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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Friday, December 13, 1991 - Vol. 31 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 159, Loi modifiant le Code civil du Bas Canada en matière de tutelle et de curatelle


Journal des débats

 

(Quinze heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Dauphin): Nous commençons. Alors, le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte; elle a pour mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 159, c'est-à-dire la Loi modifiant le Code civil du Bas Canada en matière de tutelle et de curatelle. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, M. le ministre, si vous voulez faire vos remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Oui. Alors, M. ie Président, je voudrais peut-être vous souligner que j'ai le plaisir d'avoir avec moi la Curatrice publique, Mme Fontaine. Elle pourra donc répondre aux questions des membres de cette commission.

M. le Président, on se souviendra que la loi portant réforme de la curatelle publique est venue imposer au Curateur public, entre autres, l'obligation de procéder, d'ici le 15 avril 1993, à la révision de tous les régimes de protection existants lors de l'entrée en vigueur de la loi et, de façon triennale ou quinquennale, de tous les régimes ouverts après l'entrée en vigueur de la loi. Or, en se basant sur les statistiques des dossiers examinés au cours de la première année d'application de la loi, on évalue que 60 % des 16 000 cas de personnes représentées par le Curateur public verront leur régime révisé par le tribunal et que, dans plus de deux tiers de ces cas, il s'agit de personnes qui n'ont plus de famille ou de liens avec elle. Cette situation occasionne donc des délais pour le Curateur public qui, pour assurer un régime de protection conforme à la loi, doit procéder à la convocation d'un conseil de famille sans pouvoir retracer, pour autant, le nombre de parents et alliés nécessaire à la tenue d'un tel conseil.

C'est pourquoi, M. le Président, la modification proposée vise à permettre au Curateur public de s'adresser au tribunal pour obtenir la révision ou l'ouverture de tels régimes sans avoir préalablement réuni un conseil de famille, en autant qu'il puisse démontrer son impossibilité de le faire. C'est ainsi que nous présentons ce projet de loi 159 modifiant le Code civil du Bas Canada en matière de tutelle et de curatelle.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre de la Justice. Maintenant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Discussion générale

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Ma première question serait pour demander au ministre: À défaut de pouvoir convoquer ce conseil de famille et à défaut de pouvoir rejoindre parents et alliés, comment la Curatrice fonctionne-t-elle présentement?

M. Rémillard: Alors, je vais demander à Mme Fontaine, si vous voulez, M. le Président, de répondre à cette question.

Mme Fontaine (Nicole): Alors, effectivement, nous avons là une situation très difficile et même d'urgence. Alors, ce que nous faisons, nous retraçons des personnes... Mettons que nous interprétons de façon très élastique la notion de famille et de proches et qu'avec l'aide des établissements hospitaliers du réseau sociosani-taire nous incluons dans cette approche parfois des professionnels du réseau et des voisins, temporairement, pour pouvoir ne pas retarder indûment. Ça, c'est dans une petite proportion des cas. Dans les autres cas, eh bien, nous ne pouvons tout simplement pas procéder parce qu'il n'y a personne pour constituer le conseil de famille; il n'y a pas les cinq membres. Parfois, nous en trouvons deux, mais souvent il n'y en a pas du tout.

Mme Harel: Et, lorsque vous ne pouvez pas...

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée. Mme Harel: ...procéder, que se passe-t-il?

Mme Fontaine: Les personnes sont en attente. Comme elles ont déjà un régime de protection, elles jouissent au moins d'une protection, mais elles sont en attente que, justement, nous arrivions à trouver une autre façon de procéder plus souple et qui permettrait que, même si elles n'ont pas des proches prêts à venir constituer le conseil de famille, on puisse quand même procéder et aller au tribunal, et voir à ce que le régime de protection soit révisé.

Mme Harel: Alors, ce régime de protection doit être révisé, comme le ministre le mentionnait, depuis l'application de la loi, à tous les trois ans. Donc, le délai se termine le 1er avril 1993, faut-il comprendre, puisque la loi a été

mise en application à partir du 1er avril 1990. Mme Fontaine: 15 avril 1990. Mme Harel: 15 avril 1990. Mme Fontaine: C'est ça.

Mme Harel: Alors, le ministre pariait de 16 000 cas, dont 60 % demandent une révision par le tribunal. Et ça, c'est 60 % de 16 000 cas; alors, il s'agit donc de 9600 cas. Pour ce qui est des 6400 autres, ils auraient été réglés à la satisfaction de la curatelle avec les dispositions contenues dans la loi sur la curatelle.

Mme Fontaine: C'est ça. Ça veut dire que, dans ce nombre de cas, il est possible, il a été possible ou il va être possible, parce qu'on sait que la famille est là, proche, de procéder à la révision de leur régime de protection. Dans les autres cas, nous avons constaté ou nous savons qu'il n'y a pas de proches ou que les proches qui existent ne sont pas intéressés. Vous avez sans doute en mémoire des gens - on en a tous dans nos familles - qui sont hospitalisés depuis 20 ans ou 30 ans et que la famille a carrément oubliés, malheureusement, mais c'est quand même des situations que nous vivons couramment.

Mme Harel: Et, parmi ces proches, y en a-t-il qui ont maintenu une relation affective avec la personne institutionnalisée, mais qui ne voudraient pas devenir tuteurs au majeur, c'est là l'expression, ou encore curateurs privés du fait des obligations financières que ça pourrait leur imposer?

Mme Fontaine: Bon. Oui, il y en a. Il y en avait aussi avant la nouvelle loi puisque les frais pour ouvrir le régime de protection, lorsqu'il s'agit d'un régime privé, sont à peu près les mêmes avant ou après la loi. Alors, en ce qui concerne les frais reliés à l'ouverture - c'est de ça que nous parlons, je pense - il y en a, oui, que ça rebute.

Par ailleurs, lorsque le patrimoine de la personne à être représentée est assez important, s'il en existe un, ces personnes-là peuvent se faire rembourser à même le patrimoine de la personne pour laquelle ou ouvre un régime de protection et, là, ce n'est pas un frein à ce que le proche puisse se présenter comme requérant.

Mme Harel: Le remboursement qu'elles peuvent obtenir à ce moment-là, il est à partir de quel niveau de patrimoine? Est-ce qu'il y a un seuil au-delà duquel il peut y avoir remboursement des dépenses et en deçà duquel il ne peut pas y en avoir?

Mme Fontaine: C'est jusqu'à concurrence des frais encourus, évidemment. Alors, les frais sont en général, autant pour le privé que pour le public, entre 600 $ à 1000 $ par personne, dépendamment de la complexité de la situation et des biens aussi qui sont en cause.

Mme Harel: 600 $ à 1000 $ pour l'ouverture d'un régime de protection. Est-ce que vous avez pu évaluer combien va coûter la révision triennale?

Mme Fontaine: C'est à peu près la même chose pour réviser puisque ce sont les mêmes démarches, donc évaluation médicale et psychosociale de la personne, rapport d'inaptitude, l'examen par le Curateur public et les frais judiciaires lorsque la personne a besoin de voir son régime révisé.

Mme Harel: La loi impose la révision à tous les trois ans.

Mme Fontaine: Oui, c'est ça. Pour les personnes qui sont sous un régime de tutelle, c'est-à-dire qui sont donc temporairement et partiellement inaptes, là, il y a lieu effectivement de réviser aux trois ans. Pour les personnes sous curatelle qui présentent une inaptitude complète et permanente, là, on va aux cinq ans. La loi demande aux cinq ans, ce qui devrait être suffisant.

Mme Harel: Donc, il y a ce déboursé de 600 $, minimum, c'est ce qu'il faut comprendre, quelle que soit la valeur du patrimoine?

Mme Fontaine: Environ. Ça varie, mais cest entre 600 $et 1000 $.

Mme Harel: Et je comprends à ce moment-là que, si un être qui est cher à la personne, un ami ou un allié accepte à ce moment-là, c'est qu'il a ce montant à débourser. Parce que, si la personne pour qui il y a une ouverture de régime de protection n'a, par exemple, que sa pension, alors, évidemment, il n'y pas de remboursement sur la pension. Il y a un remboursement juste s'il y a un patrimoine qui va, j'imagine, au-delà de ce que le Code de procédure civile prévoit comme n'étant pas saisissable.

Mme Fontaine: Si effectivement le proche veut devenir tuteur ou curateur à la personne et qu'il ne peut pas se faire rembourser à même le patrimoine de la personne qui est inapte parce qu'elle n'en a pas suffisamment, il n'en a pas.

Mme Harel: Quel est le seuil?

Mme Fontaine: Je ne sais pas. Est-ce qu'il y a vraiment un... On n'a pas de seuil, je pense. Il n'y a pas de seuil là-dessus.

Mme Harel: Mais, pour bien comprendre,

avec le fait, par exemple, d'être allié, ami avec une personne qui est sous le régime de protection et qui reçoit sa pension seulement, le remboursement peut-il se faire ou ne peut-il pas se faire?

Mme Fontaine: Le remboursement ne peut pas se faire généralement, parce qu'on voit bien que le patrimoine n'est pas suffisant. Mais je pense que pour...

Mme Harel: Dans le fond, ce que je veux vraiment vérifier, c'est: est-ce que, à notre insu - à l'insu des législateurs - l'effet obtenu n'est pas l'inverse de celui qui était recherché? L'effet qui était voulu, souhaité était celui d'engager de plus en plus une responsabilité du milieu familial ou amical auprès de la personne...

Mme Fontaine: Non.

Mme Harel: ...tandis que le fait, par exemple, d'avoir à faire ce déboursé... Vous savez, ce n'est pas rien, 600 $, parce que 600 $, c'est le minimum. Alors, même pour une personne qui n'a aucun patrimoine, c'est ce que je comprends, c'est 600 $. Et puis il y a une réalité qui est assez incontournable. Souvent, les personnes institutionnalisées sont visitées par des personnes du même âge. Je crois que vous avez une expérience encore plus grande que la mienne, mais c'est la réalité que je constate dans le milieu où je suis. Les personnes hébergées sont en général visitées par leurs pairs du même milieu généralement et du même âge.

Mme Fontaine: Ou leurs enfants.

Mme Harel: Leurs enfants, quand ils sont présents, mais, dans les cas qui nous intéressent, souvent, comme il y a de plus en plus de personnes seules dans notre société... D'ailleurs, encore hier, des chiffres éloquents venaient souligner la pauvreté des femmes d'âge moyen seules. On dit que c'est la catégorie des personnes dans notre société qui sont les plus pauvres. Et, ceci dit, si une femme, par exemple, d'âge moyen, seule, qui peut avoir des amis, se trouve à les mettre en situation d'avoir à débourser 600 $ pour devenir responsables, c'est sûr que ces personnes-là vont décliner. Et ce n'est pas nécessairement par désintérêt, mais ça peut être parce qu'elles n'ont pas tout simplement les moyens financiers de leur affection.

Mme Fontaine: La loi prévoit effectivement une alternative à ces situations qui seraient effectivement déplorables. Alors, lorsque les personnes proches ne peuvent pas ou ne veulent pas, en raison de diverses circonstances, qu'elles soient financières ou autres, se porter requérantes pour devenir tuteur ou curateur d'un proche, c'est le Curateur public que le fait à leur place.

Le Curateur public va le faire et va quand même soutenir ce proche-là; même si c'est le Curateur public qui fait la requête devant le tribunal, le Curateur public peut quand même recommander que ce soit ce proche-là, qui est intéressé, qui soit nommé tuteur ou curateur privé à la personne. Il y a donc un moyen...

Mme Harel: Même si les frais encourus seront, à ce moment-ià, de la responsabilité du Curateur public?

Mme Fontaine: C'est ça. Mme Harel: Ah oui.

Mme Fontaine: Ce qui fait qu'on évite l'effet pervers que vous mentionnez qui aurait pu être présent, avec la présence du Curateur public dont c'est, entre autres, la fonction publique de s'assurer que les familles et les proches, bien sûr, sont soutenus dans l'intérêt qu'ils portent à la personne inapte et, même s'il y a des raisons économiques comme celles-là qui se présentent, le Curateur public demeure présent pour pallier.

Mme Harel: Et est-ce que ça s'est produit dans un certain nombre de cas et combien de cas que le Curateur est intervenu et a pu demander au tribunal de désigner une personne comme curateur privé?

Mme Fontaine: Ça se produit très régulièrement.

Mme Harel: Ah oui! Excellent!

Mme Fontaine: Je n'ai pas avec moi un chiffre précis. Mais il serait possible de le... 50 % à peu près? Dans 50 % des cas. C'est-à-dire que, si vous vous souvenez, la loi du Curateur public avait, entre autres, comme objectif de privatiser dans un très grand pourcentage. Alors, que ce soit pour une raison ou une autre...

Mme Harel: Moi, je dirais "responsabiliser" plutôt que "privatiser".

Mme Fontaine: Si vous voulez. (16 heures)

Mme Harel: Parce que privatiser, ça supposerait que, par exemple, les curateurs privés soient responsables de débourser la somme pour le devenir, même s'ils ont des problèmes économiques qui les amèneraient à être incapables de le faire, tandis que, là, on les responsabilise même s'ils n'ont pas les moyens économiques de débourser l'argent, ce que je trouve excellent.

Mme Fontaine: II y a aussi un autre moyen dont nous disposons. Nous pouvons aussi partager la tâche d'un curateur avec une personne de la

famille, avec la personne responsable, je retiens votre expression. Donc, il arrive aussi que nous recommandions que le curateur public soit curateur aux biens, surtout s'il s'agit d'un patrimoine complexe et que la vieille soeur ou le jeune homme ou le fils ne veut pas être pris avec cette charge-là qui peut être assez lourde. Alors, à ce moment-là, le curateur public peut être nommé curateur aux biens et le fils ou le proche peut être nommé curateur à la personne et, donc, continuer à très bien s'occuper de la personne inapte dans la famille, tout en étant déchargé de la tâche de gérer les biens.

Mme Harel: Alors, vous demandez dans ce projet de loi d'un article, de...

Le Président (M. Dauphin): Je vais l'appeler, si vous permettez.

Mme Harel: Ah oui? On n'avait pas encore... Ha, ha, ha!

Étude détaillée

Le Président (M. Dauphin): Pas encore Par contre, ça allait tellement bien que je vous laissais aller là, mais j'appelle l'article 1 du projet de loi.

Impossibilité de réunir le conseil de famille

M. Rémillard: M. le Président, cet article a pour but d'assouplir le mécanisme d'ouverture et de révision des régimes de protection demandées par le Curateur public en permettant au tribunal de procéder sans que le conseil de famille soit tenu, comme l'exige, en principe, l'article 332.9 du Code civil du Bas Canada. Cet assouplissement vise à permettre de procéder efficacement et dans les délais plus courts, dans tous les cas où la personne inapte n'a pas de famille ou n'a pas de lien avec celle-ci. Cette disposition n'affecte aucunement l'obligation du Curateur public, prévue aux articles 14 et 15 de la Loi sur le Curateur public, chapitre C-81, de rechercher un proche apte à assumer la responsabilité du régime de protection et de tenter de réunir le conseil de famille.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Examen de cas particuliers

Mme Harel: Je recevais, en date du 20 octobre 1991, une lettre adressée au ministre de la Justice; en fait, c'est une copie qui m'était envoyée, qui disait ceci... En fait, c'est une copie qui a été envoyée, d'ailleurs, je pense, à tous les grands journaux du Québec, une lettre signée par Mme Denise Chalut, curatrice privée. Alors, c'est certainement une situation que vous connaissez bien parce qu'elle l'a portée à l'attention publique de bien des gens. Alors, je ne dévoile rien en vous interrogeant sur la situation qu'elle met en relief.

Alors, je vais rapidement, M. le Président, présenter cette lettre. Alors, cette dame dit: "Dernièrement, j'accompagnais une amie à la curatelle. Son père, âgé de 97 ans, est sous curatelle publique depuis juillet 1988. Depuis cette date, aucun rapport financier n'avait été émis par la curatelle publique et c'est avec beaucoup d'insistance qu'elle avait enfin réussi à avoir un rapport financier. Dans ce rapport, certaines dépenses faites par la curatelle publique semblent bizarres; exemple, dépenses personnelles, 16 715 $, achat de vêtements, 500 $, une personne de cet âge qui bouge à peine et qui est en chaise roulante ou alitée. Lors de cette entrevue, la personne de la curatelle préposée au dossier était incapable de clarifier les énigmes de ce rapport financier. Ce dossier contient beaucoup de chiffres identifiés en code secret". Il faut comprendre, le langage technocratique, cest un peu comme de la sorcellerie moderne; ce n'est pas évident que c'est accessible à l'ensemble de nos concitoyens. "Ce dossier contient beaucoup de chiffres identifiés en code secret que cette personne ne semble pas connaître. Comment la curatelle peut-elle retracer les 20 000 personnes qui étaient sous sa protection entre 1969 et 1982, afin de leur rendre leur 24 000 000 $ amassés dans ses coffres, alors qu'il lui est très difficile de fournir les détails d'un rapport financier d'une personne sous curatelle publique seulement depuis juillet 1988?"

Et, là, la personne ajoutait. "La curatelle, pour se faire bonne conscience, dit vouloir personnaliser en proposant à la famille de devenir curateur privé, mais les obligations du curateur privé sont sans limites car c'est la loi et il doit s'y soumettre, sans quoi il est sévèrement pénalisé. 1. Toutes les procédures pour devenir curateur privé sont de 1000 S et plus. 2. Il doit fournir à chaque année un rapport financier détaillé, ainsi que toutes les factures de son administration. À chaque année, donner en cadeau à la curatelle un tiers de un pour cent du patrimoine administré - ce qui est le montant qui est prélevé par la curatelle, je crois - une taxe directe sur le patrimoine familial. 4. Le curateur privé doit tout faire gratuitement.' Je comprends que ce n'est pas le cas. Il pourrait y avoir un remboursement. "5. Le curateur privé doit donner sa propre maison en garantie..." Alors, là il y a une sûreté, j'imagine, qui est nécessaire.

Mme Fontaine: C'est ça

Mme Harel: "...pour prouver sa bonne administration. Et sa propre maison, il ne peut la vendre sans passer par la cour et en payer tous les frais. 6. Son rapport financier est analysé à

la loupe et il doit justifier toutes les dépenses car c'est la loi. Sans quoi, il est sévèrement puni." Et la lettre ajoutait: "M. le ministre, il est temps de faire enquête sur les agissements de la curatelle. Le public, les journalistes, les psychiatres, les travailleurs sociaux, tous ignorent et se ferment les yeux devant ces abus de pouvoir. Nous, les curateurs privés, on nous fait ramper et .obéir sans réplique, car c'est la loi." Alors, vous avez pris connaissance de cette lettre.

Mme Fontaine: Oui.

Mme Harel: Elle est à peu près au même effet parfois que certaines autres que j'ai pu recevoir, mais disons que celle-là va nous servir peut-être d'exemple pour que vous puissiez répondre peut-être à chacun des points qui y sont mentionnés.

Le Président (M. Dauphin): Mme ia Curatrice.

Mme Fontaine: Nous connaissons bien, Mme Chalut, ce n'est pas la première fois. Effectivement, elle est irritée...

Mme Harel: Là, il ne faut pas déprécier le témoin.

Mme Fontaine: Pas du tout.

Mme Harel: II faut juste juste répondre aux questions qu'elle pose, dépendamment de la personne, évidemment.

Mme Fontaine: Non, mais je comprends que Mme Chalut est irritée par quelques éléments, effectivement, et peut-être, si on regarde un à un chacun des irritants, effectivement, les honoraires de supervision des curateurs privés ont augmenté avec les nouveaux règlements de la nouvelle loi et ils sont passés de 5 $ qu'ils étaient pour tout patrimoine ou toute situation d'un curateur privé à un minimum de 20 $ et un maximum de 400 $. Alors, pour les personnes qui supervisent un patrimoine assez important, effectivement, il peut arriver qu'elles paient maintenant 400 $ et qu'elles payaient, il y a deux ans, 5 $. Effectivement, ça peut être un peu irritant. Mais si...

Mme Harel: C'est 400 $ par année?

Mme Fontaine: 400 $ par année, c'est un maximum. Quelqu'un peut avoir jusqu'à 500 000 $ ou 1 000 000 $ à gérer et les honoraires de supervision demandés par le Curateur public n'excéderont quand même pas 400 $. C'est le plafond qui est fixé.

Mme Harel: À quel niveau l'atteint-on, le plafond?

Mme Fontaine: À peu près à 120 000 $. À 120 000 $, 121 000 $, le plafond de 400 $ est atteint à ce moment-là. Alors, oui, pour certains, c'est un bond important. Il faut quand même voir que ces honoraires n'avaient pas été indexés depuis 1972. Ça, c'est un élément. Et l'autre élément, c'est que le Curateur public s'est doté de critères aussi de renonciation qui tiennent compte de certaines situations et de la nature des actifs sous gestion. Il y a aussi que les services de supervision du Curateur public ont été étendus à d'autres aspects qu'uniquement de recevoir les états financiers.

Nous offrons aide et assistance aux curateurs privés puisque notre objectif, justement, est de responsabiliser. Nous offrons aide et assistance sur plusieurs plans, que ce soit financier, que ce soit représentation de la personne et, donc, les honoraires sont en conséquence. Ça, c'est un irritant. Un autre irritant important, je pense, c'est la question de la sûreté qui est exigée. Eh bien, vous savez, chaque année au Curateur public, nous devons destituer des curateurs privés pour mauvaise gestion. Et, à ce moment-là, les membres de la famille sont bien heureux, justement, que nous ayons exigé une sûreté.

Heureusement, ça ne se produit pas dans de très, très, très nombreux cas. Je pense que l'année dernière nous avons eu 50 à 60 situations où ça s'est présenté. Mais les curateurs privés, certains d'entre eux sont un peu irrités par cette situation-là, alors que souvent des membres de la famille sont assez heureux qu'il y ait une garantie qu'il y ait une bonne gestion, une supervision de la gestion qui est faite.

Un autre irritant, je pense qu'elle invoque, c'est la question qu'elle doit nous soumettre des états financiers vérifiés. Oui, la première année, nous demandons que les états financiers soient vérifiés lorsque les biens excèdent 100 000 $. Par la suite, lorsque nous constatons une bonne gestion, nous ne les exigeons pas. Nous constatons que la gestion est correcte. Nous recevons le rapport financier, mais nous ne demandons pas qu'ils soient vérifiés en plus à l'extérieur. Alors, ça, c'est un certain allégement aussi.

Quant à la rétribution du curateur privé qui doit gérer un patrimoine complexe, le curateur privé, devant la complexité et la lourdeur de sa tâche, pourrait demander au tribunal d'avoir une certaine rémunération. Mais ce n'est pas le Curateur public qui décide de ça. La curatrice, Mme Chalut, entre autres, pourrait le demander au tribunal. Nous lui avons, d'ailleurs, communiqué ces faits. Nous avons aussi répondu à tous les éléments de sa lettre. Si je reviens à la toute première partie où elle dit qu'elle est venue avec une amie qui l'accompagnait, oui, la loi prévoit que nous rendions des comptes sur demande à un proche, ce que nous faisons généralement. Il peut arriver que la personne chez nous, la responsable de ce client-là ait peut-être mal rendu compte.

Alors, j'ai demandé à Mme Chalut qu'elle veuille bien nous communiquer le nom de la personne. Nous avons un service des plaintes. Nous allons examiner la situation, voir ce qu'il en est et ça nous permettra de corriger cette situation-là si elle s'est présentée.

Mme Harel: L'an dernier, M. le ministre, la curatelle annonçait le remboursement de 25 000 000 $ qui avaient été perçus entre 1969 et 1982. Alors, est-ce que c'est fini, finalement, cette distribution, oui?

Le Président (M. Dauphin): Mme la Curatrice.

Mme Fontaine: Oui, la distribution est finie.

C'est un projet qui a été d'envergure, qui a pris trois ans et qui nous a permis de retracer la très grande majorité, 87 % des gens ont pu être retracés.

Mme Harel: Pour leur annoncer une bonne nouvelle.

Mme Fontaine: Oui, effectivement. Actuellement, je pense que pour eux ça a été une très bonne nouvelle. Nous n'avons reçu à peu près pas de plaintes ou de récriminations là-dessus. On a été capables de retracer vraiment la majorité des gens visés, ceux qui sont encore sous notre juridiction, ceux qui ne le sont plus, ou les héritiers qui ont été touchés par cette remise-là. Et donc la grosse portion, comme je vous dis, 87 %, est remise et les montants restants vont être conservés encore pendant 10 ans, dans l'éventualité où une personne se manifesterait pour réclamer cette portion.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. J'aurais une question concernant un dossier qui me préoccupe depuis quelques semaines, mais je ne connais pas beaucoup le fonctionnement. Vous savez, il y a plusieurs années, disons, il y a 20 ans, parfois, il y avait certains conflits de famille au niveau de certains héritages qui pouvaient être extrêmement intéressants et on demandait, à ce moment-là, une tutelle sur un membre de la famille et on trouvait parfois un médecin compatissant qui était prêt à signer un rapport de psychiatre, etc. Qu'est-ce qu'on fait lorsqu'on a connaissance d'un dossier comme ça et que la personne, après 20 ans, trouve enfin le courage de le dire à quelqu'un, demande une certaine aide, mais a quand même une certaine crainte par rapport aux personnes qui, finalement, ont permis ça?

Mme Harel: La personne est en régime de protection...

Mme Caron: Oui.

Mme Harel: ...depuis 20 ans, mais elle est en institution...

Mme Caron: Elle est en institution.

Mme Harel: ...et assez jeune, je pense, 64 ans. Par exemple, dans le cas qu'illustre Mme la députée de Terrebonne, une personne de 64 ans qui a été institutionnalisée et qui, dans le fond, aurait très bien pu vivre à part entière dans la société, en toute intégrité.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Malheureusement, des cas comme la députée de Terrebonne vient de le souligner, il y en a eu plusieurs au Québec, comme dans d'autres sociétés aussi. C'est ce qu'on appelait la curatelle automatique, c'est-à-dire avec un simple certificat médical des gens pouvaient se retrouver sous la curatelle publique, être privés de leurs biens et aussi de l'administration de leur propre personne. On a mis fin à ce régime, comme Mme fa députée le sait, avec la nouvelle loi. Maintenant, il n'y a plus de curatelle publique. On ne peut pas être sous le système, donc, de curatelle ou tout autre régime de protection si ce n'est par le tribunal, l'action du tribunal. (16 h 15)

Mais, dans ce cas-là, c'est pour ça qu'on a exigé qu'il y ait la révision aux trois ans et cinq ans. Dans le cas où c'est un cas de curatelle et que c'est une situation donc permanente, à tous les cinq ans, ça peut être suffisant. Dans les autres cas, c'est trois ans et c'est exactement l'objet du projet de loi pour qu'on puisse procéder le plus rapidement et le plus efficacement possible a ces révisions. Je vais demander à Mme Fontaine, M. le Président, de compléter mes remarques.

Le Président (M. Dauphin): Mme Fontaine.

Mme Fontaine: D'ailleurs, une situation comme celle-ci ne pourrait plus se passer de nos jours, parce qu'on demande une évaluation médicale et une évaluation psychosociale par une personne différente. De plus, lorsque c'est le directeur général d'un établissement qui nous présente ces recommandations-là, nous les examinons. En plus, nous contactons les membres de la famille, nous avons l'environnement social de la personne, ses liens avec ses proches. Alors, on a tous les moyens maintenant pour vérifier si vraiment la personne est inapte réellement et qu'elle a besoin d'un régime de protection. Alors, je pense qu'on a maintenant, avec la nouvelle loi, des mesures efficaces pour s'assurer que des situations malheureuses comme celles que vous

mentionnez ne se reproduisent plus.

Mme Caron: Puisque les dossiers seront révisés à tous les cinq ans, cinq ans, c'est quand même un petit peu long. Je ne sais pas dans quel ordre ça va se faire, là. Si, par exemple, il doit passer uniquement - je pense au cas qui m'intéresse - dans cinq ans, alors il va se retrouver à 69 ans. Est-ce qu'il y a une procédure qui peut être entreprise pour vous demander une révision plus rapidement?

Mme Fontaine: Oui, dès qu'un doute ou une inquiétude existe quant à la pertinence d'un régime de protection pour une personne, vous pouvez en faire part directement au Curateur public ou encore au directeur général de l'établissement où elle se trouve - si elle est hébergée quelque part, elle reçoit des soins - qui, lui, a l'obligation de s'assurer qu'il y a une évaluation médicale et psychosociale de la personne et qu'on révise son état de situation.

D'ailleurs, au début du projet de révision, dès avril 1990, lorsque nous avons amorcé le plan d'ensemble de ce projet-là partout à travers la province, nous avons rencontré les 900 établissements et nous avons demandé à toutes les directions générales de ces établissements-là, si possible, tout de suite, dès les premières étapes de la révision, qu'elles nous envoient les cas des personnes pour lesquelles il y aurait une grande possibilité de mainlevée de régime, de façon à ce que, pour les personnes comme celle, entre autres, que vous mentionnez, nous puissions tout de suite procéder à leur révision parce qu'il apparaît très évident qu'elles pourraient bénéficier grandement d'un changement de régime. Donc, cette mesure nous a permis de passer, peut-être, des priorités. Mais, en tout temps, la personne, le proche que vous mentionnez pourrait le signaler à notre attention ou encore à la direction de l'établissement.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. J'ai une autre question. L'article du projet de loi 159 propose que le Curateur public, une fois qu'il a démontré des efforts suffisants pour réunir le conseil de famille, puisse demander l'ouverture ou la révision d'un régime de protection au tribunal. Je comprends que tous les motifs et les arguments ont été développés autour de la révision d'un régime de protection. Mais l'ouverture présente-t-elle les mêmes difficultés que la révision? Parce que j'ai compris, à la lecture que j'ai pu faire avant cette commission, la nécessité de faciliter les choses étant donné l'institutionnalisation des personnes qui sont en régime de protection et pour lesquelles il y aura une révision maintenant à tous les cinq ans. Cette institutionnalisation aurait certainement pu avoir comme effet de distancîer leurs proches. Mais, lors de l'ouverture d'un régime, je me suis demandé pourquoi vous teniez à avoir, finalement, le même dispositif pour l'ouverture que pour la révision.

Mme Fontaine: Parce qu'il arrive des situations aussi, au moment de l'ouverture d'un régime, où les proches ne désirent pas s'occuper de la personne. Ils ne veulent rien savoir de la personne. Il y a ça ou encore les proches, il y en a un en France, un en Australie, bon, on n'arrive pas... Mais c'est dans une beaucoup moindre mesure tout de même que la situation de la révision où, là, nous avons des personnes qui sont sous notre juridiction depuis 20 ans et plus, et, à ce moment-là, les proches, effectivement, comme vous le soulignez, s'en sont désintéressés en beaucoup plus grand nombre.

Mme Harel: II n'y a pas de danger au moment de l'ouverture qu'on en revienne, non pas sous votre sage direction, à un système où ça facilite les choses, finalement, au point où... que ça les facilite trop en fait. J'ai compris, par exemple, qu'il y a un test que vous devez passer, c'est-à-dire vous devez démontrer que des efforts suffisants ont été faits pour réunir le conseil de famille. Alors, il faut donc que vous ayez fait ces efforts. De quoi s'agit-il? Enfin, de quelle sorte d'efforts s'agit-il?

Mme Fontaine: Oui, je vais vous dire ce qu'on fait présentement et ce qu'on va continuer à faire. Comme on maintient toujours l'objectif de responsabiliser, de soutenir la responsabilité des familles, alors, bien sûr, notre objectif est de trouver des membres de la famille presque à tout prix, là. Alors, on va continuer à faire ces efforts. Ce que nous faisons présentement, c'est que, dans l'évaluation psychosociale, il est demandé de nous indiquer, puisque les gens sont en institution dans la grande majorité des cas, les liens familiaux, les gens qui les visitent ou, s'ils ne les visitent plus, la connaissance que l'institution a du proche. Donc, à partir de ça, nous, nous communiquons avec les proches. Nous communiquons de nouveau avec les professionnels si on ne les a pas trouvés. On va faire une recherche intensive. On y consacre des heures, vous savez. On va parler à un frère pour qu'il nous aide à retrouver les autres. Parfois, on se fait répondre: Bien, vous savez, il est à New York depuis 20 ans, je ne l'ai pas vu depuis 20 ans. Ça, ça se passe aussi.

Alors, les efforts qu'on va faire, c'est de continuer à les rechercher très activement, vraiment jusqu'à une certaine limite et, si on ne les trouve vraiment pas, que ce n'est pas possible, là, à moins de mettre un détective privé, bon, là, on va expliquer les recherches qu'on va

avoir faites, qui on a contacté, comment et les diverses circonstances entourant cette recherche et, sur affidavit circonstancié, on va exposer au tribunal la situation. Mais le fait que le tribunal conserve la décision de trouver que l'effort est suffisant ou pas ou qu'il pourrait nous dire: Écoutez, madame, retournez faire vos devoirs, je pense que c'est une bonne garantie que, pour la personne, on a vraiment fait les efforts qu'il fallait.

Le Président (M. Dauphin): Ça va Est-ce que l'article 1 est adopté? Adopté. J'appelle l'article 2.

M. Rémillard: M. le Président, l'entrée en vigueur immédiate du projet est nécessaire pour permettre de faire bénéficier dans les meilleurs délais un grand nombre de personnes inaptes, soit le régime de protection dans les cas des demandes d'ouverture, soit d'un régime approprié s'il s'agit d'une demande de révision.

Le Président (M. Dauphin): L'article 2 est adopté. Donc, est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Est ce que l'ensemble du projet de loi est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Donc, la commission des institutions a accompli le mandat qui lui était confié par la Chambre et ajourne ses travaux sine die Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, vous me permettrez de remercier Mme Nicole Fontaine, Curatrice publique, qui est accompagnée de Mme Marjolaine Loiselle, du bureau du Curateur public, Me Aidée Frenette, Me Yves Claude, du ministère de la Justice, et Mme Julienne Pelletier, de mon cabinet.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Je veux également m'associer à tous ces remerciements que le ministre vient de faire et dire en particulier à Me Fontaine et à la personne qui l'accompagne qu'il y a sans doute de ces irritants dont elle a parlé, mais il y a aussi chez un grand nombre de nos concitoyens qui font appel à nos bureaux de comté, la satisfaction de voir que leur participation est vraiment favorisée. Alors, je voulais qu'elles sachent que je considère qu'il se fait du très bon travail à la curatelle.

Mme Fontaine: Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'apprendre ça.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Donc, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 25)

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