de recevoir les plaintes de toute nature. J'aimerais ça que vous nous précisiez ça parce que je vous avoue que je n'ai pas vu le "semble" que vous nous indiquez ici, et c'est pour ça que je voudrais avoir l'éclairage, parce que ce que nous avons plutôt lu jusqu'à maintenant, c'est qu'il n'y a pas de modification quant au cheminement de la plainte en ce qui regarde un acte professionnel d'un professionnel dans l'établissement, le centre hospitalier, le cas échéant ici.

Alors, qu'est-ce qui vous fait affirmer ici...

À partir de quoi trouvez-vous qu'il vous semble que le directeur général pourra recevoir les plaintes de toute nature?

M. Favre: Alors, l'article 36. Il faut arriver là, je pense que c'est ici, si vous prenez ces textes... Vous vous souvenez. Je vais laisser Me Simard. Là, on est dans des points de droit.

M. Simard: Alors, premièrement, dans le projet de loi 120... La situation actuelle, c'est reproduit dans le projet de loi 120, le Conseil des médecins et dentistes a déjà un premier mécanisme d'évaluation de l'acte médical, de même qu'un mécanisme de comité de discipline. Pourquoi on ramène ça maintenant au directeur général? C'est aussi que, dans le projet de loi 120, le conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens relève du directeur général et non plus du conseil d'administration. Or, c'est la concordance, finalement.

Par ailleurs, ce que nous soumettons au niveau des plaintes qui pourraient toucher à la qualité de l'acte professionnel par rapport à une disposition de la loi 120, l'article 36 dit qu'automatiquement toutes les plaintes qui sont reçues par rétablissement et qui concernent un acte professionnel doivent être référées à la corporation professionnelle. Ça nous apparaît un peu - je mets le mot entre guillemets - excessif dans le quotidien. Il nous semble qu'on devrait rester plutôt dans le régime actuel où on peut faire fonctionner les mécanismes internes à l'établissement. Il doit y avoir une première analyse. S'il nous apparaît que la plainte vise véritablement la qualité d'un acte professionnel qui tombe sous le coup du Code des professions, là, on va référer, mais qu'on puisse avoir une marge de manoeuvre et non pas un automatisme, parce qu'il y a plusieurs plaintes qui, en apparence, peuvent toucher la qualité de l'acte professionnel - le Dr Pecko peut vous en parler mieux que moi - mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Favre: M. le Président, si vous me permettez, c'est un peu technique, mais ça veut dire ceci. L'article 36 du projet de loi 120, actuellement, se lit comme suit: "Lorsque la plainte porte sur un acte professionnel sur lequel une corporation professionnelle a compétence, rétablissement doit acheminer la plainte de l'usager vers la corporation professionnelle concernée. S'il y a dans l'établissement un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens ou un conseil des infirmières et infirmiers, la plainte doit également être acheminée vers le conseil concerné."

La modification que nous proposons, c'est ceci: Lorsque la plainte porte sur la pertinence, la qualité ou l'efficacité d'un acte professionnel et s'il y a dans l'établissement un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, un conseil

des infirmières et infirmiers ou tout autre conseil de professionnels, la plainte doit être acheminée vers le conseil concerné et l'établissement doit en informer l'usager.

Ensuite, si, après examen de la plainte, rétablissement a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction visée à l'article 122 du Code des professions a été commise par un professionnel, l'établissement doit en saisir sans délai la corporation professionnelle concernée et en informer, par écrit, l'usager.

Actuellement, c'est évident que les corporations, de par le Code des professions, sont habilitées par leurs comités de discipline, les comités d'inspection professionnelle d'être saisies de toute plainte, non seulement d'une institution, mais par un citoyen qui veut se plaindre d'un acte professionnel. Il y a une garantie - la loi a été modifiée - maintenant, les auditions deviennent publiques dans certains cas, mais même encore, même encore, voyez-vous, il ne faut surtout pas que cet article 36 devienne une échappatoire pour renvoyer à des corporations professionnelles, sans examen, en disant: "nous pensons que", et, ensuite, on n'entend plus jamais parler de rien.

Donc, il y a là une jonction à faire, certainement avec une autre loi, et d'examiner ça avec l'Office des professions par rapport au Code des professions, à ce qu'il dit réellement. Il faudra peut-être mettre des délais, il faudra peut-être parce que, tel que c'est formulé, on l'envoie, et il n'est pas certain qu'il y ait une réponse.

M. Trudel: Surtout que je pense qu'il faut bien noter que, dès le moment où c'est acheminé au comité de discipline ou au CMDP, le plaignant est dessaisi de sa plainte, ce n'est plus à lui; la plainte ne lui appartient plus. En termes de droit, il est dessaisi de sa plainte. C'est pourquoi on se plaint fréquemment, dit-on, de l'absence de suivi ou d'information, entre autres là-dessus.

Parce qu'il reste très peu de temps, M. le Président, il y a une question importante aussi qui se pose. Fort bien, quant à vous, pour le Protecteur du citoyen, troisième niveau, on s'entend bien sur la mécanique. Dans la mécanique actuelle, les CRSSS peuvent faire appel... la machine régionale peut faire appel d'une décision à la Commission des affaires sociales pour obtenir jugement sur un litige d'un tribunal quasi judiciaire. Là, on irait, comme troisième niveau, vers le Protecteur du citoyen, qui n'agit qu'en termes de recommandation.

Est-ce qu'il ne vous apparaît pas nécessaire également qu'à quelque part on conserve un recours possible à un tribunal quasi judiciaire pour trancher sur des objets de litige de ce qui se passe dans l'ensemble des institutions? Parce qu'on est dans un très gros réseau, très vaste, et il y a des objets sur lesquels il faut, à quelque part, que l'on tranche sur qui a raison. Est-ce que l'on ne devrait pas aussi conserver, pour certaines catégories de plaintes, la possibilité d'en appeler à la Commission des affaires sociales ou à un autre tribunal de même type au niveau des activités dans le réseau? Est-ce que vous avez regardé ça aussi?

Le Président (M. Dauphin): Me Simard.

M. Simard: M. le Président, on n'a pas vraiment regardé l'aspect qui nous est soulevé, de la Commission des affaires sociales particulièrement, en fonction du projet de loi 120. Je ne pourrais pas vous donner d'opinion vraiment éclairée là-dessus, mais votre question demeure très pertinente, cependant.

M. Trudel: II semble que vous ayez encore quelques jours pour apporter une réponse, et je pense que ça serait très important que l'Association des hôpitaux nous communique son opinion là-dessus, et au ministre et aux membres de la commission parlementaire, que vous fassiez parvenir à la présidence de la commission parlementaire des affaires sociales votre opinion là-dessus, parce que c'est un point... C'est très important dans l'ensemble de la mécanique et c'est important qu'on ait votre opinion là-dessus. Malheureusement, je pense que mon temps est écoulé.

Le Président (M. Dauphin): Peut-être une dernière question...

M. Trudel: Je m'excuse...

Le Président (M. Dauphin): ...si vous me permettez, même si le temps est terminé.

M. Trudel: ...c'est parce qu'il y avait quelqu'un qui avait...

Le Président (M. Dauphin): Ah! excusez-moi. M. Trudel: ...un complément de réponse.

Le Président (M. Dauphin): Me Simard, allez-y.

M. Simard: Tout simplement une petite information, peut-être juste pour situer la question de M. le député. C'est que la Commission des affaires sociales, dans le régime légal actuel, intervient quand même sur des points très précis. Effectivement, comme tribunal quasi judiciaire, elle ne peut pas se prononcer sur n'importe quoi.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Une dernière question, si vous me permettez, qu'on a travaillée. Puisque la régie régionale prévue dans le projet de loi 120 est appelée à statuer sur les plaintes des usagers et aussi de voir à l'organi-

sation et à l'évaluation des services, ne trouvez-vous pas que ces deux rôles risquent de s'opposer au détriment des usagers?

M. Favre: C'est évident que plus on va écrire de textes de loi, M. le Président, plus on risque d'avoir des conflits ici et là. Lorsque nous avons parlé des droits du citoyen, nous avons parlé également des obligations, d'une certaine façon, qu'il a envers le système. Disons que ceux qui sont chargés de faire fonctionner le réseau, que ce soit les établissements, que ce soit le conseil régional actuellement ou les régies, évidemment, n'ont pas des sources de revenu inépuisables. Donc, à un moment donné, il y a des limites au système et, tant qu'on conçoit qu'il y a des limites au système, je pense que, moi, je ne vois pas de difficulté réelle. Il n'y a pas de conflit entre deux aspects, mais ça peut créer des problèmes certainement pour l'avenir, disons, si les plaintes commençaient à faire des jonctions très subtiles entre la quantité de services donnés, le temps pris par les établissements à répondre aux différents besoins et, disons, là, le sentiment qu'un citoyen est lésé. Je pense que ce sont là des choses très très subtiles, mais, pour le moment, disons, je ne pense pas qu'on soit véritablement à ce niveau-là. Moi, j'ai l'impression, à ce moment-là, que la présence de ce troisième degré neutre est une garantie, finalement, qu'on sera équitable et qu'on essaiera, et même ça serait souhaitable qu'il y ait ce. troisième niveau, de façon à pouvoir recommander à qui de droit, c'est-à-dire, eh fait, au gouvernement, de faire des changements s'il y a lieu. (10 h 45)

Une voix: Excellent!

Association des centres d'accueil du Québec

Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est tout le temps qui nous était alloué. M. le président, M. Favre, D Pecko, Me Simard, Mme Blouin, merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux. Ce fut très intéressant, et bon retour. Je demanderais maintenant à l'Association des centres d'accueil du Québec de s'avancer.

Alors, maintenant, nous aimerions souhaiter la bienvenue à l'Association des centres d'accueil du Québec, représentée par trois personnes. Est-ce que c'est vous, Me Clair, qui allez faire l'exposé? M. le président, d'abord. Alors, M. le président, Me Dolan, si vous vouiez présenter les personnes qui vous accompagnent, et je vous signale que nous avons prévu une période d'une heure, dont environ 15 minutes pour la présentation de votre exposé.

M. Dolan (Mario): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, je suis accompagné ici, aujourd'hui, pour cette présentation, de M. Gilles Proulx, qui est membre du comité exécutif de notre Association et trésorier de celle-ci. Il est aussi directeur général du centre de réadaptation Mont-Saint-Aubert de Charlesbourg, qui est un centre de réadaptation pour personnes présentant une déficience intellectuelle. Je suis aussi accompagné de quelqu'un qui n'a vraiment plus besoin de présentation dans cette enceinte, M. Michel Clair, qui est directeur générai de l'Association, qui vous présentera la position de nos membres.

J'aimerais vous rappeler que l'Association des centres d'accueil du Québec représente 380 établissements publics de services à la population, créés en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Les centres d'accueil membres de l'ACAQ prodiguent leurs services auprès de six groupes de citoyens et citoyennes parmi les plus vulnérables de notre société: les mères en difficulté, les personnes alcooliques et toxicomanes, les personnes atteintes d'une déficience physique, les personnes atteintes d'une déficience intellectuelle, les jeunes en difficulté d'adaptation et, enfin, les personnes âgées en perte d'autonomie. Au total, nos établissements desservent environ 90 000 personnes. Plusieurs dizaines de milliers d'entre elles sont hébergées en institution, alors que les autres reçoivent des services sur une base externe.

La nature même de notre mission est de promouvoir le bien-être des bénéficiaires. Nous avons donc le devoir de participer à tout débat visant l'amélioration de leurs conditions, et c'est ce que nous faisons ici ce matin. Parmi les questions étudiées par la commission parlementaire, il en est une qui interpelle particulièrement les centres d'accueil. En effet, les députés s'interrogent sur la pertinence d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen à de nouveaux secteurs, notamment à l'ensemble des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Le Protecteur du citoyen relève des lacunes parmi les mécanismes actuels qui garantissent aux bénéficiaires la jouissance de leurs droits. L'essentiel de notre mémoire portera donc sur la description des mécanismes actuels de protection des droits des bénéficiaires des centres d'accueil d'hébergement et de réadaptation, et sur une proposition susceptible d'améliorer cette protection. Nous commenterons aussi, si vous le permettez, fort brièvement toutefois, l'extension proposée de la juridiction du Protecteur du citoyen à l'univers des relations du travail. Je demanderais, à ce moment-ci, à notre directeur général, M. Clair, de vous présenter notre point de vue.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Me Clair.

M. Clair (Michel): En étudiant l'extension du mandat du Protecteur du citoyen aux centres d'accueil, on voudrait d'abord que les députés qui étudient cette question-là soient conscients, dans

le réseau des centres d'accueil, de trois choses que je pourrais résumer ainsi: d'une part, la complexité de la situation dans les centres d'accueil du Québec; d'autre part, qu'ils tiennent compte d'une tradition humaniste extrêmement importante en centre d'accueil au Québec, qu'il est important de protéger, que celle-ci dure; et, troisièmement, l'existence de multiples recours déjà existants pour nos différentes clientèles.

Traitons d'abord de la complexité. S'il fallait que la protection des droits des bénéficiaires des centres d'accueil ne repose que sur la contrainte d'un règlement, d'une loi ou d'une menace de décision de tribunaux, nous pensons que ceux-ci seraient rapidement surchargés. Nous sommes heureusement très loin de cette situation, car le bien-être des bénéficiaires, de nos clients, est le souci premier des administrateurs, des employés et de tous ceux qui oeuvrent en centre d'accueil. Au-delà des contraintes et des obligations du système de santé et de services sociaux, la réalité des centres d'accueil est celle du contact quotidien de personnes ayant besoin de services, en grande difficulté, avec d'autres personnes qui font profession, voire vocation d'aider leurs semblables. Ainsi donc, la sincérité des efforts, le sens de l'humanisme et le respect des personnes sont les seules bases réalistes sur lesquelles on peut travailler, on peut construire, pour améliorer le sort des bénéficiaires, et c'est cette philosophie qui est mise en oeuvre dans nos établissements.

Cela étant dit, ça n'empêche pas qu'on puisse connaître des problèmes. Les systèmes étant ce qu'ils sont, la grandeur du réseau de la santé et des services sociaux étant ce qu'elle est, il est certain qu'on doive se doter de mécanismes appropriés pour articuler le traitement des plaintes de ces personnes. Mais, dans le contexte des centres d'accueil, il faut bien se rendre compte que, par définition, un centre d'accueil est un endroit où certaines libertés peuvent être restreintes et où employés et bénéficiaires vivent régulièrement des situations tendues.

Deux exemples très fréquents dans nos établissements permettront d'illustrer ce point. Celui des adolescents admis contre leur gré, sur ordre du tribunal, et celui des conflits et des rejets quasi inévitables entre un thérapeute et son patient à certaines phases de la psychothérapie, notamment en toxicomanie. Quand une plainte est-elle justifiée et quand sert-elle d'exutoire ou d'échappatoire normal, fréquent dans le processus du traitement? L'évaluation de ces situations par un intervenant extérieur est, il faut le dire, extrêmement difficile et demande une expertise consommée. Ajoutons aussi la complexité des juridictions que doit démêler le bénéficiaire pour savoir qui est responsable de quoi. Le conseil d'administration, le conseil consultatif du personnel clinique, les corporations professionnelles, le ministère, le conseil régional, beaucoup de monde se partage par tranches fines la responsabilité des actes qui façonnent le vécu quotidien du bénéficiaire. Et lui, bien souvent, n'a pas beaucoup de moyens de savoir quel acte engage la responsabilité de quelle personne.

Enfin, je vous donne un exemple là-dessus assez fondamental. Souvent aussi, on se retrouve avec des contraintes, des décisions ou des instructions un peu contradictoires. Notons un cas, par exemple. Les centres d'accueil ont reçu l'avis de la Commission des droits de la personne et celui de la Commission de protection des droits de la jeunesse, à l'effet qu'il est irrespectueux des droits de la personne d'installer des caméras aux fins de protéger la vie de ces personnes au moment d'une tentative de suicide, comme cela s'est déjà produit dans certains cas. D'un côté, une commission de protection des droits de la jeunesse et des droits de la personne qui interdit aux établissements d'utiliser des moyens électroniques pour protéger la vie des gens et, de l'autre, des coroners qui blâment régulièrement les centres d'accueil de ne pas procéder à l'installation de tels équipements.

Complexe. Il faut aussi considérer le nécessaire équilibre entre les droits des bénéficiaires et ceux des employés. Le respect intégral des droits des uns se heurte à celui du droit des autres et, parfois, à des situations contradictoires. Par exemple, il n'est pas rare qu'un adolescent en difficulté frappe ou injurie un éducateur, ce qui, inévitablement, peut et doit conduire l'établissement à prendre des mesures à cet égard. Un autre exemple classique, le conflit entre la volonté de la majorité des personnes âgées de recevoir des soins corporels par un employé de leur sexe. On sait que la clientèle des centres d'accueil d'hébergement, notamment, est à plus de 80 % des femmes qui demandent d'être traitées, sur le plan des soins d'hygiène, des soins corporels, par des femmes, alors que l'interdiction de la discrimination selon le sexe dans l'attribution des postes est également une autre préoccupation qui est valable. Ce sont quelques exemples pour démontrer la complexité de notre situation.

Quelques mots sur la tradition humaniste des centres d'accueil, qui nous semble être un acquis extrêmement important à protéger. Les centres d'accueil ont comme raison d'être fondamentale le bien-être des bénéficiaires et, de tout temps, à l'époque où c'était des institutions charitables, ou encore aujourd'hui que ce sont des établissements publics, ce sont des considérations humanistes qui guident l'action des établissements. Nous avons développé une approche psychosociale qui considère l'ensemble de la personne et non pas uniquement son problème spécifique. Nous ne traitons pas des cas ou des dossiers, mais des personnes aux besoins multiples, et nous recherchons constamment des moyens d'améliorer notre prise en compte, si vous voulez, de la globalité de la personne.

Quelques réalisations des centres d'accueil à cet égard-là, la désinstitutionnalisation des personnes ayant une déficience intellectuelle n'est pas d'abord une réalisation gouvernementale, politique, de quelque formation que ce soit. Ça a été d'abord une initiative des centres de réadaptation concernés. Le développement d'un protocole type de garantie minimale de protection pour les jeunes en difficulté d'adaptation, notamment à l'égard des abus sexuels, voilà un autre développement qui est né de cette tradition humaniste. Même chose en ce qui concerne les protocoles d'entente en vigueur dans les centres d'accueil pour les cas de sida ou d'hépatite type B. Même chose en ce qui concerne l'implantation graduelle initiée localement de chartes des droits des bénéficiaires.

J'ai déjà parlé des recours multiples qui existent, qui est un autre élément dont on pense que vous devez tenir compte en étudiant l'extension du mandat du Protecteur du citoyen. Aux pages 10 et 11, on en fait une enumeration. J'attire votre attention au-delà de ce que prévoit la loi actuelle ou de ce qu'il y aurait advenant l'adoption du projet de loi 120, en ce qui concerne les établissements à un niveau régional. En ce qui concerne notre réseau, vous avez une annexe à la fin. Je les nomme. Il y a le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui a des possibilités d'action dans notre secteur, de traitement de plaintes, le ministère de la Justice, la Commission des affaires sociales, la Commission des droits de la personne, la Commission de protection des droits de la jeunesse, l'Office des personnes handicapées du Québec, la Commission d'accès à l'information, le Curateur public.

En fait - je ne dirai pas en fait - en théorie, il n'existe à peu près aucun sujet pour lequel le bénéficiaire ne dispose pas déjà d'un recours formel. Malgré tout, le nombre de plaintes reçues par les instances habilitées demeure relativement peu élevé. On a essayé de faire un décompte, nous, pour évaluer la situation en ce qui concerne notre réseau; en faisant le tour de tous ceux qui sont susceptibles de recevoir des plaintes à l'égard du fonctionnement de nos établissements, il s'avère que, si on fait le grand total, on arrive à un peu moins d'une plainte par établissement par année. Est-ce donc à dire qu'il n'y a pas de problèmes, que les choses tournent rondement dans les établissements et qu'il n'y a aucune difficulté, ou si c'est parce qu'il n'y a pas de recours encore assez adéquat pour permettre l'expression des plaintes? Nous, on pense, néanmoins, que, de la façon dont nous fonctionnons, c'est davantage la première hypothèse qu'il faut retenir, à savoir que l'immense majorité des plaintes trouvent leur solution de façon informelle, localement, et qu'il est extrêmement important de protéger cette façon-là de procéder.

Avant d'arriver à nos propositions, nous, de l'analyse de la situation actuelle et de tout changement éventuel, on pense qu'on doit retenir six grands principes qui sont déjà appliqués dans les centres d'accueil et qui doivent continuer de l'être. Le premier, c'est que les droits des bénéficiaires doivent primer sur toute autre considération. On pense à ça en cas de conflit de travail; on pense à ça en cas de traitement des plaintes; on pense à ça en cas de répartition des budgets. C'est un principe premier. Le droit des bénéficiaires, le respect de la personne, c'est le principe fondamental de fonctionnement de nos établissements, et ça doit demeurer.

Deuxièmement, la notion de ce qu'est un droit doit être appliquée avec largesse et générosité dans le contexte des centres d'accueil. Toute approche un peu trop légaliste à l'égard de l'application des chartes dans nos établissements conduit à des aberrations, parce qu'on pourrait adopter une attitude tellement restrictive, tellement légaliste qu'elle deviendrait très rapidement inhumaine, même si, au sens de la loi, on pourrait éventuellement être à l'abri de critiques. (11 heures)

Troisième élément extrêmement important, troisième principe. La protection des droits des bénéficiaires doit trouver son assise première à l'intérieur même de l'établissement. La seule garantie viable à long terme du respect des droits réside dans les valeurs, les attitudes, les comportements à l'intérieur de l'établissement, tout aussi bien par les administrateurs, les cadres que les employés. C'est là qu'il faut que le bénéficiaire puisse se faire entendre, obtenir justice, être traité humainement et non pas miser d'abord et avant tout sur quelque procédure judiciaire, quasi judiciare ou recours autre que ce soit. C'est là qu'est d'abord et avant tout le fondement sans nier qu'il soit utile qu'il existe d'autres mécanismes comme deuxième recours. Mais la communication en direct au niveau local, c'est ce que nous privilégions.

Quatrième principe. Les bénéficiaires qui s'estiment lésés doivent avoir accès à un recours simple, efficace, rapide, accessible financièrement et offrant des garanties adéquates d'impartialité et de justice, parce que c'est certain que les questions non résolues ou mal résolues empoisonnent les relations interpersonnelles, et il faut qu'il y ait une mécanique qui permette de disposer de ça.

Cinquième principe. Il faut tenir compte de la réalité particulière de chaque catégorie d'établissements, voire même de chaque établissement. M. Favre, qu'on a entendu tantôt, en a parlé en ce qui concerne les hôpitaux. J'oserais dire que c'est encore plus vrai dans le cas des centres d'accueil parce que... Comprenons bien que le fonctionnement et le nombre de plaintes qu'on est susceptible d'avoir, dans un centre de réadaptation pour personnes toxicomanes, est complètement différent de ce qu'on peut avoir dans le cas d'un établissement de déficience

intellectuelle ou pour l'hébergement des personnes âgées.

Sixième élément, sixième principe, c'est que les autres instances dont on dépend, nous, les centres d'accueil, principalement, le ministère, les conseils régionaux sur le plan budgétaire, le Conseil du trésor sur le plan de la négociation des conventions collectives, tout ça, comme je l'ai dit tantôt, les consignes sont souvent contradictoires, et notre encadrement légal, qu'on nous donne, financier, juridique, conventionné, est souvent assez distant des objectifs nobles qu'on nous fixe par ailleurs.

Venons-en maintenant à l'approche qu'on propose. Disons d'entrée de jeu, aux pages 21 et suivantes, que nous pensons qu'une intervention généralisée du Protecteur du citoyen en première instance, sur toute plainte provenant de notre réseau, est inadéquate. On ne croit pas en ça pour plusieurs raisons: d'abord, nous sommes convaincus que ce serait la meilleure façon qu'on puisse imaginer de déresponsabiliser les personnes au niveau local. Deuxièmement, il faudrait, pour faire un bon travail, notamment au niveau, comme je vous disais, de la connaissance intime sur le plan clinique du cas, que le Protecteur du citoyen s'équipe d'une véritable armada de professionnels pour venir juger de la pertinence de l'acte posé dans tel ou tel cas. Et, troisièmement, j'oserais même dire peut-être même surtout en fonction de l'intérêt du plaignant, l'intervention du Protecteur du citoyen, qui arrive de l'extérieur comme ça, n'apporterait, à notre avis, aucune réponse satisfaisante à l'argument maintes fois évoqué de la crainte de représailles qui restreint le bénéficiaire dans l'exercice des recours disponibles. Nous, on pense que c'est à l'intérieur même de l'établissement que le bénéficiaire doit trouver la protection requise pour l'exercice confiant de son recours.

Une solution adaptée au contexte particulier des centres d'accueil. Je vais faire quelques ajustements, tenant compte du projet de loi 120 adopté en deuxième lecture, au mémoire qu'on a présenté. Dans un premier temps, probablement que c'est normal, mais plus que toute autre catégorie d'établissements, on est habitués de vivre avec des comités de bénéficiaires et on en souhaite le développement. Là-dessus, je dois dire que le projet de loi 120, en prévoyant un renforcement du comité de bénéficiaires, vient permettre, à notre avis, en lui prévoyant un financement régulier, à cette instance-là, de contribuer à prévenir des problèmes en facilitant la communication avec l'administration et les employés de l'établissement. C'est extrêmement important que, localement, encore une fois, de manière naturelle, sans formalisme, un comité de bénéficiaires, qui est en bonne relation avec la direction et les cadres de l'établissement, puisse au fur et à mesure des événements, par une bonne communication bidirectionnelle, je dirais, entre la direction de l'établissement et le comité de bénéficiaires, prendre en compte les plaintes des personnes et les corriger, même si elles ne sont pas identifiées à la plainte de M. Untel dans tel cas, mais que ça contribue à régler ou même à prévenir beaucoup de situations inacceptables.

Deuxième chose qu'on propose, nous, comme approche au Protecteur du citoyen, non pas de venir valider dans chacun de nos établissements un protocole, mais on pense que si le Protecteur du citoyen veut travailler avec les associations d'établissements, en tout cas, la nôtre serait ouverte à travailler conjointement, avec le Protecteur du citoyen, à l'élaboration d'un protocole type pour le traitement des plaintes au niveau local. Ce protocole établirait les règles garantissant l'accessibilité, l'impartialité, la justice et la rapidité. Il établirait les bases d'un contrôle des plaintes par la communauté, par exemple, par la formation d'un comité réunissant des représentants de l'établissement, du comité des bénéficiaires et une majorité de représentants d'organismes communautaires.

Alors, nous, on dit: Dès le niveau local, on pense qu'il devrait y avoir, en termes de formalisme minimal, un protocole type qu'on développe avec le Protecteur du citoyen. Pour disposer des plaintes qui auront besoin d'aller au delà du directeur général, au-delà du directeur des services professionnels, que, localement, on puisse avoir un petit comité composé majoritairement de personnes de l'extérieur qui peuvent venir trancher. On pense qu'il y aurait plusieurs avantages à ça. Premièrement, le bénéficiaire trouvera dans l'établissement le recours dont il aura besoin. Deuxièmement, et surtout, la protection contre des représailles éventuelles, la crainte de ces représailles-là. Si on veut lutter contre ça, on pense que ce n'est pas en éloignant le recours du citoyen qu'on va lui éloigner cette crainte-là parce que le Protecteur du citoyen, de venir enlever la crainte dans le coeur de la personne qui est hébergée en centre d'accueil d'hébergement, ça n'apparaît pas comme étant un rempart bien, bien solide. Mais des gens de la communauté, du village ou de la ville qui sont déjà bien connus, qui sont des gens qui s'intéressent à l'établissement, on pense que ça pourrait rassurer les gens à cet égard-là. Troisièmement, la distance entre l'établissement et les représentants du milieu serait juste assez grande pour garantir l'impartialité et juste assez courte pour assurer une connaissance directe et immédiate de l'établissement, de la culture et du contexte dans lequel il opère.

Au niveau régional, quant à nous... Alors ça, au premier niveau, ce n'est pas incompatible avec ce qu'il y a dans le projet de loi 120, mais nous, on dit: on ne veut pas le faire valider par le Protecteur du citoyen dans chacun des cas, mais on est prêts, pour le rassurer quant à l'impartialité de la mécanique, la rapidité et tout ça, à développer un protocole type, comme on l'a

fait quant à certaines autres problématiques, notamment, par exemple, avec la Commission de protection des droits de la jeunesse, mais on va développer un protocole type, on va assurer une application locale. Quand il y aura des problèmes, on va essayer de les régler au niveau local avec un comité. Qu'on crée une instance régionale d'appel, elle aussi neutre, à notre avis, ce serait préférable. C'est deux approches totalement différentes. Le ministre préfère une approche, je dirais, hiérarchique, qui a ses avantages en termes d'autorité de la régie sur l'établissement. Nous, on aurait une légère préférence encore pour le modèle qu'on met de l'avant, à savoir qu'au niveau régional la personne qui est là soit formée par le Protecteur du citoyen, que ses conditions de rémunération, d'emploi, le contexte dans lequel elle opère assurent une certaine impartialité et neutralité.

Et on ne réserverait, parce que je vois que mon temps est déjà écoulé dans le fond, l'intervention du Protecteur du citoyen que dans le cas suivant. C'est qu'il s'assure, qu'il soit responsable davantage d'un bon fonctionnement général, d'une mécanique crédible, efficace, rapide, impartiale de traitement des plaintes au niveau local et au niveau régional et qu'il ne puisse intervenir que dans les cas où, manifestement, la personne se plaint qu'il n'y a pas eu de véritable mécanique objective et qu'il n'y a pas eu respect de cette mécanique-là. Autrement dit, je m'exprime plus clairement, le Protecteur du citoyen interviendrait dans deux cas: lorsqu'un établissement récalcitrant refuse à mettre véritablement sur pied une mécanique crédible de traitement des plaintes ou, encore, lorsque le citoyen, en appelant devant lui, a comme motif d'appel auprès du Protecteur du citoyen, pas qu'il est insatisfait de la décision, mais que la mécanique aux niveaux local et régional, passez-moi l'expression, c'est de la bouillie pour les chats, et seulement dans ces cas-là. Et nous, on pense que ce serait suffisant pour améliorer le fonctionnement régional et j'ajoute le fonctionnement du traitement des plaintes.

J'ajoute qu'au niveau régional, à notre avis, la personne qui agirait à ce niveau-là devrait constituer en quelque sorte un greffe pour être certain qu'au niveau local les plaintes ne demeurent pas sans suite, que toute plainte soit acheminée automatiquement au niveau régional afin que le cadre régional chargé d'assurer l'appel puisse, dans tous les cas, savoir, être informé directement de ce qui se passe dans chacun des établissements. Finalement, on pense que, si le Protecteur du citoyen voulait jouer un rôle de développement, de formation et de service conseil auprès des établissements et auprès des régies régionales, il serait bienvenu de le faire.

Une phrase à propos des relations de travail. Simplement pour dire que nous ne voyons aucune pertinence à la création d'un nouveau recours qui viendrait dédoubler ceux qui existent déjà en matière de relations de travail. C'est déjà bien suffisamment... Il y a probablement plus de textes qui régissent les droits des travailleurs, dans le contexte des conventions collectives, qu'il n'y en a qui concernent les clients, les bénéficiaires, et on pense que la protection qu'offrent le Code du travail, les conventions collectives et tout ce qui en découle est suffisante. Merci de votre attention.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Messieurs, nous allons maintenant débuter la période d'échange, et je vais reconnaître en premier lieu M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue et remercier l'Association des centres d'accueil du Québec de cette présentation aujourd'hui. C'est une excellente présentation parce que la mécanique, entre autres, que vous nous suggérez, elle repose sur des principes. Il n'y a pas seulement des objectifs de service dans ce que vous nous proposez ou dans votre travail quotidien. Il y a, oui, effectivement, la plus belle garantie qu'on puisse se donner, c'est d'abord d'asseoir notre travail, notre intervention auprès de clientèles qui sont probablement les plus vulnérables dans tous les sens de la définition du mot, dans les centres d'accueil du Québec. Et vous fixez un certain nombre de principes qui, me semble-t-il, vont nous être extrêmement utiles au moment de rédiger nos recommandations et qui, à prime abord, vont devoir aussi être examinés comme éléments fondamentaux de tout système de recours d'exercice des droits dans les systèmes de santé et de services sociaux, au niveau de la loi qui s'apprête à être examinée, article par article.

Alors, pour cela, il faut vous remercier et vous nous donnez une réponse extrêmement précise aux questions que nous nous posions. La mécanique que vous nous proposez, en termes de traitement des plaintes et d'exercice des droits dans votre réseau à vous... Vous nous dites, M. le directeur général: Nous n'irions pas jusqu'à faire valider chacune des procédures des établissements par le Protecteur du citoyen. Nous préférerions fonctionner par protocole type. Tout en reconnaissant que, de notre côté, en tout cas, la mécanique que vous proposez s'approche de très près, sensiblement, de notre position, avec quelques petites différences, j'aimerais quand même examiner la possibilité que les personnes qui seraient chargées du traitement des plaintes, de recevoir, de traiter, peu importent les gens aux alentours qui aideraient à ce mécanisme-là, puissent dépendre directement du Protecteur du citoyen.

Je pousse la question assez loin parce que, hier, nous avions quelqu'un - c'était dans un

autre contexte, un contexte d'un centre hospitalier, le centre hospitalier régional de Lanaudiè-re - qui nous disait: Dans mon travail, évidemment, c'est extrêmement difficile parce qu'on m'accuse, d'une part, de la part des usagers, d'en faire trop peu, et généralement, du côté de l'administration des établissements, d'en faire trop. Point à la ligne. (11 h 15)

Et cette personne a vécu un bon nombre d'années sous une espèce de double régime de salarié de l'établissement, dépendant du conseil d'administration, mais relevant ou ayant des pouvoirs par un protocole du Protecteur du citoyen du Québec. Il nous disait que cette façon d'être dans son établissement l'a énormément appuyé, l'a énormément supporté pour réaliser effectivement son travail de réception et de traitement des plaintes. En particulier - je vais revenir à la question plus précise tantôt - c'a été étonnant de constater ça sur une année dans ce centre hospitalier. Je sais, encore une fois, que c'est un milieu différent. Sur 643 plaintes qui avaient été reçues, plaintes au sens large, signalements, 36 % originaient du personnel de l'établissement. J'ai comme l'impression que c'est souvent le cas dans le type d'établissements qui sont regroupés au sein de votre association, parce qu'encore une fois c'est les clientèles les plus vulnérables que vous trouvez et qui sont les plus en situation de détresse dans tout notre réseau.

Alors, est-ce que c'est totalement impensable pour vous que, dans votre secteur en particulier, compte tenu de la particulière vulnérabilité des personnes avec lesquelles vous travaillez en termes d'usagers, on puisse penser que ça aille au-delà du protocole de service ou du protocole avec le Protecteur du citoyen, mais que ces personnes, par une formule quelconque, soient des représentants du Protecteur du citoyen, à la base, dans l'établissement, dans le traitement local des plaintes qui sont adressées?

M. Clair: Je pense qu'il y a une certaine confusion dans les rôles de l'un et de l'autre. Nous, on pense qu'au niveau local le premier responsable du traitement des plaintes, ça doit être le conseil d'administration de l'établissement, le directeur général, en ce sens que ce serait quand même un peu loufoque que le directeur général ait beaucoup de responsabilités et le conseil d'administration aussi, mais que, s'il y a une plainte qui puisse s'en dégager, ça, ce n'est pas de son ressort. Nous, on dit qu'il y a une responsabilité administrative, inhérente au fonctionnement même de l'établissement, que l'employé, le salarié, le cadre intermédiaire, le cadre supérieur, le directeur général, du bas en haut de la pyramide, entre guillemets, même si elle n'est pas très grosse, de l'établissement, au niveau local, doit assumer quotidiennement, d'heure en heure, une responsabilité à l'égard du traitement des plaintes. Parce qu'une plainte en centre d'accueil d'hébergement, ça ne se définit pas toujours avec un long document de cinq ou six pages pour expliquer des choses extrêmement compliquées; c'est des choses simples, la plupart du temps. Nous, on pense qu'il ne faut pas qu'on éloigne l'employé, le cadre intermédiaire, le cadre supérieur et ie directeur général de cette responsabilité-là qui doit demeurer.

Maintenant, on est conscient que, si cette mécanique-là ne donne pas satisfaction, que vient immédiatement dans la tête du bénéficiaire une interrogation quant à l'impartialité de la décision, nous, on dit: Si on ne veut pas faire les choses trop trop compliquées, on pense qu'au niveau local, en mettant sous l'autorité d'un comité formé de personnes majoritairement de l'extérieur de l'établissement, qui viendraient en quelque sorte représenter sinon le Protecteur du citoyen, du moins l'esprit de neutralité, de simplicité, d'impartialité et de rapidité qui est poursuivi par le Protecteur du citoyen... Nous, dans la communauté, tous nos établissements ou à peu près oeuvrent avec plein d'organismes communautaires autour d'eux. Ils sont impliqués, ils ont des échanges avec la communauté et ce serait facile de s'entendre sur une mécanique qui permettrait, en incluant un représentant du conseil d'administration ou deux, un représentant ou deux du comité des bénéficiaires et une majorité de personnes provenant de l'extérieur, au niveau local, de disposer de l'immense majorité des plaintes.

Quel devrait être le lien avec le Protecteur du citoyen? Nous, ce qu'on proposait, c'est que le Protecteur du citoyen pourrait être responsable du développement, pour ces personnes-là, de programmes de formation, qu'il puisse, comme je dirais, s'assurer non seulement, au niveau du protocole type, que les grandes lignes sont respectées, mais aussi que dans l'application - ça, on avait mis ça, je peux vous l'indiquer, à la page 25... On dit: "Le Protecteur du citoyen mettrait au point des outils de formation afin d'appuyer les établissements dans l'application du protocole type: formation de base pour les membres des comités d'établissement, formation plus poussée pour les responsables régionaux. Il pourrait aussi mettre sur pied un service d'expertise-conseil auquel les responsables locaux ou régionaux feraient appel pour éclaircir les situations particulièrement complexes du point de vue des droits."

Il faut bien que vous compreniez toute la portée et toute la conviction qu'on met derrière l'affirmation de dire: II faut que les solutions soient trouvées au niveau local. Ça, c'est extrêmement important parce qu'autrement on craint la déresponsabilisation et, entre vous et moi, on te voit aussi. Les établissements où ça fonctionne extrêmement bien, ce n'est pas à cause de l'existence d'un ombudsman ou d'un "ombuds-person" qui vient un petit peu jouer sur les deux

tableaux en conflit d'intérêts, effectivement. Ce n'est pas ça. Les établissements où ça va extrêmement bien, c'est que ces établissements-là ont depuis longtemps développé des attitudes auprès du personnel, une charte des droits du bénéficiaire et une attention locale à la personne, avec une petite mécanique simple qui fait en sorte que ça devient normal, et non pas un geste de provocation pour un bénéficiaire de dire au comité: Écoutez, telle affaire, ça n'a pas de bon sens, ça ne marche pas, regardez ce qu'on me fait, moi. C'est ça qu'on veut. Nous, on en a contre le fait de compliquer les choses et de leur donner un formalisme et une envergure tels que, finalement, ça va rendre le citoyen, le bénéficiaire encore plus craintif d'utiliser le recours que ce qui est le cas présentement.

M. Trudel: Oui.

M. Clair: Pour terminer, dans la mesure où, nous, on ne voit pas que c'est une personne qui est désignée localement par le Protecteur du citoyen - si c'était ça, imaginez - dans notre réseau, ça voudrait dire 380 mini-petits protecteurs du citoyen qui s'installeraient dans nos établissements. Je ne suis pas sûr, d'abord, qu'il y a le volume de travail pour ça, premièrement. Deuxièmement, ça formaliserait les recours en s'il vous plaît et, finalement, c'est que ça ne responsabiliserait pas localement. Nous, ce qu'on voit, c'est beaucoup plus un comité de bénévoles qui s'intéresse à l'établissement, qui a une certaine autorité pour dire à l'établissement: Écoute, ça, ça n'a pas de bon sens.

M. Trudel: Très bien. Je pense que nous partageons ce souci de la simplicité et de la responsabilité première au niveau des établissements, effectivement, parce qu'il faut bien baliser la notion de plainte. Vous avez absolument raison là-dessus: il faut faire attention. Un signalement d'un apparent "malfonctionnement" administratif peut s'appeler plainte à la limite, mais, dans le cadre de l'administration ou des responsabilités de services que vous avez à dispenser, ça s'appelle de l'organisation des services. Parfois, ça peut se traduire par la négation d'un droit. Parfois! Oui, effectivement, il faut que l'accueil soit fait à un premier niveau qui responsabilise l'établissement sur la base d'un certain nombre de principes que vous énumérez dans votre mémoire.

Je reviens encore un peu en disant que je comprends bien la réponse au niveau du Protecteur du citoyen, nomination de la personne. Au niveau régional, vous suggérez l'agrément de cette personne, du mode de nomination de cette personne. Ça me semble, pour ma part, une voie extrêmement instructive à regarder très attentivement parce qu'on retrouve, encore là, votre principe de la responsabilisation, peu importe le niveau, sauf que reconnaissant l'expertise de la fonction ou de l'institution qui s'appelle Protecteur du citoyen au Québec et du rôle-conseil, vous dites, au niveau régional, dans la cascade, au niveau de l'appel, pour la mécanique: Celui-ci devrait aussi agréer le mode de nomination et de rémunération, il serait responsable du fonctionnement, etc. Ça vaut pour le niveau régional, mais ça ne pourrait pas valoir pour vous autres, ça, l'agrément? L'agrément du...

M. Clair: C'est parce qu'au niveau local on ne voit pas une personne, on voit un comité. Encore une fois, au niveau local, nous, on dit: On est prêts à discuter des grandes lignes d'un protocole type. Comment ils devraient être constitués, ces comités-là? Quelle sorte de délai? Quelle sorte de mécanique de fonctionnement qui devrait être prévue? Mais on ne voit pas la nécessité... Nos établissements n'ont pas, en général, la taille, ne sont pas d'une telle taille qui nécessiterait la présence, en permanence, de quelqu'un, et nous, on croit beaucoup à l'approche des bénévoles, des pairs, des gens de la communauté...

M. Trudel: Oui, mais si...

M. Clair:... et au niveau régional... Ça, oui, mais peut-être que je ne vous comprends pas.

M. Trudel: Si vous me permettez, monsieur... Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Trudel: Tout à fait. Une petite remarque. Je pense qu'il faut exclure de notre raisonnement, M. le directeur général, le fait que ce soit obligatoirement une personne à temps complet qui ne fasse que cela dans l'établissement. Évidemment, compte tenu de la grandeur, de la grosseur des établissements, ce serait de la folie furieuse de prévoir cela, mais la loi va vous faire obligation, là, de nommer un cadre supérieur responsable de l'accueil et de la procédure de traitement des plaintes. Vous, vous nous dites: Nous préférerions - je prendrai cette expression - une mécanique encore plus douce, plus communautaire faisant appel aux bénévoles et aux personnes de la communauté. Il faudra toujours, au niveau de chacune des institutions, des établissements, qu'il y ait une personne qui soit responsable. Moi, ce que je vous demande tout simplement, c'est le mode de nomination, tel que vous le suggérez au niveau de la régie régionale. Est-ce qu'on ne pourrait pas retrouver ce mode aussi au niveau des établissements, puisque vous aurez l'obligation d'avoir une personne dans chacun des établissements? Là, il est dit cadre supérieur, mais j'élimine ça au niveau théorique. Il faut qu'il y ait une personne pour s'assurer que la mécanique, que la procédure puisse en arriver à bénéficier, ce que vous dites comme principe, à privilégier les droits des bénéficiaires.

M. Clair: Pas nécessairement au niveau local parce que nous, foncièrement, ce qu'on volt dans le projet de loi 120, c'est une responsabilité administrative et non pas, je vous dirais, des dispositions - je sais que ce n'est pas le terme - quasi judiciaires de la plainte. Alors, de désigner un cadre supérieur qui est responsable administrativement, de s'en occuper, c'est une chose. S'il ne solutionne pas le problème et que ça doit être considéré, s'il y a une plainte qui est portée au directeur des services professionnels de rétablissement et que le directeur des services professionnels règle le cas à la satisfaction du bénéficiaire, c'est une situation, c'est réglé, mais si le directeur des services professionnels constate que, finalement, il ne s'entend pas, entre guillemets, avec le bénéficiaire et qu'il doit en saisir le comité local, à ce moment-là, il cesse d'être l'autorité. L'autorité de disposer de la plainte, ce n'est plus lui. L'autorité de disposer de la plainte, dans notre modèle, c'est le comité local. Alors, c'est pour ça qu'on ne propose pas qu'au niveau local la personne qui serait désignée en vertu de la future loi 120 ait besoin d'être agréée, parce qu'elle remplit un rôle administratif, à notre avis. Ce n'est pas elle qui, en dernière instance locale, si je peux employer cette expression-là, dispose de la plainte.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Trudel: Très bien. Merci.

M. Larouche: J'aime beaucoup votre approche, M. Gair. Ça fait deux fois au moins qu'on entend la question, le fait que ça dépende d'une attitude. C'est une attitude, alors, si je vous comprends bien, c'est une approche client que vous avez.

M. Clair: Oui.

M. Larouche: On le voit, mettons, autant dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est une approche client et tout le monde, en fin de compte, est concerné par son bénéficiaire. C'est dans ce sens-là que vous le prenez quand vous parlez d'une question d'attitude des employés. S'il y a une plainte, bien, en fin de compte, tout le monde est concerné. Alors, est-ce que je m'égare si je vous dis que ça devrait peut-être être une question d'éducation du personnel et de tout le personnel à une approche client?

M. Dolan: II faut bien comprendre que la clientèle que l'on dessert dans les centres d'accueil, que ce soit les centres d'accueil d'hébergement ou de réadaptation, c'est une clientèle, très souvent, qui va être en centre d'accueil pendant toute sa vie. Les personnes âgées vont entrer en institution vers l'âge de 75 ans. Je vous rappelle que la moyenne d'âge, dans nos centres d'accueil, est de 83 ans. Donc, elles peuvent rester 10, 15 ou 20 ans dans le centre d'accueil. Les jeunes qui présentent une déficience intellectuelle... ou la personne qui présente une déficience intellectuelle était souvent dans nos centres d'accueil, avant la politique d'intégration sociale, toute sa vie, 54 ans, 55 ans, 60 ans, tout dépendant de l'âge où elle décédait. Donc, il faut bien comprendre que cette approche, nous, on la vit. Moi aussi, je ne suis pas un professionnel du réseau, je suis un président de conseil d'administration. C'est quotidien, les relations que l'on a avec nos usagers ou nos requérants de services. Nous ne voyons pas un client pendant 15 jours, le temps d'une hospitalisation, ou pendant un mois. Si c'est nous autres qui mangeons froid chez nous, il va manger froid pendant 10 ans. Vous comprendrez qu'on va le savoir. À partir de ce moment-là, l'approche que vous avez décelée, qui est une approche client, et la responsabilisation du personnel en place, c'est pour le conseil d'administration auquel je siège, mais aussi au niveau des instances de directeur général, par exemple, de cadre supérieur, c'est une préoccupation quotidienne et, très souvent, qui s'échelonne à très long terme. (11 h 30)

M. Clair: Pour vous donner un peu... Pour vous faire comprendre toute notre philosophie de pensée, prenez le cas de - l'intégration sociale des déficients intellectuels. 67 établissements de réadaptation de personnes présentant une déficience intellectuelle au Québec sont en train de mener une opération dite simplement de désinsti-tutionnalisation ou de réintégration sociale de ces personnes-là. Vous imaginez-vous à quel point - et j'aimerais ça que M. Proulx vous en parle - le respect de ces personnes-là, ce n'est pas d'abord et avant tout une question de droit, mais c'est beaucoup plus toute l'approche à l'égard des familles, du bénéficiaire, des travailleurs, des cadres? J'aimerais que M. Proulx vous en parle un peu.

M. Proulx (Gilles): Effectivement, quand vous parlez d'attitude, ce n'est qu'une question d'attitude, parce qu'il y a place dans ce contexte-là à des milliers et des milliers de plaintes. Si, effectivement, on n'a pas une approche client dans cette optique-là de désinstitutionnalisation, on fait face immédiatement, à chaque coin de rue, à chaque tournant, à une possibilité de multiples plaintes.

M. Larouche: II y a 90 000 personnes dans votre réseau.

M. Dolan: Qui reçoivent des services à un niveau...

M. Larouche: Alors, une plainte par année

par personne, ça vous ferait tout de suite 90 000 plaintes.

M. Clair: C'est pour ça qu'on dit que c'est extrêmement important. Ce n'est pas rien. On a une tradition, comme je vous dis, humaniste. On sait qu'on a encore des améliorations à faire dans certains secteurs d'activité ou encore dans certains établissements, mais là où les problèmes se règlent, ça n'est pas d'abord et avant tout à cause d'un encadrement juridique, structurel, légaliste, c'est d'abord et avant tout... Bien sûr que ça ne nuit pas, que ça crée une certaine pression, mais je dis: dans les faits...

M. Larouche: Mais ça ne s'oppose pas. M. Clair: Non, ça ne s'oppose pas.

M. Larouche: Vous semblez, je pense, créer une opposition entre ces deux choses-là. Vous pouvez avoir une approche client et vous pouvez avoir un recours au cas où, ce recours pouvant être situé au niveau de votre association, d'ailleurs, sans que ce soit l'ombudsman au niveau du Québec. Il peut y avoir un recours sans... Prenons au niveau des journaux comme The Gazette, il y a un ombudsman, je crois. Bon. Alors, c'est au niveau d'une petite unité, tout comme tu peux avoir le Conseil de presse. Alors, tout en louant votre approche client, je pense qu'il n'y a pas nécessairement d'opposition avec le fait qu'il pourrait y avoir un ombudsman au niveau du réseau ou au niveau d'une unité. Je ne vols pas d'opposition, moi.

M. Clair: Je ne vois pas ça en termes d'opposition, pas du tout, mais nous, notre point, simplement, c'est de dire: II y a un équilibre à maintenir et il ne faudrait pas s'illusionner quant à l'efficacité des recours, on le constate. Il y a une Commission de protection des droits de la jeunesse. C'est bien. On collabore avec elle, on en tient compte, mais il ne faut pas que le développement de ces recours-là puisse être perçu par les travailleurs à la base, les cadres, les directeurs généraux, les établissements, quoi, comme étant source de déresponsabilisation parce qu'un tiers va s'en occuper. C'est juste ça.

M. Larouche: C'est que ce que je...

M. Clair: C'est une question d'équilibre entre les deux.

M. Larouche: Alors, moi, ce que je comprends, pour terminer, c'est que ce n'est pas parce qu'il y aurait un ombudsman que ça va faire une approche client.

M. Clair: Non. M. Larouche: O.K.

M. Dolan: Un point, on croit aussi que vous devrez avoir dans votre niveau de réflexion la possibilité de faire en sorte que les politiques contradictoires que nous recevons quotidiennement dans les centres d'accueil soient de plus en plus diminuées. On vous donnait un exempie des personnes âgées qui demandent des soins corporels, mais la liste pourrait être très longue. Nous n'avons qu'à penser présentement que les coroners tentent de dire, à la suite d'incendies dans les centres d'accueil, qu'il devrait être strictement défendu pour une personne âgée qui est institutionnalisée chez nous de fumer. Alors, plus le droit d'avoir même une allumette pour cette personne. C'est des coroners. On a des rapports ça d'épais qui nous le disent. Vous imaginez bien que la Commission des droits et libertés de la personne va s'opposer strictement à cette approche-là en disant: Ce n'est pas parce qu'une personne a 75 ans que vous allez l'empêcher de fumer. Alors, vous vous imaginez que ce genre de politiques contradictoires, on en a quotidiennement. Alors, on souhaiterait faire en sorte de ne pas mettre un niveau qui va venir encore compliquer la vie de nos établissements.

Le Président (M. Audet): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, M. Clair et toute l'Association des centres d'accueil du Québec. Je voudrais débuter en disant merci. Je pense que vous avez certainement précisé les questions que nous voulons étudier. Et je pense qu'aujourd'hui nous avons reçu une voix assez claire de 380 établissements publics dans notre réseau sur votre philosophie. Je voudrais féliciter l'Association pour la priorité qu'ils ont mise sur le client, sur la résolution des problèmes pratiques, sans créer d'autres niveaux. Vous avez peur de la duplication de réseaux et tout ça. Je pense que c'est un peu dans la même direction que nous avons commencé le projet de loi 120. Peut-être que nous pourrons avoir différentes opinions sur comment faire ça, mais je pense que ce sont exactement les choses que nous voulons faire.

Vous avez utilisé, je pense, à la dernière remarque, le mot "philosophie". Aussi, je voulais faire quelques remarques sur ça, parce que je pense que vous avez privilégié une philosophie de médiation plutôt que de confrontation. Je pense que nous sommes en train de privilégier cette approche, peut-être, dans le monde légal aussi, parce que nous avons trouvé l'approche légale quelquefois, et souvent trop sèche, trop froide, et pas assez proche du peuple. Je pense que nous avons besoin des deux.

J'arrive à ma première question. Je comprends beaucoup vos interventions, mais aussi nous avons entendu de plusieurs groupes que, si la protection est juste à l'établissement, ses droits n'ont pas semblé assez bien protégés. Je

vous le demande, avec l'idée du projet de loi 120 de subventionner les comités d'usagers directement du gouvernement... Nous avons parlé d'entre 5000 $ et 70 000 $. Avec ça, ce n'est pas les sous. Aussi, avec peut-être un sujet un peu "touchy" entre nous, les conseils unifiés des établissements. Est-ce qu'à ce moment-là peut-être nous pourrons trouver un compromis entre votre question de créer un double réseau, une duplication, et tu veux garder dans un niveau les responsabilités au niveau de l'établissement? Mais il y a l'autre côté de la médaille que nous avons entendu, que le peuple veut avoir plus de neutralité. Est-ce que, à ce moment-là, peut-être avec les conseils unifiés, nous pourrons mettre une place là pour bien protéger les citoyens dans les établissements qui sont unifiés?

M. Clair: Écoutez, une chose est certaine, nous n'avons aucune objection à ce que le projet de loi 120, aux articles 28 et suivants, vienne faire obligation aux établissements, par exemple, de se doter d'une mécanique de traitement des plaintes et de venir formaliser ça, de s'assurer que les établissements, au-delà de ce qu'ils font spontanément présentement, en aient une obligation. Nous, on n'a pas de difficulté avec ça. Deuxièmement, en ce qui concerne le comité des usagers, on est la catégorie d'établissements sans doute la plus concernée par ça, et on pense que le développement du comité d'usagers peut, non pas en lui confiant un rôle d'arbitre, parce qu'il deviendrait juge et partie lui aussi, mais que, par son simple développement et son sain fonctionnement, il peut assurer une communication constante avec la direction de l'établissement et être un outil extrêmement important pour éviter la naissance de situations à plaintes, si vous voulez. Dans ce sens-là, sans aucun doute qu'on est favorables, nous, au renforcement. C'est un des points qu'on a mentionnés dans notre mémoire que de favoriser le développement du comité des bénéficiaires, le comité des usagers.

En ce qui concerne les conseils d'administration unifiés, on aurait beaucoup de choses à dire. D'abord, je vous indique que notre association n'a pas une opposition de principe, au contraire. Dans le mémoire qui a été présenté à la commission parlementaire, il y a déjà, quoi, tout près d'un an, sur l'avant-projet de loi, nous nous étions prononcés favorablement à un certain regroupement des conseils d'administration sur un même territoire. Maintenant, cela étant dit, comme position de principe, il est certain que l'unification des conseils d'administration au niveau régional pour certains types de centres, ou au niveau local pour d'autres, ne contribuera pas à rapprocher le citoyen consommateur, pour employer les mots du ministre, du citoyen décideur. Il faut être bien conscients qu'avec les conseils d'administration unifiés il y aura moins de personnes qui vont siéger sur des conseils d'administration. Dans notre réseau, il y a 5000 personnes qui siègent présentement sur les 380 conseils d'administration ou à peu près que nous représentons. Si on passe à environ 150 ou 200, c'est évident que ça fait moins de gens qui sont impliqués, moins de bénévoles, si vous voulez, qui sont impliqués dans la gestiqa. de l'établissement.

C'est sûr aussi qu'en regroupant des établissements qui ont des cultures différentes, deux centres d'accueil d'hébergement, à moins de 25 kilomètres de distance... Ils peuvent avoir une culture et une tradition différentes et, entre guillemets, très bien, tous les deux, offrir une bonne qualité de service, mais fonctionner, pour différentes raisons historiques, différemment. C'est sûr que, par l'inclusion de ceux-ci sous un seul et même conseil d'administration unifié, on ne peut pas prétendre que, pour la proximité entre le membre du conseil d'administration et l'usager, c'est un plus. Maintenant, on ne dit pas qu'il ne faut pas ie faire pour autant, l'unification des conseils. Mais, sur ça, on ne peut pas prétendre que ça va être mieux. C'est...

M. Williams: Merci pour votre réponse franche sur ça. Mais, sur les questions que nous étudions aujourd'hui, est-ce que ça va être peut-être la place de bien protéger, sans dire de commentaires sur le principe de l'unification ou non, mais si nous avons une douzaine d'établissements qui sont moins grands qu'une chose unifiée, est-ce que ça va être la place d'avoir... Ma question est... J'ai peur d'établir un protecteur du citoyen en santé ici, à Québec. C'est trop loin. O.K. Mais aussi, je ne suis pas certain s'il doit y en avoir un dans chaque établissement. Je demande la question simple comme ça: Au niveau d'un conseil unifié, pensez-vous que le principe, sans discuter le principe de l'unification, peut être réglé à ce niveau?

M. Proulx: À partir du moment où, dans le fond, dans les conseils unifiés, ce sont surtout les citoyens et peu de fonctionnaires, je pense qu'effectivement le traitement de la plainte va être beaucoup plus important. Au moins, les gens... Il y a peut-être plus d'impartialité, compte tenu que c'est des citoyens, ce qu'on appelle les "outsiders" du système, qui vont siéger sur ce conseil d'administration là. À partir du moment aussi où ils vont en faire une préoccupation en vertu du projet de loi, parce qu'on doit nécessairement, nous, comme directeur générai, déposer tout genre de plainte au conseil d'administration et, à partir du moment où il y a des citoyens qui ne sont pas membres de réseaux, qui vont recevoir cette information-là, je pense que ces gens-là vont s'assurer que les plaintes soient davantage traitées et non pas, excusez le mot camouflées.

M. Williams: Oui. O.K. Merci.

M. Clair: Si vous permettez, il y a cependant une distinction à faire entre les centres d'hébergement de soins de longue durée, qui ont comme territoire une municipalité régionale de comté, et les centres de réadaptation qui auront une vocation régionale. Je pense - écoutez, c'est une question d'évaluation - que chacune des municipalités régionales de comté, probablement qu'effectivement ce n'est pas un territoire suffisamment grand que, même s'il y a deux ou trois centres d'accueil d'hébergement qui sont regroupés, une seule mécanique, un seul comité du type de celui qu'on propose pourrait être suffisant au niveau local.

Maintenant, au niveau de grandes régions où il y aura la réunion de plusieurs... Prenons la déficience intellectuelle. Théoriquement, le modèle proposé par le ministre pourrait conduire de 67 à 17 centres de réadaptation. Prenez l'île de Montréal où il existe, si ma mémoire est bonne, 16 centres de réadaptation en déficience intellectuelle. Je trouverais que, s'il n'y avait qu'une seule mécanique pour toute l'île de Montréal, ça risquerait d'être pas mal loin. Donc, j'ai tendance à faire une distinction entre ceux qui opèrent au niveau d'un territoire de MRC et ceux qui opèrent au niveau d'un territoire de grande région.

M. Williams: Merci. La dernière question. J'interprète mon rôle comme député un peu comme protecteur du citoyen, et je pense qu'avec ça nous avons déjà commencé avec 125 protecteurs et protectrices des citoyens. Dans votre expérience dans les 380 établissements, quel est le rôle jusqu'à date de la deputation? Est-ce que vous avez... Quels étaient les types d'intervention? Avez-vous une intervention typique d'un député ou... Comment avez-vous établi le rôle dans cette question?

M. Clair: Je laisserai un directeur général répondre à la question. Moi, je peux vous donner mon expérience personnelle...

Une voix: Oui, oui, c'est M. le ministre. (11 h 45)

M. Dolan: Voulez-vous qu'on soit francs ou qu'on soit gentils pour les députés?

Une voix: Francs.

M. Clair: Je vais vous donner mon expérience personnelle. J'ai quand même été...

Le Président (M. Dauphin): Alors, vous pouvez être francs.

M. Williams: Bien. Nous sommes ici pour les réponses.

M. Clair: J'ai été quand même député dans un contexte rural d'une ville de province pendant huit ou neuf ans. Je vais vous dire - et je suis sensible au Protecteur du citoyen quand il souligne ça - que les gens qui venaient me voir pour se plaindre, souvent des personnes âgées, parfois des familles de déficients intellectuels, quand ils venaient se plaindre à l'égard de quelque chose, c'était très souvent la nourriture, mais il faut dire qu'il y a un gros changement dans la philosophie des centres d'accueil d'hébergement au cours des dernières années. Je pense aussi que dans les hôpitaux de longue durée on continue de faire attention à la diététique et d'avoir des repas qui sont équilibrés. Mais mettons qu'on s'est un peu convaincus, avec le temps, qu'avec une moyenne d'âge de 83 ans, parfois 85 ans dans nos établissements, bien, même si les habitudes alimentaires des personnes âgées n'étaient peut-être pas ce qui était de plus pertinent sur le plan de leur qualité de vie, de leur santé théorique, ils avaient des habitudes alimentaires un peu différentes de notre génération et qu'il faudrait peut-être respecter ça un peu plus. Donc, on a essayé de s'ajuster là-dessus. Sans doute qu'il y a moins de plaintes.

J'allais vous dire que beaucoup des plaintes concernaient ça, l'alimentation ou encore les heures de l'alimentation, les heures de souper, les heures de repas, ou encore, du côté de la déficience intellectuelle, le manque de services. C'était souvent ça.

Mais je vais vous dire, savez-vous le souvenir que je garde? C'est qu'à peu près à chaque fois, quand la famille ou la personne âgée venait me voir, elle venait se plaindre et me disait: Parlez-en surtout pas. Pourquoi parlez-en surtout pas? Parce que, vu que je suis hébergée, je suis peut-être une vieille personne, mais je ne suis pas assez vieille ou je suis assez lucide pour savoir que, si je vais me plaindre dans l'établissement, peut-être que je vais avoir des représailles. Et ça, c'est vrai. Le Protecteur du citoyen le soulève, et c'est vrai que c'est présent.

Et nous, on dit: Si on veut se sortir de ça, on pense que la meilleure façon, c'est ce que j'appelais tantôt de rendre naturel, pas compliqué, abordable, fonctionnel, simple, le recours à un comité local. Parce que quand la personne a fait le déplacement pour venir voir son député ou pour aller voir l'ombudsman, en soi, elle a fait une démarche qui lui a demandé beaucoup d'énergie, beaucoup de conviction et, au dernier moment, elle dit: Je vous le dis à vous, mais ne faites surtout rien. Hein? Alors, c'est un peu contradictoire parce qu'elle a peur des représailles. Alors nous, on dit qu'il faut sortir de ça.

M. Williams: Le député et le Protecteur du citoyen, dans ce contexte, c'est le même, c'est en dehors de l'établissement.

Je pense que les deux autres membres veulent faire une réponse à la question aussi. Franche.

M. Clair: Moi, je vous ai donné mon expérience.

M. Williams: Non, non. Merci beaucoup pour ça.

M. Proulx: Non. Effectivement, les interventions qu'on peut avoir, c'est de voir s'il y a de la place, parce qu'on est en liste d'attente. Beaucoup d'interventions sur les listes d'attente. Je regarde la déficience intellectuelle. Au niveau des externes, des fois, ça va jusqu'à trois ans en liste d'attente. Et on peut avoir une intervention, à savoir s'il est loin en liste d'attente, dans les deux ans ou les trois ans ou s'il peut monter. Bon. Ça, on a ce genre d'intervention là ou, carrément, l'intervention dans les processus de désinstitutionnalisation où le père a appelé directement. En tout cas, j'ai le ministre comme député. Le père ou le parent a appelé directement au bureau du ministre, et le bureau du ministre m'a appelé et a dit: C'est vrai que telle personne va être désinstitutionnalisée? Et là, effectivement, on explique le contexte de la désinstitutionnalisation.

M. Clair: Parce qu'il faut bien comprendre, dans ce contexte particulier, que, bien souvent, par méconnaissance du processus d'intégration sociale, les premiers qui s'opposent à la désinstitutionnalisation d'une personne à qui, pourtant, ça profite énormément, bien souvent, c'est la famille.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, même si le temps est presque terminé, deux petites questions. Une de moi-même et une du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Le rôle que vous souhaitez au Protecteur du citoyen s'apparente un peu au rôle de la régie régionale prévue dans le projet de loi 120, aux articles notamment 48 et 265. C'est un rôle de surveillance. Alors, j'aimerais savoir comment vous départagez le rôle des deux.

M. Clair: Je connais bien les articles, mais je ne les ai pas en tête par coeur. Écoutez, la différence qu'on voit, nous, par rapport à la mécanique qui est proposée... les deux théories sont valables. Le ministre, dans son projet de loi 120, dit, dans un premier temps, comme nous, la première responsabilité, ça doit être au niveau local. Et on dit la même chose. Nous, on ajoute au niveau local de dire: Oui, mais, si on veut disposer de la dimension de l'impartialité du recours, on pense qu'il faut que, dès le niveau local, il y ait une mécanique qui permette que le traitement de la plainte garantisse, rencontre des critères d'impartialité, de neutralité, d'efficacité et de simplicité. Donc, ça, c'est une différence. On ajoute.

Au niveau régional, là, il y a une différence majeure. Le ministre propose, suivant la même logique de responsabilisation de la structure décisionnelle, opérationnelle, normale, qu'un cadre supérieur, au niveau régional, soit en autorité pour disposer de la chose. À ça, nous, on dit: Là, il y a un choix à faire. On pense que la mécanique qu'on proposait, à savoir que la personne qui soit là ne soit pas une personne qui puisse agir sur les établissements, pas tellement à partir de son autorité administrative régionale, mais beaucoup plus à partir d'un pouvoir moral, à cause de son caractère d'impartialité, de neutralité et qui est reconnue par le Protecteur du citoyen, qui est accréditée, en quelque sorte, par le Protecteur du citoyen... Alors, là, on change le rôle au niveau régional.

Ça n'ajoute pas tellement. Sur le plan financier, ça ne coûte pas plus cher. C'est juste la façon de désigner les personnes. Est-ce qu'on compte plus sur une autorité hiérarchique administrative de la régie à l'égard de l'établissement, ou si on compte plus sur un pouvoir moral d'une personne au niveau régional, qui est dans un contexte de neutralité et qui peut dire aux établissements: Tu corriges ça, sinon ça va aller dans le public et sinon, bon, les mesures que le Protecteur du citoyen... s'assimilent à celles que le Protecteur du citoyen peut prendre? Et le seul pouvoir qu'on réserve au niveau du Protecteur du citoyen, au niveau national, c'est quand visiblement il n'y a pas de mécanique de traitement des plaintes digne de ce nom qui est établi dans un établissement et qu'un bénéficiaire, qu'un usager s'adresse directement, à ce moment-là, au Protecteur du citoyen... ou s'il prétend que les règles de justice, ou les règles établies en vertu des protocoles types et l'esprit de la loi générale, si on veut, ça n'a pas été respecté, ni au niveau local, ni au niveau régional, et qu'il puisse, à ce moment-là, en appeler.

Est-ce que ça s'apparente aux pouvoirs prévus à l'article 48? Sans aucun doute, en ce qui concerne certains d'entre eux. Mais on pense, nous, qu'il y a une distinction à faire entre, je dirais, le traitement administratif, sous l'autorité hiérarchique, normale d'un établissement, et un tiers indépendant, impartial qui vient porter un jugement quand la plainte ne se résout pas à la satisfaction de l'usager.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup. Alors, une dernière question pour M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: C'est justement, M. le Président, complémentaire à ce que vous venez de demander, parce qu'il faut essayer d'établir la position clairement. On comprend la mécanique que vous nous proposez, mais me plaçant dans ce qui nous est présenté comme mécanique dans le projet de loi 120, est-ce que vous nous dites qu'avec des ajustements il y a là une progression, il y a là une mécanique qui est acceptable - les ajuste-

merits, vous nous les donnez au niveau local et régional; c'est plus que des ajustements, là - sauf que ce n'est pas suffisant? Il faut y ajouter le recours externe dans les conditions que vous venez de décrire. C'est important.

C'est que les deux premières étapes, les deux premiers niveaux, c'est correct, on adhère à ça, mais à la condition qu'il y ait un troisième parce que c'est tout à fait différent si ça impute le raisonnement sur les deux premiers niveaux, si le troisième n'est pas là. Est-ce que c'est juste, ce que je dis là, quant à votre position?

M. Clair: À la condition que c'est ces mots-là avec lesquels j'ai peut-être de la difficulté. Je vous dis: Oui, nous sommes favorables à ce qu'il y a de proposé au niveau local par le projet de loi 120. On pense qu'on peut l'enrichir. Au niveau régional, nous sommes d'avis qu'il y a lieu de modifier le rôle de la personne. Et, au niveau du Protecteur du citoyen, on n'a pas de bons arguments, si vous voulez, pour dire qu'on s'opposerait à ce que le Protecteur du citoyen puisse avoir, comme le soulignait Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve tantôt, des responsabilités que je ne connais pas très bien au niveau des prisonniers, et qu'il ne puisse pas y en avoir au niveau de nos bénéficiaires.

Alors, prenez le pas... Ce n'est pas tant à la condition... Ce n'est pas tant qu'on pose une condition parce qu'on pourrait se contenter des deux premiers niveaux, mais nous, on dit: Si on veut faire un travail complet de revoir la mécanique de traitement des plaintes, il faut qu'on traite ça à trois niveaux: au niveau local, au niveau régional et qu'il y ait un rôle précis, déterminé pour le Protecteur du citoyen, qu'on accepte volontiers.

M. Trudel: Très bien, merci.

Le Président (M. Dauphin): Dans des cas bien spécifiques, comme vous le mentionnez dans votre mémoire.

Alors, au nom de tous les membres de la commission des institutions, Me Dolan, M. Clair et M. Proulx, nous tenons à vous remercier sincèrement de votre participation à nos travaux et vous souhaiter un bon retour.

M. Clair: C'est nous qui vous remercions.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais à l'Office des personnes handicapées du Québec de s'avancer à l'avant. Nous débuterons dans deux minutes. Je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 12 h 6)

Le Président (M. Dauphin): Nous reprenons nos travaux et nous souhaitons la bienvenue à l'Office des personnes handicapées du Québec, qui est représenté par son président, M. Gaston J. Perreault. Je vous demanderais de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez environ 15 minutes pour nous présenter votre exposé.

Office des personnes handicapées du Québec

M. Perreault (Gaston J.): D'accord. Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais présenter Mme Lise Constantin, qui est avec moi, qui m'accompagne et qui est chef du Service des analyses aussi à l'Office des personnes handicapées.

Tout en commençant, j'aimerais que vous me pardonniez si je ne prends pas les 15 minutes que vous m'allouez. J'aimerais mieux échanger avec les membres de la commission sur plusieurs sujets en ce qui regarde le mémoire que nous avons présenté. Mais j'aimerais quand même, au tout début, rappeler aux membres de cette commission que c'est à la fin des années soixante-dix que le législateur a cru utile et nécessaire de créer l'Office des personnes handicapées du Québec, auquel il donna comme mission de promouvoir les droits et les intérêts des personnes handicapées, de veiller à la coordination des services et de favoriser leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. À ce moment, il ne lui sembla pas opportun de doter ce nouvel organisme de pouvoirs d'enquête ou de recommandation. C'est à ce titre que l'Office s'associe à des partenaires sociaux et autres pour réaliser dans le temps cette intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées.

Le Protecteur du citoyen est, pour l'Office, un de ces partenaires importants avec qui nous travaillons, et c'est pourquoi nous sommes heureux de faire connaître notre point de vue aux membres de cette commission en ce qui concerne l'indépendance de son action, l'accessibilité à ses services et l'efficacité du recours qu'il peut avoir, à un moment surtout où l'Office des personnes handicapées s'apprête à transférer bon nombre de ses programmes vis-à-vis des ministères ou dans le réseau même de ces mêmes ministères.

Le mémoire de l'Office est succinct en ce sens qu'il recommande que les pouvoirs du Protecteur du citoyen soient étendus au réseau du ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi qu'au réseau du ministère de l'Éducation. L'Office ne s'est pas attardé aux moyens et à la façon de faire, mais je serais très heureux d'en discuter avec les membres de cette commission ou, si vous me permettez un plagiat, si vous voulez, en terminant, en me référant au ministre responsable de J'Office, on s'est attardés sur le

quoi, mais on n'a pas perdu trop de temps sur le comment.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le président. Est-ce qu'il y a un membre de la commission qui désire débuter la période d'échange? M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Assez simplement, vous êtes d'accord avec ce qu'on appelle généralement un recours externe.

M. PerreauK: Oui.

M. Trudel: ...au Protecteur du citoyen. Est-ce que vous souhaitez qu'il soit balisé, ce recours externe, en quelque sorte, je dirais à la manière suggérée par l'Association des hôpitaux du Québec et, jusqu'à une certaine limite, l'Association des centres d'accueil, en disant: C'est de troisième niveau, il faudra d'abord que ça s'exerce au niveau des établissements, ajusté au niveau régional, et ce ne serait qu'au troisième étage ou en dernier recours que nous devrions aller au Protecteur du citoyen, ou si vous dites: Laissons ça complètement ouvert?

M. Perreault: II m'apparaît important qu'on puisse avoir un système ou des moyens qui favorisent les échanges et les communications entre le client et le fournisseur de services. En d'autres mots, on pense que ce qu'on souhaite à l'Office, c'est que ce soit réglé au plus bas niveau possible. En cas d'insatisfaction, la cascade qui serait établie, nous aimerions justement que le Protecteur du citoyen soit la dernière instance. Même si, par hasard, la personne handicapée se rendait au Protecteur du citoyen en première instance, le Protecteur du citoyen aurait la responsabilité, à ce moment-là, de la conseiller, de l'amener à retourner à la première instance. Il ne s'agit pas de créer de l'ingérence additionnelle dans les établissements ou dans les réseaux, mais de s'assurer que ces réseaux qui sont mis en place pour donner des services à des clients québécois ne mélangent pas leurs responsabilités administratives et leur raison d'être, et qu'à la fin on puisse trouver quelqu'un qui est neutre pour être capable d'apporter un peu de lumière la où il y a du conflit.

M. Trudel: Votre réponse, ce que vous venez de nous dire, je veux le répéter, est importante parce que vous êtes, à la base, un organisme de défense et de promotion des droits. On reviendra tantôt probablement sur tous les transferts, mais il faut toujours accoler à la réponse que vous venez de nous donner votre définition, ce que vous êtes dans le système. Pour cette commission et aussi pour d'autres commissions qui auraient à examiner, par exemple, le projet de loi 120 sur l'organisation des services de santé et des services sociaux, votre jugement prend une particulière importance. Dans ce contexte aussi, votre rôle de défense et de promotion des droits, des intérêts des personnes handicapées, vous l'avez mentionné très brièvement dans votre présentation, touche également le monde scolaire.

M. Perreault: Absolument.

M. Trudel: C'est le premier organisme avec lequel nous pouvons ici discuter de l'extension du mandat du Protecteur du citoyen dans un autre secteur que celui de la santé et des services sociaux. Évidemment, on questionne plus là-dessus aujourd'hui, parce qu'il y a une mécanique qui est en marche au niveau de la réorganisation. Sauf erreur, M. le Président, on n'a eu d'opinion encore, ici, d'aucun organisme sur l'extension du mandat du Protecteur du citoyen au monde scolaire. Dans toute la politique d'intégration des personnes handicapées au milieu naturel, je pense qu'il est juste d'affirmer que l'endroit où il semble y avoir le plus de difficultés, hormis l'aide matérielle qui, là, est une question de subventions, de disponibilité de fric, c'est le monde scolaire. Probablement que les autres députés, ici, vont être d'accord pour dire qu'ils reçoivent un bon nombre de plaintes de parents, de familles, d'amis quant à l'intégration scolaire des personnes handicapées. La question est simple, à partir de là, et je vous demanderais d'être très clair là-dessus, s'il vous plaît, est-ce qu'il faut aussi étendre la responsabilité du Protecteur du citoyen, dans la même philosophie que vous venez de nous énoncer, au monde scolaire?

M. Perreault: Oui. Ma réponse à ça est courte et précise. Oui, nous le croyons. Il existe aussi, avec la loi 107 qui a été mise en place, un modèle qui est celui que le monde scolaire s'est donné. Là-dessus, l'Office, dans le temps, lorsque cette loi a été présentée à la commission parlementaire, a présenté un certain nombre de représentations. La loi 107 donne un recours, donne le système de plaintes qui, à la fin, peut même aller au niveau des commissaires qui doivent trancher le jour où ça leur arrive, mais ça arrête là. C'est là, à mon avis, que le bât blesse dans un certain sens, dans cette façon de faire, un peu comme on pourrait retrouver dans le système de la santé et des services sociaux. Ça arrête à la régie régionale. Il m'apparaît important qu'il y ait une instance additionnelle qui soit dégagée, qui ait une responsabilité.

Je me permets de le mentionner, le Protecteur du citoyen ne relève pas d'un ministre, ne relève pas d'un ministère, il relève de l'Assemblée nationale, des élus, des élus qui ont voulu se donner, à l'étendue du Québec, quelqu'un qui, avec un oeil de l'Assemblée nationale, regarde la façon dont les citoyens sont traités la façon dont ils sont reçus, parce qu'à ce moment-

là ils sont seuls. C'est à ce titre-là, je crois, que l'ombudsman, le Protecteur du citoyen devrait être aussi présent dans d'autres réseaux qui, eux aussi, vivent des deniers publics et pour lesquels il y a des citoyens. Il me semble qu'il faut qu'il aille dans ces endroits-là. À titre de président de l'Office, je trouve parfaitement incorrect que des citoyens soient laissés à eux-mêmes et qu'ils n'aient que des cours de justice, avec tout ce que ça peut comporter, et qu'ils doivent fouiller dans leur propre portefeuille pour donner des honoraires à des avocats, payer des frais et aller se défendre, si vous voulez, présenter leur point de vue de façon légale à des juristes, à des juges qui doivent trancher quand la partie, appelons-la adverse - quand on est rendu à ce niveau-là, ça devient une partie adverse - elle, puise dans les fonds publics pour présenter sa position.

Je pense que le Protecteur du citoyen, s'il avait été présent dans ces milieux-là, on n'aurait pas retrouvé au cours des dernières années, je crois, dans les journaux, autant de causes sur lesquelles les parents se doivent de prendre eux-mêmes leur affaire en main et aller devant les cours de justice. Il y a des cas que vous connaissez et qui durent depuis des années, qui ne sont pas encore réglés et même, à ce moment-là, quand les représentants publics perdent devant des juges, on va en appel.

M. Trudel: Réponse extrêmement claire. Merci là-dessus. Il y avait Mme Constantin, qui opinait du bonnet...

Mme Constantin (Lise): Ah bon!

M. Trudel: En parlant, en particulier, je posais ma question sur le nombre de plaintes, entre guillemets, adressées au monde scolaire. D'abord, je veux faire confirmer ça pour les membres de la commission, si l'appréciation que je donnais dans mon préambule est exacte.

Mme Constantin: Tout à fait exacte, M. le député. Ce qui nous apparaît évident, c'est que le monde scolaire est organisé pour administrer des choses selon une formule collective. On établit des groupes-classes composés d'enfants qu'on réduit assez à l'homogénéité et auxquels on applique des formules horaires, des formules pédagogiques qui sont très bonnes dans la plupart des cas, parce que les enfants s'adaptent, mais nous avons affaire à des personnes qui sont différentes, et une personne handicapée, une personne qui a une déficience est très différente d'une autre personne qui pourrait avoir des déficiences comparables, mais ces déficiences se traduisent par des incapacités, des façons de faire qui sont très variables d'une personne à une autre. Je dis que c'est dans l'appréciation de cette différence et des moyens de pallier aux conséquences de cette différence que nous éprouvons des problèmes. Il m'apparait que l'intervention éducative que peut avoir le Protecteur du citoyen ne peut être que bénéfice au niveau des commissaires d'écoles qui, malheureusement, n'ont pas tout le temps à consacrer à des recherches, pour apprécier la différence dans chacun des cas qui leur sont présentés.

M. Perreault: Les gens qui nous ont précédés ici, les gens de l'ACAQ avec lesquels nous sommes en accord avec cette attitude client qui doit exister, qui doit persister, qui doit être présente à tous les niveaux, je crois que le Protecteur du citoyen, comme Mme Constantin l'a mentionné, ne serait pas seulement quelqu'un à qui on pourrait nécessairement référer des plaintes, il pourrait être ce trait d'union qui aide aussi à amener la compréhension et la formation, justement pour éviter des plaintes. Et ce serait une façon extraordinaire de mesurer comme indicateur de succès un ombudsman non occupé qui ne reçoit pas de plainte du réseau. On pourrait, à ce moment-là, concevoir que les plaintes se règlent au plus bas niveau possible.

Lorsqu'on parle de désinstitutionnalisation, lorsqu'on parle d'intégration dans le milieu et lorsqu'on parle d'intégration, on parle des personnes, des adultes. Dans le milieu scolaire, lorsqu'on parle d'écoles spéciales et même de classes spéciales, comment est-ce possible d'amener des personnes qui vont aller à l'école pendant 15 ans, 14 ans, 16 ans, de les garder ségréguées pour que, lorsqu'elles vont arriver à l'âge de 21 ans, leur dire: c'est l'âge où tu t'intègres, quand toute sa vie, l'apprentissage qu'on lui a fait, c'est d'être à part, et tout à coup il a l'âge adulte d'être avec les autres?

À l'école, dans la classe, on apprend aussi, pas seulement des personnes handicapées, les élèves non handicapés aussi apprennent que dans le milieu, dans la société, ce n'est pas tout le monde qui est fait de la même façon. Il y a des gens qui ont des différences, et c'est ce qui fait une société de gens avec des capacités, des potentiels différents, mais qui vivent ensemble, pas à part les uns des autres. Ce qui crée une société difficile, qui ne se comprend pas et où il existe beaucoup de désordre, ce sont les groupuscules qui développent leur propres intérêts. L'apprentissage à l'école, c'est aussi l'apprentissage social et, à ce titre-là, je pense que les personnes handicapées ont le droit d'être présentes dans leur milieu.

M. Trudel: Merci beaucoup, c'est... Je vous demanderais...

M. Perreault: J'ajouterais, par contre, si vous me permettez, que la présence du Protecteur du citoyen et le travail de l'Office... Lorsqu'on parle d'intégration, le dernier moyen que l'Office favorise, c'est l'obligation, c'est la menace, c'est la loi... De l'intégration, il s'agit

de faire de l'intégration par la base, il faut les mentalités et les attitudes. Il est faux de croire qu'on peut faire de l'intégration parce qu'on le décide. De l'intégration, ça se fait par la société et par le milieu, et ça fait partie du travail de l'Office, justement, d'amener la compréhension et cette communication de réflexion, pourquoi on refuse l'autre.

M. Trudel: Je vous demandais une réponse franche et claire. Je dois vous dire que je l'ai obtenue, et c'est très clair. La même chose, je n'ai pas besoin de faire un grand préambule, je vais enchaîner sur ce que vous nous répondez... et après 21 ans, pour faire une situation... Le monde municipal, parce qu'on se pose la question aussi, ici, par rapport aux groupes de personnes pour lesquelles vous existez, en termes de défense et de promotion des droits... Est-ce qu'on doit aussi, tout en vous disant que l'extension couvrirait éventuellement d'autres secteurs d'activité que, évidemment, les droits des personnes handicapées... Est-ce qu'on doit aussi, toujours dans le même esprit - on ne touche pas à la fine mécanique - ouvrir le champ, le mandat d'exercice du Protecteur du citoyen au réseau des affaires municipales ou au réseau des municipalités, toujours dans l'optique de vos personnes pour lesquelles vous travaillez?

M. PerreauH: Je vous avoue qu'au niveau du principe peut-être qu'on pourrait, à un certain moment, dire oui. On pourrait le favoriser parce que voilà aussi des instances publiques qui fournissent des services à des personnes, qui ont des responsabilités, et il pourrait aussi y avoir des citoyens qui, à un certain moment, sont non satisfaits, puis ils n'ont pas de recours ou ils n'ont pas de dernier recours. Mais je vous avoue que l'expérience de l'Office, au cours des 10 dernières années, avec le monde municipal, a été qu'il y a une volonté, du côté des élus municipaux, d'avancer et de faire de la place aux personnes handicapées. J'oserai même dire que, à certains moments, on a des représentations où ils vont trop loin pour les aider. Lorsqu'on dit, par exemple, qu'une résidence pour personnes handicapées - ils peuvent en avoir cinq ou six - puis, au nom de leur protection, on pourrait exiger qu'ils aient toutes sortes d'appareils pour s'assurer de leur sécurité, au nom du feu, au nom de toutes sortes de choses, pour les protéger... L'intention est bonne, mais, en voulant créer peut-être une plus petite institution, les personnes handicapées, finalement, ne trouvent plus de locateurs, parce que ça coûte trop cher, maintenant, tout équiper une maison où on reçoit des personnes handicapées. Donc, le principe qu'on a au niveau des personnes handicapées, c'est l'égalité des opportunités, l'égalité des chances et, à partir de la, chacun vit dans sa société avec ses capacités, ses limitations, ses moyens et tout ça. Donc, pour vous dire qu'au monde municipal il n'y a pas de réflexion profonde à l'Office d'étendre, en ce qui regarde le Protecteur du citoyen, parce qu'il n'y a pas eu de causes ou de raisons à ce stade-ci qui nous a amenés à nous pencher beaucoup là-dessus.

M. Trudel: Très bien. Si M. le président me permet...

Le Président (M. Dauphin): Oui, une autre question.

M. Trudel: Sur un autre sujet, bon. L'Office, donc, dans la volonté du gouvernement actuel - et je note au passage que l'Opposition est absolument d'accord avec cette philosophie - c'est de retourner, j'allais employer l'expression, comme rôle à l'office promotion et défense des droits. Et les programmes d'aide seront dans les secteurs, les ministères concernés. Est-ce que vous avez réfléchi sur comment vous allez exercer ce mandat qui sera dorénavant redevenu le vôtre, de promotion et de défense?

Dans ce sens-là, à la limite, je dirais, pour faire une image, il pourrait y avoir techniquement confusion ou duplication avec le Protecteur du citoyen. Est-ce que vous avez réfléchi beaucoup à cette nouvelle mission à laquelle vous allez être retournés, de promotion et de défense des droits, eu égard toujours au Protecteur du citoyen, puisque c'est la question ici et, bien sûr, par rapport aux personnes que vous représentez et que vous êtes chargés de défendre institutionnellemenr?

M. Perreault: L'Office est justement à réfléchir sur ce que certains appelaient, à un moment donné, les rôles futurs de l'Office, et que nous avons tenté de faire évoluer en parlant plutôt d'actualisation des rôles de l'Office. On est rendus en 1990, au début des années quatre-vingt, avec l'aide matérielle, le pouvoir qui a été donné à l'Office. On se devait d'innover un peu en tant qu'un laboratoire, essayer de trouver des nouveaux moyens. Avec son aide matérielle, l'Office a fait ce laboratoire-là, un peu comme je le dis à certains moments, comme un laboratoire qui recherche quelque chose pour une maladie nouvelle, que les gens ne connaissent pas. On découvre des choses. Il y a des groupes contrôles, il y a des choses. On a développé des services que, maintenant, les autres ministères s'apprêtent à prendre parce qu'ils ont réellement les responsabilités sectorielles. Dans l'actualisation des rôles demeure toujours la mission de l'Office qui est de faire la promotion, la coordination et de veiller à l'intégration. Ça doit se faire dans le partenariat, avec les responsables sectoriels autant qu'avec le milieu. L'Office, c'est un organisme de changement. Donc, il doit se promener et faire comprendre qu'il y a des changements d'attitudes; souvent, les gens ne réalisent même pas qu'ils ont cette attitude

jusqu'au moment où ils sont confrontés à une situation. Et l'Office a ce mandat de le faire. Je pense que ça va devenir le plus grand mandat qu'on va avoir à travers les années.

Dans l'actualisation des rôles, nous recherchons l'une des choses à laquelle nous réfléchissons actuellement, c'est l'obligation pour l'Office, qui n'existe pas actuellement, de conseiller le gouvernement dans toutes sortes de dossiers qui pourraient impliquer les personnes handicapées. Ça pourrait demander, à un moment donné, un changement à notre loi à cet effet-là, mais c'est une réflexion qu'on tente de faire dans ce sens-là.

M. Trudel: Très bien. Je reviendrai tantôt sur d'autres sujets...

Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. Trudel: ...si j'ai le temps.M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui, M. le Président. Comme l'Association des hôpitaux et l'Association des centres d'accueil ce matin, votre Office préconise l'extension de ta juridiction du mandat du Protecteur du citoyen. Mais les autres, ce matin, l'Association des hôpitaux a dit: Ce sera à trois niveaux... l'établissement d'un réseau régional et, finalement, le Protecteur du citoyen. Actuellement, le système que vous avez pour le traitement des plaintes, l'Office des personnes handicapées actuellement, est-ce que ça fonctionne? Est-ce que les plaintes sont dirigées à votre Office immédiatement ou si elles sont dirigées vers l'établissement pour commencer?

Une voix: Est-ce que vous pourriez répondre?

Mme Constantin: L'Office n'a pas de service de plaintes. L'Office n'a pas de pouvoir d'enquête et de recommandation en vertu de sa loi. L'Office doit favoriser la coordination, mais ce qui lui permet d'avoir une fonction diagnostique, c'est l'article de sa loi qui prévoit que toute personne handicapée au Québec a droit à un plan de services et qu'elle peut s'adresser à l'Office pour en avoir un et que l'Office peut intervenir, au moyen d'une aide matérielle, pour combler les lacunes des ressources, quand il s'agit de construire le plan de services dont la première fonction est de planifier avec la personne quels sont ses choix en fonction de ses capacités, en vue d'une intégration, de faire une analyse des ressources disponibles dans le milieu, de mettre ensemble les fournisseurs de ressources, et nous avons été amenés à combler les carences de ressources qui existaient.

Nous n'avons pas examiné tellement sur le fond ce qu'on pourrait qualifier de plaintes ou les revendications que les gens avaient et la nature des faits qui ont amené cette absence de ressources dans le cas d'une personne à la fois. Nous avons été amenés à développer des interventions et des programmes, mais non pas à chercher à corriger des situations cas par cas, quoique, en faisant cet effort de planification, les distributeurs de ressources aient été amenés à justifier les choix qu'ils avaient faits et, souvent, à rectifier, à améliorer le type de décisions qu'ils avaient prises.

M. Kehoe: Et, comme tel, il n'y a pas de plaintes dirigées vers l'Office actuellement. Il y a des revendications, mais il n'y a pas de...

Mme Constantin: Dans le cadre du plan de services, oui, ça peut être une plainte si hier je n'ai pas reçu les services auxquels j'avais droit. (12 h 30)

M. Perreault: L'Office a une responsabilité dans sa loi qui est une responsabilité d'accompagnement. À ce titre-là, il a donné la main très souvent à des personnes handicapées et il cherchait, de l'autre main, la personne contre laquelle on se plaignait ou l'organisme contre lequel on se plaignait. Mais c'était strictement une responsabilité d'accompagnement. On l'a fait dans tous les milieux, que ce soit le réseau de la santé, le milieu scolaire, le milieu travail. C'est une chose qui a été faite de ce côté-là.

En ce qui regarde l'ombudsman, si vous me permettez, j'aimerais peut-être ajouter un peu à la simple réceptivité d'une plainte, à une enquête possible et à un rapport possible. Il me semble que lorsqu'on est responsable d'un milieu donné comme tel, et le Protecteur du citoyen le sait... il devrait aussi se questionner s'il ne reçoit pas assez de plaintes. Il devrait tenter de voir si c'est parce que le système qui est instauré, de première instance et de deuxième instance, va très bien et qu'on atteint les objectifs qu'on recherche. Au nom de l'indépendance et au nom de son efficacité, je le comparerais, si vous le voulez, au Vérificateur général que le Québec s'est donné. Le Vérificateur général peut se donner un plan d'action à un moment donné, puis aller vérifier dans certains ministères, dans certains organismes publics, à certains moments, si les fonds sont bien administrés. Il n'y a pas de plaintes nécessairement, il n'y a aucun doute, mais il va voir, il s'enquiert à savoir: Est-ce que ce que je ne sais pas est la vérité?

Et dans un certain sens, lorsque vous parlez de personnes vulnérables qui vivent dans une institution, qui dépendent d'une institution ou d'un travailleur ou tout ça, mais qui n'osent pas, à un moment donné, à cause de leur grande dépendance, faire connaître ce qu'ils vivent, le Protecteur du citoyen, sans s'annoncer, à certains moments, pourrait jeter un regard et tirer ses conclusions. Ça m'apparaît que ça ferait la

boucle. Il me semble que notre gouvernement devrait se donner, vis-à-vis des personnes, au moins les mêmes moyens qu'il se donne vis-à-vis des équipements, des biens, ce qu'on fait pour l'argent.

Ça m'amène peut-être aussi à faire le pas sur l'indépendance, qui n'est pas couverte dans le mémoire. Il serait peut-être plus selon la volonté de l'Office des personnes handicapées si le Protecteur du citoyen, son budget venait de l'Assemblée nationale et non directement du Conseil du trésor qui, dans un certain sens, est une forme de contrôle. Le Vérificateur général, à ce que je sache, son budget est voté par l'Assemblée nationale. Au nom de l'indépendance, il me semble que ce serait un pas dans la bonne direction.

M. Kehoe: Si on prend pour acquis que la juridiction du Protecteur du citoyen sera exten-sionnée dans le réseau des services sociaux, comment cela va-t-il spécifiquement affecter l'Office chez vous? Actuellement, vous dites comme tel que vous n'avez pas de plaintes, certaines revendications. Il ne semble pas y avoir de problème en ce qui concerne l'Office. Actuellement, ça semble bien fonctionner. Quand vous dites que vous préconisez que ça devrait être extensionné au réseau des services de santé, en général, ce n'est pas spécifiquement pour vous autres. Ça devrait être extensionné pour vous autres aussi. Mais l'Office, actuellement, est-ce qu'ils ont des problèmes majeurs en ce qui concerne le traitement des plaintes ou des revendications par des usagers?

Mme Constantin: Je pense qu'il ne faudrait pas prendre par les réponses qu'on a pu vous donner qu'il n'y a pas de problèmes. L'Office, actuellement, ne peut rien faire avec une plainte. Nous n'avons pas dans notre loi, si quelqu'un vient se plaindre chez nous, le pouvoir de faire une enquête et de tirer une conclusion. Notre seul pouvoir est qu'une personne qui se plaint de son intégration scolaire ou du service qu'elle n'obtient pas, c'est de dire à cette personne-là: On va y aller avec toi, on va t'accompagner. Mais c'est un pouvoir d'accompagnement. Et je peux vous dire qu'à plusieurs endroits où nous allons actuellement les gens, très souvent, ne veulent même pas nous recevoir.

Ils ne veulent pas nous recevoir parce qu'ils disent: De quel droit êtes-vous ici avec la personne? Et on refuse notre entrée. On tente de discuter et, très souvent, on réussit à se trouver une chaise et être capable de discuter. Mais on n'a pas le pouvoir comme tel. On ne le recherche pas comme tel non plus. On pense que, dans un organisme de promotion, un organisme de partenariat, un organisme qui veut amener les individus à comprendre qu'ils ont une responsabilité, un administrateur d'un centre hospitalier, un directeur général d'une commission scolaire, tout comme, je dirais, un gérant général chez Steinberg, a une responsabilité déléguée.

Il se doit d'administrer le département, rétablissement, les différents établissements selon la volonté qui lui est donnée d'en haut, pas selon sa perception à lui. Et c'est à ce titre-là que l'Office des personnes handicapées veut amener les gens à comprendre que oui il y a des limitations, oui il y a un manque de ressources, oui il y a des instruments qui sont déjà en place et qu'il faudrait... Mais il s'agit d'utiliser tout ce bagage-là et de comprendre qu'il y a des personnes handicapées à qui on veut donner des services et quels sont les plans pour le faire dans le temps. C'est d'organiser le dialogue et la démarche vers le futur.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci. Je veux resoulever cette question, votre manque d'intérêt d'avoir le pouvoir du Protecteur du citoyen. Je voudrais peut-être plus de clarifications parce qu'il me semble que vous êtes bien placés pour avoir ce type de pouvoir, de suivre les plaintes si nous donnons ça légalement. Si ce n'est pas bon pour vous, si vous voulez avoir tout ça encadré au niveau du Protecteur du citoyen, est-ce que vous pensez qu'il serait mieux de lâcher les autres commissions, comme la Commission de protection des droits de la jeunesse ou le Curateur public, et donner tout ça au Protecteur du citoyen?

M. Perreauit: Non, non, je ne crois pas. M. Williams: Moi non plus.

M. Perreauit: La volonté de l'Office des personnes handicapées, je pense qu'elle est très bien exprimée dans le transfert des programmes qu'elle veut faire actuellement. Lorsque l'Office a été créé, au début des années quatre-vingt, une des choses qui avaient été mentionnées par tous les organismes de promotion et les personnes handicapées elles-mêmes, à ce moment-ià, à la commission parlementaire - à laquelle j'assistais aussi à titre de présentateur pour des organismes de promotion - c'est que les personnes handicapées ne voulaient pas d'un organisme ou d'un ministère qui deviendrait celui des personnes handicapées. Elles voulaient un organisme qui serait palliatif pour un temps donné et qui amènerait ce virage et ce changement-là dans lequel on se trouve actuellement.

L'Office ne veut pas accaparer des pouvoirs; il ne veut pas aller chercher d'autre chose qui, normalement, dans une intégration, est fait par d'autres. Si, habituellement, un citoyen du Québec, pour faire valoir ses droits, va à la Commission des droits de la personne, bien, une personne handicapée, qui est un citoyen, devrait aller là. Si, dans un temps donné, un citoyen du

Québec va au Protecteur du citoyen pour faire valoir certains besoins par rapport à un traitement qu'il a eu, la personne handicapée devrait aller là. Elle ne devrait pas dire: Moi, je suis handicapée, donc moi, c'est à l'Office. On ne peut pas continuer à marginaliser en voulant intégrer. La volonté, c'est d'envoyer dans les milieux où normalement les choses sont réalisées. Ce n'est pas un manque d'intérêt de l'Office; c'est une volonté d'intégration, je dirais.

M. Williams: Oui. Avec ça, peut-être, vous pouvez privilégier...

M. Perreault: Le partenariat, le travail de concert puis...

M. Williams: Mais si je prends la même philosophie, peut-être que nous n'avons besoin des autres commissions et de créations de l'État qui protègent les personnes. Avez-vous des commentaires sur ça?

M. Perreault: Non. Il faudrait demander à Mme Lachapelle ou à M. Dowie.

M. Williams: Ou les autres. Nous avons entendu la curatrice publique, hier...

M. Perreault: Mme Fontaine.

M. Williams: Oui. J'essaie de comprendre la différence. Je pense que vous avez dit qu'il serait bon d'avoir ce type de protection ciblée pour les personnes comme ça, mais ce n'est pas bon pour vos clientèles.

M. Perreault: Le problème que vous avez, par exemple, avec le Curateur public ou la situation, c'est que le Curateur public est le mandaté pour des personnes jugées inaptes ou qui sont sous curatelle. Il a le mandat complet. Le seul mandat que l'Office a, ce n'est pas un mandat de défense des droits des personnes handicapées.

M. Williams: Pas maintenant.

M. Perreault: Pas maintenant. La défense des droits des personnes, c'est la Commission des droits de la personne. Le mandat du Protecteur du citoyen, ce n'est pas un mandat que la Commission des droits de la personne a aussi, ce sont des mandats très différents. Le mandat de l'Office, c'est de faire la promotion des intérêts des personnes handicapées et de s'assurer que, dans les différents milieux où il existe des citoyens, des personnes handicapées ne sont pas laissées en arrière. Donc, nous, c'est d'aller leur tendre la main, de les amener en avant avec les autres et dire... L'une des réponses que je pourrais vous mentionner, pour servir d'exemple, c'est qu'on mentionne que, dans la loi sur la réforme de la santé et des services sociaux, les CLSC seront ouverts, pour certains, 24 heures par jour; ça va être le premier endroit, par téléphone et tout !e reste. L'une des responsabilités de l'Office qu'on fait valoir à ce niveau-là, il faut que tous les citoyens y aient l'accessibilité. Donc, il faut que tous ces CLSC soient équipés avec des équipements pour recevoir les malentendants. Il y en a qui communiquent oralement; il y en a qui communiquent par écrit. L'accessibilité... Donc, c'est l'une des fonctions de l'Office de surveiller les développements, les créations et de s'assurer qu'on fait toujours de la place pour les personnes qui sont différentes.

M. Williams: Merci beaucoup. Il n'arrive pas souvent que nous trouvons des offices qui sont satisfaits des mandats que nous leur avons donnés. Je voudrais juste dire que, dans mon expérience personnelle comme député de mon comté, votre Office a joué un rôle très efficace et je voudrais vous féliciter.

M. Perreault: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Peut-être juste une petite question, parce que vous y avez pas mal répondu tantôt, M. le président, quand vous avez parlé de la Commission des droits de la personne. Quel est son rôle dans l'éventualité d'un élargissement de la juridiction du Protecteur du citoyen, les cas où la Commission des droits de la personne a également juridiction en matière d'exploitation ou de discrimination face aux personnes handicapées? Comment voyez-vous le rôle des deux à ce moment-là? Est-ce que le Protecteur a plus de pouvoirs que la Commission? Est-ce que les deux ont juridiction? Est-ce que les deux peuvent travailler de pair? Je ne sais pas si vous avez réfléchi à cet aspect-là.

M. Perreault: Allez-y donc, Mme Constantin.

Mme Constantin: Nous n'y avons pas tellement réfléchi, mais je pense que ce qui apparaît, c'est que les instances peuvent être distinguées selon les motifs de la plainte. Il y a beaucoup de plaintes sur lesquelles on ne peut pas vraiment utiliser la Charte des droits. À ce moment-là, le Protecteur du citoyen a un rôle important.

Le Président (M. Dauphin): Quelle a été votre expérience à date avec la Commission des droits de la personne?

M. Perreault: L'expérience a été excellente. Je dois quand même vous faire savoir que, qu'on parle de la Direction de la protection de la jeunesse, du Curateur, de la Commission des droits ou du Protecteur du citoyen, ces quatre organismes-là et l'Office des personnes handi-

capées, nous nous rencontrons sur une base régulière, quelques fois par année, justement pour échanger et sur nos mandats et sur nos clientèles, de façon à faire connaître ensemble au citoyen que tous les organismes qui sont là pour l'aider, le supporter ou le défendre travaillent réellement ensemble et ne sont pas intéressés à prendre des responsabilités que l'autre a, mais qu'on est complémentaires. À ce titre-là, le citoyen ne se sent pas seul.

Le Président (M. Dauphin): J'aimerais, si vous me permettez, revenir sur les recours préalables. Vous avez entendu les organismes qui vous ont précédés, l'Association des hôpitaux, l'Association des centres d'accueil du Québec. Je pense que les deux, vous également, je pense, tenaient quand même à des recours A, que j'appelle, avec l'établissement. Le projet de loi 120 prévoit d'ailleurs l'obligation pour chaque établissement de se créer un mécanisme, même en nommant un des directeurs, un cadre supérieur. Deuxièmement, appel à la régie régionale, ce qu'on appelle aujourd'hui le conseil régional, parce que nous autres, on va avoir des recommandations à faire, à un moment donné, à l'Assemblée nationale et on veut quand même être éclairés le mieux possible. Vous êtes entièrement d'accord avec ça qu'au début c'est le recours local, possibilité d'appel, mais prévoir également un autre recours à quelqu'un de neutre, d'impartial, qui serait le Protecteur, en matière de santé et de services sociaux. Ça, c'est clair dans...

M. Perreault: Les principes que nous mettons de l'avant, c'est que vous avez un citoyen consommateur et vous avez un producteur, à un endroit quelconque, d'un service quelconque. Il apparaît important que tous les mécanismes qu'on peut mettre en place, ce sont des mécanismes qui devraient aider à la continuité de la relation entre ces parties-là, une fois que l'enquêteur est parti. C'est beau de régler une plainte à un moment donné, mais des fois la vie est plus difficile après, et c'est dans ce sens-là qu'il y en a qui n'osent jamais se plaindre, au nom du principe du règlement de la situation. Et souvent c'est strictement un manque de communication. Ce qui devient une plainte, c'est tout simplement que les gens ne se sont pas parlé. Donc, si on oblige ce dialogue-là à un endroit donné, une écoute de la part de quelqu'un qui, habituellement, fournit un service, une écoute de son client et qui pourrait, à un moment donné, comprendre ce que l'autre vit, ça pourrait se régler là et, espérons-le, ça devrait être la majorité qui devrait se faire là.

Et dans ce sens-là, considérant que les permanents, les directeurs généraux, les professionnels sont quand même des gens de bonne foi - c'est des gens comme vous et moi - eux, à partir de plaintes, ils peuvent aussi améliorer leurs propres services. Très souvent, si vous voulez, l'orgueil professionnel fait que, quand on veut faire venir quelqu'un de l'extérieur pour regarder trop vite, on crée la réticence, on crée la défense. On veut avoir raison. Le producteur de services, le contremaître veut avoir raison par rapport à... et souvent un intervenant de l'extérieur qui vient trop vite gâche les choses, à mon avis, plus que d'autre chose. Donc, plus bas niveau possible et une escalade dans l'établissement, dans le milieu, mais à la fin je pense qu'il faut quelqu'un qui est neutre et qui n'est pas en conflit.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. Perreault: Et qui n'est pas judiciaire.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, et je reviendrai pour une petite dernière tantôt.

M. Trudel: La loi 120 va faire obligation au plaignant, dans le système de santé et des services sociaux - et ça vous regarde particulièrement au niveau des personnes handicapées - à faire la plainte par écrit. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous autres? Vous êtes habitués, vous travaillez dans ce secteur-là.

M. Perreault: II y a un certain nombre de personnes qui vont avoir de la misère à écrire parce que...

M. Trudel: Par hasard, hein?

M. Perreault: Mme Constantin, allez-y donc.

Mme Constantin: Je pense que c'est effectivement un vice. Je crois qu'on devrait prévoir d'autres mécanismes de communication, qu'on devrait recevoir les choses de façon verbale. Je pense qu'on dit quand même, dans la loi, que toute personne, tout bénéficiaire peut se faire accompagner d'une personne de son choix pour le représenter. Bon. Mais, quand même, on enlève un peu de l'autonomie du citoyen, qu'il ait des limitations ou non.

Par ailleurs, l'Office subventionne les organismes de promotion et de défense des droits et intérêts des personnes handicapées. Alors, nous pensons nous prémunir de cette façon-là en offrant des services d'accompagnement et d'éducation des bénéficiaires par nos organismes de promotion éventuellement.

M. Perreault: II n'y a pas de doute qu'au niveau des moyens de communication que l'Office préconise et qui est dans "À part... égale" aussi il est important que toutes les communications avec les citoyens du Québec se fassent par un moyen qu'ils peuvent comprendre. Certaines personnes ne savent pas écrire. D'autres sont

aveugles, ne peuvent pas lire. Il faut que ce soit en braille. Il y a tous les moyens et les médias substituts qu'il faut utiliser.

M. Trudel: Bref, là-dessus, ça vous semble excessif dans la loi que l'on mentionne même si, oui il faut le dire, il y a des mécanismes d'accompagnement... Il faut être honnête sur la présentation, la lecture complète de la situation, là, il y a des mesures d'accompagnement qui sont prévues à la loi même. Ça vous semble excessif.

Dernière question pour ma part. Puisque vous êtes un organisme et des personnes, encore une fois, qui oeuvrez particulièrement au niveau de la promotion et de la défense des droits - c'est plus une opinion personnelle que je vais vous demander, mais venant de personnes éclairées de par leur travail professionnel... Quant à la procédure, aux procédures au pluriel, de traitement ou aux mécanismes de plaintes, premier et deuxième niveaux, tel que vous l'avez établi, en général, comme principe...

Le Protecteur du citoyen a dit à l'Assemblée nationale et au ministre que nous risquons de nous retrouver avec 17 justices, puisqu'il y aura 17 régies régionales, 17 justices, 17 façons d'approcher le traitement des plaintes et que, de cette façon, nous risquons d'amenuiser, évidemment, le résultat en termes d'équité dans les décisions. Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation? C'est-à-dire qu'à partir du moment où chacun des établissements sera tenu d'élaborer sa propre procédure, chacune des 17 régies régionales sera appelée à définir sa propre procédure et de nommer son cadre supérieur - pas besoin de revenir là-dessus, l'indépendance, vous la réglez par le troisième niveau - est-ce qu'au niveau de la procédure même, une façon différente de poser la question, nous ne pourrions pas inclure, par exemple, l'obligation de faire agréer cela par le Protecteur du citoyen qui est, comme vous le disiez tantôt par rapport à votre équipe, l'expertise dans le domaine en quelque sorte?

M. Perreault: Oui. Je pense que l'oeil du Protecteur du citoyen, sans être inquisiteur, pourrait être une façon d'aider à ce que les choses se fassent en pensant toujours au citoyen. Donc, au niveau de l'agrément, de la procédure des plaintes, de l'élaboration, parce que ça va se faire en quelque part, vous pouvez être sûr que, de la consultation dans le milieu, entre les régies, entre les fédérations, au niveau des établissements, des associations, il va y avoir une certaine, comment dirais-je... on va se consulter pour être capable d'avoir des choses qui se ressemblent. Il est même possible qu'à la fin on ait presque tous les mêmes papiers parce qu'il y aura eu une consultation du côté administratif. Pour aider encore, dès le départ, qu'on le soumette au Protecteur du citoyen qui, lui, pourra apporter ses commentaires, ça m'apparaît être dans la forme qui est non inquisitive, mais encore là qui est collaboratrice en fonction des objectifs qui sont poursuivis. Les gens sincères dans la poursuite d'objectifs n'hésitent pas, habituellement, à avoir quelqu'un qu'ils peuvent consulter pour améliorer ce qu'on tente de produire. Les gens qui refusent toujours la consultation, bien souvent, ils ont des idées arrêtées.

M. Trudel: Pour ma part, merci beaucoup, madame et monsieur, de votre prestation. Votre mémoire est extrêmement éclairant; il est clair aussi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Peut-être juste une petite dernière question. C'est une question d'information peut-être. Lorsque vous nous dites, à la page 4 de votre mémoire, que les parents d'enfants présentant des déficiences rencontrent des difficultés multiples dans les démarches qu'ils entreprennent pour obtenir des services non ségrégués pour ces élèves, la Loi sur l'instruction publique prévoit évidemment un recours au conseil des commissaires. De mémoire, c'est à l'article 9. Et vous dites qu'il serait plus équitable de prévoir l'intervention du protecteur, ça j'en suis. Mais est-ce que la Commission des droits n'intervient pas dans ces cas-là aussi? On m'informe qu'il y a même des causes devant les tribunaux actuellement où la Commission intervient dans ces cas-là.

Mme Constantin: Non, nous avons des causes devant les tribunaux, mais ce n'est justement pas le type de rapport que nous voulons instaurer avec les enseignants, les syndicats d'enseignants, les directions d'école et les commissaires d'écoles.

Le Président (M. Dauphin): Vous préféreriez évidemment...

Mme Constantin: ...la négociation et l'implication commune.

Le Président (M. Dauphin): ...un intervenant comme le Protecteur?

M. Perreault: Pour votre information, justement les causes devant les tribunaux, du moins celles qu'on vit, celles qu'on voit, selon les renseignements que nous avons, ne peuvent jamais réellement être une cause type. L'élève est toujours différent, la situation est toujours différente, son année scolaire est différente. Donc, il est très difficile... Si au moins on pouvait avoir une cause type... comme on peut retrouver dans d'autres domaines. Mais, dans le milieu scolaire, la cause est toujours très individuelle, et on nous dit qu'on ne peut pas bâtir dessus.

Le Président (M. Dauphin): C'est clair, je comprends très bien. Alors, au nom de tous les membres de fa commission, nous aimerions remercier l'Office des personnes handicapées du Québec, représenté par son président, M. Per-reault, et par Mme Constantin, qui est chef du Service de l'analyse et de l'évaluation de l'intégration - c'est long, comme titre - pour avoir participé à nos travaux, et vous remercier sincèrement de l'excellent témoignage que vous nous avez apporté, et bon retour. Merci beaucoup.

La commission des institutions suspend ses travaux, et nous reprendrons à 14 heures avec le centre hospitalier Douglas.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, la commission des institutions va reprendre ses travaux sur le mandat de la commission, qui consiste à tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen. Nous avons maintenant comme invité le centre hospitalier Douglas, qui est représenté notamment par Mme Bishop. Alors, je vais vous demander, Mme Bishop, de présenter les personnes qui vous accompagnent et vous avez une quinzaine de minutes environ pour présenter votre exposé.

Centre hospitalier Douglas

Mme Bishop (Martha): Notre porte-parole, c'est M. Aucoin. Il fera les "introductions", si vous voulez.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. C'est parce que, habituellement, c'est toujours la personne au centre qui présente l'exposé, mais ça ne dérange absolument rien, il y a d'autres micros. M. Aucoin, bienvenue.

M. Aucoin (Patrick J.): Bonjour. Je désire commencer en remerciant le président et les commissaires de nous avoir donné l'opportunité de nous faire entendre. Mme Bishop est secrétaire du comité de bénéficiaires. Elle va vous parler du rôle que le comité a joué dans le passé ainsi que dans le présent. Mme Francine Bourassa, l'ombudsman à notre hôpital, va vous parier du rôle qu'elle joue comme ombudsman à l'hôpital. Dans le passé, ce rôle était détenu par le président du comité d'éthique. Il y a environ six ans, le conseil d'administration de l'hôpital a décidé de créer le poste d'ombudsman, qui se rapporterait directement à lui. Donc, je vais vous parier un peu de la structure de l'hôpital, comment ça fonctionne.

L'hôpital Douglas est un hôpital universitaire spécialisé et ultraspéciaiisé en psychiatrie, de 732 lits. Il y a quatre pavillons externes, qui se trouvent un peu partout: Rawdon, Mascouche, Verdun, Pointe-Saint-Charles. Il y a un centre de recherche, d'où l'importance d'avoir un ombudsman parce qu'on fait beaucoup de recherche et ça prend des patients. Le rôle premier de l'hôpital est dans son secteur: Côte-Saint-Paul, Émard, Verdun. LaSalle. Il joue aussi un rôle secondaire régional et suprarégional pour les anglophones en dehors de notre secteur principal. Les services sont rendus en anglais et en français à travers l'ensemble des services de l'hôpital. Nous avons aussi des cliniques de secteur pour la population, nos patients externes qui sont au nombre d'environ 3000, ainsi que des ateliers pour la réadaptation de nos patients.

La structure est composée de 19 bâtiments majeurs ainsi qu'une dizaine de maisons de type familial sur un ensemble de 163 acres, donc assez éparpillés sur l'ensemble du terrain. Les soins sont fournis par le biais de cinq types de programmes. On a les programmes de services aux enfants et adolescents, le centre de psychiatrie communautaire et le service de traitements spécialisés à long terme et en réadaptation. Nous avons les services en psychogériatrie ainsi qu'un centre de réadaptation. Dans ce centre de réadaptation, près de 80 % des patients sont externes et la balance vient de l'intérieur de l'hôpital.

Je pourrais dire que l'ensemble du monde qui a travaillé sur le mémoire, ce sont tous des intervenants qui travaillent directement et indirectement avec les patients et qui doivent collaborer énormément avec l'ombudsman pour s'assurer de la protection des bénéficiaires. Je vais maintenant passer la parole à Mme Bishop.

Le Président (M. Dauphin): Mme Bishop.

Mme Bishop: Je vais essayer de parier français, mais je vais peut-être faire un peu de fautes et j'espère que vous m'excuserez. Vous dites que je suis la personne en charge. Je trouve ça intéressant et amusant, parce que vous avez, dans la nouvelle loi, le citoyen au centre, et peut-être que je représente les citoyens. Mais nous sommes aussi un exemple de partenariat dans l'hôpital entre l'administration, l'ombudsman et moi qui suis élue comme membre du comité de bénéficiaires.

Dans notre mémoire, nous faisons un peu l'histoire de la défense des droits dans l'hôpital. L'hôpital a juste un peu plus que 100 ans et, en 1911, il a fait un code d'éthique pour les employés. Dans le code d'éthique, il est dit: "Agissez envers les autres comme vous souhaitez les voir agir envers vous." La plus grande règle, je pense qu'on... En 1955, nous avons commencé à avoir un conseil des patients dans l'hôpital et ça, c'est le grand-père, si vous voulez, de notre

comité de bénéficiaires. Peut-être que nous sommes un des premiers au Québec, au Canada, je ne sais pas, à avoir un conseil des patients. Nous avons fait des activités pour les patients, comme des colloques deux fois par année, mais nous avons commencé à faire traiter les plaintes systémiques. Alors, nous avons une longue histoire, plus de 35 années à essayer des traitements de plaintes systémiques dans l'hôpital. La chose importante, c'est que tout le temps nous avons le support de l'administration et nous travaillons, comme je dis, dans un partenariat. Nous avons le comité d'éthique et de droit des patients que M. Aucoin a mentionné et, parmi les membres, il y a l'ombudsman, un des aumôniers de l'hôpital, un représentant du Centre de médecine d'éthique et de droit de McGill et, peut-être le plus important, un bénéficiaire qui a été choisi par les bénéficiaires pour siéger à ce comité.

Le conseil d'administration de l'hôpital a fait une charte des droits et responsabilités des patients et c'est sur une grande affiche sur le mur, dans les deux langues, dans chaque unité de services dans l'hôpital. Nous avons un petit livre que nous appelons le livre bleu. Ça fait partie des droits et responsabilités des bénéficiaires. Chaque fois qu'un bénéficiaire est admis à l'hôpital, il reçoit ce livre. S'il est admis une fois, il reçoit un livre; si, malheureusement, il est admis cinq ou plusieurs fois, il reçoit une copie chaque fois. Nous essayons de faire en sorte que les personnes sachent leurs droits et aussi leurs responsabilités. Vous savez, ça marche ensemble.

Nous avons, vous voyez, l'ombudsman qui est employé par l'hôpital. Nous avons fait beaucoup de démarches avec l'ombudsman. Nous avons signé une entente avec l'ombudsman dans l'année 1989 - j'ai un problème avec les numéros français - et l'ombudsman a fait les plaintes individuelles et nous continuons dé faire les plaintes systémiques, et nous travaillons aussi ensemble s'il y a des problèmes pour lesquels nous voulons l'expertise l'un avec l'autre.

Quand je pense aux choses que je veux dire à la commission aujourd'hui, c'est comme une balance de justice. De temps en temps, c'est peut-être un peu plus lourd de ce côté ou un peu plus lourd de l'autre côté, mais nous avons essaye avec bonne volonté, avec patience de faire un équilibre. Quand je parle de la balance de la justice, je pense aussi qu'il y a la justice qui tient la balance. Nous n'avons pas eu de problème dans les temps passés. Nous sommes arrivés à des solutions entre le comité de bénéficiaires et l'hôpital. Mais s'il y a une chance dans le futur, que nous voulons une personne comme justice qui serait impartiale, neutre, avec compétence, avec sincérité et tous les mots, pour le comité de bénéficiaires, cette personne, c'est le Protecteur du citoyen de la province de Québec.

L'autre petite chose que je veux dire. Pour ce mémoire, nous avons commencé, avec le comité de bénéficiaires, à faire un premier "draft", je ne sais pas le mot en français, une première version. Après, nous avons travaillé avec l'hôpital; il y a eu d'autres versions. Ça, c'est lu par tous les membres du comité de bénéficiaires et c'est accepté par les membres du comité de bénéficiaires, d'une façon unamime.

Mme Bourassa (Francine Y.): Moi, je vais vous entretenir...

Le Président (M. Dauphin): Mme Bourassa.

Mme Bourassa: Merci, M. Dauphin. Je vais vous entretenir plus spécifiquement de ce qui nous amène aujourd'hui à nous positionner favorablement face à l'extension du rôle du Protecteur du citoyen. Mme Bishop a tenté de faire la démonstration que, même si au coeur de notre établissement, avec notre clientèle, nous avions développé, au cours des années, des outils, une attitude positive, des projets et des programmes de sensibilisation, nous croyons tout de même nécessaire d'avoir un recours externe au réseau, de façon à garantir le plus d'équité possible. Quand on parle du Protecteur du citoyen, il est protecteur de chaque citoyen. Pourquoi ferait-on une différence entre un citoyen qui est hospitalisé, qui peut être vulnérable et un autre citoyen qui se verrait protégé s'il a des difficultés avec d'autres ministères?

Nous croyons, on en a discuté ce matin, que si le tiers du budget du Québec est consacré aux services de santé et aux services sociaux il est d'autant plus important que la qualité de ces services et le respect des droits des usagers soient garantis par un mécanisme externe au réseau en place.

Par ailleurs, pour ce faire, le Protecteur du citoyen aurait, malgré l'expertise qui lui appartient... Il faut penser à sa connaissance des règlements, des politiques, en même temps connaissance au niveau de l'art de savoir faire des médiations. Nous préconisons, avec une approche humaniste... Je suis d'accord avec Michel Clair qui disait: On doit respecter le rythme de chaque établissement, on doit respecter les différences, mais, en même temps, on doit garantir... Et je pense que les connaissances, l'expertise, même la compétence du Protecteur du citoyen pourraient très bien s'adapter à un nouveau champ qui est celui de la santé et des services sociaux sans que ce soit trop compliqué ou trop coûteux. Mais, pour ce faire, il va sans dire que ça va lui prendre un budget et aussi des personnes-ressources.

Pour ce qui est des interrogations qui ont été soulevées dans les questions des députés par rapport au rôle des ombudsmans spécialisés, vous en avez longuement discuté hier, mais je serais

ouverte à répondre à vos questions par la suite. Pour l'instant, le conseil d'administration de l'hôpital Douglas, à qui je me rapporte au niveau de l'autorité formelle, a cru bon d'enchâsser dans les règlements internes le rôle, les obligations et les pouvoirs de l'ombudsman.

Avec le nouveau projet de loi 120, j'aimerais porter à votre attention que, malgré le fait que la loi nous apporte des garanties qui étaient inexistantes dans le passé, il faudrait travailler à bonifier les articles portant sur les droits des usagers. On a parlé d'une plainte par écrit. Est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt parler de consigner la plainte? Qui rédigera la plainte, c'est peu important. Parlons de délai. Dans notre protocole actuel de traitement de plaintes, notre délai pour traiter une plainte est de un mois. Regardons le texte de loi. Ici, nous parlons de 60 jours, en plus du cumul de délais qui vont s'étirer avec le niveau régional.

Donc, quand une personne est lésée dans ses droits en établissement de santé, je pense qu'il faut réagir promptement, rapidement et avec beaucoup de tact et de connaissances du réseau. Pour ça, nous insistons sur le rôle important d'avoir, de conserver les mécanismes locaux de traitement des plaintes.

Il est sans doute possible que l'on voie apparaître au niveau du traitement des plaintes, si on le réserve à des cadres supérieurs, des conflits d'intérêt potentiels ou réels. Advenant qu'il faudrait préciser à qui devrait répondre un ombudsman en milieu hospitalier, je pense qu'il faut garder la marge de manoeuvre nécessaire. En établissement de santé, vous devez vous assurer de la collaboration d'un directeur général pour faire avancer le dossier, pour faire valoir le droit des usagers. Mais il est important que l'ombudsman ait la marge de manoeuvre, après discussion, négociation, débat ouvert, s'il n'y a pas satisfaction, d'aller présenter son point de vue ainsi que celui du directeur général devant une instance différente qui est celle d'un conseil d'administration.

Je pense que, si on laisse les ombudsmans ou on développe le traitement des plaintes, il faut s'assurer qu'il y a cette marge de manoeuvre. Aussi, dans le projet de loi 120, le traitement des plaintes est réservé aux responsables du traitement des plaintes. Si vous avez pu constater les textes qu'on vous a fait circuler par rapport à plus de technicalité, sur le nombre de plaintes reçues, etc., vous pourrez voir qu'au niveau des 717 plaintes et demandes les deux tiers relèvent des demandes. Mais, vous savez, répondre à une demande, c'est éviter des conflits futurs. C'est assurer une défense proactive. À ce moment-là, dans mon rôle actuel, j'ai le rôle de promotion et de défense de droits, tout en travaillant très étroitement avec le comité de bénéficiaires.

Advenant qu'il y ait scission dans le rôle, le traitement de plaintes seulement, il faut s'assurer que le volet promotion des droits sera fait de manière adéquate et efficace, que nous poursuivions l'éducation, l'information des employés et, de façon systémique, que nous fassions circuler l'information dans l'établissement. Si vous voulez bien, M. Dauphin, je crois qu'on pourra répondre à vos question.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, à tous les trois. Nous allons maintenant procéder à la période d'échanges. J'ai constaté également, les membres ont constaté que, du fait d'avoir assisté aux autres auditions, vous avez touché les points qui préoccupaient énormément les membres de la commission. Alors, qui est prêt à débuter? M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, vice-président de la commission.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Merci de cette présentation, d'avoir fait l'effort de répondre aux questions que la commission avait consignées dans son document. Vous le faites avec une clarté qui va certainement servir la commission au niveau de ses recommandations, et surtout sur la base d'une expérience qui, à la description qui nous en a été faite quant à l'ampleur du centre hospitalier Douglas, de la collaboration des bénéficiaires et de la protectrice du citoyen ou Pombudsperson"... Nous sommes en présence de recommandations qui sont fondées donc sur l'expérience.

J'aimerais avoir d'abord un peu plus de précisions quant à votre opinion sur les dispositifs du projet de loi 120 qui prévoit que ce sera un cadre supérieur qui, formellement, devra assumer la réception et le traitement des plaintes. Vous en avez touché quelques mots en disant qu'il est important qu'il puisse aller également au conseil d'administration. Est-ce que, là-dessus - je vais poser ma question comme ceci - nous pourrions faire confiance, en quelque sorte, aux établissements? Parce que nous sommes d'accord, je le souligne au passage, sur le traitement de premier niveau dans le sens où vous venez de le mentionner, que ce soit l'établissement qui soit responsable de nommer cette personne, qui ne soit pas nécessairement un cadre supérieur et qu'elle réponde, cependant, obligatoirement au conseil d'administration, ce qui n'empêcherait pas, je le note au passage en terminant, ce contact essentiel au niveau de la direction générale de l'établissement. Alors, quant à cette disposition, que ce soit automatiquement un cadre supérieur, j'aimerais que vous précisiez un peu plus votre opinion là-dessus.

Mme Bourassa: Bien, je pense qu'on devra attendre un peu les clarifications - on a le projet de loi - à savoir: Est-ce que la responsabilité du traitement des plaintes sera confiée, par exemple, à une personne au sommet de la pyramide hiérarchique d'un établissement et cette

personne déléguera le traitement des plaintes à un ombudsman? Question! À ce stade-ci, on ne peut y répondre. Pour votre information, il existe 18 ombudsmans hospitaliers dans la province de Québec sur à peu près 900 établissements de santé, ce qui est très peu. Je pense que c'est 2,75 % de représentativité. Donc, notre expérience, malgré qu'intéressante - c'est pour ça qu'on vous la présente aujourd'hui - si je veux répondre à la question de M. Trudel, c'est: Est-ce que.. Finalement - je pense que Mme Lynch en a parlé hier - nous ne savons pas ce qu'il adviendra des ombudsmans en place. Est-ce qu'ils seront automatiquement reconnus comme responsables du traitement des plaintes? La plupart des ombudsmans, je pense que c'est 50-50, 50 % sont déjà cadres et les autres 50 % sont reconnus comme professionnels, soit à contrat soit comme professionnels non syndiqués syndicales. Donc, à ce moment-là, nous avons quand même, au sein des établissements où on a des ombudsmans hospitaliers de très grandes divergences. Donc, qu'est-ce que l'avenir nous réserve? Quel est l'esprit des textes? On nage un peu, c'est à deviner. Je pense qu'il faut faire attention. Actuellement, l'ombudsman, au centre hospitalier Douglas, répond directement au conseil d'administration et la personne de référence au niveau du quotidien est le directeur général. Je pense que c'est nécessaire, on sait fort bien qu'un conseil d'administration se réunit à quelques reprises, que ce sont des bénévoles, que l'agenda est très lourd, très compliqué. Donc, pour faire débloquer des dossiers, en tant que levier, le directeur général est vraiment la personne la mieux placée pour appuyer et faciliter le rôle de l'ombudsman et reconnaître les droits des usagers. (14 h 30)

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. Trudel: Toujours au sujet de ce mécanisme, je constate donc que vous dites qu'il faut qu'il y ait un traitement local, avec cette précision extrêmement intéressante dans la fiche signalétique qu'on nous a remise suite aux communications qu'il y a eu avec vous, que, sur le total du nombre de plaintes que vous avez reçues, les deux tiers à peu près étaient, dans le fond, des demandes d'information ou des consultations ou de la référence, et ça, c'est important de le rappeler...

Mme Bourassa: 67 %.

M. Trudel: La définition de ce qu'est une plainte varie, dans le fond, et c'est très difficile de catégoriser tout cela.

Il y a un autre type de plaintes, entre guillemets toujours, qui doit nous intéresser, eu égard au projet de loi 120, c'est les plaintes en ce qui regarde les actes professionnels, les actes médicaux, dans l'établissement donné. On va soit au CMDP, actuellement, soit à la corporation directement pour certaines autres plaintes. Est-ce que vous pensez que, dans le nouveau système de plaintes que nous serons à élaborer avec le projet de loi 120, nous devrions très clairement permettre que toutes les plaintes soient adressées, je prend ça théorique, à la personne responsable, le cadre supérieur, je pense, qui est là, le cadre supérieur responsable de l'application de la procédure et de la réception des plaintes, même pour les plaintes qui concernent les actes professionnels, les actes médicaux plus spécifiquement? Bien sûr, qu'elle soit acheminée, mais que la personne responsable dans l'institution ne soit pas dessaisie de la plainte comme c'est le cas actuellement? J'aimerais ça avoir votre éclairage là-dessus, parce que certainement que, compte tenu du travail que vous effectuez, vous avez eu à vivre avec, j'appellerai ça ainsi pour l'instant, cette difficulté.

Mme Bourassa: Disons que dans la transmission il faudrait plus que n'agir que comme une boîte aux lettres, à savoir que la plainte entre par le service ou le département du responsable du traitement de plaintes et est orientée vers le président du conseil des médecins, pharmaciens et dentistes, et on attend un résultat. Je pense que, comme mes collègues qui se sont exprimés hier, j'aurais les mêmes expériences à partager avec vous. On demeure avec très peu de résultats et, très souvent, les plaignants ne sont pas intéressés à paraître ou à être entendus par le CMDP. Ça devient trop fastidieux pour eux.

M. Trudel: Encore une fois, de la part d'une personne qui a l'expérience pratique sur le terrain, il faut noter cette réponse, qui est basée sur le travail sur le terrain.

Une autre dimension sur laquelle j'aimerais bien avoir votre opinion ou votre expérience. Mme Lynch, du centre hospitalier de Lanaudière, nous indiquait, hier, que sur les quelque 800 plaintes annuelles qu'elle enregistrait ou qu'elle recevait, encore une fois avec une définition large de "plaintes", 36 % lui parvenaient du personnel. Ce n'est pas négligeable et on comprend assez facilement pourquoi. Ça traduit d'ailleurs un très bon sentiment de responsabilité, de professionnalisme de la part de ces personnes qui s'aperçoivent que dans l'établissement on ne rend peut-être pas les services auxquels cette personne a droit ou aurait droit de s'attendre. Quelle est la situation par rapport à votre expérience, par rapport à cette dimension du travail?

Mme Bourassa: J'avais peut-être prévu votre question, M. Trudel, et j'ai vérifié dans mon rapport annuel. Si on regarde, et avec toutes les différences - le centre hospitalier régional de Lanaudière est un centre hospitalier "multi-vocationnel"; nous sommes un établissement à

vocation psychiatrique... Donc, avec ces nuances, je vous dirai que pour les bénéficiaires admis 35 % des plaintes originent des bénéficiaires qui sont hospitalisés, 20,8 % - donc le cinquième - des plaintes proviennent du personnel et, ensuite, 20,2 % des plaintes vont venir des patients qui sont traités en externe. Donc, vous voyez que ça suit, mais de très près, à proximité des lieux encore probablement, les gens qui sont hébergés à l'hôpital, le fait que l'ombudsman est facilement accessible à l'hôpital, de même que pour le personnel en place, mais j'ajouterai aussi une façon d'interagir avec le personnel. Nous croyons à développer des mécanismes d'information, d'éducation. Systématiquement, chaque nouvel employé me rencontre et, si vous voulez, la présentation de l'ombudsman se fait tout de suite après le mot d'introduction, pour montrer l'importance du respect des usagers dans notre établissement. Donc, ça, ça se fait systématiquement en anglais ou en français et ça se fera à répétition pour rafraîchir les gens, quand les syndicats offrent des formations, de façon à améliorer leurs contacts avec la clientèle. À ce moment-là, je pense que le rôle de l'ombudsman est expliqué non pas comme un chien de garde, mais comme une personne qu'on peut appeler, consulter, de façon à s'assurer que les options qui s'offrent à nous sont respectueuses des personnes à qui on donne des soins.

De plus en plus, si on regarde, il y a plus de plaintes, mats aussi il y a plus de demandes. Les gens, donc, consultent et ce qui ne paraît peut-être qu'une demande d'information ne peut venir que dans une pratique de défense proactive, à savoir qu'il n'y a pas besoin de correctifs parce qu'on a utilisé la solution adéquate lorsqu'on a examiné les options qui s'offraient à nous. Donc, à ce moment-là, je pense que ce rôle de promotion, il est important, et j'en pariais tantôt.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. Trudel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Iberville, ensuite M. le député d'Anjou.

M. Lafrance: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord vous remercier pour votre mémoire et toute la documentation qui l'accompagnait. C'est très complet. Je vous en félicite et soyez assurés que ça va sûrement nous aider dans notre travail de réflexion et aussi, éventuellement, dans nos recommandations.

Moi, ce qui m'a frappé principalement, c'est à la page 3 de votre mémoire. Vous dites que le système actuel, par votre présence d'ombudsman, s'est avéré efficace, c'est-à-dire qu'avec votre présence sur les lieux le système fonctionne bien, si j'ai bien compris. Par contre, vous amenez la recommandation d'une intervention d'une instance supérieure, qui est celle du Protecteur du citoyen. Bien que vous ayez peut-être partiellement répondu à ma question dans vos derniers propos, puisque vous avez dit que c'était surtout dans un sens de consultation que vous le verriez arriver, j'ai un peu de peine à m'imaginer la façon dont ça fonctionnerait. Parce que vous réalisez que le Protecteur du citoyen, par son mandat, se veut un intervenant en ligne directe avec la plainte et non pas à un palier supérieur. Alors, j'ai peine à comprendre comment vous verriez son intervention puisque vous traitez déjà les plaintes au premier palier.

Mme Bourassa: Si je peux répondre à la question, je pense qu'on reconnaissait le Protecteur du citoyen en recours ultime. Je pense que c'est important de responsabiliser les cadres en place, les gens en place. Les dispensateurs de services doivent examiner ce qu'ils offrent à leurs usagers et répondre de leurs actes. Ça, je pense que nous ne préconisions pas que le Protecteur du citoyen vienne comme seul recours.

M. Lafrance: Non, d'accord. Mais, si je comprends bien, vous le verriez intervenir lorsque des plaintes n'auraient pas été suivies par votre centre hospitalier ou lorsque vos conclusions de plaintes ne seraient pas correctes. Alors, il viendrait, en quelque sorte, vous rectifier.

Mme Bourassa: Dans le sens que, moi, je peux présumer que ma décision est équitable, mais peut-être que le plaignant se sent justement ou injustement toujours insatisfait. À ce moment-là, je crois important de garantir au plaignant un recours extérieur au réseau. On peut très bien se référer à différentes instances, tel le conseil régional, le service d'audition des plaintes du conseil régional, mais, par expérience, nous savons que des clients insatisfaits vont frapper à plusieurs portes. Donc, ce que nous disons, c'est que nous devons offrir une expertise, un lieu hors du réseau capable de répondre à ces plaintes.

M. Lafrance: Alors, si je comprends bien, dans le cas d'une plainte qui n'aurait pas reçu satisfaction, vous diriez à la personne: Votre plainte est référée dans le réseau, à un échelon supérieur. Et vous diriez aussi, parallèlement: Si vous voulez, vous pouvez aller au Protecteur du citoyen. C'est bien correct?

Mme Bourassa: Si vous lisez un petit peu le protocole de plaintes, en tant qu'ombudsman maison, entre guillemets, je peux aller jusqu'au conseil d'administration pour demander correction. Si, pour une raison ou une autre, le conseil d'administration ne supportait pas mes recommandations, à ce moment-là, je devrais ou le

conseil d'administration devrait informer le plaignant de la décision qu'il a prise en tant que dernière instance locale. Mais, dans le protocole de traitement de plaintes, il est clairement dit que l'ombudsman, à ce moment-là, pourra orienter le plaignant vers un recours approprié. Vous savez, le rôle d'un ombudsman maison a des limites. Donc, à ce moment-là, pour donner l'information nécessaire, quel est le recours adéquat après le traitement local des plaintes? Il faut s'assurer que cette information soit transmise et que le client insatisfait puisse aller frapper à une autre porte.

M. Lafrance: Avec le projet de loi 120, vous réalisez qu'il y a des instances au point de vue régional qui vont être mises en place pour donner accès justement à ces recours non satisfaits sur le plan local.

Mme Bourassa: II y a des choses qui, même au niveau régional, avec le projet de loi 120, on pense à l'accès au dossier... J'aurais la même remarque par rapport au traitement des plaintes locales, à savoir que la loi ne parle pas d'accès au dossier dans le traitement des plaintes. Et ça, je pense que c'est un manque important. Comment pouvez-vous, si votre conseil d'administration n'a pas fait les démarches nécessaires avec la Commission d'accès à l'information, faire votre travail pleinement si vous n'avez pas accès à tous les documents pertinents pour traiter une plainte? Dans le projet de loi 120, je vous suggère de nettement étudier cette question, elle est très importante. Pour ce qui est des régies régionales, elles ont fait les mêmes recommandations et il n'y a aucune mention pour qu'elles aient accès aux dossiers. On dit que la régie régionale devra déterminer un organisme régional qui, lui, aura pouvoir d'enquête. À ce moment-là, quel sera cet organisme régional? Il lui reste à le développer très certainement.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Bienvenue. Je n'ai pas pu entendre votre rapport, mais j'ai quand même lu le résumé que vous avez ici. Je vous en félicite. Alors, moi, je présume que votre position est, telle qu'écrite, que vous accueillez favorablement l'élargissement du mandat. J'aurais une question qui touche l'hôpital Douglas, peut-être dans un cas qui a égard à une chose similaire qui pourrait se rapporter à des questions d'ombudsman. Le cas des activités passées du Dr Cameron, est-ce que c'était bien à Douglas Hospital?

Mme Bourassa: Non.

M. Larouche: C'était au Royal Victoria?

Mme Bourassa: C'était au Allan Institute.

M. Larouche: Au Allan, mais le Allan Institute, est-ce qu'il OGt affilié...

Mme Bourassa: Au Royal Victoria. M. Larouche: Au Royal Victoria.

Mme Bourassa: Qui, comme nous, est affilié au réseau de McGill.

M. Larouche: Ah, O.K. parce que ça aurait pu être un cas. Je pense qu'if traîne encore, ce cas-là. II y a eu des récriminations.

Mme Bourassa: Peut-être que Mme Bishop pourrait vous parler de la mise en place du comité d'éthique et de droit des patients, justement pour garantir...

M. Larouche: Est-ce que vous pouvez peut-être nous en parler un peu? (14 h 45)

Mme Bishop: Oui, oui. Le comité d'éthique et de droit des patients a le rôle de faire l'investigation d'éthique de toutes les recherches dans l'hôpital. Les recherches, c'est sur un papier et, premièrement, ça passe - je ne sais pas le mot en français - au "scientific" conseil. Après, ça arrive au comité d'éthique et de droit des patients. C'est environ 13 personnes, ça inclut les personnes que je mentionnais: l'ombudsman, un membre de la communauté, un patient de l'hôpital et aussi un avocat, qui est envoyé par le Centre de médecine d'éthique et de droit de McGill. Nous avons lu le protocole avec le pouvoir de voir s'il y a quelque chose qui ne serait pas d'éthique, de questionner. Nous avons mis ensemble toutes les 13 personnes avec leurs recherchistes; ça appelle beaucoup de questions. Si elles ne sont pas satisfaites, elles nous disent de faire des corrections ici et ici. C'est nécessaire d'avoir la signature de la présidente de l'éthique et droit des patients. Et nous avons pris beaucoup de temps pour lire les documents et, aussi, pour lire les documents externes. Dans mon sac, j'ai une chose sur l'éthique, une recherche des États-Unis. Nous allons aux colloques et aux choses comme ça. Nous ne sommes pas parfaits, parce que c'est culturel, tout le temps les idées changent. Peut-être que, malheureusement, dans le temps du Dr Cameron, il y avait une autre éthique, je ne sais pas. Mais, pour moi, je pense que ça, ce n'était pas acceptable au temps du Dr Cameron et ce n'est certainement pas acceptable maintenant.

Nous voyons particulièrement ce que sont les choses physiques et mentales qui se passent dans la personne. Est-ce qu'il y a une chose positive pour le sujet? Est-ce qu'il y a... Nous voyons aussi... Elle était passée par le comité

de-Une voix: ...le comité scientifique.

Mme Bishop: Nous voyons et nous pensons qu'il y a des choses médicales, physiques qui soulèvent une question. Nous avons arrêté des recherches, on recommence encore... Mais, aussi, il y a le Scientific Committee, je ne sais pas si M. Aucoin siège à ce comité, il arrête beaucoup de recherches avant d'arriver au comité d'éthique. Mais nous travaillons bien fort pour éviter de grands problèmes.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Merci. Si vous me le permettez, je vais vous poser quelques questions. Vous nous avez dit tantôt, Mme Bourassa, que c'est à peu près 2,67 % des établissements au Québec qui possèdent un "ombudsperson" ou une personne comme ça. Sans me porter à la défense complète et entière du projet de loi 120, est-ce qu'on doit reconnaître cependant que c'est une nette amélioration comparativement au système actuel, ne serait-ce que d'obliger les établissements à prévoir un mécanisme de plaintes? J'ai peut-être des doutes sur le cadre supérieur, mais voyez-vous ça comme une bonification, une amélioration du système actuel?

Mme Bourassa: C'est certainement une bonification. Mais, à mon avis, il y manque certaines précisions d'importance, comme je disais tantôt: l'accès aux documents, l'accès aux dossiers de l'usager, la possibilité de circuler librement dans l'établissement, les délais qui m'apparaissent trop longs par rapport au type de plaintes, au type de difficultés qu'on va tenter de solutionner, le bénéficiaire a besoin d'une intervention beaucoup plus rapide. Il ne faut pas, malgré le fait qu'on le dise dans le projet, je pense que l'esprit est là, mais on doit vraiment amener plus de précisions, plus de clarifications.

Le Président (M. Dauphin): Je suis entièrement d'accord avec vous, sauf que vous admettrez avec moi que 98 % des établissements où il n'y a presque rien...

Mme Bourassa: C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): ...c'est quand même un pas en avant. Je suis d'accord avec vous qu'il y a beaucoup de choses à améliorer. Vous dites à un moment donné, à la page 4, que le Protecteur du citoyen devrait être la seule instance extérieure à l'établissement concerné pour traiter les plaintes de première ligne dans un hôpital psychiatrique. Si je comprends bien, c'est strictement au niveau des malades psychiatriques. Quand vous parlez de première ligne, ce n'est pas à l'ensemble du réseau. C'est strictement en faire une exception pour les maladies mentales.

Mme Bourassa: Je pense qu'hier soir Mme Charbonneau nous a parlé de ses préoccupations. Je pense que, étant donné que c'est très difficile pour notre clientèle de venir porter plainte, lorsqu'elle porte plainte, malgré qu'on lui offre assistance, elle se décourage facilement si on lui dit: II faut aller à l'autre porte et à l'autre porte. Donc, à ce moment-Jà, je pense que c'est important, dépendamment de la nature du problème... Si on est devant une plainte avec des motifs sérieux, je pense que si, à ce moment-là, le Protecteur du citoyen avait juridiction dans le domaine... Vous savez, même le conseil régional a les mains liées dans plusieurs dossiers.

Je vous parlerai d'un jeune adulte souffrant d'autisme qui arrive à l'urgence de notre établissement et qui habite dans un autre secteur, la Montérégie - peut-être qu'il y a des députés de la Montérégie - où on n'offre aucun service en pédopsychiatrie pour ce genre de problème psychiatrique. Donc, la mère, ne sachant plus quoi faire, décide de prendre un taxi, d'arriver à l'urgence et de nous apporter ce jeune désorganisé. Mais vous voyez, de par la nature des services que nous offrons dans notre secteur enfants-adolescents, nous n'avons que deux unités d'admission, 31 lits, et où nous n'admettrons que des cas électifs. Donc, à ce moment-là, on a beau trouver la plainte fondée, il n'y a pas d'accès de services, il n'y a pas de services. Le conseil régional, lorsque appelé, va nous répondre: Nous le savons, nous allons rajouter son nom sur une liste. Est-ce que c'est acceptable pour un parent? Est-ce que c'est acceptable pour un jeune qui a besoin de soins? À ce moment-là, le conseil régional dit: Bien, on va référer le cas, on va prendre le nom, mais on n'a pas plus de services. À ce moment-là, je pense que, si on avait recours au Protecteur du citoyen, on pourrait régler cette iniquité pour un individu. On peut appeler un CLSC, on peut appeler la CPJ, etc., mais qui, en bout de ligne, va faire débloquer le dossier? Je pense que ça prend une possibilité hors du réseau qui a en même temps un pouvoir moral sur le réseau.

Le Président (M. Dauphin): Autrement dit, si je comprends bien, ce ne serait pas un recours ultime au Protecteur. C'est qu'on pourrait y aller directement sans passer par le réseau.

Mme Bourassa: C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Spécifiquement dans les cas qui nous concernent. Qu'on se comprenne bien là-dessus.

Mme Bourassa: Complexes...

Le Président (M. Dauphin): Alors, on m'indique qu'il reste seulement deux minutes,

mais j'avais promis à mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue de les lui laisser. Non?

Peut-être une petite dernière. Évidemment, le recours au Protecteur du citoyen, hormis ce qu'on vient de discuter dans les cas spécifiques - c'est la première fois, je pense, qu'on en parle depuis deux jours - est accessible aussi à l'institution, étant donné que le protecteur est impartial, neutre, recours externe. Ce n'est pas juste lorsque l'usager n'a pas gain de cause. Ça s'applique aussi à l'institution.

Mme Bishop: Oui, parce que, comme comité de bénéficiaires, nous traitons de temps en temps une plainte qui est... Juste, par exemple, malheureusement, il y a beaucoup de temps que les hommes entraient dans les salles des femmes. Ce n'est pas l'autre face, mais ça, c'est des plaintes qui commencent de la part de patients vis-à-vis d'autres patients. Nous essayons de faire ce traitement de plaintes qui sont d'un côté à l'autre côté. Nous n'avons pas reçu de plaintes qui sont que les femmes entraient dans les salles des hommes. C'est intéressant!

Le Président (M. Dauphin): Une dernière question à M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Mme Bourassa, Mme Lynch, hier, nous mentionnait qu'elle avait senti le besoin, au niveau de son travail, avec un protocole particulier avec le Protecteur du citoyen du Québec, j'appellerai ça comme ça, de moduler sa tâche, en particulier pour ses rapports avec le Curateur public du Québec, d'être déléguée de l'ombudsman. J'imagine qu'avec la clientèle de votre centre vous êtes appelée à avoir des rapports assez fréquents avec la curatelle publique, mais vous n'avez pas senti le besoin, ce n'était pas nécessaire, ce n'était pas utile d'avoir ce que j'appelle cette qualification supplémentaire au niveau de votre travail, en particulier dans vos rapports avec la curatelle publique?

Mme Bourassa: Je ne pense pas que ce soit par manque de besoin parce que je pense que les ombudsmans hospitaliers, lors de nos rencontres, ont exprimé le besoin d'encadrement, de supervision, etc. Mais en groupes de soutien, si vous voulez bien. Mais je pense que le projet-pilote qui émanait du bureau du Protecteur et du centre régional Lanaudière était particulier. Je ne crois pas qu'elle-même elle a été sollicitée, la délégation. Je pense que ça s'est fait à un certain moment donné.

C'était un projet-pilote. Ça veut donc dire que s'il est en voie - peut-être est-il terminé à ce moment-ci - d'évaluation, quelles seront les recommandations suite à ce projet-pilote? Je pense que c'est une idée intéressante. Faudrait-il porter deux chapeaux?

M. Trudel: Qu'en pensez-vous?

Mme Bourassa: Eh bien, ce que Mme Lynch nous a dit, c'est que ça semblait compliqué à certains moments. Mme Lynch avait possiblement plus de marge de manoeuvre dans sa position de déléguée du Protecteur du citoyen, mais ne nous a pas vraiment éclairés par rapport à la marge de manoeuvre - il semblait avoir une bonne collaboration - mais par rapport aussi à ses pouvoirs dans son centre hospitalier. Je ne crois pas qu'elle avait accès aux dossiers, par exemple. C'est comme très différent portant l'un ou l'autre chapeau. Donc, devrait-on faire en sorte comme le modèle ontarien, que l'ombudsman hospitalier soit affilié à un office indépendant, mais travaillant localement au sein d'un établissement?

Avant de terminer, j'aimerais attirer votre attention sur la recommandation que nous faisions dans le mémoire. Que si jamais l'ombudsman hospitalier devait relever d'une instance neutre, à ce moment-là, le choix de l'ombudsman devrait être fait de façon tripartite, à savoir le comité des usagers, le Protecteur du citoyen, par exemple, et le conseil d'administration, de façon à déterminer le mandat et l'évaluation de l'ombudsman qui sera mis en place. Je pense que c'est important.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, au nom de tous les membres de la commission, Mme Bourassa, Mme Bishop, M. Aucoin, nous tenons à vous remercier sincèrement de votre grande participation à nos travaux, et bon retour.

Je demanderais maintenant à la Commission des droits de la personne, Me Jacques Lachapelle, de s'avancer. (15 heures)

Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Commission des droits de la personne. Me Jacques Lachapelle, président, si vous pouviez nous présenter la personne qui vous accompagne, et je vous signale que vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous présenter votre exposé et, ensuite, on procédera à une période d'échange.

Commission des droits de la personne

M. Lachapelle (Jacques): Alors, merci, M. le Président, de nous donner non seulement ces 15 minutes, mais probablement ces trois quarts d'heure, car nous pensions même ne pas venir devant cette commission des institutions, nous n'avions envoyé que quelques notes brèves pour vous rappeler certaines questions. Mais, écoutez, ça nous fait extrêmement plaisir d'être devant vous, d'autant plus que, dans le passé, nous avons eu aussi le plaisir d'être devant cette commission des institutions, mais plutôt, cette fois-là, comme examinée.

Le Président (M. Dauphin): Oui, exact.

M. Lachapelle: Je pense que c'a donné de bons résultats, n'est-ce pas? On a vu que le Tribunal des droits de la personne, suite à la commission des institutions et bien sûr à l'acte du Parlement, de l'Assemblée nationale, a été institué. Alors, je pense que c'est dû au travail de cette commission.

Je voudrais vous présenter M. Marc Bilocq qui est directeur du bureau de Québec. M. Bilocq est également intéressé par cette question. Il a déjà été responsable d'un service de plaintes sur la Côte-Nord dans un CRSSS, alors il pourra peut-être vous faire bénéficier de ses compétences dans le sujet.

Alors, comme je le mentionnais tantôt, bien sûr, nous n'avions pas préparé de mémoire formel, nous voulions tout simplement vous faire quelques représentations très larges, mais, puisque vous nous invitez, on voudrait quand même préciser un peu certains passages de ce bref document que vous nous aviez envoyé. Toutefois, avant de passer à l'examen des trois ou quatre points que nous avions mentionnés dans cette lettre, nous aimerions peut-être brièvement vous soumettre quelques considérations d'ordre général qui ont trait aux interrelations entre nos deux organismes.

Les interventions du Protecteur du citoyen doivent, bien sûr, s'appuyer sur les principes de la Charte des droits et libertés. Mais, étant davantage préoccupé par la défense des intérêts des citoyens et des citoyennes face à l'appareil gouvernemental, il doit, je pense, aller beaucoup plus loin et s'assurer non pas seulement de la Charte des droits et libertés, mais que les services sont de qualité et conformes aux prescriptions de la loi. C'est un peu, si vous voulez, le pendant du Vérificateur général qui, lui, doit s'assurer des données plus comptables, et l'autre doit s'assurer de la qualité, de l'adéquation des services.

D'autre part, il revient à la Commission des droits de la personne de recevoir et de traiter des plaintes portées en matière de discrimination contre le gouvernement, ses ministères et organismes. Signalons en passant que le nombre de plaintes portées contre l'administration publique - et l'on doit dire que c'est l'administration publique en général qui peut consister en des hôpitaux, des municipalités et aussi, bien sûr, le gouvernement du Québec - est important puisqu'il constitue 36 % des plaintes logées à la Commission des droits de la personne. Sur ce point, les deux législations sont précises, le Protecteur du citoyen doit référer à la Commission des droits de la personne les plaintes relevant de sa compétence et la Commission des droits de la personne doit faire de même à l'endroit des plaintes qu'elle reçoit et qui sont du ressort du Protecteur du citoyen. Je dois dire ici, en passant, que ce mécanisme fonctionne de façon très adéquate et que les plaintes sont échangées dans les deux organismes de façon régulière et de façon précise.

Eu égard à la Charte des droits et libertés, le Protecteur du citoyen vise au plus haut point à faire en sorte que se réalise, dans l'administration publique, le deuxième considérant de la Charte: Tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi." La Commission des droits de la personne est heureuse de signaler que nos deux organismes collaborent à plusieurs projets qui touchent la défense des principes de la Charte. Qu'il suffise de mentionner nos interventions communes sur les directives et les pratiques du ministère de la Sécurité du revenu à l'endroit des bénéficiaires de l'aide sociale.

La Commission, du strict point de vue du respect des principes de la Charte des droits et libertés, n'avait donc pas cru nécessaire de faire de commentaire sur l'accomplissement même du mandat du Protecteur du citoyen. Toutefois, nous aimerions reprendre les trois questions que nous vous avions soumises dans notre lettre du 5 octobre dernier. Ces questions touchent des groupes de citoyens particulièrement vulnérables et qui, à notre avis, devraient faire l'objet d'une attention toute spéciale de la part du Protecteur du citoyen: les membres des communautés culturelles et ethniques, les autochtones et les anglophones; les personnes vulnérables: les personnes âgées, les personnes présentant une déficience intellectuelle, les itinérants; les élèves ainsi que leurs parents.

Donc, sur le premier thème, l'accès des membres des communautés culturelles et ethniques, des autochtones et des anglophones aux services du Protecteur du citoyen. C'est là un point majeur soulevé dans le document de consultation, et nous déplorons, tout comme le Protecteur du citoyen, que les membres des communautés culturelles et ethniques, les autochtones et les anglophones ne fassent appel que très rarement aux services du Protecteur du citoyen. Pourtant, cette population, et là je parle ici des membres des minorités visibles et ethniques, est numériquement très importante. Lors du dernier recensement, on voyait que 8 % de la population ont déclaré être nés à l'étranger, et 16 % se sont identifiés comme étant d'origine autre que française ou britannique. Il est surprenant et symptomatique à la fois qu'une si faible proportion de ces personnes s'adresse au Protecteur du citoyen. La hausse graduelle des niveaux d'immigration accroîtra cet écart. Si on ne fait rien pour y remédier, une partie importante de la population n'aura pas accès à ce service de première ligne.

Une étude de la Commission des droits de la personne réalisée en 1987 démontre que les membres des minorités visibles et ethniques s'adressent aux services publics qui touchent les services de la santé, les services sociaux, les

services d'éducation, d'aide sociale, de police, etc., tout autant que les membres de la majorité blanche anglophone ou francophone. D'ailleurs, il y a un petit tableau à la fin, en annexe, qui vous indique un peu ces pourcentages de services et de références des diverses populations. Toutefois, ils ont moins tendance à s'adresser à l'aide juridique et aux autres services publics, dont le Protecteur du citoyen, que les membres de la majorité blanche francophone ou anglophone. Il importe donc que le Protecteur du citoyen se rapproche de ces populations. À cet égard, certaines mesures pourraient être prises qui aideraient à améliorer les rapports avec ces groupes. L'une de ces mesures serait d'avoir une publicité mettant en relief le rôle du Protecteur du citoyen auprès de cette partie de la population, en recourant, au besoin, aux membres des groupes ethniques, aux groupes voués à la défense de leurs droits, et de faire ainsi mieux connaître la nature et les services dispensés par le bureau du Protecteur du citoyen.

D'autre part, nous constatons que le bureau du Protecteur du citoyen, dont les effectifs ne relèvent pas de la fonction publique et donc ne sont pas soumis à l'obligation décrétée par le gouvernement de mettre en place un programme d'accès à l'égalité, n'a pas procédé à l'implantation de programmes d'accès à l'égalité. Là-dessus, je voudrais peut-être faire une petite parenthèse sur laquelle on reviendrait. Tantôt, j'ai eu une discussion avec le Protecteur du citoyen adjoint. Il me faisait part qu'on avait à tout le moins annoncé des intentions de mettre en place des programmes d'accès à l'égalité. Si vous voulez, on pourrait y revenir pour que je puisse préciser ce qu'on m'a communiqué tantôt. Le Protecteur du citoyen, je l'indique et on l'avait indiqué à l'époque, devrait donc sans tarder procéder à l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité qui permettrait, entre autres, de recruter des représentants des groupes concernés et de faire en sorte que ses effectifs reflètent mieux la diversité ethnique de notre population.

Les personnes vulnérables: personnes âgées, personnes ayant une déficience intellectuelle et les itinérants. La Commission des droits de la personne désire également attirer votre attention sur Un groupe de personnes particulièrement vulnérables: les personnes âgées et les personnes présentant une déficience intellectuelle. Selon la Charte des droits et libertés, toute personne âgée ou toute personne handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation, et fa Commission a mandat de faire enquête à la suite d'une plainte qui lui est adressée. La Commission a fait enquête à plusieurs reprises dans ce domaine, entre autres, elle est intervenue devant la commission d'enquête sur le fonctionnement de l'hôpital Rivière-des-Prairies. Elle soumettait à la fin de cette enquête la conclusion suivante: "Pour éviter la répétition d'autres violations inaceptables, il faudra s'as- surer de l'impact objectif des mécanismes de protection juridique, administratifs et des structures de surveillance et de contrôle. Si la loi est énonciatrice d'un consensus majoritaire qui lui assure son autorité, la structure administrative se veut la traduction concrète des principes qui y sont énoncés. Il est donc important de prévoir dans la cohérence du système le rôle de chaque élément afin que se réalise harmonieusement l'exercice des droits prévus par le législateur". La Commission recommandait alors: "Que soit évaluée la possibilité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen aux hôpitaux et aux centres asilaires". Tout récemment, je dois dire hier, la Commission des droits de la personne, à la suite d'une longue enquête dans un centre d'accueil pour personnes handicapées intellectuelles, a estimé que ces personnes avaient été victimes d'exploitation de la part du propriétaire de l'entreprise. La Commission s'inquiétait qu'un tel système ait pu perdurer pendant des années et que le permis du centre d'accueil ait été maintenu jusqu'à tout récemment. La Commission des droits de la personne aujourd'hui même, a adressé des mesures de redressement visant à dédommager les personnes, on a réclamé des dommages moraux, des dommages exemplaires, et on indique également dans cette décision de la Commission qu'elle s'adressera éventuellement, si les dommages n'étaient pas payés, au Tribunal des droits de la personne. La réclamation que nous avons adressée aujourd'hui se chiffre à 1 000 000 $. Devant cette constatation, il n'est pas impossible, ajoute la Commission dans le document que nous avons émis hier, que de semblables situations existent dans d'autres centres d'accueil privés pour personnes âgées ou handicapées sur l'ensemble du territoire du Québec, et elle demandait aux autorités gouvernementales, au besoin avec l'intervention du Protecteur du citoyen, de mettre sur pied des mécanismes qui assurent à l'ensemble des bénéficiaires le respect de tous les droits que leur reconnaît la Charte des drafts et libertés. On le comprend, le degré de vulnérabilité des personnes hébergées est généralement plus élevé, compte tenu de leur état de santé précaire. Leur vie se déroule dans l'univers clos de la résidence. Les abus possibles sont donc plutôt circonscrits à l'intérieur de cet univers.

En 1988, un sondage Gallup faisait ressortir qu'au Québec 11 % des personnes âgées interrogées avaient "eu personnellement connaissance de cas qui se seraient produits dans leur voisinage et qui pourraient être qualifiés d'abus exercés envers une personne âgée, c'est-à-dire négligence délibérée ou abus physique de personnes âgées par leurs enfants ou par les personnes qui s'en occupent." Quand nous savons que les personnes âgées constituent plus de 12 % de la population actuelle et que cette proportion pourra atteindre 27 % en l'an 2031, on ne peut prendre que très

au sérieux l'ampleur des problèmes à venir et préparer dès maintenant les ressources requises à la protection des droits des personnes. Par ses enquêtes, la Commission peut donc intervenir dans les cas d'exploitation ou lorsque la personne exploitée est une personne âgée ou handicapée, qu'elle se trouve, de ce fait, dans un état de dépendance, qu'on lui cause un préjudice moral ou matériel en mettant à profit cette situation de dépendance. Même avec une définition aussi large de l'exploitation, tout le domaine de l'adéquation des services et de la qualité des services échappe, on le comprendra, à la Commission. Si les abus sont présents, nous avons tout lieu de croire que la qualité des services n'est pas toujours à la hauteur des standards établis par la loi, les règlements ou l'usage. On a reconnu qu'il était nécessaire de mettre en place des mécanismes de contrôle. Signalons quelques développements récents dans le domaine. Le Curateur public est à mettre en application les nouvelles dispositions de la loi 145 qui modifiait la Loi sur la curatelle publique. Ces changements sont, entre autres, d'avoir institué trois régimes de protection: conseil aux majeurs, la tutelle et la curatelle, d'élargir la possibilité de présenter une demande de curatelle, de rendre obligatoire pour un directeur général d'établissement le signalement au Curateur d'un cas nécessitant un régime de protection.

Par ailleurs - j'imagine que cette commission l'étudié très minutieusement - le ministre de la Santé et des Services sociaux vient de rendre public un projet de réforme du système de santé et des services sociaux. Les centres de services sociaux, tels qu'ils existent actuellement, seront remplacés par des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. Ce sont les centres locaux des services communautaires qui seront responsables en matière de services aux personnes âgées. La réforme touche également le système des droits des bénéficiaires et propose, dans ce nouveau contexte, trois paliers de recours pour une personne se croyant lésée dans ses droits: un premier recours auprès d'un cadre supérieur nommément désigné par le conseil d'administration de l'établissement, un deuxième recours auprès d'une régie régionale, un troisième et dernier recours en la personne du ministre lui-même, qui se reconnaît le pouvoir d'audition des litiges non résolus à la satisfaction du requérant. Je dois dire là-dessus qu'on a un peu de difficulté à retrouver dans le projet de loi 120 les pouvoirs exacts du ministre, mais on comprend qu'en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale le ministre dit lui-même qu'il a ces pouvoirs-là, alors, on prend pour acquis qu'il les a, sans les avoir trouvés dans le projet de loi lui-même. (15 h 15)

Nous croyons que le troisième et dernier recours devrait échoir à un Protecteur du citoyen local plutôt qu'au ministre qui risque d'être en conflit d'intérêts puisqu'il est le responsable du réseau des services de santé. Dans une optique de régionalisation, ce protecteur du citoyen local ou régional n'est pas nécessairement le Protecteur du citoyen du Québec. Il pourrait, cependant, avoir des liens fonctionnels avec le Protecteur du citoyen qui verrait à lui fournir l'aide et le support-conseil nécessaire au bon accomplissement de ses tâches.

Enfin, le dernier thème que nous avons abordé. Dans le domaine scolaire, lors de la présentation du projet de loi 107 portant sur la Loi sur l'instruction publique, la Commission des droits de la personne proposait l'inclusion, dans la loi, d'une disposition permettant un recours au Protecteur du citoyen accessible aux élèves et à leurs parents. Reconnaître les droits est une chose. D'ailleurs, la Loi sur l'instruction publique en reconnaît une multitude aux parents et aux élèves, mais, encore une fois, en garantir le respect est une autre chose. Le temps, d'ailleurs, passe très vite à l'école. La privation de quelques semaines de classe peut faire la différence entre le succès ou l'échec. C'est pourquoi les droits, aussi clairement définis soient-ils, n'ont aucune réalité et ne protègent pas si l'on ne peut soumettre les conflits rapidement à l'arbitrage d'une personne ou d'un organisme impartial.

Pour la solution à des conflits survenant dans l'application de la Loi sur l'instruction publique ou l'éducation, on le comprendra, les tribunaux sont de peu d'utilité, les délais y sont trop longs et les coûts élevés les rendent inaccessibles à une grande partie de la population. De plus, la plupart des conflits scolaires trouvent plus facilement des solutions dans une formule plus souple de négociation et d'arbitrage plutôt que dans des procédures judiciaires formelles et contraignantes qui définissent un gagnant et un perdant.

Des exemples tirés de nombreuses situations ont été portés à notre connaissance au cours des dernières années. Au mois de mai, à la fin de la maternelle, un enfant présentant une déficience intellectuelle est classé en école spéciale. Les parents contestent ce classement. La commission scolaire refuse de reconsidérer le classement. Au mois d'avril, deux mois avant la fin de l'année, un élève du secondaire IV formule à un copain, dans la cour de récréation, une critique sur un cours. La remarque parvient aux oreilles de l'enseignant qui exige des excuses. L'élève refuse et est suspendu du cours pour le reste de l'année. Apres un mois de classe, fin septembre, un jeune de 16 ans abandonne son secondaire V. Fin octobre, il revient sur sa décision et demande d'être réinscrit. Le directeur de l'école refuse en disant qu'il est trop tard. La commission scolaire refuse de changer la décision.

Voilà des situations dont la solution ne peut attendre et qui exigeraient un mécanisme de

recours neutre et indépendant. Le ministre de l'Éducation, faisant confiance aux structures administratives des commissions scolaires et de son ministère, croit que de tels recours multiplient inutilement les instances. Notre expérience et celle de nombreux élèves - élèves handicapés, élèves à qui l'on reproche leur comportement, élèves en difficulté d'apprentissage, élèves de condition sociale défavorisée - nous convainquent du contraire. De nombreux litiges doivent être tranchés par un intervenant extérieur au système scolaire. Il en va de la crédibilité même du système et de l'efficacité des recours. Le jeune suspendu ou expulsé, qui ne peut faire appel qu'à rétablissement ou à la commission scolaire qui aura à décider de son expulsion, peut mettre en doute la neutralité du mécanisme. Le parent d'un enfant handicapé qui ne peut contester une décision de classement en classe spéciale qu'auprès de la commission scolaire qui l'aura autorisé peut soupçonner des collusions préjudiciables au respect des droits de son enfant.

À l'époque, trois organismes avaient fait ensemble une intervention publique en ce sens, la Commission des droits de la personne, la Commission de protection des droits de la jeunesse, l'Office des personnes handicapées, pour que la solution retenue en décembre 1984, dans le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire, le projet de loi 3, soit le recours au Protecteur du citoyen. Cette solution avait fait consensus à l'époque, mais, bien sûr, n'a pas retenu l'attention du législateur.

Or, en conclusion, je me permets de vous résumer les recommandations de la Commission des droits de la personne: Que le Protecteur du citoyen examine les moyens de faire connaître ses services aux membres des communautés culturelles et ethniques, aux autochtones et aux anglophones. Que le Protecteur du citoyen mette en place les mécanismes qui lui permettront d'implanter un programme d'accès à l'égalité. Que le Protecteur du citoyen ait juridiction sur les écoles pour recevoir les plaintes des parents et des élèves. Qu'un protecteur du citoyen soit nommé sur une base locale ou régionale pour entendre et décider des plaintes des bénéficiaires du réseau des affaires sociales. Or, voilà en susbstance, M. le Président, les quelques commentaires et recommandations de la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Lachapelle, pour votre exposé. Je vais maintenant reconnaître un des membres de la commission, à commencer par Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, pouvez-vous me dire de combien de temps on dispose dans l'échange?

Le Président (M. Dauphin): De 25 minutes.

Mme Harel: Pour l'ensemble?

Le Président (M. Dauphin): Pour l'ensemble.

Mme Harel: C'est ça. Alors, Me Lachapelle, je suis très contente de vous accueillir à la commission, ainsi que, je crois, le directeur du contentieux de la Commission. C'est bien le cas?

M. Lachapelle: Directeur du bureau de Québec.

Mme Harel: Du bureau de Québec. Bon. L'examen que nous faisons à la commission des institutions n'aurait évidemment pas été complet sans la participation de la Commission. J'aimerais reprendre avec vous chacun des aspects que vous avez choisi de développer, le premier étant l'accès des membres des communautés culturelles et ethniques, des autochtones et des anglophones aux services du Protecteur du citoyen. Vous nous dites, et vous le démontrez d'ailleurs avec un tableau, que pourtant les services de nature publique comme les services sociaux ou autres services d'éducation sont utilisés, sauf ceux où il y a finalement reconnaissance des droits, comme si ces membres des minorités culturelles utilisaient les services publics mais pas celui où ils ont à faire reconnaître un droit. Je ne sais pas si c'est là la conclusion que vous en tirez. Je trouvais en quelque part assez faibles - vous allez m'en excuser, vous connaissez l'estime dans laquelle je porte la Commission - les recommandations. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que si on fait de la. publicité, si le Protecteur fait mieux connaître ses services, ça va se régler. Est-ce que c'est comme ça qu'il faut comprendre votre recommandation?

M. Lachapelle: C'est une partie de la réponse. Oui, je pense que le Protecteur du citoyen doit faire un effort pour faire connaître ses services auprès de ces communautés.

Mme Harel: Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il y a quelque chose de systémique? Vous êtes un peu le spécialiste, l'expert de la discrimination systémique, n'est-ce pas? Est-ce qu'il y a quelque chose de cette nature-là dans le fait que les membres de toutes ces collectivités-là n'utilisent pas les services de reconnaissance des droits?

M. Lachapelle: Je pense, madame, que vous reconnaissez aussi le sérieux que la Commission des droits de la personne met dans ses études et surtout, avant de parler de discrimination systémique, je pense qu'il faudrait pousser les études un peu plus loin. Je regarde, par exemple, une qui m'inquiète beaucoup concernant l'aide juridique où on note que pour... Oh, mon Dieu, j'espère la retrouver. L'aide juridique a trois points.

Mme Harel: Vous voyez, le Groupe contrôle/français et anglais, c'est 5.17...

M. Lachapelle: Oui.

Mme Harel: ...et les membres, les MVE, ça signifie quoi?

M. Lachapelle: Minorités visibles et ethniques. Oui, c'est ça.

Mme Harel: C'est 1.61. Donc,...

M. Lachapelle: Alors, vous voyez qu'il y a une très grande disproportion à l'aide juridique. Il faudrait peut-être donc aller plus loin et aller voir à l'aide juridique comment il se fait que contrairement, par exemple, au service policier où il y a une proportion quasi égale et même plus importante des minorités visibles qui s'adressent à la police, malgré toute l'appréhension que les gens des minorités visibles peuvent avoir vis-à-vis la police... Il y a là des indices. De là à conclure qu'il pourrait y avoir de fa discrimination systémique, c'est peut-être un petit peu dangereux, et on indique là certaines avenues, certaines inquiétudes, mais, pour conclure à de la discrimination systémique, il faudrait aller voir: Est-ce qu'il y a la des définitions, les principaux éléments de la discrimination systémique, des mécanismes que l'on dit apparemment neutres qui ont effet sur les groupes des minorités, de sorte que finalement ils ne se présentent pas devant ces instances?

Mme Harel: D'accord. En somme, là vous recommandez le programme d'accès à l'égalité.

M. Lachapelle: Oui.

Mme Harel: Et vous nous faites savoir que c'est sans doute bientôt que ce sera mis en vigueur et vous recommandez des campagnes de publicité. Quand vous dites: programmes d'accès à l'égalité, est-ce que vous entendez aussi, vous souhaitez qu'il y ait l'offre de services dans la langue de la minorité?

M. Lachapelle: Bien, je pense qu'il faudrait, lors d'un programme d'accès à l'égalité et c'est pour ça que je suis content que vous reveniez sur cette question... J'ai eu tantôt une conversation avec M. le protecteur adjoint, qui m'indiquait que le Protecteur du citoyen lui-même avait indiqué son intention de mettre en place des programmes d'accès à l'égalité. À mon sens, it ne suffit pas, bien que ce soit là le premier moteur, si on veut, d'indiquer l'intention, il faut véritablement faire toute cette démarche planifiée, articulée: faire une évaluation, faire un diagnostic, faire l'évaluation de tout le système à l'intérieur, le système d'embauché, le système d'approche, le système d'information auprès des communautés culturelles, toute la question de la langue utilisée chez le Protecteur du citoyen. Il faut, dans un programme d'accès à l'égalité, faire toute cette démarche et non pas seulement se dire: Je dois recruter tant de personnes. Ce n'est pas suffisant que de faire ça. Malgré ce qu'on m'a dit tantôt, qu'on a l'intention de faire ce programme et de recruter des personnes des communautés culturelles, ce n'est pas assez. Il faut véritablement faire toute la démarche jusqu'au bout et regarder chacun des systèmes et des sous-systèmes chez le Protecteur du citoyen, y inclus les systèmes d'information auprès des groupes des minorités visibles et j'imagine que c'est vrai pour ce qui est des autochtones et des anglophones aussi. Je comprends qu'il n'y a pas de... Là, je pense que le Protecteur du citoyen nous le dit lui-même dans son document, que les anglophones accèdent peu à ses services.

Mme Harel: On a tellement malheureusement un temps qui nous est compté. Je sais que vous traitez de questions assez importantes, mais, en vous écoutant, je me suis dit qu'il serait peut-être nécessaire ou intéressant de vous entendre sur le fait qu'il y a une juxtaposition de recours. Certains parlent d'une sorte de multiplicité, mais vous avez vous-même parlé du Curateur public, vous avez parlé également de la Commission de protection des droits de la jeunesse, de vous-même, la Commission des droits de la personne, et du Protecteur; j'aimerais savoir si, pour vous, sur le terrain, tout ça a un sens, finalement, ces recours, et si chacun sait comment cohabiter, d'une certaine façon. Et aussi vous entendre particulièrement sur la question autochtone. Vous aviez vous-même, à la Commission, demandé de tenir une enquête publique, je crois, notamment sur les relations entre les corps policiers et les nations autochtones. Je crois comprendre que cette enquête n'a pas débuté du fait que vous n'avez pas eu les fonds nécessaires pour l'entreprendre. Est-ce que vous envisagez un mandat spécifique au Protecteur du citoyen sur des cas particuliers parce que, finalement, vous voulez mener cette enquête, mais à partir de cas particuliers qui s'étaient produits?

M. Lachapelle: Pour ce qui est de la question autochtone, oui. Les dernières informations sont à l'effet que notre demande est encore à l'étude au bureau du ministre de la Justice et qu'il n'y a pas encore de réponse ni favorable ni défavorable, alors je n'en sais pas plus. La Commission tient toujours à mener cette enquête. Nous croyons que les récents événements à Kahnawake comme à Kanesatake démontrent encore une fois des difficultés de relations entre la police et les groupes autochtones. Nous insistons encore pour cette enquête.

Mme Harel: Dans ce cas précis, pouviez-vous nous dire, pour le bénéfice des membres de

la commission ce que serait la différence d'intervention, par exemple, entre la Commission des droits et le Protecteur?

M. Lachapelle: C'est évidemment... Vous mentionniez tantôt la diversité des recours: Protecteur du citoyen, curatelle etc., et c'est là un point extrêmement important. Je ne sais pas si un jour on pourra se pencher sur cette question. En même temps qu'il y a beaucoup de recours, il se produit aussi souvent l'effet de ce qu'on appelle la porte tournante, quelqu'un est pris dans la porte, il ne sait pas quand sortir, il ne sait pas à quel moment et quand la porte s'arrête, ce n'est jamais à la bonne place, il doit aller à l'autre et, malheureusement, il arrive très souvent qu'il n'y a aucune porte qui s'ouvre devant lui parce qu'on lui dit: Vous savez, ce n'est pas chez nous, ce n'est pas chez nous, ce n'est pas chez nous, c'est nulle part, sauf qu'il y a souvent un problème de déni de justice très important. Alors il faudrait un jour qu'on puisse se pencher sur cette question d'arrimage des différents organismes. Nous avons initié, avec le Protecteur du citoyen, la curatelle publique, la Commission de protection des droits de la jeunesse, la Commission des droits de la personne et l'OPHQ également, une concertation où nous nous rencontrons de façon régulière pour essayer justement de pallier au phénomène de la porte tournante. (15 h 30)

D'autre part, il n'est évidemment pas facile de détecter, par exemple en matière d'exploitation, à quel moment commence la juridiction, ça va bien, à quel moment elle arrête, ce n'est pas facile, et à quel moment pourrait intervenir de façon efficace le Protecteur du citoyen si jamais il avait une juridiction sur les personnes âgées dans les centres d'accueil et dans les centres hospitaliers. Ce n'est pas facile à tailler, je m'en remets un peu à la sagesse de votre commission pour essayer de tailler des lignes qui vont faire en sorte que les organismes vont s'entraider plutôt que se nuire. Là-dessus, il nous faudrait peut-être nous réunir pour démarquer chacune des juridictions des organismes. Pour moi, c'est difficile de vous dire cet après-midi la Commission arrête là et le Protecteur du citoyen devrait commencer à tel endroit.

Nous avons justement, sur ce plan, initié avec le CSS de Québec un comité sur les cas d'exploitation justement, où, très souvent, on assistait au phénomène de la porte tournante et on ne savait pas à qui s'adresser. Chacun des cas d'exploitation qui nous sont soumis est examiné par un petit comité, de manière que la bonne instance agisse au bon moment. C'est un minimum de concertation que nous avons mis en place. Peut-être que cette expérience-là pourrait nous servir justement à délimiter avec les autres organismes la juridiction de chacun.

Mme Harel: À l'égard du réseau de santé et services sociaux, vous recommandez que le responsable de troisième recours, dites-vous... Quand vous dites, vous l'appelez délégué local ou régional, je crois, hein? protecteur du citoyen local ou régional. Local, est-ce que ça signifie pour vous rétablissement?

M. Lachapelle: Non, non. Ça signifiait... Mme Harel: La région.

M. Lachapelle: Je pense que Montréal est peut-être local ou régional, je ne sais pas trop comment l'appeler. Il y a peut-être des grandes...

Mme Harel: Ah! Au niveau de la régie régionale?

M. Lachapelle: C'est ça.

Mme Harel: C'est ça.

M. Lachapelle: Oui. Oui, oui.

Mme Harel: Alors vous, vous recommandez aussi, un peu comme l'a fait l'Association des centres d'accueil, que la régie régionale, ce soit finalement un protecteur délégué du Protecteur du citoyen qui soit ce recours. Mais vous maintenez les deux autres. Vous maintenez la régie régionale aussi, le recours interne.

M. Lachapelle: Oui. Je pense que l'expérience a démontré qu'à l'interne - je ne sais pas, peut-être M. Bilocq pourrait nous en parler davantage - il y a intérêt à ce que des problèmes soient réglés localement, soient réglés au niveau même de l'institution. Il y a sûrement de nombreux problèmes qui peuvent être réglés à ce niveau-là.

Mme Harel: J'ai une petite controverse avec mon collègue, là, sur l'interprétation de votre recommandation.

M. Lachapelle: Vous allez la régler, j'imagine.

Mme Harel: Oui, oui. C'est vous qui...

M. Lachapelle: Ou bien c'est moi qui vais la régler.

Mme Harel: C'est vous qui allez l'arbitrer... M. Lachapelle: Oui.

Mme Harel: ...à l'instant même. Donc, le premier recours est un recours local, dans l'établissement, pour s'entendre sur les mots.

M. Lachapelle: C'est ça.

Mme Harel: Le deuxième, c'est la régie régionale, c'est le CRSSS. Vous maintenez ça?

M. Lachapelle: Oui.

Mme Harel: Et vous dites que, ensuite, ça devrait être un délégué du Protecteur du citoyen au niveau, si vous voulez, pour s'entendre, régional.

M. Lachapelle: C'est-à-dire qu'on dit qu'il devrait y avoir là un Protecteur du citoyen. Est-il un délégué du Protecteur du citoyen? Peu importe. Il devrait y avoir là un Protecteur du citoyen et non pas le ministre.

Mme Harel: Et, à ce moment-là, totalement, pour en assurer l'impartialité, l'indépendance, qu'il ne soit pas un salarié, j'imagine, du CRSSS.

M. Lachapelle: Bien, ce serait évidemment un problème que ce soit un salarié. C'est un problème également, à notre avis, que ce soit le ministre, malgré toute la bonne foi qu'on peut lui prêter. On imagine un problème où il pourrait y avoir des poursuites importantes intentées contre une institution, et que le ministre soit pris pour trancher ce genre de débat, ça nous apparaîtrait un peu périlleux que de lui confier cette tâche-là.

Mme Harel: Et vous recommandez, de façon particulière, pour les personnes hébergées, celles qui sont plus vulnérables, vous avez une sorte de recommandation qui est plus articulée, je pense, les concernant. Vous dites: "Que soit évaluée la possibilité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen aux hôpitaux et aux centres asilaires." Ça, ça veut dire, finalement, les centres d'accueil où les personnes hébergées sont en perte d'autonomie complète.

M. Lachapelle: Oui.

Mme Harel: Là, vous voyez le délégué du Protecteur du citoyen.

M. Lachapelle: Je vous mentionnais tantôt le cas que nous avons examiné hier à la Commission qui est un centre d'accueil privé et qui, pendant des années et des années, a fonctionné, selon nous, sur un système d'exploitation des personnes qui étaient présentes. Et, pendant des années, on a laissé le permis se perpétuer et on vient, il n'y a que quelque temps, de l'enlever. On pense qu'il y a lieu d'instaurer un système qui puisse permettre de faire des vérifications plus adéquates et qui soit un protecteur du citoyen.

Il y avait déjà tout le système du réseau des affaires sociales qui était, à notre connaissance, présent dans ce dossier-là, qui a vu évoluer pendant des années cette situation et qui n'a pu apporter de correction.

Mme Harel: Oui. La différence entre les deux, c'est que vous, vous avez le pouvoir de faire des recommandations, de faire plus encore, vous avez le pouvoir de faire des mises en demeure.

M. Lachapelle: Et de poursuivre, bien sûr, devant le Tribunal des droits de la personne, le cas échéant.

Mme Harel: Et de poursuivre aussi devant le Tribunal des droits de la personne, ce que n'a pas le Protecteur du citoyen.

M. Lachapelle: C'est ça.

Mme Harel: Et, en termes scolaires - mon collègue veut que j'insiste, avec raison - vous aviez déjà fait la recommandation, vous nous illustrez par des exemples concrets l'intérêt, finalement, d'étendre la juridiction du Protecteur aux droits des enfants ou des élèves. Ça va nous permettre de mieux échanger avec, entre autres, le Conseil scolaire de l'île de Montréal qui vient, je pense, de décider de ne pas recommander l'extension. Mais, ceci dit, c'est important. Vous, la Commission des droits, vous avez enquêté dans ces cas-là. Vous aviez juridiction aussi?

M. Lachapelle: Nous avons enquêté dans les cas, entre autres, d'intégration scolaire. Évidemment, la Commission enquête sur la base de la discrimination. Et ce n'est pas toujours facile de démontrer que c'est par discrimination qu'un élève est placé dans une classe spéciale. Nous avons, justement, avec l'Office des personnes handicapées, travaillé sur tout un dossier concernant cette question-là. Bien sûr, la juridiction de la Commission est très limitée à la question de la discrimination.

Et il faudrait peut-être que quelqu'un puisse aller enquêter sur chacun des cas qui pourraient lui être soumis, sur une classification, sur le mode de classement, sur la façon de faire d'une commission scolaire ou d'une école. Et c'est différent de la discrimination.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président. C'était sur le réseau scolaire, parce que vous êtes le premier intervenant à parler du monde scolaire, et j'ai encore en mémoire deux cas de comté où on n'a pas été capable de contester, un petit peu, la classification où les parents demandaient que l'enfant s'en aille en classe régulière malgré que la commission scolaire dise: Non, il doit aller à une classe spécialisée. Après maintes démarches, même si on peut, comme député, être considéré quand même aussi comme protecteur du citoyen, on n'a été capable de rien faire. Et je n'ai été capable de retrouver aucun recours

possible.

Et là vous me dites que vous travaillez avec l'OPHQ sur un comité conjoint. Je trouve ça formidable. Et, dans ce sens-là, vous demandez un petit peu l'extension, soit à vous, peut-être, soit au Protecteur du citoyen de regarder aux niveaux scolaire, primaire et secondaire, des cas, peut-être pas de discrimination, mais des cas comme ça, de plaintes de parents demandant à réintégrer les enfants, pas dans des classes spéciales, mais dans des classes régulières.

M. Lachapelle: Sur ce chapitre, il y aurait deux façons d'intervenir. Bien sûr, un organisme qui intervient et qui reçoit les plaintes. Mais à notre avis, avant tout cela, il y aurait lieu que le ministère de l'Éducation établisse de façon claire et précise qu'en principe les écoles séparées ou les classes séparées, ça n'existe plus et que le principe, c'est l'intégration de tous les enfants dans le système régulier, sauf vraiment de très rares exceptions, et que le fardeau de la preuve n'appartienne pas aux parents - ce qui est une tâche épouvantable, de démontrer que son enfant devrait aller en classe régulière. C'est le cas actuellement. Les parents doivent se battre pour faire cette démonstration-là - mais plutôt aux commissions scolaires. Alors, d'ici peu, nous déposerons un document sur cette question-là, mais, encore une fois, à notre avis, il faut commencer par ça. Qu'on établisse clairement ces principes-là, que c'est la classe régulière qui est la classe où devraient aller tous les enfants, sauf démonstration par les commissions scolaires du contraire, ou une école devrait démontrer le contraire.

Ensuite, bien sûr, une fois qu'on aura établi cette mécanique et ces principes, il devrait y avoir une Commission des droits de la personne ou un Protecteur du citoyen qui irait s'assurer que les mécanismes ont été suivis de façon adéquate et, lorsqu'il y a une classification, qu'elle a été faite de façon très conforme, si vous voulez, aux principes qu'on aura d'abord établis.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Juste un petit commentaire avant que je demande les questions. Je suis heureux que vous ayez soulevé, M. Lachapelle, l'importance des communautés linguistiques, la communauté d'expression anglaise, les communautés culturelles et la question des autochtones, parce que je pense, ici, que peut-être nous avons besoin d'une longue discussion sur cette question. Quand on parle d'accessibilité des services, avec le projet de loi 120 que nous sommes en train d'étudier, sur la question de la santé, nous avons discuté cette question et j'espère que nous allons mettre notre système québécois le plus accessible possible, parce que, quand on parle de la question des droits de la santé, on parle de personnes vulnérables.

Les chiffres, quand j'ai relu le rapport du Protecteur du citoyen 1989-1990, avec toute la bonne volonté du Protecteur du citoyen, j'ai vu un chiffre, sur 21 703 personnes qui ont utilisé ses services, juste 14 % parlent une langue autre que le français ou l'anglais et 5 % parlent l'anglais. Je pense qu'il n'y a aucun doute de la bonne volonté de la Commission, du Protecteur du citoyen et de tous les autres. Il y a du travail à faire, je pense, dans cette direction.

J'ai deux questions pour vous. Je pense qu'en vertu de la Charte des droits et libertés vous avez le droit et la responsabilité de faire des recommandations au gouvernement québécois sur nos lois. Quand on parle de la possibilité d'une extension du mandat du Protecteur du citoyen, est-ce que vous envisagez le même statut et les mêmes responsabilités pour le Protecteur du citoyen? Dans son rapport, il a fait quelques commentaires sur le projet de loi. Est-ce que vous pensez que c'est mieux de l'enchâsser dans notre Charte québécoise?

M. Lachapelle: Je dois vous avouer qu'en tant que Commission des droits de la personne, pour ce qui est des principes d'application de la Charte, je suis un peu neutre par rapport à cette question. Peut-être qu'en tant qu'administrateur public je pourrais vous formuler certains commentaires, mais, encore une fois, ça ne relève pas de la Charte des droits et libertés, je pense, cette question.

J'ai l'impression que si le Protecteur du citoyen était consulté avant le dépôt d'un projet de loi, bien sûr, il se sentirait peut-être lié par l'opinion qu'il donnera sur un projet de loi et il serait peut-être ensuite embêté, voyant les effets réels et en étant en contact, des fois, avec les groupes, de voir comment l'acquiescement qu'il aurait pu donner à un projet de loi est acceptable et tout à fait réaliste. Nous, on a pu le constater, à la Commission des droits de la personne; nous ne sommes pas consultés avant que les projets de loi soient déposés. Je dois vous dire que ça nous donne passablement plus de marge de manoeuvre que d'être consultés après, bien sûr. Évidemment, comme tous les projets de loi ou une très grande majorité des projets de loi concernent finalement les citoyens - là, c'est le réflexe de l'administrateur public plutôt que du président de la Commission des droits de la personne - ça va être un sacré boulot pour le Protecteur du citoyen que d'examiner toutes ces lois, d'en vérifier les impacts et de s'assurer qu'elles sont conformes à quels standards, je ne sais pas. Enfin, il va falloir qu'il se donne des standards, parce qu'il pourra toujours discuter de l'à-propos d'un projet de loi, il sera probablement bien embêté dans beaucoup de cas.

II faudrait peut-être baliser ce pouvoir. Je pense que la Commission des droits de la personne est là pour donner... Elle doit faire des commentaires sur la conformité d'une loi à la Charte. Donc là, la Commission des droits de la personne, normalement, intervient quand il s'agit de principes de la Charte. Alors il faudrait peut-être, si un tel pouvoir était donné au Protecteur du citoyen, baliser un peu ce pouvoir, de sorte qu'il ne soit pas obligé de se prononcer chaque fois qu'il y a une loi qui concerne l'ensemble des citoyens, parce qu'alors il va être obligé d'établir quasi à côté une l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui, M. le Président. Vous recommandez dans votre mémoire l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen dans différents domaines ainsi que plus d'accessibilité. Pour ce faire, pensez-vous qu'il serait nécessaire que le Protecteur du citoyen ait des bureaux dans les régions? Pour remplir ce futur mandat, est-ce qu'il serait nécessaire - là, c'est concentré ici à Québec - pour qu'il soit accessible et pour l'extension de sa juridiction, d'ouvrir des bureaux ailleurs, en province?

M. Lachapelle: Ça ne me paraît pas nécessaire, ça me paraît essentiel et, en même temps, ça me permet de repasser le message de la Commission des droits de la personne qui, malheureusement, n'est présente que dans quatre régions du Québec, qui voudrait bien être présente dans toutes les autres régions du Québec. Je pense que c'est aussi vrai pour le Protecteur du citoyen que c'est vrai pour la Commission des droits de la personne. C'est essentiel; sur les principes d'égalité de la Charte, en tout cas, chacun des citoyens devrait au moins avoir un minimum de services égal. (15 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. D'ailleurs, c'est une des rares recommandations qui n'a pas encore été entérinée entièrement par le gouvernement, la commission des institutions...

M. Lachapelle: J'imagine que ce sera bientôt.

Le Président (M. Dauphin): C'est une question... Comme vous dites, ce sera pour bientôt. J'aurais deux courtes questions, avant de se laisser. Vous nous avez dit tantôt que 36 % des plaintes qui étaient logées à la Commission des droits de la personne avaient trait à l'administration publique. Est-ce que vous avez des statistiques sur le taux de règlement, justement, des plaintes qui ont été réglées après enquête et recommandations, par rapport à la judiciarisa- tion?

M. Lachapelle: Je n'ai pas sous la main le taux de règlement, je pourrais peut-être vous le faire parvenir. Malheureusement, je ne sais pas.

Le Président (M. Dauphin): À Mme la secrétaire, parce que, comme vous savez, dans notre document de consultation, nous avions une question sur la possibilité d'ester en justice pour le Protecteur du citoyen. Et puis ce serait intéressant pour les membres de la commission d'avoir ces statistiques-là. Puis la dernière question a trait à la Commission des droits de la personne. Évidemment, comme vous savez, son personnel n'est pas nommé et rémunéré selon la Loi sur la fonction publique, donc exclu de la juridiction du Protecteur du citoyen. Comment entrevoyez-vous une juridiction du Protecteur sur la Commission des droits de la personne?

M. Lachapelle: Je pense que, en principe, la Commission des droits de la personne étant un organisme public, même si elle n'est pas régie par la loi, bien sûr elle pourrait, j'irais jusqu'à dire, bénéficier des services du Protecteur du citoyen. Je ferais peut-être cependant certains bémols.

D'abord, je dois vous dire que, à la Commission des droits de la personne, nous avons désigné, à l'intérieur de nos effectifs, ce qu'on a appelé un responsable de la qualité des services. Ça nous apparaît peut-être plus positif qu'un protecteur et un préposé aux plaintes, alors on l'a appelé le responsable des services à la clientèle. Donc, je disais que oui, bien sûr, la Commission des droits de la personne, comme d'autres organismes publics, devrait être soumise à la juridiction du Protecteur du citoyen. De la même manière, d'ailleurs, que le Protecteur du citoyen, s'il y avait des plaintes contre son organisme, doit répondre devant la Commission des droits de la personne. Je ferais peut-être une distinction toutefois, quand il s'agit des décisions mêmes de la Commission, qui sont les décisions de saisir ou pas le tribunal, de rejeter ou pas une demande, à mon avis, ces questions-là ne devraient pas être soumises à l'autorité du Protecteur du citoyen. On voit un peu quelle sorte de conflits ça pourrait apporter, si nous autres on décide de saisir le tribunal ou de ne pas saisir, que le Protecteur du citoyen intervienne lui aussi dans ce même processus. Ça créerait, je pense, des embêtements qu'on comprendra facilement. Toutefois, sur le processus administratif qui mène à une telle décision, sur la question des délais, sur la question du traitement des citoyens, de la clientèle, je pense que la Commission n'a pas d'objection à...

Le Président (M. Dauphin): En terminant, une minute, M. Bilocq, vous vous êtes occupé de traitement de plaintes dans un conseil régional.

Étant donné que le temps, évidemment, nous est très très calculé, limité, pouvez-vous nous dire en une minute comment a été l'expérience? Puisque plusieurs groupes nous ont dit qu'au conseil régional ils étaient souvent juge et partie, ils avaient à déterminer la qualité des soins, la qualité des services, et en même temps avaient à juger des plaintes contre les mêmes services, en une minute, est-ce vrai?

M. Bilocq (Marc): Oui, je pense que s'il y a quelque chose que je retiens de cette expérience-là, même si elle date de quelques années, et même si le problème était loin d'être quotidien, il y a tout de même des situations où on devait prendre des positions qui allaient compromettre l'harmonie nécessaire au fonctionnement du réseau. Je pense que ce n'est pas à dédaigner du tout, et c'est pour ça, je pense, que la Commission était favorable à avoir une instance externe indépendante. Je pense qu'il faut que quelque part, dans le système, il y ait cette indépendance-là, mais que, d'une manière antérieure à tout ça, il y ait possibilité que dans le réseau certaines plaintes puissent être traitées par le réseau, parce que les décideurs qui peuvent corriger les situations doivent être informés des situations problématiques; ça, c'est tout à fait sain, aussi. Il doit y avoir des deux, c'est-à-dire une possibilité de corriger administrativement les choses qui peuvent l'être, mais il y a des choses ou des situations qui se développaient qui donnaient droit, je pense, à des réparations ou à des compensations, et ça, ça doit sortir de ce système-là, je pense.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci beaucoup. Alors, Me Lachapelle, M. Bilocq, au nom des membres de la commission, merci beaucoup de votre participation à nos travaux et bon retour.

Je demanderais maintenant au Conseil des Atikamekw et des Montagnais de s'avancer.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au Conseil des Atikamekw et des Montagnais et je crois qu'au centre c'est M. Picard, alors je vais demander à M. Picard de présenter les personnes qui l'accompagnent et de procéder ensuite à l'exposé d'une durée d'environ 15 minutes:

Conseil des Atikamekw et des Montagnais

M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup. Bonjour, M. le Président, bonjour, Mmes et MM. membres de la commission. A ma droite, j'aimerais présenter M. Ernest Ottawa, qui est vice-président pour les communautés attikameks qui sont représentées par notre Conseil, et, à ma gauche, Me Alain Bissonnette, qui remplit le rôle d'aviseur légal pour notre organisation également.

Évidemment, le mémoire que notre Conseil a déposé est quand même assez élaboré. Donc, ce qu'on va se permettre de faire plutôt, c'est un peu de fouiller au travers du mémoire, puis essayer de ressortir pour vous, pour votre bénéfice, lessentiel de notre message.

Bien que notre organisation fonde sa raison d'être d'abord sur un objectif ultime, qui est la conclusion d'une entente satisfaisante relative à nos revendications globales, nous avons accepté de répondre à l'invitation de la commission des institutions en vous présentant le mémoire que vous avez devant vous.

Évidemment, on peut être plus ou moins apparenté avec le rôle du Protecteur du citoyen et, évidemment aussi, ce rôle peut aller en s'accentuant dans le futur, dépendamment de la conclusion des discussions que nous avons avec les deux niveaux de gouvernement actuellement. Ce que nous avons voulu relever surtout dans notre mémoire, c'est qu'il comprend deux parties qui, à nos yeux, sont importantes. La première touche directement le rôle du Protecteur du citoyen et, à ce chapitre, notre organisation propose de créer une nouvelle fonction, celle de vice-protecteur du citoyen et de nommer à cette fonction au moins une personne qui ait une bonne connaissance des langues et des cultures autochtones. Nous proposons également que le Protecteur du citoyen embauche, soit à titre d'adjointes, soit à titre d'employées, des personnes ayant une semblable connaissance du mode de vie des populations autochtones. À notre avis, c'est là la meilleure façon pour le gouvernement du Québec de s'assurer que les services du Protecteur du citoyen seront offerts et fournis en toute égalité à nos membres, aux membres des peuples et nations autochtones résidant au Québec.

La deuxième partie de notre mémoire traite surtout de l'obligation particulière du Protecteur du citoyen envers les peuples ou nations autochtones vivant au Québec ou utilisant une partie du territoire du Québec. Cette obligation découle, à notre avis, du caractère particulier ou distinct des peuples ou nations autochtones du Canada. Un long exposé sur l'état de la jurisprudence la plus récente en matière de droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada cherche à dégager les traits caractéristiques de l'obligation de fiduciaire envers les peuples autochtones qui, à notre avis, incombe à tous les gouvernements, qu'ils soient fédéral, provinciaux ou territoriaux.

Donc, je vais tout de suite sauter à la conclusion de notre mémoire qui résume assez bien nos positions. Nul n'est besoin de rappeler les tristes événements de l'été dernier pour faire comprendre qu'il y a lieu de favoriser au maximum une approche systémique et concertée dans le domaine encore si mal connu des droits des peuples autochtones du Canada. Non seulement faut-il assurer une étroite collaboration entre toutes les instances gouvernementales susceptibles d'être responsables, à un titre ou à un

autre, d'une situation où les droits des peuples ou nations autochtones sont en cause, mais il faut également assurer de la part des divers ombudsmans, fédéral ou provinciaux, une approche qui tienne compte de la situation globale des peuples autochtones. Il est, en effet, impossible de vraiment protéger les droits de ces peuples si on ne procède que cas par cas. Il faut plutôt veiller à agir en fonction des droits collectifs des autochtones vis-à-vis l'ensemble des lois, règlements, directives et politiques des gouvernements.

Tous en conviendront, la tâche à accomplir est énorme, compte tenu du fait que plusieurs lois, tant fédérales que provinciales, peuvent porter atteinte à un moment ou à un autre aux droits ancestraux ou issus de traités des peuples ou nations autochtones du Canada. Elle risque également d'être difficile à accomplir dans la mesure où il s'agit d'un domaine entièrement nouveau du droit public canadien, susceptible, par conséquent, de susciter d'inépuisables controverses.

Le recours souple, généralement efficace et gratuit que constituent, au Québec, les interventions du Protecteur du citoyen auprès de l'administration publique québécoise, devrait permettre d'éviter la commission d'injustices ou d'iniquités envers les peuples ou nations autochtones, et ce, tout en échappant à la judiciarisation excessive de ce nouveau domaine du droit public canadien. Afin d'assurer que cet objectif soit atteint dans les meilleurs délais, nous réitérons notre suggestion, déjà exprimée dans la première partie de notre mémoire, de veiller à ce qu'au moins une personne ayant une bonne connaissance des langues, des cultures et des droits des autochtones soit nommée à la nouvelle fonction de vice-protecteur du citoyen et qu'au moins quelques personnes possédant ces mêmes connaissances soient embauchées à titre d'employés ou d'adjoints au Protecteur du citoyen.

Quant à toutes les autres suggestions que nous avons formulées dans la première partie du mémoire relativement au mandat, aux orientations, aux activités et à la gestion du Protecteur du citoyen, elles s'appliquent également à cette suggestion que nous faisons maintenant de nommer un vice-protecteur du citoyen ainsi que des employés ou adjoints au Protecteur du citoyen chargés d'assurer, au sein de l'administration publique québécoise, le plein exercice des droits existants ancestraux et issus de traités des peuples ou nations autochtones en rapport privilégié avec l'État québécois. (16 heures)

La volonté exprimée, en 1985, par l'Assemblée nationale du Québec de poursuivre un dialogue ouvert avec les peuples ou nations autochtones se voit aujourd'hui interrogée. Va-t-elle, oui ou non, se concrétiser et assurer, notamment grâce aux possibles interventions du Protecteur du citoyen, la pleine reconnaissance des droits des autochtones? Une réponse négative à cette question, fondamentale pour nous, ne serait certes pas sans conséquence. En effet, comment serait-il alors possible de croire qu'au Québec les peuples ou nations autochtones sont mieux traités que partout ailleurs, comme on se plaît si souvent à l'affirmer à certaines tribunes publiques québécoises? Comment serait-il permis d'accorder du poids à la motion adoptée en 1985 par l'Assemblée nationale du Québec, si celle-ci n'estimait utile de créer un mécanisme souple et gratuit, permettant de veiller aussi efficacement que possible, et de façon préventive, aux éventuelles atteintes, par son administration publique, ses fonctionnaires et ses sociétés d'État, aux droits fondamentaux des peuples ou nations autochtones?

Et, enfin, comment les représentants de ces peuples pourraient-ils accorder foi, confiance et énergie aux négociations entreprises avec le gouvernement du Québec afin de conclure soit des ententes globales, soit des ententes sectorielles visant à assurer, au Québec, l'exercice de leurs droits fondamentaux, si ce même gouvernement tergiversait sur son obligation constitutionnelle d'agir, dans ses propres domaines de compétence, en qualité de fiduciaire à l'égard des peuples ou nations autochtones?

Chose certaine, il est clair pour nous que la volonté du gouvernement du Québec à cet égard aura des répercussions immédiates sur notre projet de société. Comme nous l'indiquions en introduction, notre projet de société vise à assurer l'existence et le maintien de notre rapport privilégié à notre territoire ancestral ainsi qu'à protéger notre culture dans un contexte contemporain. Nous sachant voués au changement, nous estimons encore préférable jusqu'à maintenant de moins nous comparer à notre récent passé, où de multiples injustices et iniquités ont été commises contre nous, qu'à nous mesurer à nos ambitions profondes. Nous acceptons encore de juger, selon ce même critère dynamique et ouvert, les gouvernements et les peuples avec qui nous cherchons à conclure des ententes mutuellement satisfaisantes. Mais, si nous devions en arriver à la conclusion que le gouvernement du Québec, par exemple, n'entend pas respecter nos droits, satisfaire nos besoins ni partager nos ambitions, nous serions alors placés devant une obligation incontournable, celle de devoir reconsidérer nos stratégies et nos alliances.

Si, jusqu'ici, nous avons toujours agi en espérant le mieux de ce gouvernement, représentant, comme nous, d'une minorité dont l'existence demeure toujours menacée en Amérique du Nord, nous nous estimons, aujourd'hui, en droit d'exiger de sa part des signes concrets de sa solidarité.

En terminant, nous nous permettons de lui rappeler une vieille maxime qu'il ne peut ignorer: "L'égalité exige que la loi aide le plus faible."

Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges. Je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi un commentaire sur votre mémoire pour vous dire que c'est définitivement le mémoire le plus complet que nous ayons reçu depuis le début de nos travaux hier matin. Je crois que vous êtes le douzième groupe que nous entendons. C'est définitivement le mémoire qui aborde le plus exhaustivement toutes les questions que la commission vous avait transmises.

D'autre part, un commentaire également pour vous dire que c'est - tantôt, on a eu le président de la Commission des droits de la personne qui vous précédait, et on retrouve ça très souvent, je ne lui en fais pas grief, il est ici avec nous d'ailleurs. Je suis contente qu'il y soit pour entendre mon commentaire - très fréquent de retrouver sous le même vocable, sous la même tête de chapitre ou de paragraphe, communautés culturelles, anglophones, allophones et autochtones, comme si ça participait de la même problématique. En lisant votre mémoire, j'ai compris, et j'aimerais le partager avec mes collègues, qu'il est très important de bien distinguer, par exemple, que la minorité anglophone a à l'appui de sa culture et de sa langue je ne sais trop combien de canaux de télévision et de radio, etc., et que, d'autre part, les membres des minorité» culturelles - et là je ne parle pas des nouveaux arrivants à qui on peut offrir, au moment de l'accueil, des services dans leur langue, mais des membres des minorités culturelles qui sont des Québécois résidents - ont un droit absolument égal à ceux des Québécois de souche d'obtenir des services de qualité, mais non d'obtenir des services de qualité dans leur langue. Ça je pense qu'il en est ainsi lorsqu'on souhaite que le français soit la langue d'usage et la langue officielle pour tous les Québécois, et que, finalement, les seuls qui peuvent invoquer le droit strict de recevoir non seulement des services de qualité, mais des services de qualité dans leur langue, en fait, ce sont les nations autochtones.

Et, parce que vous nous le rappelez, d'ailleurs, dans votre mémoire, à la page 9, quand vous dites: "Les rapports entre les populations autochtones et l'administration publique vont en s'amplifiant depuis quelques années et; ils devraient même s'accélérer..." Alors, c'est un peu comme la toile de fond de la problématique, une sorte d'accélération des rapports entre l'administration dans toutes ses composantes et les nations autochtones. Vous nous dites, à la page 7: II ne faudrait pas que la leçon de ces relations plus importantes entre nous et l'admi- nistration publique, ce soit qu'il faille parler français, donc, que ce soit une sorte d'accélération de l'assimilation. Si on est pour avoir plus de contacts, ce n'est pas pour accélérer l'assimilation. Alors, c'est un peu ce que je retiens de la toile de fond de la proposition que vous faites, qui est celle de la nomination d'un vice-protecteur du citoyen. Alors, est-ce que je comprends bien que c'est là la problématique qui vous anime?

M. Picard: Je pense que vous venez justement de cerner le point fondamental de notre présentation, qui concerne justement, entre autres, les services équitables dans nos langues autochtones. Et, d'ailleurs, à titre d'exemple, nous assurons nous-mêmes déjà, par le biais de transfert de responsabilités du gouvernement fédéral, entre autres, des services qui sont extérieurs aux communautés et qui sont assurés aux membres de nos communautés dans leur langue. Il en va ainsi, par exemple, pour fa justice où on a un service d'interprète, de gens qui oeuvrent au niveau du parajudiciaire et dont le rôle est de justement, comment dirais-je, rendre moins difficile le lien entre la justice québécoise, par exemple, et nos membres.

Et on a des services également au niveau de la santé et des services sociaux où, évidemment, parce que les infrastructures sont inexis-tances dans les communautés, bien souvent les gens doivent aller à l'extérieur pour avoir des services plus spécialisés. Donc, à ce niveau-là, notre organisation fournit déjà des services.

Mme Harel: Et ça, c'est financé à même les subventions du fédéral?

M. Picard: Actuellement, oui, c'est ça. C'est des transferts de responsabilités, disons. C'est notre organisation qui est allée chercher une certaine prise en charge de certains programmes initialement administrés par le fédéral, et qui sont maintenant administrés... De plus en plus, on est aussi en charge des orientations de ces programmes-là.

Mme Harel: Et ce sont des programmes dans des secteurs comme la santé, par exemple, ou les services sociaux?

M. Picard: La santé, l'éducation, la justice et les services sociaux également.

Mme Harel: Alors ce sont des programmes de juridiction québécoise.

M. Picard: Non, il y a... C'est surtout dans l'application de ces programmes-là où, par exemple, il peut y avoir des contrats avec certains services du gouvernement du Québec en matière de services sociaux, entre autres. Actuellement, c'est les programmes qui étaient

administrés par le ministère des Affaires indiennes, au niveau du fédéral. Et, évidemment, dans l'application des programmes, dans la fourniture des services, à ce moment-là, nos responsables au niveau des communautés sont souvent appelés à conclure des contrats de services avec certaines institutions québécoises.

Mme Harel: Bon, là, ce que vous demandez, c'est un virage à 180° parce qu'à la page 10 du mémoire vous rappelez que, dans son rapport annuel et celui de l'année précédente, "le Protecteur du citoyen s'est vu refuser tout budget pouvant lui permettre de mieux remplir son mandat en recrutant du personnel émanant des populations autochtones". Et vous rappelez que le seul recours du Protecteur, compte tenu du refus à sa demande de budget, a été de faire part publiquement de cette situation, et ce sans aucun résultat tangible. Alors on part, donc, d'une situation où le Protecteur a l'air, en tout cas, d'être assez intéressé à mettre en place un certain nombre de services pour les populations autochtones. Vous nous dites qu'il faudrait un vice-protecteur nommé spécifiquement pour l'ensemble de ces questions-là.

Moi, je voudrais bien vous entendre sur la proposition que les protecteurs provinciaux avaient faite au premier ministre du Canada; ils appelaient ça un ombudsman ou un commissaire parlementaire. Pour eux, l'un était équivalent de l'autre. Ce poste, eux le souhaitaient, finalement, dans une résolution adoptée à leur congrès annuel d'ombudsmans provinciaux. Ils considéraient que les multiples problèmes non encore réglés, qui demeurent caractéristiques des relations entre les peuples autochtones et le Canada - en l'occurrence, c'est une recommandation qu'ils faisaient à Ottawa... Donc, ces multiples problèmes les amenaient à proposer ta nomination d'un tel ombudsman ou commissaire qui contribuerait au rapprochement et au dialogue des parties en cause. Cet ombudsman sectoriel pourrait procéder à des enquêtes de façon objective et impartiale et faire périodiquement rapport au Parlement, selon qu'il le jugerait utile.

Je ne sais pas, M. le Président, si je peux déposer la lettre, à moins que vous l'ayez déjà fait distribuer à tous les membres de la commission. Est-ce que le vice-protecteur que vous envisagez au Québec a un rôle différent à jouer que celui qui était prévu dans cette résolution des protecteurs provinciaux? Est-ce que vous envisageriez, par exemple, un commissaire parlementaire chargé de faire enquête et, également, de faire périodiquement rapport au Parlement, ou vous distinguez les deux propositions?

M. Picard: Je vais laisser la parole à Me Bissonnette.

Le Président (M. Dauphin): Me Bissonnette.

M. Bissonnette (Alain): Bonjour, MM. les membres de la commission. Dans la proposition qui est faite - messieurs et mesdames, pardon - on vise essentiellement à faire en sorte que le Protecteur du citoyen puisse, au Québec, vraiment s'assurer de rendre tous les services qui sont actuellement offerts à l'ensemble de la population en toute égalité, également aux populations autochtones. Le moyen par lequel nous pensons qu'il sera possible d'y arriver, c'est la nomination notamment d'un vice-protecteur du citoyen, mais également d'adjoints ou d'employés au sein même de l'administration du Protecteur du citoyen. À notre avis, la seule façon de corriger la discrimination systémique, c'est de mettre en place des personnes qui connaissent les communautés autochtones, qui peuvent s'adresser à elles et à qui cette population peut s'identifier.

Cela étant dit, le rôle du Protecteur du citoyen, nous en avons traité dans son ensemble. On parte de tout ce qu'il doit faire comme Protecteur du citoyen, en assumant que le vice-protecteur, bien sûr, va agir de façon particulière à l'égard des autochtones. Lorsqu'on parie également de la nomination de l'ombudsman fédéral chargé d'aider pour tout différend concernant les autochtones, c'est tout à fait complémentaire, dans la mesure où, comme vous le savez, c'est d'abord le gouvernement fédéral qui est responsable, au plan constitutionnel, des Indiens et des terres réservées aux Indiens. Donc, il y a beaucoup de questions qui concernent directement le gouvernement fédéral. Mais il y a également une situation que vous connaissez bien, pour les personnes parmi vous qui sont juristes, c'est que plusieurs des lois provinciales ont inévitablement des répercussions sur les droits des populations autochtones. (16 h 15)

Dans ce sens, nous avons argumenté dans le mémoire que l'obligation de fiduciaire, qui a été très clairement identifiée dans l'affaire Sparrow, concerne non seulement le gouvernement fédéral, mais également les gouvernements provinciaux. Dans cette mesure, les provinces doivent s'assurer qu'en tout ce qui concerne leurs propres lois, lorsque ça touche ou ça peut porter atteinte aux droits des populations autochtones, elles doivent elles aussi agir en qualité de fiduciaires, elles doivent donc protéger les intérêts des autochtones. Et ce que nous disons, essentiellement, c'est qu'il doit y avoir concertation dans ce domaine, aussi bien du côté du fédéral que du côté des provinces. Je ne vais pas vous rappeler les événements de l'été dernier, tout le monde, vous êtes conscients qu'il fallait, je pense, que les gens qui ont une responsabilité qui découle jusqu'à présent, tant que nous sommes dans ce régime constitutionnel, du fédéral, il devait, il aurait dû y avoir un ombudsman au niveau fédéral, peut-être pour obliger le fédéral à agir un peu plus dans ce domaine, l'été dernier.

Comme il doit y avoir un ombudsman, un protecteur du citoyen ou un vice-protecteur qui agit au sein des juridictions du Québec. Alors tout ça est compatible, est tout à fait compatible, et le fait de nommer un commissaire parlementaire, si on veut l'appeler ainsi, à Ottawa n'enlève en rien l'obligation de fiduciaire ni le mandat général du Protecteur du citoyen au Québec à l'égard des populations autochtones au Québec.

Mme Harel: Est-ce qu'il serait compatible qu'il y ait également un commissaire parlementaire à Québec, même s'il y avait nomination d'un vice-protecteur du citoyen?

M. Bissonnette: Écoutez, l'esprit de notre mémoire, c'est plutôt de veiller à ce que l'actuel Protecteur du citoyen voie son mandat élargi. Je pense que dans la première partie du mémoire on vous a indiqué qu'on a répondu à chacune des questions que vous aviez soulevées, en le faisant de bonne foi, sans être des experts sur ces questions. Ce qu'on pense, c'est que l'actuel Protecteur du citoyen, comme institution, nous semble valable. Et nous visons plutôt à élargir son mandat, à assurer une plus grande indépendance, également, envers le Conseil du trésor, notamment. Dans ce sens-là, on n'a pas pensé à la création...

Mme Harel: D'accord.

M. Bissonnette: ...d'un nouveau mécanisme, mais on a voulu élargir plutôt son mandat.

Mme Harel: Je ne voudrais pas, compte tenu du peu de temps à notre disposition, qu'on n'en ait pas suffisamment pour aborder, donc, l'obligation particulière que vous attribuez au Protecteur du citoyen. Vous nous dites que la nomination d'un vice-protecteur, ce serait pour faciliter le service aux populations autochtones. Mais est-ce que ce serait également pour faire en sorte que l'obligation particulière que vous attribuez au Protecteur du citoyen... Vous lui attribuez, finalement, celle, si j'ai bien compris, de vérifier d'une façon assez systémique, non seulement systématique, mais de vérifier si les lois et règlements ont des effets du type d'extinction de droits ou de traités de droits issus des traités, ou des droits ancestraux. En fait, c'est un véritable cours de droit autochtone qu'on peut lire de la page 16 à la page 35, avec toute la jurisprudence, puis la démonstration que vous nous faite, c'est qu'il y a toujours deux questions à poser. D'ailleurs, vous les spécifiez, vous indiquez que... C'est au Protecteur que vous attribuez cette responsabilité de poser ces deux questions, à savoir: Est-ce que la loi a pour effet de porter atteinte à un droit ancestral existant? Et, deuxième question: Est-ce que la loi constitue une réglementation légitime d'un droit ancestral garanti par la Constitution? Est-ce que c'est bien à ce vice-protecteur que vous confieriez cette tâche-là?

M. Bissonnette: Ce que nous avons tenté de démontrer le plus simplement possible dans le mémoire - mais je comprends que ce n'est pas toujours facile - c'est la chose suivante: II nous semble, d'après la loi, que les fonctionnaires ont entre autres comme obligation, comme devoir, d'identifier des lacunes qui peuvent exister dans des normes qui existent, que ce soit au Québec ou ailleurs. Prenons le cas du Québec. Alors, à notre avis, il appartient d'abord aux fonctionnaires de l'État québécois de veiller à ce que l'obligation de fiduciaire concernant les peuples autochtones soit respectée. En termes concrets, s'il existe une loi qui permet d'accorder des contrats d'approvisionnement en produits forestiers, les fameux CAAF, je pense, et c'est ce que nous plaidons, que les fonctionnaires de l'État québécois doivent s'assurer que cette loi particulière ne porte pas atteinte. C'est moins exigeant que de demander si cette loi éteint. On ne dit pas... Ce n'est pas ça. Si ça porte atteinte aux droits des peuples autochtones, d'abord les fonctionnaires doivent veiller à bien analyser les lois québécoises et aussi s'assurer que l'application de la loi ne va pas porter atteinte aux droits des autochtones. C'est la première étape.

Mais s'il arrivait, malencontreusement, que les fonctionnaires de l'État québécois ne remplissent pas bien ce rôle, ce que nous prétendons, c'est que nous devrions pouvoir demander au Protecteur du citoyen d'intervenir dans cette situation, comme ça se fait ailleurs, pour veiller à assurer une qualité de service à l'égard des autochtones. Voyez-vous, c'est tout simplement ce qu'on demande.

Mme Harel: Et ça, c'est en vertu de l'obligation fiduciaire que le Québec détient compte tenu des jurisprudences récentes.

M. Bissonnette: Oui, d'après nous.

Mme Harel: Pour donner un exemple que je connais, à l'aide sociale, on peut, non pas simplement demander un examen sur un cas particulier, mais aussi faire valoir qu'il y a une mauvaise interprétation d'un règlement ou qu'une directive n'est pas conforme à un règlement. Alors, vous, vous dites, par exemple, qu'il pourrait y avoir un examen du fait que tel règlement n'est pas conforme à l'obligation fiduciaire de respecter les droits issus des traités ou des droits ancestraux. C'est ça que vous dites?

M. Bissonnette: Oui. Nous disons que ça appartient dorénavant, depuis l'affaire Sparrow, à tous les gouvernements. Évidemment, je suis à peu près persuadé que les procureurs du ministère de la Justice pourront un jour aller plaider

devant les tribunaux que ça ne s'applique pas au gouvernement provincial. Mais nous pensons que nous pouvons, à partir de l'affaire Sparrow, conclure que tous les gouvernements, non seulement le fédéral, dès l'instant que c'est dans le cadre de leur compétence, ont une obligation fiduciaire à l'égard des droits des peuples autochtones et qu'à cet égard les fonctionnaires de l'État québécois doivent veiller à s'assurer que cette obligation soit respectée.

Mme Harel: Alors, une dernière question: Pourquoi le Protecteur du citoyen et pas la Commission des droits de la personne?

M. Bissonnette: Parce qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un cas de discrimination. Il peut arriver qu'un fonctionnaire croie, de bonne foi, que l'obligation de fiduciaire ne s'applique pas dans une situation, qu'il n'ait pas conclu cela par discrimination démontrable à la Commission des droits de la personne. Par contre, nous pensons que, du simple fait des devoirs qui incombent à ce fonctionnaire, devoirs que le Protecteur du citoyen, lui, veille à faire respecter, à ce moment-là on dit: Ce n'est pas une question de discrimination en tant que telle, c'est simplement que le fonctionnaire doit remplir sa tâche. Dans sa tâche, à notre avis, il doit souligner les lacunes qui peuvent exister, à un moment ou à un autre, dans le cadre de la législation ou de la réglementation. S'il ne remplit pas ce devoir, c'est au Protecteur du citoyen de veiller à ce que, comme citoyens, les autochtones aient un bon service. Nous pensons que c'est à lui d'intervenir auprès de l'administration publique québécoise et de veiller à régler le conflit, parce que sinon, vous le savez comme moi, ce qu'il faudra faire, c'est aller devant les tribunaux et ça prendra sept à huit ans avant d'en arriver à avoir un jugement de la Cour suprême nous disant que, non, on n'a pas respecté l'obligation de fiduciaire. Alors, le recours efficace, gratuit et rapide du Protecteur du citoyen sera drôlement intéressant, et pour toutes les parties, je tiens à le souligner.

Ce serait intéressant également pour l'État québécois de bien démontrer à l'ensemble de la société que son obligation est respectée.

Mme Harel: Mais le Protecteur du citoyen n'a qu'un pouvoir moral et il n'a pas comme la Commission des droits de la personne le pouvoir de poursuite devant le tribunal. Je sais que dans votre mémoire, j'ai bien lu, vous proposez qu'il en soit autrement. Mais je me suis vraiment demandé... Moi, je souhaite beaucoup que la commission, dans ses recommandations finales, retienne cette idée d'un vice-protecteur aux questions autochtones. Pour ce qui est de l'obligation particulière, pour ce qui est de l'obligation générale que vous faites au Protecteur, j'y souscris complètement, mais je me suis demandé si c'était au Protecteur qu'on devait demander quelque chose comme ça, ou bien si ce n'était pas à la Commission des droits, en modifiant finalement son mandat.

M. Bissonnette: La réponse, c'est qu'aujourd'hui on étudie le mandat du Protecteur du citoyen.

Mme Harel: Alors, c'est parce que c'est une occasion qui vous était donnée de le...

M. Bissonnette: Non, mais je vous ai expliqué l'argumentation. Je pense qu'elle se tient.

Mme Harel: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Vous mentionnez dans votre mémoire que les autochtones n'utilisent pas les services du Protecteur du citoyen pour différentes raisons, soit qu'ils ne sont pas informés, puis pour des questions linguistiques, et ainsi de suite. Puis vos recommandations sont à l'effet de créer une nouvelle fonction, soit le vice-protecteur du citoyen ainsi que d'embaucher différents adjoints pour aider à corriger la situation. Certains organismes ont également fait mention de la barrière géographique qui limite l'accès des populations autochtones au Protecteur du citoyen. C'est une question que j'ai demandée à d'autres organismes et que je vous demande à vous aussi: À ce moment-là, est-ce que vous recommandez que le vice-protecteur ou les personnes qui seront embauchées s'installent nécessairement dans les régions des autochtones? Qu'est-ce que vous préconisez pour ça?

M. Picard: On n'a pas vraiment parte de ces aspects-là, je pense, dans le mémoire, tes aspects géographiques ou les aspects d'une meilleure accessibilité au service lui-même, mais ça pourrait être envisageable dans certains cas, justement par rapport à l'isolement de beaucoup de nos communautés. Puis, évidemment, là encore, on dit que les autochtones ont plus ou moins utilisé les services du Protecteur du citoyen justement à cause d'une méconnaissance du service lui-même et peut-être aussi à cause d'une certaine limitation au niveau des relations et des liens entre l'administration publique québécoise et les membres de nos communautés. Comme je le disais tout à l'heure, ça, évidemment, ça risque de s'amplifier dans le futur dépendamment des résultats que nous connaîtrons dans les discussions que nous avons en ce moment avec le gouvernement du Québec. À ce moment-là, nos membres, finalement, devraient au moins avoir accès à un service minimum. Il y a peut-être certaines innovations aussi qu'on peut apporter

au service même du Protecteur du citoyen en matière d'accessibilité aux services. Est-ce qu'il ne serait pas pensable, par exemple, de penser à un vice-protecteur qui aurait une certaine fonction itinérante, par exemple dans son travail? On peut peut-être y songer.

M. Kehoe: Quand vous parlez des employés, des engagements des personnes, des différents employés qui parlent la langue, qui comprennent les cultures ainsi de suite, bien sûr, j'imagine que ça prend un programme d'information auprès des autochtones eux-mêmes, qu'ils soient informés que ce service est maintenant disponible dans leur langue et dans leur communauté. C'est dans cet aspect que je me demande de quelle manière vous allez faire ça, informer la population qu'à partir d'une certaine date... Admettons que vos recommandations sont acceptées et que le vice-protecteur est nommé, j'imagine que, pour mettre ces personnes en contact avec des citoyens, des autochtones, il faut quand même qu'une certaine information soit donnée aux autochtones que maintenant le service est disponible. (16 h 30)

M. Picard: Oui, évidemment. Je pense qu'il est évident que c'est un travail qui devra se faire. Je pense que notre Conseil, à ce niveau-là, a toujours démontré une ouverture de coopération pour ce type de relation là.

M. Kehoe: C'est bien évident que le besoin est là. Les services du Protecteur du citoyen qui ne sont pas utilisés maintenant, comme vous l'avez dit dans votre mémoire...

M. Picard: Exactement, oui.

M. Kehoe: Et, s'ils sont disponibles, il faut bien informer la population autochtone qu'à partir d'une certaine date ils sont disponibles dans leur langue.

M. Picard: Exactement, oui. M. Kehoe: C'est ça. O.K.

M. Picard: Comme ça se fait déjà d'ailleurs dans d'autres services.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, je vais me permettre certaines questions. Tout d'abord, je suis très heureux que vous ayez accepté notre invitation de venir témoigner devant cette commission pour sensibiliser davantage les parlementaires aux revendications autochtones en général et plus spécifiquement au mandat que nous avons actuellement relativement au Protecteur du citoyen. Pour un, je suis d'accord évidemment non seulement avec vous, mais également avec le groupe qui vous a précédés sur une façon de s'implanter davantage comme institution, je parle du Protecteur du citoyen, auprès des nations autochtones. Je sais pertinemment que c'est intimement relié à la façon d'obtenir des budgets. D'ailleurs, vous vous êtes exprimés là-dessus. C'est que le Protecteur du citoyen doit faire ses demandes au Conseil du trésor plutôt qu'à l'Assemblée nationale, contrairement aux deux autres... Parce que, comme vous savez, le Vérificateur général et le Directeur général des élections, dans le règlement de l'Assemblée nationale, eux, ont recours à l'Assemblée nationale. En pratique, c'est le Bureau de l'Assemblée nationale, pour avoir des budgets, tandis que le Protecteur, lui, fait exception aux deux autres et doit recourir au Conseil du trésor. Alors, c'est sûr que, comme commission et comme recommandation, j'ai l'impression que non seulement, parmi tous les groupes, ça fait l'unanimité sauf un, de mémoire, mais je pense que, comme parlementaires également, ça fait l'unanimité. Ça va permettre, j'en suis persuadé, dans le cas qui nous est spécifique actuellement, au Protecteur du citoyen de pouvoir percer davantage les nations autochtones, le cas que nous avons devant nous aujourd'hui.

Ensuite de ça, je suis heureux aussi de voir que le Conseil se sert beaucoup des instruments démocratiques, parce que Mme Harel et moi siégeons sur une autre commission en parallèle, la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel. Je sais que le Conseil est venu devant la Commission dans différents endroits du Québec.

Maintenant, pour revenir plus spécifiquement à notre mandat, vous nous proposez d'élargir la juridiction du protecteur, non seulement en matière de santé et de services sociaux, mais également au niveau des municipalités, de tous les organismes paragouvememen-taux. La question, peut-être pour Me Bissonnette: En matière de santé et de services sociaux, depuis deux jours on a parlé évidemment d'un recours au Protecteur du citoyen, un recours externe, un recours neutre, impartial, mais d'un troisième niveau dans la plupart des cas. Comme Conseil, vous autres, est-ce que vous avez réfléchi là-dessus, est-ce que vous voyez ça comme un recours de première ligne, le recours au Protecteur du citoyen, ou à d'autres niveaux? Ou M. Picard, si...

M. Bissonnette: M. le Président, on vous a aussi indiqué dès le départ que les réponses que nous apportions à chacune des questions qui avaient été soulevées par votre commission étaient des réponses faites de bonne foi, sans que nous connaissions en détail certains des mécanismes particuliers. Je dois vous indiquer tout de suite qu'en matière de santé et de services sociaux nous n'avons pas élaboré là-dessus. On a simplement dit: Écoutez, il nous paraît essentiel d'étendre aux municipalités, à toutes les institutions paragouvernementales la

juridiction du Protecteur du citoyen. Mais notre argument est simple, c'est que, dans la mesure où ce mandat du Protecteur vise à garantir à l'ensemble des citoyens l'exercice de leurs droits face à l'ensemble de l'appareil étatique, bien, on s'est dit: Écoutez, aussi bien l'étendre à tout ce qui vraiment constitue l'appareil étatique. Mais je vous le souligne tout de suite, on ne connaît pas en détail ce que vous connaissez mieux que nous, j'imagine, à l'égard du système particulier du réseau de la santé et des services sociaux. Et, à moins que mes collègues, eux, aient une réponse plus précise, je dois vous avouer que notre argumentation est d'ordre très général à cet égard.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Parfait. J'aimerais...

M. Bissonnette: Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui. Allez-y.

M. Bissonnette: J'aimerais simplement revenir à une question qui a été soulevée par Mme Harel tout à l'heure concernant... Je ne sais pas si elle a voulu référer à l'idée de créer un comité spécial parlementaire. Il y a une des questions où on a, tout en parlant du recours qui devrait exister au niveau fédéral... Je voudrais simplement vous souligner qu'à la page 12 de notre mémoire nous considérons intéressante cette idée de créer un comité spécial parlementaire qui devrait faire connaître ses conclusions à l'Assemblée nationale concernant des dossiers particuliers que le Protecteur du citoyen aurait pu lui pointer du doigt. Il nous semble intéressant de créer ce mécanisme particulier qui, au fond, aurait un rôle de vigilance important et, ceci dit, nous pensons que, en plus de la création de ce comité spécial parlementaire, le Protecteur du citoyen devrait, lorsqu'il l'estime utile, pouvoir entreprendre des poursuites devant les tribunaux.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme la députée.

Mme Harel: Étant donné qu'on a fait référence à une question, est-ce que je peux intervenir? Effectivement, vous en parliez dans votre mémoire, mais c'est différent de la proposition d'un commissaire parlementaire, mais ça me permet de vous poser la question quant à ce comité spécial parlementaire. Vous le voyez composé de députés et pourquoi "spécial"? Et puis sur les questions autochtones, avec un mandat sur les questions... ou toutes celles relevant du Protecteur du citoyen? Parce que, finalement, le Protecteur du citoyen doit déposer chaque année son rapport annuel. La commission des institutions devant laquelle vous êtes présentement entend le Protecteur du citoyen et procède aussi à l'examen des engagements financiers, des crédits budgétaires qui lui sont alloués. Alors, vous pensez qu'il faudrait une autre instance que la commission des institutions, ou bien si ça pourrait être la commission des institutions qui se verrait confier le mandat de donner suite, comme vous le précisez, aux dossiers, aux cas qui pourraient lui être soumis par le Protecteur du citoyen? C'est comme ça que vous voyez?

M. Bissonnette: Très honnêtement, pour ce qui est de la plomberie, la couleur des tuyaux nous importe peu. Ce que nous voulons, c'est nous assurer que le public, que ce soit par le biais d'un comité spécial parlementaire...

Mme Harel: Les trois quarts du temps pourtant...

M. Bissonnette:... ou de votre commission des institutions, que le public sache ce que le Protecteur du citoyen considère comme étant des anomalies dans l'administration publique québécoise.

Le Président (M. Dauphin): Peut-être une dernière question en ce qui me concerne, concernant... Je trouve ça intéressant l'idée d'un vice-protecteur, sensibilisé évidemment aux nations autochtones... On parle beaucoup de publicité, de pénétrer le milieu. Avez-vous des suggestions à nous faire là-dessus? Pour se rapprocher - on parle du Protecteur du citoyen - davantage des nations autochtones.

M. Picard: Me Bissonnette parlait de plomberie, tout à l'heure. C'est un peu à ça qu'on pourrait référer la question de la publicité. Évidemment, comme on le disait tout à l'heure, de plus en plus les relations entre l'État québécois, l'administration publique québécoise et nos communautés vont en s'amplifiant et ont des chances peut-être de s'amplifier un peu plus dans le futur. Je pense qu'à ce moment-là il sera de notre responsabilité à nous, en coopération avec le Québec de faciliter justement la compréhension et la publicité de la nature éventuelle de nos relations entre gouvernements. Et je pense que c'est à ce moment-là... Déjà, je veux dire, l'aspect publicité, l'aspect communications, c'est un aspect qui prend de plus en plus d'importance dans nos communautés par rapport aux démarches que nous leur proposons en tant que conseil, en tant qu'organisation.

Donc, je crois que, éventuellement, c'est peut-être un sujet de discussion qui pourra se faire mutuellement, entre nos deux groupes.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci

beaucoup. Alors, est-ce qu'il y a d'autres membres qui désirent poser des questions? À ce moment-là, j'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, remercier sincèrement le Conseil des Atikamekw et des Montagnais, en les personnes de M. Ottawa, M. Picard et Me Bissonnette, de s'être déplacé pour venir enrichir notre commission. Merci beaucoup et bon retour.

Nous allons suspendre deux ou trois minutes et ensuite nous allons entendre le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.-Lafontaine.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 16 h 43)

Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.-Lafontaine

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais les représentants du comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.-Lafontaine à prendre place. Je crois que c'est M. Landry qui est le porte-parole officiel du comité de bénéficiaires.

Mme Huard (Diane): Est-ce qu'on peut présenter les membres du comité?

Le Président (M. Messier): Oui.

Mme Huard: M. Roger Trépanier, vice-président; M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier...

Le Président (M. Messier): Excusez-moi. Qui prend la parole? Je pensais que c'était M. Landry. C'est Mme Huard?

M. Landry (Lucien G.): Oui, c'est Mme Huard au début, comme présidente.

Le Président (M. Messier): O.K., présidente du comité. Vous allez présenter les membres qui sont avec vous.

Mme Huard: Oui. Diane Huard, présidente du comité. Je présente M. Denis Duval, vice-président, pas M. Denis Duval, M. Roger Trépanier, M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier, moi-même, Diane Huard, présidente du comité, et Denis Duval, absent, Andrée Séguin, absente. Ils sont restés à l'hôpital aujourd'hui pour des raisons médicales.

Le Président (M. Messier): Parfait. Merci beaucoup. Et c'est M. Landry qui va présenter le mémoire. Vous avez une quinzaine de minutes pour présenter le mémoire...

M. Landry: Oui.

Le Président (M. Messier): ...et après ça il va y avoir un échange.

M. Landry: Oui. Très bien, M. le Président. Je voudrais peut-être, avant de présenter un bref résumé de ce qu'on appelle les différentes étapes du mémoire, vous présenter les autres personnes qui nous accompagnent, parce que vous avez dû remarquer que nous avons une forte délégation de 10 personnes. Il va de soi que le comité de bénéficiaires, depuis quatre ans, travaille en collaboration avec la Faculté de droit de l'Université de Montréal et aussi nous avons des contractuels qui participent avec nous et qui sont des étudiants en droit. Alors, on a avec nous M. Jean-François Primeau qui s'occupe, au sein du comité de bénéficiaires, à titre de contractuel, de l'aide et de l'accompagnement. On a aussi avec nous M. Alain Camirand et Mlle Paryse Labrie qui, eux, s'occupent aussi du dossier de la désinstitutionnalisation, à titre de contractuels, et qui ont participé à la rédaction du mémoire. Nous avons avec nous aussi, en arrière, dans cette salle, Mlles Catherine Sabou-rin et Lyne Latulippe; ces deux personnes agissent au sein du comité de bénéficiaires comme stagiaires du Bureau des services d'aide juridique de la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Et nous avons aussi avec nous Mlle Francesca Trop qui, elle aussi, est étudiante en droit; elle participe avec un organisme communautaire, Solidarité psychiatrique, dans la communauté, à titre de personne, sur le même type de services d'aide juridique, c'est-à-dire d'aide juridique si je ne me trompe pas, BAJ, c'est ça. Alors, M. le Président, en deuxième lieu, je voudrais aussi vous présenter Marie Côté, qui est avec nous ici, du conseil général des usagers du CSSMM, le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, dont le comité de bénéficiaires est membre, mais c'est surtout, non pas dans les établissements de santé, mais dans les services sociaux.

Au niveau de la présentation, nous avons pensé, M. le Président, étape par étape, vous faire une présentation surtout du volet des recommandations afin de ne pas recommencer, d'une façon très claire, à relire tout le mémoire, parce qu'on savait très bien que vous l'avez reçu et que vous êtes prêts à échanger, à participer avec nous. Par contre, nous voulons apporter certaines introductions aux différents volets, ce qu'on appelle l'état actuel de la situation, la première partie des recommandations, la deuxième partie des recommandations subsidiaires et, par la suite, des recommandations au niveau du conseil général des usagers. C'est une introduction qu'on a l'intention de vous faire et, par la suite, M. le Président, si vous le permettez, nous pourrions échanger avec vous sur les différentes questions et commentaires, et on sera prêts à répondre aux questions, s'il y a lieu.

Alors, je voudrais attirer votre attention à

la page 9, M. le Président, au paragraphe 4, pour que nous puissions apporter une correction à notre mémoire. Ce que j'avais spécifié au début, qu'on pourrait, nous, au lieu de lire... M. le Président, à la page 9, un, deux, trois, quatre, au quatrième paragraphe...

Le Président (M. Messier): ...

M. Landry: À la page 9 de notre mémoire, à l'état actuel de la situation: 'Toutefois, ce processus de plainte n'est pas énoncé dans la loi de la santé et des services sociaux ou dans la loi du Protecteur du citoyen, mais II s'agit plutôt d'un usage qui s'est développé pendant les années. Il existe trois procédures de traitement de plaintes à l'hôpital Louis-il.-Lafontaine, celui de la direction des services professionnels, celui de l'ombudsman, celui du comité de bénéficiaires. Ces trois niveaux de structure collaborent entre eux concernant les services de plaintes. Des efforts immenses sont fournis pour sensibiliser les intervenants ainsi que les familles des bénéficiaires au respect des droits de ceux-ci." On devrait lire ça dans notre texte, au lieu du texte à l'intérieur de la page 9.

Le Président (M. Messier): Est-ce que vous avez le texte avec vous, monsieur?

M. Landry: Oui.

Le Président (M. Messier): Est-ce qu'il est possible de le déposer?

M. Landry: Oui, officiellement, on pourrait vous le remettre.

Le Président (M. Messier): Merci.

M. Landry: Je vais laisser la parole à Paryse et Alain, pour la première partie de l'introduction des recommandations.

Le Président (M. Messier): M. Alain Cami-rand et Mme...

Mme Labile (Paryse): Paryse Labrie.

Le Président (M. Messier): Marie Côté?

Mme Labrie: Paryse Labrie.

Le Président (M. Messier): Paryse Labrie.

Mme Labrie: Oui.

Le Président (M. Messier): Bonjour, madame.

Mme Labrie: Bonjour.

Le Président (M. Messier): On vous écoute.

Mme Labrie: Merci. J'aimerais introduire et expliquer les orientations que nous avons voulu donner à notre mémoire ainsi que le contexte dans lequel nous avons élaboré nos recommandations. Nous nous sommes moins préoccupés de l'indépendance du Protecteur du citoyen ainsi que de son accessibilité et son efficacité. Cette position est due au fait que le Protecteur du citoyen est présentement absent des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Il nous est donc difficile d'évaluer ses critères d'indépendance, d'accessibilité et d'efficacité par rapport à ce réseau de la santé. Ce qui nous importe davantage aujourd'hui, c'est l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen. Ceci nous apparaît évident à la lecture de nos recommandations. Dans un centre hospitalier à vocation psychiatrique comme le nôtre, le besoin du recours au Protecteur du citoyen se fait particulièrement sentir. En fait, si le recours au Protecteur du citoyen est accessible aux citoyens qui ont souvent les moyens ainsi que la capacité de prendre d'autres recours pour assurer le respect de leurs droits, il devrait également être accessible aux bénéficiaires qui n'ont ni les moyens ni la capacité de voir au respect de leurs droits. Il est vrai qu'il existe déjà certains recours de plaintes à l'intérieur de l'établissement. Certains ont émis l'opinion voulant que le recours au Protecteur du citoyen dans les établissements du réseau de la santé aurait pour effet de créer une trop grande multiplicité de recours à l'intérieur du réseau, créant ainsi une confusion des plus totales. Évidemment, comme le démontre d'ailleurs notre mémoire, nous sommes d'avis contraire. Nous ne voulons pas que le recours au Protecteur du citoyen ajoute au fouillis qui existe à l'heure actuelle dans les divers recours accessibles aux bénéficiaires d'un centre hospitalier. À notre avis, le représentant du Protecteur du citoyen, en vertu de la recommandation 12 de notre mémoire, devrait plutôt encourager et même aider le bénéficiaire qui veut se servir d'un des recours existants. De plus, le représentant du Protecteur du citoyen aurait un pouvoir de recommandation. Ce pouvoir nous semble aussi efficace que les recours menant à des décisions exécutoires. En effet, le Protecteur du citoyen est une personne dont la crédibilité n'est plus à faire et dont les recommandations sont généralement suivies. Nous n'avons pas uniquement demandé dans notre mémoire l'intervention du Protecteur du citoyen dans le réseau de la santé. Nous avons également voulu proposer aux membres de cette commission un moyen de mettre en oeuvre cette nouvelle fonction et d'appliquer ce recours dans le cadre de la vie quotidienne d'un centre hospitalier. Ceci ressort plus particulièrement des recommandations 12, 14, 15 et 16. Nous espérons que ce mécanisme vous apparaîtra conforme aux orientations que le législateur entend donner au rôle du Protecteur du citoyen.

En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur la recommandation 9. Celle-ci mentionne la possibilité pour le Protecteur du citoyen d'intenter des recours devant les tribunaux. Cette initiative nous semble intéressante. Toutefois, nous vous demandons aujourd'hui de bien vouloir porter une attention particulière à cette possibilité qui nous tient particulièrement à coeur. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme Labrie. M. Camirand, je crois, qui voulait poursuivre.

Mme Labrie: Jean-François Primeau.

Le Président (M. Messier): M. Primeau.

Mme Labrie: Oui.

M. Primeau (Jean-François): Merci. Est-ce que ça va être correct si je m'adresse à vous comme ça?

Le Président (M. Messier): Oui, oui, ça va. Très bien.

M. Primeau: C'est simplement pour introduire les recommandations subsidiaires et attirer votre attention sur le caractère subsidiaire des recommandations. Ce que je veux dire par là, c'est que, si le comité devait opter pour l'un des deux régimes, ce serait certainement pour le régime principal, c'est-à-dire les recommandations principales. Mais, à titre subsidiaire, on vous a fait certaines recommandations. Tout ce que Mme Labrie vient de vous dire s'applique également aux recommandations subsidiaires. C'est tout simplement dans l'application pratique que ça peut poser des changements; c'est peut-être ce que certains ont appelé de la plomberie. Mais je pense que, si on pouvait attirer votre attention sur ça et si on pouvait en discuter, ça serait intéressant. C'est tout.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.

M. Landry: Je voudrais peut-être, M. le Président, si vous le permettez introduire Mme Marie Côté, du conseil général des usagers du CSSMM.

Le Président (M. Messier): Parfait. Bonjour, Mme Côté.

Mme Côté (Marie): Bonjour. Ça me fait plaisir d'être ici pour, justement, donner la position du conseil général des usagers qui représente les usagers au niveau des services sociaux. Le conseil général des usagers existe également ici, à Québec, au CSSQ, et nous, on représente les usagers du CSSMM, la clientèle des usagers dont font partie également les bénéficiaires de Louis-il.-Lafontaine, dont une partie a 37 intervenants au niveau des services sociaux. À l'hôpital Louis-il.-Lafontaine, on considère qu'on représente une portion importante de la clientèle et nous avons les mêmes buts. Nous avons principalement... Je veux simplement résumer les principales recommandations, c'est surtout de dire que nous sommes en faveur d'une extension de la juridiction du Protecteur du citoyen aux organismes ou établissements du réseau des services de santé et des services sociaux et du réseau de l'éducation ainsi qu'aux organismes municipaux. Cette position s'inscrit à l'intérieur même du mandat du CGU, qui est d'informer, d'accompagner et de soutenir les usagers dans leur démarche.

Principalement, le CGU voit d'un bon oeil à certains niveaux l'extension du mandat, d'autant plus que dans certains cas il n'y a aucun recours possible au niveau des services sociaux. En principe, il y a le service des plaintes du CSSMM, le CRSSS vient ensuite, et après c'est le ministère, sauf que dans le cas des familles d'accueil il n'y a aucun recours qui est possible à ce niveau-là. Le Protecteur du citoyen pourrait intervenir directement. J'ai fait, grosso modo... S'il y a des questions là-dessus, je serais...

Le Président (M. Messier): Merci, Mme Côté. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Landry: C'est tout, M. le Président. Le Président (M. Messier): Parfait.

M. Landry: Et on est prêts, nous, à répondre aux questions, aux commentaires, s'il y a lieu.

Le Président (M. Messier): Nous allons débuter la période des questions par M. Trudel, qui est le député de Témiscamingue.

M. Trudel: Merci.

Le Président (M. Messier): Et Noranda.

M. Trudel: Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Le Président (M. Messier): Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Ça, c'est aussi long que Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Le Président (M. Messier): C'est quasiment ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Merci, M. le Président, et merci à vous de vous être déplacés en si grand nombre et d'avoir préparé ce mémoire des usagers qui

nous présente leur vision quant aux questions que nous nous sommes posées ici, à la commission, principalement, autour de l'élargissement du mandat du Protecteur, mais c'est intéressant aussi de savoir que vous vous êtes prononcés également sur l'ensemble des autres questions. Nous recevons ces réponses avec grand plaisir, encore une fois particulièrement parce que ça vient des usagers du réseau et je note au passage les usagers du CSSMM. C'est le seul mémoire, si je ne m'abuse, qui nous viendra d'usagers qui sont en relations avec les CSS actuels.

Bon, sur l'extension du mandat du Protecteur, votre position sur la base, je pense, est claire. Mais, à ce moment-ci, il faut vous demander précisément, puisqu'il y a maintenant un projet de loi qui est sur la table, qui s'appelle le projet 120, si votre recommandation tient toujours, compte tenu de la proposition qui est dans le projet de loi 120 de l'Assemblée nationale, et je le répète rapidement pour faire confirmation: premier niveau, l'établissement qui traite les plaintes avec un cadre supérieur nommément désigné à cette fin; s'il n'y a pas satisfaction, deuxième niveau, c'est la régie régionale. Bon. Est-ce que votre recommandation tient toujours et, si oui, à quel niveau faudrait-il situer l'intervention possible du Protecteur du citoyen? Alors, à l'un ou l'autre d'entre vous qui voudrait répondre, mais j'aimerais bien avoir la vision des CSS en particulier.

Le Président (M. Messier): M. Landry.

M. Landry: Je pense que je voudrais peut-être attirer votre attention sur le fait que nous avons reçu le projet de loi tout récemment. C'est clair que, pour nous, on a à créer à l'intérieur des différentes structures des comités, en collaboration avec d'autres organismes de défense des droits, pour vérifier, regarder davantage, article par article, le projet de loi, et au moment où on se parle, à Montréal, il y a des groupes de travail qui regardent ce projet de loi et qui sont appelés à faire des recommandations auprès de la commission parlementaire qui va être appelée à étudier article par article. Alors on fait le même travail, si vous vouiez, parallèle, mais de sensibiliser les membres de la commission sur cet article-là.

À votre question, à savoir si nous maintenons quand même la présence du Protecteur du citoyen, il va de soi que ça mériterait d'être examiné plus en profondeur, si ça peut rentrer, parce qu'on a une idée très claire qu'à l'intérieur on veut s'assurer une présence de mécanismes de recours, de protection des droits, et laquelle est la meilleure et la plus sûre, je pense que c'est en évaluant le projet de loi qu'il faut regarder ça en profondeur. Mais c'est clair que, pour nous autres, on a regardé prioritairement le projet, et l'attention que vous avez attirée sur le rôle du

Protecteur du citoyen avant qu'on reçoive chez nous le projet de loi 120... Alors, je pense qu'il y a des analyses en profondeur à faire, mais ce qui est important pour nous, c'est l'intérêt du bénéficiaire à avoir d'excellents recours et une protection. Je pense que c'est là-dessus qu'il faut regarder ça. Je vais laisser Alain aussi compléter. (17 heures)

M. Camirand (Alain): Oui. On a regardé les dispositions et, à première vue, nous, on pense que les recommandations qu'on a faites dans notre mémoire seraient toujours applicables avec les nouvelles dispositions de la Loi sur la santé et les services sociaux. Le mécanisme qui est dans la nouvelle loi est intéressant, il est même bon, mais on pense que nos recommandations seraient tout de même susceptibles d'être intéressantes à appliquer, à première vue. Mais, comme M. Landry le disait, ça demande une réflexion supplémentaire.

M. Landry: Peut-être que Marie pourrait en rajouter aussi.

Mme Côté: Oui. Moi, je suis intéressée justement à ajouter que le CGU s'est penché d'ailleurs sur l'article 149 du nouveau projet de loi 120, en page 45 si vous l'avez. Ça concerne les comités d'usagers, l'existence des comités d'usagers, à savoir que tout établissement qui exploite un centre d'hébergement de soins de longue durée, un centre de réadaptation, un centre hospitalier de soins psychiatriques ou un centre hospitalier dont plus de 10 % des lits-Bon, en tout cas. Là-dedans, on omet de préciser les gens qui ne font pas partie de ça, le longue durée, c'est-à-dire les établissements de courte durée et les établissements qui n'ont pas de lits. Donc, on omet des services sociaux d'autres types, dont les CPEJ, dont certains nouveaux établissements. Je veux dire entre guillemets "nouveaux", parce que la structure sera différente. Alors, on a comme mis de côté les services sociaux. J'aimerais d'ailleurs attirer votre attention là-dessus, à savoir que ce serait important qu'on pense que la qualité des services sociaux est importante également, de s'y pencher. Et, comme notre comité des usagers existe déjà, qu'il y a déjà un réseau, qu'il y a déjà une structure qui regroupe des gens, qui réussit à les rejoindre, ces gens-là qui ne sont pas faciles à rejoindre, je pense que ce serait important que la commission, en tout cas, s'il y a un lien avec la commission qui va siéger justement sur le nouveau projet de loi, prenne en considération l'importance qu'il y ait également des comités d'usagers à l'intérieur de tous les établissements qui offrent des services, et sociaux et de santé. À ce moment-là... Oui?

M. Trudel: Ce message est bien noté. Vous faites bien de le passer. J'allais revenir avec une question. Sauf que, dans votre empressement à

passer ce message-là, n'oubliez pas de répondre à ma question, est-ce que...

Mme Côté: Oui. J'y revenais. M. Trudel: Oui. Parfait.

Mme Côté: Alors, on revient au niveau du Protecteur du citoyen là-dedans. Écoutez, je vous ai soulevé tout à l'heure le fait des familles d'accueil qui n'ont pas de recours. L'auront-elles plus dans la nouvelle structure? Je n'en suis pas certaine. Il y a des vides, là, qui sont laissés. Je pense qu'à ce niveau-là il faudrait penser des structures. Bon, les comités des usagers... Mais est-ce que la régie régionale... Un peu comme le soulevait M. Landry, c'est important de repenser à voir à ce que les différents partenaires se donnent une place. Je pense que le Protecteur du citoyen pourrait justement combler les vides ou devenir un partenaire dans ces situations-là où on n'a pas pensé à une structure qui donne droit de parole aux gens qui reçoivent des services.

M. Trudel: Très bien. Alors, ça nous situe bien par rapport aux services sociaux. Effectivement, vous ajoutez une dimension intéressante. C'est si, en quelque part, le législateur oubliait ou ne prévoyait pas d'endroit où puisse s'exercer le recours, bel exemple, les familles d'accueil, c'est un grand réseau, 9000 familles au Québec, donc pour au moins autant d'usagers, vous dites: Ne serait-ce que pour cette raison, il serait justifié d'étendre le mandat du Protecteur du citoyen aux services de santé et services sociaux, ce serait déjà une très bonne raison.

Allons rapidement, parce que le temps est limité, j'aimerais aussi, et là je pense que nous avons les gens les plus qualifiés pour le faire, qu'on réponde à la question soulevée par l'article 31 de la nouvelle loi sur la santé et les services sociaux qui fera obligation au plaignant de déposer sa plainte ou de formuler sa plainte par écrit. Je n'ai pas besoin de raffiner ma question. Qu'est-ce que vous pensez de cette disposition et de ses effets possibles, que la plainte doive. être formulée par écrit? Pas déposée, formulée par écrit.

M. Landry: M. le Président, je voudrais dire que, lundi dernier, nous étions, nous, presque dans une autre commission parlementaire, ce n'était pas parlementaire, mais entre les organismes de défense des droits à Montréal, au chapitre des personnes qui oeuvrent en santé mentale, ce qu'on appelle l'AGIDD. On s'était penché sur cet article-là; par coïncidence, on avait déjà des amendements à proposer aux représentants qui sont appelés à siéger à cette commission-là. Mais je voudrais peut-être attirer l'attention, s'il y a des gens dans la salle qui vont faire partie éventuellement de cette commission-là, qu'ils prennent note de cette recommandation.

Spécifiquement en milieu psychiatrique, c'est très rare que les personnes puissent rédiger et formuler leur plainte par écrit uniquement. Je pense qu'il va do coi qu'il faut qu'elle soit aussi verbale. Parce que dans la compréhension, dans l'attitude et, en grande partie - je parle pour Louis-il.-Lafontaine - à cause de la spécificité de cette clientèle-là, les bénéficiaires ne prennent pas l'occasion, ils n'ont pas la chance, ils n'ont pas non plus la compétence de transmettre leur plainte par écrit. À tel point que nous, nous sommes à Louis-il., nous accueillons le bénéficiaire, nous l'écoutons, nous l'aidons à formuler sa plainte, à l'articuler. Quand on voit, dans l'article 31 du projet de loi 120, que les plaintes doivent être formulées par écrit, nous, on dit qu'il faut qu'elles soient aussi verbales parce que, souvent, la personne qui se plaint est tellement dans un climat d'inquiétude, dans un climat d'insécurité que je pense que c'est comme créer une espèce de bouclier avant qu'elle puisse s'exprimer que de lui dire: Bien, écoute, si tu te plains, il faut que ça se fasse par écrit; ça, c'est déjà... Tu as comme une espèce de barrière qui se crée.

Je pense que là-dessus c'est important que le bénéficiaire se sente à l'aise de venir s'expliquer d'une façon verbale et qu'il y ait des personnes qui l'aident alentour, qui l'aident à s'exprimer, à l'actualiser par écrit par la suite, mais que ça ne devrait pas être seulement par écrit, mais qu'on devrait aussi l'écouter. Je pense que c'est important.

Le Président (M. Messier): Je veux juste vous rassurer, l'Assemblée nationale, c'est un petit monde, on est juste 125, et il y a un réseau de communication assez poussé; les messages vont se passer.

M. Trudel: Et le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue est membre de la commission des affaires sociales.

Le Président (M. Messier): Comme par hasard.

M. Trudel: Par hasard. Alors, dans le petit monde, effectivement...

M. Landry: De toute façon, je pense que c'est sûr que nous, on va s'adresser aux membres de la commission, parce qu'on a appris assez rapidement que la commission va siéger à partir du 29. C'est sûr qu'on écoutait, hier, le ministre Côté dans sa tournée sur ses orientations. On suit de très près ce dossier-là parce qu'il y a des choses qui nous concernent.

M. Trudel: Sauf que, M. Landry, vous n'aurez pas l'occasion de vous exprimer puisqu'il n'y aura pas d'audition à cette commission.

M. Landry: Non, ça je le sais. C'est pour ça qu'on va transmettre l'information aux membres de la commission seulement par écrit.

M. Trudel: Très bien.

M. Landry: On en profite là, on fait les deux.

M. Trudel: C'est d'une habileté... C'est très bien.

Peut-être une dernière question, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Messier): Allez-y.

M. Trudel: Vous traitez également de ce qu'on appelle les ombudsmans hospitaliers, la personne à l'intérieur du système - Mme Labrie en a parlé un peu dans son intervention, je pense. Vous savez aussi que, toujours en vertu de ce nouveau projet de loi, la personne, peu Importe le nom, sera un administrateur de l'institution. Vous, vous dites que ce devrait être quelqu'un qui relève du Protecteur du citoyen. Est-ce que c'est exact, ça? C'est bien ça que vous dites.

M. Landry: Nous, dans notre mémoire... M. Trudel: Oui.

M. Landry: ...c'est quelqu'un qui relèverait du Protecteur du citoyen et non de l'établissement. Quand je parle de l'établissement, c'est l'administrateur...

M. Trudel: Oui.

M. Landry: ...ou un membre du conseil d'administration ou quelque chose comme ça.

M. Trudel: O.K. Et dans ce contexte, ce ne serait pas un employé de l'hôpital, parce qu'au fond - vous comprenez, je ne veux pas entrer dans les détails techniques, là - on pourrait être employé de l'hôpital et relever du Protecteur du citoyen, son "boss" serait le Protecteur du citoyen. Vous autres, ce que vous dites, c'est quelqu'un d'externe, disons a tous les points de vue, à l'administration, aux services de l'établissement.

M. Camlrand: L'un des objectifs principaux qui ont fait qu'on a demandé que ce soit un représentant du Protecteur du citoyen qui s'occupe des plaintes, c'est justement la question de l'indépendance, l'Indépendance institutionnelle. Pour nous, il est évident qu'il faut que la personne qui s'occupe des plaintes soit indépendante à tous points de vue, surtout du point de vue budgétaire, de l'établissement hospitalier. Nous, ce qu'on voudrait, ce serait que le repré- sentant du Protecteur du citoyen dépende directement du Protecteur du citoyen.

M. Trudel: C'est très clair, c'est d'autant plus facile d'apporter les messages. Alors, pour ma part, merci, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Camirand. Il y a le député d'Anjou, M. Larouche, qui aimerait vous poser quelques questions.

M. Larouche: Je vois dans l'addendum que vous avez passé qu'il y a trois niveaux: la direction des services professionnels, l'ombuds-man - alors, il y a un ombudsman à l'intérieur?

Une voix: Oui, oui.

M. Larouche: Et celui du comité de bénéficiaires. Il y a eu combien de plaintes à ces trois nrveaux-là? Est-ce que ce sont trois niveaux superposés ou horizontaux?

M. Landry: Horizontaux, M. le Président, parce que, d'une façon très claire, il y a certaines catégories de plaintes qui ont plus trait à l'aspect médical; quand on parle de la qualité de l'acte médical, quand on parle de toute la question des services professionnels, c'est la direction des ressources professionnelles qui s'en occupe, par le biais du conseil des... Les relations entre le DSP... le DSP qui est le directeur des services professionnels, qui est en relation avec le conseil des médecins et dentistes, et, à l'intérieur du conseil des médecins et dentistes, il y a un comité de discipline interne de l'établissement, et ça, c'est au niveau du volet de l'acte médical, de la qualité des services. L'autre volet, c'est le bureau de l'ombudsman, qui elle, en somme, relève de la direction générale...

M. Larouche: Est-ce qu'elle est ici, actuellement?

M. Landry: Non, elle n'est pas avec nous. On l'a invitée, malheureusement, elle ne pouvait...

M. Larouche: Elle n'a pas voulu venir?

M. Landry: Non pas qu'elle ne voulait pas, mais elle ne pouvait pas. On l'avait invitée.

M. Larouche: Mais, vous autres, vous ne représentez que les bénéficiaires?

M. Landry: Oui.

M. Larouche: O.K., alors... Savez-vous le nombre de plaintes qu'il y a à chacun des niveaux?

M. Landry: Non, malheureusement, M. le

Président, seulement à notre niveau, on sait qu'on a au-delà de 344 plaintes qui sont venues de l'année dernière, 1989-1990. Cette année, on va présenter notre rapport annuel. Mais, du côté du conseil des médecins et dentistes, du directeur des services professionnels, de l'ombudsman, il n'y a pas eu de rapport de présenté. Ça a été posé à la direction générale, point.

M. Larouche: Moi, j'ai un cas qui m'a été soumis au mois de décembre, je ne le nommerai pas, et la personne semblait désespérée. Cette personne-là m'a appelé, a appelé au bureau de comté, et moi, je lui ai parlé, à cette personne-là. Je vais vous dire, je ne savais pas qu'il y avait ces trois organismes, et je l'aurais sûrement référée, si je l'avais su. Lui-même ne le savait pas, puis il était à l'intérieur. Je ne sais pas quelle sorte de publicité vous faites à l'intérieur de l'institution?

M. Landry: Très bonne question, M. Larouche, que vous posez. C'est clair que nous, le comité des bénéficiaires, on représente l'ensemble des bénéficiaires, et on parle au nom des bénéficiaires, puis on clarifie davantage dans notre présentation qu'on ne parle pas pour l'établissement mais bien pour les bénéficiaires. L'établissement, lui, suite à la tutelle, suite à l'établissement d'un nouveau conseil d'administration en novembre 1985, aux recommandations du ministère, on avait dit: II faudrait établir à Louis-il., suite aux multiples enquêtes et à la tutelle... Puis, à la refonte de l'organisation de l'hôpital, en novembre 1985, début janvier 1986, on a nommé un employé, un cadre supérieur, pour s'occuper des traitements de plaintes, et on l'a nommé ombudsman. De l'autre partie, du côté de la direction des services professionnels, le Dr Deschamps a élaboré une procédure de traitement de plaintes lorsqu'il y avait des dossiers plus à caractère clinique, concernant son équipe médicale. Par rapport à la connaissance vis-à-vis des bénéficiaires, il y a de multiples démarches qui se font, sur le point de vue individuel, sur le palier aussi des familles. Il y a des démarches qui se font aussi à différentes soirées, l'existence du comité des bénéficiaires... De plus en plus, le comité aussi, je pense que ça fait depuis quatre ans... Puis il faut mentionner aussi qu'à Louis-il.-Lafontaine on représente au-delà de 2000 bénéficiaires internes et 7000 à l'externe. Alors, c'est une population qui est assez vaste, ça mérite presque trois niveaux de structures auxquels les bénéficiaires peuvent s'adresser, soit au service d'ombudsman, soit au service de la direction des services professionnels, soit au comité de bénéficiaires. Il faut dire aussi qu'au comité de bénéficiaires ce sont des gens bénévoles qui travaillent, alors je pense que c'est un aspect assez important. (17 h 15)

M. Larouche: Je suis tombé par hasard sur une revue puis un texte qui est tiré de la revue Psychology Today. Je traduis un petit bout ici, on dit: De plus en plus, les gens sont pris en charge par l'État au niveau des différents programmes sociaux, au niveau des institutions ou en dehors. Comme vous dites, il y a des soins externes, et ça, ça arrive presque du berceau au cercueil, dans différents programmes. On dit: En retour, il est demandé que les bénéficiaires suivent les règles de l'institution, habituellement des règles impersonnelles, mises au point pour s'assurer que le comportement des bénéficiaires soit plus "manageable" ou gérable par les dispensateurs de soins. Alors quand vous parlez du traitement des plaintes, dans un hôpital comme Hippolyte-Lafontaine, il y aurait le traitement des patients maintenant. Je ne sais pas quel type de traitement... Remarquez, j'y suis déjà allé pour visiter, je suis arrivé avec des cigarettes et j'en ai donné quelques-unes... Remarquez, ça faisait un milieu qui n'est pas comme à l'intérieur, mais je sentais qu'il y a un milieu de vie à Hippolyte, ça faisait un peu comme un petit village, je suis allé là peut-être il y a trois ans. Mais il me semblait que certaines personnes recevaient des traitements et c'est là, c'est à ce niveau-là que je pose la question: Est-ce qu'il y a un choix au niveau des traitements? Dans la revue Psychology Today, toujours, on parle encore des électrochocs, des médications. Si vous ne suivez pas les règles, alors vous aurez tel traitement et ça vient de s'éteindre, vous devenez un légume et on va vous "légumer" pour 24 heures, 48 heures. Parlez-moi donc un peu de ça.

Une voix: Est-ce que je peux m'adresser à...

M. Larouche: Oui. Vous êtes sept, alors c'est un bon chiffre pour me répondre.

M. Landry: On a un bénéficiaire qui est avec nous, M. le Président. Je pense que ça serait bon de l'écouter. Je pense que Roger peut s'expliquer, il vit à l'hôpital.

Le Président (M. Messier): Vous êtes monsieur?

M. Landry: Roger Trépanler.

Le Président (M. Messier): M. Trépanier. Merci. On vous écoute, M. Trépanier.

M. Landry: Réponds à la question que monsieur...

M. Trépanier (Roger): ...ça fait longtemps que j'étais à l'hôpital aussi. Des traitements, j'en ai passé pas mal. C'est dur. Comme moi, je suis peut-être perdu un peu par l'hôpital, mais c'était dur parce que c'était dû pour... Je suis un peu nerveux parce que c'est la première fois que je

vois du monde là...

M. Larouche: Non, non, allez-y.

M. Trépanier: Je suis assez énervé, là, même si c'est pas de ma faute.

M. Larouche: Non, non. C'est très bien, continuez.

M. Trépanier: Là, je suis rendu... Moi, je viens de l'Abitibi, de Noranda. J'ai été transféré à... Quand je suis allé à Montréal, je ne connaissais pas ça, Montréal. J'ai fait beaucoup d'hôpitaux, j'étais malade aussi. Mes parents sont décédés et j'ai fait une rechute. Là, j'ai fait pas mal d'unités aussi. Je suis parti entre ça, je suis revenu parce que ça ne marchait pas en foyer. Parce qu'en foyer ils nous donnaient 1 $ pour prendre l'autobus et, pour le reste, ils ne te donnaient pas d'argent. Là, ça va très très mal. J'ai dit: O.K. Moi, je m'en vais à l'hôpital et je m'en vais. Le monsieur ne voulait pas que je m'en aille à l'hôpital parce qu'il voulait avoir beaucoup d'argent pour moi.

M. Larouche: Oui. Vous étiez en foyer, là?

M. Trépanier: C'est ça. Ça ne marchait pas, je n'aimais pas ça. J'étais déçu un peu aussi.

M. Larouche: Là, vous êtes à Hippolyte-Lafontaine.

M. Trépanier: C'est ça. Là, je suis à Hippolyte-Lafontaine.

M. Larouche: Mais est-ce que vous avez le choix des traitements ou si on vous dit: Toi, là... C'est ça que je voudrais savoir.

M. Trépanier: II me met la jaquette. M. Larouche: II vous met la jaquette. M. Trépanier: C'est ça.

M. Larouche: Quand est-ce qu'il vous met la jaquette?

M. Trépanier: Quand tu n'écoutes pas. M. Larouche: Quand tu n'écoutes pas.

M. Trépanier: Quand tu n'écoutes pas, if te met la jaquette. Et, quand ça ne fait pas, c'est dans la chambre d'isolement et puis tu es attaché.

M. Larouche: Mais vous, si vous ne voulez pas avoir la jaquette, pouvez-vous vous plaindre au comité de bénéficiaires pour dire: Moi, je suis bien correct aujourd'hui, je ne veux pas avoir la jaquette?

M. Trépanier: C'est ça. Je fais des plaintes aussi.

M. Larouche: Vous faites des plaintes.

M. Trépanier: C'est ça, au comité de bénéficiaires. Moi, je suis dans le comité de bénéficiaires...

M. Larouche: C'est plus facile pour vous, vous êtes sur le comité.

M. Trépanier: C'est ça. C'est facile pour moi. C'est bon, ça, c'est une bonne question.

M. Larouche: Alors, ça répond à ma question pour le moment.

M. Trépanier: Je n'ai pas fini.

M. Larouche: O.K. Allez, continuez.

M. Trépanier: Quand tu es dans la chambre d'isolement, tu n'as pas le droit de crier. Si tu cries, ils te donnent une piqûre.

M. Larouche: Ah bon.

M. Trépanier: Ils donnent une piqûre.

M. Larouche: Pourtant, il y a la psychologie du cri primai. Vous devriez crier à votre goût.

M. Trépanier: C'est ça.

M. Larouche: Et vous ne pouvez pas crier?

M. Trépanier: Non. Si tu cries, c'est une piqûre et tu m'endors.

M. Larouche: La prochaine fois qu'ils vous feront ça, voulez-vous, vous m'appellerez?

M. Trépanier: O.K.

M. Larouche: Je suis le député d'Anjou, M. Larouche. Vous m'appellerez.

M. Trépanier: Oui. Avez-vous une carte?

M. Larouche: Oui, oui, je vous la laisserai ma carte.

M. Trépanier: Parfait. Pas de problème.

M. Larouche: Si vous avez des problèmes avec le comité de bénéficiaires, parce que s'ils vous mettent dans une chambre...

M. Trépanier: Tu es attaché. Tu ne fais rien, tu ne peux pas aller aux toilettes. J'ai

envie, j'ai envie...

M. Larouche: Ah oui? Et vous ne pouvez même pas crier à votre goût?

M. Trépanier: Non. C'est ça.

M. Larouche: Et c'est un psychiatre qui vous attache comme ça?

M. Trépanier: Non, non. C'est des préposés. M. Larouche: Des infirmiers.

M. Trépanier: Je n'aime pas ça. Il y a Maurice qui est dur avec moi un peu.

M. Larouche: Et là, vous vous sentez désespéré un peu, là.

M. Trépanier: Là, j'ai une blonde, puis ma blonde m'a dit: Viens-t'en, on s'en va, on sort.

M. Larouche: Elle vient vous chercher à l'hôpital et elle vous ramène chez vous.

M. Trépanier: Ma blonde est ici, à l'hôpital, avec moi.

M. Larouche: Elle est à l'hôpital avec vous? M. Trépanier: C'est ça.

M. Larouche: Et elle vient vous chercher, elle s'occupe de vous.

M. Trépanier: J'ai dit: Viens-t'en, on sort, on s'en va à l'unité... Va-t'en.

M. Larouche: Là, dans ce temps-là, vous vous sentez mieux.

M. Trépanier: C'est ça. Là, ils me donnent des médicaments, puis là, je me dis: O.K., c'est assez de niaisage, il faut que tu prennes tes médicaments. Si tu ne prends pas tes médicaments, en jaquette, à la chaise, puis, si ça marche pas, dans la chambre d'isolement.

M. Larouche: Une dernière question, parce que je ne suis pas un psychiatre, quand même. C'est que celui qui fixe votre diagnostic, il dit: Vous devez prendre tel médicament tous les jours. Ensuite, c'est un petit préposé qui dit: Ta pilule ou ton verre de pilules.

M. Trépanier: C'est ça. Ils veulent faire un cobaye avec moi.

M. Larouche: Bon. Maintenant, deuxième sous-question, tu me suis là?

M. Trépanier: Oui.

M. Larouche: C'est que si tu ne prends pas ton verre de pilules, là, tu n'es pas correct, mais est-ce qu'on te réévalue pour dire... Vois-tu le psychiatre assez souvsrrt?

M. Trépanier: Non, je ne le vois pas, le psychiatre.

M. Larouche: Tu ne le vois pas.

M. Trépanier: Je ne le vois pas. Le médecin, je ne le vois pas.

M. Larouche: Tu l'as vu une fois, il te donne tes pilules et après ça...

M. Trépanier: C'est ça. Puis il me donne des piqûres et ça, ça fait mal. Quand tu es assis, ça fait mal. Moi, je suis guéri, moi. J'attends une place pour m'en aller de l'hôpital.

M. Larouche: Oui.

M. Trépanier: Je suis guéri. Ça fait longtemps que je demande au médecin, je veux m'en aller de l'hôpital. Je suis guéri, je suis correct. Et là, il ne veut pas.

M. Larouche: Tu n'es pas violent?

M. Trépanier: Non, je ne suis pas violent. Avant, je faisais des bêtises.

M. Larouche: Oui.

M. Trépanier: Là, c'est fini. J'en parle plus de ça.

M. Larouche: Quel âge as-tu?

M. Trépanier: Moi? J'ai 29 ans, monsieur. J'ai eu ma fête le 3 décembre, j'ai eu un cadeau là-bas. J'ai été pas mal gâté.

M. Larouche: Es-tu heureux là-bas à Louis-Hippolyte-Lafontaine?

M. Trépanier: Non, non, non.

M. Larouche: Tu n'es pas heureux.

M. Trépanier: Non. Où je travaille, je suis heureux, parce qu'ils me donnent des affaires. Je travaille là-bas et je suis commissionnaire. Je fais des commissions.

M. Larouche: O.K. Tu connais ça, à Anjou, il y a un centre de travail de transition.

M. Trépanier: Je ne connais pas ça. C'est la première fois que j'entends ça.

M. Larouche: Oui. Alors, au niveau du

comité de bénéficiaires, vous regarderez ça. À Anjou, il y a un centre de transition, pour ne pas dire s'il y a de la désinstitutionnalisation... Vous regarderez ça.

M. Trépanier: J'attends une place pour m'en aller de l'hôpital.

M. Larouche: Tu veux sortir.

M. Trépanier: C'est ça. Et puis, le médecin, je lui ai parlé, puis il a dit: Oui, oui, oui. Plus tard, plus tard. Plus tard, plus tard.

M. Larouche: Comment s'appelle ton médecin?

M. Trépanier: Je ne me rappelle plus. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche: Tu ne dois pas le voir souvent, j'imagine.

M. Trépanier: Pas souvent.

M. Larouche: La dernière fols que tu l'as vu, c'est quand?

M. Trépanier: Une fois...

M. Larouche: La dernière fois, c'est quand?

M. Trépanier: Je l'ai vu une fois, pas longtemps.

M. Larouche: Mais là, ça fait trois ans que tu es là.

M. Trépanier: C'était la première année que j'étais là, ça fait longtemps que je suis ici.

M. Larouche: Tu l'as vu une fois. M. Trépanier: Une fois.

Le Président (M. Messier): M. le député d'Anjou, on déborde un petit peu. Il pourrait y avoir une...

M. Larouche: Non, non, non, mais tu sais, je veux dire, c'est un bénéficiaire. On en a vu juste un, là. Alors, je termine sur ça.

Le Président (M. Messier): II pourrait y avoir une conversation. Est-ce que vous avez parlé de votre cas à Mme Chanfreau, qui est I'ombudsman de l'hôpital?

M. Trépanier: Mme Chanfreau...

Le Président (M. Messier): Chanfreau.

M. Trépanier: J'veux pas lui parler, à elle. Le Président (M. Messier): Non?

M. Trépanier: ...parler du comité de bénéficiaires.

Le Président (M. Messier): Mais, Mme Chanfreau, qui est l'ombudsman...

M. Trépanier: L'ombudsman... J'ai été chercher ça et ça n'a rien amené pantoute.

Le Président (M. Messier): O.K.

M. Larouche: On voit nettement, M. le Président, qu'il y a des problèmes. C'était juste pour ça. C'est consigné au procès-verbal. C'est le comité de bénéficiaires. Je pense que vous m'avez dit: On va parler avec un bénéficiaire. C'est important. Alors, on voit, là, quand ce sera analysé, qu'il y a des problèmes dans certaines institutions. On a vu l'hôpital Douglas, ça va très bien, etc., mais on voit qu'à Hippolyte-Lafontaine dans l'est de Montréal, une institution qui est là quand même depuis assez longtemps, il y a eu des problèmes et on voit qu'il y en a encore et il y a le comité de bénéficiaires qui fait un excellent travail.

M. Trépanier: C'est ça.

M. Larouche: L'ombudsman, sûrement, a fait...

M. Trépanier: L'ombudsman...

M. Larouche: Non, non. Certainement, je présume qu'ils font aussi un bon travail, et ensuite la direction des services professionnels. Il reste une coordination de tout ça. Je pense que le comité des bénéficiaires, tu es déjà dessus, alors, c'est à toi à continuer à travailler. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Il y a peut-être un complément d'information par Mme Paryse Labrie.

Mme Labrie: J'aimerais seulement compléter la réponse de M. Trépanier, à votre question, au sujet de... Vous demandiez s'il y avait une certaine séparation entre les trois recours de plaintes pour savoir à qui s'adresser. Effectivement, il y a un problème de coordination. Le bénéficiaire ne sait carrément pas, souvent, à qui s'adresser et, pour notre part, je peux dire que le comité de bénéficiaires et l'ombudsman traitent grosso modo le même genre de plaintes. Et, évidemment, il faut s'attarder sur ce dossier pour séparer de façon plus... ou créer une participation plus accrue. Et sur ce, je voudrais attirer votre attention sur la recommandation 13,

qui renvoie à votre première question, qui justement parlait du mécanisme de publicité.

Nous avons l'intention aussi de nous pencher sur le problème de la publicité à l'intérieur du centre hospitalier.

M. Larouche: À l'intérieur. Mme Labrie: Oui.

M. Larouche: Je pense qu'il veut continuer, M. Trépanier.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.

M. Trépanier: Je veux...

Le Président (M. Messier): Oui.

M. Trépanier: Monsieur, je voudrais avant de terminer aussi... Moi, je parle pour l'hôpital, parce qu'il y a des patients qui sont bien aptes à sortir de l'hôpital. Ils me disaient: Roger, pourquoi tu ne t'arranges pas pour te faire sortir de l'hôpital? Moi, ce n'est pas moi le médecin. Moi, je ne fais rien de mal. Moi aussi, je veux sortir de l'hôpital. Ça fait longtemps que je demande à l'hôpital. Je lui ai dit, au médecin: Donne-moi mon congé, ça va bien, et tout ça, je ne suis plus malade. Je ne peux pas rester tout le temps à l'hôpital si je ne suis pas malade.

Le Président (M. Messier): De deux choses l'une. Soit qu'il n'y a pas de place à l'extérieur soit, si le médecin ne veut pas, il peut avoir une...

M. Trépanier: Non, non... Le médecin m'a dit, le premier m'a dit: Tu vas sortir.

Le Président (M. Messier): D'accord.

M. Trépanier: Tu vas sortir. Tu es le premier sur la liste. Tu vas sortir. Ça, c'est normal, tu vas sortir. Là, après ça, il dit: O. K. Tu ne sors pas. Comprends-tu l'affaire, là?

Une voix: Oui. Ça, c'est un cas flagrant, vous faites une plainte...

M. Trépanier: Tu es dans la cabane, là, puis tu n'es pas malade.

M. Landry: Je pense qu'à ce stade-ci, il faut peut-être expliquer clairement, M. le Président, que, actuellement, l'hôpital est sous tutelle. On parle de réorganisation de l'hôpital et, actuellement, il y a un comité de vigilance qui voit à l'application des orientations de l'hôpital et il y a tout un processus de réorganisation. Je voudrais peut-être spécifier aussi que l'importance que Paryse a soulevée tout à l'heure du problème de coordination, bien je pense que les intentions du fondé de pouvoir qui remplace le conseil d'administration, l'intention d'une nouvelle équipe, de la nouvelle direction générale qui est en place, c'est d'essayer d'amener un correctif à cet égard-là au niveau de la coordination et de la planification et de sensibiliser les parents, les bénéficiaires pour qu'ils sachent très bien où s'adresser lorsqu'ils ont des plaintes.

Le Président (M. Messier): II y a peut-être deux autres interventions. M. le député de Beauce-Sud, M. Audet.

M. Audet: Beauce-Nord.

Le Président (M. Messier): Beauce-Nord. Mille excuses.

M. Audet: Bonsoir. Très brièvement. On a reçu un organisme hier, le comité de bénéficiaires du centre Robert-Giffard à Québec, qui me semble être un centre un peu semblable à celui que vous avez, que vous représentez. Eux, lors de leur intervention, ils ont souligné l'importance que revêtait pour eux la Commission des affaires sociales dans tes cas, par exemple, où certains spécialistes traitants pouvaient abuser d'un mécanisme qui existe en vertu de la Loi sur le Curateur public. Ça veut dire, par exemple, le droit d'isolement d'un patient pour usage thérapeutique. Alors ils disaient que, par exemple, il arrivait, lorsqu'il semblait pour eux qu'il y avait abus, qu'ils référaient le cas à la commission des affaires sociales et il semble que le mécanisme était très efficace pour faire lever, par exemple, ces périodes d'isolement ou lever ce mécanisme dont le médecin ou le traitant peut se servir en vertu de la Loi sur le Curateur public. Est-ce que c'est un mécanisme que vous utilisez, la Commission des affaires sociales?

M. Landry: À certaines reprises, M. le Président, oui, on utilise et on apporte le support auprès du bénéficiaire pour s'adresser à la Commission des affaires sociales.

M. Audet: Est-ce que c'est efficace? Est-ce que ça va bien?

M. Landry: Oui. Puis, à cet égard-là, ça va relativement bien. Mais c'est très rare. C'est sûr que c'est dans les cas plus spécifiques, dans les cures fermées, où on attribue, au service de ce qu'on appelle le programme de courte durée, l'évaluation et les admissions en courte durée, une forte proportion de la clientèle fait appel aux ressources du comité pour les aider à cheminer devant la Commission des affaires sociales.

Et ce qui est assez bizarre aussi, c'est que tout récemment, au comité de bénéficiaires, on a eu deux cas qui nous ont été adressés de la

part des bénéficiaires pour s'adresser à la commission d'examen qui est une tout autre chose, qui est ce qu'on appelle plus spécifiquement pour les mandats de lieutenant-gouverneur en conseil. C'est là tout un problème. D'ailleurs, on doit travailler prochainement à ce dossier-là aussi.

M. Audet: D'accord, merci.

Le Président (M. Messier): M. le député de Neiligan, M. Williams.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais être court, parce qu'il commence à être tard. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire, mais aussi plus particulièrement pour le travail que vous faites ensemble pour les bénéficiaires de l'hôpital. Je pense juste à la formation, le type de groupes que vous avez privilégié une approche que j'aime beaucoup, c'est une approche multidisciplinaire. Vous avez partagé les responsabilités entre le CSS, le comité, les CRSSS. Je pense que dans l'avenir ça va être une des dés pour trouver la solution.

Je suis un ancien membre du Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain, hors réseau, représentant des maires. Vous avez maintenant un recours jusqu'au conseil régional, service des plaintes. Mais il me semble - et peut-être que vous n'êtes pas capables de répondre tout de suite... Nous allons discuter ça plus tard, peut-être pas à la commission parce que la deuxième lecture, c'est une autre affaire, mais comme je suis membre de cette commission-ci, comme M. Trudel, je vais certainement suivre le dossier et aussi, comme adjoint parlementaire de M. Côté, je vais certainement avoir une bonne chance de discuter cette question. (17 h 30)

Mais il me semble que lorsque nous avons parlé des trois niveaux de plaintes, l'institution, la régie et ici, l'Assemblée nationale, il y a certainement la protection. Nous avons discuté de la question de l'écrit, mais nous n'avons pas discuté de la possibilité d'avoir une personne pour aider les usagers.

Mais il y a un autre changement qui s'en vient. Je voudrais avoir votre commentaire. Je pense que, dans la loi actuelle, le Conseil régional du Montréal métroplitain peut adresser une requête à la Commission des affaires sociales. Ça n'arrive pas souvent; peut-être que vous avez quelques expériences à discuter, mais ça n'arrive pas souvent. Dans la loi proposée, cette possibilité n'existe pas. Je voudrais avoir vos commentaires maintenant. Quel est l'impact sur cette affaire? Je vous respecte, parce que peut-être que vous voulez étudier ça plus tard, alors ça ne sera pas votre réponse finale. C'est quoi l'impact de ce changement pour votre clientèle?

M. Landry: Moi, je voudrais peut-être expliquer une anecdote, une expérience vécue par rapport à ce qu'on appelle le traitement des plaintes via le conseil régional, via la Commission des affaires sociales ou via l'établissement. Par les années passées, on a participé à différentes commissions parlementaires. Je pense que ce n'est pas la première fois qu'on vient s'adresser à différentes commissions, surtout pour la politique de la santé mentale. On se disait, nous autres, que les principaux acteurs qui jouent les différents rôles de structures du réseau, c'est-à-dire le conseil régional, la Commission des affaires sociales ou les établissements, je pense qu'il faut voir à ce que dans la loi future, ce qu'on appelle la loi 120, il y ait possibilité que ces acteurs-là n'aient pas les mêmes intérêts en termes de dispensation de services. Parce que, exemple concret, au conseil régional, quand le comité de bénéficiaires s'y adressait pour défendre les droits et les intérêts des bénéficiaires, on pointait nos demandes au conseil régional, mais, quand le conseil régional se retournait de bord et analysait cette plainte-là, il en faisait comme une recommandation auprès de l'établissement. Mais nous, à l'analyse de cette démarche-là, nous avons constaté qu'à l'intérieur des structures du conseil régional et de l'établissement c'étaient les mêmes acteurs. Exemple: notre directeur général dans les années 1986 et 1987, il siégeait au conseil d'administration du CRSSS et se trouvait, par ricochet, vice-président du conseil d'administration. Alors, comment le CRSSS peut-il actualiser un traitement de plaintes d'une façon efficace, être un recours neutre, un recours assez évident pour permettre au bénéficiaire d'avoir des droits et de défendre ses services quand, au niveau de la structure et des nominations, les mêmes personnes jouent les mêmes rôles à différents endroits? Ça devenait comme des v?ux pieux.

Alors, nous autres, on disait qu'il était impératif que, lors de l'étude du projet de loi, bien les acteurs qui font partie de ces structures-là n'aient pas des intérêts propres à différents niveaux. Parce que les recours, les mécanismes de traitement de plaintes, les mécanismes d'appel de services, de promotion et de défense des droits étaient mis en cause. Je pense qu'il faut s'assurer que les acteurs puissent avoir un rôle complètement indépendant du réseau.

M. Williams: Merci.

Mme Labrie: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

M. Williams: Oui.

Mme Labrie: J'aimerais seulement ajouter... Ce que je comprends du mécanisme qui existe présentement, les plaintes qu'on peut faire au CRSSS et les plaintes qui peuvent se rendre à la

Commission des affaires sociales, c'est que le CRSSS a un pouvoir de recommandation aux autorités de l'établissement concerné par la plainte du bénéficiaire. C'est ça? Je crois que le CRSSS peut ensuite acheminer une requête à la Commission des affaires sociales dans les cas où il estime que les droits du plaignant risquent d'être en péril. Est-ce que je me... C'est ça, bon!

À notre avis, les recommandations que la Commission des affaires sociales peut faire à l'hôpital ou à la direction du service en question sont certainement plus contraignantes que les recommandations du CRSSS, sinon je crois que le recours n'existerait pas. C'est ce que je comprends, en tout cas, du mécanisme. Alors, est-ce qu'en éliminant le recours à la Commission des affaires sociales les recommandations du CRSSS seraient contraignantes d'une autre façon? C'est ça, parce que, si jamais les recommandations du CRSSS n'ont pas l'effet contraignant des décisions de la Commission des affaires sociales, je crois qu'à ce niveau-là ce serait difficile pour nous d'accepter ça, parce que c'est important qu'il y ait un pouvoir vraiment contraignant pour...

M. Williams: Nous ne réglerons pas toute cette question ce soir. Ça va être très important de continuer cette question, parce que, avec le projet de loi, cette relation change complètement. Et je voudrais vraiment savoir, dans les semaines qui suivent, vos commentaires sur l'impact de ce changement, et nous pourrons avoir une chance de scruter cette question.

Je voudrais retourner à un autre mémoire que nous avons eu ce matin. Si je me souviens bien, l'Association des centres d'accueil a présenté un mémoire qui dit qu'elle a questionné la possibilité que le rôle officiel du Protecteur du citoyen dans leur établissement prenne les responsabilités de la protection des droits, et elle veut garder cette responsabilité dans les mains des usagers. Nous pourrions avoir un débat sur ça, sur comment le mieux placer cette responsabilité. Mais il me semble que vous avez vraiment commencé à mettre sur pied un programme de responsabilisation dans votre institution. Avez-vous des commentaires sur l'impact sur votre affaire, si nous avons une obligation, un droit légal d'avoir le rôle de Protecteur du citoyen dans votre établissement? Est-ce que ça va changer la façon dont vous allez marcher?

M. Landry: Je pense, M. le Président, peut-être pour répondre à la première partie de cette question-là... Il va de soi que, pour nous, qu'on renforce, qu'on donne plus de responsabilités à ce qu'on appelle les comités de bénéficiaires ou qu'on va appeler les comités d'usagers éventuellement, et à quiconque, je pense, qui, mieux que les comités, puisse actualiser la première partie du volet... Mais ce qui est important, c'est qu'il y ait une collaboration avec la personne, entre le comité des... Et le lien le plus significatif, le lien le plus privilégié qu'aurait cette personne-là qui viendrait du Protecteur du citoyen, c'est de travailler en étroite collaboration avec le comité de bénéficiaires, et même de participer constamment aux exercices de l'actualisation, de la promotion puis de la défense des droits des bénéficiaires. Et, à cet égard, il serait intéressant que le Protecteur du citoyen puisse travailler main dans la main avec le comité, parce que nous, on les connaît, les bénéficiaires, puis on est leurs représentants. Nous sommes imputables aux bénéficiaires, et éventuellement, M. le Président, le comité va tenir des élections, puis c'est là que les bénéficiaires vont nous évaluer, évaluer si on les a supportés, si on les a défendus, si on les a aidés. Tout récemment, on a actualisé un dossier sur l'augmentation de salaire, puis les bénéficiaires sont contents, ils nous le disent, puis ils sont heureux. Alors on devient comme imputables à eux à l'égard de la défense de leurs droits... Il y a une autre caractéristique, chez nous, qui est différente, c'est que, en établissement psychiatrique, il y a un grand nombre de bénéficiaires qui ne s'expriment pas, qui ne parlent pas, parce que leur pathologie est profonde. Or, on devient comme leurs porte-parole, on les représente. Sur l'aspect légal, c'est le bureau du Curateur public, mais il va de soi qu'on est les plus significatifs au niveau des bénéficiaires pour parler en leur nom, et on n'attend pas souvent, quand il y a des injustices, des erreurs qui se commettent, que les bénéficiaires s'expriment eux-mêmes. Comme je disais tout à l'heure au député qui nous demandait s'il fallait que ce soit fait par écrit, les plaintes, écoutez, ils ont de la misère à s'exprimer, ils ont de la misère à voir ce qui se passe alentour d'eux, si on leur demande de se plaindre par écrit... Alors c'est pour ça qu'on devient comme leurs représentants, pour parler en leur nom. Peut-être Roger...

M. Camirand: Si je peux me permettre... Le Président (M. Messier): M. Camirand.

M. Camirand: Si j'ai bien compris le sens de votre question, vous voulez savoir quels avantages on verrait à la venue du Protecteur du citoyen dans le secteur de la santé mentale. Nous, on voit la venue du Protecteur du citoyen comme deux gros avantages particuliers, comme on le démontre dans notre mémoire. Le premier avantage, ce serait le pouvoir de recommandation qu'aura le représentant du Protecteur du citoyen. Tout le monde considère que le Protecteur du citoyen donne des recommandations qui sont bienvenues. La plupart du temps, ces recommandations-là, je pense, sont respectées par ceux qui en font l'objet. Puis nous, on pense que, quand le représentant du Protecteur du citoyen va faire des recommandations, elles vont être prises en

compte, ça ne passera pas dans le vide. Puis, aussi, si jamais c'étaient des gros points, puis qu'on voyait que ça ne bouge pas, on espère que peut-être ça pourrait finir par se rendre au Protecteur du citoyen lui-même, puis peut-être même à l'Assemblée nationale, qu'on pourrait régler vraiment la question. Ça, c'est un gros avantage.

Le deuxième avantage, c'est que, comme vous pouvez peut-être le constater dans la recommandation 12 de notre mémoire - c'est ça - le représentant du Protecteur du citoyen aura aussi un rôle particulier dans les établissements psychiatriques, ce serait de permettre au bénéficiaire, s'il constate que le bénéficiaire a un recours légal qui existe déjà et qu'il pourrait prendre, de l'aider à cheminer dans ce recours-là. Tout cela se ferait en collaboration avec le comité de bénéficiaires. Ce serait le deuxième élément important. On ne veut pas ajouter au fouillis qui existe déjà dans les mécanismes de traitement de plaintes, il y en a quand même beaucoup, mais ce n'est pas tellement coordonné. Nous, ce qu'on veut, ce serait comme faire une espèce de guide pour le bénéficiaire; il pourrait se retrouver plus facilement. Ce serait une caractéristique particulière du représentant du Protecteur du citoyen. C'est les deux gros avantages qu'on voit.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Messier): Oui, M. Trépanier, je pense.

M. Trépanier: Merci. Je veux ajouter aussi, la première fois que je suis rentré à l'hôpital, ça allait mal, c'était dur pour moi aussi. Moi, je parle au nom de tous les bénéficiaires à Louis-il.-Lafontaine. C'est dur, c'est pas mal dur. Le monde va me dire: Roger, tu as l'air en forme; pourquoi tu ne sors pas de l'hôpital? Tu as l'air guéri, vas-t-en, ce n'est pas ta place.

Une voix: C'est bien.

M. Trépanier: Comprends-tu? S'il n'y a pas d'inconvénient... Quand je suis en foyer... En foyer, tu n'as rien à faire, tu ne travailles pas, tu n'as pas d'activité, tu n'as rien, tu n'es pas dans le centre. Là-bas, à l'hôpital, tu as de la danse, des spectacles, des bingos. Va voir ça en dehors de ça, il n'y en aura même pas. On s'ennuie, on est tout mal à l'aise quand on est en foyer. Moi, je veux avoir un foyer qui s'occupe de moi comme il faut, pour pas que je revienne à l'hôpital. Comprends-tu?

Le Préskient (M. Messier): Oui, absolument. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, M. Trépanier, Mme Huard, Mme Côté, M. Landry, M. Camirand, Mme Labrie et - de mémoire, M. Camirand. J'ai un blanc de mémoire. Je vous remercie beaucoup de votre intervention, de la qualité de votre mémoire, de la qualité de votre présentation. Au nom du vice-président, M. Trudel, qui a dû s'absenter et au nom des membres de la commission, on vous remercie beaucoup de votre témoignage. Oui?

M. Landry: Je veux seulement rajouter un point, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Avec le plus grand des plaisirs.

M. Landry: Avant de terminer, nous aussi, on vous remercie. Je remercie aussi pour sa patience Mme Giguère qu'on a pu contacter à plusieurs reprises. On a dû se déplacer. Je pense que la compréhension qu'elle a apportée à notre égard, on l'a appréciée beaucoup. On devait passer hier avec les autres représentants et, à notre niveau, on avait d'autres préoccupations qui nous sont arrivées à Louis-il. Par contre, M. le Président, je tenais quand même à souligner sa contribution et sa générosité à notre égard, auprès du comité.

Le Président (M. Messier): Ça va être publié dans le Journal des débats et, possiblement, on va l'envoyer à son patron.

M. Landry: Parce qu'on oublie souvent les personnes qui travaillent en arrière, mais je pense que, quand même, il faut dire aussi, M. le Président, qu'on vous a sensibilisés sur certains aspects de la future loi 120. C'est clair que, pour nous, on va travailler très fort parce que, dans les objectifs, c'est très clair pour nous de défendre l'intérêt des plus démunis...

Le Président (M. Messier): Parfait.

M. Landry: ...une grande partie de notre clientèle à Louis-il. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Je dois ajourner les travaux au lundi 28 janvier, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 44)

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