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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Tuesday, May 28, 1991 - Vol. 31 N° 45

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions du Protecteur du citoyen et vérification des engagements financiers pour la période d'août 1989 et mars à octobre 1990


Journal des débats

 

(Neuf heures seize minutes)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, nous allons débuter nos travaux. Je constate qu'il y a quorum et je déclare donc la séance de notre commission ouverte, afin de procéder de nouveau à l'audition du Protecteur du citoyen, dans le cadre du mandat d'examen de ses orientations, activités et gestion, ainsi qu'à la vérification des engagements financiers relevant de sa compétence, pour la période de septembre 1989 à mars 1991. Il n'y a des engagements à vérifier que pour les mois de mars 1990, mai 1990 et octobre 1990.

Examen des orientations, des activités

et de la gestion du Protecteur du citoyen

Organisation des travaux

Alors, je vais vous faire maintenant lecture de l'ordre du jour. Premièrement, je vais, pendant 30 secondes, faire des petites remarques préliminaires; ensuite de ça, nous entendrons M. Jacoby qui fera son exposé sur les questions qui lui ont été soumises par la commission ainsi que sur son rapport annuel 1989-1990. Ensuite, nous procéderons à une période d'échanges entre les membres de la commission et le Protecteur du citoyen. Ensuite, nous procéderons à la vérification des engagements financiers de la compétence du Protecteur du citoyen pour la période mentionnée tantôt et, finalement, nous procéderons à des remarques finales.

Alors, juste avant de vous inviter, M. Jacoby, j'aimerais tout simplement souligner aux membres de la commission que c'est le 15 mars 1990 que l'Assemblée nationale nous a, par une ratification, autorisés à examiner le mandat, la gestion, les orientations du Protecteur du citoyen. Suite à cela, en date du 12 septembre 1990, nous avons fait paraître dans les différents médias un avis sur des auditions publiques relatives au Protecteur du citoyen. Nous avons donc entendu 39 groupes et individus, les 24, 25, 28, 30 et 31 janvier 1991, et 25 mémoires nous ont été transmis pour dépôt seulement.

Alors, avec tous les membres de la commission, avant de faire nos recommandations à l'Assemblée nationale, nous nous étions entendus pour entendre de nouveau M. Jacoby afin de vérifier véritablement les orientations que nous allons prendre pour notre rapport qui sera déposé a l'Assemblée nationale avant la fin de la session et pour un débat d'une heure, je crois, en vertu du règlement, qui sera fait sûrement avant la fin de la session également.

Alors, M. Jacoby, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les membres de la commission des institutions et je vous demanderais, premièrement, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, pour ensuite procéder à la lecture de vos réponses à nos nombreuses questions. Et je vous félicite d'avoir répondu aussi rapidement, puisqu'on vous a transmis ces questions-là il y a moins d'une semaine et demie, je crois. Alors, M. Jacoby, bienvenue, et je vous laisse la parole.

Exposé du Protecteur du citoyen

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Alors, je vais vous présenter Me Frances Hudon, qui est à ma gauche et qui est directrice générale des enquêtes au bureau du Protecteur du citoyen, et Me Jacques Meunier, à ma droite, qui est le vice-protecteur du citoyen ou l'adjoint du Protecteur du citoyen.

D'abord, je voulais vous dire, M. le Président, MM., Mmes les parlementaires, que je ne peux que me réjouir du grand intérêt que vous portez à notre institution depuis un certain temps, parce que, pendant plusieurs années, j'ai l'impression - mes prédécesseurs ont eu l'impression aussi - que les parlementaires ont quelque peu négligé cette institution, institution qui pourtant aide les parlementaires de toute formation politique à exercer leur mandat de contrôle et de surveillance sur les abus et les excès de l'administration qui relève du pouvoir exécutif.

Depuis plusieurs années, vous nous avez rencontrés régulièrement. Vous avez pris les moyens également pour que l'Assemblée nationale vous confie le mandat de nous entendre annuellement sur le rapport annuel. Je voudrais, à cette occasion, vous remercier et remercier également tous les groupes, toutes les associations et les individus qui ont pris la peine de rédiger des mémoires, pour la commission, sur les orientations et les activités du Protecteur du citoyen. Non seulement je les remercie pour leur présence, mais je dois aussi les féliciter, parce que je pense que ça démontre que chez nous, au Québec, il y a une volonté profonde de démocratie. Je sais que les commentaires qui vous ont été formulés par les différents intervenants ont certainement apporté de l'eau au moulin dans vos réflexions sur les orientations et le mandat de notre institution.

Alors, je vais prendre les questions dans l'ordre où elles ont été soumises. Le premier chapitre porte sur l'indépendance du Protecteur du citoyen. La première question vise le traitement et le régime de retraite ou le régime de

pension du Protecteur du citoyen. La question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on peut penser que les régimes du Protecteur du citoyen et du Vérificateur général qui, lui aussi, est une personne désignée par l'Assemblée nationale, devraient être analogues? Je veux seulement préciser que, lorsque je vous ai transmis une note, il y a quelques mois, sur cette question-là, c'était tout simplement pour demander à la commission d'examiner l'opportunité de voir à ce que le traitement du Protecteur du citoyen soit fixé, de par la loi, automatiquement, parce que le Protecteur du citoyen se retrouve chaque année dans l'obligation d'aller négocier son traitement avec le Conseil du trésor, à toutes fins pratiques, même si ultimement il y a une résolution qui est adoptée par l'Assemblée nationale. Je pense que, si on prend en considération, en tout cas, l'apparence d'indépendance nécessaire que doit avoir le titulaire du poste de Protecteur du citoyen, il serait bon, à l'instar à la fois du Directeur général des élections et du Vérificateur général, que ce soit automatique en vertu de dispositions de référence qui se trouveraient dans la loi. C'était le but de mon intervention.

Sur la question de savoir si le régime de rémunération doit être identique à celui du Vérificateur général, bien, étant donné le fait que ces personnes-là, pour le compte de l'Assemblée nationale, jouent un rôle de contrôle avec des pouvoirs d'enquête, je pense que substantiellement ça devrait assez se ressembler, mais cependant je pense que je ne suis pas en mesure de préciser quoi que ce soit à ce stade-ci, parce qu'il faut tenir compte du fait que, notamment, la durée du mandat n'est pas la même. Il y a plusieurs autres facteurs. Je pense qu'il y aurait certainement matière à réflexion pour la commission et aussi pour le gouvernement là-dessus.

Sur l'autre question, la question du régime de retraite, je soulignais la nécessité, je pense, de revaloriser la retraite des ex-Protecteurs parce que, finalement, on réalise qu'avec l'inflation cette pension qui leur est accordée ne leur permet plus de jouer véritablement... n'a plus de pouvoir économique comme tel. Alors, c'est sur cette affaire-là que, finalement, je pense qu'il y aurait lieu de regarder s'il n'y aurait pas moyen d'adopter, pour le régime de pension du Protecteur du citoyen, des dispositions analogues à celles qui ont été retenues en 1982 dans la Loi sur les conditions de travail et le régime de pension des membres de l'Assemblée nationale, et dans la loi qui a modifié récemment la Loi sur les tribunaux judiciaires en ce qui touche les régimes de retraite des juges de la Cour du Québec.

Sur la question de la nomination d'un ou plusieurs vice-protecteurs, il y a trois hypothèses de recommandations qui sont examinées, soit qu'un adjoint ou des vice-protecteurs soient nommés, qu'un vice-protecteur des autochtones soit nommé, que le ou les vice-protecteurs soient nommés par le gouvernement sur suggestion du Protecteur du citoyen.

La première chose que je voudrais vous dire, c'est que le poste de vice-protecteur ou d'adjoint du Protecteur, dans l'institution, est un poste éminemment important. Vous savez que l'institution de l'ombudsman, pour des raisons historiques et aussi pour des raisons d'indépendance, ne fonctionne pas à l'instar d'un organisme ou d'une commission comme la Commission des droits de la personne ou comme la Commission de protection des droits de la jeunesse qui sont d'inspiration plus américaine, tandis que notre institution est d'inspiration suédoise, et à travers le monde c'est comme ça que ça fonctionne, c'est une institution qui est très personnalisée. Donc, il n'y a pas de conseil d'administration, il n'y a même pas d'organisme consultatif, et il est évident que le rôle de l'adjoint du Protecteur est éminemment important pour les conseils qu'il fait régulièrement au Protecteur sur les orientations de l'institution, également parce qu'il joue un peu le rôle équivalent du jurisconsulte pour le bureau du Protecteur. Vous savez que nous ne demandons pas nos opinions juridiques au ministère de la Justice pour la bonne raison qu'en général elles sont divergentes.

Ceci étant dit, sur la question d'avoir plus d'un adjoint du Protecteur du citoyen, je pense que ça m'apparaît essentiel aujourd'hui. Vous savez, ce que j'ai pu constater depuis que j'occupe cette charge, c'est que, d'une part, les dossiers deviennent de plus en plus complexes, les dossiers deviennent de plus en plus nombreux, il y a une foule de plaintes aujourd'hui que nous avons, que nous recevons de la population, même, à l'occasion, par l'entremise de membres de l'Assemblée nationale, et qui nécessitent énormément d'analyses. Je pense qu'il faudrait, à tout le moins, comme dans plusieurs organismes gouvernementaux, même si cet organisme n'est pas gouvernemental, que le Protecteur puisse être assisté de plusieurs adjoints ou de plusieurs vice-protecteurs.

À l'instar de ce qu'on retrouve dans les sociétés d'État ou les organismes, on a un P-DG avec des vice-présidents spécialisés: vice-président aux opérations, vice-président aux affaires juridiques, vice-président au développement; enfin, je pourrais en énumérer comme ça. Je pense que c'est un minimum essentiel en termes de fonctionnement. La charge devient extrêmement lourde et de plus en plus lourde, quoique, néanmoins, elle demeure fort intéressante.

La deuxième question ou la deuxième hypothèse: Est-ce que l'on devrait nommer un vice-protecteur des autochtones, ou en rapport avec les autochtones? Je n'ai absolument aucune objection de principe. Cependant, je comprends qu'à partir du moment où la commission recommanderait la création d'un vice-protecteur en matière autochtone ça signifie, politiquement, que

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Cependant, à titre de Protecteur du citoyen, vous me mettez dans une position un peu délicate, parce que vous savez qu'en principe, même si nous privilégions certaines clientèles cibles parce qu'elles sont économiquement démunies ou parce qu'elles sont sujettes à des barrières linguistiques ou culturelles, il n'en reste pas moins que le Protecteur du citoyen demeure une institution pour l'ensemble des clientèles. À ce titre, je pense qu'il y a également des barrières culturelles et linguistiques en ce qui touche les communautés culturelles et ethniques, également des barrières culturelles et ethniques pour ce qui concerne les anglophones de souche au Québec. Je pense que c'est une question d'opportunité que vous serez mieux que moi à même de vider ou d'évacuer. Je pense que ça, c'est l'aspect clientèle.

Je peux vous dire également qu'il y a dans notre société des personnes qui sont économiquement démunies et que la situation s'aggrave de semaine en semaine. On peut se poser la question: Est-ce qu'on ne devrait pas avoir aussi éventuellement un vice-protecteur responsable des personnes économiquement défavorisées?

Sur le troisième point, est-ce que le ou les vice-protecteurs doivent être nommés par le gouvernement sur suggestion du Protecteur du citoyen? je vais vous dire que la loi a été faite en 1968, à une autre époque, et je pense qu'à partir du moment où le vice-protecteur du citoyen ou l'adjoint du Protecteur le remplace à l'occasion - et c'est marqué en toutes lettres dans la loi - j'ai un peu de difficulté à concilier le fait que le vice-protecteur ou l'adjoint soit nommé par le Conseil des ministres sur recommandation du Protecteur, alors qu'il doit avoir les mêmes caractéristiques d'indépendance que le Protecteur lui-même.

Je pense que le ou les vice-protecteurs devraient être nommés directement par l'Assemblée nationale ou par une commission spéciale de l'Assemblée nationale sur recommandation du Protecteur. Je dis sur recommandation du Protecteur parce que, dans le fond, vous savez, c'est un peu normal en ce sens que le Protecteur du citoyen porte sur lui les grandeurs et les vicissitudes de l'institution et il serait normal que le Protecteur participe à sa nomination, comme actuellement c'est le cas avec le gouvernement: c'est sur recommandation du Protecteur. Mais, pour mettre les choses à la bonne place, retomber dans les principes de base, je pense que c'est l'Assemblée nationale qui devrait nommer le ou les vice-protecteurs du citoyen.

Sur la question du personnel du Protecteur du citoyen, comme vous le savez, les employés du Protecteur du citoyen ne sont pas des fonc- tionnaires. Ils ne sont pas régis par la Loi sur la fonction publique et ça a été voulu comme ça lorsque la loi a été adoptée, pour des raisons évidemment d'indépendance. Combien de fois on se fait dire, lorsqu'on ne donne pas raison au citoyen - on se le fait dire à l'occasion, c'est rare mais ça arrive - qu'on est là pour protéger les fonctionnaires, qu'on est des fonctionnaires. Je pense que, lorsqu'on explique à la population qu'on n'est pas des fonctionnaires, qu'on n'a rien à protéger, qu'on n'a pas d'allégeance syndicale ni d'allégeance patronale en rapport avec la Loi sur la fonction publique, ça démystifie un peu les choses.

Le but de l'intervention que j'avais faite, il y a quelques mois, quant au statut du personnel du Protecteur, c'était strictement de lui permettre d'avoir une certaine mobilité dans l'administration publique. C'est un peu aberrant, le système. Je vais vous dire pourquoi. On n'oublie pas que le Protecteur du citoyen, comme d'autres organismes, c'est une petite entité, c'est une petite organisation. Vous savez, après plusieurs années, il peut arriver que des personnes aient envie de faire autre chose que d'agir comme déléguées du Protecteur du citoyen. Ce qui est un peu difficile à comprendre, c'est qu'alors que les employés du Protecteur du citoyen sont régis mutatis mutandis par la Loi sur la fonction publique, parce qu'on a fait adopter un décret dans ça, que les conditions de travail sont à peu près identiques, que les classements sont identiques et ainsi de suite, lorsqu'un employé du Protecteur veut passer par la fonction publique, même s'il a 10 ans d'ancienneté - il peut avoir agi comme professionnel ou avocat - il est obligé de passer par les concours externes. Moi, je pense qu'il y a une injustice fondamentale puis que c'est peu pratique aussi, ce qui fait que ça peut créer un manque d'oxygénation dans le système.

Ce qui est arrivé en 1987, Mmes et MM. les parlementaires, c'est que l'Assemblée nationale a adopté une loi pour permettre à toutes les personnes qui avaient démissionné de la fonction publique, autrefois, pour devenir protecteurs du citoyen - parce qu'il faut démissionner pour devenir membre du personnel du Protecteur du citoyen - de retourner dans la fonction publique éventuellement, si elles le désirent, après qu'un avis de classement ait été fait par l'Office des ressources humaines.

Au moment où on se parle, si quelqu'un de la fonction publique vient chez nous, il démissionne, bien sûr, mais il conserve un droit de retour dans la fonction publique après un simple examen de l'Office des ressources humaines, ce qui fait que, quand je regarde l'ensemble de la situation chez nous, je constate qu'il y a pratiquement les trois quarts des employés qui, même s'ils sont là depuis bien des années, ne peuvent en aucune manière faire l'objet d'une mutation ou d'une promotion dans la fonction publique.

Ce que je recommandais, pour garantir que ce ne soit pas un moyen trop facile d'aller dans la fonction publique, M. le Président, c'est que les personnes ne puissent postuler à la fonction publique qu'après avoir fait trois ans chez nous dans un poste régulier, comme permanents. Or, comme nous n'accordons la permanence qu'après deux ans, ça serait seulement après cinq ans qu'un employé du Protecteur du citoyen, avec un avis de classement de l'Office des ressources humaines, pourrait faire l'objet d'une mutation dans la fonction publique ou pourrait faire l'objet d'une promotion dans la fonction publique.

Puis c'est d'autant plus bizarre, le système, que l'inverse n'est pas vrai. Dans le fond, si un fonctionnaire vient chez nous, il ne perd rien. Et puis il vient facilement, il n'a même pas de concours à passer pour venir chez nous. Vous savez que la loi prévoit, pour des raisons d'indépendance, que le Protecteur nomme le personnel, même s'il tient compte, dans ses grandes lignes, des paramètres de la fonction publique. Alors, ça crée une situation bizarre d'un côté comme de l'autre.

L'appellation du Protecteur du citoyen. Ah bien, ça, écoutez, je vais répondre à la question en vous disant que je favorise, je partage complètement la possibilité de modifier le titre de la loi du Protecteur. Le Protecteur du citoyen, vous savez, c'est un titre que, sous certains angles, je n'aime pas tellement. Ça fait très paternaliste, d'un côté; d'un autre côté, c'est très sexiste aussi. C'est très sexiste, mais il faut bien penser que cette loi a été écrite en 1968, je pense, et notre société n'avait pas les mêmes préoccupations qu'aujourd'hui en termes de condition féminine. Je ne pourrais que partager la volonté de cette commission de rendre ce titre très très adapté et très contemporain.

Sur la question du nom réservé au Protecteur du citoyen, vous savez, ce qu'on peut constater de plus en plus, c'est qu'on dirait, dans notre société, tant dans les secteurs para et péripublic que dans le secteur privé, qu'il y a comme un engouement pour cette institution de type ombudsman; on dirait que, chaque fois qu'on baptise quelqu'un d'un nom qui ressemble à ça, cette personne a toutes les vertus et les qualités d'une personne neutre et indépendante. Ce qu'on peut constater, c'est qu'on s'essaie... Même dans l'administration publique, vous savez, ça se voit tous les jours, dans la publicité que font certains ministères et organismes, on utilise des termes... Je nommerai les organismes si vous le désirez, mais on parie de protecteur des bénéficiaires, quand il s'agit de certains organismes gouvernementaux, protecteurs de ci ou de ça; on a failli avoir un protecteur du contribuable. La tendance de l'administration, et je peux la comprendre, c'est de vouloir baptiser tout son monde "protecteur", parce qu'il paraît que ça fait bien dans le langage. Puis, dans le para et le péripublic, on trouve ça aussi. Dans le réseau hospitalier, vous avez les protecteurs des bénéficiaires, vous avez les porte-parole des malades. Enfin, on en retrouve partout et, dans le secteur privé, bien, ça, ça ne fait que grandir. On retrouve le terme "protecteur" comme on retrouve le terme "ombudsman".

Je pense que ça crée de la confusion et je vais vous dire pourquoi ça crée de la confusion. Il y a combien de personnes qui communiquent avec nous et qui sont convaincues que, par exemple, ayant fait affaire avec un commissaire aux plaintes, au gouvernement, elles faisaient affaire avec le Protecteur du citoyen? Parce que dans les médias, comme dans le langage courant, on parie de l'ombudsman. Par exemple, à HydroQuébec, on parie de l'ombudsman, à la Protection du territoire agricole, et récemment j'entendais parier de l'ombudsman à la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Alors, dans le langage courant, le terme "protecteur", comme le terme "ombudsman", sème la confusion dans l'esprit des gens et beaucoup de gens pensent que, lorsqu'ils sont passés par un commissaire aux plaintes du gouvernement, par exemple, ils ont eu un regard tout à fait neutre et objectif de leur dossier. Je trouve ça un peu grave parce que ça risque de léser la population. Je pense que le Parlement, à l'Assemblée nationale, comme les citoyens, devrait pouvoir faire en sorte que ces titres-là ne soient pas utilisés à tort et à travers, ne soient pas galvaudés.

Vous savez, c'est un peu, par analogie - je dis bien par analogie en toute déférence - comme dans la magistrature: les juges s'appellent des juges. À date, je n'ai pas encore vu un commissaire aux plaintes au gouvernement oser dire qu'il est juge, mais ça revient un peu à ça, parce que c'est l'indépendance qui est en cause. Alors, ce que je demande c'est que, à l'instar de plusieurs législations à travers le monde, à cause de cette confusion entretenue dans la population et parce que c'est même voulu par l'administration, dans certains cas - et que c'est voulu, je peux vous faire la preuve, je ne le ferai pas, ce n'est pas le débat qu'on fait ici - je demanderais que ces titres soient réservés.

L'accessibilité au Protecteur du citoyen, la question numéro 6: Est-il souhaitable qu'une commission parlementaire telle que la commission des institutions non seulement soit chargée de l'étude et de l'approbation des budgets du Protecteur, mais soit également mandatée pour étudier les rapports annuels du Protecteur, étudier toute recommandation du premier ministre quant à la nomination du Protecteur, examiner les rapports du Protecteur qui font état du défaut des ministères ou organismes, donner suite à ces recommandations, entendre les intéressés et, s'il y a lieu, faire des recommandations aux ministères et organismes concernés?

D'abord, je pense qu'il est important qu'une commission soit mandatée par l'Assemblée

nationale pour répondre a toutes ~es préoccupations. Qu'il s'agisse d'une commission spéciale comme on en retrouve, par exemple, dans certaines législatures ou d'une commission institutionnelle comme la vôtre, je n'ai pas de préférence. Je pense que l'important, c'est que les parlementaires puissent bénéficier d'une disponibilité et de temps suffisant pour pouvoir, au nom de l'ensemble des députés, écouter attentivement et réfléchir sur les rapports et les commentaires du Protecteur du citoyen qui, d'une certaine manière, constituent pour les parlementaires de toute formation politique les yeux et les oreilles de l'Assemblée nationale en matière de rapports, de relations entre l'administration publique et les citoyens. (9 h 45)

Au Québec, on s'est inspiré de la loi de l'Alberta qui, elle-même, s'inspire du type suédois. C'est un officier que les parlementaires ont décidé de nommer pour les aider à exercer leur mandat de surveillance. Cet officier est un officier qui a des pouvoirs d'enquête et c'est donc un modèle qui diffère du modèle que l'on connaît, notamment en Allemagne, où il y a un comité des pétitions: les parlementaires reçoivent les pétitions des citoyens et font des interventions soit de type législatif, soit de type administratif.

La question que vous posez: Est-ce que, entre autres, lorsque des recommandations ne sont pas suivies par des ministères ou des organismes, par le gouvernement, la commission devrait pouvoir entendre, venir faire témoigner les personnes concernées, qu'il s'agisse de ministres ou de hauts fonctionnaires? Je pense que oui. Je pense que c'est même une bonne chose. Je sais, par ailleurs, que ce n'est pas tout le monde qui est très ouvert, au gouvernement, sur la notion d'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organisme; mais ça, c'est une autre question et ce n'est pas à moi de la régler. Cependant, je pense que ce serait une bonne chose, à l'occasion, même si ça ne se présente pas très souvent.

La question, maintenant, qui va plus loin: Est-ce que, à partir d'une convocation devant l'Assemblée nationale, la commission pourrait s'ériger elle-même en protecteur du citoyen en interrogeant, finalement, les recommandations du Protecteur du citoyen, pouvant même en arriver à des conclusions contraires? Je n'ai absolument pas de problème lorsqu'on ne partage pas les opinions du Protecteur du citoyen, mais il faut replacer l'institution dans son contexte. C'est une institution qui a des pouvoirs délégués par l'Assemblée nationale. Si elle a des pouvoirs délégués par l'Assemblée nationale, c'est qu'on lui accorde une certaine confiance, une certaine crédibilité. Je serais un peu mal à l'aise s'il fallait qu'une commission chargée d'entendre vienne modifier ou fermer des dossiers alors que nous avons décidé de faire des recommandations.

Je pense que les parlementaires ne devraient pas se substituer à l'institution à laquelle ils ont délégué des pouvoirs.

Cependant, que les parlementaires viennent interroger les témoins, poser des questions au Protecteur du citoyen sur les motifs de son intervention, je suis tout à fait ouvert à ça. Et puis il y a aussi une chose. Vous savez, bien que j'aie toujours reconnu que cette commission a toujours été au-delà de toute partisanerie politique, il n'en reste pas moins que, dans des dossiers "hot", comme on dit, là, qui mettent en cause le Conseil des ministres, ou le gouvernement ou un ministre, il est bien évident que la totale neutralité du député ne va pas s'arrêter à la porte ici, c'est-à-dire que les lignes de parti ne vont pas s'arrêter à la porte, je ne pense pas. Il ne faudrait pas, finalement, que les débats sur les recommandations du Protecteur deviennent des débats partisans, et je pense que c'est ce que vous souhaitez également.

Quant au reste, sur tout le reste, je pense que cette commission, absolument, doit étudier les rapports annuels, poser des questions sur le fonctionnement, sur les budgets, étudier toute proposition du gouvernement quant à la nomination du titulaire du poste, examiner les demandes de budget pour l'année suivant les prévisions budgétaires, faire des suggestions qui s'imposent.

Je pense que, finalement, cette commission devrait être un peu... Vous savez, on est un peu perdus, nous autres, au bureau du Protecteur du citoyen, parce qu'on ne relève pas, ne l'oubliez jamais, d'un ministre. C'est la loi qui est comme ça, puis c'est bon que ce soit comme ça, pour l'indépendance. Mais on est du monde loin de tout; on est hors circuit. Si on avait une commission de l'Assemblée nationale qui veuille s'occuper de nous quand on prépare des budgets, qu'elle puisse dire quelque chose sur les budgets, alors que je me fais répondre par des bureaucrates sur des questions comme ça... Je ne trouve pas ça sain dans le système. Alors, donc, que cette commission ait beaucoup de pouvoir, je suis entièrement, entièrement d'accord.

La question 7. Vous rappelez le fait que l'institution du Protecteur du citoyen demeure peu connue d'une grande partie de la population, malgré une augmentation constante du nombre des demandes et des plaintes qui nous sont adressées d'année en année. Vous référant au sondage que nous avons mené en août, l'an dernier, sur la notoriété du Protecteur, vous souhaiteriez savoir quels moyens sont présentement envisagés par le bureau du Protecteur du citoyen pour améliorer sa notoriété auprès de la population en général, et particulièrement auprès des clientèles défavorisées et peu scolarisées.

Devant les résultats du sondage que nous avons mené, nous avons constaté que nous faisions un peu fausse route, et il nous a fallu trouver des moyens pour joindre les personnes les plus démunies. Cependant, je vous dirai que

nos moyens sont petits et limités, mais on n'est pas les seuls, je présume. Dans ce contexte, nous avons effectué une tournée d'information récemment, en Gaspésie. On a fait une expérience-pilote et on a travaillé en collaboration avec les CLSC et Communication-Québec. Je pense que la tournée a été un succès. Nous envisageons de faire deux autres tournées régionales dans l'année en cours.

Ce que nous avons fait, également, c'est que nous nous sommes entendus avec le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu qui a accepté, qui nous a même offert, je dirais - en passant, je veux souligner l'ouverture d'esprit des hauts fonctionnaires de ce ministère - d'utiliser le chèque mensuel qui est versé aux bénéficiaires de l'aide sociale, ce que le ministère appelle maintenant les clients, pour que nous puissions y mettre un feuillet. Nous avons fait un feuillet que nous avons envoyé dans quatre régions, parce nous ne voulions pas... Vous comprenez qu'il faut donner du service, il ne faut pas qu'on soit inondés d'un seul coup. Alors, on a envoyé des feuillets d'information en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, dans l'Outaouais, dans Chaudière-Appalaches et dans Laval. Au cours de l'année, il y aura 450 000 autres feuillets qui seront transmis pour les autres régions du Québec.

Pour ce qui est de la présence des médias, nous essayons d'assurer une certaine visibilité, une certaine notoriété sur la place publique. D'avril 1990 à aujourd'hui, nous avons dénombré près de 260 présences ou mentions du Protecteur du citoyen dans les médias. Nous sommes en train de préparer un deuxième sondage, parce que le premier nous a beaucoup inquiétés, et le deuxième sondage va nous permettre de vérifier quel est le taux de satisfaction de notre clientèle. Parce qu'on n'est pas sûrs que tout le monde soit content, puis parce qu'on n'est pas sûrs qu'on fasse toujours bien les choses. Alors, on va tester ça avec un deuxième sondage.

Ce que l'on a fait pour se faire connaître également de la population, c'est qu'on a lancé, il y a deux ans, un feuillet qui s'appelle "Dossier d'enquête" et qui est distribué à des relayeurs d'information, et à l'occasion on répond à des entrevues, ou il y a des articles de fond sur les mandats du Protecteur du citoyen dans plusieurs magazines, dans plusieurs revues.

La question 8. Qu'est-ce que le Protecteur du citoyen a fait pour les communautés culturelles et ethniques, les autochtones et les anglophones? Eh bien, je peux vous dire qu'on commence à faire des choses. On a fait une étude, chez nous, un comité a remis un rapport sur les plans d'action qui devraient être adoptés pour se faire mieux connaître des populations autochtones, se faire mieux connaître des minorités culturelles et ethniques et se faire mieux connaître de la part des anglophones du Québec. Nous avons fait un plan d'action et ce plan d'action nous a amenés à poser plusieurs gestes qui sont assez importants, mais qui sont quand même de petits gestes; petits gestes parce que petits moyens. Effectivement, toutes les analyses que nous avons faites ont fait en sorte que nous avons demandé un budget de développement au Conseil du trésor pour l'année 1989-1990; ça nous a été refusé. En 1988 et en 1989, ça nous a été refusé deux fois. On a récidivé - une forme de délinquance - on a même réduit notre budget de développement de 470 000 $ à 302 000 $, mais ça été refusé également.

Alors, malgré cela, on a tenté de faire beaucoup de choses et on a fait plusieurs choses. D'abord, on a pu constater qu'il y a des groupes eux-mêmes qui sont venus nous voir pour intervenir dans certains dossiers, comme les populations autochtones. Indépendamment du dossier d'Oka, on nous dépose des plaintes. On est de plus en plus connus de certaines populations autochtones, le Grand Conseil des Cris, notamment. On a participé, en ce qui touche les autochtones, à plusieurs forums, entre autres à l'Assemblée annuelle des Services parajudiciaires autochtones du Québec, et on a la tradition d'y être invités. Nous avons également engagé, durant l'été, et ça n'a rien à faire non plus avec la crise, d'Oka... Le problème, c'est que nous avions plusieurs difficultés dans nos prisons, notamment pour les populations autochtones. Nos centres de détention sont un peu en difficulté dans le traitement des populations autochtones. On a donc engagé un avocat, chez nous, qui est d'origine autochtone et qui a une expérience dans les organismes provinciaux et fédéraux. Nous sommes en train de préparer pour les populations autochtones un plan d'action qui va nous mettre en contact avec les différents coordonnateurs ministériels en milieu autochtone.

Nous avons également établi des relations avec les communications du Secrétariat aux affaires autochtones pour élaborer une stratégie de communication, et nous devons éventuellemnt participer à différentes émissions radiophoniques diffusées par des organismes autochtones. Il devrait y avoir une rencontre de presse cette année. Nous sommes également en train de préparer un programme de formation et de sensibilisation pour nos employés quant à la culture autochtone.

Pour ce qui est maintenant des membres des communautés culturelles et ethniques, elles feront l'objet d'un plan de communication spécifique. Nous avons, de ce côté-là, travaillé beaucoup avec le CRARR, le Centre de recherche-action sur les relations raciales. Nous avons, avec le CRARR, participé à la publication de certains documents. Nous allons rejoindre également des relayeurs qui sont en contact direct avec les communautés culturelles et ethniques, soit les COFI, les CLSC, le bureau des nouveaux arrivants, Travail-Québec, l'Aide juridique, le bureau d'immigration de Montréal et le bureau de

Communication-Québec. Nous avùr." conclu avec Communication-Québec, récemment, un programme de communication parce que nous ne pouvons pas, à l'instar de Communication-Québec, offrir un service en huit langues. C'est pourquoi nous travaillons actuellement avec cet organisme-là pour nous permettre de percer davantage la connaissance des membres des communautés culturelles.

Pour ce qui est maintenant des anglophones au Québec, d'abord, le feuillet d'information dont je vous parlais tout à l'heure et qui sera éventuellement transmis à l'échelle du Québec, a également été produit en anglais. Pour la première fois, cette année, nous allons traduire notre rapport annuel en anglais, complètement. Ce que nous désirons également, c'est que le document qui s'appelle "Dossier d'enquête" et qui est transmis aux membres de l'Assemblée nationale puisse également être traduit en langue anglaise.

Mais ce que je peux vous dire, c'est que tout ceci est loin d'être suffisant, parce que le grand problème que nous vivons, enfin, que les communautés vivent, qu'elles soient les nations fondatrices ou qu'elles soient les communautés ethniques et culturelles, c'est qu'il y a une barrière linguistique énorme, une barrière culturelle énorme, dans bien des cas, qui crée toutes sortes de distorsions dans le système. Vous savez, d'une manière générale, il y a beaucoup d'Immigrants comme il y a beaucoup de membres de communautés autochtones et il y a beaucoup d'anglophones au Québec qui ne font pas confiance à l'administration, qui ont peur des représailles. C'est vrai aussi pour l'ensemble de la population, mais je trouve que dans les communautés c'est encore pire. Je pense qu'il y a lieu de démystifier un peu tout ça, puis je pense que le Protecteur du citoyen peut, dans le rôle qu'il joue aussi, démystifier l'administration publique, et c'est pour ça que je pensais nécessaire d'avoir des ressources additionnelles pour se faire mieux connaître par les populations autochtones et par les membres des différentes communautés culturelles et linguistiques du Québec. (10 heures)

La mise en place d'un programme d'accès à l'égalité. Vous souhaitez connaître nos objectifs et notre échéancier. Je peux vous dire que cette question-là m'a toujours préoccupé. Chez nous, cependant, on a fait des choses sans qu'il y ait de programme comme tel. On peut constater que, chez le personnel professionnel, contrairement à la fonction publique québécoise, les femmes représentent 43 % des effectifs, alors que, dans la fonction publique, ce n'est que 33 %. Je peux vous dire également que, lorsque j'ai procédé à une réorganisation de la structure administrative chez nous, il y a quelque temps, j'ai fait en sorte que plusieurs femmes puissent accéder aux postes de cadres supérieurs et de cadres intermédiaires, ce qui fait que, sur quatre cadres supérieurs, nous avons 50 % de nos effectifs qui sont des femmes et qu'il y a trois femmes sur sept qui sont des cadres intermédiaires.

Pour les autres groupes cibles, nous avons engagé, dans les deux dernières années, des personnes de cinq nationalités différentes, ainsi qu'une personne qui a un léger handicap. Dans les demandes budgétaires que j'avais faites au Conseil du trésor, j'avais aussi fait des demandes pour engager du personnel des groupes cibles. Nous avons également engagé, à Montréal, un professionnel anglophone et, comme je vous disais tout à l'heure, un avocat d'origine autochtone.

Nous avons été invités par différents groupes, dont la Commission des droits de la personne, à nous inscrire dans le processus formel d'un programme volontaire d'accès à l'égalité préparé par la Commission des droits pour l'ensemble des employeurs. Nous avons reçu de la documentation à cet égard, en vue d'élaborer les différentes étapes et de compléter notre programme d'action. Mais nous hésitons à nous inscrire officiellement comme un employeur, parce qu'on préfère, d'une certaine manière, suivre les politiques gouvernementales qui sont applicables aux ministères et organismes, même si nous n'y sommes pas tenus, parce que ces ministères et organismes sont quand même un peu plus proches de nous.

Pour ce qui est de la question que vous posez, la question numéro 10, sur les services d'accueil en région, effectivement, je peux vous dire une chose. C'est que le 1-800, l'accès téléphonique, ne semble pas être suffisant, même si les gens peuvent communiquer avec nous. Je pense qu'il n'y a rien comme une présence régionale pour faire en sorte que les gens soient mieux renseignés sur les services offerts par le Protecteur du citoyen, et que, dans les bureaux de comté des députés, les employés puissent aussi se servir, à l'occasion, du Protecteur du citoyen.

Il m'apparaîtrait important, pour la population, que nous ayons des services d'accueil, à tout le moins, dans les différentes régions du Québec, dans un premier temps en tout cas. Je pense que c'est strictement une question d'argent. La régionalisation, ça coûte cher, mais il faut dire qu'au Protecteur du citoyen on est certainement l'organisme le moins favorisé, le plus défavorisé. Vous savez, la Commission des droits de la personne a des bureaux régionaux dans plusieurs régions. La Commission de protection des droits de la jeunesse a des bureaux régionaux dans plusieurs régions. La curatelle publique en a. Enfin, tous les organismes dits de protection des droits, eux, ils ont des bureaux. Nous, nous n'en avons pas. On est cantonné à Montréal et à Québec. On n'a aucun contact direct avec la population. Je comprends que c'est peut-être un problème en ce sens qu'on est hors circuit tout le temps. Vous savez, nous, on n'a pas de ministre pour nous "backer" pour ouvrir

des bureaux régionaux ici et là.

Alors, je trouve qu'il y a quelque chose de paradoxal dans tout ça, que le Protecteur du citoyen... Vous savez, en Ontario, ce n'est pas compliqué, ils ont 12 bureaux régionaux. En Colombie-Britannique, où il y a deux fois moins de monde que chez nous, ils ont 5 bureaux régionaux. C'est à peu près partout comme ça au Canada. Au Québec, non, le Protecteur du citoyen, ce n'est pas comme ça. Je ne trouve pas ça normal. Je trouve ça un peu bizarre même. Je pense que c'est très important. Si on y croit à l'institution et si les députés croient véritablement que le Protecteur du citoyen peut les aider à surveiller les excès de l'administration à l'égard de la population, je pense qu'il y a quelque chose à faire là.

La question numéro 11. J'avais suggéré que des modifications législatives soient apportées à la Loi sur la fonction publique pour inclure, parmi les normes d'éthique imposées aux fonctionnaires, le devoir d'aviser les citoyens qui s'estiment lésés de l'existence du recours au Protecteur du citoyen. La question que vous me posez, c'est: Qui devrait être assujetti à cette obligation? Sont-ce les fonctionnaires ou sont-ce les ministères? Bien, moi, je pense que ça doit être les ministères et les organismes parce que, par le fait même, Us vont l'imposer, en faire des attentes signifiées pour leur personnel.

Dans quelle mesure pourrait-on en vérifier l'application? Bien, écoutez, mol, je ne pense pas qu'on doive mettre des dispositions de nature pénale dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je pense que c'est une question d'éthique plus qu'autre chose. Je pense que le Protecteur du citoyen est capable de convaincre et de persuader s'il y en a qui ne le faisaient pas.

À quelle étape et de quelle façon le citoyen serait-il avisé de ce recours? Bien, je pense qu'il faut clarifier les choses comme on le fait, et on le fait de plus en plus. Il faut nécessairement, règle générale, que le recours au Protecteur du citoyen soit un recours ultime et, lorsqu'il y a des recours adéquats, nous suggérons, et de plus en plus, dans la mesure où ils sont adéquats, que les recours soient utilisés. Je pense que je n'aurais pas de réponse unique à cette question. Ça dépend de chaque programme gouvernemental, du type et du nombre de recours adéquats qu'il possède, à savoir s'il y a des bureaux de plaintes ou pas. Je pense que chaque obligation devrait être aménagée en fonction des différentes modalités du programme gouvernemental concerné. Je pense également qu'il y aurait lieu de donner une formation plus grande à l'ensemble du personnel de la fonction publique parce qu'il y a encore - c'est normal et il y en aura toujours, je présume - des barrières psychologiques entre les interventions du Protecteur du citoyen et les fonctionnaires des ministères, de même que certains préjugés.

Vous me posez la question si le fait qu'on obligeait les ministères et organismes à indiquer l'existence de ce recours aux citoyens, ça aurait pour effet d'être utilisé d'une manière dilatoire par la population. Je ne le pense pas. Je ne le pense pas du tout, parce que, vous savez, lorsque nous recevons une plainte, nous avons l'obligation de vérifier si, à sa face même, la plainte mérite qu'on aille plus loin. Avant de procéder à une enquête, nous devons nous assurer, nous devons avoir des motifs raisonnables de croire qu'une personne, ou un groupe de personnes a été lésé ou peut vraisemblablement l'être. Donc, si la demande d'intervention nous apparaissait frivole, faite de mauvaise foi ou apparemment sans fondement, on pourrait la rejeter dès l'accueil ou encore, si on le découvrait en cours d'enquête, bien, l'enquête serait interrompue. Je pense que ça répond à la question.

L'efficacité du Protecteur du citoyen, la question 12. La question porte sur l'article de la Loi sur le Protecteur qui dit que le Protecteur "peut, en vue de remédier à des situations préjudiciables constatées à l'occasion de ses interventions, pour éviter leur répétition ou pour parer à des situations analogues, appeler l'attention d'un dirigeant d'organisme ou du gouvernement sur les réformes législatives, réglementaires ou administratives qu'il juge conformes à l'intérêt général. S'il le juge à propos, il peut exposer la situation dans un rapport spécial ou dans son rapport annuel à l'Assemblée nationale."

La question posée est très pertinente. Est-ce que, d'une pari, 27.3 permet suffisamment au Protecteur du citoyen de conseiller les organismes qui sollicitent son avis en vue de l'élaboration de normes ou de politiques, et comment peut-on conseiller les organismes? Et la troisième question qui est très très pertinente également, c'est: N'y a-t-il pas une possibilité de conflit d'intérêts entre l'application de l'article 27.3 et les questions de nature politique que peuvent susciter les débats sur les projets de loi?

Sur la première question, l'article 27.3 ne fait que reprendre l'ancien article 27 en le développant. Il étend la latitude du pouvoir de recommandation du Protecteur, afin de lui permettre de prévenir les situations potentielles de lésion pour le citoyen ou pour corriger des problèmes engendrés par des lois, des règlements, des politiques ou des directives. Ce pouvoir lui permet également d'exercer un rôle de coordination entre le ministère et les organismes qui ont des mandats différents ou complémentaires, parce qu'on constate très souvent qu'il y a un manque de coordination ou d'harmonisation entre les différents ministères et organismes du gouvernement.

Nous intervenons régulièrement dans nos enquêtes, après enquête, pour faire corriger des directives administratives, des politiques administratives, soit parce que ce sont des directives ou des politiques qui sont illégales, soit parce qu'elles sont source de lésion, soit parce qu'elles

ne sont pas du tout adaptées, qu'elles sont déraisonnables par rapport aux contraintes qu'on impose aux citoyens.

Il arrive à l'occasion que les autorités nous consultent pour s'assurer que leurs politiques administratives et leurs directives correspondent à notre demande de correction et ne produisent pas d'effets pernicieux et imprévisibles. Je pense que notre vision globale des organismes et des ministères fait en sorte que nos interventions sont généralement bien vues par les administrateurs et les dirigeants des différents organismes. La question: Est-ce qu'on peut répondre aux demandes de conseils? On le fait quotidiennement, mais je ne peux pas vous dire qu'à la porte il y a un guichet avec des numéros comme à la boucherie ou à l'épicerie; je ne pourrais pas dire que les ministères se garrochent chez nous pour avoir des avis. Ils nous considèrent à tort comme des contradicteurs alors que nous sommes des partenaires.

La question maintenant fondamentale: Est-ce qu'il n'y a pas, comme le soulignait... La question des projets de loi. Vous savez, le Protecteur du citoyen s'occupe de voir à ce que les lois soient appliquées correctement, que les règlements soient appliqués correctement, ainsi que les directives et tous les manuels d'opération qui mettent en oeuvre les lois. Le Protecteur du citoyen, également en vertu de l'article 27.3, peut donner des avis sur des pièces législatives comme sur des pièces réglementaires. Qu'il s'agisse de lois adoptées, nous faisons des interventions pour les faire modifier à l'occasion et elles le sont, mais, également, à l'occasion de projets de loi nous intervenons pour faire en sorte que les citoyens ne subissent pas d'injustices flagrantes. Vous savez - et vous le savez plus que moi - quand on adopte et qu'on écrit une loi, ça se fait souvent vite, ça se fait vite dans le ministère, ça se fait vite à l'Assemblée nationale et parfois, dans l'élaboration et la préparation des projets de loi, on ne voit pas que telle disposition, parce que rédigée de telle façon, pourrait éventuellement entraîner des lésions absolument déraisonnables pour les citoyens. On ne voit pas tout.

Il faut dire que, par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on est meilleurs que qui que ce soit, mais parce qu'on a une expérience de 21 ans en matière de lésions, de préjudices causés par les lois, par les règlements. Notre expérience dans les secteurs fait en sorte qu'on peut, dans certains cas, recommander au ministre responsable d'un projet de loi que des modifications soient apportées au projet de loi pour bonifier le régime proposé, et c'est ce que nous avons fait. On l'a fait notamment lorsque le ministre de l'Éducation a fait adopter la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Plusieurs des recommandations que nous avons faites ont été suivies par le gouvernement. On l'a fait également à l'occasion de plusieurs projets de loi. La question que vous posiez, c'est: Est-ce qu'on est en conflit d'intérêts? Bien, écoutez, la question est de savoir: Qu'est-ce qui est le plus préjudiciable? Est-ce éventuellement d'être en conflit d'intérêts entre ce qu'on a dit et ce qu'on ne reconnaîtrait plus plus tard ou de prévenir des injustices possibles auprès de la population? Je pense que nous avons un mandat de prévention des injustices et que nous devons le remplir. Si, à l'occasion, nous faisons des recommandations et que, plus tard, quelques années plus tard, on se rend compte que ce n'étaient pas les bonnes, écoutez, ce n'est pas une question de conflit d'intérêts, c'est qu'on s'est trompé. Le Protecteur du citoyen, puis son institution, ils peuvent se tromper, je pense, comme tout le monde, mais je ne vois pas de conflit d'intérêts du tout.

La question 13 porte sur le pouvoir reconnu au Protecteur du citoyen d'entreprendre une enquête de sa propre initiative, sans qu'une plainte ne lui ait été adressée. Le Protecteur du citoyen, en vertu de la loi qui le régit, doit aller au-delà de la seule réception des plaintes. Je peux donc intervenir de ma propre initiative lorsqu'une personne me semble avoir été lésée ou sur le point de l'être et je le fais de plusieurs façons. Malheureusement, nous ne possédons pas de statistiques sur les cas où nous sommes intervenus de notre propre initiative et votre question nous a permis de réaliser la lacune de notre système d'information et de gestion. On va le corriger. Mais ça arrive de bien des façons et souvent de manière surprenante. On va intervenir proprio motu, par exemple, lorsque l'étude d'un dossier individuel fait en sorte qu'on rencontre une situation lésionnaire qui touche un groupe de citoyens. J'interviens pour l'ensemble de ces gens-là. Je n'ai pas de plaintes pour les 53 autres personnes qui sont affectées par le même problème, mais j'interviens pour l'ensemble des 54 personnes, incluant le plaignant.

Lorsqu'on constate des problèmes de fonctionnement dans un ministère ou un organisme et que ceci a des impacts négatifs, on intervient également. Enfin, il arrive très très souvent qu'à l'occasion d'une plainte d'une personne... Vous savez, c'est parfois difficile d'articuler véritablement l'objet de la plainte ou de l'injustice que croit ressentir le citoyen. La personne va se plaindre, par exemple, d'un délai déraisonnable. Elle se plaint parce que ça prend beaucoup de temps à obtenir une décision d'un organisme gouvernemental. C'est vrai que la plainte est pour délai déraisonnable, mais on découvre, à l'occasion, que c'est parce que le dossier est passé dans le tordeur à quelque part dans l'organisme et qu'il a fait l'objet de différentes ou de multiples études ou qu'il est bloqué par le système, et là, véritablement, la plainte change de nature. Alors, nous intervenons de notre propre initiative, même si la plainte change de nature en cours de route. Donc, on s'en sert de ce pouvoir; on s'en sert régulière-

ment; on s'en sert de manière officielle; on s'en sert de manière officieuse, mais je pense que cet article est d'une très très grande utilité pour notre institution, donc pour les citoyens du Québec.

Concernant, question 14, le pouvoir du Protecteur du citoyen de recourir aux médias dans certains cas, vous vous interrogez sur l'opportunité de recommander que le Protecteur du citoyen ne puisse commenter une intervention, passée ou présente, qu'avec le consentement de la personne qu'il estime lésée. Je vais répondre brièvement à la question. Jamais, mais jamais nous ne commentons un cas personnalisé, à moins d'avoir le consentement de la victime ou de la personne concernée. Vous remarquerez que, dans notre rapport annuel, les cas sont dépersonnalisés. Vous remarquerez qu'on fait parfois des interventions publiques, mais on ne donne pas le nom de qui que ce soit. Nous avons une obligation de confidentialité dans notre loi et nous la respectons. Le jour où nous faisons des interventions en nommant précisément le plaignant ou la victime, nous devons demander et nous nous faisons un devoir de demander la permission à la victime. Donc, ça ne peut pas arriver, en tout cas avec nos pratiques actuelles, qu'une personne soit traînée sur la place publique malgré elle.

Il arrive très souvent également, comme vous le noterez dans les notes que je vous ai fournies, qu'il y a des gens ou des groupes de pression... Vous savez, on a des plaintes qui sont déposées par des groupes de pression puis c'est normal. Dès que la plainte a été traitée par le bureau du Protecteur du citoyen, on met au courant, bien sûr, le plaignant, la victime ou les représentants du plaignant et je peux vous dire que, dans bien des cas - et ça fait partie des règles du jeu, j'imagine - les plaignants eux-mêmes, l'association elle-même va filer l'information aux médias. À ce moment-là, on n'intervient pas du tout, sauf qu'après ça on nous appelle pour nous demander des questions.

À la question 15, vous relatez la demande que j'avais formulée il y a quelques mois pour faire en sorte que, lorsqu'une plainte est adressée au Protecteur du citoyen, le délai de prescription pour d'autres recours, s'il y a d'autres recours, soit suspendu. Et vous demandez comment on peut concilier cette demande avec le paragraphe 1 de l'article 18 de la Loi sur le Protecteur du citoyen qui, en principe, empêche le Protecteur du citoyen d'intervenir si le plaignant dispose d'un recours légal susceptible de corriger adéquatement, et dans un délai raisonnable, la situation dont il se plaint. Il faut dire qu'au Protecteur du citoyen, nous nous devons de ne pas intervenir lorsqu'il existe un recours légal, donc prévu par une loi, susceptible de corriger adéquatement la situation dans un délai raisonnable. Évidemment, nous avons un jugement à porter lorsqu'il existe des recours dans les lois. Est-ce que, parce qu'il existe un recours dans la loi, ce recours est nécessairement adéquat? Je vous dirai que non. Vous savez, des recours devant certaines instances gouvernementales où ça prend trois ans, où les délais d'audition prennent trois ans et les délais de décision prennent un an de plus, quand ça fait sept ans qu'un citoyen est trimballé dans la machine à saucisses gouvernementale, on ne pense pas que le recours est adéquat et on intervient. Alors, sur ce plan-là, je pense qu'on doit exercer une discrétion, toujours en nous plaçant dans la position où les intérêts du citoyen seraient les mieux servis. Peut-être que ses intérêts vont être mieux servis ultimement, mais dans combien d'années, s'il passe par un recours qui prend trois, quatre ans? Il est évident qu'en passant chez nous ça prend généralement moins de temps et c'est beaucoup moins lourd que d'aller devant un tribunal administratif.

L'autre chose, c'est qu'il ne faut jamais oublier que nous n'avons qu'un pouvoir de recommandation. Quand on formule une plainte chez le Protecteur du citoyen, nous, on ne pourra pas arriver trois mois ou six mois plus tard avec un pouvoir, une ordonnance et on ne rend pas de décisions de type judiciaire. Les décisions que nous rendons sont des décisions au sens du droit administratif, mais ce n'est pas des décisions exécutoires, c'est un pouvoir de recommandation. Donc, on n'a aucune assurance en théorie que l'administration va suivre nos recommandations et c'est pour ça que nous pensons qu'il y aurait lieu que la plainte déposée au Protecteur du citoyen puisse interrompre la prescription.

Vous appréhendez, dans vos questions, l'augmentation des délais de traitement des plaintes qui pourrait résulter de l'effet Interrup-tif de la prescription, attribué à la plainte adressée au Protecteur du citoyen. Écoutez, la majorité des plaintes est traitée à l'intérieur de deux mois. Nous sommes très préoccupés par les délais. Il est évident que nous devons faire en sorte que la qualité ne soit pas émondée au détriment ou au profit de la rapidité. Il est tout à fait normal que les dossiers les plus complexes ou les dossiers qui sont le plus susceptibles d'avoir beaucoup d'impact requièrent beaucoup plus de temps.

Quant à la question, finalement: Est-ce que le fait que ça interrompe la prescription, ça va augmenter nos délais? En soit, je ne le pense pas. Ça n'a pas de lien direct. Ça n'a aucun lien direct parce que, de toute façon, on va faire la même analyse. Au moment où on se parie, quand il y a un recours quelconque dans la loi, on examine d'abord la problématique du plaignant et on vérifie si le... Il faut d'abord savoir quel est le problème avant de dire au plaignant: Vous allez utiliser tel recours parce qu'il nous apparaît plus adéquat. On ne peut pas l'envoyer à l'abattoir comme ça. Alors, je ne pense pas qu'il

y ait de lien.

L'autre question que vous posez: Est-ce que, si ça avait pour effet d'interrompre la prescription, la requête au Protecteur du citoyen, il n'y aurait pas des personnes qui pourraient utiliser l'institution à des fins dilatoires, pour gagner du temps? Écoutez, je pense que, là-dessus, j'ai la conviction profonde que ça n'aurait pas cet effet-là parce que, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, à l'occasion d'une autre question, la Loi sur le Protecteur du citoyen prévoit que nous devons avoir des motifs raisonnables de croire qu'une personne a pu ou pourrait être lésée avant de faire une enquête. Donc, nous devons, prima facie, vérifier si la plainte pourrait donner ouverture à une lésion. Deuxièmement, nous avons le pouvoir de rejeter les plaintes frivoles, vexatoires, faites de mauvaise foi et je pense que ceux qui pourraient utiliser nos services parce qu'il y aurait un effet interruptif sur la prescription des recours recevraient la même médecine. Leur requête serait rejetée parce que frivole, vexatoire, faite de mauvaise foi ou apparemment injustifiée. Si on le découvrait en cours d'enquête, bien, on fermerait le dossier en cours d'enquête. Donc, ça n'aurait pas cet effet dilatoire là.

La question que vous posez maintenant, lorsqu'il s'agit d'organismes gouvernementaux où il y a des parties privées, si ça peut jouer... Dans le fond, la question que vous me posez, il s'agit de cas où ce n'est pas seulement l'administration et un citoyen qui sont en cause, mais l'administration et plusieurs citoyens dont les intérêts sont opposés. Je pense notamment au régime d'indemnisation à la CSST où on a, d'un côté, l'employeur et, de l'autre côté, l'accidenté du travail. Je pense aussi à la Régie du logement où, d'un côté, on a le locataire et, de l'autre, le propriétaire. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'il y a des parties privées, l'interruption de la prescription jouera parfois en faveur de l'une, parfois en faveur de l'autre.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, nous allons reprendre nos travaux, tout en vous remerciant, tout d'abord, de vous être prêtés à cet exercice, non pas futile, mais utile.

Alors, M. le Protecteur, si vous voulez poursuivre.

M. Jacoby: Merci, M. le Président. La question 16: Dans votre rapport annuel, vous signalez 3 cas où l'administration a refusé d'apporter des corrections à des situations de lésion et 77 cas où les corrections ont été apportées pour l'avenir seulement. On ne retrou- ve pas les détails sur ces cas dans le rapport annuel. Devant la commission, plusieurs intervenants ont souhaité que vous soyez plus explicite dans votre rapport annuel sur les cas où vos recommandations ne sont pas suivies. Et la Chambre des notaires notait qu'il est dans l'intérêt public que le rapport annuel du Protecteur du citoyen soit moins discret sur cette catégorie de cas, car c'est très précisément les situations de conflits majeurs entre l'administration et le Protecteur du citoyen qui devraient tout spécialement faire l'objet d'un examen approfondi par les destinaires du rapport annuel, soit les parlementaires. Ne croyez-vous pas également qu'il serait important pour le citoyen d'être informé, lorsque l'administration refuse de corriger des situations préjudiciables, et que ces cas pourraient être consignés dans le rapport annuel? De même, ne serait-il pas possible de faire, dans le rapport annuel, une enumeration des cas où l'administration a accepté de faire des correctifs pour l'avenir seulement?

Pour ce qui est de la recommandation qui est refusée et de ce que ça implique au niveau du rapport annuel, d'abord, je voudrais souligner que le plaignant est toujours informé du déroulement de son dossier, c'est-à-dire que le plaignant, lorsqu'une recommandation est refusée, est mis au courant. Mais je prends note, cependant, que le rapport annuel ne semble pas suffisamment explicite au chapitre des recommandations refusées, puisque celles-ci sont confondues dans l'ensemble de mes commentaires, dans la rubrique propre à chacun des ministères et des organismes dont je juge à propos de traiter.

Votre question se réfère aux 3 cas que nous avons signalés pour lesquels les recommandations du Protecteur ont été refusées. Le premier cas concerne le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science qui omet d'établir un forum indépendant avant d'appliquer une sanction administrative très sévère: l'exclusion du régime d'aide financière aux étudiants pour 2 ans, lorsque des étudiants sont accusés de fausse déclaration. J'ai dénoncé cette situation au ministère en disant que l'exclusion est beaucoup trop lourde pour qu'elle soit strictement décidée unilatéralement par des fonctionnaires. J'ai particulièrement insisté sur ce problème dans les commentaires que je faisais à la commission de l'éducation, lors de l'étude du projet de loi 25. Ma suggestion n'a pas été retenue, même si je reconnais que la formation d'un comité de révision et une écoute plus attentive des fonctionnaires ont, depuis, quelque peu amélioré la situation. Alors, voici donc un cas où notre recommandation n'a pas été suivie.

Le deuxième dossier concerne la Régie de l'assurance-maladie qui, après avoir accepté de modifier sa position dans un dossier qui mettait en cause l'interprétation de l'article 5b du règlement - ça a été mentionné dans mon rapport annuel 1988-1989 et ça a été accepté...

Le problème, dans ce dossier, c'est qu'une année, on a accepté notre intervention parce qu'on trouvait qu'elle avait bien de l'allure et, l'année suivante, on l'a refusée. À ce moment-là, nous sommes allés en appel devant le ministre responsable de cet organisme qui a maintenu la position de ses technocrates de référer le dossier devant les tribunaux administratifs. Alors, voici un cas où notre recommandation a été rejetée, d'autant plus grave, ce cas, qu'un an avant elle avait été suivie par le ministère dans un dossier tout à fait identique. Alors, il se passe des choses, des fois.

Le troisième dossier concerne particulièrement les victimes d'interventions policières. En deux mots, vous savez que, traditionnellement, les tribunaux et les règles de droit font en sorte que, lorsqu'un policier intervient dans une opération policière planifiée ou non, les victimes ne peuvent réclamer des dommages-intérêts que dans la mesure où la police a usé de force excessive, a agi de manière démesurée. Or, il nous est apparu qu'à l'occasion, des victimes innocentes d'interventions policières devaient subir à elles seules tous les dommages occasionnés par une intervention policière. Je pense, par exemple, au propriétaire d'un petit immeuble à logements où vous avez un locataire qui tente de se suicider. La police en est avisée, c'est l'intervention du SWAT. Le SWAT intervient et, quand il entre dans le bloc, vous savez comment ça se passe, hein? On ne cogne pas à la porte. Alors, il y a des portes qui sautent et tout ça. Il y a des dommages, des bris et ainsi de suite. Le problème, c'est que le propriétaire de l'immeuble, ses assurances ne couvrent généralement pas ces cas-là parce que ce sont ce qu'on appelle dans les conventions d'assurance des "acts of God". C'est comme les interventions militaires. Alors, il n'est pas payé par son assurance. Ensuite de ça, dans le cas en question, la police a réussi à prévenir le suicide, mais le locataire est une personne financièrement démunie, assistée sociale. Conséquemment, il n'y aucun recours du propriétaire contre le locataire en question. Finalement, le propriétaire de l'immeuble, qui n'a rien à voir avec ce qui s'est passé dans l'immeuble, doit subir 4000 $ ou 5000 $ de dommages pour ses portes, ses fenêtres et tout ça et la règle de droit, extraordinairement sociale, dit: Non, non, la police a agi d'une manière tout à fait conforme aux planifications stratégiques opérationnelles. Moi, comme Protecteur du citoyen, je dis: Non, ça n'a plus de bon sens, en 1991, qu'une société comme la nôtre accepte que des victimes de dommages causés par des policiers, alors qu'elles sont innocentes, ne puissent réclamer nulle part les dommages qui sont causés dans l'intérêt public, parce qu'on fait ces interventions dans l'intérêt public. Alors, donc, nous avons un dossier avec le ministère de la Sécurité publique.

Et puis il est arrivé, pendant plusieurs années, qu'on a toujours, mais toujours suivi les recommandations au nom de l'équité. Le ministère en question a toujours accepté d'indemniser les personnes qui, injustement, subissaient des dommages, qu'elles soient locataires ou propriétaires. Je ne parle pas de la personne qui fait l'objet d'un mandat de perquisition, là - ça, c'est autre chose - mais je parle vraiment du propriétaire du lieu, ou des choses comme ça. Depuis quelque temps, c'est fini. C'est fini, l'équité a disparu au ministère de la Sécurité publique. On ne peut plus intervenir. On nous réinvoque maintenant la règle de droit sacramentelle qui a été faite pour une autre époque. Alors, voici un cas de refus. C'est parce que c'est un dossier qui tarde tellement à se régler que ça équivaut à un refus. Alors, l'équité a reculé. Alors, voici des cas où il y a refus.

Quant aux correctifs pour l'avenir seulement, ça, il faut bien penser que, dans la majorité des cas, il s'agit de situations où nous sommes avisés d'une lésion causée à un individu, mais après coup. Je pense, notamment, vous savez, au domaine carcéral, lorsque des personnes détenues se plaignent de l'application du régime de vie, qu'elles ont été transférées d'un centre à un autre, lorsqu'elles se plaignent de mesures injustifiées, qu'il s'agisse de mesures disciplinaires ou de réclusion, par exemple, le trou, eh bien! on est avisé après, soit par le détenu lui-même, soit par un organisme de défense des droits des détenus et c'est évident qu'on ne peut rien corriger pour le passé. Alors, on demande que les corrections soient faites pour l'avenir, on va demander que les politiques soient changées, que les manières d'appliquer ces politiques soient modifiées pour faire en sorte qu'on respecte davantage les chartes des droits, tout en ayant bien conscience qu'il y a des raisons de sécurité qui militent, dans les centres de détention, pour que des mesures exceptionnelles soient prises. Il s'agit, en général, de problèmes à portée collective.

Vous avez le cas des lenteurs devant certains tribunaux administratifs ou devant certains organismes gouvernementaux. Quand un citoyen communique avec nous parce que ça fait deux ans et demi qu'il est assis sur sa chaise et qu'au bout de son téléphone il attend toujours que sa cause procède quelque part, eh bien! qu'est-ce qu'on peut faire? Ça fait deux ans et demi qu'il est préjudicié. Alors, on fait des recommandations pour l'avenir. Alors, finalement, les recommandations, les 77 cas où les corrections ont été apportées pour l'avenir seulement, c'est principalement des situations comme ça où on ne peut rien faire parce que le mal a été fait dans le passé.

La question 17: Dans un mémoire déposé à la commission, le groupe de 13 présidents d'organismes d'adjudication qualifiait de déficiente l'information contenue dans le rapport et surtout celle fournie aux organismes. Ainsi, le

groupe soulignait-il l'importance de connaître la nature des plaintes qui sont adressées au Protecteur du citoyen, les correctifs recherchés et les raisons pour lesquelles une plainte a été jugée fondée. Ces commentaires vous semblent-ils justifiés? Je dirais oui, en partie.

En deux mots, si je reprends la facture du rapport annuel, vous noterez que dans le rapport annuel il n'y a pas de chapitre sur tous les ministères et tous les organismes qui font l'objet de nos interventions, parce qu'à un moment donné ça pourrait devenir une encyclopédie, certaines années. Je pense qu'on se limite peut-être aux ministères et aux organismes avec lesquels on pourrait avoir plus de difficultés, ou aux ministères ou organismes où il y a vraiment des cas très patents, des cas très délicats ou des cas importants, quoique, pour le citoyen, il n'y ait pas de petits cas, mais en termes de jurisprudence, très importants pour l'ensemble de la collectivité. C'est donc que nos rapports annuels ne contiennent pas chacun un chapitre sur chacun des organismes. Il faut dire que ça fait l'affaire de certains, mais il faut dire qu'il y en a qui aimeraient être dans notre rapport annuel. Cependant, dans les tableaux statistiques à la fin, il y a quand même la liste de toutes les interventions par rapport aux 115 ministères et organismes du gouvernement. Bon. Donc, notre rapport annuel a une portée limitée, il ne peut pas tout contenir.

D'un autre côté, c'est vrai qu'on a des problèmes pour donner une information très très précise sur tous les dossiers et de manière automatique. Lorsque nous faisons nos rapports aux dirigeants d'organismes et aux ministères, dans certains cas, nous avons un problème avec notre système informatique et nous sommes donc le problème. Cependant, je peux vous dire que, lorsque spécifiquement un organisme ou un ministère nous demande véritablement de ventiler les interventions qui apparaissent au rapport annuel pour savoir quelle était la nature des interventions, si la plainte était fondée ou pas, les détails du dossier, nous lui transmettons les informations, mais nous sommes obligés de le faire de manière manuelle et artisanale comme au bon vieux temps. Alors, des fois, ça prend du temps. (11 heures)

La question 18. Vous me posez la question à savoir comment il se fait qu'alors que la Loi sur le Protecteur du citoyen prévoit un rapport général à l'Assemblée nationale, un rapport annuel, l'institution du Protecteur du citoyen n'a pas, comme telle, fait de rapports spéciaux à l'Assemblée nationale, comme c'est prévu à l'article 27 de la loi? Je pense que j'aurais une réserve ou une nuance à apporter en ce sens que nous avons, effectivement, eu recours à des rapports spéciaux, sauf qu'on ne les intitule peut-être pas comme ça. On le saura pour l'avenir. Vous savez, nous avons déposé un rapport spécial sur le projet de loi sur l'aide financière aux étudiants, nous avons déposé un mémoire sur le projet de loi 120, en mars 1990, et, suite à la commission Lemieux-Lazure sur l'application de la Loi sur la fonction publique quant à la qualité des services aux citoyens, nous avons aussi déposé un rapport spécial sur ce sujet particulier. Ceci étant dit, je pense qu'on devra, à l'avenir, les intituler comme ça, parce que c'est vrai que ce sont des rapports spéciaux.

Maintenant, pourquoi n'y a-t-il pas de rapports spéciaux plus souvent à l'Assemblée nationale sur des problèmes avec les ministères? Il y a peut-être la dynamique de l'institution qui joue beaucoup là-dedans. Le rapport spécial, on le conçoit souvent lorsque, par exemple, une recommandation n'est pas suivie par un ministère ou par un organisme, ou même lorsque le Protecteur du citoyen en avise le Conseil des ministres. Donc, les recours qui restent pour l'institution, c'est soit le rapport spécial à l'Assemblée nationale, soit l'utilisation des médias, comme c'est prévu dans une autre disposition de la loi.

Vous savez, la manière dont nous fonctionnons c'est que, dans 98 % des cas, la majorité des recommandations est effectuée par les délégués du Protecteur du citoyen. Dans 98 % des cas, ce sont mes collaborateurs et mes collaboratrices qui règlent les dossiers avec les différentes instances de l'administration. Ça ne se fait généralement pas au premier niveau, mais au deuxième niveau, au niveau des gestionnaires du ministère et de l'organisme. C'est là que les dossiers se règlent, pour la plupart. Ça, c'est une chose. Et pour 98 % de nos dossiers, finalement, on n'a pas à aller plus loin que cette demande qui a été faite par mes collaborateurs et mes collaboratrices et qui a été acceptée, finalement, par le ministère ou l'organisme.

Par ailleurs, si ça ne fonctionne pas, si, par exemple, une demande faite par mes collaborateurs et mes collaboratrices n'est pas suivie par l'administration, la loi prévoit que le Protecteur fasse une recommandation officielle au ministre responsable du ministère concerné ou au dirigeant de l'organisme concerné. Donc, c'est une recommandation officielle qui est faite cette fois-là, mais le processus d'enquête fait en sorte qu'avant de faire la recommandation officielle, la loi prévoit que le Protecteur du citoyen demande au ministre de corriger la chose, à moins qu'il n'ait des motifs pour justifier la chose telle quelle. En d'autres termes, c'est la règle audi alteram pattern, l'occasion d'être entendu; le ministre est entendu avant qu'on fasse une recommandation officielle, ou le dirigeant de l'organisme est entendu avant qu'on fasse une recommandation officielle. Ce qui fait que, dans le processus d'enquête et de recommandation, il y a cette étape-là. Et ce n'est que lorsque le ministre ou le dirigeant d'organisme nous a répondu et que nous ne sommes pas satisfaits de

ses commentaires que, là, nous prenons position officielle et que nous transformons ça en recommandation officielle.

Or, dans tout ce processus, à l'usure parfois, par sagesse d'autres fois, les recommandations sont, en général, suivies. Donc, c'est très rare qu'on ait des recommandations qui ne sont pas suivies. Il y a le recours au Conseil des ministres, mais c'est un recours tout à fait inutile, illusoire et superfétatoire, à cause du principe normal de la solidarité ministérielle. C'est un recours et ce n'en est pas un. Alors, ce qui fait que, finalement, pour des dossiers particuliers, c'est très rare qu'on soit rendu au stade où il faut dénoncer le fait qu'une recommandation n'a pas été suivie. Voyez-vous, l'an dernier, dans le rapport que vous avez vu, il y en a trois qui n'ont pas été suivies. Elles n'ont pas été mentionnées spécifiquement, je vous l'ai mentionné ce matin, mais c'est extrêmement rare. Donc, c'est un peu la situation.

Vous savez, le Protecteur du citoyen, ce n'est pas un tribunal, ce n'est pas un inquisiteur. Le Protecteur du citoyen, c'est une technique de justice douce, de justice légère. On n'arrive pas avec un arsenal de munitions. On tente de persuader, de convaincre, de se mettre à la place du citoyen; on demande à l'administrateur, à l'attaché politique ou au ministre de se mettre à la place du citoyen, comme vous le faites, comme parlementaires, lorsque vous écoutez vos commettants et que vous transmettez des plaintes; vous demandez que des solutions soient apportées à des problèmes qui vous sont exposés dans vos bureaux de comté. On n'est pas là pour frapper, on n'est pas là pour agir de manière drastique; on est là pour convaincre. Donc, c'est un processus qui est lent, mais c'est un processus qui est riche de conséquences parce que, en même temps, on agit comme agent de changement, on change des cultures organisationnelles. Ce qui fait qu'on a très peu de dossiers comme ça.

Cependant, il y a, depuis quelque temps, certains problèmes majeurs dans la conduite de nos enquêtes avec certains ministères du gouvernement. Je peux vous dire que, d'ici la fin de l'année, je vais déposer un rapport spécial à l'Assemblée nationale parce que certains ministères font de l'obstruction quasi systématique dans nos enquêtes. Alors, je pense que c'est un cas qui doit être soumis aux membres de l'Assemblée nationale, parce que je pense que la situation est extrêmement grave, pas pour l'institution que je représente, pas pour l'institution qui est votre bras droit, d'une certaine manière, mais pour les citoyens qui sont derrière le dossier. Quand il y a une forme d'obstruction systématique, ça ne peut pas marcher, ça n'a plus de sens, dans une démocratie comme la nôtre. Alors, vous aurez, cette année, un rapport spécial sur le cas de deux ou trois ministères qui, véritablement, je dirais à tout le moins, agissent terriblement lentement.

Le quatrième chapitre porte sur l'extension de la compétence du Protecteur du citoyen. La première question que vous posez concerne la demande d'extensionner le mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Avant de répondre directement à la question, je voudrais quand même rappeler certaines choses. On peut se poser la question: Pourquoi, en 1991, plusieurs organismes du gouvernement et plusieurs réseaux du gouvernement ne peuvent-ils faire l'objet d'interventions du Protecteur du citoyen? Il y a l'histoire, la petite histoire.

Vous savez, le réseau de la santé et des services sociaux est un réseau parapublic qui a été créé après les années soixante-dix. Or, la Loi sur le Protecteur du citoyen a été adoptée en 1968 par un autre gouvernement. À l'époque, le critère d'intervention du Protecteur du citoyen, c'était le fait que le ministère ou l'organisme avait du personnel fonctionnaire au sens, à l'époque, de la loi sur le service civil. Quand le gouvernement a décidé d'assumer ses responsabilités en matière de santé et de services sociaux, il a créé un réseau parapublic où le personnel n'est pas nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique, mais en vertu d'un autre système que vous connaissez bien. Alors, donc, l'ajustement n'a pas été fait dans la Loi sur le Protecteur du citoyen, même si le réseau de la santé et des services sociaux est peut-être le réseau où les gens souffrent le plus. Ça n'a pas été fait, même si la commission Castonguay-Nepveu, dans son rapport sur la réforme des services de santé, avait explicitement demandé que le Protecteur du citoyen ait juridiction sur le réseau.

Ensuite, la question de l'extension de la juridiction, vous savez, je n'ai pas inventé quoi que ce soit. Je n'ai pas inventé la roue et je n'ai pas réinventé la roue. Il y a eu des études faites au niveau gouvernemental. Il y a eu le rapport Harnois sur la santé mentale, le rapport Bussières sur les personnes âgées, la politique de santé mentale déposée par Mme Lavoie-Roux, en avril 1989, qui disait que les recours indépendants et efficaces dans le réseau de la santé et des services sociaux étaient à peu près nuis ou désuets. Et ce sont toutes ces personnes, en commençant par la commission Castonguay-Nepveu, qui ont dit: II faut que les bénéficiaires du réseau de la santé et des services sociaux puissent avoir un recours simple qui soit accessible et qui soit efficace. Lorsqu'en 1990 le ministère a formé un comité ministériel qui était présidé par M. Roger Paquet, ce comité ministériel du gouvernement dénotait que la situation du respect des droits était très déficiente dans le secteur de la santé et des services sociaux et donc arrivait aux mêmes conclusions qu'il fallait donner un recours à un ombudsman parlementaire.

Moi, ce que je peux vous ^re, c'est que depuis que j'occupe les fonctions de Protecteur du citoyen nous avons énormément de plaintes que nous ne pouvons traiter directement, bien sûr. Ça m'a beaucoup préoccupé comme Protecteur du citoyen. Je me disais: Comment se fait-il qu'une personne qui n'est pas toujours démunie là, qui est au ministère du Revenu, qui a un problème fiscal avec l'impôt, elle vient au Protecteur du citoyen parce que les services sont rendus par des fonctionnaires, et que la personne qui est prise quelque part dans un établissement du réseau de la santé, qui a épuisé tous les recours, même avec les organismes qui existent comme les comités de bénéficiaires, l'ombudsman hospitalier et puis les différents programmes d'appréciation de la qualité qui existent, ne le peut pas? Comment se fait-il qu'il y ait encore du monde qui ne peut pas faire autrement que de rentrer sous le lit, finalement? Parce que ce sont des milieux extrêmement fermés.

Vous savez pour les personnes qui sont en longue durée, il y a beaucoup d'analogie sur certains plans, je dis bien, entre la vie carcérale et la vie en établissement. Bien, ça arrive ça. Alors, je me suis dit, il faut qu'il y ait un recours externe, un recours qui soit un peu plus efficace. C'est pour ça que, l'an dernier, lorsque le ministre de la Santé et des Services sociaux tenait des audiences sur le projet de loi qui avait été préparé par Mme Lavoie-Roux, nous avons suggéré la mise sur pied de tout un mécanisme de traitement de plaintes avec un recours externe. Alors, c'est un peu comme ça que se situe la position du Protecteur du citoyen dans le dossier du réseau de la santé et des services sociaux.

À la question suivante, c'est-à-dire la question 19, une fois cette entrée en matière faite, vous me demandez quelle est la nature des plaintes que nous avons reçues et vous demandez, si jamais le Protecteur du citoyen obtenait juridiction pour intervenir dans le traitement des plaintes provenant du réseau, est-ce qu'on ne croit pas que le Protecteur serait submergé par le nombre de plaintes. (11 h 15)

Alors, à la première sous-question, je peux vous dire que, évidemment, comme ce sont des cas où nous n'avons pas compétence, nous ne tenons pas un détail de ces plaintes-là avec la nature de la plainte comme telle, avec un code et tout ça. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on tient quand même des notes et que, d'une manière générale, les plaintes que nous recevons peuvent porter tant sur la qualité des soins ou des services que sur la négligence du personnel, parfois sur les relations de travail, les congés, les frais de séjour, les problèmes avec les ambulanciers et les transferts d'un centre de santé à un autre, la perte d'objets, le non-respect de la confidentialité ou encore la difficulté d'accéder à certains documents.

On a des plaintes également qui émanent de familles d'accueil qui ont des problèmes avec les CSS contre lesquels elles n'ont aucun recours. Effectivement, votre question est tout à fait pertinente. Est-ce que, si le Protecteur du citoyen voyait sa compétence élargie au secteur de la santé, il serait submergé? Bien, je pense qu'il faut replacer la problématique dans un contexte bien particulier. La recommandation que nous avons faite, c'est que le recours ultime ne soit véritablement qu'un recours ultime. En d'autres termes, nous avons proposé au ministre, ce qui a été retenu en partie par le projet de loi 120, que chaque établissement soit d'abord responsable de la qualité du traitement qu'il accorde aux personnes. Donc, on a demandé que des responsables de plaintes soient nommés à ce niveau-là et que des bureaux soient créés.

Nous avons également suggéré une deuxième étape: des CRSSS qui deviendraient éventuellement des régies régionales dans la nouvelle législation et qui agiraient un peu comme recours de deuxième palier. Ultimement, nous avions proposé un recours externe, un recours indépendant celui-là, devant le Protecteur du citoyen. Alors, dans l'hypothèse où le Protecteur du citoyen n'agit qu'en dernier recours, il y a de très fortes chances pour qu'il n'y ait pas des dizaines de milliers de dossiers dans une année.

Vous savez, par analogie - évidemment, les comparaisons sont toujours un peu boiteuses - je prends, par exemple, le domaine de la sécurité du revenu, de l'aide sociale. Vous savez qu'il y a 450 000 personnes maintenant, ou pas loin, qui reçoivent des chèques mensuellement. Chaque dossier est revu au moins une fois par mois au minimum par le ministère. Des questions sont posées et des décisions sont prises. Donc, il y a plus de 10 000 000 de décisions qui sont prises dans une année concernant simplement l'aide sociale et, pourtant, nous ne sommes pas submergés. Mais, il faut dire qu'il y a des recours à l'interne, qu'il y a des recours devant le Bureau de révision, qu'il y a des recours à leur service des plaintes et que nous faisons en sorte que ces recours soient le plus possible utilisés. Ce qui fait qu'à partir du moment où il y a certains recours ou encore, quand il ne s'agit pas de recours mais de mécanismes de traitement de plaintes ou de service à la clientèle, c'est évident qu'on ne peut pas être submergés à ce point. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts, mais ça ne dépasserait certainement pas les 1500 dossiers par année.

Ce que je peux vous dire également, c'est que le fait que l'institution, qui serait le recours externe, agirait un peu sur l'ensemble de l'organisation de manière incitative, ça veut dire que beaucoup de dossiers individuels seraient réglés bien avant d'arriver éventuellement au Protecteur du citoyen et que, dans le fond, ce qui resterait peut-être au Protecteur du citoyen, sauf les cas d'urgence exceptionnelle, ce serait surtout des

questions que j'appellerais systémiques, les procédures, par exemple, dans un hôpital, qui peuvent être lésionnaires, certaines politiques quant aux congés. Je pense que c'est plutôt des dossiers de type systémique qui arriveraient au Protecteur du citoyen.

La question 20 porte sur l'opposition qui est exprimée par certains groupes à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux au motif qu'il serait plus approprié d'améliorer les recours existants. Vous posez la question également à savoir si le Protecteur du citoyen devrait avoir compétence sur les actes professionnels.

Il y a eu effectivement trois groupes de défense des droits des malades qui se sont opposés à l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Mais je pense qu'il faut quand même replacer ces trois groupes dans un contexte plus global. Sur les 45 groupes qui ont abordé la question, 40 groupes estimaient nécessaire de doter les bénéficiaires du réseau d'un recours véritablement externe et, parmi ceux-ci, il y en avait 35 qui souhaitaient que le Protecteur exerce son rôle selon des modalités variables. Je pense que ce souhait rejoignait les différentes conclusions des divers groupes de travail ou comités que je vous mentionnais un peu plus tôt.

D'un autre côté, vous avez, dans ces groupes, Auto-Psy et le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale qui, eux, favorisent un système d'"advocacy", mais souhaitent en même temps, du même coup, que le Protecteur du citoyen intervienne quand il s'agit d'un problème de loi, de règlement ou de procédure.

Il est vrai également de dire que plusieurs groupes ont souligné la fréquence des problèmes relatifs aux actes professionnels, particulièrement aux actes médicaux. Je peux vous dire que cette question nous préoccupe, mais, depuis plusieurs mois, nous sommes en train d'étudier le régime disciplinaire au sein des corporations professionnelles. Nous nous apprêtons, à l'été, à proposer au ministre responsable des modifications législatives dans ce domaine. Je peux déjà vous dire que nos conclusions seront vraisemblablement à l'effet qu'une plus grande crédibilité et une plus grande efficacité ne sauraient être atteintes sans retirer aux corporations la responsabilité exclusive du régime disciplinaire. Il faudra également, je pense, élargir les responsabilités à l'Office des professions.

En somme, l'amélioration des recours existants s'impose de toute évidence, mais ça n'exclut pas la création d'un recours externe ultime. Le Protecteur du citoyen n'a jamais eu la prétention de vouloir remplacer les recours existants ni de vouloir faire un double emploi. Les bénéficiaires de la sécurité du revenu disposent de plusieurs recours pour faire valoir leurs droits et, pourtant, le Protecteur du citoyen intervient continuellement pour bonifier l'application de la Loi sur la sécurité du revenu. Je ne pense pas que personne ait dit que le Protecteur du citoyen, cette institution, faisait double emploi avec d'autres personnes. Je pense que notre institution contribue à la déjudiciarisa-tion des conflits, à une approche systémique et que, lorsqu'on a une bonne collaboration de la part du ministère, bien, ça se traduit par des résultats globaux et généraux qui sont très très importants pour les citoyens. Nous ne remplaçons pas les tribunaux et nous ne remplaçons pas les groupes de défense des droits, pas plus qu'on ne remplace Auto-Psy ou le Comité provincial des malades.

En ce qui concerne l'acte professionnel, je crois que, pas plus que dans d'autres domaines, la juridiction du Protecteur ne devrait couvrir les actes professionnels. Vous savez, je pense qu'il y a des mécanismes existants. Il y a le Code des professions, il y a la déontologie professionnelle. Je pense qu'il y a des failles énormes dans le système actuel sur le contrôle de la qualité ou de l'opportunité des décisions ou de certains actes médicaux ou paramédicaux. Je pense qu'il va falloir travailler a la source et modifier les règles déontologiques de certains professionnels, et je ne parle pas que des médecins, je parle, d'une manière générale, de tous les 37 corps qui sont visés par le Code des professions. Il va falloir également faire de cette discipline, de cette intervention pour le citoyen qui en est victime quelque chose qui soit vraiment fait pour le monde et non pas pour protéger la bureaucratie ou la technocratie. Alors, dans la mesure où on va améliorer le système en ce qui touche le contrôle des actes médicaux et paramédicaux à l'intérieur de nos structures existantes, moi, je ne vois pas pourquoi le Protecteur du citoyen aurait juridiction sur ces catégories d'actes.

À la question 21, toujours en vous référant aux arguments invoqués par certains opposants à l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen, vous me demandez mon appréciation du recours ultime au ministre et de l'opportunité du maintien et de l'accessibilité accrue du recours à la Commission des affaires sociales.

Le recours au ministre. Le respect des droits des citoyens consommateurs, pour reprendre les termes de la réforme proposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, ne pourra être assuré que dans la mesure où tous les dispensateurs, administrateurs du réseau en feront leur priorité ou leur axe de référence. Ce postulat concerne autant le préposé aux bénéficiaires que le directeur du centre hospitalier et, en bout de ligne, le ministre responsable.

Nous avons vu que, pour opérer ce virage, il fallait d'abord se doter d'outils tels les mécanismes internes de traitement de plaintes. Le rapport au ministre se situe dans cette lignée. Il

témoigne de l'importance qu'il auc:.He au client et de la possibilité qu'on lui reconnaît à ce client d'être écouté par les plus hautes instances gouvernementales. Toutefois, cette écoute privilégiée ne constitue pas véritablement un recours. Elle sera sans doute l'occasion de régler plusieurs situations conflictuelles et de travailler, je le souhaite, sur les sources des problèmes. Mais elle ne pourra jamais remplacer un recours externe et entièrement objectif. Elle constituera, le recours au ministre, la démarche ultime d'une organisation qui est soucieuse des besoins de la clientèle et ce, même si le ministère n'est pas partie intégrante du réseau. Il ne faut jamais oublier que le ministre est quand même le responsable national de l'organisation des services de santé et des services sociaux et de l'octroi des budgets.

Il faut aussi remarquer que le recours au ministre, dont il est question dans certains documents entourant le projet de loi 120, a toujours été possible de tout temps et que de l'instaurer dans le projet de loi en tant que tel n'équivaudrait qu'à institutionnaliser le statu quo. Tous les grands changements annoncés dans la réforme ne se résumeraient donc qu'au traitement des plaintes dans les établissements eux-mêmes.

D'ailleurs, malgré la bonne foi de tous, l'intervention du ministre n'a pas empêché, en certaines occasions, les tribunaux d'intervenir et de se prononcer au profit des bénéficiaires. Ça n'a pas empêché les organismes de défense des droits d'intervenir également. Mais vous savez, c'est précisément le rôle d'un recours externe. Malgré toute la meilleure volonté que peut avoir le législateur qui est soucieux d'adopter des lois équitables, malgré le contrôle le plus rigoureux de l'administration, aucune société démocratique n'a envisagé l'abolition des tribunaux, incarnation du recours externe et impartial. Ces derniers offrent la seule garantie que justice peut véritablement être rendue en toutes circonstances.

Mais le problème, c'est que le tribunal ne constitue pas toujours, en cette matière, le recours ou le meilleur forum pour les bénéficiaires du réseau de la santé et des services sociaux. C'est donc, pour nous, la création d'un recours indépendant, d'un recours simple, d'un recours adapté aux besoins, qui ne va diminuer en rien le rôle du ministre ou de ses sous-ministres, ni le rôle des dirigeants d'établissements, ni des dispensateurs de services, mais qui va ultimement offrir encore la meilleure garantie dans le respect des droits de chacun.

Quant à la question, maintenant, du maintien du recours à la Commission des affaires sociales, je voudrais bien me faire comprendre par la commission sur le rôle de la Commission des affaires sociales en matière de recours pour les bénéficiaires. D'abord, la Commission des affaires sociales n'est pas un recours pour les bénéficiaires. Elle est un recours strictement pour les CRSSS. La loi prévoit que, si un CRSSS à qui un citoyen a formulé une plainte donne raison au citoyen et que la recommandation du CRSSS n'est pas suivie par l'établissement impliqué, là, le CRSSS peut s'adresser, à sa discrétion, à la Commission des affaires sociales. (11 h 30)

Je suis favorable au maintien du recours à la Commission des affaires sociales, mais je peux vous dire une chose, c'est que, de toute façon, quand bien même on renforcerait le recours, quand bien même on donnerait un droit direct aux citoyens d'aller devant la Commission des affaires sociales, ça ne réglera pas 80 % des problèmes, parce que la Commission des affaires sociales est un tribunal. Un tribunal juge et statue en droit. Or, les problèmes que vivent les bénéficiaires dans les centres du réseau de la santé et des services sociaux ne sont pas, pour la plupart, des problèmes de nature juridique, mais des problèmes de conditions de vie, des problèmes d'opportunité, des problèmes de "raisonnabilité" qui n'ont rien à voir avec la Loi sur la santé et les services sociaux, ou très loin de la loi, et qui n'ont rien à voir, pour beaucoup, avec l'application des chartes des droits.

C'est donc que le recours à la Commission des affaires sociales, même s'il est élargi, ne réglera pas plus de 20 % des problèmes. C'est tellement vrai que si je regarde les cinq cas qui ont été soumis à la Commission des affaires sociales depuis que le régime existe, il y en a la moitié qui a été rejetée par la Commission des affaires sociales parce que la Commission n'a pas juridiction; c'étaient des questions d'équité, des questions d'opportunité et non pas des questions de droit. Je ne pense pas que le gouvernement puisse demander à un tribunal de dénaturer ses fonctions, de faire respecter le droit strictement. Donc, ma position, c'est qu'il faudrait, d'une part, élargir le recours des citoyens devant la Commission des affaires sociales, mais avec la limite que ça représente de toute façon.

Alors, je disais donc que le recours au ministre, ce n'est pas un recours. Ce n'est pas un recours. C'est tellement vrai que si c'était un recours, je dirais: Abolissons non seulement les tribunaux, mais le Protecteur du citoyen aussi, parce que chaque usager d'un service gouvernemental peut s'adresser ultimement au ministre s'il n'est pas content. Ce ne sera jamais un recours. C'est un recours de type politique et non pas un recours de type juridique.

Les hypothèses que vous soulevez: recours à un sous-ministre. Bien, je pense que !e recours à un sous-ministre, ce n'est pas un recours non plus. Le recours à un sous-ministre, c'est, encore une fois, une possibilité que la haute administration puisse écouter, à l'occasion, du monde ordinaire qui s'adresse à un sous-ministre pour lui demander de faire corriger des décisions qui sont dans son organisation. Mais il ne s'agit pas d'un recours indépendant, il ne s'agit pas d'un

recours neutre, d'autant plus que vous savez très bien que les sous-ministres sont les principaux élaborateurs, penseurs et concepteurs des systèmes et qu'il est tout à fait normal qu'un sous-ministre, une fois qu'il a élaboré, conçu, avalisé un système qui a été ratifié par son ministre, ne change pas les procédures si facilement. Ceci étant dit, qu'on ouvre la voie vers les sous-ministres pour qu'ils puissent parier au monde, je suis entièrement d'accord, mais ce ne sont pas des recours comme tels.

Recours à un ombudsman spécialisé. C'est une hypothèse qui mérite d'être envisagée; ça se fait dans une juridiction à travers le monde. La question qui se pose: Est-ce qu'à l'instar de ce que l'on fait actuellement, et depuis de nombreuses années, dans les différents gouvernements... On a multiplié les tribunaux administratifs à la tonne, à un point tel qu'il n'y a plus personne qui s'y retrouve, même pas les avocats. On est en train, actuellement, de multiplier à la tonne tous les recours à toutes sortes d'ombudsmans spécialisés, qu'ils soient "executive", législatif, services à la clientèle. Aujourd'hui, le monde est mêlé dans tout ça. C'est une optique, bien sûr, que de multiplier les protecteurs du citoyen, mais je ne pense pas que ça aide la population. Je pense que ça aide plus l'administration, surtout quand elle a le contrôle sur son propre ombudsman.

Pour le recours, l'élargissement du recours au Protecteur du citoyen, je pense que je ne me répéterai plus, dans mes papiers à tout le moins. Je pense que j'ai parlé assez, depuis trois ans que je dis qu'il faut un recours, et je n'ai plus rien à dire là-dessus.

À la question 23, on me demande si, à tout le moins, il serait souhaitable de confier au Protecteur du citoyen la charge de la coordination et de l'évaluation du processus de traitement des plaintes des établissements, avec ou sans le pouvoir d'agir comme recours ultime. Il est évident que, comme institution, si le législateur lui accordait le pouvoir d'évaluer la qualité et la célérité des mécanismes de traitement de plaintes à l'intérieur du réseau de la santé, que ce soit au niveau des établissements eux-mêmes ou au niveau des régies régionales, le Protecteur du citoyen ne reculerait devant rien pour faire en sorte que les citoyens soient bien traités par le réseau, même s'il n'avait pas juridiction dessus. Ce que je peux vous dire aussi, c'est que c'est quand même artificiel parce que, pour faire une évaluation d'un système de traitement de plaintes, encore faut-il qu'on sache de quoi les plaintes retournent. Alors, là encore, ce serait, je pense, donner au Protecteur du citoyen quelque chose d'à peu près inutile pour le vrai monde.

Question 24. Dans son mémoire, le Barreau du Québec, tout en affirmant que l'ombudsman devrait avoir juridiction sur tout organisme public ou parapublic qui rend des services directs à la population - par exemple Hydro-Québec - et dont le fonds social fait partie du domaine public, laisse entendre que sa compétence ne devrait pas s'étendre aux autres organismes relevant de l'Assemblée nationale, soit le Vérificateur général, le Directeur général des élections, la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne. En somme, ce que le Barreau dit: Tout ce qui relève de l'Assemblée nationale ne devrait pas être assujetti à la juridiction du Protecteur du citoyen. Sauf que je vais être obligé de faire des distinctions que le Barreau ne fait pas.

Qu'est-ce qui relève de l'Assemblée nationale? Directement, il y a trois organismes. Il y a le Vérificateur général, le Directeur général des élections, puis le Protecteur du citoyen Les autre organismes, bien sûr que pour plusieurs d'entre eux, les membres sont nommés par l'Assemblée nationale, mais l'Assemblée nationale n'a aucun lien direct avec ces organismes-là. Qu'il s'agisse de la Commission des droits de la personne, qu'il s'agisse de la Commission d'accès à l'information, tous ces organismes sont des organismes qui relèvent du gouvernement et non pas des députés. Ils sont chapeautés par un ministre du pouvoir exécutif. Les budgets de ces organismes sont déterminés par les ministres et les sous-ministres. Ces organismes n'ont pas le pouvoir de discuter directement de leurs budgets avec l'Assemblée nationale ou avec le Conseil du trésor. Tous ces organismes sont des organismes du gouvernement. Les seuls qui n'en sont pas, c'est, comme je le disais, le Directeur des élections, le Vérificateur général et le Protecteur Quant au reste, ça relève du pouvoir exécutif.

Or, si on parle du pouvoir exécutif, quel est le rôle de l'Assemblée nationale, entre autres? Le rôle de l'Assemblée nationale, c'est de vérifier l'utilisation des fonds qui est faite par ces organismes et aussi de voir à ce que ces organismes ne commettent pas d'abus envers les citoyens et les commettants. Pour ce qui est de l'utilisation des fonds, ça va bien. Le Vérificateur général, lui, il a le droit d'aller à la Commission des droits de la personne pour vérifier si on utilise bien les fonds de la Commission. Il a le droit d'aller à la Commission d'accès pour ce faire. Le Vérificateur général relève des députés. Mais le Protecteur du citoyen, lui, il n'a pas le droit d'aller à la Commission des droits et il n'a pas le droit d'aller à la Commission des services juridiques pour voir si les services rendus par ces organismes sont des services rendus en toute "correc-tude", en toute équité et conformément à la loi. Alors, moi, je ne comprends pas l'incohérence de la séparation des pouvoirs. Ce que je peux vous dire, c'est que, si le Vérificateur général est un outil, pour vous, pour "checker" si une commission quelconque utilise bien ses deniers, expliquez-moi pourquoi le Protecteur du citoyen ne

peut pas ôtre un outil quand, ~nr exemple, et vous en avez dans vos bureaux de comté, quelqu'un se plaint de l'admissibilité à l'aide financière et à l'aide juridique. Et il y en a de plus en plus qui s'en plaignent, puis on s'en plaint, pas parce que les fonds nécessairement - c'eb! sûr qu'il n'y a plus d'argent... Mais c'est que les administrateurs, qui sont-ils? Regardez un peu comment ça fonctionne. C'est un gros parlement, ça, la Commission des services juridiques. Il y a la Commission qui est postée à Montréal. Il y a des régions partout et des corporations régionales autonomes indépendantes de qui relèvent plein de bureaux locaux, une centaine de bureaux. Voici comment s'administre l'aide juridique. En général, elle est bien administrée. Bien sûr, quand on entre dans les normes, ça va bien. Mais pourquoi un avocat que je ne nommerai pas, lui, prend en compte le fait qu'une personne a dans son compte de banque 3000 $ pour lui refuser l'admissibilité et un autre avocat, un peu plus dans le nord, lui, n'en tiendra pas compte et va accepter l'admissibilité? Et qu'est-ce qui arrive pour les citoyens qu'on représente, tout le monde, quand ils le savent et quand ils le peuvent surtout, quand ils ne sont pas écoeurés? Parce que, quand ils viennent à l'aide juridique, ils sont déjà terriblement écoeurés, ces citoyens. Ils vont devant le recours exceptionnel qui est prévu dans les lois, devant la Commission. C'est donc pratique pour des citoyens. Alors donc, les services d'aide juridique, c'est financé par le privé, ça? Pas du tout. Ça coûte pas loin de 100 000 000 $ par année. C'est les taxes, c'est les impôts des contribuables qui payent ça. C'est le Parlement qui a adopté des lois qui offrent des services juridiques à tout le monde, à tout le monde, dans la mesure où on est une personne relativement démunie et dans la mesure où on a une apparence de droit. Or, comment se fait-il que pas même un député n'a le droit de se mettre le nez là-dedans, à toutes fins pratiques? Expliquez-moi ça, là. C'est du monde et c'est avec l'argent du monde. Alors, expliquez-moi pourquoi le Protecteur du citoyen qui est un bras droit du Parlement ne pourrait pas, lui, intervenir au niveau de l'admissibilité quand il y a des abus qui se commettent à l'occasion. C'est une denrée rare, mais ça arrive à l'occasion.

Bon, alors donc... Et vous savez pourquoi on n'a pas juridiction, le Protecteur du citoyen? Parce que les employés ne sont pas des fonctionnaires au sens de la Loi sur la fonction publique. Il faut le faire! C'est des services gouvernementaux payés à même les fonds publics, mais parce que, pour des raisons historiques, ce n'est pas des fonctionnaires au sens de la loi, on n'a pas juridiction, personne. Et il n'y a même pas de contrôle par les tribunaux, puis ça, c'est le bout du bout.

Ceci étant dit, je change de secteur, et je peux vous dire une chose, c'est qu'au gré des années, des citoyens sont plus ou moins protégés.

Voyez-vous, lorsque la Société immobilière du Québec n'existait pas et que ses responsabilités étaient assumées par un ministère, les gens pouvaient s'adresser au député comme au Protecteur du citoyen. Aujourd'hui, parce que quand on a créé la SIQ on leur a enlevé le statut de fonctionnaires, il n'y a plus de recours. Par ailleurs, la SIQ me prie d'avoir juridiction sur elle et je ne peux rien faire parce que la loi ne me le permet pas.

Alors donc, les distinctions que fait le Barreau, ça n'a ni queue ni tête. C'est une approche purement juridique et administrative. Ça ne tient pas compte des véritables enjeux. Je pense que le Protecteur du citoyen ne doit pas avoir juridiction sur les officiers que l'Assemblée nationale a nommés, soit le Directeur des élections, soit le Vérificateur général, même si le Vérificateur général a juridiction chez moi. Mais ceci étant dit, pour les autres organismes du gouvernement, je pense qu'il y a un problème.

La question 25. J'ai répondu un peu aux questions 24 et 25, toute la question, vous savez, ce sont les organismes pour lesquels les employés ne sont pas assujettis à la Loi sur la fonction publique. Alors, si demain matin, par exemple, imaginez ça, les prisons provinciales étaient gérées par un organisme du gouvernement plutôt que par un ministère et qu'on décidait, pour différentes raisons, que les employés qui s'occupent des prisons ne sont plus des fonctionnaires au sens de la loi, mais qu'ils sont payés par le gouvernement à même les fonds publics, ça veut dire que, demain matin, le Protecteur n'a plus juridiction. C'est ça que ça veut dire. La loi est ainsi faite. Il faut penser aussi qu'elle a été faite en 1968, à l'époque où il y avait beaucoup moins d'organismes au gouvernement. (11 h 45)

À la question 26, vous me posez la question en rapport avec le Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité. Lors de l'étude des crédits ou des engagements financiers récemment, le ministère de la Justice a déclaré avoir une opinion juridique à l'effet que le Protecteur du citoyen n'a pas compétence sur le Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité.

Vous me demandez si je pense qu'il est important de clarifier la situation. Ma réponse, c'est oui, évidemment, parce que je pense que nous avons une opinion juridique, nous, que nous avons rendue publique, que nous avons remise au Commissaire aux plaintes, parce que nous pensons... Vous savez, il y a beaucoup de gens qui se plaignent chez nous par rapport à HydroQuébec et par rapport au Commissaire aux plaintes et nous pensons avoir juridiction. Nous avons une opinion juridique. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une opinion juridique du côté du pouvoir exécutif et du Commissaire aux plaintes que nous n'avons pas, que nous ne pouvons avoir et que, sous prétexte qu'il y a le

privilège clients et ministère... Et nous serons tenus, pour la première fois en 20 ans au gouvernement du Québec, le Protecteur du citoyen sera obligé de s'adresser aux tribunaux à cause du manque de collaboration de certains organismes gouvernementaux pour déterminer s'il y a compétence ou pas. C'est un précédent. J'espère que ce ne sera pas un précédent. J'espère, c'est-à-dire ce que j'espère, parce que, en droit, un précédent, c'est des choses qui justifient que ça vienne toujours par la suite... Mais voici un cas, donc, où nous entendons.. J'ai retenu les services d'un procureur et nous entendons faire débattre de la question par les tribunaux. Je dois vous dire, en passant, que je trouve ça extrêmement déplorable.

Question 27, quant au réseau scolaire. Dans mes demandes du 8 juin 1990, vous avez noté que je n'ai pas inclus l'élargissement de la compétence du Protecteur du citoyen aux établissements du réseau scolaire. Vous me demandez alors de vous dire si j'estimerais souhaitable que les commissions scolaires et les établissements scolaires de niveaux primaire, secondaire et collégial soient sujets à l'intervention du Protecteur du citoyen et, si oui, selon quelles modalités. Il y a une raison qui fait qu'on n'a rien demandé, parce qu'à force de demander pour rien on ne demande plus. Je vais vous l'expliquer.

En 1984, il y avait une loi qui s'appelait Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, adoptée le 20 décembre 1984, qui a été sanctionnée cette année-là, qui prévoyait le droit de l'élève, et les élèves comme les parents pouvaient recourir au Protecteur du citoyen. Donc, on accordait juridiction, en 1984, dans cette loi-là. Mais vous savez comme moi que cette loi-là a été invalidée pour des motifs de constitutionnalité, elle a été invalidée dans sa totalité par la Cour suprême du Canada, et c'est mort là. En 1987 et en 1988, lors de la préparation et de l'étude du projet de loi 107 destiné à remplacer la Loi sur l'instruction publique alors en vigueur, je suis intervenu auprès du ministre de l'Éducation et j'ai plaidé en faveur de la reconnaissance de l'extension du mandat du Protecteur du citoyen à la protection des droits de l'élève. De plus, dans une intervention publique conjointe, le 6 décembre 1988, la Commission des droits, l'Office des personnes handicapées et l'ancien Comité de protection de la jeunesse, s'appuyant sur le consensus de 1984 en matière de protection des droits de l'élève, avaient réclamé que cette protection puisse être assurée par le recours au Protecteur du citoyen. Mais le ministre n'a pas jugé opportun de proposer cet élargissement de mandat ni de modifier le projet de loi en conséquence, et c'est ainsi que la loi a été adoptée par la suite sans aucun changement.

Même si j'estime souhaitable qu'en matière scolaire les étudiants et les parents puissent bénéficier des interventions du Protecteur du citoyen ou du moins d'un tiers indépendant, je n'ai pas cru utile de rappeler ce besoin en 1990 puisque la position gouvernementale sur la question venait d'être confirmée par la nouvelle Loi sur l'instruction publique.

Mme Harel: II y a une expression qui dit: Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Merci. À la question 28, vous me demandez, pour les cinq universités québécoises qui disposent actuellement d'un ombudsman, s'il y aurait de meilleurs moyens afin d'assurer à l'ensemble de la communauté universitaire du Québec un système juste et équitable de traitement des plaintes. Vous savez, ce n'est pas très compliqué. Les ombudsmans d'université font beaucoup de bonnes choses, bien sûr, mais ils sont extrêmement limités, ils n'ont pas de marge de manoeuvre, ils relèvent directement de l'université. Ce sont des employés qui n'ont pas d'indépendance. Parfois, leurs mandats sont expressément limités. Et ils ont les moyens du bord; c'est sûr qu'en ayant les moyens du bord et n'ayant pas de pouvoir d'enquête, ils ne peuvent pas faire grand-chose.

Moi, je continue à prétendre que le meilleur recours, c'est un recours à une institution externe et, à tout le moins, on pourrait peut-être penser que, pour les universités, il pourrait y avoir un recours auprès d'un super-ombudsman qui relèverait du Conseil des universités. Ça assurerait peut-être une plus grande indépendance par rapport à une institution concernée, mais je demeure convaincu que les recours à des ombudsmans de ce type seront, quoique très efficaces dans bien des cas, quand même limités.

Pour ce qui est maintenant des municipalités, les municipalités sont des gouvernements décentralisés. En matière de traitement des plaintes des citoyennes et des citoyens dans leurs rapports avec les gouvernements municipaux, vous me demandez de commenter certaines hypothèses destinées à la solution la plus adéquate de ces plaintes. Moi, je pense, d'une manière générale, que toute municipalité devrait se doter, à tout le moins, d'un service efficace de traitement de plaintes. C'est la moindre des choses, c'est le service à la clientèle, puisque les usagers des services municipaux sont des contribuables, eux aussi, qui ont droit à la pleine application des lois et des règlements et à la justice.

Il y a certainement des municipalités qui auraient les moyens, à tout le moins si elles n'ont pas la volonté, mais qui auraient les moyens de se doter d'un mécanisme de traitement de plaintes. Mais il n'en reste pas moins que, encore une fois, je pense qu'il faut toujours un recours à des institutions externes pour assurer la pleine efficacité des recours. Évidemment, il

existe, là aucci, le recours aux ..ihunaux, mais vous connaissez beaucoup de citoyens qui ont les moyens, le luxe, le goût et l'envie d'aller se battre avec une municipalité en Cour supérieure, sachant même d'avance que la municipalité a^ra les moyens de les traîner en Cour suprême? Donc, ils n'ont pas de mécanisme vraiment efficace adapté aux besoins de la population en matière municipale.

Je pense qu'on pourrait envisager une espèce de loi-parapluie qui permettrait, pour respecter l'autonomie des municipalités, parce qu'elles ont des pouvoirs délégués que le Parlement leur a confiés... Pour respecter leur autonomie, on pourrait prévoir, notamment, que des municipalités puissent volontairement s'assujettir à la juridiction du Protecteur du citoyen, passer des contrats de services notamment, comme ça se fait d'ailleurs dans beaucoup de lois nationales d'ombudsman, donc, sur une base volontaire, ce qui permettrait donc un juste équilibre et le respect en même temps des gouvernements municipaux.

À la question 30, vous me demandez s'il serait opportun que le Protecteur du citoyen ait juridiction sur les compétences, sur les décisions des tribunaux administratifs. Là-dessus, il faut dire que j'ai beaucoup changé ou évolué sur la question depuis que je suis là. Dans un premier temps, je croyais qu'il était absolument nécessaire, par rapport à certaines décisions de tribunaux administratifs, que le Protecteur du citoyen intervienne parce que, en tout cas, dans certains cas, peut-être, on avait certains problèmes. Mais, à un moment donné, il faut regarder la situation en face.

Les tribunaux administratifs, même si, actuellement, ils ne sont pas aussi complètement indépendants que l'on voudrait par rapport aux bureaucrates des ministères, il reste que ces tribunaux administratifs sont des tribunaux qui relèvent, à mon point de vue, ou qui devraient relever du troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire. En tout cas, la même indépendance entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Je pense donc que, si le Protecteur du citoyen demandait de pouvoir étudier au mérite les décisions des tribunaux administratifs, et je parle de véritables tribunaux administratifs - la confusion est grande dans ce domaine, vous le savez, parce qu'il y a beaucoup d'organisations qui agissent comme des tribunaux, mais qui, dans le fond, ne sont pas autre chose que des administrations qui ont quelque pouvoir de rendre des décisions... Mais quant aux véritables tribunaux administratifs qui existent au Québec, je pense que le Protecteur du citoyen ne doit pas avoir juridiction sur la substance des décisions. C'est du même type que le pouvoir judiciaire. Et si le Protecteur du citoyen, on lui donnait ce pouvoir sur ces vrais tribunaux administratifs, on ne ferait qu'accréditer la thèse que les tribunaux administratifs, les vrais, relèvent du pouvoir i exécutif et sont le bras droit de la haute administration de certains ministères. Donc, je pense que pour les vrais tribunaux, ma réponse est non.

On a cependant juridiction sur les aspects administratifs des tribunaux et on la conserve néanmoins, par exemple, sur les questions de délai lorsque nous pouvons faire quelque chose, soit que les décisions tardent à venir, soit que ça prend du temps pour entendre une cause, soit parce que nous ne sommes pas d'accord avec la décision d'un tribunal en rapport avec un organisme gouvernemental. Parce que nous considérons que, finalement, même si la décision en droit est bien fondée par le tribunal administratif en question, nous pensons que dans les circonstances, l'appliquer aux citoyens, ça créerait des injustices. À l'occasion, nous demandons aux organismes visés par la décision des tribunaux administratifs de ne pas appliquer intégralement la décision du tribunal.

Par ailleurs, je dois dire que j'espère, je souhaite pour les justiciables du Québec qu'il y ait véritablement une réforme en profondeur des tribunaux administratifs. Beaucoup de documents ont été produits. Beaucoup d'études ont été faites par des gens qui sont beaucoup plus experts que moi en cette matière. Il y a eu des comités, il y a eu des commissions, il y en a eu 12 précisément, depuis les années soixante-dix, où l'on dit qu'il faut nécessairement un peu plus d'organisation dans le fonctionnement des tribunaux administratifs, que les règles de procédure des tribunaux administratifs soient un peu plus harmonisées, qu'il y ait certaines fusions qui soient faites entre les tribunaux administratifs parce qu'on ne se retrouve plus dans le dédale des instances quasi judiciaires. On a dit tout ça et on le redit. Tout ce que je souhaite, c'est que le législateur crée, d'une part, un conseil des tribunaux administratifs à l'instar de ce qui existe pour le secteur judiciaire et, en même temps, simplifie à la fois les recours et les forums des tribunaux administratifs pour le monde ordinaire. (12 heures)

Dans la question 31, la dernière question, vous souhaitez obtenir des précisions sur ma proposition à l'effet que le Protecteur du citoyen ait compétence sur les entreprises lorsqu'elles agissent en vertu de contrats de services avec des ministères et organismes aux fins de réaliser leur mandat. Là-dessus, je vais vous dire une chose: Ça n'a pas de bon sens. Vous savez, la loi est ainsi faite qu'on a juridiction sur la conduite des fonctionnaires lorsqu'ils sont fonctionnaires au sens de la Loi sur la fonction publique, ou lorsque, dans un acte très clair et formel, on leur a délégué des pouvoirs. En d'autres termes, la loi du Protecteur permet à mes collaborateurs de prendre une plainte, de faire une enquête si, par exemple, on a confié l'exécution d'un mandat, on a délégué formellement l'exécution d'un

mandat à un organisme privé. Mais alors, la technique, elle est très simple: on ne délègue plus rien, on donne des contrats de services. Et l'interprétation logique et juridique est correcte, c'est qu'un contrat de services, ce n'est pas une délégation au sens traditionnel juridique du mot. Ce n'est pas un mandat, ce n'est pas une délégation. Conséquemment, il y a de plus en plus de services gouvernementaux, payés par les citoyens, pour les citoyens qui sont dispensés par des entreprises sur lesquels il n'y a plus personne qui a de contrôle parce que, même les ministères, dans les contrats, disent qu'ils ne sont plus responsables. C'est le bout du bout. Donc, je pense que le transfert de responsabilités au secteur privé, comme le transfert de responsabilités au secteur municipal, il va falloir prendre garde, comme législateurs, aux effets de ces transferts sur la protection des droits des individus, des contribuables. Il faut faire en sorte que... pas parce qu'il y a des choses qui sont assumées par d'autres, mais sous la responsabilité ultime du gouvernement... Parce que les choses sont assumées par d'autres, il n'y a plus un député, il n'y a plus un ministre, il n'y a plus personne qui peut avoir un droit de regard sur des actes déraisonnables posés par des entrepreneurs privés!

Alors, ma suggestion, c'est qu'à chaque fois qu'une fonction qui est dévolue au gouvernement provincial est exécutée par une tierce personne, que ce soit par un mandat, par une délégation formelle ou par un contrat de services, nous puissions faire des enquêtes pour le compte des citoyens et nous puissions enquêter sur la manière dont les organismes en question le font. Parce que vous savez, moi, comment voulez-vous qu'on tienne une enquête si le ministère me dit. Bien, nous, on va "checker" des affaires, mais on n'a pas un pouvoir total, puis, ensuite, ils font les enquêtes pour nous? On ne peut pas fonctionner comme ça. Ça nous empêche de fonctionner. Donc, il nous faut absolument avoir une juridiction directe. Écoutez, le législateur, en 1968, l'a dit clairement: Tous les actes délégués, on a juridiction. Mais, à cette époque-là, les contrats de services, il en existait certains, mais ils n'étaient pas toujours écrits et, aujourd'hui, on a développé le contrat de services avec des exclusions de responsabilités, des clauses d'irresponsabilité pour tout le monde Alors, c'est ma recommandation. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Jacoby, de nous avoir présenté votre mémoire, cet excellent mémoire, et, comme je le mentionnais ce matin, d'avoir pu, effectivement, répondre à toutes nos questions avec autant de clarté et avec autant de diligence puisque, effectivement, nous vous avons acheminé nos questions il y a moins de deux semaines. Alors, j'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, encore une fois, vous féliciter et vous remercier pour cet excellent mémoire et, deuxièmement, remercier aussi les membres qui vous accompagnent, votre personnel qui a sûrement travaillé très fort également à contribuer à la confection de ce mémoire.

Je ne sais pas si je vous ai avisé tantôt, mais nous allons poursuivre nos travaux jusqu'à 12 h 30 et, ensuite, nous reprendrons après la période des affaires courantes jusqu'à environ 18 h 30 en fin d'après-midi. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échanges entre les membres de la commission et vous-même, tout en vous signalant que deux de nos membres, probablement cet après-midi, auront à travailler sur le projet de loi 120 en commission parlementaire. Alors, je ne sais pas si ceux-ci voudraient profiter de la demi-heure qu'il nous reste ce matin pour poser les questions qu'ils veulent bien vous poser puisque nous tous serons ici cet après-midi, Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve, pour poursuivre la période d'échanges avec vous-même.

Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant qui veut bien se distinguer. M le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et vice-président de la commission.

Remarques préliminaires M. Rémy Trudel

M. Trudel: Je me permettrai, bien sûr, de faire quelques commentaires sur l'ensemble de la présentation que vous avez faite ce matin Nous avons limité au minimum les remarques préliminaires. C'est à ce moment-ci que nous devons marquer le point, en quelque sorte, sur l'ensemble des réponses que vous avez apportées à nos questions. Je vais joindre ma voix à celle du président pour vous remercier de la célérité à rendre les réponses, mais aussi de l'importance que vous avez donnée à chacune de ces questions, ce qui, en termes de mandat à remplir pour cette commission, est extrêmement important compte tenu de la simplicité, de la franchise, de la clarté avec lesquelles vous apportez réponse à nos questions. Dans ces questions de protection des citoyens et des citoyennes vis-à-vis de l'administration au Québec, on peut employer toutes les entourloupettes nécessaires ou toutes les entourloupettes qu'on veut pour faire le tour et, finalement, en arriver à dire que c'est plus compliqué pour le citoyen et la citoyenne de faire appel que ce ne l'était dans tout autre mécanisme, et, finalement, on laisse tomber, parce qu'on ne sent pas, on n'a pas le sentiment qu'il y a quelqu'un ou une institution à laquelle on peut faire appel et qui va prendre parti pour le citoyen ou la citoyenne.

Pour la franchise, pour la clarté des réponses que vous avez apportées à nos questions, pour l'instant, merci, mais il va falloir encore aller un petit peu plus loin que cela,

parce que, vous voyez, le mai.-'^t de quasi-initiative qu'on s'est donné ici, à celte commission parlementaire, de notre côté, ce n'est pas, en tout cas, un mandat ordinaire. Sauf erreur, ce sera la première fois, c'est la première fois depuis 1968 qu'on a l'occasion de se pencher de façon aussi large sur l'ensemble du travail de l'institution du Protecteur du citoyen et de l'exercice de son rôle vis-à-vis des citoyens et des citoyennes du Québec.

Une vingtaine d'années plus tard, il n'est pas inutile - au contraire, vos réponses le confirment amplement - de se poser ces questions et surtout d'y apporter des réponses très concrètes en termes de recommandations au gouvernement. De notre côté, nous pouvons vous dire, M. le Protecteur du citoyen, que nous allons aller encore plus loin que cela. Les recommandations que nous entendons soutenir ici, à la commission des institutions, seront également des engagements du Parti québécois de mettre en oeuvre et de réaliser les modifications à l'institution et au mandat du Protecteur du citoyen, institution à laquelle nous croyons profondément, et laquelle nous semble essentielle au fonctionnement de la société et surtout à la protection des droits des citoyens et des citoyennes au Québec vis-à-vis de l'appareil administratif, au sens très large du terme, nous pouvons vous le dire d'ores et déjà. Nous allons, parce que nous avons déjà discuté de l'ensemble des questions au caucus des députés, avec la commission et peut-être au-delà de la commission, parce que nous respectons également ce mécanisme, prendre des engagements de modifications du mandat du Protecteur du citoyen et prendre l'engagement de les appliquer, si nous avons, un jour, la responsabilité gouvernementale.

Ce n'est donc pas un exercice purement bureaucratique, un exercice d'examen général auquel nous assistons, quant à nous, ici. Non, il s'agit plutôt de regarder effectivement 20 ans plus tard ce qu'est devenue l'institution et comment elle s'acquitte de ses responsabilités. Et c'est la première conclusion à laquelle j'en arrive après vous avoir écouté répondre à toutes nos questions pendant une couple d'heures.

La première conclusion générale à laquelle il faut en arriver, c'est que l'économie générale de la Loi sur le Protecteur du citoyen doit être revue profondément au Québec. On ne peut plus penser refaire, ajouter, modifier quelques aspects de la Loi sur le Protecteur du citoyen parce que l'État lui-même, parce que l'administration de type gouvernemental s'est extrêmement diversifiée sous différentes formes au cours des 20 dernières années. L'économie générale de la Loi sur le Protecteur du citoyen doit être revue, et ça nous semble essentiel comme geste au cours des prochains mois et des prochaines années. Nous retrouvons dans les réponses à nos questions l'ensemble de l'argumentation qu'il faut précisément invoquer pour s'assurer que le

Protecteur du citoyen ait effectivement, non seulement la responsabilité, mais les effectifs et les moyens de protéger les citoyens et les citoyennes vis-à-vis de l'appareil, vis-à-vis de l'ensemble des responsabilités de l'État, qui sont assumées par différents types d'organismes dont les formes ont énormément évolué au cours des 20 dernières années.

Dans ce sens-là, l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au domaine de la santé et des services sociaux, au domaine scolaire et aussi au domaine municipal nous apparaît être, avec différentes modalités, comme essentiel, absolument essentiel, pour qu'on puisse avoir la perception au Québec que, dans nos rapports avec nos administrations publiques, il y a une institution, il y a un Protecteur auquel nous pouvons taire appel lorsque nous pensons être lésés dans nos droits. Ça prend, encore une fois, de multiples formes, mais nous devons, dans la population, au niveau de l'ensemble des citoyens et des citoyennes, sentir cette possibilité d'avoir un recours de type mécanique douce, de mettre en branle, de pouvoir faire appel à un mécanisme qui nous sorte du grand arsenal des tribunaux, duquel arsenal les citoyens et les citoyennes se sentent de plus en plus exclus au Québec. Nous devons avoir cette justice douce et nous pensons que l'accessibilité et la véritable réalisation d'une justice douce au Québec, le mécanisme par excellence que nous devons développer, c'est par l'institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen et ça nous apparaît essentiel.

Donc, l'élargissement du mandat, ça nous semble essentiel, au secteur de la santé et des services sociaux, au secteur scolaire également - ma collègue aura l'occasion de revenir amplement sur cette question - au domaine scolaire, mais aussi aux autres formes d'organismes qui ont reçu des délégations de pouvoirs, des délégations d'administration de différents ministères. Ça nous apparaît essentiel dans le contexte actuel et il faut que ça fasse l'objet de préoccupations fondamentales, la régionalisation des services du Protecteur du citoyen. Ce n'est pas vrai, comme disait la Conférence des évêques du Québec, que nous allons régler le problème de l'accessibilité par l'élargissement au syndrome du 1-800 au Québec. Ce n'est pas vrai qu'on va favoriser et qu'on va rendre l'accessibilité égale à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, dans les régions en particulier, en leur fournissant le moyen mécanique d'un numéro sans frais. (12 h 15)

Le syndrome du 1-800, ou de la ligne INWATS, dénoncé par la Conférence des évêques du Québec fait partie intégrale de notre pensée et nous pensons qu'en particulier au niveau de la protection des citoyens et des citoyennes vis-à-vis de l'appareil administratif gouvernemental, nous devons refuser systématiquement d'embarquer à nouveau dans un autre volet de l'exercice

de cette pensée en disant: Parce que nous avons certaines restrictions budgétaires, parce que nous avons une période difficile, on va tout centraliser ça dans les grandes capitales. À ce compte-là, comme disait "Deux Québec dans un", ce à quoi on va finir, on va tous les rassembler sur IHe de Montréal. Ça va être moins dense que sur IHe de Hong-Kong encore et ça va être bien plus facile d'administration, on n'aura plus de problèmes. Mais il ne faut surtout pas, surtout pas qu'une institution comme le Protecteur du citoyen soit obligée finalement, compte tenu des restrictions, de dessiner deux catégories de citoyens, ceux et celles qui ont accès directement dans un rapport humain avec des personnes chargées d'assurer la protection de leurs droits, et les autres par le 1-800. Oui, c'est un moindre mal, mais ce n'est pas ça la réponse, et il va falloir se donner de véritables objectifs de concrétisation de la régionalisation de l'institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen.

Évidemment, l'autre question fondamentale à laquelle vous apportez des réponses ici et qu'il faudra creuser, parce que c'est éminemment important, c'est toute la question des interventions systémiques du Protecteur du citoyen et ça, ça apparaît, quant à nous, être un aspect fondamental du travail de l'institution et du Protecteur du citoyen, parce que le système produit de la discrimination envers un certain nombre de citoyens et de citoyennes, de la discrimination extrêmement fine.

Il est vrai que certains effets pervers du système nous amènent à des dénis de droits pour certains citoyens et citoyennes, mais en disant: Malheureusement, c'est une règle générale. Pensons ici à ce que ça veut dire pour les citoyens et citoyennes les plus démunis, l'application intégrale du programme APPORT par le ministère du Revenu. Il y a là des scandales quasi indescriptibles parce que la machine gouvernementale a été imprévoyante au niveau de ce que ça pouvait donner comme résultat auprès des plus démunis. Comment ne pas permettre au Protecteur du citoyen de dénoncer de façon spéciale, par des rapports spéciaux devant l'Assemblée nationale, de tels abus de système? Je ne parle pas d'abus politique et d'abus de parti et de gouvernement, je parle d'abus de système. Une personne qui a eu recours au programme APPORT, de bonne foi, et dont la résultante fait en sorte que, toujours en faisant appel à ce programme-là, elle doit remettre 7000 $ au ministère du Revenu, comment penser qu'il s'agit là d'un traitement équitable? Comment penser que l'application des normes du programme ont véritablement aidé ces personnes? C'est un scandale et nous devons donner au Protecteur du citoyen la responsabilité d'examiner et de dénoncer de pareilles pratiques. La même chose en ce qui concerne les populations carcérales, vous avez apporté un certain nombre d'éléments de réponses. On ne peut plus con- tinuer à fonctionner comme cela.

Sur la question, donc, des rapports spéciaux du Protecteur du citoyen, il nous faut, encore une fois, dans la révision de l'économie générale de la loi, regarder ce chapitre avec extrêmement d'attention pour que citoyens et citoyennes sentent qu'il y a quelqu'un, qu'il y a une institution à laquelle ils peuvent faire appel pour protéger l'exercice de leurs droits.

Évidemment, la question de la nomination d'un vice-protecteur en particulier pour les populations autochtones doit être, quant à nous, une recommandation qui s'inscrit au coeur de ce que nous donnerons comme suivi dans ce mandat de quasi-initiative de la commission des institutions. Accorder un recours, enfin, une façon d'être dans le recours au Protecteur du citoyen pour les autochtones du Québec, c'est non seulement reconnaître l'histoire de ces peuples, mais c'est aussi contribuer de façon marquée à la préservation, à la continuité, à la pérennité de l'histoire de ces peuples. Et ça aussi, le recours au Protecteur du citoyen, auprès de quelqu'un qui a une profonde connaissance, qui vit et qui est des éléments culturels de ces peuples, ce doit être une recommandation centrale à laquelle nous devrons nous attacher lorsque nous aurons à traiter cet aspect dans notre rapport.

Pour ce qui est de l'ensemble de ce que nous pourrions appeler les autres communautés culturelles, je pense qu'il faut l'envisager, cependant, d'une façon tout à fart autre, parce qu'il s'agit ici d'une société française qui veut aussi développer sa culture, qui veut s'agrandir et qui veut approfondir ce qu'elle est comme société. Et, dans ce contexte-là là, il nous faut parler d'intégration au niveau global de cette société, dans le respect des autres communautés et, il ne faut pas avoir peur de le dire, entre autres, des droits des institutions de la communauté anglophone.

Je terminerai, cependant, ces quelques remarques en disant, donc, qu'au-delà de l'examen de certaines questions extrêmement précises, il nous faut revoir l'économie générale de la Loi sur le Protecteur du citoyen. Et je souhaite vivement qu'en particulier nous puissions donner le ton de la revue générale, de la revue de l'économie générale de cette loi par la première recommandation qui devra, elle, venir très rapidement, c'est-à-dire la recommandation quant à l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au secteur de la santé et des services sociaux. Votre démonstration est extrêmement éloquente et appuyée. On ne peut quand même pas laisser l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec, dans leurs relations avec leur système de santé et de services sociaux, sans recours ultime indépendant de l'autorité constituée et chargée de dispenser ces services. Ça m'apparaft tellement impensable. Et il faut quasiment... Oui, il faut vous féliciter de détruire le mythe de la grosseur de l'institution du

Protecteur d'J citoyen qui ut '^ndrait, sous-entendu, de plus en plus menaçante. Cast comme si on devait, effectivement, ramener les tribunaux à leur plus simple expression parce qu'ils sont menaçants pour le respect des droits. C^tte théorie "on ne veut pas que l'institution du Protecteur du citoyen devienne plus grosse que l'État ou que les ministères" n'a aucun sens, aucun fondement; elle est bien détruite dans votre argumentation et la première manifestation concrète que nous avons à réaliser, c'est d'avoir une recommandation extrêmement ferme quant à la juridiction en dernier recours, au niveau ultime, d'un mécanisme indépendant qui s'appelle le Protecteur du citoyen, parce que c'est une institution qu'on s'est donnée au Québec, qui a développé de l'expertise et on ne commencera pas, quant à moi, à multiplier l'ensemble des recours.

Ce que je vous dis, donc, comme réaction générale, M. le Protecteur du citoyen, c'est que, de notre côté, nous allons non seulement étudier finement chacune des réponses et des recommandations que nous aurons à faire du côté de la commission des institutions, mais nous allons également en faire des engagements de caucus et de parti pour faire en sorte que ce soit très clair: ces recommandations devront s'appliquer dans les années à venir et nous prendrons l'engagement de les appliquer au niveau du Protecteur du citoyen.

Là-dessus, je ne sais pas si ma collègue veut ajouter.

Mme Harel: Oui, mais je le ferai cet après-midi.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Trudel: II vous restera plus de temps.

Discussion générale

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le député, étant donné que vous ne serez pas avec nous cet après-midi, si vous avez des questions particulières, vous êtes le bienvenu à les poser à M. Jacoby.

Élargissement du mandat du Protecteur du citoyen

M. Trudel: Sur l'élargissement du mandat au secteur de la santé et des services sociaux, je ne sais pas si nous avons mal posé notre question ou si elle n'était pas suffisamment claire... Votre réponse est claire, je la comprends bien, le Protecteur du citoyen doit être, en troisième niveau, le recours ultime en matière de protection des droits et de traitement des plaintes dans le système de santé et de services sociaux. Mais il y a une idée qui se glisse là de plus en plus et qui a été présente également aux auditions que nous avons tenues il y a quelques semaines, c'est-à-dire oui, avoir un troisième niveau de recours externe au ministre, mais qui ne soit pas le Protecteur du citoyen. Là-dessus, j'aimerais vous entendre. Est-ce que des organismes de type communautaire pourraient constituer, par exemple, quant à vous, une espèce de tribunal d'appel de dernière instance, de recours ultime pour les citoyens et citoyennes dans l'exercice de leurs droits, dans le système de santé et de services sociaux?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: Je pense que les organismes communautaires, qu'il s'agisse du secteur de la santé et des services sociaux ou d'autres secteurs de l'activité humaine, sont des organismes qui font, d'abord et avant tout, de la promotion des droits, de la défense des droits à la manière d'"advocacy". Ce sont des organismes d'"ad-vocacy", d'abord et avant tout. Il est certain qu'ils voient particulièrement à ce que les conditions dans lesquelles les bénéficiaires se retrouvent dans les établissements du réseau, que leurs droits soient respectés, dans la plus grande mesure du possible.

Toutefois, vous savez, il ne s'agit pas d'un recours. Je pense qu'il est extrêmement important de bien préciser, parce qu'il y a beaucoup de confusion, particulièrement dans la technocratie gouvernementale, entre les recours et le reste. Un organisme d'"advocacy", un organisme communautaire est un organisme qui va se battre pour des positions. C'est un organisme qui a un préjugé favorable dès le départ. C'est un organisme qui, dans certains cas - et heureusement que c'est comme ça - ne fera pas nécessairement la distinction qui s'impose quand il s'agit d'apprécier la "raisonnabilité" d'une chose. Un recours externe, un vrai recours externe, c'est un recours à des personnes ou à une institution qui regarde tous les aspects du problème, qui regarde la plainte d'un côté, qui regarde la position de l'administration de l'autre côté, mais qui, pour ce faire, par surcroît, a un pouvoir d'enquête. L'utilisation d'un organisme communautaire n'a rien à voir avec le recours au Protecteur du citoyen. C'est comme si on me demandait demain matin si on peut remplacer la Commission des droits de la personne par la Ligue des droits et libertés. C'est exactement la même chose. On a besoin d'organismes communautaires, surtout dans ce secteur-là où on a des personnes hautement vulnérables, des organismes d'aide et d'accompagnement. Un organisme communautaire, ce qu'il fait, c'est de l'aide et de l'accompagnement. Il ne décide rien. Alors, on en a absolument besoin et je souhaiterais que les gouvernements, quels qu'ils soient, mettent encore plus d'argent au niveau de ces organismes-là. Mais il ne faut pas confondre entre un recours et un organisme d'aide et d'accompagné-

ment.

Mme Harel: À cet effet-là, juste une remarque. Je remercie le Protecteur d'avoir fait parvenir aux membres de la commission parlementaire ce décret du Conseil du trésor, cette directive qui laissait croire que l'éventuel élargissement du mandat du Protecteur à l'égard des bénéficiaires en perte complète d'autonomie, par exemple, dans certains établissements, serait financé à même l'enveloppe qui devait être utilisée pour le financement des groupes communautaires, je pense. Et vous nous avez fait parvenir cette directive parce que les groupes communautaires qui s'étaient présentés devant nous l'avaient dénoncée à bon droit. C'est deux recours distincts, en fait; ce n'est pas simplement un recours. C'est deux interventions complètement distinctes, et le danger, c'est de les confondre.

Le Président (M. Dauphin): M le député, peut-être en 30 secondes.

M. Trudel: Oui, 30 secondes. À la page 37, vous dites que vous avez particulièrement des difficultés avec certains ministères au niveau de la conduite de vos enquêtes et de la collaboration. La question est simple, en deux secondes, lesquels?

M. Jacoby: Le ministère de la Sécurité publique, le ministère des Affaires municipales et le ministère de la Justice.

M. Trudel: Et quels sont les motifs les plus probables que vous pouvez décrire pour le refus de cette collaboration, quant à vous?

M. Jacoby: C'est que, vous savez, lorsque des dossiers deviennent extrêmement contentieux, ça prend toujours la forme d'avis juridiques. Sécurité publique et Justice sont équipés et c'est leur rôle comme jurisconsultes d'avoir des avis juridiques. Alors, on est rendu au stade où, par rapport à certains dossiers qui sont encore en cours d'enquête, il nous est absolument impossible de savoir quels sont les motifs de l'administration dans telle ou telle prise de décision. On ne peut pas savoir pourquoi parce qu'on nous dit: L'avis juridique d'un avocat du gouvernement, c'est confidentiel. Je ne ferai pas le débat sur la question juridique, mais moi, ce que je peux dire, c'est que j'ai toujours mis cartes sur table sur des questions comme ça, alors que les ministères concernés, prétextant ce fameux privilège, refusent systématiquement dans des dossiers importants. Alors, je suis dans la position où je ne peux plus avancer dans mon enquête. Je ne peux plus porter de jugement parce que je ne connais pas les motifs On est à peu près la seule province au Canada comme ça Voilà un des problèmes qui se dessinent de plus en plus quand il s'agit d'avis juridique du gouvernement et c'est pour ça que je vous disais que j'avais l'intention... Malheureusement, ça va prendre 10 ans parce qu'on sait très bien que ça ira en Cour suprême, je présume - hélas! pour les citoyens - pour être débattu, alors que la Cour suprême s'est toujours prononcée, quand elle s'est prononcée sur les pouvoirs d'enquête du Protecteur et sur sa juridiction, de la manière la plus libérale qui soit, la plus progressive qui soit. C'est toute l'interprétation des tribunaux. Mais ça va prendre 10 ans pour les citoyens qui sont les victimes au bout des dossiers.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Jacoby. Nous allons suspendre nos travaux pour reprendre après la période de questions, c'est-à-dire vers 15 h 15.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprisée 16 h 2)

Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos travaux et je vais maintenant reconnaître un des membres de la formation ministérielle, M. le député de Nelligan, qui est également adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Williams: Merci, M. le Président. Avant de commencer, je voudrais juste vérifier. Combien de temps avons-nous pour cet échange?

Le Président (M. Dauphin): Selon l'avis, c'est indiqué jusqu'à 18 h 30...

M. Williams: O.K., pour l'échange.

Le Président (M. Dauphin): ...si nécessaire

M. Williams: O.K. La vérification...

Le Président (M. Dauphin): Ah, mais la vérification, je n'ai pas l'impression...

M. Williams: ...ça va être plus tard.

Le Président (M. Dauphin): ...que ça va être tellement long, mais...

M. Williams: O.K.

Mme Harel: De consentement on peut quand même poursuivre jusqu'à 19 heures.

M. Williams: C'est juste pour savoir le temps, parce que ce n'est pas mon intention de faire un discours sur toutes mes préoccupations sur le Protecteur du citoyen ou sur la question de l'élargissement de son mandat. Je préfère entrer dans un échange et c'est ça que nous

avons voulu, je pense, quand nouo avons commencé ça.

Le Président (M. Dauphin): D'ailleurs, c'est prévu pour une période d'échanges, effect;"e-ment.

M. Williams: Je vais commencer juste avec quelques commentaires au début. Après, j'espère vraiment entrer dans une bonne discussion sur ce que nous pourrons faire tous ensemble pour le bien-être des Québécoises et Québécois. Parce que je pense que la commission a vraiment étudié cette question depuis longtemps et nous voulons profiter de votre expérience.

Une question que nous avons oublié de vous demander, et c'est une question que j'ai demandée quelquefois pendant les auditions publiques, de mieux protéger un dernier niveau, un dernier recours pour les citoyens. Il y a quelques modèles comme le vôtre, qui ont un Protecteur du citoyen, et il y a les autres qui ont un conseil d'administration, un président d'une commission avec un conseil d'administration. Une des questions auxquelles je voudrais certainement avoir une réponse de vous: Est-ce que vous pensez, avec votre mandat maintenant, que vous pourriez profiter d'un conseil d'administration pour vous aider à faire votre travail, et quels seraient les points faibles et les points forts sur cette question? Une deuxième question aussi: Si on approche la question d'un mandat plus large pour le Protecteur du citoyen, est-ce que, à ce moment-là ce sera nécessaire, utile - parce que ça va être plusieurs ministères et plusieurs dossiers qui vont être touchés - est-ce qu'un conseil d'administration multidisciplinaire va être efficace pour cette question? Pour moi, c'est une question fondamentale, mais la deuxième question... Et je vais juste mettre les deux questions sur la table, Me Jacoby, et nous pourrons commencer à discuter.

Avec toute ma préoccupation, comme la vôtre et comme, je pense, celle de l'Opposition, on cherche la meilleure façon de protéger les citoyens, de donner un recours à un niveau objectif. Mais j'ai beaucoup d'inquiétudes sur la question d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen au niveau de la santé et des services sociaux, et la raison, ce n'est pas une crainte, ce n'est pas un manque de confiance, ce n'est pas ça du tout. Pour moi, c'est plus une question d'efficacité. Et vous avez déjà un grand mandat, 21 000 plaintes, si je me souviens. D'élargir le mandat à la santé et aux services sociaux, c'est un tiers de notre budget. C'est, pour le moment, 1000 établissements. Peut-être que ça va être moins après la réforme et tout ça, mais quand même 800 établissements. Ça touche tous les Québécois et Québécoises. Et j'ai peur de l'impact pour deux raisons, si on élargit le mandat. D'abord, est-ce que ça va être trop gros, trop grand? La distance entre le bureau et les personnes va-t-elle être trop grande? Et aussi, j'ai une question: Est-ce que l'importance du secteur de la santé et des services sociaux sur votre travail va diminuer le temps que vous pouvez donner aux autres? Je sais que c'est deux questions assez larges, mais sans faire un discours, je voudrais juste commencer avec ces deux principes de base. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, Me Jacoby.

M. Williams: Et des deux côtés, on travaille ensemble, on discute de cette question ensemble.

Ça va être la façon dont nous allons approcher ça cet après-midi?

Le Président (M. Dauphin): Oui, oui. C'est très très souple comme fonctionnement.

M. Williams: O.K.

M. Jacoby: M. le député, il y a beaucoup de choses dans vos questions. La première question, à savoir: L'institution du Protecteur du citoyen, le fait que ça repose, disons, sur les épaules d'une personne, pourquoi une situation comme celle-là, comparativement à une situation qui peut exister ou prévaloir pour d'autres organismes comme la Commission des droits de la personne ou d'autres organismes gouvernementaux? Il faut dire qu'il y a des raisons historiques et il y a des raisons aussi politiques qui expliquent un peu ça. Les raisons historiques, c'est que l'institution du Protecteur du citoyen, c'est une institution qui origine très loin. Mais pour faire une histoire courte, je vais commencer strictement au XIXe siècle, en Suède. La manière dont a commencé l'institution, c'est que le roi à l'époque, pour contrer les abus de ses fonctionnaires, particulièrement les officiers de justice et les juges, avait décidé de nommer une personne en qui il avait confiance et qui avait une certaine crédibilité auprès de la population. Et c'est comme ça que l'ombudsman moderne est né. C'est une personne. Et à travers le monde, dans les 45 pays démocratiques où il existe des institutions analogues, ça repose toujours sur une personne, sauf en Autriche et en Allemagne où ce sont, pour ce qui est de l'Allemagne, un comité des pétitions, ce sont des parlementaires. En Autriche, vous avez un système où chacune des formations politiques est représentée par un député qui, lui-même, joue le rôle d'ombudsman. Ils travaillent en collégialité. Mais ces députés sont détachés de tous leurs travaux partisans pendant qu'ils occupent ce poste-là et c'est une espèce de sous-ministre qui dirige l'organisme. Mais autrement, sous réserve de ces deux cas, ça repose toujours sur une personne. On ne s'est pas inspiré, donc, du système... Vous savez, les commissions qu'on a chez nous, au Canada, c'est surtout le système américain.

L'autre raison aussi, c'est que quand il s'agit, finalement, pour le Protecteur du citoyen, le titulaire du poste, de prendre des positions officielles sur un dossier par rapport à une personne, la tradition a voulu que la responsabilité ne soit pas diluée entre les membres d'un conseil d'administration qui représentent différents intérêts et qui peuvent, d'une certaine manière, avoir des préjugés par rapport à certains dossiers à cause des intérêts qu'ils défendent. Je pense que ça arrive tous les jours dans les commissions. Si vous avez des personnes, même si elles agissent à titre personnel, qui émanent du milieu syndical, d'autres du milieu patronal, il y a quand même des préjugés et ça pourrait, en tout cas théoriquement, entacher la neutralité du titulaire du poste. Donc, c'est pour ces raisons-là.

Je pense que si on regarde ça sur le plan de l'imputabilité de l'institution et sur le plan de l'indépendance de l'institution, je préfère de beaucoup les modèles d'origine suédoise avec une personne, même si, par ailleurs, je dois dire que ce n'est pas facile à porter, ne serait-ce que... Vous savez, quand on décide de modifier des orientations ou des nouvelles façons de faire, bien sûr, j'en discute avec mon personnel qui apporte beaucoup d'idées et tout ça, mais on se parle entre nous. C'est un peu une société, un cabinet dit "miroir". Il est certain qu'avec un conseil d'administration ça permet d'échanger un peu. Comme le Protecteur ne relève pas du pouvoir exécutif, lui, il n'a pas l'occasion, il n'est pas invité tous les jours dans les bureaux de ministres ou de sous-ministres pour discuter d'orientations. Quand il discute avec certaines personnes de niveau politique qui ont des fonctions ministérielles, on l'écoute, c'est bien gentil, tout ça, mais on ne veut surtout pas s'en mêler parce que ça peut, éventuellement, avoir des conséquences sur l'ensemble de l'administration.

Alors, finalement, c'est une position qui est assez isolée et moi, je me disais qu'une des possibilités que je trouverais intéressante et qui serait un modèle peut-être unique au monde, d'une certaine manière, c'est que la loi prévoie la formation d'un conseil consultatif, un conseil consultatif où on pourrait avoir des représentants de différents groupements économiques et sociaux et où le Protecteur du citoyen, qui doit demeurer indépendant, pourrait à tout le moins demander des avis à ce conseil qui représente l'ensemble de la population. Je pense, personnellement, que ce serait une formule mitoyenne qui permettrait de maintenir les acquis de l'indépendance, de continuer à faire en sorte que la responsabilité et l'imputabilité reposent sur une personne. Donc, il y a des avantages et des inconvénients au système actuel, mais je pense qu'il y a peut-être plus d'avantages pour les citoyens

Sur l'autre question, s'il y avait élargisse ment du mandat, eh bien voilà! S'il y avait élargissement du mandat en rapport avec un conseil d'administration, je pense que j'aurais les mêmes objections. Ce que je pense, cependant, c'est que, comme le secteur de la santé et des services sociaux représente quand même un très grand secteur et que ce serait un secteur quand même à développer du point de vue du Protecteur du citoyen, et s'il y avait une volonté politique dans ce sens-là, je pense qu'il y aurait certainement intérêt à nommer, au Protecteur du citoyen, un vice-protecteur responsable du secteur santé et services sociaux. Ce qui fait que, sur un plan opérationnel, ça affecterait beaucoup moins le mandat général et, d'autre part, ça mettrait vraiment une responsabilité immédiate à un adjoint du Protecteur, mais qui fonctionnerait avec le Protecteur de qui il relèverait. Je pense que pour des raisons opérationnelles ce serait certainement pratique, parce qu'il est évident que le mandat santé et services sociaux est un mandat large, même si, à mon point de vue, et on en discutera tout à l'heure, il n'appellera pas autant de plaintes que le mandat général. Mais c'est un mandat extrêmement important, extrêmement délicat, un secteur, où, je pense, les problèmes sont beaucoup plus importants que dans l'administration publique en général. Donc, la nomination d'un vice-protecteur plus particulièrement responsable du secteur santé et services sociaux.

Est-ce que l'élargissement du mandat va augmenter ou diminuer l'efficacité et l'efficience du Protecteur du citoyen? Je pense que non. Je ne dis pas que si le mandat nous était confié on n'aurait pas, certainement, des ajustements à faire au tout début. Je vais vous expliquer Je ne pense pas parce que, dans le fond, moi, ce que j'ai proposé au gouvernement il y a de ça déjà plus d'un an, c'est que, véritablement, dans le secteur santé et services sociaux, on respecte, d'une part, l'imputabilité des établissements, leur responsabilité. J'ai été le premier à proposer que chaque établissement se dote d'un service de plaintes parce que je pense que, d'une manière générale, ce sont les administrateurs qui sont certainement bien placés pour régler la plupart des problèmes qui sont causés par leur personnel à l'intérieur de l'établissement. Je pense que la responsabilité de la qualité des services et de la justice dans l'exercice des droits doit d'abord revenir aux établissements eux-mêmes. Dans un deuxième temps, je voulais maintenir les acquis aussi du régime, en ce sens qu'au moment où on se parle il y a les CRSSS qui jouent le rôle d'un bureau de plaintes. Ils sont relativement en conflit d'intérêts, relativement inefficaces, ça dépend des régions, mais il y a quand même une possibilité pour le citoyen de s'adresser aux CRSSS. (16 h 15)

Moi, ce que je proposais, c'est qu'on donne plus de pouvoirs aux CRSSS et que, finalement, le citoyen puisse, entre guillemets, en appeler

devant les CBSSS. Cependant, il ''•ut bien noter que, quand le citoyen va s'adresser à un service de plaintes organisé qui relève d'un directeur de rétablissement, ou lorsqu'il va s'adresser à la régie régionale, il est certain qu'on va regarder son dossier, mais ça va être assez limité d'une certaine manière. À partir du moment où ça va mettre en cause des politiques de l'établissement ou des politiques déterminées par la régie régionale - et on sait que, dans le projet de loi, la régie régionale va avoir encore plus de pouvoirs, d'une certaine manière, et que cette régie sera encore plus en conflit d'intérêts qu'elle ne l'est actuellement, à mon point de vue - le citoyen ne pourra pas, finalement, avoir l'assurance que son dossier, sa plainte, son problème a été traité avec toute l'objectivité nécessaire.

Donc, je proposais un mécanisme externe. Mais, finalement, ce mécanisme externe ne jouerait, sauf les cas exceptionnels, d'urgence, par exemple, qu'une fois que les citoyens auraient utilisé les voies et moyens qu'ils auraient eus en s'adressant au service de plaintes de rétablissement, en s'adressant éventuellement à la régie régionale - au moins s'adresser à ceux qui dispensent les services. Et ce n'est qu'une fois que ces requêtes auraient été faites et traitées par les services internes du réseau que le Protecteur du citoyen, le recours externe aurait pu jouer. Alors, la conséquence de ça: moi, je demeure convaincu d'une chose, c'est qu'une administration qui a des règles, qui se dote de règles déontologiques, qui applique un programme d'appréciation de qualité, une administration qui, vraiment, veut être orientée, axée sur les citoyens consommateurs, comme on dit dans la réforme, je suis convaincu que la majorité des problèmes individuels vont se régler soit au niveau de l'établissement, soit au niveau de la régie régionale. Encore qu'il faudra peut-être renforcer les pouvoirs de la régie régionale parce qu'elle n'a pas de pouvoir d'enquête.

Mais ceci étant dit, ça me fait croire que, d'une manière générale - il y aurait, bien sûr, des cas individuels qui seraient traités au niveau du recours externe - il y aurait surtout, je pense, des dossiers de type systémique. Parce que la loi est ainsi faite et elle le sera toujours, je présume, la loi, c'est d'abord des principes généraux, des principes généraux qui sont très atténués, notamment par la question des ressources, l'interprétation que peut faire l'administration, le conseil d'administration d'un établissement. Écoutez, ce n'est pas compliqué, il suffit de se promener d'un hôpital à l'autre pour voir que les règles ne sont pas les mêmes; il suffit de se promener d'une commission scolaire à une autre pour voir que les règles ne sont pas les mêmes, et ainsi de suite. Or, ce que ça produit finalement, c'est que je pense qu'à chaque fois qu'il s'agit de remettre en question une politique interne de l'établissement ou de remettre en question une directive de l'établissement, c'est extrêmement difficile pour l'administration de changer d'idée, et ça, je le vis au niveau du mandat général. C'est très difficile pour ceux qui conçoivent, élaborent, appliquent, interprètent, exécutent les normes qu'ils ont produites de finir par dire qu'elles ne sont pas bonnes, qu'il faut les changer.

Vous savez, dans l'administration publique, il m'arrive, à l'occasion, avec certains ministères d'être obligé de prendre beaucoup de temps pour demander qu'on change une directive ou une politique; c'est le même problème dans les organisations. Vous savez, il y a 800 ou 1000 établissements au Québec au niveau de la santé et des services sociaux. Donc, ça veut dire qu'en pratique il y aurait beaucoup de dossiers de type systémique, d'autant plus qu'un des autres problèmes que pose la réforme telle qu'envisagée, c'est qu'il y a aura 17 régies régionales, 17 régions, et 17 formes de justice. Je pense que, s'il n'y a pas un catalyseur quelque part pour voir à ce que les lois et les directives soient appliquées de manière équitable et raisonnable pour tout le monde, ça va poser...

Donc, pour répondre à votre question, ça n'augmentera pas énormément le volume. Je ne dis pas, je ne vous dirai pas que je marcherais avec les effectifs que j'ai actuellement, pas du tout. Mais ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas penser à des milliers de plaintes. On peut penser, surtout la première année, avant que les plaintes se rendent à notre niveau, que ça va se traduire peut-être par quelques centaines de dossiers et, la deuxième année, ça va aller à 1500 dossiers. Mais je ne pense pas que ça prenne des proportions gigantesques.

Maintenant, l'autre question: Est-ce que ça ne va pas être dilué dans le mandat général? Vous savez, il y a beaucoup de mythes et peu de réalité dans l'approche que l'on a du Protecteur du citoyen quand on dit que ça peut devenir gros puis bureaucratique et loin du monde. Je ne crois pas à ça. D'abord, si c'est loin du monde, c'est parce que le gouvernement l'a bien voulu; on n'a pas de bureaux régionaux.

Deuxièmement, ce qui est surtout important de savoir, c'est nos modes de fonctionnement. Vous savez, on fonctionne avec 115 ministères et organismes du gouvernement. On a juridiction, en tout cas, sur 115 ministères; 60 d'entre eux sont nos clients qui nous viennent d'une manière récurrente, et on n'est pas éparpillés. Quel est le lien qu'il peut y avoir entre un dossier du ministère du Revenu, un du ministère de la Sécurité du revenu, un de l'aide sociale? Sauf quand il s'agit du programme APPORT, bon. Mais autrement, il n'y a aucune commune mesure entre un problème qu'un citoyen vit au ministère des Transports, par rapport à un contrat de voirie qui a démoli sa propriété et un bénéficiaire de

l'aide sociale qui voit ses prestations amputées injustement. On n'est pas des experts dans tout, mais on a des équipes qui sont spécialisées et qui sont concentrées. Ce qui fait que, par exemple, j'ai une équipe au niveau de la Sécurité du revenu, j'ai une équipe au niveau du ministère du Revenu. On a des équipes légères et des équipes volantes. On n'est pas antibureaucrates. On n'est tout simplement pas bureaucrates. Vous savez, chez nous, on n'a pas besoin de fonctionner avec des paperasses pour pouvoir faire valablement nos choses. Quand on fait des enquêtes, on n'ouvre pas des commissions royales d'enquête. Plus on peut fonctionner de manière informelle, en permettant à tout le monde de donner son point de vue, et de nous faire éventuellement une opinion, c'est ce qu'on fait. Vous savez qu'il y a probablement, je dirais, pas loin de 80 % de nos dossiers qui se règlent par téléphone avec l'administration. On n'est pas obligés de se déplacer à chaque fois, de monter un rapport ça de long d'une manière bureaucratique. On a des façons de fonctionner qui sont très informelles, ce qui fait que le système n'est pas alourdi.

Et si vous regardez notre façon de fonctionner plus générale, nous avons, comme effectifs, 90 personnes dont, là-dessus, le personnel administratif, le personnel de recherche, le personnel de communication et la direction des enquêtes. Cette année, nous ouvrons, nous avons ouvert... C'est-à-dire, l'année passée, nous avons ouvert près de 10 000 enquêtes en plus des inventaires de 3000. Nos délais ne sont, en moyenne, que de deux mois. Je pense qu'au niveau de l'efficience et de l'efficacité, notre institution, parce qu'elle n'est pas bureaucratisée, parce que toutes les normes gouvernementales ne s'y appliquent pas, fait en sorte que, je pense, au niveau de l'efficience ça donne - ça donne, mais ça dépend du point de vue - d'assez bons résultats. Alors, donc, je ne pense pas que l'élargissement du mandat à la santé et aux services sociaux fasse en sorte qu'il faudrait doubler les effectifs ou même les augmenter de 50 %. Je ne pense pas du tout.

M. Williams: Merci pour ces réponses, Me Jacoby. Je voudrais juste clarifier deux choses. Premièrement, avec les 17 régies régionales dont on discute et aussi votre préoccupation d'avoir une présence régionale, et je comprends ça... Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, mais j'ai compris que les régies régionales peuvent être une présence régionale à ce niveau, sur le rôle de Protecteur du citoyen. L'autre question: Pour vous, ce n'est pas fondamental, si j'ai bien compris, il n'y a pas de différence fondamentale entre avoir un vice-protecteur du citoyen dans le secteur de la santé et avoir un Protecteur du citoyen de la santé parallèle à vous. Est-ce que c'est une différence fondamentale pour vous?

M. Jacoby: Bon. Au niveau des concepts, ça dépend. Il y a beaucoup de choses, hein? Si vous me parlez d'un ombudsman exécutif, comme tous les fameux commissaires qu'on a créés récemment, je ne pense pas que ça donne aucune garantie aux citoyens d'indépendance, en tout cas, et de neutralité dans les dossiers. Certainement que ces commissaires sont efficaces, mais ces commissaires n'ont pas la marge de manoeuvre pour aller au fond des choses. Ça, c'est une chose. Là-dessus, j'aurais de sérieuses réserves.

Sur la création d'un ombudsman parlementaire spécialisé, responsable de la santé et services sociaux, disons que j'ai moins d'objections de principe. Les seules réserves que j'aurais sont les suivantes. Si je me place du point de vue du citoyen, si moi, comme citoyen, j'ai un problème avec le ministère du Revenu et que je veux adresser un recours au Protecteur du citoyen du Québec, je le fais parce que je suis un contribuable. Par ailleurs, si je suis un consommateur d'Hydro-Québec, je m'adresse au Commissaire aux plaintes d'Hydro-Québec. Si j'ai un problème de protection du territoire agricole, je m'adresse à un autre commmissaire. Si j'ai un problème avec un centre hospitalier, je m'adresse à un autre protecteur, et ainsi de suite.

Moi, je ne pense pas qu'on sert véritablement la population quand on éparpille les recours. Cest tellement vrai, enfin, c'est tellement, peut-être pas vrai, la vérité est toute relative... Mais regardez un peu la prolifération que l'on voit depuis de nombreuses années au niveau du contentieux administratif. On a créé des tribunaux administratifs. Vous savez, dans le rapport Ouellette, on parle de 20 tribunaux administratifs; effectivement, il y a 90 organismes gouvernementaux qui exercent des fonctions quasi judiciaires. Les politiciens eux-mêmes réalisent que ça n'a plus de sens. Les citoyens ne sont pas satisfaits parce qu'ils ne savent plus où aller et que les philosophies changent d'un tribunal à l'autre. Les avocats sont eux-mêmes de plus en plus perdus dans le labyrinthe des tribunaux administratifs.

Si on a une vision à long terme - à long terme, je dis bien - commencer à amorcer le mouvement de multiplication des ombudsmans, je pense que ça va desservir les citoyens. Par ailleurs, vous savez, j'ai un peu de difficultés à comprendre - je peux au moins exprimer mes difficultés de compréhension - comment il se fait que le gouvernement... Je comprends que l'institution du Protecteur a été créée en 1968, mais comment un gouvernement qui est responsable de la nomination d'un Protecteur du citoyen, qui est responsable de la nomination d'un vice-protecteur du citoyen, que le tout est ratifié par l'Assemblée nationale, un gouvernement qui fait confiance à l'expertise, à l'objectivité, à la neutralité d'une institution comme celle-là.. Où

sont les problèmes pour faire en b^.-te qu'on soit obligés de penser à créer une foule d'ombuds-mans? C'est la question que je me pose. Je ne voudrais pas amener sur la table, parce que ce sont des considérations plus politiques, mais, comme payeur de taxes, je peux vous dire que doubler les institutions ça coûte très cher. Je pense qu'on le constate actuellement avec la récession. (16 h 30)

Ceci étant dit, je n'ai pas d'objections de principe, sauf qu'à long terme, si je me place du point de vue du citoyen, je ne pense pas que ce soit la solution la meilleure.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby, nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir tantôt. Juste avant de reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai une question qui ne sera pas tellement longue. L'extension au réseau de la santé et des services sociaux. Selon votre proposition, le Protecteur du citoyen agirait en tant que recours de dernier niveau pour les usagers du réseau, après le recours à l'établissement et celui à la régie régionale. Un tel système du traitement des plaintes à trois paliers ne risquerait-il pas de s'avérer trop lourd, d'entraîner des délais indus dans le règlement des dossiers et de décourager la clientèle?

M. Jacoby: Ah, bien oui! Mais, écoutez. Oui puis non. Là, je vais vous expliquer que je ne peux pas être d'accord avec les prémisses. D'abord, on ne peut pas parler de trois systèmes de traitement de plaintes. On va parler d'un service à la clientèle du réseau et on va parier d'un recours devant une instance ultime.

Vous savez, lorsque j'ai des problèmes avec une entreprise comme... J'achète un "toaster". Avant d'exercer ma garantie de Sunbeam, je vais d'abord aller au magasin qui me l'a vendu et il y en a certains qui vont me le remplacer au bout de 15 jours, mon "toaster". Si, éventuellement, je suis en dehors des délais du service à la clientèle, j'irai devant le manufacturier. Alors, il ne faut pas confondre les choses. Il n'y a pas de recours devant les institutions. Ce sont des services à la clientèle, point. Quand on parle de recours, on parie de recours devant des instances qui sont en dehors du système, comme un recours aux tribunaux, par exemple. Autrement, ce ne sont pas des recours.

Maintenant, la lourdeur du système. Je peux vous dire une chose, ce que j'ai vu dans le projet de loi 120, il est évident que ce sera lourd, même sans Protecteur du citoyen. Je vais vous dire une chose, à partir du moment où chaque bénéficiaire doit faire un écrit pour se plaindre... Vous imaginez la dame qui se plaint parce qu'elle est maltraitée par du personnel ou parce qu'elle mange froid sept fois par semaine? Pensez-vous que la petite dame qui est en séjour prolongé va aller écrire une plainte? Jamais de la vie. Elle ne fera rien. Elle va manger sa semelle. Alors, le système de faire des écrits, ça, c'est de la bureaucratie pure. Le système en soi qui est proposé dans le projet de loi 120, ça n'aide pas le citoyen, ça va aider les directeurs des 1000 établissements et leur personnel. Point.

Ceci étant dit, je pense qu'on peut alléger le système au niveau des établissements et je ne pense pas que le recours au Protecteur du citoyen soit lourd. Je vais vous expliquer, vous le savez, ou plutôt je vais vous rappeler une chose. Regardez ce qui se passe en matière de sécurité du revenu. Vous avez 450 000 bénéficiaires qui sont très longtemps sur la sécurité du revenu, en général, et même les personnes qui sont aptes parce qu'il n'y a pas de travail aujourd'hui. Il y a 450 000 personnes qui reçoivent un chèque et ces 450 000 dossiers sont revus mensuellement par l'administration. Quand on fait des changements dans la décision, les gens ont des recours. Ils ont des recours devant des bureaux de révision interne de l'aide sociale et ils ont éventuellement des recours devant la Commission des affaires sociales.

Prene2 un contribuable qui n'est pas satisfait de l'avis de cotisation qui lui est envoyé par le ministère du Revenu. Il a la possibilité de faire une opposition en bonne et due forme. Il a la possibilité, il y va, à l'occasion, quand il a les moyens, d'aller devant la Cour du Québec. Il a même, en vertu de dispositions exceptionnelles, un recours au sous-ministre qui peut exercer un pouvoir de révision. Tout ça, ça existe partout. Or, le Protecteur du citoyen est déjà dans tous ces domaines-là. Est-ce que les gens se plaignent, les assistés sociaux? Est-ce que les contribuables, est-ce que les accidentés du travail se plaignent? Les accidentés du travail, il y en a 300 000 par année. Est-ce qu'ils se plaignent du fait qu'il y a un autre recours au Protecteur du citoyen?

M. Houde: Eux autres, le plus qu'ils peuvent en visiter pour être capables d'avoir une réponse positive, ils ne lâcheront pas, tant qu'ils vont être capables. On connaît ça dans les bureaux de comté; ça fait 10 ans.

M. Jacoby: Ah oui!

M. Houde: Je vous assure qu'on leur dit: II n'y a plus de possibilités, à moins d'exceptions à la règle, des fois. Ça arrive. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Jacoby. Merci, M. le député. Mme la députée de

Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Finalement, le temps passe très vite. Je dois vous féliciter pour ce matin. Moi, depuis 10 ans que je siège en ce Parlement, je crois que c'est la première fois que j'assiste à la prestation, durant deux heures et demie, de quelqu'un devant une commission parlementaire. Je dois vous dire que j'ai trouvé que c'était une performance absolument exceptionnelle, qui est physique aussi, j'imagine...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...qui n'est pas juste intellectuelle. Peut-être avez-vous hâte que ça se termine, cet après-midi? Mais moi, j'avais peur de manquer de temps.

Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez D'ailleurs, M. Jacoby, vous avez maigri, je pense, depuis ce matin, hein? avec la somme de travail..

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Je suis très content, ça aide à mon régime.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Excusez moi, Mme la députée.

Mme Harel: Non, pas du tout. L'examen que l'on fait présentement, je considère que c'est un des plus importants que l'on puisse faire à titre de parlementaires. Hier, je me disais que, contrairement à à peu près toutes les autres institutions qui existent, vous, vous n'avez pas de parrain ministre. D'une certaine façon, c'est à la fois un avantage et un inconvénient. C'est certainement un avantage du fait qu'on jouit de beaucoup plus de liberté, je crois, comme membres de cette commission parlementaire parce qu'on ne sent pas le bras puissant de l'Exécutif, comme c'est le cas habituellement dans les mandats d'initiative ou les examens sous le règlement de la commission.

Par ailleurs, ça peut être un inconvénient puisque, contrairement, par exemple, à tout projet de législation qu'on étudie, il y a toujours un contentieux derrière. Toute loi statutaire, finalement, est faite par un contentieux. Par exemple, la curatelle, elle a été faite certainement par le contentieux de la Curatrice, et ainsi que suite. Tandis que je me rends compte que votre contentieux n'est pas impliqué dans l'élaboration de ce qui devrait être des modifications à apporter à la loi constituant l'institution du Protecteur. Bon. Donc, c'est nous qui avons à jouer ce rôle-là d'une certaine façon.

Rôle du Protecteur du citoyen auprès des clientèles défavorisées

Et là, j'aimerais aborder, peut-être pas immédiatement toute la question de l'élargissement du mandat, mais tout simplement une remarque pour signaler que, pour moi, élargir le mandat, c'est élargir la démocratie. C'est tout simple, c'est comment faire pour que les gens n'aient pas un sentiment d'exclusion dans notre société, par rapport... On dit que vous êtes là pour améliorer les relations entre les citoyens, l'administration et l'État, mais avant tout, c'est pour donner aux gens le sentiment qu'ils ne sont pas exclus et que, s'il y a de l'arbitraire, il ne sera pas toléré, qu'on est dans une société qui ne le tolère pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, ça veut dire qu'on ne le tolérera pas. Alors, ce sentiment d'exclusion, j'aimerais y revenir immédiatement, à l'égard d'une catégorie qui m'apparaît être, finalement, celle qui a le moins accès aux services du Protecteur du citoyen, selon les sondages que vous avez faits sur votre notoriété, et qui est celle des personnes peu scolarisées ou défavorisées.

Je constate que les préjugés sociaux sont encore beaucoup plus profonds, ancrés activement, presque en circulation libre, beaucoup plus intensément, que les autres types de préjugés actuellement dans notre société. Et je m'inquiète d'une chose, je vous le dis bien simplement; ça n'est pas que dans les réponses que vous faites - je reviendrai à la page 17, au cinquième paragraphe - mais c'est lors des consultations qu'on a menées en commission, à l'étude des documents également, où on met très souvent le "focus" sur des groupes dit minoritaires, et, à ce moment-là, on parie de la communauté anglophone, des communautés ethniques. Finalement, vous avez même conduit une très importante intervention, dont j'ai lu les résultats, sur cet examen que vous avez mené, sur la façon de mieux faire connaître vos services à ces minorités. Mais je ne vois pas la même préoccupation.

Par exemple, à la page 17, vous faites mention que le gouvernement doit "allouer des budgets pour permettre une plus grande accessibilité des anglophones, des membres de communautés culturelles et ethniques et des populations autochtones. Le Protecteur du citoyen, dites-vous, se doit de faire connaître et de rendre accessibles ses services à toute la population du Québec. C'est une question d'égalité pour les membres de la communauté qui ne s'expriment pas couramment en français." Je trouve qu'il y a de la confusion là-dedans. D'abord, on peut être membre d'une communauté culturelle, ethnique et s'exprimer couramment en français. C'est le cas des Haïtiens, par exemple, ou c'est le cas des Maghrébins, ou des Libanais, ou des Égyptiens. Et là, ça laisse entendre qu'être membre d'une communauté culturelle ou d'une communauté ethnique, c'est, d'une certaine façon,

avoir une barrière linguistique, et nui n'est pas évident nécessairement. D'autre part, est-ce que la barrière culturelle peut ne pas être un obstacle ou un frein aussi important même si on a le français comme langue d'usage? Et ça, ça vaudrait, à ce moment-là, pour nos concitoyens défavorisés et sous-scolarisés. Alors, je regrette que mon collègue de... quel comté...

Une voix: De Nelligan.

Mme Harel: ...de Nelligan ait quitté parce que je l'invite, chaque fois qu'il aborde cette question qui le préoccupe à raison, du recours qui est peu exercé dans certains milieux, particulièrement de la communauté anglophone et des communautés culturelles, je l'invite toujours à avoir la même préoccupation à l'égard des personnes qui peuvent être exclues également, mais pour des raisons qui sont plus économiques.

Je prenais connaissance d'un rapport récent du Haut Conseil à l'intégration qui a été mis en place par le gouvernement français et qui rappelait qu'une politique d'intégration doit s'adresser non seulement aux immigrants, mais à tous les exclus ou à tous les citoyens en voie de marginalisation de la société, et qui en faisait un critère de succès dans une société, qu'une politique qui veut réduire l'exclusion et améliorer, finalement, l'intégration doit se concevoir dans une approche globale même si elle s'adresse à des clientèles particulières. Alors, en fait, j'aimerais vous entendre sur cette question, particulièrement sur ce que vous entendez faire à l'égard de l'amélioration de la notoriété auprès de la clientèle défavorisée ou peu scolarisée.

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: D'abord, c'est vrai... Je pense que lorsqu'on parle de membres de communautés, qu'il s'agisse de communautés... il y a des distinctions à faire. Il y a des distinctions à faire entre les communautés, mais ce sont toujours des rattachements soit en vertu de l'ethnie ou de l'origine. Quand on parle des populations autochtones, c'est toujours relié aussi aux origines, aux peuples fondateurs. C'est un autre niveau de discours que celui de se rattacher à des personnes qui, dans notre société, sont marginalisées.

Vous savez, quand il s'agit de personnes qui sont économiquement défavorisées - et dans notre société il n'y a pas que les assistés sociaux qui sont économiquement défavorisés - il est bien évident que c'est une clientèle qui, pour nous, est extrêmement importante, d'autant plus qu'on constate depuis quelques années que les personnes les plus défavorisées le deviennent encore plus. Ce qu'on entend faire, ce que nous faisons... Nous savez, il est extrêmement difficile d'aller chercher les personnes qui sont défavorisées parce que ces personnes-là ont beaucoup de dignité. Ces personnes-là n'ont pas tendance à se plaindre. Elles ont plutôt tendance à se cacher. Je pense que la dignité est mise en cause. Donc, il est relativement difficile pour une organisation d'aller chercher nécessairement les membres de ces sociétés-là. Bien sûr, il y a des organismes. Il y a, dans toutes les régions du Québec, des organismes de défense des droits des assistés sociaux et nous sommes en contact avec plusieurs, nous sommes en contact également avec le Front commun des assistés sociaux. Mais ces mêmes organismes nous disent qu'ils ont beaucoup de difficultés à aller chercher les doléances des personnes qu'ils représentent finalement. Alors, il y a un barrage, et je suis entièrement d'accord avec vous, il y a un barrage culturel qui est créé par la marginalisation de ces personnes-là. Ce que nous avons fait, et c'est bien peu dans la société dans le contexte actuel, c'est que nous avons, grâce au ministère de la Sécurité du revenu, utilisé les enveloppes de la sécurité du revenu, les chèques du bien-être pour envoyer des dépliants. Je ne peux pas dire que ça a eu un effet, un impact. On pensait, on aurait pu penser qu'on aurait eu beaucoup beaucoup de plaintes en retour, mais ce n'est pas ça qui s'est produit. (16 h 45)

Mais plus fondamentalement, au-delà de toutes ces questions formelles, moi, je constate une chose, c'est que, dans une période où la conjoncture économique est très difficile, les réformes ont toujours l'effet pernicieux de mettre les personnes les plus démunies dans une situation encore plus marginalisée, et je peux le constater, par exemple, au niveau de la sécurité du revenu. Je regarde des programmes comme le programme APPORT. Il est plein de bonnes intentions, le programme APPORT, mais comment est-il géré ce programme APPORT? Ce que le gouvernement tente de faire pour aller augmenter le revenu de familles économiquement défavorisées, c'est complètement démantibulé par les programmes ministériels. Vous savez, si on nous avait consultés le jour où on a décidé de jumeler le revenu avec l'aide sociale, pas besoin de faire un gros calcul pour dire que ça n'aurait jamais pu marcher. Et, effectivement, c'est le système. Qui est pénalisé en bout de ligne? C'est les citoyens qui croyaient pouvoir bénéficier d'un régime particulier. Ces gens-là, leur dignité, comme assistés sociaux, est encore plus marquée à cause d'erreurs technocratiques de programmes et d'informatique. Ça, je trouve ça extrêmement grave, l'absence de coordination entre les ministères. C'est sûr qu'il y a un Conseil des ministres, mais vous savez qu'il y a beaucoup de choses qui se règlent au niveau de la haute fonction publique. Ça ne se parle pas souvent entre les ministères au niveau de ceux qui, dans les ministères, élaborent des politiques ou des programmes. Regardez le problème qu'ont certaines personnes dans notre société parce

qu'elles ont un bout de statut d'étudiant marié avec un assisté social, ou l'inverse: on ne sait plus à quel ministère se vouer pour aller chercher un minimum de revenus. Tout ça à cause des programmes administratifs.

Moi, je ne peux pas me prononcer sur la politique de fond, mais ce que je peux vous dire, c'est que les administrations, quand elles sont là pour mettre en place des programmes sociaux, je pense qu'elles n'ont pas la culture pour ce faire et je pense qu'il va falloir que cette culture change, parce que, pour moi, l'administration, c'est d'abord une institution démocratique, tellement démocratique qu'elle est le prolongement de la démocratie par le biais des parlementaires, des personnes élues et des personnes qui occupent la fonction de ministre. Mais l'administration est d'abord et avant tout une machine. C'est ce qu'on peut constater et c'est malheureux. Vous savez, 99 % des dossiers qu'on traite, c'est des problèmes de machine. Alors, il y a un problème. Quand on est pauvre dans notre société, on est encore plus marqué à cause de la manière dont les programmes gouvernementaux sont gérés très souvent.

Mme Harel: C'est donc dire que...

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Harel:... une solution incontournable est celle du décloisonnement de l'administration. C'est donc presque un problème systémique qu'il y ait ce cloisonnement qui fait que bon nombre de citoyens tombent dans les mailles du filet et, à ce moment-là, il n'y a pas de... Vous-même n'avez pas de recours à ce moment-là?

M. Jacoby: Ah si! On intervient quand on est mis au courant. Effectivement, on en découvre, ce que j'appelle le phénomène de "l'entre deux chaises", du citoyen qui tombe entre deux programmes. Personne n'y a pensé ni d'un bord ni de l'autre. Et ça, on retrouve ça. On retrouve ça: aide financière aux étudiants et sécurité du revenu. On retrouve ça: accident de la route et accident du travail. Je vais vous donner un bel exemple. Vous savez, la personne - ce n'est pas sa faute - sa job, elle conduit une voiture. Bon. Jusqu'à l'ancienne loi, elle était indemnisée d'abord et avant tout par le régime. Le régime de base était le régime des accidents du travail. Mais comme payeur de taxes au niveau des permis, du permis de conduire et tout ça, elle allait chercher des rentes additionnelles et des indemnités auprès de la SAAQ. Et en pratique, il fallait le comprendre. Vous savez que, pour un accidenté de la route, à venir jusqu'à récemment, il pouvait y avoir des frais engendrés par l'utilisation des mâchoires de vie, par exemple. C'est des affaires de 300 $, 400 $, ça. Ce n'est pas tout le monde qui a les moyens, surtout dans des situations comme ça, hein? Ce n'est pas drôle! Alors, on a dit, avec la nouvelle loi, que les personnes qui conduisent des voitures, mais qui font ça alors qu'elles exercent une fonction, un travail dans une entreprise, elles vont à la CSST. Or, la CSST, elle ne paie pas les mâchoires de vie. C'est le même genre d'accident, c'est le même genre de séquelles, c'est le même genre d'indemnités. Alors, on ne s'est pas parlé et c'est ce qui fait qu'on a découvert ça. Ça a pris un certain temps - encore a-t-il fallu avoir des plaignants - et ça nous a pris un an et demi pour que la CSST commence à payer les mâchoires de vie. Elle n'allait pas contre la loi, elle a un pouvoir discrétionnaire. C'est comme ça dans plein de régimes gouvernementaux.

Alors, on le fait, mais je pense que ce n'est pas le Protecteur du citoyen comme ce n'est pas les parlementaires qui vont régler tout ça d'un seul coup. Je pense qu'il faut une volonté administrative à l'intérieur des ministères pour que les administrateurs se parlent davantage. Vous savez, on a parfois l'impression - et je peux vous le dire non seulement comme Protecteur du citoyen, mais pour avoir été également sous-ministre - qu'il y a des chasses gardées. Et ce n'est même pas de la mauvaise foi, là, on n'y pense pas. De la chasse gardée, c'est ce qu'on ne pense pas, très souvent. Alors, je trouve ça très grave parce que c'est toujours sur le dos des citoyens.

Mme Harel: Dans les réponses que vous nous apportiez ce matin, en particulier à la question 9 qui concerne la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité, vous mentionniez que, dans la revue des programmes 1990-1991, vous étiez revenu à la charge auprès du Conseil du trésor avec un projet de développement, dans le but de faire connaître le Protecteur du citoyen dans les communautés culturelles, auprès des nations autochtones et dans le milieu anglophone. Alors, je crois comprendre que vous souhaitez que, dans le rapport de cette commission, nous revenions à la charge également pour qu'un tel projet de développement puisse se réaliser. Ne serait-il pas important également qu'un tel projet de développement permettant de mieux connaître le rôle du Protecteur soit aussi envisagé auprès des clientèles défavorisées?

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Que, d'une façon systématique, quand on aborde la question de l'élargissement de la notoriété du Protecteur et du recours du Protecteur, oui, on aborde dans le sens des communautés culturelles, de la communauté anglophone et allophone, mais en y ajoutant d'une façon systématique les milieux défavorisés? Sinon, moi, ce que je crains énormément dans la société, c'est le sentiment qu'ont des gens qu'il y en a qui sont plus égaux que d'autres parce qu'ils sont plus l'objet d'une attention soutenue

que d'autres dans notre société, cl un sentiment d'une double injustice à leur égard, d'une certaine façon.

M. Jacoby: Je dois dire que vous avez raison. Vous savez, on a tendance à oublier parfois et il faut se mettre...

Mme Harel: C'est que c'est moins politique. M. Jacoby: Oui, c'est ça.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'ils ont moins de porte-parole politiques.

M. Jacoby: Absolument.

Mme Harel: À ce moment-là, ils occupent moins l'avant-scène publique.

M. Jacoby: C'est sûr.

Mme Harel: C'est le problème.

M. Jacoby: C'est sûr que les assistés sociaux ont, bien sûr, une voix qui s'appelle le Front commun. Le Front commun, il joue un rôle beaucoup plus d'ensemble et politique, mais ça ne règle pas les dossiers individuels de tous les jours, ça. Si je prends les personnes âgées également, bien sûr, il y a des organismes communautaires, mais au niveau de la défense des droits des personnes âgées, enfin... Il y a les "sans voix" dans notre société. En 1991, dans l'hémisphère occidental, il y a encore des "sans voix". Je ne veux pas dire par là que les parlementaires ne jouent pas leur rôle. Mais le problème, c'est par rapport à la grosseur et à la complexité des administrations.

Mme Harel: Je ne sais pas si vous êtes au courant de cette façon nouvelle, maintenant, dans certaines administrations, de procéder en écartant l'accès à l'information du dossier de la part du député ou de ses adjoints. C'est quelque chose qui m'a été confirmé, vendredi passé, par les directeurs des centres Travail-Québec à Montréal. Il y a bon nombre de mes collègues qui m'en avaient déjà parlé et qui, un peu dans toutes les régions du Québec, se font servir une nouvelle directive du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle à l'effet qu'il ne peut plus y avoir d'intervention téléphonique directe, comme ça se fait, même depuis l'adoption de la loi d'accès à l'information. On l'invoque, la loi d'accès à l'information qui est quand même adoptée depuis maintenant sept ans, je crois - en vigueur, en tout cas, depuis six ou sept ans - on l'invoque pour ne plus accepter qu'il y ait des interventions directes ou une plaidoirie en faveur de personnes qui nous sollicitent pour intervenir auprès d'un agent ou d'un bureau des centres Travail-Québec, sans qu'il y ait un mandat écrit. Et ce mandat, nous dit-on, doit être envoyé par "fax" avant que l'agent puisse répondre. Mais vérification faite, moi-même, dans les bureaux, vendredi passé, j'ai constaté que les bureaux ne sont pas munis de "fax". Alors, vous êtes devant une sorte d'imbroglio où vous avez des concitoyens - ça doit se produire aussi dans les bureaux de comté de mes collègues membres de cette commission - qui vous demandent, dans une sorte d'état de dénuement - parce que ça reste urgent, ces cas-là - d'intervenir, non pas pour obtenir des faveurs, mais d'intervenir en leur faveur, simplement pour faire valoir une interprétation différente, finalement, de la loi, et vous ne pouvez plus le faire parce que, pour le faire, il vous faudrait un mandat écrit qui serait transmis par bélino et les bureaux ne sont pas munis de bélino. Alors, avez-vous idée des imbroglios? On m'a dit, enfin, des directeurs que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils essaieraient de ne pas trop appliquer la directive écrite qui leur a été acheminée. Mais, compte tenu de l'amélioration de vos relations avec le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, peut-on espérer qu'il y ait... À qui faut-il s'adresser? À vous, à la Commission d'accès à l'information, pour qu'un député lésé puisse faire valoir ses droits?

Le Président (M. Dauphin): Me Jacoby.

M. Jacoby: En fait, je ne pense pas que ce soit une question d'accès à l'information parce que, dans le fond, comme députée, vous jouez un peu le rôle de porte-parole des intérêts du bénéficiaire. Je ne pense pas que ce soit un problème d'accès à l'information. Écoutez, je pense que ce que je vais faire, c'est que je me saisis d'office de votre intervention et nous allons regarder ce qui se passe exactement.

Mme Harel: Je vous transmettrai la directive écrite à cet effet, qui a été envoyée dans les centres Travail-Québec.

Le Président (M. Dauphin): Vous nous ferez rapport de votre enquête, Me Jacoby.

Juridiction du Protecteur du citoyen en matière autochtone

Mme Harel: II y a une question qui m'ap-paraît vraiment très importante et, dans votre rapport, vous nuancez les possibles nominations d'un vice-président aux communautés autochtones. Vous nous dites, à cet égard, je crois que c'est au tout début de votre dossier, à la page 4: "Compte tenu de la juridiction provinciale limitée en matière autochtone, il faudrait cependant pouvoir démontrer la pertinence d'un tel mandat général à un vice-protecteur, distinctement des

autres clientèles de l'institution - et là, vous ajoutez - les anglophones, les communautés culturelles, les gens du troisième âge, les personnes handicapées, les pauvres, les personnes démunies économiquement, etc."

Là, il me vient deux questions sur ça. La première, c'est la suivante. Toutes ces clientèles que vous énumérez sont des clientèles pour lesquelles nous souhaitons une meilleure intégration à la société, à une société pluriethnique mais francophone, puisque la langue officielle est le français et puisqu'il est d'usage de souhaiter que les services soient offerts dans la langue de la majorité - il me viendra plus tard une question là-dessus. Mais est-ce que la situation n'est pas bien différente, finalement, de celle des autochtones pour qui se profile beaucoup plus le projet d'un État plurinational à l'intérieur duquel, vraisemblablement, il pourrait même y avoir des gouvernements autonomes... Même si la juridiction provinciale est limitée, elle s'adresse malgré tout à tous les domaines de la vie quotidienne dans les secteurs de la santé, de l'éducation et autres, est-ce qu'on n'a pas intérêt à rendre plus visible la présence autochtone dans nos institutions? (17 heures)

M. Jacoby: Oui. Je pense qu'il y a certainement une distinction à faire entre les communautés culturelles et ethniques, au sens de communautés qui nous viennent principalement par la voie de l'immigration, et les populations autochtones, les peuples fondateurs. Il y a certainement des distinctions à faire. Mais je constate cependant que sur le plan des institutions gouvernementales - je ne parle pas, là, du Protecteur du citoyen - on a spécifiquement reconnu l'existence des communautés culturelles en créant un ministère qui s'en occupe, entre autres, doublé d'un conseil. On a, pour les autochtones, strictement créé un secrétariat. Bon, il y a peut-être un problème là. Je pense que l'approche, enfin, les raisons pour lesquelles moi, ma position, elle est d'une certain manière, peut-être... Je ne peux pas entièrement partager votre point de vue, c'est que moi, si j'ai un immigrant qui s'adresse à nos services - et vous savez que les immigrants qui viennent au Québec, ils ne parlent pas tous français en arrivant - il faut qu'il soit un immigrant reçu, et après ça, il y a plein de formalités avec le gouvernement provincial et ainsi de suite. Il y a des gens qui ont de la misère à s'exprimer; ça, c'est une chose. Et, vous savez, la Charte de la langue française ne s'applique pas au Protecteur du citoyen, ça a été volontairement fait, à l'époque, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas les problèmes de langue avec les usagers du service du Protecteur du citoyen. Alors, mon problème, c'est, d'une part, les questions de langue pour certaines des communautés culturelles. Il y en a plusieurs. En tout cas, la première génération ou dans les premières années de la première généra- tion, je pense que les gens ont beaucoup de difficultés, à s'exprimer. Vous savez, aller à l'épicerie pour commander une livre de steak haché en français et aller expliquer à un fonctionnaire du gouvernement ou au Protecteur du citoyen la complexité ou la problématique qu'il a avec la CSST, il y a un monde de différences, c'est plus intellectuel. Donc, je pense que c'est une question d'accessibilité d'une part, qui est assez importante.

La deuxième chose que je veux dire, c'est qu'il y a un trait commun avec les populations autochtones. Rares sont les nations autochtones pour qui, chez nous, au Québec et au Canada par surcroît, une des langues d'usage ou la seconde langue est le français. D'une manière générale, ces populations s'expriment en anglais, la plu-pan*, pour des raisons historiques.

Mme Harel: Non. Ce n'est pas le cas. Enfin, j'y reviendrai, mais ce n'est pas le cas au Québec.

M. Jacoby: Alors, c'est donc que j'aurais de mauvaises informations, mais...

Mme Harel: Je crois...

M. Jacoby: ...en tout cas, je dis une chose: Qu'on parle anglais ou qu'on parle une autre langue, quand on a un problème avec l'administration, je pense qu'il faut pouvoir être servi par l'administration dans cette langue-là. Et, en plus, si on va au Protecteur du citoyen comme recours ultime, je pense qu'on se doit de...

La deuxième chose, c'est que chez les populations autochtones, et peut-être pour toutes les raisons historiques que l'on connaît, parce qu'on a voulu les marginaliser dès le dépari, faire comme si elles n'avaient jamais existé sur ce continent, ces personnes-là, les membres des communautés autochtones ont une méfiance énorme envers l'administration et même envers les politiciens, et tout simplement envers les Blancs. Et on peut le comprendre sur un plan historique. Alors, il y a aussi ce problème-là, un problème de manque de confiance qui fait qu'on ne va pas nécessairement s'adresser à l'autorité blanche pour revendiquer des droits ou des avantages. Donc, les craintes de représailles, j'en trouve, les questions de culture, j'en trouve chez certaines communautés culturelles et chez certaines communautés autochtones, et c'est pour ça que moi, comme Protecteur du citoyen, je crois qu'il devrait y avoir un vice-protecteur aux autochtones, comme un vice-protecteur vraisemblablement aux communautés culturelles et ethniques. Et je pense que la question de l'assimilation et de l'intégration dans notre société, je ne peux la voir sous cet angle-là, comme Protecteur du citoyen. Ça ne met pas du tout en cause vos convictions ou votre philosophie là-dessus.

Mme Harel: Je trouve ça intéressant que vous le présentiez de cette façon-là, mais je me rends compte que, dans le fond, je ne partage pas votre point de vue. Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une approche similaire parce que, dans le cas d'un autochtone ou d'un immigrant, il peut avoir besoin d'un service dans une langue autre que celle de l'administration. Là, je dis: N'y a-t-il pas confusion? La question que je vous retourne est: Est-ce que ce service doit lui être offert par la voie d'un interprète ou si le service lui-même doit être dans sa langue? Je vous pose le problème très concrètement parce que j'ai comme voisin de bureau de comté le Centre montréalais d'accueil aux réfugiés. J'ai parfois des agents de la Sécurité du revenu qui viennent se plaindre parce que de nouveaux arrivants - le fait est que c'étaient des Iraniens, mais j'imagine que ça aurait pu être des gens de bien d'autres origines - réclament de faire leur demande de prestations d'aide sociale en anglais. Vous, considérez-vous que c'est un service que l'État doit assurer à un nouvel arrivant que de lui offrir un service, non pas dans sa langue d'origine ni par le biais d'un interprète, mais dans la langue que lui choisit? Me suis-je bien fait comprendre?

M. Jacoby: Oui, la question est claire. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. C'est une question de nature politique. Ce que je peux vous dire cependant, c'est que la majorité des personnes... Il faut dire que chez nous, les immigrants et... Imaginez, nous ne sommes pas connus de la population en général. Alors, imaginez combien on n'est pas connus des autochtones et de certaines communautés culturelles au départ. On a très peu de plaintes.

Je peux vous dire une chose, c'est que, d'une manière générale, et on le constate au niveau de l'accueil chez nous et au niveau de l'enquête lorsqu'on va jusqu'à l'enquête, les personnes qui sont capables de s'exprimer en français vont le faire et elles le font volontairement. Depuis les trois ans et demi ou quatre ans que j'y suis, j'ai eu un cas d'une personne qui est montée à mon bureau, qui l'a fait pour des raisons de principe de vouloir qu'on parle anglais, dans sa langue. Mais on réalise très bien... En plus il y a la question que, dans ces communautés-là, il y a beaucoup de personnes qui ont un autre handicap de base, elles sont déjà sous-scolarisées dans leur propre culture et leur propre langue au départ. Elles ont beaucoup de difficulté à faire l'apprentissage du français. Ce qu'on constate, nous, c'est que, dans certains cas, il n'y a pas moyen d'identifier le problème autrement qu'en tentant de parler dans la langue de la personne et on n'est pas nécessairement équipés pour ça.

Moi, je ne peux pas honnêtement répondre à la question que vous me posez: Est-ce que c'est un droit pour les immigrants de parler dans une autre langue que le français? Je pense que c'est très politique. J'ai mes convictions personnelles, mais je ne pense pas que ce soit le forum pour en discuter. Je peux vous dire que, comme Protecteur du citoyen, lorsqu'il y a à l'accueil une personne qui ne s'exprime pas en français et qui aurait besoin qu'on comprenne son problème dans une autre langue, j'ai des problèmes et je me sens très mal à l'aise, comme Protecteur du citoyen, à cause de ça. Je ne pense pas que ce soit en engageant des interprètes... Je ne veux pas en faire du bureau, une bureaucratie, un alourdissement du système.

Mme Harel: Je trouve ça tout à fait légitime que la Charte de la langue française ne s'applique pas au Protecteur du citoyen et que le Protecteur puisse offrir ce recours sans qu'il y ait aucune interférence linguistique. Je souhaite que le Protecteur du citoyen ait les moyens de faire connaître ses services dans des brochures qui seraient publiées en différentes langues.

Là où j'ai un peu plus de difficulté, c'est d'imaginer un recours qui pourrait être utilisé de plus en plus fréquemment pour obtenir des services de l'administration dans sa langue d'origine, finalement, ou en langue anglaise. Est-ce qu'on en arrive là? Par exemple, est-ce que quelqu'un peut dire: Moi, je veux passer mon permis de conduire en yiddish, ou en hindou, ou en fait, n'importe.

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Est-ce que vous concevez qu'on doive en arriver là, comme société? J'ai l'impression qu'on serait unique au monde, en quelque part.

M. Jacoby: Effectivement, on serait unique au monde. L'administration provinciale ne peut pas donner les services dans toutes les langues, je pense qu'il n'y a pas un pays au monde qui fait ça. Je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne, on ne peut pas dire qu'il y a un problème chez nous avec ce genre de demandes-là. On ne se sert pas de nous à ces fins-là, en tout cas pas à date. Et puis je peux vous dire une chose, le jour où on viendra s'adresser au Protecteur du citoyen pour réclamer des services dans toutes les langues d'origine, c'est parce que notre société se sera mal outillée en termes de services d'administration et de langues d'usage d'administration.

Mme Harel: Alors, la réalité, c'est que bon nombre de nouveaux arrivants utilisent l'anglais comme langue d'usage.

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Et ils s'attendent, et on ne peut pas leur en vouloir, ils arrivent à Mirabel,

ils ont là, donc, la confirmation qu'ils sont dans un pays où les deux langues sont officielles.

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Et ils remplissent un formulaire sur place à l'aéroport, qui est recto verso, français-anglais, et ils s'imaginent que ça va continuer comme ça dans tous les services de l'administration.

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Et ils arrivent donc à être confrontés avec la réalité qu'au Québec, bon, le français est la seule langue officielle. Mais ils sont au Canada où il y a deux langues officielles. Bon. Ceci dit, est-ce que la situation n'est pas différente de celle des autochtones qui, eux, à tous égards, ont, sans l'ombre d'une contestation, le droit d'obtenir des services dans leur tangue d'origine?

M. Jacoby: Je ne suis pas en mesure de répondre à la question de savoir si les populations autochtones ont le droit de recevoir... C'est toute la question de savoir s'y y a des droits acquis. Je ne veux pas répondre sur le plan juridique, en tout cas.

Mme Harel: D'accord.

M. Jacoby: Ça m'apparaitrait légitime, d'une certaine manière, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure solution non plus, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des communautés autochtones, mais qu'il y a une cinquantaine de dialectes aussi, juste au Québec. Bon! Il y a une différence, oui certainement qu'il y a des différences de fond. Les autochtones, je comprends qu'au Canada on ne veut plus les assimiler, on veut les reconnaître comme entité, comme population, et c'est la volonté de tous les gouvernements provinciaux ou presque et du gouvernement fédéral. Ça c'est une chose. Mais moi, la question, je la pose autrement. Vous savez, quand je constate qu'au Québec, par exemple, il y a dans la région de Montréal une centaine de communautés culturelles et que je constate certains dossiers qui sont traités... Vous savez que dans l'administration publique, à l'occasion, il se passe de drôles de choses. Vous avez une personne qui ne parle pas français et qui s'adresse à un ministère. Un immigrant, une personne récemment arrivée au Québec et tout ça, on ne sait pas comment la traiter, alors qu'est-ce qu'on fait avec elle? On la "switch" au ministère spécialisé dans les communautés culturelles. Et alors, au ministère spécialisé, on ne connaît pas le fond du dossier, c'est sûr, on n'est pas un ministère de secteur, on est un ministère de clientèle, donc ces problèmes d'immigration... Alors là, le dialogue commence entre l'administration sectorielle et l'administration du ministère. Vous avez des personnes comme ça qui sont barouettées du ministère de l'Immigration au ministère sectoriel. Et des situations comme ça, on en voit nous autres, et moi je ne trouve pas ça correct. Alors je me dis que c'est important aussi que le Protecteur du citoyen puisse faire des choses, au moins aider les gens à régler ce genre de dossiers là pour ne pas se faire promener d'un ministère à l'autre. C'est pour ça que, sur le plan du service à rendre à un citoyen, vous savez, pour moi, l'État n'a pas de couleur. Le gouvernement est fait pour tout le monde et je pense que le Protecteur du citoyen ne doit pas avoir de couleur non plus. Et quand je vois une victime d'une politique ou d'une application des directives gouvernementales, je pense qu'il y a des problèmes. Et les problèmes que je vois, c'est qu'avec les communautés culturelles, il y a des problèmes de barrières culturelles dans certains cas, en tout cas pour la première génération, comme avec les populations autochtones, il y a des barrières culturelles. (17 h 15)

Et mon plan de communication, c'est aussi de se faire connaître, nous faire connaître des populations autochtones. Vous savez, en Alberta, au Manitoba, en Ontario, même si la langue d'usage est l'anglais là-bas, pour bien faire comprendre l'institution du Protecteur aux populations autochtones, on a fait des dépliants dans différentes langues. Et pourquoi? Parce que la notion de recours, elle n'existe pas; notre démocratie, notre concept de démocratie, il n'existe pas dans ces cultures-là. Alors, il faut expliquer ça dans la langue. Donc, on fait des dépliants dans les différentes langues des nations autochtones, en Ontario, comme en Alberta et au Manitoba. Au Québec, on ne fait rien.

Le Président (M. Dauphin): Ça va, Mme la députée?

Mme Harel: M. le Président, vraiment, j'abuse là, mais juste une remarque. Ce n'est pas tant les gouvernements qui ont décidé, récemment, de ne plus assimiler, mais ils ont pris acte d'une réalité qui s'est imposée à tout le monde en même temps, c'est que les Indiens veulent rester Indiens et ils en ont le droit. Alors, à partir de là, il faut, comme dans nos institutions publiques, trouver une sorte d'ajustement à cette réalité-là qui est presque incontournable et qui est bien différente d'un nouvel arrivant qui, à une ou deux générations près, va souhaiter s'intégrer et à qui il faut faciliter l'intégration. Alors, c'est dans ce contexte-là simplement que je crois que le défi de toutes les institutions publiques, pour la prochaine décennie, ce sera, entre autres, de répondre finalement à cet objectif nouveau, parce que la réalité, elle était invisible, mais elle était là quand même.

M. Jacoby: La seule réserve que j'apporterais, si je peux me permettre, c'est que je sais qu'il y a eu des études énormes qui ont été faites au niveau fédéral, au ministère des Affaires indiennes. Il y a eu des commissions royates, des comités et ainsi de suite. Moi, tout ce que j'ai lu depuis que l'imprimerie existe, mettons, à Ottawa, dans tous les rapports, on dit que les nations autochtones, les populations autochtones veulent garder leur identité. Depuis des décennies qu'on dit ça, depuis le siècle dernier, sans vouloir exagérer, tous ceux qui ont étudié, tout le monde le sait, mais je dois dire que le phénomène de la découverte de cette réalité-là, de ce qu'on écrivait dans les rapports, elle est récente.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Me Jacoby. Merci, Mme la députée. Si vous me permettez, je vais vous poser quelques questions. Mais tout d'abord, j'aimerais, juste pour fins de bonne compréhension, vous indiquer que, quand bien même nous ne vous avons pas questionné, il y a deux semaines, par exemple, sur votre indépendance financière, pas personnelle là, mais comme institution, comme Protecteur...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): ...c'est qu'il y a certains points qui étaient l'évidence même pour les membres de la commission. À titre d'exemple, le fait que vous ayez à recourir au Conseil du trésor, on n'a pas jugé utile de vous poser la question puisque, pour nous, du moins pour 99 % d'entre nous, c'est quasi du sens commun. Alors, pour fins de bonne compréhension, je voulais quand même que ce soit clair à ce niveau-là. Et ce n'est pas juste au niveau de l'indépendance financière, ça s'explique également pour d'autres sujets non abordés dans les questions qui vous ont été transmises.

Comme première question qui relève du droit comparé, dans la législation ontarienne et celle de la Colombie-Britannique, on a des dispositions à l'effet, à titre d'exemple, là, qu'une plainte est fondée lorsque l'ombudsman est d'avis que la décision, la recommandation, l'action ou l'omission est basée sur une disposition d'une loi, d'une règle de droit ou une pratique injuste, abusive ou discriminatoire. Est-ce que ça ne vous répugnerait pas d'avoir une telle disposition dans votre loi habilitante lorsque, notamment, vous intervenez en matière d'équité? D'avoir une disposition semblable, justifiant davantage encore plus clairement, pour fins de nos travaux de recommandations, la semaine prochaine ou dans deux semaines, est-ce que vous verriez d'un bon oeil d'avoir une telle disposition dans votre loi...

M. Jacoby: Je pense que je verrais d'un bon oeil que les...

Le Président (M. Dauphin): ...instituante?

M. Jacoby: Effectivement, je pense que notre loi... Vous savez, je ne veux pas critiquer les rédacteurs de 1968, mais on a comme des problèmes à l'occasion. On a des dispositions qui nous donnent... Il faut beaucoup interpréter. Évidemment, la Cour suprême dit toujours qu'on interprète largement les lois d'ombudsman, mais ce n'est pas si clair que ça dans nos lois. Quand il s'agit de lésions, vous savez, on retrouve, c'est assez bizarre, dans notre loi - vous l'avez noté, mais je le répète quand même - l'article 26.1, qui dit: Le Protecteur doit aviser par écrit le dirigeant d'organisme chaque fois qu'il estime que cet organisme public ou une personne... ne s'est pas conformé à la loi. On y va par la bande et c'est loin d'être clair. Et puis, à part ça, les termes qui sont là-dedans, je pense, sont un peu dépassés à certains points de vue. En plus, la notion d'équité, nous faisons des interventions en équité, bien sûr, mais on l'a tirée par interprétation de la loi. Quand on dit qu'une personne aurait agi de manière déraisonnable ou injuste, bon... La loi de la Colombie-Britannique est beaucoup plus claire, c'est vrai, mais il faudrait faire attention quand on reverra les textes, cependant, de ne pas avoir l'effet contraire sans s'en rendre compte, de restreindre les pouvoirs du Protecteur du citoyen.

Mais vous savez qu'il y a même des législations où on va très loin. Je pense que la loi française et la loi de plusieurs pays africains en matière de médiateur de la république dit clairement qu'en plus du reste, on peut intervenir en équité. C'est dit très clairement.

Le Président (M. Dauphin): Une espèce de pouvoir résiduaire.

M. Jacoby: Oui, qu'il faut toujours utiliser avec circonspection.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Comme deuxième question relative à l'interruption de la prescription, pourriez-vous nous indiquer des juridictions où, effectivement, une disposition semblable existe, qu'un recours à l'ombudsman, interrompt automatiquement la prescription sous d'autres recours?

M. Jacoby: Nous n'avons pas fait la recherche sur cet aspect particulier, mais nous allons la faire pour savoir s'il y a d'autres lois d'ombudsman qui ont ce genre de disposition. On va le faire. Nous, ce que nous avons fait, en fait, c'a été une demande pour répondre à des besoins opérationnels. Ce qu'on a pu constater, c'est qu'il y a beaucoup de nos lois qui créent un effet interruptif de prescription. Mais on va regarder ailleurs et on répondra dans les meil-

leurs délais.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup. Lorsque vous nous avez dit dans votre exposé que sous d'autres juridictions, effectivement, il y a des ombudsmans spécialisés...

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...en matière de santé et de services sociaux...

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...est-ce que vous avez des références?

M. Jacoby: II n'y en a qu'un à ma connaissance, c'est la Suède.

Une voix: II y a l'Angleterre aussi.

M. Jacoby: Et l'Angleterre, oui. L'Angleterre et la Suède. Ce sont les deux juridictions où il y a des ombudsmans parlementaires spécialisés.

M. Williams: Ça n'existe pas en Ontario?

M. Jacoby: Oui, si vous appelez un officier de ministère un ombudsman, oui, ça existe. Mais ce n'est pas des vrais ombudsmans parlementaires.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Une voix: Merci.

Opportunité de créer des postes de vice-protecteurs

Le Président (M. Dauphin): Concernant l'éventualité où on proposerait, dans nos recommandations, la création de vice-protecteurs, est-ce qu'on devrait leur donner des pouvoirs spéciaux définis dans la loi ou bien de simples pouvoirs délégués, un peu comme les enquêteurs en possèdent, je crois, actuellement?

M. Jacoby: Oui, oui.

Le Président (M. Dauphin): Les pouvoirs leur sont délégués.

M. Jacoby: Je pense que la logique serait que... Actuellement, la loi est ainsi faite qu'une très grande partie des pouvoirs du Protecteur du citoyen sont délégués à ses collaborateurs et ses collaboratrices. Il y a seulement quelques pouvoirs qui ne sont pas délégués. Par exemple, le fait de faire une recommandation formelle, ça, ce n'est pas délégué. Mais au niveau opérationnel, c'est délégué. Je pense qu'il serait logique, avec l'institution, qu'encore là, ce soient des pouvoirs qui soient délégués par le Protecteur du citoyen, suivant les besoins d'organisation et de fonctionnement. Ne serait-ce que, si le Protecteur du citoyen, si l'institution voulait avoir un vice-protecteur aux opérations, je pense que ça fait partie du droit de gérance, ça. Mais je pense que si on veut maintenir l'acquis de l'indépendance et l'autonomie opérationnelle de cette institution, il ne faut pas que la loi impose au titulaire du poste des obligations qui pourraient, dans certains cas, aller à rencontre même des objectifs de la loi. Je pense qu'il faut laisser ça dans les mains du Protecteur. Vous savez, un Protecteur, quand ça ne fait pas sa job, c'est très critiqué et quand ça la fait, aussi, c'est très critiqué. Alors, on vit avec ça. Bon.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Vous nous avez dit, ce matin, que...

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet? Oui, Mme la députée.

Mme Harel: Oui, sur ce sujet, là, puisque l'hypothèse examinée est celle, donc, d'une nomination par l'Assemblée nationale de vice-protecteurs...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: ...est-ce que ce serait sur recommandation du Protecteur lui-même?

M. Jacoby: Oui, je pense que c'est absolument nécessaire. À moins qu'on décide de fonctionner avec les commissions, là, c'est très différent. Mais si on demeure convaincu que l'indépendance et l'efficacité de l'institution dépend d'abord d'une seule personne, je pense qu'il faut que cette personne soit impliquée dans la nomination des vice-protecteurs. Je ne voudrais pas me retrouver, comme dans certaines situations que je ne décrirai pas, où des dirigeants de ci et de ça se retrouvent avec des gens nommés par d'autres et ça ne marche plus. Je pense que si on fait ça à l'institution du Protecteur, les dangers sont très grands. Alors, je pense qu'à tout le moins, le Protecteur devrait présider à la recommandation pour ce qui est des vice-protecteurs, mais que ce soit - la ou les recommandations, il y a moyen de se parler - l'Assemblée nationale, par contre, qui décide du choix des vice-protecteurs. Ça m'ap-paraîtrait normal.

Vous savez, il y a même certaines législations où le Protecteur du citoyen est sélectionné, d'abord et avant tout, par le Parlement et c'est l'Exécutif qui ratifie. Chez nous, c'est l'inverse. Le Protecteur est nommé sur recommandation de l'Exécutif et, à toutes fins pratiques, ratifié par l'Assemblée nationale. Ça va très loin, la démo-

cratie, dans certains cas. Alors, a tout le moins, pour les vice-protecteurs, je dirais qu'il faudrait que ce soit la décision de l'Assemblée nationale.

Mme Harel: Mais dans la perspective où, justement, les pouvoirs du vice-protecteur sont délégués, il pourrait y avoir, par exemple, un scénario où l'Assemblée nationale procède à la nomination de deux ou trois protecteurs sans qu'il y ait de fonctions précises qui leur soient attribuées. Moi, je conçois fort bien qu'il faille une recommandation du Protecteur parce que, sinon, on peut paralyser l'institution complètement dans des conflits de personnalité. Mais, d'autre part, dans le cas, par exemple, de la santé et des services sociaux, il est vraisemblable que l'Assemblée voudrait pouvoir nommer un vice-protecteur précisément à ce secteur-là. Alors, vous voyez cette hypothèse-là de quel oeil, avec quel regard?

M. Jacoby: Vous voulez dire que l'Assemblée nationale, unilatéralement...

Mme Harel: Non, je conçois qu'il faille une recommandation du Protecteur...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: ...parce que, sinon, moi, je craindrais énormément que l'institution soit neutralisée...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: ...et paralysée. Mais le Protecteur fait des recommandations. J'ai cru comprendre, dans la réponse que vous faisiez au Président...

M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: ...qu'il s'agissait de vice-protecteurs sans qu'il y ait de fonctions précises attachées à leur nomination.

M. Jacoby: Oui. Enfin, je ne voudrais pas que ce soit dans la loi, parce que les lois, vous savez, c'est... Mais à partir du moment, par rapport à une des questions que vous avez posées, où il y aurait une commission de l'Assemblée nationale qui serait là pour discuter, par exemple, des propositions de nomination par le premier ministre pour le Protecteur, et des budgets, des crédits, des orientations, des activités, je pense que ces questions pourraient se discuter a l'Assemblée nationale par le biais de cette commission-là. Et je pense que... Je ne sais pas, je peux imaginer des situations... Il serait très difficile d'imaginer des situations conflictuelles. (17 h 30)

Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je pense que pour des raisons tout à fait fonctionnelles et opérationnelles, j'aurais besoin d'un certain nombre de vice-protecteurs du citoyen. Je peux vous dire que je souhaiterais aussi avoir un vice-protecteur qui soit responsable des populations autochtones ou des rapports entre les populations autochtones et l'administration, de la même manière que je vous dirais que je pense qu'il serait important d'avoir un vice-protecteur responsable en ce qui touche les communautés culturelles. Je pense qu'il ne faudrait pas mettre ça dans la loi, parce qu'il y a un danger très grand, vous savez. L'institution du Protecteur du citoyen, c'est extrêmement, c'est beaucoup plus fragile que ça paraît l'être. Ça peut être très fragile à un moment donné.

Mme Harel: De quelle façon se manifesterait le danger?

M. Jacoby: C'est très facile de paralyser une institution. J'ai été sous-ministre, je sais comment ça fonctionne; c'est très facile. Il suffit de confier un mandat exclusif à un adjoint, avec des directives bien précises, pour que ça ne fonctionne pas. Ça existe comme ça. Et puis, c'est extrêmement délicat. Je ne dis pas que ça arriverait, mais il suffit qu'un jour, un gouvernement qui soit un gouvernement d'extrême-droite et réactionnaire et qui ne voudrait plus absolument ni de recours pour le Protecteur du citoyen, même plus de recours aux députés, même plus de recours, et qui nommerait du monde là pour faire du papier.

Mme Harel: Ou l'inverse, un changement de gouvernement, par exemple. Posons-le par pure hypothèse, un changement de gouvernement et, pour neutraliser le Protecteur en place nommé par le gouvernement précédent, le nouveau gouvernement nomme un vice-protecteur qui le paralyse finalement; et qu'il soit l'homme du nouveau gouvernement, le Protecteur étant celui de l'ancien, ça serait plus vraisemblable, quelque chose comme ça, qu'un gouvernement d'extrême-droite.

M. Jacoby: Ah! tout est possible dans nos sociétés. Quand on regarde à long terme...

Le Président (M. Dauphin): Pure hypothèse. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Non. Non. Je pense que c'est facile et ça serait toujours... C'est parce qu'à un moment donné, le grand problème de fond, c'est que l'institution du Protecteur deviendrait une institution de type politique partisane au détriment, je pense, des usagers des services gouvernementaux.

Mme Harel: C'est intéressant. Merci.

Juridiction du Protecteur du citoyen en matière de corporations professionnelles

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Sur un autre sujet, ce matin, vous nous avez dit que, concernant l'acte professionnel, vous ne souhaitez pas et vous ne nous conseillez pas de nous attarder là-dessus, puisque vous nous dites: On n'en veut pas de cette juridiction-là, on préfère plutôt soumettre des recommandations au ministre responsable de l'Office des professions, en l'occurrence, le ministre du Revenu actuel. Deux choses: Quel genre de recommandations souhaitez-vous faire? Et deuxièmement, ne verriez-vous pas d'un bon oeil le fait d'avoir un droit de regard, du moins sur le fonctionnement de ces comités de discipline, comités de médecins, dentistes, pharmaciens-conseils, je pense qu'on appelle ça - qui, actuellement, sont composés exclusivement de professionnels? Même si vous iriez faire des recommandations au ministre responsable, verriez-vous d'un bon oeil, au moins, tant qu'au fonctionnement de tout ça, d'avoir un droit de regard, à savoir si c'est adéquatement en fonction?

M. Jacoby: Parce que là, on parle de ces comités de professionnels et, d'ailleurs, il y en a un autre avec la réforme maintenant, pour les infirmiers et les...

Le Président (M. Dauphin): Infirmières

M. Jacoby: ...infirmières. Il est évident... La question que je me pose, moi, par rapport à ces comités-là, qui fonctionnent souvent par sous-comités - et on retrouve l'administration, à l'occasion, sur ces comités-là - c'est que ce sont des organisations qui sont à l'intérieur d'établissements pour qui, à toutes fins pratiques, il n'y a pas d'appel de leurs décisions. Quel est le citoyen - enfin, rares sont les citoyens qui, après s'être plaints à l'établissement que c'est une matière qui relève du comité et qui n'ont pas de réponse ou se font dire non - qui, par la suite, va s'adresser à la Corporation professionnelle officiellement, en vertu du Code des professions? Moi, je pense qu'il faudrait élargir le pouvoir de l'Office sur ces comités des établissements. Mais il faut dire que si je parie comme ça, c'est par rapport aux réformes qu'on va proposer. On est actuellement en train de préparer une analyse et des recommandations pour bonifier, je pense, le régime disciplinaire des professionnels incluant, bien sûr, les médecins, de façon à ce que les recours en matière de déontologie, d'une part, soient des recours qui soient plus efficaces et qui donnent vraiment le sentiment aux justiciables, aux bénéficiaires, que, véritablement, justice a été rendue. Et, à cette fin, nous allons proposer que les syndics ne relèvent plus des corporations professionnelles, mais qu'ils soient nommés par l'Office des professions. Nous allons recommander que les comités de discipline soient abolis dans leur forme actuelle et qu'ils soient composés de représentants, bien sûr, des corporations professionnelles, mais également de représentants des citoyens. Nous aUons proposer que la fonction de syndic ne soit pas mêlée avec ceHe de respect des codes de déontologie et, dans ce sens-là...

Maintenant, vous savez, avoir un droit de regard sur des actes professionnels, il faut bien s'entendre. Jamais le Protecteur du citoyen ne peut se substituer à l'acte médical, mais il peut poser des questions par exemple, hein? Parce qu'on sait très bien que les traitements varient à l'intérieur d'un même établissement et, de la même manière, nous, on interroge, à l'occasion, les médecins de certains organismes pour savoir pourquoi ils sont arrivés à telle conclusion et ainsi de suite, est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres façons de régler la situation? Vous savez, il y a des questions de... Prenez les personnes qui éprouvent des problèmes d'ordre mental. Quand est-ce qu'on s'occupe de leur demander, à eux ou à leurs représentants, leur consentement à des changements de soins, à des changements de pharmacologie? Le Protecteur du citoyen peut se poser des questions, il peut intervenir dans des dossiers comme ça. Ça ne met pas en cause l'acte médical, mais ça met en cause les droits de la personne. Le consentement aux soins c'est un droit fondamental. Il faut consentir aux soins. Et si on n'est pas apte à le faire soi-même, ça se fait par des représentants ou par des membres immédiats de la famille. Ça arrive tous les jours, ça, au nom de la science, qu'on change des soins des gens. Je pense que le Protecteur peut faire quelque chose là-dedans. Ça ne met pas en cause le rôle des corporations professionnelles.

Le Président (M. Dauphin): Oui. D'ailleurs, je crois qu'il y a des groupes qui nous ont mentionné - vous me corrigerez si je fais erreur - lors de nos auditions publiques qu'ils voyaient, comme recours de première ligne en matière de santé mentale, par exemple, le Protecteur du citoyen.

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Contrairement à d'autres groupes qui le voyaient, évidemment... La majorité le voyait comme recours ultime, de troisième niveau, par exemple...

M. Jacoby: Ah! Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...en matière de santé mentale...

M. Jacoby: En matière de santé mentale, mais c'est parce que dans la santé mentale, il y a beaucoup de choses et l'acte médical est un acte parmi d'autres. Il y a aussi les conditions

de vie des personnes qui sont ei. établissement, qui vivent dans des établissements spécialisés. Il y a toutes les personnes qui sont en clinique externe. Il y a tout le monopole qui se fait au niveau des établissements hospitaliers. Une personne qui ne peut pas obtenir des soins... Pour des personnes qui éprouvent des problèmes d'ordre mental, parce que les psychiatres se sont divisé les territoires, on ne peut plus faire ce qu'on veut comme avant et il y a des gens qui sont poignes entre deux institutions. Tout ça, c'est des questions administratives mais qui ont énormément d'impact sur les personnes en cause.

Le Président (M. Dauphin): J'aimerais juste revenir, si vous le permettez, Me Jacoby, sur le sujet de tantôt concernant les vice-protecteurs...

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...soit le rôle défini par la loi modifiant la loi existante ou bien par un pouvoir délégué par le Protecteur lui-même. C'est qu'on m'informe que, de par la loi, le Protecteur ne peut déléguer son pouvoir de recommandation formelle. À ce moment-là, automatiquement, il faudrait modifier la loi...

M. Jacoby: Ah! Bien, c'est sûr.

Le Président (M. Dauphin): ...pour donner le pouvoir à ce vice-protecteur-la en matière de santé.

M. Jacoby: Bien, c'est évident. Je pense que la loi devrait permettre aussi... Il y a plusieurs recommandations, je pense, qui pourraient être faites formellement par le vice-protecteur. Je trouve que c'est très étriqué, la loi. Il faudrait que le Protecteur puisse déléguer aussi les recommandations officielles et même ce serait peut-être mieux dans certains cas parce qu'à ce moment-là, ce serait un premier intervenant et le Protecteur au-dessus. En termes d'intervention, ça pourrait être supérieur. Je pense que la loi... Ce qui est important c'est que le Protecteur, le titulaire du poste, demeure imputable. C'est lui qui est responsable des actes et de ses employés et de ses vice-protecteurs. C'est ça qui est important, l'imputabilité.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, est-ce qu'il y a d'autres collègues qui aimeraient...

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Dans l'hypothèse d'un élargissement, une hypothèse souhaitée et souhaitable d'un élargissement du mandat, est-ce qu'il peut être envisagé d'éche- lonner la mise en vigueur des nouveaux secteurs qui pourraient être couverts? Par exemple, je crains, moi, qu'il y ait une résistance qui se manifeste à un rapport de la commission des institutions à l'effet d'élargir le mandat du Protecteur, notamment à tous les organismes qui, à quelque part... Ce matin, on cherchait un dénominateur commun et on disait au moins ceux dont les conventions collectives passent par le Conseil du trésor. En fait, ça couvre pas mal plus que ce que la loi permet au Protecteur de couvrir présentement. Mais, dans la mesure justement où l'élargissement s'opérerait tel que le scénario que vous avez élaboré dans vos réponses nous permettrait de l'envisager, est-ce que vous pensez qu'il faudrait qu'il y ait une sorte d'échelonnement dans la mise en vigueur de façon à vous permettre, au fur et à mesure, de donner suite à l'augmentation du volume de recours qui s'ensuivrait? Comment voyez-vous la mise en vigueur?

M. Jacoby: Ça, écoutez, je pense que c'est très, très important, la question que vous posez. Si, demain matin, on élargissait la compétence du Protecteur du citoyen aux affaires municipales, même sur une base consensuelle volontaire, au secteur de la santé et des services sociaux, aux sociétés d'État et à tous les organismes non assujettis actuellement, je pense qu'on ne pourrait pas donner le service à la population et on n'aiderait personne. Moi, je pense qu'il faudrait, une fois qu'on a, par la loi, apporté les amendements et les modifications législatives pour élargir la juridiction à certains secteurs, qu'ensuite une planification soit établie de concert entre le Protecteur du citoyen, la commission et le gouvernement sur un échéancier, une planification stratégique avec un échéancier très précis et de commencer... Je pense que les priorités devraient être mises là où il y a apparemment le plus de problèmes. On pourrait établir un plan triennal. Il n'y a pas de problème à ce que ce soit fait comme ça.

Mme Harel: Vous avez déjà évalué le coût de cet élargissement?

M. Jacoby: Le coût de l'élargissement, on ne nous a pas donné l'occasion de l'évaluer, mais ce que je peux vous dire, les approximations qu'on a pu faire pour le secteur de la santé et des services sociaux, dans la mesure où notre compétence se limiterait, dans un premier temps, même si ce n'est pas très pratique, aux personnes les plus vulnérables, c'est autour de 500 000 $ dans un tout début, pour commencer. Mais je ne peux pas... Vous savez, ça dépend du volume de plaintes, ça dépend de la nature des enquêtes que nous ferons. On ne l'a pas fait. J'aimerais bien pouvoir le faire et c'est faisable, c'est certainement faisable. On peut se tromper dans les évaluations, mais c'est faisable. Si on

accordait juridiction au Protecteur du citoyen dans tous les secteurs dont on a parlé depuis ce matin et que, admettons, 50 % des 1500 municipalités du Québec viennent au Protecteur et ainsi de suite, et que c'est le gouvernement qui paie, je pense qu'il faudrait doubler les budgets.

Mme Harel: Mais, vous savez que vous n'avez pas à craindre cet "opting in" vertigineux de la part des municipalités. Il va falloir, pour certaines, que leurs citoyens leur tirent l'oreille avant qu'elles...

M. Jacoby: Absolument.

Mme Harel: ...fassent volontairement la demande. Est-ce que, dans d'autres juridictions, il y a des expériences où la loi constitutive de l'institution du Protecteur est sous la gouverne de quelqu'un d'autre qu'un ministre responsable? J'échangeais avec le président de la commission et je lui demandais: Est-ce qu'il faut que ce soit le ministre de la Justice, par exemple, qui présente une loi devant l'Assemblée nationale, loi modifiant, évidemment, la loi, ou si ça ne pourrait pas être, par exemple, la présidence de la commission parlementaire des institutions qui présente, comme un parlementaire peut le faire, une loi semblable? Quelle est l'expérience des juridictions semblables dans d'autres pays? (17 h 45)

M. Jacoby: Partout ailleurs où il s'agit de véritables ombudsmans, c'est évident que les ombudsmans ne relèvent pas d'un ministre en particulier. D'une manière générale, à ma connaissance - d'après ce que j'ai entendu dire - c'est généralement le premier ministre du gouvernement concerné qui pilote le projet de loi. Sauf que l'on sait aussi qu'à travers le monde les premiers ministres n'aiment pas toujours piloter des projets de loi devant le Parlement. Alors, il arrive, à l'occasion, que ça soit les ministres de la Justice de ces pays-là qui pilotent les projets de loi.

Pour qu'un projet de loi, maintenant, soit piloté par une commission ou par le président d'une commission chargée spécialement.. Je pense qu'il y aurait certainement quelques petites modifications à apporter, à moins qu'on en fasse un projet de loi de député ou un projet de loi privé. Il y aurait certainement des modifications à apporter à la Loi sur le Protecteur du citoyen ou à la Loi sur l'Assemblée nationale pour permettre ce genre d'intervention, si on ne veut pas que ça se limite à un projet de loi de député ou...

Mme Harel: C'est ça...

Le Président (M. Dauphin): S'assurer le support de l'Exécutif, évidemment.

M. Jacoby: Oui, certainement. Mais je pense... Ce que je peux constater et ce que mes prédécesseurs ont constaté, les ministres sont toujours mal à l'aise avec le Protecteur du citoyen. Quand je parie au ministre de la Justice sur des questions plus générales - je ne parle pas de dossiers - je mets l'institution du ministère de la Justice mal à l'aise. Un ministre qui va défendre un élargissement du mandat du Protecteur, quand il dit: Peut-être que ça va me tomber dessus un jour... Je pense qu'on met les ministres dans des positions difficiles. Il y a deux possibilités pour ne pas mettre le monde mal à l'aise; c'est ou bien le premier ministre qui est censé être au-dessus de la mêlée, ou bien les parlementaires eux-mêmes.

Mme Harel: J'ai cru comprendre, dans les réponses que vous faisiez à nos questions ce matin, que vous comptez rendre public tout prochainement un rapport spécial sur le degré de résistance que, malheureusement, vous obtenez avec certains ministères, un de ces ministères récalcitrants étant justement la Justice...

M. Jacoby: Sur certains dossiers, oui. Mme Harel: Sur certains dossiers? M. Jacoby: Oui.

Mme Harel: Alors, ça ne facilite pas les choses.

M. Jacoby: Ça ne facilite jamais les choses. C'est toujours extrêmement délicat car, vous savez, l'institution du Protecteur du citoyen, c'est un peu paradoxal en termes de fonctionne ment et d'organisation.

Le Président (M. Dauphin): Pourquoi pas le président de l'Assemblée nationale?

Mme Harel: Ce n'est pas bête, ça.

M. Jacoby: Écoutez... Moi, j'ai déjà eu l'occasion de parler à des présidents. Ça pourrait être un président, si on apportait des modifications législatives et tout ça... Moi, j'ai rencontré des présidents depuis que je suis nommé. Je les ai rencontrés pour discuter des orientations à l'époque... On s'est parlé, on a eu de beaux déjeuners ensemble et, un jour, un président m'a dit: Écoutez, M. le Protecteur, vous êtes indépendant? J'ai dit: Oui. Et il dit: Moi aussi. Je ne peux ni épouser, ni partager, ni appuyer vos recommandations. Je me dois d'être indépendant dans ma fonction. Alors, il y a comme un problème de deux indépendances qui s'affrontent.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Pas sous l'actuel, sous l'ancien président.

M. Jacoby: Sous l'ancien président, je dois dire.

Le Président (M. Dauphin): Sous l'ancien président?

M. Jacoby: Oui, oui, c'est ça, sous l'ancien président.

Le Président (M. Dauphin): Je pourrais vous suggérer une nouvelle tentative avec le nouveau.

M. Jacoby: Non, je n'ai pas récidivé. Des fois, je me tanne.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous avez d'autres questions, Mme la députée?

Mme Harel: Non, pas maintenant.

Le Président (M. Dauphin): Ça va?

M. le député de Nelligan, avez-vous d'autres questions à poser au Protecteur?

M. Williams: Pas maintenant.

Le Président (M. Dauphin): Pas maintenant?

M. Williams: Non.

Le Président (M. Dauphin): Moi, je vais en poser une maintenant, dans ce cas-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Ce n'est pas une colle. Ce matin, vous nous avez dit qu'en termes d'organismes, le Protecteur devrait avoir juridiction en ce qui concerne des fonds publics et tout ça. Il ne devrait pas y avoir trop de restrictions quant aux organismes sur lesquels vous devriez avoir juridiction, sauf le Vérificateur général, le DGE, le Directeur général des élections...

M. Jacoby: Oui, et les tribunaux administratifs.

Le Président (M. Dauphin): Et les tribunaux administratifs. Mais vous avez déjà juridiction sur les employés du Vérificateur général?

Mme Harel: Sur le fond.

Le Président (M. Dauphin): Ils sont assujettis à la Loi sur la fonction publique.

M. Jacoby: Oui, oui, c'est déjà... Mais ça, c'est encore l'histoire qui explique ça. C'est très juste ce que vous dites, effectivement. Ce sont des fonctionnaires, sauf qu'on n'a pas encore de sous-ministres qui sont venus se plaindre chez nous des interventions du Vérificateur général.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Peut-être que s'ils découvrent que nous avons juridiction sur le Vérificateur général, il y aura peut-être plusieurs sous-ministres qui vont venir déposer une plainte chez nous.

Le Président (M. Dauphin): Avant 1987, vous aviez juridiction en termes de délais devant les tribunaux administratifs, avant qu'on amende la loi.

Une voix: On l'a encore.

Le Président (M. Dauphin): Vous l'avez encore?

M. Jacoby: C'est demeuré, oui.

Le Président (M. Dauphin): Je croyais que ça avait été enlevé en 1987. C'est demeuré. C'est spécifique.

M. Jacoby: La compétence que nous avions portait sur la procédure, au sens procédural du mot, sur toutes les questions administratives. Qu'il s'agisse de délais d'audition, de délais de délibéré, de dommages causés par des erreurs faites, non pas par un membre d'un tribunal administratif, mais par un des officiers du tribunal administratif, on a compétence.

Le Président (M. Dauphin): On m'informe que vous avez, dans votre rapport annuel, une plainte à l'étude qui concerne le Vérificateur général.

M. Jacoby: Ah oui?

Le Président (M. Dauphin): Oui.

M. Jacoby: Bien je...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ç'a dû être un rejet.

M. Jacoby: Je ne peux vous répondre.

Mme Harel: C'est un rejet.

Le Président (M. Dauphin): C'est un rejet.

M. Jacoby: Je vais vérifier et je vous enverrai le résultat.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Parce qu'on vous a à l'oeil, on a de l'aide alentour.

M. Jacoby: Oui, oui, c'est... Conclusions Le Président

Le Président (M. Dauphin): Alors, Mme la députée ou M. le député de Nelligan. Vous n'avez pas d'autres questions? Ça va, Mme la députée? Alors on pourrait peut-être conclure? Moi, je vais conclure de la façon suivante, c'est que la réforme parlementaire de 1984 a permis justement à des commissions parlementaires comme la nôtre, des commissions parlementaires permanentes, de se donner des mandats d'initiative, de se donner un pouvoir de surveillance et de contrôle des organismes sous sa juridiction. Vous savez qu'on vous aime bien comme institution et comme personne aussi, évidemment, et qu'on a su obtenir la juridiction par délégation de la commission de l'Assemblée nationale. Alors, ce que j'ai à vous dire comme président, c'est que nous allons très prochainement faire le point sur nos recommandations. Nous allons, comme je le mentionnais ce matin, et de concert avec tous les collègues membres de cette commission, nous organiser pour faire le dépôt de notre rapport à cette session-ci, avant la fin de la session, pour en débattre - il y a un débat d'une heure de prévu - et, ensuite de cela, évidemment, tenter, comme parlementaires, de convaincre l'Assemblée nationale de modifier votre loi habilitante qui date, comme le mentionnait le vice-président ce matin, de plus de 20 ans.

Alors, je n'ai pas l'intention, avec toute la déférence que j'ai pour le vice-président de la commission, de faire des engagements électoraux, je pense que ce n'est pas de mon ressort, mais j'ai l'intention quand même de ne pas attendre la prochaine élection - trois ans, Mme la députée - pour faire des engagements...

Mme Harel: Nous annoncez-vous une élection seulement après cinq ans de mandat?

Le Président (M. Dauphin): Quatre ans et trois quarts.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Mais ce que je veux dire par là, c'est que...

Une voix:...

Le Président (M. Dauphin): ...je ne veux pas faire d'engagements électoraux pour dans trois ans, on a l'intention de procéder le plus rapidement possible, justement dans l'intérêt des justiciables, des bénéficiaires, des citoyens et citoyennes du Québec. Et puis je pense que je parle au nom de tous les collègues membres de cette commission. Et j'aimerais également vous remercier pour votre diligence, vous remercier également ainsi que tous les membres qui vous accompagnent, pour les services que vous rendez à la commission des institutions. Et puis, nous sommes très heureux de pouvoir travailler avec une institution aussi importante que celle du Protecteur du citoyen et qui deviendra possiblement, prochainement, protectrice ou protecteur des citoyens et citoyennes du Québec.

Mme la députée voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui certainement. Alors, évidemment il nous reste à compléter l'adoption des engagements financiers...

Le Président (M. Dauphin): Ah oui c'est vrai!

Mme Harel: ...de façon à terminer notre mandat, mais nous sentons tous que nous sommes à finaliser une tâche qui a été entreprise en 1988. Alors, il y a malgré tout une certaine lenteur et c'est de là que vient ce sentiment d'accélérer nos travaux de façon à ce que, avec la fin de la présente session, nous puissions mettre un point final à nos recommandations, puisque c'est finalement au printemps 1988 que la commission parlementaire des institutions examinait l'élargissement possible du mandat du Protecteur du citoyen. Je crois que c'était à l'occasion de l'étude des crédits...

Une voix: Du rapport annuel.

Mme Harel: ...du rapport annuel, voilà! Alors, il a régné un esprit de saine collaboration depuis le début des travaux de la commission. Et je veux juste insister sur le fait que nous avons décidé, mes collègues de la commission et moi, nous avons pris cet engagement de ne rien recommander que nous ne serions prêts nous-mêmes à appliquer si nous étions nous-mêmes au gouvernement. C'est-à-dire, en d'autres termes, que nous avons décidé de ne pas adopter une attitude maximaliste si tant est que nous ne fussions pas prêts nous-mêmes à donner suite à ces recommandations que nous allons faire à la fin des travaux de la commission. Ce que nous constatons, c'est la nécessité de rafraîchir absolument cette loi qui commence à avoir un certain caractère vétusté. Il faut qu'il y ait un sentiment d'urgence et je crois que le Protecteur du citoyen aura, dans la décennie qui vient, des défis très considérables, notamment, peut-être, dû au fait qu'il y a des contraintes financières qui pèsent sur tous les gouvernements, qu'il y a des "priorisations" à faire dans les services publics à offrir. Finalement, son point de vue est extrêmement important pour ne pas qu'il y ait

perte de qualité dans ce processus >à et aussi parce que la société se complexifie et parce que l'administration publique se complexifie, parce que la société s'enrichit aussi de l'apport de nouveaux arrivants et qu'elle se diversifie. Dans ce sens-là, je crois que ça impose une certaine façon nouvelle d'entrevoir le rôle du Protecteur du citoyen avec des moyens plus importants qui sont mis à sa disposition.

Alors, moi, je suis très contente, en tout cas, de l'état de nos travaux jusqu'à maintenant. Je suis très contente, très contente de la contribution que vous avez apportée aujourd'hui à nos travaux. Je remercie les membres de la commission et toute votre équipe et vous-même pour la prestation d'aujourd'hui.

Vérification des engagements financiers

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Nous allons maintenant procéder à la vérification des engagements financiers de la compétence du Protecteur du citoyen pour la période de septembre 1989 à mars 1991. Alors, si je comprends bien, Mme la secrétaire, on débute avec mars 1990. Alors, mars 1990, il y a deux engagements, dont le premier qui est une entente d'occupation des locaux du bureau de Montréal.

Mars 1990

M. Jacoby: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Augmentation de 77 141,52 $ en mars 1990 pour tenir compte du loyer additionnel suite à la relocalisation des locaux à Montréal. Est-ce qu'il y a des questions particulières ou voulez-vous donner des explications particulières?

M. Jacoby: C'est lorsque nous avons déménagé les bureaux du Village olympique au centre-ville de Montréal. Alors, il y a une différence de coût pour les baux, pour la période de l'année financière et, aussi, il y a eu les coûts d'aménagement des nouveaux locaux et nous avons payé tout ça, bien sûr, à la SIQ.

Le Président (M. Dauphin): Vous êtes au Village olympique, je crois, actuellement.

M. Jacoby: Nous étions au Village olympique.

Le Président (M. Dauphin): Vous étiez au Village olympique.

Mme Harel: Où est-ce que vous êtes installés maintenant?

M. Jacoby: Nous sommes maintenant au coin de Bern et Sherbrooke, dans le Holiday Inn Ri- chelieu qui est en rénovation, au troisième étage.

Le Président (M. Dauphin): D'accord.

Mme Harel: Alors, c'est encore plus central pour l'ensemble.

M. Jacoby: Oui, effectivement. C'est plus central pour les citoyens parce que se rendre au Village olympique, même avec le métro, ce n'était pas un cadeau.

Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que l'engagement financier 1 est vérifié?

Mme Harel: Vérifié.

Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Alors, j'appelle l'engagement 2, toujours de mars 1990, qui concerne une entente des services de télécommunications: "Augmentation de l'engagement suite à l'ajustement des crédits budgétaires approuvé par l'Assemblée nationale lors des crédits additionnels de janvier 1990. Le montant du début ne correspondait pas aux besoins réels."

M. Jacoby: Oui, effectivement, M. le Président, il s'agit du fait que, vous savez, la téléphonie, nous recevons de plus en plus de plaintes, nous recevons de plus en plus de demandes de renseignements et ça appelle une augmentation des coûts de communication. Et le gouvernement est obligé, soit une fois par année, soit en cours d'année, de nous ajuster pour pouvoir payer le ministère des Communications.

Le Président (M. Dauphin): Pas de questions? Alors, est-ce que l'engagement 2 de mars 1990 est vérifié?

Mme Harel: Vérifié.

Avril

Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Nous passons maintenant au mois de mai 1990.

Mme Harel: À moins qu'il y ait des questions... Moi, je les ai vus.

Le Président (M. Dauphin): Vous les avez vus? D'accord. Est-ce que l'engagement 1 est vérifié?

Mme Harel: Vérifié.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'engagement 2 est vérifié?

Mme Harel: Vérifié.

Mai

Le Président (M. Dauphin): Vérifié. Les engagements d'avril 1990, dans la liste de mai 1990. Maintenant, nous passons à mai 1990. L'engagement 1, Entente de services de télécommunications. Est-ce que c'est vérifié?

Mme Harel: Vérifié.

Le Président (M. Dauphin): Vérifié L'engagement 2, Engagement global pour payer les mois d'avril et mai 1991, les deux mois de loyer, si je comprends bien.

Mme Harel: Est-ce qu'il s'agit de loyers, là, à l'engagement 2?

M. Jacoby: C'est qu'il y a des façons des télécommunications... Je pourrais demander à mon directeur du budget de répondre, parce qu'il y a des questions très techniques, sur cet aspect-là. M. Paul-Henri Desrochers.

Le Président (M. Dauphin): M. Desrochers? M. Desrochers (Paul-Henri): Oui. Le Président (M. Dauphin): Allez-y

M. Desrochers: Alors, en avril 1990, c'étaient les loyers du bureau de Québec. En mai 1990, ce sont les télécommunications, pour 27 000 $ et 121 000 $. S'il y a deux engagements, c'est que les premiers mois de l'année sont payés manuellement et les autres mois sont payés dans le système, par paiement automatique. C'est pour ça qu'il y a deux engagements pour le même sujet.

Mme Harel: Vérifié.

Octobre

Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est vérifié. Nous passons maintenant à la liste d'engagements d'octobre 1990.

M. Desrochers: Alors, c'est le loyer du bureau de Montréal.

Le Président (M. Dauphin): C'est ça.

M. Desrochers: Ça avait retardé un petit peu. Au lieu de le faire en début d'année, à cause du déménagement, des coûts, il y a eu quelques mésententes avec la SIQ avant de s'entendre sur le coût réel des aménagements. C'est pour ça que ça a retardé un peu.

Mme Harel: Vérifié.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'engage- ment 1 est vérifié. L'engagement 2? Mme Harel: Même chose.

Le Président (M. Dauphin): Marne chose? Alors, l'engagement 2 est vérifié. Est-ce que la vérification des engagements financiers du Protecteur du citoyen pour les mois de septembre 1989 à mars 1991 est terminée?

Mme Harel: Complétée, oui.

Le Président (M. Dauphin): Vérifié, terminé. Alors, M. le Protecteur du citoyen, j'aimerais vous laisser le mot de la fin, en dix secondes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: En dix secondes, oui. Je serai très bref. Je peux vous dire à quel point j'apprécie ces rencontres que nous avons. Je les apprécie parce que, vraiment, vous êtes le forum approprié pour comprendre les préoccupations du Protecteur du citoyen. Vous êtes très près des citoyens. Vous connaissez leurs besoins et leurs difficultés. Je suis aussi - mais véritablement - très heureux de constater à quel point une commission, dans un forum comme celui-ci, ne fait pas de partisanerie politique, que c'est fait avec tout le professionnalisme qu'exigent les institutions qui doivent être neutres et impartiales. Je tiens donc à remercier tous les membres de cette commission, de toutes les formations politiques, non seulement pour l'intérêt qui est porté à l'institution - qui, d'ailleurs, relève de vous - mais également pour la pertinence des questions posées. Il y a même des questions qui ont nécessité, chez nous - je peux vous le dire - du travail parce qu'on ne s'était jamais posé la question, des fois. Ça arrive: on fait des choses et on ne se pose pas de questions. Et aussi cette volonté que la commission manifeste, à tout le moins - je comprends que ce n'est pas l'Assemblée nationale, que ce n'est pas le gouvernement - de vouloir bonifier cette loi-là de façon à ce que les citoyens soient mieux protégés contre les abus possibles de l'administration. Et je tiens à vous remercier de tout coeur au nom de tout mon personnel et au nom, bien sûr, de tous les citoyens.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le Protecteur. Juste en terminant, j'aimerais remercier aussi les personnes qui nous accompagnent: la secrétaire de la commission, Me Lucie Giguère, nos experts, Me Nicole Trudeau-Bérard, Me Suzanne Langevin, qui est avec la division de la recherche, M. Jules Viviers et Mme Beaure-gard. Merci beaucoup et bon retour!

M. Jacoby: Merci.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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