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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Wednesday, November 13, 1991 - Vol. 31 N° 63

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Forget): Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Forget (Prévost) remplace M. Fradet (Vimont) et M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Forget): L'ordre du jour pour la séance d'aujourd'hui se lit comme suit: 9 h 30, nous entendons le représentant du Groupe de recherche informatique et droit; à 10 h 30, suivront les renseignements du Conseil du patronat du Québec; 11 h 30, les représentants du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec; 12 h 30, la commission ajournera ses travaux. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Forget): Adopté. Alors, on demande... le représentant... Alors, je vous rappelle le temps alloué pour l'exposé et les échanges. La durée de l'exposé est de 20 minutes. La durée des échanges est de 40 minutes. Alors, monsieur, la parole est à vous. Si vous voulez vous identifier, excusez-moi.

Groupe de recherche informatique et droit

M. Laperrière (René): Certainement. Bonjour! Je suis René Laperrière du Groupe de recherche informatique et droit de l'Université du Québec à Montréal.

M. le Président, Mmes et MM. les ministres et députés, le Groupe de recherche informatique et droit possède, depuis six ou sept ans déjà, une expertise dans le domaine de la protection des renseignements personnels. Nous avons produit en particulier une étude pour le gouvernement du Québec qui a été publiée sous le titre de "L'identité piratée", qui fait l'objet de plusieurs discussions depuis. Nous avons produit aussi récemment pour le gouvernement du Canada, ministère de la Justice, une étude sur les flux transfrontières de renseignements personnels qui ont des incidences certaines sur l'objet de nos débats aujourd'hui, dont le titre est "Vie privée sans frontière", et nous avons participé à différentes études des différents comités à titre de consultants ou de maîtres d'oeuvre, pour différents organismes gouvernementaux, sur les questions de dossiers de santé, de géomatique et de commercialisation des banques dé données gouvernementales.

Alors, je voudrais insister sur quelques points qui vont peut-être un petit peu au-delà du mémoire écrit que le GRID a présenté au mois de juin à cette commission parlementaire: d'abord, la nécessité de réglementer le secteur privé, ensuite les insuffisances du Code civil, l'évolution de la situation juridique dans le monde, pour terminer sur les problèmes relatifs à l'organisme de mise en oeuvre d'une réglementation dans le secteur privé.

Alors, tout d'abord, la nécessité de réglementer le secteur privé fait l'objet d'un large consensus social; on a pu le constater, d'abord dans les déclarations d'ouverture de cette commission-ci, autant de la part du gouvernement que de la part de l'Opposition. Ce large consensus rejoint aussi les corporations professionnelles si on consulte les mémoires du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires, des arpenteurs-géomètres. Il concerne les groupes de citoyens, la Ligue des droits et libertés, les ACEF, la Coalition démocratique de Montréal.

Quant au secteur privé, qui serait .Je principal intéressé et le principal touché par ces extensions de législation et de réglementation, eh bien, les opinions sont divisées sur le sujet. Il n'y a pas de bloc unanime dans le secteur privé contre l'adoption d'une réglementation. Évidemment, ceux qu'on va entendre le plus, ce sont ceux qui sont les plus défavorables; par exemple, les grandes banques, les institutions financières, les bureaux de crédit, les agences de recouvrement, enfin tous ceux qui gravitent autour du commerce de renseignements sur la situation financière des individus. Quant aux assureurs, ils sont partagés, mais plusieurs assureurs sont tout à fait favorables à l'établissement d'une réglementation plus que d'un code d'éthique, d'une véritable réglementation publique. Et nous avons pu recueillir, dans deux de nos enquêtes au GRID, des opinions assez variées sur la question. Ça, je vous réfère, en particulier, dans "L'identité piratée", aux pages 94 à 98, où l'on voit que, finalement, les entreprises privées, quand on les interroge directement, peuvent être favorables à la réglementation, ne serait-ce que pour avoir une certaine prévisibilité dans leurs coûts et dépenses. Sachant quelles normes vont finalement être appliquées par le gouvernement, bien, elles vont tout de suite conformer leur système

et leur conception de système pour l'application de ces normes-là, de telle sorte que la prévisibilité étant assurée, ça leur permet de contrôler un peu la concurrence à rabais qui se ferait sur les droits des citoyens. Par exemple, si des entreprises ne prennent aucune précaution par rapport au traitement de leurs données, bien, à ce moment-là, ça peut constituer une forme de concurrence déloyale envers les entreprises qui, elles, prennent ces précautions-là.

Un second facteur qui rend nécessaire la réglementation du secteur privé, c'est la perméabilité du secteur public et du secteur privé. L'information dans ces deux secteurs est un peu comme dans tes vases communicants. Effectivement, si on laisse le secteur privé sans réglementation, on met en péril la bonne application de la loi dans le secteur public parce que la tendance sera alors de sous-contracter le traitement de l'information, et de l'information personnelle plus particulièrement, au secteur privé, parce que le secteur privé prend moins de précautions, fait moins de dépenses pour assurer et protéger la vie privée des citoyens, de telle sorte que c'est plus rentable en définitive de sous-contracter au secteur privé, et ça met en péril la saine application de la législation dans le secteur public.

De toute façon, on peut bien se dire qu'on pourrait Imposer contractuellement les règles du secteur public chaque fois que le gouvernement contracte avec le secteur privé, par exemple, avec le bureau de crédit. Si le bureau de crédit doit appliquer les normes gouvernementales pour tous les contrats qu'il fait avec le gouvernement, y va être obligé d'établir des standards de gestion qui répondent aux normes du secteur public, mais ceci, évidemment, est une demi-garantie, parce que ça ne donne au pouvoir public aucune espèce de contrôle sur ce qui se passe, finalement, sur la gestion de ce qui se passe dans le secteur privé.

Et puis, on peut dire aussi qu'il existera toujours des modes d'échanges illicites de données, que ce soit au niveau du secteur public ou du secteur privé, et que ces modes d'échanges illicites procèdent sans distinction de secteur public ou de secteur privé. Par exemple, le Communications Security Establishment, qui est un organisme plus ou moins secret fédéral, fait l'espionnage des données de télécommunications par satellite pour les Américains, et le National Security's Agency des États-Unis fait l'espionnage sur les Canadiens, et ces deux agences s'échangent des renseignements sans que ce soit illégal ni d'un côté ni de l'autre de la frontière. Ça, je vous réfère à une série d'articles qui sont parus dans The Globe and Mail de Toronto, à compter du 27 mai 1991, dont l'intitulé était: "Shadowy body circumvents law to gather information: Secrecy shrouds spy agency. " Alors, c'était une révélation journalistique et, évidemment, nous n'avons pas eu de commentaires officiels de la part des gouvernements.

M. Cannon: Est-ce qu'il y aurait moyen de faire faire une photocopie de ce document-là, s'il vous plaît?

M. Lapenière: Certainement, oui. Le troisième argument sur la nécessité de réglementer le secteur privé, c'est le problème constitutionnel. L'Association des banquiers canadiens est venue faire des représentations à l'effet que la constitutionnalité d'une réglementation du secteur privé serait douteuse dans le cas des banques. Pour cela, je vous réfère tout simplement au chapitre de "L'identité piratée" dans lequel nous avons fait une analyse détaillée des différents problèmes constitutionnels qui pourraient se poser. C'est de la page 249 à 270. Essentiellement, il s'agirait d'une loi de portée générale qui serait comparable à la loi de protection du consommateur, et à la loi de protection du consommateur, comme le Code civil, d'ailleurs, s'applique aussi bien aux banques qu'à n'importe quelle entreprise de juridiction fédérale ou provinciale qui font affaire au Québec.

Or, on ne s'étonne pas que les grandes banques refusent toute espèce de réglementation québécoise, parce qu'elles refusent toute espèce de réglementation de toute façon. Les grandes banques ont refusé de participer aux enquêtes menées par le ministère de la Justice du gouvernement fédéral sur ces questions-là. Alors, je crois personnellement que la question constitutionnelle est un simple prétexte pour les banques qui forment des oligopoles au Canada pour essayer d'éviter toute espèce de réglementation de leurs activités provinciales ou fédérales.

Très rapidement, je pense que je parle à des convaincus. Quand on parie d'insuffisance du Code civil pour régir ces questions, je vous réfère en particulier au mémoire de la Chambre des notaires qui a développé cette question encore beaucoup mieux que nous avons pu le faire. Les dispositions du Code civil actuel sont trop générales; il manque d'obligations précises de gestion, et surtout il manque de dispositifs de mise en oeuvre, les tribunaux ordinaires étant mal adaptés en général pour pouvoir s'occuper de ces questions-là et n'intervenant que sous le mode de l'adjudication, alors que plusieurs autres mandats doivent être mis en oeuvre pour appliquer une loi fondamentale comme celle de l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels.

Alors, j'en arrive au vif de mon propos, qui est l'urgence d'agir. L'urgence d'agir nous vient évidemment des facteurs internes au Québec, qui est la protection de la vie privée des citoyens et des citoyennes du Québec, mais aussi de l'évolution de la situation juridique dans le monde, ce dont je vais vous entretenir un peu plus largement.

Nous connaissons assez mal, de façon

générale, la situation aux États-Unis. On s'imagine que c'est un pays dans lequel il n'y a aucune réglementation du secteur privé. C'est une illusion parce que le secteur privé est beaucoup plus réglementé aux États-Unis qu'il peut l'être au Canada en matière de protection des renseignements personnels. Il est réglementé par industrie et par service: Les banques sont réglementées aux États-Unis, les assureurs, les bureaux de crédit, les télécommunications, et on pourrait en rajouter. Il y a même des lois générales; par exemple, une loi sur les couplages d'ordinateurs, "computer matching". Alors, vous avez un ensemble législatif, je dirais, relativement complet, même s'il ne prend pas la forme d'une loi à portée générale applicable à toutes les juridictions et à toutes les situations. (9 h 45)

Par ailleurs, le dossier législatif aux États-Unis est très actif en matière de protection des renseignements personnels parce que les groupes de pression, là-bas, sont très actifs. Nous avons des nouvelles périodiquement, dans les journaux, sur les événements qui se passent dans le secteur privé là-bas. Par exemple, en janvier 1991, Lotus, qui est une grande compagnie d'informatique, et Équifax, dont vous avez entendu le mémoire récemment, ont annulé la mise en marche de Market Place Household, une base de données sur 120 000 000 de consommateurs américains, après avoir reçu 30 000 plaintes des consommateurs américains à l'effet qu'il y avait des inexactitudes, d'une part, dans les dossiers et que, d'autre part, ils ne voulaient pas être affichés dans les bases de données pour des fins de commercialisation, comme ce que voulaient faire Équifax et Lotus.

En octobre 1991, c'était au tour de TRW, qui est un concurrent d'Équifax. TRW a décidé de donner accès gratuitement aux consommateurs à leur dossier de crédit, en cédant aux pressions des consommateurs, des groupes de défense de la vie privée, des procureurs généraux qui intentent des poursuites pour des dossiers truffes d'erreurs et pour bri de confidentialité. Alors, le contexte de ça, c'était la révision par le Congrès de la loi sur l'équité dans l'information de crédit, le Fair Credit Reporting Act de 1970. Par exemple, au Vermont, tout proche de chez nous, on avait erronément fiché 1500 résidents de Norwich comme étant en défaut de paiement de leurs taxes municipales. On avait pris la liste des résidents. Alors, tout le monde était en défaut de paiement parce que quelqu'un avait fait une erreur chez TRW.

Les autres compagnies n'ont pas encore suivi, à ma connaissance, mais il se pourrait bien que ce soit Équifax États-Unis qui impose des normes à Équifax Canada, plutôt que le gouvernement du Québec, au train où vont les choses.

Par ailleurs, nous avons l'Accord de libre-échange auquel nous sommes soumis depuis 1988. La logique de cet Accord de libre-échange, c'est qu'on cherche à éliminer les entraves à la libre circulation des biens et services en rendant les conditions de mise en marché comparables. Alors, si un pays procure un avantage concurrentiel indu à son industrie, on imposera une solution telle que des droits compensatoires pour établir l'équilibre. Donc, si l'absence de normes sérieuses au Québec permet à l'industrie de renseignements de faire des économies sur le dos des droits des consommateurs, celle-ci pourrait se voir interdire l'accès aux données américaines. Les groupes de pression peuvent s'allier pour boycotter les produits informationnels québécois qui ne répondent pas aux normes de protection de la vie privée aux États-Unis comme ils le font pour d'autres produits.

Il y a aussi d'autres effets malheureux. Par exemple, si on ne légifère pas ici, ça peut créer l'obligation pour les Québécois d'aller en Ontario ou aux États-Unis pour obtenir l'accès aux données qui les concernent parce qu'ils n'y ont pas droit au Québec. Ça peut aussi avoir pour effet d'aligner les pratiques de gestion sur les normes plus élevées des autres provinces ou des États-Unis et, bientôt, de l'Europe, alors qu'au Québec la législation ne suivrait pas et que les Québécois n'exerceraient aucun contrôle sur ces déterminants de leur vie sociale, économique et politique.

Qu'est-ce qui se passe en Europe, très brièvement? Bien, vous connaissez tous la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des données personnelles. Il y a maintenant en étude une proposition de directives du Conseil des ministres de la Commission des Communautés européennes, le Marché commun. Cette proposition vise à harmoniser les législations des pays d'Europe, et une disposition particulièrement à l'article 24 et à l'article 25, qui concernent les flux transfrontières de renseignements personnels.

Alors, s'il est jugé en Europe que le niveau de protection d'un autre pays où on voudrait exporter des données européennes n'est pas adéquat, à ce moment-là on pourrait refuser l'exportation de ces données-là vers les pays d'Amérique du Nord, par exemple. Donc, on va établir une liste de pays qui offrent un tel niveau de protection adéquat et on peut espérer que le Québec sera à l'intérieur de cette liste. Autrement, bienl il faudra obtenir à chaque fois, négocier à la pièce des dérogations, ce qui pourrait causer un fardeau supplémentaire aux organismes publics et aux entreprises privées québécoises.

Enfin, en ce qui concerne l'organisme de mise en oeuvre, le GRID a recommandé un office indépendant. Le comité interministériel a plutôt recommandé que le mandat soit confié à la Commission d'accès à l'information, et la Commission d'accès à l'information a évidemment proposé ses bons offices. Alors, nous avons une petite variation ici dans notre mémoire. Nous

croyons sincèrement que, dans sa forme actuelle, la Commission d'accès à l'information est mal adaptée pour remplir l'ensemble des mandats qui découlent de la loi.

Essentiellement, notre argument est le suivant: le mandat de défense et de promotion active des droits et libertés fondamentales des citoyens et des citoyennes fichés est incompatible avec un mandat d'adjudication. C'est là vraiment ce qu'on appelle le double mandat chez nous. Déjà, cette difficulté avait été soulignée dans le rapport Ouellette, le rapport sur les tribunaux administratifs, en pages 101 et 102. L'Assemblée nationale l'a compris à propos de la Commission des droits de la personne qui, elle aussi, est appelée à défendre et à promouvoir les droits et les libertés fondamentales. En 1989, on a donc changé la structure de la Commission des droits de la personne. On a créé un tribunal des droits de la personne, justement pour libérer la Commission des droits de la personne pour des tâches plus efficaces, mieux orientées, et qui ne soient pas en perpétuel conflit d'intérêts.

Alors, ça c'est tout récent, et je pense que ça devrait servir de modèle pour la réforme de la loi d'accès à l'information et de la Commission d'accès à l'information. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même pour que l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, qui sont deux droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits et libertés, particulièrement pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, à l'article 5 de la Charte des droits et libertés... Ceci aurait pour effet de libérer la Commission d'accès à l'information de son rôle d'adjudication où elle se perd, pour la consacrer à des fonctions beaucoup plus actives, où elle valoriserait son expertise spécifique en matière d'enquête, de conciliation, de consultation, un peu à la manière de ce qui se passe avec le commissaire à la vie privée, au niveau fédéral. Je peux vous dire, par exemple, notre malaise d'avoir eu à comparaître - le GRID - devant la Commission d'accès à l'information, alors que nous sommes appelés à collaborer avec cette Commission dans de nombreux dossiers, à titre d'expertise. Et ça doit être la même chose pour tous ces organismes publics et pour tous les défenseurs des droits de la personne qui, d'une part, sont appelés à collaborer avec la Commission et, d'autre part, peuvent avoir, à l'occasion, à se présenter pour obtenir de l'information indispensable à leurs travaux.

Dans ces conditions, nous croyons que la Commission d'accès à l'information ainsi réformée serait beaucoup plus efficace dans la réalisation de ses mandats. Et nous verrions d'un bon oeil que ces mandats-là lui soient confiés, autant pour le secteur public que pour le secteur privé. En somme, on libérerait la Commission de ses fonctions d'adjudication, ce qui la dégagerait pour s'occuper du secteur privé sans hausse budgétaire.

Maintenant, où irait la fonction d'adjudication? Deuxième question. Mais pourquoi pas au Tribunal des droits de la personne? C'est un tribunal qui fonctionne pour la promotion des droits de la personne, puis le droit d'accès et la protection des renseignements personnels sont des droits fondamentaux. Ce tribunal a actuellement pas mal de disponibilité; il n'est pas submergé par son agenda. Il n'y aurait pas de coûts supplémentaires. Et il y a certaines caractéristiques intéressantes; par exemple, le choix des juges et des assesseurs qui se fait sous l'article 101, parmi les juges qui ont une expertise, une sensibilisation et un intérêt marqué en matière des droits et libertés de la personne, ensuite, les garanties d'indépendance qui sont meilleures pour ce tribunal-là que pour d'autres tribunaux administratifs.

Autrement, alternativement, mais comme second choix, on pourrait procéder par requête devant les tribunaux, comme pour un incident de constitution de la preuve, puisqu'il s'agit d'aller chercher des documents, finalement. Alors, ça pourrait être de type interrogatoire au préalable - l'article 397 du Code de procédure civile - et là on a un délai d'un jour. On n'a pas un délai de six mois comme à la Commission d'accès à l'information. Ou ça pourrait être de type requête en jugement déclaratoire - articles 453 à 456 du Code de procédure. Ici, on aurait un délai de 10 jours et le droit à un débat, quand même un peu plus consistant, sur ce type de question. Alors, la suggestion de la Commission d'accès à l'information, par ailleurs, d'établir un régime spécifique quant à la communication des renseignements personnels, de façon occasionnelle ou de façon habituelle, est intéressante et mériterait d'être retenue.

En conclusion, nous estimons, au GRID, que nous avons tout ce qu'il faut au Québec pour agir. Évidemment, le premier objectif étant de promouvoir les droits et libertés chez nous, d'abord, ensuite rattraper les États-Unis en matière de réglementation du secteur privé, et enfin se mettre à l'heure de l'Europe et des débats internationaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup. J'inviterai M. le ministre à avoir les échanges.

M. Cannon: Oui. Merci, M. le professeur Laperrière de votre présentation, surtout de votre contribution à faire avancer le dossier, depuis maintenant plusieurs années. Sans doute, vos efforts ne sont pas vains. Effectivement, vous avez constaté qu'il y a consensus pour qu'on aille de l'avant dans le projet de loi et ça m'apparaft très clair.

Vous avez parlé tout à l'heure, dans votre présentation, d'abord des facteurs internes au Québec, mais aussi des dossiers qui concernaient les lignes directrices de l'OCDE... Vous avez également parlé de la situation aux États Unis. Il

semble qu'aux États-Unis ils sont davantage réglementés. Vous avez également fait état du dossier TRW. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire, dans le Time magazine de cette semaine, l'article qui s'intitule: "Nowhere to Hide. Individual Rights", écrit par un M. Richard Lacayo, où, justement, il fait état de l'incident dont vous avez parlé, en concluant que la compagnie en question, TRW, avait, en vertu des lois existant aux États-Unis, notamment Fair Credit Reporting Act de 1970, prétendu que la loi fédérale avait une emprise plus importante qu'une loi adoptée dans un État - notamment Alabama, Californie, Idaho, Michigan, New York et Texas - et que, par conséquent, ça ne s'appliquait pas, ou enfin, les éléments ne s'appliquaient pas à cette entreprise.

Mais la conclusion de tout ça, c'est que devant le tollé de protestations des consommateurs, la compagnie a décidé d'expédier gratuitement, à chacun des individus ou des personnes qui étaient fichés chez elle, une copie du document qui les concernait. Je continue dans l'article: Ça a eu comme conséquence qu'il y a des pressions énormes qui sont maintenant exercées sur les entreprises, et il y a notamment une législation devant la Chambre des représentants, qui exige ou exigerait qu'un consentement écrit soit obtenu de la part des entreprises financières, notamment les bureaux de crédit, les banques et les autres institutions, pour que soit divulgué un renseignement concernant un individu.

Première question: c'est de connaître votre réaction à cela, et la deuxième question concerne, toujours dans la même optique, une autre mesure législative qui vise à mettre à jour la loi de 1970 qui créait l'obligation auprès de ces entreprises ...enfin consacrait le droit au consommateur de voir sa fiche et, au besoin, de la corriger. Ce que l'on voudrait rajouter comme élément c'est, un peu comme dans le cas de TRW, d'expédier, à la demande et aux frais de la compagnie, les renseignements personnels et confidentiels concernant les individus.

Ma deuxième question, justement, porterait là-dessus: Est-ce que vous croyez que, dans une loi, il serait nécessaire pour le gouvernement d'obliger les entreprises qui font la cueillette d'informations et de renseignements personnels, d'expédier gratuitement le document ou les informations qui concernent les individus?

M. Laperrière: Je crois que ce serait une excellente mesure. Évidemment, pour répondre à votre première question, la question du consentement écrit pour toute divulgation, il faudrait voir un petit peu le libellé des dispositions qui sont présentées en amendement. Ce qui est important de retenir là-dedans, c'est qu'il faudrait des consentements spécifiques et non pas des consentements généraux, parce que des consentements généraux sont obtenus très faci- lement au niveau d'une demande de crédit, de prêt, etc., ou même d'emploi. Alors, on consent à ce que l'entreprise, l'employeur, puissent aller chercher les renseignements là où bon leur semble. Ce sont des consentements qui sont faits de façon générale et illimitée. Les finalités ne sont pas spécifiées. On ne sait pas à quelles fins ils peuvent aller chercher ces renseignements une fois qu'ils ont l'autorisation de le faire; ils peuvent bien prendre les renseignements, et ensuite, s'en servir pour faire du marketing ou toute espèce d'autres fins qui ne sont pas nécessairement compatibles avec celles pour lesquelles la demande du citoyen ou de la citoyenne est faite. Donc, consentement, d'accord, mais à condition qu'il soit spécifique et qu'il ne soit pas valable - on trouve ça dans certaines lois américaines - que ce ne soit pas valable indéfiniment, qu'on doive renouveler ces consentements-là, et que les formules passepartout, telles que "usage compatible", "finalité compatible", etc.. (10 heures)

Maintenant, on a suffisamment d'expérience accumulée avec les bases de données informatisées pour savoir qu'est-ce qui est compatible puis qu'est-ce qui ne l'est pas; on est capables de le spécifier maintenant. Autrefois, on ne savait pas trop, ça évoluait très vite, on ne savait pas exactement ce qu'on pourrait faire avec tout ça. Mais maintenant, on sait que l'information a une valeur marchande, qu'elle circule énormément, qu'on peut obtenir assez facilement, quand on est dans l'industrie, des rapports confidentiels sur n'importe qui. Alors, il faudrait vraiment qu'il y ait cette qualité de spécificité qui se rattache au consentement.

En ce qui concerne le droit de recevoir l'information chez soi, bien, ça peut causer des problèmes de mise en oeuvre, d'application. Bon là, on pouvait se dire jusqu'à maintenant: C'est impossible, ce serait des coûts astronomiques de recevoir copie de l'information personnelle qu'une entreprise détient sur nous. Mais si TRW est capable de le faire aux États-Unis, pourquoi est-ce que Équifax ne serait pas capable de le faire chez nous? Actuellement, il faut se déplacer jusqu'à ville d'Anjou, quand on est à Montréal, pour aller consulter son dossier de crédit. Puis, si on a quelque difficulté, on doit avoir à faire ce déplacement-là souvent, pendant les heures de bureau, en manquant son travail, etc. On dit: C'est une situation insensée!

Alors, peut-être que, actuellement, les coûts d'une telle entreprise seraient importants, mais les droits et libertés, c'est quelque chose qui se paie, d'une part, et, d'autre part, les technologies évoluent très vite et il est concevable que, dans quelques années, on puisse donner accès à ces informations-là, tout simplement "on line", sur écran, sur consultation, plutôt que d'envoyer ça par la poste, ce qui entraîne quand même des coûts beaucoup plus considérables. Ce n'est pas

impossible à faire, puisqu'il y a déjà des systèmes qui sont mis en route pour faire du téléshopping, télébanking, etc.

Bon. Alors, pourquoi est-ce que, à un moment donné, avec une bonne codification sécuritaire, chacun ne pourrait pas avoir accès en tout temps à son dossier dans les principaux organismes qui s'occupent de ces dossiers-là, avec une clé d'accès, de la même façon que vous avez un code pour faire fonctionner votre guichet automatique?

Alors, ce sont des technologies qui s'en viennent. Il faut croire qu'elles ne sont pas encore suffisamment implantées aux États-Unis pour que la grande compagnie TRW ait décidé d'envoyer ça, de poster ça aux citoyens. Mais, dans quelques années, ça va être habituel.

M. Cannon: Peut-être une dernière question, maintenant, qui concerne les normes européennes. Vous avez beaucoup insisté, dans votre mémoire, sur les normes et sur le fait qu'il faut viser la norme réglementaire la plus exigeante. Est-ce que vous pensez que l'autoréglementation favoriserait l'adoption des normes exigeantes?

M. Lapenière: Bien, quand on parle d'auto-réglementation, on peut parier de plusieurs formules possibles. Généralement, l'autoréglementation, qui était préconisée par les banques il y a cinq ans, c'était une autoréglementation spécifique à l'entreprise; par exemple, la Banque Royale avait fait son code d'éthique, la Banque de Montréal avait fait son code d'éthique. Alors là, il n'y avait personne d'autre que les gens de l'entreprise qui étaient en mesure de contrôler l'application de ces codes d'éthique. Et ces codes d'éthique étaient formulés de façon relativement vague. Par exemple, dans le code d'éthique de certaines banques, on trouvait une exception, que la banque pouvait communiquer des renseignements, quand c'était dans l'intérêt de la banque de le faire, ou quand c'était dans l'intérêt public de le faire. Ce sont des concepts extrêmement vagues et extrêmement larges; il faudrait savoir ce que c'est, l'intérêt de la banque, dans quelle situation particulière une banque pourrait avoir le droit de divulguer. Ce qui les retient de le faire à tout venant, c'est qu'elles veulent conserver leurs clientèles et que la confidentialité du secret bancaire est quand même quelque chose d'important à préserver pour cette industrie-là. Mais ce ne sont pas tous les sous-contractants de cette industrie-là qui ont ce niveau d'éthique, si vous voulez. De telle sorte que, pourquoi est-ce que l'Association des banquiers canadiens a senti le besoin de faire son code d'éthique applicable à toutes les banques? C'est qu'il y a un besoin d'autorégle-mentation par secteur, qui est différent des simples voeux pieux d'une entreprise qui affiche son code d'éthique en disant: Bien, nous, c'est comme ça qu'on fonctionne et tout va bien dans le meilleur des mondes. Alors, si l'Association des banquiers canadiens, qui est venue vous faire des représentations, a adopté son code d'éthique, c'est qu'il y a ce besoin de réglementation du secteur pour que tout le monde fonctionne de la même façon, pour que personne ne puisse faire de la concurrence coupe-gorge aux entreprises qui agissent convenablement et qui respectent les droits des citoyens.

Bon, maintenant, l'autoréglementation par secteur, est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'une association comme l'Association des banquiers canadiens remplit complètement son mandat vis-à-vis du public en édictant ses propres règles? Bien, nous, on croit qu'on a besoin d'une réglementation publique pour confirmer ça. Si vraiment leurs règles sont bonnes, qu'on s'assoie à table avec eux, ou avec les assureurs, ou avec les autres secteurs, les bureaux de crédit, et qu'on examine avec eux et non seulement eux et le gouvernement, mais aussi les groupes de citoyens, défenseurs de la vie privée, etc., qu'on examine avec eux quels sont les problèmes qui sont posés, quelles solutions on peut apporter, et à ce moment-là, qu'on entérine ça par une réglementation publique et qu'on donne un droit de regard à un organisme indépendant de l'entreprise pour, s'il y a des problèmes, voir à ce que ça soit corrigé. Alors, ça, c'est une autoréglementation par secteur, qui aboutit à une réglementation publique, mais dans laquelle il y a une participation active à la fois des - j'allais dire des ficheurs et des fichés - c'est-à-dire des gens qui constituent les bases de données et des gens qui sont l'objet de cette constitution de bases de données.

Alors, ça, c'est une condition valable. Je pense que tout le monde est en droit de réclamer la discussion de ces questions-là parce que ce sont des questions fondamentales. Et, à ce moment-là, vous voyez que le Barreau comme la Chambre des notaires sont d'avis que si, effectivement, il y a intervention publique, il faut qu'il y ait une réglementation publique dans le secteur, et non pas tout simplement les affirmations de bonne vertu et de bonnes intentions de la part des entreprises. Je pense que tout le monde serait confortable avec ça, finalement, y compris les entreprises, et ça empêcherait, par exemple, qu'il y ait des situations d'abus ou de scandale qui puissent se produire à un moment donné.

M. Cannon: Merci.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup,

M. le ministre. Alors, j'inviterais le député de

Pointe-aux-Trembles à échanger avec notre invité.

M. Bourdon: Alors, je voudrais d'abord féliciter M. Lapenière pour son mémoire. Je trouve qu'il est extrêmement bien structuré et il

fait juste refléter l'expertise considérable que vous avez acquise dans ce domaine-là.

D'entrée de jeu, je voudrais vous faire part de ma crainte. Je pense que les citoyennes et citoyens vivent des problèmes importants d'intrusion dans leur vie privée et que, à notre niveau, du pouvoir politique au sens large, pendant que les personnes vivent ces problèmes-là, nous, on étudie le problème de façon très intensive. Et j'ai une préoccupation, moi, c'est qu'on aboutisse à des résultats.

Si je comprends bien votre mémoire, en matière de renseignements de crédit, on tire de l'arrière sur la plupart des autres provinces canadiennes. De façon générale, on est en arrière sur les États-Unis et l'Europe, et bientôt - et je trouve ça fort opportun de vous souligner le danger - on va même avoir un handicap économique, si on devient un pays, à ne pas échanger de données parce qu'il ne les réglemente pas chez lui. Et l'intervenant, après vous, c'est le Conseil du patronat. Je vais essayer d'introduire cette dimension-là.

Maintenant, est-ce que je vous comprends bien, pour ce qui est des recours et de l'organisme qui en disposerait, si votre position, dans le fond, c'est que la Commission d'accès a, d'une part, une fonction d'éducation, de conciliation et aussi un rôle quasi hiérarchique dans le secteur public pour donner accès aux renseignements, et elle a aussi le mandat de siéger comme organisme quasi judiciaire pour entendre les plaintes? Il y en a d'autres avant vous aussi qui l'ont dit qu'il y a un problème de double mandat. Mais est-ce que... - en fait, j'essaie de comprendre - est-ce qu'une solution serait d'avoir la Commission d'accès, d'une part, mais délestée de son rôle quasi judiciaire, d'avoir, à l'égard d'une loi réglementant la circulation d'information dans le secteur privé, d'avoir un organisme comparable, moins "d'accès à l'information" que "de protection des renseignements de nature privée", et que le Tribunal des droits, par hypothèse, pourrait être l'instance qui entend... l'instance d'adjudication, comme vous le dites, qui pourrait être le Tribunal des droits à l'égard tant de ce qui est public que privé? Est-ce que je comprends bien?

M. Laperrière: Oui, le problème vient de ce que, quand nous avons, au GRID, fait l'étude sur "L'identité piratée", les ministères nous avaient demandé de faire des recommandations. Nos recommandations n'étaient pas de nature administrative; nos recommandations, c'était qu'ils avaient besoin d'un organisme public pour s'occuper de ces choses-là, et nous ne recommandions pas d'attribuer à cet organisme des pouvoirs quasi judiciaires. Pourquoi? Parce que, à ce moment-là, ça affaiblirait son mandat de promotion des droits et des libertés, de défenseur des droits et des libertés.

C'est un petit peu la déception qu'on avait eue avec la Commission des droits de la personne, puisque, quand on arrivait devant la Commission des droits de la personne, elle nous disait: Nous prenons fait et cause pour vous. Puis, ensuite, elle se retournait la veste, en quelque sorte, après avoir entendu nos représentations, etc., elle allait interroger d'autres témoins hors de notre présence. Et puis, ensuite, elle tirait des conclusions et des décisions sous forme quasi adjudicative. Alors, ça ne marchait pas, ça. C'est-à-dire qu'ils nous demandaient de nous confier à eux comme on se confierait à des avocats qui vont aller plaider votre cause et, ensuite, ils prenaient une décision qui pouvait vous virer. Alors, ça ne pouvait pas fonctionner.

Bien, la Commission d'accès à l'information est un peu dans cette situation-là. Vous vous adressez à la Commission d'accès à l'information pensant que c'est l'organisme public qui va vous aider, vis-à-vis des grandes bureaucraties, à gagner un petit peu quelque chose, à avoir accès à votre dossier ou à faire protéger vos renseignements, etc. Et vous vous apercevez que, si c'est susceptible d'adjudication, à ce moment-là, la Commission est paralysée, neutralisée, puis elle dit: Bien, venez! on va régler ça judiciairement sur le banc. Et là, vous êtes obligés de vous affronter à la batterie d'avocats, dans un processus contradictoire, où vous êtes presque perdants d'avance. Vous êtes très inégalitaires. Nous, on y est allés, à la Commission, puis on a perdu, et on est pourtant des gens renseignés, je pense, au GRID, sur ces différentes affaires-là. Mais qu'est-ce que vous voulez? On a tellement l'habitude de collaborer avec la Commission que se retrouver ensuite dans une instance d'adjudication, bien, là, c'est tout un autre scénario, c'est toutes sortes d'autres enjeux. Alors, ça ne peut pas fonctionner, ces doubles mandats-là.

De telle sorte que ce que nous préconisons, maintenant que les représentations ont été faites, qu'on a pu consulter tout ça, c'est de se dire: Si on confie l'ensemble des mandats du secteur public et du secteur privé à la Commission d'accès à l'information, c'est bon, mais, à ce moment-là, enlevons-lui son pouvoir d'adjudication pour qu'elle puisse en faire la défense et la promotion pour les citoyens, que ce soit au public ou au privé. C'est sûr que c'est inutile d'avoir deux régimes quand, par ailleurs, on plaide tant et plus que les renseignements passent du secteur privé au secteur public de façon routinière. Alors, pourquoi est-ce qu'on aurait deux régimes séparés? C'est mieux d'avoir un seul régime, mais les hésitations qu'on avait à confier ça à la Commission d'accès, si on lui enlève ses pouvoirs d'adjudication et qu'on lui laisse ses pouvoirs d'enquête, de conciliation, de consultation, d'aviseur du gouvernement, de défenseur des citoyens, de prendre fait et cause pour les gens, bien, à ce moment-là, elle sera délestée de cette espèce de neutralité judiciaire et on enverra un vrai tribunal.

Maintenant, quel devrait être ce vrai tribunal? Eh bien, on voit qu'on vient de créer le Tribunal des droits de la personne, puis on est en matière de droits de la personne. C'est de ça dont on parle, ce matin. Alors, si on veut protéger le droit à la vie privée, c'est l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, de toute façon. Bon, alors, ces dossiers-là pourraient monter quand il s'agit d'adjudication. La Commission d'accès à l'information de même que la Commission des droits de la personne pourraient présenter devant le Tribunal des droits de la personne les affaires où vraiment il n'y a pas de règlement possible, ni avec les organismes publics ni avec l'entreprise privée et, à ce moment-là, on aurait un vrai tribunal qui siégerait de façon adjudicattve là où les parties pourraient être équitablement représentées. Parce que, si l'entreprise privée... - on parle de grosses bureaucraties comparables à celles de l'organisme public - alors, quand l'entreprise privée arrive avec sa batterie d'avocats, la Commission d'accès à l'information, de l'autre côté, et le citoyen auraient aussi leur batterie d'avocats spécialises. A ce moment-là, il y aurait un combat égal, en quelque sorte. (10 h 15)

Actuellement, devant la Commission d'accès à l'information, si vous n'avez pas votre batterie d'avocats, vous n'avez pas de combat égal. Ce n'est pas vrai: vous vous faites manger tout rond! Alors, c'est un peu ça le sens de la proposition, voyez-vous? Si on ne voulait pas confier ça au Tribunal des droits de la personne - c'est un tribunal qui est fait pour ça, leurs juges sont choisis en fonction de ça, il y a des critères de nomination, ils ont l'indépendance judiciaire voulue, etc. - si vraiment on ne voulait pas, on pensait que ce n'était pas opportun, à ce moment-là, on pourrait se rabattre sur la cour du Québec, en se disant, à ce moment-là: Attention, ce ne sont pas des délais de trois ans et de quatre ans; on va procéder par requête, de la façon la plus rapide possible. Mais la, il faudrait faire l'éducation des juges, les sensibiliser à la question. La loi d'accès, c'est quand même une loi qui est un petit peu compliquée sur le plan juridique. Même si son interprétation commence à se stabiliser là, après sept ans d'application, il reste quand même que ce sont surtout des problèmes de droit qui sont discutés là. Alors, une requête avec un avis d'un jour franc, on ne discute pas beaucoup de droits dans ces choses-là, généralement. C'est plutôt expédié sur la routine. Alors que c'est une requête pour jugement déclaratoire, mais là on a le temps de se préparer, on a dix jours d'avis, etc. On peut faire un débat juridique, puisque c'est une requête sur jugement déclaratoire.

M. Bourdon: Moi, je suis d'accord avec vous. Et dans le fond, il y a un autre modèle qui existe déjà, qui est celui de la Commission des droits de la personne, qui ne fait pas l'adjudication; elle fait l'enquête, la promotion. Elle fait même la conciliation, ce qui n'est pas mauvais en soi, mais elle va finir au Tribunal des droits de la personne avec une plainte, à un moment donné, où, là, elle ne sera pas prise avec l'idée qu'elle s'est faite de la question. Ce que vous dites de la Commission d'accès à l'information, j'y suis sensible, parce que ça fait six mois que je suis en discussion avec la Commission sur une demande de renseignements à la Régie des rentes. Et je dois dire que la partie conciliation est assez costaude. Il faudrait que, au lieu d'une liste d'entreprises ayant eu un congé de cotisation des entreprises de 200 employés et plus, on me dit que je devrais me contenter du chiffre des congés de cotisation obtenus pour l'année 1990. Dans la discussion qui est faite entre mon attaché politique et la Commission, c'est presque rendu que les 30 000 entreprises qui pourraient être visées, pourraient être avisées qu'il va y avoir une audition de la Commission d'accès. Alors que, moi, je n'ai fait qu'une demande à la Régie des rentes de me donner un renseignement que la loi oblige les entreprises à lui communiquer. Une entreprise, qui prend un congé de cotisation, en avise la Régie. Et pendant nombre d'années, la Régie rendait cette donnée-là disponible; là, elle ne la rend plus disponible. Mais on me parlait, ce matin, d'une audition en janvier. J'ai fait la demande de renseignements en mai, et la législation risque d'arriver avant la réponse de la Commission. Il y a comme un problème.

Comme vous dites, je pense, même à l'étape de la conciliation, quand un organisme a le double mandat, si son rôle d'audition est chargé, on peut penser qu'en conciliation on va essayer de régler plus, de pousser plus pour que ça se règle. Dans ce sens-là, moi, je suis en accord avec vous que la promotion, la défense, les enquêtes, les plaintes... Autrement dit, pourquoi essayer de nommer une seule personne qui serait procureur de la couronne, mettons, et juge? Le juge, c'est le juge, et le procureur de la couronne, par hypothèse... Je ne résume pas ça à ça, mais... parce qu'il a un rôle de promotion et d'éducation, mais on peut s'attendre aussi que l'organisme qui s'occupe de ces questions a comme un parti pris pour le citoyen et que, s'il fait du zèle, le tribunal peut dire: Non, ça ne va pas jusque-là. Mais ce n'est pas à lui de s'auto-censurer, dans le fond.

Est-ce que vous croyez que la promulgation - avec peut-être des amendements - des articles 36 à 41 du Code civil, le chapitre qui traite de la vie privée, qui n'est pas promulgué - j'ai bien lu dans votre mémoire - ça ne serait pas suffisant? Mais est-ce que vous ne croyez pas que ça serait quand même un pas en avant, à certaines conditions, si on se décidait à les promulguer?

M. Laperrière: Oui, ça serait sûrement une amélioration sur la situation existante. Mais qu'est-ce que ça donnerait à long terme? S'il y a des normes qui existent dans le Code civil, d'une part, et que, d'autre part, les entreprises sont suffisamment sensibilisées à l'existence et à la signification de ces normes-là, peut-être que les entreprises vont tenter de se conformer à ces normes-là. Mais ce sont des normes très, très, très générales, qui ne leur donnent pas d'indications très précises sur comment se conformer, comment gérer ces renseignements de telle sorte qu'on réponde aux normes du bon père de famille, etc. C'est un petit peu plus complexe que ça, dans le fond, et ils. pourraient s'aligner sur ce qui existe dans le secteur public en se disant: Bien, probablement que le Code civil va être interprété en fonction de la jurisprudence qui s'est développée dans le secteur public sur la base de l'idée que si c'est bon pour le secteur public, particulièrement en matière de protection des renseignements personnels, ça devrait être aussi bon pour le secteur privé. Mais, ça c'est encore une transfusion de critères d'une loi à une autre et on ne sait jamais, dans le passage, comment est-ce que ça peut aboutir.

M. Bourdon: Mais si vous voulez mon avis, moi, je suis pour l'un et l'autre, mais ma crainte c'est que le gouvernement ne fasse ni l'un ni l'autre. Et, à cet égard, est-ce qu'à 41, par exemple, du Code civil, à l'article 41, si on modifiait, par exemple, l'article, pour dire que les plaintes résultant de l'application du chapitre sont déférées au Tribunal des droits ou ailleurs, selon ce qui serait le mieux, ça serait comme un pas de fait? Mais, je suis entièrement d'accord avec vous que le Code civil, à lui seul, il établit comme des principes, mais il ne place pas des modalités et il ne fait pas la mise en vigueur ordonnée de l'ensemble de ce qui est nécessaire. Mais je vous fais part de ma crainte, c'est qu'on ne fasse ni l'un ni l'autre, et moi je voudrais qu'on fasse l'un et l'autre; qu'on promulgue, avec peut-être certains amendements, et qu'on adopte une autre loi qui vient de vos travaux au GRID et puis du rapport du comité interministériel qui a fait suite. En tout cas, j'ai terminé, M. le Président. Je vous redis que je suis en accord avec la presque totalité de votre mémoire.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, M. le ministre.

M. Cannon: Moi, je n'ai plus de questionnements, à moins qu'il y ait un député... Non? Ça va. Quant à moi, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu participer, ce matin, à notre commission et j'espère avoir le plaisir de vous revoir.

M. Laperrière: Merci.

Le Président (M. Forget): Merci, monsieur. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, juste remercier de nouveau M. Laperrière, le féliciter de l'ensemble de ses travaux et lui dire que je souhaite que l'instance parlementaire se révèle aussi efficace que ceux, comme vous, qui étudient la question.

Le Président (M. Forget): Alors, je remercie le représentant du Groupe de recherche informatique et droit de nous avoir présenté ce mémoire. Et, afin de permettre au prochain groupe de prendre place, le Conseil du patronat du Québec, je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 24)

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Forget): La commission reprend ses travaux. Elle demande au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Cannon: Ça doit être un vieux... entre Michel Bourdon et vous, pour que Michel arrive en retard comme ça!

M. Bourdon: Ah oui! j'avais hâte de voir M. Dufour.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je suis Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat. Je vous présente mes collègues. À mon extrême gauche, M. André Drouin, qui est directeur des services organisation et méthodes à la Banque nationale; à ma toute gauche, M. Jean-Claude Chartrand, qui est président d'Équl-fax; à ma première droite, M. Ghislain Bouchard, qui est vice-président, administration, à Québec-Téléphone; et M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche au Conseil du patronat. Alors...

Le Président (M. Forget): Pour permettre aux représentants de l'organisme de présenter leur exposé, je rappelle le temps alloué pour l'exposé et les échanges. La durée de l'exposé est de 20 minutes, la durée de l'échange est de 40 minutes. Alors...

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, le CPQ est heureux de l'occasion que vous lui donnez de soumettre à la commission des institutions de l'Assemblée

nationale quelques commentaires sur les recommandations du rapport intitulé: "Vie privée, zone à accès restreint". Ce rapport, on le sait tous, traite de l'extension au secteur privé des grands principes de protection qui s'appliquent déjà, par voie législative, aux renseignements personnels détenus par le secteur public.

Pour notre part, cependant, dans le présent mémoire, nous commenterons d'abord, compte tenu de son importance dans le débat actuel, l'avis de la Régie des télécommunications du Québec au ministre des Communications sur la protection de la vie privée dans les télécommunications, et. dans un deuxième temps, on reviendra sur "Vie privée, zone à accès restreint".

D'abord, donc, la protection de la vie privée dans les télécommunications. De nombreuses analyses et, en particulier, les consultations de la Régie des télécommunications du Québec ont porté sur les services de gestion des appels, la confidentialité des télécommunications, la cueillette, la divulgation et la commercialisation des données sur les usagers téléphoniques et le télémarketing. On peut donc déterminer, M. le Président, si la progression de l'informatisation de renseignements nominatifs et l'automatisation des décisions concernant les personnes leur ont causé divers préjudices.

Premièrement, le service de gestion des appels. Selon certaines associations de consommateurs, l'affichage du numéro de téléphone peut porter atteinte à la vie privée des abonnés - l'identification du numéro de téléphone d'où provient l'appel. Ce service est en expansion rapide comme en témoigne la demande croissante des abonnés pour, justement, ce service de gestion des appels. Mais la vie privée des abonnés n'en est pas pour autant menacée, puisque la technologie donne la possibilité à celui qui appelle d'empêcher l'affichage de son numéro de téléphone et que, par ailleurs, le destinataire a le droit d'exiger ou non l'identification de tout appel entrant et d'en aviser en conséquence ses correspondants. L'accessibilité à des options d'identification de celui qui appelle ou de blocage de celle-ci favorise donc le libre choix et protège le droit à la vie privée pour tous.

Deuxième volet, la confidentialité des communications. En ce qui concerne la teneur même des communications acheminées par les réseaux de télécommunications, le peu de contestations - et ça, je pense qu'il faut le souligner - le peu de contestations des abonnés montre clairement qu'il n'y a pas de problème de confidentialité dans l'acheminement des télécommunications. En ce qui a trait à la cueillette, la divulgation et la commercialisation des données sur les usagers des services de communications, l'informatisation des renseignements nominatifs peut être, dit-on, génératrice de préjudices de divers ordres pour les personnes qui en sont l'objet.

Quels sont les faits cependant? Selon les observations de la Régie - et là, ce sont les observations de la Régie et non du secteur privé, et non du CPQ, M. le Président - au-delà des préoccupations légitimes des usagers en matière de protection des renseignements les concernant, il y a lieu de constater que, jusqu'à présent, l'industrie des télécommunications s'est généralement comportée de façon à assurer la protection de la vie privée de ses usagers; et je cite, selon l'avis même de la Régie: "Peu de cas de divulgation abusive peuvent être imputés a cette industrie. Jusqu'à présent, la Régie n'a pas été saisie de plainte de cette nature."

Troisième volet: la sollicitation téléphonique, ce qu'on appelle le télémarketing. Pour l'industrie du marketing direct, la sollicitation téléphonique vocale est une activité qui soutient le commerce et l'industrie, crée des emplois, aide le consommateur dans son choix de produits et services. Encore là, pour certains usagers, cette forme de télésollicitation constitue une intrusion dans la vie privée, qu'il faut restreindre. Mais si un appel de télémarketing peut être considéré comme inopportun par un usager, il ne présente certes pas un caractère illicite, d'autant plus que l'usager a toujours la possibilité de ne pas donner suite à ce genre d'appel. Nous appuyons cependant l'idée que les autorités gouvernementales pourraient encourager la formation d'une association professionnelle provinciale qui verrait à promouvoir un minimum d'autoréglementation; par exemple, au moyen d'un code de déontologie et de normes quantitatives. La Régie se dit d'ailleurs disposée à participer à l'élaboration des paramètres des services de gestion des appels pour permettre à l'abonné d'identifier plus facilement les appels provenant d'entreprises de télésollicitation.

On peut donc conclure de ce voleHà, M. le Président, que les entreprises de télécommunication ont fait preuve jusqu'à maintenant, au Québec, d'un grand respect des principes de protection des renseignements personnels. Selon, toujours, la Régie, et je cite: "Les lois et règlements existants, ajoutes à l'autodiscipline et aux codes d'éthique interne des entreprises de télécommunication, ont permis jusqu'à présent une protection satisfaisante des renseignements nominatifs et privés sur les usagers des services de télécommunication." Fin de la citation.

Il ne nous apparaît donc pas opportun, M. le Président, que le gouvernement intervienne au moyen d'une nouvelle loi et d'un règlement dans l'industrie des télécommunications, à la seule fin de protéger la vie privée. Cette industrie a déjà un code de déontologie étanche pour la plupart de ses activités et il s'agirait d'implanter un tel code là où il n'existe pas. Ce serait, de plus, un procédé inefficace qui engendrerait des coûts administratifs supplémentaires pour les entreprises, sans compter que, ce faisant, le Québec outrepasserait son champ de compétence au regard des entreprises sous juridiction fédérale.

Nous appuyons, par ailleurs, la recommandation de la Régie concernant la création d'un groupe d'étude conjoint formé de représentants de l'industrie et de l'État, dont le mandat premier serait de considérer le renforcement des procédures, des codes de conduite internes des entreprises concernées, afin, notamment, de tenir compte de l'évolution technologique.

Deuxième partie de notre mémoire. Nous y exprimons notre point de vue d'ensemble sur le document: "Vie privée, zone à accès restreint". Première observation, M. le Président. Une réglementation gouvernementale n'améliorerait nullement ou très peu le degré de protection des renseignements personnels au sein des entreprises privées. Il ne fait aucun doute, en effet, qu'à l'instar des entreprises de télécommunication, les banques et autres institutions de dépôt, les compagnies d'assurances et les agences de crédit assurent déjà une excellente protection des renseignements personnels.

Les institutions financières, de façon générale, traitent avec grande prudence les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients. À cet égard, le marché impose ses propres mesures disciplinaires à celles qui ne le font pas. Cette discipline du marché a, en dernière analyse, beaucoup plus d'influence sur le comportement des entreprises que n'importe quelle sanction gouvernementale. En effet, si une entreprise n'adopte pas des méthodes sûres de traitement de l'information, elle risque de perdre sa clientèle. La simple crainte de perdre des clients est le meilleur moyen d'encourager l'adoption de méthodes sûres de traitement de l'information.

Par ailleurs, toute réglementation gouvernementale visant à instaurer un cadre de surveillance des méthodes de traitement de l'information des entreprises risque d'entraîner des coûts considérables en personnel et en matériel. Selon l'Association des banquiers canadiens et je cite: "II y a plus de 2000 entreprises réglementées au seul niveau fédéral et elles emploient plus de 1 000 000 de personnes". Fermez les guillemets.

Deuxième observation. Il existe déjà toute une série de lois fédérales et provinciales, de même que les chartes des droits canadienne et québécoise et des législations générales, tels le Code criminel, le Code civil, qui fournissent un cadre général assurant le respect des libertés individuelles et des droits de la personne, de même que la protection de la vie privée. Rappelons, à ce sujet, l'insertion récente dans le Code civil du Québec de dispositions visant à assurer le respect de la réputation et de la vie privée. On y explicite clairement le droit de consentement et de contestation d'une personne visée par la cueillette, la divulgation, le traitement et l'usage de données la concernant.

Et je cite encore la Régie des télécommunications du Québec: "Au Canada et au

Québec, les grandes lignes directrices d'une politique globale sont déjà là. Des politiques plus sectorielles ont été adoptées ou sont en voie d'élaboration." Fin de la citation. D'ailleurs, le gouvernement fédéral s'est déjà penché sur la possibilité de réglementer la protection des renseignements personnels au niveau des industries du secteur privé régies par le fédéral et, notamment, les banques. Il a cependant décidé - et c'est important, cette décision-là - après mûre réflexion, de suivre la voie suggérée par l'industrie bancaire et de ne pas adopter un carcan réglementaire additionnel. Les banques à charte demeurent donc libres de s'autoréglemen-ter en matière de protection des renseignements personnels.

Par ailleurs, comme les banques à charte et plusieurs autres institutions financières à charte fédérale - on réfère ici aux sociétés de fiducie et aux compagnies d'assurances - sont régies par des lois fédérales, le gouvernement du Québec - c'est l'interrogation qu'on peut se poser dans le débat actuel - peut-il imposer à ces institutions des obligations en matière de protection des renseignements personnels de leurs clients? Une telle démarche de la part du gouvernement du Québec ne serait-elle pas inconstitutionnelle? (10 h 45)

Troisième réflexion. Autant il nous apparaît inopportun d'édicter de nouvelles lois ou de nouveaux règlements, autant il nous semble indiqué que le Québec signifie publiquement son adhésion aux lignes directrices de l'OCDE, en ce qui a trait à la protection de la vie privée et aux flux transfrontières de données de caractère personnel. L'OCDE préconise, en effet, sur le plan national, une série de principes directeurs. Ainsi, toute donnée de caractère personnel doit être obtenue par des moyens licites et, le cas échéant, après en avoir informé la personne concernée. Ces données devraient être exactes, complètes, tenues à jour. Les fins pour lesquelles les données de caractère personnel sont collectées devraient être déterminées au moment de la cueillette des données. Ces dernières ne devraient pas être divulguées, ni fournies, ni utilisées à des fins autres que celles spécifiées lors de leur cueillette, si ce n'est avec le consentement de la personne concernée. Les entreprises sont tenues de protéger les données de caractère personnel, grâce à des garanties de sécurité raisonnables. Par ailleurs, toute personne devrait avoir le droit d'obtenir confirmation du fait qu'une entreprise détient ou non des données la concernant, de se faire communiquer les données la concernant, d'être informée des raisons pour lesquelles est rejetée une demande d'information la concernant, qu'elle aurait présentée, et de contester les données la concernant. Et je vous fais grâce, M. le Président, de ces principes directeurs que vous retrouvez au mémoire.

Quatrième et dernière réflexion. On a vu tout à l'heure, dans le premier volet, qu'on avait accueilli favorablement l'idée de la Régie des télécommunications de créer un groupe d'étude conjoint, regroupant des représentants de l'industrie des télécommunications et du gouvernement, pour considérer l'adoption de normes générales et l'adhésion aux lignes directrices de l'OCDE concernant encore les flux transfrontières de données de caractère personnel. Et c'est une recommandation que nous faisons. Nous pensons que la création d'un tel groupe d'étude ne devrait pas être limitée à l'industrie des télécommunications, puisqu'il faut aussi prendre en considération les banques et autres institutions de dépôt, les compagnies d'assurances et les agences de crédit.

Par conséquent, on pourrait mettre sur pied plusieurs groupes d'étude dans le seul but - par ailleurs, et j'insiste - de favoriser et de soutenir des systèmes d'autoréglementation. Ce processus de consultation et de concertation éviterait les conflits de juridiction et, avec l'accord des participants, permettrait aux industries du secteur privé de faire valoir les progrès réalisés à ce jour et ce qui pourrait être accompli de concert avec la Régie.

M. le Président, M. le ministre, il ne fait aucun doute que les codes de déontologie adoptés par les industries du secteur privé, en parallèle aux nombreuses lois et règlements en vigueur, ont bien protégé à ce jour la vie privée des citoyens. Il n'y a aucune raison, quant à nous, de penser qu'à l'avenir, en raison des progrès technologiques, la protection de la vie privée des individus serait menacée. Au lieu de lois et règlements nouveaux, il faut donc, quant à nous, privilégier la consultation, la concertation entre l'État et les industries du secteur privé, de manière à favoriser l'autoréglementation en matière de gestion, de confidentialité, de cueillette, de divulgation et de commercialisation des données sur les usagers des services téléphoniques et des services financiers. Le Québec devrait, par ailleurs, faire connaître publiquement son adhésion aux lignes directrices de l'OCDE sur la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel. Merci beaucoup.

Le Président (M. Forget): Merci. J'invite le ministre à échanger avec les invités.

M. Cannon: M. Dufour, messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir à notre commission parlementaire qui, effectivement, regarde, par l'entremise de ses consultations générales, la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé. Et si j'ai peut-être un commentaire très rapide à faire, M. Dufour, sur le document, je trouve que vous insistez énormément sur le secteur des télécommunications. Je suis heureux de constater que vous appuyez sans doute une bonne partie de l'avis, et que le fait que M. Bouchard vous accompagne, et que la société Québec-Téléphone n'ait pas déposé un mémoire à la commission, c'est qu'eux aussi souscrivent en partie à l'avis de la Régie des télécommunications. Je suis heureux aussi de retrouver M. Chartrand. Il me fait plaisir de le revoir et de lui demander s'il a eu l'occasion, hier ou avant-hier, de prendre connaissance d'un article qui a paru dans le Time magazine, qui s'intitule: "Individual Rights. Nowhere to Hide", dans cette édition du 11 novembre. Et je veux simplement citer peut-être un paragraphe et lui demander son commentaire là-dessus. On parte des trois grands bureaux de crédit aux États-Unis: Équi-fax, TRW et Trans-Union, et à la page 41, dernier paragraphe, et si vous me permettez, je vais le citer parce que je pense que ça sort peut-être mieux en anglais: "Each of the big three operates a separate unit that compiles credit reports detailing the bill-paying history of nearly every American. The reports are sold to mortgage lenders, credit card companies and anyone else who can show a legitimate business interest. The big three argue that their service is essential to the workings of credit card and loan industries, that most Americans could not do without. But their critics complain that the reports are frequently riddled with errors and that it is difficult and expensive for consumers to correct or even know about them. Earlier this year - et c'est ce qui est important - credit consumers unions reported that nearly half the credit reports it studied from the nation's largest credit bureaus contained some inaccuracies."

Quand on parie du code de déontologie dans l'entreprise privée qui offre, selon le Conseil du patronat, une protection adéquate, je veux simplement savoir de la part de M. Chartrand, ou qui d'autre voudrait répondre, si la situation est semblable au Québec à celle qui semble être mise en évidence aux États-Unis?

M. Dufour (Ghislain): C'est une question précise, M. le ministre. Évidemment, si je siégeais à l'Assemblée nationale, je vous aurais demandé de me prévenir de votre question et de me déposer le document...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): ...parce que là, on va analyser un paragraphe à l'intérieur de tout un document. Et ça nous arrive aussi d'être très critique du Time chez nous. On connaît leur analyse.

Mais ceci dit...

M. Cannon: Juste pour vous rassurer, M. Dufour, mon collègue, critique de l'Opposition, ne m'avise pas lui non plus de ses questions en

Chambre.

M. Dufour (Ghislain): Ah! Mais vous autres, c'est de bonne guerre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Ceci dit, M. Chartrand va vous répondre avec plaisir.

M. Chartrand (Jean-Claude): Et de vous répéter, M. le ministre, que ça me fait plaisir d'être ici encore une fois aujourd'hui.

Pour faire allusion au reportage qui a été publié dans le magazine Time, évidemment, ce serait prétentieux de ma part de penser que les erreurs qui ont été relevées, ou le pourcentage d'erreurs qui a été relevé dans cet article, est tout à fait faux, qu'il n'existe pas des inexactitudes, qu'il n'existe pas à ce moment-là des informations qui sont incomplètes; ce serait vraiment prétentieux de le penser. À savoir, à ce moment-là, qu'il existe un pourcentage d'erreurs tel qu'on le décrit dans le sens de 50 %, si vous aviez regardé la télévision hier soir, à l'émission "Market Place" à la chaîne de Radio-Canada anglais, où on mentionne 47 % d'erreurs et 13 % d'erreurs sérieuses. Il faut mentionner, à ce moment-là, que le réseau de Radio-Canada, premièrement, ne nous a pas approchés pour faire la vérification des informations. Ce sont des informations qui ont été déclarées incomplètes ou erronées, des consommateurs eux-mêmes, enfin, des personnes intéressées et impliquées.

La même situation s'est produite aux États-Unis également. Il faut bien préciser, à ce moment-là, que ces personnes-là qui ont accédé à leur dossier personnel étaient des employés du Consumers Union qui, évidemment, avaient un intérêt qui était bien précis. C'était de trouver, à ce moment-là, des informations incomplètes, erronées ou peu importe.

Nous, on a fait, bien sûr, à la suite de ça, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs, on a fait des vérifications pour essayer d'en vérifier l'exactitude au niveau du pourcentage et tout le reste. Moi, je peux vous assurer, M. le ministre, que le pourcentage est beaucoup plus restreint que ça, et il s'agit de s'entendre à ce moment-là sur la nature de l'erreur ou sur l'ampleur de l'erreur. Si vous parlez, à ce moment-là, d'une erreur au niveau de la date de naissance, est-ce qu'on qualifie ça d'une erreur qui est mineure? Est-ce que, à ce moment-là, si on ne rapporte pas la disposition d'une archive publique, que ce soit un jugement, est-ce qu'on qualifie ça comme étant une erreur majeure ou mineure? Je ne sais pas. En fait, je ne connais même pas leurs critères pour déclarer les erreurs mineures ou majeures.

Le fait est que le pourcentage d'erreurs... Et on est en train de faire une recherche aux

États-Unis, une recherche qui est passablement exhaustive, d'ailleurs, avec les institutions de crédit elles-mêmes, pour essayer de déterminer si les erreurs qui ont été rapportées sur les dossiers de crédit auraient changé effectivement, si l'information exacte avait été rapportée, si la décision de l'institution de crédit avait changé. Et, à date, je peux vous dire que c'est dans 0 % des cas, où l'information corrigée, ou, en fait, l'information complète qui aura été fournie, est-ce qu'elle aura eu une influence sur la décision de l'institution de crédit? Et, à date, ça n'existe pas. Alors, il faut en conclure, jusqu'à un certain point quand même, que, bien sûr, j'ai dit tout à l'heure que ce serait prétentieux de penser qu'il n'existe pas des informations qui sont incomplètes dans le dossier de crédit. Mais, de là à savoir, à ce moment-là, qu'il existe un pourcentage important d'informations majeures, on n'est pas tout à fait d'accord. Je sais qu'il y a un représentant de la Banque nationale qui pourrait peut-être, en fait, ajouter à ce commentaire-là, parce qu'il est vraiment impliqué dans la gestion de...

M. Cannon: J'aurais peut-être deux autres questions, très rapidement, avant de discuter avec M. Bouchard. Toujours selon cet article-là, le législateur américain examine très fortement la possibilité de faire en sorte qu'il y ait obligation, de la part des entreprises comme la vôtre, de transmettre au client ou à l'individu sa fiche personnelle, pour qu'il puisse en prendre connaissance, mais aussi pour fins de corrections, rectification, et cela aux frais de l'entreprise qui est la vôtre. Votre commentaire, là-dessus, ce serait quoi?

M. Chartrand: Bien, ça me fait plaisir que vous posiez la question, parce que, en fait, M. Laperrière, tout à l'heure, y a fait référence dans son exposé. La compagnie TRW, effectivement, a pris sur elle-même de fournir des rapports gratuits sur les consommateurs qui vont en faire la demande. Et moi, je dois vous souligner, M. le ministre, qu'ici au Québec, ça existe déjà dans la Loi sur la protection du consommateur, qu'un consommateur qui désire obtenir une copie de son rapport l'obtient et, à toutes fins pratiques, l'obtient d'une façon gratuite. Tout ce qu'il a à payer, effectivement, si on lui charge, c'est 0, 50 $ la page, d'après la législation. En Ontario, et dans d'autres provinces, excepté dans une seule province, si ma mémoire est bonne, il y a des législations, ou, du moins, en Ontario en tout cas, il existe une législation que le rapport exigé doit être fourni gratuitement au consommateur; à sa demande, bien sûr. Si, à ce moment-là, on nous demande, et si votre question doit inclure le fait qu'on fournisse un rapport de crédit à tout le monde, à tous les consommateurs une fois par année - en fait, non pas à leur demande, mais d'une façon

tout à fait systématique - bien là, c'est une autre paire de manches, où on peut s'imaginer, à ce moment-là, le travail, les coûts que ça impliquerait et, à ce moment-là, la lourdeur du système que tout ça, en fait, comporterait.

M. Cannon: O.K. Peut-être une dernière question à M. Bouchard. Il me fait plaisir de le voir lui aussi ce matin. M. Bouchard, au niveau du service de la gestion des appels, je sais que, technologiquement parlant, il y a des modifications, il y a aussi des modifications, notamment dans le secteur technologique, et des possibilités de faire en sorte... puisque l'ensemble des gens qui sont venus nous voir, depuis le début des auditions publiques, nous ont indiqué une inquiétude quant à, non pas à utiliser le système comme tel, mais à avoir la capacité de pouvoir le bloquer au besoin. Et je sais que chez vous, vous êtes en train d'examiner de nouvelles façons de le faire. Peut-être pourriez-vous, pour les fins de la commission, nous expliquer là votre 1,75 $, plus le 4,25 $, et le blocage en permanence. (11 heures)

M. Bouchard (Ghislain): Ça va, M. le ministre. Effectivement, au début, lorsque nous avons demandé à la Régie des télécommunications de nous autoriser à fournir le service de gestion des appels, nous avons indiqué dans le dépôt, et c'est ce que la Régie a reconnu à ce moment-là, qu'il était toujours possible, pour un client, qui ne voulait pas voir son numéro affiché sur l'afficheur de celui qui possède un des services de gestion des appels, de pouvoir le faire composer par un ou une téléphoniste, et que ça lui coûtait 0,75 $ par appel, à ce moment-là, que son numéro soit non publié ou que son numéro soit publié. Nous avons également déposé un blocage automatique, qui coûte actuellement - et c'est ce que la Régie nous a autorisé - pour les gens d'affaires, 5,75 $, et pour les gens de résidence, 3,25 $, qui est un blocage sélectif par appel. Donc, à ce moment-là, ceux qui s'abonnent à ce service-là, avant de placer leur appel, doivent bloquer automatiquement pour que le numéro n'apparaisse pas sur l'afficheur.

On doit avouer que nous n'avons pas eu beaucoup de contestation à Québec-Téléphone sur le service de la SGA qui est offert dans la base numérique de Rimouski. Et, malgré cela, nous avons redéposé dans le plan quinquennal, en fin septembre, à la Régie des télécommunications, le maintien de l'appel traité par le ou la téléphoniste à 0,75 $ l'appel, et nous avons déposé une nouvelle tarification pour les clients qui ont des numéros de téléphone non publiés. Et, à ce moment-là, tant les clients d'affaires que les clients de résidence peuvent, à leur choix, obtenir le blocage sélectif par appel, qui nécessite que, avant de composer, ils fassent un code quelconque pour empêcher l'affichage de leur appel, ou, ce qui est nouveau, le blocage systématique de leur appel avec, à ce moment-là, une interruption sélective lorsqu'ils désirent que leur numéro soit affiché. Et pour les clients qui ont des numéros de téléphone non publiés, l'un et l'autre de ces services-là coûteraient, pour les clients d'affaires, au lieu de 5,75 $ par mois, un forfaitaire de 2,50 $ par mois, et pour les clients de résidence, au lieu de 3,25 $, ils auraient, à ce moment-là, à débourser 1,75 $ pour obtenir le blocage, soit sélectif, soit systématique. Et nous croyons, effectivement, que ça peut répondre, à ce moment-là, aux quelques plaintes qui nous avaient été formulées.

M. Cannon: Merci, M. Bouchard, j'ai pas... Oui, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): C'est parce que Me Bouchard a référé à la région de Rimouski, où il y avait très peu de plaintes, puis ils procèdent quand même. Je veux vous rappeler ce que j'ai lu tout à l'heure quant au rapport de la Régie. Ce qu'ils nous disent, c'est pour l'ensemble du Québec. Parce que je cite à nouveau: "Peu de cas de divulgation abusive peuvent être imputés à cette industrie. Jusqu'à présent, la Régie n'a pas été saisie de plainte de cette nature." Alors, je ne voudrais pas qu'on ait interprété que c'est à Rimouski. C'est l'ensemble du Québec, je pense.

M. Bouchard: Évidemment, nous parlons surtout pour les secteurs que nous connaissons, et actuellement, nous avons des services de gestion des appels dans le secteur de Rimouski; nous venons de l'implanter dans le secteur de Donnacona; ce sera implanté en fin d'année dans le secteur de Saint-Georges; et d'ici la fin de 1993, l'ensemble du territoire de Québec-Téléphone pourra bénéficier de ces services-là. Et je peux vous dire, effectivement, que lorsque nous étions à la Régie des télécommunications, les gens qui ont vu effectivement le report pour obtenir le service des SGA, uniquement à la fin de 1992 ou de 1993, ont dit: C'est beaucoup trop tard pour nous, on le voudrait immédiatement.

Il y a peut-être une autre chose qui est intéressante à indiquer comme statistique. Dans le complexe de Rimouski, nous avons effectivement 26 500 clients, qui pouvaient choisir les services d'un SGA. Et, strictement au niveau de l'afficheur, mes statistiques datent de la fin du mois d'août: il y a 4213 clients qui ont pris l'afficheur, pour un taux de pénétration de 16 %. Et, dans ce même complexe, nous avons 663 clients qui ont des services non publiés, et sur ces 663 clients, il y en a 166 qui ont pris l'afficheur, soit un taux de 25 %. Donc, la personne ne veut pas nécessairement que son numéro apparaisse, mais ils s'abonnent en plus grand nombre que les autres clients pour voir qui les appelle.

M. Cannon: Merci.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Alors, j'invite le député de Pointe-aux-Trembles à échanger avec nos invités.

M. Bourdon: Je trouve intéressant ce que Québec-Téléphone nous a dit des nouvelles dispositions de blocage. Mais, deux choses: Vous ne pensez pas que, d'une part, le droit de ne pas faire communiquer son numéro devient un droit qui se monnaie? Autrement dit, quelqu'un qui ne voudrait pas payer 1, 75 $ par mois ou qui ne pourrait pas payer 1, 75 $ par mois, son droit, il est nié par une tarification qui l'empêche de l'exercer. Et, deuxièmement, Bell nous a dit que l'affichage réduit les risques d'appels obscènes aux femmes, qui est un problème très réel. Mais, dans la mesure où on peut se le faire bloquer, est-ce que ça n'équivaut pas, dans le fond, à tarifer les appels obscènes? Ce que j'entends par là, c'est, si l'objectif fondamental est d'éliminer les appels obscènes, il faut quasiment que tout le monde soit assujetti à l'affichage numérique, sinon on tarifie les appels obscènes et ils deviennent possibles.

Je résume ma question: Est-ce qu'il n'y a pas un problème qu'on veuille savoir le numéro de quelqu'un par l'affichage sur son appareil? On peut si on paye. Mais la personne qui reçoit l'appel, si elle ne veut pas qu'on le sache, elle peut, elle aussi, en payant... mais que la caractéristique de l'exercice de tous ces droits-là, c'est qu'en payant sa compagnie du téléphone, on peut obtenir un renseignement ou empêcher qu'un tiers obtienne un renseignement.

M. Bouchard: II y a effectivement beaucoup d'éléments dans votre réponse. Je pense qu'une première donnée que je pourrais indiquer, c'est que, dans l'ensemble de Québec-Téléphone, il y a au-delà de 95 % des clients qui n'ont aucune objection à ce que leur numéro de téléphone soit affiché. Donc, il y a à peu près 4 % à 5 % qui paient, d'une part, pour un numéro de téléphone non publié. Sur la question du coût, de voir à ce moment-là qu'un client ne serait pas en mesure, effectivement, de payer ce 1, 75 $, j'y crois plus ou moins, compte tenu du fait que, de toute façon, les commutateurs, actuellement, sont des commutateurs numériques, sont essentiellement des ordinateurs, et je crois, dans ma perception, que, plus ça va aller, plus, effectivement, les clients vont avoir des services absolument spécifiques à leur mesure.

Évidemment, les entreprises de télécommunications ne sont pas des entreprises de bien-être social et, à ce moment-là, elles ont des investissements massifs à faire. La moyenne des investissements de Québec-Téléphone, dans une année, se situe, actuellement, à environ 52 000 000 $ sur des revenus de 225 000 000 $ par année. Et ça va continuer bon an, mal an, à cette ampleur-là. À ce moment-là, évidemment, il doit entrer des capitaux.

Sur les appels inopportuns, c'est exact, c'est une conséquence de la gestion des appels, selon moi, il n'a pas été introduit uniquement pour ça. Je vais vous donner les statistiques chez nous. Dans la base numérique de Rimouski, entre septembre 1989 et août 1990, où il n'y avait pas de gestion des appels, nous avons traité 57 dossiers d'appels inopportuns. Entre septembre 1990 et la fin d'août 1991, nous en avons traité 23. Donc, à ce moment-là, moins de la moitié. Par contre, dans l'ensemble compagnies, pour la même période, septembre 1989 à août 1990, nous en avions traité 554 et, entre septembre 1990 et août 1991, nous en avons traité 612. Ce qui inclut les diminutions dans Rimouski à 23 dossiers à ce moment-là.

Les services de gestion des appels, pour répondre peut-être à une troisième partie de votre question, permettent également, à ce moment-là, d'avoir un service additionnel pour une personne, justement, qui va recevoir des appels harassants, qui est un service qui s'appelle "le dépisteur" et qui permet, à ce moment-là, à l'abonné d'enregistrer l'origine des appels importuns. Vous me direz qu'il est évident, encore là, que c'est un service que va faire payer l'entreprise. Oui, c'est un service que va faire payer l'entreprise, c'est un service qui, actuellement, était offert par l'entreprise avec la participation des corps policiers, qui coûtait, effectivement, excessivement cher au niveau de chacune des enquêtes, incluant le travail chez Québec-Téléphone et le travail des corps policiers. Avec le dépisteur, pour les mêmes montants de quelque 4 $ durant une période relativement courte, la personne va pouvoir effectivement dépister qui appelle, qui lui fait des appels de nuisance.

M. Bourdon: Je voudrais adresser une question à M. Dufour sur la notion du consentement. Il y a plusieurs organisations représentant les consommateurs qui nous ont fait observer qu'un consentement devrait être spécifique et pour une durée spécifique, et on nous fait observer que le consentement dont il est question n'est pas toujours libre. C'est une des observations qui militent en faveur de l'adoption d'une loi. Un exemple? Si une personne a besoin d'emprunter, est-ce qu'elle peut refuser, à l'institution financière qui lui prête, l'autorisation d'aller chercher des renseignements de nature personnelle? Et, cas encore plus patent, je pense, une citoyenne ou un citoyen qui sollicite un emploi peut-il refuser d'autoriser son éventuel employeur à se procurer des renseignements qui le touchent personnellement? Et ne croyez-vous pas qu'à cet égard-là, il faut que la loi, d'une certaine façon, préserve le droit de l'individu lorsqu'il est placé dans une situation où son rapport avec un tiers n'est pas un rapport égal parce que la personne veut ou bien

faire un emprunt, ou bien avoir un emploi, et que ça, c'est plus important que son souci de préserver sa vie privée?

M. Dufour (Ghislain): Je pourrais peut-être passer votre question à un banquier pour voir comment ça se passe dans la vraie vie, sauf que moi, si j'étais banquier et que quelqu'un s'amène pour me demander 50 000 $, c'est évident qu'à ce moment-là, je vais demander des références à quelque part, ou chez son employeur, ou là où il a pu faire d'autres emprunts. Et son consentement, à ce moment-là, m'apparaît absolument essentiel; sinon, il n'y a aucune institution financière qui vivrait longtemps. Et dans la vraie vie, je pense que c'est ça. Est-ce que tu veux ajouter?

M. Drouin (André): Oui. Dans les prêts aux individus, c'est relativement facile pour une banque de savoir comment on fait un prêt. Il y a toujours deux mots: c'est pouvoir et vouloir. D'abord, est-ce que l'emprunteur éventuel va pouvoir payer? Son budget et la vérification de son emploi et de ses revenus constituent la réponse à cette question-là. L'autre question, c'est: Est-ce qu'il va vouloir payer? Même s'il a les moyens de payer, est-ce qu'il va vouloir quand même payer? Et c'est là que le bureau de crédit et ses antécédents financiers vont intervenir. Et sans la réponse à ces deux questions-là, est-ce que le client peut payer, est-ce que le client veut payer? Il n'y a aucune institution qui va pouvoir faire de prêt. Il est de l'intérêt même du consommateur d'accepter qu'on fasse une vérification, sinon, ça devient complètement impossible, et là, c'est le consommateur lui-même qui serait pénalisé.

M. Bourdon: Maintenant, je voudrais préciser tout de suite que dans la vraie vie, je sais que ça existe et que c'est légitime qu'une institution financière se procure des renseignements sur le comportement économique d'une personne qui demande un renseignement. Ça, c'est admis, c'est convenu. Le problème qui se pose, c'est que les gens ne savent pas, entre autres, quelle est la nature du dossier de crédit qu'on obtient sur cette personne-là. Et s'il y a des erreurs, ils ne sont donc pas capables de les corriger, et M. Chartrand - je pense - d'Équi-fax, nous a dit que pour quelques millions de dossiers, on obtient 2500 demandes d'accès au fichier de crédit par mois. Et si on est à Montréal, il faut se déplacer pour aller à ville d'Anjou faire la demande et prendre, mettons, un temps de travail pour aller le faire, d'où mon idée. Et l'idée n'est pas non plus de bureaucratiser ça à l'excès. Je peux comprendre Équrfax de dire: Si on envoie à chaque année les fichiers de crédit à 3 000 000 de personnes, c'est inouii Mais les banques pourraient nous donner copie du fichier quand elles l'obtiennent. Parce que je fais affaire avec deux banques et une caisse populaire. Du courrier pour m'offrir des services financiers, j'en reçois! À une des occasions, ne pourraient-ils pas me donner le renseignement qu'ils détiennent d'un tiers, qui est Équtfax, par exemple, à mon égard? Et j'adresse la question. Est-ce que ce serait pensable que, quand on obtient un renseignement sur une personne, on lui communique copie du renseignement qu'on a obtenu à son sujet? (11 h 15)

M. Drouin: L'Association des banquiers canadiens a procédé, depuis un an et demi, à l'élaboration d'un code de déontologie sur la confidentialité auquel toutes les banques à charte - je parle des six grandes banques - ont adhéré. Et il y a une entente entre les banques à l'effet que leur propre code de déontologie, basé sur le modèle qui a été fourni par l'ABC, va permettre de diffuser dans le public, dès le début janvier ou fin décembre, l'ensemble des codes de déontologie de toutes les banques. Et dans ce code-là, il est prévu que les consommateurs auront droit d'accès à leur dossier de crédit à la banque. Donc, la banque pourra leur dire ce qu'on détient sur eux et, évidemment, ils pourront en obtenir une copie, selon des formalités à définir.

M. Bourdon: Maintenant, une autre question que j'adresse à M. Dufour sur le consentement. C'est que, une personne qui veut contracter une assurance-vie, par exemple, ou qui sollicite un emploi, peut être amenée à consentir à ce qu'on regarde son dossier médical. Et, si la loi ne prévoit pas de règle - et là je répète ma question - le consentement est-il libre si le non-consentement a comme conséquence que, par exemple, on n'a pas le bénéfice d'une assurance-vie ou, plus important, sans doute, qu'on ne peut pas obtenir l'emploi si on ne donne pas son consentement à l'accès à tel ou tel renseignement personnel?

M. Dufour (Ghislain): Écoutez. Moi, je trouve tout à fait normal aussi que quand on fait application à quelque part, qu'on donne un consentement pour, éventuellement, si l'employeur le trouve nécessaire, d'avoir un examen médical avant, justement, que l'assurance donne l'assurance. Qu'est-ce que vous voulez? Si vous êtes un chauffeur d'autobus, par exemple, je pense que c'est essentiel, pour l'employeur, de savoir exactement à qui il a affaire. Il donne son consentement et c'est évident qu'à ce moment-là, avant même de l'embaucher, et vous le savez, avant même les questions d'assurance, on va vouloir vérifier qui est cette personne-là. Et, vous avez d'ailleurs fart un peu le lien avec la question de tout à l'heure concernant le consentement pour des références, par exemple, pour un employé. Mais ce n'est pas du tout la même chose, parce que c'est vrai que la Loi sur les

normes - c'est probablement à ça que vous vous référiez - est venue dire, maintenant, que pour avoir une référence d'un employeur autre que sa date d'entrée, autre que l'occupation qu'il faisait, il faut le consentement de l'employé. Mais là, c'était très subjectif. Vous avez vu des lettres de référence d'employés où l'employeur dit ce qu'il pense d'un employé. Alors ça, on a limité ça, et on était d'accord avec ça, parce que ce sont des données, mais carrément subjectives. Quand on entre dans des données objectives comme le dossier de crédit d'un employé, parce que ça arrive aussi nous autres qu'on en fait faire aussi, des enquêtes de crédit, selon les postes qui sont occupés dans l'entreprise. Je pense qu'à ce moment-là, le problème du consentement ne se pose pas.

M. Bourdon: Et... Une autre question...

M. Dufour (Ghislain): C'est parce que... M. Bourdon. C'est parce que après, vous assumez des responsabilités juridiques, et c'est vous qui l'avez, cette responsabilité juridique là. Alors, il est normal que vous vous protégiez à un moment donné, au niveau des consentements.

M. Bourdon: Mais, un exemple, là. Si un employeur obtient le dossier psychiatrique d'un futur employé, est-ce qu'il y a une loi quelconque qui prévoit la non-diffusion du dossier? Je ne veux pas dire qu'un employeur n'a pas le droit de connaître l'employé qu'il va avoir ou que l'institution financière n'a pas le droit de se prémunir. Mais l'ONF a fait un film qui s'appelle "Joseph K., l'homme numéroté", et dedans, ce qu'on entend, c'est une conversation entre gens parfaitement corrects, là. Il ne faut pas dramatiser la question mais, dans ce film, on s'aperçoit que dans la discussion du comité de sélection, on a accès à de très, très nombreux renseignements, qui touchent la vie privée de la personne qui les a demandés. Moi, je ne vis pas hors du monde réel, là. Il s'agit de voir...

Un autre exemple: si on demande à une personne d'aller voir le médecin traitant de l'employeur, c'est normal aussi si une personne est souvent absente pour cause de maladie. L'employeur veut savoir c'est quoi son état de santé parce que ça lui coûte de l'argent. Si on l'envoie à un ou à une psychiatre, mettons, est-ce que vous convenez que c'est plus délicat et qu'il faut protéger, entre autres, la non-diffusion?

M. Dufour (Ghislain): Je suis d'accord avec ça. C'est tout le dossier médical. J'ai vu le film aussi, auquel vous vous référez. C'est toute la notion du dossier médical. Mais ça, c'est protégé. Actuellement, pas besoin d'une nouvelle loi pour ça, c'est protégé par la Charte des droits et des libertés. Et toute la procédure: comment procéder face au dossier médical, face à l'examen médical, maintenant de plus en plus important face aux drogues. Parce que vous avez toujours la responsabilité de la santé et sécurité au travail des autres travailleurs; tout ça fait partie maintenant d'une problématique face au dossier médical, sur lequel s'est beaucoup penchée la Commission des droits de la personne. Ils ont maintenant des avis juridiques très clairs et vont poursuivre si l'entreprise ne les respecte pas. Donc, pas besoin de législation additionnelle pour l'examen médical de préembauche, qui est une situation; après ça, l'examen médical et l'utilisation des données dont vous parlez en cours d'emploi. C'est ce qu'on dit un peu dans notre document. Déjà, c'est là, c'est couvert, les chartes prévoient ça. Puis il me fera plaisir de faire parvenir au secrétaire de la commission les dispositions très, très contraignantes dans ces dossiers-là, de la part de la Commission des droits de la personne.

Alors, c'est déjà là. Nous, ce à quoi on s'oppose, on dit: On est déjà surréglementés. Bien, pourquoi, là, en ajouter d'autres? Puis, j'allais vous poser la question à l'inverse: Si vous n'aviez pas vu le film auquel on référait tout à l'heure, combien de cas vous pourriez me citer où ça a vraiment existé?

M. Bourdon: M. le Président, je vais à mon tour poser une question à M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Je n'ai pas eu ma réponse.

M. Bourdon: Mais juste les fiches de crédit, là, s'il y en a 30 000 qui les obtiennent, est-ce qu'il y en a plus que 30 000 qui peuvent les faire corriger?

M. Dufour (Ghislain): Le crédit? Ça, il faudrait que je demande ça à M. Chartrand.

M. Chartrand: S'il y en a plus que 30 000 qui peuvent les faire corriger? Bien sûr, qu'il y en a plus que 30 000 qui peuvent les faire corriger. On a mentionné ce matin, je pense, un article de la loi américaine, le Fair Credit Reporting Act, où on oblige les institutions prêteuses à envoyer un avis aux personnes qui se font refuser du crédit, une carte de crédit, ou une transaction, pour les avertir, effectivement, du refus, et de les diriger au bureau de crédit ou à l'agence de crédit qui leur a fourni l'information. Et j'ai déjà mentionné, je pense, ici, que si on veut introduire une telle disposition, je ne pense pas que, en fait, certainement pas nous, en tout cas, ni les institutions prêteuses, ne nous y opposerions d'une façon bien violente.

M. Bourdon: Maintenant, dans le mémoire du Conseil du patronat, vous mentionnez le chapitre sur la vie privée dans le Code civil, les articles 35 à 41. Est-ce que je dois en déduire que vous seriez d'accord pour que, après trois

ans, ils soient promulgués, ces articles-là? Parce que vous savez sans doute qu'ils n'ont pas force de loi, ils ne sont pas en vigueur, actuellement.

M. Dufour (Ghislain): Bon, écoutez, ça, ce sont les raisons qui appartiennent au législateur. Vous, comme moi, savez qu'il y a des dispositions de la Loi sur les normes du travail - que vous avez passée vous-mêmes, comme gouvernement, en 1980 - qui ne sont toujours pas promulguées. Ce sont des raisons qui appartiennent au législateur. Moi, je ne sais pas pourquoi il ne l'a pas fait. Votre question précise: Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'il les promulgue? Je dis: Comme je ne sais pas pourquoi il ne les a pas promulguées, je ne peux pas répondre à votre question.

M. Bourdon: Si jamais vous apprenez pourquoi le gouvernement ne les promulgue pas, vous engagez-vous à nous le dire?

M. Dufour (Ghislain): On s'en reparlera.

M. Bourdon: Maintenant, une question, M. Dufour, là: En 1982, le Québec adoptait la Loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels dans le secteur public. Et, depuis, il n'y a pas eu d'autre législation. Depuis, l'Ontario, en 1987, a adopté une loi d'accès à l'information et de la protection de la vie privée individuelle. En 1989, la province voisine - et je dis tout de suite que c'est sous un gouvernement libéral, là, ce n'étaient pas encore les hordes de Bob Rae - adoptait la Loi prévoyant l'accès à l'information de la vie privée dans les municipalités et les conseils locaux. Et il y a actuellement, devant la législature onta-rienne - mais là, c'est sous Bob Rae - la Loi contrôlant l'usage dans le secteur privé des cartes et des numéros attribués aux assurés en vertu de la Loi sur l'assurance-santé. On sait aussi que, aux États-Unis, il y a plusieurs législations, et il y a l'Europe qui se prépare à intervenir.

Alors, ma question s'adresse à M. Dufour: D'une part, vous ne pensez pas que le Québec prend du retard par rapport aux autres provinces canadiennes, aux États-Unis et à l'Europe? Et, deuxièmement, ne craignez-vous pas que si on continue d'être en arrière, nos échanges de données informatiques avec, entre autres, les États-Unis, le Canada, les autres provinces et l'Europe, principalement, risquent de faire l'objet d'une espèce de boycott, le pays qui légifère sur l'accès aux renseignements se disant: Je ne peux pas permettre à mes entreprises, dans mes frontières, de communiquer hors frontières des renseignements qui ne seront plus protégés hors frontières? Est-ce que c'est une dimension qui vous apparaît préoccupante?

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire que je suis très heureux de voir que le député de Pointe-aux-Trembles trouve des choses positives en Ontario.

M. Bourdon: Ah, il y en a beaucoup, M. Dufour! Et dans beaucoup d'autres provinces canadiennes, ah oui, puis aux États-Unis aussi.

M. Dufour (Ghislain): J'ai discuté justement de cette question-là avec Équifax, notamment, Acrofax, sur... Je leur ai posé, moi, la question, en disant: Eh bien, écoute, il y a une certaine législation en Ontario. Est-ce que ce qu'on demande au niveau québécois, est-ce que ça irait plus loin justement que l'Ontario? On m'a fait la réponse suivante: C'est que l'autorégle-mentation, l'autodiscipline qui s'est donnée au Québec parmi ces entreprises-là est supérieure au contenu de la loi ontarienne. Mais ça, je pourrai demander à mon collègue Chartrand de le confirmer.

Sur le dernier volet, ça, je pense que ça préoccupe aussi beaucoup M. Comeau, qui en a parlé longuement au Devoir, de cette question d'Europe 1992. Bon. Quand on propose que vous adoptiez les lignes directrices de l'OCDE, pour nous, ça règle en partie ce problème-là. Avant de s'assujettir à des normes, je pense qu'il va falloir voir ce que ça veut dire, Europe 1992, aussi. Alors, les lignes directrices, je suis passé par-dessus tout à l'heure rénumération de ce que ça demande. C'est quand même très exigeant. Et, dans ce sens-là, dans une première démarche, nous, on y souscrit à ça. Et ça règle en partie le problème que vous soulevez, l'entreprise qui ne pourrait pas aller... Et le ministre l'a mentionné aussi, je pense, cette nécessité de l'ouverture de nos entreprises à ce marché d'Europe 1992. Les lignes directrices, quant à nous, régleraient en très grande partie, si le gouvernement acceptait d'y souscrire - et je pense que vous m'aviez paru favorable, M. le ministre, lors d'une intervention que vous avez faite, à cette façon de solutionner le problème.

Quant au comportement d'Équifax en Ontario et au Québec, Jean-Claude, ça doit se ressembler.

M. Chartrand: J'ai déjà mentionné ici, en fait, que la loi ontarienne c'était la loi 101, qui, effectivement, n'est peut-être pas la loi la plus restreignante au Canada, en ce qui concerne l'information sur les archives publiques, entre autres. Elle est moins restreignante qu'en Colombie-Britannique, entre autres. On dit en Ontario qu'on doit détruire les informations, ou certaines informations, après sept ans; en Colombie-Britannique, c'est six ans. Dans le cas d'autres informations, c'est plus ou moins long dépendant de la province.

Le fait est que nous, en fait, les critères - ce qu'on appelle les critères de purge, dans nos dossiers - s'inspirent de la réglementation qui existe dans la province la plus restrei-

gnante, tout simplement parce qu'on n'a pas le choix, étant donné quand même qu'on a une banque de données nationale. À ce moment-là, évidemment, on ne peut pas avoir une série de critères de purge. À ce moment-là, on s'inspire en fait des mesures qui sont les plus sévères, et ce sont, à ce moment-là, ces critères de purge que l'on utilise chez nous.

Effectivement, il y a des travaux qui sont faits en Ontario, des travaux qui sont faits dans les autres provinces également. On sait, bien sûr, et on est au courant de ce qui existe aux États-Unis, soit les amendements qui sont proposés au Fair Credit Reporting Act. M. Comeau a visité nos bureaux. En fait, on a eu au moins deux entretiens avec lui, et, effectivement, on a parlé beaucoup des lignes directrices d'Europe, et on est essentiellement d'accord avec les lignes directrices de l'OCDE. En fait, si on les regarde, ces lignes directrices là, et si on regarde ce qui se fait présentement dans la pratique, il n'y a pas beaucoup de différences et il n'y aura pas beaucoup de changements à apporter.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles, votre temps est écoulé. Alors, j'invite le député de Hull à échanger avec les invités. (11 h 30)

M. LeSage: Merci, M. le Président. Si vous le permettez, j'aimerais revenir à l'affichage automatique avec M. Bouchard.

Autant, M. Bouchard, j'étais heureux de ce système, lorsqu'il est sorti; j'y voyais des avantages bénéfiques pour les gens, comme vous l'avez mentionné, le député de Pointe-aux-Trembles également, et d'autres personnes, pour tenter d'enrayer les appels non désirés, les appels obscènes. J'y voyais aussi un avantage très sérieux pour la sécurité publique. Par exemple, lorsqu'un appel est placé auprès d'une console de sécurité publique, on pouvait déterminer automatiquement d'où provenait l'appel, ou de quel secteur provenait l'appel. Mais là, je me pose de sérieuses questions. Je me demande sérieusement si on n'a pas instauré un système d'affichage automatique pour charger aux personnes qui voudraient l'obtenir et, en même temps, dans un système de blocage, on va charger à des personnes pour que les premières personnes qui voulaient l'affichage ne puissent pas obtenir ce service. Et je me demande si vous êtes encore convaincu du bien-fondé de ce système et s'il doit être maintenu. Et j'aurai une ou deux autres questions à vous poser par la suite, si vous le permettez.

M. Bouchard: II est évident que, personnellement, je crois que le système doit être maintenu. Les expériences ne sont quand même pas encore très longues. Je vais parler surtout pour Québec-Téléphone, que je connais le mieux. Ça fait un an que nous offrons ce service-là. Nous avons, comme je le disais précédemment, au-delà de 16 % de pénétration dans la base où nous avons installé ces divers services-là, et nous croyons effectivement qu'il y a à peu près 25 % des clients qui vont s'abonner à ce genre de service. À ce moment-là, il y a pour ces gens-là d'énormes avantages. Moi, je peux vous dire que, chez moi, j'ai ce service-là. Mes enfants sont tous aux études à l'extérieur et je suis fort heureux, à ce moment-là, lorsqu'ils m'ont appelé et que je n'étais pas à la maison, de savoir que mes filles ou mes fils m'ont appelé et d'être en mesure immédiatement de retourner leurs appels, plutôt que de ne pas le faire.

Autre chose qui va arriver également, et je pense que ça va évoluer: les télécommunications vont évoluer vers des services qui vont être très personnalisés pour répondre aux besoins des clients. Les ordinateurs vont le permettre, donc, tout va aller vers ça. Et je ne pense pas qu'on puisse bloquer ce qu'une partie de la population désire. Dans notre territoire, on constate, effectivement, qu'il y a une demande abondante de ces services-là et il n'y a pas de plaintes.

M. LeSage: Mais, en pratique, M. Bouchard, si vous aviez des téléphones obscènes chez vous, et que la personne qui vous appelle a déjà bloqué ses appels, vous ne pouvez pas savoir d'où proviennent ces appels-là. À quoi est-il bon le service? Et j'aimerais poursuivre: Lorsque vos enfants vous appellent, si vous aviez tout simplement un répondeur, ça vous donnerait le même service.

M. Bouchard: C'est un autre service, effectivement, la question des répondeurs. Au niveau des entreprises de télécommunications, on préfère parler de messageries vocales, à ce moment-là, qui fait qu'il n'y a pas nécessairement d'appareil répondeur automatique chez le client, mais ça se fait par les équipements de commutation. C'est un ensemble de services, et je ne pense pas qu'on puisse arriver à dire, à ce moment-là, que parce qu'il peut y avoir certaines choses qui vont aller à rencontre de dispositions de la loi...

Tout à l'heure, je disais qu'il y avait à peu près 600 appels qui ont été faits à Québec-Téléphone pour demander d'identifier des appels obscènes ou de quelque nature blessante que ce soit. Nous avons quand même 250 000 lignes d'accès et ce n'est pas sur 250 000 lignes d'accès qu'il y a eu des plaintes, c'est sur 650 clients au maximum. Donc, à ce moment-là, je ne crois pas qu'on devrait arriver et dire: Parce qu'il y a... et il y aura toujours, même si le meurtre est interdit, il va toujours y avoir des gens qui vont commettre des meurtres. À ce moment-là, je ne pense pas qu'on puisse légiférer strictement en regardant cette infime minorité et dire: Voilà, répondons à ce besoin-là et ignorons le reste.

M. LeSage: J'aurais une dernière question, M. le Président, si vous le permettez. Dans votre exposé, vous nous avez dit qu'il pouvait y avoir du dépistage, des enregistrements. Comment est-ce différent de ce qui existait avant? Lorsqu'on avait des appels obscènes, avant, on les appelait des appels non désirés; on appelait au service de police, je ne sais pas s'ils tapaient les lignes, mais, en tout cas, ils réussissaient à détecter la provenance de l'appel. En quoi serait-ce différent, maintenant, si la personne a un système de blocage systématique et qu'elle appelle une personne qui a un système d'affichage qui ne peut pas percevoir d'où provient l'appel? Quelle est la différence maintenant?

M. Bouchard: Si, effectivement, quelqu'un est abonné au dépisteur et que les appels inopportuns originent d'une personne qui a payé un service de blocage de ses appels, c'est évident que le numéro ne pourra pas être affiché. À ce moment-là, vous devrez procéder de la même façon qu'à l'heure présente. Et sachez qu'une enquête du genre coûte excessivement cher, et au niveau des divers corps policiers, et au niveau des entreprises de télécommunication. Mais ça, c'est, encore là, un cas mineur dans l'ensemble, si l'on veut, de tous les cas qui peuvent survenir. Et ne serait-ce pour les gens de savoir que le numéro peut être affiché; à ce moment-là, ça interdit ou ça limite plusieurs personnes de faire ce genre d'appels. C'est automatique.

M. LeSage: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le député de Hull. M. le ministre, le mot de la fin.

M. Cannon: À mon tour, M. le Président, permettez-moi de féliciter les gens du Conseil du patronat d'avoir bien voulu venir nous rencontrer ce matin. De retrouver des gens avec qui on a eu l'occasion de converser, ça a été très agréable! Et bon retour! Merci.

Le Président (M. Forget): Je remercie les représentants du Conseil du patronat du Québec de nous avoir présenté leur mémoire. Afin de permettre au prochain groupe de prendre place, soit le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance, je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Forget): La commission reprend ses travaux. Je demande au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent.

Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec

M. Bastien (Gabriel): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Gabriel Bastien, je suis le président du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec. À ma gauche, il me fait plaisir de vous présenter notre directeur général, M. Jean-Marie Derome, et à ma droite, notre aviseur légal, Me André Bois.

Le Président (M. Forget): Pour permettre aux représentants de l'organisme de présenter leur exposé, rappelons les temps alloues pour l'exposé et les échanges: une durée de l'exposé de 20 minutes, une durée des échanges de 40 minutes. M. le président, la parole est à vous.

M. Bastien: Merci. Pour bien situer notre organisme, je vous rappelle que le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec est, en fait, un genre de syndicat professionnel qui a la caractéristique un peu spéciale d'avoir une cotisation volontaire. Il regroupe les propriétaires de cabinets de courtage, et nous regroupons près de 700 cabinets, actuellement, et au-delà de 2400 courtiers. Ça représente environ les deux tiers des courtiers d'assurances du Québec, si on exclut les courtiers d'assurances des grands bureaux.

Maintenant, je vais vous faire une synthèse, un peu, de notre mémoire. Le document de consultation traite du droit à la protection de l'intimité de la vie privée comme étant un moyen de protection d'un intérêt moral. Pour nous, courtiers d'assurances, les atteintes à l'intimité de la vie privée ont non seulement pour effet de bafouer une valeur fondamentale, un droit de la personnalité, mais elles ont aussi pour effet de menacer des intérêts matériels. Notre expérience personnelle dans le domaine financier nous fait donc constater que la protection de la vie privée est non seulement nécessaire à la préservation de la dignité de la personne humaine, mais aussi à la préversation de son patrimoine. C'est donc pourquoi notre mémoire s'intéresse exclusivement aux incidences matérielles ou financières que peuvent avoir les atteintes à la vie privée, plus particulièrement dans les champs de services financiers.

On ne peut proposer des mesures de protection des intérêts matériels, que le secret de la vie privée est destiné à protéger, sans d'abord identifier la nature des risques. Un peu comme en assurance, avant de proposer une couverture d'assurance, il faut d'abord se demander quels sont les risques à couvrir. Or, cette évaluation doit tenir compte des réformes importantes dans le domaine des services financiers.

Les deux grands éléments de cette réforme sont les suivants: premièrement, la diversification

ou le décloisonnement; deuxièmement, le potentiel de concentration. Concrètement, la diversification de l'activité des institutions financières signifie que le consommateur qui se confie à son banquier, pour les seules fins d'une transaction bancaire, pourrait, à son insu, confier les mêmes informations à une autre entité financière affiliée à la banque, par exemple une compagnie d'assurances. Inversement, l'assuré qui se confie à une compagnie d'assurance-vie pourrait, sans le savoir, se confier à la banque qui contrôle une telle compagnie d'assurance-vie. Or, quel est le risque économique qui résulte de ce danger de dissémination de l'information à l'intérieur d'un grand conglomérat financier? Ces risques sont évidents: la sollicitation inopportune par d'autres entités affiliées, et surtout, et j'insiste sur ce point, le déséquilibre dans les rapports contractuels ou économiques entre le consommateur et l'institution financière qui possède tous les secrets de son client. Comment aimeriez-vous négocier une marge de crédit avec un banquier qui, à votre insu, sait que vous êtes traité en raison d'un état dépressif temporaire et momentané? Les courtiers d'assurances sont régis, eux; les institutions financières ne le sont pas. Si la loi protège jalousement les secrets d'affaires ou les secrets des entreprises pour des raisons économiques, pourquoi le droit ne protégerait-il pas également le secret des individus pour des raisons économiques? On voit donc que le droit à la vie privée protège non seulement un intérêt moral, mais aussi un intérêt matériel.

Les risques étant identifiés, quels sont les moyens de les éviter? La simple formule du consentement au transfert ou à la cueillette d'information est devenue tellement banalisée qu'elle nous semble être une garantie trop fragile contre les méthodes raffinées d'incursion dans la vie privée. Un droit aussi fondamental que celui à la vie privée n'est efficacement protégé que par des prohibitions. La seule réglementation de l'activité portant sur la cueillette, la conservation et la transmission des informations n'est pas suffisante. Un exemple permettrait de démontrer ce que nous avançons: Supposons qu'une banque constitue une société d'information dont l'activité consiste principalement à conserver toutes les données personnelles recueillies par la banque elle-même, ainsi que par les autres entités affiliées à cette banque. Supposons, également, que le fichier informatique de cette société d'information est relié à toutes les entités financières affiliées à la banque. Dans un tel contexte, comment empêcherait-on l'employé d'une succursale bancaire de prendre connaissance des renseignements très sensibles que la société d'information conserve suite à une transaction d'assurance-vie avec une corporation affiliée à la banque? Instituera-t-on un comité de censure au sein de la société d'information afin que le terminal informatique du banquier n'ait accès qu'aux renseignements pertinents à la transaction bancaire? Poser la question, c'est y répondre.

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, ceci dit, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Forget): Merci. Alors, j'invite M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. Bastien, M. Derome, M. Bois, d'être avec nous ce matin. Je trouve ça joliment intéressant, là, votre exposé et votre document. Je n'ai pas plusieurs questions à vous poser. Je veux simplement savoir, dans l'éventualité où une législation viendrait baliser la gestion des renseignements personnalisés dans le secteur privé, les courtiers d'assurances verraient-ils d'un bon oeil que les personnes concernées soient informées de la constitution de telles mégabanques, parce que vous en parlez, et que ces gens-là puissent refuser que les informations les concernant y soient conservées? (11 h 45)

M. Bastien: Je n'aurais pas d'objection, moi, personnellement, à ce que cette information-là soit conservée. Là où on a des objections, c'est sur les façons de les envoyer par la suite. Qu'un banquier ait besoin d'informations sur un client, pour nous autres, si on considère que c'est très important, et c'est absolument nécessaire que ce soit fait. Ce que nous craignons et ce que nous voulons qu'il soit fait, c'est que cette information-là demeure, justement, dans la section pour laquelle l'information a été demandée. Autrement dit, si le banquier a besoin d'une information concernant mon crédit, c'est important qu'il le sache, mais ce que je ne veux pas, c'est que cette même information-là soit disponible à toute autre institution affiliée ou non affiliée - parce qu'il peut y avoir des ententes de réseau - que ces informations-là soient disponibles à toutes les autres, et c'est là qu'on dit que l'information qu'on peut...

M. Cannon: Donc, vous voulez, si j'ai bien saisi, éviter la prolifération de ce genre de renseignements-là, à moins, évidemment, d'avoir un consentement, si je lis bien. Mais la question que je vous posais, c'était d'abord celle qui concernait le droit de l'individu. Je comprends, là, que vous voulez minimiser la circulation des renseignements, mais, d'après vous, est-ce que vous voyez d'un bon oeil que les personnes concernées soient informées de la constitution et puissent refuser?

M. Bastien: Oui. M. Cannon: O.K. M. Bastien: Oui. M. Cannon: O.K. C'est bon.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Alors, j'invite le député de Pointe-aux-Trembles à échanger avec les invités.

M. Bourdon: En fait, dans votre mémoire, vous parlez du décloisonnement des institutions financières. Et je trouve très vraie l'observation que vous faites, que le décloisonnement a pour conséquence que plusieurs types de dossiers, concernant un individu, peuvent faire l'objet d'un couplage; et là, la somme accumulée d'informations dépasse le besoin de savoir de la personne à qui ça s'adresse. Vous mentionnez, par exemple, qu'un aîné qui s'informe à une institution financière pour acquérir une rente viagère peut être sollicité fortement par la filiale de cette institution financière, qui a des résidences pour personnes âgées. Et c'est courant aussi - je vous le souligne parce que c'est de même nature - que des personnes d'un certain âge, qui vont à l'hôpital, se font proposer, le lendemain, elles se font solliciter pour des préarrangements funéraires. Alors, dans le fond, c'est de même nature, et, dans le fond, je pense que vous posez le problème avec justesse. L'hôpital doit évidemment avoir le nom de son patient et des détails, mais le salon funéraire, lui, est-ce qu'il doit savoir que la personne a consulté, hier? Et, dans le fond, c'est là tout le problème, et même chose à l'endroit d'un examen médical. Je peux comprendre qu'on subisse un examen médical pour contracter une assurance-vie, mais est-ce que le détail du dossier médical doit être connu de la caisse populaire où je fais un emprunt? Dans le fond, c'est ça!

Mais, dans le fond, je n'ai pas de question, véritablement, à poser. Je trouve votre mémoire très bon, mais je vais risquer une question: Est-ce que, quant à vous, vous pensez qu'une législation permettrait de mieux garantir la vie privée? Et vous parlez des tables de concertation; pourriez-vous expliquer un peu pourquoi vous souhaitez être - si j'ai bien compris - être à la même table que les sociétés d'assurances, entre autres, pour pouvoir faire valoir vos intérêts?

M. Bastien: C'est qu'au départ, si on regarde le mandat qu'a un courtier d'assurances, il est quand même différent de ce qu'on peut être, de ce que pourrait être une institution financière. Le courtier d'assurances, lui, n'est pas un producteur. Il ne confectionne pas un produit quelconque. Il est l'intermédiaire entre - et l'intermédiaire, on le sait, la Loi sur les intermédiaires de marché - il est l'intermédiaire entre le consommateur qui, lui, assez souvent, ne sait pas ce qu'il a acheté, et l'institution financière qui, elle, sait très bien ce qu'elle vend. Donc, le courtier d'assurances, il est là entre les deux, et donc, ça fait quand même une différence énorme. Et lorsqu'on veut participer aux travaux d'une des tables sectorielles, c'est un peu dans cet esprit qu'on puisse intervenir pour être ce qu'on pourrait appeler le modérateur, compte tenu que nous sommes le mandataire du client ou de l'assuré et, à ce moment-là, on est un peu son prolongement, si vous voulez. Et on peut éventuellement étudier ses besoins et être capable de lui proposer quelque chose, alors que nous ne produisons pas le produit qu'on va offrir. C'est complètement différent. Je ne sais pas si... Peut-être que le directeur général aurait autre chose à ajouter ou... Ça a répondu aussi à votre question?

M. Bourdon: Oui.

M. Bois (André): Sur le besoin de législation, je veux uniquement déplorer ici certaines interventions qui proposent uniquement de s'en remettre à des codes d'éthique internes. Alors, je n'ai jamais compris, à ce moment-là, pourquoi l'Assemblée nationale est là. C'est parce que la vertu n'est pas uniformément répartie dans le genre humain, et qu'à un moment donné, il y a toujours des comportements déviants. Cet argument-là, ce n'est pas la première fois qu'on le voit énoncé devant des parlementaires. J'ai participé à d'autres commissions parlementaires, et, généralement, les entreprises, qu'il s'agisse de pollution, qu'il s'agisse de consommation ou qu'il s'agisse d'information, vous disent toujours: Nous sommes vertueux, remettez-vous-en à notre sens de l'éthique et de la déontologie. Alors, je réponds à cette proposition-là: À ce moment-là, pas besoin d'alcootest, remettez-vous-en à la sobriété des citoyens! Alors, ceci dit, oui, il y a un besoin, et ce qui est dans le Code civil, comme le disait avec beaucoup d'à-propos le professeur dont j'oublie le nom, mais qui est...

M. Bourdon: M.Laperrière.

M. Bois:... M. Laperrière. Malheureusement, au niveau de la mise en oeuvre, le Code civil est insuffisant. C'est une belle charte des droits, mais il est insuffisant. Et, deuxièmement, il ne s'intéresse qu'à un droit de la personnalité et non aux incidences patrimoniales d'une incursion dans les renseignements privés. On voit que c'est au livre des droits de la personnalité, et on ne s'est pas soucié, jusqu'à maintenant, de l'impact que les services de renseignements - je les appelle comme ça, moi - peuvent avoir sur la concurrence et le contrôle des citoyens. Un pays qui est fort, c'est un pays qui a le plus de renseignements possible sur ses amis et ses ennemis. Je dis qu'un commerçant ou qu'un financier qui est fort, c'est celui qui a le plus de renseignements sur le consommateur. C'est votre rôle de modérer cet appétit de renseignements.

M. Bastien: Si vous permettez, je voudrais ajouter... j'ajouterais un élément, aussi. C'est que lorsqu'on regarde l'ensemble des lois qui régis-

sent actuellement ce domaine, on se rend compte que le législateur a bien voulu mettre quand même des balises - que vous avez appelé tantôt - concernant les différents intervenants, qui sont les intermédiaires de marché. Il a mis des balises. Et ces balises-là ne semblent pas exister, actuellement, face aux institutions financières. Le législateur lui-même place des balises parce qu'il y a des renseignements qui seraient drôlement intéressants entre les différents ministères, je crois, sur les individus. Et c'est vraiment cloisonné: il n'est pas possible qu'un ministère puisse aller quérir des informations d'un ministère à l'autre. Et c'est un petit peu le même sens quand on regarde le domaine des affaires, des institutions financières, compte tenu que, de plus en plus, on voit cette... - ce que vous avez signalé tantôt - où les institutions peuvent posséder différents services financiers, que ce soit des compagnies d'assurances, que ce soit des sociétés de fiducie, des banques, etc. Il y a même des services qui ne sont pas des services financiers, carrément, mais qui sont propriété de conglomérats financiers.

M. Bourdon: Maintenant, je voudrais ajouter qu'il y a un curieux paradoxe, aussi, dans ce qui se dit, l'urgence ou non d'avoir une loi sur les renseignements privés. C'est qu'il est difficile d'obtenir des renseignements sur les personnes morales et sur les entreprises, et je dirais qu'à cet égard-là, la vie privée des entreprises est assez bien protégée. Il y a un des mémoires qui nous soulignait l'exemple, au fédéral, d'une entente entre le ministère fédéral du Revenu et Olympia, à New York, par exemple, qui comportait un avantage fiscal de 250 000 000 $. Et ça, il n'était pas possible d'en avoir le détail. Et du même souffle, on dit: Mais les personnes, par exemple, ne limitaient pas la possibilité d'avoir des renseignements à cet égard-là. Je trouve ça un peu paradoxal.

L'autre affaire que je voudrais ajouter, c'est que les dirigeants d'entreprises sont aussi des citoyens. Je ne sais pas si un dirigeant d'entreprise ne trouverait pas qu'il y a un problème avec l'afficheur si son épouse reçoit un appel d'une personne qui veut déplacer un rendez-vous et que, par l'affichage, elle sait qu'il consulte dans une clinique sur les MTS. C'est ça qui se pose à cet égard-là.

En tout cas, je vous remercie de votre mémoire et je trouve que vous assumez bien votre rôle d'être un peu comme les avocats du consommateur, parce que, comme intermédiaire, vous avez à les représenter, à les conseiller et à essayer de les aider à fonctionner.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, j'invite le député d'Orford à échanger avec les invités.

M. Cannon: Si mon collègue me permettait, avant de lui céder la parole, peut-être une petite vite. On parlait beaucoup... J'ai entendu tout à l'heure, au Conseil du patronat, expliquer le code d'éthique, le code de déontologie, cette façon de faire des choses, et je pense que Me Bois vient de nous donner un exemple de sa prudence à cet égard-là.

Dites-moi - même si, dans les institutions avec lesquelles vous traitez, on dit que les informations sur la personne sont confidentielles et qu'elles ne circulent pas, et c'est tout protégé - avec le développement technologique aujourd'hui, y a-t-il moyen d'aller chercher, par exemple, la fréquence des informations sur le comportement de M. X, ou d'une catégorie de personnes, pour constituer des banques qui, potentiellememt, pourraient être des clients pour telle chose, et que ces entreprises-là vendent ces renseignements-là? Ça peut paraître peut-être un peu nébuleux, ce que je vous dis là, mais je reviens à mon article de ce matin que je citais. Il y a une firme, aux États-Unis, qui a effectivement été capable, tout en conservant l'anonymat des individus et en respectant un aspect très important de la vie privée, de vendre des listes de consommateurs qui se servent le plus souvent possible de cartes de crédit, et que ces cartes de crédit, à l'aide d'un modèle économétrique, permettaient d'extrapoler le revenu annuel de l'individu. Et on vendait ces banques-là. Bon! Moi, ça m'apparaît comme étant une façon tout à fait détournée, d'abord de protéger les banques, mais aussi d'aller vendre des renseignements concernant les individus. Il y a une protection, mais, en tout cas, c'est une façon peut-être un peu déviée d'aller chercher ces renseignements. Dites-moi, dans votre secteur à vous, même si on vous dit que des codes d'éthique et de déontologie, ça va protéger les individus, ça va protéger les personnes, parlez-moi donc un peu de vos inquiétudes là-dessus. Parlez-moi donc un peu de ce que vous croyez potentiellement être un danger vis-à-vis le consommateur.

M. Bastien: Je vais demander au directeur général, M. Derome, de répondre à cette partie de la question, parce que, moi, je suis quand même assez récent dans la fonction que j'occupe actuellement, et M. Derome a une grande expérience des nouvelles lois qui ont été adoptées, et de tout ça. Je pense qu'il est plus en mesure de nous apporter une réponse. (12 heures)

M. Derome (Jean-Marie): Alors, dans la mesure où le courtier est concerné, il est évident que, si je remplis une application d'assurance automobile, je n'ai pas à transmettre à la compagnie d'assurance automobile tous les renseignements que je posséderais sur son dossier d'assurance-vie, son dossier de résidence ou son dossier d'autres services financiers, puisqu'on est appelés maintenant à offrir d'autres services financiers. Cependant, quand je transmets cette

information-là à une compagnie d'assurances qui, elle, appartiendrait à un conglomérat financier, et qui transmettrait à son fichier central l'information que j'ai sur l'automobile et, deux semaines après, elle transmet l'information que je possède sur une police d'assurance-vie à une autre de ses filiales, et que ça s'en va tout centraliser, c'est clair et net qu'une bonne journée, si c'est la propriété d'une banque, par exemple, que la banque dise: Moi, j'ai une demande de prêt de Jean-Marie Derome, mais par l'assurance-vie, je sais qu'il fait une dépression, puis je sais qu'il a eu 10 accidents d'automobile dans les deux dernières années; c'est un mauvais client pour moi de lui passer du crédit sur son automobile. Alors, c'est là qu'est le danger, à mon avis. Et nous, dans le courtage d'assurances, la loi 134, et l'article 25 particulièrement, vient nous obliger à obtenir le consentement de notre assuré pour la transmission des informations qu'on obtient de son automobile, si j'en ai besoin, dans un autre secteur financier. Mais il faut quand même que je le prévienne que je veux lui offrir un service financier. Alors, je pense qu'au niveau du courtage, c'est très bien préservé, mais c'est au-dessus de ça, c'est passé la porte d'entrée; la porte d'entrée est préservée, mais passé ça, il n'y en a plus.

M. Cannon: Toutes sortes d'inquiétudes. O.K. Merci.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, justement, je voudrais ajouter à ce que dit le ministre que comme les cartes de crédit ou de paiement, entre autres, puis l'ensemble des données détenues permet de faire des profils de consommation. Mme Plamon-don nous a parlé de l'usage, aux États-Unis, de ce qu'on appelle en anglais, là-bas, des "suckers lists", que je traduirais par des listes de personnes vulnérables, portées à une consommation impulsive. Puis, ça a quelque chose d'un peu effrayant de dire: On va dégager un profil de personnes vulnérables pour concentrer la sollicitation sur ces personnes-là. Dans le fond, c'est aux habitudes de consommation ce que le renseignement sur la visite à l'hôpital procure à l'entreprise de soins funéraires. Et donc, on peut dégager sur des personnes un profil; puis, à partir du profil, faire une pression abusive pour faire acheter un produit.

Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites, que le courtier d'assurances qui, lui, est dépositaire de plusieurs services, eh bien, son approche qu'il a faite auprès du client, dans un contexte où la personne est allée pour un service, on peut lui en offrir un autre. Il ne s'agit pas de dire que le décloisonnement est mauvais en soi, mais la personne, elle ne s'abonne pas pour être sollicitée par tous ceux qui font telle ou telle chose. En tout cas, je trouve que c'est bien intéressant.

Le Président (M. Forget): Merci, M le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Messieurs, bienvenue parmi nous. Je veux saluer de façon particulière M. Derome, qui a été de d'autres guerres antérieures. Je me souviens d'avoir vu M. Derome au moment de la réforme des institutions financières et d'avoir très bien travaillé pour son groupe. Je ne vous demanderai pas "le secret de la Labatt Bleue", mais juste une petite question, peut-être, alentour de ça.

Je prends pour acquis que je suis un mauvais risque: j'ai un téléphone dans mon auto, je n'ai pas une bonne vision, je voyage la nuit et je vais trop vite, etc. Mon courtier d'assurances est probablement au courant de ça, lui. Il l'a probablement dit à un moment donné, pas aussi clair que ça, à mon assureur, ou mon assureur s'en doute déjà à un bon bout de ça. Jusqu'où mon assureur l'a dit à un autre assureur, puis à une autre assureur? Combien y en a-t-il de compagnies d'assurances qui savent peut-être que je suis un mauvais risque? Et quand je vais essayer, via mon courtier, d'aller dans une troisième ou quatrième compagnie d'assurances, combien y en a-t-il qui savent tout mon pedigree, là? Je veux dire: Combien y a-t-il d'échanges entre ces hautes instances? Et ce n'est pas le courtier qui est coupable de ça; là, je vous mets bien en garde. Mais entre compagnies d'assurances, jusqu'où ça va, cet échange? Parce que ce que vous dites, c'est que décloisonner, c'est la solution à tout. Je suis bien prêt à acheter ça, mais j'aimerais bien voir si c'est si vrai que ça, effectivement?

M. Bastien: En fait, sur la question que vous posez concernant la connaissance qu'il peut y avoir entre les compagnies d'assurances, je pense que le législateur a déjà quelque chose de fait là-dessus. Parce qu'il existe depuis le mois de juillet dernier, le mois de juillet 1991, un fichier central, où tous les accidents qui peuvent arriver sont déjà rendus à ce point, à ce fichier central, afin de permettre à un assureur éventuel d'évaluer vraiment le risque. Et ça, je crois que c'est quand même une responsabilité qu'a le courtier d'assurances, parce qu'il est important que l'assureur connaisse vraiment le risque; parce que si on ne déclare pas tout ce qu'on a à déclarer sur un risque, il faut bien se rappeler que la police d'assurance a dit: Toute fausse déclaration entraîne la nullité de la police, du contrat d'assurance, et la nullité, elle peut être de nullité absolue, c'est-à-dire que le contrat n'existe pas. Donc, il est très important que ces informations-là soient connues de l'assureur qui peut, lui, éventuellement, charger une surprime

ou refuser carrément le risque. Refuser carrément, jusqu'à un certain point, parce que la Loi sur l'assurance automobile oblige quand même les assureurs à donner au moins une protection minimale de 50 000 $ en responsabilité civile. Mais, excluant ça, il peut refuser, par exemple, de couvrir le risque sur la partie qu'on appelle la collision ou les autres protections sur le contrat d'assurance.

Ça, je crois qu'on ne pourra pas s'en empêcher et, à mon avis, c'est bien que ce soit ainsi. Parce que si la personne qui a eu beaucoup d'accidents est une personne qui a une conduite automobile un peu erratique, si on ne le fait pas, c'est l'ensemble des autres assurés qui vont finir par payer les pots cassés. Il n'y a pas de miracle dans l'assurance automobile, c'est comme dans toute autre chose. À un moment donné, une compagnie dit: Voici mes revenus, voici mes dépenses. Si ça n'arrive pas, en bas, qu'est-ce qu'elle fait? Elle augmente. Ce fichier central a été institué justement dans le but d'essayer de corriger ce système. Je l'ai vécu, et je sais qu'il y a de mes clients qui l'ont fait. Un client, par exemple, avait eu des accidents chez nous. Il s'en va chez le courtier voisin et il ne déclare pas son affaire. Il a une prime moins élevée. Tant et aussi longtemps qu'il n'a pas d'accident, ce n'est pas pire. S'il a un accident un peu grave, ils vont peut-être le découvrir, mais, en tout cas, il y a des fois où ils ne pouvaient pas le savoir.

M. Benoit: Cette banque de données là, qui a accès à ça - de un? De deux, quelles sont les informations? Est-ce qu'il y a juste la date de l'accident ou s'ils savent que je prends un coup et que... Qu'est-ce qu'ils savent, je veux dire, dans cette banque-là? Ça va jusqu'où, cette banque de données là?

M. Bastien: À mon avis, c'est le renseignement complet sur l'accident qui est arrivé et toutes les circonstances qu'il peut y avoir, parce que c'est le rapport de la Sûreté du Québec qui, assez souvent, va se rendre à ce fichier central.

M. Benoit: Et qui a accès à ça? Si j'appelle demain matin, est-ce qu'on va me donner de l'information?

M. Bastien: Les assureurs y ont accès. Maintenant, je ne sais pas, peut-être que notre aviseur pourrait plus y répondre. Moi, comme particulier, je veux connaître mon dossier. Je crois que je dois avoir accès à cette chose-là. Je ne pourrai pas dire que je n'ai pas eu de demande. Je n'ai pas formulé moi-même de demande et je ne pourrais pas y répondre.

M. Bois: C'est un service réservé aux assureurs. Mais il y a plus redoutable que ça, et c'est surtout en assurance-vie. J'espère qu'on vous a parlé du MIB, qui est le Medical Information Bureau, où à chaque fois que vous signez une proposition d'assurance-vie, même si elle est refusée, il y a une centrale aux États-Unis où tout ça est consigné. Il y a maintenant une filiale canadienne. Mais dès que vous souscrivez une police d'assurance-vie en Amérique du Nord, vous êtes fiché, accepté ou refuse. Maintenant, comment ça circule, ça? Est-ce qu'un assureur qui ne fait pas affaire avec vous peut accéder à ça? Je ne peux pas répondre. Vous avez des pouvoirs d'enquête, vous, que nous n'avons pas.

M. Benoit: Merci.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le député d'Orford. Est-ce que le député de Pointe-aux-Trembles a quelque chose à ajouter?

M. Bourdon: Peut-être remercier nos invités pour leur participation et la qualité de leur mémoire.

Le Président (M. Forget): Alors, merci beaucoup, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.

M. Cannon: À mon tour, je me joins aux voeux du député de Pointe-aux-Trembles pour remercier également M. Derome, M. Bastien et Me Bois de leur présence et de, je dirais, la grande qualité de leur document. Merci et bon retour!

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le ministre. Je remercie les représentants du Regroupement des cabinets de courtage de nous avoir présenté leur mémoire.

J'ajourne les travaux de la commission à mardi prochain, le 19 novembre, à 20 heures. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 9)

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